La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de treize heures et neuf minutes pour le groupe SRC, dont 648 amendements sont en discussion ; seize heures et cinquante-quatre minutes pour le groupe UMP, dont 1 356 amendements sont en discussion ; quatre heures et vingt-trois minutes pour le groupe UDI, dont 147 amendements sont en discussion ; deux heures et vingt-deux minutes pour le groupe RRDP, dont 81 amendements sont en discussion ; deux heures et douze minutes pour le groupe écologiste, dont 162 amendements sont en discussion ; deux heures et vingt-huit minutes pour le groupe GDR, dont 116 amendements sont en discussion, et quarante-quatre minutes pour les députés non inscrits.
Mercredi soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 9.
La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.
Monsieur le président, je souhaite vous informer que je demanderai une suspension de séance à l’issue de la discussion sur l’article, afin de réunir la commission spéciale au titre de l’article 91 du règlement. Nous devons en effet examiner de nouveaux amendements avant leur discussion en séance.
La suspension est de droit. Nous suspendrons donc nos travaux à l’issue de la dernière intervention sur l’article.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 9.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
Monsieur le président, au nom du groupe UMP, je salue votre arrivée au perchoir et vous souhaite le meilleur mandat possible à cette place. Je salue également notre collègue Sirugue, auquel vous succédez, et le remercie pour les nombreuses heures durant lesquelles nous avons échangé avec lui dans cet hémicycle.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP et GDR.
Monsieur le président de la commission spéciale, je vous remercie de votre information concernant les amendements à l’article 9, qui donnera peut-être à la discussion une couleur particulière. Je ne prolongerai donc pas mon propos sur cet article, lequel sera sans aucun doute largement réécrit.
Il y a dans cet article, et dans la manière dont vous envisagez, monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, les diverses modifications du permis de conduire, certains éléments qui ne nous conviennent pas. Notre groupe est particulièrement attentif à trois points.
Premièrement, certains aspects de l’article ont trait au commerce, à l’échange et à l’achat d’une prestation de service par des apprentis au permis de conduire – ce qui explique naturellement la présence de cet article dans votre texte – mais la dimension relative à la sécurité routière nous semble prioritaire. Or, c’est un domaine qui relève de la compétence du ministre de l’intérieur
Avec toute la considération que j’ai pour votre personne ainsi que pour vos fonctions, monsieur le ministre, je regrette donc de constater que c’est vous qui entamez ici cette discussion. Au terme de nombreuses conversations avec le précédent et l’actuel ministre de l’intérieur, ainsi qu’avec le cabinet du Président de la République, la profession avait pourtant obtenu des engagements formels allant dans le sens d’une grande loi de réforme et il est bien dommage que le texte qui nous est soumis ne corresponde pas à ces engagements pris depuis des mois. Nous en déduisons que les enjeux commerciaux priment sur les considérations de sécurité routière, mais cela ne peut pas nous convenir.
Deuxièmement, le texte comporte la perspective d’une libéralisation très rapide de tout ce qui touche à l’enseignement du permis de conduire, théorique et pratique, en ligne. On sait quelle guerre se livrent en ce moment les sites internet, notamment www.autoecole.net et www.ornikar.com, qui cherchent à tout prix à obtenir des agréments de la préfecture de police. Jusqu’à présent, ils ne bénéficient d’aucune autorisation, si bien que, dans les conditions actuelles, plusieurs d’entre eux n’ont pas le droit de dispenser leurs enseignements sur internet et qu’ils seront rappelés à l’ordre dans quelques jours par la préfecture de police.
Il faut donc examiner d’un peu plus près l’incidence de cet enseignement de la conduite majoritairement en ligne sur la relation pédagogique personnelle, élément somme toute non négligeable. Cette fascination du monde contemporain pour tout ce qui est en ligne, au détriment de la relation personnelle, doit aussi nous faire réfléchir.
Troisièmement, ces nouvelles technologies risquent d’avoir une incidence sur la permanence, dans nos villages et nos territoires, des entreprises artisanales qui assurent une activité locale, assez peu délocalisable si l’on considère que la relation de personne à personne dans la transmission d’un savoir est prioritaire et qu’il faut la maintenir.
Ainsi, la manière dont vous envisagez cette réforme, en règle générale, ne nous paraît satisfaire ni aux impératifs de sécurité routière, ni au respect des réglementations en vigueur, ni à la transmission humaine des savoirs dans un contexte d’apprentissage, ni au maintien d’activités artisanales.
En outre, la priorité que vous continuez à donner au service public, monsieur le ministre, en refusant d’ouvrir la possibilité de l’intervention d’inspecteurs privés dans l’examen pratique du permis de conduire, ne permettra pas de fluidifier et d’accélérer le passage des examens, ce qui est pourtant votre souhait.
Pour ces raisons, comme je l’ai déjà dit, notre groupe votera contre les articles relatifs au permis de conduire, à moins que l’examen des amendements au titre de l’article 91 ne conduise à des évolutions radicales, ce dont, à titre personnel et sous bénéfice d’inventaire, je doute profondément.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je vous remercie, monsieur Poisson, pour les mots aimables que vous avez prononcés me concernant. À mon tour, je salue respectueusement, comme je l’ai fait jeudi 15 janvier dernier, le travail réalisé par mon prédécesseur, Christophe Sirugue.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.
Je m’associe bien entendu aux remerciements sur la qualité de la présidence dans cet hémicycle, d’une manière générale. Je ne rappellerai pas les enjeux de ce sujet emblématique du projet de loi que nous examinons.
Le permis de conduire, premier diplôme en France, concerne des millions de Français. Aussi les dispositions du projet de loi à ce sujet sont-elles probablement les plus observées. Elles seront lues, monsieur le ministre, à l’aune des engagements que vous avez vous-même pris sur votre texte, ceux de simplifier, de rationaliser, d’introduire de l’efficacité et du concret, et de rompre avec les rentes de situation. Vous avez souhaité bousculer le système et percuter ses résistances, archaïsmes et éléments rétrogrades qui empêchent les Français d’avoir accès à des services publics efficaces, fluides et de qualité.
Nous sommes donc au coeur de ce que la politique peut produire comme résistances et retournements de situation.
Le permis de conduire est un examen organisé par l’État. Dans l’amendement que nous vous présenterons tout à l’heure, il n’est pas question de retirer à l’État la supervision, le contrôle du permis de conduire. Il y sera simplement question d’externalisation en confiant cette mission à des organismes certificateurs. À cette proposition de délégation à des organismes certificateurs, on peut opposer de nombreuses objections, dont une première concernant la sécurité.
S’agissant de ce thème de la sécurité, on peut observer, d’une manière générale, que l’État a déjà confié à des organismes certificateurs des missions extrêmement sensibles dans toute une série de domaines, notamment dans le domaine industriel, avec par exemple la surveillance de la sûreté nucléaire, de processus normatifs très délicats. Le ministère de l’industrie sait que ces délégations fonctionnent. Celles-ci permettent à l’État d’assurer son rôle de tutelle, de supervision, tout en confiant aux organismes certificateurs, sur la base de cahiers des charges extrêmement précis, le soin d’opérer les contrôles pour son compte.
On peut légitimement se poser la question de savoir si les organismes certificateurs auront les capacités nécessaires dans ce domaine. Celles-ci s’évaluent au regard d’une norme, celle du permis de conduire, que chaque pays d’Europe décline à sa manière directement par les acteurs publics en France, indirectement par le truchement d’organismes certificateurs, de sociétés privées, de délégations de service public, d’agences dédiées dans différents pays d’Europe.
À partir du moment où la norme est respectée et où la formation de ceux qui la dispensent l’est également, le sujet de fond n’est pas remis en cause, et c’est heureux. Il suffit de regarder les chiffres de la sécurité dans les différents pays d’Europe pour constater qu’il n’y a pas de corrélation entre la manière dont est organisée l’épreuve du permis de conduire et les résultats en matière de sécurité.
Quand bien même aurait-on un doute, notre proposition permettrait de redéployer les inspecteurs du permis de conduire sur des missions de prévention, d’information, de contrôle des auto-écoles ou des stages de récupération de points, bref toute une série de missions qui relèvent de la responsabilité de l’État, mais qui, faute de temps, ne peuvent être assurées par les inspecteurs.
S’agissant de l’externalisation, certains peuvent penser, à l’instar de M. Chassaigne, que la privatisation n’est pas acceptable. Je pourrais entendre cet argument, mais c’est bien vous qui l’avez introduite dans votre texte, notamment pour l’épreuve du code et pour le permis poids lourds. Pourquoi ce qui est possible pour une série d’épreuves ne le serait-il pas pour celles qui sont affectées par le délicat problème de la saturation ?
C’est vous qui avez ouvert la porte à l’externalisation. Nous, nous nous contentons de vous inciter à mettre en oeuvre cette « privatisation » là où cela serait vraiment efficace, là où les besoins sont réels. En fait, c’est jouer sur les mots que d’ouvrir cette hypothèse sans la décliner là où elle serait de nature à simplifier la situation.
L’argument relatif à la sécurité ne tient donc pas, et notre proposition serait même, au contraire, de nature à améliorer la sécurité. Quant à l’argument de principe sur l’externalisation, il ne tient pas non plus puisque c’est vous-même qui avez introduit celle-ci.
Reste l’argument économique évoqué lors de nos débats avant-hier : cela va coûter à l’usager. À cet égard, je ferai certaines remarques. Dans son rapport remis au ministre de l’intérieur, le Conseil national de la sécurité routière a évoqué la possibilité de faire payer l’épreuve, faisant valoir que cela permettrait de financer des inspecteurs supplémentaires. Pourquoi pas ? Mais la proposition n’a pas été retenue.
L’argument sur le coût – nos discussions d’avant-hier l’ont montré – relève de la plus totale hypocrisie. En effet, aujourd’hui on assiste à la combinaison de plusieurs phénomènes. La rareté des places d’examen a engendré l’émergence d’une économie périphérique, avec notamment des auto-écoles qui font payer entre 200 et 300 euros la présentation au permis de conduire. C’est une prime à celui qui peut payer.
En payant une inscription, le candidat aura droit à une place prioritaire, mais on va le dissuader d’aller trop vite et l’encourager à prendre davantage d’heures. C’est bien là une économie parallèle qui se construit. Prendre plus d’heures, c’est sécuriser les places d’examen pour les auto-écoles, mais c’est ausis renforcer les modèles économiques. Tel est l’effet pervers de la gestion de la rareté.
Par ailleurs, des brokers proposent des systèmes parallèles. Leur argument est simple : « comme il n’y a plus de places dans votre département, on vous en déniche une en Corrèze, dans la Creuse ou dans telle ou telle région ». Cela s’apparente à du courtage entre différents départements. C’est extrêmement malsain, mais c’est une réalité. Ce phénomène d’optimisation s’observe sur l’ensemble du territoire.
En outre, le recours au permis passé à l’étranger progresse également. Les candidats vont passer leur pays dans un pays où il existe une convention de réciprocité avec la France. Mais alors, on n’est pas sûr du tout de la qualité de l’examen et de l’enseignement proposé dans ces pays.
Par ailleurs, la conduite sans permis se développe dangereusement : 39 000 personnes sont contrôlées sans permis chaque année. Et si l’on rapporte ce chiffre aux statistiques du contrôle routier, nous arrivons à un nombre oscillant entre 500 000 et 2 millions de personnes qui conduisent sans permis au mépris total des règles de sécurité et d’assurance, mettant en danger les autres et eux-mêmes !
C’est l’incapacité de l’État de traiter de manière efficace l’organisation du permis de conduire qui génère cette économie parallèle, ces transferts dans d’autres régions, ces permis à l’étranger, ces conduites sans permis. La situation n’est plus acceptable. Et la solution que nous vous proposerons pour la régler est extrêmement simple et permettrait de préserver le rôle de l’État et des inspecteurs. Les organismes certificateurs feraient passer le permis, donneraient un avis à l’État qui délivrerait le permis sur la base de cet avis. C’est une mécanique qui fonctionne dans de nombreux domaines et qui ne fait pas débat.
Vous ne remettriez pas en cause la sécurité, bien au contraire. Celle-ci serait redéployée sur d’autres choses. Les derniers chiffres de la sécurité routière montrent d’ailleurs la nécessité d’un tel redéploiement.
Cette proposition n’aurait pas non plus pour effet de renchérir le prix du permis dans la mesure où l’organisme certificateur ferait passer le permis de conduire pour le prix d’une heure de conduite, à savoir 40 ou 50 euros.
C’est bien moins que ce que paient nos compatriotes aujourd’hui, à savoir 3 000 euros pour un permis ! Et je ne parle pas des candidats qui doivent prendre cinq, dix, quinze, vingt heures supplémentaires, faire des contorsions pour passer un permis au Maroc ou pour essayer de trouver une place dans un département français disposant d’un petit reliquat de places disponibles.
De plus, cela permettrait d’optimiser les heures de conduite. Au bout de vingt heures, le candidat pourrait passer un examen blanc auprès de l’organisme certificateur pour savoir s’il est prêt à passer le permis, optimisant ainsi son enseignement.
Il n’y a donc aucune raison objective, mes chers collègues, pour s’opposer à notre proposition qui va dans le sens de ce que vous avez vous-même décliné s’agissant d’autres dispositifs. Une telle solution ne coûterait rien à l’État, permettrait de redéployer les inspecteurs sur d’autres missions et diminuerait très fortement le prix du permis de conduire pour les Français sans remettre en cause la sécurité, mais en la renforçant.
Les députés du groupe UDI, monsieur le ministre, sont extrêmement déterminés pour deux raisons. D’abord, parce que cette proposition a du sens.
Ensuite, parce qu’elle devrait être un emblème de votre texte. Sur ce sujet qui concernent des milliers de Français, nous sommes en effet bloqués par la pression non pas de telle ou telle administration centrale, mais de quelques individus syndiqués qui veulent conserver leur rente de situation.
On n’a pas le droit d’opposer des millions de Français qui ont besoin du permis de conduire à quelques centaines de syndicalistes qui bloquent le système en menant un combat d’arrière-garde extrêmement malsain. Personne ne remet en cause leur métier, leur rémunération, leur avenir, la qualité de leur mission. Bien au contraire, on leur demande simplement de « lâcher un peu la bride » pour redéployer leur métier sur des missions de prévention, de contrôle etc.
Et si l’on sent une résistance de votre côté, c’est en raison de la pression du syndicat Force ouvrière sur les inspecteurs du permis de conduire. Mais comment pouvez-vous accepter une telle épreuve de force au moment où nos compatriotes rencontrent tant de difficultés en matière de pouvoir d’achat, de recherche d’emploi, alors même que votre texte affichait dès le départ une ambition de ce point de vue ?
Voilà pourquoi – et je parle sous le contrôle de notre président de groupe – tout en faisant preuve de pédagogie sur le fond, nous sommes extrêmement déterminés à aller au bout de cette logique dans le cadre de nos discussions.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Tout d’abord, je vous prie, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, de bien vouloir m’excuser car je vais devoir quitter l’hémicycle pour assister à des obsèques où je dois prononcer une allocution. Je ne pourrais donc sans doute pas écouter vos réponses.
Je voudrais réagir aux propos qui ont été tenus par M. Fromantin et par M. le ministre.
Monsieur Fromantin, vous avez laissé entendre que les inspecteurs du permis de conduire s’opposaient à la privatisation du permis pour des raisons corporatistes. C’est le mot que vous avez employé avant-hier. Aujourd’hui, vous êtes allé plus loin en les mettant directement en cause, et en indiquant que le blocage viendrait d’individus qui ne voudraient pas « lâcher la bride ». De tels propos sont extrêmement choquants.
Je tiens à rappeler que les inspecteurs du permis de conduire ne sont pas une corporation ; ce sont des fonctionnaires de l’État. Et quand des fonctionnaires défendent le modèle du service public, ils ne défendent pas des intérêts corporatistes. Je le dis avec solennité, avec force car j’observe, séance après séance, que l’on cherche à faire passer l’idée que les fonctionnaires seraient des individus recroquevillés sur quelques privilèges…
…et seraient opposés à toute modernité, à toute évolution, en considérant que la réponse aux besoins ne peut passer que par la marchandisation. Je ne partage pas cette approche, même si je peux comprendre que d’autres la défendent.
Monsieur Fromantin, pourquoi transférer à des organismes certificateurs des missions que la fonction publique peut assurer ?
C’est là une question de fond qui traverse nos débats, non seulement depuis ces bancs, mais aussi du fait du ministre, M. Macron.
Monsieur le ministre, vous adressant avant-hier à nos collègues de droite, vous avez déclaré : « Si cette réforme avait été réalisée avant, sous la précédente législature, peut-être discuterions-nous aujourd’hui de l’étape d’après ». Nous sommes plusieurs sur ces bancs à avoir interprété vos propos comme un souhait de voir cette étape se traduire par une privatisation complète du permis de conduire. Pouvez-vous préciser s’il s’agit là d’une position partagée au sein du Gouvernement, plus particulièrement par le ministre de l’intérieur, ou de votre position propre ? Toujours est-il que vos propos ont laissé croire qu’il s’agissait de votre projet.
Vous avez indiqué que vous défendiez aujourd’hui une position de compromis pour respecter l’engagement pris par le ministre de l’intérieur auprès des inspecteurs, que vous désignez à demi-mot comme le verrou de la réforme. Vous portez ainsi l’idée – mais c’est votre philosophie – que, selon vos propres mots, par nature, le service public et les fonctionnaires bloquent toute évolution permettant de répondre aux besoins. Dans ces débats, monsieur le ministre, vous avez maintes fois exprimé la conviction – certes avec honnêteté intellectuelle – que le service public doit disparaître au profit du privé. Vous présentez les défenseurs du service public comme des idéologues éloignés du réel – même si cela peut s’expliquer par les échanges particulièrement vifs que nous avons pu avoir ou par des images que j’ai moi-même pu utiliser.
Or, il y a une autre réalité que celle du profit et de la rentabilité. Il y a d’autres valeurs qui irriguent notre société, des valeurs qui sont non pas rétrogrades, mais, au contraire, modernes et progressistes : les valeurs d’égalité et de solidarité. Ce sont ces valeurs qui animent notre attachement au service public et elles sont bien plus modernes que le retour à la marchandisation de toutes les activités de notre société, qui nous ferait revenir au début du XXe siècle ou au XIXe siècle, et ça c’est rétrograde !
Nous allons proposer durant les débats de supprimer, en toute logique après les propos que je viens de tenir, les mesures d’externalisation de l’épreuve du code de la route et d’une partie du permis poids-lourd. Nous estimons en effet que vous tirez ici prétexte de l’objectif de réduction des délais – auquel nous souscrivons – pour transférer au privé une activité publique. Comme l’a rappelé notre rapporteur, 110 000 places ont déjà été libérées en réduisant la durée de l’épreuve pratique de 35 à 32 minutes, ce qui a permis de faire passer le rythme d’examen de 12 à 13 candidats par jour et par inspecteur. Si nos calculs sont bons, nous n’avons plus que 90 000 places à libérer pour couvrir les besoins, à quoi vous voulez ajouter 80 000 places supplémentaires pour éponger le stock. Il n’était pas nécessaire pour cela de passer par la loi et de privatiser une partie des épreuves du code de la route pour atteindre cet objectif. Ce chiffre de 90 000 places d’examen correspond approximativement à 34 postes d’inspecteurs en équivalents temps plein. Or, comme je l’ai dit voilà deux jours, les effectifs sont aujourd’hui inférieurs de 40 postes au plafond d’emplois. Il était donc parfaitement possible de recruter des inspecteurs et de régler ainsi la question du flux.
Cher ? Peut-être avec une protection sociale et des salaires différents. Mais, vous savez bien qu’en principe, pour une entreprise privée, une activité vise aussi à gagner de l’argent.
Il faudrait donc démontrer ce qui est cher et ce qui ne l’est pas
Pour ce qui est du stock, des marges de manoeuvre existent. Confier à l’éducation nationale l’épreuve pratique pour les poids lourds libère près de 40 000 places. La directive européenne prévoyant une durée d’épreuve de 25 minutes, il était possible de libérer plus de places en réduisant encore la durée des épreuves. Il n’était donc, selon nous, aucunement nécessaire d’externaliser à des organismes agréés une partie des épreuves.
Le choix que vous faites est dicté non pas par des considérations pratiques, mais par des motivations idéologiques. Comme pour les autocars, l’objectif est ici d’ouvrir de nouveaux marchés en faisant reculer le champ du service public. Au bout du compte, monsieur le ministre, vous faites reculer l’État au profit d’intérêts privés, en prétextant que c’est au profit de nos concitoyens.
Quant à vous, monsieur Fromantin, au nom de la rareté, vous militez pour une inflation des places aux épreuves de l’examen – vous venez de le rappeler et vous connaissez d’ailleurs le sujet bien mieux que moi. Une telle prolifération, qui serait une réponse à la saturation et serait aussi profitable aux entreprises concernées, pourrait également avoir des effets négatifs pour les candidats. Nous savons bien que le risque inhérent à l’inflation de places est de pousser les auto-écoles à remplir les places disponibles avec des candidats qui ne seraient pas forcément au niveau. Le nombre de présentations à l’examen pourrait en être multiplié et, avec un coût moyen de 150 euros par présentation, la facture pourrait être rapidement salée pour le jeune qui prépare son permis de conduire.
Nous devons certes veiller à augmenter le nombre de places, mais aussi être très attentifs à cette prolifération. S’il existe des zones tendues où les besoins de places sont criants, comme en Île-de-France, les besoins sont pleinement satisfaits dans nombre de territoires. Faut-il légiférer pour toute la France, au risque de créer des situations locales d’inflation de places là où, précisément, les problèmes ne se posent pas de la même façon ?
Pour ce qui concerne enfin la conduite supervisée, nous appelons l’attention sur les insuffisances du dispositif. Il nous semblerait ainsi préférable que la conduite supervisée ne soit pas sanctionnée par des contrôles pédagogiques payants et que les auto-écoles puissent remettre aux candidats, lorsqu’elles estiment qu’ils sont prêts, un certificat de fin de formation.
Sous bénéfice de ces observations, nous proposerons un amendement tendant à supprimer les alinéas 1 à 11 de l’article, ceux précisément qui externalisent une partie de l’activité des inspecteurs du permis de conduire, dans la logique même de l’approche que nous avons adoptée depuis le début de la discussion sur ce projet de loi.
Nous savons que, pour faire baisser le coût du permis de conduire – car c’est bien là que se situe le problème –, il faut parvenir à réduire le temps d’attente imposé aux candidats avant de passer l’examen. Ces délais d’excessifs les obligent en effet à reprendre des heures de cours supplémentaires, très coûteuses. Le temps d’attente est actuellement de trois à six mois et dépasse souvent six mois lorsque les candidats passent l’examen pour la deuxième fois. Pour faire évoluer les modalités de passage de l’épreuve pratique du permis B, la seule solution serait d’en confier l’organisation à des organismes certificateurs, sous contrôle des inspecteurs, comme cela se fait d’ailleurs dans de nombreux pays européens.
L’amendement de M. Fromantin, soutenu par l’ensemble du groupe UDI, va dans ce sens. Il s’agit non pas de privatiser le système, mais de l’assouplir et de le simplifier, dans l’esprit du projet de loi. Ce texte est d’ailleurs souvent jugé compliqué, mais voilà une mesure concrète qui parlerait beaucoup à nos concitoyens. Il convient donc de la soutenir, et d’autant plus que le Président de la République a fait de la jeunesse un enjeu majeur de son quinquennat. Or, ce sont bien les jeunes qui sont affectés par les délais et le coût de l’accès au permis de conduire.
Je suis élu d’un territoire rural, la Mayenne, où les candidats sont sans doute moins nombreux qu’en Seine-Saint-Denis, mais où le permis de conduire est un outil indispensable pour un jeune, notamment dans sa recherche d’emploi, dans l’accès à l’emploi et, d’une manière générale, dans la mobilité. Plus que les autres, en raison souvent de l’absence de services de transports en commun de proximité, les ruraux ont besoin de passer le permis de conduire et cela dans les meilleures conditions possibles, en termes tant de délais que de coût financier.
Je soutiens donc avec beaucoup d’enthousiasme l’amendement de M. Fromantin, un amendement qui a du sens et qui répond à un besoin d’équité entre nos concitoyens. C’est tout simplement, selon moi, une mesure de justice sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Monsieur le ministre, la conduite accompagnée, que vous voulez rendre possible dès l’âge de quinze ans, est une excellente mesure. Cependant, si votre projet de loi est ouvert vers l’emploi et le développement de l’activité – ce en quoi nous y souscrivons –, vous prenez en même temps dans le domaine de l’apprentissage des mesures qui empêchent les jeunes d’aller vers certains métiers. Il est par exemple difficile, voire interdit, à un charpentier d’utiliser une échelle ou à quelqu’un qui travaille dans le domaine des espaces verts d’utiliser une tondeuse à gazon, ce qui représente un frein à l’apprentissage. Or, vous allez aujourd’hui permettre la conduite automobile à l’âge de quinze ans alors que, sauf erreur, un véhicule automobile est une machine dangereuse.
La conduite accompagnée doit faire l’objet d’une surveillance et d’un accompagnement mais, si vous voulez vraiment créer de l’emploi, il faut prendre les mesures nécessaires en faveur de l’apprentissage.
Pour passer le permis de conduire, les délais sont trop longs, parfois surréalistes. Je salue à ce propos l’opiniâtreté de notre ami Jean Lassalle, qui a fait hier un exposé exceptionnel.
Dans ma circonscription, les jeunes ne trouvent pas de travail ou de contrats d’apprentissage s’ils n’ont pas le permis de conduire. Comme vous, monsieur le ministre, je suis donc persuadé qu’une réforme est indispensable. En effet, le permis de conduire est aussi un permis de travailler, notamment dans les territoires ruraux de notre pays. Je vous invite, monsieur le ministre, à venir dans le Pilat, dans le Forez ou dans l’Ondaine. Vous serez très bien reçu et vous constaterez par vous-même que les distances, le relief et le climat ne permettent pas de se déplacer en deux roues sans permis.
Réformer seulement l’examen me semble cependant être une erreur, surtout au moment où nous déplorons un rebond des décès liés aux accidents de la route. Le 27 novembre dernier, nous avions la possibilité d’engager une réforme globale, mais vous l’avez rejetée. Alors que la proposition de loi de M. Fromantin avait le mérite de traiter à la fois les questions des délais, du coût, de la sécurité et de la création d’emplois, le ministre de l’intérieur, M. Cazeneuve, s’est opposé à une refonte globale, se satisfaisant de mesurettes telles que le raccourcissement de 35 à 32 minutes de la durée de l’examen ou le maintien des effectifs du corps des examinateurs.
Franchement, mes chers collègues, ne pouvons-nous pas être plus inventifs et plus audacieux pour aider nos jeunes tout en continuant à faire de la sécurité routière une priorité ? Le statu quo n’est qu’acceptable.
Vous me répondrez que le texte actuel est un texte non pas de sécurité publique, mais de croissance. Or, c’est justement ce que nous sommes nombreux à lui reprocher : on y trouve un peu de tout, ce qui n’est pas inintéressant en soi, car cela permet de débats, mais nous ne faisons que survoler des thèmes qui mériteraient un examen indépendant.
J’aurais pu tenter d’introduire dans le texte, par voie d’amendements, des cavaliers législatifs, en reprenant par exemple les bonnes initiatives de certains collègues : plus grande fermeté face à la consommation de cannabis, notamment au volant, meilleur équipement des deux-roues motorisés, avec l’obligation de porter des gants et des protections dorsales, ou introduction d’une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire – car cette excellente proposition de loi n’a pas encore abouti.
Avec ce débat, comme le disait Jean-Christophe Fromantin tout à l’heure, nous sommes en situation de régler une attente forte : la capacité pour ceux qui le souhaitent de passer le permis de conduire, partout sur le territoire, dans des délais raisonnables à un coût abordable.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui, notamment sur les délais : selon les chiffres, le délai moyen d’attente serait d’un peu moins de cent jours – c’est beaucoup trop ! –, et même de cent soixante-dix jours dans mon département. Or j’ai pu constater, à de multiples occasions, qu’il dépasse ce délai de cent soixante-dix jours – cela représente cinq mois ! Dans de nombreux cas, on n’est toujours pas en situation de passer ou de repasser le permis de conduire au bout de sept, huit ou neuf mois : cette situation ne peut plus durer !
Le texte que nous examinons ici est en fait une grande loi du quotidien : nous le constaterons à de multiples reprises. Il traite des problèmes très concrets que nous connaissons pour y apporter des solutions.
Je souhaite dire ici, en introduction à ce débat, puisque la commission va se réunir, que nous souhaitons régler la question du nombre de jours nécessaires pour avoir accès à un examinateur : dans les zones tendues, ce nombre ne doit pas excéder quarante-cinq jours.
Fixer la norme à quarante-cinq jours entraîne l’obligation d’adapter les moyens ; je souhaite que cela reste dans le cadre organisé et agréé par l’État. Il faut adjoindre, dans les zones plus tendues, des agents publics ou des agents contractuels aux examinateurs pour faire en sorte que le « stock » – le mot est un peu barbare – disparaisse le plus rapidement possible.
L’objectif que nous souhaitons atteindre avec cette réforme est de diminuer très rapidement le stock et que les flux s’écoulent ensuite normalement. De ce point de vue, la proposition faite par Razzy Hammadi de changer la méthode de calcul pour l’attribution des places à l’examen est d’une importance capitale. Je suis d’ailleurs heureux que nous soyons rejoints par le Gouvernement sur cette question du changement de méthode de calcul, parce que c’est fondamental, non pas tant pour résoudre le problème actuel du stock, mais pour faire en sorte que les futurs flux n’entraînent pas à nouveau un problème d’engorgement et de dépassement des délais.
C’est une vraie réforme qui se met en place : externalisation des épreuves pratiques des diplômes professionnels, changement de la méthode de calcul pour l’attribution des places d’examen, nécessaire réflexion sur le nombre d’heures, le décret de 2009 étant aujourd’hui très largement obsolète – le minimum de vingt heures ne correspond plus en effet à la réalité et constitue en lui-même un facteur d’alourdissement des coûts, des heures hors forfait s’ajoutant au forfait de vingt heures.
Nous brossons le contour d’une réforme globale. Il nous faut donc fixer des normes claires, lesquelles doivent selon nous consister en un délai maximum pour avoir accès à l’examen et une organisation placée sous la responsabilité de l’État.
Nous avons entamé mercredi soir notre discussion sur cet important article 9. Des chiffres ont été donnés mercredi et rappelés ce matin mais, au-delà, monsieur le ministre, il y a les réalités du quotidien : certaines personnes, jeunes ou moins jeunes, mais surtout des jeunes, ont d’énormes difficultés à passer ou à repasser le permis de conduire.
Ainsi que vous l’écrivez vous-même dans l’étude d’impact et dans la présentation du projet de loi, cela est important en termes d’emplois et d’insertion professionnelle et sociale. Il faut donc tirer toutes les conclusions de vos propos.
Une réforme a été mise en place par le ministère de l’intérieur : personne, sur ces bancs, depuis deux jours, ne l’a contestée. C’est vrai qu’elle peut être de nature à régler une partie du problème, mais certainement pas tout le problème !
Je ne veux pas à nouveau citer des chiffres, mais on sait bien qu’il y a une marge très importante. Nous avons aujourd’hui l’occasion, dans le cadre de ce projet de loi – qui, je vous le dis sans vouloir vous attaquer, monsieur le ministre, est quand même un projet de loi bavard, un projet de loi fourre-tout : on trouve de tout dans votre projet de loi ! –, vous avez l’occasion, dans ce projet de loi, à l’article 9, de régler un vrai problème du quotidien : il en resterait quelque chose de votre loi, si vous faisiez ce geste, si vous faisiez cette avancée !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Oui, oui, vous pouvez contester, mais c’est quand même un projet de loi fourre-tout !
Il suffit de parler avec certains professeurs de droit public : tous disent que c’est le type même de loi qu’il ne faut plus faire, tant elle comporte d’articles et de thèmes différents ! Mais je ferme cette parenthèse et j’en reviens à l’article 9.
On a le droit, monsieur Brottes, d’être critique et de ne pas être de votre avis !
Pour en revenir à cet article 9, nous avons la possibilité d’avancer. Nous sommes très nombreux, ici et même au-delà des murs de l’Assemblée nationale, à regretter que vous cédiez finalement à la pression de quelques inspecteurs. Vous n’avez pas autant d’égards pour les notaires, les huissiers ou les avocats !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Manifestement, cela ne vous gêne pas et tout ce que peuvent vous dire les professions réglementées depuis des semaines et des mois n’a apparemment aucun effet ; mais il suffit qu’une poignée d’inspecteurs du permis de conduire gronde un peu pour que l’État cède !
Ce n’est pas sain, monsieur le ministre, parce que c’est une sorte de dictature qui est en train de se mettre en place !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Parfaitement ! La dictature de quelques personnes, d’un corps qui impose sa volonté à l’État tout entier et qui fera subir des préjudices à ceux qui ont besoin du permis de conduire !
Le service public, tout le monde l’aime et tout le monde le défend.
Mais quand le service public devient un culte et un dogme, au point qu’on ne veuille pas voir ce qui ne fonctionne pas chez lui et qu’on ne veuille pas prendre les mesures pour améliorer son fonctionnement, alors je vous le dis, monsieur le ministre : vous prenez une lourde responsabilité !
Il suffirait que vous fassiez un geste. Je crains en effet qu’on ne revienne pas sur ce dossier avant de longs mois et que l’on en reste à la réforme engagée par le ministère de l’intérieur – réforme qui, je le répète, n’est en soi ni contestable ni critiquable, mais qui est très insuffisante. Nous allons ainsi rester comme ça pendant des mois et des années, alors que ce projet de loi nous donne une opportunité que nous pourrions saisir.
Monsieur le ministre, en commençant nos débats ce matin, chacun a tenté, avec beaucoup de calme et de détermination – notamment Jean-Christophe Fromantin et Yannick Favennec pour le groupe UDI, mais d’autres également sur tous les bancs –, d’apporter sa contribution au sujet qui, j’ai eu l’occasion de le dire avant-hier, n’a jamais été réglé par personne depuis une vingtaine d’années.
Nous avons même, comme vient de le faire à l’instant mon collègue de l’UMP, reconnu que Bernard Cazeneuve avait donné de premières inflexions.
Nous ne pouvons pas rester dans la situation dans laquelle nous sommes. Cette situation a été décrite par notre collègue Fromantin, mais je n’ai pas vu un seul des rapporteurs – n’est-ce pas, monsieur Savary ? – démonter point par point ses propositions : c’est parce qu’ils savent que ça marche ! C’est ennuyeux, parce que ce projet, pourtant reconnu d’utilité nationale, est susceptible de marcher.
J’ai écouté Bruno Le Roux ce matin, sur une grande chaîne d’information. Comme j’avais le temps, j’ai pris quelques notes : cela me permettra de reprendre ses propos, parce que j’aurais quasiment pu tous les signer !
Mais à la fin, une question demeure : comment fait-on ? Il est dommage que notre ami André Chassaigne se soit absenté, car je voudrais insister sur plusieurs points.
Premier point : ainsi que Jean-Christophe Fromantin l’a très bien expliqué, même si nous avons beaucoup de respect pour les inspecteurs, nous ne comprenons pas pourquoi, au nom d’un certain corporatisme – je dis le mot –, ils veulent bloquer une évolution du système. Si l’idée que nous portons à l’UDI consistait à dire qu’il ne faut plus d’inspecteurs, qu’ils ne font pas leur boulot et qu’il n’y a aucun avenir pour eux, alors je pourrais comprendre qu’il y ait crispation.
Effet miroir : un drame a eu lieu à la RATP il y a quelques jours. Hier, il y a eu une grève importante ; ce matin, avec un immense esprit de responsabilité, les conducteurs ont repris le travail, parce qu’un million de personnes ont été prises en otage.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je leur tire mon chapeau !
Or là, nous parlons de 1 200 inspecteurs, dont 300 ou 400 sont syndiqués – c’est normal d’être syndiqué : j’ai été président d’un syndicat quand j’étais un tout petit peu plus jeune, donc nous sommes là aussi pour défendre les professions !
Sourires.
Or nous proposons à ces inspecteurs d’aller un peu plus loin dans leur carrière.
Il y avait tout à l’heure dans le public un nombre important de jeunes : si on avait pu leur donner la parole, j’aurais aimé que la représentation nationale, qui sait tout sur tout, les écoute !
Nous proposons à ces inspecteurs de mieux contrôler les auto-écoles car nous savons qu’il faut le faire ; certains font très bien leur travail et d’autres moins. Nous pourrions impliquer davantage ces inspecteurs dans les missions de sécurité routière. Ce n’est pas en augmentant le nombre de radars ou mettant des « biffins » sur les routes qu’on améliorera la sécurité routière : la preuve en est qu’en 2014, avec plus de radars, il y a eu plus de morts ! Oui ou non ? Les chiffres sont tombés ; or les chiffres ont la tête dure : ils s’imposent à nous !
Il s’agit donc de confier d’autres missions à ces inspecteurs. Plutôt que de passer leurs journées du matin au soir dans la voiture à faire passer un examen, ils pourraient accomplir quelques tâches valorisantes, sans qu’on leur retire quoi que ce soit !
Et quand il faut récupérer des points, comment cela se passe-t-il ? Est-ce que ce sont des inspecteurs de l’éducation nationale ou des organismes privés qui s’occupent de cela ? Ce sont des organismes privés !
Nous insistons donc sur le fait que nous faisons de vraies propositions d’évolution de la carrière des inspecteurs, sans supprimer leur mission essentielle et même en les focalisant sur celle-ci.
Deuxième point : Bruno Le Roux a rappelé ce matin, tout comme nous l’avons fait, l’engagement du Président de la République de permettre aux jeunes de disposer du permis de conduire. Le petit papier rose, qui n’en a pas rêvé à dix-huit ans, n’est-ce pas, Razzy Hammadi ? À dix-huit ans, on a envie d’avoir son permis, parce que cela permet de bouger, d’aller voir ses amis, de chercher un travail, bref : c’est un espace formidable de liberté qui s’offre à nous !
Alors qu’en Seine-Saint-Denis, il faut compter 170 jours pour passer l’examen, vous avez souhaité ce matin à la radio, monsieur Le Roux, que l’on passe à 45 jours : on n’y arrivera pas ! Cet engagement, que nous pourrions tous signer, doit être tenu ; or, avec cette proposition, il ne sera pas tenu.
Troisième point : le coût. À trois reprises, j’ai indiqué que les mesures de 2013 et 2014 avaient coûté 500 millions d’euros. Personne ne m’a répondu ; or c’est la vérité. Vous le savez très bien, monsieur Savary, puisque vous étiez présent à l’audition ! Je ne sais pas si vous avez pris des notes, mais moi, je l’ai fait ! Je vous les donnerai !
Moi aussi ! Mais je ne vois pas d’où sort ce chiffre de 500 millions d’euros : ce n’est pas possible !
Lors de l’audition, il a bien été précisé que cela avait coûté 500 millions d’euros pour le résultat que l’on sait, qui est totalement insuffisant par rapport à ce que nous proposons.
Or la solution, on la connaît : il faudrait embaucher 500 inspecteurs ! Bruno Le Roux disait ce matin que l’on pourrait demander à des gendarmes retraités, à des policiers retraités, à d’autres fonctionnaires s’ils veulent bien remplir ce rôle. Mais cela a déjà été tenté !
En remontant un plus loin, en 2009, un ancien Premier ministre, François Fillon, faisant du permis de conduire un axe fort, a annoncé qu’on allait recruter – 55 offres de recrutement, 35 postes pourvus ! Annoncer que l’on va recruter, cela ne suffit pas ! Je le répète : il faudrait 500 inspecteurs de plus ; imaginez le coût ! Dominique Lefebvre, qui est présent, préfère de boucher les oreilles plutôt que d’entendre qu’il va falloir encore ajouter des dépenses supplémentaires dans la loi de finances, parce que 500 fonctionnaires à 40 000 euros le fonctionnaire, il sait faire la multiplication tout seul ! Où prend-on l’argent ?
Il en manque d’ailleurs tellement que, lorsque nous allons examiner l’article 50 dans quelques heures, on va nous expliquer à quel tour de passe-passe il faut se livrer pour trouver les 3 milliards d’euros qui manquent dans la loi de programmation militaire et les donner à Jean-Yves Le Drian, qui en a tant besoin ! Voilà la vérité !
Le ministre de l’économie le sait : son voisin, Michel Sapin, lui a bien expliqué qu’on ne ferait pas de loi de finances rectificative, car ce ne serait qu’un cache-misère !
Ce recrutement ne marchera donc pas, parce que cela a déjà été tenté : ce fut un échec ! Et lorsqu’il y a un échec, il faut en tirer des enseignements !
C’est donc un système cohérent, qui permettrait de régler le problème, que nous vous proposons.
Il est dommage qu’André Chassaigne, qui parlait d’égalité, ne soit pas là : l’égalité, c’est de pouvoir disposer du permis de conduire dans des conditions économiques satisfaisantes ! Tous, depuis de longues heures, nous dénonçons le fait que le permis de conduire coûte de plus en plus cher, avec un impact immédiat sur le pouvoir d’achat.
Ainsi que Yannick Favennec l’a très bien dit, l’égalité n’existe pas quand, dans de nombreux endroits, en zones rurales, il n’y a pas de transports en commun. Nous sommes tout autant attachés à l’égalité qu’André Chassaigne, et on le vit aussi très durement pour le très haut débit : c’est la même chose !
Où est la cohérence, monsieur le ministre ? Vous confiez au privé l’examen du code de la route ; mais la conduite, il faudrait la réserver au public : c’est incohérent ! Vous privatisez les aéroports – on ne sait pas pourquoi ! –, mais là, ce n’est plus du domaine public ! Quelle est la philosophie ?
À l’UDI, nous pensons que les missions régaliennes sont celles que l’État doit accomplir, les autres missions devant être soumises à la concurrence : c’est l’émulation !
Et vous, monsieur le rapporteur Savary, je suis persuadé que vous regrettez vivement d’avoir laissé passé l’occasion d’ouvrir le rail à la concurrence, alors qu’on a voté la dérégulation du transport collectif par autocar, soumettant ainsi encore un peu plus la SNCF à la concurrence de la route.
Vous aurez compris, monsieur le ministre, que si nous faisons de ce sujet un point central de nos débats, c’est dans l’intention de vous aider à faire bouger les lignes dans cette France bloquée dénoncée par tous les économistes. Le changement, ce n’est pas demain : c’est ce matin ! C’est tout de suite qu’il faut le faire, monsieur le ministre. Soyons prêts à prendre collectivement nos responsabilités, allons-y, fonçons et réglons une bonne fois ce problème du permis de conduire !
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale.
Ce débat passionnant porte sur un sujet majeur, touchant tous les Français, et surtout la jeunesse, comme vous l’avez, les uns et les autres, souligné avec des mots très forts : le permis de conduire est un viatique essentiel pour la vie quotidienne. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons décidé d’en faire un service universel.
Vous ne réussirez pas, monsieur Vigier, à faire de nous, par je ne sais quel glissement sémantique, des protecteurs de je ne sais quel corporatisme. Vous vous trompez d’interlocuteur, car, pour notre part, nous préférons rechercher des solutions plutôt que de sacrifier au goût bien français, et qui aujourd’hui disqualifie la politique, de faire de l’idéologie plutôt que de s’assigner des objectifs pragmatiques, qu’on assène le dogme du « tout-privé », considéré a fortiori comme la panacée, ou qu’on brandisse l’étendard du « tout »public », sans prendre garde au fait qu’il peut parfois servir à camoufler des corporatismes.
Le problème a été correctement posé sur tous ces bancs, et notamment par vous, monsieur Fromantin : vos propositions ont d’ailleurs contribué à faire évoluer les positions sur le sujet, y compris celle du Gouvernement.
Les mesures prises l’année dernière par le Gouvernement ont permis de régler la question de la gestion des flux. Depuis l’année dernière, on parvient bon an mal an à 80 000 places d’examen supplémentaires, alors que le déficit était de 200 000 places au cours de la période précédente. Cela, c’est l’acquis du plan Cazeneuve.
Néanmoins, tant le groupe socialiste que le Gouvernement sont conscients que la question du stock reste entière : certains candidats sont encalminés dans la file d’attente, puisqu’il faut en moyenne attendre 98 jours pour passer son permis. Cette durée est en voie d’être, non sans peine, réduite à 94 jours, l’objectif étant de la porter à 45 jours. Ce chiffre emblématique dissimule des inégalités territoriales terrifiantes, qui recoupent des inégalités sociales, puisque c’est dans les départements qui concentrent le plus grand nombre de ménages en difficulté que l’attente est la plus longue.
En outre, comme vous l’avez souligné, cette attente engendre des coûts supplémentaires, puisqu’il faut durant ce temps continuer à prendre des cours si on ne veut pas perdre la compétence acquise.
C’est pourquoi j’espère que, par son vote, l’Assemblée nationale saura contribuer à une prise en charge efficace du flux et surtout à une réduction significative du stock. Ce qu’il faut, c’est trouver un dispositif qui fonctionne, et qui fonctionne rapidement.
Cela étant dit, nous ne devons pas oublier que nous avons un permis de conduire de qualité. Il ne faudrait pas tout casser sous prétexte de poursuivre je ne sais quelle solution miraculeuse, que cet éden réside soit dans une privatisation totale du système, soit dans le retour au statu quo ante. Il faut préserver la qualité de notre permis de conduire, garantie par le contrôle de l’État. Cela n’interdit pas, monsieur Fromantin, et sur ce point je suis d’accord avec vous, des redéploiements de personnels : le fait que l’on confie d’autres tâches aux inspecteurs peut même permettre de renforcer le contrôle de l’État sur d’autres opérateurs.
Sachez, monsieur Lurton, qu’avant que vous n’arriviez M. Poisson a complètement démonté les arguments que vous défendiez avant-hier. Il nous a en effet mis en garde contre le risque de céder au mirage de l’internet, alors que vous recommandiez de favoriser le développement de la formation en ligne au code de la route.
Mais je ne veux pas insister davantage sur ce petit différend à l’intérieur du groupe UMP, d’autant moins que nous n’en sommes pas toujours exempts nous-mêmes. Je n’insisterai pas non plus sur le fait que vous nous reprochiez à la fois de vouloir commercialiser le permis de conduire et de vouloir préserver le service public.
Votre interpellation en revanche, monsieur Fromantin, est extrêmement sérieuse. Depuis plusieurs mois, vous dénoncez le fait que le système est grippé. La solution que vous préconisez pour y remédier est d’externaliser l’ensemble du permis de conduire, tant le code que la conduite, vers des organismes agréés. Pourquoi pas, d’autant que d’autres pays le font ? Le problème c’est que ce serait s’engager dans une aventure incertaine, alors que la situation actuelle demande une solution rapide.
En effet, agréer des organismes, mettre en place des appels d’offre, sélectionner les candidatures demanderait au moins un an, et durant ce temps, l’embolie du système perdurerait.
Surtout, votre proposition pose un problème de coût, et de ce point de vue vous avez avancé un argument assez fallacieux, monsieur Fromantin, en évoquant un coût de 50 euros de l’heure, que vous comparez aux 3000 euros que coûte aujourd’hui le permis de conduire. En réalité, ces 50 euros seraient un coût supplémentaire, puisque l’examen est aujourd’hui gratuit. Or nous tenons à préserver la gratuité de cet examen, et ces 50 euros devraient être acquittés à des prestataires privés. Ce serait donc de la dépense publique supplémentaire.
Dites-nous donc, monsieur Vigier, quelles sociétés privées sont prêtes à prendre en charge l’organisation du permis de conduire gratuitement ! Sinon, soit l’État prend en charge ce coût, soit c’est le candidat qui paie, solution avancée par M. Fromantin.
Pour ma part, je suis attaché à la gratuité de l’examen du permis de conduire, dorénavant service universel aux termes de la disposition que nous venons de voter.
En réalité, monsieur Fromantin, votre proposition a le tort de ne porter que sur l’examen, alors qu’il faudrait aussi rechercher les moyens de réduire le coût de la formation en école de conduite. En effet, l’embolisation du système conduit les écoles de conduite à dispenser des cours supplémentaires, ou à ne pas présenter certains candidats. Tout cela coûte cher. Or vous ne faites aucune proposition dans ce domaine, hors cette solution miracle de l’externalisation de l’examen.
Nous devons parvenir à un dispositif beaucoup plus équilibré. Ce qui compte, en tout état de cause, c’est qu’à l’issue de ce débat, nous affichions un objectif très clair de résorption du stock, de réduction des délais et de limitation des coûts.
Je suis prêt à répondre dès maintenant à tous les arguments que vous venez de développer, monsieur le rapporteur, mais j’ai un peu de mal à distinguer ce qui relève de la discussion en séance et ce qui doit faire l’objet de nos échanges en commission spéciale. Il faudrait que nous indiquiez plus précisément l’ordre du jour de notre réunion en commission. Soit on entre dès maintenant dans le fond du débat, soit on réserve tous ces points à notre discussion en commission.
La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.
Plusieurs amendements à l’article 9 doivent être examinés en commission avant d’être discutés en séance. Ces amendements, dont certains sont du rapporteur et d’autres du Gouvernement, portent sur le sujet qui fait l’objet de nos débats depuis le début de cette séance.
Je vous confirme donc, monsieur le président, ma demande de suspension de séance pour réunir la commission spéciale au titre de l’article 91 du règlement.
Sourires.
La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à onze heures trente.
Je prie M. le rapporteur thématique d’excuser mon retard. J’ai dû retourner dans ma circonscription pour négocier la disette financière à laquelle nous sommes soumis pour les plans État-région.
Sourires.
Monsieur le rapporteur thématique, depuis le début de l’examen de ce texte, cela fait quatre fois que vous essayez de me mettre en contradiction avec mon groupe. Je voudrais vous dire que, dans ce groupe, nous avons le droit d’avoir nos positions.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.
J’ai la mienne ; je m’en suis expliqué auprès de mon président de groupe et de M. Poisson, et je n’ai donc pas signé certains amendements. Mon groupe me laisse toute la liberté d’avoir la position que je veux. C’est l’une des raisons, d’ailleurs, pour lesquelles je suis très heureux d’en faire partie.
Enfin, sans être pour le tout-internet , je suis favorable au développement des moyens en ligne pour apprendre le code de la route, bien sûr, mais je crois aussi à ce lien essentiel qui doit exister entre les professionnels qui font passer l’examen et les élèves. C’est exactement ce que j’ai dit mercredi soir.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Cet amendement « installe » les amendements initialement prévus et ceux que nous venons d’examiner en commission spéciale.
Comme nous l’avions fait lors du vote de l’amendement concernant la mise en place du comité d’apprentissage de la route, le CAR, nous voulons consacrer le fait que le permis de conduire est un service universel.
Cela signifie qu’il est accessible partout, de la même façon, dans les mêmes délais et à un prix abordable sur le territoire. L’inscription d’un tel service dans la loi ou dans les directives implique toujours, en effet, que ce droit doit s’exercer dans les mêmes conditions sur l’ensemble du territoire.
Quant aux conditions d’application, un certain nombre d’amendements y répondront ensuite : il convenait d’abord de poser un cadre.
Nous posons donc le fait qu’il s’agit d’un service universel, puis, les rapporteurs et le Gouvernement – comme nous venons de le voir en commission spéciale – déclineront un peu plus tard ce qu’il en sera en matière de délais et de modalités d’accès du permis de conduire sur l’ensemble du territoire.
Tel est l’objet de cet amendement, monsieur le président.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir le sous-amendement no 3217 de M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale.
Il convient de préciser que ce service universel est également ouvert aux candidats libres – ce qui conforte son universalité et ce qui n’est pas neutre lorsque l’on sait que les délais d’attente sont aujourd’hui une véritable « galère » pour les candidats libres.
Nous en venons au sous-amendement no 3183 .
Sur ce sous-amendement, je suis saisi par le groupeUnion des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir ce sous-amendement.
Il s’agit de consolider cet amendement extrêmement ambitieux qui ouvre un service universel en précisant que les délais et le coût global du permis peuvent être effectivement réduits grâce au recours à des organismes certificateurs agréés par l’État. Cela permettra tout simplement de nous donner les moyens de ces ambitions.
Nous semblons vouloir résoudre la question du nombre de places en raisonnant à périmètre constant. Or, en amont, vous « ouvrez les tuyaux » d’une manière extrêmement large puisque nous venons d’apprendre que le service est désormais ouvert aux candidats libres.
À ce jour, 100 000 personnes repassent leur permis après avoir perdu leurs points, 39 000 personnes sont contrôlées sans permis – ce qui laisse à penser qu’entre 500 000 et un million de personnes roulent sans l’avoir –, de nouveaux agréments sont ouverts à des auto-écoles dans le domaine de l’internet…
Il faut en être bien conscient : en amont, vous ouvrez énormément la « base du cylindre », vous ouvrez très largement les vannes – ce qui n’est d’ailleurs pas une mauvaise chose – en y intégrant notamment, donc, les candidats libres, mais il n’en va pas de même en aval.
Compte tenu des moyens qui sont mis en place, vous ne guérissez pas la thrombose que nous connaissons, soyez en conscients !
Il conviendrait de mettre les moyens nécessaires pour régler la situation actuelle, certes, mais comme le flux sera encore plus dense suite aux mesures que vous prenez progressivement au cours de notre discussion, il faudrait que des moyens supplémentaires proportionnels soient proposés.
Or, les moyens étant à peine prévus pour régler la situation actuelle, le décalage sera encore plus flagrant avec l’ajout progressif de nouvelles ouvertures.
J’attire votre attention à ce propos. Nous sommes en train de densifier le flux – cela va bien au-delà d’un problème de stock – sans que l’on se donne les moyens de le traiter adéquatement.
Un comité d’apprentissage de la route a été créé et cela ne résoudra rien. Un service universel doit être créé dont l’effectivité sera tout de même très hypothétique.
Nous introduisons aujourd’hui encore de nouvelles dispositions et j’ai l’impression que l’on navigue à vue…
… sans véritable analyse quant à la corrélation entre territoires et délais et au nombre d’inspecteurs actuellement présents, comme l’a dit tout à l’heure Philippe Vigier lors de la réunion de la commission spéciale. Nous sommes dans le brouillard. C’est ce que l’on appelle, je le répète, naviguer à vue. Peut-être même que la doctrine différera encore d’ici un quart d’heure.
La précision apportée par M. le rapporteur général dans son sous-amendement no 3217 quant à la nature des candidats est une excellente chose.
Monsieur Fromantin, l’amendement no 1329 pose un droit. Ensuite, nous discuterons de ce qu’il en sera des moyens, de l’organisation et de la méthode pour le mettre en oeuvre.
Vous le savez comme moi : si on veut être logique et de bonne foi, il convient tout d’abord de poser des principes et de définir des objectifs, puis, de décliner les moyens et la méthode pour les atteindre. Il n’est pas possible de commencer par les moyens !
En l’occurrence, il s’agit de poser le cadre des principes et du droit nouveau garantissant un accès à tous et de la même façon au permis de conduire.
Vous ne serez pas déçus : les alinéas qui suivent témoignent que la méthode et les moyens seront au rendez-vous de l’objectif que nous nous fixons, comme nous l’avons vu en commission.
En ce qui me concerne, je suis défavorable à l’adoption du sous-amendement de M. Fromantin.
Avis défavorable pour les mêmes raisons plus une. M. Fromantin assure que le flux sera densifié. Or, si tel n’était pas le cas, certains candidats seraient automatiquement repoussés sur une voie de garage, si j’ose dire, et seraient condamnés à grossir le « stock ».
Vous avez donc raison, monsieur Fromantin, nous densifions le flux parce que nous considérons qu’il n’est plus possible de jouer ce jeu un peu opaque et arbitraire au cours duquel certains candidats attendent très longtemps pendant que d’autres passent leur permis plus rapidement.
Tel est le sens du droit universel proclamé par cette loi !
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.
Puisque c’est la première fois que je travaille sous votre présidence, monsieur le président, permettez-moi de vous en souhaiter un bon exercice, de même qu’un bon usage du règlement !
Sourires.
Je souhaite tout de même que l’on fasse attention aux mots. L’amendement no 1329 propose l’instauration d’un « service universel ». Il n’est pas question d’un service public non plus que d’un service d’intérêt économique général mais d’un terme largement utilisé sur le plan européen pour désigner le passage d’une situation de monopole à l’ouverture à la concurrence dans un marché libéralisé.
Si je commence mon intervention par une explication sémantique, c’est parce que, dans le même temps, on nous explique d’une part que certains inspecteurs du permis de conduire continueront à faire passer les examens relevant de l’État et, d’autre part – certains voudraient aller plus loin –, qu’il conviendrait de procéder à une privatisation, à une externalisation de ce type d’opérations.
J’attire votre attention sur le fait que, en un sens, en retenant le terme de « service universel » par opposition, par exemple, à « service public », nous actons la démarche consistant – progressivement peut-être – à privatiser et à supprimer tout rôle direct de l’État dans ces examens. En tout cas, je pose la question. Il faut, en effet, que ce débat soit clair et j’ai parfois du mal à en distinguer les lignes directrices.
Considère-t-on que, progressivement, l’État doit se désengager, les premières mesures qui sont prises étant une étape vers de futures évolutions – si le député Chassaigne était parmi nous, il serait sans doute ravi d’en connaître les détails ?
Considère-t-on qu’il faut totalement distinguer la sémantique et la démarche retenue ?
Enfin, je m’étonne, car le « service universel » suppose la qualité du service rendu – vous y faites référence – mais aussi des prix abordables. Or il n’y a ici aucune référence au prix.
Un autre orateur l’a dit : dans cet hémicycle, nous passons notre temps à formuler un certain nombre de droits – dont, par exemple, le droit au logement – et, en l’occurrence, celui de passer les épreuves théoriques du permis de conduire, mais le prix joue un rôle important. J’aurais donc aimé, quitte à définir cette formule, que référence soit faite à la notion de prix abordable.
La position de notre groupe sur cet amendement est assez simple.
Nous voterons le sous-amendement de nos collègues de l’UDI qui apporte les éléments indispensables pour faire en sorte que l’amendement défendu par la commission soit consistant.
Dans le cas contraire, la mécanique restera parfaitement incantatoire, sans compter que l’instauration d’un délai fixe de 45 jours – c’est très bien, tout à fait joli, bien packagé – risque d’ouvrir un certain nombre de contentieux absolument insupportables pour les juridictions administratives, avec des demandes de dédommagements.
Je suis absolument persuadé que notre pays ne peut pas garantir à brève échéance le respect d’un tel délai, surtout si nous inscrivons par ailleurs dans le marbre du droit une expression de cette nature.
Nous savons ce qu’il en est d’autres droits universels garantis – nous savons ce qu’il en est du droit au logement, en particulier ces jours-ci, je ne vous fais pas de dessin, même s’il faut raison garder et que comparaison n’est pas raison.
Cette mécanique-là nécessite des prises en charge et des moyens que personne ne sera capable de mettre en oeuvre une fois la loi promulguée.
La seule manière de rendre un service effectivement universel, c’est d’adopter le dispositif proposé par notre collègue Fromantin dans le sous-amendement qu’il a défendu et que nous voterons.
S’il est adopté, nous ne nous opposerons pas à l’amendement défendu par M. Brottes. Si tel n’est pas le cas, nous ne voyons pas comment cela pourrait fonctionner.
M. Poisson, je crois, a bien posé le problème : il convient de se donner les moyens de ses ambitions. Encore une fois, je crois que c’est là le coeur de la tension qui anime nos débats.
Nous sommes tous d’accord pour que tout le monde ait un droit – on peut en discuter pendant des heures mais le problème n’est pas là : le problème, c’est celui des moyens.
Aujourd’hui, force est de reconnaître que le droit existe – il s’agit d’un droit d’accès au service public – mais si nous en discutons, c’est bien parce que les moyens ont fait défaut. Je ne referai pas le débat pour savoir qui est le premier, de la poule et de l’oeuf, mais nous sommes tout de même un peu dans une contradiction ou un paradoxe : le droit existant, qui est important, préexiste aux outils et ne peut pas être exercé.
Il est toujours possible de relever le droit d’un cran mais si l’on n’en fait pas réellement de même avec les moyens, cela n’en reste pas moins, excusez-moi, du bavardage.
Je renouvelle mes questions sur les éléments d’évaluation possibles. La densité du flux a-t-elle été vraiment évaluée ? Je le répète : les candidats qui repassent leur permis sont de plus en plus nombreux suite à la perte de leurs points – les mesures prises par la sécurité routière, même si elles sont évidemment heureuses, accroîtront encore leur nombre, au-delà des 100 000 actuels. Cette courbe progresse. A-t-elle été mesurée ? Qu’en est-il des flux passés ? Comment évolueront-ils ? Connaît-on le nombre de candidats qui repasseront le permis de conduire en 2015, en 2016 ou en 2018 ?
A-t-on réalisé une projection du nombre de personnes roulant sans permis par rapport aux 39 000 personnes qui sont aujourd’hui contrôlées chaque année sans l’avoir ? Combien sont-elles ? 500 000, 700 000, un million, 1,5 million ?
Avez-vous évalué le nombre de personnes qui se présenteront à l’examen du permis de conduire suite à cette nouvelle disposition concernant les candidats libres ?
Avec l’ouverture des agréments des auto-écoles aux « pure players », aux acteurs de l’internet, avez-vous projeté une évolution des demandes de permis ?
Excusez-moi, monsieur le rapporteur, mais nous ne disposons pas de tous ces éléments.
Il est certes toujours possible de faire des plans sur la comète – plus 90 000, plus ceci, plus cela – mais il manque à notre débat un élément d’évaluation extrêmement concret.
C’est pourquoi il importe de se donner des moyens supplémentaires avec la souplesse qu’offrirait un recours à des organismes agréés et certificateurs. Cela éviterait la thrombose ou l’impasse.
Je reviens aussi sur un élément d’évaluation évoqué tout à l’heure en commission spéciale par notre collègue Philippe Vigier.
Une bonne construction ou répartition suppose de savoir ce qu’il en est des délais, des volumes et du nombre d’inspecteurs par territoire.
C’est une équation à résoudre, et si nous n’avons pas les données nécessaires pour résoudre l’équation, c’est du vent.
Je reprendrai un exemple évoqué tout à l’heure : les délais en Seine-Saint-Denis n’ont rien à voir avec ceux de la Creuse : en Seine-Saint-Denis, ces délais doivent être multipliés par les centaines de milliers de personnes qui veulent passer le permis, alors qu’en Creuse, il faut seulement les multiplier par quelques milliers. Cet élément de pondération dans le calcul est fondamental, et il rend extrêmement ambiguës et aléatoires les solutions que vous proposez.
Celles-ci supposent en effet que les délais soient les mêmes partout en France, que le volume de demandes soit uniforme sur tout le territoire, et que la répartition des inspecteurs soit linéaire. Or cela ne marche pas comme cela, vous le savez, pour des raisons qui tiennent à la configuration de la France. La France n’est pas un ensemble homogène. Alors qu’elle compte des territoires denses et d’autres de faible densité, vous répondez en imposant la même norme partout, et sans tenir compte de ces différences.
Si vous ne faites pas d’évaluation précise, et si vous n’adoptez pas notre amendement, votre système ne marchera pas. C’est évident : il est théorique, fait dans la précipitation, et ne prend pas en compte des données et des paramètres essentiels d’appréciation, d’évaluation et de réglage inhérents à ce type de dispositif.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Je crois que M. le ministre répondra tout à l’heure à une partie de vos préoccupations sur l’information de notre assemblée. Je lui donnerai la parole à ce moment-là.
La parole est à M. Philippe Vigier.
Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, on ne peut pas tourner autour du pot toute la journée.
Vous vous trouvez dans cette situation politique, parce que vous êtes restés bloqués sur un archaïsme dans votre raisonnement. Permettez-moi de vous le dire très calmement.
Mesurez-vous, monsieur Savary, monsieur le président Brottes, la portée des mots de votre amendement ? Vous expliquez que l’examen du permis de conduire est un nouveau droit, et un droit universel ! Aujourd’hui, qui délivre le permis de conduire ? Les services de l’État ! Dès l’âge de dix-huit ans, dès la majorité, en particulier pour les permis de tourisme, il est possible de passer ce permis de conduire. Ce droit universel existe donc déjà ! Ce que vous allez faire, c’est créer un appel d’air, et surtout mettre des idées dans la tête des jeunes : vous leur parlez de droit universel, et ils vont se demander pourquoi ils n’y ont pas accès, pourquoi, dans leur département, ils doivent attendre quatre mois, voire dix-huit mois, comme le disait très bien Bruno Le Roux ce matin sur RTL !
Vous allez créer une nouvelle frustration, et c’est grave ! Regardez ce que disent les sondages sur les décideurs politiques, toutes tendances confondues ! Ils ne vous suffisent pas, ces sondages ? Vous en voulez encore ? Les Français vont dire que nous adoptons des mesures qui ne marchent pas, qu’on leur ment et qu’on contourne l’obstacle ! On nous regarde, c’est trop grave, cette affaire, monsieur Savary !
Je parle avec passion, parce que ce qui est en jeu, c’est la capacité des décideurs politiques à régler des problèmes ! De surcroît, nous avons pris notre part de responsabilité : vous ne pouvez pas nous le reprocher ! Vous, en revanche, je ne vous ai pas entendu faire la même chose au cours des cinq dernières années. Je ne vous ai pas souvent entendu dire que, sur le chômage, vous n’étiez pas meilleurs que les autres ; je ne vous ai pas souvent entendu dire que, sur le déficit public, vous n’étiez pas meilleur que les autres. Deux ans et demi plus tard, on voit ce qui se passe !
Et sur ce sujet sociétal, ce sujet central, vous arrivez avec un amendement, et vous créez un appel d’air, en parlant de service universel !
Mais si ! Vous créez un appel d’air, et vous le savez très bien, monsieur Savary !
Vous expliquez que tout candidat ayant déposé une demande de permis de conduire se verra proposer une place d’examen sous réserve d’avoir le niveau requis.
Si l’auto-école estime, au bout de vingt ou quarante heures, qu’un candidat a le niveau requis, il va se demander pourquoi il doit attendre cinq mois ou un an pour passer son permis ! C’est mon premier point, et c’est une question trop sérieuse pour que vous n’y répondiez pas.
Nous ne nous laisserons pas prendre par votre rhétorique : la question est trop grave. Comme Jean-Christophe Fromantin l’a très bien montré, vous allez augmenter le nombre de celles et ceux qui veulent passer le permis de conduire, ces personnes qui ne l’ont plus ou ne l’ont jamais eu, parce qu’il coûte trop cher, ou que l’assurance est trop chère – pensez aux 500 000 personnes qui roulent sans permis !
Deuxième point : les inspecteurs. Sur ce sujet aussi, vous tournez autour du pot et vous devrez nous répondre. J’ai dit tout à l’heure en commission spéciale que certains mots ne doivent pas être prononcés. Il ne faut pas être offensant, monsieur Savary, ne soyez pas offensant !
Pour notre part, nous proposons d’autres tâches aux inspecteurs : le contrôle des auto-écoles, une participation accrue à l’éducation routière, qui est particulièrement importante puisque nos objectifs en matière de sécurité routière n’ont pas été atteints en 2014. Nous avons des marges de progression considérables ! Et vous, vous voulez leur retirer le permis poids lourd, qui n’était certainement pas l’un des plus inintéressants ! Je ne suis pas persuadé que vous leur offrez là une perspective de carrière, ni la reconnaissance qu’ils méritent. Vous entendez ce mot : la reconnaissance ! Cette société manque de reconnaissance, et vous enlevez à ces inspecteurs une partie de la reconnaissance qui leur est due.
Troisièmement, il nous faut des chiffres. Vous libérez trente-cinq inspecteurs et vous pensez régler le problème ! On m’a reproché en commission spéciale de poser des questions trop précises, mais il faut savoir combien de personnes attendent, et quel est le délai. Nous ferons les calculs, monsieur Savary !
Sur toutes ces questions, nous attendons des réponses précises.
Vous rejetez notre proposition de recourir à des organismes privés, qui seraient contrôlés et habilités par l’État, ce qui signifie que l’agrément leur sera retiré s’ils ne font pas bien le travail, sous prétexte que cela coûtera plus cher, mais ce n’est pas vrai ! Montrez-moi une étude d’impact : je suis prêt à reconnaître que j’ai tort devant tout le monde ! Montrez-moi une seule étude d’impact permettant de prouver que cette solution coûterait plus cher !
On peut même aller plus loin, et je vous fais une nouvelle proposition, que le Gouvernement peut reprendre sous forme de sous-amendement : on peut même dire que le pack du permis de conduire, de vingt, trente ou quarante heures inclut le prix de l’examen. Car ce ne sont pas les cinquante euros du prix de l’examen qui feront une différence, quand on sait qu’une heure de conduite coûte cinquante, et parfois même cent euros de l’heure, et que ceux qui prennent trente ou quarante heures paient donc trois ou quatre mille euros ! Entre cent euros et quatre mille euros, il y a un écart d’un à quarante, monsieur Savary. Il est bon parfois que les mathématiques s’invitent dans nos débats.
Ma dernière question s’adresse à vous, monsieur le ministre. J’imagine que vous avez chiffré tout cela : vous n’avez pas utilisé l’article 40, mais alors expliquez-nous quel véhicule législatif vous comptez utiliser, étant donné qu’aucune loi de finances rectificative n’est prévue. J’aimerais savoir où vous allez prendre, dans le budget de la nation, les sommes complémentaires. Nous devons le savoir !
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale.
Il est tout de même des paradoxes qu’il faut ici souligner. Hier, nos amis de l’UDI, par la voix de M. Fromantin, nous ont exposé avec force détails et beaucoup de brio qu’il y avait urgence à agir, afin de liquider le stock de ceux qui attendent et de mieux organiser les flux. Et ce matin, tout le monde est debout sur le frein : c’est une manière de conduire à hue et à dia ! Vous nous dites à présent qu’on ne sait pas exactement qui est concerné, que nous manquons d’informations…
Hier, il fallait agir. Ce matin, nous mettons le dispositif d’action sur la table, et on nous dit qu’il faut tout arrêter !
Exclamations sur les bancs du groupe UDI.
Il est vrai que la manière de conduire, ou plutôt le permis de conduire ces débats va devoir être réexaminé.
Par ailleurs, vous nous dites que nous créons un droit sans y mettre les moyens, alors même que les amendements qui suivent, et dont vous n’ignorez pas le contenu, décrivent précisément ces moyens. Je trouve tout cela à la limite de la mauvaise foi.
Enfin, vous ne pouvez pas à la fois nous expliquer, avant-hier et ce matin, que vous souhaitez que tout soit externalisé, et nous dire à présent que l’externalisation partielle que nous proposons est signe d’inefficacité ou de moindre qualité de travail.
Je sens bien, au fond, ce qui vous gêne : je vous disais ici même, il y a deux jours, que nous partagions le même diagnostic. Mais au fond, vous aviez préparé votre ordonnance et vous auriez aimé que, dépourvus de solution, d’imagination ou de propositions…
Et parce que nous apportons d’autres solutions, une autre ordonnance, pour répondre au diagnostic qui a été posé, voilà que vous cherchez, par tous les moyens, à en démonter la validité…
…en disant que nous ne savons pas tenir compte de la diversité des territoires, que nous n’avons pas la connaissance des données…Tout cela est farfelu, puisque, précisément, nous agirons là où l’urgence est la plus criante, de manière organisée.
Il me semble que nous devons adopter l’amendement no 1329 , auquel le sous-amendement de M. Fromantin n’apporte strictement rien.
Il faut se préparer à prendre acte du fait que nous allons aujourd’hui, non seulement mettre en place ce que François Brottes a appelé un droit universel, mais que nous allons aussi nous en donner les moyens. Il importe que les retards pris au-delà de quarante-cinq jours puissent être résorbés, dans le cadre d’un dispositif d’urgence et de prise en compte des réalités, et que la gestion des flux, pour celles et ceux qui veulent obtenir le permis de conduire, puisse être optimisée. Voilà ce que nous faisons.
Nous partageons avec vous la conscience de l’urgence, mais nous, nous ne nous cachons pas derrière de prétendus obstacles et l’idée qu’il faudrait relancer des études ou d’autres analyses avant d’agir. Soit il y a urgence, et on agit ; soit il n’y a pas urgence, et dans ce cas, on ne peut pas, du jour au lendemain, changer radicalement de pied dans son argumentation.
Mes chers collègues, je sais que nous sommes en temps programmé, mais je vous invite néanmoins à faire preuve de concision dans vos interventions. Chacun a pu s’exprimer librement et pleinement sur l’amendement et les sous-amendements.
La parole est à M. Guénhaël Huet.
Je vais faire preuve, monsieur le président, de la concision que vous réclamez. Monsieur le rapporteur général, c’est précisément parce qu’il y a urgence à agir qu’il faut adopter le sous-amendement de notre collègue Jean-Christophe Fromantin. L’amendement que vous proposez introduit un droit théorique ; il est seulement l’affirmation d’un principe. Le président Brottes l’a d’ailleurs avoué tout à l’heure, sans le faire exprès, lorsqu’il a dit qu’il fallait d’abord s’occuper des principes et des objectifs, et ensuite des moyens.
Mais le problème, mon cher collègue, c’est que vous vous arrêtez aux objectifs et aux principes.
L’enjeu, c’est de régler un problème dont on parle depuis des heures, depuis mercredi soir. Nous sommes enfermés, à cause, précisément, de l’enfermement du Gouvernement et de la majorité, dans des querelles byzantines…
…alors qu’il faudrait passer à l’étape suivante et mettre en oeuvre les moyens que nous proposons, notamment dans ce sous-amendement, et dans certains amendements qui seront présentés ultérieurement. Je ne comprends pas, personne ne comprend que vous vous enfermiez ainsi dans des principes juridiques et un droit théorique qui ne sont absolument pas de mise. Il faut aller beaucoup plus loin.
Monsieur le ministre, ce que je viens d’entendre du rapporteur est un très mauvais signe de la manière dont la majorité souhaite mener ces débats. Le groupe UDI, depuis le début, a dit qu’il était positif et ouvert et que votre texte allait dans un sens qui lui semblait être celui de l’intérêt du pays. Mais la façon caricaturale dont M. le rapporteur vient de traiter les positions du groupe UDI et le sous-amendement de notre collègue Jean-Christophe Fromantin me laisse penser que vous ne souhaitez pas, en fait, une opposition constructive, ou qu’en tout cas, face à cette volonté de construire, vous voulez opposer une fermeture qui me semble de mauvais aloi.
Certains des propos qui ont été tenus sont même très désagréables vis-à-vis de ceux qui essaient de régler un problème, dont chacun reconnaît qu’il existe depuis des lustres, que nous y avons tous notre part de responsabilité et qu’il est temps d’en sortir. Nous nous honorerions, aux yeux de l’opinion publique, à essayer de trouver un consensus sur ce sujet. Mais je crains malheureusement que vous ne le souhaitiez pas, pour des raisons trop politiciennes.
Cela va influer sur la suite des débats, et aussi sur le caractère universel de cette loi et la portée qu’elle devrait avoir, ainsi que sur la confiance de nos compatriotes.
Si c’est une loi de la gauche qui sait tout contre l’opposition qui ne sait rien, vous aurez raté votre effet psychologique et vous n’aurez pas su donner l’effet que vous souhaitiez à ce texte. Je vous incite vraiment, monsieur le ministre, à vous entretenir avec les rapporteurs et la majorité pour que l’on change de ton et que l’on en revienne à des échanges plus constructifs.
Dans la veine de ce que vient de dire M. Jégo, je vais rassurer le rapporteur Ferrand et le président Brottes : nous allons arrêter de débattre. Je prends très mal cette accusation de mauvaise foi, il s’agit d’un sujet qui a fait l’objet d’une proposition de loi, nous avons eu des discussions avec le ministre de l’intérieur et ses services, nous avons réalisé des auditions, et j’ai eu l’occasion d’en discuter à plusieurs reprises avec le ministre de l’économie. Ce n’est pas une disposition sur laquelle nous avons envie de jouer une posture, c’est très concrètement, très objectivement, une contribution que nous souhaitions donner à ce texte.
Je vais arrêter, car l’état des discussions et cet article montrent la rupture qui existe, en ce qui me concerne en tout cas, sur ce texte. J’ai abordé ce texte en toute bonne foi, le ministre le sait et je l’avais déclaré dans la presse, car je considérais qu’il était innovant sur le fond comme sur la forme.
Sur le fond, quoi qu’on en dise, je ne fais pas partie de ceux qui estiment qu’il s’agit d’un fourre-tout, ce sont des angles d’attaques, un matériau intéressant à travailler pour autant que les contributions sur le fond soient acceptées, ce qui m’avait semblé être le cas en commission spéciale.
Sur la forme, la coconstruction qui a régulièrement été évoquée en commission spéciale n’a aucun sens s’il ne s’agit que de mots, mais si c’est une réalité, elle a un sens. J’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises que j’étais disposé à voter cette loi parce qu’elle était ouverte en termes d’angles d’attaques, d’articles, de technicité sur des sujets importants comme le permis de conduire, et que la méthode du ministre était une méthode d’ouverture extrêmement intéressante.
Maintenant, je prends acte de ce que vient de dire le rapporteur, son accusation de mauvaise foi n’est pas neutre. J’arrête toute discussion sur le fond, je reprends ma liberté totale par rapport à ce texte et je ne suis plus en état de le voter, ni même de m’abstenir. Si l’on persiste dans cette voie, je voterai contre en l’assumant et avec beaucoup de conviction, malheureusement.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Monsieur le président, il n’est jamais facile de présider une séance en temps programmé, et je comprends bien la difficulté de l’exercice puisque nous traitons à la fois de l’objectif et des moyens, alors que les dispositions consacrées aux moyens viennent par la suite et que c’est alors que nous allons en débattre de façon plus précise.
Mais je comprends parfaitement, monsieur Fromantin, que lorsque l’on pose un droit avec la gravité qu’a soulignée M. Vigier, et je veux l’en remercier parce qu’il a mesuré la portée de cet amendement qui pose un droit universel, cela autorise les citoyens où qu’ils soient à exiger que ce droit leur soit rendu.
La portée est donc parfaitement mesurée, ce ne sont pas que des mots. Et M. Fromantin a raison de nous demander, puisque la mesure a cette force, quels sont les moyens que nous allons mettre en oeuvre pour appliquer ce droit désormais universel.
Si j’aborde le déroulement de nos débats, c’est parce que c’est l’alinéa suivant qui fixe les moyens, et le Gouvernement a déposé un amendement qu’il devra présenter. Donc soit nous menons un débat sur l’ensemble de l’article, objectifs et moyens, soit nous acceptons qu’ayant posé le principe et l’objectif, nous enchaînions tout de suite sur les moyens. En effet, je n’ai pas entendu remettre en cause l’idée de l’universalité du droit à passer le permis de conduire. Je crois que nous sommes à peu près tous d’accord.
M. Aubert s’est fait le chantre de M. Chassaigne qui est excusé ce matin, mais nous l’avons bien noté et cela lui sera répété.
Ne jouons pas sur les mots, monsieur Aubert, vous êtes un fin connaisseur de ces questions. Le service universel est un droit donné aux citoyens européens, français pour ce qui nous concerne, tandis que la mission de service public est le moyen que l’on met en oeuvre, avec les opérateurs concernés, pour rendre effectif ce droit universel. Donc n’opposez pas service universel à service public, puisque l’un concerne le droit du consommateur, du citoyen, de l’usager, et l’autre concerne les opérateurs qui mettent en oeuvre une mission de service public pour rendre effectif ce service universel. J’espère que ma démonstration vous aura convaincu qu’il ne s’agit pas d’opposer l’un à l’autre.
Nous pourrions donc peut-être voter sur le principe, puis le ministre nous indiquerait très rapidement les moyens que l’on se donne, en lien avec les propositions des rapporteurs, pour exécuter ce projet.
En tout état de cause, monsieur Vigier, s’il y a des amendements aujourd’hui, après avoir suspendu nos travaux pendant la journée d’hier, c’est bien parce que le débat que nous avons tous ensemble dans cet hémicycle sur tous les bancs, sur cette question prégnante pour tous, nous oblige à forcer l’allure et à avancer. Sans des échanges aussi intenses de part et d’autre, il n’est pas sûr que notre débat aurait aujourd’hui cette consistance. Je rends à chacun hommage pour sa contribution au débat, et pour avoir su, avec constance et puissance, faire avancer les choses au service de nos jeunes qui n’en peuvent plus d’attendre pour pouvoir passer l’examen du permis de conduire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Quelques mots sur la forme et sur le fond. J’ai entendu, après l’intervention de M. Fromantin, quelques réflexions selon lesquelles les choses seraient claires : la droite est dans son camp et la gauche dans le sien. Je ne partage pas cet avis. J’ai le plus grand respect pour la façon dont cette question a été posée.
On ne peut pas nous reprocher de vouloir aujourd’hui trouver la solution, comme tout le monde ici, et de ne pas être totalement sur le chemin qui a été proposé par un certain nombre de nos collègues. C’est en cela, je pense, que le débat doit pouvoir avancer de la façon la plus claire mais aussi la plus calme possible. Nous procédons par étapes, le problème est connu, il a fait l’objet de débats depuis maintenant plusieurs heures, et il est inacceptable pour tout le monde.
Il faut trouver la solution, d’abord sur le principe, en réaffirmant le caractère universel du droit à obtenir, sous réserve de formation appropriée, le permis de conduire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ensuite vient la question des moyens, car nous sommes confrontés à une situation inacceptable, elle a encore été décrite. Et là, il peut y avoir, comme sur tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés, deux chemins différents.
Vous en avez proposé un, sur lequel nous avions des réserves en ce qui concerne le permis B, c’est la proposition que l’on appelle externalisation, et que d’autres ici appellent privatisation. Nous, nous pensons qu’il y a un cadre qui permet aujourd’hui de gérer avec rapidité ce stock, en s’en donnant les moyens, c’est l’objet des amendements suivants. Ce que je ne peux pas accepter ici, c’est que l’on dise qu’il y a une solution, la vôtre, qui permet de régler le problème, et une autre, la nôtre, qui ne permettrait pas de le régler.
Nous voulons une solution qui permette de régler le problème, et vous pourriez nous savoir gré d’avoir réfléchi toutes ces dernières heures à une solution, qui fait l’objet d’un bon amendement, et dont on ne pourra pas dire qu’elle est inapplicable. Bien entendu, tous les contacts ont été pris pour s’assurer que cette mesure serait applicable.
Nos concitoyens ne nous pardonneraient pas de débattre de ce problème concret en faisant de l’idéologie et en mettant en place une solution impossible à appliquer ensuite.
C’est pour cela qu’il faut continuer de façon très calme, nous retrouver autant qu’il est possible, même si nous pouvons diverger sur la solution à apporter. Si, au bout du compte, le problème n’est plus de trouver une solution, mais quel chemin emprunter pour y arriver, alors cela veut dire que nous sommes un peu trop dans l’idéologie. Mais ce n’est pas un problème dans cet hémicycle, il peut y en avoir de part et d’autre de temps en temps.
Je ne me satisfais pas de la réponse qui a été faite par le président Brottes, qui a eu tendance à balayer la question d’un revers de main en prétendant qu’il n’y avait pas de sujet. Il y a un sujet, et je vais vous expliquer pourquoi.
D’un côté, nous avons un problème de moyens. On nous explique que pour des raisons d’urgence, de délais, on veut désormais confier à des organismes privés la gestion de l’examen des permis de conduire. Le motif principal est l’urgence, des raisons pratiques.
De l’autre côté, vous donnez une définition qui est issue du monde anglo-saxon, la notion de service universel, qui n’est pas la notion française de service public. Le service public, je suis malheureusement obligé de vous le rappeler, c’est la continuité, la mutabilité, l’égalité, et c’est également la gratuité lorsqu’il ne s’agit pas de service public à caractère industriel et commercial.
Pendant des décennies, la France s’est battue pour défendre sa définition du service public, et on lui a imposé, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, la notion de service universel. Celle-ci se conçoit différemment, c’est l’octroi de services minimaux dans un environnement concurrentiel, avec des prix abordables.
Je dis cela parce qu’il y a deux possibilités. Soit nous sommes en train d’externaliser, de privatiser par étapes le service d’examen des permis de conduire pour des raisons idéologiques, parce que l’on considère que la partie régalienne de cette activité va progressivement disparaître. Dans ce cas, disons-le, assumons le concept de service universel, reprenons les amendements très cohérents de l’UDI. Mais ne nous cachons pas en disant qu’il s’agit d’un problème temporaire de gestion de ces permis qui oblige à confier cela à des organismes privés. Dites-le, cela va dans le sens ce que pense le ministre sur beaucoup de sujets : on privatise, on libéralise, on externalise, mais alors assumez ce terme.
Soit ce n’est pas un objectif idéologique, c’est temporaire. Dans ce cas, n’utilisons pas les termes de service universel qui renvoient à un univers concurrentiel. Les mots ont un sens. J’entendais parler tout à l’heure de droit universel, je parle pour ma part du service universel ; c’est un terme connoté issu de la réglementation européenne et dont vous pouvez trouver la définition, il ne se confond pas avec le service public. Si c’était le cas, monsieur Brottes, alors vous pourriez récrire votre amendement et proposer les termes de service public au lieu des termes de service universel. Mais vous ne serez pas d’accord. Je vois que M. Cherki opine, parce qu’il sait pourquoi : vous ne voulez pas dire que vous allez vers une privatisation de ces activités. Assumez-le et soyez fiers de la nouvelle idéologie qui est la vôtre !
Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, Yves Jégo a très bien donné le ton en reprenant la parole tout à l’heure. Le groupe UDI, que j’ai l’honneur de représenter, a fait passer depuis deux ans et demi une image d’opposition constructive par la voix de Jean-Louis Borloo. Vous ne pouvez pas le nier. Je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler les textes que nous avons votés. Quand il s’est agi des contrats d’avenir, donc de la jeunesse, celle qui nous regarde, nous les avons votés. Lorsqu’il s’est agi de l’accord interprofessionnel avec Michel Sapin, nous étions au rendez-vous. Lorsque le Premier ministre est venu faire son discours de politique générale sur le pacte de stabilité et les 50 milliards, animés d’un esprit responsable, nous avons dit qu’il fallait diminuer les dépenses publiques, et une grande majorité du groupe s’est abstenue. Sous la Ve République, j’aimerais que vous me disiez quand cela s’est produit depuis 1958 ?
Depuis le début des travaux de la commission spéciale, nous avons été très assidus. Monsieur le ministre, combien y a-t-il eu de discussions et d’échanges avec vos services et avec vous-même ? Monsieur Ferrand, nous refusons d’entrer dans des oppositions de postures, entre les sachants que vous pensez être et ceux qui n’auraient pas d’expérience et qui ne savent rien. Cela, monsieur Ferrand, ce n’est pas bien. Je vous le dis avec force, lorsque l’on est rapporteur général d’un texte, on essaie de trouver les voies de passage. D’ailleurs, comme Bruno Le Roux l’a dit, nous pouvons avoir des schémas idéologiques différents. Mais vous ne pouvez pas dire, monsieur Brottes, que notre famille politique est dans un schéma idéologique, ce n’est pas vrai.
Monsieur le ministre, depuis de longs jours, sur ce grand texte que vous avez l’honneur de porter, nous voulons aller plus loin sur un certain nombre de sujets parce que la France a besoin d’être débloquée. Mais ceux qui vous accompagnent sont en train de la bloquer. Et nous ne pouvons pas laisser faire cela.
Monsieur Ferrand, dans le débat politique, on peut tout dire, sauf traiter les autres de menteurs lorsque c’est faux. Vous n’avez jamais répondu à mes questions, et je vous préviens d’une chose : vous ne me connaissez pas encore suffisamment, et vous aurez l’occasion de me connaître d’ici la fin de nos débats.
Quand on pose des questions, la moindre des courtoisie est d’y répondre, pardonnez-moi cette déformation, c’est une habitude de la commission des finances. Pascal Cherki, qui est membre de la commission des finances, ne pose pas toujours des questions agréables au Gouvernement. Mais je vais vous dire, au cours des cinq années précédentes, j’étais dans la majorité et je n’ai pas toujours été très agréable vis-à-vis du Gouvernement, Arlette Grosskost peut en témoigner et Sandrine Mazetier pourrait également le confirmer.
Il est des moments où vous devez répondre aux questions. Quand on vous parle des moyens et de la répartition des inspecteurs – je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit –, vous êtes dans l’incapacité de répondre, monsieur Savary. Vous savez bien, au fond de vous, que nous avons raison. Franchissez le Rubicon ! C’est nous qui sommes dans le vrai. Ces questions ont été posées, mais vous n’y répondez pas.
Monsieur Le Roux, je suis tout à fait d’accord avec le fait que le passage du permis de conduire soit un service universel : c’est formidable et c’est un passeport pour la jeunesse qui nous regarde. Mais cette même jeunesse va savoir que cela ne marche pas. Vous avez dit tout à l’heure, monsieur Le Roux, qu’on avançait un peu. C’est vrai, vous avancez un peu : 90 100 nouveaux créneaux vont être ouverts pour passer le permis de conduire. Mais cela ne résoudra pas le problème de votre département et, à l’heure où je vous parle, vous le savez très bien. Je ne dis pas que nous, nous détenons la vérité.
Justement, nous avons fait oeuvre de construction, nous avons beaucoup évolué.
Monsieur Ferrand, daignez m’écouter dix secondes. Vous avez dit que vous aviez dû trouver des solutions en une journée. Pourtant, lorsque la proposition de loi déposée par Jean-Christophe Fromantin a été examinée ici il y a quatre mois, en présence du Gouvernement, l’explication de texte du groupe socialiste a été un peu rapide.
Vous disposiez de quatre mois pour travailler en amont. Or vous découvrez maintenant, parce que vous êtes confrontés à un problème politique dans vos rangs, que vous n’êtes pas capables d’apporter une réponse positive à cette question qui vous est posée.
Je remercie François Brottes, que j’ai d’ailleurs félicité tout à l’heure et dont l’amendement vient sacraliser l’examen du permis de conduire. Ce faisant, vous allez continuer de creuser un fossé.
Comme l’a très bien dit Yves Jégo, l’opposition constructive a toujours été et restera notre chemin. Cependant, votre attitude présage mal de ce qui se passera sur ce texte à l’issue de nos débats. C’est très dommage, monsieur le ministre. Je termine par une phrase à votre attention : comme le dit une très belle chanson que tout le monde connaît, « ne laisse pas partir ta chance, bats-toi jusqu’au bout ». Si vous le faites, nous serons à vos côtés.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Je vais d’abord mettre aux voix le sous-amendement no 3217 présenté par M. Ferrand.
Le sous-amendement no 3217 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 44 Nombre de suffrages exprimés: 43 Majorité absolue: 22 Pour l’adoption: 20 contre: 23 (Le sous-amendement no 3183 n’est pas adopté.)
L’amendement no 1329 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 910 .
Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 9, qui a été amendé par la commission. Avis défavorable.
L’amendement no 910 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Nous avons beaucoup discuté depuis mercredi soir. Nous devons nous donner les moyens de résoudre un vrai problème : c’est ce que permet l’amendement no 859 , qui vise à confier le passage des épreuves pratiques du permis B à des organismes certificateurs agréés. Nous avons déjà beaucoup parlé de cette possibilité : je n’insisterai donc pas. Si nous ne voulons pas nous contenter de rester dans l’abstraction, nous devons franchir ce pas.
Il s’agit de donner plus de moyens à l’examen du permis B. Cet amendement ne concerne qu’un moyen parmi tous ceux qui nous permettront d’accélérer véritablement les délais de passage de l’épreuve.
Cet amendement prévoit d’ouvrir aux organismes de formation professionnelle la possibilité de prendre en charge l’épreuve de conduite des titres de transport pour les transporteurs routiers, c’est-à-dire l’examen concernant les poids lourds. Aujourd’hui, ces organismes assurent ces épreuves en double commande avec le ministère de l’intérieur ; notre amendement vise donc à passer à un système de simple commande. Les inspecteurs qui seront sollicités sont déjà rompus à ce genre d’examen. Il s’agit en quelque sorte d’une externalisation interne à l’État – ce n’est donc pas une véritable externalisation –,…
…susceptible d’être mise en oeuvre immédiatement et qui permettra de dégager trente-cinq postes d’inspecteurs et 92 000 places. Tout cela se fera dans le cadre du service public cher à M. Aubert et sans la moindre dépense supplémentaire, puisqu’il ne s’agit pas d’une externalisation à une entreprise privée qui nous demanderait évidemment le paiement de la prestation.
La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 3219 .
Il s’agit de supprimer le seuil de vingt heures d’apprentissage de la conduite obligatoires. Ce seuil, qui ne correspond à aucune réalité quant à la compétence du candidat, engendre un effet pervers : les écoles de conduite affichent une tarification forfaitaire attractive avant de proposer des heures complémentaires au coût relativement important. Il s’agit donc en quelque sorte de donner un avantage aux auto-écoles transparentes, qui affichent clairement qu’elles dispenseront les heures nécessaires à un coût transparent, et d’éviter des effets d’appel.
Favorable.
Nous avons vraiment beaucoup de mal à comprendre la démarche. Vous parlez, monsieur Savary, d’une sorte d’externalisation à l’intérieur de l’État : c’est un concept assez intéressant ! Vous expliquez que le passage du permis de conduire est un service public, mais vous refusez d’inscrire ce principe dans la loi. Vous invoquez des problèmes temporaires de flux, mais vous introduisez dans la loi des solutions structurelles. On pourrait d’ailleurs se demander pourquoi il appartient au Parlement de gérer un problème de ce type, en quoi ces questions relèvent du domaine de la loi.
Nous avons beaucoup de mal à comprendre quel est le rôle exact de l’État par rapport à celui des organismes de certification. Soit on considère que cette mission peut être assurée tous azimuts par des organismes certificateurs : dans ce cas, changeons le système du permis de conduire, non pour des raisons structurelles mais pour des raisons de conceptualisation de ce système, et faisons-le pour tout le monde. Soit on considère qu’il s’agit d’une mission régalienne et que les inspecteurs du permis de conduire du ministère de l’intérieur exercent une mission essentielle : dans ce cas, il apparaît comme une défaite totale de décider qu’il existera deux types de permis en raison d’un problème de flux…
Pas du tout, monsieur Brottes ! Je n’ai aucune gêne à dire qu’à mon sens, il existe un intérêt du régalien dans ce domaine.
À la limite, je peux comprendre l’argumentation de mes collègues qui pensent que l’État ne devrait plus s’occuper de ces questions et qu’il faudrait tout externaliser. C’est une position idéologique que je peux comprendre.
Mais externaliser certains aspects sans toucher aux autres, au cas par cas, un peu à la va-vite, sans nous expliquer quelle est la ligne directrice, non ! Il n’existe pas deux types de citoyens : ceux qui ont le droit d’avoir un inspecteur du ministère de l’intérieur, et les autres à qui l’on expliquera que l’État n’est plus capable d’assurer ses missions et qu’il a donc décidé d’en abandonner des pans entiers, à la faveur d’un amendement déposé au coeur de la nuit.
Je suis désolé, ce n’est pas ainsi que je conçois l’action de l’État. Si le passage du permis de conduire est un service public, alors cela va mieux en le disant : écrivez-le dans la loi, c’est toujours préférable.
Sans surprise pour ceux qui ont participé aux travaux de la commission spéciale ce matin, je poserai deux questions simples, après une remarque préalable.
Même si personne ici ne conteste énergiquement les vertus du travail parlementaire, en particulier quand ce dernier fait bouger les lignes, je continue de m’étonner, après ces quelques échanges, du caractère soudain des dispositions qui nous sont proposées : je m’interroge donc sur leur caractère réfléchi, pondéré, et sur leur niveau de maturation. Ces dispositions ne sont tout de même pas minces, ni neutres : les voir arriver en milieu de matinée, alors que ce texte ambitieux comportait, nous avait-on dit, toutes les mesures nécessaires, est donc un peu antinomique. Mais sans doute un certain nombre d’équilibres politiques sont-ils en jeu et expliquent-ils le dépôt de ces amendements dans la matinée.
J’en viens à ma première question. Ces amendements comportent des aspects relatifs à la sécurité routière. M. le rapporteur a expliqué que nous allions passer d’un examen à double commande à un examen à simple commande : si j’ai bien compris, il n’y aura plus deux inspecteurs dans le camion, mais un seul.
Cette disposition a-t-elle un impact sur la qualité du contrôle et sur le déroulement des examens ? A-t-elle des impacts sur la sécurité routière, puisqu’on affecte incidemment – en tout cas putativement – la qualité de l’examen et du contrôle effectué au cours des épreuves concernées ? J’aimerais savoir ce que le ministre de l’intérieur pense d’une telle mesure et de ses impacts sur la sécurité routière.
Deuxième question : quel est le résultat des concertations que vous n’avez pas manqué de conduire, monsieur le ministre, avec les organisations professionnelles des personnels concernés, avant de défendre une telle mesure ? Sur un sujet important, qui va déplacer ou modifier les missions d’un certain nombre de personnes, je ne peux pas imaginer une seule seconde qu’il n’y ait pas eu au minimum un échange formel – j’espère même qu’il y a eu des discussions longues, puisque les missions de certains inspecteurs sont modifiées dans une proportion relativement considérable. Je ne doute pas que les organisations professionnelles représentant les agents concernés ont été sollicitées, consultées et qu’elles ont rendu des avis. Peut-être même qu’elles ont écrit quelque chose, allez savoir !
Nous aimerions avoir connaissance de ces différents éléments. Manifestement, ce système a été mûrement réfléchi, depuis longtemps.
Vous ne l’avez pas inventé dans la nuit ! Vous devez donc disposer de tous les éléments nécessaires pour nous rassurer sur ces deux points.
Je suis un jeune parlementaire, dans le sens où c’est mon premier mandat à l’Assemblée nationale. Mais je suis aussi un vieux parlementaire, car j’ai siégé dix ans dans un autre Parlement. Pour moi, la délibération, ce n’est pas la validation des textes gouvernementaux.
Pour un Parlement, pour l’Assemblée nationale, délibérer, ce n’est pas valider en l’état le texte gouvernemental. Nous avons le droit, et même le devoir, de faire évoluer ce texte.
C’est pour cela que, dans une démocratie, les représentants du peuple sont consultés. C’est pourquoi des amendements peuvent survenir…
…et être discutés en commission et en séance. Voilà la réponse au fond : nous avons le droit, et le devoir, d’amender les projets de loi.
Je suis très sérieux ! Permettez-moi de vous expliquer, au fond, les raisons de notre conduite. Il est dommage que M. Jégo soit parti : il est arrivé de façon inopinée, mais il n’était pas là quand nous avons commencé ce débat. Nous avons dit, à ce moment-là, que nous avons tenu compte des interpellations d’un certain nombre de députés UMP et UDI.
Nous avons considéré la situation : les dispositions du projet de loi permettaient de traiter très honorablement le flux, mais pas de résorber le stock. Voilà pourquoi nous avons ouvert des discussions avec le Gouvernement. Le groupe socialiste, en particulier, s’est livré à une partie – courtoise – de bras de fer avec le Gouvernement, et a obtenu que des mesures très significatives soient délibérées très prochainement. Ces mesures très significatives et très concrètes parleront aux Français. Ce ne sont pas des mesures cosmétiques. Voilà un premier élément.
Deuxième élément, à propos des problèmes de sécurité que vous avez évoqué. Vous relevez le fait qu’il n’y aurait plus qu’un examinateur dans le camion au moment de l’examen. Mais, monsieur Poisson, c’est déjà le cas pour les permis de conduire poids lourd passés hors de l’éducation nationale ou de la formation professionnelle ! Déjà, dans ces cas, il n’y a qu’un examinateur : pourquoi en faudrait-il absolument deux ? À l’heure actuelle, la règle générale est qu’il n’y a qu’un examinateur ; par exception, il y en a deux quand l’examen se passe à l’intérieur de la fonction publique. Eh bien, désormais, il n’y aura, dans tous les cas, qu’un examinateur.
La France a les moyens de former ces examinateurs s’ils n’étaient pas assez nombreux. Quoi qu’il en soit, la solution que j’ai présentée est beaucoup plus efficace que de confier cet examen à des organismes privés, qui n’ont jamais fait passer ce type d’examen, ce qui serait se lancer dans une aventure, et je suis d’accord avec vous sur ce point, monsieur Aubert. Nous maintenons donc l’examen du permis de conduire dans le service public ; les examinateurs seront des personnes qui ont déjà fait passer l’examen. Cette solution ne coûte pas plus cher à l’État. Simplement, il n’y aura plus, comme avant, deux examinateurs pour le permis de conduire poids lourd dans la fonction publique, et un seul pour les entreprises privées. Voilà le fond du débat.
Enfin, vous nous reprochez de dégrader les missions des personnels : c’est faux.
Non, pas du tout, elles ne changeront pas : ces personnes feront toujours passer des permis poids lourd. Les mêmes examinateurs feront toujours passer des permis poids lourd. Simplement, là où deux examinateurs faisaient passer un permis poids lourd ensemble, ils en feront passer deux en même temps. C’est cela qui nous permet d’augmenter nos capacités. J’espère avoir répondu à votre question sur le fond.
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir le sous-amendement no 3211 .
Défavorable. Cet amendement me semble satisfait par un amendement du Gouvernement qui arrivera très prochainement dans la discussion. Je n’y suis pas hostile au fond, au contraire ; il s’agit de donner des moyens supplémentaires pour le passage du permis de conduire, et de moduler ces moyens selon les départements en fonction de l’ampleur des problèmes – ce qui répond à une préoccupation de M. Vigier, qui a tout à fait raison de faire remarquer que les problèmes ne sont pas les mêmes partout. Il faut des moyens différents selon les départements, et il y aura des moyens différents.
En revanche, monsieur Vigier, si l’on externalisait, rien que ne garantirait que Dekra – par exemple – ait les mêmes moyens dans tous les départements de France. L’État, lui, pourra projeter les personnels qui seront libérés, en fonction des objectifs fixés par la loi elle-même, dans les départements qui en auront le plus besoin.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Je souhaite le retrait.
Le sous-amendement no 3211 est retiré.
L’amendement no 2874 est retiré.
Mesdames et messieurs les députés, en présentant cet amendement, je souhaite exposer de façon plus globale l’esprit de la réforme que nous conduisons. Je répondrai en même temps à plusieurs questions soulevées au cours de nos débats ce matin.
Tout d’abord, il me semble que la discussion qui a lieu au Parlement depuis plusieurs jours – je dirais même plus : depuis plusieurs semaines – a toutes ses vertus. Je salue le mérite de tous les participants à ce débat. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, Bernard Cazeneuve travaille depuis plusieurs mois à une réforme en profondeur. Il a présenté les premiers éléments de cette réforme, que le Gouvernement a pris à son compte. Ces premiers éléments ont été enrichis en commission spéciale. Nous avons avancé, collectivement, grâce à des interventions et à des propositions de qualité, y compris, il faut le reconnaître, celles de M. Fromantin.
Quelle est la situation de départ ? On l’a rappelé : il n’y a pas assez de places à l’examen du permis de conduire. En termes de flux, cela se traduit par une attente trop longue. S’agissant de ce qu’on appelle le stock, où en sommes-nous ? Beaucoup de chiffres ont été cités. Je pense qu’il ne faut pas mesurer le stock en prenant en compte la totalité d’une classe d’âge. Quand on parle du problème du permis de conduire, on parle en réalité du délai d’attente pour passer le permis de conduire : c’est cela, le bon indicateur. Plus précisément, le problème tient au délai d’attente entre le premier passage de l’examen du permis de conduire et le deuxième. Je vous parle très franchement : c’est bien à ce problème que vous êtes tous confrontés dans vos circonscriptions.
Le ministère de l’intérieur a établi une carte, que je vais vous faire distribuer. Cette carte montre que dans un peu moins de dix départements, le délai entre deux passages du permis de conduire est inférieur à soixante-cinq jours ; dans une grande majorité des départements, ce délai est compris entre soixante-cinq et quatre-vingt-dix-huit jours ; en Rhône-Alpes et en Île-de-France, ce délai est compris entre quatre-vingt-dix-huit et deux cents jours d’attente.
Comment pourrez-vous ramener un délai de deux cents jours à seulement quarante-cinq jours, alors ?
L’objectif de quarante-cinq jours, qui est le délai moyen observé dans l’Union européenne, est donc ambitieux.
Un vrai problème se pose.
Deuxième chose : non, l’obligation de repasser le permis de conduire pour les conducteurs ayant perdu tous leurs points n’allonge pas ces délais. Pourquoi cela ? Parce que, sauf dans les cas où le conducteur n’a le permis que depuis moins de trois ans, on ne lui demande que de repasser le code. Le juge peut parfois imposer des tests psychotechniques, que l’un de vos collègues nous a décrits mercredi soir de façon savoureuse, mais pas de passer à nouveau l’examen pratique lui-même. On ne parle donc pas des mêmes délais : je tenais à le préciser, pour répondre à la préoccupation exprimée tout à l’heure par M. Fromantin.
Ce texte propose une série de mesures dont vous venez de débattre. Je tiens à répondre précisément à toutes les questions techniques soulevées par M. Poisson. Que proposons-nous pour traiter le flux ? De réduire le temps des inspecteurs lors des épreuves du code et de certains jurys pratiques pour le permis poids lourd, et de réduire la durée de l’examen. Tel est le programme qui a été négocié. La réduction de la durée de l’épreuve pratique du permis B de trente-cinq à trente-deux minutes permettra de dégager 110 000 places supplémentaires. La réaffectation du temps des examinateurs que je viens de décrire permettra, elle, de dégager 160 000 places supplémentaires. Sur ces 160 000 places, 110 000 sont libérées grâce aux mesures qui viennent d’être présentées concernant le permis poids lourd.
De quoi s’agit-il ? D’abord, de retirer les inspecteurs de certains jurys auxquels siègent d’autres membres des ministères : les diplômes professionnels de l’éducation nationale, c’est-à-dire les bacs professionnels, les CAP, etc. Cela permettra de libérer 20 000 équivalents permis B. Cette mesure était déjà incluse dans le projet de loi. Les amendements que vous venez d’adopter permettront en outre de retirer les inspecteurs de certains jurys de passage des titres professionnels, qui sont organisés par le ministère de l’emploi. Cela permettra de dégager assez de temps pour que les inspecteurs fassent passer 92 000 permis B supplémentaires. Cette mesure a été proposée par le ministre de l’intérieur dès l’automne dernier. Nous accélérons son application, compte tenu du déroulement des débats, de la volonté exprimée par la représentation nationale.
Avant, ces inspecteurs faisaient passer le permis poids lourd ; dorénavant, ils feront passer le permis B !
Non, ce n’est pas cela, monsieur Poisson. Ces inspecteurs participaient à des jurys de passage de permis poids lourds dans le cadre des titres professionnels organisés par le ministère de l’emploi, avec d’autres organismes publics…
Laissez-moi vous donner toutes les précisions, monsieur le député.
Ces inspecteurs seront réorientés pour faire passer des permis B.
L’épreuve pratique du permis poids lourd, qui représente la noblesse du métier, comme l’a très bien dit Jean-Christophe Fromantin mercredi, est préservée. Il est évident que les inspecteurs continueront à la faire passer, quand il s’agit du permis « sec ». Ce dont nous parlons à présent, ce sont d’autres types d’épreuves, organisés avec d’autres ministères et organismes publics. Nous ne considérons pas que la présence des inspecteurs au jury de ces épreuves soit indispensable : c’est pourquoi nous voulons la réformer. Ce point est essentiel, et je tenais à le préciser pour répondre aux questions que vous avez posées. Je précise également que la concertation a eu lieu sur ce sujet.
Tout cela nous permettra de traiter le flux. Il s’agit ensuite de résorber le stock, c’est-à-dire de réduire le délai d’attente entre le premier et le deuxième passage, au-delà des améliorations permises par les mesures que j’ai évoquées. Le ministère de l’intérieur a pris plusieurs mesures concrètes en ce sens : recrutements, réorientations. La question posée au départ par M. Fromantin – le mérite lui en revient – et reprise par M. Le Roux mercredi soir, est la suivante : comment être plus ambitieux pour réduire cette file d’attente ?
MM. Fromantin et Giraud ont proposé d’externaliser l’examen du permis de conduire. Cette solution présente des avantages pratico-pratiques, mais elle a quelques inconvénients. Quels sont-ils ? Premièrement, il faudrait encadrer cette externalisation, ce qui implique des délais. Deuxièmement, cela pose un problème de formation – mais cette question se pose aussi bien pour le public que pour le privé. Ce n’est donc pas une objection dirimante. Troisièmement, cela impliquerait que l’examen pratique devienne payant. Nous avons à plusieurs reprises évoqué cet aspect. Mais vous avez raison : on peut tout à fait envisager que cet examen payant ne dépasse pas 50 ou 100 euros. Là encore, ce n’est pas dirimant.
Cela étant, même si je reconnais qu’il n’y a pas de solution parfaite, il y a quand même quelque chose qui me gêne, avec cette solution de l’externalisation. Dans les zones tendues, il serait possible d’améliorer les délais, mais le permis deviendrait payant pour les jeunes. En revanche, dans les zones non tendues, les jeunes continueraient à bénéficier d’un examen gratuit. Cette solution entraînerait donc une petite distorsion.
Vous avez soulevé un problème plus large que celui auquel s’attaquent les mesures que nous avons commencé d’adopter. De là vient mon inconfort, que j’ai reconnu mercredi soir. Une discussion est en cours, et des mesures très courageuses ont déjà été prises par mon collègue ministre de l’intérieur.
La carte dont je vous ai parlé montre que dans l’essentiel des départements, le délai dépasse quarante-cinq jours. Il y a même beaucoup de régions où ce délai est nettement supérieur. Nous devons donc être beaucoup plus ambitieux. Dès lors, nous sommes confrontés à l’alternative suivante : allons-nous régler le problème en faisant payer les jeunes, même un coût modique, ou déciderons-nous de prendre des mesures d’ensemble pour mieux le maîtriser ? Pour arriver à cette maîtrise, il faudra une cascade de mesures, qui concernent toute la chaîne du permis de conduire, et pas seulement l’organisation de l’examen. Voilà l’esprit de cette réforme, que nous avons véritablement co-construite.
Il faut en effet mettre des mots derrière le débat qui a eu lieu à propos du service universel. Je n’ai pas voulu intervenir dans ce débat pour ne pas vous faire perdre du temps, mais je comprends l’inconfort de certains. Je ne reviendrai pas sur les débats terminologiques, qui à mon avis sont dépassés…
Je peux comprendre, disais-je, l’inconfort de ceux qui nous disaient : « Vous allez proclamer de beaux principes, sans donner les moyens correspondants ». Je leur réponds : non. Cet amendement du Gouvernement fixe un délai de quarante-cinq jours. À l’heure actuelle, ce délai ne figure pas dans la loi. Et lorsque le délai d’examen dépasse quarante-cinq jours, les pouvoirs publics s’organisent en ayant recours à tous les agents contractuels pour qu’il soit réduit à quarante-cinq jours, ce qui est un droit que l’on doit reconnaître à chacun de nos jeunes. Nous ne suivons donc pas la proposition d’externalisation, défendue notamment par M. Fromantin, parce que nous considérons que c’est la responsabilité des pouvoirs publics que de faire respecter ce délai de quarante-cinq jours.
Comment le faire ? D’abord, le ministère de l’intérieur est en train de mettre en place une organisation sur une base régionale, ce qui permettra de réaffecter beaucoup d’inspecteurs dans les deux zones tendues. Cela ne relève pas de la loi ; c’est un engagement du ministre de l’intérieur. L’organisation actuelle, dont il a longuement débattu avec les inspecteurs, ne permet pas une répartition optimale sur le territoire. Réorganiser permet de répondre à un premier problème.
En outre, on s’oblige à recourir à des agents et des contractuels partout où ce problème est identifié. Je peux vous dire deux choses : premièrement, nous avons la capacité, avec plusieurs entreprises publiques qui vous sont familières, de répondre à ces besoins. Je demanderai solennellement, à l’issue de notre discussion, au directeur général de La Poste – et j’ai déjà commencé à discuter de ce sujet avec lui – de s’organiser en conséquence.
Partout sur le territoire, des agents sont en capacité de faire passer non seulement l’épreuve du code, mais également celle du permis de conduire.
Le directeur général de La Poste est en train d’élaborer un plan stratégique visant à préserver sur nos territoires des agents, qui ont d’ailleurs à faire face à une attrition d’une partie de leur activité, que nous voulons tous maintenir. C’est pourquoi a été engagée une réflexion, à laquelle vous avez tous participé, sur le maintien des maisons de services publics et sur le développement des activités de La Poste, comme l’activité d’assistance aux assurances.
Il y a donc une réflexion importante sur le service bancaire universel et sur la polyvalence accrue de La Poste.
J’ai demandé au directeur général de La Poste qu’il fasse des proposition concrètes pour la fin du mois de mars, afin de faire évoluer en ce sens les missions de La Poste. Celles-ci vous seront soumises, avec l’absolue transparence dont j’ai toujours usé avec vous. Elles viseront à permettre aux agents de La Poste d’organiser ces épreuves.
Quel était le système proposé par M. Fromantin ? C’était une bonne proposition – je le répète, il s’agit ici de réflexion collective et de coconstruction –, qui visait à permettre à Bureau Veritas de faire passer l’examen…
Bien sûr que si ! On n’en serait pas là, sans cette discussion.
Or, Bureau Veritas n’est pas présent dans tout le territoire. La Poste, quant à elle, dispose de bureaux dans beaucoup des territoires.
De plus, les agents de La Poste sont assermentés et sont donc en mesure de le faire. Les agents de cette grande entreprise sont un trésor collectif. Celle-ci sera donc mobilisée sur le territoire pour cet objectif et on se donne la capacité, entre autres grâce à ce dispositif, de l’atteindre. C’est là la philosophie du présent amendement.
J’ai été très sensible à l’émotion contenue dans les propos de MM. Vigier et Fromantin. Nous avons eu des discussions honnêtes pendant toutes ces semaines. D’abord, vous avez soulevé le problème et vous ne nous avez pas lâchés.
Et c’est votre mérite, parce qu’il faut reconnaître que sans cela, peut-être que nous ne serions pas arrivés jusque-là. Mais, tenez-vous davantage à régler le problème sur le fond ou à l’externalisation vers le privé ?
Si on tient à ce que ça marche, pourquoi la proposition concrète que je suis en train d’évoquer serait-elle irrecevable ? Pourquoi tiendrait-on avant tout à externaliser vers le privé ? Bernard Cazeneuve et moi-même sommes convaincus que nous avons collectivement la possibilité de participer à la construction de ce nouveau modèle en utilisant mieux l’organisation publique dont nous disposons, en mobilisant mieux les agents du ministère de l’intérieur présents sur le territoire et ceux de certaines entreprises publiques qui ont un vrai maillage territorial, auquel nous croyons tous, mais un maillage qui est parfois remis en question en raison des menaces pesant sur leur activité première. La privatisation n’est pas une fatalité pour répondre aux défis de ces grands services et à ce que nous devons aux jeunes.
Nous avons pris en compte vos interrogations. Nous avons, avec Bernard Cazeneuve, entendu les aspirations de plusieurs groupes et de la majorité. La proposition du Gouvernement est de nous organiser collectivement pour que ce délai de quarante-cinq jours soit partout tenu, car tel est l’objet de votre préoccupation, que nous partageons. Tel était aussi le sens de l’ambition affichée mercredi soir par Bruno Le Roux : partout, le délai entre deux passages d’examen doit être de quarante-cinq jours au maximum. Nous nous mettons en capacité de le faire, avec les structures dont nous disposons.
Je suis même prêt, si vous le voulez, à accepter un sous-amendement prévoyant de se donner un rendez-vous rapide,…
…afin que si, d’ici un an, la mise en place de cette organisation avait échoué, on puisse procéder à une évaluation et à une remise à plat du dispositif.
Je ne dis pas ici qu’il s’agit d’un cache-sexe ! Allons jusqu’au bout ! Si on pense collectivement que ce n’est pas suffisant, prévoyons collectivement d’évaluer ce dispositif dans un an !
Voilà pour la structuration de l’examen, qui est la première réponse – essentielle – au problème que vous avez soulevé. Mais nous n’arriverons pas à améliorer l’ensemble de l’organisation si, de la même façon, nous n’organisons pas mieux la préparation de l’examen, c’est-à-dire l’apprentissage. Je crois qu’il ne faut pas s’arrêter à un seul sujet. En effet, en quoi consiste le problème du coût du permis ? Il faut se dire les choses jusqu’au bout : ce sont d’abord les délais d’attente, que vous avez évoqués. Le présent amendement permet de répondre de façon cohérente à l’ambition des quarante-cinq jours, en prévoyant de s’organiser pour apporter une réponse crédible.
Mais si ne nous attachons pas à améliorer l’organisation de l’apprentissage de cette épreuve pratique, nous manquons l’objectif. Le problème, c’est que, dans de nombreux endroits de nos territoires, nos concitoyens sont parfois captifs d’une organisation qui les oblige à repasser des heures et des heures d’apprentissage dans l’attente de l’examen, parfois d’une manière qui manque de transparence. Plusieurs amendements à venir permettront de compléter le dispositif en prévoyant d’améliorer la transparence dans l’inscription.
En effet, l’organisation même de l’inscription à l’épreuve n’est aujourd’hui pas suffisamment transparente et équitable. Les jeunes, ou les moins jeunes, qui sont en situation de passer ou de repasser le permis doivent pouvoir s’inscrire de manière beaucoup plus simple et transparente à cette épreuve pratique. À défaut, une organisation parfois malthusienne prévaudra, qui favorisera le report de l’épreuve et la procrastination pour que des heures soient accumulées – il faut se dire les choses –, ce qui conduira à l’augmentation du coût. Aussi, si on veut baisser le coût et être plus efficace, l’inscription à l’épreuve doit être plus transparente. Tel est l’esprit de la réforme ici conduite. Cela n’avait jamais été fait non plus.
Enfin, par un amendement qui prévoit un cadre plus strict, nous allons beaucoup mieux organiser les forfaits à la formation. Le problème de nos jeunes, vous l’avez dit en creux, monsieur Fromantin, ce n’est pas seulement le coût de l’épreuve pratique – vous avez raison de dire qu’un coût de 50 ou 100 euros ne serait pas dirimant –, c’est aussi le nombre d’heures accumulées au-delà du forfait de vingt heures. Nous allons demander aux services compétents – la DGCCRF, travaillera sur ce sujet – d’organiser des forfaits au-delà des vingt heures qui soient complètement transparents, car cela participe également de la réduction du coût total du permis de conduire.
Oui, nous avons progressé collectivement ces derniers jours et ces dernières semaines, car la réforme ici proposée est une réforme non seulement de l’examen pratique, mais aussi de l’organisation de l’apprentissage et de l’inscription à cet examen. Il s’agit d’une réponse cohérente à votre volonté de nous voir prendre nos responsabilités et ne pas être captifs de certains corporatismes, sans considérer que la seule réponse aux corporatismes, c’est simplement d’abandonner et de s’en remettre à quelque chose d’autre en externalisant. D’ailleurs, les acteurs privés ne sont pas eux-mêmes organisés pour répondre dans tout le territoire à un problème de délai excessif. Si le problème ne concernait que l’Île-de-France, l’externalisation à Bureau Veritas pourrait suffire. Mais, au-delà des services du ministère de l’intérieur, qui sont en train de s’organiser pour ce faire, la seule entreprise qui puisse répondre à ce problème, c’est l’entreprise publique La Poste. Tel est le défi que nous nous lançons collectivement.
Voilà les propositions et les réponses que je voulais apporter aux différents propos tenus ce matin.
Je répète à nouveau – ce n’est pas qu’un propos de séance – que ce sont à la fois les vives préoccupations que vous avez tous exprimées depuis mercredi et la réflexion collective menée depuis plusieurs semaines qui ont permis d’accélérer ce travail et d’en arriver là.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Ce rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1, du règlement. Je m’adresse à vous, monsieur le président, car il y a un vrai problème de fonctionnement. Nous ne travaillons pas dans des conditions acceptables – j’ai eu l’occasion de le dire tout à l’heure en commission spéciale, je permets de le répéter ici. J’en veux pour preuve que l’amendement du Gouvernement dont nous débattons n’est pas accessible sur notre outil de travail informatique, Eliasse.
Par ailleurs, l’amendement du Gouvernement ne figure pas sur la feuille jaune présentant le déroulé de la séance. Je sais que nous travaillons dans des conditions extrêmement difficiles, mais c’est bien de cela dont il est question : elles deviennent tellement difficiles que nous ne pouvons pas travailler correctement. D’ailleurs, le président Vigier y a fait également référence en commission. Nous ne pouvons pas travailler ainsi.
Lorsqu’il veut déposer des amendements de cette nature, sur lesquels nous devons pouvoir nous prononcer en connaissance de cause, le Gouvernement devrait réserver l’article, afin de nous donner le temps de les examiner de manière sérieuse, ce qui n’est, en l’espèce, absolument pas le cas.
Il existe un problème à la fois sur le fond et la forme. Nous ne pouvons pas continuer à travailler ainsi. Cela rejoint ce que nous disons depuis le début, monsieur le ministre : lorsque l’on examine un projet de loi qui est un véritable patchwork, il faut avoir le temps de le faire sérieusement. Je regrette vivement que ce ne soit pas le cas.
Merci, monsieur Hetzel, pour cette intervention. Chacun sait qu’il est arrivé fréquemment que soient déposés des amendements tirant les conséquences des discussions parlementaires en cours.
Monsieur le ministre, permettez-moi d’abord de me féliciter que cet amendement soit déposé au nom du Gouvernement de la France, non à celui du groupe socialiste, même si je sais la façon dont nous avons contribué à l’élaboration de cette solution. En effet, la solution proposée par votre amendement est respectueuse du débat que nous avons depuis maintenant plusieurs heures et des propositions formulées depuis les différents bancs de l’hémicycle.
Je pense que cette solution et l’amendement que vous avez déposé sont respectueux du débat que nous avons, depuis maintenant plusieurs heures, ainsi que des solutions qui ont été esquissées par les uns et par les autres.
Deuxième élément : permettez-moi de vous remercier. Je ne veux pas ici être dans l’anecdote, mais il se trouve que, quand cet amendement a été préparé puis déposé, nous avons pu passer quelque temps ensemble. Je voudrais dire ici que la préoccupation du Gouvernement, et singulièrement celle du ministre de l’économie, a été de faire en sorte que l’ambition que nous avons tous ici, c’est-à-dire la mise en place la plus rapide du dispositif – qui pourrait même commencer, et ce n’est pas du mépris pour l’Assemblée, bien au contraire – puisse même être vérifiée, dans sa mise en oeuvre, avant même qu’elle ne nous soit proposée ici, dans l’hémicycle.
La mobilisation des services de l’État, bien entendu, mais aussi les contacts pris avec cette grande entreprise qu’est La Poste nous rassurent sur ce qui est forcément l’interrogation de chacun : la capacité à aller vite dans la mise en oeuvre ce dispositif.
Enfin, je voudrais aborder la norme de quarante-cinq jours que nous posons pour un département comme le mien – vous en discutiez tout à l’heure, monsieur le président Vigier, en vous demandant si le dispositif serait à même de répondre à la question de la Seine-Saint-Denis. Mon inquiétude aurait été que l’on me définisse un certain nombre de postes supplémentaires. Cette inquiétude est levée par la norme que nous créons, pour tout le territoire, à quarante-cinq jours, parce que c’est cela qui, demain, peut lever les interrogations sur l’efficacité du dispositif.
Et donc je pense véritablement que cet amendement tire les fruits de tout le débat que nous avons depuis maintenant plusieurs heures. Il permet au Gouvernement de s’assurer de sa mise en oeuvre rapide, et, à cet égard, j’adresse mes félicitations au ministre, qui ne se contente pas de venir ici avec du texte juridique mais qui est d’ores et déjà dans l’application pratique, afin que, dès le vote de la loi en première lecture, il puisse être procédé à la mise en place, sur tout le territoire, des moyens qui vont permettre l’application du dispositif.
Je crois que nous avons là, singulièrement, alors que nous sommes quelquefois éloignés des réalités, la capacité, sur le permis de conduire, de montrer que le travail d’analyse et de dénonciation d’une situation inacceptable que nous faisons ici peut amener à des propositions qui sont des propositions justes et rapides. Elles permettent de régler définitivement ce problème. Je crois que nous faisons en ce moment du bon travail.
Je comprends mieux, maintenant, pourquoi nous parlions de service universel : c’est parce qu’il y a effectivement un service universel postal. Cela permettra de rapprocher le service universel du permis de conduire et le service universel postal. Néanmoins, j’ai quand même toute une série de questionnements.
Premièrement, sur cet amendement du Gouvernement, je me demande vraiment si cela relève du législateur. Qu’est-ce que le législateur autorise ? Il autorise l’État à faire son travail, c’est-à-dire à recourir à des sureffectifs pour faire face à ses missions.
Dieu merci, lorsque, dans le guichet d’une préfecture on est en retard sur les permis de conduire, et qu’on fait venir une dizaine d’agents supplémentaires qui pendant trois mois vont résorber le retard, on ne fait pas voter une loi au Parlement. Il faudra m’expliquer en quoi cela relève de l’article 34 de la Constitution. Je n’en suis pas certain.
Je ne suis pas certain non plus que cet amendement permette de répondre à ce qui a été proposé, de manière fort innovante, par le ministre Emmanuel Macron, à savoir de recourir à l’entreprise publique La Poste.
Cela dit, j’y vois, monsieur le ministre, un appel d’air pour l’UDI. Eh oui : il vous suffira ensuite de privatiser La Poste..
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
… et ainsi vous viendrez en conjonction avec ce que proposait M. Fromantin, puisque vous aurez externalisé au secteur privé le permis de conduire. C’est là une espèce de tentation qui, à mon avis, court derrière ce texte.
Néanmoins, je vous ferais remarquer, dans le cas d’espèce, que lorsque l’amendement prévoit que « l’autorité administrative recourt à des agents publics ou contractuels comme examinateurs autorisés à faire passer des épreuves de conduite », cela ne règle pas le cas dans lequel on ferait appel aux agents de La Poste. D’abord, parce qu’à mon avis le recrutement ne se fera pas au cas par cas : c’est peut-être, tout simplement, une loi qui viendra habiliter La Poste à le faire, ou peut-être, de manière plus pragmatique, une espèce de délégation de service public – ah, le mot réapparaît –, ou je ne sais quel autre moyen.
En tout cas, un accord général avec l’entreprise La Poste devra être conclu. Si cela ne répond pas à la solution pratique que vous avez proposée – c’est, quoi qu’il en soit, ce que je comprends de votre rédaction, mais vous en ferez peut-être une autre interprétation théologique –, je ne vois pas à quoi sert cet article.
Je voudrais quand même signaler que le fait de dire que demain La Poste sera partie prenante du nouveau dispositif n’est pas neutre. Je peux comprendre qu’à deux mois d’une élection cantonale, le Gouvernement ayant quelques problèmes en territoires ruraux, ce soit un très bel argument électoral à proposer à vos candidats en leur disant : vous avez vu, nous résolvons le problème des services publics en milieu rural.
Mais, en l’occurrence, je ne vois vraiment pas comment nous pouvons discuter sereinement du nouveau dispositif quand on nous sort un amendement qui, en réalité, ne recouvre pas ce qui est proposé à l’oral par le ministre et qui semble quand même très baroque. Il faudrait qu’à un moment donné nous ayons une vision un peu globale. Je ne vois vraiment pas le lien entre ce que vous avez expliqué à l’oral et ce qui est proposé à l’écrit.
Très brièvement, je veux dire trois choses. Je voulais dire au ministre que je le remercie, au moins du ton qu’il a employé et du respect qu’il a manifesté vis-à-vis de l’ensemble des partenaires sur cette question centrale du permis de conduire. En revanche, je l’ai interrogé tout à l’heure, mais peut-être continuerons-nous nos échanges cet après-midi sur d’autres articles, et je n’ai pas été satisfait des réponses au fond.
En premier lieu, quand je vous ai posé tout à l’heure, très simplement, la question des moyens financiers, elle a été éludée. Or, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas l’éluder, car elle est centrale.
La seconde question, Julien Aubert y a fait référence, est celle de La Poste. On sait que La Poste est une grande entreprise qui emploie déjà 30 % de contractuels. Seront-ce ces contractuels, dont on voit qu’elle essaie, jour après jour, de se séparer, qui sont concernés ? J’ai eu la semaine dernière une discussion avec Jean Launay, qui, comme vous le savez est président de la Commission supérieure du service public des postes et des télécommunications : dans de nombreux chefs lieux de canton – je vous invite, mes chers collègues, à regarder cela – les horaires sont en train de se contracter. Ils ne savent pas comment diminuer la masse salariale, et proposent même de faire des maisons de services publics qui deviendront peut-être des maisons de services publics et du permis de conduire puisque, si j’ai bien compris, vous voulez en faire un droit universel.
Je voudrais savoir exactement qui va payer : est-ce La Poste ? Cela permettra-t-il de donner des délais destinés à faire en sorte que ceux qui ont des contrats soient mis à la porte un peu plus rapidement ou un peu plus tardivement ? Il serait bon que vous éclairiez la représentation nationale sur ce point.
Et puis, enfin, je dis à Bruno Le Roux – il est vrai que chacun est dans son débat, chacun a son chemin – la chose suivante : vous avez suscité une attente, et cette carte que nous avons sous les yeux en témoigne. Or vous n’avez pas apporté de réponses précises. Quand, dans un département, le délai d’attente atteint deux cents jours..
… eh bien, monsieur Le Roux, pour arriver à quarante-cinq jours, avec trente-cinq inspecteurs, cela ne fonctionnera pas. Je veux dire que ce que nous mettons en place, mes chères collègues, c’est l’échec annoncé d’une réforme et c’est cela qui nous fait mal. Et c’est pour cela, en particulier, qu’avec Jean-Christophe Fromantin nous avons mis autant d’énergie pour trouver les voies et moyens pour y arriver. En fait, c’est cela le vrai sujet : ces frustrations nouvelles, je répète ce que j’ai dit tout à l’heure, et l’incapacité de la classe politique à résoudre un certain nombre de problèmes centraux. Voilà une question centrale qui ne sera pas réglée. Je le regrette, mais c’est ainsi. C’est votre choix. Nous ne l’approuvons pas.
Je souhaite apporter des éléments de réponse aux différentes remarques qui ont été faites. D’abord, oui, je crois, quand même, que c’est du niveau de la loi. Le délai de quarante-cinq jours, s’il n’est pas opposable individuellement, l’est à l’État. Et donc, oui, l’amendement que vous venez d’adopter relève bien de la loi.
Deuxièmement, oui, en prévoyant la notion d’un recours à des agents contractuels publics, vous donnez la possibilité aux autorités publiques qui organisent l’examen d’avoir recours à des agents qui, comme ceux de La Poste, ne sont pas dans son périmètre ministériel, et cela vous ne pouvez le faire que par la loi.
Oui, nous nous organiserons pour que, dans la convention qui existe entre l’État et La Poste au titre de ses quatre missions de service public existantes, nous puissions y ajouter ce dispositif. Il faut donc une accroche législative pour pouvoir le faire, et elle sera ainsi consolidée. Nous viendrons d’ailleurs, une fois que nous aurons tous les éléments, la préciser, peut-être en deuxième lecture ou par un prochain texte, pour que les choses soient parfaitement transparentes, comme c’est toujours le cas avec La Poste.
Non, il ne s’agit pas simplement d’occuper les contractuels de La Poste. Celle-ci emploie encore, comme vous le savez, des agents publics, et aussi des contractuels, et il faut le faire partout sur le territoire.
Quand on parle de la ruralité, vous avez raison, il y a parfois des vrais sujets d’organisation pour La Poste. Peut-être que cette mission stratégique nouvelle permettra d’ailleurs d’y répondre. Mais, au-delà de ce sujet, les vraies zones de tension, vous l’avez vu, ne sont pas des zones rurales, mais des zones plutôt urbaines et métropolitaines. Et pardonnez-moi, mais pensez-vous une seule seconde, de manière crédible, qu’on verra beaucoup de bureaux Veritas en Seine-Saint-Denis ou dans des départements comme celui-ci ?
Je vais vous dire le fond de ma pensée : je ne le crois pas, parce qu’on connaît bien la situation de ces quartiers qu’il faut désenclaver. Je rejoins là un autre débat qui a cours en ce moment. Donc, oui, nous voulons redonner plus de force à la présence des services publics, à ces maisons de service public que sont nos bureaux de poste dans ces quartiers. Avec ces nouvelles missions sur la jeunesse, nous leur redonnons aussi un sens et un nouveau métier qui a beaucoup de force. Mesdames et messieurs les députés, je vous invite à regarder toutes les conséquences de la mesure qui est ici prise. Elles ne sont pas, en effet, qu’économiques mais aussi politiques.
Je veux revenir très précisément, monsieur le président Vigier, sur votre demande de clarification sur les moyens financiers. Nous allons regarder ce point de manière extrêmement fine, et, d’abord avec La Poste. Cela passera par la convention qui existe sur les missions de service public. Cette convention est renouvelée de manière annuelle ou pluriannuelle. Cela se passera donc, dans le cadre de cette convention, de la même manière que pour l’accessibilité bancaire ou d’autres services de ce type, et c’est sous cette forme que cela sera compensé.
Ensuite, s’il fallait avoir recours à d’autres éléments, et cela fait partie du travail que nous allons conduire avec Bernard Cazeneuve et Michel Sapin dans les prochaines semaines, nous regarderons avec les assureurs ce qu’il est possible de faire, sans toucher aux prélèvements obligatoires ni créer de nouveaux prélèvements. Car vous n’êtes pas sans savoir qu’il existe une contribution de 0,5 % payée par les mutuelles et par les assureurs pour les missions, précisément, de sécurité routière. Les mutuelles et les assureurs sont aussi, eux-mêmes, en train de réfléchir à contribuer à l’organisation des épreuves pratiques du permis, parce qu’il est évidemment positif de former mieux et plus rapidement les jeunes conducteurs. Ce 0,5 % des compagnies d’assurances a été renouvelé en 2010, sous l’autorité de François Fillon, par une convention de sécurité routière. Il ne s’agit pas d’une taxe ou d’un impôt. Il permet de financer beaucoup d’activités en matière et de sécurité routière et d’organisation du permis. C’est une discussion qui aura lieu dans les prochaines semaines.
Mais nous ne sommes pas persuadés, aujourd’hui, qu’il faille des moyens extrabudgétaires à court terme, si l’organisation à laquelle nous pensons avec La Poste, au-delà des aménagements prévus, permet d’y répondre. La clarification sera faite sur ces points.
Je vous donne ici deux pistes qui sont robustes et qui vous permettent de constater qu’il n’y a pas aujourd’hui d’impasse, en tout cas pas de freins budgétaires à cette mesure. Je m’engage, sur ces deux éléments, à vous apporter dans les prochains jours et les prochaines semaines, à chaque point d’avancée, les pleines clarifications.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures dix.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly