COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Lundi 9 novembre 2015
La séance est ouverte à vingt-et-une heures quarante-cinq.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission des affaires sociales poursuit l'examen, en nouvelle lecture, sur le rapport de M. Gérard Sebaoun, de Mme Bernadette Laclais, de M. Jean-Louis Touraine, de Mme Hélène Geoffroy et de M. Richard Ferrand, des articles du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la santé (n° 3103).
Article 7 ter [nouveau] : Suppression de la contre-indication permanente au don du sang applicable aux personnes majeures protégées
La Commission examine l'amendement AS351 du rapporteur.
Le Sénat a souhaité permettre aux majeurs protégés de faire don de leur sang. Aujourd'hui, le code de la santé publique prohibe tout prélèvement de sang ou de ses composants en vue d'une utilisation thérapeutique à l'usage d'autrui sur les personnes majeures faisant l'objet d'une protection légale. En outre, tout acte médical doit recueillir le consentement de l'intéressé. Or, au sens de l'article 425 du code civil, le consentement éclairé est peu compatible avec la notion de majeur protégé.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 7 ter est supprimé.
Article 8 : Politique de réduction des risques et des dommages à destination des usagers de drogues
La Commission est saisie des amendements identiques AS104 de M. Philippe Goujon, AS155 de M. Bernard Accoyer et AS156 de Mme Valérie Boyer.
Nous abordons un sujet sur lequel nous avons un conflit de valeurs. Pour nous, la lutte contre la toxicomanie est un combat que nous avons l'obligation de mener à travers une politique fondée sur l'interdit. Vous, au contraire, vous levez le tabou de l'interdiction d'injection de drogues et infléchissez, ce faisant, le périmètre de la mission de santé publique. À cette fin, vous modifiez le code de la santé publique, compromettant ainsi la réduction des risques. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
L'ouverture des salles de shoot est un signal adressé à la jeunesse aux antipodes de toute la politique de lutte contre les drogues conduite jusqu'à présent. Le choix fait par le Gouvernement est délétère pour la santé publique. Je plaide également pour la suppression cet article, qui légaliserait, en quelque sorte, la détention et la consommation de stupéfiants alors que, dans d'autres contextes, l'interdit et la pénalisation seraient maintenus. Comment seront traités les dealers à proximité de ces salles de shoot ?
Manifestement, ce texte oublie, sciemment ou non, la question du cannabis dont la consommation conduit, dans la majorité des cas, à l'usage de drogues injectées. Or le cannabis est un fléau en France en particulier. Aussi, je demande que l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) puisse conduire un travail sur les effets sur la santé de la consommation de ce produit. Contrairement à ce qu'avançait tout à l'heure Mme Delaunay, cette drogue est cancérigène, elle provoque la désocialisation des jeunes consommateurs qui négligent leurs études. Surtout, les effets psychiatriques, bien connus, sont redoutables : schizophrénie, aggravation de la maladie et résistance aux traitements. Il faut prendre la mesure de la situation des malades et de leurs familles confrontés à ces graves psychoses.
Alors que ce projet de loi met tout en oeuvre pour réduire la consommation de tabac, l'article 8 lève le tabou de l'interdiction d'injection de drogues.
Avec la dépendance tabagique, on passe du plaisir à la souffrance, disiez-vous, madame la présidente. Je dirai, pour ma part, qu'avec cet article, on passe de la permissivité à la destruction, voire à la mort. C'est la porte ouverte à la consommation de drogue, et surtout un message catastrophique adressé aux drogués, aux malades, aux parents et, même, aux forces de l'ordre.
Au sein de la société, certains interdits sont constitutifs du vivre ensemble. Depuis plus de vingt ans et sous tous les Gouvernements, la politique de lutte contre la drogue menée en France est axée sur les soins, le sevrage, la prévention précoce des jeunes contre le fléau de la drogue, la prohibition totale des stupéfiants et une réponse pénale très ferme à l'endroit des trafiquants de drogue. Il s'agit là d'une rupture radicale, d'un véritable retour en arrière puisqu'on abandonne les usagers à leur addiction au lieu de tout mettre en oeuvre pour les en délivrer.
L'article 8 infléchit le périmètre de la mission de santé publique en réécrivant le code de la santé publique. Il en efface la lutte contre la mortalité par surdose d'injection de drogue intraveineuse pour encourager les salles de shoot. C'est la raison pour laquelle je demande la suppression de cet article
J'ajoute que rouvrir aujourd'hui, comme l'ont fait certains de nos collègues socialistes à Marseille, le débat sur la dépénalisation du cannabis et sur les salles de shoot ne peut qu'affaiblir toutes les politiques conduites jusqu'à présent, les familles et les forces de l'ordre qui luttent avec beaucoup d'énergie et de courage contre les trafiquants de mort.
Monsieur Accoyer, les salles de réduction des risques ne concernent pas le cannabis, qui, par ailleurs, ne s'injecte pas. Cette manière que vous avez de revenir au cannabis dès que nous parlons de toxicomanie, de tabac ou de dépendance à l'alcool pourrait bien indiquer une forme d'addiction inquiétante…
Ceux qui, sur le terrain, s'occupent du public visé pourraient vous dire qu'il s'agit de gens totalement exclus de la société, vivant pour la plupart dans la rue. Le but, avec les salles de réduction des risques, c'est d'organiser la prise en charge sanitaire et sociale d'une population qui s'adonne à la drogue sur la voie publique, à la vue de tous, donc des enfants. C'est à la fois une question de sauvegarde sanitaire de personnes en danger et de sécurité publique.
De même que nous avons été amenés à distribuer des seringues dans le cadre d'une politique de réduction des risques, nous n'avons pas d'autre solution que d'accompagner les professionnels qui s'attaquent courageusement à ces questions en donnant un cadre légal à leur activité. Se figer dans une position moralisatrice est complètement inefficace. Plutôt que de les stigmatiser, il faut les remercier, car ils rendent un fier service à la société.
Sur proposition de Jean-Claude Gaudin, le Sénat a prévu, à l'article 9, que les salles de shoot seraient intégrées à un établissement hospitalier. Vous avez supprimé cette disposition. Contre l'avis du maire de Marseille, la ministre de la République a indiqué sa préférence pour l'installation de ces salles sur la voie publique. Il n'est pas possible de légaliser l'injection de drogue par intraveineuse dans des structures non médicales !
Monsieur Accoyer, je confirme que le cannabis ne s'injecte pas. Par ailleurs, d'éminentes personnalités de votre parti, tel M. Juppé, sont favorables à ces salles de réduction des risques. Avec son accord, nous allons en installer à Bordeaux. Je vous invite à aller y compléter votre formation en matière de drogues.
Face à une réalité que nous ne pouvons pas ignorer, nous faisons ce que font les Canadiens à Vancouver et les Hollandais à Rotterdam ou Amsterdam, et qui marche. Ce qui importe, c'est que ces populations soient dans un état de santé correct, alors, qu'actuellement, elles se piquent dans des conditions épouvantables et contractent des virus transmissibles.
Nous menons une politique de santé cohérente avec celle qu'a initiée la garde des Sceaux, ministre de la Justice, Mme Taubira, et qui prend acte de la société telle qu'elle est et pas telle que certains la voudraient, fondée sur de pseudo-valeurs morales appartenant à un monde qui n'existe pas – la politique de prohibition n'a pas fonctionné. Nous faisons, avec cette expérimentation, quelque chose de sain et solide, non pas dans un but irénique, mais pour traiter les personnes comme des êtres humains.
Je rappelle, madame Le Dain, que, dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), avec M. Laurent Marcangeli, vous avez conduit un long travail sur l'évaluation de la lutte contre l'usage de substances illicites.
Mon message n'est pas de dire que le cannabis s'injecte. Que l'on me prête la connaissance de ce qu'est le delta-9-tétrahydrocannabinol et la façon dont la jeunesse de France s'en imprègne ! Je maintiens que le vrai problème de santé publique pour notre jeunesse est que notre pays détient le record du monde de consommation de cannabis, mais ce texte n'en parle pas. Or cette drogue est bien souvent l'entrée vers celles qui s'injectent.
Avis défavorable aux amendements de suppression. Le débat a tout de suite dévié sur les salles de réduction des risques, alors que l'article 8 concerne la politique globale de réduction des risques. Cette politique essentielle a été introduite par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, au détour d'un article de trois lignes. Le texte que nous proposons ne diffère guère de celui du Sénat, il détaille une politique de réduction des risques et des dommages qui mérite qu'on s'y arrête.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle étudie l'amendement AS352 du rapporteur.
Il s'agit de revenir au texte de l'Assemblée nationale, que le Sénat a modifié, voire affadi. La question du milieu carcéral en particulier peut faire débat : les personnes détenues – c'est la loi – ont vocation à bénéficier des mêmes soins que les autres personnes ; toutefois, l'incarcération appelle des conditions spécifiques. J'ai entendu les préventions des associations à cet égard, mais la situation est particulière.
J'ai quelques interrogations sur cet amendement.
Au 4 ° du II, il n'est plus question de promouvoir et superviser les procédures « de consommation » non plus que les procédures de prévention « à visée éducative et thérapeutique ». Pourquoi une telle disparition ?
Au 5 °, la version du Sénat prévoyait une action de recensement des substances en circulation ; elle a été supprimée dans votre amendement. Je pense pourtant qu'elle était intéressante.
Enfin, quelles sont les fameuses conditions particulières applicables au milieu carcéral, que vous venez d'évoquer ?
La rédaction du Sénat du 4 ° n'apportait rien. Le référencement des substances, pour autant que nous les connaissions toutes, existe déjà, nous disposons même d'un processus d'alerte en cas de risque majeur de consommation d'une substance.
Fort heureusement, les principes généraux de la santé publique s'appliquent aussi aux personnes incarcérées, et vous conviendrez avec moi que le milieu fermé appelle des pratiques adaptées.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 8 modifié
Article 8 bis A (nouveau) : Création d'une peine d'amende pour tout premier usage illicite d'une substance stupéfiante
La Commission est saisie des amendements identiques AS353 du rapporteur, AS106 de M. Philippe Goujon et AS247 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Le Sénat a souhaité sanctionner d'une amende la première prise de substance stupéfiante. Aujourd'hui, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) travaille à améliorer les dispositions pénales applicables à ces consommations dans un but de meilleure efficacité et de meilleure lisibilité. Il est prudent d'attendre la conclusion de ces travaux, aussi je propose la suppression de cet article.
Il est intéressant de constater que les trois amendements proposent la suppression de cet article avec des motivations différentes, ce qui prouve qu'il s'agit d'un débat de société. Continuant à travailler avec le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) pour savoir quelles évolutions sont intervenues depuis un an dans tous les champs concernant les substances illicites, je comprends et partage la position du rapporteur de laisser la MILDECA travailler.
Ce qui me surprend et me gêne, c'est que le Sénat a sanctionné la première consommation par une amende de troisième catégorie, sans distinguer entre les mineurs et les majeurs. Cela en fait une infraction banalisée, susceptible d'être réitérée. Il s'agit d'un système de contravention classique, dépourvu de toute vertu éducative ou pédagogique. Ainsi, même si le consommateur n'a que quinze ans, ses parents paieront, éventuellement à plusieurs reprises.
Chaque année, en France, il est procédé à 160 000 interpellations et 130 000 mises en examen. Aujourd'hui, les consommateurs ont jusqu'à soixante-dix ans et il s'en trouve sur tout le territoire national, quelles que soient les zones d'habitat. Le cannabis est banalisé au point que certains en cultivent chez eux. En outre, la hauteur des saisies ne cesse d'augmenter, ce qui prouve que le phénomène touche la société tout entière et pas une partie seulement.
Pour ma part, je propose la suppression de l'article parce que la sanction que j'envisage, c'est une amende de cinquième catégorie. Ainsi, la loi se voit conserver toute sa force et la justice tout son rôle. J'ai beau, à titre personnel, être favorable à la dépénalisation de l'usage du cannabis, je pense que, en l'espèce, proposer une amende de troisième catégorie est une pétition laxiste qui n'est ni raisonnable ni accompagnante. Nous devons prendre la société comme elle est. Et telle qu'elle est, ses jeunes doivent être protégés. Ils n'ont pas le droit d'acheter des cigarettes ni de l'alcool ; il n'est pas question de laisser entendre qu'ils pourraient acheter du cannabis.
Je partage votre souhait de recourir à une amende de cinquième catégorie, mais je ne vous suis plus lorsque vous proposez la dépénalisation.
J'ai exprimé mon opinion sur le fond. Mais prenant acte de la société telle qu'elle est, je considère qu'il serait bon d'aller vers une amende de cinquième classe. Il s'agit de progresser pas à pas. Nous ne sommes pas dans la situation de l'État de Washington, du Colorado, des Pays-Bas ou du Mexique où la Cour suprême vient de prendre une importante décision. De ce point de vue, le monde change. D'ailleurs, nos fonctionnaires et les associations travaillent sur cette question pour avancer, et notre présidente et la ministre nous proposent ici de franchir une étape en créant ces salles de shoot. Nous ne pouvons plus en rester à la loi de 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite de substances vénéneuses.
En tout cas, une amende de troisième catégorie, je trouve cela incroyable, laxiste même, de la part des Républicains.
Nous sommes également étonnés que le groupe Les Républicains au Sénat ait retenu une amende de troisième catégorie. Pour nous, l'interdit est maintenu et doit être rappelé avec force. C'est un délit, d'où notre amendement.
Aujourd'hui, le code de la santé publique punit en théorie le consommateur d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, avec cette ambiguïté, dont devront nous tirer les travaux en cours, que l'emprisonnement n'est que rarement exécuté quand l'amende est sans doute payée. Nul ne sait si l'interdiction concerne la consommation publique ou la consommation privée, aucune distinction n'est établie entre les diverses substances. Ce sont les juges qui font le travail, choisissant de poursuivre ou pas, cherchant parfois des mesures alternatives.
Vu les chiffres, il est, de mon point de vue, heureux que l'on ne mette pas tout le monde en prison pour détention ou usage de cannabis. Pour l'heure, je crois raisonnable de laisser se poursuivre les travaux, et notre législation reste assez répressive.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 8 bis A est supprimé.
Article 8 bis : Définition des missions des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie
La Commission est saisie de l'amendement AS354 du rapporteur.
Cet amendement a pour objet de rétablir l'alinéa 2 dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. Le Sénat a considéré adopter un amendement rédactionnel qui, en réalité, remet en cause le caractère obligatoire des missions d'accompagnement médico-psychosocial, de soins, de réduction des risques et des dommages et de prévention individuelle et collective assurées par les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA).
Je trouve, au contraire, que la rédaction du Sénat a l'avantage de viser les personnes ayant une consommation à risque ainsi que leur entourage, ce qui me paraît essentiel. J'ajoute que, pour mener à bien cette prise en charge, les CSAPA ont vraiment besoin de soutien financier.
L'écriture du Sénat fait perdre un peu de force au caractère obligatoire de la mission des CSAPA envers les personnes ayant une consommation à risque, un usage nocif ou une dépendance. Ce que nous voulons dire, c'est que nous sommes face à un public aujourd'hui parfaitement connu, identifié et qui doit obligatoirement être pris en charge par des équipes de professionnels.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 8 bis modifié.
Article 9 : Expérimentation de salles de consommation à moindre risque (SCMR)
La Commission est saisie des amendements identiques AS105 de M. Philippe Goujon, AS154 de Mme Valérie Boyer et AS158 de M. Bernard Accoyer.
Cet article pose deux difficultés : d'une part, il acte une rupture grave avec les politiques de lutte contre les toxicomanies menées depuis vingt ans en France ; d'autre part, il crée une zone de non-droit.
Nous avons procédé à une évaluation qui confirme qu'une expérimentation de six ans coûtera 1 million d'euros par an et par salle de shoot. Pour la même somme, mieux vaut financer des lits d'hospitalisation. Le modèle des communautés thérapeutiques est largement diffusé dans d'autres pays et repose sur une méthode innovante, axée sur l'abstinence. Ce système fonctionne, et l'on trouve de telles communautés en région parisienne. Autant poursuivre en ce sens notre lutte contre la toxicomanie et ne pas créer de zones de non-droit.
Tout comme mon collègue Jean-Pierre Door, je suis pour la suppression de cet article qui méconnaît la réalité du terrain. Au lieu de délivrer les toxicomanes de leur addiction, les salles de shoot, en leur apportant un encadrement médical et sécurisé, vont les y conforter, voire les inciter indirectement à augmenter leur consommation.
En outre, elles mettront en péril des quartiers entiers. Dominique Tian a rappelé pourquoi le maire de Marseille et lui-même, à titre de premier adjoint, considèrent que ces salles doivent être adossées à des établissements de santé et ne pas être installées dans des locaux ordinaires.
J'ajoute que plusieurs des huit pays au monde à avoir expérimenté ces salles font machine arrière en raison des difficultés qu'elles posent des points de vue de l'ordre public et sanitaire. De plus, il n'existe aucun lien avéré entre la présence des salles de shoot et la réduction du nombre d'overdoses ou la réduction d'infections virales du type VIH et hépatites B et C.
La création de zones de non-droit, que vient de dénoncer mon collègue Jean-Pierre Door, est en contradiction avec la norme constitutionnelle selon laquelle la loi doit être la même pour tous, qu'elle protège ou qu'elle punisse. En effet, cet article exclut du champ du délit d'usage et de détention illicite de stupéfiants les personnes détenant et consommant des substances à l'intérieur d'une salle de shoot. De même, il exclut du champ du délit de complicité d'usage illicite et de détention illicite de stupéfiants les professionnels de santé qui se trouvent dans ce même endroit.
On peut prendre la société telle qu'elle est, mais je ne puis me résoudre à l'impuissance publique ni accepter que l'on consacre dans la loi des comportements illicites. Je n'ai pas non plus envie que ma ville devienne un lieu touristique de la consommation de drogue. Car telle est la réalité : ce n'est pas pour les tulipes que certains touristes se rendent aux Pays-Bas, mais pour consommer des substances interdites chez nous. Et cela n'a réduit ni la délinquance ni les problèmes inhérents à la consommation de stupéfiants.
L'article 9 remet en cause une politique de lutte contre les toxicomanies qui a permis de diminuer les complications infectieuses liées à la toxicomanie par voie intraveineuse ainsi que le nombre d'overdoses. Alors même que cette politique est efficace et qu'on devrait la saluer, on en change. C'est une manière de faire assez surprenante.
La mesure envisagée crée des zones à droit différentiel dans lesquelles il serait permis de détenir des stupéfiants et de les commercialiser. Les professionnels qui y interviendraient pourraient être accusés de complicité de détention et d'usage de stupéfiants, et, si un accident survenait, de mise en danger de la vie d'autrui. Quant au voisinage, il se retrouverait, comme c'est le cas dans les pays étrangers où ces salles existent déjà, dans des conditions de sécurité et de tranquillité inacceptables.
Cette mesure, de surcroît lourde et onéreuse, paraît aller à l'encontre d'une politique qui mériterait d'être poursuivie. Pour atteindre un objectif, la continuité est une nécessité.
À propos des huit pays ayant expérimenté les salles de shoot, il faut comparer ce qui est comparable. Ces pays, par exemple, ne disposent pas des structures aujourd'hui en place en France pour accompagner les personnes malades qui se droguent. Ces salles de shoot ne semblent pas vraiment répondre aux enjeux puisque la grande majorité des huit pays vont revenir en arrière pour des raisons de sécurité, de santé et de coût. Jean-Pierre Door l'a rappelé, une salle de shoot coûte 1 million d'euros, une somme qui permettrait de financer quinze lits d'hospitalisation en addictologie.
Quitte à vous obstiner à vouloir expérimenter les salles de shoot en France, pourquoi ne pas retenir la proposition que nous avons faite en première lecture, et qui a été reprise par nos collègues sénateurs, de les adosser d'emblée à des structures hospitalières – centres hospitaliers universitaires (CHU) ou autres –, de façon à assurer un véritable suivi sanitaire et un accompagnement par le corps médical ? Implantées près des gares ou en centre-ville, ces salles ne pourront qu'apporter désordre public et problèmes juridiques, puisque les dealers pourront y faire leur commerce sans que la police puisse intervenir.
Permettez-moi de préciser à quel public s'adresse le dispositif. Ce sont des personnes qui ont disparu des radars de notre société : elles ne sont prises en charge ni par les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) ni par les CSAPA, et elles n'ont pas de médecin traitant. Elles sont dans la rue. Pour les avoir accompagnées pendant plusieurs années, je connais leurs pratiques. Elles vivent dans des squats, se piquent au pied des immeubles et le seul professionnel de santé qu'elles voient – quand elles en voient un – est le pharmacien chez qui elles viennent chercher un Stéribox. Voilà la réalité du terrain !
Vous dites que ces personnes doivent venir s'injecter leurs produits dans une salle dédiée et être accompagnées. Trouvez-vous préférable, que faute de tels lieux, elles se piquent à l'entrée d'un parking souterrain ? S'il faut saluer les sénateurs pour avoir maintenu, contre toute attente, le principe du dispositif, les modifications qu'ils ont adoptées, auxquelles vous êtes favorables, témoignent d'une certaine méconnaissance de ces populations. Elles s'injectent là où elles achètent le produit. Vous vous faites plaisir intellectuellement en proposant d'adosser ces salles à des établissements de santé mais, dans la pratique, ces personnes ne prendront jamais un bus pour se rendre à l'hôpital. Elles continueront à se piquer dans la rue.
L'expérimentation que nous souhaitons mettre en place vise un public précis, une population que personne ne voit – ni médecin référent ni éducateur de rue –, qui ne fréquente pas les CSAPA ni les membres de l'association AIDES, et qui se pique comme elle peut au bas des immeubles ou dans les parkings souterrains. Une population non identifiée qui choque tout un chacun quand elle se pique à la vue de tous dans la rue. Ce diagnostic visuel, je vous invite à aller le faire dans les grandes villes.
Pour autant, ces gens ne sont pas partout, ils se rassemblent dans les lieux où se vendent les produits, notamment l'héroïne. Les centres ne seront pas des zones de non-droit, bien au contraire, puisqu'ils y rencontreront des personnes qu'ils ne voient pas d'habitude. Je ne comprends donc pas où est le blocage sanitaire ou psychologique, à moins qu'il ne soit purement idéologique.
Évidemment, cela a un coût, mais la vie humaine a un coût. Si c'est ce qui vous gêne, emmenons-les sur un bateau et noyons-les dans l'Atlantique ! Cela ne coûtera rien et on ne les verra plus se piquer dans la rue. Moi, je pense que notre République, si elle croit encore en la dignité, doit leur tendre la main pour un très long chemin. Pour bien connaître le sujet, je puis vous dire que les parcours de ces personnes sont très longs et parsemés de rechutes. Pour une marche franchie, elles en redescendent deux puis en regagnent trois. Elles ne s'arrêtent pas de se droguer juste parce qu'on le leur demande. C'est ainsi.
Quelle autre solution avez-vous à proposer, chers collègues de l'opposition ? Vous n'allez tout de même pas prendre ces gens de force pour les placer dans des centres et les sevrer. Que suggérez-vous pour les raccrocher un tant soit peu à notre société et faire en sorte qu'elles commencent à regagner en dignité et à s'en sortir ?
C'est en effet à une population très restreinte, à très haut risque, vivant beaucoup moins longtemps que nous et dans des conditions extrêmement précaires et douloureuses que nous offrons une possibilité.
Je souhaiterais citer un extrait du rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) commis en 2010 au sujet des centres d'injection supervisés (CIS) existant à l'étranger. Selon cet institut, « les données disponibles indiquent que les CIS apportent des bénéfices aux usagers de drogues injectées : sécurité, injection dans des conditions hygiéniques, possibilité de recevoir conseils et instructions spécifiques […]. Les CIS bénéficient également à la communauté par la réduction de l'usage de drogues en public et des nuisances associées. […] Les CIS peuvent être considérés comme une mesure complémentaire (et non concurrente) à d'autres dans la palette des services proposés aux usagers de drogues injectées. […] C'est leur spécificité […] et la complémentarité avec les autres offres du réseau de soins qui fait leur intérêt. »
L'expérimentation des salles de consommation à moindre risque que nous proposons s'intègre dans un réseau de services qui dépasse la prévention et le soin. Elle est essentielle pour permettre à une population – à tout le moins à quelques-uns – éloignée de tout, qui expose sa santé au-delà de l'imaginable, d'essayer de retrouver à la fois une sociabilité acceptable et des soins dont elle est aujourd'hui fort éloignée. Si on installait ces salles en milieu hospitalier, je suis convaincu que ces publics ne s'y rendraient pas.
Ce dispositif, je le reconnais volontiers, pose des difficultés au coeur des villes. Il faut donc expliquer les choses, susciter des projets et faire en sorte que les élus locaux y soient parties prenantes. C'est à nos frères humains en très grande difficulté que nous tendons la main. Et je ne veux pas entendre, même si vous avez le droit de le dire, que cela coûterait 1 million d'euros. Cela vaut la peine de donner à ces individus qui se piquent et meurent dans la rue un petit espoir, éventuellement une solution.
Qu'est-ce que ces centres apporteront de plus que les CAARUD, qui ont pour missions l'accueil collectif et individuel, le soutien aux usagers dans l'accès aux soins, la mise à disposition de matériel de prévention des infections, des interventions de proximité à l'extérieur et le développement d'actions de médiation sociale ? Ces publics sont éloignés de tout, mais les CAARUD ont des équipes mobiles. Qu'apportera de plus un centre localisé à un endroit donné ?
C'est un sujet sensible bien connu dans le quartier de Saint-Charles-Cannebière, en centre-ville de Marseille. Des centaines de drogués s'y retrouvent toute la journée pour se piquer à l'héroïne dans les parkings de la gare de Saint-Charles ou dans les immeubles. Mais comment adhérer à l'idée de créer en centre-ville une zone de non-droit, où les gens seraient soignés à l'aide de substances illicites, interdites à la vente et à la consommation, et dans laquelle la police se verrait interdire d'intervenir ?
Ainsi que vient de le rappeler Isabelle Le Callennec, nous disposons de structures hospitalières efficaces, telles que les CAARUD. Et le Sénat avait préféré adosser le dispositif à des centres de santé excentrés afin d'inciter les gens à se soigner, au lieu de leur faire savoir qu'en haut de la Cannebière se trouve une zone de quelques centaines de mètres carrés dans laquelle la puissance publique n'interviendra pas. Votre dispositif créera un appel très fort, car les gens se diront que, dans le centre-ville de Marseille, il est permis de se droguer en toute impunité.
Les doses d'héroïne coûtent très cher, et nous avons un problème de délinquance qui ne peut échapper à personne. Dans les cages d'escalier des HLM de Marseille, on tue des enfants de quinze ans. Vous comprendrez que nous nous préoccupions de l'ultra-violence des gens qui se promènent armés et des dealers qui fournissent de la drogue en centre-ville. Nous avons un choix à faire, c'est vrai. Ces populations extrêmement affaiblies, qu'il faut essayer de sauver et de protéger de la mort, pour le voisinage des centres-villes, ce sont des fous furieux totalement drogués. Si la police n'intervient pas, ne fouille pas, n'arrête pas, ce sera la fin des centres-villes. La ville de Marseille était d'accord avec la proposition du Sénat d'un adossement à des centres de santé. Autrement, la disposition est inacceptable.
Sans surprise, je partage l'avis de Dominique Tian. Il n'y a pas, d'un côté, les gentils qui veulent sauver les personnes dépendantes de la drogue, mourant dans la rue, et, d'un autre côté, les autres. Nous connaissons tous, à divers titres, des personnes plongées dans de telles situations dramatiques. Pour autant, je ne puis me résoudre à ce que la loi, devant le fait accompli, consacre la dépendance à des substances dangereuses pour elles-mêmes et pour les autres de ces personnes en les autorisant à en consommer dans un espace donné. D'ailleurs, que verra-t-on aux abords de ces salles, sinon l'agglutinement de dealers, prostituées et toute la misère qui accompagne les addictions aux drogues dures ? Comment allez-vous expliquer aux Français que la loi reste applicable mais que les toxicomanes qui acquerront leurs produits dans une salle de shoot, ainsi que les dealers présents, ne pourront pas être sanctionnés, alors qu'ils pourront l'être ailleurs. Cela n'est pas cohérent !
Madame la présidente, vous dites que c'est un moyen, pour ces toxicomanes, de rencontrer des professionnels de santé, des éducateurs de rue, des personnes pouvant les aider et les soulager. Mais les CAARUD existent. À Marseille, le SAMU social et d'autres équipes vont également dans la rue pour aider ces personnes et essayer de les emmener dans des centres où elles seront prises en charge et réconfortées. Nous ne les laissons pas au bord du chemin. De là à cristalliser dans certains quartiers un endroit où il sera permis de se shooter, je pense qu'il y a un pas à ne pas franchir. D'ailleurs, les pays qui l'ont fait en reviennent. Il faut aussi tenir compte des expériences menées à l'étranger.
Il faut, sur ce sujet, continuer à faire oeuvre de pédagogie et rappeler certains éléments rationnels face aux contre-vérités que nous venons d'entendre une nouvelle fois ce soir.
Une question de vocabulaire, d'abord : il est extrêmement important de ne pas parler de salles de shoot mais de salles de consommation à moindre risque, non seulement pour défendre la francophonie, mais surtout par respect de la dignité des personnes et dans un souci de précision. Cette dénomination signifie bien que nous nous inscrivons dans une logique de santé publique. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga de l'ensemble des politiques de réduction des risques – il s'agit d'ailleurs d'une expérimentation –, mais un élément pertinent qui a pour but d'amener les personnes à sortir des parcours de toxicomanie.
Je ne peux pas non plus vous laisser dire qu'il s'agit de zones de non-droit. Mme la présidente et M. le rapporteur ont bien expliqué que les personnes concernées seront encadrées et accompagnées par des associations, des professionnels de santé et des élus locaux porteurs de ces projets. Mme Delaunay a cité Alain Juppé à Bordeaux ; moi-même je peux mentionner un projet à Paris porté très en amont depuis plusieurs années maintenant.
Enfin, ces salles de consommation à moindre risque permettent aussi de ne pas avoir de seringues dans la rue ni de situations non régulées. Elles permettront de sécuriser les environnements urbains.
Madame Le Callennec, si les CAARUD étaient la solution, personne ne se piquerait dans la rue. Quant au SAMU social, il intervient dans l'immédiateté pour trouver un hébergement à la personne ou la soigner si elle a un problème de santé. Or les parcours de sortie de la toxicomanie sont très longs, parfois jusqu'à dix à quinze ans. Toutes les propositions que vous faites ne répondent pas à la situation de ces personnes. Elles ne vont jamais dans les CAARUD et ces derniers ne les trouvent pas non plus.
C'est pourquoi nous proposons un dispositif expérimental. À entendre vos collègues, l'expérimentation des salles de consommation va créer des générations spontanées d'injecteurs compulsifs d'héroïne, l'offre suscitant en quelque sorte la demande. Mais ces personnes existent. Et l'on ne peut même pas parler de demande puisqu'elles ne demandent rien : elles continuent à se piquer et à se détruire la santé. L'idée est d'aller au-devant d'elles pour leur offrir une solution supplémentaire dans la panoplie existante et ainsi essayer de les re-sociabiliser. Il existe des CAARUD à Toulouse, mais cela n'empêche pas qu'une certaine population se pique dans la rue.
Si les CAARUD étaient l'alpha et l'oméga, cela se saurait, en effet. J'ai modestement cité les éléments figurant dans le rapport de l'INSERM sur les centres de consommation à moindre risque. Nous avons très probablement besoin de cet outil supplémentaire. J'émettrai donc un avis défavorable aux amendements de suppression de l'article 9.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements AS355 et AS356 du rapporteur.
L'amendement AS355 vise à revenir sur l'adossement, par le Sénat, des centres de consommation à moindre risque à des établissements de santé. Nous souhaitons, en effet, que ces centres soient distincts de ceux qui sont habituellement utilisés dans le cadre des missions de soins.
Ensuite, le Sénat a substitué la notion de responsabilité à celle de supervision. Or ce dernier terme est mentionné à l'article 8 de sorte qu'il convient de le reprendre à l'article 9. C'est l'objet de l'amendement AS356.
Enfin, je souligne que le Sénat a inséré un élément utile dans cet article en prévoyant une concertation avec les collectivités locales, qui vont, en partenariat, accueillir ces salles de consommation à moindre risque.
Je regrette le dépôt de l'amendement AS355. Nous l'avons dit, les Républicains ne sont pas favorables à ces salles de shoot et préféreraient qu'on continue à investir dans les CAARUD, les communautés thérapeutiques et les centres d'hébergement. Néanmoins, les sénateurs ont essayé de raccrocher ces salles à des centres hospitaliers, afin d'assurer un contrôle hospitalier. Vous supprimez cette disposition et c'est un retour à la case départ : les salles de shoot seront installées n'importe où en ville – sous un pont, sur une place, derrière des immeubles. Vous avez bien vu le tollé qu'a soulevé dans le XIXe arrondissement de Paris la proposition d'implanter de telles salles près d'appartements. Vous auriez au moins pu maintenir cette tentative sénatoriale de régulation.
Cette population ne se rend déjà pas dans les CAARUD, qui se trouvent pour la plupart en centre-ville, elle ira encore moins dans des établissements de santé éloignés du centre. Si vous la connaissiez, vous ne parleriez pas ainsi. Une personne qui se pique à la sortie d'un parking souterrain ou près d'une gare ne prendra pas le bus pour se rendre dans un CHU situé à huit kilomètres. La réalité du toxicomane est celle-ci qu'il est tellement en manque qu'il achète et qu'il se pique à proximité du lieu où il a trouvé de la drogue.
Les toxicomanes se concentrent à certains endroits de la ville, là où les produits se vendent. La police connaît très bien les lieux ainsi que les jours et les heures d'arrivage et de vente, notamment sur les plaques tournantes toulousaine et lilloise. La brigade des stupéfiants fait ce qu'elle peut, il n'empêche qu'il y en a toujours qui achètent et se piquent. Il ne faut pas rêver, cette population ne bouge pas du centre-ville.
La Commission adopte successivement les amendements AS355 et AS356.
Puis elle adopte l'article 9 modifié.
Article 9 ter (nouveau) : Simplification des modalités de constatation de l'infraction de conduite après usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants
La Commission adopte l'article 9 ter sans modification.
Chapitre IV Informer et protéger les populations face aux risques sanitaires liés à l'environnement
Article 10 : Information du public sur les risques sanitaires liés à la pollution de l'air
La Commission est saisie de l'amendement AS358 du rapporteur.
Cet amendement rédactionnel vise à reprendre le terme « ambiant » qui est généralement utilisé dans le code de l'environnement.
La Commission adopte l'amendement.
Elle passe à l'amendement AS359, également du rapporteur.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS388 du même auteur.
Je reviens sur l'article 9 ter car je tiens à souligner qu'on devra au Sénat la seule allusion indirecte au cannabis puisque, par le biais de l'examen salivaire des personnes impliquées dans un accident, il sera recherché l'usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants. C'est dire l'indigence de ce texte qui prétend traiter de santé publique et qui n'évoque même pas le premier problème de santé publique de la jeunesse de France !
M. Accoyer a raison. La proposition du Sénat sur le test salivaire est bonne, et nous la gardons.
Quant au rapport demandé, il a pour objet d'étayer la contribution du transport aérien à la pollution atmosphérique et ses effets sur la santé humaine, qui sont réels mais encore méconnus. Lors d'une grève à l'aéroport de Roissy, les graphiques d'Airparif sur les oxydes d'azote ont montré, par exemple, des différences considérables entre les jours sans avion dans le ciel et le quotidien de l'aéroport.
Ce type d'amendement ne résoudra rien tant qu'il n'y aura pas une volonté de l'État et d'Aéroports de Paris d'utiliser les aéroports existants qui n'ont pas de trafic, comme celui de Vatry dans la Marne, au lieu de tout concentrer sur Roissy et Orly. Cela serait un moyen de réduire la pollution atmosphérique autour de la capitale.
Vous avez raison, l'aéroport de Vatry est sous-utilisé. Toutefois, je ne définis pas la politique aéroportuaire. Je demande simplement qu'on fasse un état des lieux dans toutes les villes, et pas seulement à Roissy.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 10 modifié.
Article 10 bis (nouveau) : Modalités de mise en oeuvre des polices de l'insalubrité
La Commission adopte l'article 10 bis sans modification.
Article 11 : Renforcement de la protection contre l'exposition à l'amiante
La Commission est saisie de l'amendement AS360 du rapporteur.
Les bilans relatifs à l'amiante dans le parc immobilier ne sont pas à la disposition du public. Il s'agit de faire en sorte que le ministère de la santé porte à la connaissance de celui-ci, sous forme dématérialisée, des statistiques nourries de l'ensemble de l'observation du parc immobilier amianté, ce qui permettra aux maires de mieux gérer les risques dans leur commune.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS361 du rapporteur.
L'amendement retire des listes à rendre publiques celle des centres de valorisation et d'apport des déchets encombrants (CVAE), qui ne peuvent accueillir de l'amiante.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 11 modifié.
Article 11 bis E : Sanctions administratives en cas de non-respect des règles sanitaires relatives aux eaux de baignade
La Commission adopte l'article 11 bis E sans modification.
Article 11 bis : Plans régionaux santé environnement
La Commission adopte l'amendement de précision AS364 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 11 bis modifié.
Article 11 ter A (nouveau) : Articulation entre la stratégie nationale de la recherche et la stratégie nationale de santé
La Commission adopte l'article 11 ter A sans modification.
Article 11 quater A : Lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles
La Commission adopte l'article 11 quater A sans modification.
Article 11 quater B (nouveau) : Rapport de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail sur les perturbateurs endocriniens
La Commission discute de l'amendement AS206 de M. Jean-Pierre Door.
Depuis quelques années, l'incertitude autour de la définition des perturbateurs endocriniens brouille l'horizon de toutes les parties prenantes, aussi bien les pouvoirs publics que les agences de santé ou les industries. Le retard de calendrier européen a repoussé l'adoption des critères finaux définissant ces perturbateurs au début de 2017. Le présent projet de loi sera promulgué fin 2015 ou début 2016, mais il prévoit, dans sa rédaction actuelle, que l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) remette au Gouvernement un rapport sur l'identification des substances ayant un effet de perturbateur endocrinien assorti de recommandations, et ce dans un délai d'un an. En termes de calendrier, ses conclusions se télescoperaient avec celles de l'Union européenne, limitant ainsi la visibilité des acteurs concernés. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 11 quater B.
L'Europe est un peu à la traîne par rapport à la France et à l'ANSES. Il me semble donc légitime de continuer à travailler sur ce sujet et urgent de connaître les effets de ces substances pour agir le plus vite possible. Soyons, là encore, à l'avant-garde sur un sujet majeur !
La rédaction adoptée au Sénat, avec l'accord du Gouvernement, me laisse perplexe. Elle est en contradiction avec la stratégie nationale adoptée par le Conseil national de la transition écologique (CNTE), sous l'égide du ministère de l'écologie, en matière de perturbateurs endocriniens – sur lesquels j'ai rédigé un rapport et ai mûrement réfléchi. Apparemment, le ministère de la santé n'est pas au courant, ce qui est inquiétant.
S'agissant de ces perturbateurs, on ne parle pas de risque, mais de danger intrinsèque. Cette notion a été intégrée dans la stratégie nationale. De ce fait, pour une substance reconnue comme perturbateur endocrinien, il n'y a pas de dose minimale permettant de considérer qu'il n'y a pas de danger. On y a substitué la notion de danger intrinsèque en fonction des périodes de vulnérabilité, comme pour les femmes enceintes ou les jeunes enfants. Dans certains cas, des doses infimes peuvent même être plus dangereuses que des doses importantes. L'ANSES est déjà en train de travailler, dans le cadre de la stratégie nationale, sur des classifications de perturbateurs. Selon un programme adopté lors de la Conférence environnementale, elle doit expertiser chaque année un certain nombre de substances. Donc soit on enfonce des portes ouvertes, soit on nie le travail fait par le ministère de l'écologie et l'ANSES.
En tout cas, ce texte n'apporte rien, même s'il ne faut pas non plus suivre l'avis de l'opposition, qui nie aussi ce travail. De surcroît, il est aussi en contradiction avec les lois que nous avons adoptées sur le bisphénol A, qu'il s'agisse de celle l'interdisant dans les biberons et les tétines ou de celle le prohibant dans les contenants alimentaires. Je ne comprends pas ce que fait le Gouvernement !
Ce que le Gouvernement avait fait introduire dans la lecture à l'Assemblée était inapplicable puisqu'il voulait qu'on supprime toute trace de bisphénol A, ce qui revient à ignorer ce qu'est l'industrie des matières plastiques. On peut réduire le taux de bisphénol A mais on ne sait pas fabriquer des plastiques résistants sans une dose infinitésimale de cette substance. De surcroît, l'enlever totalement est techniquement quasiment impossible. C'est pourquoi la directive européenne apparaît, une fois de plus, comme la voie de la sagesse : nous serions bien inspirés de ne pas vouloir faire mieux que les autres, car nous ne sommes ni plus intelligents ni plus prudents qu'eux. La rédaction adoptée par le Sénat est donc relativement sage et protège l'industrie du jouet, secteur que vous n'avez pas encore totalement détruit mais qui risque d'être très exposé si M. Roumegas continue !
Je crois que M. Accoyer a mélangé l'argumentation relative à cet article avec celle portant sur le suivant. Je suis de l'avis de M. Roumegas : je ne vois pas bien ce que cet article apporte. Il est en contradiction avec le travail de l'ANSES. Il faut espérer qu'en 2017, la définition des perturbateurs endocriniens sera donnée par la Commission européenne, ce qui devait déjà être le cas en décembre 2013. Cela étant, je ne serais pas contre supprimer un article qui ne sert à rien.
Cet article résulte du travail du Sénat, issu de quatre amendements identiques venus de tous les bancs. L'Europe semble, en effet, traîner les pieds : le fait que l'ANSES continue son travail et qu'on lui demande un rapport ne pose pas, à mes yeux, de difficulté majeure, d'autant que ses travaux précurseurs poussent l'Europe à s'investir dans ce domaine un peu mieux qu'elle ne le fait aujourd'hui.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS387 du rapporteur.
Je propose que, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les perturbateurs endocriniens et leurs effets sur la santé humaine. Cet amendement revient ainsi sur une difficulté légistique puisque l'amendement adopté au Sénat demandait directement un rapport à l'ANSES, au lieu d'un rapport du Gouvernement au Parlement.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 11 quater B est ainsi rédigé.
Article 11 quater : Interdiction du Bisphénol A dans les jouets et les amusettes
La Commission examine l'amendement AS170 de M. Jean-Louis Roumegas.
Il s'agit de revenir à la rédaction adoptée en première lecture à l'Assemblée, avec avis favorable du Gouvernement. Le Sénat a ajouté la formule « ne respectant pas la limite de concentration ou de migration pour cette substance définie par arrêté des ministres ». Or l'ANSES a montré que même des doses infinitésimales peuvent présenter un danger pour des femmes enceintes et de petits enfants. C'est la raison pour laquelle nous avons interdit le bisphénol A dans les biberons, tétines ou contenants alimentaires, sans faire mention de contenants pouvant être chauffés ou non. Le Gouvernement avait accepté notre rédaction parce que les jouets pour enfants sont mis à la bouche pendant de longs moments avec des risques identiques à ceux des contenants. Il faut donc être cohérent.
L'amendement adopté au Sénat était d'origine gouvernementale et justifié par le fait qu'il apparaissait en pratique difficile de s'assurer de l'absence totale de bisphénol A alors qu'il est très répandu – le Sénat précisant que des traces ont pu même être relevées dans l'air et la poussière. Cette substance ne serait donc autorisée dans les jouets et amusettes qu'en deçà de valeurs limites de migration. Si on revenait à la rédaction adoptée en première lecture à l'Assemblée, on risquerait, en outre, une censure du Conseil constitutionnel au regard du principe de proportionnalité, les études scientifiques n'étant pas encore aussi élaborées que vous semblez le dire s'agissant du bisphénol A non chauffé.
Avis défavorable, même si je comprends bien votre combat.
Je suis d'accord avec le rapporteur. Votre amendement, monsieur Roumegas, revient à interdire purement et simplement les jouets, comme les Lego, qui sont des produits français de qualité, auxquels jouent tous nos enfants. Si vous voulez les faire partir à l'étranger, dites-le ! Le Sénat a été plus sage, en permettant de faire une évaluation des seuils de concentration et de migration dans des limites qui seraient peut-être compatibles avec la directive européenne.
Il y a une industrie française du jouet, même si Lego n'est pas une marque française : elle disparaîtrait instantanément si cet amendement était adopté ! Je rejoins sur ce point le rapporteur.
Ces arguments sont curieux : il ne fallait pas, alors, interdire le bisphénol A dans les biberons, dont certains sont également français ! Cette substance est dangereuse dans une tétine comme dans des objets portés à la bouche. Je rappelle que les jouets visés sont destinés aux catégories d'âge des jeunes enfants qui portent tout à la bouche.
Quant à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, elle n'a rien à voir : elle ne parle pas des normes de migration ou des taux de bisphénol A, mais de produits fabriqués à l'étranger. D'ailleurs, le Conseil n'a pas censuré la loi Bapt. Cette loi comme cet amendement visent des procédés de fabrication utilisant cette substance, qui ne vient pas par hasard ou par l'air dans les jouets ou les biberons, mais parce qu'elle a été employée par les industriels comme un additif pour rigidifier les plastiques. Or ils ont trouvé d'autres solutions, avant même que la loi ne soit adoptée. Il ne faut pas recourir à de mauvais arguments, qui conduiraient à rendre caduques les deux lois Bapt, alors qu'elles sont très utiles.
Monsieur le rapporteur, vous pourriez soumettre cette question au Gouvernement, car les amusettes sont sucées en permanence par les très jeunes enfants comme le sont les tétines de biberons. Le Conseil constitutionnel a invalidé, non l'interdiction de la présence de bisphénol A dans les produits de consommation – car il est du pouvoir régalien des États de protéger leurs consommateurs au nom de la santé publique –, mais le fait d'interdire de fabriquer cette substance dans la mesure où elle pourrait être exportée, et non utilisée pour des produits de consommation en France.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS393 du rapporteur.
L'amendement prévoit que, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux effets sur la santé du bisphénol A non chauffé. Ce rapport étudiera, en particulier, les effets liés à la présence de cette substance dans l'environnement des personnes à risque, notamment des jeunes enfants.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 11 quater modifié.
Article 11 quinquies B (nouveau) : Rapport au Parlement sur les nanomatériaux dans les médicaments et dispositifs médicaux
La Commission adopte l'article 11 quinquies B sans modification.
Article 11 quinquies : Actualisation des dispositions relatives à la protection de l'audition des utilisateurs d'appareils portables permettant l'écoute de son par l'intermédiaire d'écouteurs ou d'oreillettes
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS365 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 11 quinquies modifié.
Article 11 sexies A (nouveau) : Lutte contre la pollution atmosphérique
La Commission est saisie de l'amendement AS389 du rapporteur.
Cet amendement se propose d'élargir les compétences du pouvoir réglementaire en matière de lutte contre les nuisances sonores, qui sont les premières mises en avant par les Français et recouvrent une notion plus large que les bruits de voisinage. Cela constituerait une première réponse.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 11 sexies A modifié.
Titre II Faciliter au quotidien les parcours de santé
Chapitre Ier Promouvoir les soins primaires et favoriser la structuration des parcours de santé
Article 12 : Équipes de soins primaires
La Commission est saisie de l'amendement AS189 de M. Denys Robiliard.
Cet amendement répond à une situation que j'ai constatée dans ma circonscription à propos d'une convention passée par l'agence régionale de santé (ARS) et l'hôpital de Blois avec une maison de santé située à une quarantaine de kilomètres de cette ville et comportant six médecins. Le contrat prévoyait que ces médecins avaient un secrétariat formé par le SAMU ainsi qu'une plage d'ouverture importante – de huit à vingt heures tous les jours et de huit à douze heures le samedi –, et l'un d'entre eux était toujours libre pour accueillir les personnes n'ayant pas de rendez-vous. L'évaluation de cette convention a conclu que pour un 1 euro investi, 7 ont été économisés, puisque les patients, pouvant aller chez le médecin en dehors des heures de travail ou d'école, ne se présentaient plus aux urgences. D'importantes économies ont également été réalisées sur les frais de transport.
Malheureusement, comme ce dispositif était financé par le fonds d'intervention régional (FIR), au bout d'un certain temps, il s'est arrêté. Nous nous sommes tournés vers la communauté de communes pour qu'elle finance l'opération alors qu'elle ne récupère rien, la sécurité sociale seule en tirant le bénéfice. Par ailleurs, les responsables de la convention nous ont dit qu'ils n'avaient pas de base juridique pour l'installer dans la durée. L'amendement vise donc à ce que les projets définis pour les équipes de santé puissent faire l'objet d'un accord formalisé, déterminant les modalités de financement, de façon à ce que ce type d'expérience puisse disposer d'une base et être financé dans la durée.
L'article 12 a pour objet de mettre en place des parcours. Plusieurs défis doivent être relevés, tels que la nécessité de la coopération et de la coordination entre les professionnels, de même que le financement. Je pense que la rédaction de l'article 12 bis satisfait votre intention : l'alinéa 12 prévoit que les ARS peuvent conclure des contrats territoriaux pour répondre aux besoins identifiés dans le cadre des diagnostics territoriaux sur la base des projets de santé des équipes de soins primaires. L'alinéa 13 dispose, en outre, que ces contrats territoriaux définissent les modalités de financement des actions assurées par ses signataires. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Je le retire pour y réfléchir. Je crains que le contrat territorial soit beaucoup plus large que ceux que j'envisage pour des opérations conclues avec des acteurs déterminés dans le cadre d'équipes de santé primaires, qui pourraient d'ailleurs se poursuivre au niveau de pôles de santé.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'article 12 sans modification.
Article 12 bis : Mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé
La Commission discute de l'amendement AS331 de la rapporteure.
L'amendement tend à rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. Les dispositions adoptées par le Sénat ne sont pas à la hauteur des enjeux : il entend « faire revivre » la coopération entre professionnels de santé via les pôles de santé et en lieu et place des communautés professionnelles territoriales de santé. L'article a été rédigé après de multiples concertations et un consensus s'est dégagé autour de ces communautés, qui constituent une réponse concrète et adaptée aux enjeux de parcours des patients et de coordination des professionnels de santé entre eux.
Vous détricotez un sujet vu ici puis au Sénat. Ces communautés, qui intègrent des acteurs sociaux et médico-sociaux ainsi que des médecins de second recours et de premiers soins, constituent à l'évidence une structuration trop vaste qui sera très difficile à mettre en place. Après réflexion et faisant preuve de sagesse, le Sénat a préféré les pôles de santé, s'appuyant sur les médecins de premier et second recours, ce qui correspond à la réalité du terrain et à une organisation optimale. Qui plus est, cette structuration territoriale relève de l'initiative des professionnels de santé, pas de la hiérarchie institutionnelle des ARS. Je regrette que vous reveniez dessus.
La rédaction proposée par la rapporteure revient à mettre en oeuvre une médecine administrée, à laquelle les Français et les professionnels de santé sont opposés. Nous voterons contre l'amendement.
Je suis étonné par l'argumentation de M. Door : le pôle de santé, tel que conçu par le Sénat, inclut les établissements de santé, ce qui va immanquablement rétablir un certain hospitalocentrisme, alors que l'idée est de faire en sorte qu'il y ait une translation vers la médecine de ville et qu'on recoure donc soit aux équipes de premier recours, soit aux communautés professionnelles territoriales de santé.
Les arguments de M. Door me surprennent d'autant plus que l'opposition penchait plutôt, en première lecture, en faveur d'une sorte d'inventaire à la Prévert des professionnels qui devaient appartenir aux communautés professionnelles de santé.
Le texte du Sénat traduit une volonté de réduire ces communautés aux seuls pôles de santé, ce qui ne permet ni de répondre au problème des déserts médicaux ni de relever le défi de la coordination entre les professionnels. Tous nos débats sur l'article 12 bis visaient deux objectifs. Le premier était que la définition des besoins parte bien de la base. À cet égard, les critiques adressées au système hiérarchisé depuis les ARS n'ont plus lieu d'être puisque la première rédaction a été entièrement revue. Le second objectif était le décloisonnement des pratiques entre professionnels. Là encore, la rédaction proposée pour l'article 12 bis en tient compte. C'est pourquoi je vous propose de le voter dans cette version.
L'ARS conserve la main puisqu'elle doit s'assurer de la réalisation des objectifs du projet régional de santé. Dès lors, les objectifs complémentaires qui ont été définis par ailleurs sur les territoires ont-ils encore la possibilité d'être poursuivis ?
Je m'interroge également sur le statut juridique de la communauté professionnelle territoriale de santé. Les contrats territoriaux de santé ont-ils un lien avec les actuels contrats locaux de santé qui réunissent des personnels médico-sociaux et des professionnels de santé ? L'initiative part-elle des professionnels de santé ? La communauté se constitue-t-elle en association ? Qui rédige le contrat territorial de santé ? Quel rôle va jouer l'ARS : celui qui décide d'en haut ou celui qui installe une vraie concertation réciproque ? Qu'en sera-t-il du territoire sur lequel ces contrats s'appliquent ? En Bretagne, par exemple, les professionnels se sont organisés par pays avec des spécificités.
Nous avons déjà longuement discuté de tout cela en première lecture. La première rédaction de l'article, qui avait suscité les interrogations ici soulevées, a été entièrement remaniée après des mois de concertation et un travail extrêmement approfondi. Je vous en cite quelques extraits :
« La communauté professionnelle territoriale de santé est composée de professionnels de santé […] Les membres de la communauté professionnelle territoriale de santé formalisent, à cet effet, un projet de santé, qu'ils transmettent à l'agence régionale de santé. » L'initiative revient donc bien aux professionnels de santé.
« À défaut d'initiative des professionnels, l'agence régionale de santé prend, en concertation avec les unions régionales des professionnels de santé et les représentants des centres de santé, les initiatives nécessaires à la constitution de communautés professionnelles territoriales de santé. » Cette précision est apportée, car on ne pourrait pas se satisfaire de territoires où l'absence d'initiative de professionnels laisserait des zones blanches. Dès lors, l'intervention de l'ARS est légitime.
L'état d'esprit est le même s'agissant de la contractualisation : l'initiative en revient aux professionnels de santé.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 12 bis est ainsi rédigé, et l'amendement AS188 de M. Denys Robiliard tombe.
Article 12 ter A (nouveau) : Missions des médecins spécialistes
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AS332 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 12 ter A modifié.
Article 12 ter B (nouveau) : Rapport sur l'attractivité du contrat d'engagement de santé publique
La Commission est saisie de l'amendement AS333 de la rapporteure.
L'article 12 ter B, introduit au Sénat, prévoit la remise d'un rapport sur l'attractivité du contrat d'engagement de santé publique. Or cette intention est satisfaite à l'article 12 ter, qui crée le pacte territoire-santé. Celui-ci comprend différents volets visant à lutter contre les déserts médicaux, et il me semble qu'il apporte des réponses plus opérationnelles que la remise d'un rapport. D'où cet amendement de suppression.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 12 ter B est supprimé.
Article 12 ter : Pacte territoire-santé
La Commission adopte l'article 12 ter sans modification.
Article 12 quater A (nouveau) : Obligation de négocier sur le conventionnement des médecins souhaitant s'installer en zones sous-denses ou sur-denses
La Commission examine l'amendement AS334 de la rapporteure.
Il s'agit de supprimer l'article 12 quater A, que le Sénat a introduit afin d'inscrire dans la loi que la négociation des conventions nationales devra porter également sur le conventionnement sélectif pour faire face à la raréfaction des médecins libéraux en milieu rural. Le défi est de taille et il convient de le relever.
Lors de la première lecture, l'Assemblée a fait le choix de mesures incitatives, en l'espèce les axes définis pour le pacte territoire-santé à l'article 12 ter, que complètent des dispositifs adoptés dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015. Ce choix s'est opéré dans le respect de la liberté d'installation défendue sur tous les bancs de notre assemblée. Différentes mesures ont été ou seront prises pour rendre cette installation attractive. Il me semble qu'il faut en rester là : il appartient aux professionnels de santé de décider s'ils souhaitent instaurer des mécanismes de conventionnement sélectif.
Le conventionnement sélectif ne marche pas, on le sait. Il convient, en effet, de revenir sur cette rédaction sénatoriale qui a dû se faire un peu à la hâte.
Les déserts médicaux en milieu rural comme en ville sont un véritable problème, et ce projet de loi ne le résout pas. Mais nous sommes totalement opposés à la remise en cause de la liberté d'installation. J'avoue que nous n'avons pas bien compris la position du Sénat sur ce sujet.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 12 quater A est supprimé.
Article 13 : Organisation territoriale de la santé mentale et de la psychiatrie
La Commission est saisie de l'amendement AS357 de la rapporteure.
Il importe que l'opposition écrite du représentant de l'État à une sortie de courte durée d'une personne admise dans un service de soins psychiatriques sur décision de ce dernier soit motivée.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS350 de la rapporteure.
Par coordination avec le rétablissement de l'article 12 bis dans la rédaction adoptée par l'Assemblée, l'amendement tend à réhabiliter les communautés professionnelles territoriales en lieu et place des pôles de santé.
Si le projet de loi est guidé par le souci de favoriser les initiatives des professionnels de santé, il n'apparaît pas opportun de se priver d'un outil permettant aux ARS de prendre les dispositions nécessaires en l'absence d'initiatives.
Afin de préserver l'organisation actuelle de la santé mentale, l'amendement désigne les conseils locaux de santé mentale comme les instances idoines de concertation pour la mise en place des actions de prévention, de soins et d'insertion en termes de santé mentale et de psychiatrie.
Il complète aussi le dispositif en mentionnant explicitement les professionnels libéraux et les psychologues parmi les acteurs de la politique de santé mentale.
Enfin, il procède à des mesures de coordination ou visant à respecter des dispositions jugées incompatibles avec la Constitution par le Conseil constitutionnel.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS225 de M. Denys Robiliard.
Je retire mon amendement qui visait à préciser les conditions de signature d'une convention avec un « club thérapeutique ». Il semble qu'il rétablisse une forme de gestion de fait que l'on souhaitait éviter. J'y reviendrai éventuellement après réflexion.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'article 13 modifié.
Article 13 quater : Encadrement du placement en chambre d'isolement et de la contention
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement rédactionnel AS227 de M. Denys Robiliard.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS228 de M. Denys Robiliard.
Un ouvrage vient de paraître aux Presses de l'École des hautes études en santé publique (EHESP), intitulé Soins sans consentement en psychiatrie, dans lequel on peut lire que les pratiques de contention « doivent être considérées et organisées comme un prélude nécessaire, coercitif par la force des choses, à l'engagement d'un processus thérapeutique ». Cet ouvrage considère donc que la contention n'est qu'un préalable à un processus thérapeutique.
Le sujet est extrêmement controversé : certains estiment que la contention ne devrait jamais être utilisée, qu'elle porte atteinte à la dignité des patients et qu'elle aggrave la maladie ; d'autres pensent qu'elle peut avoir des effets thérapeutiques positifs. Il n'appartient pas au législateur de prendre position dans ce débat. Il suffit, pour l'efficacité, d'affirmer le caractère médical de la décision. C'est pourquoi je propose de substituer au terme « prescription », le mot de « décision ».
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS339 de la rapporteure et AS229 de M. Denys Robiliard.
L'amendement AS229 est retiré.
La Commission adopte l'amendement AS339.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS230 de M. Denys Robiliard.
La rédaction de l'article est suffisamment précise pour qu'il soit inutile de renvoyer à un décret.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 13 quater modifié.
Article 13 quinquies : Rapport sur l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris
La Commission adopte l'article 13 quinquies sans modification.
Article 14 : Appui aux professionnels pour la coordination des parcours complexes
La Commission adopte l'article 14 sans modification.
Chapitre II
Faciliter l'accès aux soins de premier recours
Article 15 : Régulation médicale de la permanence des soins
La Commission examine l'amendement AS335 de la rapporteure.
Il s'agit de rétablir la rédaction équilibrée adoptée en première lecture par notre assemblée. Le choix du Sénat de mettre en place un numéro national unique n'est pas inapproprié, mais il n'apparaît pas comme la solution la plus opérationnelle. Il est préférable de maintenir la coexistence d'un numéro national de permanence de soins ambulatoires à côté du « 15 », car dans soixante-dix départements, les ARS ont déjà opté pour ce dernier numéro.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 15 est ainsi rédigé.
Article 16 : Médecin traitant des patients de moins de seize ans
La Commission adopte l'article 16 sans modification.
Chapitre III Garantir l'accès aux soins
Article 18 : Généralisation du tiers payant pour les consultations de ville
La Commission discute des amendements identiques AS367 de la rapporteure et AS324 de M. Christophe Sirugue.
Il s'agit à nouveau de rétablir la rédaction de l'Assemblée à une nuance près. Je regrette évidemment que le Sénat ait rejeté l'article 18 qui, à l'issue de nombreux échanges, permettait de sécuriser et de simplifier les modalités d'application du mécanisme de généralisation progressive du tiers payant.
Des avancées avaient été accomplies avec la définition d'un calendrier progressif de déploiement et la prise en compte de la demande de garantie de paiement dans un délai raisonnable que les professionnels sont en droit d'exiger. S'agissant des modalités concrètes de la mise en oeuvre du tiers payant, nous avions prévu qu'elles feraient l'objet d'un rapport établi conjointement par les caisses nationales d'assurance maladie et les organismes complémentaires. Les parties prenantes, que j'ai rencontrées la semaine dernière, m'ont fait part du bon avancement de leurs travaux, dans une approche que les uns et les autres ont qualifiée de « pragmatique et constructive ».
Nous proposons, en conséquence, de rétablir l'article 18 dans les principes que nous avions fixés, et de modifier la date de remise du rapport, qui pourrait intervenir au plus tard un mois après la date de promulgation de la loi.
L'ensemble des membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen a voulu cosigner cet amendement identique à celui de Mme la rapporteure afin de montrer notre engagement en faveur de la généralisation du tiers payant.
L'article 18 du projet de loi sera la plus grave erreur commise par la majorité durant ce quinquennat. Les arguments en faveur de cette disposition ne sont pas acceptables, mais il est vrai qu'il s'agit d'une promesse totalement dogmatique du candidat Hollande. Aujourd'hui, nos concitoyens les plus démunis ont déjà accès au tiers payant, et nous avons plusieurs raisons de refuser que cette mesure soit généralisée.
Madame la rapporteure, les organismes complémentaires semblent tenir un double langage : lorsque nous les rencontrons, ils nous disent qu'ils ne travaillent à la mise en place technique du tiers payant que parce qu'ils y sont obligés, et qu'ils ne seront pas prêts le moment venu.
Cette mesure pose aussi un problème juridique, au sens large du terme. Le fait que le patient paie lui-même le professionnel de santé établit un contrat qui n'existe plus dès lors que le tiers payant est généralisé.
Se pose aussi la question de la déresponsabilisation des patients. La santé n'est pas gratuite. Depuis des années, droite et gauche contribuent à faire passer la santé pour un bien de consommation classique : ce n'est pas le cas.
Votre réforme vise à renforcer les réseaux de soins qui entravent la liberté de choix du patient. Nous savons parfaitement qu'avec le tiers payant généralisé, la caisse d'assurance maladie va progressivement se retirer du remboursement de certaines prestations et prescriptions, et donner ainsi de plus en plus de poids aux complémentaires, aux mutuelles et autres organismes assurantiels.
La généralisation du tiers payant ne répond ni aux attentes des professionnels de santé ni à celles de nos concitoyens. Si une réforme du système de santé est nécessaire, elle ne passe assurément pas par cette solution. Si c'était le cas, cela se saurait, et d'autres l'auraient fait.
Cette réforme fera du médecin libéral un administratif sous la coupe de l'assurance maladie ; nous ne pouvons l'accepter. Notre système de santé repose sur deux piliers, un service public et un système libéral, et sur la notion de liberté que nous devons préserver, aussi bien pour les patients que pour les praticiens.
Le tiers payant n'est qu'un mode de paiement. De nombreux pays l'ont adopté sans qu'il en résulte une révolution, une surconsommation des soins ou, à l'inverse, l'abandon des patients. Vous agitez des épouvantails sans que cela ait le moindre sens ! Vous avez un problème parce que votre définition de la médecine libérale est figée : vous êtes arc-boutés sur le paiement à l'acte auquel le tiers payant ne met pourtant pas fin. Il ne constitue qu'une autre méthode de paiement pour les patients qui sont des assurés.
La solvabilisation du système passe par l'assurance maladie et par le groupement des complémentaires, assurances et institutions de prévoyance. On peut donc comprendre que les négociations soient difficiles. L'essentiel, c'est qu'elles aboutissent, in fine, à libérer le médecin des contraintes administratives – tout l'inverse de ce que vous avancez –, l'idée étant d'avoir un flux unique qui permette aux professionnels d'être payés correctement en temps et en heure.
J'ai rencontré les médecins libéraux de mon département, et je sais bien qu'ils sont très remontés. Pour autant, je ne comprends pas les arguments avancés, qui tournent en boucle et peuvent être réfutés un à un assez facilement. La médecine libérale doit évoluer ; elle a toute sa place dans ce projet de loi comme pendant de la médecine hospitalière. Vous menez un combat idéologique d'arrière-garde sur le tiers payant. C'est un non-sens.
Arnaud Robinet a dit l'essentiel. Touche après touche, tout le système de santé est remis en cause et échappe progressivement à notre maîtrise. C'est déjà le cas pour ce qui concerne les déficits et l'accès à l'innovation.
Avec la déresponsabilisation, l'inflation des soins, la couverture maladie universelle qui réécrit complètement le code de la sécurité sociale dans le PLFSS, les quatre pages de cet article rédigées de manière improvisée en séance, en première lecture à l'Assemblée, on est en pleine irresponsabilité.
Les dispositions que vous voulez mettre en place n'apportent strictement rien en matière d'accès aux soins. Elles sont tout simplement démagogiques et participent d'une posture politique consécutive à une promesse de campagne du candidat Hollande. Ce n'est pas responsable ! Nous ne voterons pas cet amendement.
Monsieur Accoyer, vous pensiez sans doute à la protection universelle maladie (PUMA) et non à la CMU.
Le Sénat a parfaitement compris que l'on ne faisait pas de médecine contre les médecins. Aujourd'hui, le divorce est total entre eux et le Gouvernement. Ils le diront le 13 novembre prochain en boycottant la conférence de santé du Premier ministre. Les médecins combattent le tiers payant généralisé, ils ne veulent en aucun cas d'une obligation. Le groupe de travail chargé du sujet a montré que des dysfonctionnements existaient déjà sur le périmètre actuel du dispositif : qu'en serait-il en cas de généralisation ?
Les Républicains refusent la généralisation du tiers payant qui constitue un changement de paradigme de la médecine libérale. Ce n'est pas notre option. Si nous revenons au pouvoir en 2017, sachez que ce dispositif sera immédiatement supprimé. Vous avez gagné la première manche, mais vous ne gagnerez pas la partie !
Ce n'est pas parce que la CMU-c et l'aide à l'acquisition de la complémentaire santé ont été mises en place qu'il n'existe pas de problèmes d'accès aux soins dans notre pays. Les plafonds de ressources pour bénéficier de ces dispositifs sont fixés, pour une personne seule, à 720 euros mensuels pour la CMU-c et à 973 euros pour l'aide à l'acquisition de la complémentaire santé – encore ces plafonds ont-ils été relevés par le Gouvernement ces dernières années. On peut donc parfaitement se situer au-dessus des plafonds et rencontrer des difficultés financières pour se soigner. Vous aurez beau le nier, il y a bel et bien des difficultés d'accès aux soins et des refus de soins pour des raisons financières. La généralisation du tiers payant permettra de lever la barrière financière qui empêche certaines personnes d'aller consulter. Une telle barrière ne doit pas exister entre le médecin et son patient.
En tout état de cause, il est difficile de comparer les systèmes de santé dans les divers pays du monde.
En ce qui concerne l'accès aux soins pour les plus démunis, la couverture est parfaite dans notre pays. Certaines catégories de personnes rencontrent des difficultés, c'est vrai, mais cela ne doit pas faire oublier que la vocation des médecins, c'est de soigner, pas d'accomplir des tâches administratives. Il est évident que la généralisation du tiers payant augmentera le nombre de ces tâches, et cela, ils n'en veulent pas !
Je ne comprends pas cette mesure dont le Gouvernement fait l'un des principaux emblèmes de ce projet de loi. Les personnes qui ont besoin du tiers payant sont déjà couvertes, et il n'y a pas besoin d'élargir le dispositif plus que cela. Cette réforme participerait à la déresponsabilisation des patients, mais aussi à l'inflation des soins. Elle favoriserait, de surcroît, le nomadisme médical quand on voudrait que les patients s'inscrivent dans un parcours de soins.
Je m'inquiète très sérieusement qu'à travers les réseaux de soins, nous abandonnions progressivement une partie de notre système de santé aux mutuelles et aux assurances. Il s'agit, à mon avis, d'une trahison des promesses de 1945, quand la sécurité sociale a été mise en place. Nous modifions insidieusement la nature de notre système en faisant en sorte que l'assurance maladie se retire au profit notamment des mutuelles, dont les frais de gestion sont extrêmement élevés et qui bénéficient de dérogations fiscales.
Enfin, je pense que la généralisation du tiers payant représente la fin de la médecine libérale. On ne conduit pas une réforme contre les médecins ; or, toutes tendances confondues, ils y sont pourtant opposés. Ils ne veulent pas avoir à s'occuper eux-mêmes de demander le remboursement auprès des 600 mutuelles différentes. Sans nier la nécessité de réformer notre système, pourquoi revenir sur le principe du libre choix du patient et du médecin, qui faisait l'unanimité ? Vous voulez, au contraire, enfermer les patients dans des réseaux fermés.
Vous avez choisi, avec la généralisation du tiers payant, un bien mauvais emblème pour cette loi santé. Nous reviendrons dessus !
De toute évidence, il est nécessaire de répéter que les patients garderont le choix de leur médecin.
À l'étranger, nous connaissons des exemples de pays qui pratiquent le tiers payant tout en gardant une médecine libérale. En outre, si une minorité de médecins s'oppose à la généralisation par esprit de système, l'immense majorité redoute seulement les complications administratives et techniques, et les retards de paiement, que les organismes complémentaires et la caisse d'assurance maladie travaillent précisément à éviter. Quant à dire que la prise en charge des soins serait abandonnée aux caisses complémentaires, ce n'est pas vrai. Au contraire, la part de la caisse d'assurance maladie ne cesse de croître, tandis que diminuent la part versée par les caisses complémentaires et le reste à charge pour le patient.
Enfin, la question du tiers payant n'a rien à voir avec celle du réseau de soins et des parcours de soins coordonnés, qui excluent au demeurant toute négociation du tarif des soins entre le médecin et les caisses complémentaires. Ce point reste de la compétence de l'assurance maladie. Les craintes des médecins se cristallisent autour du tiers payant, mais elles ont sans doute des causes bien différentes. Elles peuvent être justifiées et méritent d'être dissipées, mais elles ne datent pas des trois dernières années. Par ailleurs, la ministre a annoncé qu'il n'y aurait pas de sanction prise pour non-application du tiers payant, et le Président de la République a exclu sa généralisation si les conditions techniques et administratives souhaitées ne sont pas atteintes.
En tout état de cause, même M. Door ne peut pas nier que l'avance des frais pour un électrocardiogramme peut constituer encore aujourd'hui un obstacle à l'accès aux soins.
Il y a des médecins qui pratiquent aujourd'hui le tiers payant, mais c'est sa généralisation qu'ils redoutent. Pourtant, la ministre s'obstine à vouloir passer en force. Pour ma part, je ne connais pas d'exemple de renonciation aux soins pour des raisons financières. Je suis beaucoup plus inquiète à propos des déserts médicaux et de la démographie médicale dans certaines spécialités, telle l'anesthésie. Mieux vaudrait dépenser de l'énergie à résoudre ce genre de difficulté plutôt qu'à mettre les médecins dans la rue.
Ce n'est pas un hasard si les organisations syndicales de médecins qui sont les plus opposées au tiers payant sont aussi celles qui ont eu le plus de succès aux élections professionnelles, car cette mesure est devenue synonyme d'étatisation de la médecine et de mainmise de la sécurité sociale et des mutuelles sur le système de santé. La ministre doit se rendre compte que ce n'est pas la meilleure voie à suivre. Alors qu'elle prétend mettre les médecins généralistes au coeur du parcours de soins, elle les braque. Il y a là une contradiction.
Mieux vaudrait retirer cet article introduisant la généralisation du tiers payant, surtout si le Président de la République lui-même dit qu'elle ne s'appliquerait pas nécessairement. Dans ces conditions, à quoi bon rajouter un sujet de discorde dans notre pays ?
Si, comme vous le dites, le Gouvernement devrait employer son énergie à trouver des anesthésistes, moi qui soutiens les médecins et la médecine, je serais heureuse qu'ils s'emparent des grandes causes de santé publique, au lieu de ne parler que de tiers payant et du tarif de la consultation.
Les médecins sont accablés et démunis, en un mot désespérés. Alors que mon département manque de praticiens, on leur dit qu'ils devront désormais faire encore plus d'administration et courir après le remboursement des soins par les complémentaires. Ils devront se mettre à jour en permanence, en fonction de l'évolution de la situation des patients. Leurs journées sont déjà suffisamment surchargées pour qu'ils redoutent cela.
Privilégions le temps médical sur le temps administratif. Ne les obligeons pas à perdre leur énergie à la recherche de leur dû. Je suis opposée aux amendements.
Nous n'avons pas entendu d'arguments nouveaux par rapport à nos débats de première lecture. L'opposition campe sur son opposition, en présentant des arguments déjà entendus et débattus. Certains sont exprimés avec une grande franchise, d'autres relèvent de la posture politique. J'ai peu d'arguments à proposer à ceux dont l'opposition est purement de principe et je n'ai rien à ajouter à ce qu'ont dit nos collègues Gérard Sebaoun, Gérard Bapt ou Fanélie Carrey-Conte. Je sais particulièrement gré à cette dernière de nous avoir rappelé quelques données chiffrées.
Oui, madame Le Callennec, l'objectif est bien de faire bénéficier du tiers payant une frange de la population qui n'en bénéficiait pas. Si vous ne rencontrez pas, dans vos permanences, des personnes qui, bien qu'ayant un travail, connaissent, elles aussi, des difficultés à faire l'avance des frais médicaux, c'est que nos permanences respectives ne sont pas fréquentées par les mêmes gens.
Il n'est pas question, dans cette loi santé, d'opposer les problématiques les unes aux autres. Le Gouvernement s'est attelé à celle des déserts médicaux avec beaucoup de conviction à travers le pacte de santé et encore dans le PLFSS pour 2015. Comme élue d'une zone de montagne, je salue la parution récente, au début du mois d'octobre, des décrets d'application correspondants. Il sait que la démographie médicale est un autre sujet. Il n'y a donc aucune raison d'opposer comme vous le faites les mesures.
Au sein des professionnels de santé, certains sont, comme vous l'êtes ici, opposés par principe ; d'autres expriment des inquiétudes légitimes au regard des complications administratives. Nous les avons si bien comprises que nous avons intégré à l'article 18 des garanties demandées par la profession et sur lesquelles nous avons invité les différents acteurs et opérateurs à travailler ensemble : garantie de paiement, fondée sur l'obtention effective des informations relatives au patient ; respect des délais ; modalités, la formule retenue étant celle d'un flux de paiement unique.
Au cours des auditions que nous avons menées au sein du groupe de travail, monsieur Robinet, les acteurs du secteur n'ont rien dit qui permette d'exclure que ces principes et ces garanties ne seront pas respectés. La solution est encore en cours d'élaboration, mais force est de constater que, depuis le mois de mars et l'adoption de cet amendement en première lecture, les acteurs du secteur travaillent sur ces propositions. En revenant à l'article 18 dans la version adoptée par notre assemblée, nous permettons que ce travail puisse arriver à son terme. C'est pourquoi l'article prévoit que le rapport établi par les parties prenantes sera remis au plus tard un mois après la promulgation de la loi, pour une application prévue en juillet 2016.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 18 est ainsi rétabli.
Article 18 ter A : Automaticité de l'ouverture et renouvellement des droits à la CMU-c pour les allocataires du RSA socle
La Commission est saisie de l'amendement AS326 de la rapporteure.
L'article 18 ter A inséré au Sénat prévoit le droit, pour les bénéficiaires du RSA socle, de bénéficier de la CMU-c. Or cet article est satisfait par l'article L. 861-2 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel les bénéficiaires du RSA socle sont déjà « réputés satisfaire les conditions » permettant de bénéficier de la CMU-c. L'amendement vise donc à supprimer non pas un droit mais une proposition déjà satisfaite.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 18 ter A est supprimé.
Article 19 : Évaluation du respect du principe de non-discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins
La Commission est saisie de l'amendement AS327 de la rapporteure.
L'article 19 concerne les modalités de contrôle des pratiques de refus de soins. Alors que le projet de loi initial confiait ce contrôle aux conseils nationaux des ordres professionnels médicaux, le Sénat a préféré en charger le Défenseur des droits.
Je ne partage pas ce choix, car le refus de soins constitue une faute professionnelle de la part du médecin, et il doit être sanctionné à ce titre par ses pairs. Du reste, le Défenseur des droits, comme le ministre chargé de la santé, est informé de ces pratiques grâce aux bilans annuels établis par les ordres de médecins concernés. C'est pourquoi je vous propose d'en revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale.
Je souligne que l'ordre des médecins, que nous avons reçu, est d'accord avec cette rédaction de l'article 19.
Il s'agit, en effet, d'une question de déontologie. L'ordre doit sanctionner ces conduites marginales fautives et discriminatoires. Mais attention à ne pas jeter le discrédit sur l'ensemble d'une profession !
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 19 est ainsi rédigé.
Article 20 bis A (nouveau) : Accessibilité des conventions de partenariat
La Commission discute des amendements identiques AS328 de la rapporteure, AS217 de Mme Fanélie Carrey-Conte et AS235 de M. Christophe Sirugue.
Il s'agit de supprimer un article additionnel adopté par le Sénat, qui restreint considérablement la portée de la loi du 27 janvier 2014, issue d'une proposition de loi rapportée par notre collègue Fanélie Carrey-Conte.
À travers cet amendement, transparaît la volonté du Gouvernement de favoriser, dans la ligne de la proposition de loi de notre collègue Bruno Le Roux, les réseaux des soins, et donc les organismes complémentaires et les mutuelles aux dépens de la caisse d'assurance maladie. Le Sénat voulait éviter ces réseaux fermés, notamment pour les opticiens. Il voulait garantir la mise en place de réseaux ouverts, accessibles à tous les professionnels, en supprimant le nombre d'adhésions limité, notamment pour les opticiens. Les critères retenus devaient être négociés par l'organisation professionnelle et non imposés par les complémentaires.
Vous vous prononcez pour un retour aux réseaux fermés, commettant ainsi une erreur fondamentale. C'est la preuve que vous voulez favoriser un autre système de soins que celui que nous connaissons, un système dirigé par les organismes complémentaires et par les assurances.
Il importe de rétablir l'ensemble des dispositions de la loi du 27 janvier 2014, dont l'objet est de mettre fin à l'inégalité empêchant les organismes complémentaires et les mutuelles de développer leurs réseaux de soins au même titre que les instituts de prévoyance et les sociétés d'assurance.
Cette loi légalise, tout en les encadrant, ces réseaux qui, selon de nombreuses études, sont des outils pertinents pour favoriser l'accès aux soins, notamment dans des domaines où la caisse d'assurance maladie rembourse peu, voire très peu. Elle prend soin d'exclure les médecins généralistes de ces conventionnements tarifaires, réservés aux secteurs où le remboursement par l'assurance maladie obligatoire constitue une part minoritaire. Cette loi prévoit également une évaluation de ces réseaux de soins.
S'agissant du secteur de l'optique, elle permet en effet la constitution de réseaux fermés, car la démographie de ce secteur n'est pas régulée et a pour spécificité de présenter des surnombres.
J'avais raison de me dire inquiète au sujet des réseaux de soin : on change, à bas bruit, notre système de santé, en faisant en sorte que seules les personnes touchant des minima sociaux ou salariées soient correctement couvertes. Toutes les autres sont oubliées. Je suis choquée.
Le système que vous proposez est opaque ; il est inflationniste, car il conduit à des ententes sur les prix ; il n'est pas libéral, car il ne laisse pas de liberté de choix. Je doute même qu'il garantisse un bon remboursement, car ce sont les mutuelles qui poussent à y entrer, par un lobbying incroyable. Mais j'aurai la charité, à cette heure tardive, de ne pas m'étendre sur leur gestion, en particulier sur la gestion des mutuelles étudiantes. Il n'en irait pas ainsi si elles ne bénéficiaient pas des dérogations fiscales dont elles jouissent aujourd'hui.
Je le dis sans détour, ce sont les promesses de 1945 qui sont trahies. Le système que vous proposez ne correspond pas au pacte alors passé avec les Français. Je réclame un débat d'ensemble sur ces sujets, plutôt que des petits amendements sournois. Dans le cadre de la loi Fourcade, cette expérience avait pu être limitée. Aujourd'hui, on constate qu'elle n'est pas bonne pour notre système de santé, qui devient inégalitaire et non transparent.
Madame Boyer, votre discours sur les organismes complémentaires me surprend. Quand nous avons examiné le PLFSS, vous vous êtes opposée au rapatriement vers les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), c'est-à-dire vers le service public, de la gestion des prestations de maladie, notamment pour les indépendants. Aujourd'hui, vous n'avez pas de mots assez durs contre les organismes complémentaires, que vous trouvez dispendieux, inégalitaires et mauvais pour le système de santé !
Proposez plutôt, à l'instar de membres de la majorité présidentielle, leur intégration dans l'assurance maladie. Bien sûr, cela nécessiterait de gérer le transfert de quelques dizaines de milliers de salariés. Mais, après votre réquisitoire, madame Boyer, il ne vous reste qu'à faire gérer l'ensemble des relations avec les professionnels de santé par l'assurance maladie de 1945. Après cette intégration, vous ne pourrez cependant dénoncer cette même caisse comme la grande prêtresse d'un système de santé trop centralisé, qui aurait dans sa main le secteur libéral.
J'entends parler de changements insidieux. Mais la loi sur laquelle veut revenir le Sénat fut, au contraire, adoptée au terme de débats plutôt vifs. La rapporteure du texte, présente parmi nous ce soir, pourrait en témoigner. Si amendement à bas bruit il y a, c'est plutôt celui du Sénat qui cherche à revenir sur un texte qui date d'à peine un an et demi.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 20 bis A est supprimé.
Article 20 ter (nouveau) : Régime d'autorisation d'absence destiné aux femmes engagées dans un parcours de procréation médicale assistée
La Commission est saisie de l'amendement AS391 de Mme la rapporteure.
Cet amendement vise à étendre aux conjoints salariés des femmes engagées dans un parcours d'assistance médicale à la procréation le bénéfice d'une autorisation d'absence pour les actes médicaux nécessaires, dans la limite de trois autorisations, à l'instar de ce qui est prévu pour les conjoints des femmes enceintes.
Il s'agit d'un droit nouveau. Il est cependant limité, puisqu'il respecte un certain parallélisme avec le droit existant pour les femmes enceintes. Bien sûr, ces mêmes conjoints peuvent également bénéficier des trois jours de congé après la naissance.
La Commission adopte l'amendement.
Elle discute ensuite de l'amendement AS46 de Mme Chaynesse Khirouni.
Le Sénat a accompli une avancée importante pour les salariées engagées dans un parcours médical long pour traiter l'infertilité de leur couple. Mon amendement vise à étendre à leurs conjoints le bénéfice de l'autorisation d'absence pour les actes médicaux obligatoires.
En effet, la mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation est précédée de nombreux entretiens et examens particuliers des deux membres du couple avec l'équipe médicale du centre. L'Agence de la biomédecine considère également comme essentielle la participation du couple tout au long du parcours d'aide médicale à la procréation. Un grand nombre de couples infertiles, ainsi que leurs proches, comptent sur cette avancée sociale.
Je remercie la rapporteure pour son écoute lors des échanges que nous avons eus sur cette question. Son amendement, que nous venons de voter, va dans le bon sens. J'ai cependant une réserve à émettre. Le parallèle ne peut être tracé entre une procréation médicalement assistée et une grossesse ordinaire. L'assistance médicale à la procréation requiert la présence du conjoint beaucoup plus souvent : réunions d'information ; premier rendez-vous avec le gynécologue, avec le psychologue, avec le biologiste ; spermogramme et autres examens ; ponction ovocytaire ; prélèvement de sperme frais ; jour du transfert…
Pour beaucoup de couples, il faut répéter ces cycles de rendez-vous d'une tentative à l'autre, car le protocole est rarement un succès du premier coup. Trois autorisations d'absence me semblent donc insuffisantes.
La rédaction de l'amendement, auquel je suis favorable sur le fond, distingue entre le « conjoint salarié » et « la personne liée par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec la femme engagée ». Le premier doit-il donc être salarié et non la seconde ? Qu'en sera-t-il des agents de la fonction publique ? Il faut, selon moi, préciser cette formulation asymétrique.
L'amendement de Mme la rapporteure que nous venons d'adopter me semble satisfaire le vôtre, madame Khirouni. Cela étant, je suis d'accord avec la remarque de Mme Le Callennec : la rédaction que vous proposez donne l'impression de couvrir deux statuts distincts, salarié ou non.
Il suffit de supprimer le mot « salarié », qui est superflu ; le droit s'appliquera selon que l'intéressé est fonctionnaire ou exerce dans le secteur privé.
Je souscris pleinement à l'exposé des motifs de l'amendement que nous a présenté Mme Khirouni, en particulier sur la participation du couple tout au long du parcours d'aide médicale à la procréation. Gardons-nous de comparer des situations incomparables ; nous tâchons précisément de répondre à cette demande. Cela étant, les entreprises et les administrations peuvent légitimement s'interroger sur le nombre de jours à accorder aux conjoints afin qu'ils participent audit parcours.
Par ailleurs, l'amendement tel que vous le formulez présente un risque d'incompréhension. C'est pourquoi nous avons, dans l'amendement précédent, repris en l'appliquant aux couples suivant un parcours de procréation médicalement assistée, la formulation de l'article L. 1225-16 du code du travail : « Le conjoint salarié de la femme enceinte ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle bénéficie également d'une autorisation d'absence pour se rendre à trois de ces examens médicaux obligatoires au maximum ». Je suis ouverte à toute nouvelle amélioration rédactionnelle, sachant que nous devons, dans l'intérêt des personnes qui nous ont sollicités, trouver une solution que puissent accepter les partenaires sociaux, qui n'ont pas été consultés sur ce point précis.
Est-ce par année ou par tentative de procréation médicalement assistée que trois autorisations d'absence peuvent être accordées, sachant que plusieurs tentatives sont parfois nécessaires avant d'aboutir ?
Par parallélisme avec la disposition du code du travail sur la maternité, que nous avons reprise telle quelle, on peut déduire qu'il s'agit de chaque tentative, étant entendu que plusieurs tentatives peuvent être nécessaires, en effet.
Quoi qu'il en soit, je propose à Mme Khirouni et à M. Roumégas de retirer leurs amendements, compte tenu de l'adoption de l'amendement AS391, quitte à poursuivre le débat en séance publique.
L'adoption de l'amendement présenté par Mme la rapporteure constitue une première avancée fort utile. Nous devrons peut-être préciser le nombre d'absences autorisées ; en attendant, je retire mon amendement.
Les amendements AS46 et AS185 sont retirés.
La Commission adopte l'article 20 ter modifié.
Chapitre IV Mieux informer, mieux accompagner les usagers dans leur parcours de santé
Article 21 : Instauration d'un service public d'information en santé
La Commission est saisie de l'amendement AS171 de Mme Véronique Massonneau.
Cet amendement vise à intégrer le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) au service public d'informations relatives à la santé.
Je maintiens l'avis défavorable déjà émis en première lecture, car l'intégration du CNCPH est incompatible avec la nature de la disposition législative qui vise simplement à constituer une gouvernance commune sous l'autorité du ministre en charge de la santé. Y intégrer des acteurs extérieurs conduirait à les placer sous l'autorité dudit ministre, ce qui ne correspond pas à l'esprit du texte.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AS60 de Mme Valérie Boyer et AS267 de M. Gilles Lurton, et l'amendement AS211 de M. Arnaud Robinet.
L'article 21 instaure un service public d'informations relatives à la santé au niveau national et au niveau régional via les agences régionales de santé. Je propose de le compléter afin de faire de ce service un pôle de ressources pour les professionnels de santé, pour les établissements de santé publics et privés ainsi que pour les patients, comme c'est le cas dans de nombreux pays. En outre, je souhaite que ce service soit animé dans un esprit collaboratif entre les pouvoirs publics, les professionnels de santé et les représentants des usagers. Pour ce faire, il doit être accessible aux organismes qui les représentent. Afin de renforcer la collaboration et la transparence, je propose donc d'ajouter les mots suivants à l'alinéa 3 : « ainsi que des organismes représentant les établissements de santé publics et privés, les professionnels libéraux de la santé et des associations d'usagers agréées ».
Dans le même esprit et pour renforcer le dialogue et la concertation, l'amendement AS211 vise à améliorer l'efficacité du service public d'informations relatives à la santé en y associant les établissements de santé ainsi que les professionnels de santé, qui demeurent des acteurs incontournables de l'offre de soins.
Comme je l'ai déjà indiqué en première lecture, il va de soi que la conception, la réalisation et la maintenance des services d'information devront se faire en concertation avec les acteurs que ces amendements visent à y intégrer. Ces dispositions, toutefois, relèvent du niveau réglementaire. En outre, en intégrant les professionnels et établissements de santé ainsi que les patients au service public d'informations, cet article les placerait de fait sous l'autorité du ministre de la santé, ce qui me semble ne correspondre ni à votre intention ni à l'esprit du texte. J'émets donc un avis défavorable à ces trois amendements, étant entendu, je le répète, qu'un tel service d'informations ne saurait fonctionner que par la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.
L'article 21 précise pourtant déjà que ce service d'informations est « constitué avec le concours des caisses nationales d'assurance maladie, de la Caisse nationale de solidarité et de l'autonomie, des agences et autorités compétentes dans le champ de la santé publique, et des agences régionales de santé ». L'ajout des professionnels, établissements et patients ne pose donc aucun problème, bien au contraire ! Sinon, mieux vaut ne citer personne !
Distinguons bien entre la constitution – autrement dit, la maîtrise d'ouvrage – de ce service, et sa mise en oeuvre sur le terrain. Les instances citées dans l'article sont associées à la maîtrise d'ouvrage, contrairement aux acteurs dont vous parlez, même s'ils participeront naturellement au bon fonctionnement de l'outil. Les associer à la maîtrise d'ouvrage reviendrait à les placer sous l'autorité du ministre.
La Commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'article 21 sans modification.
Article 21 bis : Mise en place d'un dispositif d'accompagnement des personnes handicapées
La Commission est saisie de l'amendement AS126 de Mme Bérengère Poletti.
Cet article, supprimé en première lecture par l'Assemblée nationale puis rétabli par le Sénat suite à un amendement du Gouvernement, vise à instaurer un nouveau dispositif d'orientation des personnes en situation de handicap. À première vue, il peut sembler pertinent : lorsque les demandes formulées par la personne handicapée sont difficiles ou non applicables, il appartiendrait à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de proposer plusieurs mesures telles qu'un plan personnalisé de compensation ou un plan d'accompagnement global (PAG), en fonction des ressources que l'on souhaite mobiliser.
Toutefois, ce dispositif présente deux difficultés majeures. La première concerne les personnes handicapées qui sont orientées vers les crédits de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), donc de la sécurité sociale. En cas d'insuffisance de ces crédits, on aura tendance à proposer d'autres dispositifs plutôt qu'à s'attaquer aux besoins des personnes concernées. Il en résultera une inflation des demandes imposées aux crédits des conseils départementaux, qui ne pourront pas y faire face. Le problème de fond tient au manque de moyens par rapport au nombre de places devant être proposées aux personnes handicapées. De ce point de vue, le plan d'accompagnement global, qui s'apparente en quelque sorte à un droit opposable pour les personnes handicapées, risque de limiter l'ambition qui doit être la nôtre s'agissant du nombre de places financées par les crédits de l'assurance maladie et de produire un glissement vers les conseils départementaux.
C'est pour éviter ces deux difficultés que l'amendement AS126 vise à supprimer l'article. Il n'est pas aisé de proposer la suppression d'un article semblant contenir une avancée pour les personnes handicapées, mais à trop vouloir bien faire, on finit par faire l'inverse. Permettez-moi de présenter dans la foulée un amendement de repli, AS131, qui vise à prélever sur les crédits de la CNSA les moyens nécessaires au financement du plan d'accompagnement global, de sorte que l'insuffisance des crédits de l'assurance maladie ne se traduise pas par l'incapacité à satisfaire les besoins de personnes handicapées, des enfants comme des adultes.
Je précise tout d'abord, madame Poletti, que cet article, supprimé à l'Assemblée nationale, a été rétabli au Sénat dans une rédaction profondément remaniée. Entre-temps s'est déroulée une concertation et certaines associations qui y avaient participé ont confirmé par écrit à Mme la secrétaire d'État que la rédaction adoptée au Sénat leur convenait. Je ne prétends pas que toutes sont satisfaites, mais c'est le cas d'une grande majorité d'entre elles. Votre exposé des motifs omet de préciser que l'article rétabli a donc été modifié par rapport au projet initial.
Sa rédaction ayant ainsi été équilibrée, je ne crois pas que cet article produira une explosion des plans d'accompagnement global. Les familles peuvent, en effet, demander un PAG, mais il faut pour ce faire que l'orientation initiale ne soit pas satisfaisante et que le PAG réponde aux critères définis – indisponibilité ou inadaptation des réponses, d'une part, et complexité de la réponse à apporter d'autre part. Autrement dit, la grande majorité des demandes devrait être régulée d'emblée par les MDPH et, la demande des familles étant ainsi satisfaite, il ne sera pas nécessaire de remettre en cause l'orientation initiale.
Votre deuxième amendement pose la question du financement du dispositif. L'article définit une méthode de travail susceptible de mobiliser toutes les ressources actuelles ; il ne se traduira pas par le recours à des ressources supplémentaires, et encore moins par un transfert de charges. De fait, la prise en charge du plan d'accompagnement global est de toute façon financée par les crédits de la CNSA, dont c'est le rôle.
Enfin, comme l'a précisé Mme la secrétaire d'État, un fonds d'amorce de 15 millions d'euros a été mis en place pour relancer la dynamique de création de places sur le territoire national. Il financera des interventions de professionnels directement au domicile des personnes, des renforts de personnels dans les établissements médico-sociaux de proximité ainsi que la création de places spécifiques sur mesure dans les établissements et services médico-sociaux existants. Autrement dit, il permettra de renforcer l'offre déjà proposée.
En somme, j'émets un avis défavorable aux deux amendements.
Les associations que j'ai rencontrées dans ma circonscription sont presque toutes opposées au plan d'accompagnement global et ont manifesté en toute clarté leur souhait que cet article soit supprimé. Elles craignent, en effet, l'explosion du nombre de demandes, qui aboutirait à une situation semblable à celle qu'ont connue les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), l'administration procédant à un examen des demandes extrêmement rapide qui ne satisfaisait personne. En outre, la lourdeur d'une procédure reposant sur l'accord des familles, des engagements formels et une révision annuelle se traduira par un engorgement rapide. En clair, le PAG respire l'échec !
L'article 21 bis est en net progrès par rapport à sa version initiale, et je me félicite de la concertation que Mme Neuville a conduite avec les associations, dont la majorité soutient le texte ainsi remanié. Certaines, cependant, y sont défavorables, en particulier celles qui représentent des familles de personnes autistes ou polyhandicapées. Elles craignent que les besoins de la personne ne constituent plus le critère guidant le choix du placement et qu'en cas d'absence de places, l'orientation retenue le soit par défaut. Certes, l'article prévoit des garde-fous tels que l'accord des familles et la possibilité de recours. Il s'inscrit dans une série de mesures visant à concrétiser l'objectif dit « zéro sans solution » formulé dans le rapport Piveteau, notamment par la création du fonds d'amorçage qu'a évoqué Mme la rapporteure. Cela étant, la méfiance des familles trouve aussi son origine dans la pratique constatée sur le terrain : en réalité, les avis des familles sont souvent ignorés, certaines MDPH proposant même une solution médicalisée alors que la solution éducative serait bien plus pertinente.
J'interrogerai le Gouvernement en séance sur tous ces sujets. Nous devons être intraitables sur un point : le respect des familles doit être au coeur du dispositif et les orientations retenues doivent être choisies.
Si j'ai bien compris, madame la rapporteure, vous retenez donc l'article 21 bis dans la rédaction du Sénat.
Oui, sachant que cette rédaction est issue d'un amendement du Gouvernement que les sénateurs ont adopté.
Soit. Tel qu'il est rédigé, néanmoins, cet article continue de poser des problèmes, en particulier aux familles de personnes autistes ou polyhandicapées. Mme la secrétaire d'État n'a-t-elle pas annoncé qu'une expérimentation est en cours concernant l'objectif dit « zéro sans solution » ? Il était question de proposer dans ce cadre des doubles orientations : cette idée demeurera-t-elle à l'ordre du jour malgré l'adoption de cet article ? Elle permettrait, en effet, de résoudre certaines des difficultés que pose encore le texte en l'état.
Je ne vois pas comment de nouvelles places pourront être créées, comme l'annonce Mme la rapporteure, étant donné le niveau de l'ONDAM médico-social ! Prétendre que le Gouvernement a l'ambition d'en créer relève de l'incantation. De ce fait, il faut s'attendre à un glissement des places médicalisées vers celles qui dépendent de financements départementaux. S'il est positif de proposer une solution, ce doit être autrement qu'à défaut de la réponse médicalisée.
La Commission rejette l'amendement AS126.
Elle rejette ensuite l'amendement AS131, également de Mme Bérengère Poletti.
Puis elle adopte l'article 21 bis sans modification.
Article 21 ter : Encadrement de la médiation sanitaire et de l'interprétariat linguistique
La Commission adopte l'article 21 ter sans modification.
Article 21 quater : Fonctionnement en dispositif intégré des établissements et services médico-sociaux
La Commission adopte l'article 21 quater sans modification.
La séance est levée à une heure.