COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI « ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ »
Mardi 14 juin 2016
La séance est ouverte à dix-sept heures.
(Présidence de Mme Annick Lepetit, présidente de la Commission spéciale)
La Commission spéciale procède, sur le rapport de M. Razzy Hammadi, rapporteur général, Mme Valérie Corre, M. Philippe Bies et Mme Marie-Anne Chapdelaine, respectivement rapporteurs thématiques sur les titres Ier, II et III, à l'examen des articles du projet de loi « Égalité et citoyenneté » (n° 3679).
Cette commission spéciale a déjà siégé près de vingt heures ; l'équipe des rapporteurs a entendu plus de 200 personnes. Nous avons entendu trois membres du Gouvernement : Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports – présent parmi nous cet après-midi – et Ericka Bareigts, secrétaire d'État chargée de l'égalité réelle. Les représentants des groupes et une quinzaine d'intervenants ont pu s'exprimer à chaque séance.
Nous en venons maintenant à l'examen des articles, sur lesquels plus de 1 200 amendements ont été déposés.
Titre Ier CITOYENNETÉ ET ÉMANCIPATION DES JEUNES
Chapitre Ier Encourager l'engagement républicain de tous les citoyens pour faire vivre la fraternité
Avant l'article 1er
La Commission est saisie de l'amendement CS1200 de M. Razzy Hammadi, rapporteur général.
Cet amendement reflète les nombreuses discussions que nous avons eues, avec des députés de toutes les sensibilités. Il prend en considération les nombreuses propositions d'amendements que nous avons reçues visant à inclure dans l'intitulé du titre Ier la notion de participation.
Le titre Ier ne porte pas principalement sur les dispositifs de participation, mais plutôt sur la citoyenneté. Je m'en remets à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS328 de Mme Chantal Guittet.
Cet amendement rédactionnel vise à faire prendre l'habitude d'utiliser une communication dépourvue de stéréotype de sexe.
La modification que vous introduisez me paraît acceptable, dès lors qu'elle ne concerne que le titre du chapitre. Avis favorable.
Cet amendement permet de féminiser le titre, et ses dispositions, par rebond. J'émets donc un avis de sagesse bienveillante.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS447 de M. Bernard Lesterlin.
Nous devons avoir, pour ce texte, un souci de clarté, y compris sémantique. La « réserve citoyenne de défense et de sécurité » existe de longue date, et elle est bien connue de la population sous ce nom. Il me semble préférable d'harmoniser le vocabulaire pour ce qui relève de l'engagement citoyen. Je propose donc de baptiser « réserves civiques » les réserves prévues aux articles 1 à 7 du projet de loi.
Cette proposition nous a été faite lors de son audition par le haut-commissaire à l'engagement, M. Yannick Blanc.
J'approuve cet amendement, d'autant que le terme de citoyen renvoie à la notion de vote, alors que les jeunes pourront s'engager dans ce dispositif sans posséder la nationalité française. Le terme de civique paraît plus ouvert.
J'approuve également cet amendement. Il faut clarifier l'idée d'un parcours citoyen qui comporte différentes étapes tout au long de la vie : dès l'école élémentaire, au collège avec les cours prévus et grâce à l'application Folios, puis avec le livret citoyen à seize ans, comme l'a indiqué le Président de la République, puis encore avec le service civique et la réserve. Enfin, l'article 14 du projet de loi permet une valorisation de l'engagement dans l'enseignement supérieur et, en ce qui concerne la vie au travail, le projet de loi Travail met en place le compte engagement citoyen et le compte personnel d'activité.
Le terme « civique » me paraît propre à exprimer la continuité de ce parcours. Par ailleurs, pour nombre d'entre nous qui appartiennent à la réserve citoyenne de défense, il paraît judicieux d'établir clairement la distinction.
Je partage entièrement cette idée. Toutefois, je vous propose de retirer cet amendement au profit de ceux des rapporteurs, qui opèrent également des modifications de nature rédactionnelle.
L'amendement est retiré.
Article 1er : Institution d'une réserve citoyenne
La Commission examine l'amendement CS1139 des rapporteurs.
C'est l'amendement dont je vous parlais à l'instant : il rebaptise les réserves citoyennes en « réserves civiques » ; il affirme également de façon plus explicite le caractère généraliste de la réserve.
Je suis très attaché à cette culture de l'engagement, engagement naturellement bénévole.
Cet amendement me paraît cohérent avec l'ensemble du projet de loi, charpenté autour du haut-commissaire à l'engagement civique. Avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CS1102 des rapporteurs.
Elle aborde ensuite l'amendement CS1140 des rapporteurs.
Le présent amendement vise à permettre la création de nouvelles réserves thématiques par la voie réglementaire, et non par la voie législative ; il impose une consultation du Haut Conseil à la vie associative (HCVA) lors de la création de nouvelles réserves.
Dans la mesure où l'on passe du législatif au réglementaire, il est apparu important de le consulter. Pour prendre un exemple de domaine où il sera possible de créer une réserve spécialisée, le Gouvernement a créé le label « grande école du numérique » : on pourrait imaginer que, demain, une réserve civique rassemble ceux qui veulent accompagner les jeunes et les moins jeunes dans l'apprentissage du code informatique. Il paraît compliqué d'inscrire dès aujourd'hui dans la loi toutes les possibilités qui s'ouvriront à l'avenir.
Avis favorable à l'amendement.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement CS545 de Mme Audrey Linkenheld tombe.
La Commission est saisie de l'amendement CS385 de M. Arnaud Richard.
Il nous semble préférable d'utiliser la notion de solidarité, plus juridique que celle de fraternité.
Je suis, comme vous, attachée à la solidarité, mais il s'agit ici plutôt de déclarations, qui ne sont guère normatives. En outre, la fraternité constitue l'un des éléments de la devise française. Avis défavorable.
Avis défavorable. La notion de fraternité n'est pas dépourvue de sens juridique : elle implique un ensemble de droits et de devoirs entre ceux qu'elle unit.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS546 de Mme Audrey Linkenheld.
Le Haut Conseil à la vie associative devrait être consulté également sur la charte de la réserve civique, ainsi que sur les éventuelles modifications qu'elle pourrait subir. C'est le sens de cet amendement.
Avis favorable. Le HCVA aura ainsi plus de poids.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS1098 des rapporteurs.
Tout citoyen peut être réquisitionné en cas d'urgence, une catastrophe naturelle par exemple. Or, au cours des auditions que nous avons réalisées, nos interlocuteurs ont insisté sur la possibilité pour ceux qui appartiendront à la réserve civique de demander à être réquisitionnés : cela permettra de protéger un réserviste qui serait, à la suite de son intervention, absent au travail le lendemain.
Ces dispositions sont naturellement très encadrées – pas de réquisition pour des activités festives !
La réserve doit demeurer un dispositif volontaire, dans lequel les réservistes s'engagent en conscience. Néanmoins, la réquisition peut être envisagée pour permettre aux réservistes de se rendre disponibles. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 : Sections territoriales de la réserve citoyenne
La Commission adopte successivement l'amendement de coordination CS1141 et l'amendement rédactionnel 1101, tous deux des rapporteurs.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 : Conditions de participation à la réserve citoyenne
La Commission adopte l'amendement de coordination CS1142 des rapporteurs.
Elle est saisie de l'amendement CS140 de Mme Pascale Got.
Cet amendement propose d'ouvrir la réserve civique à toute personne âgée d'au moins seize ans. D'autres amendements proposeront d'ouvrir différents droits et dispositifs aux mineurs entre seize et dix-huit ans, afin de reconnaître leur engagement civique. Après la remise du livret citoyen à seize ans, avec l'ouverture ambitieuse du service civique, il paraît judicieux de permettre aux jeunes de s'engager dans la réserve civique.
Je suis plutôt favorable à cette ouverture, par cohérence avec le service civique en particulier. Toutefois, il me semble indispensable de prévoir des garde-fous. Je vous propose de retirer votre amendement pour pouvoir travailler à une nouvelle rédaction d'ici à la séance publique.
L'amendement est retiré.
La Commission discute ensuite de l'amendement CS542 de M. Julien Dive.
À seize ans, on peut signer un contrat de travail, se faire recenser en vue du service militaire et du service civique, obtenir une carte Vitale, commencer l'apprentissage de la conduite, et on pourra même, si l'article 15 de ce projet de loi est voté, devenir directeur de publication d'un journal. C'est pourquoi cet amendement propose d'ouvrir la réserve civique aux jeunes à partir de seize ans ; à la différence de l'amendement précédent, il prévoit qu'il est nécessaire d'obtenir l'accord des parents.
En effet, votre amendement prend en considération certains problèmes de responsabilité civile. Il me semble toutefois qu'il faudrait aussi encadrer les missions susceptibles d'être confiées à des mineurs. Je vous propose également de le retirer, afin que nous puissions travailler à une nouvelle rédaction.
Nous sommes d'accord sur le fond, et nous nous engageons à travailler sur ce sujet d'ici à la séance publique – ainsi, d'un point de vue juridique, il faut aussi penser à la possibilité que le mineur ait été émancipé.
Vous proposez plutôt, si je comprends bien, un encadrement des missions qui pourront être confiées à des mineurs. La question de l'autorisation des parents pose celle – abordée par l'amendement défendu par M. Juanico – de jeunes en rupture, dont les parents ne se préoccupent plus. Que se passera-t-il dans ce cas ?
L'un des amendements que nous avons déposés répond aux questions qui viennent d'être posées en proposant d'abaisser la majorité civile à seize ans. J'avais d'ailleurs fait cette proposition au cours du débat présidentiel de 2002.
Madame Le Callennec, c'est l'un des points que nous devons approfondir : faut-il exiger l'autorisation des parents, leur demander un simple avis ou rien de tout cela ?
Différentes solutions sont possibles, l'idée étant d'aboutir à une solution en séance.
Monsieur Mamère, l'abaissement de la majorité est, à mon sens, un autre sujet – dont nous sommes nombreux à penser qu'il relève d'une campagne présidentielle.
Cette commission spéciale me paraît, au contraire, le lieu idoine pour poser la question de la majorité à seize ans. Nous sommes ici pour construire l'État de droit !
Aujourd'hui, la différence est ténue entre les droits d'un jeune de seize ans et ceux d'un jeune de dix-huit ans, dans le domaine pénal en particulier, à la suite de lois votées sous la législature précédente et que nous avons combattues.
Il nous appartient tout à fait de décider d'abaisser la majorité civile à seize ans, dans le cadre d'un projet de loi qui vise à promouvoir l'engagement, et en particulier celui des jeunes. Faut-il rappeler ici que le candidat François Hollande s'était engagé à donner la priorité à la jeunesse ? Il faudrait alors faire confiance à la jeunesse, et donc abaisser la majorité. On peut être très engagé à seize ans, être président d'une association par exemple. Pourquoi ne pas adapter notre droit à cette réalité ?
Je partage le point de vue de M. Mamère sur la majorité civile et j'approuve également la proposition de M. Juanico. J'entends que les rapporteurs sont plutôt favorables à une disposition de ce type ; vous engagez-vous à nous faire une proposition en séance ?
Nous ne demandons le retrait que pour travailler, clarifier et faire une proposition cohérente avec le résultat de nos discussions de cette semaine. Il n'y a vraiment aucune volonté de notre part d'enterrer ce débat.
Le texte présenté par le Gouvernement ne va pas jusqu'à permettre aux mineurs de seize à dix-huit ans de s'engager dans la réserve civique. Mais cette question mérite manifestement débat.
Il faut, bien sûr, faire confiance à la jeunesse, monsieur Mamère, mais il faut la protéger aussi ! Il est nécessaire d'affiner le dispositif : faut-il permettre à des mineurs de faire partie des réserves de la police ou de l'éducation nationale ? Je n'en suis pas sûr.
Les questions posées sont légitimes, et nous travaillerons sur ces points en vue de la séance publique. Pour le moment, si l'amendement n'est pas retiré, j'y serai défavorable.
Monsieur Dive, je précise que les mineurs en service civique ont reçu une autorisation parentale.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3 modifié.
Article 4 : Organismes et conditions d'accueil des réservistes
La Commission adopte l'amendement de coordination CS1143 des rapporteurs.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CS544 de M. Julien Dive.
Les structures syndicales n'ont pas vocation à accueillir des volontaires de la réserve civique.
Cette proposition est cohérente avec la façon dont le dispositif a été conçu ; avis favorable.
C'est en effet un oubli. Avis favorable.
Le nombre d'heures des missions de la réserve civique sera défini par voie réglementaire : monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner une idée du chiffre qui sera retenu ?
Il faut, je crois, se donner un peu de temps. Le Gouvernement s'engage toutefois à prendre ces décrets très rapidement après le vote de la loi.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 4 modifié.
Article 5 : Conditions d'engagement et d'exercice des réservistes
La Commission adopte successivement l'amendement de coordination CS1144 et l'amendement rédactionnel 1104, tous deux des rapporteurs.
Puis elle adopte l'article 5 modifié.
Article 6 : Application des dispositions relatives à la réserve citoyenne à l'outre-mer et diverses coordinations
La Commission adopte successivement l'amendement de coordination CS1145, les amendements rédactionnels CS1105, CS1106, CS1109, CS1107, CS1110, CS1108 et CS1111 ainsi que l'amendement de coordination CS1171, tous des rapporteurs.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
Après l'article 6
La Commission est saisie de l'amendement CS338 de M. Philip Cordery, qui fait l'objet du sous-amendement CS1201 du Gouvernement.
L'amendement CS338 a pour objet d'élargir aux Français qui vivent hors de France la possibilité de s'engager dans la réserve civique. Cet engagement pourrait prendre des formes très diverses : auprès des écoles, des instituts culturels, des ambassades… Cela contribuera à renforcer la vitalité de nos forces vives à l'étranger.
J'accepte le sous-amendement du Gouvernement.
Au niveau du territoire national, la gestion de la réserve sera, nous l'avons dit, largement assurée de façon déconcentrée par les préfets de département, délégués de l'autorité de gestion nationale. Mais la réserve peut également revêtir un grand intérêt pour les ambassadeurs et les consuls de France, souvent démunis en cas de situation exceptionnelle, alors même que nos compatriotes expatriés sont tout à fait prêts à se mettre au service de l'intérêt général.
Je suis donc très favorable à votre proposition, monsieur Cordery, sous réserve de l'adoption du sous-amendement du Gouvernement. En effet, la formule d'une réserve spécifique pour les Français de l'étranger et compartimentée par pays ne me paraît pas la meilleure. Je pense préférable que nos compatriotes à l'étranger puissent s'inscrire dans la réserve générale et que nous aménagions en conséquence les modalités de gestion dans le décret d'application prévu à l'article 7. Ils pourront ainsi participer pleinement au dispositif, par le truchement de leur consulat. Inversement, les ambassadeurs pourront disposer de ce levier nouveau qui pourra leur être d'un grand secours.
Avis favorable à l'amendement ainsi qu'au sous-amendement. L'idée d'une gestion unique de la réserve est essentielle.
Je suis, moi aussi, favorable à l'amendement de Philip Cordery ainsi qu'au sous-amendement du Gouvernement, qui en élargit la portée et permettra à un certain nombre d'organismes ou d'agences, au-delà du réseau consulaire, de faire appel à la réserve.
Quelle est la religion du Gouvernement quant à l'appellation de la réserve : reste-t-elle citoyenne, comme le laisse entendre le sous-amendement qui ne corrige pas l'amendement sur ce point, ou devient-elle réserve civique ?
Monsieur Lesterlin, je vous remercie pour votre sagacité. L'erreur sera corrigée pour la séance.
La Commission adopte le sous-amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement sous-amendé.
La Commission examine l'amendement CS689 de M. Jean-Louis Bricout.
Cet amendement vise à garantir qu'en classe de terminale chaque élève puisse bénéficier du même niveau d'information sur l'existence du dispositif de la réserve civique et les possibilités d'engagement qu'elle offre.
Je partage votre objectif, mais une telle mesure ne relève pas de la loi. Le Conseil supérieur des programmes (CSP) a précisément été instauré pour se prononcer sur les programmes. C'est donc vers lui qu'il faudra se tourner.
Par ailleurs, je ne doute pas que, dès lors que les réserves vont se développer et gagner en notoriété, les enseignants ne manqueront pas d'informer leurs élèves à leur sujet. Avis défavorable.
L'avis des rapporteurs sera constamment défavorable sur tous les amendements relatifs au contenu des enseignements.
Je soutiens, pour ma part, cet amendement, pensant même qu'il devrait être étendu à l'ensemble des classes du lycée. Je souhaite en tout cas que M. Patrick Kanner en réfère à la ministre de l'éducation nationale, car nous n'avons aucune prise sur le Conseil supérieur des programmes.
Je parlais tout à l'heure de la cohérence et de la continuité du parcours et de l'engagement citoyens, de l'école élémentaire à l'université puis au-delà. Je suis néanmoins très réservé sur l'idée d'ajouter aux programmes du secondaire, déjà très chargés, un nouveau chapitre. En revanche, les trois cents heures d'éducation morale et civique déjà prévues dans le cadre de la scolarité pourraient fort bien être le lieu de ce module d'information.
En tout état de cause, avant de prendre une telle décision, il nous faut statuer sur l'avenir de la Journée défense et citoyenneté, dont le rôle est précisément d'informer les jeunes sur les dispositifs d'engagement citoyen.
Je conçois qu'il soit difficile d'intégrer dans les programmes ce module d'information, mais l'école me semble néanmoins l'endroit privilégié pour toucher la jeunesse, qui y passe le plus clair de son temps.
Loin de moi l'idée que, dans le cadre des cours de civisme et de morale, les enseignants ne fassent pas référence à la réserve. Je considère simplement que ce n'est pas au législateur de l'inscrire dans les programmes, a fortiori depuis que nous avons créé le Conseil supérieur des programmes.
Par ailleurs, madame Le Callennec, des parlementaires siègent au Conseil supérieur, et nous pouvons fort bien les saisir de la question. Je vous invite d'ailleurs à lire, sur le site du Café pédagogique, l'entretien du président du CSP sur l'articulation entre parcours citoyen et éducation civique et morale.
Je partage l'objectif défendu par M. Bricout, mais le véhicule retenu n'est pas le bon, sa proposition ne relevant pas du domaine législatif. En revanche, je suis très favorable à ce que tout soit fait pour populariser ces nouvelles dispositions auprès des jeunes dans le cadre de l'enseignement moral et civique, et je ne manquerai pas d'en parler à la ministre de l'éducation nationale. Pour ce qui est de l'amendement, je n'y suis pas favorable.
L'amendement est retiré.
Article 7 : Modalités d'application des articles 1er à 5 du projet de loi
La Commission adopte l'article 7 sans modification.
Après l'article 7
La Commission est saisie de l'amendement CS20 de Mme Marianne Dubois.
Le code du travail prévoit une autorisation d'absence de cinq jours pour tous les salariés qui souhaitent servir au sein de la réserve opérationnelle. Nous proposons de porter cette durée à quinze jours.
D'un point de vue formel, votre proposition pourrait s'inscrire dans le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, plutôt que dans le présent texte.
Sur le fond néanmoins, je ne pense pas qu'étendre à quinze jours l'obligation légale faite aux employeurs d'autoriser un salarié à servir dans la réserve soit de nature à aider la réserve militaire. Une démarche non contraignante, privilégiant l'accord et le partenariat et ayant pour objectif des échanges gagnants pour toutes les parties prenantes me semble beaucoup plus adaptée à la réalité économique.
De plus, cette extension augmenterait la méfiance et la réticence des employeurs civils à l'égard de la réserve militaire, risquant à terme de compliquer le recrutement de réservistes salariés. Plus globalement, dans un pays où la culture de la défense n'est pas suffisamment développée – on peut le regretter –, un tel amendement pourrait être contreproductif. Avis défavorable.
J'ajoute qu'il ne s'agit pas là d'une demande unanime de notre armée. Avis également défavorable.
Les absences pour participer à une réserve opérationnelle ne peuvent pas faire l'objet d'un refus de l'employeur. Le triplement du nombre de jours d'absence sans autorisation préalable ferait peser une charge disproportionnée sur l'ensemble des employeurs, ce qui, dans la situation économique actuelle, n'est pas acceptable. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Lors des auditions que nous avons menées avec Marianne Dubois dans le cadre de notre rapport sur les dispositifs citoyens du ministère de la défense, beaucoup de réservistes nous ont dit être freinés par cette limitation du droit d'absence à cinq jours. Quant à l'armée, même si elle n'est pas unanime sur la question, plusieurs officiers ont plaidé pour que les réservistes aient la possibilité de prendre davantage d'absences autorisées sur leurs propres congés. Je soutiendrai donc cet amendement.
Cette disposition serait opposable aux entreprises, pèserait sur elles, ce qui ne me semble pas opportun dans le contexte actuel. Je suis d'ailleurs surpris qu'une telle initiative vienne des bancs de l'opposition, qui a d'ordinaire l'habitude de plaider contre l'ajout de charges ou de contraintes nouvelles pour les entreprises.
La Commission rejette l'amendement.
Article 8 : Congé pour l'exercice de responsabilités associatives
La Commission discute de l'amendement CS839 de M. Arnaud Viala.
Le bénévolat est par nature une activité gratuite et désintéressée. À cet égard, l'article 8, qui instaure en matière de congés des mesures dérogatoires pour les salariés engagés dans une activité bénévole dans une association loi de 1901, est problématique. Par ailleurs, comment l'entreprise pourra-t-elle s'assurer de la bonne foi du salarié qui sollicite le bénéfice de ces mesures dérogatoires au nom du bénévolat, ce qui est parfaitement invérifiable ? Je demande donc la suppression de cet article qui dénature le bénévolat.
Qu'il n'y ait pas de malentendu : il n'est nullement question de dénaturer le bénévolat mais, au contraire, de l'encourager et de le faciliter. C'est le sens de cet article, dont je vais d'ailleurs proposer qu'il s'étende à d'autres bénéficiaires. Avis défavorable.
Les choses sont très claires : nous abordons une question qui suscite un fort clivage. Nous voulons, pour ce qui nous concerne, ouvrir et garantir un droit qui permette au plus grand nombre de s'engager dans la vie associative, que l'on soit salarié du public ou du privé, dès lors que l'on participe à une oeuvre ou à un organisme d'intérêt général. Nous souhaitons néanmoins que ce droit, qui est une demande de longue date du mouvement associatif, ne soit pas opposable d'emblée et en l'état à l'employeur. Avis défavorable.
Je considère cet amendement comme une véritable insulte à toutes les personnes qui s'engagent bénévolement, pendant des années et au-delà de leur temps de travail, dans la vie associative. Il est choquant, car il fait peser une suspicion de malhonnêteté sur des salariés dont on imagine qu'ils pourraient utiliser ces congés pour leur propre convenance.
L'article 8 est primordial, car il inscrit enfin la reconnaissance de l'engagement associatif dans la loi et donne à chacun la possibilité de s'engager. Il faut avoir conscience que les associations – et notamment les associations caritatives – auraient du mal à survivre aujourd'hui sans les retraités. Cet article entend donc rajeunir le bénévolat, et j'espère que nous serons nombreux à voter contre cet amendement.
Tout comme l'abaissement du droit de vote à seize ans, qui est une mesure que je soutiendrai, l'article 8 représente un pas considérable pour la promotion de l'engagement civique de tous. Il est important d'élargir ainsi le vivier des bénévoles, qui oeuvrent souvent dans des domaines ayant trait à la santé, à l'accompagnement scolaire, voire à la survie, pour tenter de compenser les inégalités qui structurent notre société. Le cas des aidants familiaux, qui jouent un rôle majeur en marge du champ hospitalier, est, à ce titre, exemplaire. Je ne voterai pas en faveur de cet amendement.
La vie associative est une grande richesse pour la France ; ce sont 16 millions de bénévoles engagés dans plus d'un million d'associations et qui donnent de leur temps pour les autres, de manière désintéressée. C'est suffisamment rare en Europe pour que nous profitions de cet atout dont dispose notre pays.
Le bénévolat se porte plutôt bien : le nombre de bénévoles a augmenté de 15 % depuis 2010, taux qui monte à 30 % chez les moins de trente-cinq ans. L'article 8 nous permet de compléter les mesures prises dans le cadre de la loi sur l'économie sociale et solidaire, qui simplifiait la vie des associations et leur permettait de diversifier leurs sources de financement. J'en profite, d'ailleurs, pour rappeler au Gouvernement qu'il nous doit, aux termes de cette loi, un rapport sur les différentes formes d'engagement bénévole, dont il conviendrait que nous puissions disposer d'ici à la séance.
Il ne s'agit pas de permettre à l'ensemble des bénévoles par ailleurs salariés de pouvoir disposer d'un congé d'engagement, mais uniquement à ceux qui, dans le cadre de leur bénévolat, assument des responsabilités. C'est un effet une charge importante, qui entraîne parfois beaucoup de lassitude chez les membres des bureaux des associations. L'étude d'impact indique que 2 millions de personnes pourraient bénéficier de cette mesure, sauf que parmi ces personnes se trouvent également les dirigeants d'entreprise unipersonnelle.
Quant à la référence à d'éventuels abus, elle est parfaitement déplacée dans l'exposé des motifs de cet amendement.
L'article 8 permet aux salariés des entreprises privées ou aux fonctionnaires de prendre chaque année des jours de congé pour pratiquer une activité bénévole. Comment va-t-on déterminer le nombre de jours de congé, dont j'imagine qu'il sera fonction du degré d'investissement du salarié dans l'association ?
L'alinéa 2 fait référence aux congés de formation de cadres et d'animateurs pour la jeunesse et de dirigeants associatifs bénévoles, mais pouvez-vous me confirmer que les congés peuvent également être demandés pour participer à des réunions associatives ?
Pourquoi l'alinéa 4, qui concerne les salariés, et l'alinéa 6, qui concerne les fonctionnaires, ne respectent-ils pas le parallélisme des formes ? Pourquoi, dans le cas des fonctionnaires, une distinction est-elle établie entre les moins de vingt-cinq ans et les autres ?
Enfin, comment l'article 8 s'articule-t-il avec la création, dans le projet de loi Travail, du compte engagement citoyen ?
Cet amendement établit une confusion entre le droit à l'absence et la rémunération de cette absence. Le bénévole peut demander à faire valoir son droit à l'absence mais il n'est pas prévu que l'entreprise le rémunère, chacune décidant ensuite s'il s'agit d'une absence prise ou non sur les congés légaux et non dérogatoires. Les risques pèsent donc, à mes yeux, davantage sur les salariés bénévoles que sur les employeurs.
Quoi qu'il en soit, que ferions-nous si les entreprises n'acceptaient pas de libérer les pompiers bénévoles quand on a besoin d'eux ou les parents d'élèves invités à se rendre à des réunions scolaires ? Le pays serait à l'arrêt. Il s'agit ici de permettre à des bénévoles engagés dans des tâches aussi importantes que celles que je viens de citer d'obtenir des congés pour s'y consacrer.
J'appartenais à la commission saisie du débat sur les 35 heures – c'était au siècle dernier. Je me souviens parfaitement de Martine Aubry nous expliquant que le passage aux 35 heures permettrait notamment aux citoyens de s'engager dans le monde associatif. J'imagine donc aujourd'hui qu'il serait souhaitable que nous abaissions le temps de travail à 32 heures ! Tels que nous sommes partis, en effet, nous ne travaillerons bientôt plus que dix heures pour permettre aux associations de fonctionner.
Par ailleurs, en voulant donner du temps aux salariés, on impose, dans nombre de cas, des contraintes supplémentaires à l'entreprise. Si elles ne sont pas financières, on lui prend du temps de travail, ce qui peut perturber son organisation. Je m'étonne donc que vous souteniez cet article, alors que vous venez d'objecter à Marianne Dubois le fait que son amendement constituerait une contrainte supplémentaire pour les entreprises. Nous sommes en pleine confusion !
Une fois n'est pas coutume, je rejoins mes collègues réformistes pour dénoncer la conception de l'éthique, du travail et du vivre-ensemble induite par cet amendement. Son auteur et moi-même ne sommes pas du même côté de la barricade !
Pendant des années, vous avez eu pour slogan « Travailler plus pour gagner plus ». Ce que propose cet article, c'est de travailler autant mais travailler autrement et gagner moins. J'entends gagner moins, financièrement parlant, car ce que nous pouvons apporter à la société nous enrichit par ailleurs.
Nos conceptions de la citoyenneté s'opposent. Nous considérons, pour notre part, que l'engagement est indispensable à l'individu, qui ne doit plus uniquement se définir par le métier qu'il fait mais par ce qu'il fait de sa vie.
En outre, dans le contexte actuel, nous avons de plus en plus besoin de vivre ensemble, de développer l'éducation populaire et les associations, qui sont des lieux de partage. Écoutons Martin Luther King : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon, nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. »
Quelle contrainte supplémentaire cet article représente-t-il pour une entreprise alors que, de fait, de nombreux salariés demandent déjà aujourd'hui à pouvoir bénéficier de journées pour se consacrer à leurs activités associatives, que ce soit dans le domaine social, sportif, culturel ou environnemental ?
Reconnaître ce travail associatif me paraît une grande avancée. Par ailleurs, si certaines entreprises peuvent s'adapter, dans l'urgence, au départ de leurs pompiers volontaires, il me semble que les employeurs devraient pouvoir sans problème s'arranger d'absences qui, elles, seront planifiées.
Je voudrais souligner tout l'intérêt que présentent l'article 8 et le congé qu'il propose pour la vie associative. La loi de 1901 est sans doute l'une de nos très grandes lois. Elle a engendré plus de 1,3 million d'associations et a permis à tout un pan de notre économie de se développer, puisque le mouvement associatif représente aujourd'hui environ 8 % de notre PIB et emploie 1,8 million de salariés. Tout cela grâce à des bénévoles.
Au demeurant, vous évoquez la réticence des employeurs, mais nombre d'entre eux favorisent, au contraire, le CV des personnes engagées dans la vie associative. C'est souvent un critère de recrutement privilégié, car l'on considère qu'une personne qui s'intéresse aux autres dispose de qualités qui seront utiles à l'entreprise. Beaucoup d'employeurs pratiquent également le mécénat de compétences, qui consiste à prêter, en accord avec le personnel, une partie de leur force de travail et de leur savoir-faire pour le développement d'initiatives d'intérêt général.
Je m'étonne de cet amendement de suppression de l'article 8, dont les dispositions correspondent à une demande des associations. J'ai siégé avec plusieurs d'entre vous dans la commission d'enquête sur la vie associative en temps de crise, dont le rapport final comportait une proposition équivalente, que notre collègue Frédéric Reiss, du groupe Les Républicains, estimait, à défaut de l'approuver d'emblée, au moins digne d'un débat.
J'appelle donc M. Viala à plus de raison dans la formulation de ses amendements, et à retirer celui-là.
Le tir croisé dont je suis l'objet ne me surprend pas, contrairement à mes détracteurs, qui s'étonnent que l'on puisse exprimer des opinions divergentes des leurs.
Je trouve regrettable que l'on me fasse un procès d'intention et que l'on déforme mes propos : à aucun moment je n'ai dit quoi que ce soit de négatif sur l'engagement bénévole, que je pratique par ailleurs depuis mon plus jeune âge, comme beaucoup de gens de droite. Nous n'avons donc aucune leçon à recevoir de ceux qui considèrent que défendre des idées différentes de celles que comporte le projet de loi est forcément une attaque contre le bénévolat.
Il faut établir une distinction nette entre les activités bénévoles ciblées par l'article 8 et l'engagement volontaire de ceux qui se mettent au service de la sécurité des personnes et des biens, dont, par définition, les activités nécessitent qu'ils quittent leur travail sur-le-champ lorsqu'on a besoin d'eux. Je suis le premier à défendre cette contrainte, qui pèse pourtant sur les entreprises.
Le point que je soulève avec cet amendement est le fait que, selon moi, l'activité bénévole, engagement individuel et personnel, doit être pratiquée sur son temps libre, congés ou RTT. Je considère qu'il n'y a pas lieu de faciliter davantage l'engagement associatif et que nous en avons déjà assez fait. Néanmoins, l'accompagnement bénévole doit être accompagné et encouragé, c'est d'ailleurs pourquoi je suis membre de cette commission. Mais il y a d'autres manières de le faire, par exemple la reconnaissance, à travers la validation des acquis de l'expérience (VAE), des compétences qu'il a permis d'acquérir. C'est une solution préférable à l'octroi d'un surplus de congés, qui va peser sur les autres salariés. Je suis d'ailleurs sceptique sur le fait que de nombreuses associations souhaitent la mise en place d'un tel congé. Elles souhaitent simplement que l'activité bénévole soit reconnue, ce à quoi je souscris.
Enfin, l'article 8 me paraît introduire une discrimination entre les salariés et les autres : certains chefs d'entreprise également sont des bénévoles, et ils ne pourront se demander à eux-mêmes l'autorisation de prendre des congés. Élu dans une circonscription rurale, je connais des agriculteurs, qui ont par ailleurs des charges professionnelles très lourdes, mais qui se réunissent parfois sans renâcler jusque tard dans la nuit.
Ne faisons donc pas de cet article 8 une occasion supplémentaire de faire peser sur la collectivité des choix individuels.
On ne peut en permanence parler de crise du bénévolat, de vieillissement des instances dirigeantes du secteur associatif et refuser d'évoluer vers un nouveau modèle de société. Nous devons rénover notre démocratie, ce qui passe par la rénovation du secteur associatif, qui fait partie de notre ADN républicain depuis cent quinze ans.
Je ne vous fais aucun procès d'intention, monsieur Viala, mais, quatre-vingts ans après les premières mesures prises par le Front populaire, je note que vous écrivez dans votre exposé des motifs que le caractère désintéressé et gratuit de l'action bénévole est menacé par le fait que certaines personnes puissent abuser de ces congés, certains employés pouvant s'inscrire en tant que bénévole dans le seul but de bénéficier de ces congés. Je suppose que ce n'est pas un procès d'intention que vous leur faites…
Pour ma part, j'estime que nous ne faisons aucun cadeau aux bénévoles qui veulent s'engager. Le caractère non rémunéré du congé préserve la dimension désintéressée du bénévolat. Il y a d'autant moins de risque d'abus que le congé est limité à six jours, ce qui constitue une charge réduite pour l'employeur.
Ce débat nous éclaire, en tout cas, sur les choix de société qui divisent cette commission. Quant au Gouvernement, il est naturellement défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS1172 des rapporteurs.
Le présent amendement a pour objet de rendre le congé d'engagement accessible aux personnes qui, sans siéger au sein de l'organe de direction ou d'administration de l'association, exercent dans celle-ci des fonctions de direction, de représentation ou d'encadrement, au niveau national ou territorial. L'amendement prévoit aussi d'étendre ce congé aux membres de conseils citoyens.
Avis favorable. Cette rédaction est en concordance avec celle qui existe dans le projet de loi Travail sur le compte d'engagement citoyen.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle discute de l'amendement CS366 de Mme Audrey Linkenheld.
J'ai bien conscience que cet amendement risque de réveiller la discussion que nous venons d'avoir. Certains acteurs du monde associatif que nous avons auditionnés en commission spéciale ont estimé que la durée de six jours prévue par ce projet de loi était trop courte dans certains cas. L'objectif de cet amendement est de porter la durée du congé d'engagement – non rémunéré, je le précise – de six à douze jours.
Je reviens sur mes premières remarques concernant l'amendement de notre collègue Viala et sur la difficulté de mesurer l'implication réelle de personnes qui n'ont pas les mêmes fonctions, les mêmes engagements horaires et les mêmes responsabilités dans les associations.
Sans vouloir opposer le public et le privé, je fais observer que les salariés de certaines entreprises ont cinq semaines de congés payés par an alors que ceux de certaines collectivités locales ont jusqu'à huit semaines. Faut-il mettre ces personnes sur le même plan ? À travers cet amendement, on augmente les jours de congés sans tenir compte des différences énormes qui existent déjà dans notre pays entre les salariés du privé et certains salariés du public. Il ne s'agit pas d'opposer les uns aux autres. Je fais seulement un constat. D'ailleurs, un intéressant rapport sur le temps de travail dans l'administration a été publié récemment. Je pose la question : cet amendement vaut-il pour tous ?
La majorité de la Commission et le Gouvernement se sont opposés à l'amendement de ma collègue Marianne Dubois visant à porter de cinq à quinze le nombre d'autorisations d'absence pour les salariés. J'imagine donc que, par souci de cohérence, ils vont adopter la même position concernant l'amendement de Mme Linkenheld qui souhaite porter la durée du congé d'engagement de six à douze jours.
Sans faire de procès d'intention, contrairement à vous, je fais remarquer que lorsqu'on met le doigt dans l'engrenage, on part dans une dérive totale : il n'aura fallu que deux minutes pour en avoir la démonstration. Les députés présents dans cette salle savent bien qu'en mai et juin, ils ont des agendas insupportables car ils sont invités aux assemblées générales de toutes les associations. Adopter cet amendement revient à voter pour la fermeture des trois quarts des entreprises au mois de juin. Quand tous les salariés vont solliciter leur droit d'absence au moment des réunions, les chefs d'entreprise feront le constat qu'ils n'ont plus qu'à fermer.
Pour ma part, je soutiens cet amendement. Nos collègues de l'opposition doivent comprendre que, durant ce congé d'engagement bénévole, les gens travaillent pour une association et au service des autres. Il y a beaucoup de retraités mais aussi beaucoup de salariés dans les associations : 2 millions de personnes sont dans les bureaux ou les conseils d'administration. Grâce à l'adoption de l'amendement précédent, nous avons élargi l'accès à cette mesure aux fonctions d'encadrement et de direction. Il faut savoir que, de plus en plus souvent, l'engagement des bénévoles est ponctuel : au cours de l'année ils sont chargés d'un projet unique mais lourd en termes d'organisation. Un festival de danses folkloriques, qui se déroule sur quatre ou cinq jours, nécessite énormément de travail de préparation et amont et beaucoup de rangement en aval. Douze jours, c'est une durée qui ne me paraît pas usurpée car, encore une fois, il ne s'agit pas de vacances.
Que nos collègues se rassurent, les chefs d'entreprise sont en général des gens responsables. Ils connaissent leur carnet de commandes et leur charge de travail. L'article de loi précise bien que ce congé peut être accordé. On peut supposer qu'ils n'accorderont pas le congé si c'est contraire à l'intérêt de l'entreprise. On peut leur reconnaître le sens des responsabilités qui leur incombent.
L'article 8 représente déjà une belle avancée puisqu'on y crée un congé d'engagement de six jours. Je ne pense pas utile de rajouter six jours supplémentaires. De toute façon, tel que rédigé, l'amendement ne porte pas sur le contenu de l'article 8, contrairement à ce qu'indique l'exposé des motifs, mais sur le congé de formation de cadres et d'animateurs pour la jeunesse. L'exposé des motifs n'est pas en adéquation avec ce que propose l'amendement. Avis défavorable.
Même avis que Valérie Corre. Ce droit existe aujourd'hui pour certains engagements cadrés. L'objectif est de créer un véritable droit accessible à tous. Nous vous proposerons des amendements qui permettent de trouver une position d'équilibre afin de faire de ce congé un véritable progrès tel qu'affiché dans le texte, et pour le plus grand nombre.
Ma proximité géographique avec Mme la députée Audrey Linkenheld ne m'empêche pas d'émettre un avis défavorable à cet amendement.
J'espère que cette proximité se retrouvera pour les amendements suivants. J'ai entendu la remarque de Mme la rapporteure thématique. Bien que n'étant pas sûre de la partager totalement, je vais retirer l'amendement afin de vérifier s'il y a ou non une erreur matérielle. Le cas échéant, je me permettrai de le redéposer en séance après correction.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CS1117 des rapporteurs.
Cet amendement renvoie à la négociation collective le soin de déterminer si le congé d'engagement donne lieu ou non au maintien de la rémunération du salarié qui en bénéficie.
Le Gouvernement émet un avis défavorable. Ouvrir cette possibilité pour les salariés du secteur privé amènera à des demandes identiques dans le secteur public, ce qui n'est pas envisageable de droit puisque la négociation au niveau de l'établissement n'est pas possible.
Si cet amendement était accepté par la Commission, je retirerais notre amendement sur le cumul entre les congés syndicaux et les congés pour engagement citoyen.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements CS705 de M. Noël Mamère, CS657 et CS658 de Mme Michèle Bonneton, CS572 de M. Bernard Lesterlin, CS659 de Mme Michèle Bonneton, CS547 de Mme Audrey Linkenheld, CS721 de Mme Marie-George Buffet, CS119 de Mme Colette Capdevielle, CS571 de Mme Annick Lepetit et CS706 de M. Noël Mamère tombent.
L'amendement CS1170 des rapporteurs est retiré.
La Commission examine l'amendement CS367 de Mme Audrey Linkenheld.
L'amendement prévoit de porter le congé à douze jours ouvrables par an pour les salariés qui sont en cessation progressive d'activité afin de leur permettre d'anticiper un peu : il s'agit de favoriser l'engagement lorsque la personne est encore en activité pour en faciliter la poursuite au moment de la retraite.
Puisque j'ai la parole, j'en profite pour dire que nous n'avons pas tous compris quel amendement satisfaisait les différents amendements qui proposent d'élargir le congé d'engagement à ceux qui encadrent, d'une manière ou d'une autre, des activités bénévoles.
Ces amendements sont satisfaits par l'amendement CS1172, qui modifie l'alinéa 2 mais aussi l'alinéa 4.
Concernant l'amendement CS367, madame Linkenheld, ne pensez pas que j'ai un problème avec le chiffre douze. J'avoue ne pas comprendre le sens de l'amendement, car les bénéficiaires d'une retraite progressive ont déjà plus de temps libre pour se consacrer à leurs activités bénévoles. Les journées supplémentaires de congé ne me paraissent donc pas forcément opportunes. En outre, comme nous cherchons à permettre l'engagement des non-retraités, votre demande me semble assez contradictoire avec ce que nous voulons faire. Avis défavorable.
Je ne partage pas votre analyse. Ce n'est pas parce que des personnes sont en cessation progressive d'activité qu'elles ne peuvent pas, par ailleurs, bénéficier de jours supplémentaires pour s'engager dans une activité bénévole. Et ce n'est pas parce qu'il y a déjà beaucoup de retraités engagés dans une activité associative qu'on ne peut pas inciter ceux qui sont encore salariés à devenir bénévoles. Comme ils sont encore salariés, ils peuvent peut-être aussi faire passer cette idée de l'engagement autour d'eux dans l'entreprise. Je ne vois pas où est la contradiction avec l'esprit du texte mais je respecte évidemment la position exprimée.
Je soutiens cet amendement que j'ai cosigné et qui va dans l'esprit de la loi sur l'adaptation de la société au vieillissement que nous avons adoptée. Nous avons beaucoup réfléchi à l'économie et à la société du troisième âge. Cet amendement est destiné à préparer ce passage très difficile de la vie active à la vie associative, dans le contexte d'un allongement de la durée de vie. Il va dans le sens de l'esprit de textes que nous avons déjà adoptés. Il me semble que Michèle Delaunay ne dirait pas mieux.
Après votre intervention, je comprends mieux la logique de l'amendement. Pour autant, les six jours de congés pour quelqu'un qui est déjà à 80 % ou à 50 % dans le cadre d'une cessation progressive d'activité représentent proportionnellement plus que pour un salarié à temps plein. Si je comprends la philosophie de l'amendement, je reste néanmoins sur ma position initiale. Mais nous pourrons en rediscuter, car les débats ne sont pas terminés.
Une fois n'est coutume, j'avoue que certains arguments utilisés changent la vision que nous pouvions avoir de cet amendement. Cependant, il revient à accroître considérablement la portée de la mesure. Sur le fond, je suis sensibilisé à vos arguments tout en n'étant pas totalement convaincu. Je propose que vous le retiriez pour que nous puissions en discuter d'ici à la séance, car votre objectif est pertinent et fait sens par rapport à l'esprit du texte.
Avis défavorable. Il me semble préférable de renvoyer à la négociation collective la possibilité d'étendre le congé au-delà des six jours prévus, comme le prévoit le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.
Devant cette insistance à relancer le dialogue social entre nous, je vais retirer l'amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CS1173 des rapporteurs.
Le présent amendement est de cohérence avec celui que nous avons adopté précédemment puisqu'il étend le congé prévu à l'article 8 aux fonctionnaires qui, à titre bénévole, exercent des responsabilités associatives et à ceux qui sont membres des conseils citoyens.
Je n'ai pas eu de réponse à ma question sur la différence de traitement entre les fonctionnaires et les salariés du privé qui n'ont pas le même temps de travail ni le même nombre de jours de congés. Les Français nous demandent pourtant d'augmenter la convergence entre le privé et le public. Souvenez-vous du débat que nous avons eu sur les jours de carence. Or nous faisons de nouveau une exception pour les fonctionnaires. Je me permets de le dire et de le répéter : il ne faudrait pas qu'il y ait trop de régimes très spéciaux et que les Français aient des traitements de plus en plus éloignés les uns des autres.
Votre démonstration, madame Le Callennec, est un peu contradictoire. Vous nous invitez à faire converger le public et le privé mais aussi à ne pas adopter cette disposition du projet de loi qui, précisément, organise la convergence. L'article 8 fixe la même règle de congés d'engagement que l'on soit salarié du public ou du privé. Que le nombre de jours de congés payés ne soit pas le même dans le public et le privé, c'est un autre sujet. L'absence de convergence porte sur les congés payés et non pas sur les congés d'engagement. C'est une raison supplémentaire pour que l'opposition vote avec nous en faveur de cet article 8.
Six jours pour le fonctionnaire et pour le salarié du privé alors qu'ils n'ont pas le même nombre de jours de congés dans l'année, ce n'est pas très équitable.
Le nombre de jours de congés n'est pas identique non plus pour tous les salariés qui travaillent dans le secteur privé. Dans certaines banques, les congés payés sont de sept semaines. Pour autant, va-t-on moduler le congé d'engagement en fonction de l'entreprise ? Dans ce cas-là, il n'y a plus de droit. C'est un texte pratique. Il a des fondements et des valeurs d'inspiration hautement républicaine, mais ses conséquences sont très pratiques. Pourquoi stigmatiserait-on la distinction entre le public et le privé alors que les études, notamment celles de l'INSEE, montrent que les écarts sont plus importants entre les entreprises du privé qu'entre les secteurs public et privé, en ce qui concerne les congés payés et les vacances ? Il s'agit d'un faux débat.
Quand je vois la manière dont les nouveaux exécutifs de droite diminuent le nombre de jours de congés dans les collectivités territoriales qu'ils dirigent, je pense que vous pouvez être rassurée, madame Le Callennec : avec votre volontarisme politique en la matière, nous allons parvenir à la convergence ! Dans mon département du Nord, les salariés du conseil départemental ont une semaine de congés en moins. En outre, la durée des congés n'est pas identique pour toutes les collectivités territoriales. Comment allez-vous faire la différence entre les uns et les autres ? La cohérence est de fixer un droit universel de six jours pour le congé d'engagement. Nous sommes donc favorables à l'amendement de la rapporteure thématique.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements CS660 et CS661 de Mme Michèle Bonneton tombent.
La Commission est saisie de l'amendement CS47 de M. Régis Juanico.
C'est un vieux combat que nous menons, Hervé Pellois et moi-même, à l'occasion de tous les textes qui nous sont proposés. L'article 8 s'adresse à la fois aux salariés du privé et du public, mais il existe une catégorie à part : les salariés des chambres d'agriculture qui sont régis par un système particulier qui n'est rattaché ni au code du travail ni au statut de la fonction publique. L'amendement vise à réintroduire cette catégorie particulière de salariés qui sont souvent lésés ou mis à l'écart des lois adoptées au Parlement.
Je suis plutôt favorable à votre amendement qui évite la création d'une inégalité entre les personnels administratifs consulaires et les autres agents publics.
Dans l'attente du travail juridique que nécessite la rédaction de cet amendement, je vous propose de le retirer. À défaut, j'y serai défavorable même si j'estime que le débat est légitime.
Prenons acte que le Gouvernement s'engage à travailler sur cet amendement d'ici à la séance.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CS664 de Mme Michèle Bonneton.
Le dispositif de l'article 8 suppose la possibilité pour les personnes qui ont une activité de bénévole au sein d'une association de pouvoir en faire la preuve. France Bénévolat a déjà pris les devants et créé un passeport bénévole qui semble donner de bons résultats. Ce passeport est soutenu par le ministère de l'éducation nationale, ceux de la santé et de la jeunesse et des sports, ainsi que par l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Il est reconnu comme pièce justificative pour les dossiers de validation des acquis de l'expérience (VAE) du ministère de l'éducation nationale et de l'AFPA. C'est en ce sens que nous souhaitons généraliser sa mise en place et lui donner un caractère légal.
Avis défavorable. L'objectif de l'amendement est satisfait par la création du compte engagement citoyen prévu dans la future loi Travail.
La question du passeport bénévole est récurrente et je connais le travail qui est fait par l'association évoquée. Cependant, dans la future loi Travail, nous créons un compte engagement citoyen et nous souhaitons ne pas multiplier les dispositifs pour ne pas compliquer les choses. Avis défavorable.
J'aimerais reposer la question à M. le ministre : comment le congé d'engagement que nous nous apprêtons à voter s'articulera-t-il avec le compte engagement citoyen du texte El Khomri, si d'aventure ce dernier est adopté en deuxième lecture ?
Ces questions d'articulation seront évoquées en séance publique. Nous veillerons à cette cohérence. Au travers de votre question, on sent bien votre volonté de stigmatiser ceux qui ont un engagement, ce que je regrette. Nous aurons donc un débat extrêmement intéressant et clivant, comme l'on dit, en séance publique.
Donner un passeport à l'engagement citoyen c'est lui accorder une vraie reconnaissance. Cet outil supplémentaire permettrait de mieux valoriser le compte engagement citoyen et de faciliter les choses. Pour moi, il n'y a pas de contradiction entre le passeport bénévole et le compte engagement citoyen, au contraire. Bien que n'étant pas la première signataire de cet amendement, je vais le retirer. Il se peut que ma collègue Michèle Bonneton souhaite le redéposer en séance.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'article 8 modifié.
Après l'article 8
La Commission est saisie de l'amendement CS722 de Mme Marie-George Buffet.
Deux raisons me poussent à retirer cet amendement. D'une part, l'amendement CS1117 des rapporteurs, qui renvoie à la négociation collective le soin de déterminer si le congé d'engagement donne lieu ou non au maintien de la rémunération du salarié qui en bénéficie, répond pour partie à notre préoccupation. D'autre part, je suis personnellement attaché au fait que l'on mesure l'impact de la mesure pour les très petites entreprises (TPE) que je connais particulièrement dans le territoire que je représente.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CS877 du Gouvernement.
C'est un amendement de mise en cohérence juridique de l'ordonnance de simplification avec la loi du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique.
Dans une France que le Gouvernement souhaite rassembler autour de ses valeurs républicaines, nous avons la chance d'avoir 1,3 million d'associations, 16 millions de bénévoles et des milliers de salariés qui, aux côtés des pouvoirs publics, agissent pour la cohésion sociale. Les associations sont des vecteurs indéniables de citoyenneté et d'égalité. Nous voulons promouvoir cet investissement bénévole en simplifiant les démarches, montages de projets et demandes de subventions.
C'est pourquoi, le choc de simplification initié par le Gouvernement en faveur des entreprises a été élargi aux associations. La publication, le 23 juillet 2015, de l'ordonnance portant simplification du régime des associations et des fondations, ratifiée en janvier 2016, marque la première étape en ce sens.
Cet amendement de mise en cohérence juridique permettra d'accélérer le processus d'appel public à la générosité. Nous pouvons trouver un accord global sur cette proposition.
Suivant l'avis favorable du rapporteur général et de la rapporteure thématique, la Commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CS1160 des rapporteurs.
Les associations peuvent, en application de l'article 261 du code général des impôts, rémunérer certains de leurs dirigeants, tout en conservant à leur gestion son caractère désintéressé, si elles remplissent un certain nombre de critères, ayant notamment trait au montant et à la provenance de leurs ressources. Ainsi, les ressources provenant de personnes publiques n'entrent pas dans le calcul des seuils financiers à partir desquels il est possible de rémunérer un ou plusieurs dirigeants.
Cependant, dans de nombreux cas de figure, les associations de jeunes gérées et animées par des jeunes ne parviennent pas à atteindre les seuils fixés par la loi s'il n'est pas tenu compte des ressources provenant des personnes publiques et sont, dès lors, dans l'incapacité de rémunérer leurs jeunes dirigeants, dont l'implication dans la vie de l'association est pourtant réelle.
Aussi, afin de permettre aux associations de jeunes de rémunérer certains de leurs dirigeants, le présent amendement prévoit que toutes les ressources dont elles bénéficient, de quelque nature qu'elles soient, sont prises en compte dans l'appréciation des seuils financiers prévus à l'article 261 du code général des impôts.
Cet amendement se justifie pleinement après les auditions approfondies de notre rapporteur thématique sur le sujet. Le problème auquel il répond a été soulevé par le mouvement associatif dans son ensemble et pas seulement par les associations de jeunes.
Je comprends l'intention des rapporteurs mais je dois émettre un avis défavorable.
La Commission adopte l'amendement.
Article 9 : Service civique des sapeurs-pompiers
La Commission est saisie de l'amendement CS709 de M. Noël Mamère.
La création d'un nouveau corps de sapeurs-pompiers en service civique est malvenue. Les services publics, d'autant plus qu'il s'agit de services liés à la sécurité et à l'intégrité de l'État, se doivent d'être exemplaires en matière d'emploi. Il ne peut être fait usage de ces contrats peu rémunérés – bien que formateurs – et ne relevant pas du droit du travail ni du code de la fonction publique.
Je suis en désaccord avec vous sur ce point. La création d'un engagement de service civique spécifique aux sapeurs-pompiers répond à une demande forte des jeunes, qui ont envie d'être beaucoup plus impliqués dans ces missions, et à la nécessité de promouvoir l'engagement de sapeurs-pompiers volontaires auprès de la population pour endiguer la baisse préoccupante de leurs effectifs. Il ne s'agit nullement de créer un nouveau corps de sapeurs-pompiers sous-qualifiés ; il s'agit de permettre à des jeunes de découvrir concrètement l'exercice de ces missions essentielles.
Quelle est la différence entre un service civique des sapeurs-pompiers et le statut actuel des jeunes sapeurs-pompiers volontaires ?
Les jeunes sapeurs-pompiers sont âgés de douze à seize ans, et n'ont en effet rien à voir avec le service civique. Et il y a aussi des sapeurs-pompiers volontaires. Je suis contre la suppression de cet article.
Dans le projet de loi que nous examinons, cet article est essentiel à la consolidation du service civique. Jusqu'à présent, les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) étaient agréés pour accueillir des jeunes en service civique. Cependant, ces jeunes échappaient à la fonction essentielle des sapeurs-pompiers : l'opérationnel.
Cet article a été rédigé en étroite collaboration entre le Gouvernement, le ministère de l'intérieur et la FNSPF pour donner un vrai contenu opérationnel à ces missions de service civique. Pour avoir participé, dimanche dernier, au congrès des sapeurs-pompiers volontaires de mon département, je peux vous dire qu'ils attendent avec impatience que nous prenions des dispositions pour réalimenter la pompe du volontariat puisque les volontaires représentent plus de 80 % des effectifs de pompiers en France.
Au cours de la précédente législature, avec notre collègue Pierre Morel-A-L'Huissier et dans un grand élan d'unanimité du Parlement, nous avions procédé à l'écriture du statut des sapeurs-pompiers, qui se situe quelque part entre le bénévolat et le salariat. C'est précisément un statut de volontaire. D'ailleurs, la loi de 2011 s'est beaucoup inspirée de ce que nous avions fait durant l'année précédente sur le statut du service civique, avec Martin Hirsch et en manifestant la même volonté de rechercher l'unanimité du Parlement.
Cet article est tout à fait essentiel pour crédibiliser le service civique, réalimenter les services de sapeurs-pompiers en volontaires, et assurer ainsi la sécurité civile dans notre pays. Il faut soutenir cet article à l'unanimité.
Avis défavorable. L'expérimentation du dispositif menée en Meurthe-et-Moselle a donné de très bons résultats. En permettant à des jeunes en service civique de trouver leur vocation et de s'engager dans les sapeurs-pompiers volontaires, on crée une chaîne de solidarité très intéressante.
Qu'entendez-vous par « formation initiale d'une durée maximale de deux mois » ? S'agit-il d'une période continue de deux mois ?
Non, ce sont deux mois de formation dans le cadre global du service civique.
L'amendement est retiré.
Puis la Commission adopte l'amendement rédactionnel CS1112 des rapporteurs.
Elle adopte ensuite l'article 9 modifié.
Article 10 : Extension du champ des organismes susceptibles d'accueillir des volontaires en service civique
La Commission examine les amendements identiques CS57 de M. Jean-Pierre Decool, CS700 de M. Noël Mamère et CS723 de Mme Marie-George Buffet.
Aux termes de la loi de 2010, seuls les organismes sans but lucratif de droit français ou les personnes morales de droit public sont éligibles au service civique. L'article 10 du projet de loi propose d'élargir l'agrément aux organismes HLM, aux sociétés publiques locales et aux sociétés dont l'État détient la totalité du capital. Cette volonté d'élargir l'agrément semble intéressante, mais la disposition pose la question de la nature des missions et de la qualité de l'encadrement des jeunes. L'amendement de suppression est plutôt un appel à revoir l'article.
Seules des personnes morales de droit public ou des associations doivent pouvoir bénéficier des services proposés par les jeunes dans le cadre du service civique. L'engagement des jeunes ne peut être mis au service de sociétés privées. C'est pourtant une dérive actuellement constatée, un certain nombre de services civiques ayant tendance à remplacer des contrats de travail. Il faut absolument réussir à maintenir cette belle initiative qu'est le service civique en encadrant strictement sa mise en oeuvre dans le service public.
Un service civique généralisé qui se substituerait à des emplois constituerait une trappe de précarité. Dans le même esprit, nous défendrons un amendement de suppression de l'article 12.
Avis défavorable. Il me semble que le texte a su trouver un équilibre entre, d'une part, la nature d'intérêt général des missions et, d'autre part, la nécessité de permettre la montée en charge du service civique, dont je rappelle qu'il doit bénéficier à 350 000 jeunes d'ici à trois ans.
Ce point important a fait l'objet de nombreux échanges avec les associations, qui nous ont en effet alertés sur les dérives ponctuelles. Le Gouvernement, ainsi que cette commission dans son ensemble, ont à coeur de conserver l'esprit du service civique en veillant à ce qu'il ne se substitue pas à de véritables emplois. Le texte comporte des garde-fous, des amendements seront présentés en ce sens, et la discussion se poursuivra en séance. Attention, en revanche, aux amendements qui viendraient casser la souplesse nécessaire au dispositif. Nous avons une responsabilité collective vis-à-vis de ce service civique qui marche et qui a survécu à l'alternance.
Certes, il ne faut laisser planer aucun soupçon sur l'utilisation du service civique. Mais s'il y a un problème aujourd'hui, il se pose dans nos banlieues, en particulier dans les zones en difficulté où il faut créer les conditions d'un échange au sein de la communauté dite « HLM ». Élargir l'agrément aux sociétés HLM est donc une très bonne chose, car cela permettra d'humaniser les rapports entre ces sociétés et les habitants. De la même manière, rendre éligibles au dispositif les sociétés publiques locales permettra d'instaurer un dialogue, par exemple dans le cadre des aménagements de quartiers populaires à la Martinique. Je suis donc contre la suppression de l'article.
Les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) ont-elles les moyens de contrôler les missions pour éviter tout risque de dérive ?
Effectivement, il faut humaniser certains quartiers, à condition que les sociétés HLM ne se livrent pas elles-mêmes à des dérives. Je ne voterai pas l'amendement de suppression de l'article, mais j'attends de connaître le sort qui sera réservé aux amendements après l'article 12 pour me prononcer.
Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l'article 10, pour trois raisons.
D'abord, un amendement à venir du Gouvernement vient conforter l'esprit de la loi de 2010, en confirmant qu'il ne peut y avoir substitution du service civique à des emplois.
Ensuite, dans la mesure où il y a actuellement quatre demandes de service civique pour une offre, il faut absolument étendre le champ des offreurs de service civique. Les offices de l'habitat, quel que soit leur statut, ont vocation à proposer des missions pour développer le lien social, notamment auprès des habitants. Autre exemple : le Palais de Tokyo, avec un capital 100 % public, peut valoriser l'accès à la culture grâce au service civique.
Enfin, les agréments sont délivrés par l'Agence du service civique et les services déconcentrés de l'État effectuent des contrôles fréquents. Toutes les conditions sont donc réunies pour permettre l'extension de l'offre du service civique dans notre pays.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement CS574 de M. Yves Blein.
Cet amendement vise à permettre aux entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS) d'accueillir des jeunes en service civique. L'agrément ESUS est extrêmement restrictif ; il garantit que l'organisme qui le détient est bien d'utilité sociale et que différents aspects liés à son activité sont conformes à l'éthique de l'économie sociale.
Avis favorable, sous réserve que le contrôle de l'Agence du service civique soit suffisamment efficace pour éviter, comme pour les autres structures agréées, toute substitution de missions de service civique à des emplois.
Même avis. Il y aura toujours, ici ou là, des dérives ou des tentatives pour contourner le dispositif ; Génération précaire, notamment, nous en a présentés. Mais le Gouvernement s'est engagé, le ministre vient d'annoncer un amendement à venir pour nous rassurer. Nous reviendrons sur les capacités de contrôle plus avant dans le débat, y compris en séance.
Avis défavorable. Pour l'essentiel, les ESUS sont des structures relevant du secteur associatif ou des fondations, qui sont déjà éligibles. L'amendement étend l'agrément aux ESUS de droit privé, soit environ 1 500 organismes. Le Gouvernement s'oppose à l'octroi de l'agrément à ces entreprises de droit privé pour deux raisons. D'une part, si l'entrepreneur choisit un statut de droit privé, alors l'organisme poursuit un but lucratif, ce qui l'éloigne de l'objectif même du service civique. D'autre part, l'agrément à une entreprise de droit privé à but lucratif constituerait une aide d'État au sens du droit communautaire, et il devrait être préalablement déclaré, d'où un risque de contentieux.
J'entends le second argument, mais moins le premier. En effet, le projet de loi étend l'agrément aux bailleurs, qu'ils soient de droit public ou de droit privé : le statut de droit privé ne sous-entend pas le but lucratif.
Mon amendement concerne un nombre restreint de structures, mais beaucoup d'entre elles s'intéressent à l'insertion et n'ont pas forcément le choix de leur statut : le statut commercial d'une entreprise d'insertion, par exemple, est plutôt dicté par son environnement fiscal et réglementaire. En tout cas, l'agrément ESUS est extrêmement restrictif et donne accès à des fonds destinés à l'économie sociale et au développement durable, qui viennent financer des projets d'intérêt général. D'où l'intérêt d'élargir l'agrément à toutes les ESUS.
L'adoption de cet amendement ouvrirait une boîte de Pandore : où serait la frontière dans le choix des structures privées à but lucratif ? L'esprit du service civique tel qu'il a été imaginé par Martin Hirsch doit être conservé.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CS548 de Mme Audrey Linkenheld, qui fait l'objet du sous-amendement CS1175 du Gouvernement.
L'amendement CS548 tend à préciser que les structures agréées s'engagent à contribuer à l'objectif de mixité sociale et éducative du service civique, que ses initiateurs avaient conçu comme un moyen de faire se rencontrer des jeunes issus de tous horizons et de tous niveaux.
Cette disposition va dans le bon sens. Toutefois, interdire le recrutement des jeunes sur curriculum vitae paraît peu praticable ; je préfère mettre l'accent sur un recrutement à la motivation.
Par ailleurs, une convention avec l'État risquerait d'alourdir le processus, alors que l'objectif est la montée en charge du dispositif, avec une demi-génération en service civique d'ici à 2018. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement CS1175.
Certes, le recrutement des jeunes ne doit pas se faire sur leur CV, mais d'autres méthodes que celle-là permettent de discriminer les jeunes. Par contre, il est essentiel d'insister sur la notion de mixité sociale. Je suis donc favorable à l'amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
L'avis sur l'amendement tel qu'exprimé par le Gouvernement illustre parfaitement sa volonté de ne laisser subsister aucun doute sur le fait que le service civique ne peut se substituer à l'emploi. Nous ne sommes pas que dans des déclarations d'intention !
L'objectif de l'amendement est louable : c'est l'entretien qui doit être privilégié afin de ne laisser aucun jeune de côté.
La Commission adopte le sous-amendement.
Puis elle adopte l'amendement sous-amendé.
Elle discute de l'amendement CS1146 des rapporteurs.
Le présent amendement a pour objet d'ouvrir aux fondations d'entreprise la possibilité de recevoir l'agrément de service civique. Dès lors que de telles fondations sont constituées en vue de réaliser une oeuvre d'intérêt général, elles doivent pouvoir proposer des missions de service civique.
Pourquoi étendre l'agrément aux fondations privées ? Ne faudrait-il pas circonscrire l'extension de l'agrément aux fondations qui réalisent une mission d'intérêt public ?
Lors de l'examen de la loi 2010, nous avions décidé – droite et gauche réunies – que les fondations d'entreprise ne pourraient pas recevoir d'agrément pour organiser le service civique. Êtes-vous prêts à imaginer des jeunes en service civique vêtus d'un T-shirt portant les inscriptions « République française-service civique » sur le devant et « Fondation Total » dans le dos pour aller nettoyer des plages après une marée noire ?
C'est l'abominable majorité à laquelle j'appartenais qui a inventé le service civique. Le propos de Bernard Lesterlin est frappé au coin du bon sens.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement. Les fondations sont, par nature, d'utilité publique ; les fondations d'entreprise ont été écartées, à juste titre, de la loi de 2010.
L'argument selon lequel il ne faut pas toucher à la loi initiale ne tient pas. Sinon, pourquoi, étendre l'agrément aux HLM et aux ESUS ? Et globalement, pourquoi introduire les articles 9 à 13 ?
Les fondations sont soutenues par la puissance publique dans la mesure où l'argent qu'elles reçoivent fait l'objet de mesures fiscales préférentielles. À travers ces mesures, l'État reconnaît déjà qu'elles contribuent à l'intérêt général. La Fondation Total réalise un travail remarquable de protection des espèces marines, des coraux par exemple : c'est sa mission première. Pourquoi des jeunes passionnés par la biodiversité et sa protection ne pourraient-ils pas participer à ses activités dans le cadre du service civique ?
En 2010, nous avions prévu un dispositif pour 20 000 ou 30 000 jeunes volontaires et un budget de moins de 100 millions d'euros ; aujourd'hui, nous visons la moitié d'une classe d'âge en 2018 et un budget qui devrait dépasser le milliard d'euros. Je ne connais pas beaucoup de budgets qui auront été multipliés par dix en six ans ! À mon avis, le plus important est de définir ce que nous entendons mettre dans une mission d'intérêt général de qualité, plutôt que l'organisme support qui reçoit les jeunes volontaires, même si je reste prudent sur les fondations d'entreprise. Le secteur du logement, les sapeurs-pompiers, la transition énergétique, les solidarités intergénérationnelles, constituent un gisement qui permettra de réduire l'écart entre le nombre de demandes et le nombre d'offres de missions de service civique.
Je trouve anormal que l'État utilise l'argent public pour mettre à disposition d'entreprises, qui ne manquent pas de moyens, des jeunes en service civique. La Fondation Total est tout de même capable d'assumer elle-même l'accueil et la prise en charge de jeunes !
L'État dépense déjà beaucoup d'argent par le biais de la défiscalisation des bénéfices qui alimentent ensuite la fondation. Il n'a pas à refaire un effort à travers le service civique.
Ce n'est pas parce que l'État permettrait à ces fondations d'accueillir des jeunes en service civique qu'il les financerait. Elles n'en ont pas besoin. Alors que très peu de collectivités locales font l'effort d'accueillir des jeunes, il serait dommage d'empêcher les fondations d'entreprise de le faire, sous le contrôle de l'Agence du service civique. Je pense qu'un certain nombre de jeunes seraient intéressés de participer au développement des énergies nouvelles en Afrique subsaharienne dans le cadre de la fondation EDF.
On ne peut pas comparer les organismes HLM, l'économie sociale et solidaire et les collectivités territoriales aux grandes fondations qui sont adossées à des groupes du CAC 40 ! Ces fondations sont aidées par l'État et elles ont largement les moyens d'accueillir des jeunes. Cet amendement va donner prise aux inquiétudes liées à la substitution du service civique à l'emploi. J'invite la rapporteure à le retirer !
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS1147 des rapporteurs.
Le présent amendement a pour objet d'assurer une distinction plus nette entre le travail salarié et le service civique, en prévoyant que l'agrément des personnes morales se fait également sur la base du caractère non substituable à l'emploi des missions proposées dans le cadre du service civique.
Avis favorable. Cet amendement va dans le sens de celui que je défendrai tout à l'heure.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements CS452 rectifié et CS451 rectifié de M. Bernard Lesterlin tombent.
La Commission adopte l'article 10 modifié.
La séance est levée à vingt heures cinq.