COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 29 janvier 2014
La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Patrick Gille, le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale (n° 1721).
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de M. Jean-Patrick Gille, du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale (n° 1721). Je vous rappelle que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte ; adopté mercredi dernier en conseil des ministres, il sera discuté en séance publique dès le 5 février prochain.
Je remercie de leurs efforts le rapporteur et les parlementaires, majorité et opposition confondues, mais aussi les services de la Commission, qui ont dû travailler ce texte particulièrement complexe dans ces délais extrêmement resserrés. Vous savez ce que je pense de ces calendriers très contraints – je m'en suis d'ailleurs expliquée encore une fois ce matin sur une chaîne de radio.
L'audition de M. le ministre, la semaine dernière, a tenu lieu de discussion générale : nous pouvons donc passer directement à l'examen des articles.
La Commission en vient à l'examen des articles.
TITRE Ier FORMATION PROFESSIONNELLE ET EMPLOI
Chapitre Ier Formation professionnelle continue
Article 1er : Mise en oeuvre du compte personnel de formation
La Commission examine d'abord l'amendement AS271 de M. Lionel Tardy.
Je ne suis pas friand, vous le savez, de bavardage législatif : l'alinéa 2 de cet article ne revêtant aucune portée normative, je propose de le supprimer.
Sur le principe – clarification et simplification –, je ne peux qu'être d'accord. Toutefois, ici, il ne me semble pas qu'il s'agisse de bavardage sans portée : en particulier, la précision « jusqu'à la retraite » est importante, comme le montrera l'amendement suivant de Mme Fraysse.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS52 de Mme Jacqueline Fraysse.
Je propose effectivement qu'un salarié qui n'aurait pas épuisé son compte personnel de formation (CPF) lorsqu'il prend sa retraite puisse encore en bénéficier pendant une année. Il pourrait ainsi se former pour participer, par exemple, à des activités dans le domaine de l'économie sociale et solidaire.
Avis défavorable. Le CPF s'adresse aux actifs, et même en priorité à ceux qui en ont le plus besoin. Il n'a pas vocation à former les retraités. On peut d'ailleurs imaginer qu'à l'approche de la retraite, ceux qui n'auraient pas utilisé tous leurs droits le feront.
Je regrette le refus du rapporteur. L'activité des retraités est très importante dans notre société, et il serait injuste de priver des salariés d'un droit acquis par des années de travail ; de plus, les heures ainsi perdues ne bénéficieront à personne d'autre. Un délai d'un an après la retraite pour utiliser les heures restantes paraît donc raisonnable et juste.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle se saisit de l'amendement AS528 du rapporteur.
Cet amendement précise que le compte personnel de formation a notamment pour objectif de permettre à ceux qui en ont besoin d'acquérir un premier niveau de qualification, ce qui constitue pour nous une priorité. Depuis 2003, les partenaires sociaux ont en effet fixé un objectif : au cours de sa vie professionnelle, chaque salarié doit pouvoir accéder à une qualification ou progresser d'un niveau de qualification.
Cela signifie-t-il que l'accès à un deuxième ou à un troisième niveau de qualification est exclu ?
Non, absolument pas : il est également dit dans cet alinéa que le compte personnel contribue au développement des compétences et des qualifications.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS495, également du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement AS113 de Mme Fanélie Carrey-Conte.
Cet amendement vise à appeler l'attention sur un public pour lequel la formation présente un intérêt majeur : les personnes engagées dans un processus d'insertion et, notamment, les salariés des structures de l'insertion par l'activité économique (IAE). Je souhaite donc qu'il soit explicitement précisé que le droit au compte personnel de formation est ouvert aux salariés engagés dans un parcours d'insertion, quels que soient les contrats, les structures et les statuts.
Je comprends votre intention, mais cette précision me semble ici inutile, voire maladroite : les personnes relevant de l'IAE sont considérées comme des salariés, il n'y a donc pas lieu de les mentionner explicitement.
Je retire l'amendement, mais il sera important de rappeler en séance publique que tous les salariés, y compris ceux de l'IAE, sont concernés par cette loi.
L'amendement AS113, ainsi que l'amendement de cohérence AS301 de Mme Carrey-Conte, sont retirés.
La Commission examine alors l'amendement AS84 de M. Michel Piron.
Le groupe UDI proposera à l'article 6 d'ouvrir l'accès à l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans. Par cohérence, nous proposons ici que le bénéfice du CPF soit ouvert, pour les jeunes concernés, dès cet âge. Je rappelle que l'apprentissage peut commencer en Allemagne dès treize ans, et que ce pays compte 1,6 million d'apprentis, quand nous n'en avons que 430 000.
Avis très défavorable. Je suis opposé à l'apprentissage dès quatorze ans, mais c'est un débat que nous aurons un peu plus avant dans la discussion du texte. S'agissant précisément du CPF, j'étais pour ma part favorable à ce qu'il soit ouvert à tous à seize ans, à la fin de l'obligation scolaire ; mais, comme il existe une dérogation permettant d'entrer en apprentissage à quinze ans, le CPF doit pouvoir être ouvert dès quinze ans, pour éviter toute discrimination.
L'amendement me paraît intéressant. Dès lors qu'il existe un contrat de travail, même dérogatoire, un compte personnel de formation doit être ouvert. Mais ne serait-il pas finalement plus simple de supprimer toute référence à l'âge et d'écrire « dès la signature d'un contrat de travail » ?
Je partage la position du rapporteur : simplifions et ne multiplions pas les limites d'âge diverses. Quant à l'exemple allemand, il n'est pas nécessaire de le suivre systématiquement !
La référence est-elle ici la date d'anniversaire de l'apprenti, ou bien s'agit-il de l'âge atteint au cours de l'année civile ? La situation est souvent confuse.
Monsieur Liebgott, vous qui êtes mosellan comme moi, vous savez que le dispositif du pré-apprentissage en vigueur chez nous a très bien fonctionné. Beaucoup de TPE et de PME cherchent des ouvriers qualifiés, et l'apprentissage est le dispositif idéal pour en former. Pourquoi ce qui a donné satisfaction ici ne le ferait-il pas à nouveau ailleurs ?
Je suis, je le répète, très défavorable à l'apprentissage dès quatorze ans ; en revanche, la modification rédactionnelle proposée par M. Cherpion me paraît judicieuse et propre à simplifier le texte : je lui propose donc d'y réfléchir ensemble.
Les élèves qui n'ont pas encore quinze ans à la rentrée sont exclus de l'apprentissage : ne peut-on pas leur ouvrir cette possibilité ?
Cette mesure figurait dans la loi Cherpion, que nous avons corrigée, car cela introduisait de facto l'apprentissage à quatorze ans ; je sais que vous avez vous-même déposé une proposition de loi sur ce sujet.
La règle, c'est qu'il ne peut pas y avoir de contrat d'apprentissage avant quinze ans révolus ; le problème que vous signalez se pose donc pour les élèves atteignant cet âge après la date de la rentrée scolaire. Une circulaire de l'éducation nationale précise qu'ils peuvent être accueillis dans les centres de formation d'apprentis (CFA) dès la rentrée, mais qu'ils ne peuvent signer leur contrat que lorsqu'ils ont effectivement atteint quinze ans. J'ai toutefois le sentiment que cette circulaire est mal comprise et mal appliquée ; peut-être faudra-t-il en reprendre certains éléments au niveau législatif.
J'aimerais être associé au travail sur ce qui est après tout mon amendement…
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas vous étonner du fait qu'une circulaire qui va à l'encontre de la loi ne soit pas appliquée !
Cette circulaire pose effectivement problème, car elle met en place une véritable usine à gaz… Mais le rapporteur a raison : c'est un débat que nous aurons plutôt à l'article 6.
L'amendement AS84 est retiré.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ensuite l'amendement AS53 de Mme Jacqueline Fraysse.
Puis elle examine l'amendement AS496 du rapporteur.
Cet amendement précise que le refus de mobiliser le compte ne peut jamais constituer une faute : c'est au titulaire que revient la décision d'utiliser, ou non, les heures acquises. Le CPF doit permettre de renforcer la négociation sur la formation au sein de l'entreprise, et le dialogue direct entre l'employeur et le salarié ; mais il faut aussi éviter que des pressions ne s'exercent sur un salarié pour l'obliger à utiliser ce compte contre son gré.
Cet amendement me semble poser problème : il s'applique au cas d'un salarié, mais pas à celui d'un demandeur d'emploi.
Se pose aussi le problème de l'abondement du compte : pour un demandeur d'emploi, est-il obligatoire ou pas ? Comment le demandeur d'emploi peut-il se tourner vers la collectivité susceptible d'abonder le compte ?
Il est important, je crois, de définir les fautes : ici, vous définissez au contraire ce qui n'en constitue pas une. Cela me paraît une démarche dangereuse : faudra-t-il énumérer tout ce qui ne constitue pas une faute ? De plus, pourquoi écrire « jamais » ? Un simple « pas » suffit.
Faut-il activer en premier les dispositifs de formation aujourd'hui existants, ou bien le CPF ? Cet amendement montre que la réponse à cette question n'est pas claire.
Si, justement, l'amendement répond à cette question !
Monsieur Cherpion, vous avez raison, je pensais ici plutôt aux salariés. Mais c'est encore plus vrai pour les demandeurs d'emploi : Pôle emploi peut au bout d'un certain temps quasiment obliger un demandeur d'emploi à accepter une formation – ce que nous ne remettons absolument pas en cause –, mais il ne sera pas possible de le contraindre à utiliser pour cela son compte. En quelque sorte, le compte personnel de formation est la propriété de chacun : c'est un argument auquel vous devriez être sensibles…
La modification de « jamais » en « pas » me paraît en revanche acceptable. Je propose de rectifier l'amendement en ce sens.
Effectivement, le mot « pas » suffit. Je précise toutefois que l'on trouve déjà dans le code du travail des articles qui précisent que l'exercice d'un droit ne constitue pas une faute. Il est parfois nécessaire d'insister lourdement…
Je soutiens cet amendement, car il faut éviter les pressions de Pôle emploi et des employeurs : le CPF est individuel et appartient à son titulaire qui est libre de le mobiliser comme il l'entend. C'est une avancée qui résulte de l'accord signé par les partenaires sociaux.
La substitution de « pas » à « jamais » est effectivement judicieuse. En revanche, si nous sommes d'accord sur le fond, il me semble indispensable de modifier la rédaction pour que l'amendement s'applique bien aux demandeurs d'emploi comme aux salariés.
Votre préoccupation est satisfaite : nous en sommes ici aux principes généraux, qui s'appliquent à tous.
La Commission adopte l'amendement AS496 rectifié.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AS497 du rapporteur, tendant à remplacer le mot « bénéficiaire » par le mot « titulaire ».
Elle examine en discussion commune les amendements AS116 de M. Francis Vercamer et AS185 de M. Gérard Cherpion.
L'accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre dispose que le compte personnel de formation doit pouvoir être mobilisé par le salarié après la rupture de son contrat de travail, sauf si cette rupture résulte d'une faute lourde. Cette dernière clause n'a pas été reprise dans la loi : je propose de l'y ajouter.
Mon amendement tend à la même fin. Cet ajout serait conforme à la volonté des partenaires sociaux.
Avis défavorable. Cette disposition serait non seulement contraire à l'esprit du compte – les crédits d'heures s'accumulent automatiquement sur le CPF, à l'image en quelque sorte de ce qui se passe pour les droits à congé payé –, mais elle créerait de grandes complications et serait une source inépuisable de contentieux.
C'est un peu fort de café ! M. le ministre a dit vouloir respecter l'accord ; le Gouvernement et la majorité ne peuvent pas choisir certaines clauses et en écarter d'autres. Cette clause figure noir sur blanc dans l'ANI. Je rappelle tout de même qu'une faute lourde est une faute qui a pénalisé l'entreprise : il est logique que celle-ci récupère les heures versées au CPF, car elle a subi un préjudice.
Le compte est activé à la demande expresse de son titulaire. Que se passe-t-il si cette activation n'est pas intervenue au bout de neuf ans ? Le compte est-il remis à zéro ?
Est constitutive d'une faute lourde, je le rappelle, une faute commise dans l'intention de nuire à l'employeur.
D'autre part, monsieur le rapporteur, un salarié licencié pour faute lourde est privé de l'indemnité compensatrice de congés payés : comment pourrait-il en être autrement avec le compte personnel de formation ?
Votre position est un déni de l'ANI, qui précise, au nom du parallélisme des formes, que les droits doivent être débités du compte en cas de faute lourde.
La faute lourde se définit effectivement selon les termes que vous avez rappelés, madame Louwagie, mais ses conséquences sont doubles : d'une part la perte des droits à l'indemnité compensatrice de congés payés, mais seulement pour la période de référence en cours ; de l'autre, la possibilité, pour l'employeur, de demander au salarié des dommages et intérêts en engageant une action en responsabilité. Je rappelle également qu'un salarié peut avoir accumulé des points sur le CPF auprès de plusieurs employeurs successifs : il serait abusif de le priver de l'ensemble de ses droits. Enfin, l'amendement contrevient au principe, constant dans le droit du travail, de l'interdiction des sanctions pécuniaires.
Nous devons respecter l'esprit de l'ANI, mais pas forcément le retranscrire mot pour mot : dans le cas contraire, autant abolir le Parlement !
L'amendement AS185 précise bien, monsieur Robiliard, que les heures concernées sont celles « portées […] au titre de l'exécution du contrat de travail qui a donné lieu à licenciement […] », non les heures acquises à travers d'autres contrats de travail.
Comment expliquer à un salarié privé de l'indemnité compensatrice de congés payés – laquelle peut atteindre un mois et demi de salaire – qu'il ne le sera pas des droits acquis au titre du CPF ? Une telle discordance aurait des effets déstabilisateurs sur ses relations avec l'employeur.
Mon amendement AS185 est bien rédigé dans les termes que vient de rappeler Mme Louwagie. Je relève d'autre part que, si l'employeur manque à certaines de ses obligations légales vis-à-vis d'un salarié, il se verra obligé d'abonder son CPF de 100 heures supplémentaires. Le parallélisme des formes exige qu'une faute lourde commise par le salarié se répercute sur son compte.
À moins de préciser que la mesure ne vise que les heures non utilisées, il faudrait récupérer, d'une façon ou d'une autre, celles qui l'ont été. Ce serait une source de complexité inutile au vu de la rareté des fautes lourdes que, pour cette raison, le projet de loi n'évoque pas : évitons de multiplier les sources de contentieux, et tenons-nous en à des principes simples.
Le législateur doit envisager tous les cas, monsieur le rapporteur, y compris et peut-être surtout lorsqu'ils sont rares, car ils peuvent alors être matière à discussion.
Une faute lourde ne remet pas en cause la qualité du travail d'un salarié qui aurait passé deux ou trois décennies au sein d'une entreprise. Parlons-nous de punition ou de droit ? Dans la seconde hypothèse, il faut se ranger aux arguments du rapporteur.
Le texte institue quasiment une nouvelle branche de la sécurité sociale : ne rendons pas sa gestion plus complexe qu'elle ne le sera, surtout qu'en l'espèce, les cas sont très rares. J'ajoute qu'un salarié licencié a besoin de formation pour retrouver un emploi.
La Commission rejette successivement les amendements AS116 et AS185.
Puis elle adopte successivement deux amendements du rapporteur : AS498, rédactionnel, et AS499, rectifiant une erreur de référence.
Elle en vient à l'amendement AS169 de M. Lionel Tardy.
L'alinéa 24 permet à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées, l'AGEFIPH, d'abonder le CPF en heures complémentaires lorsque la durée de la formation éligible au compte est plus longue que le nombre d'heures qui s'y trouvent inscrites ; en ce sens, il ne transpose qu'incomplètement l'article 27 de l'ANI, aux termes duquel « les signataires […] demandent au conseil d'administration de l'AGEFIPH d'étudier les conditions et les modalités permettant d'abonder le compte personnel de formation pour les bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs en situation de handicap, dans le respect de ses missions. Cet abondement peut notamment prendre la forme d'actions de compensation du handicap ou d'actions de formation préparatoire. »
Cet alinéa n'est pas assez précis, car l'ANI laisse au conseil d'administration de l'AGEFIPH, et à lui seul, le soin d'étudier les conditions et les modalités de cet abondement, lesquelles doivent également être appréciées au regard des missions et du budget de l'institution. Ce point doit être précisé par voie réglementaire.
Cet amendement ne laisse pas de m'étonner, au vu du souci de simplification qui anime en général son auteur.
Les alinéas 16 à 24 dressent la liste des organismes autorisés à abonder le CPF en heures complémentaires : pourquoi la précision que vous préconisez, monsieur Tardy, ne s'appliquerait-elle pas à chacun d'entre eux ?
Parmi ces organismes figure, à l'alinéa 21, « l'État ». Quelles institutions vise-t-on précisément ?
Préciser ce point n'est pas sans intérêt. « L'État » tout court, cela n'a guère de sens... Concrètement, à quelle porte les demandeurs d'emploi, par exemple, pourront-ils frapper pour obtenir un abondement de leur compte ?
Les alinéas visés dressent seulement la liste des intervenants qui peuvent abonder le CPF en heures complémentaires. Ces abondements seront décidés ultérieurement, dans le contexte budgétaire contraint que vous connaissez. Renvoyer à la personne morale de l'État laisse toute latitude pour définir ensuite les financeurs à solliciter. L'article 1er, je le rappelle, définit seulement les principes généraux.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS500 du rapporteur.
Le CPF, différent en cela du droit individuel à la formation, n'ouvre droit qu'à des formations bien définies, dont les alinéas 26 à 31 établissent la liste. Mon amendement tend à les remplacer par sept nouveaux alinéas, qui ne modifient en rien le « vivier » dans lequel puiser.
Je propose, en premier lieu, que soient éligibles, non seulement les formations qualifiantes, mais aussi celles « visant à acquérir le socle de connaissances et de compétences défini par décret » : pour marquer qu'il s'agit d'une priorité absolue, cette précision fait l'objet du grand I, les autres formations étant ensuite énumérées dans le grand II.
Enfin, je souhaite, dans le grand III, ajouter aux formations éligibles celles « visant l'accompagnement à la préparation de la validation des acquis de l'expérience (VAE) ». Bien que cette disposition ne figure pas dans l'ANI, elle me semble conforme à l'esprit du CPF.
La prise en compte des formations « visant à acquérir le socle de connaissances et de compétences » me paraît être une ouverture importante ; cependant, je m'interroge sur la définition de ce socle par décret : que peut-on en attendre ?
Les demandeurs d'emploi comme les salariés peuvent d'ores et déjà accéder à des formations leur permettant d'acquérir un socle de connaissances et de compétences. En auront-ils toujours la possibilité sans activer leur CPF ?
Une ambiguïté demeure sur son caractère facultatif ou obligatoire. Ne pourrait-on préciser que les intéressés n'activeront leur compte que s'ils le souhaitent, tout en conservant par ailleurs le bénéfice de leurs droits actuels ? L'exposé sommaire de l'amendement indique que « ces formations peuvent être suivies, au titre du CPF, pendant le temps de travail même sans l'accord de l'employeur ». Qui remplacera un salarié indisponible parce qu'il suit une formation ? Les dispositifs mentionnés par l'exposé sommaire existent déjà dans le droit actuel : je ne vois donc pas comment vous entendez les articuler avec le CPF.
Les partenaires sociaux, soucieux de rigueur, ont souhaité que seules soient éligibles les formations qualifiantes. Ils n'ont donc pas proposé la même chose que vous, à savoir ce capharnaüm où chacun pourra trouver son compte !
Puisque nous en sommes aux principes, il ne me semble pas juste qu'une formation suivie pour sortir de l'illettrisme soit imputée sur le CPF. Aujourd'hui, 8 % de nos concitoyens souffrent de ce fléau, qu'il revient aux pouvoirs publics de combattre. Le CPF, lui, a vocation à être utilisé pour des formations qualifiantes. Je suis donc résolument opposée à cet amendement.
Comme l'a souligné madame la présidente elle-même, le temps dont nous avons disposé pour examiner ce texte a été inversement proportionnel à sa complexité.
Les titulaires d'un CPF pourront, dit-on, l'utiliser comme ils l'entendent ; mais, une fois posé ce principe, des listes viennent borner cette liberté en limitant les formations éligibles. L'amendement est donc lourd de conséquences pour l'ensemble du dispositif.
Sur le fond, je ne suis pas défavorable à un accompagnement dans la préparation à la VAE, mais c'est le système de la VAE dans son ensemble qu'il faut revoir : ce n'est pas au détour d'un amendement qu'on peut le faire. Je voterai donc contre celui qui nous est soumis.
Je comprends l'esprit de cet amendement, qui vise à ouvrir le CPF à ceux qui en ont le plus besoin. Cependant, comme l'a observé Mme Fraysse, les formations les plus fondamentales relèvent des seules politiques publiques ; en l'occurrence, on voit mal comment concrétiser les grands principes énoncés par le texte.
Le rapporteur prend décidément des libertés avec l'ANI, aux termes duquel les formations éligibles au CPF sont « obligatoirement – j'insiste sur cet adverbe – des formations qualifiantes correspondant aux besoins de l'économie prévisibles à court et moyen terme ».
De plus, examiner un tel projet de loi avant la réforme de la décentralisation revient à mettre la charrue avant les boeufs, tant les régions, véritables moteurs du développement économique, doivent aussi l'être en matière de formation professionnelle. Celle-ci mérite, plutôt que les rustines que l'on nous propose, une véritable réforme systémique : nous ne voterons pas contre ce projet de loi issu d'un accord entre les partenaires sociaux, mais la lettre de cadrage que le Gouvernement leur avait adressée aurait dû insister sur l'exigence d'orienter la formation vers les besoins de l'économie réelle à court et moyen termes. Nous aurons à nouveau ce débat dans l'hémicycle.
L'un des objectifs de la réforme est d'ouvrir la formation professionnelle aux personnes sans qualification, ou d'un niveau de qualification très faible, comme celles qui occupent des emplois de manutentionnaire, par exemple. Tout moyen pouvant contribuer à la lutte contre l'illettrisme est bon : le CPF en est un. Au reste, sans connaissances de base suffisantes, il est impossible de recevoir une formation qualifiante. En ce sens, l'amendement s'inscrit dans la logique de l'ANI.
S'agissant des listes, il ne s'agit à ce stade que de poser des principes généraux : les modalités de leur définition ne seront fixées que dans un second temps.
Enfin, si l'on peut s'interroger sur une éventuelle réforme de la VAE, l'amendement ne porte que sur le financement des formations destinées à la préparer. Sur ce point aussi, l'amendement me semble suivre le bon chemin, même si l'accompagnement relève davantage d'une assistance à la préparation que d'une formation visant, par exemple, à compléter les acquis de l'expérience. Je suggère donc de simplifier la rédaction du III pour écrire : « L'accompagnement à la préparation de la validation des acquis de l'expérience mentionnée à l'article L. 6313-11 est également éligible au compte personnel de formation, dans des conditions définies par décret. ».
La possibilité d'utiliser le CPF pour accéder à des dispositifs parfois coûteux, comme la préparation à la VAE, nous semble une bonne chose.
Cela dit, l'adoption du présent amendement ferait tomber notre amendement AS226, qui tendait à compléter l'alinéa 31 par les mots : « ou engagées dans un parcours d'insertion sociale et professionnelle ». En effet, les départements financent des contrats d'insertion et les formations reçues par ceux qui en bénéficient nous semblent donc devoir être éligibles au CPF ; faute de quoi, des personnes en recherche d'emploi seraient exclues du dispositif.
La VAE peut revêtir des formes diverses en fonction des parcours professionnels. Si un technicien, par exemple, peut assez facilement y recourir pour devenir technicien supérieur ou ingénieur, il en va différemment pour d'autres salariés, pour lesquels cette validation des acquis ne peut être obtenue qu'au terme d'un parcours long et difficile : ainsi en est-il par exemple des personnes handicapées accueillies dans des entreprises adaptées proposant des VAE. Il vaut donc la peine que nous examinions de près cette question du financement de l'accompagnement.
Aujourd'hui, l'accompagnement des demandeurs d'emploi vers la VAE est assuré par les conseils régionaux, sans qu'ils y soient obligés.
Sur le fond, mon amendement change peu de chose.
Monsieur Vercamer, vous avez mal lu l'ANI qui crée le compte personnel de formation pour faciliter l'accès non seulement aux formations qualifiantes, mais aussi aux tout premiers niveaux de qualification, en particulier au socle de connaissances et de compétences, sans lequel aucune autre qualification n'est possible. Dans ce cas, l'ANI crée même en quelque sorte un droit opposable, madame Fraysse. Vous craignez qu'on ne laisse les demandeurs de formation se débrouiller au prétexte qu'ils ont un CPF, mais l'employeur ne pourra pas s'opposer à leur demande et il sera tenu de maintenir leur rémunération. Il s'agit donc d'une mesure progressiste. Le CPF ne remet en cause aucun des dispositifs existants, mais il permet au titulaire qui n'aurait pas été satisfait de sa prise en charge par l'entreprise ou par Pôle emploi de prendre l'initiative d'une formation, puisque, aux termes de l'ANI, « l'utilisation du CPF sur le temps de travail est de droit pour une action de formation engagée par le salarié […] pour acquérir le socle de compétences… ».
Comme cela n'allait pas de soi – vous-même ne l'avez pas vu –, j'ai réécrit une partie de l'article 1er pour préciser les formations éligibles. Peut-être aurait-il fallu deux amendements, pour scinder les débats. En tout cas, je n'ai rien changé, sinon que j'ai ajouté l'accompagnement à la VAE qui doit pouvoir être obtenu sans rien demander à personne, comme les formations permettant d'acquérir le socle de compétences qui étaient déjà incluses dans le projet de loi et que je n'ai fait que mettre en évidence.
Ma réflexion se poursuit à la lumière des échanges que nous avons. Surmonter l'illettrisme doit prendre plus ou moins de temps selon les personnes, mais, sachant qu'il faut cinq ans pour voir son compte crédité de 100 heures, cela signifie que les personnes en situation d'illettrisme devront attendre longtemps avant d'espérer vaincre leur terrible handicap. Pourront-elles ensuite suivre une formation qualifiante alors que ce sont précisément elles qui ont le plus besoin de se former ?
Attention, les dispositifs de lutte contre l'illettrisme ne relèvent pas tous du CPF. Les collectivités en proposent qui sont ouverts à tous.
Est-on sûr que les titulaires du revenu de solidarité active en parcours d'insertion, qui sont pris en charge par les départements au titre de l'aide sociale, et non par la région au titre de la formation professionnelle, seront éligibles à toutes les formations figurant sur la liste ?
Oui. Le titulaire d'un compte en dispose librement. L'idée est de laisser les mains libres aux personnes qui veulent « s'en sortir » et acquérir le socle de connaissances ; elles n'auront même pas besoin de l'accord de Pôle emploi. Au-delà, elles seront tributaires des instances qui paient le complément, mais elles auront accès aux formations de la liste. Quant aux formations organisées par les conseils généraux, elles sont évidemment financées.
Madame Fraysse, pour les formations qualifiantes, vous avez de toute façon besoin d'un abondement et c'est celui qui accorde cet abondement qui décide, région ou autre financeur. L'important, c'est de ne pas avoir besoin de demander l'avis de tel ou tel tant qu'on puise dans son compte pour suivre une formation de la liste.
Quant au décret, les partenaires sociaux y travaillent dans le cadre d'un appel à projet lancé par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
La Commission adopte l'amendement AS500 ; en conséquence, les amendements AS11, AS103, AS12, AS95, AS186, AS302, AS226 et AS227 tombent.
La Commission en vient à l'examen de l'amendement AS272 de M. Lionel Tardy.
Amendement rédactionnel consistant à utiliser partout les mêmes termes « service en ligne » figurant dans la loi sur les retraites.
La Caisse des dépôts ; le texte le dit.
La dernière loi sur les retraites utilise les deux expressions, « service en ligne » pour ceux qui dispensent une information assez simple, et « service dématérialisé » pour ceux qui par exemple de remplir des formulaires. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement AS272.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AS501 du rapporteur.
La Commission est saisie de l'amendement AS273 de M. Lionel Tardy.
L'article 2 supprime le passeport orientation et formation. Pourtant, il est mentionné à l'article 1er sous un nom légèrement différent et avec une définition assez vague. Pourquoi ne pas le conserver puisque, en pratique, il est utilisé et que ses modalités sont définies à l'article L. 6315-2 du code du travail ?
Le sujet est compliqué. La loi de 2009 prévoyait un passeport formation, mais il n'a jamais fonctionné car mettre en consultation des documents suppose qu'ils aient été en quelque sorte certifiés. Cette démarche se serait alors rapprochée de celle suivie pour le livret du travailleur, dont nous ne voulons pas et qui a été abrogé pour des raisons de respect des libertés publiques. Le conseil en évolution professionnelle pourra se doter d'un outil en ligne, mais on choisira les éléments qui seront publiés. Avoir repris le même terme est malheureux, j'en conviens.
Je me suis déjà inquiété auprès du ministre de la faisabilité du portage du CPF par la Caisse des dépôts. J'émets de sérieuses réserves quant à la capacité technique qu'a une structure dont le coeur de métier est la banque de créer et de gérer 23 millions de comptes potentiels, d'autant que le fichier central est tenu par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) qui gère déjà le compte pénibilité. Comme celui-ci est lié au compte personnel formation, j'insiste sur le caractère très aléatoire de la mise en oeuvre d'un dispositif législatif voté en urgence et applicable dès le 1er janvier 2015, et sur le risque de nuire à la sécurisation des parcours professionnels qui est pourtant l'objectif.
La CDC nous a dit être prête à remplir cette mission. Elle gère déjà des régimes de retraite. Une commission quadripartite pilotée par Jean-Marie Marx avec l'appui de l'Inspection générale des affaires sociales a mené le travail de préparation et lancé l'appel à projet, auquel la CNAV n'a pas répondu. De la CDC et de l'Agence de services de paiement (ASP), c'est la première qui a apporté les réponses les plus satisfaisantes. Certes, la CNAV gérera le compte pénibilité qui alimentera le compte personnel formation, mais il y aura d'autres sources d'abondement, et la CDC ne fera que gérer les compteurs, en quelque sorte.
La Commission rejette l'amendement AS273.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS502 du rapporteur.
La Commission en vient à l'amendement AS491 du rapporteur.
Sans doute conviendrons-nous tous qu'un dispositif d'une telle ampleur ne peut pas ne pas être évalué. Et il me semble normal de confier cette tâche au Conseil national de l'emploi et de la formation professionnelle (CNEFOP) prévu à l'article 14, et issu de la fusion entre le Conseil national de la formation tout au long de la vie (CNFPTLV) et le Conseil national de l'emploi (CNE). Tous les ministères, les partenaires sociaux et les régions y sont représentés.
Je suis bien sûr favorable à cette évaluation. Mais pourquoi ne pas préciser qu'elle doit être rendue publique, voire faire l'objet d'un rapport au Parlement ?
Les travaux du CNEFOP sont par définition publics. On peut toujours demander un rapport de plus au Parlement, mais sachez que deux députés siégeront au CNEFOP.
Je suis étonné de cet amendement. Le CNEFOP rassemble beaucoup de monde, mais pas tout le monde – le hors champ notamment en est exclu. En outre, une véritable évaluation ne peut être faite que par un organisme extérieur au système de formation professionnelle, comme le Parlement.
Je voulais que le texte mentionne l'évaluation, mais je veux bien débattre de qui en sera chargé. J'ai réfléchi, mais je n'ai trouvé que le CNEFOP pour la mener. Il pourra faire appel à des experts, mais il a les moyens de commanditer ce travail et sa composition permettra une large discussion.
D'ici à l'examen du texte dans l'hémicycle, il faut trouver une solution à ce problème, sans bien sûr créer une nouvelle structure.
L'unanimité se fait sur la nécessité de l'évaluation, sinon sur ses modalités. La solution proposée par le rapporteur a au moins le mérite d'associer les partenaires sociaux, ce qui est important quand on entend favoriser le dialogue social. Mais peut-être y a-t-il d'autres outils.
C'est tout à l'honneur du rapporteur d'avoir prévu une évaluation, mais c'est au Parlement qu'incombe l'évaluation des politiques publiques. Il faut trouver une autre solution même si je salue le « choc de simplification » consistant à ne plus laisser subsister qu'un seul organisme.
Je serais favorable à ce qu'un rapport soit remis au Parlement. Il vote la loi et, par ailleurs, la formation professionnelle reste un dédale compliqué, y compris pour les bénéficiaires. Toutes les politiques publiques doivent être évaluées et ce serait rendre service à tout le monde, y compris aux partenaires sociaux.
Si vous cherchez un terrain neutre, le Parlement, malgré ses qualités, n'est pas le plus indiqué. Cela étant, rien n'empêche une mission d'information sur le sujet. Le CNEFOP réunit tous les partenaires et il centralisera toutes les données. À défaut de le charger de l'évaluation, il faudra une nouvelle instance, avec des dépenses nouvelles… On créerait le CNEFOP pour évaluer l'apprentissage, mais pas la formation professionnelle ? Vos réactions m'étonnent !
Peut-être suffit-il de confier le rapport d'évaluation au CNEFOP, qui viendra le présenter au Parlement.
Il ne faut pas mélanger les rapports au Parlement que nous prenons tels quels et les évaluations faites par les parlementaires. Rien n'empêchera le Comité d'évaluation et de contrôle de faire une évaluation, car la formation est une politique transversale.
La Commission adopte l'amendement AS491.
Elle examine ensuite l'amendement AS504 du rapporteur.
L'amendement précise que les heures seront décomptées et créditées au compte à la fin de l'année.
Et les salariés qui quitteront une entreprise en cours d'année ? Devront-ils attendre la fin de l'année pour pouvoir se former ?
Il faut bien fixer une règle et j'ai opté pour la simplicité. Le mieux est l'ennemi du bien.
La Commission adopte l'amendement AS504.
La Commission est saisie des amendements AS54 de Mme Jacqueline Fraysse, AS202 de Mme Ségolène Neuville, AS505 du rapporteur, AS162 de M. Hervé Morin, AS14 de M. Gérard Cherpion et AS228 de M. Christophe Cavard, pouvant faire l'objet d'une présentation commune.
Le texte actuel dispose que le compte est alimenté à raison de vingt heures par année de travail à temps complet, jusqu'à l'acquisition de 120 heures, puis de dix heures par année de travail à temps complet, dans la limite du plafond de 150 heures. Comment se justifie ce régime qui porte à neuf ans le délai minimum au terme duquel le salarié a droit à 150 heures de formation ?
Mon amendement AS54 propose d'alimenter le CPF à hauteur de 25 heures par année de travail, ce qui simplifiera son fonctionnement et réduira à six le nombre d'années de travail nécessaires pour avoir droit à 150 heures de formation.
L'amendement AS202, issu de la délégation aux droits des femmes, est centré sur les salariés à temps partiel, dont 80 % sont des femmes et qui sont souvent moins qualifiés et moins formés que les autres salariés. Or ce n'est pas parce que l'on travaille à temps partiel que l'on peut se permettre de n'être qu'à moitié formé – cela s'applique aussi bien à une infirmière qu'à une coiffeuse. L'amendement s'inspire aussi d'une recommandation de la feuille de route du comité interministériel aux droits des femmes – la mesure 6, visant à améliorer l'accès des femmes qui travaillent à temps partiel au compte personnel de formation. Il tend à donner aux salariés à temps partiel les mêmes droits qu'aux salariés à temps complet en termes d'alimentation du compte personnel de formation, soit 20 heures par année de travail, et non pas des droits calculés au prorata de leur temps de travail.
L'amendement AS505 fait bouger les curseurs sans modifier l'équilibre général du dispositif et vise à simplifier le calcul des droits, afin que les personnes concernées puissent mieux s'approprier leur compte de formation. Le crédit de formation passerait à 24 heures par an, jusqu'à ce que soit atteint le plafond de 120 heures, puis à 12 heures par an pour atteindre le plafond de 150 heures – désormais en sept ans et demi au lieu de neuf.
Lors de l'entrée en vigueur du dispositif, au 1er janvier 2015, la plupart des salariés concernés disposeront déjà d'un crédit au titre du droit individuel à la formation, dont les acquis ne seront pas remis en question.
Je tiens à souligner que toutes nos propositions dans ce domaine doivent s'inscrire dans le cadre de l'accord conclu entre les partenaires sociaux, qu'il ne s'agit pas de remettre en cause. Il me semble que la disposition que je propose devrait recueillir l'assentiment des signataires de cet accord.
L'insuffisance des droits est un véritable obstacle à la formation des salariés et peut décourager aussi bien ces derniers que les demandeurs d'emploi, en les faisant douter de l'efficacité réelle des dispositifs de formation continue. De fait, alors que le CPF est plafonné à 150 heures, une reconversion professionnelle peut mobiliser 500 heures de formation.
Lors de son audition, le ministre a précisé que le CPF pouvait être abondé et que les 150 heures prévues par le texte pouvaient être comprises comme un plancher. Il faut néanmoins préciser cet aspect du texte. L'amendement AS162 tend donc à déplafonner l'abondement au CPF afin de le faire mieux correspondre aux besoins de formation des salariés ou des demandeurs d'emploi.
Le plafond de 150 heures ne permet pas au salarié de suivre une formation qualifiante. En outre, plus le plafond du CPF est bas, plus le salarié risque de dépendre des abondements consentis par les différents acteurs mentionnés dans cet article pour accéder aux formations qu'il souhaite effectuer. Sa liberté reste donc très partielle et nous sommes bien loin de la révolution annoncée en matière de formation professionnelle. L'amendement AS14 tend donc à porter ce plafond à 200 heures.
L'amendement AS228 rejoint celui que vient de présenter Mme Neuville en faveur des salariés à temps partiel. Ceux-ci, qui n'ont du reste pas toujours choisi leur situation, doivent pouvoir bénéficier de formations qui leur permettent de travailler à temps complet s'ils le souhaitent. Il importe donc que le droit aux 150 heures de formation soit acquis aussi à ces salariés.
Je suis très étonné d'entendre nos collègues de l'opposition proposer de relever à 300 ou à 500 heures le crédit de formation. Ces propositions sont en effet un casus belli pour les représentants du patronat, car leur financement excède ce que permet le taux de 0,2 % retenu par l'accord – à moins bien sûr que vous n'ayez prévu, chers collègues, des amendements portant ce taux à 0,4 % ou 0,5 % !
Les amendements qui viennent d'être défendus abordent avec des approches différentes la question du nombre d'heures à créditer sur le compte de formation. Je fais partie de ceux qui préconisent de modifier les paramètres sans bouleverser l'ensemble du dispositif, en particulier sans toucher au plafond d'heures, qu'il semble très délicat de relever sans compromettre l'équilibre économique défini par les partenaires sociaux.
Il conviendrait de sortir du système de proratisation des heures inscrites sur le CPF au prorata du temps travaillé, car de nombreuses personnes qui subissent le temps partiel auraient besoin de bénéficier d'un effort de qualification, mais cet argument, si fort soit-il, n'a pas été retenu par les partenaires sociaux. En outre, accorder vingt heures par an à tous les salariés, à temps partiel ou à temps complet, poserait un problème au regard du principe d'égalité.
Enfin, malgré les compensations prévues pour les salariés, cela contribuerait à déresponsabiliser les employeurs qui abuseraient du temps partiel et des contrats à durée déterminée sans assurer la formation de leurs salariés. Une telle logique pourrait même conduire à un mécanisme pervers selon lequel ces employeurs réduiraient encore le temps partiel de leurs salariés pour les inciter à se former durant les heures ainsi libérées.
En conclusion, la réflexion sur la proratisation ne me semble pas encore mûre et nous devrions nous efforcer de trouver une solution lors de l'examen du texte en séance publique. Pour le reste, je m'en remets à votre sagesse tout en restant attaché à la proposition de simplification que j'ai présentée.
Nous avions proposé un amendement similaire à celui que vient de défendre Mme Ségolène Neuville en pensant aux personnes handicapées, qui subissent le temps partiel plus souvent que les autres salariés. Il importe en effet de tenir compte des difficultés que rencontrent ces publics.
Le débat est très ouvert et tous les groupes s'efforcent d'apporter des réponses aux interrogations qui ne manquent pas de se poser – et qui auraient peut-être été moins nombreuses si nous avions eu plus de temps pour travailler sur ce texte avant son examen en commission.
Alors que certains partenaires sociaux souhaitaient que le crédit de formation puisse atteindre 200 heures, le passage opéré par le texte de 120 heures en six ans à 150 heures en neuf ans ne marque pas une très grande avancée – et cela d'autant moins que 150 heures sont loin de suffire pour acquérir une formation qualifiante.
Monsieur le rapporteur, l'idée que l'employeur pourrait pousser un salarié à accepter de réduire son salaire de moitié pour suivre quelques heures de formation ne résiste pas à l'examen. Toutes les entreprises ne se comportent pas comme des voyous.
Les amendements soulèvent trois questions.
Pour ce qui concerne tout d'abord le rythme d'acquisition des heures de formation, Mme Fraysse propose que ces droits puissent être acquis en six ans au lieu de neuf tandis que le rapporteur ramène ce délai, en fait, à huit ans – et non à sept ans et demi, car les heures acquises seront comptabilisées au 1er janvier de l'année suivante.
Le débat n'est pas encore mûr et des échanges doivent encore avoir lieu avec les partenaires sociaux. La question devra donc être à nouveau abordée lors de l'examen du texte dans l'hémicycle. Il faut par ailleurs travailler sur l'approche la plus compatible avec les modes de financement arrêtés par les partenaires sociaux. De ce point de vue, l'amendement du rapporteur me semble plus prudent que celui de Mme Fraysse, car la montée en puissance, même accélérée, serait moins rapide. En outre, le ratio d'une heure de formation par mois de travail, proposé par le rapporteur, a le mérite d'être clair et pédagogique, ce qui est important dans un dispositif complexe.
En second lieu, s'il arrive que le temps partiel soit subi, notamment par les femmes, il arrive aussi qu'il ne le soit pas et il faut en tenir compte. Le temps partiel peut aussi avoir des durées différentes : celles-ci généreront-elles les mêmes droits ? Enfin, l'adoption de l'amendement de Mme Neuville donnerait un avantage comparatif aux salariés travaillant à temps partiel par rapport à ceux qui travaillent à temps plein.
Quant au plafond, la loyauté envers les partenaires sociaux n'implique pas que l'on reprenne toutes leurs propositions, mais le dispositif de financement qu'ils ont arrêté exclut de porter le plafond à 500 heures : ce ne serait pas la transposition de l'accord, mais sa dénaturation.
Mon amendement AS54 propose une nouvelle rédaction des alinéas 42 et 43 et, ce faisant, supprime la discrimination à l'égard du temps partiel. Je partage donc le souci de créer les conditions permettant aux personnes travaillant à temps partiel de bénéficier des mêmes droits que celles qui travaillent à temps complet. Aussi fondées que soient les interrogations soulevées notamment par M. Robiliard, cette disposition bénéficierait à des personnes qui en ont réellement besoin, comme les femmes ou les personnes handicapées.
Je voterai l'amendement AS505 du rapporteur, qui représente un pas en avant, mais il reste une marge de progression – nous sommes loin, en effet, d'une révolution.
Monsieur le rapporteur, notre amendement tendant à supprimer le plafond suit l'argumentation développée la semaine dernière par le ministre, qui déclarait : « Quant aux salariés, ils sauront qu'ils ont désormais droit à 150 heures de formation. Cette durée, que certains jugent insuffisante, est supérieure aux 120 heures offertes dans le cadre du droit individuel à la formation – qui a d'ailleurs été un échec – et ce d'autant plus qu'il s'agira d'un plancher, et non plus d'un plafond ».
Dans le système actuel, six années ouvrant droit à vingt heures de formation sont suivies de trois années ouvrant droit à dix heures. Si j'ai bien compris l'amendement du rapporteur, il propose de passer à un système où cinq années ouvrant droit à 24 heures seraient suivies de deux années ouvrant droit à 12 heures et d'une année ouvrant droit à six heures, pour parvenir au total de 150 heures. Est-ce bien cela ?
Monsieur Tardy, le décompte des heures sur le CPF recommencera lorsque le salarié concerné aura atteint le plafond et utilisé ses droits.
Si le ministre a parlé de plancher, c'est que pourront s'ajouter aux 150 heures des heures que j'appellerai « supplémentaires », issues d'une pénalité imposée à l'entreprise ou du compte pénibilité. Peut-être même peut-on imaginer que dans quelques années, madame Carrillon-Couvreur, lorsque ce dispositif sera bien établi, des bonus soient attribués à certains publics particulièrement en difficulté en termes de formation. Je recommande cependant de ne pas introduire dès maintenant de telles mesures.
À cela s'ajouteront les heures « complémentaires », issues d'abondements par d'autres intervenants.
Je souligne enfin que, si certains accords de branche ou d'entreprise arrêtent des dispositions plus généreuses, comme le permet du reste le projet de loi, ces dispositions sont financées par lesdits accords, ce qui n'est pas le cas du relèvement du plafond proposé par l'amendement AS162.
Je suis donc défavorable à tous les amendements autres que mon amendement AS505. Quant à la question de la proratisation, je recommande de renvoyer cette discussion à l'examen du texte en séance publique. Un dispositif de cette nature serait du reste très difficile à mettre en oeuvre et peut-être vaudrait-il mieux, à terme, envisager un dispositif de rattrapage au moyen d'heures supplémentaires.
Les salariés à temps partiel ne constituent pas un public particulier : il s'agit de M. ou Mme Toutlemonde. À qui ces salariés – hormis les personnes porteuses d'un handicap ou demandeuses d'emploi – iraient-ils demander un abondement ?
Je suis disposée à retirer mon amendement AS202, sous réserve que vous m'assuriez, monsieur le rapporteur, que nous en discuterons à nouveau avant l'examen du texte dans l'Hémicycle.
Nous convenons tous qu'il faut tenir compte de la situation des salariés à temps partiel et opérer une avancée en leur faveur en matière de formation professionnelle. Je suis prêt moi aussi à retirer mon amendement AS228, mais je souhaite que nous trouvions des solutions concrètes sur ce point.
Puisque je viens d'évoquer la loi relative à la sécurisation de l'emploi, permettez-moi de relever qu'un décalage de date entre celle-ci et le texte que nous examinons a failli nous échapper, justement à propos de la disposition interdisant les temps partiels de moins de 24 heures !
Sans doute peut-on faire confiance au Gouvernement. Voilà quelques jours, en effet, en réponse à la demande de révision des modalités de calcul des indemnités journalières pour les petits temps partiels formulée par le Parlement lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, le Premier ministre a annoncé l'abaissement à 150 heures par trimestre du minimum ouvrant droit à ces indemnités.
Les amendements AS202 de Mme Ségolène Neuville et AS228 de M. Christophe Cavard sont retirés.
La Commission rejette l'amendement AS54 de Mme Jacqueline Fraysse, puis elle adopte l'amendement AS505 du rapporteur. Elle rejette ensuite successivement les amendements AS162 de M. Hervé Morin et AS14 de M. Gérard Cherpion.
Elle est alors saisie de l'amendement AS229 de M. Christophe Cavard.
Cet amendement vise à ce que les personnes peu diplômées, c'est-à-dire ne disposant pas d'un diplôme de niveau IV, voient leur compte alimenté à hauteur de 30 heures par année jusqu'à l'acquisition d'un crédit de 180 heures. Les auditions auxquelles nous avons procédé m'ont confirmé que, compte tenu du faible nombre de personnes concernées, cette mesure pourrait être financée à moyens constants, sans qu'il soit nécessaire de relever le taux actuel de 0,2 %.
Je suis favorable à cet amendement, qui a le mérite de cibler particulièrement certains publics, même s'il ne correspond pas à l'économie générale du texte où tout le monde est logé à la même enseigne au nom de l'universalité du droit à la formation. Il importe en effet de souligner que l'un des objectifs de la loi est la réduction des inégalités.
Cet amendement est très intéressant, mais sommes-nous en mesure de le mettre en oeuvre ? Comment la Caisse des dépôts déterminera-t-elle le niveau de qualification de chacun des salariés dont elle aura le numéro ? C'est là un processus très lourd.
Peut-être vaudrait-il donc mieux retirer cet amendement pour expertiser la mesure avant l'examen du texte en séance publique. Au demeurant, si elle semble aller dans le sens de ce que souhaitent les partenaires sociaux, il serait plus prudent de leur poser la question.
Je propose plutôt que cet amendement soit adopté et qu'il soit, le cas échéant, modifié en séance publique conformément aux suggestions de M. Robiliard.
Il y a une ambiguïté : la disposition touche à la fois au compte personnel de formation et au régime général. Or le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels a un rôle à jouer dans l'alimentation du compte, dans la mesure où il sera conduit à mobiliser des sommes relativement importantes en faveur de la qualification des personnes concernées. Ne rendons pas plus complexe un régime qui l'est déjà bien trop !
L'amendement repose sur une bonne idée, mais il est prématuré : il faut d'abord stabiliser le compte « socle » avant de développer un régime complémentaire. Si on l'adoptait, lors de l'examen en séance publique, chacun serait amené à faire valoir des cas particuliers.
En outre, le public visé relève de la compétence des régions, qu'il ne faut pas déresponsabiliser. Celles-ci sont d'ailleurs d'accord en la matière. Cela n'empêche pas de prévoir par la suite des bonifications pour certains publics, mais ne retombons pas dans le travers des précédentes lois relatives à la formation professionnelle, consistant à cloisonner les publics visés.
Je vous invite donc à retirer l'amendement, monsieur Cavard.
Cet amendement a été soumis aux partenaires sociaux, qui n'y voient pas d'objection. Nous avons par ailleurs rencontré un certain nombre de responsables régionaux, en particulier de l'Association des régions de France (ARF), qui s'inquiètent que l'on ait tendance à tout renvoyer aux régions, compte tenu de leurs contraintes financières.
Sur le fond, cet amendement a donc tout son sens, ce qui n'empêche pas d'avoir un débat sur ce point avec le Gouvernement.
La Commission rejette l'amendement AS229.
Puis elle examine l'amendement AS506 de précision du rapporteur.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine en présentation commune les amendements AS274 de M. Lionel Tardy, AS55 de Mme Jacqueline Fraysse, AS507 du rapporteur et AS203 de Mme Ségolène Neuville.
On crée une sanction implicite pour le chef d'entreprise qui n'aurait pas répondu à des obligations relativement vagues. Je propose donc de supprimer les alinéas 45 à 47.
Le texte prévoit que, dans les entreprises de 50 salariés et plus, en cas de manquement de l'employeur à l'obligation d'entretien professionnel ou de bilan du parcours professionnel, 100 heures soient inscrites au CPF du salarié. Or nous estimons que celles-ci ne doivent pas être seulement inscrites, mais abondées, ce qui implique qu'elles s'ajouteraient au plafond de 150 heures. Dans le cas contraire, le dispositif serait inopérant : ainsi, pour un salarié en place depuis six ans au sein d'une entreprise, ayant déjà acquis 120 heures, la pénalité de 100 heures le conduirait à disposer de 220 heures, mais comme il n'aurait droit qu'à 150, l'effet de cette pénalité serait quasiment neutralisé.
Mon amendement répond précisément à votre préoccupation, madame Fraysse. Je vous rassure : les 100 heures de pénalité s'ajoutent au plafond de 150 heures. C'est la raison pour laquelle je propose de distinguer des heures complémentaires les heures supplémentaires, venant au-delà du plafond, inscrites sur le compte – mais non abondées – et qui bénéficieront d'un statut d'opposabilité.
Avis défavorable sur l'amendement AS274.
L'amendement AS203 tend à compléter l'alinéa 47, aux termes duquel l'entreprise qui n'aura pas effectué le versement prévu à l'organisme paritaire devra verser au Trésor public un montant équivalent majoré de 100 %. Or, pour un employeur, le fait d'empêcher un travailleur à temps partiel de se former est encore plus grave que de faire obstacle à la formation d'un travailleur à temps complet, dans la mesure où e premier a une formation plus réduite. Je souhaite donc aggraver la sanction en portant dans ce cas la majoration à 150 %.
Je ne vois pas comment ce dispositif de sanction se rajoutant à une sanction pourrait être praticable.
Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec l'amendement du rapporteur posant que le refus par le titulaire du compte de mobiliser celui-ci ne constitue pas une faute. Dans l'hypothèse où ce titulaire n'aurait pas fait valoir les heures de formation auxquelles il a droit, son entreprise sera-t-elle pénalisée ?
Je rappelle que la majoration est soumise à trois conditions, qui s'ajoutent à celle de l'absence de toute action de formation. D'autre part, tout ne passe pas par le compte personnel de formation : les entreprises continueront à avoir aussi un plan de formation. Et si l'employeur a intérêt à faire en sorte que le salarié mobilise son compte, toutes les mesures ont été prises pour qu'il ne puisse faire pression sur celui-ci.
Les amendements AS55 et AS203 sont retirés.
Puis la Commission rejette l'amendement AS274 et adopte l'amendement AS507.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS13 de M. Gérard Cherpion.
Il s'agit de permettre aux accords de groupe de déterminer les modalités d'abondement du compte personnel de formation et de prise en charge des frais de formation par l'employeur. En effet, dans un groupe, il peut y avoir de petites entités pour lesquelles il est difficile de mener une véritable négociation seules.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS114 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement tend à réintégrer dans le texte le « hors champ », que l'accord national interprofessionnel a laissé à l'écart. Les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) de branche ou interbranche pourraient ainsi abonder le CPF, de manière à mieux prendre en compte les besoins de formation qui peuvent exister au sein de certaines branches professionnelles spécifiques – économie sociale et solidaire, professions libérales ou agricoles – et à encourager la mobilité des salariés relevant de branches différentes mais qui auront pu fixer des objectifs de formation similaires.
Avis plutôt défavorable. Je propose de renvoyer ce point à l'examen en séance publique, une fois qu'on aura réglé la question du « hors champ », que le ministre s'est engagé à traiter. Je suis, en tout cas, favorable à la reconnaissance de ces secteurs.
Nous avons intérêt en effet à régler le point soulevé par cet amendement après que nous aurons adopté un principe sur le « hors champ ». Mais je ne suis pas persuadé que ce soit techniquement nécessaire : je ne vois pas, de fait, ce qui interdit à plusieurs branches de se mettre d'accord sur des politiques de formations communes.
Je suis enclin à soutenir cet amendement. L'alinéa 48 est clair : il donne la responsabilité à un certain nombre de partenaires du champ interprofessionnel de venir abonder le CPF. Mais se pose le problème de savoir si certains secteurs relevant du « hors champ » sont reconnus en tant que tels. Le fait de les intégrer dans le dispositif n'empêche pas de revoir ensuite globalement la question du « hors champ » en séance publique, avec le Gouvernement.
J'admets que nous n'avons pas à attendre l'avis du ministre mais je ne vois pas ce qui interdit aux OPCA du « hors champ » d'intervenir dans l'abondement du compte personnel. Les accords de branche peuvent suffire sans qu'il soit nécessaire d'introduire une référence à la « multiprofessionnalité ».
Ce point nécessite une expertise. Il est préférable, encore une fois, d'avoir préalablement défini un principe pour le « hors champ », sachant en effet que l'abondement par les OPCA est déjà possible.
Il faut absolument qu'on fasse référence au « hors champ » à cet endroit du texte, car même si on trouve ensuite une solution sur ce point, on ne pourra revenir en arrière pour compléter l'article 1er ; nous voterons donc en faveur de l'amendement.
C'est inutile : lorsque ce point sera réglé, nous proposerons des amendements de coordination.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS231 de M. Christophe Cavard.
Il s'agit de faire bénéficier les titulaires d'un contrat précaire venant à échéance, notamment d'un contrat à durée déterminée (CDD), d'une prime à la précarité, incluant un abondement du CPF.
L'idée est séduisante, mais le lien que vous établissez entre abondement du CPF et qualité du contrat de travail nécessite de consulter les partenaires sociaux ; il s'agit d'une forme de taxation du CDD ! Je vous demande donc, en attendant, de retirer l'amendement.
Cette mesure est conforme à la logique défendue par les partenaires sociaux, mais il appartient aussi au Parlement d'accélérer parfois la mise en place de certains dispositifs. Je vous propose donc d'adopter cet amendement et de nous assurer ensuite de l'accord des partenaires sociaux, d'ici à l'examen en séance publique.
Je suis tout à fait d'accord. Tout à l'heure, le rapporteur a bien fait des propositions dans l'esprit de l'ANI. Cet amendement ne déroge pas à l'esprit du dialogue social et c'est tout à notre honneur d'apporter ce type d'amélioration. L'ANI ne doit pas être pour nous l'alpha et l'oméga !
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS230 de M. Christophe Cavard.
Il s'agit de renvoyer aux accords de branche la faculté de relever le plafond de 150 heures.
Hélas non ! Je propose un relèvement du plafond, non un simple abondement. À moins que vous ne me garantissiez que le texte permet à un accord de branche de modifier ce plafond à la hausse…
Soit cet amendement tend à relever le plafond, et dans ce cas il tombe car nous avons écarté cette possibilité tout à l'heure ; soit ce n'est pas le cas, et il est satisfait. Il n'y a donc pas lieu de l'adopter.
La mesure proposée par l'amendement n'est pas praticable car le plafond est prévu dans le régime interprofessionnel et universel alors que l'accord dont il est question se situe au niveau de la branche. L'abondement ne sera donc pas universellement opposable en cas de changement de branche. Si vous restez dans la branche, vous aurez droit aux 150 heures, plus ce qui a été prévu par l'accord de branche, mais si vous la quittez, ce ne sera pas possible.
Il va de soi qu'un accord de branche peut porter à plus de 150 le nombre d'heures de formation auxquelles un salarié a droit. C'est pourquoi l'amendement ne me semble pas utile.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS163 de M. Hervé Morin.
L'accès à la formation est fortement inégal selon que l'on est qualifié ou qu'on l'est moins ; pourtant, le niveau de qualification est un facteur important de l'employabilité. Le compte personnel de formation, dispositif uniforme, ne tient pas compte du niveau de formation initiale, alors qu'il faut augmenter les ressources pour les individus les moins employables. Pour remédier à cette situation, nous proposons un système simple et efficace d'abondement inversement proportionnel au niveau de formation initiale.
Je comprends l'esprit qui inspire cette proposition et j'avais moi-même évoqué l'hypothèse d'un mécanisme de cette sorte, mais personne, à ce jour, n'est parvenu à l'inventer.
L'idée est excellente mais elle n'a pas sa place dans la loi car nul ne sait véritablement comment la mettre en oeuvre ; et s'il s'agit de suggérer aux branches professionnelles de procéder à des expérimentations en ce sens, la loi le permet. Avis, pour cette raison, défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite en présentation commune les amendements AS15 et AS16 de M. Gérard Cherpion, AS115 de M. Francis Vercamer, AS508 du rapporteur, AS56 de Mme Jacqueline Fraysse, AS233 de M. Denis Baupin, AS234 et AS235 de M. Christophe Cavard et AS492 et AS494 du rapporteur.
Le nouvel article L. 6323-15 définit les listes des formations éligibles au compte personnel de formation. Les salariés pourront accéder aux formations figurant sur une liste établie soit par la commission paritaire nationale de l'emploi de la branche, soit par le comité paritaire national de la formation professionnelle et de l'emploi (CPNFPE), soit par le comité paritaire régional (CPRFPE). L'existence de trois listes fait s'interroger sur la légitimité des acteurs et nuit à l'intelligibilité du dispositif pour le salarié. De plus, il est contradictoire de proposer un compte personnel de formation dont les droits sont mobilisables à la demande expresse du salarié et selon ses priorités tout en restreignant le choix de la formation. Il est donc proposé, par l'amendement AS15, de supprimer ces trois listes, et de retenir pour critères d'éligibilité des formations celles que définit l'article L. 6323-6 du code du travail : les formations sanctionnées par une certification enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles ou à l'inventaire, les formations sanctionnées par un certificat de qualification professionnelle et celles qui visent à acquérir un socle de connaissances et de compétences défini par décret.
L'amendement AS16 est un amendement de repli : il convient au moins d'élaborer une liste unique, révisée chaque année, qui peut être le fruit d'une concertation entre les branches, l'État et la région, sous l'égide du futur Conseil national pour l'emploi, la formation et l'orientation professionnelles.
L'amendement AS56 tend à compléter le texte en disposant qu'une liste complémentaire de formations éligibles au compte personnel de formation pourra aussi découler d'un accord d'entreprise. Entreprises et salariés ne s'en trouveront que mieux.
Je suis venu défendre devant votre Commission plusieurs amendements, dont l'amendement AS233. Tous visent à appeler l'attention sur l'impérieuse nécessité de préparer la transition énergétique par une formation professionnelle efficace. De nombreux métiers vont changer et devenir plus complexes, singulièrement ceux du secteur du bâtiment et de la gestion des flux énergétiques. Cet amendement, comme ceux qui suivront, tend donc à rendre éligibles au compte personnel de formation les formations qui concourent à l'acquisition de compétences dans ces domaines.
Par l'amendement AS234, nous proposons de préciser expressément que les formations inscrites au répertoire national des certifications professionnelles sont éligibles au compte personnel de formation. Par l'amendement AS235, nous proposons d'inclure au nombre des mêmes formations éligibles celles qui sont inscrites dans le contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles, même si toutes ne débouchent pas sur une certification.
L'amendement AS492 prévoit l'actualisation régulière des listes définissant les formations éligibles au compte personnel de formation ; l'amendement AS494 est rédactionnel.
Nous abordons là une question compliquée dont la solution demeure manifestement inaboutie – la créativité dont chacun a fait preuve en témoigne – : que pouvons-nous changer à la « liste de listes » élaborée par les partenaires sociaux ?
Je pense comme vous, monsieur Baupin, qu'il est nécessaire de préparer la transition énergétique, mais il n'est pas concevable de préciser le projet de loi comme vous proposez de le faire : si l'on ouvrait cette porte, chaque secteur professionnel songerait légitimement à s'y engouffrer. Le texte n'exclut pas que les listes de formation éligibles composées par le secteur du bâtiment comprennent les formations aux métiers de la transition énergétique, mais nous ne saurions alourdir le dispositif en le complétant par des listes par filières. Je ne peux donc me rallier à cet amendement. Cela ne signifie nullement que je mésestime l'enjeu majeur que représente la formation professionnelle pour la transition énergétique, filière cruciale pour l'emploi.
M. Bernard Perrut propose pour sa part de supprimer toutes les listes et de revenir au « vivier » des formations. Cette approche simplificatrice est séduisante, et je suis allé dans le même sens en réécrivant l'alinéa relatif à cette matrice. M. Cherpion propose, lui, d'établir une liste nationale unique ; mais comment ignorer l'échelon régional ? L'enjeu du dispositif est de conjuguer l'approche par branche et l'approche territoriale, au sein du Conseil national mais aussi au sein du Conseil régional pour l'emploi, la formation et l'orientation professionnelles.
M. Vercamer a raison, il faut inclure le « hors champ » – les organismes paritaires collecteurs agréés de branche ou interbranche – dans le dispositif, mais on voit mal comment s'y prendre en l'état.
Vous proposez, madame Fraysse, l'établissement, dans les entreprises, de listes de formations éligibles au compte personnel de formation. Si c'est par le biais d'un accord d'entreprise, la proposition est satisfaite. S'il n'y a pas d'accord d'entreprise, la liste sera la copie conforme du plan de formation d'entreprise ; ce n'est pas souhaitable, et cela me semble aller à l'encontre de l'objectif que vous visez.
Nous nous heurtons donc à une difficulté de taille, ce qui laisse penser que le sujet doit être totalement retravaillé avant l'examen du texte en séance publique. Soit en effet, tout en le considérant comme une usine à gaz, on maintient le dispositif parce qu'il résulte d'un accord entre les partenaires sociaux, soit on trouve collectivement le moyen de l'améliorer – ce à quoi nous ne sommes pas parvenus. Il va sans dire que plus simple serait le mécanisme, mieux ce serait. Mais l'enjeu, pour les partenaires sociaux, était d'être en mesure à la fois de réguler le système et de définir une stratégie de formation. Pour ma part, je serais favorable au retour à la matrice, avec des listes nationales et, impérativement, des listes régionales.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir souligné l'importance de formations destinées à assurer la transition énergétique. Je retire l'amendement AS233.
L'amendement AS233 est retiré.
Je ne comprends pas que M. Cherpion propose la constitution de listes uniquement nationales. C'est ce que l'on a fait la dernière fois que l'on a légiféré en matière de formation professionnelle, et chacun a pu constater la complète inefficacité de cette approche. Le mot « emploi » n'a pas été prononcé une seule fois ce matin, mais c'est bien de formation pour l'emploi dont nous parlons, et comment comparer le bassin d'emploi des Pyrénées et celui du Pas-de-Calais ? On fait état de postes libres qui ne trouvent pas preneurs faute de salariés suffisamment qualifiés ; il va sans dire que pour remédier efficacement à cette situation, il faut être au plus près du terrain. Que l'on établisse des listes nationales de formations éligibles au compte personnel de formation, soit, mais prétendre ne pas les croiser avec des listes régionales me paraît aussi éthéré que de débattre du sexe des anges.
Je vois une contradiction dans le texte, qui dote expressément le salarié et le demandeur d'emploi d'un droit à une formation qualifiante mais qui, lorsque ceux-ci veulent l'exercer, restreint leur choix. La déclinaison régionale est importante, mais elle suppose une liste nationale. On voit bien que le dispositif présenté, trop compliqué, ne convient à personne : chacun y va de son amendement de simplification, tout en appelant l'attention sur la situation de certains salariés oubliés !
Tout cela est compliqué, c'est vrai. J'invite au retrait de tous les amendements – sauf les miens, évidemment… – sur lesquels j'émettrai, sinon, un avis défavorable, mais nous devons poursuivre notre réflexion. Je souscris à la proposition de simplification de M. Cherpion, qui devra être retravaillée avec les partenaires sociaux et le Gouvernement.
Une mesure radicale consisterait à adopter l'amendement AS15 de M. Cherpion : il n'y aurait alors plus de listes du tout, ce qui contraindrait à retravailler la question à vive allure !
Le dispositif ne convient à personne… si ce n'est aux partenaires sociaux ! Parce qu'il fallait articuler le droit à la formation, les besoins de formation des entreprises et les exigences de la décentralisation, le mécanisme trouvé n'est probablement pas ce qu'il y a de plus léger, mais comment ignorer l'une de ces trois composantes ? En l'état, il n'y a pas de meilleure solution que celle qui figure dans le projet de loi.
M. Robiliard a raison. Pour autant, je ne peux laisser dire que le dispositif ne conviendrait à personne.
La Commission rejette successivement les amendements AS15, AS16 et AS115.
Elle adopte l'amendement AS508.
L'amendement AS56 est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements AS492 et 494.
La séance est levée à treize heures dix.