La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle les questions sur la politique du logement. Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé la durée maximale de chaque question et de chaque réponse à deux minutes.
Nous commençons par deux questions du groupe UMP. La parole est à M. Benoist Apparu.
Madame la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, comme vous le savez, les partenaires sociaux réunis au sein d’Action Logement, autrement dit du 1 % logement, ont récemment adopté un texte d’orientation prévoyant une vaste réforme afin de restructurer complètement le dispositif, leur idée étant d’aboutir de fait à un seul collecteur – même si ledit terme n’existerait plus. En bref, il s’agit de pouvoir enfin définir une structuration au niveau national de la politique portant sur les 900 000 logements qu’ils possèdent. C’est, je crois, une avancée majeure.
Mais il me semble qu’il serait possible d’aller plus loin encore. Vous pourriez, madame la ministre, bâtir un acteur public massif du logement social, réunissant Action Logement, avec donc un collecteur unique, la Foncière Logement et aussi l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU. Une telle structuration nous doterait d’un acteur qui serait un producteur de logement social important, qui pourrait en construire beaucoup plus en cédant 2 % de son patrimoine, les partenaires sociaux s’y sont engagés, tout en étant aussi efficace en matière de rénovation urbaine et qui permettrait de structurer le marché du logement social.
Cela permettrait également de faire des économies puisque la cession de 2 % du patrimoine, assortie, me semble-t-il, d’une cession des actifs de la Foncière Logement doterait la nouvelle structure des moyens financiers pour abonder l’ANRU 2 et permettrait de dégager les marges de manoeuvres budgétaires dont votre ministère a cruellement besoin pour atteindre deux objectifs : d’abord, financer l’Agence nationale de l’habitat – ANAH – sans quoi celle-ci, autour des années 2016-2017, n’aura plus les moyens de fonctionner ; ensuite, inventer une politique pour les centres-villes, parce qu’entre la défiscalisation pour les grands centres urbains et le Duflot pour l’ancien dans les communes de moins de 5 000 habitants, il n’y a rien pour les villes de taille intermédiaire.
La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Monsieur le député, vous m’interrogez sur la réorganisation du réseau Action Logement, sujet que, vous le savez, je suis avec une attention et une vigilance particulières. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de recevoir les partenaires sociaux le jour même où le conseil d’administration a pris la décision que vous évoquez, et ils m’ont réaffirmé leur engagement à maintenir le modèle paritaire dans cette évolution, tout en modernisant leur réseau. Je porterai une grande attention à ce que la réorganisation ne retarde pas la mise en oeuvre de la convention quinquennale qu’ils ont signée avec l’État en décembre dernier. J’ai même la conviction que cette réorganisation permettra de l’appliquer de manière plus efficace. Des travaux en ce sens sont en cours, menés conjointement par le ministère de la ville, Action Logement et bien sûr mon ministère.
Cette convention garantit aux partenaires sociaux une meilleure maîtrise des emplois de la PEEC – participation des employeurs à l’effort de construction – pour délivrer des services adaptés aux salariés des entreprises cotisantes afin de faciliter leur accès au logement et à l’emploi. En outre, elle impulse un changement important pour le financement du logement social et pour la rénovation urbaine afin de préserver le modèle économique d’Action Logement, soutien essentiel à la nécessaire relance de la construction, objectif que nous partageons. Action Logement pourra désormais intervenir à travers des subventions ou des prêts aux bailleurs, en fonction des opérations. À cette fin, il convient d’aboutir à une structuration équilibrée. J’attache à cet égard une importance particulière à la diversité des bailleurs sociaux, et je crois que nous avons un certain nombre de divergences sur ce dernier point.
Madame la ministre, la mission d’information sur l’application de la loi du 18 janvier 2013 a pris acte d’une dynamique d’accélération de la production de logement social et d’un début de rééquilibrage géographique, ce qui ne compense cependant pas le déficit maintenant chronique de logements en France.
Cette loi a aussi produit des effets de bord qu’il convient maintenant de prendre en compte. Ainsi, des petites communes non soumises aux obligations de la loi Solidarité et renouvellement urbains – SRU – se retrouvent soumises à des obligations renforcées par le simple fait d’appartenir à une intercommunalité qui, elle, l’est. Cela les amène à réaliser exclusivement des logements sociaux, concentrés alors sur les seuls terrains mobilisables pendant la période de lissage et souvent non desservis par les services attendus. Cela va à l’encontre des objectifs de mixité et pèse lourdement sur ces communes, déjà gravement touchées par la réduction des dotations de l’État.
Comment entendez-vous, madame la ministre, corriger cette situation ? Envisagez-vous un temps de lissage plus long ou une mutualisation intercommunale de leurs obligations, et, dans tous les cas, une atténuation de leurs prélèvements ?
Par ailleurs, parmi les effets de bord constatés, il faut noter celui de l’obstacle que pose la loi SRU à la surélévation d’immeubles de grandes copropriétés, souvent seule solution pour financer la rénovation énergétique, car elle impose alors à la copropriété existante un copropriétaire bailleur social et aux copropriétaires une cohabitation avec des locataires de logements sociaux, cohabitation refusée pour des raisons peut-être irrationnelles mais qui ne peuvent être ignorées. Cette mixité sociale peut être imposée dans des constructions neuves, mais on conçoit mal qu’elle le soit dans une copropriété privée existante.
Enfin, madame la ministre, les produits de prélèvements majorés ou non des communes carencées ne vous sont-ils pas indispensables pour financer le logement social ? Si toutes les communes se mettaient en position de respecter leurs obligations dans les délais prescrits, sauriez-vous les accompagner budgétairement ?
Monsieur le député, vous m’interrogez sur l’application de la loi SRU. Au préalable, j’en profite pour rappeler qu’elle a fait les preuves de son efficacité pour renforcer et pour rééquilibrer la production de logement social dans notre pays.
À titre d’exemple, la production annuelle de logements sociaux, qui était de 60 000 en 2002, atteint aujourd’hui environ 120 000.
En ce qui concerne le cas des communes qui, entrant dans une agglomération, se retrouvaient de ce fait soumises aux obligations prévues par l’article 55 de la loi SRU, un amendement du Gouvernement, adopté dans le cadre de la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, permet de résoudre cette difficulté en ménageant une période de transition de trois ans avant que ces communes ne fassent l’objet d’un prélèvement supplémentaire si leur taux de logement social est inférieur au taux légal. Durant cette période, elles resteront néanmoins soumises à l’obligation d’atteindre 25 % de logements sociaux en 2025, ou 20 % pour les secteurs moins tendus, et notamment aux objectifs triennaux de rattrapage. Ce délai doit être mis à profit pour produire du logement social, en constructions neuves ou dans le parc existant, les logements conventionnés pouvant être publics ou privés. Cette disposition sera applicable à compter de l’inventaire au 1er janvier 2014 afin d’éviter que les communes concernées soient prélevées en 2015.
S’agissant du problème de la surélévation des grandes copropriétés, je précise que lorsqu’une commune est déficitaire, elle doit certes avoir l’objectif de créer 30 % de logements en prêts locatifs aidés d’intégration – PLAI – mais que cet objectif est toutefois défini à l’échelle de la commune et non à l’échelle de la copropriété. Si une commune est carencée, elle doit donc réaliser au moins 30 % de logements en PLAI dans toute opération de plus de 800 mètres carrés ou de plus de douze logements. Il s’agit de volumes importants qui doivent permettre de rentabiliser les opérations de surélévation pour financer les travaux de rénovation énergétique.
Nous passons à des questions du groupe GDR. La parole est à M. André Chassaigne.
Madame la ministre, ma première question porte sur les expulsions.
Malgré quelques mesures positives, comme la prolongation de la trêve hivernale ou les dispositions visant à lutter contre les marchands de liste et les marchands de sommeil, la loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové – loi ALUR – n’a pas porté les fruits que nous pouvions en espérer. Lors du vote du texte, nous avions déjà souligné que cette loi n’allait pas assez loin et présentait de graves lacunes. Faute d’avoir fait de la garantie universelle des loyers un véritable outil de mutualisation et de solidarité d’application immédiate, on n’a pu mettre un coup d’arrêt à la pratique indigne des expulsions locatives, qui ont ainsi repris le mois dernier, avec la fin de la trêve hivernale.
Chacun le sait : l’expulsion brise les familles, déscolarise les enfants et peut même entraîner la perte d’emploi. Face à la crise, la puissance publique se doit de tendre la main aux plus fragiles. De nombreux maires prennent des arrêtés pour s’opposer aux expulsions. Nous soutenons pleinement ces initiatives, mais le Gouvernement doit prendre ses responsabilités. Il est impératif de prendre des mesures afin que cessent les expulsions locatives pour les familles en difficultés économiques et sociales, composées le plus souvent de personnes reconnues prioritaires par les commissions DALO – « droit au logement opposable ». Il faut mieux garantir l’effectivité des mesures de réquisition des logements vides et, surtout, s’assurer de la mise en oeuvre d’une véritable sécurité sociale du logement pour que cessent ces pratiques d’un autre âge.
Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre de manière urgente pour mettre fin aux expulsions et, à tout le moins, comme le réclament les associations, pour trouver des solutions rapides pour le relogement des familles concernées, à travers la mobilisation des logements vacants et des surfaces de bureaux inoccupées ?
Monsieur le président Chassaigne, je partage votre avis sur les procédures actuelles de prévention des expulsions locatives. Elles ne garantissent pas un accompagnement suffisant pour résoudre les difficultés des locataires tout en apparaissant trop longues et trop contraignantes aux propriétaires. Vous savez que la loi ALUR a apporté de nombreuses améliorations afin de renforcer les mécanismes existants. Elle portera bientôt ses fruits puisque trois décrets importants sur la prévention des expulsions locatives seront publiés cet été. Le premier renforcera les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives – CCAPEX – et a fait l’objet d’une concertation très utile avec l’ensemble des acteurs concernés. Le deuxième permettra la mise en place d’une véritable charte des expulsions pour simplifier et fluidifier les démarches de prévention par le signalement, le plus en amont possible, des impayés de loyers. Il prévoit, par exemple, l’obligation pour les préfets de transmettre aux CCAPEX les informations concernant les expulsions, et sera pris d’ici la fin juin. Le dernier prévoira le maintien des aides personnalisées au logement en cas d’impayés de loyers pour les allocataires de bonne foi, et sera publié au plus tard en septembre prochain.
En ce qui concerne les expulsions des ménages reconnus prioritaires au titre du DALO, la circulaire de 2012, réaffirmée par une circulaire de février 2015, demande aux préfets de tout mettre en oeuvre pour assurer le relogement d’une personne reconnue telle avant son expulsion. En Île-de-France, région où cette problématique est la plus prégnante, la préfecture de police et la préfecture de région ont mis en place des procédures spécifiques et adaptées d’échanges d’informations, avec l’objectif de permettre aux ménages DALO concernés par une procédure d’expulsion de bénéficier d’une proposition de relogement adaptée.
Au-delà de ces actions concrètes qui témoignent du volontarisme du Gouvernement, je m’appuierai sur un rapport d’évaluation qui formule des recommandations que je trouve particulièrement intéressantes. Je n’ai malheureusement pas le temps de les développer ici, mais je peux vous assurer, monsieur le député, de mon engagement et de ma détermination pour améliorer la situation des ménages les plus précaires face aux risques d’expulsion car celles-ci ont, vous avez raison de le rappeler, des conséquences particulièrement dramatiques.
Ma deuxième question, madame la ministre, porte sur l’insuffisance des moyens destinés à l’accompagnement des ménages dans leurs démarches d’amélioration de leur habitat.
En effet, les réseaux associatifs qui les accompagnent dans ces démarches, notamment pour lutter contre la précarité énergétique et la consommation excessive d’énergie des habitations, dénoncent la baisse importante du budget de l’ANAH ainsi que celle des dotations allouées dans les départements. Beaucoup de ménages modestes m’ont fait part, ces derniers mois, de leurs difficultés à bénéficier des programmes d’aide de l’ANAH et de retards quasi-systématiques dans le traitement de leur demande. Dans le Puy-de-Dôme par exemple, la dotation allouée est inférieure de 36 % à la dotation finale de 2014. Cette baisse importante de crédits va freiner très rapidement l’activité du bâtiment. Compte tenu du reliquat des dossiers de 2014, seuls 250 nouveaux dossiers pourront être financés en 2015, soit 30 % du nombre de dossiers financés en 2014. Les crédits de l’ANAH seront totalement épuisés dans quelques semaines et de nombreux ménages n’auront plus accès à des aides financières autorisant des travaux d’économies d’énergie.
Quant aux conventions avec objectifs de réalisation, signées entre les collectivités, l’État et l’ANAH, elles ne pourront être honorées. Cette situation va engendrer de grandes difficultés à la fois pour les signataires de ces conventions et pour le maintien des emplois au sein du réseau associatif PACT pour l’habitat.
La baisse des crédits de l’ANAH touche aussi directement son programme Habiter Mieux : alors que les aides versées dans le cadre des travaux subventionnés allaient jusqu’à présent de 35 % à 50 % du montant total, il semblerait que ces subventions soient revues à la baisse, avec un taux dorénavant compris entre 15 % et 35 %. De surcroît, des dossiers éligibles, en attente depuis juin 2014, sont désormais exclus du dispositif à la suite d’une modification des critères.
Ces constats confirment le décalage grandissant entre la volonté affichée au plan national d’accélérer la rénovation thermique des logements et de lutter contre la précarité énergétique et la baisse importante des crédits attribués aux dispositifs d’accompagnement des ménages dans les départements, consécutive aux coupes budgétaires.
Aussi voudrais-je savoir si vous allez réviser les moyens attribués à l’ANAH et aux réseaux associatifs accompagnant la rénovation de l’habitat privé, de manière à répondre aux besoins des ménages dans les territoires.
Monsieur Chassaigne, vous avez raison de rappeler le rôle essentiel de l’ANAH dans la lutte contre le mal-logement et la précarité énergétique. J’ai à cet instant une pensée émue pour Claude Dilain, qui a beaucoup apporté à cette agence.
Vous l’avez rappelé : l’essentiel des aides vont aux propriétaires occupants très modestes. Elles génèrent aussi une activité économique principalement locale. Je précise que les deux tiers de ces aides bénéficient directement aux territoires ruraux et périurbains.
Le programme Habiter Mieux de l’ANAH en faveur de la rénovation énergétique connaît un vif succès. Il a permis de faire reculer la précarité énergétique grâce au traitement de 100 000 logements depuis son lancement, dont près de la moitié l’année dernière. C’est pour prolonger cette dynamique que les moyens de l’Agence ont été accrus de plus de 120 millions d’euros dans le cadre du plan de relance en faveur du logement présenté en août dernier. Les moyens initialement alloués à la région Auvergne ont ainsi été augmentés de 46 % pour les crédits ANAH et de 109 % pour les crédits du FART – Fonds d’aide à la rénovation thermique. Au total, dans votre région, ce sont plus de 3 000 logements qui ont été accompagnés dans le cadre du programme Habiter Mieux en 2014.
Toutefois, à l’échelon local, des difficultés de financement persistent, compte tenu de la forte demande. Je peux vous assurer que ces alertes ont été entendues ; nous avons ainsi décidé, dans le cadre du plan de relance des investissements, d’augmenter une fois encore les moyens de l’ANAH, en dotant l’Agence de 70 millions d’euros supplémentaires cette année, ce qui permettra de rénover plus de 50 000 logements. Les répartitions sont en cours de finalisation et seront adoptées lors du prochain conseil d’administration.
En ce qui concerne les 570 dossiers actuellement en stock dans la région Auvergne, dont 190 concernent le territoire de Clermont Communauté, j’ai le plaisir de vous annoncer que l’avenant pour 2015 de la convention de délégation des compétences vient d’être signé par le délégataire. Cela permettra l’ouverture des crédits de l’ANAH et du FART et l’engagement de tous les dossiers en stock depuis 2014 lors de la réunion de la commission programmée aujourd’hui même par le délégataire Clermont Communauté.
Nous en venons aux questions du groupe UDI. La parole est à M. Michel Piron.
Madame la ministre, ma première question concerne les aides personnelles au logement. Il s’agit d’un sujet dont nous avons déjà débattu dans l’hémicycle ces derniers mois, notamment à propos de l’aide personnalisée au logement – APL. Il s’agit d’un budget qui n’est pas négligeable, puisqu’il représente 18 milliards d’euros ; on comprend que certains ministères aient envie d’y regarder de plus près ! Néanmoins, méfions-nous d’une approche purement macro-économique qui, partant de moyennes recouvrant des écarts énormes, se fonderait sur des chiffres qui n’auraient rien de significatif.
Une première tentative avait été faite au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, visant à supprimer les aides personnelles pour les ménages accédant à la propriété. Le travail parlementaire avait permis de constater que cette proposition était particulièrement incohérente au regard tant de la situation des ménages concernés, souvent fragiles, que de l’état critique du secteur de la construction, le comble étant que la perte de recettes de TVA aurait été très supérieure aux économies attendues : 400 millions d’euros contre 154 millions.
Un groupe de travail parlementaire s’est réuni une dizaine de fois sur le sujet. Nous y avons de nouveau entendu le postulat que les aides seraient systématiquement inflationnistes, mais sans que personne soit en mesure de fournir la moindre explication ni la moindre preuve. Je veux rappeler que ces aides ont un caractère redistributif et, surtout, un effet solvabilisateur. Si elles n’existaient pas, on verrait immédiatement s’envoler les taux de sinistralité et s’effondrer la construction, car les accédants dépasseraient le taux d’effort admissible. Enfin, chaque fois que j’ai demandé aux experts si les aides dénoncées avaient le même impact en Île-de-France, dans les Pays-de-la-Loire, en Rhône-Alpes et en Champagne-Ardenne, ou, de manière plus précise, dans les Hauts-de-Seine et en Vendée, je n’ai obtenu aucune réponse. Pourquoi ? Parce qu’on ne dispose pas d’une approche des marchés tels qu’ils sont, c’est-à-dire des micromarchés du logement.
Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur le sujet ?
Monsieur le député Piron, je tiens tout d’abord à rappeler que les aides au logement sont des aides sociales, réservées à des personnes disposant de revenus modestes, puisque 80 % des allocataires gagnent moins que le SMIC. Elles sont, vous l’avez souligné, un rempart contre la pauvreté et l’exclusion. C’est pourquoi nous devons y prêter une grande attention.
Les aides au logement sont indispensables pour de nombreux ménages, qui ne pourraient pas se loger sans elles. C’est une exigence de solidarité, de justice et d’égalité entre les citoyens. Dans l’objectif de faire évoluer le système vers plus de lisibilité et d’équité, un groupe de travail parlementaire regroupant des députés de sensibilités différentes, présidé par François Pupponi et auquel vous appartenez, s’est réuni à de nombreuses reprises. Il a mené de nombreuses auditions auprès d’experts et des différentes parties prenantes et a prévu de rendre son rapport d’ici quelques mois.
Je peux vous assurer qu’à ce stade, aucun arbitrage n’a encore été rendu. Les discussions interministérielles, dans le cadre de la préparation du prochain projet de loi, ont commencé. C’est dans ce cadre que l’on décidera des économies à faire sur le budget du logement – qui devra, comme pour tous les autres ministères, contribuer à la réduction des déficits. Je précise que le Gouvernement prendra bien évidemment en compte les recommandations du groupe de travail parlementaire.
S’agissant d’un éventuel effet inflationniste, il est en effet inexact de dénoncer la revalorisation des APL au motif qu’elles feraient augmenter les loyers. Comme vous le savez, le vrai problème est le manque de logements accessibles et abordables pour les ménages les plus modestes,…
…en particulier dans les zones tendues, par exemple dans certaines grandes villes où les loyers sont chers parce que les logements ne sont pas assez nombreux. Le moyen le plus efficace pour lutter contre l’augmentation des loyers est de relancer la construction.
Tel est l’objet du plan de relance pour le logement que nous avons, avec le Premier ministre, présenté.
Cette réponse me va droit au coeur et me convainc volontiers ! C’est en effet l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande qui explique la hausse des prix, s’agissant aussi bien de l’accession à la propriété que des loyers.
Dans la même ligne, je souhaiterais mettre l’accent sur d’autres facteurs de la hausse des coûts : coûts de construction, voire coûts de réhabilitation.
Il y a deux grands sujets. L’un est récurrent depuis de très nombreuses années : il s’agit de la question foncière. L’offre foncière est en effet très faible. Lorsque, de surcroît, il s’agit de marchés extrêmement tendus, comme celui de l’Île-de-France, le coût du foncier peut représenter 40 à 50 % du prix final d’un logement – c’est le cas dans la petite couronne. Il y a donc un vrai problème de fiscalité du foncier. Voilà des années que l’on évoque le sujet : une grande partie de la plus-value est captée par des propriétaires qui bénéficient des investissements collectifs, réalisés par les collectivités. Nous n’avons pas réussi à être efficaces en la matière, ni par le passé, ni actuellement. Qu’en pensez-vous ?
La seconde question est celle des normes. Des études, croisées par de multiples intervenants, montrent que les deux tiers de la hausse de 53 % des prix au cours de ces dix dernières années sont imputables à l’avalanche de normes à laquelle nous avons eu droit. On estime ainsi que la réglementation thermique de 2012 a provoqué un surcoût de 8 à 12 % – et elle est loin d’être assimilée, alors que certains voudraient déjà la renforcer.
Pour ce qui est de l’accessibilité des logements, tout le monde s’accorde à dire, offices HLM et Union sociale pour l’habitat compris, que la loi Handicap ne répond pas aux vrais problèmes, le handicap n’étant pas seulement moteur et ne concernant pas la totalité des locataires. Il y a un vrai sujet à creuser sur l’évolutivité des logements. Il conviendrait de réviser ces normes qui ne sont guère adaptées tout en étant très coûteuses.
Quant aux risques sismiques, les périmètres de sismicité sont tout simplement aberrants !
Sourires.
Je ne le ferai donc pas, pour vous être agréable, madame la présidente. Je voudrais simplement connaître les priorités de Mme la ministre en ce domaine et savoir si elle pense pouvoir simplifier certaines normes.
Monsieur le député, je partage votre constat : il est nécessaire de simplifier les normes, qui ont fortement accru les coûts de construction. Il convient notamment de lever les blocages existants, afin de rendre les procédures plus simples et plus aisées et redonner ainsi confiance aux professionnels.
Ces mesures nous permettront de compléter le plan de relance que nous avons présenté. Sur les soixante-dix mesures de simplification annoncées, trente-sept sont d’ores et déjà en application. Ces mesures, qui ont été élaborées avec les acteurs concernés, sont particulièrement attendues. J’effectue en ce moment même un Tour de France de la construction, qui réunit l’ensemble des acteurs de la filière, et le sujet revient à chaque session.
Les mesures concernent toutes les dimensions de l’acte de construire ou d’aménager. Vous en connaissez certaines ; la dernière adoptée tend à créer un Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, chargé d’étudier le flux – puisque nous avons traité une partie du stock.
En ce qui concerne les normes d’accessibilité, treize mesures de simplification sont déjà en vigueur afin de faciliter l’accès aux établissements recevant du public. Nous souhaitons rendre cette réglementation plus lisible et plus simple dans son application, sans remettre pour autant en cause l’adaptation à toutes les formes de handicap.
Un projet de décret relatif à l’accessibilité des bâtiments d’habitation sera ainsi publié d’ici à l’été. Il est en cours de consultation auprès du Conseil national consultatif des personnes handicapées et a été en parallèle notifié à la Commission européenne. Il sera ensuite, conformément à la procédure, examiné par le Conseil d’État. Un arrêté relatif aux établissements recevant du public neufs et aux logements neufs sera publié courant 2015.
Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est très attentif à la question de la simplification. Nous avons conscience que ce secteur mérite une attention particulière si l’on veut redonner confiance à l’ensemble des acteurs.
Nous en arrivons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. La parole est à M. Joël Giraud.
Madame la ministre, ma question concerne l’octroi de prêts à taux zéro – PTZ – pour l’achat de logements anciens à réhabiliter en milieu rural. Cette mesure, prévue par la loi de finances pour 2015, vise à relancer l’activité par des travaux de réhabilitation et à préserver l’attractivité des territoires ruraux, en favorisant la revitalisation des centres-bourgs.
Le renforcement du PTZ doit favoriser l’accession à la propriété, qui est l’une des clés pour relancer l’activité économique dans le secteur du bâtiment. Le PTZ est en outre un outil privilégié pour favoriser l’accession sociale à la propriété et apporte une meilleure solvabilité aux ménages.
Environ 6 000 communes ont été sélectionnées en raison de leur caractère rural, de leur niveau de services et d’équipements existants et de leur potentiel de logements à réhabiliter. Cela représente une très faible proportion des communes rurales de France : environ soixante par département. Beaucoup d’élus ne comprennent pas le critère de niveau de services et d’équipements existants. En outre, une compétition peut apparaître entre communes voisines, l’une bénéficiant du PTZ réhabilitation alors que l’autre n’y est pas éligible. Cette sélection et la concurrence qu’elle engendre nuit au bon fonctionnement d’un dispositif pourtant bienvenu et utile.
La délivrance de permis de construire dans les territoires ruraux étant largement encadrée et limitée, il serait nécessaire d’étendre le champ du PTZ à toutes les communes rurales. L’objectif ne serait plus uniquement de relancer la construction, mais de revitaliser toutes les communes rurales par la rénovation de logements anciens. Madame la ministre, le Gouvernement envisage-t-il une telle extension ?
Vous m’interrogez, monsieur le député, sur le prêt à taux zéro, dont, à compter du 1er janvier dernier, nous avons étendu le champ à l’achat de logements anciens dans 6 000 communes rurales, sous réserve de la réalisation de travaux de rénovation. Je suis particulièrement heureuse que ce gouvernement ait été à l’origine de ce dispositif incitatif qui permet à certaines communes de regagner en attractivité et d’accueillir de nouveaux habitants tout en valorisant leur patrimoine bâti existant. Vous l’avez rappelé, le PTZ réhabilitation concerne actuellement des communes rurales disposant d’un potentiel de logements à rénover et d’un minimum de huit équipements de proximité ou intermédiaires, au sens défini par l’INSEE, afin d’assurer l’accès de leurs habitants à un minimum de services.
Je comprends naturellement la préoccupation des élus de territoires ruraux, qui veulent élargir le bénéfice du PTZ réhabilitation à l’ensemble de la zone C, la moins tendue – à l’ensemble donc des communes rurales.
Je suis en effet sensible aux arguments que vous avez avancés sur la nécessaire lisibilité du dispositif. Chacun ici le sait : plus un dispositif est simple dans son application, plus il est utilisé. Par conséquent, je suis favorable à ce que nous puissions évaluer ce dispositif de manière objective et transparente. Examinons le fonctionnement de cette première version du PTZ dans les communes rurales avant de nous pencher sur la question de son éventuelle extension à la totalité des communes rurales dans le cadre d’une prochaine loi de finances.
Je veux cependant vous préciser, monsieur le député, que la réflexion menée par le Gouvernement sur la revitalisation des centres-bourgs des communes en milieu rural compte aussi parmi les mesures annoncées lors du comité interministériel aux ruralités en faveur du développement économique et de l’attractivité de ces territoires. Il s’agit aussi de répondre à leurs préoccupations, et je sais que vous y êtes particulièrement attaché. Vous le voyez, le Gouvernement comprend les attentes du monde rural.
Madame la ministre, la crise du logement que notre pays connaît depuis maintenant de nombreuses années recouvre des réalités très diverses. Au-delà du besoin, bien réel, de construire des logements neufs dans nos territoires, sujet sur lequel je vous sais très mobilisée et pour lequel nous avons voté des mesures fiscales et budgétaires importantes, il est un autre enjeu sur lequel je souhaite attirer votre attention : il s’agit de répondre aux besoins importants des plus modestes de nos concitoyens propriétaires en ce qui concerne la rénovation de leurs logements anciens dégradés. C’est une problématique qui touche très durement les villes petites et moyennes de nos territoires.
On estime ainsi aujourd’hui à près de 500 000 le nombre de logements très dégradés, pour la réhabilitation desquels une aide des pouvoirs publics serait nécessaire. L’intérêt est bien sûr d’améliorer la qualité de vie de nos concitoyens les plus fragiles, mais aussi de favoriser la revitalisation de nos centres-villes et centres-bourgs anciens, pour soutenir leur développement ou renforcer leur attractivité. Il s’agit enfin de soutenir concrètement l’activité de nos artisans du bâtiment qui souffrent aussi du ralentissement conjoncturel du secteur.
C’est l’une des missions principales de l’Agence nationale de l’habitat que d’agir pour l’amélioration du logement des ménages les plus modestes en proposant un accompagnement et des aides financières aux propriétaires occupants ou bailleurs qui engagent des travaux importants de réhabilitation pour des conditions de vie plus dignes. L’ANAH pilote également le programme Habiter Mieux, que vous avez évoqué tout à l’heure, qui est l’un des principaux dispositifs du plan de rénovation énergétique de l’habitat. Elle participe aussi aux actions de prévention et de traitement des copropriétés fragiles ou en difficulté, en finançant l’assistance à maîtrise d’ouvrage et les programmes opérationnels de prévention et d’accompagnement.
Il apparaît toutefois que des opérateurs qui mettent en place des opérations programmées d’amélioration de l’habitat se trouvent dans l’incapacité d’assurer les nombreuses demandes de subventions en raison de l’insuffisance de crédits mis à disposition par l’ANAH. Selon l’ANAH et les opérateurs, cette situation résulte de la sous-dotation de l’ANAH, de l’insuffisance des crédits qui lui sont alloués par l’État. Répondant tout à l’heure à la question du président Chassaigne, vous avez évoqué les problèmes de Clermont Communauté. Pouvez-vous détailler les mesures envisagées au niveau national pour y remédier, alors que le Gouvernement a fait de l’économie d’énergie et de la rénovation thermique un des piliers de sa politique en matière de logement ?
Vous m’interrogez, monsieur le député, sur un aspect essentiel de la politique du logement que je conduis, qui est l’aide à la rénovation des logements privés anciens dégradés. J’étais d’ailleurs hier à Nîmes pour la signature d’une importante convention entre l’ANAH et l’ANRU, et je me félicite du fait que ladite convention améliorera grandement le service rendu aux collectivités grâce à une bien meilleure coordination des différentes interventions. Je partage votre constat : trop de nos concitoyens sont en effet touchés par le mal-logement et l’habitat indécent. Or la dégradation du milieu urbain entraîne le délitement du lien social. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement mène une politique volontariste en matière de résorption de l’habitat ancien dégradé, et mon ministère travaille actuellement avec l’ANAH pour élaborer un plan pluriannuel en faveur du traitement des copropriétés fragiles et en difficulté.
Ce plan, qui devrait être finalisé dans les prochains mois, s’articulera autour de trois axes. Le premier est l’action aux côtés des collectivités. Nous encourageons de véritables dynamiques territoriales. Le deuxième est l’observation du parc et la prévention, dont vous avez souligné l’importance. Nous ferons en sorte de mieux anticiper de futures dégradations en accompagnant les copropriétés concernées. Enfin sera envisagée une intervention différenciée selon les situations. Les réponses ne peuvent pas être les mêmes selon qu’il s’agit de grands ensembles ou bien de petites et moyennes copropriétés, notamment au centre de villes moyennes ou de bourgs en perte d’attractivité.
Un travail de réflexion est mené en parallèle au sujet de l’habitat privé dans certains centres anciens et centres-villes qui doivent faire l’objet de véritables projets de requalification. En ce qui concerne le financement du programme Habiter Mieux, qui connaît un véritable succès, j’ai déjà répondu au président Chassaigne, mais je vous confirme que nous venons, avec le Premier ministre, de débloquer 70 millions d’euros supplémentaires pour le budget de l’ANAH. La répartition géographique est en cours de finalisation, elle sera validée lors du prochain conseil d’administration de l’ANAH. Je suis certaine que de nombreuses demandes de votre région pourront ainsi être satisfaites.
Nous en venons aux questions du groupe écologiste. La parole est à Mme Michèle Bonneton.
Madame la ministre, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové prévoit en son article 22 que le Gouvernement doit rendre un rapport avant la fin de l’année 2014 sur le dispositif de défiscalisation inscrit à l’article 199 sexvicies du code général des impôts, dispositif dit « Censi-Bouvard », portant notamment sur les différentes catégories de logements concernées par cet article, à savoir les résidences pour personnes âgées ou pour étudiants et les résidences touristiques de loisirs. Ce rapport ne semble pas avoir été publié.
Une partie du dispositif concerne le secteur du loisir. Cela m’amène, madame la ministre, à vous interroger sur les conséquences de la suppression de la procédure des UTN, les unités touristiques nouvelles, qui concerne non seulement les unités touristiques mais aussi certaines extensions – d’un port, d’une station touristique de montagne ou de bord de mer… Cette procédure a l’avantage de réunir autour d’une même table les différents acteurs d’un territoire pour évaluer l’intérêt du projet sous ses différents aspects – économique, social, environnemental. À l’heure actuelle, la procédure d’UTN n’intervient plus que lorsque le territoire n’est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale – SCOT. Or tous les lieux touristiques ne sont pas couverts par des SCOT. Ainsi, le projet de suppression des UTN dans le projet de loi pour la croissance et l’activité va de fait créer un vide juridique, ce qui est préjudiciable. En effet, compte tenu des évolutions de la demande de la société, conserver le patrimoine d’aujourd’hui, c’est assurer des revenus pour demain.
Aussi, madame la ministre, vous poserai-je deux questions. Tout d’abord, pouvez-vous me dire quand le rapport sur le dispositif de défiscalisation immobilière Censi-Bouvard sera disponible ? Ensuite, comment envisagez-vous de combler le vide juridique qui serait créé par la suppression de la procédure unités touristiques nouvelles ? Ne serait-il pas préférable de laisser cette procédure disparaître au rythme des créations des nouveaux SCOT ?
Vous m’interrogez, madame la députée, sur le dispositif Censi-Bouvard, et notamment sur la remise au Parlement d’un rapport dédié. Je veux vous rassurer : le Gouvernement rendra ce rapport public dans les prochains mois.
Vous m’avez également interrogée sur la réforme prévue à l’article 28 du projet de loi pour la croissance et l’activité. Celle-ci vise seulement à supprimer la procédure d’autorisation spéciale actuellement applicable aux unités touristiques nouvelles dans les communes de montagne non couvertes par un schéma de cohérence territoriale. Elle prévoit en revanche le maintien d’un contrôle mieux adapté des projets d’UTN dans le cadre des documents d’urbanisme locaux ou des autorisations d’urbanisme. Cette réforme répond aux besoins actuels de simplification administrative et d’accélération des procédures d’autorisation d’urbanisme dans le respect des préoccupations environnementales.
Dans ce cadre, deux cas de figure se présentent, et les modalités de contrôle des UTN diffèrent selon que le territoire concerné est couvert ou non par un document d’urbanisme. Ainsi, la suppression de cette procédure d’autorisation des UTN, qui est une procédure supplémentaire par rapport aux autorisations d’urbanisme de droit commun, ne supprimera ni le contrôle des projets d’équipement touristique en zone de montagne ni l’intervention des services de l’État. Ces derniers restent associés aux procédures d’élaboration ou d’évolution des documents d’urbanisme. Il n’y aura donc aucun vide juridique en ce qui concerne les projets prévus dans les communes non couvertes par un SCOT. Cette réforme devrait au contraire entraîner une clarification de la prise en compte de ces projets dans les documents d’urbanisme locaux. Et puis, madame la députée, je rappelle que la loi montagne est actuellement l’objet d’une mission parlementaire. Deux députés y travaillent, et nous aurons donc l’occasion de regarder attentivement les préconisations de leur rapport.
Madame la ministre, ma question revient sur le sujet des aides personnelles au logement, souvent regroupées sous le sigle APL. Comme vous le savez, le coût de ces allocations a considérablement augmenté ces dernières années. Alors qu’il s’élevait à 4,6 milliards d’euros en 1984, il atteint 18 milliards dans le budget 2015. Dans les années à venir, cette tendance pourrait même encore s’aggraver compte tenu des difficultés croissantes des ménages à supporter le coût de leur logement.
Au mois janvier dernier, un rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales avait proposé la suppression des APL pour les étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Cela a suscité, évidemment, de fortes inquiétudes. Plus récemment, l’option d’un ajustement de ces aides a de nouveau été évoquée pour compenser la rallonge au budget de la défense.
Dans ce contexte, il nous revient de poser le débat sereinement. Certes, la question de la réforme des APL peut effectivement se poser, notamment parce que certains bénéficiaires disposent déjà d’un patrimoine et parce que ces allocations peuvent contribuer à l’augmentation des loyers et finissent parfois par profiter plus aux bailleurs qu’aux ménages. Mais le débat ne saurait pour autant, comme l’a récemment rappelé François Pupponi, président du groupe de travail parlementaire sur les aides personnelles au logement, se poser uniquement en termes d’économies. La question mérite une réforme en profondeur.
Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer quelle est votre orientation et celle du Gouvernement sur ce délicat sujet des APL, qui suscite de légitimes inquiétudes ? Y a-t-il un projet de réforme des critères d’attribution ou des montants des aides personnelles au logement ?
Je comprends, monsieur le député, les nombreuses interrogations que suscite la question des aides au logement. Comme vous, j’ai vu et entendu ce qui a été relayé dans la presse. Le sujet donne d’ailleurs matière à beaucoup de débats, assez régulièrement. Avant toute chose, je veux redire que les allocataires des aides au logement sont des personnes modestes. Ainsi, 80 % des allocataires gagnent moins que le SMIC. Les revenus moyens des allocataires sont d’environ 700 euros par mois, pour un montant d’aide moyen de 230 euros mensuels. Enfin, je rappelle que plus de 6,5 millions de bénéficiaires sont aujourd’hui concernés. Les aides au logement sont indispensables à la plupart d’entre eux. Comme vous l’avez souligné, beaucoup ne pourraient se loger sans ces aides. Il s’agit d’une exigence de solidarité, de justice et d’égalité, comme je l’ai dit tout à l’heure.
La thématique des APL figurait dans le champ des évaluations des politiques publiques demandées par le Gouvernement, en prévision du prochain examen budgétaire. Cette évaluation sera très prochainement transmise au Parlement. Ce dernier s’est d’ailleurs d’ores et déjà saisi de ce sujet, puisqu’un groupe de travail parlementaire, regroupant des députés de toutes sensibilités et présidé par François Pupponi, s’est réuni plus d’une dizaine de fois ces dernières semaines. Il a mené de nombreuses auditions, rencontré beaucoup d’experts, pour rendre son rapport d’ici quelques mois.
Bien évidemment, le Gouvernement sera attentif aux recommandations et aux préconisations que ce groupe de travail pourra formuler, tant à court terme qu’à moyen terme. Nous privilégions une démarche pragmatique, centrée sur l’écoute, la concertation avec les acteurs et l’analyse. Comme je l’ai dit tout à l’heure, à ce stade, aucun arbitrage n’a été rendu.
Ce sujet touche à la vie quotidienne de nos concitoyens les plus modestes : il est donc beaucoup trop important pour être traité de manière précipitée. Il mérite un travail approfondi et sérieux, et notre plus grande attention.
Nous en venons aux questions du groupe SRC.
La parole est à M. Frédéric Roig.
Madame la ministre, le Gouvernement a fait le choix de relancer la construction et de faciliter l’accès au logement, pour faire face à la crise. Un plan exceptionnel de mesures fiscales, dont l’impact s’élève à 400 millions d’euros en 2015, a été mis en place.
L’accès au logement, comme l’accès au travail, est la priorité des Français. Trop de personnes sont encore mal logées, et d’autres vivent dans la rue : il est de notre responsabilité d’aider les ménages à se loger, et d’améliorer leur qualité de vie dans nos territoires.
J’aimerais évoquer avec vous les mesures qui ont été prises, et les spécificités des territoires ruraux et périurbains. Concernant la revitalisation des centres-bourgs, un dispositif expérimental a été engagé pour encourager les collectivités rurales et périurbaines à mener un projet de revitalisation, en créant une offre de logements, de commerces, d’équipements et de services adaptée aux besoins des habitants, afin de limiter l’étalement urbain. Il est intéressant de savoir où en est cette expérimentation.
Pour l’accès à la propriété, nous avons voté l’élargissement à certaines collectivités du prêt à taux zéro pour l’achat de logements anciens à réhabiliter dans les communes en milieu rural, connaissant un niveau de vacance élevé et offrant un niveau minimal de services à la population. De plus, il m’apparaît primordial de créer une nouvelle offre de logements intermédiaires et de ne pas oublier les logements sociaux. Les territoires ruraux n’échappent malheureusement pas à la précarité.
Comptez-vous, en faveur de ceux qui créent des logements, simplifier les normes de construction et d’engagement de procédures d’urbanisme ? Les artisans, notamment dans la filière du bâtiment, s’inquiètent d’un certain nombre de mesures qui rendent la réalisation des équipements plus compliquée. Il faut donc encourager à la fois la simplification, traiter le problème du détachement de main-d’oeuvre, mais aussi encourager le secteur de la construction et du bâtiment sur le plan fiscal.
Beaucoup de mesures ont été prises. Il faut en dresser le bilan intermédiaire. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, l’impact de ces mesures, et celles que vous souhaitez prendre pour permettre à tous les citoyens, dans ces territoires ruraux et périurbains, de se loger ?
Monsieur le député, vous m’interrogez sur la relance de la construction, notamment dans les territoires ruraux et périurbains. Comme vous le savez, nous avons présenté aux mois de juin et d’août derniers, avec le Premier ministre, un plan de relance articulé autour de cinq priorités. Ce plan est adapté aux situations locales et aux territoires.
L’accession à la propriété, que vous avez évoquée, a été améliorée dans les zones moins tendues, pour permettre aux ménages modestes de se loger et de devenir propriétaires. C’est ainsi que le prêt à taux zéro pour les logements neufs a été amélioré, élargi et assoupli. Dans le même temps, nous avons décidé d’ouvrir le prêt à taux zéro à l’achat de logements anciens dans un certain nombre de communes rurales.
Nous avons aussi lancé une expérimentation à propos de la revitalisation des centres-bourgs, avec une approche transversale et globale de tout ce qui fait la vie dans un village ou une commune rurale. Nous étudions en ce moment même la possibilité d’élargir ce dispositif à d’autres communes, notamment celles qui n’auraient pas été retenues après l’appel à manifestation d’intérêt. Je souligne, d’ailleurs, qu’un certain nombre de préfets de région, en lien avec les présidents de conseils régionaux, ont souhaité inclure ce dispositif dans le volet territorial des contrats de plan État-région.
Vous le voyez : nous avons agi pour l’accession à la propriété. Mais nous ne délaissons pas le champ du logement social, si cher à Jean-Louis Dumont, en faveur des communes rurales. C’est le sens de l’agenda HLM que nous avons conclu avec l’Union sociale pour l’habitat. Nous travaillons aussi à la simplification des normes, qui sont importantes à la fois pour les ménages, les investisseurs et le mouvement HLM. Tous ces efforts, conjugués à la mobilisation des acteurs de terrain, doivent nous permettre de relancer la construction sur l’ensemble des territoires, là où sont les besoins, et de répondre aux attentes de nos concitoyens.
Madame la ministre, ma question portera sur la mixité sociale. Il y a dix ans, après les émeutes de 2005, nos concitoyens habitant les quartiers les plus défavorisés avaient manifesté un sentiment d’abandon. En janvier dernier encore, après les attentats de Charlie Hebdo, on a pu constater la fracture qui sépare une partie de la population du sentiment national. Oui, il y a bien, dans certaines villes, dans certains quartiers devenus des ghettos, des dysfonctionnements majeurs qui portent atteinte à l’une des trois valeurs de notre devise républicaine : l’égalité.
Égalité entre les citoyens, égalité des chances, égalité des territoires : c’est l’égalité républicaine tout entière qui est mise à mal quand des familles s’inquiètent de la possibilité, pour leurs enfants, de connaître une vie moins difficile que la leur. Ce constat, madame la ministre, est bien partagé par le Gouvernement, et vous apportez aujourd’hui la preuve de votre détermination à lutter contre ce fléau.
La mixité sociale, qui nous fait défaut, est une réponse à cette concentration d’inégalités, qui nourrissent le communautarisme et minent le sentiment d’appartenance républicaine. Favoriser cette mixité, c’est renforcer le lien qui nous unit. C’est lutter contre toutes les formes de discrimination. C’est aussi lutter contre l’exclusion dont se sentent victimes les Français les plus défavorisés, les laissés-pour-compte de la République. C’est enfin, madame la ministre, cesser d’ajouter de la pauvreté à la pauvreté.
Madame la ministre, je vous sais entièrement mobilisée sur cette question. Vous avez présenté une série de propositions lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 7 mars dernier. Je souhaiterais savoir quelles mesures concrètes vous entendez prendre pour développer l’attractivité des quartiers défavorisés.
Comment favoriser une offre de logement plus diversifiée ? Comment attirer les classes moyennes d’un côté, et de l’autre offrir de nouvelles opportunités aux foyers modestes ? Je pense notamment au potentiel immense que peut représenter une population plus variée dans les collèges. En bref, vous l’aurez compris, comment renforcer cette mixité sociale ?
Monsieur le député, vous avez parfaitement dressé le constat de la situation dans beaucoup de nos territoires. Je vous confirme que l’ambition du Gouvernement est d’engager plusieurs actions coordonnées pour améliorer la mixité sociale à l’échelle des quartiers, des immeubles. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de présenter, le 15 avril dernier, vingt propositions au Conseil des ministres.
Pour cela, il est d’abord indispensable de relancer la construction, pour produire une offre diversifiée de logements adaptés aux besoins de nos concitoyens et bien répartis. C’est le sens de la loi SRU, qui doit nous permettre d’améliorer la situation. Pour cela, comme vous le savez, des consignes de fermeté ont été données aux préfets. Une instruction leur sera adressée très prochainement pour qu’ils puissent utiliser, chaque fois que c’est nécessaire, leur droit de préemption, afin de délimiter des secteurs où l’État reprendra l’instruction et la délivrance des permis de construire, pour produire des logements sociaux là où le besoin s’en fait sentir.
Bien sûr, ces dispositions nécessiteront des adaptations législatives. Il faudra faire évoluer un certain nombre de dispositifs. C’est le sens du projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui vous sera présenté à l’automne, pour améliorer non seulement la production de logements sociaux, mais aussi la politique d’attribution de ces logements. Les critères d’attribution seront définis à l’échelle intercommunale ou métropolitaine. Enfin, un travail important sera accompli, avec le mouvement HLM, pour dresser une cartographie plus précise des immeubles, afin de procéder par la suite à des rééquilibrages, notamment par la politique de révision des loyers.
Comme vous le voyez, c’est une action coordonnée, en trois axes, qu’il convient de mener. Il s’agit de faire vivre ces belles valeurs d’égalité et de citoyenneté partout, dans tous les territoires de notre République.
Nous revenons aux questions du groupe UMP.
La parole est à M. Martial Saddier.
Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord, puisque c’est la première fois que je prends la parole dans cet hémicycle depuis le week-end dernier, d’exprimer ma solidarité envers les nombreuses personnes qui ont subi – et subissent encore, au moment où je parle – les conséquences de crues historiques dans les Alpes du Nord, particulièrement dans le département de la Haute-Savoie.
Madame la ministre, le secteur du bâtiment et de la construction traverse depuis plusieurs années une crise sans précédent. Au-delà de cette crise, qui touche l’ensemble de notre économie, la dégradation du marché de l’immobilier est aggravée par la multiplication des recours contentieux. On peut affirmer que ces recours exercés contre les permis de construire sont de plus en plus abusifs, surtout dans les zones où la pression foncière est très forte, ce qui est le cas dans le département de la Haute-Savoie.
Le tribunal administratif de Grenoble a enregistré en 2014, pour le département de la Haute-Savoie, plus de 337 recours concernant l’urbanisme en général, dont 243 étaient uniquement relatifs aux permis de construire et aux autorisations d’occupation des sols. Plus généralement, depuis 2011, le contentieux en matière d’urbanisme – plus particulièrement les recours dirigés contre des permis de construire – n’a cessé d’augmenter dans ce département. Maire depuis 2001, j’ai également constaté la multiplication inquiétante de ce type de recours dans ma commune de Bonneville. Ils témoignent parfois d’une réelle volonté de nuire. Il s’agit même parfois – nous le savons tous mes chers collègues, et je suis libre de le dire dans cet hémicycle – de négocier des avantages matériels ou financiers en échange du retrait du recours.
Il faut ajouter à cela l’allongement des délais de jugement, qui paralysent très souvent les projets immobiliers, parfois pendant plusieurs années, et décalent ainsi le temps politique par rapport au temps du projet immobilier. Tout cela a de graves répercussions sur la construction de logements. De plus, en bloquant les projets de construction privée, on bloque également, en fait et en droit, la quasi-totalité des logements sociaux : je tenais à le préciser, puisque nous sommes tous soucieux de la mixité sociale. C’est le cas dans certains départements, dont la Haute-Savoie.
Ces délais ont par ailleurs un impact non négligeable sur les recettes fiscales. L’emploi dans le secteur du bâtiment pâtit aussi fortement de cette situation : 30 000 postes ont été détruits au cours de l’année 2014. Alors que l’objectif poursuivi par l’ordonnance du 18 juillet 2013 et le décret du 1er octobre 2013 était de réduire les abus et d’accélérer les procédures en matière d’urbanisme, les résultats ne sont toujours pas visibles dans de nombreuses régions.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous présenter les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour réduire efficacement le nombre de recours contentieux abusifs et pour diminuer les délais de jugement afin de relancer durablement le secteur du bâtiment et la construction tant publique que privée ?
Monsieur le député, la multiplication des contentieux et le délai de traitement des recours sont, vous l’avez rappelé, un véritable frein à la construction. Il est donc essentiel de travailler à ce problème juridique, dont l’impact financier est très important. Le Gouvernement a pris un certain nombre de dispositions, notamment l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, afin de clarifier les règles relatives à l’intérêt pour agir, et d’instituer un mécanisme de régularisation des permis en cours d’instance.
Cette ordonnance permet également aux bénéficiaires d’un permis de construire contre lequel est dirigé un recours contentieux de demander au juge administratif, par un mémoire distinct, de condamner l’auteur du recours à lui verser des dommages et intérêts. Il peut aussi saisir le juge civil à cet effet. Cette ordonnance a aussi encadré la transaction relative au désistement du recours en annulation. Vous avez décrit ces situations de manière très juste : il s’agit effectivement d’une forme de chantage qu’il faut condamner.
Le décret du 1er octobre 2013 a par ailleurs complété ce dispositif par deux nouvelles mesures. Il s’agit d’abord de la cristallisation des moyens : désormais, le juge administratif peut décider qu’après une certaine date, les parties ne peuvent plus invoquer de nouveaux moyens. Il s’agit ensuite de la suppression de l’appel : désormais, le tribunal administratif est compétent pour juger en premier et dernier ressort d’un recours contre un permis de construire ou de démolir certains bâtiments dans certaines villes, notamment en zone tendue.
Je vous confirme mon intention de poursuivre dans cette voie. Les premières initiatives que je viens de décrire commencent à être connues et permettent de réguler certains recours, mais d’autres aspects méritent d’être pris en compte en cette matière.
Le rapport que m’a remis le préfet Duport contient une mesure prévoyant l’obligation pour un maire de motiver de manière exhaustive son refus de permis pour permettre au juge de statuer en une seule fois et éviter les allers-retours sur un même dossier.
En revanche, je regrette que la mesure que nous avions proposée pour réformer l’action en démolition ait été supprimée par vos collègues au Sénat lors de l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité. Elle consistait pourtant à recentrer le champ d’application d’un recours spécifique entraînant la démolition du bien en cas de validation par le juge de ce recours. Concernant les recours malveillants, l’utilisation de cette procédure conduit à geler le commencement des travaux, l’investisseur craignant toujours une possible démolition au terme d’une procédure qui peut prendre, par ailleurs, plusieurs années.
L’objectif est donc bien de fluidifier et d’accélérer le traitement des recours contentieux afin de donner une meilleure visibilité aux porteurs de projets. Dans cette perspective, le Gouvernement présentera à nouveau cet amendement lors de la nouvelle lecture du texte à l’Assemblée nationale. Je ne doute pas, monsieur le député, que vous le soutiendrez.
2014 a été une année noire pour le logement : 266 500 nouveaux logements, soit le chiffre le plus bas depuis 1997. L’année 2015 débute encore plus mal puisque l’on constate une baisse de 8,3 % des mises en chantier de logements neufs pour le premier trimestre par rapport aux trois premiers mois de 2014. Sur cette période, les permis de construire accordés sont en recul de 12,5 %, ce qui augure encore de mauvais résultats pour l’année 2015.
Où sont les 500 000 nouveaux logements par année de mandat promis par le Président de la République ? Vous avez annoncé la mise en place d’un nouvel indicateur plus fiable pour déterminer le nombre de logements neufs construits. Croyez-vous sincèrement que changer notre thermomètre suffira à enrayer la crise du logement ? Aujourd’hui, nous connaissons les freins à la construction. D’abord, le prix élevé du foncier dans les zones tendues : les mesures de libéralisation du foncier public et privé prises ces dernières années n’ont apparemment eu aucun impact – l’on pourrait aussi évoquer la fiscalité. Autre frein, la hausse des coûts de la construction : où sont les mesures de simplification des normes régulièrement promises avec force par le Président de la République ? Mais le principal frein est le manque de lisibilité et la forte variabilité dans le temps de l’environnement normatif.
Ainsi, la liste est longue des questions techniques sans réponse juridique précise, comme en témoignent ces deux exemples qui m’ont été récemment rapportés : le préavis réduit pour les logements en zone tendue ou les cas de remise en cause de la TVA à taux réduit. De plus, vous avez annoncé le durcissement de la procédure d’expulsion, ce qui s’ajoute aux contraintes issues de la loi Duflot et accentue le déséquilibre des relations entre les locataires et les propriétaires, souvent modestes, qui ont des prêts, des charges et ont souvent investi pour préparer leur retraite.
Madame la ministre, vous le savez, la confiance des ménages et des opérateurs est essentielle. Quelles sont, en 2015, vos propositions, faisant suite aux promesses du Président de la République, pour redonner confiance ?
Madame la députée, je rappelle, sans chercher à polémiquer, que la crise de la construction n’a pas débuté en 2012 mais bel et bien en 2008 ou 2009. Ce Gouvernement a justement voulu relancer ce secteur essentiel à la fois pour l’activité économique et pour l’accès au logement de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté, avec le Premier ministre, au mois de juin et d’août dernier, un plan de relance de la construction qui vise à agir sur l’ensemble des segments du marché et de l’offre de logements. En matière de simplification, j’ai rappelé tout à l’heure que nous avons présenté soixante-dix mesures, dont trente-huit sont d’ores et déjà opérationnelles. Nous avons amélioré les dispositifs d’accession sociale à la propriété mais également réformé le prêt à taux zéro dans le neuf et dans l’ancien. Nous avons assoupli le dispositif d’investissement locatif pour le rendre plus attractif.
Je suis très régulièrement sur le terrain et j’ai initié un tour de France de la construction. Les promoteurs me disent que, depuis quelques semaines, ils sentent un frémissement. Leurs bureaux de vente sont beaucoup plus fréquentés et les potentiels investisseurs sont au rendez-vous car ces mesures sont de nature à restaurer la confiance et à rassurer les ménages. Nous devons poursuivre ce travail d’abord par une mobilisation sur le terrain visant à expliquer l’ensemble des dispositifs fiscaux, de simplification, d’accession sociale, d’investissement locatif, pour donner à l’ensemble des acteurs la visibilité et la stabilité nécessaires. Les collectivités territoriales doivent également participer à cet effort avec les bailleurs sociaux. Je ne peux que regretter que, dans certains territoires, depuis les élections municipales, certains projets de construction de logements sociaux soient retardés, abandonnés ou bloqués. Vous le voyez, nous avons besoin de consensus sur ce sujet, qui est essentiel pour les entreprises et surtout pour nos concitoyens.
Nous en revenons aux questions du groupe GDR.
La parole est à M. André Chassaigne.
Je me fais, avec cette question, le porte-voix des députés Front de gauche d’Île-de-France : François Asensi, Marie-George Buffet et Jacqueline Fraysse. Le Gouvernement a rendu public, début avril, les sites retenus pour accueillir les constructions de logements annoncées par Manuel Valls le 13 octobre dernier. La répartition des sites retenus pour la construction de près de 200 000 logements pose un problème de méthode mais aussi de fond. Concernant la méthode, le Gouvernement donne les mains libres à l’État pour imposer ses projets contre l’avis des élus locaux et des populations concernées. C’est une grave anomalie démocratique, alors que les villes et les intercommunalités ont défini des objectifs ambitieux de construction dans le cadre des plans locaux d’urbanisme – PLU –, des contrats de développement territorial et des programmes locaux de l’habitat.
S’agissant de la répartition de l’effort de construction, nous la jugeons inacceptable. Sur les huit départements que compte la région capitale, la Seine-Saint-Denis supportera plus du tiers de l’effort de construction. Avec quels moyens nouveaux, alors que les dotations baissent ? Comment les villes pourront-elles faire face aux besoins de ces 200 000 nouveaux habitants en Seine-Saint-Denis ? Avec quel argent construire de nouvelles crèches, de nouvelles écoles, de nouveaux centres de soins ? Comment ne pas évoquer aussi le projet délirant d’amputer le parc Georges-Valbon, à La Courneuve, de 80 hectares pour imposer la construction de 24 000 logements ? Ce projet risque de priver les habitants de ce territoire de leur poumon vert.
Nous ne pouvons accepter cette centralisation autoritaire, ni que les communes privilégiées de l’ouest parisien soient une nouvelle fois épargnées alors qu’il faudrait au contraire les obliger à construire plus, car elles ont les moyens d’accueillir de nouvelles populations. Poursuivre dans la logique actuelle aurait des conséquences dramatiques pour la qualité de vie des habitants d’Île-de-France et pour le rayonnement de la plus riche région d’Europe. Compte tenu de ces remarques, le Gouvernement est-il prêt à revoir sa copie pour enfin respecter les projets défendus par les élus locaux ?
Monsieur le député André Chassaigne, je vous remercie pour votre question, qui me permettra de préciser les intentions du Gouvernement et de dissiper certains malentendus, plus ou moins bien intentionnés, qui ont pu naître ces dernières semaines. Face à l’ampleur des besoins et à l’urgence de la situation du logement en Île-de-France, connue de tous, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et chacun doit assumer pleinement ses responsabilités. C’est le sens du plan de mobilisation pour le logement décidé par le Gouvernement à l’automne dernier lors du comité interministériel présidé par le Premier ministre sur le Grand Paris. Il s’agit de profiter de l’opportunité que constitue le réseau de transport du nouveau Grand Paris pour bâtir de nouveaux quartiers à proximité des futures gares. C’est une chance pour rééquilibrer l’aménagement en Île-de-France et pour lutter contre les inégalités actuelles.
Mais je tiens à insister sur plusieurs points. Tout d’abord, il ne s’agit nullement pour l’État de se substituer aux collectivités mais d’agir comme un facilitateur au service de projets partagés, même si c’est aussi le rôle de l’État d’être garant de l’intérêt général et d’arbitrer, le cas échéant, contre d’éventuels égoïsmes locaux. Ensuite, il s’agit bien de promouvoir des projets mêlant logements de tous types, en s’attachant bien sûr à favoriser la mixité sociale. Enfin, la méthode que nous avons retenue se veut pragmatique et très largement concertée. Nous venons ainsi de lancer les ateliers du Grand Paris de l’aménagement et du logement, qui se tiendront d’ici à cet été partout en Île-de-France et permettront de dialoguer avec les élus et les acteurs locaux des opportunités de chaque territoire et des projets qui nécessiteraient un appui de l’État.
Un travail préparatoire à ces ateliers a été mené par un comité d’experts chargé d’identifier un certain nombre de sites susceptibles d’accueillir des opérations d’aménagement. Ce travail a fait couler beaucoup d’encre et suscité de nombreuses interrogations ou inquiétudes chez certains élus. Je répète ici que ce travail purement technique n’engage en rien le Gouvernement et ne présage pas du choix des sites qui seront retenus en septembre prochain. Ce n’est donc qu’à l’issue de cette phase de concertation que seront décidés les territoires concernés et la nature de l’accompagnement de l’État.
S’agissant du recours éventuel à la procédure d’opérations d’intérêt national – OIN –, je répète ici clairement que celle-ci n’est qu’un outil parmi d’autres. Tous les sites identifiés n’ont évidemment pas vocation à relever de ce dispositif, qui sera examiné au cas par cas. J’espère avoir rassuré les élus de votre groupe, monsieur le député.
Madame la ministre, alors que votre collègue de la rue Oudinot vient de présenter la déclinaison en outre-mer de votre plan logement, je souhaite revenir sur un phénomène qui touche particulièrement la Guyane : il s’agit de l’occupation illégale des terrains d’autrui. Ces squats, caractérisés par l’installation sur des terrains publics et privés de personnes, pour une grande partie en situation régulière, gangrènent littéralement notre département. Pour la seule commune de Matoury, dont je suis le maire, ce sont ainsi des centaines de familles qui, faute de mieux, ont dû se résoudre à s’installer dans des baraques de fortune, spoliant ainsi la collectivité et les propriétaires privés.
La situation est d’autant plus explosive en Guyane que la rareté du foncier aménagé et les difficultés d’accession au logement social ont pour conséquence directe l’émergence d’un climat de tension, non seulement entre communautés, mais également entre squatters et « squattés ». Aussi, c’est un véritable ras-le-bol que la population guyanaise ne cesse d’exprimer, au point de mettre en péril aujourd’hui le fragile équilibre social que nous avons réussi à construire au fil des arrivées successives de populations venues des quatre coins du monde.
En décembre dernier, Madame Bouchart, sénatrice-maire de Calais, a fait adopter en première lecture au Sénat une proposition visant à étendre de 48 heures à 96 heures le délai de flagrance pendant lequel la police peut procéder à une expulsion sans autorisation administrative ou judiciaire. Cette proposition n’est pas parfaite et pose de sérieuses questions quant à l’insécurité juridique qu’elle crée. Cependant, elle a le mérite d’aborder l’épineuse question du délai de flagrance et surtout de la procédure judiciaire longue, pénible et, avouons-le, bien souvent vouée à l’échec, notamment en raison de l’absence de possibilité de relogement des milliers d’individus concernés.
Madame la ministre, les citoyens de Guyane qui respectent la loi vivent comme une véritable violence psychologique et matérielle la situation actuelle, qu’avec raison, ils jugent intolérable. Aussi je vous remercie de bien vouloir m’indiquer votre position sur l’instauration d’un régime dérogatoire au droit commun en matière de gestion de ces squats, tout en gardant bien évidemment à l’esprit notre devoir d’humanisme à l’égard de ces populations.
Monsieur le député, vous m’interrogez sur un sujet qui relève davantage des attributions de la ministre de la justice. Néanmoins, je peux vous dire que le droit pénal est tout à fait adapté à la répression de l’infraction que vous évoquez. Il s’agit de la situation particulière de personnes dont le domicile ou le bien ont été occupés illégalement après une absence. C’est une réalité qu’il ne faut évidemment pas nier mais elle est néanmoins limitée : en 2013, 543 condamnations ont été prononcées au chef de violation de domicile et maintien dans ce domicile.
Par ailleurs, le droit a prévu une réponse aux situations sur lesquelles vous m’interrogez. Ainsi, dans les premières 48 heures de l’introduction dans le domicile, les services de police peuvent constater la violation du domicile et interpeller immédiatement les auteurs dans le cadre d’une enquête de flagrance, conformément au code de procédure pénale. En revanche, lorsque ce délai de 48 heures est dépassé, l’enquête ne peut être ouverte que sur le mode de l’enquête préliminaire, qui ne permet pas d’interpellation. C’est la raison pour laquelle l’article 38 de la loi instaurant le droit au logement opposable – la loi DALO – complète ce dispositif en permettant qu’en cas d’introduction ou de maintien dans le domicile d’autrui, le propriétaire ou le locataire puisse demander au préfet de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux dans un délai de 24 heures, à l’issue duquel le préfet peut recourir à la force publique pour faire évacuer les lieux.
Ces situations ne sont pas acceptables mais ce débat doit tenir compte du contexte actuel de grande précarité liée aux difficultés que rencontrent nos concitoyens pour se loger à des prix raisonnables. C’est d’ailleurs le sens du plan de relance de la construction de logements que nous avons présenté avec le Premier ministre et que nous avons ensuite décliné avec ma collègue chargée des outre-mer pour l’adapter aux spécificités ultramarines que vous avez évoquées. Face à cette situation, l’ensemble des pouvoirs publics doit se mobiliser en faveur de la production de logements pour permettre l’accès au logement de l’ensemble de nos concitoyens.
Nous en revenons aux questions du groupe SRC.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld.
Madame la ministre, le Gouvernement a récemment nommé Thierry Repentin délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat. Sa mission est de coordonner l’action des différents ministères afin, à la fois, de faciliter la cession de foncier public pour construire des logements et de travailler avec les préfets à l’accompagnement des communes qui ne respectent pas leurs obligations de production de logements sociaux.
La création de ce poste de délégué interministériel était une des propositions qu’avec mon collègue Jean-Marie Tetart nous avions formulé, il y a quelques semaines, à l’issue de notre mission relative à la mise en application de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Je me réjouis donc que le Gouvernement y ait, rapidement, donné suite.
Une autre des propositions que nous avions faites dans notre rapport d’application concerne le Fonds national de développement d’une offre de logements locatifs très sociaux, le FNDOLLTS. Ce fonds, vous le savez, est alimenté par les majorations de prélèvements imposées aux communes dites « carencées » qui ne respectent pas du tout les obligations de production de logements sociaux.
À la suite du renforcement de la loi SRU du 13 décembre 2000 par la loi du 18 janvier 2013, le montant collecté en 2014 par le FNDOLLTS a presque doublé pour atteindre 11,5 millions d’euros. Il a d’ailleurs vocation à croître encore grâce, vous l’avez dit, à une application de plus en plus sévère de la loi.
Pourtant, il est apparu que, jusqu’à présent, ces sommes n’ont été en définitive utilisées que de manière partielle pour financer le logement très social, et ce en raison d’appels à projets manifestement mal calibrés et mal diffusés auprès des collectivités locales.
C’est pourquoi nous proposons, tout simplement, que les sommes collectées par le FNDOLLTS soient, à l’avenir, intégrées aux enveloppes des aides à la pierre décidées par l’État pour nos régions, afin de mieux correspondre aux besoins réels en matière de logements très sociaux constatés dans nos territoires. Le soutien à l’innovation continuerait évidemment d’être possible, mais de manière plus résiduelle, pour ainsi donner la priorité au volume de production. Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir nous indiquer quelles suites vous entendez donner à cette suggestion supplémentaire.
Madame la députée, vous m’interrogez sur le fonctionnement du Fonds national de développement d’une offre de logements locatifs très sociaux, alimenté, vous l’avez rappelé, par la majoration des prélèvements opérés sur les communes carencées au titre de la loi SRU. Ce fonds a encaissé environ 6 millions d’euros en 2013 et 10 millions en 2014, soit au total près de 17 millions. Un peu plus de 4 millions ont été affectés au premier semestre 2014, et un peu plus de 2 millions l’ont été au second, dans le cadre de différents appels à projets.
Au début de l’année 2015, plus de 10 millions d’euros sont donc disponibles. Ce programme part du constat, maintes fois réitéré, que les logements, même financés grâce aux prêts locatifs aidés d’intégration, ou PLAI, restent inaccessibles aux ménages les plus pauvres. Il est donc absolument indispensable, si l’on veut faciliter l’accès de tous au logement et fluidifier les sorties d’hébergement, que le parc social offre des logements accessibles à ces ménages. C’est d’autant plus indispensable que ce type de petits logements n’existe pratiquement pas dans le parc actuel.
Le programme donne donc lieu à des appels à projets lancés à l’échelle nationale, à l’issue desquels les opérations sont sélectionnées. Au-delà des caractéristiques propres des logements, ce programme doit également contribuer à favoriser la mixité sociale. La loi du 18 janvier 2013 est venue modifier la loi SRU. Les arrêtés de carence, pris sur la base du dernier bilan triennal, permettent d’estimer les ressources du FNDOLLTS disponibles à ce jour à près de 25 millions d’euros.
À la suite du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 6 mars dernier, il a été décidé que 15 millions d’euros seraient fléchés pour lancer un troisième appel à projets du programme « PLAI adapté ». Les deux premiers appels à projets de ce programme ont permis de commencer à mobiliser les maîtres d’ouvrage et de proposer des logements dits à bas niveau de quittance, c’est-à-dire dont le loyer et les charges sont maîtrisés afin d’assurer la solvabilité des ménages concernés.
Malgré les délais extrêmement courts fixés pour répondre à ces premiers appels à projets, pour l’année 2014, soit la première année de mise en oeuvre du dispositif, environ 1 000 PLAI ont été financés. Cela constitue une performance : le jury et le comité de gestion se sont attachés à faire émerger des projets particulièrement exemplaires et vertueux. Aujourd’hui, le programme est calé, la chaîne de production, d’instruction et de sélection de projets opérationnelle et les professionnels ont montré leur intérêt et leur attachement au dispositif.
Je conclus : 9 millions d’euros pourront servir de réserve à la mission de Thierry Repentin pour produire des PLAI dans les communes carencées. L’intégralité de ces crédits sera donc bien, madame la députée, utilisée pour produire des logements très sociaux.
Madame la ministre, en complément de la question posée par mon collègue Henri Jibrayel, ma question porte sur la politique de peuplement. Il s’agit d’un thème qui m’est cher, de par mon expérience professionnelle dans les quartiers populaires du Pas-de-Calais. Depuis mon élection en 2007 à la députation, je n’ai cessé d’alerter les pouvoirs publics sur l’importance de mener une politique de peuplement équilibrée à l’échelle des quartiers, des villes et des agglomérations. Cette politique est nécessaire, tant pour lutter contre l’exclusion sociale que pour réussir la politique de la ville.
Les tristes événements de janvier dernier ont rappelé le profond malaise social et démocratique qui sévit dans certains quartiers. Lors de sa conférence de presse du 5 février dernier qui a suivi ces événements, le Président de la République a annoncé que l’une de ses priorités était bien la lutte contre les inégalités.
Cela passe notamment par une politique de peuplement : il faut viser – par le logement, la rénovation urbaine et l’aménagement du territoire – la mixité des populations dans tous les territoires. Cela implique de construire des logements sociaux là où ils sont nécessaires, mais pas forcément là où il en existe déjà. Il faut imposer la mixité de produit dans toutes les nouvelles constructions, faire évoluer les règles d’attribution des logements sociaux, pour ne pas favoriser les ghettos urbains, ainsi que mieux répartir sur le territoire les personnes éligibles au droit au logement opposable – le DALO . Cela passe, également, par un renforcement des sanctions infligées aux communes qui ne respectent pas la loi SRU.
Depuis trois ans déjà, le Gouvernement travaille à l’amélioration des conditions de vie dans ces quartiers. La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, adoptée l’année dernière, a déjà permis de faire avancer les choses en matière de rénovation urbaine, en redéfinissant la géographie prioritaire qui se fonde, désormais, sur le critère unique de la pauvreté des territoires.
Le travail accompli avec les contrats de ville, en complément de la politique menée par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, permettra d’intégrer l’humain dans les programmes. Madame la ministre, vous avez, le 15 avril dernier, présenté en conseil des ministres vingt mesures issues du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté en matière de logement et destinées à améliorer la mixité sociale dans le logement. Pouvez-vous nous dire quelles sont ces mesures et quand elles seront appliquées ? Il y a en effet, vraiment, urgence.
Madame la députée, vous l’avez rappelé, dans la continuité du comité interministériel du 6 mars dernier, j’ai présenté vingt actions concrètes visant à améliorer la mixité sociale dans les quartiers en difficulté, dont les habitants souffrent d’un sentiment d’abandon. Vous avez raison de dire que nous devons absolument mieux répartir les logements sociaux dans les territoires. Il s’agit d’éviter d’ajouter de la pauvreté à la pauvreté et de réaffirmer avec fermeté que toutes les catégories sociales doivent pouvoir être représentées sur un territoire donné.
Nous devons donc construire, dans les villes où il en manque, davantage de logements sociaux, et diversifier, dans les communes, la production de logements en accession sociale comme en locatif intermédiaire ou libre. Pour accélérer le développement du parc social dans les communes qui ne respectent pas leurs obligations de production, j’ai demandé aux préfets de renforcer la mobilisation des outils liés aux arrêtés de carence, comme le prévoit la loi SRU. Ils devront notamment utiliser le droit de préemption, délimiter, d’ici au mois de juin, les secteurs dans lesquels ils pourront reprendre l’instruction des permis de construire, limiter la création de logements sociaux dans les quartiers en comptant déjà plus de 50 % et, enfin, encourager la cession du foncier public.
Ces mesures ont été prises, et certaines d’entre elles seront opérationnelles dès les prochaines semaines. Des mesures législatives, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, seront en revanche nécessaires pour compléter la loi SRU afin de renforcer l’obligation de production de logements à loyer très modéré, notamment de PLAI dans les communes déficitaires ; pour transférer aux préfets de région la responsabilité de la prise des arrêtés de carence et, enfin, pour clarifier la contribution des communes carencées au financement des logements sociaux. Ces mesures figureront dans un projet de loi « Égalité et citoyenneté » qui sera déposé au Parlement à l’automne, et discuté au premier semestre de l’année 2016.
En ce qui concerne les demandeurs reconnus prioritaires au titre de la loi DALO, comme vous le savez, ils ne devront plus être relogés dans les 1 500 quartiers prioritaires de la ville : il s’agit en effet d’enrayer la spirale de paupérisation de ces quartiers. Des solutions alternatives de relogement devront ainsi être, prioritairement, trouvées ailleurs. Les mécanismes d’attribution des logements ne doivent pas amplifier les inégalités mais les corriger. Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement est plus que jamais au travail, en lien avec l’ensemble des acteurs du logement, et notamment avec les bailleurs sociaux, pour trouver des solutions favorisant la mixité sociale.
Nous en revenons aux questions du groupe UMP.
La parole est à M. Yves Foulon.
Madame la ministre, la pénurie de logements est un problème permanent pour les saisonniers du tourisme. Elle peut faire obstacle à l’obtention d’un emploi ou entraîner des conditions de vie difficiles dans des logements inadaptés. Elle est aussi, souvent, synonyme de précarité et de limitation des perspectives d’évolution professionnelle.
C’est aussi, pour les employeurs, un frein au recrutement de personnel qualifié et motivé. L’absence de main-d’oeuvre les contraint parfois à ralentir leur activité ou à soumettre leur personnel à des organisations de travail compliquées. Certes, des initiatives ont été prises, comme, en 2006, avec le Guide du logement, mais elles n’ont eu qu’une très faible efficacité sur les territoires concernés.
J’ai déposé l’an dernier une proposition de loi afin d’améliorer la situation du logement saisonnier. Je proposais ainsi des règles fiscales plus favorables pour l’imposition des revenus tirés de la location de logements aux travailleurs saisonniers, une réduction d’impôt bonifiée, afin de favoriser l’achat de logements dans les résidences de tourisme proposant un quota de logements destinés aux saisonniers, des réductions de taxe foncière et d’habitation pour les logements loués prioritairement à des travailleurs saisonniers, ainsi qu’une réduction d’impôt sur les sociétés pour les entreprises investissant dans des logements au profit de leurs salariés saisonniers.
Enfin, je proposais également une mesure simple, qui pourrait rapidement être mise en oeuvre : la comptabilisation des logements saisonniers dans les quotas de logements sociaux, afin d’encourager les communes à vocation touristique à répondre aux besoins d’une catégorie socio-professionnelle en forte attente de solutions.
Madame la ministre, alors que la saison va commencer sur le littoral, allez-vous explorer plus avant ces pistes ?
Monsieur le député, vous avez raison de souligner que le logement des saisonniers constitue un enjeu social et économique, notamment dans les régions qui ont une forte activité touristique ou agricole, ce qui est le cas de votre circonscription.
La plupart du temps, ce type d’emploi est concentré dans le temps, dans l’activité et dans l’espace. S’il n’existe pas d’obligation formelle pour l’employeur de loger ses saisonniers, la disponibilité d’une offre de logements adaptée est une condition essentielle de l’attractivité des professions comme des territoires.
La création de cette offre nécessite un portage politique fort au niveau local ainsi qu’une mobilisation de tous les acteurs, qu’il s’agisse des collectivités, des employeurs, ou encore des associations, ainsi que la recherche de partenariats permettant un taux de remplissage élevé toute l’année.
Je suis favorable à ce que des réflexions s’engagent au niveau local, notamment avec Action Logement et les collecteurs présents sur les territoires, afin de trouver des solutions innovantes et adaptées.
Je rappelle aussi que, depuis 2009, les organismes HLM peuvent louer des logements à des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, ou à des associations déclarées ayant pour objet de les sous-louer meublés, pour une durée n’excédant pas six mois, à des travailleurs dont l’emploi dans le secteur agricole ou touristique présente un caractère saisonnier.
Monsieur le député, les préfets et les services des préfectures sont à votre disposition pour trouver avec vous des partenariats adaptés et pour développer cette offre spécifique dans les territoires plus particulièrement concernés.
Madame la ministre, ma question porte sur les difficultés d’accession des jeunes au logement.
L’Observatoire de la jeunesse solidaire a publié, le 17 mars dernier, à la suite de l’enquête annuelle réalisée par l’Association de la fondation étudiante pour la ville, l’AFEV, un rapport sur les difficultés d’accès des jeunes au logement. Il en ressort que la situation des jeunes s’est aggravée, puisqu’ils sont désormais sept sur dix à déclarer avoir été ou être encore confrontés à des difficultés de taille dans ce domaine.
Ainsi, 21 % des jeunes n’ont pu avoir accès à un logement faute d’emploi ou du fait d’un emploi précaire, 25 % ont renoncé à des dépenses de première nécessité pour se loger, 12 % se disent victimes de discriminations dans l’accès au logement, 26 % n’ont pas accès à un logement locatif faute de moyens et 15 % des jeunes autonomes se sont déjà retrouvés sans logement ou dans une situation très précaire.
Madame la ministre, la situation est particulièrement alarmante pour ces jeunes.
Sans surprise, bien sûr, ce sont les jeunes d’un milieu populaire qui accèdent le plus difficilement à l’autonomie en la matière.
Les différences sociales sont fortement marquées puisque, dans les 32 % des jeunes qui disent n’avoir rencontré aucune difficulté dans l’accès au logement, on trouve en majorité des jeunes en activité professionnelle ayant un niveau bac +5 et des parents propriétaires. À l’inverse, dans les 68 % de jeunes ayant rencontré au moins une difficulté dans l’accès au logement prédominent ceux qui n’ont pas d’activité professionnelle ou sont en intérim, ne sont pas diplômés et vivent chez leurs parents.
J’ai entendu les réponses que vous avez données ce soir. Vous avez dressé la liste des dispositifs existants mais, que ce soit le prêt à taux zéro, le prêt d’accession sociale, l’aide personnalisée au logement ou les prêts complémentaires, aucun de ces dispositifs ne donne satisfaction pour les jeunes puisque leurs difficultés pour accéder à un logement continuent de s’accentuer.
Aussi, je souhaiterais connaître les projets du Gouvernement pour remédier à cette situation vraiment préoccupante.
Vous m’interrogez, monsieur le député, sur les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour faciliter l’accès des jeunes au logement, et vous avez raison de souligner combien ce sujet est important.
Selon l’INSEE, la part des jeunes dans le parc social, le pourcentage de jeunes propriétaires se sont réduits depuis vingt-cinq ans. Certaines difficultés dans l’accès au logement sont en effet spécifiques aux jeunes, vous l’avez d’ailleurs parfaitement rappelé.
Face à ce constat, le Gouvernement a travaillé selon trois axes.
D’abord, nous nous mobilisons pour la production de logements, c’est le sens du plan de relance de la construction présenté par le Gouvernement, en agissant sur tous les leviers et tous les segments. Le Gouvernement a lancé depuis 2012 un plan de construction de 40 000 logements sur cinq ans pour les étudiants, que mon ministère pilote avec la ministre chargée de l’enseignement supérieur. Un programme d’amélioration des conditions d’hébergement des jeunes en alternance est conduit par la Caisse des dépôts dans le cadre du programme d’investissements d’avenir
Ensuite, il faut produire des logements adaptés. L’offre s’adapte aux besoins de la population, la part des T1 et T2 dans le total des logements locatifs sociaux financés a augmenté par rapport à 2011, le nombre de logements financés pour des résidences sociales à destination de jeunes a augmenté de 50 % entre 2012 et aujourd’hui. Par ailleurs, dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, nous avons lancé un appel à projets concernant les jeunes les plus en difficulté. Les projets sont en cours d’évaluation.
Enfin, nous avons développé des dispositifs de sécurisation. Le Gouvernement a créé une caution pour le logement étudiant, la CLE, à la rentrée 2014. Nous avons clarifié le statut de la colocation et encadré les règles d’engagement du colocataire et de sa caution. Cette disposition concerne au premier chef les jeunes. Nous avons acté la mise en place d’un nouveau dispositif de sécurisation locative, remplaçant la garantie des risques locatifs, qui sera notamment ouvert aux jeunes salariés de moins de trente ans. Les mesures volontaristes que nous avons prises pour encadrer l’activité des marchands de listes, plafonner les honoraires de location ou encore élaborer un contrat de location type sont également de nature à sécuriser le parcours locatif des jeunes, au-delà des mesures que j’ai eu l’occasion de détailler tout au long de cette séance.
Vous pouvez le constater, monsieur le député, le Gouvernement agit concrètement pour améliorer l’accès des jeunes au logement.
Nous en revenons au groupe SRC pour sa dernière question.
La parole est à Mme Catherine Troallic.
Madame la ministre, dans la circonscription dont je suis l’élue, le manque de mixité sociale est criant dans certains quartiers, comme c’est le cas malheureusement dans nombre de nos territoires.
Au Havre, par exemple, même si le nombre de logements sociaux est élevé, largement au-dessus des 30 %, la demande reste forte. Certes, le délai d’attente est moindre par rapport à d’autres grandes villes, mais il reste néanmoins de quatre à cinq mois au moins et les critères d’attribution manquent de clarté.
Nombreuses sont les personnes que je rencontre qui se plaignent de l’opacité de l’attribution des logements sociaux. De plus, en dépit de l’existence du numéro unique départemental d’enregistrement des demandes, les démarches restent trop lourdes et trop complexes pour des personnes qui se trouvent bien souvent dans des situations économiques et sociales difficiles.
Dans le prolongement de la loi ALUR et du comité interministériel « égalité et citoyenneté : la République en actes », vous avez présenté dernièrement en conseil des ministres vingt actions pour renforcer concrètement et efficacement la mixité sociale dans les quartiers, ce qui passe notamment par une évolution de la politique d’attribution des logements sociaux, qu’il était urgent de redéfinir.
Plus de transparence donc et aussi plus d’efficacité, tels sont les objectifs que vous vous êtes fixés pour limiter le sentiment d’exclusion vécu dans certains de nos quartiers.
Les mesures que vous avez présentées auront-elles vocation à être étendues sur l’ensemble du territoire après la phase d’expérimentation prévue avec les EPCI volontaires ou se limiteront-elles aux zones prioritaires ? Dans quelle mesure les changements du cadre de la politique d’attribution des logements sociaux allégeront-ils les démarches pour nos concitoyens ? Enfin, dans quelle mesure, face à l’urgence de la situation, ces mesures permettront-elles à la fois d’accroître la mixité sociale et de lutter contre la ghettoïsation afin, finalement, de renforcer la République sur nos territoires ?
Pour poursuivre l’objectif de renforcer la mixité sociale dans notre pays annoncé par le Premier ministre lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté, j’ai présenté vingt mesures concrètes en conseil des ministres pour réformer les politiques d’attribution des logements sociaux.
Les règles et le cadre des attributions actuelles peuvent conduire à reproduire des inégalités dans l’occupation du parc social entre les territoires. La réforme des attributions de logements sociaux doit précisément nous permettre de réduire ces inégalités. Certaines mesures prévues par la loi ALUR sur l’organisation de la gestion de la demande de logement social au niveau intercommunal appelaient des décrets d’application, qui seront effectifs dès cet été.
Dans ce contexte, mon ministère animera, en lien, vous le savez, avec le ministère de la ville, un groupe d’EPCI volontaires pour engager une politique d’attribution intercommunale fondée notamment sur des critères d’attribution communs entre les différents réservataires, la mutualisation des contingents publics et la mise en place de la cotation de la demande. Des dispositions législatives seront par la suite nécessaires pour généraliser le dispositif et amplifier cette réforme. Un projet de loi sera ainsi déposé au Parlement à l’automne prochain et examiné au cours du premier semestre 2016.
Tous les territoires seront bien sûr concernés. Les EPCI qui sont dotés d’un programme local de l’habitat, un PLH, seront visés par ce projet de loi. De toute manière, dans le cadre de la concertation et du travail que nous menons à la fois avec le mouvement HLM et les collectivités locales, nous aurons l’occasion d’apporter des améliorations au dispositif présenté en conseil des ministres et lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté. La volonté du Gouvernement est totale pour favoriser la mixité sociale, en agissant à la fois sur l’attribution, la production et la révision de la politique des loyers. C’est avec l’ensemble de ces outils que nous parviendrons à atteindre nos objectifs pour aller vers l’égalité et respecter des valeurs de la République qui nous sont chères.
Nous terminons par une question du groupe UMP.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Madame la ministre, le réseau Action Logement s’est fortement réorganisé ces dernières années en passant de plus de 100 comités interprofessionnels à près d’une vingtaine seulement.
Un effort supplémentaire est aujourd’hui entrepris pour améliorer son efficacité et optimiser l’utilisation des fonds, qu’on appelait auparavant le 1 % logement. Ainsi, une structure faîtière présidera une première entité chargée des services pour le logement des salariés et une seconde entité sera compétente sur l’activité immobilière. Cela se traduira par le regroupement des CIL en une seule structure nationale dirigeant treize directions régionales et pilotant la politique immobilière de plus de 900 000 logements sociaux et intermédiaires et bénéficiant à plus de 530 000 ménages en 2014.
Ce mouvement de réorganisation vise notamment à accentuer la production de logements locatifs sociaux neufs sur les zones dans lesquelles les demandes de logement sont très importantes, et je ne conteste pas cette nécessité. Grâce à différentes communications, nous apprenons que le rôle des comités techniques de bassin d’emploi pourrait être maintenu avec une évolution de leur forme institutionnelle.
Mon interrogation porte sur l’impact de cette orientation stratégique d’Action Logement dans les différentes régions et l’association des acteurs territoriaux à la problématique du logement des salariés.
Le modèle paritaire apporte les réponses sur les moyens financiers et la création de services mais mon inquiétude concerne leur répartition régionale. En effet, la concentration de moyens dans les zones tendues ne doit pas amener à les limiter trop fortement dans les zones où la demande de logements sociaux serait moins prégnante et, surtout, sous prétexte d’économies d’échelle, à supprimer les services de proximité qu’offrent les CIL en regroupant leurs moyens humains dans les futures capitales régionales.
Madame la ministre, quelles garanties demandez-vous à Action Logement pour maintenir une réelle production de logements sociaux pour les salariés d’entreprise en région et associer les acteurs locaux aux orientations qui seront retenues par le mouvement paritaire ?
Vous m’interrogez, monsieur le député, sur la réorganisation du réseau Action Logement, sujet que je suis avec une grande attention comme j’ai eu l’occasion de le rappeler tout à l’heure.
J’ai reçu les partenaires sociaux le jour même où le conseil d’administration a pris cette décision. Ils m’ont réaffirmé leur engagement à maintenir le modèle paritaire au-delà de cette évolution, tout en formulant le souhait de moderniser leur propre réseau. Ils m’ont également fait part de leur souci de maintenir des échelons de proximité au niveau des régions, ce qui, je crois, répond à votre principale interrogation.
J’ai souligné la volonté du Gouvernement que cette modernisation, cette restructuration de leur réseau ne porte pas atteinte à l’application de la convention très importante conclue entre l’État et Action Logement en faveur de la production de logements sociaux dans notre pays, comme de tous les autres chantiers que nous avons lancés ensemble. Je répondais à l’instant à M. Salen sur la sécurisation du parcours locatif des jeunes, notamment le remplacement de la garantie des risques locatifs. C’est là un travail que nous menons avec Action Logement, comme nous menons avec le ministère de la ville un travail sur la participation d’Action Logement à l’effort de rénovation urbaine.
Bref, nos préoccupations ont été entendues. Nous devons faire preuve d’efficacité dans la mise en oeuvre de cette convention importante pour financer le logement et construire les logements dont notre pays a besoin, et nous sommes attentifs aussi à la structuration même du réseau d’Action Logement, au rôle des partenaires sociaux ainsi qu’à la présence en proximité dans les régions.
Nous sommes convenus d’ailleurs d’approfondir ces relations et de nous rencontrer régulièrement pour faire le point des étapes de cette réorganisation et nous continuerons à regarder cela de près. Le président d’Action Logement m’a indiqué qu’il faisait le tour en ce moment même de l’ensemble des comités locaux.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Débat sur le projet économique et social européen de la France.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures quinze.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly