COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Lundi 12 mai 2014
Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 14 h 45
Réunion conjointe avec la délégation du Bundestag en charge de la Conférence sur la gouvernance économique et financière de l'UEM (article 13 du TSCG)
Au nom de la délégation française, Assemblée nationale et Sénat réunis, je suis heureuse d'accueillir nos collègues du Bundestag, avec qui nous partageons le désir de faire vivre la conférence interparlementaire. À nos yeux, celle-ci doit être une enceinte de débats destinée à garantir et à renforcer la responsabilité démocratique et la légitimité des décisions prises en matière de gouvernance économique, mais également financière. La conférence doit aussi tenir compte des dimensions sociale et environnementale qui se sont progressivement greffées à l'Union économique et monétaire, en particulier dans le cadre du semestre européen.
Compte tenu du rôle que la conférence est, je l'espère, appelée à jouer, il nous semble nécessaire d'éviter tout doublon avec d'autres réunions précédemment organisées. On pourrait résumer l'orientation de nos discussions à Bruxelles, qui vont se poursuivre ici, par deux maîtres-mots : souplesse et réactivité. C'est dans cet esprit que nous proposons d'organiser le présent débat par grands thèmes.
L'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG), qui institue la conférence, laisse ouvert le champ des possibles. La conférence des présidents de parlements réunie à Nicosie a posé à ce sujet quelques principes fondamentaux. Le document sur lequel nous avons travaillé est celui qui a servi de fondement à la consultation organisée par la présidence grecque au cours des derniers mois.
Après un échange de vues général, nous en viendrons à l'examen des principaux thèmes de discussion. Nous en avons dégagé six, qui peuvent être complétés en tant que de besoin : l'objet et le champ de compétence de la conférence ; son calendrier ; l'organisation de réunions en dehors des séances plénières et d'auditions ; la fixation de l'ordre du jour ; la procédure de vote et l'adoption d'un document final ; enfin, la taille et la composition des délégations.
La dynamique du couple franco-allemand, qui a toujours été le moteur de l' Europe, est aujourd'hui plus que jamais nécessaire pour approfondir la démocratie européenne, objectif qui suppose notamment l'implication accrue des parlements nationaux et celle du Parlement européen – lesquelles ne sont pas antinomiques mais complémentaires, et nous devons le répéter ensemble. C'est en ce sens que nous devrons continuer de travailler avec ceux qui, dans quinze jours, seront les nouveaux élus au Parlement européen.
L'article 13 du TSCG confère un rôle spécifique aux parlements nationaux. Des quatre volets du chantier que représente l'approfondissement de l'Union économique et monétaire – bancaire, économique, budgétaire et démocratique –, c'est cette dernière dimension que les parlements, nationaux et européen, sont le mieux placés pour développer. De ce point de vue, la conférence interparlementaire, qui associe les parlements des 28 États membres et le Parlement européen, représente un nouveau lieu d'échange fort utile. Ses deux premières sessions, organisées à Vilnius, en octobre, puis à Bruxelles, en janvier, ont montré la nécessité de la doter de règles de fonctionnement. Je remercie tous ceux qui participent régulièrement à leur élaboration, d'autant que la tâche n'est pas toujours facile.
Je souhaite la bienvenue à nos amis allemands. Plusieurs membres du Bundestag qui ne pourront assister à la réunion m'ont priée de vous faire part de leurs regrets, notamment le président Norbert Barthle. Ils sont néanmoins bien représentés ici, et nous aurons l'occasion de reparler de tout cela avec eux. Les représentants du Bundesrat n'ont pu nous rejoindre et je vous transmets leurs regrets de n'avoir pu participer à cette rencontre, qui m'ont été adressés par notre collègue Peter Friedrich, président de la Commission des affaires européennes du Bundestag. Le président de notre commission des finances, Gilles Carrez, et la rapporteure générale Valérie Rabault sont retenus par un débat avec le FMI ; nous leur rendrons compte de la réunion. Je remercie de leur présence nos collègues du Sénat, très impliqués dans ce dossier : le président de la commission des finances Philippe Marini, ainsi que Jean Bizet, vice-président de la commission des affaires européennes, et Richard Yung, membre du bureau de la commission. Je remercie enfin les membres présents de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale.
La présidence grecque a lancé une vaste consultation destinée à rassembler l'ensemble des amendements proposés par les parlements sur le projet de règlement intérieur issu de la session de Vilnius, à laquelle plusieurs d'entre nous ont participé et où notre commission était représentée par Christophe Caresche. Il nous faut maintenant préparer la session qu'organisera la présidence italienne les 29 et 30 septembre, en vue d'examiner à Rome les règles de fonctionnement de la conférence. Lorsque nous, Français et Allemands, discutons ensemble en toute simplicité, nous faisons progresser le débat. On l'a constaté à Bruxelles, où nous avons décidé conjointement d'organiser cette réunion.
Madame la présidente, commençons, comme vous l'avez proposé, par le domaine de compétence de la conférence et ses liens avec la semaine parlementaire du Parlement européen. Il est dommage que nos deux collègues de la CDU-CSU n'aient pu être présents aujourd'hui, mais nous nous sommes concertés, entre groupes parlementaires, à propos des points à discuter. Je puis donc vous faire part de la position du Bundestag, sachant que nous n'en sommes qu'à un stade intermédiaire : nous nous approchons peu à peu d'un résultat, mais nous n'y sommes pas encore.
Voici donc notre avis : en ce qui concerne la politique économique et financière, de nombreux objectifs n'ont pas été atteints et nous avons encore bien du travail. Dans l'esprit de l'article 13 du TSCG, il importe donc de se concentrer sur l'objet de la conférence, qui est la coordination des politiques économiques et financières. Cela ne signifie pas que nous nous désintéressions d'autres sujets, dont le chômage, qui relève de la politique économique et dont nous avons parlé à Bruxelles. Mais j'ai eu le sentiment qu'entre représentants des parlements nationaux, nous ne parlions guère de politique financière ; il le faut pourtant.
S'agissant de la légitimité démocratique de la conférence, je rappelle que les représentants légitimes des États membres, c'est-à-dire les députés nationaux et les députés européens, sont appelés à s'exprimer sur les questions dont nous parlons, et qu'il appartient ensuite aux différentes présidences de reprendre leurs conclusions.
J'estime qu'il ne faut pas limiter la taille des délégations, d'autant que, du seul fait de notre système fédéral, la délégation allemande pourrait être plus fournie que celles d'États organisés différemment.
Ambitieux comme toujours, les Allemands avaient souhaité un régime linguistique trilingue, mais je crois que nous allons devoir nous accommoder d'une autre solution.
Je vous remercie d'avoir rappelé ce qui s'est dit à Vilnius. Je vous propose que nous reprenions un à un les thèmes inscrits à l'ordre du jour, afin de distinguer ceux qui font consensus entre nous de ceux qui font débat.
Il ne me semble pas inutile de parler de la manière dont nous concevons le contrôle démocratique du semestre européen et, en particulier, le rôle du Parlement européen dans ce cadre, question sur laquelle nous avons achoppé à Vilnius.
Soyons clairs. Le Parlement européen a revendiqué de participer à l'examen annuel de la croissance. En la matière, on ne peut certes se limiter au point de vue des parlements nationaux ; cependant, quelle réponse les représentants des parlements nationaux doivent-ils donner à cette revendication ? L'examen annuel de la croissance est élaboré par la Commission européenne puis adopté par le Conseil européen ; à titre personnel, je ne serais pas choqué qu'il soit adopté par le Parlement européen. En revanche, je suis tout à fait opposé à ce que celui-ci se prononce sur les recommandations par pays ; ce faisant, il sortirait de son rôle.
Cette question relève du premier point, l'objet et le champ de la Conférence : soit le Parlement européen est seul, soit un dialogue se noue entre lui et les parlements nationaux.
Je partage l'analyse de Christophe Caresche. Nous avons l'un et l'autre participé aux sessions de Vilnius et de Bruxelles et nous en avons tiré des enseignements voisins : une règle du jeu doit permettre de répartir les compétences entre le Parlement européen et les parlements nationaux.
Il est un autre point sur lequel j'aimerais insister. Il dépend de nous, et dans une large mesure de la capacité des délégations française et allemande à trouver une position commune, que ces réunions ne soient qu'un aimable forum de tourisme parlementaire, un lieu d'expression convenue, ou qu'au contraire elles amorcent l'élaboration d'une méthode de travail commune aux délégations des parlements. Si l'on préfère la seconde branche de l'alternative, ce qui est évidemment mon cas, il faut un travail sérieux, portant sur un ordre du jour préparé à l'avance et correspondant à des thèmes précis, dont il ressorte autre chose que de l'eau tiède – c'est-à-dire qui débouche sur des conclusions. Pour moi, tout est lié. Il s'agit soit d'une sorte de colloque bienséant, soit d'une manière d'approfondir la connaissance mutuelle et les travaux de nos parlements respectifs.
À mes yeux, le champ de la Conférence n'est autre que son champ initial : la gouvernance économique et financière. Son volet le plus opérationnel correspond certes à la convergence, aux mesures relatives aux finances publiques, mais celles-ci sont liées à la solidité du système bancaire, à son mécanisme de supervision, à l'organisation des marchés financiers, au financement des entreprises, bref à la gouvernance financière. Voilà pourquoi la délégation du Sénat est attachée au maintien de l'expression « gouvernance économique et financière ».
Que pensent nos amis allemands de la répartition des rôles entre le Parlement européen et les parlements nationaux ?
Le Bundestag en tant que tel n'a pas de position sur la question de savoir si le Parlement européen doit se prononcer ou non sur l'examen annuel de la croissance. En revanche, mon groupe – comme les sociaux-démocrates, me semble-t-il – y est favorable. Mais cette question n'est pas liée à la conférence prévue à l'article 13 du TSCG.
Le Parlement européen craint de voir son importance réduite parce que des sujets relevant de sa compétence seraient traités par d'autres. En revanche, les délégations nationales souhaitent que la conférence soit indépendante du Parlement européen, notamment en ce qui concerne l'organisation de la semaine parlementaire. Au sein de la Conférence, tous les participants doivent bénéficier des mêmes droits et prérogatives. C'est ainsi qu'avec le président du Bundestag, Norbert Lammert, nous concevons le rôle dévolu au Parlement européen au sein de la conférence.
Sur quels points souhaitez-vous que notre délégation prenne position ?
Il s'agissait plutôt d'identifier, à partir de la proposition grecque, les points qui font débat entre nous. Christophe Caresche en a soulevé un, Philippe Marini un autre. Se pose également la question du calendrier. Il serait bon que les Français et les Allemands montrent, ensemble, qu'il y a suffisamment de points communs entre eux pour que le règlement de la conférence soit adopté à Rome dans de bonnes conditions.
Je n'étais pas à Vilnius et certaines implications de la discussion m'échappent peut-être. Ce que je sais, c'est que tous les parlementaires que nous sommes, membres de parlements nationaux à la légitimité incontestée, nous interrogeons sur l'avenir de la zone euro, cherchons à la stabiliser et à susciter l'accord de nos partenaires, en tenant compte des contextes nationaux. Ce qui s'est passé à Bruxelles m'a paru instructif ; toutefois, instituer une procédure de vote à la Conférence n'est pas nécessairement la voie dans laquelle je souhaiterais m'engager. M. Sarrazin ou moi-même avons toute légitimité à nous trouver ici, en qualité de membres du Bundestag. La Constitution allemande est très claire, peut-être plus encore que la Constitution française : le Parlement allemand traite les dossiers point par point et le Gouvernement à l'obligation de tenir compte de son avis ; peut-être les choses se passent-elles différemment en France. Pour notre part, nous n'avons aucun problème de légitimité ; ce n'est pas le cas de tous les députés européens.
Peut-être ce dossier est-il trop nouveau pour moi, peut-être ne puis-je bien en comprendre toutes les implications, contrairement à Christophe Caresche qui connaît tout cela par coeur. Peut-être faudrait-il me mettre tout cela par écrit !
Nous touchons à un point difficile. Nous voulons travailler dans un climat de franchise, et il ne sera peut-être pas facile de nous rapprocher les uns des autres. L'objectif, du côté allemand, est que la conférence s'en tienne à la politique économique et financière et que les délégations des parlements nationaux travaillent en bonne intelligence avec le Parlement européen. Ces deux aspects devront être préservés dans la mise en oeuvre de l'article 13 du TSCG.
Je rappelle que nous partons d'un document existant, que nous cherchons à préciser ensemble puisque certains points faisaient débat à Vilnius et à Bruxelles. L'objectif est de parvenir à un accord entre nous sur le futur règlement de la Conférence.
Au fil des interventions, nous nous cristallisons sur les points essentiels. Il s'agit, en premier lieu, de la nécessaire indépendance de la conférence, notamment vis-à-vis du Parlement européen : elle ne saurait être sous quelque tutelle que ce soit.
Ensuite, l'esprit et la lettre de l'article 13 du traité : c'est « ensemble », j'y insiste, que le Parlement européen et les parlements nationaux doivent définir l'organisation et la promotion de la conférence, et les partenaires doivent se concentrer sur les problèmes financiers et économiques. Nous pouvons tous en être d'accord. La conjoncture est suffisamment délicate pour que, tout au moins dans un premier temps, nous nous en tenions là.
Troisièmement, faut-il laisser le Parlement européen donner le tempo en annonçant le taux de croissance estimé dans l'ensemble de l'Union ? Cela ne me choquerait pas davantage que M. Caresche, et me paraîtrait même assez logique.
Enfin, comme l'a rappelé Philippe Marini, la conférence ne doit pas se réduire à un club où l'on aurait plaisir à se retrouver, si sympathique cela puisse-t-il être : elle doit déboucher sur des résultats concrets. La Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) et la Conférence interparlementaire pour la politique étrangère et de sécurité commune et la politique de sécurité et de défense commune nous montrent la voie. Nos langues respectives sont assez riches pour que nous trouvions les mots sur lesquels nous mettre d'accord : dégageons donc des recommandations, ou des orientations – si le terme « conclusion » perturbe nos amis allemands – qui ne lient pas les parlements nationaux, puisque nous savons pertinemment que le Bundestag ne fonctionne pas de la même façon que l'Assemblée nationale.
Je le répète, la conjoncture sociale, économique et environnementale que connaît notre pays est trop délicate pour que nous nous abstenions d'être concrets. Voilà une dizaine d'années que nous nous concentrons sur les questions institutionnelles, mais les Français, plus encore que les autres Européens peut-être, veulent des réponses pratiques à leurs problèmes, principalement en matière d'emploi.
Sur certains des points soulevés nous sommes d'accord, pour d'autres nous divergeons.
Deux sujets tiennent particulièrement à coeur à la délégation allemande. D'abord, nous ne devons pas donner l'impression que la conférence organiserait de manière nouvelle la légitimité démocratique. Ce n'est pas le cas ; du reste, ce n'est ni dans sa nature ni dans ses moyens. La conférence ne remplace pas d'autres instances. Peut-être existe-t-il un déficit de légitimité et l'on peut en discuter, mais la création de la conférence ne tend pas à résoudre ce problème particulier. Ce qui s'est passé à Vilnius en a fourni une bonne illustration : les Belges y étaient représentés par deux collègues issus l'un des Verts de Wallonie, l'autre du Vlaams Blok, qui ne s'étaient pas entendus au préalable. Nous avons d'ailleurs constaté des niveaux de participation très différents selon les délégations.
D'autre part, les Allemands, qui ont une longue tradition parlementaire, accordent une grande importance à la manière dont on parvient à des conclusions – quel que soit le terme utilisé à ce sujet – qui engagent le Parlement. Comment une assemblée telle que la conférence prévue à l'article 13 du TSCG pourrait-elle adopter des conclusions contre l'avis de l'Allemagne ? En revanche, en décidant par consensus, comme le fait par exemple la Conférence parlementaire de la mer Baltique, il est possible de résumer les résultats de la conférence qui, parce qu'ils sont sans effets contraignants, ne devraient pas susciter de conflits.
En ce qui concerne l'aptitude à prendre des décisions, dès que l'on évoque l'idée de majorité, les Allemands veulent que l'on tienne compte de leur poids. On retrouve ici le débat sur la pondération des voix qui existe dans d'autres instances.
M. Poß a exprimé son point de vue. J'estime pour ma part que la conférence ne doit pas être considérée comme concurrençant le Parlement européen.
Il y a des sujets sur lesquels nous ne sommes pas entièrement d'accord, mais nous avons tout de même une certaine marge de manoeuvre.
Je n'étais pas à Vilnius, mais j'ai cru comprendre qu'un projet de texte avait été présenté, qui comportait des éléments intéressants, mais qu'il avait été ensuite vidé de son contenu.
En revanche, j'ai assisté à la réunion de Bruxelles. La conférence interparlementaire a réuni les représentants de 28 parlements nationaux, soit trois cents personnes ; durant deux jours, nous avons écouté les discours de commissaires et d'experts, puis nous avons repris le train. Sur le trajet du retour, nous n'avons pu nous empêcher de nous demander quel profit nous allions pouvoir tirer de tout cela. Il s'était agi d'un simple échange d'informations ; c'est comme un colloque ou une conférence : c'est intéressant, on y apprend des choses, mais cela ne va pas plus loin.
Il serait donc important de préciser quelles devront être les conséquences de ces réunions. Pourront-elles déboucher sur des prises de position, par exemple sur les questions budgétaires ? Dans cette hypothèse, ces prises de position devront-elles s'exprimer plutôt par consensus, auquel cas il s'agira d'une sorte de voeu, l'ensemble des parlements nationaux indiquant aux gouvernements des États membres et à la Commission européenne ce qu'ils pensent de telle ou telle proposition, ou plutôt à l'issue d'un vote, auquel cas il faudra s'interroger sur les modalités de détermination d'une majorité qualifiée ?
Ce qui est certain, c'est que si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est pour avancer – car nous sommes nombreux à avoir eu le sentiment que la précédente réunion de la conférence interparlementaire avait été inutile. La partie allemande serait-elle d'accord pour que nous essayions d'aboutir à une position commune, au moins sur la prise de position par consensus ?
Comme l'a rappelé la présidente, notre commission a joué un rôle moteur pour l'inclusion dans le TSCG de cet article 13 ; nous y avons beaucoup travaillé, notamment avec la représentation française à Bruxelles. L'idée était de faire en sorte que les parlementaires européens et les parlementaires nationaux se parlent, dans le domaine de la politique économique et des décisions budgétaires, car il y a dans nos pays respectifs une étanchéité entre le travail du parlementaire européen et celui du parlementaire national. Nous avons fait des efforts, en France, pour y remédier, et nous pensons qu'il faudrait faire la même chose à l'échelon européen.
Et puis il faut que les parlements nationaux s'organisent pour développer une capacité d'expression collective dans ce domaine.
Prenons garde à ne pas verser dans les défauts de la COSAC, où l'on ne prend jamais position parce qu'il faut faire plaisir à tout le monde. Je suis aussi d'avis qu'il faut pouvoir aboutir à des conclusions ou à des recommandations, sinon l'on aura l'impression de ne pas avancer.
Les problèmes sont encore devant nous et, sous la pression des événements, les discussions sémantiques vont vite être dépassées. L'article 13 du TSCG existe depuis plus d'un an : il est temps d'agir ! On nous propose de nous rencontrer à nouveau en septembre, sous la présidence italienne, mais on risque de perdre encore du temps, alors qu'il y a urgence.
Nous sommes au coeur du sujet. Soit les réunions de la conférence sont de simples colloques où l'on vient pour entendre la bonne parole institutionnelle, en profiter éventuellement pour rendre visite aux services de la Commission et s'occuper de ses propres affaires puis reprendre le train, soit il s'agit d'une véritable instance de travail interparlementaire.
Ne préjugeons pas des conditions dans lesquelles le document final serait adopté ; ce point, délicat, pourra peut-être faire l'objet d'une discussion spécifique. Qu'au moins nous nous accordions sur ce préalable : si des parlementaires se rencontrent, cela implique que l'on ait défini à l'avance l'ordre du jour, que l'on ait confié à quelques personnes la rédaction de rapports, que l'on ait organisé des débats et que l'on en attende un résultat concret – il ne serait pas raisonnable de laisser les discussions partir dans toutes les directions. Il devrait ainsi être possible de faire émerger empiriquement une instance qui, progressivement, s'affirmera au sein de l'Union européenne, comme d'autres l'on déjà fait au cours de l'histoire. Voilà ce qu'attendent beaucoup de nos collègues, quelle que soit leur nation d'origine.
Je voudrais, pour finir, saluer le professionnalisme de nos collègues du Parlement lituanien ; malgré cela, leur proposition de règlement a été rejetée d'un revers de la main par les représentants du Parlement européen et par plusieurs délégations nationales. Dernièrement, un questionnaire nous a été soumis par la présidence grecque, auquel le Sénat et l'Assemblée nationale ont répondu par courrier. Bien entendu, évoquer une procédure d'adoption à la majorité qualifiée peut conduire à citer quelques contre-exemples, comme la COSAC ; mais un texte adopté par consensus est, par définition, adopté sans opposition, ce qui est déjà quelque chose – sous réserve que ledit texte soit une émanation sincère et fidèle des débats qui ont eu lieu.
Je précise qu'en l'état de nos informations, au questionnaire de la présidence grecque ont répondu, outre la France, l'Allemagne, Chypre, la Grèce, l'Irlande, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie et le Royaume-Uni.
La position allemande est parfaitement cohérente : il y a, d'un côté, ce qui est du niveau européen, qui relève du contrôle démocratique du Parlement européen, et, de l'autre, ce qui est du niveau des États membres, qui relève du contrôle démocratique de ces États. Si cette position peut se comprendre, elle appelle toutefois quelques remarques.
D'abord, ce dont il s'agit, c'est d'harmoniser et de coordonner des budgets nationaux, et non pas un budget européen. L'exercice réalisé à travers le semestre européen, et qui est confié d'abord à la Commission européenne, puis au Conseil, consiste à adresser des recommandations aux États membres pour l'élaboration de leurs budgets. Or il s'agit là de compétences éminemment nationales. Évidemment, in fine, ce sont les Parlements nationaux qui adopteront ou non les projets de budget, mais il est gênant qu'ils n'aient aucune faculté d'expression sur les analyses qui conduisent la Commission européenne à énoncer ses propositions de recommandations.
Ensuite, ce que nous voulons, c'est une meilleure coordination des politiques économiques – dont l'insuffisance fut la principale cause des problèmes survenus dans la zone euro. Cette coordination s'exerce aujourd'hui uniquement au niveau de la Commission européenne et du Conseil ; le Parlement européen n'est pas concerné : il peut auditionner le président de la Commission et le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, mais il ne donne pas son avis sur le contenu de la coordination économique. Il s'agit d'un processus bien trop restreint.
Permettez-moi de préciser un point.
En Allemagne, du fait des compétences du Bundestag, une majorité qualifiée est requise pour prendre certaines décisions. Ce fut par exemple le cas pour l'adoption du pacte budgétaire européen. Il y a donc eu des discussions en ce sens, non seulement au sein de la majorité – en l'occurrence, entre la CDU, la CSU et le FDP –, mais aussi avec les partis d'opposition. Des groupes de travail ont été réunis – j'en ai dirigé un sur le projet de taxe sur les transactions financières – et l'on a tenu compte de l'opinion de chacun. Autrement dit, lorsque la Chancelière va au Conseil européen ou le ministre des finances au Conseil pour les affaires économiques et financières, ils s'appuient sur un vote du Bundestag – non que la position allemande doive nécessairement s'imposer, mais cela traduit le mode de fonctionnement de nos institutions. En revanche, à la conférence interparlementaire, il se peut très bien que les représentants de la Grèce, de l'Espagne ou de la France aient des positions opposées. Pardonnez-moi cette taquinerie, mais on a bien vu durant le déjeuner comment les choses se passent entre députés français !
En France, l'Assemblée nationale est associée à la réflexion dans le cadre de l'élaboration du programme de stabilité – encore qu'il n'y ait aucune obligation pour le Gouvernement à soumettre ce dernier à l'approbation du Parlement – et elle est appelée à voter au terme du processus, sur le projet de loi de finances..
Dernier point : aujourd'hui, le Bundestag donne son avis chaque fois qu'il est question que le Mécanisme européen de solidarité (MES) procède à une augmentation de son capital. Doit-on déduire de votre raisonnement que, si le MES devient un instrument communautaire, il devra faire l'objet d'un contrôle démocratique communautaire, c'est-à-dire que ce sera au Parlement européen, et non plus au Bundestag, de se prononcer sur ces questions ?
Cette discussion liminaire est intéressante, car elle montre ce que chacun attend de la conférence interparlementaire. J'ai été député européenne, j'ai participé à de nombreuses réunions interparlementaires, et ce n'est un mystère pour personne que je ne suis pas une partisane convaincue de la conférence interparlementaire. Je ferai toutefois quelques réflexions.
Ce que nous expliquent nos amis allemands, c'est que le Bundestag est fortement impliqué dans les questions européennes : les députés allemands discutent avec la Chancelière, et ils savent quel mandat lui est donné pour négocier au Conseil européen. Ce n'est pas le cas du Parlement français – et nous le regrettons. Mais ne nous trompons pas de sujet : il ne faudrait pas que nous, parlementaires français, cherchions dans cette conférence un moyen d'obtenir ce que nous n'arrivons pas à conquérir au plan national.
Néanmoins, Christophe Caresche a raison : aujourd'hui, dans le cadre du semestre européen, des documents tels que l'examen annuel de la croissance ou les recommandations par pays sont négociés directement entre la Commission européenne et le Conseil, c'est-à-dire les gouvernements. Nous, parlementaires, n'avons aucun contrôle sur les étapes du processus ; nous sommes informés à un stade où nous ne pouvons guère peser. Le véritable enjeu de nos échanges est donc d'établir comment la conférence interparlementaire pourrait nous aider à pénétrer dans un dispositif décisionnel extrêmement important.
Je suis ainsi d'accord avec Christophe Caresche lorsqu'il dit que le Parlement européen doit être pleinement associé à la discussion de l'examen annuel de la croissance et aux décisions qui le concernent. En outre, il existe des recommandations propres à la zone euro : ne pourrions-nous pas en discuter dans le cadre de la conférence interparlementaire ? Comment faire en sorte que nous, parlementaires, pesions davantage sur le processus décisionnel, notamment sur les recommandations par pays, qui déterminent en grande partie les normes budgétaires que nous sommes appelés à voter ?
Dans cette perspective, la fixation du calendrier des sessions est une question éminemment politique ; il serait bon d'aborder le sujet dès aujourd'hui.
Je vais essayer de préciser le point de vue de l'Allemagne.
En 1992, dans le traité de Maastricht, il fut décidé que, dans de nombreux domaines, la règle retenue pour les votes serait l'unanimité. À l'époque, la Cour constitutionnelle fédérale avait rendu un arrêt indiquant que, dans la mesure où le Parlement allemand ne pourrait plus faire usage de son droit de veto, il devrait pouvoir exercer son influence préalablement à toute décision.
Des droits de participation aux prises de décision européennes ont ainsi été développés durant les vingt dernières années et, récemment, un texte relatif à la coopération entre le Gouvernement fédéral et le Bundestag a été adopté. Le principe retenu est que le Bundestag doit pouvoir prendre position sur les affaires au fond. Ce droit de participation est exercé par l'intermédiaire du Gouvernement allemand au Conseil européen, et il porte sur tous les sujets qui font l'objet de décisions dans les instances européennes, hormis la politique de sécurité et de défense commune : le pacte de stabilité et de croissance, les questions relatives au semestre européen, etc. Point d'importance, si l'article 23 de la Loi fondamentale fait référence au Bundestag en tant qu'entité, la Cour a précisé que tout député devait avoir la possibilité de demander au Gouvernement allemand de prendre en compte tel ou tel point lors des négociations européennes.
Dans ces conditions, il me semble difficile d'envisager de donner à la conférence interparlementaire la possibilité d'exercer une influence sur des négociations concernant une politique sectorielle, puisque le Bundestag dans son ensemble, et chaque député individuellement, disposent déjà de ce droit.
En outre, depuis la révision de la Loi fondamentale il y a deux ans, nous avons également la possibilité d'exercer une influence sur l'Eurogroupe et sur le Conseil pour les affaires économiques et financières. Nous avons obtenu la transmission des rapports préalables et des rapports de conclusion et, sur tous les sujets qui nous intéressent, nous pouvons prendre position ; dès lors que l'on trouve une majorité, on peut rédiger un document.
Souhaitons-nous que la conférence fonctionne sur la base de délégations nationales ou sur la base de groupes politiques ? Pour l'heure, nous ne souhaitons pas une représentation des États en tant que tels : je n'ai pas forcément la même opinion que M. Poß, et je tiens à pouvoir l'exprimer à Bruxelles, Vilnius ou ailleurs. Je pense que la conférence doit contribuer à une meilleure information des députés – au Bundestag, je peux vérifier combien il est important d'être bien informé.
Pour que le MES devienne un instrument communautaire, monsieur Caresche, je crois que le Traité devra au préalable être modifié, et que cette modification soit ratifiée par le Bundestag. Dans cette hypothèse, les fonds seront attribués dans le cadre du système des ressources propres ; par conséquent, à moins de prévoir une autre solution à cette occasion, il ne resterait plus au Bundestag que la faculté, offerte par l'article 23 de la Loi fondamentale, de prendre position, car le droit de veto du Bundestag sur les aides attribuées par le MES découle de sa responsabilité en matière de budget national. Mais si l'Allemagne se sert de son droit de veto au Conseil européen, cela peut aboutir au même résultat – c'est en tout cas ce que je souhaite.
Je voudrais préciser que, sur ce point, les avis des spécialistes du droit constitutionnel en Allemagne divergent. Pour le reste, les choses ont été fort bien présentées par M. Sarrazin. La crise a été l'occasion d'exercer pleinement nos pouvoirs de participation et de codécision.
On voit combien cette conférence interparlementaire est nécessaire : nous ne sommes ici que deux délégations, et il est déjà difficile d'avoir des positions convergentes ; on imagine ce que cela doit être à vingt-huit !
Il se pose ensuite une question de fond : la conférence rassemblera-t-elle vingt-huit délégations qui cherchent à défendre leur paroisse, ou est-ce une assemblée qui doit s'efforcer de penser en termes européens ? On peut faire la comparaison avec les intercommunalités : y est-on élu pour défendre les intérêts de sa commune ou pour penser en termes d'agglomération ? Le mois dernier, pour la première fois en France, les conseillers communautaires ont été élus au suffrage universel ; dans quinze jours, nous élirons nos députés européens, qui exerceront leur mandat sur l'ensemble de l'Europe – même si les élections ont lieu par circonscriptions. Aujourd'hui, on a beaucoup de mal à imaginer un gouvernement européen ; pourtant, si nous voulons vraiment donner un sens à l'Europe et disposer d'une vision commune, il faudra bien en passer par là ! C'est pourquoi la réflexion en cours est si importante.
Quand on siège au Parlement européen, on devrait d'abord penser à l'Europe, sans pour autant oublier d'où l'on vient – de même qu'ici, je n'oublie pas que je suis de Strasbourg, mais j'essaie de penser avec vous aux intérêts de l'Europe et à ceux de la France.
Cette discussion est utile, car elle permet à chacun de mieux comprendre l'environnement institutionnel dans lequel évolue l'autre et de clarifier un problème qui est autant culturel que politique, car nous ne vivons pas du tout dans le même monde : les règles de contrôle parlementaire sont très différentes en France et en Allemagne. Cela fait problème, car nous ne devons pas chercher à obtenir via la conférence interparlementaire une légitimité qui nous fait défaut, et vous ne devez pas perdre de votre pouvoir de contrôle à cause de cette conférence.
Cela étant, il faut bien avancer ; je pense pour ma part que la conférence interparlementaire pourrait nous permettre de faire ensemble, en tant que parlements nationaux, des recommandations politiques sur le semestre européen.
Je remercie en effet les uns et les autres pour ces clarifications.
Je vais donner à nouveau la parole à Philippe Marini, puis nous aborderons la question importante du calendrier des sessions : la conférence devra-t-elle se tenir en juin, juste avant l'adoption par le Conseil européen des recommandations par pays, ou à une autre date ?
Les échanges qui viennent d'avoir lieu me déçoivent beaucoup, car j'y sens une certaine méfiance réciproque. Je comprends bien que chacun ait ses impératifs constitutionnels. Chacun de nos États a son mode de fonctionnement propre – l'exposé de notre collègue Sarrazin fut de ce point de vue très utile. Il reste que la conférence interparlementaire prévue par l'article 13 du TSCG ne procède à aucun transfert de compétences : il est seulement question de s'écouter, de définir des thèmes de travail et de faire un minimum confiance à des gens qui tous ont été élus démocratiquement dans leurs pays, de telle sorte que, sujet par sujet, on parvienne, après des débats honnêtes, à un état de la question. En d'autres termes, il ne s'agit pas de prendre des décisions mais de faire avancer un certain nombre de dossiers par le débat – ce qui est la nature même d'une institution parlementaire.
Pourtant, cela fait peur au point que l'on en vienne à invoquer des arguments d'ordre constitutionnel pour refuser de traiter de la préparation de la conférence, de la fixation de son ordre du jour, de son organisation pratique et de l'éventuelle adoption d'un document final – autant de questions qui répondaient pourtant à une ambition minimaliste !
Je suis très surpris qu'il faille en passer par une heure et demie de propos généraux avant de commencer à aborder ces points, qui ne relèvent certainement pas du droit constitutionnel, mais qui supposent à tout le moins une écoute réciproque et un respect mutuel.
Il faut parfois prendre du temps au départ pour pouvoir avancer plus rapidement ensuite, parce que l'on aura bien démêlé l'écheveau !
Deux risques guettent. Le premier est la recherche du consensus à tout prix, qui mène à l'enlisement de l'Union. La création de la coopération renforcée n'a pas eu lieu sans raison, et l'expérience montre qu'elle donne des résultats quand elle est - trop peu fréquemment – utilisée, comme on l'a vu pour le brevet européen. Ici, l'obligation de trouver un consensus conduirait à l'ensablement de l'interaction entre le Parlement européen et les parlements nationaux ; à dire vrai, la pondération des voix me gênerait moins que la recherche effrénée du consensus ! Le second risque, c'est l'absence de conclusions. Si le mot ne sied pas au Bundestag, disons « recommandations », mais nul ne se satisferait que la conférence n'aboutisse à rien de concret. S'il en était ainsi, l'urgence – c'est-à-dire les marchés – nous rattraperait. Chacun doit donc faire un pas vers l'autre.
Le système communautaire étant fondé sur la décision par consensus, il paraît difficile de passer du jour au lendemain à un dispositif reposant sur le vote. Je proposerais donc un mécanisme inspiré de celui retenu par la conférence des présidents des parlements de l'Union européenne : la présidence propose, sous sa responsabilité, des conclusions que les représentants des États peuvent amender. Ces conclusions ne sont pas contraignantes, mais on a ainsi la trace des échanges qui ont eu lieu. Pouvons-nous nous accorder sur cette proposition ?
Pour notre part, nous proposons que la présidence résume, sous sa responsabilité, les conclusions de la conférence, sans qu'il y ait vote sur le document final. Je ne sais combien de fois, ces dernières années, le Parlement français a pris position sur les questions dont la conférence est appelée à traiter, pour peser sur les choix de votre Gouvernement. Nous, députés du Bundestag, traitons fréquemment de ces sujets, singulièrement pendant le semestre européen, et nous nous attachons à transmettre des propositions à notre Gouvernement, qui doit en tenir compte. Une conférence rassemblant 28 délégations n'est pas l'instance appropriée pour rédiger des recommandations qui s'imposeraient aux parlements nationaux ; que ce soit par consensus ou par un vote à la majorité qualifiée, elle en serait incapable. Il convient de procéder comme le fait la COSAC : la présidence publie des conclusions qui n'engagent qu'elle. J'ai une certaine expérience de la conférence des présidents de parlements, et le souvenir précis de mois d'empoignades entre les diverses administrations parlementaires pour parvenir finalement à des textes si neutres qu'ils n'apportent rien. La conférence prévue par l'article 13 du traité doit être conçue pour permettre aux parlementaires de débattre entre eux et non comme un cercle où ils se réuniraient pour entendre d'autres prêcher. Mais, en tout état de cause, la délégation allemande ne veut pas qu'y soient prises des décisions contraignantes pour les parlements nationaux.
Je constate avec satisfaction que vous êtes d'accord avec ma proposition – la présidence de la conférence soumettant une proposition de conclusion qui peut être amendée par les délégations. Ces recommandations, établies sous la responsabilité de la présidence et non contraignantes, permettront d'établir comment la conférence s'est prononcée.
Il reste à trancher la question du rôle dévolu au Parlement européen.
J'insiste, pour être parfaitement clair : la position allemande est que le document final exprime ce qui, du point de vue de la présidence, s'est dégagé de la conférence, non pas que la présidence fasse des recommandations à la conférence qui s'exprimerait in fine.
Je ne saurais dire si tous les membres du groupe social-démocrate du Bundestag accepteraient que les compétences de la Conférence soient élargies au-delà de son objet tel que défini à l'article 13 du TSCG. La commission du budget et la commission des finances du Bundestag jouent un rôle déterminant dans les questions dont la conférence est appelée à traiter, et elles siègent sans désemparer pendant les semaines parlementaires. Je tremble à l'idée que l'on pourrait vouloir confier à la conférence des compétences plus étendues ou lui permettre d'adopter des décisions contraignantes pour les parlements nationaux.
Je crois l'avoir dit plusieurs fois, il n'est pas question de cela. Les commissions compétentes du Parlement français travaillent autant que celles du Bundestag aux questions budgétaires et financières et s'attachent à peser sur les décisions de l'exécutif ; il n'y a donc pas lieu de comparer les travaux des deux parlements, qui sont de qualité égale. Mais, alors que la Conférence interparlementaire se met en place et que l'on entreprend de la doter de règles de fonctionnement, plus nous formulerons des propositions communes, plus affirmée sera notre volonté européenne et plus insistant notre désir de complémentarité avec le Parlement européen. En réalité, nos propositions sont semblables, seule diffère la manière de les exprimer : la présidence en exercice établit les conclusions des travaux, qui ne comportent pas de décisions contraignantes ; ainsi demeure une trace écrite des débats interparlementaires. Je vois mal vers quel travail collectif tendre si l'on ne considère pas cet équilibre acceptable, d'autant que l'on part du projet de règlement établi par la présidence lituanienne qui n'est pas loin de cela.
On peut penser que la présidence procédera aux consultations nécessaires pour s'assurer que les conclusions qu'elle présentera ne seront pas en complet décalage avec le sentiment général des délégations. Ce qui me trouble davantage, c'est qu'à l'issue de la semaine européenne, un communiqué a été publié par le Parlement européen, alors que des échanges fournis avaient eu lieu avec les délégations des parlements nationaux. On aurait souhaité que la position exprimée ne soit pas présentée comme étant celle du Parlement européen seul.
On peine en effet à croire que la présidence s'abstiendrait de consulter au moment de préparer les conclusions qui seront publiées sous sa responsabilité : elle voudra s'assurer que son texte ne fera pas l'objet d'un communiqué contraire d'une délégation qui le jugerait infidèle. Ainsi, même en l'absence d'amendements formels, la présidence fera en sorte que le document final soit représentatif des débats.
Comme je ne suis pas certain que l'interprétation nous permette de tout comprendre, je pense qu'une précision s'impose : par « la présidence », entendez-vous, madame la présidente, la présidence semestrielle ou la troïka ?
Très bien. C'est ainsi que le comprend aussi la délégation allemande.
Cette discussion était nécessaire pour préciser ce qui devait l'être. Venons-en au calendrier des réunions, sujet tout aussi politique. Il est prévu que se tiennent chaque année deux sessions de la conférence, l'une dans le pays qui exerce la présidence, l'autre à Bruxelles, co-organisée par la présidence et par le Parlement européen. Mais pour que la conférence puisse questionner la présidence et le Conseil, il importe de coordonner son calendrier et celui du semestre européen. L'une des sessions doit donc avoir lieu en juin, après la publication par la Commission européenne de ses propositions de recommandations par pays et avant leur adoption par le Conseil ; la seconde devrait se tenir après la publication par la Commission de son examen annuel de croissance et avant l'adoption des grandes orientations de politique économique, c'est-à-dire en novembre ou en décembre, voire en janvier. À supposer que l'on retienne janvier, il faudra éviter toute confusion entre les travaux de la conférence et la semaine européenne du Parlement européen.
Quel est l'avis de la délégation allemande sur le calendrier des sessions ?
Il nous est difficile de vous répondre car la question suscite des divergences dans nos rangs.
Tous les délégués qui ont participé à la réunion de Bruxelles ont estimé que cela n'allait pas et que l'on ne pouvait poursuivre de cette manière. Mais le président du Bundestag s'en tient expressément à ce qui a été décidé à Nicosie – soit exactement ce qui s'est passé à Bruxelles. L'accord ne s'est pas encore fait entre M. Norbert Lammert et les groupes politiques, mais chacun a pour préoccupation commune d'assurer la plus forte visibilité possible à la conférence.
Tenir une session de la conférence en décembre ne me paraît pas réalisable : la Commission européenne publiant son examen annuel de la croissance en décembre, le temps manquera pour organiser une session le même mois. Je constate sur ce point l'accord silencieux de mes collègues, qui opinent du chef.
L'examen annuel de la croissance est publié mi-novembre, période à laquelle les parlements sont tous plongés dans l'examen des budgets nationaux. C'est pourquoi le moment le plus favorable à la tenue de la session nous semble être janvier, à condition, je l'ai dit, de veiller à distinguer soigneusement session de la conférence interparlementaire et semaine européenne du Parlement européen.
M. Norbert Lammert, qui souhaite donner à la conférence interparlementaire la plus grande visibilité possible, a dit lors de la réunion de Bruxelles de la manière la plus nette que, selon lui, elle devait se substituer à la conférence des présidents des commissions et aussi à la semaine européenne. Effectivement, l'idée de tenir deux réunions – celle de la conférence interparlementaire et celle de la semaine européenne – laisse pour le moins dubitatif. Il conviendrait donc en premier lieu de signifier au Parlement européen que la semaine européenne, c'est désormais la conférence interparlementaire. Elle tiendrait donc une session en janvier ou en février, l'autre en automne.
Chacun convient que les sessions annuelles doivent se dérouler sous deux présidences distinctes ; or, il n'en serait pas ainsi si elles avaient lieu en janvier et en juin. Dans ce cas, la présidence du second semestre n'aurait pas de responsabilité.
On peut contourner cette difficulté en établissant que la deuxième session annuelle est co-organisée par le Parlement européen et par la présidence à venir au second semestre. Des collègues de nombreux pays ont fait savoir que la tenue d'une session de la conférence en décembre compliquerait considérablement leur emploi du temps, du fait en particulier des sessions budgétaires ; pour tenir compte de ces remarques, nous proposons qu'elle ait lieu en janvier.
Le Parlement européen étant pleinement impliqué dans la conférence interparlementaire, on peut décider que la première session se substitue à la semaine européenne. Il reste à régler la date de la deuxième session.
On pourrait envisager une session aux alentours du 15 octobre, mais je comprends que le calendrier des prises de décision européennes en matière budgétaire et de politique économique s'y prête mal.
La Commission fait ses propositions fin mai et le Conseil adopte les recommandations par pays début juillet ; la question de la légitimité d'une réunion organisée entre ces deux dates se poserait sans aucun doute. D'où ma proposition tendant à ce que la première session de la conférence interparlementaire se substitue à la semaine européenne, ce qui permettrait aux délégations de s'exprimer sur l'examen annuel de la croissance publié par la Commission. La deuxième session aurait lieu à l'automne. Le problème est que dans cette configuration, la conférence ne pourrait débattre des propositions de recommandations par pays.
Comme l'a indiqué M. Sarrazin, le président du Bundestag souhaite assurer la plus grande visibilité possible à la conférence. Pour ma part, je suis prêt à un compromis avec le Parlement européen, mais certains de mes collègues, au cours de nos discussions internes, ont exprimé une position plus ferme. Je souhaite qu'au fil de nos discussions nous parviendrons à un accord.
Je me félicite du débroussaillage qu'ont permis nos échanges et de la dynamique enclenchée. Nous pourrons préciser les questions pendantes pour déterminer au cours de la présidence italienne comment régler le calendrier de la conférence d'une manière qui permettra d'impliquer les deux présidences semestrielles successives.
Jusqu'à présent, la manière dont l'ordre du jour des réunions a été fixé n'a pas été très satisfaisante. Pourrait-on prévoir que l'ordre du jour est communiqué aux parlements nationaux deux mois avant la tenue de chaque session ?
Nous n'avons pas abordé cette question au cours de nos travaux préparatoires. Nous souhaitons que le plus grand nombre possible de députés, surtout les membres des commissions compétentes, participent aux réflexions ; il convient de leur donner le temps nécessaire à l'étude des textes. La présidence devrait donc être invitée à communiquer l'ordre du jour aux parlements nationaux le plus tôt possible.
Je souhaite que les parlements proposent l'inscription de points à l'ordre du jour et que son adoption se fasse par consensus ; on évitera ainsi une discussion interminable.
La demande commune est donc que les parlements nationaux disposent de l'ordre du jour de chaque session le plus tôt possible.
Je remercie tous les participants à cette réunion, grâce auxquels nous avons pu mettre à plat des questions compliquées, en allant au fond des choses.
Nous avons en effet bien avancé, et je m'en réjouis. Il serait bon, comme proposé dans le projet de règlement intérieur établi par la présidence lituanienne, de prévoir la possibilité de « réunions additionnelles » aux sessions plénières de la conférence, ou de groupes de travail. Cela permettrait par exemple des échanges entre les délégations les pays membres de la zone euro.
C'est la première fois que je prends connaissance de cette proposition. De quel type de réunions s'agirait-il ? Pensez-vous à des rencontres comme celle qui nous rassemble aujourd'hui, ou à des réunions réservées aux seules délégations des pays membres de la zone euro ? Envisager la deuxième branche de l'alternative me semble très risqué. On pourrait parler d'une réunion de « tous les États qui ont signé le traité sur l'euro » ; dans ce cas, il n'y aurait pas le Royaume-Uni.
Enfin, la grande majorité de notre délégation est très désireuse que l'allemand soit reconnu comme langue de travail de la conférence, au même titre que l'anglais et le français. Nous vous serions très reconnaissants de vous prendre du même amour pour notre langue que celui que nous avons pour le français…
Et si nous ne parvenons pas à nous mettre d'accord, ne gardons que l'anglais…
Nous avons pris note de ce message. C'est aussi la position qui nous a été transmise par le Bundesrat.
Ces travaux informels ont été particulièrement utiles. Certains sujets n'ont pas été abordés, d'autres restent en suspens, mais si nous parvenons, sous la présidence italienne, à une proposition acceptée par tous pour mettre la machine en marche, nous pourrons être satisfaits du travail accompli, ensemble, aujourd'hui, et dont je vous remercie à nouveau.
Nous vous remercions aussi pour votre hospitalité et nous nous félicitons de la franchise de nos échanges.
La séance est levée à 16 h 40