La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite du débat sur la déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur les nouvelles perspectives européennes.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans ce débat.
La parole est à M. Philip Cordery.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, mes chers collègues, le paquet réorientation qui nous est présenté aujourd'hui est un grand pas en avant vers la mise en oeuvre d'une autre Europe, celle tant attendue par les citoyens, celle qui les place au coeur de son projet et de son action.
Ce que vous nous avez présenté, monsieur le Premier ministre, c'est à la fois un traité budgétaire, qui permettra d'assurer collectivement la maîtrise de nos comptes, sans pour autant inscrire une règle d'or dans le marbre de la Constitution ; c'est un pacte de croissance, qui permettra d'assurer une forte relance de l'économie européenne, 120 milliards d'euros pour relancer la croissance avec la réallocation de fonds structurels non dépensés fléchés vers de nouveaux projets, vecteurs de croissance, la recapitalisation de la banque européenne d'investissement, dont les PME pourront aussi profiter, la création de « project bonds », qui financeront des projets d'infrastructures, de transports, d'énergie et de communication. C'est aussi une union bancaire, qui oeuvrera à plus de solidarité entre les membres de la zone euro et, enfin, la mise en oeuvre d'une taxe sur les transactions financières, qui dégagera de nouvelles ressources tout en luttant contre la spéculation financière.
Ces textes forment un tout, et nous ne pouvons pas en extraire un élément en le sortant de son contexte, parce que ce contexte a radicalement changé depuis la signature du traité budgétaire.
Rappelons-nous de l'Europe il y a un an : un directoire franco-allemand qui imposait ses vues de court terme à tous les États européens. Ce furent des années de tergiversation, avec la multiplication de Conseils européens de la dernière chance, qui accouchaient de mesures si timorées qu'elles n'ont jamais pu enrayer la crise.
J'en veux pour preuve la longue attente qui a précédé la création du fonds européen de stabilité financière, qui n'a vu le jour qu'en 2010, soit deux ans après le début de la crise. La Grèce aurait pu être sauvée si l'Allemagne et la France n'avaient pas refusé, pour des raisons de politique interne,…
…voire pour des raisons idéologiques, de garantir les taux des obligations grecques passés de 5 à 38 % en deux ans. Ce choix aurait permis à la Grèce d'emprunter à des taux moins élevés et de ne pas s'enfoncer plus avant dans le marasme économique.
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est vrai !
Ce furent aussi des années de refus de toute relance concertée au niveau européen, relance qui aurait pourtant permis de dynamiser l'économie européenne et d'enrayer la contagion de la crise grecque au Portugal, à l'Espagne, à l'Italie.
Le seul credo était l'austérité, élaboré sur la base d'un dogmatisme ultralibéral, dont le seul effet a été de rajouter de la crise à la crise, de la récession à la récession et du chômage au chômage.
On nous a répété qu'il n'y avait pas d'alternative. Pourtant, les socialistes européens ont élaboré cette alternative, François Hollande l'a portée pendant la campagne électorale et, aujourd'hui, le Gouvernement la met en oeuvre.
Comme j'ai pu le constater depuis Bruxelles, l'arrivée de François Hollande à la table du Conseil européen a provoqué un grand soulagement, non seulement pour la gauche européenne mais aussi pour un très grand nombre de chefs d'État et de gouvernement qui, jusqu'à présent, n'avaient pas voix au chapitre.
Aujourd'hui, l'Union européenne est sur d'autres rails. Solidarité, croissance, régulation financière sont à l'ordre du jour. Les attentes sont fortes en France et chez nos partenaires.
Le paquet réorientation est une première étape ; mais de nombreux défis, vous le savez, monsieur le Premier ministre, restent à relever et la tâche ne sera pas simple car il reste encore quelques gouvernements conservateurs en Europe.
Notre tâche est de donner l'impulsion et de convaincre pour dessiner cette nouvelle Europe qu'attendent les citoyens.
Pour cela, je vois quatre objectifs à atteindre.
Une Europe sociale qui protège ses services publics, assure des allocations minimales en matière de chômage et de retraite aux citoyens les plus faibles, garantit un avenir à sa jeunesse par un emploi, une formation ou un apprentissage, une Europe enfin qui accompagne la mobilité de tous en assurant la continuité des droits sociaux, si chers à nos concitoyens qui passent une partie de leur vie à l'étranger ;
Une union budgétaire plus étroite, qui passera nécessairement par une mutualisation d'une partie des dettes et une plus grande harmonisation fiscale pour mettre fin à la course effrénée vers le moins-disant fiscal et social ;
Un budget européen ambitieux : en ce sens, l'affectation d'une partie des recettes de la taxe sur les transactions financières au budget européen mais aussi la création d'un impôt européen sur les sociétés ou d'une taxe carbone sont des pistes à approfondir pour doter l'Europe d'un budget à la hauteur de ses ambitions, tout en évitant d'alourdir le poids des contributions nationales ; un vrai choix d'investissement de politique industrielle favorisant la croissance durable et l'emploi doit être fait pour le budget européen.
Enfin, une Europe plus démocratique et plus lisible. Le renforcement du rôle des Parlements nationaux dans les décisions communautaires mettra l'Union européenne sur la voie de la parlementarisation.
Ce paquet réorientation que vous nous présentez, monsieur le Premier ministre, constitue un grand espoir pour tous les citoyens européens, et nous disons oui à toutes ses composantes. Avec votre politique à venir, il permettra aux citoyens de voir qu'une autre Europe peut changer leur vie quotidienne, et ils pourront ainsi recommencer à croire au projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis hésitant et partagé, non sur le traité européen mais sur le sentiment que m'inspire le Gouvernement.
D'un côté, je suis indigné, monsieur le Premier ministre, en vous voyant traiter avec une grande arrogance, en étant même à la limite de l'insulte, le précédent gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
En même temps, j'ai tellement envie de faire preuve de solidarité – solidarité teintée même d'une certaine compassion. Nous aimerions vous aider, et nous allons vous aider parce que nous allons voter le traité.
Nous n'aurons pas beaucoup de mal à le faire puisque ce traité, nous le savons tous et ce n'est pas la peine de masquer la réalité, est celui que vous appeliez le traité « Merkozy », signé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
Nous n'avons donc pas de mal à être sincères avec nos convictions, fidèles à nos engagements et, en même temps, cohérents avec le passé.
Il est vrai que si vous ne l'aviez pas tant critiqué à l'époque, vous auriez peut-être moins de mal aujourd'hui à convaincre votre majorité de le voter.
Il est vrai que si vous n'aviez pas promis, avec le candidat Hollande, de le renégocier, en sachant pertinemment que vous ne pourriez pas le faire, vous n'auriez pas l'humiliation de vous renier publiquement dans l'hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), à l'endroit même où vous aviez dit que vous ne pouviez pas le voter.
Pourquoi n'avez-vous pas agi comme un grand nombre de majorités dans l'alternance ? Jacques Chirac a poursuivi la construction européenne en prenant en compte les traités qu'avait signé François Mitterrand. Nicolas Sarkozy a poursuivi l'intégration européenne, souvent, c'est vrai, au travers de crises économiques – mais c'est peut-être la façon de faire avancer l'Europe.
Pendant cette campagne électorale, marquée par un antisarkozysme d'une violence inouïe, rien de ce qui était proposé ne trouvait grâce à vos yeux.
François Hollande répétait à cette époque que le traité ne serait pas ratifié. Il sera renégocié, disait-il sur RTL.
Il expliquait même au Cirque d'hiver devant les militants, devant finalement ceux qui l'ont porté au pouvoir, qu'il créait les conditions d'une crise durable. Pour M. Moscovici, dans ce traité, c'était l'austérité et la récession.
Quant à vous, monsieur Ayrault, et cela m'étonnait de vous voir faire preuve d'une telle violence compte tenu de vos convictions européennes, vous marteliez que ce traité était une camisole et que vous étiez en profond désaccord avec le texte.
Qu'est ce qui a fait changer au bout du compte ce profond désaccord…
…en cet acte de conviction que vous avez développé devant votre majorité ? J'ai d'ailleurs l'impression que vous vous adressiez surtout à votre elle, puisque vous savez que l'opposition votera le traité.
Souvenez-vous : Vous aviez même refusé de voter le mécanisme européen de stabilité, qui permettait pourtant aux États de faire preuve d'une solidarité européenne devant les attaques de la spéculation financière. Mais déjà votre majorité était divisée, et il fallait rassembler à l'intérieur de l'opposition de l'époque.
Vous avez alors expliqué que vous aviez renégocié un pacte de croissance. Le mot « croissance » est important et je sais qu'au parti socialiste, le mot vaut quelquefois plus que l'action. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Lorsque Lionel Jospin est arrivé au pouvoir, il y avait déjà un pacte de stabilité et les Européens ont accepté, sans changer un mot du texte, de parler d'un pacte de stabilité et de croissance. Le mot étant là, vous étiez couvert et vous pouviez adopter ce que le Président Chirac avait proposé.
Vous avez regardé dans le texte si l'on trouvait le mot « croissance ». Il était cité dix fois à différents épisodes : on ne pouvait donc pas amender pour l'y rajouter.
Vous avez alors envisagé de faire un « paquet croissance », en choisissant d'abord de reconvertir un certain nombre de fonds européens. Ce n'était pas une mauvaise idée, d'autant moins que le Conseil européen de janvier 2012, à l'initiative de la France, avait envisagé d'affecter 82 milliards aux petites et moyennes entreprises et à la formation des jeunes. Au moment où vous êtes arrivés au pouvoir, vous n'en avez utilisé que 55 ; quoi qu'il en soit, l'idée était là et la décision du Conseil européen également.
Il y avait aussi la taxe sur les transactions financières. Là, c'est ennuyeux : neuf pays avaient déjà écrit le 7 février 2012 à la Présidence du Danemark, et je tiens très amicalement à votre disposition, monsieur le ministre, les documents qui le prouvent, une lettre commune dans laquelle ils souhaitaient une coopération renforcée pour mettre en place au niveau européen le système que nous avions adopté en France. Donc, là non plus, rien de nouveau, seulement une continuité que nous saluons et qui appelle notre soutien enthousiaste.
Restait la Banque centrale européenne qui, le jour où François Hollande aurait été élu Président, tout à coup, aurait aidé les pays face à leurs dettes souveraines.
Sauf que, lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, la Banque centrale européenne de Mario Draghi avait déjà, sous l'impulsion de la France et en dépit des réticences de l'Allemagne, apporté 207 milliards d'euros pour racheter les dettes souveraines. Donc, là non plus, rien de nouveau.
Je passe sur le contrôle du secteur bancaire de Michel Barnier, sur les eurobonds, qui ont totalement disparu de votre vocabulaire, pour revenir sur les project bonds qui auraient été utiles lorsque nous les avons proposés. Vous les jugiez à l'époque insuffisants parce qu'il n'y avait pas de plan de relance français. Comme vous avez supprimé tous les grands investissements français, je vois mal comment ils pourront fonctionner de manière efficace.
En réalité, il s'est passé ce qu'il se passe assez habituellement. Vingt-cinq pays avaient été convaincus par Nicolas Sarkozy de signer ce traité ; vous saviez donc, car je n'imagine pas une seconde que vous ayez eu l'incompétence de penser le contraire, que vous n'alliez pas le renégocier. Lorsque François Hollande part pour Berlin, il sait qu'Angela Merkel sait aussi qu'il ne sera pas renégocié.
Le pacte de croissance est utile au Président français parce qu'il faut bien convaincre la majorité qui n'était pas capable de voter un mécanisme européen de stabilité en solidarité de voter un traité qui comprend aussi une discipline budgétaire, terme auquel vous accolez généralement ceux d'austérité et de récession.
Mme Angela Merkel elle aussi a besoin du pacte de croissance.
Elle en a besoin très paradoxalement pour que le SPD et les socialistes votent le texte avec elle.
Heureusement qu'ils étaient là. Sinon, le traité n'aurait pas été ratifié en Allemagne !
Exactement. Et il est assez curieux, monsieur le Premier ministre, que l'on soit obligé de faire des concessions en Allemagne pour faire voter l'opposition alors qu'en France, vous y êtes contraint pour faire voter votre majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Alors, ayons un peu de lucidité et de modestie ! Ce n'est pas la peine d'être arrogant.
Vous reprenez le paquet croissance antérieurement en place et vous ratifiez le traité signé par Nicolas Sarkozy. Très bien ! Et si vous allez plus loin, monsieur le Premier ministre, nous vous aiderons ; nous sommes prêts à vous aider à mettre en place la gouvernance économique européenne – en germe dans ce traité –, ainsi que la convergence et l'harmonisation fiscale, sans oublier le Parlement de la zone euro ; nous sommes également prêts à vous aider à aller peut-être un jour consulter le peuple français sur l'ensemble de ces modifications.
C'est la raison pour laquelle nous resterons à vos côtés, monsieur le Premier ministre.
Discrètement : nous avons bien compris que notre présence vous gêne parce que tout ce que vous présentez aujourd'hui sous des angles attractifs n'est autre que ce que vous critiquiez jusqu'alors avec violence, uniquement parce qu'au bas du traité, il y avait le nom de Nicolas Sarkozy…
Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, le pouvoir change de mains et la démocratie fait qu'il y a des alternances, justifiées dans un pays qui aspire à un souffle démocratique. Je rappellerai simplement que le jour où vous quitterez le pouvoir et où nous le reprendrons, nous ne renierons pas l'ensemble de la construction européenne que vous aurez effectué. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Merci à vous, monsieur le Premier ministre, d'avoir introduit devant la représentation nationale le débat sur le paquet européen par un discours clair et déterminé. Dans le contexte d'urgence économique et d'impatience sociale de cette rentrée 2012, nos échanges prennent un relief particulier.
La plupart d'entre nous, en tout cas au sein de notre groupe, et la plupart de nos concitoyens partagent une vision progressiste de l'Europe. Car, au-delà de nos désaccords sur l'opportunité de ratifier tel ou tel traité, nous sommes nombreux ici à porter un objectif partagé : celui de réorienter la construction européenne, et plus globalement notre modèle de développement, dans une perspective plus sociale, plus solidaire et plus environnementale.
Notre majorité sait la gravité de la situation dont elle a hérité, avec un niveau de chômage record, une compétitivité en berne, des finances publiques dégradées et une dette insoutenable. Et nous n'avons pas de leçons d'unité et de responsabilité à recevoir de la part de ceux qui ont, pendant dix ans, mis la France et l'Europe à genoux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), en se contentant, dans une logique purement libérale, de légiférer dans le sens d'une concurrence accrue à l'intérieur d'un marché unique passoire.
Nous voterons le TSCG, la loi organique et vous apporterons, monsieur le Premier ministre, notre soutien dans la réorientation que vous initiez.
Non pas que je considère le TSCG comme la huitième merveille du monde ; mais sa ratification est un préalable à la réorientation de l'Europe, engagée ces derniers mois sous l'impulsion du Président de la République…
…et qui rend enfin possible la construction de l'Europe que nous voulons : celle qui protège nos emplois, nos industries, nos services publics.
Il reste, certes, un long chemin à parcourir, mais gardons-nous d'avoir la mémoire trop courte. C'est seulement depuis le vote des Français, le 6 mai dernier, que l'on parle de politiques de croissance et de relance en Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà qui était encore inimaginable il y a encore quelques mois, lorsque le tandem « Merkozy », de sommets de la dernière chance en sommets de la dernière chance, parvenait à imposer une vision punitive de l'Union européenne exclusivement fondée sur la rigueur et l'austérité.
Oui, l'Europe que nous voulons est enfin sur les rails.
J'entends les arguments de ceux qui considèrent que ces avancées sont nécessaires, mais pas suffisantes. C'est vrai dans l'absolu. Mais nous ne sommes pas seuls, ni au monde ni en Europe. Et la droite est majoritaire au Parlement, au Conseil et à la Commission. Alors oui, le traité soumis à ratification est ce qu'il est, mais gardons-nous d'opposer la lettre et l'esprit. Ce qui a été obtenu à l'issue de ce rapport de force est incontestable et conséquent : la taxation des flux financiers, demandée depuis des décennies par la gauche européenne, les mesures s'attachant à la BEI, les projects bonds et l'évolution du périmètre d'intervention de la BCE.
Pour finir de se convaincre de la rugosité des négociations qui ont été organisées, de leur réussite et des éventuels mérites qu'il convient d'attribuer à ceux qui les ont conduites, je vous invite à lire les réactions des ténors de la CDU, de la CSU et du FDP à l'issue du Conseil européen du mois de juin dernier. Ils éructaient littéralement de constater à quel point Merkel avait dû plier devant un certain nombre de chefs d'État conduits par François Hollande. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La crédibilité de la France dans les négociations à venir implique de tenir l'engagement pris auprès de nos partenaires de se donner les moyens politiques de ratifier le TSCG. C'est la condition pour pouvoir continuer à peser effectivement sur la réorientation de l'Europe.
Il nous reste beaucoup à obtenir dans le cadre de la feuille de route pilotée par Van Rompuy, dans les négociations sur le futur cadre financier pluriannuel qui, plus encore que tout traité, détermine le projet européen : obtenir le renforcement de la méthode communautaire, la mutualisation de la dette, l'achèvement de la supervision bancaire, l'attribution d'une licence bancaire au MES, et obtenir enfin un calendrier social de convergence fiscale, sociale, environnementale, la révision du six-pack sur le calcul des déficits, le gouvernement économique dans l'union politique, ce qui suppose un portage par une relation franco-allemande forte et renouvelée et l'association plus forte encore des différents parlements.
Autant de batailles dans lesquelles, monsieur le Premier ministre, vous saurez pouvoir compter sur votre majorité qui vous soutiendra avec l'enthousiasme de ceux qui entendent pouvoir changer le cours des choses en Europe. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, mesdames, messieurs les députés, ce débat sur le Traité budgétaire européen restera comme un grand moment d'hypocrisie socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les propos caricaturaux que nous venons d'entendre de la part de Mme Grelier me confirment dans cette impression. Je lui rappelle que la taxe sur les transactions financières, qui n'est pas spécialement libérale, c'est la majorité précédente qui l'a fait adopter.
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est faux !
La régulation des marchés agricoles qui allait à l'encontre de la libéralisation de ces marchés, c'est la majorité précédente qui l'a fait adopter. Et le gouvernement économique européen que vous essayez de mettre en place, qui va contre la libéralisation des marchés européens, c'est encore la majorité précédente qui l'a fait adopter.
Pas de caricature ! Nous avons voulu la régulation en Europe et nous l'avons obtenue.
Verbiage, lâchage, ripolinage : voilà les maîtres mots de votre gouvernement sur ce sujet, monsieur le Premier ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il ne manque qu'un seul mot à ce débat : celui de courage !
Verbiage, parce qu'il était nécessaire pour expliquer l'inexplicable, c'est-à-dire le maintien dans votre gouvernement de ministres qui ne soutiennent pas ce projet de traité européen. Je ne vois pas, monsieur le Premier ministre, comment vous pouvez dire le matin que ce traité européen est décisif pour la sauvegarde de l'euro, de notre monnaie commune, et accepter le soir que certains ministres restent membres de votre gouvernement sans voter ce traité si fondamental pour l'avenir européen. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Rama Yade est bien restée au Gouvernement quand Sarkozy a reçu Kadhafi !
Lâchage, car je pense à tous ces citoyens de gauche qui ont cru les promesses de François Hollande qui leur expliquait qu'il irait à Berlin renégocier le traité de A à Z et qu'il n'accepterait pas le diktat de Mme Merkel. Comment ces citoyens de gauche, qui ont voté de bonne foi pour François Hollande, peuvent-ils accepter la mauvaise foi qui vous conduit désormais, vous tous ici, à accepter un texte qui n'a pas été modifié d'une virgule, d'un seul mot ?
La bonne foi des citoyens contre la mauvaise foi du Président de la République, c'est le pot de terre contre le pot de fer. Ne vous étonnez pas que la colère se manifeste dans la rue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ripolinage, car pour faire passer la pilule, vous avez fait croire à un pacte de croissance. Ce pacte de croissance, vous le savez très bien, monsieur le Premier ministre, n'est que le recyclage des fonds structurels européens.
Il n'y a pas un euro supplémentaire qui ait été ajouté à la croissance européenne. Des fonds ont été transférés pour donner crédit à M. Hollande sur ce pacte de croissance qui ne change rien à la réalité économique européenne.
Monsieur le Premier ministre, François Hollande et vous avez manqué la première étape de votre engagement européen. Je souhaite, dans l'intérêt de notre pays, que vous réussissiez la seconde. Je souhaite que vous présentiez une vision globale de l'avenir européen et de ce que la France peut y défendre, car elle fait cruellement défaut aujourd'hui.
Je n'accepte pas que les débats européens en Europe se limitent à un face-à-face entre Mario Draghi et Angela Merkel. J'attends les propositions de la France, j'attends la vision du Président de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Pour cela, monsieur le Premier ministre, ce traité n'est qu'un point de départ, un point de départ nécessaire, indispensable. Car ce n'est pas un traité pour l'austérité, c'est un traité pour la responsabilité en Europe. Aucun des États membres de la zone euro ne peut accepter que, parmi les dix-sept, il y en ait qui jouent le jeu de la discipline budgétaire tandis que d'autres ne le jouent pas.
Aucun des États ne peut accepter que des citoyens d'un État paient des impôts quand d'autres n'en paient pas et qu'il n'y a même pas de Trésor pour recouvrer les impôts.
Aucun des États européens ne peut accepter que certains citoyens paient pour les autres et que tous ne soient pas soumis à la même discipline budgétaire. Ce n'est pas l'austérité qui est en jeu dans ce traité, c'est la responsabilité.
Par ailleurs, ce traité garantit le maintien de notre souveraineté nationale. Car celle-ci n'est pas menacée, comme je l'entends dire parfois par les uns ou par les autres, par une Europe à laquelle nous participons. L'Europe, ce n'est pas les autres ; l'Europe, c'est nous. Et la souveraineté nationale n'est pas menacée aujourd'hui par une Europe à laquelle nous participons, elle est menacée par nos créanciers, par les marchés financiers, par l'accumulation de dettes qui nous empêchent de préserver notre liberté.
Ce traité est un traité de responsabilité, un traité de souveraineté nationale.
Pour qu'il soit un point de départ, non un point d'arrivée, monsieur le Premier ministre, je vous fais trois propositions pour une nouvelle Europe, trois propositions pour construire la vision de la France en Europe.
La première proposition vise à mettre plus de lisibilité dans la construction politique européenne. Nous ne pouvons pas garder trois présidents de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Cela fait sourire tous les États émergents ! Un président de l'Union, un président de la Commission, un président tournant du Conseil : qui peut retrouver quoi que ce soit dans cette construction ?
Monsieur le Premier ministre, je propose que tous les membres de la Commission européenne, qui ont tant de pouvoir sur la vie quotidienne de nos concitoyens, ne soient plus des technocrates nommés au soir d'un conseil, mais tous des membres élus du Parlement européen. La démocratie y gagnera !
Je vous propose enfin, monsieur le Premier ministre, que les parlements nationaux retrouvent leur capacité à exprimer un avis, un jugement sur les décisions européennes qui engagent l'avenir de notre nation.
Ma deuxième proposition, monsieur le Premier ministre, tend à mettre une nouvelle cohérence dans la construction européenne. Il faut une convergence fiscale européenne. Personne ne peut accepter qu'en Europe, certains États membres de la zone euro aient un taux d'impôt sur les sociétés à 0 %, d'autres un taux à 33 %.
La convergence fiscale est une question d'équité et de justice en Europe.
La cohérence, c'est aussi l'harmonisation sociale européenne. Nous sommes prêts à faire des efforts de compétitivité pour réduire le coût du travail et, sur les bancs de cette assemblée, nous défendons cette volonté de réduire le coût du travail en France. Mais nous demandons aussi que l'harmonisation sociale ne se fasse pas par le bas, que ce ne soit pas toujours les salaires qui soient tirés vers le bas. Nous refusons qu'en Allemagne, des ouvriers venus de Pologne, de République tchèque ou de Hongrie soient payés 5 ou 6 euros de l'heure, alors que les nôtres seront payés 11 ou 12 euros de l'heure. Il faut une harmonisation sociale en Europe.
Enfin, cette nouvelle cohérence passe par un gouvernement économique européen. Nous ne pourrons pas continuer, vous le savez tous, à avoir une monnaie commune et dix-sept politiques économiques différentes. Monnaie commune veut dire politique économique commune à dix-sept pour que nous puissions progresser tous ensemble.
Enfin, monsieur le Premier ministre, ce sera ma troisième proposition, il faut que l'Europe se fixe un nouveau projet politique, qu'elle définisse une politique commune industrielle comme il existe une politique agricole commune. C'est la condition de la survie de nos emplois industriels.
Je vous propose de faire du critère d'investissement dans la recherche et dans l'innovation, un critère obligatoire au même titre que le critère de respect des déficits budgétaires, car c'est la condition pour que notre Europe garde son avance technologique et son avance en matière d'innovation. Je vous propose que la réciprocité commerciale fasse partie des principes absolus de l'Union européenne, comme je l'ai défendu en tant que ministre de l'agriculture, en refusant que soient signés des traités libéraux qui auraient exposé nos producteurs à des produits qui ne respectent aucune des normes environnementales ou sanitaires européennes. (Applaudissements sur les bancs sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, monsieur le Premier ministre, l'Europe a besoin de la France autant que la France a besoin de l'Europe.
Nous ne pouvons pas continuer à être, comme nous le sommes depuis quelques mois, les passagers clandestins d'une aventure que nous avons voulue, initiée et construite. Nous devons en être les pilotes et les inspirateurs.
Je vous sais fin germaniste, monsieur le Premier ministre, tout comme votre ministre délégué aux affaires européennes.
Vous savez qu'il existe une grande hésitation sur les derniers mots qu'aurait prononcés Goethe à la fin de sa vie. A-t-il dit « mehr Licht » ou « mehr nichts », « plus de lumière » ou « plus de rien » ?
Je vous propose, monsieur le Premier ministre, qu'il y ait pour l'Europe plus de lumière et moins de rien.(Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en histoire comme en politique, il n'y a pas de stabilité. On progresse ou on régresse.
Or, ces dernières années, l'Europe, dirigée par la droite à laquelle appartient M. Bruno Le Maire, n'a cessé de régresser, au point que sa pérennité même a pu être discutée. Avec un chômage de masse, une absence récurrente de croissance et un système monétaire attaqué, l'euro était au bord du gouffre et l'Europe menacée de délitement.
Sans prise de conscience ni prise de décisions, notre continent partait à la dérive, avant de sombrer dans la compétition mondiale. Nous ne pouvons pas nous extraire de ce contexte qui impose de se replacer dans la perspective historique d'une réorientation européenne. Le traité de stabilité et de coordination constitue la première pierre apportée à l'édifice. Le pacte de croissance lui donne une perspective, celle d'une véritable gouvernance économique, sociale et démocratique. En amour, comme on sait, seules comptent les preuves. Eh bien, il n'y a que des preuves d'Europe. C'est cette Europe par la preuve qu'a commencé à bâtir le Président de la République avec nos partenaires le 28 juin 2012. Ce traité n'est certes pas une fin en soi.
Mais il est un outil utile pour gouverner la zone euro, tout en assouplissant les politiques de maîtrise des finances publiques, loin du carcan souvent dépeint. Nous avons tant critiqué la constitution d'un ensemble monétaire sans véritable tête économique ni financière. Pourquoi alors ne pas saluer aujourd'hui la mise en place de la cabine de pilotage ? Pourquoi ne pas souligner le renforcement du Parlement européen comme outil de contrôle démocratique ?
Ce traité contribue à éviter deux dangers mortels. Le premier, c'est la désintégration de l'euro et donc de toutes nos économies. En effet, près de 70 % des échanges économiques se font au sein de la zone euro. Le second, c'est l'explosion des dettes souveraines qui sont la servitude des peuples. Ce traité était donc nécessaire, mais il n'était pas suffisant. Car si nous voulons l'Europe sociale, aujourd'hui, nous subissons malheureusement l'Europe du chômage. La vôtre, monsieur Le Maire ! L'Europe accumule des taux de croissance proches de zéro depuis des années face à des ensembles régionaux en croissance constante. Les conséquences sociales sont terribles pour les peuples européens, souffrant d'un taux de chômage presque 50 % supérieur à celui des États-Unis !
Un changement radical de cap était vital. Ce changement de direction, François Hollande l'a obtenu en négociant le pacte européen de croissance qui intègre les notions indispensables de développement social, de lutte contre le chômage et d'intégration économique accrue et solidaire.
La France a ainsi fait progresser les coopérations renforcées. C'est la meilleure méthode de construction européenne, celle de l'Europe par la preuve, pierre par pierre. Le pacte de croissance comporte deux avancées majeures. D'abord, alors que notre continent, première puissance économique mondiale, doit encore construire sa gouvernance, il permet enfin de tracer la route vers l'union bancaire et économique. Ensuite, la taxe sur les transactions financières a été acceptée par nos partenaires. Certains en parlaient depuis vingt ans, François Hollande l'a fait. C'est un acquis concret, majeur et unique sur la scène mondiale. En outre, la reprise illimitée des dettes d'État par la banque centrale européenne est aussi une avancée déterminante dans la construction d'une Europe durable.
En définitive, apporter son soutien à l'action du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et du Gouvernement en ratifiant le traité rééquilibré par le pacte de croissance, c'est en fait consolider les fondations de l'Europe sociale posées en juin dernier et qui sont le véritable défi de demain.
Au-delà de ces avancées, quelles perspectives s'offrent à nous ? Les déchirures de 2005 sont définitivement derrière nous. Aujourd'hui, le fédéralisme européen ne doit plus être un tabou en France. Il est temps d'assumer pleinement l'idée d'une fédération d'États-nations, celle d'une intégration plus solidaire.
Enfin, comme l'ont dit le Président de la République et le ministre des affaires étrangères, notre agenda prioritaire est au sud : après l'échec patent de la tentative de l'union pour la Méditerranée de Nicolas Sarkozy, il y a un chemin euro-méditerranéen à construire. Nous avons un intérêt majeur à bâtir un ensemble régional commun qui arrime progressivement ce Sud dans une perspective démocratique.
Ainsi, ratifier le traité est la seule attitude responsable. Nous devons soutenir les efforts du Gouvernement de la France pour réorienter la politique européenne et, tout simplement, réenchanter le rêve européen (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.).
Avec ce débat sur les perspectives européennes, sans doute trop long pour le Premier ministre qui vient de nous quitter, nous entamons une semaine déterminante pour le devenir de la France dans la zone euro et la survie même de notre monnaie unique.
Il est regrettable pour l'intérêt national que le Gouvernement et sa majorité abordent ce débat dans la plus grande confusion, dans la division de ses propres troupes et dans le flou le plus total sur le plan de la cohérence entre les choix économiques et budgétaires qu'il va imposer au pays et le traité budgétaire européen qu'il fait mine de vouloir ratifier aujourd'hui après l'avoir férocement combattu tout au long de la campagne présidentielle.
Je le dis solennellement, monsieur le ministre, ce traité est trop important pour être appréhendé comme vous le faites sous le seul prisme des calculs politiciens de la rue de Solferino et de vos tractations avec vos alliés écologistes et communistes.
Dieu sait que vous y passez du temps ! Vous avez voulu ce débat sans vote aujourd'hui pour noyer le poisson, si j'ose dire, en évoquant une hypothétique « réorientation », comme vous dites, de la politique européenne dont vous attribuez la paternité à François Hollande.
En fait, il s'agit pour vous de masquer l'essentiel : comment faire ratifier cette semaine un texte que vous n'avez cessé de critiquer ?
Comment introduire dans le droit français une règle d'or budgétaire que vous n'avez cessé de combattre jusqu'à présent et dont vous avez refusé jusqu'au principe même ? Au lieu de dire la vérité aux Français, vous continuez de mentir et de biaiser. C'est triste pour la qualité du débat démocratique en France et pour notre pays.
Ce traité s'impose pourtant à nous tous, sur tous les bancs, pour au moins trois raisons fondamentales.
Pour commencer, il fallait tirer les leçons de l'inobservation par les États européens, y compris par nous-mêmes et les Allemands à une certaine époque, des règles du traité de Maastricht ratifié il y a vingt ans. La crise économique et financière depuis 2007, les errements de la Grèce – qui a maquillé ses propres bilans, rappelez-vous –, la crise des dettes souveraines depuis 2010 ont fait prendre conscience à tous les Européens qu'il fallait en finir avec ce système qui a abouti à ce que le dernier budget en équilibre a été proposé devant ce Parlement en 1974, il y a trente-huit ans ! C'est dire si nous portons tous une responsabilité en la matière.
Pour que la monnaie unique fonctionne, il faut à tout le moins que les États présentent des budgets en équilibre. C'est ce que prévoit ce traité en durcissant les règles de gestion des dépenses publiques.
Deuxièmement, alors que le traité de Maastricht interdisait aux États membres de venir en aide à un autre État surendetté par la fameuse clause du non renflouement ou no bail out, le traité budgétaire crée, en échange précisément de règles de bonne conduite, une sorte de caisse de secours mutuel, le mécanisme européen de stabilité, que vous aviez refusé de voter l'an dernier.
Erreur ! Signet non défini.. Le traité organise donc une sorte de donnant-donnant : un accès à la caisse de secours en échange d'une acceptation de disciplines strictes pour ceux qui souhaitent en bénéficier, et des sanctions quasi-automatiques pour les États qui ne s'y tiendraient pas. C'est l'article 3 du traité dont a parlé tout à l'heure fort éloquemment Gilles Carrez.
Ce donnant-donnant n'est pas le résultat de la seule insistance de l'Allemagne, dont chacun sait qu'elle ne veut pas que la zone euro devienne une zone de transferts de l'Europe du nord vers l'Europe du sud ; c'est aussi une préoccupation française. Je ne sais pas si tous les Français le savent, mais depuis le début de la crise, nous avons engagé une somme gigantesque de 160 milliards d'euros en garanties diverses pour les pays qui ont eu besoin d'avoir accès au fonds de secours européen. Cent soixante milliards, c'est l'équivalent de 8 % de notre PIB. On ne peut pas demander indéfiniment aux travailleurs et aux retraités de Stuttgart ou de Limoges de financer à fonds perdus et à l'infini les dettes inconsidérées de tel ou tel autre partenaire.
Troisième raison, ce traité est dans notre intérêt national parce qu'il concerne directement notre dette, c'est-à-dire notre dépendance à l'égard des marchés. Si aujourd'hui la France, c'est-à-dire votre Gouvernement, peut emprunter à des taux extrêmement avantageux de 2 % pour les OAT et quasiment 0 % pour les emprunts à court terme, c'est parce que, malgré la crise, les gouvernements de Nicolas Sarkozy avant vous ont conduit la France sur une trajectoire constante ces trois dernières années de 8 % de déficit à 3 % l'an prochain (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.). C'est cela qui vous permettra de vous présenter en 2013 devant les marchés pour lever 150 milliards d'euros, 50 pour le déficit budgétaire et 100 pour refinancer les encours de la dette actuelle.
Voici donc pourquoi, mesdames et messieurs de la majorité, après avoir vilipendé le traité tout au long de la campagne présidentielle, après l'avoir présenté comme l'épouvantail absolu, vous vous apprêtez à demander ici sa ratification et à introduire dans notre droit la fameuse règle d'or que vous combattiez hier. Le problème, c'est que vous avez raconté une tout autre histoire aux Français et à vos électeurs, selon laquelle la bonne gestion des dépenses publiques est incompatible avec la croissance. Vous voilà donc contraints aujourd'hui de vous renier, de subir que certains de vos amis politiques manifestent dans la rue contre le traité et de garder au Gouvernement des ministres dont la formation politique reste totalement hostile au traité, sans parler des communistes qui eux aussi ne vous ont pas épargné leurs critiques – j'ai en encore en mémoire le discours de M. Bocquet tout à l'heure.
Curieusement, le débat d'aujourd'hui se déroule donc à fronts totalement renversés par rapport à celui de Maastricht il y a vingt ans. À l'époque, François Mitterrand portait un traité qu'il avait lui-même signé face à un RPR divisé. Aujourd'hui c'est l'inverse : François Hollande porte à contrecoeur le traité signé par son prédécesseur après avoir indiqué qu'il n'en voudrait pas et qu'il le renégocierait. Ici le mensonge le dispute à l'imposture.
Pas une ligne ni une virgule du traité signé par Nicolas Sarkozy n'ont été renégociées. Pas l'ombre d'un « eurobond » ou d'un project bond promis par le candidat Hollande ! Pas l'ombre d'une évolution des règles de la BCE ! Rien de tout cela ne figure dans le traité, qui n'a pas varié depuis le 9 mars dernier.
Il est irresponsable pour un homme d'État, monsieur Cazeneuve, de mentir sur une chose aussi grave que les engagements internationaux de la France. On ne peut pas dire tout et le contraire de tout et prendre tout le monde, en France et en Europe, pour des imbéciles. Ayez au moins l'honnêteté d'admettre qu'il s'agit du même texte et que la France que vous conduisez aujourd'hui souscrira aux mêmes engagements !
Vous prétendez par ailleurs avoir obtenu un paquet croissance dans le fameux conseil historique des 28 et 29 juin – Jean-Louis Borloo, dans son style inimitable, nous en a décrit par le menu les tractations intimes. Là encore, chacun sait que ce paquet n'existe que dans votre imagination ! L'augmentation du capital de la BEI, le redéploiement des fonds structurels non utilisés, la taxation sur les transactions financières : toutes ces mesures que vous brandissez depuis deux mois comme le résultat de votre fameuse « réorientation » étaient toutes engagées avant l'élection présidentielle française… Quant aux fameux 120 milliards que vous agitez comme une carotte devant les Français, vous savez parfaitement qu'à l'arrivée il en résultera au mieux 3 ou 4 milliards d'investissements supplémentaires en France, c'est-à-dire moins que la moitié de l'augmentation de l'impôt sur les sociétés que vous allez décider cette année.
Alors bien sûr, derrière ces manoeuvres du gouvernement Ayrault, qui louvoie, biaise et ment en permanence sur l'Europe, il y a des considérations purement politiciennes. J'ai le souvenir qu'en 2005, lorsqu'il était premier secrétaire du parti socialiste, monsieur Hollande avait présidé à l'implosion de son parti autour du référendum sur le traité constitutionnel européen. Pas moins de la moitié de l'actuelle équipe gouvernementale, y compris le ministre des affaires étrangères et Bernard Cazeneuve ici présent, ce qui ne manque pas d'ironie, étaient les plus fervents partisans du non ! Parmi ces ministres supporters du non et qui siègent aujourd'hui au Gouvernement, il y a aussi, entre autres, M. Montebourg, M. Hamon, M. Peillon, M. Valls, Mme Taubira, auxquels il faut ajouter M. Claude Bartolone, actuel président de l'Assemblée nationale.
On comprend donc que louvoyer et biaiser soient les bases de la méthode de ce gouvernement Ayrault afin de raccommoder les morceaux d'un parti profondément divisé sur la question européenne. Mais au-delà de ces considérations tactiques, il y a quelque chose de plus fondamental : le point clé, c'est que pour beaucoup de parlementaires et d'électeurs de gauche, ce que j'appelle « l'ADN de la gauche française » reste convaincu que croissance et rigueur budgétaire sont incompatibles.
Or c'est le point clé de ce traité. Pour qu'il fonctionne, il faut tout à la fois rigueur dans la gestion des finances publiques, contrôle de la dépense et choc de compétitivité plutôt que relance par la demande. Rigueur budgétaire et croissance, loin d'être antinomiques, sont absolument indissociables.
Je me permets de vous renvoyer à la lecture de l'article 9 du traité, qui explicite comment cette croissance doit être obtenue dans le cadre de la zone euro par la convergence des politiques fiscales et budgétaires : « Les parties contractantes s'engagent à oeuvrer conjointement à une politique économique [...] qui promeut la croissance économique grâce au renforcement de la convergence et de la compétitivité ». C'est tout l'inverse de ce discours que nous entendons aujourd'hui : j'en veux pour preuve votre refus absolu d'inclure la règle d'or dans la Constitution. Le choix de la loi organique vous permet de faire de cette règle une sorte de règle d'étain, une règle molle puisqu'elle n'aura pas valeur constitutionnelle.
Le débat ouvert ces derniers jours par bon nombre des responsables socialistes – à commencer par le président de l'Assemblée ou le premier secrétaire du parti socialiste – constitue un autre indice éloquent. Ils nous disent dans un bel élan commun que l'objectif des 3 % n'est pas nécessairement une fin en soi et qu'il pourrait être relativisé. Autrement dit, ils laissent entendre que vous pourriez prendre dès demain des libertés avec les disciplines que vous vous engagez à respecter en ratifiant le traité.
Nous en aurons d'ailleurs une preuve criante dès la semaine prochaine lorsque nous examinerons le projet de loi de finances pour 2013. Il faudrait qu'il y ait convergence entre les choix économiques et budgétaires de la France et le traité que vous souhaitez ratifier. Or c'est tout l'inverse, et Gilles Carrez l'a brillamment démontré à cette tribune : il y a d'un côté les disciplines européennes, de l'autre, une divergence fiscale qui va ajouter au problème de compétitivité de nos entreprises.
Il est triste pour notre pays de constater qu'alors même que nous traversons la crise économique la plus grave depuis la guerre, l'Europe est aujourd'hui scindée en deux entre les pays qui ont fait les réformes, qui ont le plein-emploi et qui réussissent dans la mondialisation et, ceux…
…qui, au sud, basculent dans un état de quasi-faillite et ne trouvent même plus à se refinancer. Vous avez choisi de ne pas choisir, en tentant même, maladroitement, d'isoler l'Allemagne, compromettant ainsi le coeur même de la construction européenne qui est la confiance entre la France et l'Allemagne. Tout cela, je le dis au Gouvernement, ne peut que se terminer fort mal.
Alors de grâce, un peu de courage et un peu de cohérence. Pour notre part, nous aurons ce courage et cette cohérence pour vous. Mais le débat sans vote d'aujourd'hui, puisque vous en avez décidé ainsi montre, hélas ! que vous n'entendez avoir ni l'un ni l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, mes chers collègues, je remercie d'abord le Gouvernement pour la tenue de ce débat sur les nouvelles perspectives européennes.
La crise de l'Europe est d'abord le résultat d'un renoncement politique, qui a vu la démocratie, les démocraties européennes, plonger dans une servitude – La Boétie aurait parlé de servitude volontaire –, à l'égard des marchés financiers. Comme le disait le Président de la République, cette finance-là n'a pas de visage ; mais elle reste un adversaire redoutable.
Ce n'est pas la première fois depuis 1789 que notre République prend toute sa part dans la bataille face aux puissances de quelques-uns en Europe. Aujourd'hui, nous pouvons, j'en suis certain, relever le défi d'une Europe démocratique et prospère. Face à tous les libéraux et les conservateurs, ligués en Europe, la France, désormais, porte une autre voix. Cette voix était attendue, non seulement par d'autres gouvernements confrontés à des asphyxies budgétaires insoutenables – je pense bien évidemment à ceux de la Grèce, du Portugal et aussi de l'Espagne – mais encore par les peuples d'Europe.
Oui, au-delà des différences d'approche sur le traité que nous lègue, hélas ! la précédente mandature, la stratégie européenne de la France est désormais tournée vers un nouveau modèle de développement, une autre croissance : la solidarité contre les spéculations financières et l'intégration économique conditionnée à plus de démocratie.
Oui, je suis fier de voir qu'enfin, après des années de mobilisation des citoyens dans toute l'Europe, la France a inscrit désormais à l'agenda européen la taxation sur les transactions financières ! Oui, je suis fier que l'Europe se soit engagé vers la supervision bancaire, c'est-à-dire vers le contrôle de banques qui se croient tout permis au détriment du bien-être de tous et de notre santé économique !
Oui, je suis fier d'un pacte dit de croissance qui renoue avec la logique vertueuse des fonds structurels, tournant ainsi le dos aux logiques destructrices de concurrence sociale et fiscale.
Bien entendu, le chemin est long. Et je veux m'adresser ici à tous ceux qui, comme moi, rejettent les logiques d'austérité, pour que nous inscrivions notre nouvelle stratégie européenne dans le temps de l'action continue. Nous avons désormais des alliés et les premiers effets de la réorientation sur le continent se font déjà sentir.
Il n'y a qu'à regarder les décisions récentes de la Banque centrale européenne en matière de rachat de la dette, ce que vous n'aviez jamais réussi à obtenir.
Vous dites n'importe quoi : nous avons obtenu le rachat de 207 milliards d'euros ! Il y a une limite au ridicule !
Si nous tenons bon, si nous nous servons de ces premiers acquis comme de tremplins, nous pourrons inverser durablement le cycle libéral de ces dernières décennies. Et en la matière, mesdames et messieurs de l'opposition, vous avez une très, très lourde responsabilité.
Nos prochaines batailles sont devant nous.
Il y a la reconquête de la souveraineté monétaire de la zone euro encore menacée par les spéculations. Nous devons aussi améliorer les coopérations renforcées pour renouer avec l'esprit des grands travaux d'infrastructures, d'équipement…
…en particulier dans le domaine énergétique.
Il y a encore la protection de l'Europe, de ses salariés d'aujourd'hui et de demain, auxquels l'ancienne majorité avait tourné le dos. Non ! nous ne pouvons indéfiniment accepter des produits venus de pays émergents qui trichent sur leur monnaie ; nous ne pouvons plus accepter des produits qui sont fabriqués au mépris de toutes les règles écologiques ou des normes du Bureau international du travail, en particulier en ce qui concerne le travail des enfants. Enfin, nous devrons nous engager pour faire respecter le principe de réciprocité commerciale. C'est là la grande bataille pour construire les règles d'un juste échange.
La question démocratique constitue un autre champ de bataille. Elle reste la mal aimée de la construction européenne. C'est pourquoi je soutiendrai de toutes mes forces la proposition de Christophe Caresche…
… en faveur de l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen.
M. le Premier Ministre a affirmé qu'il porterait le fer sur toutes ces questions. Nous apporterons au Gouvernement un soutien sans faille dans cette nouvelle orientation.
Mais, mesdames et messieurs les parlementaires, permettez-moi, en cet instant, de vous dire à quel point notre prisme européen est déformant. Pour être clair, la sortie de crise de la France ne reposera pas sur sa seule vision européenne, mais elle devra aussi s'appuyer sur l'affirmation d'une nouvelle grande ambition méditerranéenne.
Plus exactement, la réorientation nécessaire du projet européen devra passer par une reformulation de nos rapports avec les pays méditerranéens. C'est précisément ce que le président de la République a affirmé à l'occasion de la XXe Conférence des ambassadeurs, en nous engageant vers une « Méditerranée de projets ». Après la crise financière, les suites des transitions au Maghreb constituent le principal défi pour l'Union européenne. Je suis convaincu que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault saura faire entendre la voix de la France pour que l'ambition méditerranéenne de l'Europe se concrétise.
Cette vision est indispensable : des deux côtés, nos pays vivent des basculements dont les conséquences seront déterminantes. Des deux côtés, nous assistons à des montées des nationalismes ou à des replis identitaires, tous deux parfois violents et sectaires. Mais en même temps, jamais nos sociétés n'ont eu autant de possibilité de construire, par des partenariats économiques, industriels et culturels, un nouveau modèle de développement tourné vers la démocratie et la prospérité.
Ce qui se joue de l'autre côté de la mer, dans une histoire immédiate dont personne ne connaît encore l'issue, ce n'est pas seulement le destin des sociétés civiles en mouvement, c'est aussi l'avenir des Européens. Les changements en Méditerranée sont aussi porteurs de solutions pour l'Union européenne. Il nous faut sans plus tarder nouer un solide partenariat avec le Maghreb au service d'une meilleure complémentarité économique entre les deux rives de la Méditerranée.
Cette nouvelle ambition méditerranéenne doit aussi se traduire par une autre approche de la mobilité des personnes. Il faut en particulier permettre aux chefs d'entreprises, aux étudiants, aux scientifiques, aux chercheurs, aux artistes d'effectuer des allers et retours dans le cadre de projets professionnels, éducatifs ou culturels, en particulier francophones.
Autrement dit, il s'agit de ne plus se heurter aux deux écueils que nous avons si souvent rencontrés : d'un côté, la fermeture sèche des frontières et de l'autre le pillage des cerveaux.
Bref, tandis que nous tenons la barre d'une autre politique européenne, adressons aussi des signes concrets à nos amis de Tunisie, d'Algérie et du Maroc. Comprenons enfin qu'au-delà de la diplomatie, les ponts que nous saurons construire entre les sociétés civiles elles-mêmes seront les meilleures garanties d'un développement partagé.
Je veux terminer mon intervention par un hommage appuyé à nos amis tunisiens, au peuple tunisien. Avec fracas et panache, ce dernier a amorcé le retour de peuples méditerranéens sur la scène de l'histoire immédiate. Le premier, il a renversé un de ces régimes autocratiques et kleptocrates qui ont trop longtemps caractérisé la rive sud de la Méditerranée. Que nos voisins et amis du Sud soient rassurés : désormais, la France tourne le dos au paternalisme, voire à la complicité, pour s'engager dans une vraie culture de partenariats. De cette nouvelle ambition méditerranéenne aussi, notre Europe à beaucoup à gagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
« L'Europe nous regarde » déclarait François Hollande à Tulle au soir du 6 mai. Oui, l'Europe vous regarde, l'Europe nous regarde ; mais vous, vous ne regardez plus l'Europe. Vous regardez votre nombril, celui d'une majorité éclatée, d'une majorité dispersée, d'une majorité divisée, d'une majorité incapable de se mettre d'accord sur l'essentiel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre des affaires européennes, vous ne m'en voudrez pas de m'adresser à M. le Premier ministre – j'avais la faiblesse de croire qu'il resterait parmi nous jusqu'au terme de nos débats : avec tout le Gouvernement, vous subissez une double défaillance.
Une défaillance intellectuelle d'abord, car personne n'est dupe du numéro d'équilibriste auquel nous venons d'assister. Vous qui naguère critiquiez le traité « Merkozy », venez aujourd'hui le défendre à la tribune. Vous qui naguère critiquiez l'austérité budgétaire, venez de vous y soumettre. Vous qui naguère vous étiez abstenus sur le mécanisme européen de stabilité, vous venez demander à votre majorité de voter un traité que vous avez jusqu'alors vilipendé.
Alors, vous me direz que grâce au courage sans faille et au charisme sans égal de François Hollande, vous avez renégocié le traité. Mais même vos amis Verts et de la gauche de la gauche ne vous croient pas. La vérité est que vous n'avez rien renégocié du tout.
Renégocier signifie « négocier de nouveau, en vue de parvenir à un accord modifié » – ce n'est pas moi qui le dis, c'est le dictionnaire.
Or, force est de constater que ce traité est un copié-collé du traité négocié par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel : il s'agit du même texte avec les mêmes mots et les mêmes engagements. Bref, si le changement, c'est pour dans deux ans, le reniement permanent, c'est pour maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Défaillance intellectuelle, mais aussi défaillance politique car vous n'avez pas le courage d'assumer vos divisions dans cet hémicycle. La preuve en est que vous organisez un débat sans vote comme pour mieux museler votre majorité déjà en proie à tant de désillusion. La vérité est que sans nous, vous n'auriez ni majorité sur la ratification du traité ni majorité sur la loi organique instituant la règle d'or que vous avez tant décriée. C'est une situation quelque peu ubuesque de voir la droite et le centre voler à votre secours pour éviter que vous alliez à Canossa et pour protéger les Français des querelles politiciennes qui mettent à mal notre pays.
Dans sa déclaration, le Premier ministre s'interroge, à juste titre, sur le poids qu'aurait la France seule, sans l'Europe. Mais quel poids a donc aujourd'hui le Premier ministre dans son propre gouvernement et au sein de son propre parti ? Il est bien seul dans ce cartel des gauches désunies. Dans l'ordre des palmes académiques, on pourrait lui décerner celle de l'incohérence, celle qui consiste à faire aujourd'hui ce qu'on a défait hier, celle qui consiste à renier des promesses passées pour mieux satisfaire des intérêts présents. Cette politique du yo-yo permanent, cette politique du marchandage systématique, cette politique de l'opportunisme forcené, les Français n'en veulent plus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Même si je ne partage pas leurs idées, les Verts et le Front de Gauche ont au moins le mérite de la cohérence.
Au-delà de ce traité, tout ceci démontre la profonde cassure qu'il y a en Europe entre le socialisme à la française, englué dans son alliance contre nature avec l'extrême gauche, et la social-démocratie à l'européenne davantage ouverte sur l'Europe et le monde qui nous entoure.
Avec ce débat sur l'Europe, le Gouvernement avait l'occasion de faire un pas vers la vérité. Celle qui consiste à s'engager vers le chemin de la réduction de nos dépenses publiques, de la compétitivité et de la croissance. Car, contrairement à ce que vous pensez, il n'y a pas d'opposition entre l'assainissement nos finances publiques et le retour sur le chemin de la croissance. Qui peut prétendre aujourd'hui construire à long terme sa croissance sur des dettes ?
Plusieurs députés du groupe SRC. Les vôtres !
Inversement, qui peut prétendre redresser durablement ses finances publiques sans une croissance durable et forte ? L'Europe et la France n'ont pas besoin du choc fiscal que vous allez nous imposer, mais d'un choc de compétitivité. La compétitivité, c'est la condition d'une France forte dans une Europe forte mais aussi d'une croissance durable et équilibrée entre les pays européens.
Pour réduire ces écarts de compétitivité, nous devons mettre en place une véritable gouvernance économique européenne et privilégier l'approfondissement plutôt que l'élargissement, la politique plutôt que les marchés, la réciprocité plutôt que le dumping social.
En écoutant le Premier ministre, j'avais l'impression d'entendre un metteur en scène qui n'avait ni écrit ni joué la pièce qu'il nous présentait. J'attendais, comme beaucoup de citoyens français et européens, une vision, une envie, une volonté, un souffle. Force est de constater que nous n'avons rien eu de cela mais plutôt de l'arrogance, de la désinvolture et de la passivité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Quel contraste saisissant entre ce discours et celui prononcé devant le Parlement européen, lors de présidence française de l'Union, par l'ancien chef de l'État !
Vous dites vouloir réorienter l'Europe. Permettez-moi de vous dire que ce que vous voulez, nous l'avons fait : le maintien de la PAC, c'est nous qui l'avons érigé en priorité absolue ; l'union bancaire, c'est Michel Barnier qui l'a initiée ; l'investissement dans la recherche et l'innovation, c'est ce que la Commission européenne s'est engagée à faire dans le cadre de sa stratégie UE 2020 ; la taxe sur les transactions financières enfin, c'est nous qui l'avons initiée afin de doter le budget européen de véritables ressources propres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, nous avons besoin d'une Europe politique et économique forte. Comme le disait le Président Nicolas Sarkozy, « l'Europe n'est plus un choix ou une option, c'est une nécessité ». Alors, oui, droite et centre ensemble, nous faisons le choix de la France, celui de l'Europe, celui de la France dans l'Europe, car c'est le seul choix qui nous permettra de continuer à défendre nos positions et nos valeurs dans le monde de demain et d'après-demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise financière redoutable que nous traversons depuis quatre ans n'est pas née en Europe ; elle s'y est cependant exportée et a mis douloureusement en lumière les failles initiales d'une union économique et monétaire reposant sur une monnaie unique sans fédéralisme budgétaire. Pendant trois ans, alors que l'économie réelle était de plus en plus malmenée, c'est dans la cacophonie, la fébrilité, la méfiance, si ce n'est parfois la défiance, que les États de la zone euro ont tenté de réagir. Toujours trop tard. Trop tard, parce que manquaient la vision et la volonté de protéger l'Europe comme communauté de destins et, derrière cette communauté, les oubliés que sont devenus les Européens.
Comment l'Europe a-t-elle pu ainsi passer du rang de projet fédérateur à celui de contrainte ? N'est-il pas terrifiant d'imaginer que l'Europe évoque désormais bien plus souvent la souffrance et la coercition dans le coeur des peuples qu'une formidable opportunité de progrès partagé ? Qu'avons-nous perdu en route ? L'esprit européen, tout simplement. La volonté d'imaginer l'avenir au-delà du seul cadre national, loin de tous les égoïsmes et de tous les calculs.
L'histoire, pourtant, nous enseigne que l'approfondissement du projet européen a toujours été fonction du charisme de quelques leaders pétris d'idéal et de circonstances souvent exceptionnelles. Or, ne sommes-nous pas dans ces circonstances exceptionnelles, alors que nous sommes guettés par la récession, la pauvreté, l'exclusion sociale, la crise climatique et écologique, faute de vouloir trouver une réponse ensemble aux défis qui se posent ?
Je voterai la ratification du TSCG, car nous avons besoin que soient respectées les disciplines budgétaires, comme nous avons besoin d'un engagement vigoureux en faveur de la croissance. Je salue le travail de conviction engagé dès son élection par le Président François Hollande auprès de nos amis allemands, avec les gouvernements italien et espagnol, pour inscrire la croissance aux côtés de la stabilité comme objectif pour l'Europe. Le désendettement et la réduction des déficits ne peuvent en effet qu'échouer s'ils se traduisent par une austérité sacrifiant toute perspective de croissance à moyen et long terme.
Il y a une étrange illusion chez les adversaires du projet européen à affirmer que la crise sonnerait la victoire finale, définitive, de l'intergouvernemental sur le supranational, car ce sont les institutions supranationales qui se trouvent confortées : la Commission, avec le renforcement du contrôle sur les budgets nationaux, la Banque centrale européenne, à travers l'union bancaire, et la Cour de justice, dont la jurisprudence intégrationniste est reconnue depuis longtemps. Ce n'est pas en soi surprenant, car c'est d'un sursaut vers l'union politique, vers une fédération d'États nations, que nous avons besoin. Des États qui, faisant contrepoids à l'union monétaire, partageraient leur souveraineté dans les domaines économique, budgétaire et fiscal.
Cela commande de faire de l'union économique et monétaire une coopération renforcée au sens du traité de Lisbonne, opérant à la majorité qualifiée et associant étroitement parlementaires nationaux et européens dans le contrôle démocratique de la gouvernance économique. La croissance est l'enjeu, pour l'emploi, pour la cohésion sociale, pour la transition énergétique et le développement d'une économie faiblement carbonée. Le premier combat sera celui du cadre financier pluriannuel 2014-2020 ; c'est demain. Il faudra mieux mobiliser les fonds structurels et le budget de l'Union pour la croissance, mieux coordonner les dépenses nationales et européennes et donner au plus vite réalité à la recapitalisation de la Banque européenne d'investissement et aux project bonds pour le financement d'infrastructures européennes, ainsi qu'à la taxe sur les transactions financières, rempart contre la spéculation et précieuse ressource pour le budget de l'Union.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme mon ami Sébastien Denaja, j'ai appris à aimer une expression : l'Europe par la preuve. Je connais les succès de l'Europe : la paix, bien sûr, mais aussi le mouvement, la libre circulation des personnes, la liberté d'établissement, l'Europe des études, l'Europe de la culture. L'Europe par la preuve, c'est celle qui touche le coeur de chacun, celle que l'on palpe, celle que l'on connaît. Que sont pourtant ces succès citoyens face à une crise qui peut tout emporter, des emplois aux solidarités locales, nationales, générationnelles auxquelles nous sommes tous tant attachés ? Seuls, nous ne sommes rien. Divisés, nous ne sommes rien. L'union politique de l'Europe s'impose plus que jamais. Face au chômage, face à l'avenir, il est de notre devoir de faire l'Europe par la preuve, ensemble. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, j'aime la France et j'aime l'Europe,…
…depuis mes premières lectures, du Journal d'Anne Franck jusqu'aux travaux que j'ai menés ici, au sein des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, sur la Turquie, la Chine et les pays émergents, en passant par les leçons d'histoire apprises tout au long de ma scolarité. J'ai vibré lorsque Jean Monnet, sortant notre pays dévasté de la guerre, lui a ouvert les portes de l'avenir : les Trente glorieuses.
J'ai admiré les gouvernants à l'initiative : de Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand et, plus près de nous, Chirac et Sarkozy, dont il faut saluer la présidence européenne en pleine crise. Tous, par-delà les clivages politiques, ont relevé les défis et ont fait preuve de réactivité et d'ambition.
Aujourd'hui, les Français, lourdement impactés par la crise, s'angoissent devant votre manque de perspectives et le peu d'enthousiasme que vous manifestez pour ce qu'il convient de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cet après-midi, j'ai été frappée par le manque de souffle du Premier ministre pour conforter ou sauver l'Europe, lui redonner des couleurs et, surtout, pour donner aux Français une envie d'Europe et engager notre jeunesse à s'ouvrir au monde. Notre souveraineté est menacée, certes. Elle l'est, non pas par la règle d'or, mais par la voracité des marchés financiers à l'affût de notre endettement excessif.
Oui, nous traversons une crise sans précédent, une crise que le Président Hollande a niée jusqu'à son arrivée à l'Élysée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, vous nous exhortez à adopter demain le traité Sarkozy que vous n'avez finalement pas renégocié.
Oui, le Président Hollande, tellement pressé de dénoncer ce traité dit « Merkozy », a manqué mettre en péril le socle le plus solide de l'Europe que tous ses prédécesseurs ont soigneusement entretenu : le couple franco-allemand.
Les formules pleuvent, venant de votre majorité qui se fissure et même des ministres en charge de ces dossiers, un peu gênés aux entournures car ils ont voté non en 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Comment convaincre ses petits camarades quand on a soi-même douté ? Cela relève de l'héroïsme, vu le nombre d'eurosceptiques : les Verts, une partie du parti socialiste et le front de gauche, sans compter l'autre côté de l'échiquier politique. Hésitation et politiquement correct, voilà votre credo !
Mme Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, a très finement résumé la situation concernant ce traité : « C'est, dit-elle, un héritage Sarkozy que nous n'aimons pas, mais, s'il n'est pas voté, nous sombrerons dans la crise. » Nicolas Sarkozy avait un avantage : il avait une vision politique de l'Europe, pour maintenant et pour après. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Vous, c'est un vide sidérant ! On supporte pourtant mieux la tempête quand on donne motif à espérer le retour du calme et du soleil.
Doit-on mettre cette absence de perspective sur le compte d'une prudence dommageable ou d'un manque d'imagination ?
L'incantation : « Croissance, croissance ! » ne suffit pas ; il faut faire rimer responsabilité budgétaire et solidarité. Aide-toi, le ciel t'aidera, dit l'adage. C'est notre capacité à définir une stratégie économique qui est en jeu.
Le peuple français, comme les peuples européens, veut s'exprimer. Quid de l'exercice de la démocratie en Europe ? Comment réaliser l'harmonisation sociale et fiscale ? Devons-nous continuer à subir une immigration incontrôlée,…
Plusieurs députés du groupe SRC. Ça faisait longtemps !
…une concurrence déloyale ? Quid de la défense ?
Ce débat, dont le titre – « Les nouvelles perspectives européennes » – est alléchant, est purement stratégique : il n'a été organisé que dans la perspective d'inciter l'ensemble de la majorité à voter le texte demain.
C'est une déclaration sans vote ! Avez-vous si peur du résultat ?
Déjà, vous avez renoncé à réenchanter le rêve français ; je crains qu'il en soit de même pour l'Europe. Sur ce sujet, l'exposé du Premier ministre ne nous a pas rassurés, ne nous a pas enthousiasmés, pas plus, malheureusement, que le Président Hollande n'enflamme son auditoire lorsqu'il s'adresse à ses interlocuteurs sur la scène européenne. Dommage pour nous, dommage pour la France !
Enfin, je veux terminer sur une note d'optimisme : la semaine prochaine, vous pourrez compter sur notre vote lors de la ratification du traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise de l'euro dure et, j'ai une mauvaise nouvelle, elle risque de durer plusieurs années, pour ne pas dire longtemps.
Je parle ici au nom des trois députés du mouvement républicain et citoyen, parti politique qui s'est constitué en 1992, avec le référendum sur le traité de Maastricht, qui a décidé la création de la monnaie unique. Je vous prie, monsieur le ministre, de bien vouloir excuser notre constance, mais, derrière les fables qui nous sont servies sur les cigales et les fourmis, les méritants et les indisciplinés, les bons et les mauvais élèves de la Bundesbank, ceux qui ont besoin de coups de règle d'or sur les doigts et ceux qui reçoivent des bons points de la Commission, nous discernons la validité de nos thèses. Dix années de monnaie unique ne les ont pas émoussées et nous sommes convaincus qu'il n'y aura pas de vingtième anniversaire de l'euro tel qu'il a été conçu.
Les défauts constitutifs de la monnaie unique ne sont pas réductibles, car c'est le concept même de monnaie unique qui est inadapté à la diversité humaine, géographique, démographique, sociale, économique et politique de l'Europe. Face à l'alternative posée au départ entre monnaie unique et monnaie commune, nous défendons toujours la monnaie commune, qui est la monnaie du réel, la monnaie du projet commun et de solidarités construites autour des nations, qui sont les briques de base de la démocratie.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas des incendiaires et nous ne nous réjouissons pas de l'incendie de la maison euro. Incendie dont la crise des dettes publiques est la fumée, mais dont le foyer réside dans le concept même de monnaie unique et le creusement des différences de compétitivités entre les États. Quand le doigt montre le déficit public et le ratio « dette sur PIB »,…
…nous regardons les déséquilibres des balances commerciales et des balances des paiements, car là se trouve le foyer de la crise.
L'Euro était inadapté et l'extension à l'échelle de l'Europe de la politique de la Bundesbank était particulièrement inadaptée à une Europe hétérogène.
Dix années de monnaie unique n'ont fait qu'aggraver le problème, avec des stratégies nationales singulières d'adaptation à la contrainte monétaire et le chloroforme de taux d'intérêt faibles ou nuls.
Le déclenchement de la crise financière a dit la vérité au sujet de ces dix années d'illusoire convergence. Nous ne sommes pas des incendiaires, monsieur le ministre, c'est pourquoi nous sommes à vos côtés, au sein de cette majorité présidentielle, pour redresser la France dans la justice et changer l'Europe. Cependant, attachés à la souveraineté populaire, les parlementaires du mouvement républicain et citoyen ne voteront ni le traité, ni la loi organique instaurant la règle d'or.
Comme l'a dit tout à l'heure le Premier ministre, le débat est utile. Le débat européen est trop souvent confisqué par les impératifs de ceux qui nous demandent de toujours dire oui. Notre pays est trop profondément engagé dans la construction européenne depuis cinquante ans pour que le débat européen soit confisqué dans un choix binaire entre un oui et un non. D'autant que la gauche, c'est le débat, et que le débat sur la construction européenne traverse la gauche depuis longtemps. Dans ce débat, notre non est constructif ; il est positif car, s'il prend acte de l'absence de renégociation, il porte aussi l'exigence de la réorientation européenne.
Nous ne voterons pas le traité car, comme le dit l'accord signé par le mouvement républicain et citoyen et le parti socialiste le 9 mars dernier, le traité est « inacceptable ». Le Président de la République a eu une parole forte…
…quand il a dit que le traité serait « renégocié » et « complété » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Renégocié, il ne l'a pas été…
…et il ne le sera pas. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mais attendez la fin, mes chers collègues.
Complété, il a commencé à l'être lors du sommet européen du 28 juin. Il devra l'être plus fortement pour faire plus que compenser la logique mortifère de l'austérité, héritée de l'époque surnommée « Merkozy ». Il faut développer une politique de croissance en Europe par une politique active de la Banque centrale, par une politique de change qui réduise la surévaluation de l'euro, par de grands investissements mutualisés et par la relance salariale dans les pays qui le peuvent – dans les pays qui le doivent, dirai-je même, car la monnaie unique, puisqu'elle est là, crée des solidarités dans les deux sens : les fourmis doivent des comptes aux cigales !
Le Président de la République a pris les choses en main le 28 juin. Nous mesurons la difficulté de l'exercice et nous ne cédons pas à la facilité de l'accabler, mais nous voulons au contraire lui donner du temps. Nos partenaires européens sont peu commodes, et les interlocuteurs formés dans le moule technocratique et libéral de Bruxelles sont légion. Nous le savons, la route sera longue !
Les choses changent en Europe –doucement, certes. Les annonces du président de la Banque Centrale Européenne, faites cet été, ont été suivies du lancement, début septembre, du programme OMT qui nous a été en partie vendu comme une révolution, mais qu'il nous faut regarder pour ce qu'il est, monsieur le ministre, à savoir une simple rustine. Un geste positif qui éloigne un peu plus la BCE de son modèle, la Buba…
…mais un geste limité, qui conditionne l'aide de la Banque centrale européenne à des plans d'ajustement stricts. Le pacte de croissance obtenu le 28 juin est un bon début. Les annonces doivent être concrétisées par la mobilisation effective des 120 milliards issus des fonds structurels et de la Banque européenne d'investissement. La taxe sur les transactions financières, dont le principe est arrêté, doit maintenant être créée dans le cadre de la coopération renforcée.
Monsieur le ministre, je vous demande de nous regarder non comme des eurosceptiques, des réfractaires ou des traîne-savates archaïques. Nous ne sommes pas l'arrière-garde mais, bien au contraire, à l'avant-garde de l'euro-réalisme. Dans la difficulté, beaucoup de voix plaident pour le fédéralisme, le « grand saut fédéral ».
Nous craignons, pour notre part, que le document dit des « quatre présidents » attendu pour l'automne, pousse dans ce sens – le président Barroso a prononcé récemment un discours qui le laisse penser.
Tout cela illustre, une fois de plus, ce que les théoriciens de la construction européenne appellent le spillover. On crée un outil, la monnaie unique, et il fabrique du fédéralisme. On nous dit que puisque nous avons une monnaie unique, il nous faut nécessairement un ministre des finances européen qui fasse et défasse les budgets nationaux au détriment des parlements nationaux souverains. Et puisque nous avons une monnaie unique, il nous faudrait un président de la Commission élu au suffrage universel direct, comme le suggère Angela Merkel !
Ce spillover – ou débordement, pour parler français – n'est jamais que le nom sophistiqué de la fuite en avant. Or, ceux qui ont fait de la randonnée savent qu'il est souvent plus raisonnable de revenir à la dernière bifurcation pour prendre la bonne route, plutôt que de s'entêter à avancer dans la mauvaise direction.
Le Président de la République a commencé à changer la donne en Europe, d'abord en rompant le tête-à-tête entre la France et l'Allemagne et en tendant la main à l'Espagne et à l'Italie. Il a compris, en effet, que la France était un pays du nord et du sud, une passerelle. Cette position géographique, qui est notre force, nous donne une responsabilité spécifique en Europe.
Nous avons désormais besoin d'une réorientation de l'Europe qui appelle une nouvelle construction politique fondée, à mes yeux, sur les nations, sur l'intergouvernemental.
Le référendum de 2005 nous l'a appris, l'Europe meurt de ces bricolages fonctionnels, de la fuite en avant. Les peuples crient, il faut les entendre. Les politiques d'austérité aggravent cette situation et font peser sur l'Union Européenne une menace politique réelle.
Je vais faire une faute qu'un jeune parlementaire peut se permettre : je vais doublement préjuger du résultat. Mardi, le traité sera ratifié : sans nos voix et sans d'autres voix à gauche, il sera voté. Mais je suis convaincu qu'il ne sera pas appliqué : le traité sera simplement voté comme le dernier article d'une période révolue, comme un mauvais héritage.
Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour que la donne change en Europe, pour le retour du réalisme politique et économique, pour le retour des peuples, ceux qui revendiquent aujourd'hui dans les rues, comme ceux qui rentrent la tête dans les épaules en espérant que tout va bien se passer.
Pour que la donne change en Europe, vous pouvez compter sur nous, mais la représentation nationale et le député que je suis espèrent également pouvoir compter sur vous (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ici pour honorer Nicolas Sarkozy (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui a eu le courage, l'audace et l'habileté…
…de conclure le traité sur la stabilité, la coordination, et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. C'était il y a plusieurs mois, et cette initiative, largement critiquée par ceux qui en sont aujourd'hui les premiers défenseurs, a permis de mettre un coup d'arrêt salvateur à un tsunami monétaire.
La dynamique de Nicolas Sarkozy était cependant plus large : elle incluait une réforme de la Constitution permettant d'inscrire une règle d'or,…
…librement votée par le Parlement national, pour mieux piloter les finances publiques. Elle prévoyait aussi de s'attaquer en profondeur à la réforme de la construction européenne. Le Président Sarkozy avait d'ailleurs commencé à l'esquisser, en parlant de l'espace Schengen ou d'un small business act européen.
En d'autres termes, le président Nicolas Sarkozy avait une vision pour l'Europe, qui ne se limitait pas à la simple énonciation d'objectifs chiffrés de déficits.
L'erreur a été de considérer que ce traité suffisait à corriger, comme par magie, les dysfonctionnements cliniques de la construction monétaire européenne, alors que nous y avons simplement gagné quelques mois d'accalmie pour proposer une réorganisation plus large de la construction européenne. Les nonistes avaient raison lorsqu'ils pointaient, il y a vingt ans, les défauts de la future monnaie unique, zone monétaire non optimale qui risquait de s'écrouler à la première tempête monétaire.
Malheureusement, le gouvernement actuel a gaspillé ce temps de répit, et préféré détériorer la situation en prévoyant de nouvelles dépenses budgétaires. Une feuille de vigne, appelée « pacte de croissance » est venue masquer la nudité crue de cette absence de réflexion.
La règle d'or voulue par Nicolas Sarkozy s'appliquera, mais sans que le Parlement français ne puisse revenir dessus, puisqu'il faudra renégocier ce fameux traité avec une vingtaine de pays.
La moralité de l'histoire, c'est que le traité signé dans l'urgence, sous la pression des événements, afin d'éviter que le bateau ne coule, est aujourd'hui présenté comme instrument pérenne. C'est exactement comme si, après avoir réparé le navire Europe avec quelques planches durant la tempête, on décidait de continuer à voguer vers le cap Horn sur cette embarcation rafistolée !
En réalité, ce traité est un arbre qui masque la forêt. Quel arbre, me demanderez-vous…
…et je vous répondrai : un marronnier.
Depuis l'homérique bataille de Maastricht, les Horaces du oui et les Curiaces du non s'affrontent dans cet hémicycle…
…et jusqu'ici, les premiers ont toujours écrasé les seconds dans les votes parlementaires, toujours au nom du même leitmotiv : il n'y pas d'autre solution possible.
Or la démocratie est, par définition, un système qui repose sur la formulation d'alternatives. C'est cette capacité de proposition d'alternatives qui justifie le choix, donc le vote. S'il n'y a pas d'alternative à part la loi des marchés, s'il n'y a pas d'autre politique possible, alors la démocratie est malade, et nos concitoyens boudent les urnes et se détournent du suffrage universel.
Au-delà du sujet du traité, la question qui se pose aujourd'hui est : quelle Europe voulons-nous ? Quelle démocratie voulons-nous ? Angela Merkel, elle, joue franc jeu. En mai 2012, elle avait déclaré : « Après la règle d'or, viendra l'assainissement des comptes publics des États et puis [...] l'abandon de l'autonomie budgétaire des États, les États-Unis d'Europe, si vous voulez. »
Philippe Seguin, il y a vingt ans, ne disait pas autre chose à cette tribune, en assimilant l'Union économique et monétaire à la constitutionnalisation d'une politique monétarienne, synonyme de taux d'intérêt réels élevés, donc de frein à l'investissement et à l'emploi et d'austérité salariale.
Et d'ajouter : « Quant à ceux qui voudraient croire qu'une politique budgétaire autonome demeurerait possible, je les renvoie au texte du traité, qui prévoit le respect de normes budgétaires tellement contraignantes qu'elles imposeront à un gouvernement confronté à une récession d'augmenter les taux d'imposition pour compenser la baisse des recettes fiscales et maintenir à tout prix le déficit budgétaire à moins de 3 % du PIB. »
Nous y sommes ! C'est exactement cela que propose le Gouvernement en décrétant par avance que la politique économique sera forcément, quelles que soient les circonstances, une politique de réduction des déficits. Ce que l'on nous propose là, c'est de refaire la politique de l'étalon-or, au risque de plonger la France, l'Europe et le monde dans une dépression qui n'aura rien à envier à celle de 1929.
L'alternative à cette politique, c'est de sortir du dogmatisme monétariste et de donner à la BCE l'ordre de mener une politique de détente quantitative, pour faire baisser l'euro et alléger le fardeau de la dette par l'inflation.
La question posée par Philippe Seguin et par Angela Merkel reste posée : selon eux, l'Union économique et monétaire est incomplète, et elle ne peut survivre que si on parachève l'unification monétaire par une unification budgétaire, puis politique. Tout le reste, dont ce traité, n'est que littérature.
À cette question, je réponds non ! Je ne souhaite pas aller vers un fédéralisme qui ne dit pas son nom. Voilà pourquoi je voterai contre la ratification du traité,…
…pourquoi je dirai non à une société à irresponsabilité illimitée où l'on ferait porter à Bruxelles le poids de toutes les contraintes.
Il fut un temps où l'on imaginait des politiques de coopération, comme la politique agricole commune, et non des politiques coercitives, comme cette politique d'austérité commune.
Plusieurs députés du groupe SRC. Les cinq minutes sont terminées !
Comme le disait Malraux, le 4 septembre 1958 : « Nul ne peut refaire la France sans les Français, et la République leur répète à tous ce que leur disait naguère la voix assourdie de la République exilée : je veux redevenir la France ! » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Trop d'excès nuit à la précision du raisonnement…
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise de l'euro n'est pas une crise de la dette, elle n'est qu'un soubresaut de la crise financière mondiale. Dans le contexte actuel, avec un chômage à un niveau record de 11,4 % dans la zone euro et avec une croissance de 1,5 % entre 2000 et 2010 pour l'ensemble de l'Union, c'est le débat sur la viabilité de notre modèle social qui est en jeu. Or, c'est le niveau de croissance économique de nos pays qui seul permettra de soutenir la charge des systèmes de retraite et de santé, sans avoir à entrer dans un cycle d'austérité.
L'idée d'arriver, par des mesures purement nationales, à trouver un chemin de croissance dans une Communauté globalement en stagnation a vécu. L'aventure européenne passe désormais par notre capacité à rester un pôle de dynamisme économique.
Le pacte de croissance, négocié par le Président de la République et les pays du Sud, est une première étape dans cette direction. C'est d'abord pour cette raison que nous devons dire « oui » à cette réorientation.
C'est un « oui » de nécessité : la Grèce se trouve dans un état quasi chaotique. Pas un jour ne passe sans que l'on nous parle de spéculation sur la dette, de purges sociales, de récession à long terme, d'effondrement de l'euro. Il est temps de mettre un terme définitif à cette parenthèse qui n'a que trop duré. Ce « oui » de raison est un moyen de reprendre la main sur une machine qui s'est emballée, machine qui demeure pourtant la première puissance économique mondiale.
C'est également un « oui » de solidarité…
… avec la mise en place du Mécanisme européen de stabilité. Cet outil est indispensable pour calmer les marchés financiers et pour sortir de l'impasse nos voisins du Sud, que des taux d'intérêts tant insoutenables que scandaleux ont rendus exsangues.
Je fais partie de ceux, nombreux dans cette assemblée, qui plaident pour décupler sa puissance de feu, via un capital plus important et surtout grâce à une licence bancaire. Le rôle de la BCE et sa capacité à prêter directement aux États, comme le font toutes les banques centrales, États-Unis et Japon en tête, ainsi que les eurobonds, permettront les avancées de demain.
Mais au-delà de la crise économique de la zone euro, c'est bel et bien à une crise de gouvernance que nous faisons face : l'Union n'a pas de structure institutionnelle efficace et légitime.
Depuis des années, on nous rabâche que le temps est venu de passer à une véritable Union politique. Chiche ! Tout le monde en parle, mais toujours rien à l'horizon. De nombreux gouvernements – français et européens, de droite comme de gauche – n'ont de cesse de la réclamer, mais tous prennent soin de conserver leurs prérogatives au sein du Conseil. La gestion de la crise en a d'ailleurs été un magnifique exemple, que l'opposition d'aujourd'hui a éclairé ces dix dernières années : elle a marginalisé les institutions communautaires, tout particulièrement le Parlement européen.
Les États décident de tout lors des sommets de la dernière chance, et au final, un petit refrain émerge : la méthode communautaire ne servirait plus à rien. Au moment où l'enjeu est de dégager et de défendre un intérêt commun européen, chacun vient promouvoir ses intérêts propres. La conséquence, nous la constatons : un continent qui s'enfonce chaque jour davantage dans la crise.
Il est temps de nous questionner sur la manière dont nous avons construit l'Europe jusqu'à présent. Ce n'est pas parce que nous voulons changer de méthode que nous avons changé d'objectif.
Dire que l'Union souffre d'un véritable déficit démocratique n'est pas une forme cachée de populisme. Au contraire, laisser ces problématiques aux seuls extrêmes est une grave erreur dont nous commençons déjà à voir les conséquences. Nous devons mesurer l'écart qui grandit chaque jour entre l'Union et ses concitoyens. Nous devons prendre conscience que l'Europe n'est pas perçue comme créatrice de nouveaux droits, mais qu'elle est ressentie comme une montagne de contraintes.
Aller vers une nouvelle étape de la construction européenne, tout le monde s'y accorde. Mais une fois que l'on a dit cela, on n'a rien dit. La première exigence est que cette étape ne doit pas se faire au détriment des citoyens, donc de leurs droits et de leurs espoirs de progrès. Cela ne doit pas être une étape en soi, dans le seul but de juguler le déclassement du vieux continent.
C'est ce message que doit signifier la ratification par la France du TSCG et que tous les progressistes européens doivent porter ensemble. Sinon, c'est l'idée même d'Union européenne qui s'effondrera.
Le saut fédéral sera certes nécessaire, mais il doit être de toute autre nature que celui proposé par l'actuel gouvernement allemand. Il sera démocratique, contrôlé par le Parlement européen et les parlements nationaux ; il sera social pour répondre aux demandes légitimes des citoyens ; il sera économique pour relancer notre industrie ; il sera solidaire car les menaces du monde sont bien réelles à nos frontières.
Nous devons être prêts à opérer des transferts de souveraineté,…
…mais toujours accompagnés d'un transfert du contrôle démocratique. Un budget européen digne de ce nom, alimenté par ses propres ressources, notamment par la future taxe sur les transactions financières, est incontournable. Toutes ces pistes sont connues, à nous de les promouvoir.
Mes chers collègues, aucune société n'est aussi forte que lorsqu'elle se bat pour son modèle. N'ayons pas honte de la vision que nous avons, sinon d'autres le feront pour nous.
L'Europe a besoin de se réarmer, de se protéger. Non par peur ou par xénophobie cachée, mais bien pour imposer un rapport de force intelligent au marché mondialisé. Plutôt que de nous livrer les uns les autres une concurrence interne sans merci, développons une compétitivité commune afin de rivaliser avec les puissances continentales émergentes.
C'est de cela que les peuples européens ont besoin ; c'est ce message que la France doit porter dans les discussions futures. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP).
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le traité européen dont il est question aujourd'hui, négocié par Nicolas Sarkozy – car c'est bien de cela qu'il s'agit – est une aubaine pour la France.
Notre pays doit, comme ses partenaires européens mais comme d'autres pays aussi, saisir cette opportunité qui lui est offerte d'assainir ses finances publiques en adoptant la règle d'or. Plusieurs États, avant même le déclenchement de la crise des dettes souveraines, ont en effet introduit dans leur Constitution des dispositifs pour plafonner les déficits et pour freiner l'endettement. Certains ont également opté pour la création d'agences indépendantes chargées de surveiller la réalisation de leurs objectifs budgétaires ciblés. Tous ces cas témoignent de la pertinence d'adopter une règle prévoyant un retour progressif à l'équilibre budgétaire : les pays qui s'en sont dotés ne peuvent que s'en féliciter.
Permettez-moi de commencer par la Suisse, bien qu'elle ne soit pas membre de l'Union. Les Helvètes n'utilisent pas l'expression « règle d'or », mais celle de « frein à l'endettement » pour qualifier le dispositif dont l'objectif est de garantir un équilibrage des comptes sur un cycle conjoncturel complet. Ce mécanisme a contribué à réduire la dette de la Confédération de près de 20 milliards de francs suisses en cinq ans. Il constitue la base d'une politique financière durable et jouit d'une renommée internationale. Alors que d'autres pays sont aux prises avec des déficits structurels et un endettement croissant, les budgets publics helvétiques sont solides. Le frein à l'endettement est un succès qui dure : la Confédération helvétique devrait finir l'année 2012 sur un excédent de recettes de 1, 25 milliards. Adopté par nos amis suisses en 2000, pour une mise en oeuvre en 2003, ce dispositif sert de modèle à l'Allemagne depuis 2009.
Ce type de mécanisme a en effet montré son efficience puisqu'il a conduit, ces dernières années, à une réduction substantielle des déficits publics en Allemagne et en Suède. Quant aux pays européens, comme l'Espagne et l'Italie, qui ont adopté cette disposition au plus fort de la crise économique, il conviendra d'attendre avant d'évaluer l'efficacité d'une telle mesure sur leur politique budgétaire.
L'Allemagne a adopté en 2009 une règle budgétaire limitant le déficit structurel de l'État fédéral à 0,35 % du PIB dès 2016 et imposant l'équilibre budgétaire aux Länder à compter de 2020. L'introduction de cette règle s'est accompagnée de la création d'un Conseil de stabilité, chargé du suivi de l'exécution du budget fédéral et de celui des Länder et, le cas échéant, de la prise de mesures correctrices.
Observons que Berlin a enregistré cette année, pour la première fois depuis 2008, un excédent de ses comptes publics au premier semestre. Le faible taux de chômage allemand explique en partie ce bon résultat.
Pour ce qui est de la Suède, confrontée au début des années 1990 à un grave dérapage des comptes publics, elle a mis en place en 1996 un « modèle cadre », qui modifie les conditions d'adoption de son budget par le Parlement. Le gouvernement doit en effet respecter deux règles pluriannuelles – instituer un plafond de dépenses triennal et fixer un objectif de surplus sur un cycle conjoncturel – tout en s'engageant à dégager un excédent de 1 % du PIB sur l'ensemble du cycle. Cette procédure budgétaire implique de déterminer les limites globales à la dépense avant de répartir les crédits. Les excédents dégagés ont permis à Stockholm de maîtriser la dérive de ses dépenses publiques et de mener une politique budgétaire active.
En outre, la Suède a mis en place une autorité indépendante dont le rôle est de contrôler le respect par le gouvernement de ses objectifs budgétaires. Grâce à ces mesures contraignantes, la Suède a su résister à la crise. Aujourd'hui, le principal enjeu de ce pays modèle est de renforcer davantage les institutions et les fondamentaux économiques, de façon à améliorer toujours la capacité d'adaptation et à assurer une croissance durable à long terme.
Venons-en maintenant à la Pologne qui, elle aussi, a adopté une règle budgétaire contraignante. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
La Constitution polonaise prévoit depuis 1997 que la dette ne dépasse pas 60 % du PIB. Une loi organique, votée en 2009, a fixé des niveaux d'alerte à 50 %, puis à 55 % du PIB. Le gouvernement polonais s'est engagé dernièrement à ramener le déficit budgétaire au-dessous de la limite des 3 % du PIB, puis à 1 % en 2015.
Celle de votre temps de parole est quant à elle atteinte, chère collègue. (Sourires).
Comme nous pouvons le constater, ces modèles européens rendent possible une maîtrise des dettes souveraines, essentielle pour la pérennité de la zone euro. L'objectif est de réduire les déficits afin de réduire la dette.
J'espère que ces cas voisins sauront convaincre que la règle d'or sera une chance pour la France. Il est temps de fixer une norme qui fasse figure, non seulement d'objectif partagé, mais également d'obligation de résultat.
Je me réjouis avec vous, chers collègues, que le gouvernement de M. Ayrault nous donne la possibilité de transposer dans notre droit le traité contenant la règle d'or, négocié par Nicolas Sarkozy et signé par François Hollande, sans en modifier un mot. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cher collègue, à force de vous entendre, vous et vos amis ce soir sur ces bancs, nous interrompre, on va finir par croire que c'est toute l'opposition qui est défavorable au traité !
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le Premier ministre a clairement évoqué cet après-midi...
…les étapes qui, dès le lendemain de l'élection présidentielle, nous ont permis d'être aujourd'hui en mesure de tenir un engagement…
…et de faire en sorte que le traité soit avant tout adossé à un pacte de croissance et d'emploi.
Nous, socialistes, avons été élus pour porter le changement, y compris au niveau européen. C'est notre responsabilité et nous l'assumons, surtout lorsque nous voyons à quel point la victoire de François Hollande a été saluée aux quatre coins de l'Union, et pas seulement par les socio-démocrates.
Pendant des mois, les sommets, au nombre de seize, s'étaient succédé, avec pour conclusion une conférence de presse qui à chaque fois donnait lieu au même jeu d'estrade, écrit d'avance : un Nicolas Sarkozy expliquant que la crise était terminée, que tout était réglé.
Quand la gauche, sur ces bancs et dans le pays, considérait alors pour sa part qu'il existait un autre chemin, qu'un pacte de croissance et d'emploi était possible, que la taxe sur les transactions financières pouvait être mise en oeuvre, ceux-là mêmes qui affirmaient que les paradis fiscaux avaient disparu – bravo pour la crédibilité ! – nous riaient au nez.
Et les mêmes de nous expliquer qu'il était impossible d'évoquer ne serait-ce que l'idée des project bonds ou celle d'une intervention directe de la Banque centrale européenne.
Pourquoi dans ces conditions la Banque centrale européenne intervient, en dépit des pressions de l'Allemagne ? C'est qu'après seize sommets et de multiples promesses, ses dirigeants ont, après ces cinq années, trouvé face à eux, au-delà des rangs de la gauche européenne, des gens qui donnaient le sentiment de vouloir tenir leur parole et d'être sérieux dans leurs engagements.
C'est aussi pour cette raison que la Banque centrale européenne a voulu agir directement et que, malgré les réticences de l'Allemagne, il s'est opéré un consensus pour qu'il en soit ainsi et qu'il ne soit pas seulement rajouté de l'austérité à l'austérité.
Durant seize sommets, et alors même que la crise financière sévissait de plus belle, nous n'attendions finalement qu'une seule chose avant que l'élection présidentielle puisse marquer la victoire de la gauche : un peu de répit, quelques semaines de sursis.
Depuis le 6 mai, au-delà de l'attente misérable à laquelle vous aviez condamné le peuple de France et d'autres encore, nous avons cherché à susciter un sursaut.
Ce sursaut est venu avec le conseil européen au cours duquel François Hollande – quoi que vous en disiez et c'est cela qui vous fait le plus mal – a bien plus obtenu en vingt-quatre heures que Nicolas Sarkozy en cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux parler des 120 milliards d'euros du pacte pour la croissance ; des 10 milliards d'euros d'augmentation du capital de la BEI, soit en réalité 60 milliards d'euros de capacité de prêts en plus ; des 55 milliards d'euros supplémentaires de fonds européens en faveur de la croissance et de l'emploi ; des 4,5 milliards d'euros aussi de project bonds dans la phase expérimentale.
Mes chers amis, nous sommes à un moment important de la construction européenne. Quelles que soient les positions des uns et des autres, il est une chose sur laquelle nous devons être rassemblés, et c'est bien évidemment la nécessaire réorientation de l'Union européenne.
Mais au-delà de ce que nous avons d'ores et déjà réussi en adossant au traité un pacte de croissance, nous devons également, soutenus en cela par la commission des affaires européennes et par celle des affaires étrangères, adjoindre à cette action une dimension démocratique, qui permette aux parlements, notamment dans le cadre du semestre européen, d'avoir leur mot à dire, de pouvoir évaluer, critiquer et orienter les politiques budgétaires ou monétaires selon la volonté des peuples.
Mes chers amis, mes chers camarades (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), c'est un premier pas qu'il nous faut ici conforter. L'Europe se réoriente et nous la réorientons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il fut un temps où je rêvais d'une Europe puissance, d'une Europe forte et solide qui fasse entendre sa voix dans le concert des nations, puissance d'équilibre entre les deux blocs puis face à ces blocs émergents qui aujourd'hui dominent toute la zone Pacifique, bref, de ce levier d'Archimède que cherchait le Général pour que la voix de la France résonne dans le monde.
Force m'est de constater qu'il n'en n'est rien, que ce rêve français ne se réalise pas dans des institutions technocratiques sans lien avec les peuples, sans volonté, sans véritable politique internationale.
Le traité qui nous est proposé ne répond à aucune des trois questions qui selon moi sont fondamentales.
La première touche au lien entre les peuples et les institutions. Dans le traité, les parlements nationaux et le Parlement européen ne sont mentionnés qu'à l'article 13, et encore pour être conviés à une conférence : la belle affaire ! En quoi cela intéresse-t-il les citoyens européens ? Au moment où nos compatriotes désertent les urnes, comment espérer rapprocher ainsi les peuples et les institutions ?
La deuxième question a trait au fait que l'Europe se compose de vingt-sept pays aux intérêts divergents, aux cultures différentes, sans lien réel. Alors que la construction européenne est complètement dominée par une vision anglo-saxonne, il n'y a rien dans ce traité sur la constitution d'une Europe forte, formée en cercles concentriques autour d'un noyau central. C'est un traité inapplicable, dont l'article 8 propose même que des États puissent ester en justice contre d'autres États !
Mes chers collègues, comment imaginer que des pays en déficit justifient aux yeux de leur population le versement de quelques milliards d'euros, soit à un fonds européen, soit, pour les pays hors de la zone euro, directement au budget de l'Union européenne ? Comment justifier face à des peuples dans la difficulté et soumis à des restrictions que des milliards d'euros soient ainsi affectés à ces fonds ?
La troisième question est d'ordre économique. Au moment où la planète connaît de fortes zones de croissance en Amérique latine et en Asie, la seule réponse est une réponse monétaire avec cette règle des 60 % qui opère d'emblée un clivage entre pays du nord et pays du sud. Pourquoi d'ailleurs 60 % ? Ce pourcentage est-il choisi au hasard ?
Mes chers collègues, il nous reste deux dernières souverainetés.
La défense, d'abord. Or ce traité donnera une fois de plus à nos gouvernants un prétexte pour désarmer le pays et pour couper dans le budget de la défense, alors que le reste du monde s'arme. Ceux qui poursuivent la chimère d'une défense européenne devraient regarder les budgets que nos voisins consacrent à cet outil régalien par excellence, au moment même où la tempête gronde au nord du Japon, en mer de Chine et au Sahel.
La seconde souveraineté qu'il nous reste, c'est le vote du budget, ce pour quoi nous avons été élus par le peuple. Nous avons perdu le droit de frapper monnaie, soit ; nous allons perdre le droit de voter le budget de la Nation pour nous soumettre à des commissaires qui, quelles que soient leurs facultés techniques, n'ont aucun compte à rendre à des électeurs.
Député français, député de la nation je suis, Français je demeure. Je vote non ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en regardant tout à l'heure M. Jacob et M. Borloo brandir le traité et dresser une comptabilité dérisoire de ses mots et de ses virgules, je repensais à cette phrase de Jaurès : « Quand les hommes ne peuvent plus changer les choses, ils changent les mots. »
François Hollande, lui, a choisi de changer les choses. Et les choses ont changé, le 28 juin. Nous réclamions depuis vingt ans avec Jacques Delors un programme de grands travaux. C'est fait avec le paquet croissance de 120 milliards d'euros, et c'est important pour soutenir la croissance de l'Europe et muscler sa compétitivité.
Nous réclamions depuis quinze ans une taxe sur les transactions financières. C'est fait, et c'est important pour remettre la finance au service de l'économie et pour relancer la croissance sans endettement.
Nous réclamions depuis cinq ans une régulation bancaire et une intervention de la BCE pour contrer la spéculation sur les dettes souveraines. C'est fait et c'est important pour préserver l'euro et pour rouvrir le robinet du crédit.
Qui peut, au vu de tout cela, nier sérieusement que l'Europe a profondément changé de direction depuis trois mois ? La vérité, c'est que François Hollande a réussi, là où Nicolas Sarkozy avait échoué, pour ne pas dire fauté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La vérité, c'est qu'après des années de chacun pour soi et d'austérité généralisée, le balancier de l'Europe est revenu du côté de la solidarité et de la croissance.
C'est pour cela que je soutiens, monsieur le ministre, le paquet européen proposé par le Président de la République. Je le soutiens et j'en voterai l'ensemble des dispositions d'application, traité compris.
Mon oui n'est d'ailleurs pas un oui qui veut dire non, ni un non qui veut dire oui. C'est un oui qui veut dire oui !
Je vous le dis, si je pensais ce traité mauvais pour notre pays, je ne le voterais pas, quelles que soient les avancées obtenues. Mais il n'en est rien.
Ce n'est certainement pas le carcan dont parlent certains. Il n'entraîne pas de transfert de souveraineté – le Conseil constitutionnel l'a confirmé dans sa décision du 9 août 2012 ; il n'implique aucune règle contraignante dans la Constitution – et il n'y en aura pas ; enfin, les parlements nationaux conservent leurs prérogatives budgétaires…
…ainsi que le prévoit explicitement le paragraphe 2 de l'article 3 du traité, que M. Carrez a omis de lire tout à l'heure.
Le traité n'entrave pas davantage notre économie. Je le dis d'autant plus que, étant économiste de formation et d'obédience plutôt keynésienne, j'y attache une importance toute particulière. Je dirai même que le fait de consacrer le solde structurel comme objectif est un progrès. Cela signifie que le traité reconnaît la possibilité d'utiliser la politique budgétaire pour soutenir l'économie dans les périodes de crise économique.
Il conviendra, bien sûr, d'être vigilant sur la question du calcul du solde structurel, qui, du coup, revêt une importance particulière.
Quant aux sanctions éventuelles, j'observe qu'elles sont, somme toute, modiques : 0,1 % du PIB. Un État qui voudrait s'affranchir pour telle ou telle raison de l'objectif de retour structurel à l'équilibre pourrait le faire sans dommage ni pour sa croissance ni pour sa richesse nationale.
Règle souple, sanction faible, on voit bien que l'enjeu de l'Europe est ailleurs. Il est dans ce qui a été obtenu pour la croissance, dans ce qui reste à obtenir pour l'Europe. Aussi mon vote est-il autant un vote de reconnaissance de l'acquis, que d'exigence pour le futur.
Je voudrais insister ici sur la nouvelle avancée qui me semble des plus essentielles. C'est la question du juste échange, l'idée que l'Europe ne peut plus être désormais le seul continent au monde ouvert à tout vent, l'idée que l'Europe doit protéger nos entreprises et nos savoir-faire, imposer la réciprocité, exiger le respect des normes sociales et environnementales et, pour les pays qui ne le font pas, appliquer des droits de douane plus élevés.
Mes chers collègues, l'Europe Sarkozy-Merkel, c'était du sang et des larmes.
L'Europe de François Hollande et Jean-Marc Ayrault, c'est de la sueur, des emplois et de la justice. C'est cette Europe-là que nous soutenons, monsieur le ministre, en approuvant aujourd'hui votre politique. Nous avons toujours été là pour faire avancer l'Europe, nous le sommes et nous le serons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance n'est sans aucun doute pas de ces textes qui déclenchent l'enthousiasme.
Pourtant, je voterai, en conscience et sans hésitation, en faveur de ce traité.
D'abord, parce que je n'oublie pas qu'il répond à une situation de crise économique exceptionnelle, qui nécessite des réponses exceptionnelles, à l'image du projet de budget courageux qui vient d'être présenté aux Français par le Gouvernement.
La règle centrale du traité, qui impose aux pays de réduire progressivement leur déficit, je l'approuve. Pas du tout pour complaire aux marchés financiers, mais bien pour que notre continent retrouve, une fois passé le temps des épreuves, sa pleine souveraineté financière, sans laquelle il n'est pas de projet européen véritable.
Aujourd'hui, nous devons répondre dans l'urgence aux défis majeurs qui menacent l'Europe : la récession et la montée fulgurante du chômage. Le modèle ultra-libéral voulu par les gouvernements européens de droite, dont l'ancienne majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ne peut être l'unique horizon de l'Europe ; nous en avons vu les effets, il s'agit désormais de le combattre.
Pour mener ce combat, ce traité ne peut être, s'il est adopté, qu'une première étape, qu'il s'agira très vite de dépasser. J'en appelle donc à une véritable réorientation de la construction européenne. De cette réorientation le pacte de croissance négocié par le Président de la République est un premier signe encourageant. Sa traduction dans le réel devra intervenir dans des délais rapides. Ce pacte, qui adjoint au TSCG une politique européenne de relance, prévoit 120 milliards d'euros d'investissements en faveur de la production en Europe.
Le développement de projets concrets dans des domaines générateurs de croissance, tels que la transmission de l'énergie, les transports propres,…
…la politique urbaine et l'industrie numérique, devra, dès le lendemain du vote du traité, faire l'objet d'un calendrier concret et précis.
Cette politique cohérente de relance est indispensable afin de remettre l'Europe sur le chemin de la croissance. Il ne s'agit de rien moins que de réindustrialiser l'Europe, à un moment où les chiffres de l'emploi au sein de l'Union, notamment au Sud, sont accablants : 25 % de taux de chômage en Espagne, plus de trois millions de chômeurs en France dont vous êtes, chers collègues de l'opposition, en partie responsables. En août, la zone euro a connu un taux de chômage de 11,4 %, un record historique.
Mais ce plan ne suffira pas : sa réussite est conditionnée à la protection de notre marché commun. Ainsi, la priorité devra très rapidement être donnée à l'harmonisation fiscale et sociale afin de mieux lutter contre la concurrence déloyale entre les pays membres. Plus ambitieuse encore, la définition d'un cadre partagé en matière de salaire minimum ou de temps de travail doit devenir notre horizon commun.
De même, la politique commerciale de l'Union européenne devra promouvoir le juste échange. À ce titre, le fait que le pacte de croissance prévoie un principe de réciprocité, notamment dans le domaine des marchés publics, afin de permettre l'accès de nos entreprises aux marchés des pays tiers, est un premier pas.
Il faudra bientôt aller beaucoup plus loin en imposant, par exemple, une règle de réciprocité en matière sociale et environnementale à nos partenaires économiques.
Nous ne pouvons accepter que des produits qui ne répondent pas aux normes européennes soient importés à des coûts très bas et faussent le marché. La réduction de l'écart de compétitivité sera une nécessité pour notre économie.
Mais l'enjeu le plus important consistera à renforcer l'intégration européenne. L'Europe ne doit plus apparaître, aux yeux de nos concitoyens, comme une charge indue mais bien comme une communauté de destins. Cela passera nécessairement par un approfondissement de l'Europe. Approfondissement économique, via la constitution d'un budget européen beaucoup plus important et une mutualisation européenne des dettes étatiques. Approfondissement militaire, via la relance de l'Europe de la défense.
Approfondissement politique, notamment via la dotation du Parlement européen de pouvoirs de contrôle politique très supérieurs à ceux qu'il assume aujourd'hui et au moyen d'une citoyenneté européenne plus signifiante.
Vous le voyez, chers collègues, ce vote ne doit pas être interprété comme un quitus donné à une orientation libérale de l'Europe ; il est seulement, et c'est déjà considérable, une étape indispensable et incontournable au sauvetage de l'euro et, partant, à la refondation européenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd'hui à discuter de l'avenir de l'Europe, des perspectives qui s'offrent à elle et à nous, citoyens français et européens.
Je m'exprime, non pas en eurosceptique ni en euro-béat, mais en euroréaliste, conscient de ce que l'Europe nous a apporté, notamment la paix, ce qui est loin d'être négligeable.
La France, qui fait partie des pays fondateurs de cette Europe, va devoir se prononcer sur la ligne qu'elle entend suivre. La crise économique extrêmement grave que nous traversons ébranle sérieusement l'édifice européen. Elle touche tous les pays, et la France est loin d'être épargnée, mais cette crise frappe encore plus sévèrement certains de nos voisins. Je pense à la Grèce, bien sûr, mais aussi à l'Espagne et à l'Italie. L'Europe est venue à la rescousse de ces pays pour les soutenir et les aider à traverser cette période difficile, et cet appui n'est pas sans conséquences.
Car l'Europe traverse une crise identitaire. Les difficultés économiques attisant les rancoeurs, chacun cherche des responsables : qui accuser ? Nous entendons sur le terrain des concitoyens qui accusent l'Europe de nous avoir emmenés là où nous sommes, qui dénoncent une Europe perçue comme trop lointaine, trop bureaucratique et intervenant dans quantité de domaines, les plus variés et quelquefois les plus improbables. L'euro n'est pas non plus épargné : la vie serait plus chère depuis le passage à la monnaie unique et la campagne présidentielle a même vu des candidats prôner le retour au franc.
Mais nous savons bien, dans cet hémicycle, que le retour en arrière est impossible et qu'il n'est pas souhaitable. Nous savons bien que notre pays, aussi grand soit-il, n'a plus le poids qu'il a eu dans l'histoire, et que, sans l'Europe, nous ne pèserons guère lourd face à la Chine et à l'Inde.
Nous nous devons, chers collègues, d'entendre ces accusations et d'y répondre, car elles traduisent une peur de nos concitoyens devant l'avenir et un repli sur soi néfaste. Le clivage révélé par le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen s'est durci, l'euroscepticisme gagne du terrain. Nous nous devons donc de convaincre nos concitoyens, de les rassurer, de leur montrer que l'Union européenne va dans le bon sens en tendant vers une gouvernance économique européenne.
Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, plus connu sous le nom de pacte budgétaire européen, nous en procure l'opportunité. Il propose en effet d'instaurer des règles communes de gouvernance économique et budgétaire.
Ses grandes lignes auraient pu être intégrées dans le traité de Maastricht. Malheureusement, l'opposition de quelques-uns de nos partenaires a fait que ces dispositions ont été retirées. Quel dommage ! Si elles avaient été adoptées, nous n'aurions pas à subir la crise des dettes publiques qui frappe si durement l'Europe aujourd'hui.
Ce traité constitue un engagement solennel des États signataires à gouverner ensemble la zone euro, à se concerter sur toutes les mesures économiques, budgétaires et fiscales susceptibles d'avoir un impact sur les autres partenaires et sur la monnaie unique. Il va donc contribuer à remettre de l'ordre dans la gestion de leurs finances publiques et à réduire leur endettement : c'est la rigueur budgétaire pour créer de la croissance.
Nous ne pouvons qu'approuver ce dispositif et nous le devons. Avons-nous le choix d'ailleurs ? Nous ne pouvons laisser aux générations futures l'endettement inconsidéré qui est le nôtre et qui nous entraîne vers le déclin.
Ce traité, avec la règle d'or qui l'accompagne, ne peut que provoquer un assainissement nécessaire de nos finances publiques. C'est ainsi que l'article 9 prône une meilleure contribution à la soutenabilité des finances publiques et un renforcement de la stabilité financière. Négocié et signé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, ce traité permettra à nos États de retrouver le chemin de la compétitivité.
On n'a parlé ces derniers jours que des dissensions sur le sujet au sein de la majorité actuelle : aura-t-elle besoin des voix de l'opposition pour faire adopter ce traité ?
Plusieurs députés du groupe SRC. Ça va aller !
Qu'à cela ne tienne ! Je suis prêt à voter pour (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP),…
…non pas pour aider le Gouvernement, mais pour soutenir un traité qui va dans le bon sens puisqu'il instaure des garde-fous au bénéfice de l'intérêt général de notre pays. Je le voterai d'autant plus qu'il va limiter les initiatives économiques inconsidérées que produit l'actuelle majorité depuis quatre mois. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).
J'espère cependant, mes chers collègues, que son adoption conduira le Gouvernement à modifier le projet de budget pour 2013, qui est en contradiction avec l'article 9. Mesdames et messieurs les députés socialistes, un peu de cohérence ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Au lendemain de l'adoption du traité de coordination, l'Europe mais aussi chacune des nations qui la composent vont profondément changer. Je voterai ce traité parce que je crois qu'aujourd'hui l'Europe a besoin de clarté et d'affirmation.
L'Europe, aux termes de ce traité, aura plus de pouvoir de contrôle, non seulement sur les budgets mais aussi sur les politiques économiques et fiscales. Elle aura surtout des moyens nouveaux pour sanctionner, voire condamner – c'est l'article 8 –, les pays qui auront laissé filer leurs déficits et leurs comptes publics.
C'est évidemment une nouvelle perspective, une nouvelle orientation pour l'Europe.
Ce qui m'a frappé, monsieur le ministre, dans notre débat, notamment en écoutant M. Ayrault, c'est le peu d'affirmation de principes, c'est le flou, parfois même une fuite devant les réalités, alors que les Françaises et les Français qui doutent aujourd'hui de l'Europe ont besoin de reconnaître des principes clairs.
On n'ose pas dénommer les choses, par faiblesse, sous les contraintes politiques, bien sûr, mais il faut l'affirmer : l'Europe, au terme de l'adoption de ce traité, sera un peu plus fédérale.
Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !
On n'ose pas dire une vérité simple. Avec ce traité, la France va se soumettre à une règle commune qui lui sera partiellement imposée, même si – on l'a très bien dit sur tous les bancs –, cela le lui sera par des réalités, notamment financières. Oui, la France sera obligée de respecter une limite de déficits structurels pour ses administrations publiques.
On ne dit pas toute la vérité si on ne rappelle pas que se mettent en place des mécanismes de contrôle, qui seront d'abord confiés à la Commission puis, et c'est nouveau, à la Cour de justice de l'Union européenne.
On ne dit pas toute la vérité si on ne s'appesantit pas quelques instants sur l'article 8, qui permettra non seulement à la Commission européenne mais aussi aux membres de l'Union de saisir la Cour de justice – peut-être l'Allemagne, peut-être l'Italie, peut-être aussi Malte ou Chypre.
Oui, monsieur le ministre, vous n'êtes sans doute pas le premier à ce banc à, comme le dit une expression populaire, avaler votre chapeau, après la campagne qu'a menée le parti socialiste à l'élection présidentielle.
Mais il faut bien reconnaître que, sur cette affaire du traité européen, le gouvernement socialiste d'aujourd'hui restera sans doute un modèle du genre. Vous êtes socialistes mais vous allez accepter un traité profondément libéral.
Il va vous interdire, à vous et à vos successeurs, ces politiques keynésiennes ruineuses, interventionnistes, et leur financement par des déficits publics. Vous avez autour de vous constitué une majorité qui n'est pas d'inspiration fédérale, mais, en matière budgétaire, ce traité est profondément fédéraliste :…
C'est une évidence politique mais plus encore une évidence juridique.
Vous partagez avec les membres de votre gouvernement, monsieur le ministre délégué, une profonde aversion pour la politique et, hélas, permettez-moi de vous le dire, pour la personne de l'ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy. Or, voilà que vous nous invitez à voter un traité qu'il aura, avec ses homologues, conçu, négocié et porté sur les fonts baptismaux européens.
Vous assumez en fait une paternité qui provoque chez vous un certain sentiment de mal de vivre.
Enfin, vous avez accepté, et vous nous invitez à faire de même, un traité qui a été voulu par le gouvernement allemand sous l'autorité de Mme Merkel. Dans ce pays, les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans auront, eux, mené les réformes essentielles qui leur ont permis d'équilibrer les comptes publics :…
…de diminuer le nombre de fonctionnaires, réformer les retraites, d'équilibrer les comptes des collectivités territoriales et pris tant d'autres mesures, ces mêmes réformes que le gouvernement qui vous a précédé avait lancées depuis 2007 et qu'aujourd'hui vous vilipendez, vouez aux gémonies et sur lesquelles vous voulez revenir.
Monsieur le ministre, une fois que vous aurez passé l'épreuve, douloureuse pour vous et pour le parti socialiste, une fois que vous aurez accepté vos renoncements, vos volte-face, vos abandons, une fois que le peuple français aura dégonflé cette baudruche, créée par une communication si habile de l'Élysée sur le chimérique pacte de croissance, il vous restera peut-être quelques instants encore pour méditer cette formule : « Tout le monde est, a été ou sera sarkozyste. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président, mesdames les présidentes de commission, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord, au moment où nous clôturons la première phase de notre débat sur la réorientation de la politique européenne, remercier l'ensemble des orateurs de la majorité et de l'opposition pour avoir exprimé avec sincérité des propos que je ne partage pas tous, mais qui auront tous contribué à enrichir la discussion qui nous a mobilisés pendant de longues heures depuis le milieu de l'après-midi.
Je commencerai par remercier les orateurs de la majorité, plus globalement les orateurs de la gauche, qui, dans la diversité de leur prise de position et de leur sensibilité, ont tous témoigné de leur attachement à voir prévaloir demain une autre Europe, une Europe différente de celle qui nous a été léguée en héritage, une Europe plus solidaire, davantage tournée vers la croissance, une Europe qui mette sur le métier des instruments de nature à remettre en ordre la finance devenue démente à force de spéculations, une Europe qui permette de réconcilier les peuples avec les institutions européennes. Car nul ne peut contester que depuis de nombreux mois, à la faveur de la crise qui s'enkyste, les peuples doutent, expriment leur scepticisme, voire parfois leur hostilité à l'égard des politiques de l'Union européenne, dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas.
Je remercie les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes pour avoir l'une et l'autre contribué à ce que le débat soit approfondi, qu'il permette à toutes les sensibilités de s'exprimer et apporte une contribution utile, celle du Parlement, à la réflexion que nous conduisons collectivement sur l'avenir de l'Union européenne. Je salue notamment l'excellent travail fait sous votre présidence, madame Auroi, par Christophe Caresche, reprenant plusieurs propositions de Pierre Lequiller, pour que l'association du Parlement, expression de la souveraineté nationale, aux définitions des choix européens soit respectée et approfondie. Ainsi, l'Union européenne pourra se décliner avec l'exercice souverain de la responsabilité parlementaire dans les parlements nationaux, en très étroite liaison avec le Parlement européen.
Je me tourne vers les députés de l'opposition pour leur demander de ne pas se tromper. Si vous vous apprêtez à voter ce traité…
Plusieurs députés du groupe UMP. Non !
…sous prétexte que nous serions prêts, en le proposant à votre vote, à poursuivre la politique du précédent gouvernement, ne le faites pas car vous seriez grandement déçus. Je veux en effet vous démontrer que la politique européenne que nous voulons est l'exact contraire de celle que vous avez mise en oeuvre au cours des dix dernières années, plus particulièrement ces cinq dernières années, en reprenant point par point certaines des assertions, parfois des contrevérités, exprimées sur vos bancs.
Il en va ainsi de la place que nous entendons donner à ce traité dans la politique de l'Union européenne, place qui est très différente de celle que vous avez voulue pour lui jusqu'à la dernière minute du précédent quinquennat.
Le traité était pour vous l'horizon indépassable, l'unique objectif de la politique de l'Union. Lorsque vous en parliez dans cet hémicycle, et jusqu'aux élections présidentielles et législatives, vous expliquiez à tous vos collègues, de la majorité comme de l'opposition d'alors, qu'il n'y avait pas d'autre choix, pas d'autre horizon possible que le rétablissement des comptes publics dans une discipline punitive, que la croissance que nous appelions de nos voeux était une chimère et que nous ne l'obtiendrions jamais, que la seule politique possible pour la croissance était l'approfondissement du marché intérieur, c'est-à-dire le renforcement des logiques libérales au sein de l'Union européenne.
Vous croyiez aussi peu à l'époque à la taxe sur les transactions financières que, contrairement à ce qu'a dit tout à l'heure l'ancien ministre Jean Leonetti, vous aviez supprimé l'impôt de bourse en début de quinquennat – pour le rétablir à la fin à l'identique – parce que vous étiez absolument convaincus qu'il était impossible de créer une véritable taxe sur les transactions financières en coopération renforcée, ayant vocation à servir de ressources propres au budget de l'Union. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) J'ai retrouvé à cet égard la lettre commune de neuf États européens de février 2012 à laquelle Jean Leonetti faisait référence, et je me propose de la transmettre à l'ensemble des députés.
Eh bien chiche, monsieur Poisson ! Je vais même la faire dupliquer en plus d'exemplaires qu'il n'y a de députés pour que vous et vos collègues puissiez la distribuer abondamment dans vos circonscriptions et apporter ainsi la démonstration que les propos que vous avez tenus à cette tribune sur le sujet sont des bobards. Cette lettre préconisait l'établissement d'une taxe sur les transactions financières, mais n'en précisait ni l'assiette ni le taux. Elle ne proposait pas que cette taxe pût devenir un jour une ressource propre de l'Union européenne. Elle ne proposait même pas qu'elle puisse être mise en oeuvre en coopération renforcée. Cette lettre était tellement vague, imprécise et improbable qu'elle n'a été suivie d'aucun effet et qu'elle n'a fait l'objet d'aucune prise en compte.
Il a fallu attendre le Conseil européen des 28 et 29 juin derniers pour que l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement accepte d'en faire l'une des orientations nouvelles de la politique de l'Union européenne et que nous puissions, nous, entamer le combat pour mettre fin à la spéculation, commencer la régulation des marchés financiers et essayer d'en faire une ressource propre pour l'Union européenne.
La ratification nous conduira d'ailleurs à proposer la transposition de ce texte dans une loi ordinaire alors que vous nous expliquiez qu'il n'y avait aucun autre choix, pour des raisons de droit et pour des raisons politiques, que la transposition dans la Constitution, en raison de l'existence de transferts de souveraineté. Le Conseil constitutionnel vous a donné tort…
…et il a ainsi démontré que nous avions politiquement raison de ne pas vouloir procéder à la transposition dans la Constitution parce qu'il n'y a pas de transferts de souveraineté.
Je le dis d'ailleurs aux orateurs du groupe GDR : c'est pour cette raison que le Président de la République a décidé de ne pas présenter ce texte au referendum.
Qu'ils n'oublient pas non plus que nous sortons d'une campagne présidentielle qui a été l'occasion d'organiser un référendum sur le référendum.
Je me souviens des débats qui voilà cinq ou six mois agitaient l'opinion publique française. Je me souviens à cet égard du président sortant, Nicolas Sarkozy, qui voulait organiser un référendum sur tous les sujets, à chaque fois que l'opinion publique, par le biais de sondages, exprimait le besoin de voir porter à la délibération collective des questions de société – qui pouvaient souvent être graves. Je me souviens alors de l'indignation des députés du groupe GDR lorsque l'ancien Président disait, sur la base de ces sondages, que le statut des étrangers en France soulevait de telles interrogations qu'il soumettrait la question des droits des étrangers au référendum.
Je me souviens de même, lorsque l'ancien Président de la République voulait soumettre au référendum une réforme du droit à l'indemnisation – à la suite de sondages faisant apparaître, en matière de protection sociale, certaines interrogations des Français sur l'indemnisation des chômeurs –, de l'indignation des députés GDR s'inquiétant qu'à tout moment de tels sujets fondés sur de simples sondages puissent être soumis à référendum, et considérant qu'il y avait là une porte ouverte à l'expression de tous les instincts et de tous les populismes, ce qui finirait par enlever à la représentation nationale la possibilité d'exercer le pouvoir souverain qu'elle tient du peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Parce que, comme Sieyès, nous considérons que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par l'intermédiaire de ses représentants, nous n'avons pas la culture du référendum. Nous ne sommes pas atteints par la référendite.
En tout cas, dès lors qu'un engagement a été pris lors d'une campagne présidentielle et d'une campagne législative, il est digne pour la représentation nationale de le respecter en assumant ses responsabilités.
Voilà pour ce qui concerne l'inscription de la règle d'or dans la Constitution et la taxe sur les transactions financières. J'en viens au pacte de croissance.
Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, sous prétexte que vous n'avez rien demandé pendant cinq ans aux Allemands et à la Commission européenne, il faudrait que nous n'ayons rien obtenu.
Permettez-moi à cet égard de récapituler toutes les contrevérités que j'ai entendues ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Voilà des semaines que j'entends que ce pacte de croissance n'est rien car il existait déjà avant même l'élection présidentielle, et que ce que nous annonçons est ce que vous auriez négocié. Mais si vous avez négocié ce que nous demandions pendant toute la campagne présidentielle, pourquoi ne l'avez-vous pas dit ? Vous ne manquiez pourtant pas d'arguments pour nous convaincre alors de la pertinence de votre action européenne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
Le président Sarkozy, dont vous nous dites constamment qu'il ne manquait ni de vivacité ni d'esprit de répartie, pourquoi ne l'a-t-il pas dit à François Hollande alors qu'ils ont débattu pendant deux heures à la télévision et que celui-ci lui enjoignait de prendre des initiatives pour la croissance, pour la régulation des marchés financiers et pour la solidarité ? Pourquoi s'est-il tu si tout cela était acquis ? Je vais vous dire pourquoi : il ne l'a pas dit parce qu'il n'avait pas obtenu le pacte de croissance, et il ne l'avait pas obtenu parce qu'il ne l'avait pas demandé ! (Mêmes mouvements.)
Allons un peu plus loin pour régler définitivement cette affaire, car trois anciens ministres des affaires européennes se sont tout de même exprimés. Il y en a d'ailleurs eu de nombreux en cinq ans, au point même que, compte tenu de la longévité moyenne des titulaires de ce portefeuille, il aurait pu y en avoir davantage ce soir à la tribune ! C'est dire d'ailleurs toute l'importance qu'on accordait à la question européenne dans les précédents gouvernements ! J'espère pour ma part rester en place plus longtemps que mes prédécesseurs (« Nous l'espérons nous aussi ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC), ce qui me permettra de vous donner l'occasion de m'entendre encore tordre le cou à vos contrevérités !
Pour ce qui concerne, tout d'abord, la recapitalisation de la BEI et les 60 milliards de prêts, c'était paraît-il acquis. Comment pouvez-vous alors expliquer pourquoi, à la veille du Conseil européen des 28 et 29 juin, il a fallu que nous nous battions en conseil « Affaires générales » avec des pays conservateurs pour qu'ils acceptent finalement qu'un accord puisse être dégagé dans le cadre du Conseil européen autorisant la recapitalisation de la BEI, ce qui permettra à celle-ci d'accorder des prêts à hauteur de 60 milliards d'euros, lesquels susciteront à leur tour 120 milliards d'investissements privés. Pour que cet accord soit obtenu, il a fallu l'engagement personnel du Président de la République, les 28 et 29 juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Là est la vérité, et non pas dans les discours que j'ai pu entendre ce soir !
S'agissant des modalités d'intervention sur les marchés, vous dites : le Mécanisme européen de stabilité et le Fonds européen de stabilité financière existaient, nous les avions créés. Vous avez raison et il faut vous rendre hommage de l'avoir fait, mais ces instruments ne servaient pas à lutter contre la spéculation comme ils auraient dû pouvoir le faire.
Il a fallu attendre, là aussi, le sommet des 28 et 29 juin pour obtenir que le Mécanisme européen de stabilité puisse intervenir en recapitalisation directe des banques et éviter que les États n'aient à se financer sur les marchés aux conditions de taux que l'on sait pour pouvoir recapitaliser leurs banques en répercutant ce coût sur les peuples, condamnant durablement ces derniers à l'austérité, ce dont nous ne voulions plus.
Il a fallu attendre le sommet des 28 et 29 juin pour que le Fonds européen de stabilité financière puisse intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines, faire baisser durablement les taux d'intérêt et faire en sorte que les États qui font des efforts, notamment l'Espagne et l'Italie, n'aient pas à répercuter ces spreads trop hauts sur des peuples n'en peuvent plus de l'austérité qui s'abat sur eux depuis tant d'années.
À ceux qui, à la gauche de la gauche, s'interrogent parfois légitimement sur le sens de l'action que nous avons engagée, je dis ceci : si nous voulons lutter durablement contre l'austérité – ce qui est notre objectif, notre combat, notre engagement de campagne présidentielle –, il ne faut pas bloquer le fonctionnement de l'Union européenne lorsque celle-ci décide, pour épargner les peuples, de faire en sorte que les États puissent bénéficier du concours des instruments de solidarité, pour ne pas avoir à supporter les taux d'intérêt des marchés financiers qui oppressent les peuples et les conduisent à davantage de sacrifices.
On ne peut pas vouloir lutter contre l'austérité et, au moment où un gouvernement de gauche se bat en Europe pour réorienter la politique de l'Union européenne, ne pas aller au bout de la logique en permettant à tous les instruments de solidarité de fonctionner normalement.
Par ailleurs, j'entends dire que la Banque centrale européenne, qui est indépendante, aurait agi comme elle l'a fait depuis le mois d'août parce que cela entrerait dans le cadre de son mandat. Si c'est le cas, pourquoi ne l'a-t-elle fait depuis 2008, alors que la crise est là, que la spéculation est partout qui ruine les efforts des États (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP) et qui conduit les peuples à être confrontés à l'austérité ?
Si la BCE n'est pas intervenue depuis 2008, c'est tout simplement parce qu'il n'avait pas été décidé de faire intervenir les mécanismes de solidarité aussi massivement qu'ils le font pour lutter contre la spéculation. C'est parce qu'il y a eu cette volonté des États et que nous avons oeuvré à la faire s'exprimer que la BCE est intervenue dans les conditions dans lesquelles elle l'a fait pour mettre fin à la spéculation. Il fallait de véritables pare-feu pour faire en sorte que la spéculation ne soit plus possible. Voilà la vérité sur ce que nous avons fait.
Entre un traité qui exclut toute perspective de croissance et de solidarité, et la politique dont je viens de vous parler, il y a une différence profonde, celle qui sépare en France et en Europe, les politiques de la droite libérale et les politiques de la gauche progressiste qui croit à la solidarité, à la croissance et qui refuse la condamnation des peuples à l'austérité à perte de vue (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)
Si vous votez pour ce traité parce que vous avez le sentiment que nous allons mener la même politique que la vôtre, alors renoncez-y, parce que je suis convaincu qu'il y aura une majorité suffisamment forte et unie pour donner au Président de la République la force dont il a besoin (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP) pour aller plus loin dans la réorientation de la politique de l'Union européenne et pour faire en sorte que nous puissions gagner cette bataille.
Je voudrais conclure en reprenant quelques-uns des propos totalement erronés de M. Étienne Blanc dont je me demande s'il a lu le traité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Premier argument de M. Étienne Blanc : la Cour de justice de l'Union européenne pourra – preuve de la dimension punitive, sérieuse et rigoureuse du traité alors négocié – rappeler les États à l'ordre, dès lors que ceux-ci ne respectent pas les équilibres budgétaires auxquels ils doivent se conformer. C'est faux !
La Cour de justice de l'Union européenne pourra être saisie non pas en cas de non-respect des équilibres budgétaires auxquels les États doivent se conformer, mais en cas de non-transposition des dispositions du traité dans leur droit interne par ces États. Voilà la vérité. M. Blanc n'a pas lu le traité et il s'apprête à l'approuver pour des raisons qu'il ne contient pas.
Il dit ensuite : finalement ce traité est d'inspiration libérale…
…car avec les 0,5 % de déficit structurel, on ne pourra plus jamais mener des politiques contracycliques. C'est ne pas comprendre ce qu'est un déficit structurel ! C'est ne pas avoir compris le contenu du traité ! Précisément, le déficit structurel tient compte dans le déficit public des dépenses mobilisées par l'État pour faire face aux chocs conjoncturels. C'est donc bien une notion qui permet de mener des politiques contracycliques.
Par conséquent, un gouvernement de gauche qui veut mener des politiques de solidarité et faire face aux chocs de conjoncture pourra le faire avec ce traité, en raison de la notion de déficit structurel.
Si M. Blanc, avec ses amis de l'opposition, veut voter pour ce traité parce qu'il empêchera la mise en place de politiques keynésiennes, qu'il ne le fasse pas parce que, précisément, nous avons l'intention, face aux chocs conjoncturels, d'en faire une utilisation très différente de celle qu'il propose ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)
Voilà toutes les raisons pour lesquelles le Gouvernement souhaite aller plus loin dans la réorientation de la politique de l'Union européenne. Voilà pourquoi le Gouvernement souhaite ne pas avoir besoin de vous…
…pour mener à son terme la politique que nous voulons mener parce que cette politique est fondamentalement différente de celle que vous avez conduite, avec son cortège de dettes et de déficits, avec son alignement sur tous les conservatismes d'Europe.
Si nous sommes aujourd'hui devant la représentation nationale, c'est pour marquer une étape dans une réorientation de l'Europe qui en appelle d'autres : des étapes pour la solidarité, pour la croissance, pour épargner aux peuples d'Europe l'austérité à perte de vue. (Les députés des groupes SRC, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent longuement.)
Prochaine séance, mercredi 3 octobre à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Éloge funèbre de Jean-Yves Besselat ;
Projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 3 octobre 2012, à zéro heure cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron