Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission a commencé l'examen, sur le rapport de Mme Geneviève Gaillard, du projet de loi relatif à la biodiversité (n° 1847).
La Commission se réunit aujourd'hui pour examiner les articles du projet de loi relatif à la biodiversité, déposé par le Gouvernement le 26 mars dernier.
Sur ce texte, aucune commission ne s'est saisie pour avis. Nous avons auditionné Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, mardi 10 juin, et cette audition a fait office de discussion générale sur le texte. C'est pourquoi nous débutons directement l'examen des amendements.
À l'issue de l'expiration du délai de dépôt des amendements, jeudi 19 juin à dix-sept heures, la Commission a enregistré 766 amendements. Compte tenu de ceux qui ont été retirés, il en reste 688 à examiner.
Neuf amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. Leurs auteurs ont été prévenus par voie électronique : il s'agit des amendements CD 382 de Mme Sabine Buis après l'article 36, CD 408 de M. Paul Giacobbi à l'article 9, CD449 de M. Michel Pouzol, CD 409 de M. Paul Giacobbi à l'article 13, CD 701 de M. Joël Giraud après l'article 36, CD 271 de Mme Geneviève Gaillard, CD 566 de Mme Laurence Abeille, CD 650 et CD 651 de M. Bertrand Pancher à l'article 11.
À propos de ces quatre derniers amendements, visant à inclure l'Office de national de la chasse et de la faune sauvage ou l'Office national des forêts dans le périmètre de la nouvelle Agence française pour la biodiversité, je souligne que la jurisprudence constante de la commission des finances déclare irrecevable au titre de l'article 40 tout amendement visant à regrouper des structures ou des organismes publics, au motif de la création d'une charge publique, et cela même si l'objectif de la fusion des organismes est la réduction des coûts. En effet, la création de la charge publique est analysée non seulement par rapport au droit en vigueur mais aussi par rapport au droit résultant du projet de loi. En l'occurrence, le projet du Gouvernement ne prévoit pas que la future agence reprenne les droits et obligations de l'ONCFS ou de l'ONF.
J'ai par ailleurs déclaré irrecevables au titre des articles 34 et 37 de la Constitution, les amendements CD 458, CD 460 et CD 686, qui modifiaient les parties réglementaires du code de l'environnement, et l'amendement CD 642, qui contenait une injonction au Gouvernement.
TITRE Ier
PRINCIPES FONDAMENTAUX
Article 1er (article L. 110-1 du code de l'environnement) : Actualisation des principes généraux du droit de l'environnement
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CD171 de la rapporteure.
Puis elle examine l'amendement CD348 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Il convient de rappeler dans ce texte fondateur d'une politique publique nationale en matière de biodiversité que le rôle de l'homme est fondamental et que la nature, bien souvent, n'est pas « naturelle ».
Avis défavorable. L'amendement est satisfait puisque l'espèce humaine est incluse dans les êtres vivants. Par ailleurs, une telle insertion à l'article L. 110-1 serait problématique, car on ne sait si la précision se rapporte aux équilibres biologiques ou aux éléments constitutifs de la biodiversité.
Même avis.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CD428 de M. Jacques Krabal.
Les éleveurs ont un rôle à jouer dans la mise en place de l'Agence de la biodiversité, et les services environnementaux rendus par les prairies sont largement reconnus, notamment pour la préservation de la biodiversité des paysages, la qualité de l'eau et des sols ou le stockage du carbone. Il paraît donc logique que ces infrastructures agroécologiques fassent, au même titre que les espaces, ressources et milieux naturels, sites et paysages, l'objet d'une reconnaissance particulière dans le code de l'environnement. Protéger et mettre en valeur les prairies contribuerait en outre à valoriser le rôle des éleveurs, qui façonnent et entretiennent près de 15 millions d'hectares de surfaces fourragères, dont 13 millions d'hectares de prairies et parcours montagneux, soit environ 30 % du territoire national.
Avis défavorable. L'élevage et les problématiques agricoles qui s'y rapportent sont déjà pris en compte dans le projet de loi.
Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'examen des amendements identiques CD530 de Mme Laurence Abeille et CD15 rectifié de la rapporteure.
La pollution lumineuse a un fort impact sur la biodiversité, 28 % des vertébrés et 64 % des invertébrés vivant partiellement ou totalement la nuit.
Les paysages nocturnes et les nuits étoilées font partie d'un patrimoine que nous devons protéger, d'autant que les points lumineux ne cessent de se multiplier – ce qui va d'ailleurs à l'encontre de la transition énergétique.
Dans une étude de 2008, le Muséum d'histoire naturelle indiquait que près de 20 % de la surface du globe étaient affectées par la pollution lumineuse, et que les écologues avaient largement sous-estimé l'effet de cette pollution sur les écosystèmes.
La loi Grenelle I a prévu que les émissions de lumière artificielle présentant des dangers ou causant un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l'observation du ciel nocturne feront l'objet de mesure de prévention, de suppression ou de limitation. L'amendement va dans ce sens.
Favorable.
Les amendements sont adoptés.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CD173 de la rapporteure.
Puis elle examine l'amendement CD529 de Mme Brigitte Allain.
Les services rendus par les sols sont vitaux. Ils fournissent près de 90 % de l'alimentation humaine et animale, abritent un quart de la biodiversité de la planète et permettent de stocker le carbone. Or, les sols sont de plus en plus menacés par l'érosion, qui touche un quart du territoire européen, mais aussi par les pollutions liées à l'utilisation des pesticides et par l'urbanisation, qui accélère leur artificialisation. Selon le Bureau européen de l'environnement, cette dégradation coûterait 38 milliards d'euros par an aux États membres de l'Union européenne.
Dès 2006, la Commission européenne a donc proposé une résolution à ce sujet, mais le processus d'adoption a été bloqué, notamment par la France, qui doit désormais s'engager à trouver un accord avec les autres États membres. En effet, la protection des sols est une nécessité absolue. Leur qualité de patrimoine commun de la nation peut leur conférer un statut particulier permettant le développement d'activités humaines de haute qualité environnementale.
Même avis.
La Commission adopte l'amendement ainsi rectifié.
Elle en vient ensuite à l'amendement CD347 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Étant moi-même agronome et pédologue, je soutiens l'amendement qui vient d'être adopté, même s'il me semble que la notion de géodiversité inclue les sols.
Avec le présent amendement, il s'agit de prendre en compte l'incidence des actions humaines sur les paysages, les sols et les milieux, bien plus importante que la seule occupation de l'espace par les espèces sauvages, animales ou végétales, et qui ont contribué à façonner notre biodiversité au moins autant que les processus biologiques, la géologie et la pédologie.
L'amendement est satisfait par les modifications introduites par le projet de loi à l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Par ailleurs, son contenu n'est pas normatif. Avis défavorable.
Même avis.
L'amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD213 de la rapporteure et CD531 rectifié de Mme Laurence Abeille.
Cet amendement précise la définition de la biodiversité. C'est d'autant plus nécessaire que le grand public commence à s'emparer de cette notion et que, sans l'appui et le soutien des acteurs locaux, des élus et de la population, il sera difficile d'atteindre nos objectifs ambitieux en matière de préservation et de reconquête de la biodiversité.
Quel est le sens du mot « variabilité » ? Je ne vois pas comment il s'applique aux espèces : indique-t-il qu'une espèce donnée peut connaître une évolution génétique ou de toute autre nature ?
Cette définition n'apporte rien, le terme de « biodiversité » figurant déjà dans nombre de textes fondamentaux, y compris les conventions internationales. Sagesse.
Le terme figure en effet dans le protocole de Nagoya. Je pense néanmoins utile de repréciser sa définition ici.
Il me paraît important, à moi aussi, de rappeler cette définition. Oui, monsieur Paul Giacobbi, on peut parler de variabilité pour les espèces.
L'amendement CD531 rectifié est retiré.
La Commission adopte l'amendement CD213.
Puis elle adopte l'article 1er ainsi modifié.
Article 2 (article L. 110-1 du code de l'environnement) : Actualisation des principes de préservation et de reconquête de la biodiversité
La Commission examine l'amendement CD532 de Mme Laurence Abeille.
Cet amendement vise à défendre une application stricte du principe de précaution, principe attaqué non seulement par les lobbies industriels mais également par les parlementaires de l'UMP. (Murmures sur les bancs UMP)
Face aux menaces accrues que font peser sur la santé et l'environnement les ondes, les perturbateurs endocriniens, les nanoparticules ou les pesticides, nous souhaitons renforcer le principe de précaution. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », disait Rabelais. Le développement scientifique et technologique doit donc se faire selon des règles strictes, sous le contrôle du peuple et des élus. Nous proposons de supprimer la référence au « coût économiquement acceptable » : face à des dommages graves et irréversibles, la question des coûts ne doit pas se poser. Ce primat de l'économie est une négation de l'écologie et du développement durable.
Pour avoir participé à l'élaboration de la Charte de l'environnement, je pense que, pour des raisons de sécurité juridique, il n'est pas judicieux de rouvrir le débat sur le principe de précaution. Avis défavorable.
Même avis.
L'UMP ayant été mise en cause, je rappelle que c'est elle qui a ouvert la voie à la constitutionnalisation du droit de l'environnement, avec l'appui de certains députés de l'opposition d'alors, je pense d'ailleurs à Mme Geneviève Gaillard, qui avait voté la Charte de l'environnement.
Je pense, comme la rapporteure, que nous sommes parvenus avec la Charte de l'environnement à un équilibre fragile, que nous serions bien inspirés de préserver.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CD240 de M. Martial Saddier.
Le triptyque « éviter, réduire, compenser » est déjà inscrit dans la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il détermine de nombreuses réglementations sectorielles. L'élever au rang de principe fondamental du droit de l'environnement risquerait de multiplier les contestations juridiques, dont les premières victimes seraient les porteurs de projet. Cela irait à l'encontre du but recherché, et la biodiversité en souffrirait.
Il n'y a aucune raison de ne pas saisir l'occasion qui nous est donnée de repréciser ce triptyque inscrit dans notre droit et dans nos moeurs depuis 1976. Avis défavorable.
Nous avons le sentiment que le projet de loi élargit l'application de ce triptyque à l'ensemble des projets, y compris dans le domaine de la construction, ce qui pourrait empêcher le développement de projets immobiliers sur les terrains déclarés constructibles au coeur des villes.
Il n'y a guère de risque, car, à la différence des terrains situés en espace naturel, les terrains constructibles en ville ne font pas l'objet de compensations.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CD12 de la rapporteure et CD676 de M. Joël Giraud.
Mon amendement vise deux objectifs. D'une part, il pose l'obligation de compensation comme moyen ultime, après l'évitement et la réduction ; il détaille, d'autre part, les principaux éléments composant la « biodiversité affectée », à savoir les espèces, les habitats naturels et les services écosystémiques.
Je m'en remets à la sagesse de la Commission. Il y a toujours un inconvénient à énumérer les éléments composant l'écosystème, car celui-ci doit être appréhendé dans sa globalité. Ce qu'il importe de prendre en compte, ce sont les interactions entre les milieux, les espèces et les êtres humains, qui sont précisément le coeur de la biodiversité.
La Commission adopte les amendements CD12 et CD676.
En conséquence, les amendements CD677, CD533 et CD255 n'ont plus d'objet.
La Commission examine l'amendement CD241 de M. Martial Saddier.
L'article prévoit l'introduction dans le droit de l'environnement du principe de solidarité écologique. Faute d'en cerner la portée juridique, nous proposons sa suppression.
Avis défavorable. On supprimerait l'un des principes innovants affirmés dans la loi, et déjà à l'oeuvre dans le domaine de l'eau et dans les parcs nationaux.
Il est novateur et utile d'affirmer l'interdépendance des écosystèmes. Introduire ce principe dans la loi permettra l'ouverture de discussions sur la juste répartition de l'effort entre les communes qui ont des territoires à protéger et les autres.
Toute décision publique ayant une incidence sur « l'environnement et les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés », l'application de ce principe me semble très difficile. Il faut préciser les choses pour éviter le risque d'abus et de contentieux.
Voilà qui rappelle le débat sur le service écologique, notion à laquelle certains, déjà, étaient opposés. Étant donné la diversité des territoires, la notion de solidarité écologique est essentielle. Le texte doit être maintenu.
La solidarité écologique compte deux volets. Que la construction d'un hôpital contraigne à changer l'affectation de quelques hectares et que l'on souhaite compenser cela est une chose. Au-delà, chacun connaît le cas de deux intercommunalités voisines dont l'une a la ressource en eau et l'autre des usines : la première demande à la seconde de participer à la protection de son territoire – d'autant que les habitants des communes industrielles y viennent s'aérer. Mais bien peu nombreuses sont les collectivités qui pratiquent effectivement le partage des richesses. Pour que l'inscription de ce principe dans la loi ait une signification autre que symbolique, il faudrait aussi définir un schéma d'abondement des dotations aux collectivités territoriales qui tienne compte de ce que les communes préservant la biodiversité contribuent aussi à la richesse de la nation. Cela n'a jamais eu lieu ; envisagez-vous une action concrète ?
C'est bien notre objectif. Le principe inscrit dans la loi se déclinera sous la forme de politiques territoriales contractuelles. La gestion des parcs nationaux est un exemple précurseur, avec l'application du principe de solidarité écologique entre le périmètre du coeur du parc et l'aire d'adhésion. C'est la péréquation que vous appelez de vos voeux, car elle est nécessaire à un aménagement du territoire équilibré.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CD18 de la rapporteure.
L'amendement, qui tend à restreindre l'application du principe de solidarité écologique pour ne pas alourdir l'action publique, devrait vous apporter satisfaction, monsieur Martial Saddier. Je vous rappelle incidemment que la solidarité écologique s'exerce également entre les bassins versants.
Inscrire dans la loi le principe de solidarité écologique entraînera de multiples contentieux. Mieux vaudrait parler d'incidence « significative » sur l'environnement, plutôt que d'incidence « notable » comme vous le proposez.
Je vous remercie, madame la ministre, pour les précisions que vous avez apportées à l'amendement précédent. Il n'empêche : les habitants de notre pays qui ne sont pas des urbains redoutent de se voir imposer de nouveaux carcans, alors qu'ils sont fiers de protéger les espaces naturels et qu'ils y sont enclins depuis longtemps. Le risque, c'est le décalage entre l'inscription du principe dans la loi et le moment où la solidarité prendra corps. En France, comme dans les autres démocraties, les voix urbaines dominent car la population se concentre dans les villes, mais les habitants des autres territoires supportent de plus en plus mal la charge qui s'abat sur eux. Il est grand temps d'engager le débat sur le financement des collectivités qui sont les réservoirs de la biodiversité.
J'appelle votre attention sur le fait que le principe de solidarité écologique s'applique aux seules autorités publiques.
La solidarité écologique doit s'appliquer à tous les territoires, urbains, périurbains ou ruraux. La simplicité du texte initial faisait sa force. Parler d'incidence « notable » sur l'environnement affaiblit sa portée, alors que l'inscription de ce principe dans la loi n'est pas pénalisante : elle tend à ce que les pouvoirs publics reconsidèrent leurs critères de décision.
En ajoutant des adjectifs ou en introduisant des énumérations, on affaiblit un texte. Mais je n'ai pas d'objection de fond et je m'en remets à votre sagesse.
L'amendement est adopté.
La Commission est saisie des amendements CD534 de Mme Laurence Abeille et CD646 de M. Bertrand Pancher.
Nous proposons d'introduire dans la loi le principe de non-régression, obligation juridique internationale figurant dans la Convention sur la diversité biologique de 1992. Conformément à ce principe, le législateur ne peut faire régresser le niveau de garantie existant. Il a été discuté lors des États généraux de la modernisation du droit de l'environnement et validé par le Gouvernement dans sa feuille de route à ce sujet.
Mon amendement a le même objet. Le principe de non-régression est reconnu dans plusieurs pays anglo-saxons sous le nom de standstill et largement consacré en droit international. Une fois établi ce principe fondateur, il deviendra impossible d'opposer comme par réflexe économie et écologie aussitôt qu'une crise économique surgit.
J'avais moi-même envisagé de vous soumettre un amendement à ce sujet. J'y ai finalement renoncé pour avoir compris, au fil des auditions, les multiples difficultés techniques et juridiques que son application poserait. Accepteriez-vous, madame la ministre, de créer une mission afin de mesurer l'incidence juridique et économique d'une telle disposition ?
Outre qu'elle serait compliquée, l'application de ce principe serait dangereuse et contreproductive puisque chaque mesure réglementaire serait concernée. La réglementation doit pouvoir évoluer en fonction de l'état des connaissances scientifiques.
Comme vous l'avez souligné, le Gouvernement, lors du débat sur la modernisation du droit de l'environnement, a montré qu'il partage la philosophie de l'amendement. Mais c'est de la non-régression des textes législatifs qu'il est question, et c'est donc le Parlement qui en est le garant. En inscrivant ce principe dans la loi, on prendrait le risque de contentieux inextricables menant au blocage de projets. Alors que le projet de loi pour un nouveau modèle énergétique nous donne l'occasion de simplifier les démarches et les autorisations et de raccourcir les délais imposés à nos entreprises, nous ne pouvons prendre le risque de compliquer à nouveau.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les deux amendements.
Elle examine ensuite l'amendement CD535 de Mme Laurence Abeille.
Il s'agit d'introduire le principe de mieux-disant environnemental, comme proposé dans le rapport de la commission des affaires européennes sur le présent projet de loi.
Défavorable. L'idée semble séduisante, mais l'amendement aurait pour effet de faire primer le critère environnemental sur tous les autres critères d'appréciation d'un projet. Les considérations sociales, économiques, politiques et environnementales doivent être envisagées de manière égale.
Je partage ce point de vue et je ne suis pas certain de la constitutionnalité de l'amendement : la Charte de l'environnement n'établit-elle pas que les politiques publiques doivent concilier la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ? Je vous remercie, madame la rapporteure, de veiller à préserver les grands équilibres dont la nation a besoin.
Le principe est excellent, nul n'en disconvient. J'exprime cependant un avis défavorable car on risque là aussi de nombreux contentieux. Une disposition de cette sorte a toute sa place dans un code de bonne conduite mais le concept est trop flou pour figurer dans un texte de loi.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle aborde l'amendement CD644 de M. Joël Giraud.
Il convient de clarifier la manière dont l'activité agricole doit être envisagée au regard du nécessaire renforcement de la protection environnementale : complémentarité et non opposition. J'ai participé au premier programme Natura 2000 de préservation du milieu naturel. Comment aurions-nous préservé le chardon bleu si les agriculteurs n'avaient pas fauché les pâturages pour éviter qu'ils soient envahis par la friche ? Sans eux, cette réserve européenne aurait été perdue. En montagne, les relations entre agriculture et environnement ne sont pas perçues comme une servitude ; ils sont faits de compréhension, qui conduit au consensus.
Nul ne songe à nier le rôle de l'agriculture dans la préservation de la diversité, mais je ne souhaite pas mentionner expressément les agriculteurs dans une loi qui ne fait référence ni aux pêcheurs, ni aux chasseurs, ni aux forestiers.
Je soutiens sans réserve cet excellent amendement. Mais je noterai, avec un peu de malice, monsieur le président, que l'Assemblée oppose de fait agriculture et environnement : le texte sur l'avenir de l'agriculture n'est-il pas discuté en commission des affaires économiques au moment même où nous débattons de la biodiversité ? Le calendrier de nos travaux aurait gagné à être organisé différemment, car nombre d'entre nous auraient souhaité participer aux deux débats.
Je vous précise que la commission des affaires économiques examine le texte en seconde lecture.
L'accent doit être mis sur l'agriculture, parce que la biodiversité est au coeur de ses activités. Adopter l'amendement, c'est dire la force de l'enjeu, particulièrement là où a été définie une politique de l'herbe. C'est dire aussi que l'eau potable est protégée, et c'est affirmer que l'on ne reviendra pas en arrière.
On a évoqué les risques que l'activité humaine pouvait entraîner pour la biodiversité et l'équilibre des territoires. Il serait bon de dire aussi que l'agriculture peut apporter quelque chose à l'ensemble des écosystèmes. Enfin, madame la rapporteure, il ne s'agit pas de mentionner les agriculteurs mais l'agriculture, fonction essentielle à l'aménagement du territoire.
Comme Mme la rapporteure, j'estime qu'il serait de bon sens d'élargir le champ de cet amendement à d'autres professions, en particulier celles relatives à la forêt, auxquelles le principe de complémentarité a tout aussi évidemment vocation à s'appliquer.
Prenons garde, toutefois, à ne pas tomber dans le piège de l'énumération. D'ailleurs, après avoir évoqué le monde terrestre, pourquoi ne parlerions-nous pas également du monde de la mer et des pêcheurs ?
Je propose de rectifier l'amendement en remplaçant les mots : « entre l'environnement et l'agriculture » par les mots : « entre l'environnement, l'agriculture et la forêt ».
Pour ma part, je considère que l'on ne saurait évoquer le principe de complémentarité entre l'environnement et l'agriculture sans préciser qu'il s'agit de l'agriculture biologique. Ce n'est pas une loi sur l'aménagement du territoire, mais sur la biodiversité – je regrette d'ailleurs que n'y figurent pas les grands principes que sont la non-régression et le mieux-disant écologiques –, et je pense qu'en ne parlant que de l'agriculture, nous sommes hors sujet, car cela revient à faire abstraction de tous les intrants chimiques déversés sur les sols par les agriculteurs.
Nous serions mieux avisés de faire référence aux espaces naturels et aux espaces anthropisés, cette dernière notion recouvrant toutes les activités pratiquées par l'homme depuis son apparition, qu'il s'agisse de l'agriculture, de l'élevage, de la foresterie ou de la chasse, et l'impact de ces activités sur l'environnement et les paysages – c'est même la marque de l'espèce humaine, ce qui fait sa différence avec les autres animaux. En procédant de la sorte, il ne sera plus nécessaire de se demander à quelles activités doit s'appliquer le principe de complémentarité avec l'environnement.
On ne peut, dans un texte normatif, faire prévaloir la vision idéologique d'une nature belle et pure sur laquelle l'homme n'aurait jamais eu qu'une influence mauvaise, qu'il faudrait combattre. En France métropolitaine – qui comprend la Corse –, il n'existe pratiquement aucun morceau du territoire où l'homme n'ait pas eu d'action sur l'équilibre naturel et la biodiversité. Partout ou presque, la pratique culturale a modifié les sols et la végétation, et prétendre en faire abstraction repose, à mon sens, sur des concepts dépassés. Quant à l'impact de l'homme sur le milieu marin, pour considérable et négatif qu'il soit, il me paraît hors sujet. L'idée selon laquelle la nature serait bonne et l'homme forcément mauvais remonte à la philosophie du XVIIIe siècle et me paraît contraire à la réalité scientifique et à l'histoire des territoires dont nous parlons.
L'intérêt de cet amendement est de souligner qu'il existe une interaction positive entre l'environnement et certaines activités humaines. En le rédigeant d'une manière générale, on met en valeur le fait que les activités humaines et la biodiversité ne sont pas forcément incompatibles : il existe aussi des complémentarités – certes, toutes les activités ne sont pas dénuées de nocivité, mais je ne connais pas de loi qui ait rendu les hommes meilleurs.
Avis favorable à cet amendement, pas forcément pour les raisons ayant suscité son dépôt, mais parce qu'il aura pour effet d'inviter le monde agricole à réfléchir à ses pratiques et à faire en sorte de les rendre conformes à la protection de l'environnement. L'agriculture biologique et la réflexion sur la diminution de l'usage des produits phytosanitaires et des pesticides vont s'en trouver encouragées. Même si les agriculteurs ont déjà fait des efforts considérables dans ce domaine, le fait de reconnaître la complémentarité entre l'environnement et l'agriculture incitera encore davantage la profession à se remettre en cause, surtout dans ses pratiques les plus intensives, et à engager une réflexion collective sur l'avenir de notre planète. (Applaudissements)
Si cet amendement permet à la profession agricole de revoir ses pratiques afin que celles-ci, par leur action sur les sols et l'air, n'aient pas pour effet de réduire la biodiversité, j'y suis également favorable.
Compte tenu de la rédaction de l'amendement, il ne me semble pas opportun de retenir la rectification proposée par M. Martial Saddier. Je propose que notre commission vote sur l'amendement tel qu'il est, étant entendu qu'il sera toujours possible de le compléter en vue de son examen en séance publique.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 ainsi modifié.
Après l'article 2
La Commission est saisie de l'amendement CD322 de M. Sermier.
Depuis son apparition, l'homme influe sur son environnement. Cet amendement vise à inscrire dans le code de l'environnement le fait que des liens positifs peuvent exister entre la biodiversité et les activités humaines.
Même avis.
La Commission rejette l'amendement.
Article 3 (article L. 110-2 du code de l'environnement) : Intégration de la lutte contre les nuisances lumineuses dans le droit environnemental
La Commission est saisie de l'amendement CD674 de M. Pancher.
Dans un souci de transparence, je précise que cet amendement nous a été inspiré par l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturne, qui avait beaucoup travaillé avec nous lors du Grenelle de l'environnement. La loi Grenelle I a prévu que « les émissions de lumière artificielle de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes » devaient faire l'objet de mesures de prévention, de suppression ou de limitation. Il y a déjà énormément de points lumineux en France, et leur nombre ne fait qu'augmenter. Cela nuit à certains oiseaux et insectes, qui s'adaptent difficilement à ces émissions de lumière, et rend difficile l'observation du ciel – sans remettre en cause le fait que les éoliennes soient équipées de dispositifs clignotants, j'exprime le souhait que ceux-ci soient synchronisés.
Certes, il est important d'intégrer la pollution lumineuse au texte car cette forme de pollution nuit à la biodiversité. Cela dit, cet amendement me paraît satisfait par le CD15, adopté à l'article 1er.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Après l'article 3
La Commission est saisie de l'amendement CD429 de M. Krabal.
Si le titre premier de ce texte insiste sur les services que rend la nature aux hommes – des services parfaitement intégrés par la profession agricole –, il ne rend aucun compte, à l'inverse, des externalités positives sur l'environnement et la biodiversité créées par des activités économiques telles que l'élevage herbivore. Or, la plupart des « espaces naturels » à préserver sont d'abord des constructions humaines, entretenues par plusieurs générations d'agriculteurs. C'est pourquoi je propose d'inscrire dans le code de l'environnement la notion de contributeur à la protection de l'environnement.
Nous avons déjà eu cette discussion. Je le répète, nous devons être vigilants. La pratique de l'élevage induit certains traitements indispensables en termes de santé publique, mais néfastes à la biodiversité, surtout au niveau des sols. En outre, le fait de citer l'élevage herbivore a pour effet d'exclure d'autres activités telles que la pêche ou la sylviculture. Même si chacun s'accorde à reconnaître que l'agriculture, biologique ou non, contribue d'une manière générale au maintien de la biodiversité, je suis défavorable à cet amendement.
Pour sa part, le groupe UMP le soutient, car il sacralise la politique de l'herbe, une véritable richesse pour la biodiversité, mais aussi un puits de carbone très efficace.
Pour avoir contribué à la réintroduction de l'élevage extensif dans le Marais poitevin, je sais l'importance des prairies naturelles. Toutefois, nous ne sommes pas en présence d'une notion relevant de la loi, et il ne faut pas oublier qu'un élevage, même herbivore, peut être pratiqué sur un mode intensif et être à l'origine d'effluents non traités. Évitons de faire figurer dans la loi des concepts qui, non maîtrisés juridiquement, pourraient se révéler contreproductifs.
L'amendement est retiré.
Article additionnel après l'article 3. Article 3 bis (article L. 219-8 du code de l'environnement) : Prise en compte de la pollution du milieu marin par des pollutions lumineuses
La Commission est saisie de l'amendement CD680 de M. Pancher.
Également inspiré par l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturne, cet amendement vise à introduire dans le code de l'environnement le concept de pollution lumineuse du milieu marin. L'article L.219-8 du code de l'environnement définit dans son 5° la pollution du milieu marin. Or, si les pollutions acoustiques sous-marines sont bien intégrées dans la définition, la pollution lumineuse ne l'est pas. L'espace littoral, qui fait l'objet d'un dynamisme urbain et touristique marqué, est particulièrement touché par cette évolution de la pollution lumineuse. Or, la France se prépare à planifier l'utilisation de son espace maritime en vue d'un important développement des activités économiques en mer, qui seront inévitablement accompagnées de sources lumineuses nouvelles et additionnelles.
Avis tout à fait favorable. La pollution lumineuse du milieu sous-marin me paraît devoir être prise en compte au même titre que celle résultant de la présence de déchets et de substances diverses, ou que la pollution sonore.
Même avis.
La Commission adopte l'amendement.
Article 4 (article L. 110-2 du code de l'environnement) : Élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité
La Commission est saisie de l'amendement CD537 de Mme Abeille.
Le mot : « préservation » nous paraît mieux correspondre à la logique de biodiversité dynamique que le mot : « conservation », qui a une connotation statique et évoque les boîtes de conserve. (Sourires)
Avis défavorable. Le terme « conservation » est issu de la convention pour la biodiversité de 1992.
Même avis. Outre qu'il inclut la notion d'élaboration, le mot « conservation » est conforme à la convention internationale.
L'amendement CD537 est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD174 et CD175 de la rapporteure.
Puis elle examine l'amendement CD536 de Mme Abeille.
Le conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité comprenant des représentants de l'État, des collectivités et de l'ensemble des acteurs intéressés, on peut penser que cette agence est tout à fait qualifiée pour élaborer la stratégie nationale pour la biodiversité, dont il lui reviendra d'assurer ensuite le suivi.
Avis défavorable. L'Agence française pour la biodiversité sera évidemment associée à l'élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité, mais il n'y a pas lieu de confier à elle seule la responsabilité de cette élaboration. Si c'était le cas, l'instance sociétale qu'est le Comité national de la biodiversité verrait son rôle, jusqu'alors extrêmement important, réduit à néant, et la société se verrait privée d'un débat essentiel.
L'élaboration de la stratégie nationale sur un sujet essentiel doit être conduite par les représentants de la Nation. Que n'entendrait-on si l'on disait un jour que l'élaboration de la stratégie nationale de défense de la France doit être confiée à l'état-major des armées ! À l'instar de Clemenceau, qui disait que la guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires, je dirai que la biodiversité est une affaire trop importante pour être confiée à l'Agence nationale pour la biodiversité (Rires sur divers bancs), qui n'est que le bras armé d'une politique nationale. Même si des idées peuvent être débattues au sein de l'Agence, celle-ci n'est pas la seule à avoir des compétences en la matière.
On pourrait préciser par un sous-amendement que l'Agence émet un avis au sujet de la stratégie nationale pour la biodiversité, élaborée conjointement par le Comité national de la biodiversité, le Gouvernement et le Parlement.
Il faudra intégrer cela à l'article prévoyant la création de l'Agence, à la suite de la liste des missions qui lui sont dévolues.
L'amendement CD536 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CD20 de la rapporteure.
Je propose d'élargir les parties prenantes avec lesquelles l'État élabore la stratégie nationale pour la biodiversité aux très petites et moyennes entreprises – oubliées, la plupart du temps, lorsqu'il s'agit de débattre de biodiversité –, ainsi qu'aux associations de naturalistes. Nous reconnaîtrons ainsi le rôle de ces acteurs qui, s'ils sont très intéressés par la biodiversité, se voient souvent écartés des discussions à ce sujet au profit des grands groupes qui, eux, ne manquent pas de nous rappeler en permanence les sommes qu'ils investissent afin de préserver la biodiversité.
Je m'en remets à la sagesse de votre commission – mais à faire des énumérations, on oublie toujours quelqu'un.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CD262 de la rapporteure.
Elle adopte enfin l'article 4 ainsi modifié.
Après l'article 4
La Commission est saisie de l'amendement CD491 de M. Lesage.
Je souhaite permettre l'action de groupe pour les atteintes à l'environnement. En matière d'action de groupe, la loi de mars 2014 relative à la consommation avait posé la première pierre, et, il y a quelques jours, madame Marisol Touraine s'est engagée à ce que l'action de groupe devienne possible dans le domaine de la santé. Ce texte nous semble constituer le bon véhicule législatif pour que le domaine de l'environnement puisse, lui aussi, donner lieu à des actions de groupe, puisqu'il comporte diverses dispositions relatives aux atteintes à l'environnement, aux sanctions et à la police de l'environnement.
La complexité du sujet exige une expertise juridique de la Chancellerie. C'est pourquoi je suis plutôt défavorable à cet amendement. L'extension de l'action de groupe au préjudice environnemental est envisageable, mais elle nécessite un travail en amont.
Je partage l'avis de Mme la rapporteure. L'initiative est bienvenue, mais en l'absence d'étude d'impact, il me semble difficile de voter un amendement d'une telle portée. Peut-être ses auteurs pourraient-ils nous préciser quelle a été leur réflexion et avec qui ils ont rédigé l'amendement, car nous entrons ici dans une autre dimension juridique.
Sur le fond, nous ne pouvons qu'être favorables à une telle mesure. Mais sur le plan pratique et juridique, je rejoins Mme la rapporteure. Le préjudice environnemental fait aujourd'hui l'objet de débats au Sénat ; un texte est même en préparation à la Chancellerie. Il serait de bien meilleure méthode d'y faire figurer ces dispositions.
Il est important que l'action de groupe soit aussi possible dans le domaine environnemental, car le citoyen se sent souvent isolé face au droit de l'environnement. Mais cet amendement s'engage sur un terrain délicat. M. Paul Giacobbi a évoqué la réflexion en cours à la Chancellerie ; attendons donc d'avoir des précisions avant de nous prononcer.
Je partage l'avis de la rapporteure et des orateurs qui viennent de s'exprimer. L'action de groupe me semble très importante. La Chancellerie cherche aujourd'hui à y voir plus clair ; nous pourrons sans doute clarifier les enjeux et donner des précisions d'ici quelque temps. En attendant, pourriez-vous nous donner un exemple précis pour nous éclairer sur le sens de cet amendement ?
Je constate que les avis sont plutôt favorables à notre proposition. L'action collective s'est concrétisée dans le domaine de la consommation ; ce devrait bientôt être le cas dans le domaine de la santé. Pourquoi n'en irait-il pas de même dans celui de l'environnement, puisque nous adhérons au principe ?
Nous n'en comprenons pas moins qu'il faille faire expertiser les différentes propositions par la Chancellerie, d'autant que nous avons un peu de temps. Si l'expertise montre que le dispositif proposé peut être pertinent, nous y reviendrons le moment venu.
L'amendement est retiré.
Article additionnel après l'article 4. Article 4 bis (article L. 211-1 du code de l'environnement) : Gestion équilibrée et durable de la ressource en eau
La Commission examine les amendements identiques CD492 de Mme Le Dissez et CD230 de M. Saddier.
Reprenant la composante bleue de la Trame verte et bleue, cet amendement vise à préciser le lien direct entre la gestion équilibrée et durable de l'eau, principe fondamental pour l'atteinte du bon état écologique des eaux et des milieux aquatiques et la biodiversité. Il est en outre nécessaire de distinguer la prévention des inondations et la préservation et la restauration des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides, qui ont pour objectif plus large la préservation de la biodiversité.
Mon amendement est identique. Il s'agit de repositionner la politique de l'eau au coeur de ce texte.
À ce stade du débat, Mme la ministre pourrait-elle nous donner des précisions sur l'évolution des budgets des Agences de l'eau, dont les réserves ont été ponctionnées de 10 % l'an dernier ? Sommes-nous au moins assurés du maintien de ces budgets dans les prochaines années ? Sans moyens, les ambitions portées par le texte risquent d'être réduites à l'état de voeux pieux.
Je suis tout à fait favorable à ces amendements, qui sont cohérents avec les engagements pris par notre pays dans le cadre de la directive cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM).
Les services juridiques du ministère sont très hostiles à cet amendement. Ils font valoir que l'insertion dans un article « chapeau » du Livre II du code de l'environnement traitant des politiques de l'eau est facteur d'incohérence, d'autant que nous avons ouvert le chantier de la simplification des règles relatives à l'environnement. Cet avis me paraît fondé. Veillons à rester rigoureux dans l'élaboration de la norme juridique, sans quoi nous risquons de l'affaiblir. Le texte doit rester fort pour pouvoir être compris de tous, s'imposer et orienter les politiques. Néanmoins, je comprends votre souhait de lui donner de l'ampleur. Je m'en remets donc à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte les amendements.
Puis elle en vient aux amendements identiques CD385 de la rapporteure et CD539 de Mme Abeille.
Il s'agit de donner une place dans notre droit à l'animal sauvage. Dans le code de l'environnement, celui-ci existe à divers titres comme la préservation, la chasse, la pêche et la destruction, mais il n'est jamais fait état de sa nature propre. Nul ne peut aujourd'hui nier le caractère sensible de l'animal domestique, inscrit dans le code rural depuis 1976. Nous proposons d'étendre cette disposition à l'animal sauvage. La portée de l'amendement est restreinte, puisque ne sont pas concernées les activités de chasse, de pêche, de recherche scientifique ou de santé publique. Cette avancée est conforme aux évolutions constatées dans nombre de pays européens.
Je suis plus que réservé sur cet amendement. Je comprends l'intention, mais je connais les dérives auxquelles il nous expose. Cela finira inévitablement par des contentieux. Le texte vise par exemple « le fait de blesser, tuer ou capturer intentionnellement un animal sauvage ». Ce n'est pas suffisamment précis : il y a des animaux sauvages qui sont nuisibles et qu'il faut capturer. Bref, je crains que ce catalogue de bonnes intentions ne finisse par entraîner de vrais problèmes. Je ne voterai donc pas cet amendement.
Nous sommes tous des âmes sensibles, surtout lorsqu'il s'agit de protéger les animaux, et particulièrement les animaux sauvages. Mais pourquoi créer ce statut particulier ? Si tous les animaux sauvages sont protégés, quelle distinction faire entre les espèces qui sont protégées et celles qui ne le sont pas, mais qui le deviendraient avec l'adoption de cet amendement ?
Prenons un exemple précis. Nous rencontrons sur un quart du territoire national, dans les zones de montagne, un petit animal sympathique : l'Arvicola terrestris, ou campagnol terrestre. Il ne s'agit ni d'une espèce protégée, ni d'une espèce nuisible. Néanmoins, il pose des problèmes pour l'arboriculture fruitière et dans les prairies. Pour information, le nombre d'individus à l'hectare s'élève à 1 200 – nous sommes donc loin d'une espèce en voie de disparition. Nul ne songe d'ailleurs à éradiquer l'Arvicola terrestris. Mais pouvez-vous garantir que cet amendement ne conduira pas, demain, à nous empêcher de tuer une taupe ou ce campagnol ? Pour ma part, je resterai très prudent.
Cet amendement part d'une bonne intention. Néanmoins, prenons garde aux excès de sensiblerie.
Nous voulons tous protéger les animaux – surtout les animaux sauvages et sans défense (Sourires). Je sais que la rapporteure tient beaucoup à cet amendement. J'observe néanmoins qu'il ne prévoit pas de sanction : si répression des actes de barbarie sur des animaux il doit y avoir, celle-ci doit figurer dans le code pénal.
Par ailleurs, et même si le texte de l'amendement exclut les activités régies par les règlements propres à la chasse, aux pêches, à la recherche scientifique ainsi qu'à la protection de la santé publique ou vétérinaire et de la sécurité publique, nous savons bien qu'il sera utilisé par les opposants à la chasse, à la pêche – du moins à certaines formes – ou aux corridas. Affrontons les problèmes, mais ne tentons pas de les régler sans l'assumer vraiment et sans prévoir de sanctions claires. Je rappelle que les maltraitances sur les animaux domestiques sont réprimées par le code pénal. Dès lors, les maltraitances sur les animaux sauvages devraient aussi l'être. Si vous le souhaitez, je peux m'engager à demander à la Garde des Sceaux d'intégrer ce type de dispositif dans un texte.
Cet amendement ne concerne ni les combats de coqs, ni les corridas. Il s'agit de donner un statut particulier aux animaux sauvages non protégés, aujourd'hui considérés comme res nullius. L'exemple cité par M. Martial Saddier en est un bon exemple, l'Arvicola terrestris n'étant pas une espèce protégée. Il peut bien sûr être détruit comme n'importe quel animal : ce n'est pas parce que le code civil reconnaît – depuis 1976 – que les animaux domestiques ou les animaux sauvages tenus en captivité sont des êtres sensibles que l'on ne peut plus manger de viande ou abattre de gibier. Pourquoi l'animal sauvage tenu en captivité, reconnu comme un être sensible, perdrait-il cette qualité dès lors qu'il s'échappe de sa cage ? C'est pour lever ces ambiguïtés que je propose cet amendement.
Jamais le code civil n'a empêché que l'on tue des vaches ou des moutons pour les manger ! Simplement, il faut le faire en respectant certaines règles. Si vous voulez tuer un campagnol terrestre, monsieur Martial Saddier, il ne faut pas le faire en lui arrachant les pattes ou les oreilles, c'est-à-dire en le faisant souffrir, mais avec des grains empoisonnés, pour qu'il meure rapidement. Voilà tout le sens de l'amendement. Ne restons pas aux visions sociétales et aux peurs d'autrefois : nous devons évoluer avec la société, qui demande de plus en plus ce qu'on regarde l'animal – en particulier les animaux vertébrés et les mammifères – comme un être sensible.
Vos propos nous rassurent, madame la rapporteure. Je constate néanmoins que cet amendement n'a pas reçu le soutien des services juridiques du ministère. C'est pour moi un motif d'hésitation, sinon d'inquiétude.
La Commission rejette les amendements.
Article additionnel après l'article 4. Article 4 ter (article L. 521-1 du code pénal) : Statut accordé à l'animal sauvage
Elle est saisie des amendements identiques CD381 de la rapporteure et CD538 de Mme Laurence Abeille.
Dans le même esprit, il s'agit de remplacer, au premier alinéa de l'article 521-1 du code pénal, les mots « ou apprivoisé, ou tenu en captivité » par les mots « domestique ou sauvage ». Je l'ai dit à l'instant, un animal sauvage tenu en captivité est considéré comme un être sensible ; lorsqu'il se trouve en liberté, il ne l'est plus. Cela signifie qu'on peut lui faire n'importe quoi, comme par exemple le saisir par le cou et le jeter par la fenêtre (Sourires). Je demande simplement d'étendre la qualité d'être sensible aux animaux sauvages.
Mon amendement est identique. La différence de traitement entre un chat domestique et un chat sauvage est assez incompréhensible dans notre société. Il importe donc d'introduire cette précision dans le code pénal.
Avis défavorable.
La Commission adopte les amendements.
TITRE II
Gouvernance de la biodiversité
Article 5 (articles L. 134-1 et L. 134-2 [nouveaux] du code de l'environnement) : Instances de gouvernance de la biodiversité
La Commission est saisie de l'amendement CD47 de M. Lionel Tardy.
Encore une fois, on retombe dans le même travers, on crée ou recrée des commissions consultatives, parmi lesquelles le Comité national de la biodiversité (CNB), « lieu d'information et d'échange sur les questions stratégiques liées à la biodiversité », dont la consultation sera facultative. Cette création ne nous semble pas nécessaire.
Tout d'abord, la création de tels comités doit se faire par voie réglementaire, et non par la loi – qui rend plus difficile l'évolution, et éventuellement la disparition, des structures ainsi créées. Ensuite, il existe déjà un Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB), qui s'est réuni quatre fois en 2012 – pour un coût de 42 000 euros.
Défavorable. Le CNB est le « Parlement » de la biodiversité ; il ne peut être confondu avec le CSPNB. Supprimer le CNB, c'est renoncer à avoir une instance sociétale de la biodiversité, et remettre celle-ci entre les seules mains des scientifiques et des techniciens. Le CNB est le pendant du Comité national Trames verte et bleue, qui va être transformé. Si nous le supprimons, nous n'aurons plus d'instance de débat.
Je précise que la création du CNB permet de supprimer une dizaine d'autres comités, notamment le Comité national Trames verte et bleue, puisque le CNB sera le seul lieu d'échange. Je vous en donnerai la liste tout à l'heure.
En tout cas, cessons de créer des comités par la loi ! Recourons à la voie réglementaire : il est bien plus facile de les supprimer lorsqu'ils ne servent plus à rien. En effet, tout comité créé par la loi ne peut être supprimé que par la loi.
Voici la liste de tous les comités que la création du CNB permet de supprimer : le Comité de pilotage de la stratégie de création d'aires protégées, le Comité de révision de la stratégie nationale biodiversité, le Comité national de l'initiative française pour les récifs coralliens, le Comité national de l'observatoire de la biodiversité, le Comité national de suivi Natura 2000, le Comité national du système d'information nature et paysage, le Comité national Trames verte et bleue, le Comité national zones humides, le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, le Conseil national supérieur du patrimoine naturel et de la biodiversité, le Groupe de concertation miroir de la directive cadre stratégie milieu marin, et enfin le Groupe national poissons migrateurs. (Applaudissements sur divers bancs)
Cette liste figure dans l'étude d'impact ; mais je conviens qu'elle aurait pu être reprise dans l'exposé des motifs de l'amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CD540 de Mme Laurence Abeille.
Il convient de préciser les missions et les modalités de saisine du CNB.
Sur le modèle du Conseil national de la transition écologique (CNTE), nous proposons qu'il soit saisi obligatoirement sur tous les textes législatifs ou réglementaires ayant un impact sur la biodiversité et sur les politiques ayant un impact sur la biodiversité – je pense notamment au Schéma national des infrastructures de transport (SNIT), sachant que les infrastructures, notamment autoroutières, viennent rompre les continuités écologiques.
Nous proposons également qu'il suive le financement des politiques de biodiversité, en particulier le programme 113 de la loi de finances, qui subit régulièrement des gels de crédits sans consultation des acteurs concernés. Il nous paraît nécessaire d'avoir un débat sur le rôle du CNB, notamment au sujet des points précis que je viens d'évoquer.
Avis défavorable. Les dispositions que vous proposez sont pour la plupart de nature réglementaire : le champ de la compétence consultative, la composition et le fonctionnement du CNB seront précisés par décret en Conseil d'État. D'autre part, l'amendement CD4 rectifié, que je présenterai ultérieurement, vise à rendre la consultation du CNB par le Gouvernement obligatoire sur tout sujet relatif à la biodiversité, ou ayant un impact sur celle-ci. Votre amendement devrait donc être satisfait sur ce point.
Avis défavorable. Ces dispositions sont en effet de nature réglementaire.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CD493 de Mme Le Dain.
Je propose d'intervertir les intitulés des deux instances prévues par le texte : le Conseil national de la protection de la nature existant actuellement prendrait le nom de « Comité national de la biodiversité », et le Comité national de la biodiversité que le projet de loi vise à créer serait dénommé « Conseil national de la protection de la nature ».
Il appartient à la société et, partant, à l'autorité politique de décider s'il convient ou non de protéger la nature, et de prendre des décisions en conséquence. Tel n'est pas le rôle des scientifiques, à qui il revient de produire des connaissances et, à ce titre, de définir, en continu, la notion de biodiversité. En effet, celle-ci est par nature évolutive, notre environnement naturel n'étant lui-même pas intemporel.
Je ne comprends pas l'intérêt d'une telle interversion des dénominations, voire des rôles. Elle me paraît même dangereuse. Le CNB a vocation à être une instance sociétale qui rassemble toutes les parties prenantes, à l'image de l'actuel Comité national « Trames verte et bleue », que je préside. Pour sa part, le CNPN est composé de chercheurs, et son rôle est tout autre : rendre des avis techniques. Avis défavorable.
Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de précision CD21 de la rapporteure.
Elle en vient à l'amendement CD4 rectifié de la rapporteure.
Comme indiqué précédemment, cet amendement prévoit que la consultation du CNB par le Gouvernement sera obligatoire sur tout sujet ayant trait à son champ de compétence.
Avis très défavorable : cette disposition risque d'être source de contentieux. En outre, il ne faudrait pas que la consultation devienne routinière, dans le seul souci que les avis figurent bien dans les dossiers, le cas échéant au détriment de leur qualité. Les instances créées par la loi ont, bien évidemment, vocation à être consultées, mais il est de la responsabilité du Gouvernement de mener ou non ces consultations, notamment en fonction de l'importance des sujets.
Je suis surpris que la rapporteure et la ministre défendent systématiquement des positions différentes. (Sourires)
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CD647 de M. Bertrand Pancher.
La rédaction du projet de loi est restrictive : il conviendrait que le Gouvernement puisse consulter le CNB non seulement sur tout sujet relatif à la biodiversité, mais sur tout texte ayant un effet notable sur celle-ci.
Cette règle étant beaucoup plus souple que celle prévue par l'amendement précédent, je n'ai pas d'objection.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CD490 de M. Michel Lesage.
Je suis d'accord sur le fond, mais votre amendement est déjà satisfait par l'alinéa 6, dont les modalités d'application seront précisées par décret. Avis défavorable.
Avis favorable, au contraire. (Murmures sur divers bancs)
Il risque, hélas, d'être difficile d'instaurer la parité dans certaines instances. Le projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, que nous venons d'adopter en deuxième lecture, prévoit dans certains cas une représentation minimale de chaque sexe à hauteur de 40 %. Ce texte pose la même règle pour le CNB.
Cessons les hypocrisies : si nous sommes favorables à la parité, ne tergiversons pas et appliquons-la. Le quota de 40 % ne suffit pas. Inscrivons clairement la parité dans le texte.
Soyons précis et cohérents avec les positions que nous défendons par ailleurs : parlons de « parité » plutôt que de « représentation équilibrée entre les hommes et les femmes ». Il appartiendra aux organismes concernés de respecter la parité et de faire des efforts pour surmonter les éventuelles difficultés qui se présenteront. Je suis favorable à l'amendement.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi dispose que « la proportion des membres de chaque sexe composant le comité ne peut être inférieure à 40 % ». Rien ne s'oppose à ce que cette proportion ne soit pas en effet de 50 %.
Telle est en effet la rédaction actuelle, mais je soutiens l'amendement.
Les députés écologistes sont très sensibles à la question de la parité. Le texte apparaît quelque peu en retrait, il conviendrait d'affirmer plus clairement le principe de parité pour la composition du CNB.
Je suis favorable à la parité, mais le mieux est souvent l'ennemi du bien. Comme l'a rappelé la rapporteure, le projet de loi prévoit une représentation minimale de chaque sexe à hauteur de 40 %. Cette disposition vise non pas à écarter l'application de la parité, mais à la favoriser. Elle n'interdit nullement que le CNB comporte 50 %, voire 55 % de femmes. En outre, c'est une clause raisonnable, qui permettra de disposer d'une certaine marge. À l'opposé, la règle prévue par l'amendement de M. Lesage ne tolérera pas un écart supérieur à un entre le nombre d'hommes et de femmes au sein du CNB. Cela risque de poser de sérieux problèmes pratiques : comment fera-t-on, par exemple, pour nommer plusieurs spécialistes du même sexe ? Nous risquons d'être confrontés à des situations absurdes ou ingérables, et d'entraver le fonctionnement du comité.
Comme je l'ai indiqué au cours de la discussion générale, les députés UMP souhaitent l'instauration de la parité.
Si la Commission adopte l'amendement CD490, il sera nécessaire de modifier l'alinéa 6 en séance publique.
La Commission adopte l'amendement.
L'amendement CD176 de la rapporteure est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CD273 de M. Martial Saddier.
Les TPE et les PME constituent près de 99 % des entreprises françaises et irriguent nos territoires. Il convient de s'assurer qu'elles seront dûment représentées au sein du CNB. Je propose que celui-ci comprenne un collège de représentants des organisations d'employeurs, notamment de TPE et de PME.
Il est indispensable de prendre en compte les intérêts des TPE et des PME, mais il n'apparaît guère judicieux de créer un collège spécifique à cet effet. Avis défavorable.
Également.
Au cours de la discussion générale, vous avez vous-même souligné l'importance du rôle que jouent les PME et les TPE, madame la rapporteure. Je suis donc un peu surpris que vous donniez un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
L'amendement CD489 de M. Michel Lesage est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CD488 de M. Serge Letchimy.
Il importe de développer la solidarité écologique non seulement entre les territoires, mais aussi à l'échelle mondiale. Les territoires ultramarins concentrent 80 % de la biodiversité française, ce qui représente un défi pour eux. Nous proposons que la composition du CNB tienne compte de cette réalité. En effet, si l'on souhaite construire une véritable politique de protection et de valorisation de la biodiversité, les territoires ultramarins doivent être pleinement associés aux débats sur les questions stratégiques liées à celle-ci. En outre, il conviendra que l'Agence française pour la biodiversité décline son action outre-mer.
Avis favorable. Je propose néanmoins de remplacer « représentation équilibrée » par « représentation significative ».
Avis favorable.
L'amendement CD488 rectifié devient donc : « Après l'alinéa 6, insérer l'alinéa suivant : “La composition du comité concourt à une représentation significative des territoires ultramarins, tenant compte notamment de la richesse de leur biodiversité.” »
L'essentiel des espaces maritimes sous juridiction française – plus de 10 millions de kilomètres carrés – est situé outre-mer. En outre, la biodiversité marine et terrestre est beaucoup plus importante outre-mer que sur le territoire métropolitain, Corse comprise. D'où l'importance de cet amendement. Il conviendra d'ailleurs de prévoir des dispositions analogues pour les organes de direction de l'Agence française pour la biodiversité. Dans l'avis favorable qu'elle a formulé sur ce projet de loi, l'Agence des aires marines protégées – dont je préside le conseil d'administration – a beaucoup insisté sur ce point.
La Commission adopte l'amendement CD488 ainsi rectifié.
L'amendement CD663 de M. Bertrand Pancher est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CD48 de M. Lionel Tardy.
Le CNPN a été créé par un décret de 2006 et fonctionne très bien : il a tenu quarante-huit réunions en 2012 pour un coût de 75 000 euros. Il n'est donc pas nécessaire de le créer à nouveau, comme le prévoit ce projet de loi. De plus, celui-ci confie au CNPN une mission d'expertise scientifique, qui fait déjà plus ou moins partie des prérogatives du Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité. Avec toutes ces instances, il y a de quoi s'y perdre !
Le CNB et le CNPN remplaceront la dizaine d'instances que j'ai citées précédemment. Or, la suppression de ces dernières suscite de fortes réticences. Il est donc nécessaire d'inscrire ces dispositions dans la loi. En outre, il convient de préserver un certain équilibre entre le CNB et le CNPN.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD7 2è rectification de la rapporteure et CD541 de Mme Laurence Abeille.
Comme pour le CNB, je propose de rendre obligatoire la consultation du CNPN par le Gouvernement sur tout projet de loi, d'ordonnance ou de décret ayant trait directement à la biodiversité.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Une telle disposition relèverait non pas de la loi, mais du règlement. D'autre part, il n'est pas opportun d'obliger le Gouvernement à consulter le CNPN, notamment parce que cette règle risque de susciter des contentieux. Il sera toujours possible au Parlement, en particulier à votre commission, de demander la consultation du CNPN, si celle-ci a été omise.
Je me réjouis également de la réduction du nombre de structures. Le CNPN étant la seule instance scientifique et technique du nouveau dispositif, il convient de l'associer clairement aux politiques de la biodiversité. On ne saurait faire l'économie de son avis. Cela dit, j'entends les arguments de Mme la ministre, tout en regrettant que le caractère facultatif de la saisine affaiblisse quelque peu le texte.
Les amendements sont retirés.
La Commission en vient à l'amendement CD98 rectifié de la rapporteure.
Compte tenu de l'importance croissante du droit international de l'environnement, il paraît opportun que le champ de la compétence consultative du CNPN soit étendu, avant leur signature, aux traités et accords internationaux en matière de biodiversité ou ayant une incidence notoire sur celle-ci. Un travail d'expertise pourra ainsi se faire en amont.
Défavorable. Le ministère des affaires étrangères craint que cela ne complique les procédures. Chaque ministère a ses propres comités et conseils et il n'est pas envisageable de leur soumettre tous les projets de traité.
Il va de soi, cependant, que le ministère de l'écologie est associé à la réflexion sur les traités et conventions ayant trait aux sujets qui le concernent. Aujourd'hui, le Conseil national de la transition écologique est saisi chaque fois que cela est nécessaire. Pourquoi mettre en doute la volonté du Gouvernement de consulter ces instances ? En outre, conférer un caractère obligatoire à de telles consultations pourrait donner lieu à des contentieux. Et je rappelle que les traités et conventions sont soumis à la ratification du Parlement : il ne faudrait pas que les différents conseils soient tentés de s'ériger en parlements bis !
Vous faites bien de souligner que c'est le Parlement qui ratifie les traités. Au reste, ces textes sont parfois soumis à d'importantes contraintes en termes de délais, ce qui rend d'autant plus périlleuse l'idée d'une consultation obligatoire.
Dans la mesure où les deux amendements précédents ont été retirés, la consultation ne serait que facultative.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CD487 de M. Lesage.
Puisqu'un décret fixe la composition du CNPN, mieux vaut que le Conseil d'État précise aussi les conditions dans lesquelles la parité est assurée dans cette instance. En parlant de « représentation équilibrée entre les femmes et les hommes lorsque la répartition entre les sexes des experts de la discipline le permet », le projet de loi semble sous-entendre que le nombre d'experts femmes dans ces domaines est insuffisant…
Tout en étant favorable, bien entendu, à la parité, je ne voudrais pas que des amendements rendent inapplicables certaines dispositions. Sagesse. (Sourires)
Avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de précision CD178 de la rapporteure.
Je le regrette car cet amendement visait à prévoir une représentation équilibrée des sciences du vivant et des sciences humaines au sein du CNPN.
Afin d'inclure l'étude des sols et des sous-sols, importante pour comprendre la biodiversité, il serait judicieux de parler de « sciences de la nature et de l'environnement » plutôt que de « sciences du vivant ».
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD23 de la rapporteure et CD542 de Mme Abeille.
Lorsque les deux instances sont saisies d'un même sujet, il convient de préciser que chacune d'entre elles rend un avis et que cet avis est rendu public.
En effet. Les deux instances sont complémentaires et doivent se situer au même niveau, l'une fournissant une analyse d'ordre stratégique et sociétal, l'autre une expertise scientifique et technique.
Il va de soi que le CNB et le CNPN seront très soucieux de l'indépendance de leurs avis. Avis plutôt défavorable.
L'amendement CD542 est retiré.
La Commission adopte l'amendement CD23.
Elle en vient à l'amendement CD664 de M. Bertrand Pancher.
Il s'agit en quelque sorte d'un amendement de cohérence avec l'amendement précédemment adopté de M. Letchimy.
Je salue cette volonté de prendre en compte la dimension ultramarine de la biodiversité. Avis défavorable cependant : le CNPN n'est pas une assemblée mais une instance d'expertise de haut niveau qui comprendra bien évidemment des spécialistes de la biodiversité ultramarine.
Je le reprends. La biodiversité implique que l'on mette en cohérence les stratégies de recherche, de développement et de protection avec la résilience populaire. Si l'on ne domicilie pas le dispositif dans les bassins maritimes transfrontaliers de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, dans le cadre plus général de la Caraïbe d'une part, de l'Amazonie d'autre part, on s'expose à une perte d'ingénierie qui aggravera la méconnaissance des populations vis-à-vis de la biodiversité de leur propre milieu et on entravera toute dynamique de progrès.
Le problème est analogue à celui de la reconnaissance des plantes médicinales des outremers dans la pharmacopée européenne, que nous n'avons réussi à imposer que tout récemment. Au temps de l'esclavage, on avait interdit l'utilisation de ces plantes de peur que les esclaves n'empoisonnent leurs maîtres. Mais nous avons encore le plus grand mal à faire nommer des experts de ce domaine – pas forcément ultramarins, là n'est pas la question – dans les comités scientifiques nationaux.
Vous ne pourrez reprendre cet amendement qu'en séance publique, mon cher collègue. Je précise toutefois que les collectivités territoriales ne sont pas représentées au sein du Conseil national de protection de la nature.
L'amendement CD664 est retiré.
La Commission adopte l'article 5 ainsi modifié.
Article 6 (articles L. 371-2 et L. 134-1 [nouveau] du code de l'environnement) : Intégration des missions du comité national « trames verte et bleue »
La Commission adopte les amendements rédactionnels CD264 et CD265 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 6 ainsi modifié.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 24 juin 2014 à 17 h 15
Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, Mme Laurence Arribagé, M. Alexis Bachelay, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Krabal, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, M. Serge Letchimy, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Robert Olive, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. - M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Denis Baupin, M. Vincent Burroni, M. Christian Jacob, M. Alain Leboeuf, M. Napole Polutélé, M. Gabriel Serville
Assistaient également à la réunion. - M. Hervé Féron, M. Paul Giacobbi, M. Joël Giraud, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Patrice Martin-Lalande, M. Lionel Tardy