La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 838 , portant article additionnel après l’article 13.
L’article 13 bis est adopté.
Article 13
La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 294 .
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, pour donner l’avis du Gouvernement.
Avis favorable.
L’amendement no 294 est adopté.
L’article 13 ter, amendé, est adopté.
Article 13
La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement no 2239 .
Le nouvel article 13 quater introduit par la commission des affaires sociales vise à limiter au maximum les contentions et à assurer l’évaluation ou la réévaluation des pratiques en permettant leur traçabilité. Bien évidemment, les radicaux de gauche soutiennent avec force ce dispositif qui permettra de faire preuve d’une plus grande humanité dans la prise en charge des patients souffrant d’une affection psychiatrique, tout en favorisant l’élaboration de bonnes pratiques.
Toutefois, le terme de « prescription » semble plus adapté que celui de « décision », qui renvoie à une perception trop juridique ou institutionnelle du sujet, alors qu’il doit s’agir d’une évaluation du rapport bénéficesrisques à caractère médical, comme le prévoit une recommandation de la Haute Autorité de santé. Tel est l’objet du présent amendement.
Avis défavorable. La Haute Autorité de santé préconise de mettre en place le dispositif à compter de la promulgation de la loi. Or la prise en compte de ses recommandations, aussi pertinentes soient-elles, pourrait retarder cette mise en place.
En outre, rien dans la loi n’interdit à la Haute Autorité de faire des recommandations.
Il s’agit d’une question sémantique que, pour être honnête, je ne me sens pas à même de trancher, monsieur le député ! Vous proposez de remplacer le mot « décision » par le mot « prescription ». Il est vrai que le premier figure dans la littérature internationale, alors qu’en France on utilise plutôt le mot de « prescription ». Cependant la référence aux recommandations de la Haute Autorité de santé n’est pas de niveau législatif. Faut-il que, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, nous tranchions une question qui relève en réalité d’une décision de la Haute Autorité de santé et des pratiques médicales ? Je n’en suis pas certaine.
Je vous demanderai par conséquent de retirer votre amendement ; à défaut, je m’en remettrai à l’avis de la commission. Il me semble en effet difficile d’avoir une opinion tranchée sur la question en termes politiques.
J’entends vos arguments mais cet amendement ayant été déposé par ma collègue Dominique Orliac, je le maintiens.
L’amendement no 2239 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 232 .
L’amendement no 232 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 233 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 13 quater, amendé, est adopté.
Article 13
Je suis saisie de trois amendements rédactionnels, nos 234, 235 et 236, de Mme Laclais.
L’article 13 quinquies, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 285 .
L’amendement no 285 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Avis défavorable : la rédaction de ces amendements n’est pas très claire. Je suis désolée, chers collègues, mais il est difficile de comprendre ce que vous entendez par « réévaluation ».
Défavorable.
La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour soutenir l’amendement no 512 .
Cet amendement tend à permettre aux ARS, les agences régionales de santé, de conventionner avec les réseaux chargés de favoriser l’accès aux soins, la coordination, la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires, tels les réseaux « basse vision », ceux qui traitent et accompagnent les personnes souffrant d’obésité ou encore des services d’éducation spécialisée et de soins à domicile.
Avis défavorable : l’amendement est satisfait par le texte même de l’article. En effet, les acteurs qui ont la possibilité de signer une convention avec l’ARS pour la constitution d’une plate-forme territoriale d’appui relèvent du secteur sanitaire, social ou médico-social, notion à dessein très vaste. Il peut s’agir d’acteurs de la coordination de parcours, comme les centres locaux d’information et de coordination, de réseaux de santé, de MAIA, maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, de structures de soins primaires comme les maisons de santé, les maisons pluriprofessionnelles ou les centres de santé, de structures sanitaires, sociales ou médico-sociales, d’établissements et services de santé, d’établissements médico-sociaux ou encore de services d’hospitalisation à domicile, voire de professionnels de santé. Tout cela a été précisé à la suite de l’adoption en commission d’un amendement du Gouvernement. Pour cette raison, je vous invite, madame la députée, à retirer votre amendement.
Même avis.
Je retire l’amendement. Il est vrai que les établissements et les structures que vous avez cités sont reconnus et travaillent déjà en concertation. Je souhaitais cependant appeler votre attention sur des réseaux peut-être moins connus, – comme les réseaux « basse vision » –, alors qu’ils maillent le territoire et sont souvent liés à des acteurs institutionnels.
L’amendement no 512 est retiré.
L’article 14, amendé, est adopté.
Cet amendement a pour objectif de définir ce que l’on appelle « les soins de deuxième recours ».
La médecine libérale spécialisée de proximité joue un rôle majeur dans le système de soins français. Nous avions défendu, à l’article 12, les services primaires, assurés par la médecine générale de premier recours. Les soins de deuxième recours relèvent, eux, de spécialistes, qui font bénéficier les patients de leur expertise. Alors que plus de cinquante spécialités participent à ce réseau, celui-ci reste peu visible. Il faut savoir également que ce réseau contribue à la prise en charge ambulatoire des patients, ce qui permet de limiter le recours à l’hospitalisation.
Les soins de deuxième recours sont très importants : soit ils évitent l’hospitalisation, soit ils permettent un retour à domicile du patient et sa prise en charge dans de bonnes conditions après son hospitalisation, en assurant la coordination de tous les professionnels de santé et un diagnostic conjoint de l’ensemble des spécialistes, en particulier dans le cadre de soins ambulatoires, lui évitant ainsi la désorientation qui suit souvent des épisodes de crise aiguë.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 1541 .
Avis défavorable à ces amendements tendant à définir le contenu de la médecine libérale de second recours, qui travaille en liaison avec la médecine de premier recours. Or l’offre de soins de second recours renvoie à des réalités très diverses, incluant aussi bien les médecins libéraux que des professionnels de santé salariés ou hospitaliers. Il me semble que la rédaction actuelle de l’article L. 1411-12 du code de la santé publique est plus souple et plus pertinente que ce que vous proposez. Je vous invite donc à retirer vos amendements.
Nous avons déjà eu ce débat cet après-midi et l’avis reste défavorable.
La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement no 686 .
Il s’agit d’un amendement que j’ai proposé à la commission, qui l’a accepté. Il vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport portant sur la prise en charge par l’assurance maladie des consultations effectuées par les pédicures-podologues auprès des patients âgés de plus de 75 ans ou atteints d’une affection de longue durée.
Bien qu’une convention ait été signée avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM, la majeure partie des actes podologiques ne sont pas reconnus ni pris en charge par l’assurance maladie, ce qui met à mal l’égalité des patients en matière d’accès aux soins et réduit les avantages conventionnels des podologues.
Je souligne que s’agissant des personnes de plus de soixante-quinze ans, une consultation de podologie peut s’avérer extrêmement importante pour leur mobilité et la qualité de leurs déplacements. Elle permet surtout d’éviter nombre d’accidents domestiques qui sont excessivement coûteux et sources de perte d’autonomie. D’où l’intérêt du conventionnement et d’un rapport sur ce sujet.
Je vous demanderai, madame la rapporteure, de bien vouloir retirer votre amendement, même si je comprends votre préoccupation.
Vous proposez que le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur la prise en charge par l’assurance maladie des consultations effectuées par les pédicures-podologues auprès des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans. Or le suivi de ces dépenses relève de l’assurance maladie ; cela fait d’ailleurs partie des missions de la commission paritaire instituée par la convention nationale des pédicures-podologues. Puisque vous souhaitez être mieux informée, madame la rapporteure, je vous propose de demander à l’assurance maladie de prévoir une communication spécifique sur ce sujet, par exemple dans le cadre de son rapport annuel Charges et produits.
Cela dit, madame la rapporteure, je ne partage pas votre analyse selon laquelle la prise en charge actuelle des actes podologiques ne garantirait pas l’égalité des patients face aux soins. En effet, des forfaits spécifiques permettent de rémunérer des bilans diagnostiques ainsi que des actions d’éducation thérapeutique et de suivi pour les patients diabétiques.
Je vais naturellement retirer cet amendement. Je prends acte de votre proposition, madame la ministre, de demander une communication à l’assurance maladie.
Ce que vous dites est vrai pour les patients diabétiques, mais je me permets d’insister sur le cas des personnes âgées. Même si leurs chutes ne sont pas toutes provoquées par des problèmes de stabilité ou de mobilité, ou par des difficultés liées à la position du pied, leur suivi podologique est tout de même très intéressant. Comme vous le savez, je suis très attentive à la question du vieillissement, sur laquelle nous travaillons beaucoup dans cette assemblée et je crois que chaque chute évitée permet à une personne âgée de demeurer plus longtemps chez elle et dans de meilleures conditions.
L’amendement no 686 est retiré.
Même si Mme la rapporteure a retiré son amendement, je voulais exprimer mes doutes sur la nécessité d’un rapport supplémentaire. S’il existe un problème réel, le mieux est de présenter un amendement qui vise à le résoudre plutôt qu’à demander au Gouvernement de remettre un rapport, ce qui ne fait pas avancer les choses.
L’amendement que je présente avec mon collègue Frédéric Lefebvre vise, lui aussi, à ce que le Gouvernement remette un rapport au Parlement.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Ce qui est formidable avec notre collègue Tian, c’est qu’il fait les questions et les réponses.
Je vous renvoie, cher collègue, à l’excellent rapport commis par nos collègues Mme Pinville et Mme Poletti, dont un paragraphe est consacré à cette question. Avis défavorable.
L’avis ne peut qu’être défavorable, après votre excellente démonstration, monsieur le député !
L’amendement précédent a été retiré avant que je puisse m’exprimer à son sujet, alors que je souhaitais apporter une précision à la réponse de Mme la ministre. Il faut distinguer le diabète de type 1 et le diabète de type 2 : si l’assurance maladie joue le jeu s’agissant du premier, ce n’est absolument pas le cas pour le second.
Je regrette que cet amendement ait été retiré car c’était un bon amendement. Nous aurions pu abandonner le critère lié à l’âge pour ne conserver que les affections de longue durée dont la prise en charge, je vous le garantis, peut s’avérer très rentable.
L’amendement no 186 n’est pas adopté.
La permanence des soins ambulatoires, ou PDSA, objet de cet article 15, est également le thème d’une mission d’information dont la rapporteure est Mme Lemorton. Nous attendons son rapport qui, je l’espère, sera publié dans les prochaines semaines.
L’objectif essentiel en matière de permanence des soins ambulatoires est d’en rendre lisible le fonctionnement afin d’éviter le recours automatique, malheureusement trop fréquent, aux services d’urgence de l’hôpital aux heures d’ouverture des cabinets médicaux ou quand une permanence des soins ambulatoire est déjà assurée. Un système de numéro unique, en plus des numéros des associations locales de permanence des soins, qui sont nombreuses et très performantes, aurait l’avantage d’être clair quelle que soit la situation géographique, qu’il s’agisse d’un territoire rural ou urbain, de plaine ou de montagne.
La permanence des soins ne doit pas être confondue avec l’aide médicale d’urgence, accessible par le 15. C’est pourquoi il convient de mettre en place un numéro unique, éventuellement interconnecté avec les numéros des associations locales de permanence des soins, lorsqu’elles existent, et avec le 18, qui permet d’accéder au service des pompiers, les SDIS intervenant beaucoup dans la permanence de soins. Supprimer ces doublons sera l’un des objectifs du travail que nous allons effectuer avec Mme Lemorton. Il s’agit d’assurer le maillage du territoire et de parvenir à une meilleure efficience en matière de permanence des soins ambulatoires.
Pour avoir moi-même créé un tel système il y a quinze ans, je peux vous dire que le numéro unique fonctionne très bien. Le problème vient que différentes structures assurent les gardes : les cliniques, le 15 au sein de l’hôpital, et les associations locales, en ville comme à la campagne. Ce système de gardes est organisé en association avec les pompiers, le SAMU et la gendarmerie, qui intervient lors des accidents. Il faut « désengorger » l’hôpital : il est regrettable que des patients gravement malades doivent attendre plusieurs heures avant d’y être admis parce que certains y sont alors qu’ils n’ont rien à y faire.
Il faut restructurer ce système afin que l’appel unique permette une prise en charge correspondant à l’état du patient.
La commission a émis un avis défavorable. Sans remettre en cause l’objectif de ces amendements, la commission les a rejetés parce qu’ils tendent à revenir sur une organisation en vigueur dans la plupart des départements et qui donne satisfaction.
Avis défavorable. L’article 15 simplifie le dispositif afin d’en améliorer la visibilité. Aujourd’hui, dans certains départements, l’accès à la permanence des soins ambulatoires passe par le 15 ; dans d’autres départements, il faut appeler un numéro à dix chiffres, et dans d’autres encore un numéro à quatre chiffres. De ce fait, la plupart de nos concitoyens ne savent pas à quel numéro ils peuvent joindre la permanence des soins, notamment lorsqu’ils sont en déplacement, pendant les vacances ou le week-end.
L’objectif, monsieur Door, est évidemment de parvenir à une régulation, par un système d’interconnexion à un numéro unique d’appel. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à ces amendements.
La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 687 rectifié .
L’amendement no 687 rectifié est retiré.
Le sujet très important de la mise en place d’un numéro national d’appel de la permanence des soins est pour moi l’occasion d’insister, comme M. Marie-Jeanne l’a fait cet après-midi, sur la nécessité d’une véritable coopération entre les hôpitaux et les cliniques privées, qui se plaignent souvent de ne pas faire partie du circuit. Les services d’urgence des hôpitaux sont débordés, surtout à Marseille où le déficit de l’assistance publique avoisine le milliard d’euros. À ce propos, madame la ministre, on y est impatient de vous voir, ne serait-ce que pour saluer la nouvelle directrice qui vient d’être nommée. La coordination des soins entre les cliniques privées, qui font le boulot, et les hôpitaux, qui traversent de graves difficultés, contribuerait à résoudre le problème de l’urgence, notamment à Marseille.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement no 2421 .
La commission a émis un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements. Vos propositions ne sont pas remises en cause, mais l’évolution qui nous est proposée permettra déjà de mettre fin à la coexistence de plusieurs numéros de PDSA, ce qui constitue une réelle avancée.
La garantie d’accès à la PDSA via le numéro national est acquise en tout point du territoire, même si un département choisit le 15. Nous examinerons plus loin un amendement de clarification que j’ai déposé en ce sens.
Avis défavorable.
L’amendement no 79 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 402 .
Avis favorable.
L’amendement no 402 est adopté.
Il propose d’insérer après l’alinéa 2 l’alinéa suivant : « Elle est également assurée, le cas échéant, en collaboration avec les établissements de santé en l’absence d’associations de permanence des soins disposant de plates-formes d’appels interconnectées ».
La commission a émis un avis défavorable parce que cet amendement s’insère mal dans le dispositif prévu par l’article L. 6314-1 du code de la santé publique dont le premier alinéa dispose que « la permanence des soins est assurée en collaboration avec les établissements de santé ». On ne peut donc insérer au sein du même article une disposition distincte prévoyant le recours aux établissements de santé uniquement en l’absence de solution alternative. Telle est la raison de forme pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Quant au fond, l’amendement revient à supprimer la possibilité dont dispose le directeur général de l’agence régionale de santé, l’ARS, d’organiser la collaboration des établissements de santé en matière de PDSA s’il existe des associations de permanence des soins. C’est l’autre raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Avis défavorable.
L’amendement no 81 n’est pas adopté.
L’article 15, amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement no 1449 .
La commission a émis un avis défavorable à ces amendements. Ils sont en effet en contradiction avec l’article L. 6213-7 prévoyant que le biologiste médical exerce la direction du laboratoire dans le respect des règles d’indépendance professionnelle reconnues au médecin et au pharmacien. Le dispositif ne peut donc pas prévoir la présence d’au moins un biologiste médical sur chacun des sites du laboratoire. Je rappelle aussi que le dispositif actuel prévoit l’intervention d’un biologiste de laboratoire dans des délais compatibles avec les impératifs de sécurité du patient et un nombre de biologistes au moins égal au nombre de sites – il peut donc être supérieur. Je sais que ce point a déjà fait débat dans cet hémicycle il y a quelques mois.
Avis défavorable.
Je suis un peu surpris et même très étonné par ces avis et le signal que vous envoyez ainsi à toute une profession.
Le débat, madame la rapporteure, n’a pas eu lieu il y a quelques mois mais lors de la précédente législature, dans le cadre de l’examen de la loi Bachelot et du rapport Ballereau dont ont découlé la mise en place du fonctionnement actuel des laboratoires, notamment l’exigence d’accréditation assortie d’un délai et de critères rigoureux.
Les laboratoires se sont si bien regroupés qu’ils ont tous été rachetés !
La conséquence, madame la rapporteure, de votre avis défavorable, assorti de la précision explicite que la présence d’un biologiste dans chaque laboratoire médical n’est plus obligatoire, sera très simple : les centres de prélèvement pulluleront sur le territoire comme cela était le cas avant qu’on y mette un peu d’ordre. Ce qui m’importe, c’est la sécurité sanitaire et l’accueil des patients par des biologistes, soit des médecins et des pharmaciens titulaires d’un DESS de biologie médicale qui garantit leur compétence dans ce domaine. Dire que la présence d’un praticien diplômé dans cette discipline, qui est une spécialité médicale, n’est pas indispensable, c’est un peu comme permettre aux collaborateurs d’un neurologue de s’occuper des patients, même s’ils ne sont pas médecins !
Quel mauvais signal on envoie ainsi ! Celui que vous acceptez une marchandisation complète de la biologie médicale, madame la ministre, ou bien que vous voulez favoriser le développement de chaînes de laboratoires, ce qui est très étonnant de votre part et de la part de votre majorité. On en mesure pourtant les conséquences dramatiques sur le terrain, et pas simplement pour les carrières des professionnels de santé. Il n’est qu’à voir ce qui se passe en Belgique, où on assiste à la constitution de véritables chaînes de laboratoires – vous en connaissez les noms comme moi – dont la qualité de service n’est pas celle qu’on trouve sur les sites qui comptent des biologistes.
Je suis donc très surpris par votre opposition qui, d’une certaine façon, fait fi de la condition d’accréditation, exigeante et difficile, à laquelle cette profession est soumise – c’est d’ailleurs la seule à devoir justifier d’une accréditation. S’opposer à ces amendements revient à mettre fin à une spécialité médicale dont on nous avait expliqué que le niveau d’exigence et de sécurité sanitaires devait être au plus haut. Il serait très regrettable que vous empruntiez cette voie.
Je partage tout à fait l’argumentation que M. Vigier vient de développer. Je dirais même que l’évolution qu’il vient de décrire a déjà commencé en France : depuis le vote de la loi réformant la biologie médicale, au début de la législature, nous assistons à une concentration dans ce secteur, l’analyse médicale n’étant plus assurée que par un petit nombre de centres et les laboratoires médicaux n’étant plus que des centres de prélèvement.
Or les patients ont besoin de disposer de laboratoires de proximité et de professionnels capables d’analyser les résultats de leurs tests médicaux et c’est pourquoi la présence d’un biologiste dans les laboratoires demeure plus que nécessaire.
Auriez-vous, madame la ministre, la gentillesse de nous expliquer pourquoi vous êtes désormais favorable à l’absence de biologistes dans les laboratoires d’analyses médicales, alors que la procédure d’accréditation en vigueur depuis cinq ans dans notre pays est exemplaire au niveau européen. À un moment où l’on parle de la nécessité pour notre pays de retrouver des facteurs de compétitivité, c’est un modèle européen que nous avons lancé. Chacun doit être conscient au moment de voter qu’il risque ce soir de disparaître.
Monsieur le député, la loi n’avait pas pour objectif d’imposer la présence sur site d’un biologiste, mais la désignation d’un biologiste responsable pour chaque site. Il y aura donc pour chaque site un biologiste de référence, mais il ne sera pas nécessairement présent sur le site. Telle est la raison de l’avis défavorable dont ces amendements font l’objet.
Je suis très heureux d’entendre votre interprétation, madame la ministre. Mais alors pourquoi les ARS envoient-elles des agents dans les laboratoires pour vérifier que des biologistes y sont bien présents ?
La loi prévoit bien la présence d’un biologiste sur chaque site, même s’il peut opérer des prélèvements à l’extérieur. J’en parle d’expérience, ayant moi-même eu à remplir un dossier d’accréditation : si vous ne pouvez pas justifier de la présence d’un biologiste sur le site, le comité français d’accréditation, le COFRAC, ne vous délivre pas d’accréditation.
Il est procédé au scrutin.
On a beaucoup parlé des soins palliatifs et de leur importance dans notre pays. Nous proposons qu’ils soient déclarés grande cause nationale en 2016 et bénéficient à ce titre d’un engagement de la puissance publique.
La commission a émis un avis défavorable. Si le sujet des soins palliatifs fait l’objet de nombreux amendements aux articles 25, 26, 38 et 43, proposés par moi-même et d’autres collègues, je ne pense pas néanmoins qu’il nous appartienne de définir les grandes causes nationales.
Avis défavorable.
Je regrette ces avis défavorables. Il est toujours facile de faire de grands discours sur les soins palliatifs mais dès qu’on propose des actions concrètes bénéficiant de moyens financiers et humains, on se rend compte que la volonté fait défaut.
Aujourd’hui, dans notre pays, 80 % des personnes qui devraient bénéficier de soins palliatifs n’en bénéficient pas. C’est sans aucun doute en partie involontaire mais on peut s’interroger, comme l’ont montré les débats sur la fin de vie, sur l’ambiguïté de certaines positions.
En effet, qui dit absence de soins palliatifs, dit personnes subissant de mauvaises conditions de fin de vie et demandant l’euthanasie pour y mettre fin. On se demande si cela ne procède pas d’un calcul ! Afficher l’objectif d’un développement des soins palliatifs, et au-delà d’une véritable culture palliative non pas uniquement dans notre système médical mais dans toute notre société serait une manière de lever toute ambiguïté en la matière.
Vos avis défavorables montrent qu’il n’existe pas de véritable volonté de résoudre les nombreuses inégalités et disparités entre les territoires en termes de développement des soins palliatifs, et c’est pourquoi nous les regrettons.
L’amendement no 1442 n’est pas adopté.
Je regrette moi aussi que les soins palliatifs ne soient pas déclarés grande cause nationale : cela aurait constitué un engagement du Gouvernement, de l’Assemblée nationale et des décideurs publics en général.
Introduire dans tel ou tel article des dispositions sur les soins palliatifs n’empêche en rien de les déclarer grande cause nationale.
Cet amendement no 1444 tend à ce que le Gouvernement remette tous les ans au Parlement une cartographie des unités de soins palliatifs sur le territoire, qu’ils relèvent du secteur public ou privé, afin d’en suivre l’évolution et d’enclencher le débat.
Je répète qu’il n’appartient pas aux députés de décider des grandes causes nationales !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous souhaitiez déjà au titre I faire de la lutte contre l’obésité une grande cause nationale et la réponse était la même : il se trouve que ce n’est pas la loi qui définit les grandes causes nationales.
Vous proposez que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport sur l’état des soins palliatifs sur le territoire national. Vous le savez, votre rapporteure a déposé de nombreux amendements sur les soins palliatifs, dans le cadre de ce texte comme dans celui de la proposition de loi sur la fin de vie. La sensibilité à cette question dépasse votre groupe, et mes collègues de la majorité pourraient dire la même chose.
Non, il n’y a pas d’ambiguïté ! Il ne faut pas voir des complots partout !
On peut demander des rapports, comme vous le faites, mais on peut aussi poser des actes concrets. J’ai déposé un amendement à l’article 38, qui traite du diagnostic territorial. Il permettra de dresser un état des lieux des soins palliatifs et de favoriser les modes de prise en charge sans hébergement, sujet sur lequel je suis très engagée. Il s’agira ensuite d’établir les projets territoriaux de santé à partir de ce diagnostic. Nous sommes là dans le concret. Cela devrait satisfaire tous ceux – ils sont nombreux – qui attendent des actes en faveur des soins palliatifs. Je suis persuadée que cette proposition est susceptible de nous rassembler.
Même avis défavorable.
Lorsque nous avons débattu de la proposition de loi sur la fin de vie, on nous a dit qu’on parlerait des soins palliatifs au moment de l’examen du projet de loi sur la santé. Nous ne pouvons donc pas accepter que ce projet de loi ne cartographie même pas l’offre dans ce domaine, alors que cette question est centrale pour notre système de santé. Ainsi, on parlerait de la nécessité de boire de l’eau, de marcher, de faire de l’exercice physique, mais pas de ce qui est au coeur de notre système de santé ? Une réponse aussi peu satisfaisante a quelque chose d’attristant.
Ne caricaturez pas nos débats, monsieur le député : c’est votre groupe qui a déposé des amendements sur la nécessité de boire de l’eau, et ils n’ont pas été adoptés. Ne faites donc pas comme si nous voulions intégrer dans la loi de telles prescriptions tout en balayant d’un revers de main la question des soins palliatifs. Nous en avons débattu à l’occasion de la proposition de loi sur la fin de vie, et j’avais alors indiqué qu’ils feraient l’objet d’un plan global qui ne serait pas annoncé à l’occasion de ce projet de loi. Cela m’avait d’ailleurs valu des critiques de la part de certains de vos collègues de l’opposition. Ce n’est pas parce que mon avis est défavorable que je ne considère pas les soins palliatifs comme un enjeu important en matière de santé. Si la loi ne peut pas en faire une grande cause nationale, c’est que cette décision revient au Premier ministre.
Sourires
Le Parlement ne peut pas imposer au Premier ministre ses choix dans ce domaine. Vous savez très bien que ce n’est pas au détour d’un amendement que ces choses-là se décident.
Il y aura un plan sur les soins palliatifs. C’est un enjeu important, mais qui relève du réglementaire, même si la loi de financement de la sécurité sociale peut, le cas échéant, ouvrir des lignes budgétaires complémentaires. Ce n’est pas ici le lieu de prévoir des rapports ou des mesures sur les soins palliatifs.
L’amendement no 1444 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à reconnaître la spécificité de la médecine de montagne. Il prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er octobre 2015, un rapport sur l’activité des médecins en montagne et l’introduction d’un forfait de soins en montagne pour les médecins des stations de montagne.
Ces professionnels exerçant dans ces zones très accidentogènes sont en effet confrontés à des traumatologies spécifiques aux skieurs, qui nécessitent des prises en charge particulières et un matériel adapté – matériel de radiologie, dispositifs d’immobilisation, équipements leur permettant d’effectuer des actes pré-chirurgicaux voire chirurgicaux – si on veut éviter que ces patients soient hospitalisés loin du lieu de l’accident. Aujourd’hui, ces professionnels relèvent du secteur 1, ce qui n’est pas du tout adapté. Si nous ne nous penchons pas sur ce problème, nous risquons de ne plus avoir aucun médecin dans les stations de montagne. Ce sera alors le SAMU qui devra intervenir avec des hélicoptères et des moyens lourds. Cela risque de coûter bien plus cher que de donner un peu plus à des médecins qui font bien leur métier.
La commission a repoussé cet amendement, comme vous le savez, monsieur Siré, puisque vous avez participé à ses débats.
Vous contestez la disposition par laquelle « dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 le conventionnement entre l’ARS et les médecins de montagne a été établi » et « qui consiste à salarier les médecins en leur imposant d’exercer en secteur 1 », pour reprendre les termes de l’exposé des motifs de votre amendement. Or ce dispositif a fait l’objet de discussions avec l’Association des médecins de montagne, dont le siège est à Chambéry, et avec l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM. Aux dires des médecins de montagne eux-mêmes, qui me l’ont confirmé par écrit à plusieurs reprises, il donne satisfaction.
Par ailleurs, vous savez que le Premier ministre a souhaité confier à deux parlementaires – une de votre groupe, d’ailleurs signataire de cet amendement, Mme Genevard, et moi-même – une mission sur l’actualisation de la loi Montagne, et que la lettre de mission qu’il nous a adressée nous demande explicitement de nous pencher sur le sujet de la santé, et dans un délai bien plus court que celui proposé dans votre amendement. C’est donc à la fois au nom de la commission et à titre personnel que j’émets un avis défavorable.
Défavorable.
Deux problèmes se posent en ce qui concerne les médecins de montagne. Le premier touche à la pérennité, tout au long de l’année, d’une présence médicale dans les vallées, les villages et les stations, confrontés, comme tous les territoires ruraux, à une désertification rendant problématique l’accès aux soins.
Le second touche à la spécificité des médecins de station. Le service assuré par ces médecins est indispensable au fonctionnement des stations de ski, qui apportent à l’économie touristique de notre pays une contribution inestimable. En outre leur activité, leur compétence et les soins qu’ils délivrent sont sources d’économie pour l’assurance maladie, puisqu’ils permettent de limiter le nombre des transports en ambulance et des hospitalisations. Non seulement ils contribuent à l’attractivité de nos stations mais ils favorisent aussi leur intégration dans notre système de soins.
Le dispositif décrit par notre rapporteure est un mécanisme de semi-étatisation qui, au mépris de la spécificité de la montagne et des stations, vise à assurer une prise en charge à 100 % par l’assurance maladie.
Ce n’est pas comme cela qu’il faut faire. Vous devez admettre que certaines activités, certains services ou certaines prestations ne peuvent se développer que dans des conditions de liberté – en l’espèce une respiration des honoraires, qui sera d’ailleurs prise en charge par les assurances privées et complémentaires. Cet espace de liberté me paraît indispensable.
L’amendement no 850 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 1212 .
Nous avons déposé cet amendement à l’initiative d’Alfred Marie-Jeanne et de ses collègues ultramarins, qui sont préoccupés par la situation des urgences hospitalières, notamment en outre-mer. Il vise à insérer après l’article 15 un article ainsi rédigé : « Dans un délai de six mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la situation des urgences dans les hôpitaux, y compris dans les collectivités d’outre-mer, afin de présenter un cadre d’actions spécifique adapté aux impératifs attachés à leurs activités. » Vous aurez compris leurs préoccupations.
Même avis. De multiples rapports ont déjà été consacrés aux urgences ; des missions sont régulièrement conduites soit dans un hôpital donné, soit dans un territoire donné, soit de façon plus globale ; nous réunissons le Conseil national de l’urgence hospitalière tous les six mois, et un rapport d’activité est produit chaque année. Un rapport supplémentaire ne me paraît donc pas opportun : l’information recherchée peut être trouvée dans les rapports existants.
Notre collègue Marie-Jeanne a évoqué cet après-midi, à l’occasion d’une question à Mme la ministre de la santé, les dépenses d’évacuation sanitaire inconsidérées en Martinique, notamment en raison du coût prohibitif des évacuations hors de France par hélicoptère, qui résultent de l’absence d’accord entre hôpitaux publics et cliniques privées. Mme la ministre lui a répondu de manière assez vague. Je remarque que cette question ne la passionne pas davantage ce soir – c’est un peu dommage. J’ai du mal à admettre qu’on fasse preuve d’un tel mépris pour la Martinique.
Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Disons les choses comme elles sont ! Notre collègue appelle notre attention sur une situation dramatique, qui dure depuis des années et coûte beaucoup d’argent, puisqu’il faut évacuer les patients à l’étranger et en hélicoptère. Il serait choquant que vous ne nous répondiez pas, madame la ministre. Vous dites que l’on se réunit tous les six mois pour en parler : vous en parleriez tous les huit jours que la situation ne serait pas moins dramatique ! Ce n’est pas acceptable pour nos concitoyens de Martinique !
La situation des urgences, et des hôpitaux publics en général, est extrêmement préoccupante.
Je l’ai déjà dit, je regrette que le Gouvernement n’abroge pas la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » qui a mis les hôpitaux dans cette situation – et que vous avez votée, chers collègues de l’opposition. La situation que vient d’évoquer M. Tian ne concerne pas que la Martinique. Elle est liée à cette politique, au manque de moyens criant de nos hôpitaux publics. Certes, je regrette que le Gouvernement ne prenne pas de dispositions permettant aux hôpitaux publics de travailler dans des conditions normales. Mais de grâce, monsieur Tian, ce n’est pas à vous de donner des leçons sur ce thème !
Encore une fois, si les hôpitaux publics sont dans cette situation, c’est parce que vous les y avez mis !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je me suis rendue en Martinique pour visiter les structures hospitalières et les structures de soins, monsieur Tian. Le CHU de la Martinique est dans une situation préoccupante sur un plan financier, mais aussi en ce qui concerne l’accueil des patients aux urgences. C’est l’une des raisons pour lesquelles un plan de reconstruction de l’hôpital a été engagé. Ce projet est l’un de ceux qui sont les plus soutenus par les pouvoirs publics.
Ce nouvel hôpital sera à la disposition des Martiniquais à partir de 2016. Je ne vous permets donc pas de dire que je ne me préoccuperais pas de cette situation, voire que je mépriserais – pour reprendre les termes que vous avez employés – la Martinique. C’est un des sujets sur lesquels le Gouvernement s’est particulièrement engagé.
L’amendement no 1212 n’est pas adopté.
L’article 16 institue l’obligation d’un médecin référent pour les moins de seize ans. Cette disposition présente trois inconvénients. Elle remet en cause le rôle des pédiatres, qui doivent se former pendant quatre à cinq ans pour obtenir leur spécialisation. Par ailleurs, la synergie entre médecins généralistes et pédiatres lorsqu’une pathologie excède le domaine de compétence d’un généraliste, ou lorsque ce dernier souhaite obtenir l’avis d’un spécialiste, fonctionne bien aujourd’hui : il n’est nul besoin de perturber cette harmonie entre généralistes et spécialistes. La troisième raison est celle du coût de ce dispositif. Notre pays comptant entre quinze et vingt millions de gamins de moins de seize ans, il générera un accroissement de dépense de quinze à vingt millions d’euros par an, qu’il s’agisse de la délivrance de cartes Vitale ou du déclenchement de l’ensemble du dispositif du médecin référent.
J’espère que l’examen des amendements nous permettra d’avoir des réponses sur ces trois points – le respect du rôle du pédiatre, le respect de la synergie entre généralistes et pédiatres, et surtout le coût de ce dispositif.
Nous en venons aux amendements. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement de suppression de l’article no 1201.
Puisque l’on parle de la pédiatrie, madame la ministre, peut-être apporterez-vous enfin une réponse au sujet de l’Assistance publique de Marseille ? Cela fait trois ans que vous êtes au Gouvernement et cette dernière connaît un déficit – j’insiste sur ce chiffre – d’un milliard.
Cela fait trois ans que vous êtes au Gouvernement : vous ne ferez pas avaler aux Marseillais vos arguments sur la Martinique.
C’est vous qui êtes responsables du déficit de l’assistance publique de Marseille !
Le président Accoyer a tout à fait raison. Le prochain plan qui, paraît-il, sera présenté dans quelques jours, sans que la ministre se soit exprimée à ce sujet, se traduirait tout simplement par plusieurs centaines de licenciements dans les hôpitaux publics de Marseille. J’ai posé la question au cours de la discussion générale, et j’espérais que vous en parleriez.
Avec un milliard de déficit et un plan gouvernemental qui prévoit plusieurs centaines – peut-être mille – licenciements et la fermeture de services entiers, il n’y aura bientôt plus de services de pédiatrie dans les hôpitaux de Marseille. Je ne pense pas que le gouvernement précédent et la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – dite « HPST » – soient responsables des dysfonctionnements en cause. Puisque l’on évoque la pédiatrie, madame la ministre, parlons des hôpitaux de Marseille.
Parlez-nous des brancardiers qui jouent les colleurs d’affiches pour l’UMP !
« Quel rapport ? » sur les bancs de l’UMP.
S’il vous plaît, mes chers collègues !
Quel est l’avis de la commission ?
Monsieur le député, l’amendement que vous nous proposez, qui vise à supprimer l’article 16, a été repoussé par la commission.
Cet article 16, qui a eu peu d’écho dans l’opinion publique et les médias, constitue pourtant une grande avancée. L’institution d’un médecin traitant de l’enfant permettra de mieux coordonner les soins à destination de l’enfance et de l’adolescence. Il pourra être spécialisé en médecine générale ou relever d’une autre spécialité. Il se trouvera à une place particulièrement adaptée pour mettre en oeuvre un suivi des parcours de santé des enfants, dans un but à la fois de meilleur accès aux soins, mais aussi de prévention, au bénéfice notamment des enfants vivant dans les familles les moins favorisées.
La définition de ces missions particulières ainsi que les rémunérations associées seront précisées par les négociations conventionnelles entre l’assurance maladie et les médecins. L’instauration du médecin traitant ne sera pas, comme je l’ai lu ou entendu, un outil de régulation des dépenses. En effet le médecin traitant ne sera pas un passage obligé, contrairement au parcours de soins coordonnés : l’exception est expressément prévue aux alinéas 8 et 17 de l’article 16.
Loin d’être une contrainte pour les parents, cette mesure permettra un meilleur suivi médical de leurs enfants à une période qui, on le sait, est particulièrement décisive. Je me réjouis pour ma part de l’avancée que constitue cet article.
Avis défavorable. Comme l’a dit Mme la rapporteure, le médecin traitant sera un choix, et non une obligation, pour les parents. Ce pourra être un généraliste ou un pédiatre, comme je l’ai dit à plusieurs reprises. Il ne s’agit donc pas d’opposer les uns aux autres : les pédiatres gardent évidemment leur rôle, soit comme médecin traitant, soit, pour ceux qui le souhaitent, comme médecins spécialistes de second recours. L’enfant continuera à figurer sur la carte Vitale de ses parents. Comme cela a été indiqué, il n’est pas imposé aux enfants, contrairement aux parents, de respecter le parcours de santé pour bénéficier des règles de remboursement applicables. J’émets donc un avis défavorable.
S’agissant de la situation du groupe hospitalier de Marseille, monsieur Tian, des rapports ont été rendus, en particulier par l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS. Je viens de commander un deuxième rapport à ce sujet à l’IGAS, la situation ne s’étant pas, à l’évidence, améliorée.
Vous semblez confondre…
…la dette de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille – l’AP-HM –, qui est d’un milliard d’euros, ce qui, de fait, n’est pas extrêmement réjouissant, et le déficit, qui est d’environ quarante millions d’euros cette année, ce qui est évidemment beaucoup trop.
La mission d’inspection va permettre d’étudier la situation de ce groupe hospitalier, en particulier sur le plan du fonctionnement. Une nouvelle directrice générale prend ses fonctions : il lui reviendra d’engager les mesures qui lui paraîtront nécessaires, dans le dialogue avec la communauté médicale, les partenaires sociaux, les professionnels de santé et les professionnels non médicaux.
S’agissant d’un grand groupe hospitalier comme celui de Marseille, la situation est préoccupante. L’AP-HM dispose de ressources médicales magnifiques, de services qui sont parmi les meilleurs que nous ayons, certains de renommée internationale.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Sa localisation géographique explique en partie sa renommée au-delà de la Méditerranée. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation que connaît une telle institution, dans l’une des plus grandes villes de France.
Monsieur le député, je souhaite que tout le monde aille dans le même sens, car il y va de l’intérêt de l’hôpital, des Marseillais et de la santé de tous ceux qui vont à Marseille pour se soigner.
Madame la ministre, puisque vous êtes aussi attentive aux rapports de l’IGAS, je voudrais en cet instant vous questionner sur l’un d’eux, que vous avez vous-même commandé, à la suite d’un drame qui s’est joué à l’hôpital de Chambéry en décembre 2012. À cette date, quatre nourrissons y ont été, hélas, contaminés et trois d’entre eux sont décédés d’un choc septique. Vous aviez, à cette époque, indiqué que vous feriez preuve d’une transparence absolue.
Or, alors que ce rapport vous a été remis il y a bientôt un an, vous n’avez pas voulu rendre publiques ses conclusions. Aussi, madame la ministre, je vous demande de jouer, comme vous vous y étiez engagée, la carte de la transparence sur le contenu de ce document, afin que l’on sache ce qui s’est passé dans le service de néonatalogie de l’hôpital de Chambéry en décembre 2012.
S’agissant de l’amendement en discussion, je souhaiterais savoir si vous avez abordé avec les pédiatres – dont vous savez que la situation est particulièrement inquiétante – la question du médecin traitant pour les enfants. Vous n’ignorez pas que les médecins pédiatres sont essentiels pour la santé publique en France.
La situation à l’hôpital de Chambéry était suffisamment grave, et je m’en suis suffisamment occupée, pour pouvoir prendre la parole sur cette question, bien que je trouve, monsieur le député, votre ton extrêmement désagréable.
« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je ne sais pas de qui vous voulez être le procureur, mais le drame de l’hôpital de Chambéry est trop préoccupant pour que je m’attarde sur une attitude qui vous est coutumière.
Nous avons trouvé l’origine des dysfonctionnements. Une procédure judiciaire est en cours, comme vous le savez. Deux rapports ont été commandés, le premier d’entre eux portant sur ce qui s’était passé à l’hôpital. J’ai indiqué très clairement que le rapport, qui a été versé à l’instruction, serait rendu public dès lors que la procédure judiciaire serait arrivée à son terme.
Cela me semble respecter les bonnes pratiques.
Vous voulez polémiquer sur un sujet dont la gravité exclut la polémique. Ce soir, je pense aux parents. C’est à eux que je dois la vérité.
Nous communiquons régulièrement avec eux par téléphone, soit directement, soit par l’entremise de leur avocat.
Il y a eu des contacts récemment, à l’occasion d’une affaire dont on a pu craindre qu’elle ne renvoie à ce qui s’était passé à Chambéry.
Je vois que vous voulez polémiquer, alors que je considère que de tels sujets ne devraient pas donner lieu à polémique. Des décisions extrêmement graves ont été prises, qui ont d’ailleurs conduit à la fermeture d’un laboratoire de production et de fabrication de poches d’alimentation parentérale – le laboratoire Marette. Ce dernier a fait l’objet de mesures extrêmement strictes puisqu’il a été fermé sur décision administrative et n’a toujours pas rouvert. Nous sommes donc engagés dans cette procédure et, comme je vous l’ai dit, un premier rapport a été versé à la procédure judiciaire.
Par ailleurs, je tiens à vous rappeler que des travaux scientifiques ont été menés. En effet, la bactérie qui a infecté l’alimentation administrée aux enfants était jusqu’alors inconnue.
Elle a été effectivement identifiée et nommée, malheureusement, du nom de Chambéry, par les scientifiques qui l’ont identifiée.
Un rapport sur les modalités de l’alimentation parentérale des nourrissons va être remis par la Haute autorité de santé et sera rendu public immédiatement. Il y a en effet des débats entre experts aux niveaux national et international sur la manière dont on doit fabriquer ces poches d’alimentation et nourrir ces enfants qui, malheureusement, sont dans des situations difficiles. Ce travail se poursuit, dans le respect de la mémoire des nourrissons et dans le respect de la douleur toujours très vive des parents. C’est en pensant à eux que j’ai souhaité répondre à votre question.
L’amendement no 1201 n’est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1689 .
L’amendement no 1689 est retiré.
Cet amendement concerne le rôle des sages-femmes dans le parcours de soins.
Une sage-femme peut prescrire tout examen strictement nécessaire à l’exercice de sa fonction mais ne peut pas orienter directement sa patiente vers un médecin spécialiste autre qu’un gynécologue, celle-ci devant obligatoirement, sous peine de sanction financière, consulter préalablement son médecin traitant. Cela engendre des dépenses inutiles pour la sécurité sociale, alors que les sages-femmes sont parfaitement en mesure de prescrire certains examens. Il n’est pas rare en effet pour ces professionnelles de recevoir des patientes atteintes de problèmes digestifs, veineux ou lombaires qui nécessiteraient de consulter un angiologue, un rhumatologue ou d’autres spécialistes.
De la même façon qu’un spécialiste ayant reçu un patient adressé par un médecin traitant peut à son tour l’adresser vers un autre spécialiste, il serait tout à fait logique que la sage-femme soit autorisée à procéder ainsi dans son domaine de compétence. Il s’agit donc d’une proposition de simplification.
La parole est à Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 1738 .
Je rappelle que les sages-femmes exercent une profession médicale aux termes du code de la santé publique et qu’elles ont reçu une formation complète leur permettant d’assurer le suivi physiologique de leurs patientes. Pourtant, lorsqu’elles suspectent une pathologie, les patientes doivent obligatoirement consulter leur médecin traitant pour être adressées à un spécialiste, ce qui me paraît une perte de temps et d’argent. Donner aux sages-femmes le droit d’orienter directement leurs patientes vers un spécialiste relève donc du bon sens, tant pour la femme concernée que pour nos comptes sociaux.
L’objectif que vous venez de défendre, madame la présidente de la commission, à savoir permettre à une sage-femme d’adresser sa patiente à un médecin spécialiste autre que le médecin traitant dans le cadre du parcours de soins coordonné, est largement partagé.
Cependant, la modification que vous proposez ne me semble pas pertinente. Les compétences de la sage-femme en la matière ne relèvent pas de la convention médicale. Cette modification ne relève d’ailleurs pas du niveau législatif : l’article L. 162-5-3 du code de la Sécurité sociale, qui prévoit les pénalités en cas de non-respect du parcours de soins, renvoie à un décret les exceptions à l’application des majorations.
C’est la raison pour laquelle la commission a repoussé ces amendements. Mme la ministre pourra peut-être nous apporter quelques éclaircissements sur les intentions du Gouvernement sur ce point.
Madame la présidente de la commission, monsieur le député, si le Gouvernement partage les objectifs défendus par vos amendements, je vous demanderai néanmoins de les retirer.
Si je me suis engagée auprès des sages-femmes en ce qui concerne le suivi physiologique des grossesses dès lors qu’elles ne sont pas pathologiques, ce point ne relève pas du domaine de la loi, ni de la convention. Nous travaillons actuellement à un décret qui doit permettre très précisément d’inscrire l’objectif que vous poursuivez dans le corpus réglementaire qui s’applique aux sages-femmes.
Je vous rappelle que d’autres dispositions du texte de loi concernent les sages-femmes -– je pense notamment à la possibilité de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses, par exemple. Il y a donc bien une volonté de reconnaître la place et le rôle des sages-femmes dans le suivi physiologique des patientes.
Je vous demande donc de retirer vos amendements au bénéfice de l’engagement pris devant vous de rédiger un décret.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me semble aller dans le bon sens. Le chemin est un peu différent, mais ce qui importe c’est qu’on aboutisse au même résultat. Je retire donc mon amendement.
L’amendement no 1901 est retiré.
Votre amendement est-il maintenu, madame la présidente de la commission des affaires sociales ?
L’amendement no 1738 est retiré.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1688 .
Cet amendement m’a été inspiré par ma suppléante, qui a consacré sa vie à la médecine des enfants selon l’enseignement de l’école de santé publique de Nancy. Il lui a paru important que soit précisé à cet endroit du texte que le rôle de coordination du médecin traitant pour les moins de seize ans concerne notamment les nombreux enfants atteints d’une maladie chronique, telles l’obésité ou les allergies, dont le nombre augmente, et a pour vocation d’assurer le passage de l’enfance à l’adolescence, puis à l’âge adulte.
Assurer la continuité de ces soins constitue une vraie mission de service public. Le présent amendement a donc toute sa place dans cette loi que nous élaborons ensemble. Je le défends avec force et passion en hommage à Martine Huot-Marchand, médecin pédiatre et inspiratrice de nombreux ouvrages sur la question. J’espère qu’il bénéficiera de votre bienveillance.
Vous avez convaincu vos collègues, puisque la commission a émis un avis favorable à cet amendement.
Je rappelle que dès l’article 1er de ce projet de loi est mentionnée la mise en oeuvre d’une politique globale de santé de l’enfant, et la prise en charge des enfants atteints d’une maladie chronique ainsi que l’accompagnement de l’évolution de tous les enfants vers l’âge adulte en constituent des dimensions fondamentales.
Le complément que vous proposez à l’alinéa 12 de l’article 16 nous semble ainsi particulièrement pertinent et cohérent avec l’esprit de l’article 1er.
Avis favorable.
L’amendement no 1688 est adopté.
Il s’agit de compléter l’alinéa 12 par les mots : « , notamment les modalités de mise en place d’un plan de prise en charge de la santé de l’enfant dans le cadre d’un suivi conjoint entre le médecin traitant et le médecin correspondant […] ».
C’est parce que le présent amendement évitera la mort programmée des médecins spécialistes en pédiatrie qu’il convient de l’adopter.
Par ailleurs, madame la ministre, vous m’avez pris à partie voilà quelques instants sur une question que je vous ai légitimement posée en tant que parlementaire d’une région touchée par le drame que j’ai rappelé. Vos services ne répondent plus aux familles depuis huit mois. Ils n’ont pas rendu publics les enseignements du rapport de l’IGAS alors que vous leur aviez promis, au moment du drame, que vous leur livreriez toutes les informations sur au fur et à mesure qu’on vous les communiquerait.
Enfin, sachez que je m’exprime en cet instant à la demande des familles des victimes.
Notre système de santé actuel présente un avantage : il permet à tous les enfants de France de bénéficier librement et à n’importe quel moment de leur vie du suivi de leur développement et de la prise en charge de leurs pathologies par un pédiatre, médecin spécialiste ayant reçu pendant quatre ans une formation spécifique consacrée à l’enfant, de la naissance à l’âge adulte. Cette formation est enrichie d’une expérience professionnelle et d’une formation continue exclusive.
Il appartient ainsi aux partenaires conventionnels de mettre en place un plan de prise en charge de la santé de l’enfant à des âges spécifiques qui s’appuie sur une véritable coopération de l’ensemble des spécialistes impliqués dans le suivi de l’enfant, au premier rang desquels le médecin généraliste et le pédiatre, dont le rôle doit être reconnu et, surtout, valorisé.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
L’avis est défavorable, la commission ayant repoussé ces amendements, mes chers collègues de l’opposition.
Je suis étonnée de votre proposition d’encadrer aussi strictement la négociation entre les médecins et l’assurance maladie qui vise à définir les missions du médecin traitant des patients de moins de seize ans. Vous voulez en effet inscrire dans la loi la définition d’un plan de prise en charge de l’enfant, alors que dans sa rédaction actuelle, le texte habilite les partenaires conventionnels à définir les missions particulières des médecins traitants. Je vous entends souvent évoquer la liberté des médecins, à laquelle je suis, comme beaucoup, attachée. En l’espèce, vous restreignez au contraire cette liberté et la possibilité de négociation.
Défavorable.
L’amendement no 83 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement no 627 .
Le présent amendement ressemble fort à celui que notre collègue Alauzet a défendu tout à l’heure.
Nous proposons en effet de reconnaître à la sage-femme compétence pour orienter directement une patiente vers un médecin spécialiste, sans passer par le médecin traitant, à l’occasion des examens qu’elle est amenée à lui prescrire pour le suivi de sa grossesse.
Mme la présidente de la commission des affaires sociales a fait valoir tout à l’heure que cette mesure permettrait de gagner du temps et de l’argent. Cependant, l’amendement a été retiré à la demande de la ministre, ce qui est regrettable. Mme la ministre a indiqué que la proposition ne relevait pas du domaine législatif et qu’un décret était en préparation. Je ne suis députée que depuis à peine trois ans, mais je me suis rapidement aperçu que la publication des décrets peut prendre beaucoup de temps, certains n’étant même jamais publiés. Pour ne prendre que cet exemple, le décret relatif au cumul de l’ASPA, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, et de revenus professionnels, n’a été publié qu’un an et demi après avoir été annoncé.
Mais il a été publié !
Madame la ministre, avez-vous une idée du délai à prévoir avant la publication du décret envisagé ?
L’avis est défavorable, pour les motifs déjà évoqués : la proposition ne relève pas du domaine législatif et des engagements à cet égard ont été pris par Mme la ministre.
Même avis.
C’est regrettable. Tout le monde reconnaît le rôle des sages-femmes dans les cliniques privées ou dans les hôpitaux publics.
La définition de ce rôle me paraît relever de la loi. Reconnaître cette profession ne reviendrait pas à minimiser le rôle du médecin traitant ou du médecin référent. Cela permettrait un gain de temps et, surtout, une optimisation des soins pour les femmes.
L’amendement no 627 n’est pas adopté.
L’article 16, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement no 2174 , deuxième rectification, portant article additionnel après l’article 16.
Le présent amendement vise à permettre aux centres de santé de pratiquer l’interruption volontaire de grossesse par les méthodes instrumentale et médicamenteuse.
Madame la ministre, cet amendement important entre dans le cadre du plan gouvernemental très complet présenté en janvier dernier mais qui, du fait des événements dramatiques qui ont touché notre pays, est passé un peu inaperçu. Je regrette qu’il n’ait pas trouvé davantage d’écho.
Il s’articule autour de trois volets : mieux informer les femmes sur leur droit d’accès à l’IVG, simplifier et améliorer la prise en charge de cet acte, garantir une offre diversifiée sur l’ensemble du territoire. Nombre de centres d’IVG – plus de 130 dans les cliniques privées – ont fermé ces dix dernières années. Il faut remédier à cette situation.
J’aimerais ajouter que je suis assez surprise des attaques de M. Accoyer contre les centres de santé. Sachez, monsieur, que les centres de santé sont bien plus anciens que ce que vous avez affirmé : il y en avait déjà dans les années cinquante, soixante et soixante-dix, et ils sont probablement un héritage du siècle précédent.
L’appellation « centre de santé » date de 1999 ; elle a été confirmée dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST.
Selon le rapport que l’IGAS a consacré en 2013 à cet exercice collectif et pluridisciplinaire de la santé, les centres de santé ont une « réelle utilité sanitaire et sociale […]. Ils assurent une offre de soins précieuse dans des quartiers à faible densité de professionnels libéraux et répondent aux préoccupations financières d’accès aux soins. » D’ailleurs, ils sont tous au tiers payant…
…et ne se sont absolument pas mis en grève lorsque l’on a annoncé la généralisation de ce mode de paiement. Le rapport ajoute qu’ils connaissent des fragilités financières mais qu’il faut les conforter.
Il faut leur trouver des financements, monsieur Door. En tout état de cause, on ne peut que se féliciter qu’ils participent au dispositif de l’IVG.
Elle a accepté votre amendement, madame la présidente Coutelle. Dans sa rédaction actuelle, l’article 6323-1 du code de la santé publique dispose que les centres de santé peuvent pratiquer des IVG par voie médicamenteuse. Il s’agit de leur permettre de le faire également par voie instrumentale. C’est une mesure de plus pour offrir un égal accès à l’IVG. Elle est entourée de garanties, puisque la Haute Autorité de santé établira un cahier des charges et que le praticien devra avoir conclu une convention spécifique avec le centre de santé.
Je donne un avis évidemment favorable à votre amendement, madame la présidente Coutelle. J’ai en effet annoncé ma volonté de garantir l’accès effectif à l’interruption volontaire de grossesse. Le droit existe : encore faut-il que les conditions d’accès soient réunies partout sur le territoire. Les centres de santé ont un rôle à jouer dans des conditions de sécurité qu’il faut assurer. C’est pourquoi la Haute Autorité de santé actualisera les recommandations en matière de protocole et de sécurité avant la fin de cette année. Ouvrir aux centres de santé la possibilité de pratiquer l’IVG chirurgicale est une bonne chose.
Je ne souhaite pas aborder le fond à ce stade, mais m’étonner de la méthode. Pourquoi est-ce par amendement que l’on introduit cette modification de l’accès à l’IVG alors même que le Gouvernement a lancé un programme national d’action pour améliorer l’accès à l’IVG en janvier 2015 ? N’aurait-on pas pu prévoir la disposition à ce moment-là ?
On s’aperçoit que vos propositions dans ce domaine, madame la ministre, sont un mélange d’improvisation et d’idéologie. Soit la mesure allait dans le bon sens, et comment se fait-il que vous n’y ayez pas pensé au mois de janvier ?
Comment se fait-il que vous ne l’ayez pas inscrite dans ce projet de loi ? Pourquoi faut-il qu’elle nous arrive sous forme d’amendement ? Avez-vous peur des études d’impact ? Je pense aussi, évidemment, à la suppression du délai de sept jours entre deux consultations pour une IVG. Comme vous savez que les débats sont difficiles sur ces sujets, vous essayez de faire passer certaines dispositions par ce moyen !
Mais nous allons les avoirs, ces débats. Ils ne nous font pas peur !
Le temps de la pensée unique sur ces sujets est révolu. Il faudra nous dire pourquoi vous voulez nous imposer, par idéologie, de telles mesures.
Plutôt que de crier, prenez le micro, madame ! Débattons ! Il est fini, le temps de la pensée unique qui interdisait de débattre de ces questions.
Aujourd’hui, on se rend compte qu’il n’y a plus aucune limite au droit à l’IVG,…
…alors que la loi Veil avait trouvé – difficilement, en effet – un équilibre entre la protection de la vie à naître et la liberté de la femme. D’ailleurs, quand on débat de l’avortement, le simple fait de parler de la vie à naître vous fait mal, madame Coutelle.
Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Aucun rapport avec l’amendement ! Il est question des centres de santé !
Essayez seulement de prononcer ces mots ! Il ne m’est pas difficile, à moi, de parler de la liberté de la femme. Mais je parle aussi de la protection de la vie à naître.
Par idéologie, vous êtes en train de détruire l’équilibre de la loi de 1975. Sinon, pourquoi passer par des amendements ?
L’amendement no 2174 deuxième rectification est adopté.
Par cet amendement de notre collègue Valérie Pécresse, il est proposé que l’État prévoie en Île-de-France et en région Rhône-Alpes, à titre expérimental et pour une durée maximale de trois ans, le dépistage néonatal universel de la drépanocytose. La majorité de cas identifiés de cette maladie est en effet regroupée en Île-de-France – 189 au total –, et, dans une moindre mesure, en Rhône-Alpes.
Elle a repoussé cet amendement pour plusieurs raisons. D’abord, il propose une expérimentation sans définir les modalités de son évaluation. Ensuite, la définition des régions concernées relève, en tout état de cause, d’un acte réglementaire et ne devrait pas figurer dans la loi. Enfin, le dépistage universel n’est peut-être pas adapté, dans la mesure où le dépistage néonatal permet déjà de diagnostiquer chaque année près de deux enfants atteints d’un syndrome drépanocytaire majeur et 6 000 enfants porteurs sains de l’anomalie de l’hémoglobine.
L’amendement no 1232 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet article pose la question de la rémunération des médecins et des négociations conventionnelles.
J’ai toujours soutenu les conventions médicales, d’autant que j’ai participé à la discussion de la première d’entre elles, en 1971. Je voudrais néanmoins évoquer le problème de la rémunération des généralistes – dont je rappelle qu’ils sont des spécialistes, l’acte « C » étant égal à l’acte « CS ». Nous souhaitons tous ici leur redonner confiance et moral, et nous savons qu’ils réclament que la rémunération de la consultation, bloquée depuis plusieurs années, passe à 25 euros.
Or le directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie leur a fait une réponse que j’estime choquante, les renvoyant à 2016 ou 2017.
Cet article qui traite des modes de rémunération, de la rupture des négociations conventionnelles et de l’arbitrage vous donne l’occasion d’aborder ce sujet, madame la ministre. Je souhaite vous entendre sur la question de cette augmentation que les généralistes réclament à cor et à cri. Si vous voulez leur redonner confiance, c’est le moment ou jamais !
C’est sous l’ancienne majorité et par la volonté du Président Sarkozy que la rémunération des généralistes a connu sa dernière augmentation. Aujourd’hui, les députés de l’UMP considèrent qu’il est humiliant, pour les généralistes, de devoir se mobiliser pour demander une revalorisation d’un euro par consultation.
C’est humiliant au regard de leur formation, du nombre d’années d’études qu’ils ont effectuées pour pouvoir pratiquer, mais aussi au regard de leur passion pour leur métier au service des patients. Il est temps d’engager une véritable réflexion sur une refonte totale de la nomenclature des différents actes, afin de leur assurer une rémunération digne de leur niveau d’études et de leur professionnalisme.
Le premier de ces deux amendements est rédactionnel, le second vise à clarifier les procédures conventionnelles applicables aux centres de santé, de manière à les rapprocher des dispositions applicables à l’ensemble des professionnels de santé. Il précise les conditions d’application de la convention, sachant que des négociations particulières sont nécessaires.
Je profite de l’occasion pour dire toute l’importance que j’accorde aux centres de santé dans notre système de soins. Ce sont des acteurs parmi d’autres, certes, mais faut les reconnaître comme tels et identifier leurs spécificités.
Pour le reste, je ne souhaite pas entrer dans le débat relatif à la rémunération des professionnels de santé.
La question ne relève pas de la loi. Vous vous dites vous-même très attaché à la convention, monsieur Door. À ma connaissance, le directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie a simplement répondu aux représentants des organisations de médecins que c’est dans ce cadre que se discuterait l’évolution de la rémunération. Cela ne me paraît ni méprisant ni choquant. Des élections se tiendront, qui permettront de redéfinir le cadre de la convention.
Ces deux amendements clarifient en effet les procédures conventionnelles applicables aux centres de santé pour les rapprocher des dispositions applicables aux professionnels de santé, tout en maintenant la spécificité propre à l’organisation de ce secteur. Souhaitant garantir que les accords prendraient pleinement en compte la diversité des centres, la commission a institué une faculté d’opposition à l’accord, soit par la majorité des organisations représentatives des centres de santé infirmiers, soit par la majorité des organisations représentatives des centres de santé médicaux, dentaires et polyvalents. Je me réjouis que le second amendement du Gouvernement reprenne cette mesure et précise les conditions d’opposition à la reconduction de l’accord.
En outre, il introduit une mesure utile de simplification que la commission n’avait pu examiner en raison de son irrecevabilité financière : l’application automatique de l’accord à tout centre de santé qui n’a pas fait connaître à la caisse primaire d’assurance maladie qu’il ne souhaite pas à être régi par ces dispositions.
Pour toutes ces raisons, avis très favorable.
Je note que cet amendement du Gouvernement n’est accompagné d’aucune étude d’impact. Une telle étude nous aurait rappelé que tous les centres de santé – qui sont des sortes de dispensaires – sont déficitaires, sans exception.
J’aimerais que vous pensiez aussi à l’équilibre de l’assurance maladie, madame la ministre. L’étatisation qui découlera du tiers payant généralisé procède d’une irresponsabilité financière qui marque chacun des articles. Alors que la Constitution vous y contraint, vous ne produisez pas la moindre étude d’impact. Tout cela n’est pas sérieux, comme d’ailleurs l’ensemble du texte !
Encore une intervention passionnante ! Dire que M. Accoyer a été président de l’Assemblée nationale !
L’article 17 est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 17. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1977 .
Cet amendement vise à étendre les missions des centres de planification familiale à la prévention des infections sexuellement transmissibles et à permettre d’élargir l’offre de vaccination sur le territoire.
Si c’est une mesure de bon sens, pourquoi ne pas l’avoir prévue dans le projet de loi initial ? Il y a un problème de méthode. Des amendements nous arrivent à longueur de temps, souvent ciblés sur certains sujets. Vous semblez avoir peur des études d’impact initiales, des débats. Dites-nous pourquoi cette mesure n’a pas été prévue plus tôt, ce qui vous y a fait penser au dernier moment ! Peut-être y a-t-il une actualité, un fait nouveau ?
Vous êtes constamment dans l’improvisation ! Ou alors y a-t-il un calcul derrière, madame Lemorton ? Peut-être vous dites-vous qu’il vaut mieux présenter la mesure au dernier moment ?
Prenez la parole, madame Lemorton ! Dites-nous pourquoi vous soutenez cet amendement ! Ayez le courage du débat !
L’amendement no 1977 est adopté.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 1385 .
Cet amendement vise à permettre aux centres d’examens de santé placés sous la tutelle de la Caisse nationale de l’assurance maladie de vacciner gratuitement chaque année une population précaire nécessitant des rattrapages vaccinaux. Cette population est estimée à environ 150 000 personnes, sur les 300 000 personnes précaires fréquentant ces centres chaque année.
Cette mesure avait été votée par le Parlement dans le cadre du PLFSS pour 2012, mais elle avait été considérée comme un cavalier social par le Conseil constitutionnel. Avec cet amendement, nous proposons d’intégrer la disposition dans le projet de loi relatif à la santé, en accord avec la ministre, laquelle s’est prononcée en faveur de cette mesure le 23 avril 2013, lors d’une audition sur le rapport du Sénat relatif à la politique vaccinale de la France.
Madame la députée, vous avez rappelé l’histoire de cette disposition. Elle a toute sa place dans le projet de loi relatif à la santé et répond à une préconisation qui figure dans le rapport d’information du Sénat sur la politique vaccinale de la France, et ce, conformément à la recommandation de l’étude de la Cour des comptes qui fonde ce rapport. C’est grâce à la position sans ambiguïté du Gouvernement que l’obstacle de l’article 40 a pu être levé pour l’examen de votre amendement. Avis favorable.
J’ai donné à cet amendement un avis favorable en commission et je m’étais exprimée, il y a un certain temps déjà, pour indiquer ma volonté de permettre aux centres d’examens de santé de vacciner gratuitement les populations précaires. L’enjeu de la vaccination est important.
À cet égard, je ne comprends pas les réactions que j’ai entendues sur les bancs de l’opposition. L’amendement du Gouvernement qui vient d’être voté ne faisait que reprendre un amendement de la rapporteure qui s’était vu opposer l’article 40.
Je saisis mal la raison pour laquelle vous demandez à Mme la présidente de la commission, sur un ton aussi imprécateur,…
…pourquoi elle soutient cette mesure, qui consiste à permettre aux centres de planification familiale – dépendant des conseils généraux – de pratiquer des vaccinations. Il faudra m’expliquer où sont les noirs desseins que poursuivent la commission et le Gouvernement !
J’aurais souhaité qu’on nous donne une vision globale du rôle des centres de santé. Au fil des amendements et des articles, ils apparaissent comme un maillon essentiel de votre projet de loi. Tout à l’heure, il s’agissait des IVG, puis des vaccinations contre les maladies sexuellement transmissibles. Nous parlons maintenant de rattrapages vaccinaux gratuits. Je comprends que, dans ce cas, il y avait l’obstacle de l’article 40. Mais toutes ces modifications mises bout à bout ont un impact substantiel sur l’organisation du réseau de soins, dont les centres de santé sont devenus une pièce maîtresse.
J’en reviens à ce qui a été dit par mes collègues : nous ne disposons ni d’études d’impact ni de prévisions budgétaires. Nous ne savons pas les conséquences qu’auront ces mesures sur la fréquentation de ces centres de santé. Y aura-t-il seulement assez de médecins ? Il est compliqué d’avoir une vision d’ensemble sur ce projet de loi, fabriqué « façon puzzle ».
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Je suis embêtée pour M. Aubert, qui, apparemment, ne connaît pas la différence entre un centre de planification et un centre de santé. C’est tout ce que je voulais dire, madame la présidente.
L’amendement no 1385 est adopté.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 2076 .
Nous assumons pleinement le rôle majeur des centres de santé en matière d’accès aux soins, de prévention et d’éducation thérapeutique, en particulier dans les quartiers en difficulté. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de dispositions du texte viennent conforter leurs missions et leur modèle économique.
Le présent amendement vise à rendre systématique, et non plus facultative, la participation des représentants des centres de santé aux négociations des différents accords conventionnels interprofessionnels. Les centres de santé regroupent plusieurs catégories de professionnels et sont donc concernés par différents accords conventionnels interprofessionnels.
Madame la députée, vous proposez d’associer systématiquement les représentants des centres de santé aux négociations conventionnelles interprofessionnelles, en supprimant la mention « le cas échéant ». Cette proposition restreint trop fortement les futures négociations. Ainsi, si elles portaient sur des coopérations entre des médecins et des pharmaciens libéraux, l’UNCAM serait tenue d’y associer les centres de santé, bien qu’ils ne soient pas concernés. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L’amendement no 2076 est retiré.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 2078 .
L’accord national des centres de santé est en cours de renégociation au moment où nous discutons de ce texte. Le nouvel accord devrait être conclu au mois d’avril 2015. Sa promulgation interviendra donc avant celle de la future loi. L’amendement vise à fixer un délai de six mois pour sa mise en conformité avec la future loi.
D’après les dernières informations dont je dispose, un nouvel accord national avec l’UNCAM est en passe d’être conclu, plus de douze ans après la publication, le 19 avril 2003, du dernier accord applicable, tacitement reconduit pour cinq ans en 2008, puis en 2013. Cet accord devrait permettre d’adapter les aides existantes pour les professionnels libéraux aux professionnels des centres de santé. Il peut être utile de prévoir un délai de mise en conformité de l’accord. C’est en tout cas la position retenue par la commission, qui a accepté l’amendement quitte à supprimer l’article à une étape ultérieure de l’examen du projet de loi.
Avis favorable.
L’amendement no 2078 est adopté.
La parole est à M. François de Mazières, premier inscrit sur l’article.
Madame la ministre, nous irons dans votre sens en proposant la suppression de cet article. C’est assez rare et il faut le souligner. Vous avez en effet très clairement pris position en commission des affaires sociales contre l’amendement qui allait devenir l’article 17 bis, supprimant les sept jours de réflexion pour l’interruption volontaire de grossesse. Vous avez ainsi déclaré : « La suppression du délai de réflexion ne fait pas partie des mesures que j’ai proposées, et je ne suis pas sûre qu’elle soit de nature à faciliter l’accès au droit dont nous parlons. »
C’est la position qu’avait soutenue Mme Simone Veil, qui avait expliqué que « les deux entretiens sont indispensables pour faire prendre conscience à la femme de ce qu’il ne s’agit pas d’un acte normal ou banal, mais d’une décision grave qui ne peut être prise sans en avoir pesé les conséquences et qu’il convient d’éviter à tout prix. »
Il a été dit, lors de cette réunion de la commission des affaires sociales, que Mme Veil avait pris cette position parce qu’il fallait bien négocier.
Quand on connaît le caractère de Mme Veil, c’est lui faire offense que de dire cela.
Jamais elle n’aurait pris cette position si elle n’avait pas été convaincue.
Madame la ministre, vous avez dit presque la même chose.
Réfléchissons maintenant. Pourquoi supprimer ce délai ? Que se passe-t-il aujourd’hui lorsque vous achetez une voiture ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous pouvez revenir sur votre décision pendant un certain nombre de jours.
Mêmes mouvements.
Vous considérez que, pour une interruption volontaire de grossesse, il n’est pas nécessaire de prendre le temps de la réflexion. C’est grave !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
Je voudrais revenir sur la réunion de la commission des affaires sociales, dans la nuit du 18 au 19 mars, lors de laquelle nous avons discuté de cet amendement. Madame la ministre, vous vous êtes opposée à un premier amendement qui visait à supprimer la clause de conscience. Puis vers 2 h 30, Mme Coutelle a proposé un amendement visant à supprimer ce fameux délai de réflexion. Vous-même, madame la ministre, avez répondu que cet amendement n’était pas opportun en l’état actuel des choses. Ce sont exactement les mots que vous avez employés. Vous avez même ajouté que la question de la réduction de ce délai à quatre jours pouvait, à la limite, se poser. Je proposerai un amendement de repli allant dans ce sens. Malheureusement, l’amendement de Mme Coutelle a été adopté par une poignée de députés et la procédure parlementaire veut que ce soit désormais un article.
Si vous le voulez bien, je souhaiterais reprendre les phrases de Simone Veil en 1974.
Il n’y avait aucune contrainte dans ce qu’elle disait, c’était extrêmement fort !
Selon elle, le délai de réflexion était indispensable « pour faire prendre conscience à la femme de ce qu’il ne s’agit pas d’un acte normal ou banal, mais d’une décision grave qui ne peut être prise sans en avoir pesé les conséquences et qu’il convient d’éviter à tout prix. Ce n’est qu’après cette prise de conscience, et dans le cas où la femme n’aurait pas renoncé à sa décision, que l’interruption de grossesse pourrait avoir lieu. »
Eh bien moi, je maintiens que ce délai de réflexion de sept jours est nécessaire, que beaucoup de femmes en ont besoin pour penser la décision qu’elles sont en train de prendre. L’IVG demeure un acte très grave…
…et, je le dis, madame Coutelle, reste pour beaucoup d’entre elles un traumatisme.
Je voudrais tout d’abord inviter mesdames mes collègues à débattre, plutôt que de continuer à vociférer ainsi. Allez-y, dites-nous ce que vous avez sur le coeur. Ne refusez pas ce débat que nous demandons. Ce n’est pas simplement avec des cris ou des intimidations que vous nous empêcherez de parler. N’hésitez pas, prenez la parole, comme nous le faisons, pour défendre vos convictions. Nous les respectons mais ne soyez pas dans l’intimidation.
L’article 17 bis pose la question de la banalisation de l’avortement. La loi Veil est parvenue à trouver un équilibre difficile entre la protection de la vie à naître et la liberté de la femme.
Or, depuis quelques mois, voire quelques années, nous assistons à un déséquilibre complet. Loin de la protection de la vie à naître, nous ne sommes plus que dans la reconnaissance, unilatérale et illimitée, de la liberté de la femme. Ce faisant, nous nous dirigeons vers une banalisation de l’avortement. L’entretien psychosocial a été rendu facultatif, vous avez supprimé purement et simplement la notion de détresse et vous voulez aujourd’hui mettre fin au délai de réflexion de sept jours prévu entre deux consultations médicales alors que des délais de réflexion sont imposés pour beaucoup d’actes de la vie courante.
Or, avorter ne sera jamais un acte banal, quelles qu’en soient les raisons et quelle que soit votre volonté. Vous voulez supprimer la parole, renvoyer les femmes à leur solitude – « Tu as choisi d’avorter ? Quel est le problème ? Débrouille-toi toute seule ».
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Or nous le savons, il existe un problème d’écoute sans jugement, dans un sens ou un autre.
Je vous pose la question, à vous madame la ministre, à vous madame la présidente de la commission, à vous mesdames les rapporteures : lorsque l’on légifère dans ce domaine, doit-on trouver un équilibre entre la liberté de la femme et la protection de la vie à naître ? Doit-on prendre en compte la liberté de la femme et la protection de la vie à naître ? J’attends simplement un mot de vous, mesdames : oui ou non la protection de la vie à naître doit-elle être une idée, une réalité ? Prononcez ces mots, tout simplement.
Madame la ministre, il y a quarante ans à la tribunede notre assemblée, Simone Veil proposait un texte dont l’esprit est sans doute résumé par l’un des tout premiers mots qu’elle a prononcés pour le présenter, celui d’« humilité ». Humilité car il s’agissait de trouver un équilibre entre deux souffrances, deux mauvaises solutions, l’atteinte à la vie humaine et le scandale humanitaire des avortements clandestins.
Quarante après, à écouter votre majorité, il semble bien que tout sentiment d’humilité et d’équilibre ait disparu tout comme la dissuasion, que Mme Veil avait érigée en second objectif de sa loi.
En deux ans, c’est la troisième fois que vous revenez sur la loi Veil : en janvier 2014 pour faire disparaître la notion de détresse des conditions légales de recours à l’avortement, en novembre 2014 pour voter, en l’honneur des quarante ans de ce texte, une proposition de résolution proclamant un droit fondamental à l’avortement – curieux anniversaire qui trahissait l’équilibre de la loi puisque Simone Veil disait ici même que « si elle n’interdit pas, elle ne crée aucun droit à l’avortement », et aujourd’hui enfin, en supprimant ce délai de réflexion d’une semaine.
Alors que la France déplore plus de 200 000 avortements chaque année, chiffre qu’il faut comparer aux 800 000 naissances, la dernière des choses que l’on attend du Gouvernement et du législateur est qu’il abolisse la réflexion.
De grâce, arrêtons de banaliser, de porter subrepticement atteinte à l’équilibre difficile et douloureux de la loi Veil !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
Je ne parlerai pas du fond mais de la forme. Il est bon que le débat existe même si je ne partage pas toutes les positions de mon groupe.
« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.
Je suis plutôt ouvert sur le sujet.
En revanche, je ne vois pas comment l’on peut aborder un tel débat par un simple amendement déposé en commission à plus de 2 heures du matin. La résolution de novembre 2014, votée d’ailleurs par un grand nombre de députés de l’opposition, marquait un acte fort en actant l’IVG comme un droit fondamental.
L’équilibre avait été trouvé, mais sur un tel sujet de société il convient de ne pas attiser les haines d’un côté comme de l’autre. Cherchons plutôt un équilibre sur cette question si importante et sensible.
Comment peut-on remettre en cause l’équilibre trouvé, le vote de la résolution en novembre 2014, par un simple amendement déposé tard dans la nuit en commission ?
Madame la ministre, vous voyez que sur des questions d’une telle importance, décréter l’urgence, accepter des amendements qui remettent en cause des textes majeurs, discutés ici même il y a plusieurs décennies, n’est pas une bonne procédure.
Arnaud Robinet l’a très bien dit, la question du fond mérite évidemment une approche et une procédure qui soient construites. M. le Président de la République, s’agissant de la fin de vie, a pris la précaution de réunir une commission, de choisir un député de la majorité et un autre de l’opposition. Un consensus a pu être trouvé.
En acceptant cette procédure et cet amendement, indépendamment du fond, en ne demandant pas que l’on y réfléchisse ensemble, ce qui aurait probablement abouti à un consensus, vous venez une nouvelle fois d’exercer une pression sur le pays et le Parlement, ce qui est dommage car ces questions méritent d’autres méthodes de travail.
Vous avez malheureusement décidé, madame la ministre, de passer en force sur tous les sujets, y compris sur les sujets de société. Nous ne pouvons pas l’accepter.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La philosophie de la loi Veil était assez claire : l’IVG, acte auquel les femmes peuvent être contraintes de recourir, ne doit pas être considérée sans un recul nécessaire à la réflexion et à la responsabilité. À cet égard, le droit à l’avortement représente une avancée en faveur de la responsabilisation des femmes, mais il devait être pratiqué dans des délais permettant de protéger les femmes contre les risques psychiques et physiques. À l’époque, l’exercice de ce droit était soumis à deux consultations préalables.
Il nous semble essentiel de préserver ce large consensus social. Il constitue l’une des grandes avancées sociétales qui font l’honneur de la République française. Quarante ans après les débats parlementaires, la France s’honore de cette législation protectrice.
Aussi, à notre sens, nous ne pouvons accepter la suppression du délai de réflexion de sept jours adopté en commission, sans étude d’impact, avec seulement quelques collègues du groupe majoritaire.
Cela étant, il s’agit là d’un amendement de Mme Coutelle et il faut toujours être à son écoute, d’autant plus qu’elle préside la délégation aux droits des femmes. Vous ne m’en voudrez pas cependant, madame Coutelle, si, pour une fois, je ne suis pas d’accord avec vous.
Outre que la comparaison faite à plusieurs reprises entre l’IVG et l’achat d’un quelconque bien matériel de consommation est très délicate, je voudrais rappeler que nous sommes en 2015 et non plus en 1975. Nous devons accepter que la législation évolue par rapport au compromis auquel les députés avaient abouti à l’époque. Nous assumons pour notre part notre positionnement dans la longue marche progressive vers l’égalité des droits. Nous vous proposons un pas supplémentaire aujourd’hui en limitant les obstacles aujourd’hui posés à l’IVG.
Les femmes n’ont pas besoin d’un nouveau délai de réflexion quand elles ont décidé d’avorter. Ce délai, elles se le sont déjà imposé à elles-mêmes. Tous les professionnels qui travaillent dans des centres de planification vous le diront, chers collègues de l’opposition, sans parler des études qui ont été menées sur ce sujet.
De surcroît, il s’agit en vérité d’un raccourcissement du délai d’accès à l’IVG. Je salue cet amendement déposé en commission ainsi que les débats en hémicycle qui nous permettent de conforter notre position en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Je souhaiterais que l’on garde un ton extrêmement modéré, quarante ans après l’obtention d’un droit des femmes à l’issue de luttes que certains d’entre nous ont connues et accompagnées. Ce n’est pas seulement la lutte des femmes, c’est aussi celle des hommes, pour obtenir ce droit, dans la douleur. Rappelons que nos mères, lorsqu’elles décidaient d’avorter, étaient aux mains de faiseuses d’anges et que beaucoup mouraient d’infections. Je suis heureux de voir M. Debré acquiescer.
Ce droit nous rappelle que ce fut un combat, que nous devons respecter avec des mots simples, quelles que soient nos convictions.
Mme Veil a eu le courage de le porter ici, dans cet hémicycle. Une majorité de députés l’ont accompagnée, des deux côtés, mais la gauche s’est honorée d’être avec elle à ce moment-là.
Le délai de réflexion est aujourd’hui, non pas combattu, mais mis en question par les associations qui s’occupent de ce sujet. Les femmes, quand elles décident dans la souffrance de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, y ont déjà pensé, souvent douloureusement.
Les mots que nous prononçons ici doivent être très mesurés car nous nous plaçons sur un terrain délicat qui mérite autre chose que des diatribes.
Ce délai de réflexion a été supprimé par cet amendement que j’ai soutenu en commission. Il ne me semble pas qu’il soit nécessaire de polémiquer outre mesure.
À force d’amendements nocturnes, de résolutions, de propositions de loi, vous avez en moins de trois ans détricoté complètement l’équilibre fondamental de la loi Veil, vieille pourtant de quarante ans. Vous l’avez fait sciemment pour agiter des sujets fondamentaux et masquer votre échec magistral sur le front du chômage et de l’emploi.
Vous avez agité les sujets sociétaux, du mariage pour tous à l’avortement, des sujets qui, sous couvert de progrès social, déstabilisent l’équilibre de ce texte, entre la protection de la vie à naître et la liberté des femmes.
Je suis triste de constater que, dans cet hémicycle, nous avons beau être des députés de la Nation, élus pour en défendre les intérêts supérieurs, mus par nos convictions, il nous est impossible de débattre de la protection de la vie à naître. Or, cette notion ne provient pas d’une loi extérieure, d’un traité international, d’une règle universelle, mais bel et bien de l’article 16 du code civil.
Je renouvelle la question que M. Breton a posée à Mme la ministre : pouvons-nous, dans cet hémicycle, débattre aussi de la protection de la vie à naître ?
Certains sujets méritent des échanges sans dogme entre nous et sur un ton dépassionné. Il y a des noms, dans l’opposition comme la majorité, des lois, inscrits dans le marbre. Les deux consultations que cette loi avaient instaurées, ainsi que l’entretien psycho-social, facultatif pour les adultes, obligatoire pour les mineurs, préservaient un certain équilibre.
Je peux comprendre que des associations aient pu détecter des signes de souffrance de-ci de-là,
Murmures sur les bancs du groupe SRC
mais n’oublions pas qu’un syndicat de gynécologues ainsi qu’un grand nombre d’assistantes sociales, nous ont alertés quant à la nécessité de conserver ce délai de réflexion.
Cet amendement sera adopté puisque vous êtes majoritaire ; soit. Ce soir, toutefois, j’aurai une pensée triste pour certaines femmes qui subissent la pression de leurs compagnons ou d’autres personnes et à qui l’on ne laisse pas le temps de se retourner, que ce soit vers leur noyau familial ou vers les dispositifs d’aide médico-sociale. Ces femmes-là méritent elles aussi notre attention !
Concernant la méthode, je regrette que nous ne parvenions pas à débattre sans qu’on se livre aussitôt à l’invective et aux pressions.
Chacun sait que sur ce sujet, les convictions intimes des uns et des autres sont profondes ; respectons-les. Certains considèrent que le droit à l’avortement est universel et qu’il ne souffre aucune restriction ; d’autres estiment au contraire qu’il s’agit d’une atteinte au droit à la vie – la nature est ainsi faite. Nous sommes ici au Parlement pour en débattre. Tâchons donc de nous respecter.
Sur le fond, ensuite, deux questions se posent. Tout d’abord, donner un droit qui ne s’exerce pas immédiatement revient-il à le nier ? Je ne le crois pas. D’autre part, l’interruption volontaire de grossesse est-elle un acte comme les autres ? Je ne le crois pas non plus. Selon un sondage réalisé par l’IFOP en 2010, 83 % des femmes pensent que l’IVG laisse des traces psychologiques difficiles à vivre – un terme d’ailleurs repris par la Haute autorité de la santé.
Dès lors, s’agissant d’un acte dont 83 % des femmes pensent qu’il peut laisser de telles traces, il me semble que le fait de laisser un temps de réflexion ne revient ni à nier ce droit à l’IVG, ni à récuser le fait que c’est un acte médical à part. Cet acte à part doit correspondre à un régime juridique à part.
Enfin, sur le plan purement politique, la droite et la gauche avaient abouti à un consensus et je regrette qu’il soit remis en cause.
Surtout la gauche, car la droite, elle, a pris une volée de bois vert !
Nous perdons davantage de temps à rouvrir de vieilles blessures qui touchent aux convictions intimes de chacun qu’à faire avancer de grandes causes d’unité nationale auxquelles nous aurions bien besoin de nous consacrer en ces moments difficiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Le recours à l’interruption volontaire de grossesse est un droit, et toutes les femmes qui sont aujourd’hui présentes dans l’hémicycle savent pertinemment ce qu’elles doivent à Simone Veil.
Cependant, après la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est la deuxième fois qu’un amendement revient à dénaturer la loi Veil, à propos de laquelle nous avons pourtant adopté une résolution en novembre dernier seulement.
J’aimerais donc comprendre les motivations de la délégation aux droits des femmes. J’aimerais aussi entendre Mme la ministre qui, en effet, s’est opposée à la suppression du délai de sept jours.
Chaque année, plus de 200 000 avortements ont encore lieu dans notre pays et, parmi les mineures, le nombre d’avortements ne cesse d’augmenter.
La première chose à faire est donc sans doute d’améliorer la prévention.
Avant d’améliorer la prévention, il faut surtout se garder de banaliser l’IVG !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Plusieurs collègues l’ont rappelé : nous vivons un moment important. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, il me semble qu’il faut parfois savoir se rassembler sur l’essentiel. C’est ce qu’a fait Simone Veil en son temps ; l’UDI est fière que ce soit une femme centriste qui ait défendu ici même, en 1974, cette loi qui fera date pour des décennies, car c’est un acte majeur qui octroie en effet un nouveau droit aux femmes.
Je voudrais m’adresser à Mme Coutelle en tant que président de groupe. En janvier 2014, nous avons abondamment travaillé ensemble sur la proposition de résolution concernant l’IVG. Plusieurs versions ont été rédigées ; j’en ai quelques-unes sous les yeux. Nous avons écrit un texte équilibré à plusieurs mains, avec MM. Le Roux et Jacob, notamment, en faisant très attention aux mots employés dans cette proposition que notre Assemblée – il faut s’en féliciter – a adoptée à une très large majorité. Vous avez raison, madame la présidente de la délégation, de souligner qu’alors même que ce droit était remis en cause dans certains pays d’Europe, la France devait envoyer un message très fort.
Je ne comprends donc pas pourquoi vous souhaitez désormais par cet amendement – auquel Mme la ministre s’est d’ailleurs opposée en commission en arguant sans ambiguïté du fait que le délai de réflexion est indispensable – forcer la main du Gouvernement et de la représentation nationale.
Si ce délai présentait un véritable obstacle au droit d’avortement, vous savez bien que nous serions tous ici prêts à examiner comment le surmonter. Mme la ministre a très bien expliqué en commission qu’en cas d’urgence, il existe des procédures accélérées qui permettent de raccourcir les délais.
Rappelons-nous donc un instant l’équilibre de janvier 2014, qui honorait l’ensemble de l’Assemblée nationale.
Il importe en effet que nous puissions nous écouter. Qu’ai-je donc dit tout à l’heure ? J’ai dit que notre Parlement est toujours attentif à protéger la personne. Les délais de réflexion existent dans tous les domaines. Pardonnez cette caricature, mais j’ai en effet évoqué les délais de protection qui s’appliquent à l’achat d’une voiture ou à un prêt immobilier.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Écoutons-nous calmement. Entendez donc la population : elle vous dit qu’il s’agit en effet d’un acte lourd et important qui n’est pas un acte de contraception – car c’est ce que Mme la ministre a voulu dire. C’est là qu’est notre opposition, madame Coutelle : vous êtes en train de banaliser cet acte. Or, nous sommes ici pour protéger les personnes. Au fond, c’est un droit de la femme que nous défendons !
Il existe en effet des situations où la femme doit pouvoir parler. Les témoignages abondent : lisez-les donc dans Le Monde. Les gynécologues demandent qu’il soit possible de parler. Au contraire, comment les choses se passeront-elles désormais ? En cinq minutes, le temps d’une prise de médicaments, tout sera fini, mais le problème perdurera tout au long de la vie de la femme concernée.
J’ai été très frappé par les témoignages que relate Le Monde : les femmes interrogées s’y réjouissent d’avoir bénéficié d’un délai de réflexion de sept jours pour être sûres de leur choix et pour pouvoir l’assumer !
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.
Pour moi comme pour nous tous ici, l’avortement n’est pas un acte banal. C’est la raison pour laquelle je ne l’ai jamais comparé à l’achat d’une voiture ou d’un four à micro-ondes, comme je l’ai entendu faire ailleurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’en viens à la loi Veil. Je remercie l’ensemble des groupes d’avoir accepté de signer la résolution, à la rédaction de laquelle nous avons longuement travaillé. J’avais alors tenu à rappeler tous les textes qui ont modifié la loi Veil. Vous semblez en effet oublier qu’elle a déjà été modifiée quatre fois. Ce n’est donc pas une bible intangible !
Au fond, vous ne supportez pas que la loi Veil provienne de la droite, et non de la gauche !
Oui : il s’agissait d’instaurer la prise en charge de l’IVG, que Simone Veil n’avait pas pu obtenir en son temps – ce qu’elle a elle-même avoué regretter.
Lisez donc les débats de l’époque ! Ensuite, en 1993, Mme Neiertz a fait adopter le délit d’entrave puis, en 2001, le délai maximum a été porté à douze semaines et enfin dernièrement, nous avons supprimé la condition relative à l’état de détresse.
Pourquoi revenir aujourd’hui sur le délai de réflexion ? Certes, il n’existe pas d’étude d’impact, mais le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a publié un rapport sur l’accès à l’IVG. Avec le planning familial, il propose…
Cela ne nous rassure pas ! Ce sont des organismes militants et partiaux !
…non pas de supprimer la réflexion, cela va de soi. Ce que nous supprimons dans la loi, c’est le délai de réflexion qui n’existe pour aucun autre acte médical – à l’exception des actes de chirurgie esthétique.
Relisez donc les débats de 1974 : Simone Veil a naturellement dû consentir des concessions ! Et pourquoi ? Vous oubliez trop vite que la loi a été adoptée par 284 voix contre 189 ! Le Centre de l’époque y était favorable, tout comme l’ensemble des bancs de la gauche ; je ne suis pas certaine que la plupart des 189 députés qui ont voté contre ne se soient pas trouvés de votre côté de l’hémicycle…
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Autrement dit, cette loi dont vous dites qu’il s’agit d’un texte de consensus et d’équilibre est une loi qu’elle a fait adopter avec difficulté et rappelle la dureté…
Je l’ai fait. Elle a vécu un débat d’une extrême dureté et d’une extrême violence que je rapproche de la violence que certains membres du monde médical ont fait subir à Mme la ministre au sujet du projet de loi sur la santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vous comparez Marisol Touraine avec Simone Veil ? N’exagérez pas, tout de même !
Vous n’avez jamais supporté cette loi qui n’est pas la vôtre et qui ne le sera jamais !
Je vous propose, madame Coutelle, d’y revenir après la discussion sur l’article, lors de l’examen des amendements.
La parole est à Mme Brigitte Allain.
Madame et messieurs les députés de l’opposition, croyez-vous vraiment que lorsqu’une femme prend la décision d’aller consulter un médecin pour demander un avortement, elle n’a pas déjà réfléchi à la question ? À quoi servent donc ces jours supplémentaires de réflexion si ce n’est à la culpabiliser ? C’est un acte moraliste ! Or, la loi n’est pas conçue pour faire la morale mais pour définir les droits et les devoirs de chacun !
D’autre part, je rappelle que lorsque l’on consulte un médecin pour manifester la volonté d’avorter, le médecin ne procède pas à l’avortement dans l’immédiat !
Il existe donc de fait un nouveau délai de réflexion qui court jusqu’au jour où l’acte chirurgical est prévu.
J’ai moi-même une amie qui, le jour prévu pour l’avortement, a finalement décidé de ne pas le faire. Elle a simplement téléphoné au médecin et n’a pas été contrainte de subir l’intervention. Autrement dit, elle a déjà un délai de réflexion dans les faits ! Cessons donc de polémiquer !
En préambule et pour répondre à des propos qui m’ont particulièrement choquée, je rappelle que la loi Veil n’appartient à personne ! Cette avancée pour les droits des femmes a été conçue par Mme Veil et, à l’époque, il n’a pas dû être aisé de la faire adopter sur ces bancs !
Ensuite, le débat concernant le délai de réflexion est un faux débat. En effet, entre le moment où une femme reçoit la confirmation de son état de grossesse et le moment où l’IVG est réalisée, il s’écoule en moyenne quinze jours à trois semaines. Autrement dit, le délai de réflexion existe. À l’inscrire tel quel dans la loi, les femmes seraient placées dans une situation très infantilisante. Chaque jour, les mêmes questions se succèdent : es-tu sûre, est-ce le bon choix ? On multiplie ainsi les sources d’angoisse.
Selon moi, la suppression de ce délai n’enlève rien : un entretien avec un médecin est de toute façon prévu, et rien n’empêche le médecin, dans la relation qu’il entretient avec sa patiente, de lui proposer un délai s’il pense qu’elle en a besoin. En tout état de cause, cela ne relève pas de la loi.
Enfin, certaines femmes pouvant bénéficier d’une IVG médicamenteuse sont contraintes en raison de ce délai d’opter pour l’IVG chirurgicale.
Tous ces éléments plaident en faveur de la suppression de ce délai de réflexion et ne méritent certainement pas l’agitation que certains manifestent ce soir.
J’aborderai deux points.
Le premier a déjà été évoqué par Mme Allain et Mme Dubié. Pensez-vous que réflexion de la femme ne commence pas tout de suite, vraiment tout de suite, dès l’instant où elle a le résultat de son test de grossesse ? Et pensez-vous qu’entre les deux consultations nécessaires, deux au moins, elle ne soit pas non plus en réflexion ? Il est donc vrai que ce délai obligatoire présente un caractère soit infantilisant, soit culpabilisant.
Deuxièmement, en écoutant les députés qui siègent sur les bancs de la droite, des députés de sexe masculin dans leur immense majorité…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
Je voulais dire que les députés de sexe masculin qui ont fait l’exégèse de la loi Veil ont appelé l’attention sur le fait que la parole de Mme Veil appelait elle-même à l’humilité. Eh bien, je veux seulement dire, mais vraiment du fond du coeur, que les premiers à devoir être humbles sur ce sujet, ce sont justement les hommes.
Je suis, évidemment, favorable à l’avortement. J’ai vu, quand j’étais externe, deux morts, deux femmes qui sont venues aux urgences parce qu’elles s’étaient fait avorter par une faiseuse d’anges – ça marque… Je n’étais pas député en 1974, mais j’aurais voté des deux mains la loi Veil. C’est plus qu’un droit, c’est un devoir médical.
Nous ne pouvons pas laisser se développer des avortements clandestins, comme il en existe encore, et la persistance de cette réalité doit nous conduire à nous interroger sur l’information des jeunes et des moins jeunes – c’est très important. Comment se fait-il qu’il y ait encore des centaines de milliers d’avortements clandestins ?
J’en viens au problème du délai de réflexion. Entendons-nous bien. Nous avons à peu près tous raison. Pourquoi ? Parce que c’est un acte difficile à accomplir et à accepter, et quand une femme dont le test de grossesse est positif décide de se faire avorter, il faut tout faire pour l’aider, bien entendu, mais, l’aider, ça veut dire quoi ? Il y a deux possibilités, Élie Aboud l’a dit : soit la femme elle-même veut avorter le plus vite possible, et elle va voir le gynécologue, qui peut lui fixer un autre rendez-vous dans cinq, six ou sept jours, et, de fait, cela constitue le délai ; soit cette femme est poussée par quelqu’un, par son compagnon, qui lui dit qu’il ne veut pas de cet enfant, qui la pousse à avorter tout de suite. Dans ce cas, elle a besoin de réfléchir plus longuement, elle a précisément besoin que la loi l’y aide, lui donne cette faculté. C’est pourquoi, après avoir beaucoup écouté, je crois qu’il faut garder ce délai de réflexion, qui me semble nécessaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je ne vais pas revenir sur les arguments qui ont été avancés par ceux de mes collègues qui siègent du même côté que moi de l’hémicycle. Je veux simplement dire, en me fondant aussi sur mon expérience, puisque je suis médecin et que j’ai vécu, moi aussi, des situations dramatiques comme celles que M. Debré a évoquées à l’instant, que l’IVG n’est jamais un acte banal. Je crois que nous pouvons partager ce point de vue. C’est un acte qui laisse toujours des traces, et des traces douloureuses – il en laisse plus ou moins, mais elles sont toujours douloureuses.
Alors, bien sûr, on peut s’interroger sur le raccourcissement du délai de réflexion. D’ailleurs, des orateurs de l’opposition l’ont rappelé, quoique d’une manière très désobligeante, en commission, madame la ministre elle-même a fait part de ses interrogations.
Je dois dire que je trouve cela plutôt rassurant. Moi aussi, je me suis interrogée, parce que, effectivement, il s’agit de situations compliquées. Est-ce qu’on ne doit pas réfléchir ? Alors, bien sûr, nous nous interrogeons, et c’est plutôt rassurant, mais pourquoi donc accepté-je finalement cette proposition de suppression ? Parce que j’ai écouté les arguments des professionnels qui, tous les jours, sont confrontés à ces situations. Ils nous disent notamment de faire attention à ce délai qui retarde l’intervention et qui risque de placer la personne concernée, précisément, hors des délais dans lesquels l’IVG est possible. Bref, j’ai entendu ces arguments, qu’on peut prendre ou laisser – pour ma part, je les prends.
J’ai aussi – surtout, peut-être – entendu ce que disent les femmes elles-mêmes, les femmes qui vivent ces situations. Et je crois, chers collègues, que vous pourriez peut-être, quand même, entendre ce que disent les personnes directement concernées, cela pourrait faire évoluer vos opinions. Elles vous appartiennent, certes, mais, tout de même, vous n’êtes pas directement concernés. Je vous propose donc de sortir de votre posture et de respecter, tout simplement, les demandes qui sont formulées par les intéressées. C’est quand même le b.a.-ba de la démocratie.
Il y a deux moments cruciaux, critiques, douloureux, pour les femmes qui se trouvent dans cette situation : au début de la période et à la fin de la période. Au début, parce que, au moment de l’annonce, là, ça mouline, très vite, très fort, dans la tête, et il ne faut pas beaucoup de temps aux femmes pour se décider. Le deuxième moment critique, très douloureux, est celui du passage à l’acte. Entre les deux, ça peut durer trois jours, cinq jours, sept jours, huit jours, quinze jours, ça ne change pas grand-chose.
Alors, si je comprends bien, peut-être qu’avec plus de temps la culpabilité pourrait grandir et amener les femmes à réviser leur position – je ne le crois pas –, ou alors la raison pourrait aussi les amener à changer de décision. Rassurez-vous, chers collègues, tout au long de cette période, la culpabilité et la raison sont présentes, et se livrent un duel crucial et douloureux pour ces femmes. J’espère simplement qu’au moment de la décision et du passage à l’acte elles auront auprès d’elles un homme qui pourra les entendre.
Pour ma part, je suis sensible à ce que j’ai entendu, et je pense à la photo que l’on pourrait prendre des bancs de l’opposition. Il est dommage qu’il n’y ait pas de photographe, à cette heure-ci…
Oui, c’est un argument, parce que, moi, j’entends « culpabilité », et tout ça. Je ne vois pas pourquoi ces mots sont associés à l’IVG. Moi, ça me dérange.
Je vais finir mon propos.
En 1944, le général de Gaulle a donné le droit de vote aux femmes, qu’elles ont pu exercer lors des élections de 1946, il le leur a donné parce qu’on pensait qu’elles étaient capables de réfléchir et de penser, et je pense qu’on avait raison. Et, aujourd’hui, on en est encore à justifier un délai de réflexion, en parlant d’achats de voiture et de crédits à la consommation ! Où va-t-on, messieurs, où va-t-on ?
Vous nous parlez d’une loi de 1974, mais on a évolué, les femmes ont évolué. Soyez au rendez-vous !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Oui, monsieur Lellouche, vous pouvez dire ce que vous voulez, mais vous n’êtes pas dans votre permanence, ici. Simplement, dans une société qui est en demande, soyez à l’écoute, soyez ouverts aux libertés, soyez ouverts à la responsabilité, ça vous changera un petit peu ! Moi, je suis ravi que nous avancions sur la suppression de ce délai de réflexion.
Je suis saisie de plusieurs amendements de suppression, nos 552, 1298 et 1958.
Sur ces amendements de suppression nos 552, 1298 et 1958, je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants et le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 552 .
Je me contenterai de lire, parce qu’on nous a dit que nous étions des hommes, ce qui est vrai.
Je lirai ce qu’a publié Le Monde. Une femme témoigne : « J’étais sûre de ma décision. Cette semaine suspendue m’a aidée à me calmer et à arriver beaucoup plus apaisée au rendez-vous. » Une autre : « C’est une décision effroyablement douloureuse, ces sept jours m’ont aidée à me préparer et à l’assumer pleinement. » Troisième citation : « Si j’avais agi dans l’urgence, je le regretterais encore aujourd’hui. »
Ce sont des sujets très difficiles, douloureux. Ce que nous disons simplement, en ce domaine, c’est qu’il nous semble important de protéger les personnes, parce qu’il y a effectivement des situations où le délai de réflexion sera bénéfique. Les personnes se trouvent parfois dans des situations de solitude terribles, et les médecins sont surchargés de travail. Qu’est-ce qui va se passer ? Vous le savez bien. On dira : « Eh bien, écoutez, voici la solution, et on ne se revoit plus. » Et la femme va assumer ça pendant des années ! Je pense, c’est vrai, que, dans certains cas, vous n’agissez pas dans l’intérêt de la femme.
Vous croyez le faire, mais ce n’est pas le cas. Et j’avais beaucoup apprécié la retenue de Mme la ministre, dont j’ai lu les propos, qui étaient sans doute plus proches de la vérité. N’assénons pas des vérités trop faciles. Ce sont des sujets compliqués.
Les délais de réflexion existent dans plusieurs matières, et j’ai détesté la façon dont vous avez dit que nous rabaissions le débat. Au contraire, nous avons dit que cet acte était plus important qu’un achat de véhicule. Je l’ai dit et je le redis, et je pense que toute la population française considère que cet acte est plus important qu’un achat de véhicule ou la souscription d’un prêt bancaire.
La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 1298 .
Tout d’abord, je m’interroge sur la conception que certains de nos collègues ont de la place de l’homme dans un couple et pendant la grossesse. Autant il a pu y avoir historiquement des rapports de domination, autant on voit aujourd’hui que c’est l’exclusion complète de l’homme qui est préconisée par certains et par certaines. On peut s’interroger sur cette conception de l’égalité où l’homme n’existe plus.
N’existe plus ? En l’occurrence, ce n’est pas vraiment le cas, on pourrait prendre une photo de vos bancs !
J’en viens à mon deuxième point : la comparaison aux achats de consommation courante. Notre propos n’est pas de mettre cela sur le même plan, il est de poser la question suivante : si un délai de réflexion est prévu pour des achats de nature pratique comme celui d’une voiture, alors, pourquoi n’y aurait-il pas a fortiori de délai de réflexion avant une décision autrement plus lourde, autrement plus importante ? Ce n’est pas tout mettre sur le même plan. Au contraire, c’est un raisonnement par l’absurde pour dire qu’il ne s’agit pas d’un achat de consommation courante, même si vous voulez en faire un de l’IVG.
Troisième point, je reviens encore une fois sur la forme. Je regrette que vous procédiez par voie d’amendement et qu’il n’y ait pas de vrais débats. La disposition qui est l’objet de cet article était envisagée avant même la rédaction de ce projet de loi santé : c’était une préconisation de la délégation aux droits des femmes. Cela aurait pu figurer dans le projet de loi initial, mais vous n’avez pas fait ce choix, madame la ministre, et l’article a été inséré par voie d’amendement. Je regrette, encore une fois, ces moyens subreptices.
Dernière question, quid de la protection de la vie à naître ? Nous attendons votre réponse. Est-ce que ce sont des mots que vous êtes capable de prononcer ? Et qu’est-ce que vous en faites dans une loi sur l’avortement ?
La commission a adopté l’amendement dont est issu cet article 17 bis, vous l’avez rappelé, dans les conditions qui ont été évoquées par les uns et les autres, à la suite de la présentation faite par la présidente de notre délégation aux droits des femmes, étayée sur les rapports qui ont pu être rendus. Logiquement, la commission a repoussé les amendements de suppression.
Je n’ai pas, jusqu’ici, participé à ce débat ; vous me permettrez de dire quelques mots à titre personnel. Je crois que sur des sujets comme celui-ci, il faut se garder d’être péremptoire, de croire que l’on détient la vérité. Il faut aussi respecter les décisions des femmes et ne pas parler en leur nom.
J’ai entendu dire, du côté de l’opposition, qu’il faudrait responsabiliser les femmes. Je regrette cette formule – que j’interprète peut-être mal. Beaucoup de femmes l’ont dit ici : bien évidemment, la question se pose immédiatement, dès qu’elles ont connaissance de leur grossesse et qu’elles prennent un rendez-vous chez le gynécologue. Si elles décident d’avoir recours à une IVG, elles le font après une longue réflexion.
J’ai apprécié ce que vous avez dit, madame Fraysse, parce que, comme vous, je me suis beaucoup interrogée, et j’ai beaucoup écouté. J’ai souvent entendu des femmes dire qu’elles avaient vécu ces huit jours dans une très grande solitude. Je m’interroge, aujourd’hui, sur notre capacité à les accompagner, quel que soit leur choix, quel que soit le temps dont elles disposent, quel que soit le temps dont elles ont besoin. Supprimer le délai de réflexion, n’empêche pas les femmes qui en ont besoin d’avoir un délai de réflexion.
De toute façon, en pratique, il y aura un délai, imposé par la prise des rendez-vous. Puisque cette période est souvent vécue dans la solitude par les femmes qui ont décidé de recourir à une IVG – ce qui met en lumière notre incapacité à accompagner ces femmes –,…
Je pense que chaque député doit répondre à cette question en son âme et conscience ; sur ce sujet, il ne faut pas qu’il y ait de directives dans un sens ou dans un autre.
Je regrette, à titre personnel, le chiffre rappelé par Mme Le Callennec : 210 000 avortements par an – dont beaucoup chez les jeunes.
Si le nombre de naissances progresse en France, le nombre d’IVG reste stable. Quarante ans après la loi Veil, et compte tenu des modalités actuelles d’accès à la contraception, on pourrait s’attendre à ce que ce chiffre diminue.
Personnellement, je salue à nouveau les mesures prises par le Gouvernement, incluses notamment dans l’article 3 de ce projet de loi, qui vise à lever un certain nombre d’obstacles pour faciliter l’accès à la contraception d’urgence, notamment chez les jeunes.
Je note que cet article a suscité moins de débat, mais aussi moins de reconnaissance envers le Gouvernement.
Vous me permettrez donc, en tant que rapporteure, de m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée, afin que chacun puisse se prononcer comme il le souhaite. Nous avons eu, nous aussi, de longues journées pour réfléchir à cette question, et beaucoup d’arguments militent en faveur de la disparition de ce délai.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Je suis défavorable à ces amendements de suppression.
Pour un certain nombre de raisons, évoquées par Mme Fraysse, j’avais envisagé de réduire le délai de réflexion à deux jours, plutôt que de le supprimer purement et simplement. Lorsque j’ai présenté, au mois de janvier dernier, le plan pour améliorer l’accès à l’IVG, j’avais prévu de proposer une telle réduction de ce délai de réflexion.
Comme chacun s’en souvient, le mois de janvier dernier fut celui des attentats. Avec le Gouvernement, avec le Premier ministre, nous avons considéré qu’il fallait éviter de donner à quiconque le sentiment que nous voudrions profiter du contexte d’union nationale pour faire passer des dispositions difficiles à accepter pour certains. J’avais donc indiqué que la question du délai de réflexion pourrait être abordée dans le cadre de ce projet de loi, qu’elle pourrait donner lieu à un débat au Parlement.
Ce débat a notamment été mené, en commission, par la délégation aux droits des femmes ; c’est le droit de tous les députés d’aborder de telles questions. À ce moment-là, j’ai exposé à nouveau ma position : pour moi, ramener ce délai à deux jours aurait permis de faciliter l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, en particulier pour les femmes qui sont dans l’urgence, tout en ménageant un temps – dont je ne savais pas très bien moi-même à quoi il pouvait servir. L’amendement présenté par Mme Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, a été adopté en commission, et je me suis demandée : au fond, qu’est-ce que cela change ?
À entendre les députés de l’opposition, au-delà des arguments rhétoriques visant à cacher le fait qu’ils voudraient sans doute que des femmes culpabilisent…
Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
C’est incroyable ! On n’a pas le droit de dire cela !
...vous invoquez la loi de 1975, mais cette loi a quarante ans : elle représentait l’équilibre dans une société donnée. Je m’étonne, d’ailleurs, que vous soyez si nombreux à nous renvoyer à cette loi : certains d’entre vous nous ont clairement indiqué qu’ils l’auraient voté, sans l’ombre d’une hésitation, mais je ne suis pas certaine que cela aurait été le cas de tous les parlementaires présents ce soir sur les bancs de l’opposition.
Très vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Il faut quand même dire cela ! Au contraire, à l’évidence, tous les parlementaires qui siègent du côté gauche de l’hémicycle auraient voté cette loi.
Mais enfin, c’est absurde ! Vous ne pouvez pas nous reprocher de ne pas avoir voté la loi Veil, nous n’y étions pas !
Je répète que la loi Veil consacrait un équilibre, qui n’a pas vocation à rester figé pour l’éternité, car la société a évolué…
Monsieur Lellouche, s’il vous plaît ! Quand Mme la ministre s’exprime, on l’écoute !
La société a évolué. La relation à l’interruption volontaire de grossesse ne s’est pas banalisée, mais elle s’est normalisée. Dans ce contexte, au fond, une femme qui se pose des questions prendra le temps de la réflexion. Elle n’a pas besoin d’un délai légal, car elle prendra d’elle-même le temps de la réflexion. C’est cela qui m’a convaincu.
J’ai rencontré des femmes, et je me suis dit : au fond, deux jours, qu’est-ce que cela change ? Certes, cela permet de garantir un meilleur accès à l’IVG en cas d’urgence. Mais une femme qui a pris sa décision n’a pas besoin de temps. Je crains, monsieur Debré, qu’un délai ne soit pas efficace pour sortir une femme de la domination.
Au fond, cette référence à un délai de réflexion, ce critère, bloque certains, rassure d’autres, mais n’apporte aucune garantie concrète, aucune garantie réelle. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression de cet article, introduit dans le projet de loi par un amendement adopté en commission. Le Gouvernement soutient cet article.
L’un d’entre vous, tout à l’heure, a commencé une phrase par les mots : « de grâce » ; à mon tour, messieurs les députés : de grâce, cessez de comparer les femmes à des voitures !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Cela suffit, madame Touraine ! Arrêtez de prendre les gens pour des imbéciles !
Au cours de ce débat, nous nous sommes écoutés : continuons ainsi. Je pense que ce soir, malheureusement, dans cet hémicycle, les femmes qui ont avorté n’ont pas beaucoup eu la parole. Certains de mes collègues ont cité des femmes, en s’appuyant sur un article du journal Le Monde ayant compilé les témoignages de soixante-dix femmes. Parmi ces témoignages, trois sont d’une tonalité différente des autres, mais la très grande majorité d’entre eux sont semblables à celui-ci : le délai de réflexion « sous-entend que nous, femmes, lorsque nous décidons d’avorter, n’avons pas réfléchi, pas pesé le pour et le contre, en mesurant notre responsabilité, et qui demande un grand courage. » Une autre femme écrit : « c’est comme si la loi me disait : tu es sûre ? tu es sûre ? Je l’avais perçu à l’époque comme une ingérence moralisatrice dans la mise en oeuvre d’une décision que j’avais déjà prise après mûre réflexion. » Cet article mentionne près de soixante-dix témoignages semblables, mais on pourrait en trouver bien d’autres.
Ce que nous voulons dire, c’est que lorsqu’une femme veut avorter, sa décision a été mûrie. Certes, il y aura encore des femmes qui ne sont pas sûres, mais je ne suis pas certaine que vous compreniez bien comment les choses se passeront après l’entrée en vigueur de cet article. Quand une femme décidera d’avorter, elle se rendra chez un médecin ou chez une sage-femme – car, si les délais sont respectés, cela pourra être un avortement médicamenteux. À ce moment-là, elle recevra une information : cela fait partie du plan présenté par Mme la ministre. Les agences régionales de santé devront faire passer à tous les médecins des informations.
Supposons que cette femme tombe sur un médecin qui fait jouer sa clause de conscience, et refuse de pratiquer l’avortement. Que fera ce médecin ? Il fermera sa porte, et la femme s’en ira ? Non, il devra lui donner les informations nécessaires pour qu’elle puisse avorter dans un endroit où elle sera accueillie. La première visite est donc une visite d’information.
Ensuite, cette femme prendra un deuxième rendez-vous pour pratiquer l’avortement lui-même. Il est bien évident que cela n’aura pas lieu dès le premier rendez-vous. Elle ne pourra pas avorter simplement après avoir pris un rendez-vous par téléphone – à condition qu’on ne l’ait pas culpabilisée par téléphone, parce que cela arrive encore, à de nombreuses reprises, nous en avons des témoignages. Cette femme prendra donc un deuxième rendez-vous, avant lequel elle aura à sa disposition toutes les informations sur les différentes modalités d’avortement. Cela n’est pas au médecin de choisir les modalités de l’avortement, c’est à la femme, en conscience, de choisir si elle veut un avortement médicamenteux ou instrumental – sachant qu’il y a des délais pour l’un et pour l’autre. Je vois M. Debré qui me fait signe qu’il y a des délais : il a parfaitement raison, mais il faut que les choses soient bien expliquées à la femme concernée, car un moment vient où l’on ne peut plus pratiquer l’IVG.
Les femmes ont le choix, elles ont les moyens de leur réflexion, mais ce n’est pas à la loi de leur dire : vous devez réfléchir sept jours. Je finirai en disant ceci : si l’on veut lutter pour faire diminuer l’avortement chez les plus jeunes, il faut appliquer ce qui est inscrit dans la loi depuis 2003, à savoir l’éducation à la sexualité et à l’égalité à l’école. Chaque année, trois heures doivent y être consacrées, dans tous les programmes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC, et sur les bancs du groupe écologiste.
Nous allons procéder à un scrutin public sur ces amendements de suppression : chacun, dans cet hémicycle, se prononcera en conscience. Je voudrais être sûre de bien comprendre, madame Coutelle. À l’heure actuelle, l’IVG médicamenteuse est pratiquée jusqu’à la fin de la cinquième semaine de grossesse ; en établissement de santé, ce délai peut être prolongé jusqu’à sept semaines.
L’IVG instrumentale peut être pratiquée jusqu’à la fin de la douzième semaine de grossesse. Jusqu’à présent, il y a donc deux consultations médicales préalables, séparées par un délai de sept jours. Un entretien psychosocial est également prévu : il est facultatif pour les femmes majeures, et obligatoire pour les mineures. Supprimer le délai de sept jours ne revient-il pas à supprimer la deuxième consultation ?
Madame la rapporteure, vous avez dit que nous sommes incapables d’accompagner les femmes qui souhaitent avorter. Mais c’est bien pendant ces sept jours qu’elles devraient être accompagnées ! En supprimant ce délai, on s’interdit d’accompagner et d’informer les femmes. Contrairement à ce qu’a dit Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, cette période ne servait pas à culpabiliser la femme, mais à l’informer, pour qu’elle puisse décider en connaissance de cause, par elle-même ou en couple.
Vous l’avez dit vous-même : à un moment donné, les délais sont dépassés. Si cet article était adopté, il n’y aura plus de deuxième consultation.
Il est procédé au scrutin.
Il est vrai que, pour ma part, j’ai l’humilité de reconnaître que je ne sais pas quelle position j’aurais adopté sur la loi Veil de 1975 ; j’avais dix ans et je ne maîtrisais pas le contexte particulier de l’époque. Mais je sais qu’aujourd’hui je l’aurais votée.
Il reste que j’ai voté au mois de janvier dernier la résolution présentée par Mme Coutelle, qui me semblait de nature à préserver l’équilibre que nous avons maintenu jusqu’à présent. Or vous passez votre temps à le modifier.
L’amendement no 807 , quant à lui, est un amendement de repli. Puisque vous avez refusé nos amendements de suppression, je propose, comme vous l’avez vous-même fait en commission, madame la ministre, de revenir à un délai de quatre jours.
Défavorable.
Je remarque simplement que ni Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, ni Mme la rapporteure, ni Mmes les rapporteures pour avis n’ont utilisé les mots : « protection de la vie à naître ». Vous avez parlé de la liberté de la femme, mais vous ne pouvez pas prononcer les mots « protection de la vie à naître », ce qui montre bien que vous déséquilibrez la loi Veil, quoi que vous en disiez.
L’amendement no 807 n’est pas adopté.
L’article 17 bis est adopté.
L’amendement portant article additionnel après l’article 17 bis et les amendements portant article additionnel avant l’article 18 ne sont pas défendus.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la santé.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 9 avril, à zéro heure cinquante.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly