La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.
A la fin de la séance de cet après-midi, que vous ne présidiez pas, madame la présidente, j’ai demandé qu’elle soit prolongée afin que nous puissions, en évitant la coupure d’une heure et demie de suspension de nos travaux, finir pour une fois l’examen d’un texte à une heure décente. J’avais en effet constaté que nous avions examiné quatre-vingt-quatorze amendements entre dix-neuf heures quinze et vingt heures et qu’il ne nous restait plus alors que trente amendements à étudier. Je vous fais part de mon regret de n’avoir pu obtenir cette prolongation de séance. À l’heure où nous cherchons tous à faire des économies, j’imagine ce que peut coûter l’ouverture d’une séance de nuit.
La parole est à M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques.
Pour répondre à ce rappel au règlement, présenté dans une tonalité parfaitement courtoise, je rappellerai simplement que notre prévisionnel de travail intégrait l’idée que l’ensemble des auteurs des amendements seraient présents, ce qui semblait logique puisque quand on dépose des amendements, c’est pour faire valoir son point de vue. Or 80 % environ des amendements de votre groupe n’ont pas été défendus. C’est ce qui explique l’accélération de l’examen du texte, encore que personne ne se réjouisse d’une confrontation ainsi limitée. Je rappelle d’ailleurs que certains de ces amendements de vos collègues avaient été acceptés en commission, et auraient donc été votés.
J’ai bien compris que ce texte n’avait pas pour votre groupe, mais c’est votre droit le plus strict, une importance considérable.
Quoi de plus normal, enfin, que la séance ait été levée à vingt heures comme à l’habitude et que le ministre de l’économie puisse ainsi nous rejoindre pour l’examen de la partie du texte relative aux OPA ? Nous ne sommes pas là pour épuiser à la vitesse grand V l’examen d’un texte. Nous accomplissons un travail sérieux et, je le répète, nous avons été quelque peu déroutés par le fait que nombre d’amendements de votre groupe ne soient pas été défendus, ce qui est inhabituel.
Fort de ce constat, nous saurons que quand vos collègues déposent beaucoup d’amendements, très peu en fait seront défendus. On établira donc une programmation quelque peu différente du travail en séance.
Monsieur le président Brottes, il arrive, sur nos bancs comme sur les vôtres, que des députés soient absents bien qu’ayant déposé des amendements. C’est une donne que l’on doit intégrer car cela arrive sur tous les textes et arrivera encore.
Par ailleurs, je constate que nous sommes en attente de M. le ministre : il va être vingt et une heure quarante et il n’est pas encore là, alors que nous avions un ministre à nos côtés cet après-midi, en la personne de M. Sapin. Par conséquent, toutes les conditions étaient réunies pour que nous continuions nos travaux. Je crois savoir que c’est tout de même au Gouvernement de se plier aux horaires de notre assemblée lorsque nous débattons de textes de loi, et non l’inverse. Quelqu’un en tout cas a-t-il des nouvelles de M. Moscovici ?
Sourires.
Madame la députée, il suffisait d’en parler : le ministre fait son entrée.
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 27, 107 et 110, tendant à supprimer l’article 4.
La parole est à Mme Anne Grommerch, pour soutenir l’amendement no 27.
L’article abaisse de 30 % à 25 % le seuil à partir duquel il est obligatoire de lancer une OPA sur la totalité du capital pour éviter les prises de contrôle rampantes. Cette proposition est inspirée directement du rapport Gallois. Cette réglementation, déjà maintes fois retouchée ces dernières années, poserait un véritable problème si on la retouchait une fois encore. Le régime des offres publiques obligatoires a entre autres été modifié par la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, qui a, d’une part, abaissé le seuil de l’offre obligatoire du tiers à 30 %, et, d’autre part, élargi aux dérivés à dénouement physique les titres à prendre en considération pour calculer ce seuil. Une clause dire de « grand-père » était prévue pour les participations comprises entre l’ancien et le nouveau seuil. Un nouvel abaissement n’est demandé par personne aujourd’hui. On relèvera à cet égard que l’AMF n’a pas abordé la question lors de sa dernière consultation.
Le seuil français de 30 % est déjà conforme à la moyenne la plus basse au sein de l’Union européenne ; le diminuer à nouveau isolerait la France et, surtout, poserait de nombreuses difficultés pratiques.
Comme avant l’arrêt des travaux de notre commission durant l’intersession, il n’avait pas été envisagé par la majorité, lors de nos travaux en commission, de conserver le seuil de 30 %, je suis agréablement surprise, madame la rapporteure, que vous-même ayez changé d’avis…
…et déposé un amendement de suppression de l’article pour que le seuil reste à 30 %. Pouvez-vous nous expliquer ce qui s’est passé cet été ? Je me réjouis en tout cas que vous partagiez notre choix. Je ne sais si c’est notre opposition qui vous a inspiré, mais je l’espère.
De toute façon, c’est une très bonne nouvelle puisque nous demandons la suppression de cet article.
Dans le cadre de l’harmonisation européenne, que nous avons évoquée cet après-midi et qui est une bonne chose, rien n’oblige à créer un nouveau seuil à 25 %. Tout le monde en est d’ailleurs conscient puisque des membres de groupes de la majorité comme de l’opposition ont déposé les mêmes amendements de suppression par souci de simplification et d’harmonisation.
La parole est à Mme Clotilde Valter, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement no 110.
…et la loi se doit d’être un point d’équilibre et d’avoir les mêmes effets pour tous les intéressés. Pourquoi, madame Grommerch, n’ai-je pas demandé le 17 juillet en commission, pas plus que qui ce soit d’ailleurs, la suppression de cet article ? À l’époque, les auditions ne nous avaient pas permis d’adopter une position définitive sur ce point : alors que certaines des personnes auditionnées défendaient l’abaissement du seuil de 30 % à 25 %, d’autres le contestaient, et l’on ne disposait pas d’éléments déterminants permettant de trancher. Aujourd’hui, si j’ai déposé à titre personnel un amendement de suppression, ce n’est pas, au regret de vous décevoir, pour vous faire plaisir ou pour satisfaire le ministre de l’économie et des finances
Avant l’été, le point d’équilibre ne me semblait pas atteint : si abaisser le seuil permettait de régler certaines situations cela créait aussi des difficultés dans d’autres, avec surtout des effets contre-productifs auprès d’investisseurs qui, désireux de prendre une participation de long terme dans une entreprise, auraient été bloqués par ce nouveau seuil. Consciente des difficultés de ce débat, j’ai donc souhaité continuer à procéder, au cours de l’été et après la reprise de nos travaux, à des consultations nous permettant de nous faire une opinion définitive, car ce qui m’avait beaucoup frappé en juillet, c’est qu’on pouvait nous démontrer, en passant d’un cas à l’autre, tout et son contraire. Il fallait que notre analyse de la situation fût stabilisée pour que nous ayons une position définitive, aux effets lourds en l’espèce puisqu’il s’agit de revenir sur le texte adopté.
La parole est à M. Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Quelques mots sur l’amendement de Mme la rapporteure puisque la commission des affaires sociales en a débattu elle aussi. Elle a émis un avis favorable, mais la volonté reste avant tout de protéger les entreprises françaises contre les OPA hostiles.
Pour ma part, je soutiens l’évolution qui a eu lieu et qui a conduit à se concentrer sur cette idée car la question n’est pas d’être pour ou contre les OPA. Certaines OPA sont souhaitables. Des recompositions au sein du capitalisme français peuvent amener à des évolutions tout à fait bénéfiques et ces dispositions pouvaient les freiner car elles étaient assez conservatrices sur le mode : chacun reste chez soi et on se protège contre des évolutions.
En revanche, d’autres dispositions ajoutées au texte via des amendements se sont concentrées sur le vrai sujet : donner aux dirigeants d’entreprise des armes pour lutter contre les OPA hostiles et, en cas d’OPA jugée hostile, donner aux salariés des moyens d’obtenir des garanties en termes de salaires et de condition de travail de la part de l’initiateur de l’offre. C’est l’essentiel. Je le dis en mon nom mais je crois ne pas trahir les discussions qui ont eu lieu au sein de la commission des affaires sociales : le dispositif auquel nous avons abouti est le bon et nous pouvons nous rallier à cet amendement de suppression de l’article 4.
Je salue le travail de la rapporteure, sa lucidité. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Parlons de cette lucidité partagée et de cette honnêteté reconnue par tous. D’abord, il s’agit d’une proposition de loi d’initiative parlementaire et, dans ce cas, certaines dispositions peuvent rester en débat. Le Gouvernement avait fait le choix – nous l’en remercions – d’inscrire ce texte dès la rentrée, ce qui nous a permis de l’étudier en commission juste avant la coupure de l’été, nous laissant ainsi le temps de continuer à auditionner sur certaines questions dont celle-ci.
Effectivement, nous nous sommes ralliés à l’idée qu’il n’était pas forcément judicieux et utile de mettre en place plusieurs outils pour converger vers notre objectif. Autrement dit, ce n’était pas la peine de prévoir ceinture et bretelles. Ce l’était d’autant moins que ladite disposition – qui était conforme au droit européen, comme l’a dit M. Benoit –…
…présentait autant d’inconvénients que d’avantages. Face à un tel dispositif qui peut ne pas favoriser les actionnaires à long terme de l’entreprise, on se dit qu’il serait idiot de le maintenir. Nous l’avons parfaitement admis et reconnu, d’où cet amendement. Nous ne vivons pas cela comme un échec flagrant de la réflexion.
C’est le travail parlementaire. Il se trouve que, pour le coup, nous avons des avis convergents. Réjouissons-nous de cette disposition convergente qui a le soutien du Gouvernement.
Vous parlez, monsieur le président, d’une lucidité partagée mais on pourrait aussi parler d’impréparation de votre part sur ce texte. Madame la rapporteure, vous expliquez que la position définitive n’était pas acquise cet été, que le point d’équilibre n’était pas atteint. Vous remarquez vous-même que ce texte crée des difficultés avec le seuil de 30 % dans certains cas en particulier. Pourriez-vous être plus précise ? Vous avez reculé, faisant un pas en avant et deux pas en arrière. Nous nous en réjouissons et nous aimerions, une fois n’est pas coutume que, par fair-play, vous reconnaissiez que la proposition qui avait été faite par nos collègues était bonne. Pourriez-vous décrire de façon un peu plus précise les cas pour lesquels se posait une véritable difficulté ?
Revenons sur la raison pour laquelle ce point figurait dans la proposition déposée au mois d’avril. Cette disposition ne venait pas de nulle part. Si au cours des auditions, toutes les interventions étaient allées dans le même sens, cela eut peut-être été plus simple. En l’espèce, cette disposition était soutenue et défendue par Louis Gallois, comme vous l’avez indiqué vous-même, madame Grommerch. Je ne pense pas que l’on puisse imaginer a priori que toute proposition formulée par Louis Gallois est inopportune. Elle méritait réflexion et discussion. Et il n’était pas le seul à avoir été auditionné et avoir conclu en faveur du maintien de ce seuil.
Sans entrer dans les détails, revenons sur ce qui a été déterminant. Cette mesure permettait de satisfaire notre objectif – éviter qu’un actionnaire soit majoritaire de fait en assemblée générale en ayant une trop faible participation au capital –, mais elle posait des difficultés pour un investisseur souhaitant s’engager dans la durée, à long terme dans le capital d’une entreprise, afin de participer à sa stratégie et à son développement.
La mesure envisagée pouvait bloquer et éventuellement décourager ce type d’investisseur. C’est l’un des points qui nous a convaincus puisque notre objectif – nous l’avons répété tout au long de la discussion générale – est de favoriser l’investissement de long terme dans les entreprises françaises pour leur permettre d’avoir une stratégie, dans la durée, de développement, de recherche et d’innovation. À partir du moment où l’on nous a présenté certains cas où la mesure était contre-productive, il nous a semblé préférable de ne pas poursuivre dans cette voie.
Les amendements identiques nos 27, 107 et 110 sont adoptés et l’article 4 est supprimé.
Article 4
L’amendement no 61, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 62, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 4 bis, amendé, est adopté.
Article 4
L’article 4 ter est pertinent car il limite la capacité à engranger des prises de participation rampantes dans des sociétés françaises sans déclencher pour autant d’offre publique. Néanmoins, il me paraît nécessaire de prévoir une transition pour l’entrée en vigueur de cette disposition. En effet, en l’absence d’une telle clause, un actionnaire pourrait se voir obligé de déposer une offre publique à la suite de l’entrée en vigueur de la loi, alors même qu’il respecterait la législation en vigueur au moment où il a augmenté sa participation dans une société. Le seuil de l’excès de vitesse est en effet comptabilisé sur les douze derniers mois consécutifs
Pour régler ce problème, il est proposé que les actionnaires ayant acquis une quantité de capital d’au moins 1 % – prenons l’exemple de 1,5 % – au cours des douze mois consécutifs avant l’entrée en vigueur de la loi ne soient pas soumis à l’obligation de déposer une offre publique. En contrepartie, ils ne pourraient pas augmenter leur détention pendant un an à la suite de l’entrée en vigueur de la loi sans le déclarer à l’AMF et déposer une offre. Pour éviter tout effet d’aubaine, il est proposé de faire courir le point de départ du délai de douze mois consécutifs au jour du dépôt de l’amendement sur l’excès de vitesse, c’est-à-dire le 17 juillet 2013.
L’amendement no 129, accepté par la commission, est adopté.
L’article 4 ter, amendé, est adopté.
Cet amendement vise à supprimer l’article 5. Dans le droit français des sociétés, le vote attaché aux actions est proportionnel à la quotité de capital qu’elles représentent. Aujourd’hui, l’attribution d’un droit de vote double est possible dans le cadre des statuts. Il s’agit là d’une démarche volontaire. L’article 5 impose le droit de vote double, de droit, sauf si une majorité des deux tiers de l’assemblée générale le décide.
Cette automaticité risque de décourager les investisseurs pour lesquels une action égale une voix. D’ailleurs, ce risque de perte d’attractivité des entreprises françaises pour les investisseurs internationaux est évoqué mais minimisé par Mme la rapporteure dans son rapport. Enfin, cet article anéantit toute la bonne volonté de l’article 1er : aucun repreneur étranger ne voudra faire une offre pour un site rentable.
La commission est défavorable à cet amendement pour deux raisons. Premièrement, la Commission européenne a bien engagé un travail sur le principe « une action, une voix » mais elle a abandonné la perspective de l’imposer car tous les États membres adoptent des dispositions qui y dérogent. Deuxièmement, le droit de vote double est ouvert à tous les ressortissants étrangers ; la suppression de la clause de nationalité a été introduite par amendement en commission le 17 juillet.
L’amendement no 28, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Le dispositif introduit par l’article 5 est utile parce qu’il favorise l’actionnariat de long terme, l’un des objectifs de la proposition de loi. En même temps, il est nécessaire qu’il ne bouleverse pas les statuts des sociétés vertueuses, celles qui ont déjà adopté une politique actionnariale de long terme en prévoyant des droits de vote double comme le permettait la législation en vigueur.
Plus de 55 % des sociétés du SBF 120 octroient déjà des droits de vote double. D’importantes entreprises les attribuent après une durée de détention supérieure à deux ans. L’amendement que je propose permet de stabiliser la gouvernance de ces entreprises vertueuses pour ne pas créer une instabilité qui leur serait préjudiciable et qui serait la conséquence, en quelque sorte, d’une vertu un peu précoce. L’amendement prévoit que ces sociétés peuvent conserver dans leur statut les dispositifs de droit de vote double qui y figurent actuellement.
L’amendement no 128, accepté par la commission, est adopté.
L’article 5, amendé, est adopté.
Je voulais affirmer mon soutien à cet article et à des dispositions adoptées en commission sans que j’y participe. S’agissant des OPA, l’affaire de Florange d’où nous sommes partis en 2005-2006 a parfaitement démontré l’insuffisance de l’information des comités d’entreprise et des syndicats qui ont souvent une excellente expertise des entreprises qui ont souvent une dimension mondiale et qui jouent malheureusement site contre site. Même si dans le cas de Mittal, l’OPA hostile est devenue amicale, les syndicats n’ont pu intervenir à aucun moment. S’ils avaient pu le faire et si, en particulier, les dispositions qui ont été adoptées en commission des affaires économiques avaient été mises en oeuvre – soit un suivi sur trois ans – nous n’en serions peut-être pas arrivés à la fermeture aussi rapide de l’aciérie de Gandrange.
À l’époque, des noms d’oiseaux étaient échangés entre les dirigeants d’Arcelor, d’Aceralia en l’Espagne et d’Arbed au Luxembourg à l’encontre de Mittal et réciproquement, l’un se vantant de fabriquer du parfum comparé à l’eau de Cologne de Mittal. En réalité, dans cette affaire, il manquait les principaux intéressés : les dizaines de milliers de salariés de ces entreprises qui n’ont pas pu s’exprimer.
Il est important qu’à l’avenir de telles situations ne se reproduisent pas. Si nous pouvons progresser sur la voie de la social-démocratie et d’une certaine cogestion à travers un meilleur partenariat avec les syndicats, tout le monde aura à y gagner et ce sera sans doute une incitation et une précaution à l’encontre de ces multinationales qui croient détenir tous les pouvoirs.
Édouard Martin, que d’aucuns citent assez souvent, rappelait ce matin qu’il ne croyait guère à cette loi, parce que les marchés dominent et que la France et l’Europe se plient toujours aux injonctions mondiales, mais le contre-pouvoir syndical est peut-être l’un des contre-pouvoirs que nous pouvons installer en plus du contre-pouvoir politique.
La parole est à Mme Anne Grommerch, pour soutenir l’amendement de suppression no 30.
Cet amendement a effectivement pour objet de supprimer l’article 6, qui vise à renforcer l’intervention du comité d’entreprise en cas d’OPA. L’information du comité d’entreprise et, au-delà, de tous les salariés, est bien entendu essentielle et légitime. Ce que nous contestons par cet amendement, ce sont les modalités de cette information : les modalités de consultation et d’intervention du comité d’entreprise sont difficilement compatibles avec le calendrier actuel des OPA et la nécessité d’encadrer ces OPA dans un délai raisonnable.
Par exemple, la procédure d’information-consultation n’est pas encadrée dans un délai spécifique. De même, le délai d’un mois prévu pour la remise du rapport du médiateur n’est pas compatible avec les délais actuels relatifs à la clôture de l’offre, qui sont de vingt-cinq jours de bourse.
C’est exactement ce que dit Gérard Rameix, le président de l’AMF. Le risque est que le processus puisse être bloqué par une absence d’avis du comité d’entreprise. Le calendrier des offres ne serait maîtrisé ni par le régulateur, ni par la cible, ni par l’auteur de l’offre.
Je crois savoir que des amendements de Mme la rapporteure pourraient remédier à cette difficulté, mais je ne peux m’empêcher de relever combien cet article, qui figurait dans le texte initial de la proposition de loi, était mal rédigé, ce qui justifie ces amendements.
Je suis défavorable à cet amendement de suppression.
Vos propos sont inexacts, madame la députée. Tout d’abord, le code du travail encadre les délais dans lesquels le comité d’entreprise rend un avis. En outre, comme vous l’avez laissé entendre, mon amendement no 114 rectifié vise précisément à encadrer la consultation dans un délai d’un mois. Quant au risque d’un blocage de la procédure avec la saisine du juge, il faut bien avoir en tête le fait que celle-ci n’intervient que lorsque l’expert n’a pas disposé des éléments d’information requis. Il suffit donc que l’employeur soit coopératif pour éviter une telle situation. Cet amendement no 114 rectifié répond donc à votre préoccupation puisqu’il fixe le délai dans lequel le juge intervient et qu’il ne suspend pas forcément les délais dans lesquels l’OPA se déroule.
L’amendement no 30 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Clotilde Valter, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 111.
Il serait sans doute souhaitable, madame la présidente, que je présente également mes amendements suivants nos 112 rectifié, 113 rectifié et 114 rectifié.
Je suis en effet également saisie de trois amendements, nos 112 rectifié, 113 rectifié et 114 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée avec l’amendement no 111.
Vous avez la parole, madame Valter.
Que nous a-t-on dit de cet article 6, lorsque nous l’avons examiné en commission puis dans les semaines qui ont suivi lorsque nous avons poursuivi le travail sur ces dispositions ! Rappelons, premièrement, que Telles Quelles étaient les dispositions initiales ? Tel que voté en commission, l’article 6, prévoyait à la fois l’intervention d’un médiateur et un délai de deux mois pour cette procédure.
Il nous a d’abord été dit qu’une telle intervention renvoyait au droit du travail et que le terme même de médiateur avait une connotation conflictuelle et n’était donc pas forcément le plus approprié puisqu’il s’agissait d’examiner et d’évaluer les conséquences de l’OPA pour l’entreprise-cible. Ensuite, notre attention a été appelée sur la durée de la procédure, dont j’ai indiqué que la commission l’avait fixée à deux mois. Nous avons travaillé jusqu’à ces derniers jours pour répondre à ces arguments. Nous l’avons fait de deux manières. D’une part, nous avons remplacé le médiateur par un expert – je vous renvoie sur ce point à l’échange que nous avons eu à l’article 1er. L’expert évaluera les conséquences de l’OPA pour l’entreprise-cible. D’autre part, en ce qui concerne le délai, nous avons donné trois semaines à l’expert pour rendre son rapport, à quoi s’ajoute une semaine de délai supplémentaire pour que puisse intervenir la consultation du comité d’entreprise. Cela lui permettra de rendre son avis dans un délai permettant que le rapport et l’avis du comité puissent figurer dans la note en réponse.
Nous atteignons donc bien les deux objectifs qui étaient les nôtres : l’information-consultation du comité d’entreprise pour associer les salariés – comme nous en avons défendu l’idée dans la discussion générale – est assurée ; quant aux délais, nous avons répondu aux préoccupations exprimées. Répétons-le : le processus d’élaboration de la loi, tel du moins que nous le concevons, implique d’écouter, d’auditionner, de consulter pour avancer, et c’est bien ce qui s’est passé.
Je veux juste revenir sur un point à la suite des échanges que vous avez eus tout à l’heure avec notre collègue Thierry Benoit. L’exposé sommaire de l’amendement no 111 indique qu’il vise à permettre au comité d’entreprise de bénéficier de l’assistance d’un expert, mais dans le texte de l’amendement c’est un expert-comptable qui est désigné. Or vous disiez qu’il ne s’agit pas vraiment de la même chose. Pouvez-vous m’expliquer cette différence ?
Les deux situations sont différentes. Pourquoi à l’article 1er a-t-on objecté à M. Benoit qu’il fallait un expert et non un expert-comptable ? Parce qu’il s’agissait alors d’une procédure de recherche d’un repreneur. Comme nous l’avons dit, si un expert-comptable traite de chiffres, de données financières, il n’a pas forcément la compétence, les réseaux, etc. nécessaires pour trouver un partenaire industriel. C’est ce qui explique le choix d’un profil plus approprié.
En l’occurrence, il s’agit d’un autre sujet : l’évaluation des conséquences sur l’entreprise-cible de l’arrivée d’un partenaire qui se présente pour être actionnaire de référence. Cela implique que l’on intègre un certain nombre de données financières et stratégiques essentielles pour la suite du développement de l’entreprise, ce qui ressort plus au domaine de l’expert-comptable. Voilà pourquoi c’est un expert-comptable qui est évoqué dans le texte de l’amendement no 111.
Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 111, 112 rectifié et 113 rectifié.
Il convient que le comité d’entreprise soit pleinement informé des intentions de l’auteur d’une OPA. Les amendements nos 111, 112 rectifié et 113 rectifié le permettent, qui prévoient notamment l’assistance d’un expert-comptable, lequel remet un rapport dans un délai de trois semaines. L’amendement no 114 rectifié a pour objet de prévoir une procédure de consultation qui me semble utile, et va dans le bon sens. Il me semble cependant que nous pourrions encore travailler sur sa rédaction.
Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, la bonne information des parties prenantes ne doit pas faire courir le risque d’un blocage des offres publiques, dont la plupart sont amicales, sur des sociétés françaises. Il convient de s’assurer que la procédure qui est l’objet de l’amendement no 114 ne nous y expose pas. Je vous le confirme donc : le Gouvernement est favorable à cet amendement mais il souhaite que sa rédaction puisse être améliorée, et que la discussion puisse donc se poursuivre avec les sénateurs en vue de trouver la solution la plus satisfaisante.
Les amendements nos 111, 112 rectifié, 113 rectifié et 114 rectifié sont successivement adoptés.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 127 de la commission des affaires économiques.
L’objet de cet amendement est d’introduire un suivi des engagements. Le comité d’entreprise peut, au cours de la procédure, demander à auditionner l’auteur de l’offre lors de la séance du comité d’entreprise au cours de laquelle le rapport de l’expert est présenté et l’avis du comité donné. On peut, dans ce cadre, introduire les engagements qui ont été pris devant les salariés par l’auteur de l’offre.
L’amendement no 127 a pour objet d’introduire un suivi des engagements dans la durée. Est ainsi prévue une consultation du comité d’entreprise le sixième, le douzième et le vingt-quatrième mois suivant l’OPA sur le respect, par l’auteur de celle-ci, des engagements qu’il avait pris.
L’amendement no 127, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Clotilde Valter, pour soutenir l’amendement no 116 rectifié.
Il s’agit d’un amendement de conséquence qui prévoit les conditions d’accès aux documents s’agissant de l’expert-comptable chargé de faire un rapport.
Avis favorable, en formulant les mêmes observations que sur l’amendement no 114 rectifié.
L’amendement no 116 rectifié est adopté.
L’article 6, amendé, est adopté.
L’article 7 est adopté.
La parole est à Mme Anne Grommerch, pour soutenir l’amendement de suppression no 29.
Il s’agit de supprimer cet article dont l’objet est de supprimer l’abandon du principe de neutralité des organes dirigeants de l’entreprise en matière d’OPA et d’inverser le régime actuel en choisissant l’opt-out. La commission des affaires sociales a proposé que la neutralité des organes de direction ne soit plus la règle mais seulement l’exception. Concrètement, si les sociétés peuvent prévoir la neutralité du conseil d’administration ou du directoire dans leurs statuts, ce retour à la neutralité nécessité un vote d’une assemblée générale.
Il n’apparaît pas opportun d’opérer cette modification sans, au moins, une étude d’impact approfondie ni une vaste concertation avec le régulateur et les représentants des investisseurs.
Par ailleurs, ce revirement serait de nature à isoler notre pays par rapport aux pratiques des autres États membres de l’Union européenne. Sur le fond, cet article introduit à la sauvette…
Ce sont d’autres que nous qui introduisent des dispositions à la sauvette !
…traduit – encore une fois – encore un réflexe défensif. Une fois de plus, les auteurs de la proposition de loi sont mus par un réflexe défensif. Ils évoquent, dans leur rapport, la « faible valorisation des entreprises françaises », le « risque d’une perte de contrôle sur des entreprises stratégiques », et mettent en avant « une stratégie industrielle vertueuse de long terme ne prémunissant en rien des OPA hostiles ».
La meilleure défense consiste finalement en une augmentation régulière du cours de bourse qui conduit à un coût d’acquisition élevé pour un offrant potentiel. Cette augmentation sanctionne une gestion performante, et contribue à la fidélisation de l’actionnariat.
Les propos tenus en l’espèce par le régulateur ne relèvent pas du même registre de vocabulaire que le nôtres : il s’est plutôt fait le défenseur de ceux dont voulons limiter les dégâts sur nos entreprises et du capitalisme financier dans son expression la plus brutale.
Je vous le dis, nous ne pouvons pas continuer à nous y référer sans cesse : président d’une autorité indépendante, il a sa liberté de parole. Quant à nous, représentation nationale, notre mission est de légiférer. Nous ne nous plaçons pas sur le même plan : chacun doit rester à sa place, et assumer ses responsabilités propres.
Pour revenir à l’amendement présenté par Mme Grommerch, il convient d’abord de rappeler que l’article 8 n’a pas été introduit à la sauvette n’importe quand, n’importe comment. Il a été introduit par les parlementaires, au cours des travaux en commission après que ce point a été évoqué lors des auditions.
Lorsque la France a, en 2006, transposé la directive OPA, elle a fait le choix le plus libéral en ne permettant pas ainsi au conseil d’administration d’organiser la défense de l’entreprise face à une OPA hostile, contrairement au choix effectué par les pays du Bénélux et par d’autres pays de l’Union européenne.
Nous avons proposé en commission d’inverser le choix français et donc de rejoindre nos partenaires, comme l’Allemagne et le Bénélux, qui avaient fait le choix différent de ne pas appliquer le principe de neutralité des organes de direction lors d’une OPA. Une telle option ne pose pas de problème puisqu’elle est prévue par la directive elle-même.
Comme je l’ai souligné, avec d’autres, dans la discussion générale, si l’Union européenne nous bride dans un certain nombre de cas, elle nous laisse en effet dans ce domaine une marge de manoeuvre, que le Gouvernement de l’époque n’a pas voulu utiliser – c’est sa responsabilité. Aujourd’hui, nous prenons la nôtre, et le Gouvernement s’est déclaré favorable à l’amendement introduisant cet article 8, adopté en commission le 17 juillet dernier. Nous faisons en l’occurrence preuve de cohérence.
Cet article est très important, et j’ai du mal à comprendre comment on peut être contre, quand on veut défendre les entreprise de son pays. Je n’ai d’ailleurs pas été très convaincu par vos arguments, madame Grommerch – je ne vous ai d’ailleurs pas senti très convaincue vous-même. Comment peut-on en effet s’opposer à cet article, alors même que les pays libéraux que vous prenez pour modèles, comme les États-Unis,…
C’est plutôt vous qui êtes à la remorque des États-Unis !
…défendent leurs entreprises et donnent à leurs dirigeants les moyens de se défendre ? Et tel est également le cas de l’Allemagne ou encore du Bénélux. Bref, toutes les grandes puissances économiques donnent les moyens à leurs entreprises de se défendre contre des OPA hostiles. Et il faudrait que les entreprises françaises ne disposent pas des mêmes moyens ? J’ai vraiment du mal à comprendre comment on peut défendre un tel point de vue ! Vous nous avez ensuite accusés d’improvisation. Au contraire, un travail a été accompli pour atteindre notre objectif, à savoir éviter que des prises de contrôle conduisent à des désastres industriels, ce qui a conduit à l’adoption d’un certain nombre d’articles nouveaux. Nous avons évoqué tout à l’heure le seuil de 30 %. L’article 8, quant à lui, est fondamental si nous voulons que les entreprises françaises, via leurs dirigeants, puissent se défendre. Comme M. le président de la commission des affaires économiques l’a très bien dit, nous mettons enfin en place – car nous attendions cela depuis 2006 – un dispositif efficace pour protéger nos entreprises. C’est ce qui explique que nous ayons largement réécrit l’article 6 initial de la proposition de loi, qui était en effet moins efficace que les dispositions que j’ai mentionnées. Cette proposition de loi est donc cohérente ; elle comprend des mesures très fortes et très importantes pour notre pays.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Si l’on peut toujours débattre du bien-fondé de telle ou telle mesure parce que l’on est en désaccord avec la méthode, je constate que nos collègues adoptent aujourd’hui une attitude systématique d’opposition, considérant certainement que nos entreprises sont suffisamment protégées des OPA hostiles puisqu’ils proposent de supprimer chacune des dispositions de la proposition de loi.
Monsieur Furst, vous nous avez tout à l’heure reproché de faire moins que l’Allemagne. Or ce pays a pris, dans le cadre de la directive européenne, des dispositions préventives à l’égard des OPA hostiles. J’espère donc que vous allez voter avec nous cet article 8. En effet, ce n’est pas parce qu’on est Français qu’on doit forcément être naïf !
Les objectifs du dispositif proposé sont très lisibles : favoriser l’actionnariat à long terme, donner au management la possibilité de ne pas rester les mains dans les poches en cas d’OPA hostile – ce qui était le cas jusqu’à présent – et permettre aux salariés, qui sont les plus concernés par le maintien de l’emploi en France, d’avoir leur mot à dire dans le processus conduisant à qualifier d’hostile – ou non – une OPA.
Si vous étiez un peu plus de bonne foi, et pas seulement politicien, vous pourriez vous rallier à notre effort en faveur de notre industrie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
L’amendement no 29 n’est pas adopté.
L’amendement no 63, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 8, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Clotilde Valter, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 125.
Cet amendement tend à demander au Gouvernement la remise au Parlement d’un rapport évaluant l’utilisation des actions spécifiques dont l’État dispose au capital de certaines entreprises considérées comme stratégiques. Ce rapport nous permettra de réfléchir aux outils dont nous pourrions nous doter pour protéger nos entreprises car il ne s’agit pas seulement de protéger celles qui appartiennent à des secteurs stratégiques, mais aussi des grands groupes, des fleurons industriels de notre pays, menacés par des OPA hostiles. Nous souhaitons que ces groupes perdurent et se développent dans des conditions optimales.
Nous avons déjà abordé ce point lors des débats en commission. Je suis évidemment favorable à ce que l’État actionnaire informe les parlementaires quant au bilan de l’utilisation des actions spécifiques dont il dispose. Je m’en remets à leur sagesse sur le point de savoir si cette information doit prendre la forme d’un rapport.
Je me permets toutefois de signaler que le périmètre du rapport visé par l’amendement dépasse sans doute le champ des seules actions spécifiques. Il nous faudra donc nous mettre d’accord sur le champ exact de ce rapport.
Vous avez raison, monsieur le ministre : ce point pose sans doute un problème de confidentialité. Nous pourrions mettre en place un dispositif à double détente : d’abord, la remise d’un rapport, puis une audition à huis clos du directeur de l’Agence des participations de l’État.
L’amendement no 125 est adopté.
Madame la présidente, chers collègues, l’article 9 du titre IV de la proposition de loi souligne l’importance, pour les exécutifs locaux, en particulier les maires, des pouvoirs liés à l’urbanisme. Ces pouvoirs leur permettent de ne pas être totalement dépossédés d’une partie de leur territoire lorsqu’il s’agit de déterminer l’avenir de certaines terrains, occupés par des activités industrielles en cours de fermeture. Ils leur donnent la possibilité de faire des choix engageant l’avenir de leur territoire, notamment de savoir s’il convient de conserver la vocation industrielle d’une partie de ce territoire.
C’est aussi une façon de limiter les opérations intempestives de fermeture de site, qui sont parfois motivées par des considérations strictement foncières ou immobilières. Après la casse territoriale, la casse industrielle ou la casse de l’emploi, les grands groupes se rémunèrent une deuxième fois grâce à ce type d’opération.
Pour freiner de telles opérations, cet article prévoit quatre procédures d’urbanisme techniques et contraignantes.
La première rend impossible le changement de destination des zones industrielles dans les secteurs dépourvus de tout document d’urbanisme. Dans ces secteurs, en effet, il est actuellement possible de substituer des opérations immobilières de logement, de commerce ou d’entrepôts à des sites industriels destinés à la casse. Avec cette nouvelle disposition, l’objectif immobilier se trouve considérablement affaibli.
La deuxième mesure tend à faire en sorte que dorénavant les projets d’aménagement et de développement durables intègrent aussi une dimension industrielle.
La troisième a pour objet de rendre les zones industrielles exclusives : elles ne pourront être considérées comme déjà urbanisées. Il sera interdit de leur donner une attribution autre qu’industrielle.
La quatrième mesure, enfin, donne la possibilité de changer la destination d’un site industriel dès lors que cela sera soumis à la procédure de révision du PLU, ce qui a pour effet de subordonner à l’accord des élus locaux toute opération à finalité immobilière lucrative. Il s’agit ainsi de permettre aux élus de conserver, en dernier ressort, le contrôle de leur territoire et de l’avenir du bassin industriel.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je tiens à souligner la grande importance de cet article. La proposition de loi – notamment ses premiers articles – vise à permettre de trouver autant que possible un repreneur quand une activité économique ferme. Il est en effet nécessaire de donner alors aux pouvoirs publics une palette d’instruments. Parmi ces instruments figure la nouvelle procédure qui peut conduire, si les salariés l’estiment nécessaire, à la saisine du tribunal de commerce, lequel peut prononcer une pénalité pouvant atteindre près de 30 000 euros par emploi, sans oublier la prise en compte des coûts de dépollution dans le cas d’un changement de destination d’un ancien site industriel – nous avons tous connu ce cas dans le territoire dont nous sommes élus.
Cette palette doit également comprendre – c’est l’objet de cet article – la possibilité pour les élus locaux d’éviter la spéculation grâce aux plans locaux d’urbanisme. Nous avons en effet tous fait l’expérience des calculs de certains acteurs économiques devant la belle opération financière qu’ils pourraient réaliser sur le dos des salariés en faisant construire des centaines et des centaines de logements de luxe sur tel ou tel terrain. Enfin, je n’oublie pas ce point très important qu’est le remboursement des aides publiques liées à l’installation. Je crois vraiment qu’il faut confier aux pouvoirs publics cette palette d’instruments. Ce sera ensuite aux acteurs publics, aux tribunaux de commerce, de juger de la meilleure façon de les utiliser. Grâce à ces outils, nous pourrons inverser des décisions injustifiées, au profit des salariés, des territoires, mais aussi de l’appareil industriel français lui-même.
L’amendement no 64, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 65, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 9, amendé, est adopté.
Je suis saisie d’un amendement no 122 de M. Belot. Peut-être pourriez-vous, monsieur Belot, présenter en même temps vos deux amendements suivants nos123 et 124 ?
Je vais commencer par présenter les amendements nos 122 et 124, qui répondent à une même logique.
Alors que notre texte vise à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel…
…près de la moitié des interventions de la discussion générale ont porté sur des situations que nous avons pu connaître dans nos territoires, traduisant souvent des situations difficiles entre le groupe, ou la maison mère, et leurs filiales – qu’elles soient créés, rachetées, ou vendues.
Dans ces situations, il est toujours extrêmement compliqué de faire valoir la réalité du lien entre l’entreprise présente sur le territoire et son groupe. C’est particulièrement vrai lorsque cette filiale n’a pas l’ensemble des éléments lui permettant d’être totalement autonome. Je pense notamment aux activités des ressources humaines, du marketing et développement, voire de la commercialisation.
Il arrive souvent que les sites de production ne fassent que de la production – c’était le cas, non seulement à Technicolor, mais dans bien d’autres usines encore comme Thomson à Angers. Il y avait un seul donneur d’ordre, un seul fournisseur – en tout cas, un seul donneur d’ordre pour choisir les fournisseurs –, des prix fixés par ce donneur d’ordre, et toute une procédure de fabrication dépendant totalement de cette maison-mère ou du groupe.
Ces relations difficiles relèvent à la fois du code du commerce et du code du travail. Ainsi les amendements nos 122 et 124 sont-ils directement liés à cette relation entre les filiales et les maisons mères.
L’amendement no 122 vise à adapter le code du commerce à la réalité des situations : lorsqu’une entreprise, seule, ne peut pas être mise en liquidation judiciaire et qu’elle ne possède pas les fonctions qui la rendent autonome, la situation économique du groupe dans son ensemble doit pouvoir être prise en compte.
Les amendements nos 123 et 124 visent à intégrer la notion du « coût employeur » dans le code du travail, notion qui aujourd’hui n’y figure pas. Or, les cours d’appel et la Cour de cassation font régulièrement valoir dans la jurisprudence la réalité du coût employeur et sa prise en compte dans les arbitrages des entreprises. Avec l’amendement no 124, c’est le groupe, dans son ensemble, qui doit assumer les plans de licenciement et doit donc proposer un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Il devra ainsi rechercher toutes les mesures concrètes et précises permettant d’éviter les licenciements, et les mettre en place dans la mesure des moyens dont dispose le groupe auquel cette entreprise appartient.
Je comprends très bien les arguments et les motivations de notre collègue, mais je suis au regret de lui dire que je suis défavorable à ses amendements. Il pose de très bonnes questions, mais elles ne relèvent pas de la proposition de loi. Je propose qu’on remette leur examen à l’occasion de l’examen d’un autre texte.
Je suis du même avis que Mme la rapporteure. Ce sont des sujets importants, qui nécessitent sans doute un travail plus approfondi. À ce stade, je pense que le plus sage serait de retirer ces amendements. Sinon, j’y serai également défavorable dans leur rédaction actuelle.
D’abord, ils me paraissent contraires au principe d’autonomie juridique des personnes. Ensuite, des mécanismes permettent déjà d’appréhender la situation juridique des groupes. Il faut donc travailler sur la façon de les préciser. Il me semble que nous ne sommes pas encore au bout de ce travail.
Il est essentiel que l’ensemble de l’hémicycle partage la préoccupation de clarifier les relations entre maisons mères et filiales. Afin de pouvoir traiter de ce sujet, je propose, puisque nous avons la chance de travailler sur une proposition de loi, d’en rédiger une sur le sujet…
…qu’on puisse commencer à travailler dès la semaine prochaine sur ces relations entre les filiales et les groupes, avec l’ensemble des parlementaires qui le souhaiteront et la collaboration du Gouvernement – s’il le souhaite. Ainsi pourrions-nous proposer à l’ensemble de l’hémicycle un travail plus fin…
Sourires sur les bancs du groupe UMP.
Les amendements nos 122, 123, 124 sont retirés.
La parole est à M. Christophe Léonard, pour soutenir l’amendement no 118.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, la proposition de loi que nous discutons vise à combattre la désindustrialisation, mais aussi à assurer la protection des salariés, en renforçant leurs droits et en leur donnant les moyens d’agir contre les dirigeants qui ne respecteraient pas leurs obligations. Cela étant, et bien que la probité et l’honnêteté des dirigeants d’entreprise soient incontestables (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), il est possible de rencontrer parfois des personnes mal intentionnées, qualifiées à juste titre de « patron voyou ». Si la définition de ce terme est difficile à circonscrire, l’image qui en émane est forte au regard des salariés licenciés qui en sont les victimes.
Les exemples de dirigeants bourreaux de leur entreprise ne manquent pas. Je citerai ainsi le cas, dans ma circonscription, de l’entreprise Thomé-Génot de Nouzonville qui comprend 300 salariés licenciés : le patron, ressortissant américain, condamné le 8 septembre 2009 par le tribunal correctionnel de Reims à cinq ans d’emprisonnement, à cinq ans d’interdiction de gestion et à 20 millions de dommages et intérêts pour abus de bien sociaux et banqueroute, est toujours libre, bien que faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international diffusé par Interpol.
Il en va de même des entreprises Lenoir et Mernier à Bogny-sur-Meuse – 130 salariés –, Artis à Monthermé – 60 salariés –, Ardennes Forge à Nouzonville – 47 salariés. Ainsi peut-il arriver de constater que certaines entreprises organisent volontairement leur insolvabilité, notamment en augmentant le passif, en diminuant l’actif et tout ou partie de leurs ressources ou en dissimulant certains de leurs biens dans le but de se soustraire aux obligations qui leur incombe au titre des contrats de travail, des accords collectifs, engagements unilatéraux, usages, accords conclus avec le comité d’entreprise, dispositions du code de travail ou du code du commerce relatives aux droits des salariés, ou du code de la sécurité sociale.
Or, ces salariés victimes sont aujourd’hui déboutés de leur demande d’indemnisation pour préjudice moral, économique et matériel, au motif que la perte de leur emploi n’est pas une conséquence directe des agissements de leur patron. Aujourd ’hui, ces familles qui ont assisté, impuissantes, à la casse de leur outil de travail, sont bien souvent vouées à ne subsister qu’avec l’aide sociale, dans une période où l’emploi est rare.
En conclusion, le présent amendement vise à combler cette lacune en permettant aux salariés, aux institutions représentatives du personnel ou aux syndicats, d’être recevables à réclamer réparation. Pour ce faire, ils pourront exercer tous les droits reconnus à la partie civile, notamment celui de déposer plainte auprès du ministère public, de faire citer devant la juridiction pénale ou civile, et de saisir un juge d’instruction.
Notre collègue pose une question pertinente, mais cette proposition de loi n’est pas adéquate pour y répondre. Je pense surtout qu’il faudrait pouvoir approfondir la réflexion et le travail avec la chancellerie.
L’amendement no 118, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je voudrais remercier M. le ministre de l’initiative qu’il a prise il y a quelque temps de supprimer la liste noire des chefs d’entreprise qui avaient subi des dépôts de bilan dans les trois dernières années. S’il y a des faillites frauduleuses, il y a aussi des entreprises qui font faillite à cause de leurs clients.
Comme l’État, ou le ministère de la défense ! Je l’ai dit toute à l’heure !
Comme, dans ces circonstances, les patrons sont mis à l’index, il était urgent qu’un ministre de ce Gouvernement prenne une initiative que vous-mêmes, messieurs les députés de l’opposition, n’avez pas prise. Vous dites que nous montrons du doigt les chefs d’entreprise, alors que nous avons reconnu, à l’initiative de M. le ministre de l’économie, que les dépôts de bilan ne relèvent pas toujours de leur responsabilité, mais aussi de leur environnement – je pense aux clients mauvais payeurs. Désormais, ils auront le droit de prendre de nouvelles initiatives. Je voulais féliciter le Gouvernement d’avoir pris cette très heureuse initiative.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je rappelle que la commission a adopté comme titre de la proposition de loi le titre suivant : « Proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle. »
Les explications de vote et le vote, par scrutin public, auront lieu le mardi 1er octobre, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet des soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant création d’un Conseil national chargé du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-deux heures quarante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron