Séance en hémicycle du 23 janvier 2013 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

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L'ordre du jour appelle les questions à M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, sur la politique industrielle.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.

Nous allons commencer par trois questions du groupe UMP.

La parole est à M. Martial Saddier.

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Monsieur le ministre du redressement productif, nous constatons une chute brutale des ventes de voitures neuves en 2012 : on compte 1,9 million de voitures immatriculés de moins, soit la pire année pour ce secteur depuis 1997.

Nous savons tous qu'il faut soutenir les grands groupes, qui sont des locomotives ; mais cela ne suffit pas pour constituer une filière : il convient de soutenir le tissu, ô combien important, des sous-traitants qui, de plus, participent à l'aménagement du territoire puisqu'ils irriguent d'emplois toutes les collectivités.

Je suis un élu du berceau du décolletage, devenue la mécatronique, à savoir la vallée de l'Arve, qui représente 60 % du décolletage mondial et dépend à 60 % de l'industrie automobile française. Il est inutile de vous préciser que les décolleteurs sont très inquiets de la situation actuelle : ils ne souhaitent pas revivre les années 2008-2009. À l'époque, leur activité avait baissé de près 70 % en quelques semaines.

La majorité avait alors engagé un ambitieux plan de relance avec une aide de 7,8 milliards d'euros dans le cadre du « pacte automobile » et avec une aide d'un million d'euros attribuée à la formation des décolleteurs. Ce plan a permis au secteur de redémarrer, en tout cas de traverser cette crise. Nous avions pris en compte l'investissement, deux fois plus élevé pour les sous-traitants automobiles que pour la moyenne des autres secteurs d'activité industrielle. Nous avions permis un meilleur accès au crédit à la fois pour les lignes de trésorerie et pour les lignes d'investissement. Nous avions permis d'éviter le sacrifice du capital humain en mettant en place l'opération « Former plutôt que licencier ». Nous avions mis en place le crédit d'impôt recherche, la réduction des délais de paiements – j'ai eu l'honneur d'être parlementaire en mission pour le Premier ministre sur ce sujet –, la notion de filière, le code de bonne conduite, les pôles de compétitivité.

Je ne remets pas en cause, et je tiens à le souligner, votre bonne volonté, monsieur le ministre, je la crois sincère, ni votre force de conviction, malgré les premiers signaux négatifs donnés par le Gouvernement, comme la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Quant au crédit d'impôt compétitivité emploi, il est encore assez mal compris, notamment au sein des PME et des TPE.

Pouvez-vous nous préciser quelle est votre politique vis-à-vis des sous-traitants, des PME et des TPE ?

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La parole est à M. le ministre du redressement productif.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Je vous remercie, monsieur Saddier, pour votre analyse, que le Gouvernement partage. La situation de la sous-traitance, en particulier dans le secteur automobile, est préoccupante : on note des chutes de production pour les constructeurs-assembleurs qui se répercutent sur l'ensemble du tissu industriel, ce que vous avez très bien décrit.

Qu'est-ce qu'une politique de filières ? Elle consiste à organiser l'unité là où régnait la division. Il s'agit de faire en sorte que les têtes-filières soient en relation avec les équipementiers de rang 1 puis de rang 2, 3, et que nous parvenions à trouver ensemble des mécanismes de solidarité. Ce système a été inventé par la filière aéronautique, qui a un siècle d'existence, est très organisée et a une tradition culturelle de coopération.

Grâce à Michel Rollier, l'homme de la filière automobile, ancien patron de Michelin, nous avons réussi à lancer une stratégie de sauvetage, de soutien, de solidarité avec le réseau de sous-traitance. Quelle est notre méthode ? Nous repérons des entreprises leaders et nous essayons de faire en sorte qu'elles coopèrent avec le nuage, l'archipel de petites entreprises qui peuvent coopérer, soit par le biais d'interventions capitalistiques, soit à travers une stratégie de stabilité contractuelle. C'est exactement ce qui s'est passé à l'initiative même des entreprises de la vallée de l'Arve, dont j'ai rencontré récemment les représentants à Villepinte au salon de la sous-traitance, le MIDEST. Elles ont eu l'intelligence et la sagesse de s'unir afin de limiter les dégâts pendant la période d'affaissement du marché de l'automobile.

Nous avons également mis en place un certain nombre de formules que vous avez rappelées. Certaines sont issues du grand emprunt pour l'innovation, d'autres ont été sanctuarisées, comme le crédit d'impôt recherche innovation, disponible pour les PME, le crédit d'impôt que nous avons sorti du pacte de compétitivité, soit 6 % de baisse du coût du travail en 2014. Les PME dont la masse salariale est importante doivent s'en servir.

Surtout, le médiateur de la sous-traitance, Pierre Pelouzet, successeur de Jean-Claude Volot, est un homme très engagé, il vient de la direction des achats de la SNCF, connaît les grands groupes, sait leur parler et peut mettre en place des mécanismes de solidarité concrète. Que les entreprises en difficulté le saisissent, nous saisissent : nous sommes à leur disposition. J'ai apporté le document du ministère qui recense les 1900 entreprises en difficulté. Grâce aux commissaires au redressement productif, aux comités interministériels de restructuration industrielle, à la cellule restructuration, dirigée par l'un de mes collaborateurs, ces entreprises font l'objet d'un suivi. Nous avons constitué un tableau de bord des interventions. Nous ne communiquons que sur les dossiers achevés : on en compte 345. Tous les autres suivront.

Nous sommes la maison des entreprises, le ministère du made in France. N'hésitez pas à passer le mot que nous sommes à leur service et à populariser le crédit d'impôt qui va bien aider ces PME de l'automobile en attendant des mesures encore plus fortes quand les marchés repartiront à la hausse.

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Monsieur le ministre, j'ai la conviction que le redressement productif doit être un soutien intelligent à l'innovation dans les territoires pour que les entreprises créent les emplois de demain.

Très concrètement, comme député d'Auxerre, je demande au Gouvernement de s'intéresser à une véritable pépite technologique qui existe aujourd'hui dans l'Yonne et qui peut, demain, devenir une filière industrielle créatrice d'emplois. Cette filière, c'est la mécatronique, c'est-à-dire la robotique appliquée aux mouvements humains. Une grappe d'entreprises travaillent depuis plusieurs mois, à Auxerre, en liaison avec le Commissariat à l'énergie atomique et un laboratoire de recherche universitaire, à un projet de mécatronique médicale. L'enjeu territorial est majeur : cette filière peut accroître, demain, l'activité industrielle et le potentiel universitaire du bassin auxerrois dans un secteur de haute technologie.

Notre devoir collectif, c'est de mobiliser tous les efforts publics pour que cette grappe d'entreprises reste ancrée à Auxerre et puisse s'y développer. C'est pourquoi, avec le président du conseil régional de Bourgogne, François Patriat, j'ai appelé à l'union sacrée sur ce dossier, pour mobiliser des financements nationaux.

Je regrette que le commissaire général à l'investissement, que j'avais saisi, ait refusé de s'engager. Depuis lors, et je m'en réjouis, les industriels impliqués, en liaison avec le préfet de l'Yonne, se sont rapprochés du pôle de compétitivité MEDICEN, ciblé sur les technologies innovantes pour la santé.

Il y a désormais urgence à agir et à décider, monsieur le ministre ; aussi, je vous remercie de m'indiquer clairement si le Gouvernement est prêt à mobiliser les crédits d'investissement nécessaires pour développer, à Auxerre, la filière mécatronique.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur Larrivé, le Gouvernement a décidé, dans le cadre de sa politique des filières, de s'emparer du dossier de la robotique. Nous accusons un retard assez sensible concernant la robotique industrielle par rapport à l'Italie et à l'Allemagne. Nous devons le rattraper. Du reste, un certain nombre d'entreprises demandent à être protégées, par le biais d'une intervention dans leurs fonds propres, d'un risque de rachat par des entreprises étrangères très puissantes. Je rappelle que les grandes nations industrielles de tous les continents investissent de façon massive dans la robotique.

C'est une des raisons pour lesquelles je vous indique que le Gouvernement, le ministère du redressement productif en particulier, soutient le projet mécatronique, d'ailleurs très impressionnant. J'ai noté que le pôle de compétitivité MEDICEN et les laboratoires de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris le soutiennent. Dès lors que la prochaine étape sera remplie, à savoir la présentation du projet, à travers le pôle MEDICEN, avec le soutien des industriels, nous ferons en sorte de nous mobiliser, sans même qu'il soit nécessaire d'invoquer, comme vous le faites, une union sacrée. Je souhaite que vous continuiez à suivre ce dossier pour que nous le fassions aboutir ensemble.

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Monsieur le ministre, notre industrie souffre actuellement de plusieurs maux qui se sont combinés au fil des ans. Combien de chefs d'entreprises nous font part de leurs difficultés à trouver un chef d'atelier ou des ouvriers spécialisés ? L'image de notre industrie est souvent, à tort, négative. Il faut changer les mentalités et convaincre que l'industrie, ce ne sont pas seulement des clichés, à savoir des métiers mal payés où l'on travaille dans la saleté.

Il faut prendre garde car il ne s'agit pas de n'importe quel secteur de l'économie : l'industrie a un effet d'entraînement. Une France sans industrie serait une catastrophe. Et même si comparaison n'est pas raison, les Allemands sont fiers de leur industrie,…

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Nous aussi !

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…le dynamisme des constructeurs automobiles en témoigne au-delà de leurs frontières. Nos constructeurs n'ont hélas pas géré le tournant de la montée en gamme.

La place des sous-traitants – vous vous êtes déjà exprimé sur ce point –, notamment en milieu rural, ne me paraît pas suffisamment mise en valeur, alors que ce sont des maillons indispensables d'une chaîne.

J'ai donc plusieurs questions.

Comment réhabiliter l'image et l'attractivité de notre industrie auprès des jeunes afin de les passionner et de les motiver pour travailler dans ce secteur ? Il faut leur donner envie de s'engager dans des métiers d'avenir en leur permettant de progresser dans l'entreprise. La culture de l'industrie devrait ainsi s'apprendre dès l'école.

Comment dynamiser l'image du made in France et donner envie aux consommateurs d'être fiers de notre industrie tricolore en achetant des biens industriels français ?

Enfin, en ce qui concerne le fonctionnement des tribunaux de commerce, les affaires relatives aux entreprises en difficulté devraient faire l'objet d'un dépaysement systématique. Quelles évolutions vous semblent envisageables dans ce domaine ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Je vous remercie, madame Dubois, de votre profession de foi patriotique ; elle me va droit au coeur ainsi qu'à celui de tous ceux qui travaillent, partout en France, en faveur de l'industrie française, qui doit se rebâtir. Elle se rebâtira sur le fondement d'une prise de conscience ; c'est là une bataille culturelle que doivent mener les Français, ils ont une part de responsabilité.

Ils doivent défendre leur industrie comme ils défendraient leurs propres enfants, leur propre vie, car elle fait partie de leur destin. C'est le sens de l'engagement de mon ministère en faveur de ce qu'on a appelé le made in France. Nous en appelons à la responsabilité patriotique des producteurs comme des consommateurs. Certes, chacun n'a pas le même pouvoir, et si celui du consommateur est minuscule, l'accumulation de millions de décisions d'achat allant dans le même sens peut produire un changement.

Le Gouvernement a engagé un processus de promotion de l'industrie française. L'opération « Le train du redressement industriel » sera lancée au printemps prochain. Ce train fera étape dans une vingtaine de villes de France, permettant aux entreprises qui embauchent dans l'industrie de présenter leur activité mais aussi la noblesse de leur métier.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'aujourd'hui certaines professions ne trouvent pas ce qu'elles cherchent. C'est le cas de métiers très nobles comme la chaudronnerie ou la soudure, présents par exemple dans les chantiers navals et dans le nucléaire, que les Bourguignons connaissent bien ; c'est le cas aussi du métier d'ajusteur. Ces métiers sont bien payés, assurent des carrières et sont par ailleurs des métiers d'assistance à machine, où les mains et le cerveau travaillent en permanence : on est loin des clichés sur le travail industriel que vous dénonciez.

Nous allons engager d'autres actions auprès du grand public, afin de réhabiliter l'image de l'industrie, mais surtout de faire participer chacun à l'amour de l'industrie française et du made in France.

Vous évoquez enfin les tribunaux de commerce. Mme la garde des sceaux et moi-même travaillons ensemble pour que ceux-ci s'améliorent. Vous évoquez les procédures de dépaysement : en effet, il ne serait pas inutile qu'un certain nombre de mécanismes de régulation – comme on dit de façon pudique – puissent intervenir. Dans le cadre du pacte de compétitivité évoqué par le Premier ministre à la suite du rapport Gallois, des mesures sont préconisées ; nous y travaillons d'arrache-pied avec Mme Taubira.

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Nous en venons au groupe Union des démocrates et indépendants.

La parole est à M. Thierry Benoit.

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Monsieur le ministre, je vous ai remis il y a quelques minutes une boîte en métal qui contient des biscuits fabriqués en Bretagne, aux confins de la Normandie. Ce sont des sablés « La Mère Poulard », fabriqués au pied du Mont-Saint-Michel, dans une entreprise que j'ai visitée il y a quelque temps.

Je me suis permis de vous remettre une boîte de 500 grammes, que vous pourrez déguster avec vos collaborateurs, pour attirer votre attention sur un vrai problème, une difficulté que nous rencontrons en France et qui a précisément fait l'objet de votre nomination à ce ministère du redressement productif. Vous luttez ardemment depuis quelques mois pour préserver notre industrie, et nous vous soutenons dans ce combat – je suis, à titre personnel, membre de la mission de suivi de l'accord avec ArcelorMittal. Alors que nous savons faire de l'acier de très haute qualité en France, l'entreprise La Mère Poulard, située aux confins des marches de Bretagne, est tenue, pour des raisons de coût et de compétitivité, d'importer de Chine le métal dont sont faites ses boîtes, puisqu'il y a un différentiel de coût de 25 %.

Ceci m'interpelle et je souhaitais à mon tour vous interpeller, car il existe à Massy une entreprise qui, il y a quelques mois encore, produisait des boîtes en métal pour cette biscuiterie bretonne, ainsi que pour un grand nombre d'autres industries françaises. Nous ne pouvons plus accepter cette situation.

Il n'est pas question pour moi de prôner le protectionnisme, loin de là. Mon propos, monsieur le ministre, est de vous alerter sur ces difficultés et de vous encourager à vérifier que les règles sociales et environnementales qui régissent la vie de ces pays sont les mêmes que celles qui régissent les entreprises d'Europe, et notamment les entreprises françaises. Telle est ma première question.

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La parole est à M. le ministre du redressement productif.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur le député, vous faites allusion au marché européen de l'acier et à sa compétitivité. Vous avez raison d'évoquer les produits d'emballage de très haute qualité qui sont fabriqués notamment à Basse-Indre et à Florange et qu'on appelle le packaging : il s'agit d'aciers très fins qui servent de tôle d'emballage à de nombreux produits de grande consommation. Vous avez également raison de dire que la concurrence déloyale que nous livrent les aciéristes mondiaux s'est intensifiée et durcie.

La Commission européenne, à la demande de plusieurs gouvernements, dont le nôtre, vient d'ailleurs d'adopter plusieurs mesures de protection contre le dumping, touchant certains aciers spéciaux en provenance de Chine : cette décision, qui témoigne d'une réelle évolution de la Commission européenne, mérite d'être notée. Je peux vous dire, pour avoir mené le combat avec nos amis allemands, espagnols, italiens, belges, portugais, grecs, parfois même slovènes, slovaques, bulgares et hongrois, qu'un certain nombre de ces pays considèrent que la concurrence mondiale déloyale, dans la mondialisation, est devenue insoutenable pour les intérêts de l'industrie européenne.

C'est une des raisons pour lesquelles, au conseil de compétitivité, qui réunit l'ensemble des ministres de l'industrie des vingt-sept États membres, nous voyons progresser les thèmes de la fin de la naïveté. J'ai salué les propos de Michel Barnier, commissaire européen en charge du marché intérieur, qui s'est exprimé en ce sens, en affirmant que nous ne pouvions pas continuer à avoir une passoire dans la mondialisation. Quand toutes les grandes nations industrielles, qu'elles soient émergentes ou depuis longtemps émergées, pratiquaient le protectionnisme, l'Europe continuait de le refuser pour elle-même.

Ces thèmes progressent et un certain nombre de décisions ont été prises ou sont sur le point de l'être ; l'acier en fait partie. Dans certains secteurs, continuons le combat et cherchons des solutions avec les entreprises. Votre entreprise de Massy, qui fabrique la tôle, va bénéficier du pacte de compétitivité et du crédit d'impôt : si elle innove, si elle trouve d'autres méthodes, peut-être pourra-t-elle valoriser différemment son travail. Et dites à la Mère Poulard qu'elle fasse l'effort d'acheter français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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La parole est de nouveau à M. Thierry Benoit, pour une deuxième question.

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Je transmettrai votre message, monsieur le ministre…

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Elle n'est pas commode, la Mère Poulard ! (Sourires)

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…et je crois même que vous pourrez le transmettre vous-même, puisque je vous invite cordialement dans le pays de Fougères pour rencontrer les dirigeants de cette entreprise. Vous y serez le bienvenu.

Le deuxième sujet sur lequel je souhaite vous interpeller est, si je puis dire, de la même veine. Je n'ai rien contre les Chinois : comme l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, j'aime la Chine et les Chinois. Cela ne m'empêche pas, néanmoins, de m'intéresser à leur façon de travailler, aux méthodes qu'ils emploient et aux conditions sociales des femmes et des hommes qui travaillent, et je suis plus ennuyé lorsque ce sont des enfants qui travaillent.

Je souhaite attirer votre attention sur la question du granit : le granit breton, celui du Sidobre, dans le Tarn, ou encore le granit des Vosges. Nous rencontrons en Europe et en France un vrai problème, puisque certains donneurs d'ordres, des collectivités par exemple, préfèrent recourir à l'importation. Je vous ai interrogé il y a quelques mois au sujet d'une collectivité bretonne qui, pour respecter son cahier des charges, avait presque intérêt à importer son granit, plutôt que de commander, par exemple, un granit breton. C'est un vrai problème.

Je ne méconnais pas les dispositifs et les outils que vous essayez de mettre en oeuvre pour redonner de la compétitivité aux entreprises, tout en les sensibilisant au made in France et en les y poussant.

Ma question concerne l'indication géographique protégée, au sujet de laquelle l'ancien gouvernement avait conçu un projet de loi. Le granit breton n'est pas le granit chinois, ni le granit portugais : il a des caractéristiques. Avec votre concours, et à travers ce projet de loi, que nous voudrions vous voir reprendre à votre compte, nous souhaitons que l'indication géographique protégée, qui valorise les territoires et les produits issus de ces territoires, profite aux entreprises de France et aux salariés français.

Quand, monsieur le ministre, comptez-vous mettre en place cette indication géographique protégée ? Est-ce qu'elle pourra être étendue au granit, comme le demandent ses producteurs ? Lorsqu'il était ministre, M. Lefebvre s'était déplacé à Louvigné-du-Désert, un haut lieu du granit breton, pour faire des propositions en matière d'indication géographique protégée.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Merci, monsieur le député, de faire part de votre préoccupation, qui concerne de nombreux produits et de nombreux territoires. Vous posez en réalité deux questions en une.

La première touche à la commande publique : pouvons-nous réformer les textes pour faire en sorte qu'un certain nombre de préférences puissent être exprimées dans les appels d'offres, notamment en termes de proximité et de respect des droits sociaux et environnementaux ? Je rappelle que la commande publique représente environ 18 % du PIB de la zone euro, ce qui est assez considérable. Alors que les Américains ont protégé 100 % de leur commande publique et l'ont réservée, par le Buy American Act, à leurs seules entreprises, les Européens, eux, ont ouvert à 100 % leur commande publique : où est la réciprocité ? La question est posée.

C'est une des raisons pour lesquelles, avec Pierre Moscovici, nous avons bâti un groupe de travail, qui doit trouver des solutions et préconiser des réformes : il s'agit, tout en exécutant, bien entendu, les prosternations d'usage devant les règles bruxelloises, d'organiser la protection de nos intérêts industriels.

Vous me demandez ensuite si l'indication géographique protégée est au programme du Gouvernement : la réponse est oui. C'est Mme Sylvia Pinel et M. Benoît Hamon qui piloteront cette réforme, programmée pour le premier semestre de 2013. Elle permettra de protéger des produits enracinés et transformés sur place ; je pense, bien sûr, à l'affaire de Laguiole, qui a déclenché l'accélération du processus, puisque les couteaux Laguiole n'appartiennent plus au village de Laguiole.

L'indication géographique protégée permettra de corriger les abus et les excès et permettra au consommateur de choisir une forme d'appellation contrôlée des produits industriels. Le Gouvernement est attentif à ces questions ; Mme Pinel et M. Hamon, dans la loi sur la consommation, vous saisiront de cette réforme.

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Nous en arrivons au groupe écologiste.

La parole est à M. François de Rugy.

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Monsieur le ministre, il se trouve que, cet après-midi même, nous avons eu un débat en commission élargie avec vos collègues des affaires européennes et du commerce extérieur sur la régulation du commerce mondial et l'avenir de l'industrie, les deux thèmes étant liés.

Aujourd'hui, alors qu'une concurrence déloyale pèse malheureusement sur de nombreux secteurs, nous devons faire face à un défi : celui de la réindustrialisation de notre pays et de l'Europe, que vous évoquez souvent. Nous, écologistes, pensons que cette réindustrialisation, loin de s'opposer à l'écologie, peut trouver là une opportunité de se redéployer dans de nouvelles filières. Ceci est d'ailleurs indissociable de la régulation du commerce mondial.

Je voudrais, d'une façon plus précise, attirer votre attention sur le cas de plusieurs entreprises que j'ai eu à connaître, qu'elles soient ou non implantées dans ma région : je pense aux entreprises Alcatel-Lucent ou Texas Instruments, qui sont soumises à une concurrence que je crois pouvoir qualifier de déloyale. Je crois vraiment que la concurrence qui s'exerce au niveau mondial dans ces secteurs n'est pas loyale. Ces entreprises s'apprêtent à licencier massivement sur leurs sites français ; or ces deux sociétés appellent de leurs voeux, les salariés aussi bien que les dirigeants, un soutien plus marqué des pouvoirs publics, tant au niveau français qu'européen, aux entreprises respectueuses d'un certain nombre de normes sociales et environnementales.

Ainsi, monsieur le ministre, par quelles actions entendez-vous agir pour garantir l'avenir de ces filières ?

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La parole est à M. le ministre du redressement productif.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Merci, monsieur le député, d'avoir attiré l'attention de l'Assemblée nationale et du Gouvernement sur la concurrence mondiale déloyale. Nous la vivons, mais les États ne sont pas obligés de rester inactifs : ils peuvent parfaitement s'organiser.

Dans le domaine que vous évoquez, nous avons déjà engagé un certain nombre d'initiatives, dans le détail desquelles je ne suis pas en mesure d'entrer ici, mais sur lesquelles je pourrai donner des précisions le moment venu, lorsque ces informations pourront être rendues publiques.

S'agissant de ce secteur qui a été extrêmement abîmé par un certain nombre d'événements industriels et économiques, nous avons le souhait d'utiliser la politique des télécommunications nationales comme un outil de politique industrielle. Les choix qui seront faits, d'abord dans le cadre de la réforme de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, sont des choix qui doivent relever davantage du politique que d'une autorité indépendante. Celle-ci exerce certes son magistère conformément à la loi, mais la loi a excessivement délégué les pouvoirs du politique à une autorité qui n'endosse pas elle-même la responsabilité de la politique industrielle, qui n'exerce pas non plus la politique sociale de l'emploi, et qui n'a d'autre responsabilité que celle d'organiser la régulation d'un secteur in abstracto, avec des règles qui lui ont été confiées par le législateur.

Nous souhaitons donc repolitiser l'ensemble des questions relatives aux télécoms, afin que la politique industrielle puisse réellement faire l'objet d'un arbitrage entre des choix relevant des télécoms, des choix culturels, des choix fiscaux et des choix purement techniques.

C'est pourquoi vous entendrez bientôt parler, monsieur le député, d'un certain nombre d'initiatives du Gouvernement français.

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Monsieur le ministre, chers collègues, comme vous tous ici, je me nourris d'histoires vraies. Il y en a une qui m'obsède depuis plusieurs mois : c'est l'histoire des papeteries du Doubs, en difficulté comme l'ensemble du secteur.

Cette papeterie, qui pouvait incarner une industrie datée du XIXe siècle, polluante et énergivore, a d'abord réalisé une station de lagunage pour traiter ses effluents ; elle s'apprête à entrer dans le XXIe siècle en préparant sa mutation énergétique, avec la réalisation d'une centrale de cogénération biomasse qui lui permettra de recycler le papier et le carton. Parfaitement juste, d'autant qu'un repreneur apporte une part importante des financements ! Et là, qu'observe-t-on ? Depuis quatre mois, les banques sont totalement paralysées.

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Cet exemple illustre le rôle essentiel que devraient jouer les banques dans le développement de l'industrie et de l'économie. Pourtant, nous le savons tous : elles délaissent trop souvent ce rôle au profit d'activités spéculatives plus rentables, dont le risque ne semble pas les effrayer.

Le véritable enjeu réside dans les entreprises de moins de 500 salariés, qui représentent plus de 50 % de la valeur ajoutée produite en France et embauchent 60 % des salariés français. La plupart d'entre elles sont aujourd'hui confrontées à des difficultés de financement.

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Nous comptons sur la BPI pour réamorcer la pompe. Nous y avons intégré des critères de transition écologique et énergétique, une référence aux entreprises en mutation qui devraient bénéficier de cet outil. L'industrie de demain sera compétitive si elle est économe en ressources et peu polluante, si elle propose des produits robustes, réparables et recyclables.

La loi bancaire est également très attendue. Elle aura pour ambition d'orienter les financements vers l'économie réelle. Elle devra également intégrer la transition écologique comme une garantie de succès et donc de rendement pour les acteurs mêmes de la finance.

Monsieur le ministre, je suppose que vous êtes très attentif à l'ensemble des dispositifs financiers qui rendront possible votre ambition de réindustrialisation. Pourriez-vous nous indiquer votre perception de ce sujet du financement de l'économie et des entreprises ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur le député, la vision qu'a le ministère du redressement productif du système bancaire est aussi négative que la vôtre. Il suffit d'ailleurs de rencontrer des chefs d'entreprises au quotidien pour mesurer à quel point beaucoup d'entrepreneurs utilisent aujourd'hui les économies, les prêts inter-entreprises, l'auto-financement et même des systèmes de débrouille, car le système bancaire est aux abonnés absents pour la réindustrialisation.

C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de doter la Banque publique d'investissement d'un montant équivalent à 42 milliards d'euros. Nous voyons aujourd'hui qu'un certain nombre de nos établissements bancaires viennent chercher des garanties chez OSEO pour décider de prendre le risque, de telle sorte que c'est aujourd'hui l'État qui est à l'origine des tours de table de financement dès lors que des projets industriels ne semblent pas intéresser les banques.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

En créant la BPI, nous avons pris deux sortes de mesures. En premier lieu, la BPI amplifiera l'excellent travail d'OSEO et permettra le financement de l'économie. Par ailleurs, elle accentuera les mécanismes de financement du crédit d'impôt que nous avons adopté en loi de finances, avec votre soutien, permettant d'anticiper un certain nombre d'évolution. Il s'agit, en quelque sorte, d'un « Dailly fiscal » : en 2013, les entreprises pourront escompter le montant équivalent au crédit d'impôt.

Je veux aussi évoquer la nomination de la nouvelle médiatrice du crédit, Mme Jeanne-Marie Prost. L'ancien médiateur du crédit, M. Rameix, a rejoint l'AMF, et nous avons pourvu son poste laissé vacant. Dans une période où les banques manquent à l'appel, la médiatrice du crédit est très active et intervient auprès des établissements de crédit. N'hésitez pas à la saisir dans vos circonscriptions, au gré de vos rencontres sur le terrain : je vous rappelle qu'elle dispose d'un correspondant dans chaque département.

Enfin, la Banque publique d'investissement disposera de fonds qui financeront notamment la transition énergétique, par le biais des prêts verts et du fonds Écotech – écologie et technologie – à la disposition de ce type d'entreprises.

Nous allons multiplier les occasions de substitution au système bancaire, en attendant la loi de séparation des activités bancaires qui permettra enfin de mettre bon ordre dans le système de crédit français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Nous en venons au groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à M. Gérard Charasse, pour une première question.

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Monsieur le ministre, l'actualité industrielle récente en Lorraine a remis à l'ordre du jour une promesse importante du candidat François Hollande : le vote d'une loi sur la reprise des sites rentables.

Lorsque de grands groupes décident de fermer des sites industriels rentables, souvent par pure logique financière – je pense en particulier à Svana et Candia, deux sites vichyssois sur la sellette dont je vous ai déjà parlé –, nous pouvons soutenir l'idée qu'une transmission forcée par voie de justice puisse s'effectuer si un repreneur se présente et si le groupe qui cède le site est indemnisé au prix du marché, car l'ensemble des conséquences externes négatives a un coût immense.

Lorsqu'un site industriel disparaît, ce sont évidemment des emplois, mais aussi – plus grave – des savoir-faire, des techniques, une activité locale et des emplois induits qui disparaissent également.

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Tout cela se reconstruit très lentement, j'ai connu l'affaire de Sediver.

Or nous entendons très souvent que ce texte de loi rencontre des obstacles juridiques importants, et que l'obligation de cession ne serait plus envisagée. La possibilité pour un juge d'imposer à une entreprise la cession d'un de ses sites comporterait un risque juridique constitutionnel au regard du droit de propriété, ainsi qu'un risque d'incompatibilité avec le droit issu de l'Union européenne sur la liberté d'établissement.

Il semble que le texte de loi résultera finalement d'une initiative parlementaire. Avez-vous des précisions à nous apporter quant au calendrier ? Quelle sera l'efficacité de cette loi si la cession ne peut pas être imposée ? Compte tenu du contexte économique précaire, combien de sites pourraient être concernés dans les prochaines années par cette loi ? Enfin, avez-vous des évaluations des risques potentiels de désincitation à l'investissement pour les industriels étrangers ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur le député, vous posez les bonnes questions : je tâcherai d'y répondre le plus précisément possible dans le temps réduit qui m'est imparti.

Ce texte est une proposition de loi, entre les mains des parlementaires : je salue le président de la commission des affaires économiques, M. François Brottes ici présent, chargé d'organiser le travail de coopération entre le Gouvernement et le Parlement.

Existe-t-il des risques juridiques ? Il y en a toujours, même lorsque l'on ne les soupçonne pas. Ces risques doivent-ils nous empêcher d'agir ? Non. Peut-on les surmonter ? Oui.

Un juge peut-il décider de transférer de façon contrainte un morceau d'entreprise à un repreneur ? Cette mesure est-elle constitutionnelle ? Constitue-t-elle une atteinte au droit de propriété ? Non !

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Pourquoi ? Si c'était l'État qui agissait ainsi, on nous répondrait qu'il n'y a pas d'atteinte au droit de propriété puisqu'il existe un intérêt public.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Mais, dans notre cas, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit d'une transmission forcée par voie judiciaire organisant le respect contradictoire des intérêts du vendeur et fixant le prix sous le contrôle du juge, de sorte que ses intérêts soient préservés.

De quoi s'agit-il donc en vérité ? Exactement de ce que fait l'Autorité de la concurrence lorsqu'elle oblige une entreprise en situation d'abus de position dominante à se séparer d'un morceau d'elle-même pour le vendre à qui elle trouvera sur le marché. Il n'y a là nulle atteinte au droit de propriété, mais un équilibre entre deux droits. C'est exactement l'idée de ce projet.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Cet après-midi, j'étais à Alizay avec le commissaire au redressement productif, le préfet et le président du conseil général de l'Eure, M. le député Jean-Louis Destans, dans l'entreprise M-Real, qui a finalement été reprise et a inspiré la proposition de loi dont vous allez discuter. Les salariés, qui voyaient fermer une entreprise dotée d'un outil performant, fiable et rentable, ont été très heureux de constater que la négociation avait permis une transmission par voie contractuelle à des Thaïlandais qui ont investi en France. Je les ai salués et remerciés d'avoir fait le choix de la France. Tout le monde est heureux ! Je crois que nous pouvons arriver à une solution équilibrée avec l'ensemble de la représentation nationale.

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La parole est à M. Gérard Charasse, pour une seconde question.

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Monsieur le ministre, je le répète mais vous le savez : la France traverse, hélas, une période de désindustrialisation massive…

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…qui a des conséquences économiques et sociales graves pour nos concitoyens. Face à cette situation, nous avons le devoir de chercher sans cesse des réponses pour améliorer nos capacités productives et la qualité de vie – je dirais même la vie tout court – des Français.

Si les questions industrielles relèvent en partie de la compétence des États membres, nous savons bien que ces réponses ne peuvent pas être apportées uniquement à l'échelle de la France. Au niveau de l'Union européenne, le Conseil compétitivité, qui existe depuis juin 2002 et résulte de la fusion de trois formations qui existaient précédemment – les conseils marché intérieur, industrie et recherche –, a pour vocation de coordonner les politiques nationales pour renforcer la compétitivité et la croissance en Europe.

Vous avez contribué à populariser le concept de démondialisation.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Très bien !

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Vous avez des positions assez tranchées sur les distorsions de concurrence dans les règles du commerce international, et vous participez régulièrement à ces conseils compétitivité. Avez-vous le sentiment d'avoir convaincu vos homologues européens de la concurrence déloyale des Chinois, qui fait perdre des centaines de milliers d'emplois en France et en Europe et que vous dénoncez régulièrement dans les médias ? Que pensent vos homologues de l'idée de démondialisation ? Quels résultats avez-vous pu obtenir dans ce combat ?

Dernière question : quels sont les obstacles qui pèsent au niveau de l'Union européenne pour lutter efficacement contre la concurrence déloyale dans le commerce international, et comment comptez-vous les surmonter ?

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La parole est à M. le ministre, pour répondre à toutes ces questions en deux minutes.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Je tâcherai d'être court,…

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

…mais les questions sont passionnantes !

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Je respecte infiniment la représentation nationale : je lui dois des réponses précises et documentées.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

La France a engagé, avec l'aide de ses partenaires allemand, espagnol et italien, un processus de remise à niveau du Conseil compétitivité. Dans l'Union européenne, il n'y a pas que la crise éternelle de l'euro, les problèmes financiers et bancaires : il y a aussi l'économie réelle, l'industrie, avec des hommes et des femmes qui travaillent. Nous avons souhaité dynamiser et repolitiser le Conseil compétitivité, et la rencontre à Berlin avec mon homologue Philipp Rösler, vice-chancelier en charge de l'économie et de l'industrie, a confirmé cette orientation.

Quels sont les premiers résultats ? D'abord, nous avons obtenu une révision de l'ensemble des politiques de l'Union au regard des intérêts de la politique industrielle : révision des aides d'État, rediscussion de la politique commerciale extérieure, la fameuse politique si naïve dénoncée par Michel Barnier. Surtout, nous avons apprécié l'appui que le commissaire européen à l'industrie, Antonio Tajani – de nationalité italienne mais européen convaincu –, a pu donner à un certain nombre de suggestions de la France. Il a notamment pris l'initiative, devant les difficultés rencontrées par le secteur automobile en Europe – Fiat est en difficulté en Italie, de même qu'Opel en Allemagne et PSA en France –, d'engager un processus de surveillance de l'ensemble des accords de libre-échange consentis par l'Union européenne avec d'autres grandes nations industrielles. Ce point est intéressant car le commissaire Karel De Gucht, en charge de la politique commerciale extérieure, nous avait refusé ne serait-ce que le droit de surveiller les importations de véhicules Hyundai et Kia en provenance de Corée dans le cadre de l'accord de libre-échange euro-coréen. C'est dire que nos idées progressent !

La démondialisation, qui n'est autre que le rapprochement des lieux de production et de consommation, est-elle en marche ? Elle l'est partout,…

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

…ne serait-ce que parce que les salaires chinois sont en hausse,…

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Ce n'est pas vraiment ce que l'on a entendu cet après-midi…

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

…que le prix de la logistique explose, et qu'il y a par exemple dans les entreprises américaines un mouvement réel et sensible de relocalisation sur le territoire américain. Je pourrais dire que ce mouvement commence à frémir du côté de notre pays ; le Gouvernement a pris un certain nombre de décisions et de mesures pour l'accentuer.

À l'échelle européenne, comme toujours, nous sommes un peu plus nombreux, et la discussion prend donc plus de temps. Cependant, je peux vous dire que nous avons réussi à coaliser un certain nombre de pays qui ne veulent plus, aujourd'hui, faire preuve de cette fameuse naïveté dans la mondialisation déloyale actuelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

J'ai le soutien de la droite sur cette question !

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La parole est à M. Jean-Paul Dupré, pour un rappel au règlement.

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Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 alinéa 1.

Notre débat s'inscrit dans le cadre de la semaine de contrôle de l'action du Gouvernement. Son organisation me semble bien rigide dans la mesure où il n'est pas possible de poser une question si l'on n'est pas inscrit au préalable. Pourrais-je néanmoins m'exprimer sur le sujet à l'ordre du jour et poser une question à M. le ministre ?

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Je crains, mon cher collègue, que cela ne soit pas possible, mais je suis convaincu que le ministre répondra à votre question à l'issue de la séance.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Favorable !

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Je pensais à tort que le groupe SRC n'avait pas épuisé son temps de parole, monsieur Dupré…Ma bonne volonté ne suffira peut-être pas ! (Sourires.)

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Nous en venons aux questions du groupe de la gauche démocrate et républicaine.

La parole est à M. André Chassaigne.

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Nous, députés du Front de gauche, avons, le mois dernier, approuvé la création de la Banque publique d'investissement, car nous considérons que la BPI peut être l'un des instruments du redressement productif et du sauvetage de notre industrie.

Nous sommes néanmoins loin à ce stade de la création d'un véritable pôle financier public, qui impliquerait la mise en réseau des établissements financiers publics et semi-publics et une réorientation du crédit visant à imposer le respect de critères sociaux et environnementaux, tels que le développement et la sécurisation de l'emploi, le développement de la formation et de la recherche, le financement de la transition écologique. Quels critères peut-on imposer aux entreprises ? Cela aurait été plus facile dans le cadre d'un véritable pôle financier public.

Nous ne pouvons que constater d'autre part que la BPI, en l'état, n'est pas à la hauteur de son homologue allemande, la fameuse KfW, qui dispose aujourd'hui de près de 500 milliards d'euros. Ce qui fait aujourd'hui la force de cet établissement allemand, c'est le recours à la création monétaire. C'est pourquoi nous continuerons de défendre la transformation de la BPI en établissement public de crédit de plein exercice, en capacité de se refinancer auprès de la Banque centrale européenne. Cette possibilité permettrait à la BPI de contourner l'écueil d'un recours systématique aux marchés financiers.

L'une de nos interrogations porte sur l'articulation de la BPI et de la Banque européenne d'investissement. Quelles sont les mesures envisagées, ou qui pourraient l'être, afin de garantir la cohérence et la convergence des moyens de financement respectifs de ces deux institutions ? En fait, rapprocher ces deux institutions dans leurs interventions. Quels sont les leviers qu'entend à cet égard actionner le Gouvernement afin de favoriser l'émergence, dans notre pays, d'un réseau plus dense de petites et moyennes entreprises industrielles réellement indépendantes ?

Ma question rejoint un grand nombre d'autres questions qui ont été posées, et porte sur la question de l'argent et du crédit.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur le député, la BPI, création collective, n'est pas une banque comme les autres : elle est chargée de faire une concurrence « déloyale » au système financier et bancaire, en proposant moins de gourmandise dans la rémunération et plus de patience dans l'investissement. C'est là une forme d'innovation qui permet d'imaginer que nous puissions disposer d'alternatives au financement ou au non-financement par le système bancaire – le marché, comme l'on dit – d'entreprises qui ont besoin de crédits pour vivre, croître et embellir.

Vous posez la question de savoir si nous allons nous arrêter aux 42 milliards d'euros de dotation et vous avez cité, à cet égard, l'exemple allemand. Nous avons en tête de travailler sur l'épargne ; Pierre Moscovici a du reste demandé à vos collègues Dominique Lefebvre et Karine Berger de se pencher sur cette question. L'épargne est à un niveau considérable en France, notamment l'épargne issue de l'assurance-vie. Vous le savez, nous disposons d'un encours de 1 300 milliards d'euros d'assurance-vie, encours défiscalisé, dont moins de 10 % vont dans l'économie et 4 % dans les PME.

Nous sommes tout de même en droit, je l'ai dit aux assureurs, de demander des contreparties aux efforts fiscaux consentis par la nation et de demander que les assurances prennent part au redressement industriel et productif de notre pays. Vous serez donc amenés à débattre sur l'assurance-vie et à vous pencher sur la manière de faire en sorte que l'encours soit moins stérile pour l'industrie française.

Vous posez également la question de l'articulation avec la Banque européenne d'investissement. Ce sont des éléments complémentaires. Les 7 milliards d'euros qui sont alloués à la France par la BEI sont de nature à venir renforcer tous les financements ou certains financements de la BPI. C'est ensuite un travail au cas par cas, de dentellière si je puis dire, pour raccommoder les deux processus. Nous-mêmes, nous le faisons dans un certain nombre de dossiers structurants. Nous ressentons d'ailleurs une forme de disponibilité, de bienveillance de la BEI pour soutenir les actions volontaristes du Gouvernement.

Les chantiers sont devant nous : work in progress, dit-on en anglais. Nous travaillons en marchant. Nous améliorons en progressant. C'est ce que nous allons essayer de faire ensemble. (M. Jean Lassalle applaudit.)

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Vous parliez du travail de dentellière, monsieur le ministre. La dentelle, c'est au Puy. Dans ma circonscription, c'est le couteau. Or souvent, dans vos réponses brillantes, vous êtes un peu sur le fil du rasoir, monsieur le ministre. (Sourires .)

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La question est de savoir quelle en sera l'application ! Quoi qu'il en soit, je tenais à dire que vous réponses sont très précises.

Ma seconde question est d'actualité. Le 11 janvier dernier fut signé l'accord entre le Medef et trois organisations syndicales sur la sécurisation de l'emploi. Je précise que ces trois organisations ne représentent que 36 % des salariés français. Nous sommes donc loin de la majorité dont on parle.

Pour l'essentiel, cet accord répond aux exigences du Medef et du patronat.

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S'il doit se traduire par des mesures législatives, il officialisera la précarité, la flexibilité du travail et donnera une plus grande liberté aux entreprises pour licencier. C'est mon analyse et celle des députés du Front de gauche, que beaucoup ici ne partagent pas.

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En cas de difficultés conjoncturelles, les entreprises pourront imposer une baisse des salaires, une hausse ou une diminution de la durée du travail, et des mutations qu'il ne sera plus possible de refuser. Carlos Ghosn et la direction de Renault sont passés très vite aux travaux pratiques : le 15 janvier, après avoir annoncé une réduction de près de 8 000 postes d'ici à 2016, le groupe Renault s'est livré au chantage à l'emploi. Si aucun accord de compétitivité n'est trouvé avec les organisations syndicales, il y aura des fermetures de sites et un plan social. Ce que la direction appelle « accord de compétitivité » se résume à une baisse des salaires, une augmentation du temps de travail et une remise en cause des acquis sociaux.

Alors que la trésorerie de Renault et les bénéfices réalisés permettent de continuer de verser des millions d'euros aux actionnaires – c'est le coût du capital –, on demande aux salariés de porter seuls les efforts de compétitivité. Pourtant, ce n'est pas le coût du travail qui pèse sur les résultats, mais bien plus le coût du capital avec les profits massivement versés aux actionnaires au détriment de l'emploi.

Renault et les constructeurs français pâtissent d'une baisse importante des ventes de voitures particulières et utilitaires. Pourquoi ? Essentiellement parce que les Français s'appauvrissent et parce que l'économie ralentit. Pour preuve : le marché du véhicule d'occasion – 4,5 millions de véhicules par an – n'a jamais été aussi dynamique, et pour les véhicules de luxe, les résultats restent stables.

Monsieur le ministre, les solutions pour lutter contre le démantèlement du secteur de l'automobile impliquent un changement de cap industriel et une relance économique par l'augmentation des salaires et du pouvoir d'achat. Allez-vous défendre le cap d'une politique industrielle ambitieuse ? Mais défendre une politique industrielle ambitieuse ne consiste pas, selon moi, à entériner un accord qui n'est pas représentatif.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Je laisserai à Michel Sapin le soin d'exposer la position du Gouvernement sur l'accord du 11 janvier relatif à la sécurisation et au maintien de l'emploi.

S'agissant de Renault, de quoi parlons-nous ? Renault a annoncé la suppression de 7 500 postes sur quatre ans. Il ne s'agit pas de licenciements, de plans de départs volontaires, ni de ruptures de contrat de travail, mais d'un plan de gel d'embauches. Ce sont des départs naturels à la retraite qui sont, en outre, améliorés – et c'est bien ainsi que les ouvriers de Renault le ressentent – par des mesures de préretraite à cinquante-huit ans avec 75 % du salaire, ce qui n'est plus pratiqué nulle part dans aucune entreprise française. En 2012, il eut 2 200 départs de ce niveau, qui sont des gels d'embauche, mais en fait des départs naturels à la retraite, soutenus par des mécanismes de pré-retraite approuvés par de nombreuses organisations syndicales, y compris Force ouvrière.

Évidemment, je ne me réjouis pas du gel d'embauches.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Je préfère que les entreprises embauchent, mais lorsqu'une entreprise subit 20 % de baisse de son marché, je préfère cette solution à la fermeture de sites, aux plans de départs volontaires, ou au plan de licenciements massifs. Je préfère toujours que l'on anticipe et négocie plutôt que d'imposer et de casser.

C'est l'une des raisons pour lesquelles la direction de Renault a annoncé son désir de négocier un accord de maintien et de non-licenciement. En contrepartie de l'absence de fermeture de sites et de l'absence de licenciements, la question était de savoir si un certain nombre d'efforts pouvaient être faits par les salariés.

La direction de Renault a proposé un gel des salaires pour la seule année de 2013 et pas une baisse des salaires ainsi que vous l'avez dit, monsieur le député. En 2014, 2015 et 2016, les hausses pourront être négociées jusqu'à l'inflation et assorties d'une prime d'intéressement allant, si l'entreprise retrouve des résultats opérationnels supérieurs à 3 %, jusqu'à 250 à 300 euros par salarié. Voilà la proposition de Renault.

Deuxièmement, sur le temps de travail, la proposition de M. Ghosn et du directoire de Renault est d'amener tous les salariés, en moyenne, à trente-cinq heures. Un certain nombre de sites industriels de Renault sont en dessous de trente-cinq heures, et sont à trente-deux, parfois trente-trois heures. Il s'agit d'une demande de mise à niveau à trente-cinq heures.

Y a-t-il d'autres demandes de la direction de Renault ? Oui, lorsqu'il y a des problèmes de site, il est préconisé d'assurer une mobilité entre plusieurs usines séparées par quelques dizaines ou centaines de kilomètres, avec des indemnisations à la clé.

Enfin, dernier point, il y a l'engagement qu'en contrepartie,, il n'y aura pas de licenciement à Renault, alors que le marché baisse de 20 %. Lorsque votre production baisse de 20 %, il faut s'adapter, sinon l'entreprise va commencer à perdre des moyens et de l'argent. Je préfère que l'on trouve des solutions, même temporaires, sur deux, trois ou quatre années, plutôt que des solutions consistant à fermer des sites et à licencier les gens, après quoi l'on risque fort de ne pas retrouver les outils industriels qu'on aura perdus.

Cette stratégie me paraît plus raisonnable. Est-ce que cette négociation est loyale ? Le Gouvernement n'accepte pas le moindre chantage.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

C'est un compromis. La négociation doit avoir lieu dans la confiance et la loyauté.

Nous souhaitons, et je le dis en dépassant mon temps de parole, ce dont je vous prie de m'excuser, monsieur le président, – Michel Sapin, Pierre Moscovici et moi-même souhaitons que cette négociation ne soit pas un chantage, mais un échange de concessions réciproques loyales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Je demande la parole pour un rappel au règlement.

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Non, monsieur le député, on ne reprend pas la parole après le ministre.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à M. Patrice Prat.

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Depuis plusieurs mois déjà, vous êtes, monsieur le ministre, sur tous les fronts et tout particulièrement celui des plans sociaux qui se succèdent. Nous pouvons d'ailleurs tous regretter ici que l'État n'ait pas toujours su ou voulu s'interposer pour que soit trouvée plus facilement une solution dans ces dossiers industriels et sociaux. La marque de ce nouveau volontarisme de l'État sur les sujets économiques témoigne sans doute d'un tournant majeur au service du redressement industriel de la France.

Cependant, la surmédiatisation, bien naturelle, des plans sociaux ne doit pas occulter le travail de fond que mène le Gouvernement, et notamment votre ministère, particulièrement sur la réorientation de la politique industrielle de la France, qui doit s'inscrire bien sûr dans la longue durée. Ainsi faut-il saluer la mise en oeuvre par le Gouvernement du pacte de compétitivité, de même que la création de la Banque publique d'investissement, pour ne citer ici que les mesures les plus emblématiques.

Nous devons cependant aller plus loin. Il importe d'agir directement sur la relocalisation des entreprises et sur l'attractivité de notre pays pour consolider notre capacité de produire en France.

En tant que député d'une circonscription industrielle, je constate d'ailleurs que notre situation géographique, notre savoir-faire, notre culture industrielle, nos infrastructures de transport, notre sécurité juridique et même notre fiscalité font encore l'attractivité de notre territoire France.

Vous avez récemment évoqué votre volonté de mettre en place une politique de reshoring, inspirée par la politique menée par Obama aux États-Unis. Ce plan est une réussite et s'est traduit par la relocalisation de près de 50 000 emplois en un an seulement. Il propose une aide aux entreprises pour inciter à rapatrier ce qui coûte moins cher à fabriquer dans le pays d'origine.

Monsieur le ministre, à l'heure où vous avez fait de la marinière le symbole d'un patriotisme économique, comment comptez-vous appliquer ce type de politique de relocalisation en France ? De quels moyens disposerons-nous ? Quels sont les objectifs en termes d'entreprises et d'emplois que vous fixez pour la France ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Je veux tout d'abord dire, monsieur le député, que la France est la première destination en matière de projets industriels en Europe : en 2012, on a compté 698 projets d'investissement étranger en France, soit 13 projets par semaine. Ceux qui aujourd'hui maltraitent la France, ceux qui s'adonnent au dénigrement public de la France – je préfère cette expression à celle de French bashing, qui n'est pas française – ne savent pas à quel point la France est, depuis des décennies, une destination attractive. Elle doit continuer à l'être, y compris pour ses propres outils industriels qui ont délocalisé et que nous souhaitons faire revenir.

Nous constatons d'ailleurs qu'un mouvement a commencé. Il se manifeste d'abord par l'esprit patriotique d'un certain nombre de chefs d'entreprise. Les lunettes Atol sont relocalisées de la Chine vers la France ; les surgelés Findus ont ramené d'Europe de l'Est et de Chine un certain nombre de productions agroalimentaires ; les skis Rossignol relocalisent également, ainsi que les chariots Caddie. Nous avons ainsi recensé plus d'une trentaine d'entreprises qui ont fait de tels choix ces dernières années, et ce à la suite de calculs de localisation compétitive. N'entre pas seulement en compte le coût du travail, dont M. Chassaigne a raison de dire qu'il est une obsession excessive. Il faut également considérer le coût du foncier, très compétitif en France par rapport à d'autres pays européens, le coût de l'énergie, très compétitif également, et il faut le défendre, par rapport à d'autres pays européens, grâce au nucléaire, il faut le dire.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Ainsi, dans les études menées par KPMG sur les coûts d'implantation dans les grandes nations industrielles, la France, avec ses faibles coûts, est dans le peloton de tête. Reconnaissons-le, c'est une bonne base pour commencer.

Vingt mille entreprises ont investi en France, qui emploient deux millions de salariés. Dix-sept mille entreprises françaises utilisent le crédit d'impôt recherche, de même que deux mille entreprises étrangères ; c'est un facteur de relocalisation des laboratoires de recherche-développement.

Nous pourrons nous appuyer sur le crédit d'impôt du pacte de compétitivité pour permettre aux entreprises de modifier leurs calculs. Coût de la logistique, anticipation sur les taxes carbone qui vont se multiplier dans le monde, explosion du prix de l'énergie, problèmes de qualité, difficultés du flux tendu, questions de stock, délais de livraison : tous ces facteurs, qui font la compétitivité, laquelle ne se résume pas au coût, compteront de plus en plus.

Nous allons donc nous mettre en campagne. J'ai confié à l'Agence française pour les investissements internationaux le soin d'ouvrir un programme de relocalisation compétitive pour convaincre les grands groupes qui produisent loin pour réimporter ici de produire ici pour ne pas avoir à réimporter. C'est un peu l'esprit du programme lancé par Barack Obama, qui s'appelle « Let's bring our jobs back home », c'est-à-dire « ramenons les emplois à la maison ».

C'est ce que nous allons faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. André Chassaigne, pour un vrai rappel au règlement.

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C'est un rappel au règlement au titre de l'article 58, alinéa premier. Je serai très rapide, pour ne pas allonger la durée des débats.

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Un événement de ce jour contredit sensiblement les propos que M. le ministre vient de tenir sur Renault. Une note de la direction du Renault formule très clairement un chantage, dont les salariés et les organisations syndicales sont l'objet.

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Je ne sais pas si cela a grand-chose à voir avec le règlement. (Sourires.)

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Je voulais simplement profiter de la présence du président de la commission des affaires économiques pour faire une proposition.

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Sans doute y a-t-il déjà pensé puisqu'il a agi ainsi avec d'autres entreprises. Je propose donc que M. Carlos Ghosn puisse être invité en commission des affaires économiques, qu'il puisse venir s'exprimer. Ainsi, nous pourrons valider les propos tenus par M. le ministre et savoir s'il y a véritablement chantage.

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Très bien, mais il n'y a pas, en tout cas, de réplique possible dans ce type de séance. Ce serait, certes, très bien pour l'opposition, et je suis convaincu que le président Jacob serait intéressé par cette possibilité.

Monsieur le ministre, vous pourrez répondre aux propos de M. Chassaigne en même temps que vous donnerez votre réponse à la question de M. Grellier.

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Lors de votre prise de fonction, monsieur le ministre, et en accord avec le Premier ministre, vous avez souhaité confirmer la conférence nationale de l'industrie. Cette structure avait été créée à la suite des états généraux de l'industrie. Elle est composée de représentants des entreprises et des grands secteurs industriels, des partenaires sociaux, du Parlement et de votre ministère, et peut faire appel à un certain nombre d'experts. Lorsque j'ai rédigé le rapport pour avis sur l'industrie, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, j'ai proposé que cette conférence reste la structure qui peut impulser la réindustrialisation de notre pays. Pour ce faire, il est indispensable, me semble-t-il, de lui donner les moyens de fonctionner, peut-être de mieux définir le cadre, le périmètre et les objectifs de son action et, concrètement, de préciser les moyens techniques et financiers dont elle pourrait disposer. En conséquence, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous rappeliez précisément le rôle et la fonction que vous souhaitez donner à la conférence nationale de l'industrie, ainsi que les moyens dédiés à son fonctionnement.

Par ailleurs, dans la perspective de la nouvelle étape de décentralisation, j'ai suggéré dans mon rapport pour avis une possible déclinaison de la CNI ou de son concept à l'échelon régional, afin d'avoir une impulsion de proximité. Pouvez-vous envisager de mettre en place une telle organisation ?

D'autre part, comment souhaitez-vous assurer la complémentarité et une certaine cohérence nécessaire entre le rôle de la CNI et celui de la Banque publique d'investissement ?

Enfin, de quelle manière ces outils peuvent-ils accompagner efficacement les secteurs industriels d'avenir capables d'assurer positivement la période de transition actuelle ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur le député, la conférence nationale de l'industrie va se transformer en conseil national de l'industrie pour éclairer davantage le Gouvernement. Ce n'est pas qu'une conférence où l'ensemble des parties prenantes se réunissent et dégagent des propositions que le Gouvernement entérine. Il s'agit d'assurer une plus grande intégration et une plus grande coopération avec les autorités publiques, avec la puissance publique. Le décret modificatif est, à l'heure où je vous parle, sur le bureau du Premier ministre ou au secrétariat général du Gouvernement. Cette instance va donc s'élargir, associer davantage les organisations syndicales, intégrer l'Association des régions de France, associer aussi l'artisanat et les chambres de commerce, de manière à ce que, comme vous, puisque le Parlement est aussi représenté au sein de la conférence nationale, l'ensemble des parties prenantes soit encore mieux associé et encore plus en coopération.

Il s'agit finalement d'un message de confiance que le Gouvernement adresse à la société française et au monde industriel : petites et grandes entreprises ; sous-traitants et donneurs d'ordre ; têtes de réseau et archipel d'entreprises satellites tournant autour de la planète centre. La conférence nationale de l'industrie et le futur conseil national de l'industrie ont pour vocation de faire en sorte que tout le monde se donne la main, dans un seul but : reconstruire l'industrie française. Pour nous, c'est un outil puissant et important. Le Premier ministre en est le président. Le vice-président est Jean-François Dehecq, l'ancien patron de Sanofi, un homme qui se définit comme ayant « du tricolore aux godasses », perspective que je trouve assez entraînante.

Je réponds maintenant à M. le député André Chassaigne.

Pour nous, le chantage est inacceptable dans le cas d'une négociation aussi importante que celle que propose la direction de Renault. Il est d'autant plus inacceptable que, lorsque nous avons présenté le plan automobile – je l'ai fait devant vous, au nom du Gouvernement –, il a été convenu avec l'ensemble des constructeurs qu'il ne devait pas y avoir, au-delà des demandes formulées par Peugeot dans le cas de l'actuel plan de restructuration, autrement plus sévère – vous l'avez compris – que celui de Renault, de fermetures de sites. L'ensemble des sites de Renault devait être pérennisé. Tout recours à quelque menace que ce soit à propos des sites que Renault s'est engagé à ne pas fermer signifierait, pour nous, qu'une ligne rouge est franchie. Voilà, monsieur le député, ce que je voulais vous dire.

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La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement, qui sera bref.

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Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa premier, de notre règlement. J'espère que je ne franchirai pas, à cet égard, la ligne rouge, mais mon rappel au règlement concerne bien le déroulement de nos travaux.

En ce qui concerne la vigilance de notre assemblée à l'égard du comportement de nos entreprises, en particulier celles dans lesquelles la puissance publique est présente, M. Chassaigne est membre, actif, d'un comité de suivi et de contrôle que nous avons mis en place il y a quelques semaines au sein de la commission des affaires économiques avec deux objectifs, dont le premier est de suivre la partie industrielle de l'accord entre l'État et ArcelorMittal ; nous avons d'ailleurs une réunion demain matin, et je n'ose imaginer qu'André Chassaigne n'y soit pas présent. Dans le cadre de la commission, nous avons travaillé sur PSA, Alcatel, Thalès, ArcelorMittal et quelques autres. Bien évidemment, il est tout à fait prévu que nous puissions entendre le patron de Renault.

À ce stade, nous sommes, les uns et les autres, le Gouvernement comme le Parlement, victimes de certaines utilisations de la communication par les parties qui négocient. Elles communiquent d'une certaine façon, parfois en recourant à une certaine provocation, parfois en faisant des annonces qui ne sont pas suivies d'effet.

Ma préoccupation a donc été de faire en sorte que ce comité de suivi et de contrôle, qui va s'intéresser à toutes les entreprises dans lesquelles l'État a des participations, même très minoritaires, travaille à huis clos, de façon à identifier à titre préventif les annonces. Je ne veux pas entrer dans un…

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Je vous rappelle, monsieur le président de la commission des affaires économiques, que, malgré tout, nous ne sommes pas ici en commission.

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Vous avez raison, monsieur le président, mais ces éléments permettent d'éclairer les débats. Je vous remercie en tout cas de m'avoir laissé la parole.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les états généraux de l'industrie, qui se sont réunis en 2009 et 2010, avaient notamment fait le constat d'une absence de pilotage des filières industrielles, en particulier des plus stratégiques d'entre elles.

La création des comités stratégiques de filière avait alors été décidée afin de combler leur déficit de structuration. Un lieu de concertation était proposé, qui permettrait de définir des stratégies partagées entre les différents acteurs de chaque filière. L'ambition de ces comités était de renforcer la compétitivité des filières, notamment par la construction d'une relation durable entre les différents acteurs. Leurs missions étaient les suivantes : diagnostic, bien sûr ; suivi de l'évolution des activités ; stratégie à moyen terme ; proposition d'actions de la filière ; dialogue entre tous les acteurs de la filière sur la stratégie définie en commun.

Sur le principe, la réponse semblait être adaptée et aller dans le bon sens. Je crois que c'est toujours le cas. Cependant, dans les faits, ces comités stratégiques de filière n'ont pas été véritablement mis en place, ou alors seulement de manière très limitée. Ils sont plus ou moins en sommeil.

Le rapport Gallois, commandé par le Président de la République et remis en novembre dernier, recommandait notamment de renforcer la solidarité des filières. Si la solidarité des filières relève d'abord, selon lui, de la responsabilité des entreprises qui les composent, des dispositifs peuvent malgré tout pousser les acteurs à développer des synergies et des coopérations. Il s'agit donc de les renforcer. Dans ce cadre, les comités stratégiques de filières sont des lieux d'élaboration de stratégies communes et de dialogue social, permettant à tous les acteurs de s'exprimer et de définir ensemble des orientations communes. Aussi, pour mieux répondre aux attentes qu'ils suscitent, le rapport recommande que ces CSF soient mieux dotés en moyens d'analyses et d'expertise, et que leur gouvernance soit renforcée.

Monsieur le ministre, conscient des difficultés que connaissent les secteurs de l'industrie en France, mais aussi des potentialités considérables qu'ils recèlent en matière de recherche-développement et d'activités, et donc d'emplois, vous avez décidé de relancer ces comités stratégiques de filière. Pouvez-vous indiquer quels sont ceux qui ont déjà été relancés et ceux que vous comptez relancer prochainement ? Que pouvez-vous nous dire de votre action dans ce domaine ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur le député Yves Blein, les comités de filière qui, en effet, font l'objet d'un début de restructuration, sont avant tout pour nous une source de satisfaction. En effet, nous voyons que les industriels, lorsqu'ils se réunissent autour d'une table, mènent des projets en commun.

J'ai commencé par la filière automobile, au mois de juillet dernier, dans le cadre du plan automobile. Le Premier ministre et moi-même avons énoncé, lors de la Conférence environnementale, l'objectif de construire des voitures consommant deux litres d'essence aux 100 kilomètres. Je puis vous dire que je réunis, sous mon égide, les constructeurs et les grands équipementiers : nous avançons. Les équipes de recherche et développement travaillent ensemble à ce projet, qui redonnera à la France un avantage comparatif technologique, qu'elle n'a pas perdu, mais qu'elle doit renforcer.

Nous avons réuni, il y a une dizaine de jours, la filière ferroviaire à Valenciennes. Avec mon collègue Frédéric Cuvillier, ministre des Transports, nous avons annoncé des commandes publiques concernant les TER, avec un mécanisme de financement qui aidera grandement les conseils régionaux. Nous avons également annoncé des commandes de trains Intercités, qui ont beaucoup trop vieilli et sont maintenant bien fatigués, et de 40 rames de TGV. Nous nous sommes réunis chez Alstom, à Petite-Forêt, et avons dit aux représentants de cette entreprise : « la commande publique est au rendez-vous ; vous devez donc être au rendez-vous de l'histoire technologique, c'est-à-dire de la prochaine génération de TGV ». Le grand emprunt a financé 75 millions d'euros au titre de cet effort. Nous leur avons donc donné cinq ans pour mettre sur les rails de France, et du reste du monde si possible, le TGV du futur. C'est là aussi un projet d'envergure, prévu pour 2018.

Nous construisons donc de nouveaux produits, nous montons des projets, nous réunissons les forces nécessaires, nous mettons de l'argent, nous mobilisons l'ensemble des acteurs... Nous nous réunirons vendredi prochain à Toulouse, avec la filière aéronautique. Cette filière est la plus heureuse, la plus prospère et la plus performante de toutes. Mais il faut également s'occuper de la sous-traitance. Savez-vous ce que je leur dirai à ce sujet ? Que la nation a consenti un effort de vingt milliards d'euros au titre du pacte de compétitivité. Puisque la filière aéronautique est très prospère et que ses carnets de commande sont remplis pour des années, le Gouvernement lui demande de relocaliser des activités chez leurs sous-traitants. Nous en avons besoin : cela fait donc partie des exigences du Gouvernement vis-à-vis de la filière aéronautique.

Nous nous occuperons bientôt – avec vous, dans votre région, monsieur le député – de la chimie, secteur pour lequel nous envisageons également de grands projets structurants. Nous continuons le travail : la robotique sera bientôt à l'ordre du jour. Bref, nous reconstruisons l'industrie française avec les professionnels. Nous faisons donc confiance à l'industrie, aux syndicats et aux patrons des grosses, moyennes et petites entreprises. Nous pensons que c'est la bonne méthode. Si les élus s'impliquent dans cette entreprise, c'est encore mieux. Quoi qu'il en soit, je vous remercie de vous occuper de ce travail.

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Monsieur le ministre, à l'heure actuelle la France ne produit plus assez d'acier pour sa propre consommation. Par ailleurs l'Europe ne produit plus que 165 millions de tonnes d'acier : on peut imaginer que dans les années à venir la production atteindra 180 millions de tonnes.

Après une partie de bras de fer – c'est le cas de le dire – avec ArcelorMittal, vous avez emporté une partie du morceau, puisque vous avez obtenu 180 millions d'euros d'investissement. Nous, les élus locaux, tout comme l'intersyndicale, voulions une commission de suivi tripartite. Nous ne l'avons pas obtenue : un simple comité de suivi a été mis en place, ce qui ne nous semble pas pour l'heure pas suffisant. Nous y siégerons néanmoins. Il me paraît important que le ministère de l'industrie s'y implique totalement et suive, au nom du Gouvernement, la mise en oeuvre de cet accord.

Cet accord est certes satisfaisant ; il est loin des 17 millions d'euros que nous avait promis Nicolas Sarkozy. Pour autant, l'étude que vous aviez commandée à M. Faure estimait à un montant deux fois supérieur la somme nécessaire pour consolider la sidérurgie française, en particulier en Lorraine. C'est dire que ces 180 millions d'euros nous paraissent nettement insuffisants par rapport aux montants requis pour assurer la pérennité de ce secteur.

Si d'aventure ces 180 millions d'euros n'étaient pas engagés sous la forme que nous attendons, quelles solutions pourrons-nous envisager ? Quels seront les recours possibles ? Nous avons évoqué tout à l'heure la possibilité de recourir à la loi, que nous attendons depuis longtemps. Vous avez également envisagé une formule de nationalisation temporaire, qui peut toujours servir, le cas échéant, de plan B : il ne faut pas l'oublier.

Il me paraît également important de vous demander, au nom de l'ensemble des élus lorrains, que soit mis en place un pôle européen des matériaux en Lorraine. Nous tenons tout particulièrement à la réalisation du projet ULCOS, qui figure dans l'accord. Tout cela reste cependant ambigu, car ArcelorMittal a retiré son projet. Nous nourrissons quelques doutes quant à la réalisation de ce projet en Lorraine : s'il n'y a plus de hauts fourneaux, il n'y aura pas de projet ULCOS.

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Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur le député Michel Liebgott, vous avez raison de signaler que l'accord signé ce jour par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, comprend un certain nombre d'avancées qu'il serait injuste de ne pas reconnaître. Aucun licenciement ne sera opéré : la totalité des salariés sera prise en charge par ArcelorMittal. Les seuls départs seront ceux des salariés partant à la retraite. Surtout, 180 millions d'euros seront investis. J'ai toujours indiqué que les engagements de Mittal ne lient que ceux qui veulent encore y croire. C'est une des raisons pour lesquelles, instruit par l'expérience des engagements non remplis par Mittal dans le passé, nous avons toujours fait preuve vis-à-vis de ce groupe du meilleur scepticisme. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le débat sur la nationalisation – ou le contrôle public – temporaire a eu lieu. Que ce soit à droite ou à gauche, qu'il s'agisse du gouvernement précédent ou de celui-ci, nous avons tous constaté que les engagements de Mittal n'étaient pas respectés.

S'agissant des 180 millions d'euros d'investissement pour la filière froide, la sécurisation des activités d'emballage et le laboratoire de recherche-développement de Maizières-lès-Metz, nous sommes parfaitement conscients que nous devrons organiser nous-mêmes un suivi attentif du respect des engagements pris par ArcelorMittal. Le comité de suivi local y participe, de même que les organisations syndicales et les élus. Nous utiliserons nos moyens d'expertise et notamment nos pouvoirs d'enquête sur pièces et sur place.

Les engagements pris par ArcelorMittal à Florange sont assez semblables à ceux pris envers le gouvernement belge à Liège, de sorte que nous attendons de savoir à qui Mittal a dit la vérité…

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Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Est-ce aux Belges, ou aux Français ? Je suis d'ailleurs en concertation permanente avec M. Jean-Claude Marcourt, ministre de l'économie du gouvernement wallon. Nous avons, au sujet de cet accord, échangé des sourires. Nous serons donc vigilants.

Vous me demandez ce que nous comptons faire si ces accords ne sont pas respectés. Le Premier ministre l'a dit ici lui-même : l'option d'un contrôle public temporaire de l'établissement sera à nouveau ouverte. Il n'y a pas, d'ailleurs, besoin de chercher très loin les ressources correspondantes, car tout était prêt. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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Monsieur le ministre, je veux vous alerter sur la situation de la filière des véhicules industriels en France. Des constructeurs, à commencer par Renault Trucks, jusqu'aux transporteurs routiers, les entreprises du camion rassemblent plus de 800 000 emplois, soit 3,2 % de l'emploi total français, et représentent 6 % du PIB. En tant que président du groupe d'études sur la filière des véhicules industriels à l'Assemblée nationale, je voudrais exprimer les inquiétudes d'un secteur essentiel sur le plan économique, fortement présent sur l'ensemble du territoire national, qui est indispensable au bon fonctionnement de notre économie et de notre société.

La filière des véhicules industriels est lourdement frappée par la crise économique. Elle connaît une perte d'activité et doit recourir au chômage partiel. Plus généralement, ce secteur souffre d'un déficit de compétitivité et d'un manque de reconnaissance. L'inquiétude des chefs d'entreprises et des partenaires sociaux est encore aggravée par la perspective de la libéralisation totale du cabotage en 2014 et de la mise en oeuvre de la taxe poids lourds en juillet 2013. Cette écotaxe augmentera en effet les coûts de transport de 5 % à 8 %. De plus, au-delà de la seule filière des véhicules industriels, la taxe poids lourds affectera également d'autres branches de l'industrie manufacturière, comme l'industrie agro-alimentaire, les meubles ou les jouets, qui pourtant font partie des secteurs qui résistent le mieux à la crise.

Des propositions existent pour faire face à cette situation. Une partie des recettes de la taxe poids lourds pourrait être affectée au renouvellement du parc des véhicules, avec un objectif écologique. Les opérations de maintenance et de réparation pourraient être exonérées de cette taxe. Au niveau européen, la réglementation sociale, avec notamment la question de la baisse du coût du travail en France, devrait être harmonisée.

Monsieur le ministre, le transport de marchandises en France ne doit pas fragiliser nos industries mais au contraire contribuer à leur compétitivité. Face à ces enjeux, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer quels sont vos engagements à l'égard de la filière des véhicules industriels, et quelles mesures d'accompagnement et de soutien vous comptez mettre en place.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur le député Xavier Breton, il est vrai que la filière des véhicules industriels constitue une pièce essentielle du tissu industriel français : 40 000 entreprises, dont 97 % de PME de moins de 50 salariés, 820 000 emplois, 40 000 véhicules construits en France chaque année, ce n'est pas mince. Je vous remercie donc de votre question.

Je note que ce secteur n'est pas épargné par les difficultés. Le nombre d'immatriculations de camions continue de baisser en Europe, et enregistre une baisse de 25 % en 2012. Tous les constructeurs ont réduit leur production : Scania, Volvo, Fiat… Ce dernier constructeur a fermé cinq sites dans trois pays différents fin 2012 : il s'agit bien d'une situation critique !

Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures spécifiques de soutien. Certaines figurent dans le plan automobile, qui couvre également le secteur des véhicules industriels. Le plus intéressant réside dans les mesures mises en oeuvre par l'État pour soutenir les petites entreprises : la BPI, le droit de tirage de 600 millions d'euros de financement. Ces dispositifs sont particulièrement destinés aux PME et aux ETI.

Je prends également note des efforts réalisés en matière de recherche et développement au sein du pôle de compétitivité Lyon Urban Trucks and Bus, LUTB : il y a là des appels à projets pour des camions hybrides, des bus modulaires hybrides et des bus électriques. C'est toujours par l'innovation que l'on arrive à surmonter les difficultés. Défendre des technologies en difficulté sur les marchés ne mène généralement pas loin.

Vous mentionnez l'importance des écotaxes. Le Gouvernement, en l'occurrence le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, a indiqué en Conseil des ministres qu'il souhaite faire évoluer ce dispositif afin qu'il ne nuise pas à la compétitivité de ce secteur, surtout dans une période aussi délicate pour celui-ci. Je vous invite d'ailleurs à l'interroger sur ce point, car une partie – voire l'essentiel – de la taxe sera affecté à l'entretien d'infrastructures routières. Je rappelle que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, n'a plus un centime. Veuillez m'excuser de vous le rappeler, car je ne voudrais pas vous froisser : le précédent gouvernement a pris 245 milliards d'euros d'engagements, dont seulement 1,5 milliard est financé. Dans ces conditions, au rythme auquel l'AFITF est financée, il nous faudrait cinq cents ans pour financer les engagements du gouvernement précédent !

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245 milliards d'euros au rythme de 1,5 milliard d'euros par an, cela ne fait pas 500 ans !

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Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Cela fait presque 200 ans : vous me pardonnerez cette erreur de calcul, car il est tard !

Pour revenir à votre question, monsieur Breton, je suis bien embarrassé d'être obligé de vous répondre ceci : la maigre écotaxe actuellement en vigueur devra permettre de refaire des routes, qu'on ne sait plus faire.

Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles nous souhaitons, dans ce domaine, nous concerter avec la profession pour ne pas prendre de décision qui risque de déstabiliser l'économie fragile de cette filière. Tel est le message que je veux transmettre ce soir.

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Monsieur le ministre, c'est à l'aune de mon expérience d'élu local que je suis avec intérêt votre action économique et celle du Gouvernement. J'ai le sentiment que, s'agissant des dossiers d'entreprises en difficulté, elle est sur la défensive, ce qui la marque terriblement. Le document que vous nous avez montré, au début de notre séance, est assez parlant sur le sujet. L'économie, c'est, bien évidemment, cela et nous le vivons tous dans nos circonscriptions, mais ce n'est pas que cela. Un tissu économique est constitué d'entreprises diverses. Ces entreprises ont une vie : elles sont créées, se développent, stagnent, déclinent et finissent souvent par disparaître. Ce n'est pas dramatique si le flux d'entreprises en développement, après création, est important. Pour cela, le pays doit être attractif. J'aimerais, ici, revenir sur un point que vous n'avez pas évoqué tout à l'heure : on ne peut pas nier que le taux de marge des entreprises de notre pays est historiquement faible, et ce, soyons francs, depuis longtemps. Il est aussi nécessaire d'avoir la totale confiance des cadres et des chefs d'entreprise. Il faut également un cadre juridique clair, stable et favorable au développement économique. La transmission d'entreprises, par exemple, est actuellement un sujet absolument majeur.

Hormis le crédit d'impôt compétitivité emploi, pouvez-vous, en quelques instants, nous expliquer les axes de la politique du Gouvernement en faveur du développement économique et industriel et de la création de richesses nouvelles ?

Enfin, après vous avoir écouté vos réponses à toutes nos questions, ce dont je vous remercie, j'aimerais vous interroger sur deux points. À la fin de ce quinquennat, la production industrielle sera-t-elle, à votre avis, supérieure à celle du début de mandat ? Vous avez beaucoup évoqué les pays à bas coût. Or nous avons aussi un problème de compétitivité avec les pays voisins. Pensez-vous que la part de l'industrie française dans l'Union européenne augmentera dans les années à venir ?

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Nous sommes en janvier : c'est l'époque des voeux. Formulez des voeux, monsieur le ministre !

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Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Je vous remercie de votre question aimable et pertinente, monsieur le député Furst.

Je tiens, tout d'abord, au nom du Gouvernement, à me réjouir devant la représentation nationale de la libération par les autorités mexicaines de Florence Cassez, détenue depuis longtemps. (Applaudissements sur tous les bancs.) C'est un événement important pour notre pays et il eut été incongru qu'on le passât sous silence.

Monsieur Furst, la vision que Louis Gallois a donnée de l'industrie a placé celle-ci au centre du débat politique. Louis Gallois, un homme de l'industrie, un capitaine d'industrie, dont la trajectoire à la tête d'Airbus a été extraordinaire, a, de surcroît, montré son désintéressement et sa passion. Il a proposé un certain nombre de mesures qui ont été, pour l'essentiel, reprises par le Premier ministre et par le Gouvernement. Les mesures d'environnement et de stabilité fiscale, arbitrées par le Premier ministre, ne sont pas minces. S'agissant de la fiscalité des entreprises au plan local, nous nous sommes engagés à leur assurer une stabilité pendant cinq ans. Il y aura également une stabilité fiscale pour les transmissions d'entreprises, que l'on appelle dans le langage habituel « loi Dutreil » ; pour les déductions au regard de l'ISF en cas d'investissements dans les PME ; enfin pour les jeunes entreprises innovantes. Autant d'éléments favorables dans l'environnement fiscal de l'investissement dans l'entreprise.

Il est bien de débattre de la compétitivité, mais c'est mieux de l'accomplir, donc de faire en sorte de remettre notre pays à niveau après les marges dégradées que vous avez signalées à juste titre, et ce par rapport au dumping, aux baisses de prix existant sur les facteurs réels de production partout en Europe. Ainsi l'Espagne, aujourd'hui en récession, casse les prix. L'Italie, qui se trouve en difficulté, mais qui a rétabli ses finances publiques, voit aussi ses prix baisser. Ces économies sont en déflation. L'Allemagne, elle-même, mène une stratégie de réduction de ses coûts de façon compétitive, c'est-à-dire une stratégie d'offre agressive. Nous en avons payé les conséquences en l'espace de dix ans, puisque nous avons connu un long déclin vis-à-vis de l'Allemagne, au sein et à l'extérieur de l'Europe.

Le pacte de compétitivité est un effort historique d'un montant de 20 milliards. Nous mettons en effet sur la table 20 milliards à la disposition de nos entreprises ! Et, en contrepartie, nous faisons confiance à nos partenaires sociaux qui discuteront eux-mêmes de l'usage concret qui sera fait du crédit d'impôt. Je citerai, en la matière, l'exemple de Renault, avec plusieurs dizaines de millions d'euros qui interviendront peut-être dans la discussion entre les syndicats et sa direction. Dans les difficultés comme dans la performance, c'est de l'aide pour les entreprises et c'est du gain de compétitivité.

Mais il n'y a pas que cela. Le crédit d'impôt recherche est une mesure inventée par Jean-Pierre Chevènement, amplifiée par Nicolas Sarkozy, puis sanctuarisée par François Hollande, donc une mesure d'unité nationale ; Dans la loi de finances que, je crois, vous n'avez pas votée, mais qui a été approuvée par la majorité parlementaire, elle a été étendue aux PME au regard de l'innovation. Elle pourra financer le design, bénéficiant ainsi à ces très nombreuses entreprises qui ne parviennent pas à se payer des chercheurs et des consultants.

Nous disposons, ainsi, d'une panoplie de mesures, et je ne vous parle pas des mesures de simplification administrative. Une mission parlementaire a d'ailleurs été confiée à M. Thierry Mandon, afin d'aider le Gouvernement à prendre les bonnes décisions. Nous sommes, en effet, preneurs de remarques émanant des parlementaires qui, eux, sont sur le terrain, au contact des entreprises. Faites-nous connaître vous propositions ! Alimentez la mission parlementaire ! Cela aussi fait partie des propositions de la mission Gallois et du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi du Gouvernement. Il s'agit d'un effort très important et renouvelé. C'est dans l'effort que l'on mesurera les résultats.

Quel est l'objectif du Gouvernement et du ministère du redressement productif ? C'est que l'emploi ‘industriel recommence à croître, alors que pour le moment l'industrie détruit plus d'emplois qu'elle n'en crée. M. Obama, en quatre ans et demi, a réussi à faire remonter l'indice de la production industrielle. Si nous parvenons à faire remonter l'indice de création d'emplois industriels, c'est que, finalement, ensemble, tout est possible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Ensemble, tout devient possible ! (Sourires.)

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Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur une catégorie d'entreprises qui agit principalement dans le champ industriel, qui emploie près du quart des salariés dans notre pays, 23 % exactement, et qui a même, paradoxalement, légèrement augmenté ses effectifs depuis le début de la crise. Je veux parler des ETI, ces « entreprises de taille intermédiaire » qu'a consacrées la loi de modernisation de l'économie. Elles ne sont, bien sûr, ni des PME ni des grands groupes, mais elles maillent véritablement le paysage industriel français. Je souhaiterais donc vous interroger sur la politique du Gouvernement envers elles.

On peut dire, monsieur le ministre, que vous mettez un certain volontarisme à défendre le made in France, y compris en mouillant la marinière, si je puis dire ! Or dans le même temps, et c'est quelque peu contradictoire, le ministre du budget bouleverse la fiscalité de ces entreprises. Je citerai quelques exemples : la réforme de la « barémisation » des cessions d'entreprise ; le versement anticipé de l'acompte de l'impôt sur les sociétés, avec l'abaissement du seuil de chiffre d'affaires de 500 millions à 250 millions ; enfin, la réforme de la déductibilité des intérêts d'emprunt, qui va progressivement passer de 100 % à 75 %.

Il y a donc un message politique fort, je le reconnais, auquel nous pouvons tous adhérer, et qui a plutôt tendance à promouvoir la production nationale ; mais il y a aussi une action publique qui, vous en conviendrez, va plutôt dans le sens inverse.

L'urgence, pour les ETI, est d'avoir de la visibilité, donc une stabilité de la fiscalité. Elles ne demandent pas obligatoirement une baisse des impôts, même si on pourrait l'imaginer dans le meilleur des mondes, mais avant tout la stabilité. Le Président de la République a, d'ailleurs, dit, très récemment, son intérêt pour ce type d'entreprises dont on sait qu'elles sont souvent exportatrices et qu'elles améliorent donc notre balance commerciale qui souffre beaucoup en ces temps de crise.

Ma question est simple, monsieur le ministre : que faites-vous, dans votre domaine de compétences, pour pallier les difficultés qui résultent de la remise en question d'un certain nombre de critères et de curseurs en matière de fiscalité ? Je crains, en effet, qu'en dépit de vos efforts, vous soyez à nouveau contraint d'assurer le service après-vente d'entreprises qui ferment et, pire encore peut-être, d'entreprises françaises qui se délocalisent.

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Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Monsieur le député Jean-François Lamour, le Gouvernement est un et indivisible. Il n'y a pas de compartiment fumeurs et de compartiment non-fumeurs ! Nous roulons à la même vitesse et nous travaillons avec le même entrain pour arriver à destination ! (Sourires.) Le sens de telle ou telle mesure fiscale suscite, certes, des questionnements. Je rappelle que le pays est surendetté. Nous avons constaté pendant un certain nombre d'années, dont je ne préciserai pas le nombre, pour ne pas être désobligeant, une accumulation de baisses d'impôts, alors que, pendant ce temps, les dépenses de l'État étaient financées par l'emprunt. Chacun doit donc quelque peu apporter son écot au rétablissement des finances publiques.

Je ferai plusieurs remarques sur les questions fiscales. Tout d'abord, lorsque l'on commet un excès, il faut chercher à le modérer, à le corriger. Ce fut le cas en matière de cessions d'entreprises et de plus-values. Nous avons eu des échanges avec les professionnels et nous sommes parvenus à un « point d'atterrissage » qui, je le crois, n'est plus, aujourd'hui, discuté. On peut réexaminer, tous les ans, la loi fiscale. Donc vous direz, chaque année, votre sentiment, votre point de vue et nous procéderons à des ajustements. Il est certain que la fiscalité des entreprises est très sensible, surtout lorsque l'on touche aux petites entreprises. Le Gouvernement a fait en sorte que ce soient les grands groupes qui paient leur écot, parce que ce sont eux qui ont été les plus épargnés ces dernières années. Ils s'acquittaient, en effet, d'un impôt sur les sociétés beaucoup plus faible que les PME. Nous voulons faire l'inverse, c'est-à-dire épargner, en quelque sorte, sur le plan fiscal les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire et faire payer aux grands groupes ce qu'ils doivent à leur base industrielle, la France, afin que chacun participe à la hauteur de ses moyens au rétablissement des finances publiques de notre pays.

J'ai précédemment indiqué que le crédit d'impôt représentait tout de même un effort considérable. J'ai aussi rappelé qu'il existait cinq mesures de stabilité fiscale dans l'environnement immédiat des entreprises, ce qui est historique, puisque cela n'a jamais été ni proclamé ni décidé. Cet arbitrage du chef du Gouvernement, appuyé par le Président de la République, est d'une durée de cinq ans. Il y a donc un point d'ancrage dans les cinq lois de finances qui nous séparent de 2017, ce qui donne tout de même une visibilité.

Pour le reste, nous travaillerons à une amélioration et à un ajustement. Je pense que le Gouvernement fait preuve de suffisamment d'ouverture à l'égard de la représentation nationale, dans ses différentes composantes, pour qu'il soit possible d'atteindre ensemble le bien commun ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Je remercie chacun et, en particulier, M. le ministre d'avoir participé à ce débat.

Nous avons terminé la séance des questions à un ministre.

Toutefois, puisque M. le ministre en est d'accord, je donne la parole à M. Jean-Paul Dupré, pour ce que nous appellerons, juridiquement, un ultime rappel au règlement. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie M. le président et M. le ministre.

L'activité industrielle est-elle encore aujourd'hui un élément majeur dans notre économie ? Pas si sûr, et il est bien évident que le marché intérieur ne suffit pas à la soutenir.

Je suggère donc, monsieur le ministre, qu'à travers les dispositifs développés par le Gouvernement pour assurer son redressement, en prenant notamment le relais d'un système bancaire défaillant, ayant mené des actions très aventureuses qui l'ont conduit à la ruine, une action de fond soit menée en partenariat avec les responsables industriels des diverses filières, une action à long terme bien évidemment, portant sur un engagement de présence à l'export, secteur sinistré depuis des années et contribuant grandement au déficit de notre balance commerciale. Je ne parle pas des grands groupes, mais les PME et PMI sont en effet très peu présentes à l'international. Les possibilités sur le marché extérieur sont pourtant réelles et nombreuses. Encore faut-il avoir très sérieusement le courage de partir à l'abordage de ces marchés. Je vous propose donc d'être le dynamiseur de cette opération.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Votre question, monsieur le député, relève de la compétence de Mme Nicole Bricq, chargée du commerce extérieur ; cependant mais nous travaillons en harmonie sur les enjeux de l'exportation, ce qui me permet de vous répondre en son nom.

Je crois que vous l'avez mesuré lorsque vous avez voté le texte, nous avons explicitement prévu, pour la BPI, un volet plus agressif de financement de l'exportation pour les petites et moyennes entreprises.

Dans chaque filière, comme nous l'avons fait pour l'automobile ou comme nous le faisons, par exemple, pour l'aéronautique, le ministère du redressement productif mène à chaque fois des actions concertées avec les professions concernées. Les puissants tendent la main aux petites entreprises, les grands groupes et les donneurs d'ordre emmènent leurs sous-traitants de manière à former des consortiums avec une dizaine de PME. Dans le ferroviaire, cela se fait, il y a la « famille France ». Nous le faisons également dans le nucléaire. J'étais dernièrement en Arabie saoudite puisque le Premier ministre m'avait demandé de défendre l'équipe de France du nucléaire ; nous avions les grands groupes et les petites PME dans leur sillage. Nous sommes en mesure de faire de même dans chaque filière. C'est notre façon de structurer, ce sont nos affaires domestiques. À l'extérieur, il faut trouver les financements, et la BPI va répondre à ce besoin.

Le dynamiseur sera donc Nicole Bricq, avec le soutien du ministère du redressement productif. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, jeudi 24 janvier, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron