La séance est ouverte à 16 heures 30.
Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.
La Commission examine, sur le rapport de M. Carlos da Silva, le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (n° 2100).
Hier après-midi, nous avons entendu M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, accompagné de M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale, et nous les avons interrogés sur le projet de loi. Ces débats ayant tenu lieu de discussion générale, je vous propose de passer directement à l'examen des articles du texte qui nous a été transmis par le Sénat. La Commission est saisie de cent trente-sept amendements et sous-amendements.
Chapitre Ier Dispositions relatives à la délimitation des régions
Avant l'article 1er A
La Commission examine l'amendement CL21 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
Le Gouvernement entend créer des régions vastes et hétérogènes dotées de compétences qui seront principalement économiques. Nous devons en tirer toutes les conséquences. Je propose que les régions, qui resteront des collectivités locales au sens de l'article 72 de la Constitution, s'administrent librement par des conseils élus composés de conseillers départementaux ainsi que de représentants des communautés de communes et d'agglomération et, lorsqu'elles existent, des métropoles situées dans leur périmètre.
Les départements qui constituent sans doute des structures trop étroites pourraient fort bien être regroupés par deux. Dans ce périmètre élargi, ils continueraient d'exercer leurs compétences et géreraient, au plus près des citoyens, les routes ou les collèges, voire éventuellement les lycées. Cela allégerait la charge incombant à la région et lui permettrait d'exercer au mieux son rôle en matière de projet économique et d'aménagement du territoire.
Il me semble également que des régions extrêmement vastes ne seraient pas des collectivités territoriales dignes de ce nom tant leur administration serait éloignée des citoyens. La création d'une structure « à deux étages » permettrait de pallier ce défaut.
Je souligne que ma proposition est très différente de la solution adoptée sous la précédente majorité – le conseiller territorial – qui manquait d'invention en maintenant les compétences et les limites des territoires tout en mélangeant les fonctions de conseiller général et de conseiller régional. La présence de conseillers infrarégionaux dans le même conseil régional permettrait au contraire d'assurer la cohésion de chaque territoire et de départager le niveau de gestion et de proximité, et celui en charge de l'essor économique.
Avis défavorable. Madame Bechtel, vous proposez quasiment une autre loi en créant un élu hybride qui ressemble au conseiller territorial.
Par ailleurs, si l'on adoptait votre amendement, la présence au sein d'une même région de métropoles réunissant plus de cent fois le nombre des habitants de communautés de communes du même territoire rendrait soit pléthorique soit déséquilibrée toute représentation des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Si je reconnais volontiers qu'il conviendrait d'évaluer la solution que je propose, notamment en ce qui concerne la représentation des EPCI, elle n'est pas irréalisable pour autant. En tout cas, dans l'esprit et dans la lettre, ma proposition est très éloignée de celle qui a conduit à la création du conseiller territorial.
La Commission rejette l'amendement.
Article 1er A : Objectifs assignés au présent texte
La Commission est saisie des amendements de suppression de l'article CL85 du rapporteur, CL3 de M. Lionel Tardy, et CL42 de M. Alain Tourret.
L'article 1er A a été introduit dans le projet de loi au Sénat par un amendement de M. François Zocchetto et des membres du groupe Union des démocrates et indépendants-Union Centriste. Il assigne au projet de loi des objectifs de portée très générale et, de fait, justifie par anticipation la suppression de son article 1er.
Dans la perspective du rétablissement de la nouvelle carte des régions, ces dispositions n'ont pas leur place dans le texte.
Une sorte de « pathos » étonnant de la part du Sénat caractérise les deux premiers alinéas de l'article 1er A. En effet, la Haute assemblée est habituellement peu avare en remontrances à notre égard quant à la qualité de la rédaction des textes que nous adoptons. Peut-être a-t-elle voulu nous donner l'occasion de lui renvoyer l'ascenseur ?
Les deux alinéas suivants renvoient aux calendes grecques l'examen du projet de loi en proposant qu'il soit préalablement débattu de la sphère de l'intervention de l'État, de la réforme de la fiscalité locale ou d'une nouvelle répartition des compétences. Parce que nous souhaitons entamer immédiatement l'examen du texte, nous demandons la suppression de l'article.
Cet article qui ressemble à une sorte d'exposé des motifs n'a aucune portée normative. Il est d'autant plus hors de propos qu'il évoque « une meilleure efficience publique » alors que le Gouvernement a fini par admettre que les économies générées par la réforme seraient dérisoires. Cette dernière n'a en effet d'autre but que de faire diversion pour faire oublier les problèmes économiques de notre pays. Contrairement à ce qui est écrit dans l'article, le projet de loi ne permettra pas non plus « de lutter contre l'érosion de la démocratie locale » car il crée des centres régionaux toujours plus éloignés des citoyens. Issu de tripatouillages élyséens opérés dans une effrayante improvisation, il n'apporte pas plus « les réponses différenciées et adaptées aux réalités de chaque territoire » évoquées, ni ne traite de la question centrale des compétences en amont qu'il n'aborde que de façon annexe et secondaire. Il n'est accompagné d'aucune réforme de la fiscalité locale.
Cet article constitue finalement un bon résumé de ce que n'est pas la réforme bâclée qui nous est proposée.
Je voudrais faire entendre une voix différente. Certes il ne s'agit pas là d'une très belle rédaction mais l'article 1er A a au moins l'intérêt de rappeler, d'une part, que le projet de loi a été présenté sans véritable exposé des motifs – probablement pour la simple et bonne raison qu'il s'agit en fait d'une loi de « recentralisation » –, et, d'autre part, qu'il aurait été préférable de traiter des compétences avant de dessiner des cartes.
La Commission adopte ces amendements.
En conséquence l'article 1er A est supprimé, et les amendements CL41 et CL40 de M. Alain Tourret tombent.
Avant l'article 1er
La Commission en vient à l'amendement CL57 de M. Michel Piron.
Il s'agit de préciser que le projet de loi « veille au respect des spécificités de chacun des territoires en associant ces derniers aux décisions qui les concernent ».
Avis défavorable. Les dispositions proposées ne sont pas normatives. Plutôt que d'écrire que la loi doit permettre un meilleur exercice de la démocratie, autant prendre directement des mesures en ce sens comme le texte le propose.
La Commission rejette l'amendement.
Article 1er (supprimé) : Délimitation des nouvelles régions
La Commission examine, en discussion commune, les amendements de rétablissement de l'article CL44 de M. Paul Molac, CL72 de M. Thierry Benoit, CL86 du rapporteur, qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements, CL4 à CL9, tous de Mme Pascale Boistard, CL14 de M. Dominique Bussereau, CL16 de Mme Delphine Batho, CL25 et CL26 de Mme Martine Lignières-Cassou, CL29 et CL30 tous deux de M. Alain Tourret comme les amendements CL32 à CL35 et CL39, CL45 de M. Paul Molac, CL47 de M. François de Rugy, CL63 et CL64 de Mme Marie-Jo Zimmermann, CL71 de M. Jean-Luc Warsmann, CL73 de M. Thierry Benoit, CL74 de M. Michel Piron, CL75 de M. Jean-Louis Gagnaire, CL80 de M. Paul Molac et CL83 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
La réforme en cours ne doit pas se faire dans la précipitation en négligeant les oppositions des conseillers régionaux aux fusions. Il serait opportun de commencer par les fusions souhaitées et de consulter les populations qui se sont parfois exprimées spontanément sur le sujet. Ces dernières doivent en effet s'approprier le territoire et avoir pleinement conscience de son action et de sa place.
Je demande à M. Molac de retirer son amendement CL44. Il est présenté dans le meilleur esprit, mais s'il était maintenu, je me verrais contraint d'émettre un avis défavorable.
La loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, dite « ATR », puis la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dont je reconnais qu'elle rendait les choses plus complexes, permettaient déjà aux conseils régionaux d'engager leur fusion. Il me semble donc difficile de parler de précipitation.
J'ai par ailleurs constaté lors de nombreuses auditions de conseillers régionaux que, si les bonnes volontés individuelles étaient nombreuses, leur addition n'aurait pas permis de construire un projet collectif. Il fallait donc agir et donner une impulsion et un rythme qui assurent la réussite de la réforme.
L'amendement CL44 est retiré.
Comme nombre de mes collègues du groupe UDI, je suis favorable à la décentralisation et à la subsidiarité. Avec l'amendement CL72, il s'agit d'associer, à titre expérimental, les territoires à la réforme en permettant aux conseils régionaux et généraux de proposer, dans les trois mois qui suivent la promulgation de la loi, un schéma de réorganisation territoriale qui pourrait préfigurer un schéma de « compétences ».
Comme sur l'amendement précédent, à défaut d'un retrait, j'émettrai un avis défavorable. À nouveau, la disposition d'esprit dans laquelle se trouve son auteur est particulièrement positive, mais il est maintenant temps d'agir.
Je maintiens d'autant plus fermement mon amendement que, dans mon « état d'esprit », il participerait parfaitement à une co-construction de la réforme avec le Gouvernement.
Je profite de cet amendement pour exprimer, de façon générale un certain scepticisme. Je ne suis pas opposé à la décentralisation, mais je ne vois pas ce qu'apporte ce projet de loi en la matière.
Alors que tout le monde souhaite partout en finir avec le « millefeuille institutionnel », votre réforme, si elle agrandit les régions, ne supprime aucune de ses couches. Je crains de plus qu'elle soit de nature à renforcer les « baronnies locales » qui pourraient demain constituer un obstacle aux nécessaires politiques de réforme qu'il faudra que notre pays entreprenne.
Je soutiens l'amendement CL72 car, en ne consultant pas préalablement les élus de terrain, la majorité se conduit aujourd'hui comme elle nous reprochait hier de le faire.
Alors que sa commission spéciale avait commencé à esquisser une nouvelle carte des régions, en séance publique, le Sénat a préféré supprimer l'article 1er du projet de loi en adoptant des amendements de suppression déposés par le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs membres du groupe UMP…
Le Sénat qui représente les collectivités locales n'a pas eu le courage d'aller au terme du travail qu'il avait entamé.
Pendant la même période, j'ai reçu à l'Assemblée nationale les représentants des quatre premiers groupes politiques de chacune des régions actuelles. Interrogés un par un, les conseillers régionaux sont favorables à une réforme qu'ils attendent depuis longtemps. Si leurs propositions additionnées ne permettent pas de dessiner une carte de France des régions, j'ai constaté que celle proposée par le Gouvernement dans le projet de loi déposé au Sénat ne posait pas de problèmes majeurs. Le travail interrompu doit donc être poursuivi pour recueillir l'assentiment d'une majorité de réformateurs.
C'est en ce sens que je présente l'amendement CL86. Il convient aujourd'hui de reprendre la proposition issue des consultations menées par le Gouvernement en incluant la fusion du Limousin et de l'Aquitaine, évolution que les élus du conseil régional du Limousin semblaient appeler de leurs voeux et qui n'était pas rejetée par le président du conseil régional d'Aquitaine.
Cet amendement réintroduit dans le projet de loi une carte destinée à dessiner des régions plus grandes et plus fortes. Modestement, j'ai proposé une première évolution qui montre que le débat parlementaire doit jouer pleinement son rôle pour améliorer la proposition du Gouvernement. Cet amendement ne peut être compris sans tenir compte de ceux que je présenterai ultérieurement relatifs, par exemple, au droit d'option des départements.
Étant donné l'enjeu du débat, pour faciliter le déroulement de notre discussion, je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent intervenir, avant même que nous n'examinions formellement les sous-amendements puis les amendements en discussion commune.
On peut discuter, dans chacun de nos groupes, sur l'opportunité de créer des régions de dimension européenne. Je partage l'idée du président de la République qu'il faut augmenter la taille des régions et, partant, réduire leur nombre.
Il est navrant que le Sénat n'ait pas adopté l'amendement du groupe socialiste, soutenu par les sénateurs de la région Poitou-Charentes, la très grande majorité des députés, des sénateurs, des membres des conseils généraux et des conseils municipaux, ainsi que 84 % des habitants de Charente-Maritime, 75 % des habitants de la Charente, et quasiment la même proportion des habitants des Deux-Sèvres ou de la Vienne. Après avoir parlé avec Alain Rousset, Jean-Paul Denanot et Marie-Françoise Pérol-Dumont, nous pensions que le regroupement de l'Aquitaine, du Limousin et de Poitou-Charentes serait adopté. Faut-il incriminer le contexte préélectoral ou la difficulté du Gouvernement à gérer sa majorité au Sénat ? Toujours est-il que l'article 1er a été emporté par une vague qui ne venait pas de l'Atlantique, car elle n'était pas bleue, mais grise et noire. Ce vote a bafoué la volonté des Picto-Charentais de se tourner vers leur métropole économique, où se trouvent leur chambre régionale des comptes, la cour administrative d'appel, la zone de défense, les hôpitaux et l'aéroport.
Sans sous-estimer la tâche du rapporteur, qui doit mener des arbitrages de toute nature à l'intérieur des partis comme des régions, je combattrai son amendement tendant à écarter Poitou-Charentes de Bordeaux, lequel a suscité une profonde colère à gauche comme à droite.
Les députés du groupe socialiste voteront l'amendement du rapporteur, en sachant que la carte ainsi proposée ne sera ni idéale ni définitive. Au passage, je salue la qualité légistique de l'amendement, plus facile à lire que le tableau proposé le Gouvernement.
Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission.
Quand le président de la République a esquissé son projet, j'ai fait partie de ceux qui ont dit : « Chiche ! » J'y ai vu l'occasion de réviser la carte, de réaliser un arbitrage entre régions et départements – car on ne pourra maintenir durablement les deux structures – et de faire des économies. Hélas, la carte du 2 juin, apparue dans les conditions que l'on sait – absence de concertations et d'échanges, projets surgissant à la dernière minute, comme le rapprochement de la Picardie et de la Champagne –, repose sur une idée fausse.
Il n'est pas vrai qu'il faille absolument créer de grandes régions. Celles-ci doivent se caractériser non par leur taille mais par l'existence d'une affectio societatis. Dans le cas de Poitou-Charentes et de l'Aquitaine, on peut associer une taille correcte et une volonté de vivre ensemble, mais ces deux critères ne sont pas toujours réunis.
Ceux qui plaident pour de grandes régions invoquent l'exemple allemand. Or non loin de la Bavière et de la Nord-Westphalie, à la démographie élevée, le Land de Brême ou la Sarre ont une population très réduite. Reste que ces Länder ont été façonnés par l'histoire. Mme Merkel ne les a pas dessinés un soir dans son bureau.
L'essentiel de la réforme visant à transférer des compétences des départements vers les régions, elle éloignera les administrés des centres de décisions. N'allons pas trop loin en créant des territoires très vastes !
Enfin, il est dommage que le projet refuse aux départements issus d'une même région la possibilité de suivre des itinéraires différents. La Loire-Atlantique aspire à rejoindre la Bretagne, qui ne demande qu'à l'accueillir. Cette volonté populaire s'est exprimée à Nantes dans un rassemblement qui a réuni 15 000 personnes et auquel j'ai participé. Je regrette qu'on n'en tienne pas compte, alors que c'est le désir de vivre ensemble qui permet de créer des solidarités et de se projeter dans l'avenir.
Je vous engage donc, mes chers collègues, à nous saisir de la carte afin de la réviser sérieusement.
Monsieur le rapporteur, êtes-vous prêt à émettre un avis favorable à des amendements tendant à réviser votre carte ? Y a-t-il, en la matière, des points négociables et d'autres qui ne le seraient pas ? Pour nous – je me tourne vers le maire du Havre –, la réunion de la Basse et de la Haute-Normandie, que vous nous proposez, ne peut pas être modifiée. Elle est incontestable, compte tenu de notre histoire et notre rayonnement. Nous sommes la seule région qui ait constitué un royaume. Nous avons conquis l'Angleterre, la moitié de la France, l'Italie du Sud, la Sicile et la principauté d'Antioche. Récemment, les chefs d'État du monde entier sont venus « en Normandie ». S'il y a pour nous un point non négociable, c'est la Normandie, toute la Normandie et rien que la Normandie.
Je ne comprends pas plus que M. Bussereau la fusion de Poitou-Charentes et du Centre, pas plus que je ne comprenais le projet initial de réunir Poitou-Charentes et le Limousin. On a probablement commencé par découper d'autres territoires, avant de bricoler quelque chose avec les régions qui restaient.
Sur le territoire envisagé, la distance du nord-est au sud-ouest atteindrait 500 kilomètres. Comment pourrait-on y prendre des mesures de développement économique cohérentes ? On nous objectera peut-être que l'Aquitaine unie au Limousin et à Poitou-Charentes deviendrait une très grande région, mais Pau, située en Aquitaine, n'est pas plus proche de Bordeaux que Niort, en Poitou-Charentes. Pourquoi ne pas réunir les deux régions ? À l'inverse, certains regroupements sont très arbitraires.
Le rapporteur ne souhaite pas ouvrir la boîte de Pandore que constituerait le découpage infrarégional. C'est pourtant dans cette direction qu'il faudrait aller pour faire oeuvre utile. Il propose de réunir la Bourgogne et la Franche-Comté, mais, au-delà des jeux de rôle et des discours convenus, quel point commun trouve-t-il entre Besançon et Auxerre, alors qu'on rencontre, dans l'Yonne et le Loiret, les mêmes paysages et les mêmes préoccupations en particulier agricoles ?
Je rappelle enfin que le découpage départemental, bien qu'il soit historique, était lui aussi arbitraire. Profitons de ce texte pour trouver un dessin cohérent. Bien des députés de l'opposition soutiendront le rapporteur s'il s'engage dans cette logique.
À nos collègues qui déplorent que la carte ne s'appuie pas sur des compétences nouvelles, je rappelle que le rapport Balladur de 2009, que j'ai lu et relu, proposait le même nombre de régions que la réforme actuelle. Pour avoir longuement travaillé sur le sujet en 2005 et rédigé un rapport en 2006, j'en suis arrivé aux mêmes conclusions : pour des raisons de gouvernance – et pas seulement d'administration –, on tombe nécessairement sur quatorze ou quinze régions.
Si l'on transmet aux régions des compétences économiques, notamment la constitution et l'appui des filières, ce qui est essentiel pour les entreprises de taille intermédiaire, si on leur confie la mise en réseau des universités et leur interface avec la recherche et les entreprises, il faut qu'elles aient un poids suffisant. Voilà qui plaide encore pour un total de quatorze ou quinze régions, en sachant qu'il n'existe pas de carte idéale.
Un problème n'a peut-être pas été assez soulevé, y compris dans les médias : celui de la périphérie de l'Île-de-France. Celle-ci est à la fois la région la plus riche, la plus peuplée, la plus dense, la plus petite et la plus attractive. C'est ce qui explique qu'on ne trouve aucune métropole à proximité. D'où le problème de la Picardie, du Centre ou de Champagne-Ardenne, issu du déséquilibre territorial de notre pays.
Certains invoquent l'histoire pour contester la réunion des Pays de la Loire et de la Bretagne. De quelle histoire parlent-ils ? Vont-ils remonter aux Plantagenêt, dont les gisants se trouvent à Fontevraud, en Maine-et-Loire ? Pourquoi ne pas citer l'histoire contemporaine qui, depuis cinquante ans, a vu se renforcer la collaboration entre les territoires ? On peut construire des régions sur des complémentarités plus que sur les similitudes et l'entre-soi. C'est le pari gagné depuis cinquante ans par les Pays de la Loire, et consacré par leur développement, leur prospérité et leur faible taux de chômage. Peut-on enfin citer l'opinion des Français ? Selon les derniers sondages, 67 % des habitants des Pays de la Loire voudraient se rapprocher de la Bretagne, et 63 % des Bretons approuveraient cette réunion.
Je terminerai en posant une question au rapporteur. Le II de son amendement CL86 indique : « Les régions sont constituées à partir des régions suivantes ». Peut-il préciser la portée juridique des mots : « à partir » ?
Je signale à M. Tourret que la Bretagne a été elle aussi un royaume. Quand Anne de Bretagne a accepté le rattachement à la France, en épousant Charles VIII, puis Louis XII, elle n'imaginait sans doute pas que ce mariage condamnerait la Bretagne à être coupée en deux ! M. Piron a raison : il ne faut pas s'enfermer dans l'histoire, mais on ne doit pas non plus s'en remettre à des logiques purement technocratiques.
En regardant la carte de la réforme, que l'amendement ne modifie qu'à la marge, j'ai l'impression de contempler l'enfant génétiquement modifié d'un mariage improbable entre la technocratie et les baronnies locales. Il faut un fil rouge, une cohérence, une légitimité, à défaut d'un consensus, pour déterminer la taille des régions : la géographie, la démographie, le PIB ou la solidarité territoriale. La carte semble ignorer ces critères. Elle réunit la Normandie, mais non la Bretagne. Comprenne qui peut ! Elle laisse des régions telles quelles – le Nord-Pas-de-Calais, la Bretagne, les Pays de la Loire –, alors qu'elle fusionne, contre l'avis de tous, la Picardie et Champagne-Ardenne.
Pour nous, la vraie légitimité est le désir de vivre ensemble et l'existence d'une culture et d'une identité régionales, que certains assimilent à tort à un repli identitaire. Leur anathème ne doit pas polluer notre débat. C'est quand on est clair sur ce qu'on est et sur ce qu'on veut faire qu'on peut se tourner pleinement vers les autres. À cet égard, la Bretagne n'a de leçon à recevoir de personne.
Je ne sais si nous arriverons à nous mettre d'accord sur une carte au cours de la première lecture. Procédons par étape. Examinons les amendements et dépassons les frontières des groupes politiques. Les blocages viennent généralement des divisions à l'intérieur du groupe majoritaire comme du principal groupe de l'opposition. Dépassons-les et acceptons de nous mettre autour de la table.
Je vous remercie de me donner la parole, alors que je n'appartiens pas à votre Commission. Je comprends la volonté des deux Charentes de se tourner vers Bordeaux, mais je rappelle à M. Bussereau que le sud et l'est de l'Aquitaine ne rêvent pas d'un mariage avec Poitou-Charentes. Nous avons une coopération très forte avec Midi-Pyrénées, en termes d'aéronautique ou d'agro-alimentaire. Par ailleurs, l'Aquitaine n'a pas seulement une vocation de littoral.
Je suis pour le mouvement, et mon point de vue, au moment où j'aborde le débat, n'est pas conservateur. La nécessité de créer de grandes régions pose le problème du maintien des conseils généraux dans les départements ruraux. Nous y reviendrons. La carte que propose le rapporteur offre au moins une base de discussion.
On ne réussira pas la réforme territoriale contre la volonté des territoires. Or ceux-ci ignorent encore les critères qui ont présidé à l'élaboration de la carte. Pourquoi maintenir une région qui ne regroupe que quatre départements et en redessiner d'autres bien plus vastes ? Dans la soirée du 2 juin, trois solutions différentes ont été envisagées pour la région Poitou-Charentes, ce que ses habitants ont très mal vécu : ils sont les plus fortement opposés à la carte proposée.
Les membres de la commission des Lois et du Gouvernement pensent que les élus de notre région n'ont pas d'avis. C'est faux. Ils soutiennent en majorité la réunion de l'Aquitaine, du Limousin et de Poitou-Charentes. Élue du département des Deux-Sèvres, tourné vers les Pays de la Loire, je reconnais qu'il existe d'autres possibilités, mais seul le schéma Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes maintiendra l'unité de la région Poitou-Charentes. À défaut, compte tenu des voeux qu'ont exprimé trois départements sur quatre, on ira inévitablement vers un dépeçage, contraire au projet de regroupement défendu par le Gouvernement.
Le Sénat n'a pas assumé le statut de chambre représentant les collectivités locales, qu'il revendique pourtant, en n'adoptant aucun texte et donc aucune carte en séance publique – alors même que la commission spéciale avait arrêté un découpage régional, avant de rejeter le projet dans son ensemble. L'Assemblée nationale doit donc élaborer une carte. M. le rapporteur a proposé une carte différente de celle du Gouvernement, ce qui prouve que l'on peut apporter des modifications et que le débat reste ouvert. De mon point de vue, il y a lieu d'approuver la carte de M. le rapporteur, de manière à poursuivre la discussion avec une méthode efficace.
Par ailleurs, le découpage des grandes régions ne pourra être qu'imparfait puisqu'il sera impossible de respecter totalement les identités culturelles, territoriales ou linguistiques en ne démembrant aucune région existante. Cependant, ces nouvelles entités n'empêcheront nullement l'existence et la valorisation des cultures locales et des traditions linguistiques ; en effet, il sera possible de créer des structures mettant en avant les cultures et l'histoire locale dans de très grandes régions, comme celles résultant de la fusion de Midi-Pyrénées et du Languedoc-Roussillon ou de celle de Rhône-Alpes et de l'Auvergne.
Enfin, M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale, a répété que les départements pourront faire connaître leur préférence en matière de rattachement régional – ce que l'on appelle, peut-être de manière impropre, le droit d'option ; néanmoins, ce souhait n'a pas à s'exprimer maintenant car il y a lieu de mener rapidement à terme cette réforme, alors que les réflexions sur l'appartenance régionale et sur la répartition harmonieuse de la puissance économique entre les régions nécessitent du temps.
Je remercie M. le rapporteur d'avoir formulé une proposition, faute de l'avoir reçue du Sénat. Je ne partage pas les idées qui ont été avancées par certains collègues sur l'identité et qui me rappellent le débat sur l'identité nationale. Il convient de bien réfléchir à cette question, car elle touche à ce que représente la France.
Lorsqu'un département pèse d'un poids économique et démographique élevé, son rattachement à une autre région peut conduire à l'écroulement de sa première région. Nous devons éviter cet écueil afin de construire des régions fortes disposant d'une taille leur permettant de jouer un rôle en Europe.
C'est l'aménagement du territoire qui compte ! Quelle solidarité peut exister dans une grande région ? La région Bretagne finance une bonne partie de la ligne TGV entre Paris et Rennes – dès la Mayenne d'ailleurs –, et je ne pense pas que les Pays de la Loire financeraient le tronçon entre Rennes et Brest.
Le budget de l'office public de la langue bretonne s'élève à 1,3 million d'euros, dont 50 000 proviennent de la région Pays de la Loire, le reste étant financé par la région Bretagne et par les départements qui la composent. Or, le département le plus peuplé, celui de Loire-Atlantique, appartient à la région Pays de la Loire. On voit donc bien que sans volonté politique aucun changement n'a lieu. Nous craignons que les activités se localisent de plus en plus près de Paris puisque Le Mans ne se situe qu'à une heure de la capitale en train, alors qu'il faut quatre heures et demie pour rejoindre Paris en partant de Brest. Par ailleurs, la région Bretagne est celle qui a développé le plus de coopérations avec les autres régions françaises.
Dans les Pays de la Loire, 46 % des habitants se disent prêts au démembrement de la région, et l'attachement régional s'avère le plus faible de France, région francilienne exceptée. La création de grandes régions pose la question de l'aménagement du territoire et engendrera des redécoupages pour les marges de certaines d'entre elles.
La question de la taille optimale des régions reste théorique, et le redécoupage régional ne s'imposait pas.
Tout redécoupage produit des insatisfactions et tel devait déjà être le cas lors de la réalisation du tracé des régions en 1972. En 1960, le Gouvernement avait souhaité fusionner la Bourgogne et la Franche-Comté, mais Michel Debré, alors Premier ministre, avait accédé à la demande de Edgar Faure de laisser ces deux entités séparées. Le redécoupage oblige à se pencher sur les pôles d'attraction principaux ; le Gouvernement a décidé d'agir par bloc – comme aurait pu le dire Georges Clemenceau dans d'autres circonstances –, c'est-à-dire que l'on procède à des fusions de régions déjà existantes. Or la cartographie proposée ne tient pas compte des flux économiques et de la vie des populations. Monsieur le rapporteur, prenez en compte les demandes des populations – celles-ci en formulent en effet, les élus n'étant pas les seuls dans ce cas contrairement au portrait trop répandu de défenseurs de leurs propres intérêts que l'on fait d'eux –, car les forces économiques, sociales et syndicales s'expriment et rejettent le redécoupage proposé.
Comme la Normandie, la Savoie a exercé une souveraineté sur la Sicile, cher Alain Tourret, et elle est la dernière province à avoir volontairement rejoint la France, en 1860. Deux conseils généraux ont incarné cette petite patrie, et cette réforme qui vise à supprimer les départements et à dessiner de grandes régions – comme l'ensemble composé de Rhône-Alpes et de l'Auvergne dont je ne perçois pas bien la cohérence – entraînera la disparition de tout centre de décision dans les pays de Savoie. Si l'on regarde les cinquante ou soixante dernières années, des initiatives conduites par des conseillers généraux ou des maires n'auraient pas été prises depuis Lyon ou Paris. Agrandir la région et éliminer les départements revêt un paradoxe, même si la reconfiguration du périmètre des départements et de la répartition des compétences entre ceux-ci, les régions et l'État s'avère nécessaire – à ce titre, je soutiens plusieurs éléments contenus dans le projet de loi sur les compétences. Les élus des deux départements savoyards se battront pour que la réforme prenne en compte la gouvernance de certains territoires spécifiques.
Il est légitime qu'un débat ait lieu sur la carte nationale des régions, mais il doit reposer sur la défense d'une logique d'ensemble et sur la prise en compte de l'histoire nationale davantage que sur des contestations alimentées par une vision limitée au pré carré de chacun. Je voudrais saluer l'intervention de notre collègue Michel Piron qui a pointé la question essentielle de l'opposition entre la gouvernance et l'administration. Il me semble que nous devons conduire la logique des grandes régions à son terme, ce qui implique de leur reconnaître comme vocation l'animation de l'économie du territoire à travers les grandes filières et les projets d'infrastructure. Or ce n'est pas une simple collectivité locale qui peut exercer cette mission.
Ce découpage mettrait face à face les trois régions identitaires de notre pays, qui peuvent souffrir de faiblesses républicaines, et les autres régions, hétérogènes, qui elles courent le risque de ne pas être assez démocratiques. Dans ces dernières, le citoyen se trouvera en effet trop éloigné de ceux qui l'administrent et vivra dans un territoire aux caractéristiques trop différentes de celles d'un autre espace situé dans la même région. L'intervention de M. Hervé Gaymard, avec laquelle je me trouve en accord, vient de souligner ce danger.
Le droit d'option ne lèvera pas les difficultés, car il rajoutera du désordre au désordre. Si nous voulons réaliser des économies par des transferts de compétences et de services et par un partage nouveau des territoires, il ne faudra pas rouvrir le chantier dans deux ans pour perdre les acquis financiers qui auront pu être engrangés.
Quel que soit le découpage adopté, il convient de mûrir davantage la réflexion sur la gouvernance des futures grandes régions.
La carte du Gouvernement, amendée par M. le rapporteur, requiert quelques améliorations. Je soutiens le rapprochement de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais – et par voie de conséquence probable, celui de la Champagne-Ardenne et de l'Alsace-Lorraine –, car la Picardie est bien plus proche du Nord-Pas-de-Calais que de la Champagne-Ardenne. En effet, il existe des pôles de compétitivité communs aux deux régions – Up-tex centré sur les textiles de demain ou I-trans qui développe de la recherche et développement dans le transport durable –, ainsi qu'une continuité dans l'appellation d'origine contrôlée du Maroilles. En outre, des infrastructures donnent de la pertinence au rapprochement entre ces deux régions – les autoroutes A1, A2, A16 et A29, et la route nationale 2 –, de même que des projets d'avenir et de grande envergure – le canal Seine-Nord et celui de la Sambre à l'Oise pour le développement du tourisme. Les proximités – notamment culturelles – et les complémentarités entre ces deux territoires s'avèrent grandes. Les réformes territoriales doivent s'appuyer sur des identités fortes, et contrairement à ce que disait Mme Marie-Françoise Bechtel, ces dernières ne nous font pas sentir moins républicains.
J'appartiens à la commission du Développement durable et de l'aménagement du territoire qui a émis hier un avis ne paraissant pas devoir être repris par votre Commission, saisie au fond.
Le rapporteur a heureusement formulé une proposition de carte après la page blanche transmise par le Sénat, mais nous ne devons pas nous interdire de l'amender. Ce serait à l'honneur du Parlement de proposer une carte, si possible transpartisane. Je crains que nous subissions la carte de visiteurs du soir, et il ne serait pas inutile que le Gouvernement dispose d'une alternative élaborée par l'Assemblée nationale.
Les découpages entraînent toujours des débats passionnels au sein du Parlement, les députés et les sénateurs étant élus dans des territoires. Nous appelons de nos voeux la création d'une région regroupant le Poitou-Charentes, l'Aquitaine et le Limousin, qui ne poserait aucun problème aux populations concernées et qui s'articulerait autour d'une métropole située en son coeur géographique.
Je suis donc heureux de la proposition émise par le rapporteur, mais j'espère que l'on pourra l'amender car, en séance, je ne la voterai pas en l'état.
La carte proposée crée quatre régions entre Bordeaux et Grenoble et dix au nord de la Loire, ce déséquilibre pouvant affecter les débats nationaux. Entre le parlement de Bretagne et le château de la duchesse Anne, entre la Mare au diable et les terres alsaciennes, entre la Normandie de Guillaume le Conquérant et l'Aquitaine, notre petit pays catalan se trouve ancré en Occitanie. N'oublions pas non plus Marseille, première terre de romanité ! La France est un beau pays, républicain, un et indivisible. Nous menons ici des travaux visant à améliorer la vie de nos concitoyens, à assurer le développement économique de l'ensemble de nos territoires et à construire autour des métropoles une nouvelle économie française qui ne soit pas que parisienne. Abandonnons toutes les cartes prétendument historiques et qui datent en fait de moins de cinquante ans.
Si l'on raisonne en termes historiques, démographiques, patrimoniaux ou de voies de circulation, le mariage du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées ne s'impose pas, car le PIB de la première est compris entre 63 milliards et 65 milliards d'euros, alors que le second, concentré dans la région toulousaine, n'atteint que 75 milliards d'euros. Ces régions, comparables économiquement, possèdent une organisation très différente puisque Midi-Pyrénées est étendue, mais concentrée sur sa capitale, quand un chapelet de villes en bord de Méditerranée compose le Languedoc-Roussillon, dont Montpellier, qui doit conserver le rang de capitale régionale. Le Languedoc-Roussillon pourrait rester une belle région, active, volontaire, sans prétention, mais déterminée.
L'absence de proposition de carte de la part du Sénat crée un problème, et nous devons poser ici les fondements d'un découpage, reconnu par tous. Les sensibilités de chacun rendent difficile le rapprochement des régions, et il convient de soutenir le travail effectué par le rapporteur.
Madame Le Dain, la région Midi-Pyrénées n'a jamais eu la moindre prétention hégémonique sur une autre entité. M. Martin Malvy a d'ailleurs rappelé notre disposition à travailler ensemble dans un esprit de complémentarité, qui bénéficiera autant à la région Midi-Pyrénées qu'à celle du Languedoc-Roussillon. Toulouse n'occupe pas plus une position hégémonique au sein de la région Midi-Pyrénées, puisque de nombreuses villes satellites – Albi, Auch, Rodez, Montauban, Tarbes, Foix et Figeac – possèdent une grande importance. Nous savons dialoguer, et je me réjouis de la force qu'aurait une grande région composée de Midi-Pyrénées et du Languedoc-Roussillon. L'intérêt des populations commande de soutenir le tracé de cette carte, et je remercie son auteur, M. le rapporteur, de suggérer que nous nous associions afin d'être plus forts dès demain !
La Commission examine la série des sous-amendements à l'amendement CL86 du rapporteur.
Elle est tout d'abord saisie des sous-amendements CL127 et CL109 de Mme Pascale Boistard.
Je remercie M. le rapporteur de son travail préalable à la réunion d'aujourd'hui, car il a tenu à écouter les acteurs concernés par ce projet, et notamment des représentants de la Champagne-Ardenne et de la Picardie au cours d'une audition qui a clairement montré le refus de ces deux régions de fusionner.
Ces sous-amendements s'inscrivent dans l'objectif du projet de loi qui vise à construire une architecture territoriale pour les trente prochaines années au minimum – et non pas pour les quelques mois nous séparant d'un scrutin électoral. Le premier, le CL127, propose que la Picardie soit rattachée à la Basse-Normandie, à la Haute-Normandie et au Nord-Pas-de-Calais, et le second, le CL109, suggère que la Picardie rejoigne simplement le Nord-Pas-de-Calais, cet ensemble plus petit s'avérant très cohérent. La majorité du groupe SRC soutient le second sous-amendement.
La Commission en vient au sous-amendement CL129 de M. Jean-Luc Warsmann.
Le sous-amendement CL129 a le même objet que le sous-amendement CL109. Durant les jours qui ont précédé l'annonce de cette réforme, plusieurs cartes ont circulé qui, toutes, respectaient la géographie puisque la Champagne-Ardenne faisait partie de l'Est de la France. Autant dire que nous avons été stupéfaits de découvrir qu'in fine, on unissait cette région à la Picardie. La Champagne-Ardenne n'a rien en commun avec l'Oise ou la Somme. Et allez expliquer à un habitant de Champagne-Ardenne que demain, il fera partie d'une région maritime ! À l'horizon d'une trentaine d'années, les enjeux, pour les habitants de l'Est, résident au premier chef dans les relations transfrontalières avec la Belgique, l'Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas ; dans le développement de l'industrie, comme en Lorraine ; et enfin, dans celui de nos pôles de compétitivité.
Plusieurs collègues et moi-même présentons un sous-amendement conforme à l'esprit de la réforme voulue par la majorité, en particulier au souhait que les blocs de région actuels soient conservés sans en désolidariser certains départements. Le Premier ministre ayant indiqué que les amendements réduisant le nombre de régions seraient susceptibles d'être acceptés par le Gouvernement, nous vous proposons, comme nos collègues picards, de réunir la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais et que la Champagne-Ardenne rejoigne l'ensemble comprenant la Lorraine, afin de respecter la logique géographique et économique. Cet amendement qui vise à intégrer ce territoire en difficulté au sein d'une grande région située au coeur de l'Europe est soutenu par les habitants de ce territoire.
La Commission est saisie du sous-amendement CL100 de Mme Delphine Batho.
Cosigné par plusieurs élus de la région Poitou-Charentes, le sous-amendement CL100 vise à procéder à la même modification que celle adoptée dans un premier temps par le Sénat.
La Commission examine le sous-amendement CL110 de M. Dominique Bussereau.
Le sous-amendement CL110 a le même objet que le sous-amendement CL100 de Mme Delphine Batho. J'ai exprimé tout à l'heure les raisons pour lesquelles je souhaite que les régions de Poitou-Charentes et du Limousin soient organisées autour de la métropole de Bordeaux.
La Commission aborde le sous-amendement CL107 de M. Michel Piron.
Au cours des trente dernières années, 44 des 47 contractualisations interrégionales conclues par les Pays de la Loire l'ont été avec la Bretagne, contre trois seulement avec la région Centre. Vous comprendrez donc pourquoi je propose la constitution d'une région Bretagne-Pays de la Loire.
La Commission en vient au sous-amendement CL125 de Mme Monique Rabin.
Je soutiens ce projet de loi ambitieux qui témoigne d'un grand courage de la part de notre exécutif face aux réactions de certaines féodalités. Je suis satisfaite qu'il ait été décidé de conserver a minima le contour des régions dont l'identité, inexistante lors de leur création en 1972, s'est forgée au fil du temps. Je serai donc opposée à tout droit d'option.
S'agissant de l'Ouest de la France, je propose, tout comme mon collègue Michel Piron, un amendement visant à unir la Bretagne et les Pays de la Loire. J'emploie à dessein le terme d'union car il ne me semble pas qu'une région à l'identité aussi forte que la Bretagne puisse fusionner avec une autre. Bien qu'elle comprenne un Pays basque à l'identité forte, l'Aquitaine a été capable de construire une région administrative et économique qui fonctionne. Non seulement la Bretagne et les Pays de la Loire ont conclu de nombreux accords mais en outre, dans les Pays de la Loire, cette union fait consensus chez les groupes politiques, à l'exception d'Europe Écologie-les Verts, et l'unanimité de la société civile – qu'il s'agisse du monde économique, syndical ou sportif. Que l'on prenne en considération la notion de pôle métropolitain, nos pôles de compétitivité ou encore le travail commun qu'effectuent ces deux régions à Bruxelles, nombreuses sont les raisons de les réunir. La réforme que nous votons aujourd'hui n'a pas pour unique horizon l'année 2014 mais le XXIe siècle. Alors que la commission d'enquête sur l'exil des forces vives, à laquelle je participe, pense en termes de mondialisation, je suis surprise que nous soyons ici quelque peu repliés sur nous-mêmes. Enfin, je n'oublierai pas que je suis législateur, avant d'être une élue des Pays de la Loire.
Je suis partagé entre la logique nationale et celle de l'élu d'un territoire – qui voudrait une fusion entre la Bretagne et les Pays de la Loire. Tout en me ralliant aux arguments défendus par Michel Piron et Monique Rabin, je m'aperçois que si l'on modifie cette carte, l'ensemble du dispositif s'effondrera. J'ai signé le sous-amendement CL125, pensant que les positions des uns et des autres pourraient évoluer. Mais à entendre ce débat, je mesure à quel point elles sont bloquées. C'est pourquoi je ne le voterai pas. Toutes frontières étant arbitraires, certains des habitants vivant aux marges de celles-ci aspirent forcément à rejoindre un territoire voisin. Enfin, les frontières n'ont jamais interdit la coopération.
Pour réunir des régions, encore faut-il qu'elles aient une communauté de destin. Cela étant, on ne saurait, par voie de sous-amendement, déplacer les lignes au point de créer une région qui s'étendrait du Mont-Saint-Michel à la frontière belge et qui inclurait la Basse-Normandie, la Haute-Normandie, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Je rejoins donc les propos tenus par Dominique Raimbourg.
Je souhaiterais exprimer mon opposition aux sous-amendements soutenus par Mme Pascale Boistard et M. Jean-Luc Warsmann, même si j'en comprends l'objet. Le cas de la Picardie est sans doute le plus complexe de tous puisque cette région est composée de trois départements qu'il conviendrait en toute logique de rattacher chacun à trois régions différentes. Et je conçois que les habitants de la Somme ne comprendraient pas d'être rattachés à Reims. Mais l'on ne comprend pas davantage à Soissons ou à Laon pourquoi il faudrait être rattaché à la Basse-Normandie, à la Haute-Normandie ou au Pas-de-Calais. Il faut aujourd'hui à un habitant de Soissons près de deux heures pour se rendre à Amiens, la capitale régionale, et obligatoirement passer par Paris pour s'y rendre en train. C'est pourquoi de nombreux habitants de Soissons et de Laon font leurs études universitaires à Reims. Les arguments défendus par Mme Boistard et M. Warsmann ont leurs symétriques inverses, compte tenu de la situation particulière de cette région. Si je reconnais le caractère arbitraire du rattachement proposé, les territoires pourront développer des relations interrégionales, notamment dans le domaine universitaire.
C'est en tant qu'ancien président du conseil régional de Picardie que je souhaite m'exprimer. Je ne participerai pas à ce jeu dont le but est de redessiner la carte territoriale proposée par le président de la République. Depuis une centaine d'années, nombre d'hommes politiques, de géographes, d'économistes et d'administrateurs réfléchissent sans jamais parvenir à un découpage satisfaisant. Avec le temps, les Français se sont habitués au découpage administratif retenu en 1959. En 1981, avant que l'on n'élise les conseillers régionaux au suffrage universel, j'avais proposé un remodelage des régions : cela a suscité un tollé car personne ne souhaitait d'évolution. Aujourd'hui, le président de la République propose enfin une réforme territoriale dont le premier volet, ce nouveau découpage régional, sera suivi d'un texte sur la répartition des compétences entre collectivités puis par des mesures portant sur les autres niveaux de collectivités territoriales. Ce redécoupage m'importe peu tant qu'il débouche sur la constitution de régions suffisamment fortes et dotées de pouvoirs importants.
Maintenant que nous avons terminé la discussion sur les sous-amendements à l'amendement CL86, j'invite les parlementaires ayant déposé des amendements alternatifs à celui du rapporteur à s'exprimer.
Il n'est pas question de jeu, monsieur Dosière ! Nous réfléchissons à l'avenir de nos territoires à horizon des cinquante prochaines années. Il est donc légitime que les élus d'un territoire puissent s'exprimer et proposer un découpage alternatif des régions.
S'agissant des amendements CL63 et CL64, dans l'hypothèse où la Picardie serait unie au Nord-Pas-de-Calais, il serait normal d'associer la Champagne-Ardenne à la Lorraine, comme le propose M. Jean-Luc Warsmann. En toute logique, un rassemblement des régions de l'Est de la France devrait inclure l'Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne.
Il ne s'agit effectivement pas d'un jeu mais d'un travail exigeant, tant pour le président de la République et le Gouvernement que pour les parlementaires qui se sentent concernés au plus profond d'eux-mêmes par cette discussion.
Depuis quarante ans, ma région d'origine est animée par des débats portant sur sa reconfiguration, son agrandissement, sa décentralisation et les questions de transferts de compétences. Je suis donc tenté de saisir la chance qui m'est offerte par le président de la République et le Gouvernement de la reconfigurer.
Je défends de manière générale l'expérimentation, l'innovation et, avec l'amendement CL73, la réunification de la Bretagne et du département de la Loire-Atlantique. Je précise que « réunification » ne veut dire ni autonomie ni indépendance et qu'il ne s'agit pas de combats d'arrière-garde fondés sur des pensées historiques et non visionnaires. Je souhaiterais que l'on propose aux régions qui le désirent de procéder à des expérimentations en matière de réorganisation de nos institutions.
Enfin, moi qui suis élu d'une circonscription à faible densité démographique, je m'inquiète que le Premier ministre ait annoncé la disparition des conseils généraux puis que quelques jours plus tard, le président de la République nous propose une carte d'une quinzaine de régions. Je vous mets en garde contre le gigantisme territorial qui risque de remettre en cause le lien démocratique avec les populations et la notion de proximité.
Je suis frappé qu'il n'y ait pas un mot sur la volonté des habitants dans les exposés sommaires des sous-amendements qui viennent d'être soutenus par nos collègues. Des exposés qui semblent avoir été rédigés par des directeurs généraux de services régionaux puisqu'il n'y est question que de pôles métropolitains, de pôles de compétitivité, de sociétés d'accélération du transfert de technologies. L'amendement CL47 a en revanche pour objet de faire émerger des régions qui soient voulues par les habitants. Dans la mesure où il n'est pas possible de faire valider le découpage des régions par des référendums locaux, faisons ce que nos concitoyens attendent de nous au lieu d'agir au nom, un jour, de principes technocratiques, puis un autre, d'un pseudo-repli identitaire.
Bien que j'aie déjà eu l'occasion de défendre mes amendements, je souhaiterais néanmoins insister sur l'importance de la proximité. Si nous aboutissons à la création de très grandes régions, cela aura des incidences importantes en termes d'organisation.
D'autre part, j'ai entendu dire que les Basques n'avaient pas souffert de ne pas avoir de collectivité locale pour les représenter. Mais lorsqu'ils ont créé l'Office public de la langue basque, il a quand même fallu que toutes les communes du Pays basque adhèrent à un syndicat.
Bien que j'aie déposé plusieurs amendements, je ne défendrai que l'amendement CL34 qui porte sur le Poitou-Charentes, région à laquelle j'ai été lié par mon ami Michel Crépeau. Chaque fois que nous évoquions ensemble cette région, il répétait que Bordeaux en était la capitale naturelle et que c'était vers l'Aquitaine que ce territoire devait se tourner. Le nouveau maire de la Rochelle, M. Jean-François Fountaine, me ne me disait pas autre chose la semaine dernière. Il serait donc incompréhensible que l'on n'unifie pas ces deux régions.
Les amendements CL25 et CL26 sont déposés par plusieurs députés des Pyrénées-Atlantiques, des Hautes-Pyrénées, des Landes, du Lot-et-Garonne et de l'Ariège. Ils visent à unifier l'Aquitaine et le Midi-Pyrénées et à leur adjoindre le Limousin.
Je passe à présent la parole aux députés qui ne sont pas signataires d'amendements mais qui souhaitent intervenir dans ce débat.
Il est légitime que le Parlement donne son avis, monsieur Dosière. Car si Louis XVIII avait octroyé la charte il y a deux siècles, c'est aujourd'hui le président de la République qui octroie sa carte. Et puisque vous refusez que le peuple se prononce par référendum, souffrez au moins que l'on débatte d'amendements.
Il convient de poser l'enjeu de cette nouvelle cartographie, sans quoi nous n'aurons d'autre perspective que celle proposée par le président de la République. Si je trouve légitime l'intervention des parlementaires dont la circonscription se trouve aux franges de ces nouvelles régions, il faut savoir raison garder : il n'est pas vrai que tous les Picards sont opposés à l'unification de leur région avec la Champagne-Ardenne ! Non seulement ces régions ont des pôles de compétitivité communs mais elles constitueraient en outre le colosse agricole de la France, grâce à la culture de la betterave, des céréales et de l'appellation d'origine contrôlée Champagne. J'ajoute que la grande majorité des habitants du département de l'Aisne vont étudier et se faire soigner à Reims. Enfin, si je siège en tant que député à l'Assemblée nationale, je n'en suis pas moins un élu territorial. Dès lors que la loi interdit de redistribuer les régions actuelles, je sais que les habitants du sud de l'Aisne sont très favorables au rapprochement de la Picardie avec la Champagne-Ardenne.
Élu du Nord-Pas-de-Calais, je suis favorable au rattachement de la Picardie à cette région. Il y a une délibération unanime de la Picardie en ce sens.
Prenons garde à ne pas construire des régions purement administratives, abstraites. Les réalités historiques, géographiques, sociologiques, économiques, linguistiques même puisque, outre le français, nous partageons la langue picarde, nous montrent que le bon sens serait de rattacher la Picardie au Nord-Pas-de-Calais – ou à tout le moins la Somme, mais la solution de détacher certains départements de leurs régions actuelles a été écartée. Pensons au canal Seine-Nord. Le parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale que nous venons de créer est à cheval sur les deux régions ! Au moment où nos liens se renforcent, il serait aberrant de ne pas fusionner ces deux régions.
En 1972, les régions avaient été délimitées par décret ; aujourd'hui, le Parlement débat : c'est une avancée démocratique. On voit néanmoins que la question des frontières régionales continuent de poser problème ; je soutiens l'amendement du rapporteur, dont la carte est en quelque sorte notre plus petit dénominateur commun : ce n'est peut-être pas la carte idéale, mais elle constitue une bonne base de discussion.
Les désaccords sont réels, c'est évident. Mais n'oublions pas qu'il y a quarante ans, lorsque les régions actuelles ont été établies, les protestations ont été nombreuses. Aujourd'hui, on ne peut que constater que l'affectio societatis a fonctionné. Ne regardons pas seulement dans le rétroviseur : il faut comprendre ces nouvelles régions comme des projets à construire. Restons sereins et ne croyons pas détenir l'unique vérité : dans cinquante ans, je suis sûr que nos successeurs auront d'autres discussions.
L'idée de plus petit dénominateur me convient assez bien.
J'ai entendu beaucoup de choses positives, et vous m'en voyez ravi : nous sommes tous aujourd'hui décentralisateurs, et chacun estime qu'une réforme est nécessaire. Ce sont des acquis républicains très importants.
Ensuite, bien sûr, les choses se compliquent et les arguments se multiplient pour expliquer des préférences divergentes. J'en ai pris bonne note, ici même comme d'ailleurs lors des auditions d'élus, de géographes, d'urbanistes, de chefs d'entreprises… que j'ai d'ailleurs organisées avec Olivier Dussopt, puisque nous considérons que le texte dont il est rapporteur est indissociable de celle-ci. Récapitulons : chaque région devrait être organisée autour d'une métropole. Il faut une histoire commune, aussi ancienne que possible. Chaque région devrait avoir accès à la mer. Il faut prendre en considération le PIB moyen, le réseau des villes, la superficie. Il faut un pôle de compétitivité. Il faut un destin commun, et une volonté avérée des habitants. Jean-Paul Denanot, président de la région Limousin, s'est félicité du rattachement de celle-ci à l'Aquitaine en faisant référence aux races bovines qui peuplent ces deux beaux endroits. Enfin, il faudrait que l'on puisse faire le tour d'une région avec un seul plein d'essence d'une voiture Renault ne consommant pas plus de 5 litres aux cent kilomètres.
Cette dernière phrase est une plaisanterie, bien sûr. Mais vous voyez combien il est difficile – pour le Gouvernement comme pour le législateur – d'équilibrer tous les critères possibles. Il faut surtout réussir à dessiner une carte qui puisse non seulement être votée, mais aussi par la suite devenir réalité.
Il fallait donc, pour remédier aux conséquences de l'oeuvre dévastatrice des sénateurs, proposer une carte qui constitue, comme je l'ai dit en introduction, une base de discussion. À vrai dire, la carte que je vous présente ne pose, me semble-t-il, pas de problème dans de nombreuses régions – c'est en tout cas mon sentiment après avoir auditionné de nombreux élus régionaux, et à l'examen des amendements déposés.
Elle ne constitue qu'un point de départ – peut-être un point d'arrivée si nous n'arrivons pas à mieux –, mais je ne désespère pas que le débat en séance publique nous permettra d'aboutir à un consensus, au-delà même des élus de la majorité : nous travaillons, je crois, pour plusieurs décennies, et il y aura des alternances. Il faut donc que la majorité parlementaire s'y retrouve, mais il serait bon que l'opposition ne s'y perde pas.
Quelles que soient les imperfections de cette carte, à l'ouest et au nord, et dans une moindre mesure à l'est et au sud, je propose donc à tous les signataires de retirer leurs amendements pour se rallier au mien, afin de poursuivre le débat en séance publique. Faute de quoi j'émettrai un avis défavorable à tous les amendements et sous-amendements présentés. Adoptons cette carte, en considérant qu'elle fournit un support à la discussion.
La dernière réforme constitutionnelle devait renforcer le travail en commission : j'entends bien les propos du rapporteur, mais la discussion ici me paraît trop vite close. J'aurais aimé entendre une réponse sur le fond.
Le sous-amendement CL127 est retiré.
Puis la Commission rejette successivement les sous-amendements CL109, CL129, CL100, CL110, CL107 et CL125.
Elle adopte alors l'amendement CL86.
En conséquence, tous les autres amendements à l'article 1er tombent et l'article 1er est ainsi rétabli et rédigé.
Article 2 (supprimé) : Détermination du chef-lieu des nouvelles régions
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL87 du rapporteur et l'amendement CL38 de M. Alain Tourret.
Cet amendement vise à rétablir l'article 2 en l'améliorant. Il s'agit de déterminer les noms que prendront les nouvelles régions, ainsi que de la procédure qui permettra de déterminer leur chef-lieu provisoire, puis définitif.
Je propose que ces régions ne soient pas forcément organisées comme un jardin à la française, mais plutôt comme un jardin à l'anglaise : la préfecture de région et l'assemblée régionale pourraient se trouver dans deux villes différentes. Cela pourrait constituer une solution intéressante dans de nombreuses régions.
D'autre part, ces régions seront grandes et poseront des problèmes de proximité : je propose donc que le critère déterminant soit celui de la centralité géographique de la nouvelle capitale au sein de la région. Ce fut d'ailleurs le cas lorsqu'ont été choisis, en 1790, les chefs-lieux des départements.
Les propos de M. Tourret méritent la plus grande attention. En effet, il paraît tout à fait possible d'imaginer que le siège du conseil régional soit distingué de celui de la préfecture de région. Cela rassurerait certainement nombre de nos concitoyens.
Monsieur le rapporteur, la procédure de choix d'un chef-lieu provisoire prévue par votre amendement est plus longue que celle de choix définitif : la première prévoit en effet, à l'inverse de la seconde, une consultation du conseil économique, social et environnemental régional. C'est étonnant : ne serait-il pas préférable de simplifier la procédure de choix d'un chef-lieu provisoire et d'approfondir celle de choix d'un chef-lieu définitif ?
Cette distinction entre chef-lieu provisoire et chef-lieu définitif n'a de toute façon pas grand sens, si ce n'est de reporter à plus tard un problème embarrassant, puisque certaines villes cesseront d'être des capitales régionales. Le renvoi in fine à un décret en Conseil d'État me paraît particulièrement choquant : on va procéder en catimini !
Le débat sur les frontières régionales était très intéressant, mais vous n'en tenez aucun compte : il apparaissait pourtant qu'il était possible, au-delà des clivages politiques, d'établir une carte beaucoup plus intelligente que celle que vous proposez. Je ne comprends pas votre refus de répondre sur le fond, monsieur le rapporteur. Ces questions méritaient réponse ; vous négligez le travail de commission, et c'est très regrettable. Vous parlez d'ouverture, mais nous ne voyons qu'une fermeture complète ! Nous sommes pourtant prêts à chercher des convergences : à l'issue de nos discussions, une carte apparaissait même assez clairement.
S'agissant des chefs-lieux, vous ne donnez aucun critère ! La centralité géographique ne suffit pas : si le centre de la région se situe dans un grand terrain agricole, on n'y établira évidemment pas la capitale régionale. Il faut prendre en considération les réalités urbaines, la démographie, le poids économique… Je regrette votre méthode, qui fait la part belle à de faux débats, alors que les questions que nous abordons sont essentielles.
Mon amendement – celui d'un rapporteur à l'intelligence moyenne, voire faible, selon M. Grouard – prévoit une consultation des élus locaux : ils sauront, j'en suis sûr, remplir leur mission. Si la procédure est plus complexe avant 2015, c'est parce que ce débat aura ainsi eu lieu avant la fusion des conseils régionaux : le débat dans le nouveau conseil régional en sera éclairé.
Nous pouvons bien sûr encore réfléchir à des améliorations.
On peut considérer le chef-lieu comme une capitale régionale : c'est une idée ancienne, mais qui a encore cours aujourd'hui. Dans ce cas, il va de soi que la totalité des services régionaux se situent dans cette capitale. Mais cette conception risque de nous poser d'infinis problèmes. On peut à l'inverse considérer, surtout avec des régions beaucoup plus vastes, qu'un chef-lieu peut être comparé au siège social d'une entreprise : c'est un lieu, une adresse ; mais cela n'implique en rien que ce chef-lieu devienne une capitale régionale, ni que toutes les réunions des conseils et toutes les administrations régionales y soient concentrées. Cela me paraît beaucoup plus pertinent.
La Commission adopte l'amendement CL87.
En conséquence, l'amendement CL38 tombe et l'article 2 est ainsi rétabli et rédigé.
Article 3 (art. L. 4111-1, L. 4123-1 et L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales) : Suppression de la faculté de regroupement volontaire des régions et coordinations au sein du code général des collectivités territoriales
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL88 du rapporteur, CL69 et CL70 de M. Michel Piron, CL58 de M. Michel Zumkeller et CL68 de M. Thierry Benoit.
L'amendement CL88 fait l'objet des sous-amendements CL103, CL104 et CL105 de M. Paul Molac.
Cet amendement vise à mettre en place le dispositif permettant l'évolution de la carte régionale. Il faut simplifier le droit d'option pour les départements, sans toutefois l'ouvrir à tous les vents. Je vous propose donc de retirer du code général des collectivités territoriales la nécessité de référendums locaux, dont nous avons vu les résultats mitigés, notamment en Alsace. Je vous propose également que chaque région, ainsi que le département concerné, donnent leur avis. L'amendement impose pour modifier les limites régionales une majorité de trois cinquièmes des votants.
J'avais initialement proposé d'ouvrir cette possibilité jusqu'au 1er mars 2020. Mais c'est la date de fin des mandats. Je rectifie donc l'amendement pour que les modifications ne soient plus possibles après le 1er mars 2019, soit un an avant les élections prévues en mars 2020.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit qu'il fallait prendre cela pour une avancée. Mais cette avancée en appelle d'autres ! La procédure que vous proposez reste en effet très verrouillée et risque de susciter des blocages. Il est logique d'exiger que les délibérations des assemblées délibérantes du département concerné et de la région d'accueil soient concordantes : ils doivent exprimer leur volonté commune de constituer ensemble une nouvelle région. En revanche, requérir en sus l'accord de la région de départ revient à donner un droit de veto à des élus d'autres départements sur l'avenir du département concerné. C'est inacceptable : cela constitue une atteinte aux principes démocratiques les plus élémentaires, notamment au principe de libre administration des collectivités territoriales. La décentralisation n'a plus de sens si elle est imposée d'en haut ! Lorsqu'ils ont lancé la décentralisation en 1982, François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre souhaitaient que les territoires prennent leurs affaires en main.
En outre, aux termes de votre amendement, les délibérations devraient recueillir la majorité qualifiée des trois cinquièmes. La minorité de blocage serait donc de 40 % dans chacune des assemblées délibérantes. D'autre part, les votes à la majorité qualifiée ne font pas partie de la pratique des assemblées délibérantes des collectivités territoriales.
Nous proposons de simplifier la procédure. Le sous-amendement CL103 vise à supprimer la mention « à compter du 1er janvier 2016 », de manière que la procédure soit applicable immédiatement, dans la foulée de nos débats parlementaires. Le sous-amendement CL104 tend à supprimer l'exigence de votes à la majorité qualifiée.
Nous étions favorables à la rédaction proposée par le Sénat, qui avait considérablement simplifié la procédure : il suffisait d'un avis concordant du département concerné et de la région d'accueil. Pour reprendre les termes du regretté Guy Carcassonne, demander l'avis de la région de départ, c'est comme demander au mari s'il est d'accord lorsque Madame part avec son amant ! Nous proposons donc, avec le sous-amendement CL105, de supprimer le droit de veto de la région de départ.
De plus, on ne comprend pas pourquoi il faudrait une majorité des trois cinquièmes là où une majorité simple devrait suffire. Enfin, il vaut mieux que la procédure soit immédiatement applicable : cela n'aurait guère de sens de transférer les compétences d'un département d'abord à une région, puis à une autre quelques années plus tard. On peut comprendre que la procédure devienne plus difficile à mettre en oeuvre après 2020, mais dans un premier temps, il convient de laisser une certaine latitude aux collectivités.
Ce débat rappelle celui que nous avons eu en commission mixte paritaire, lors de la discussion de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, sur la suppression de l'obligation de consultation référendaire qui était prévue dans la réforme territoriale de 2010. Nous étions nombreux à plaider en ce sens sur tous les bancs. M. Gaymard, en particulier, avait défendu un amendement qui visait à supprimer cette obligation pour les fusions de départements voisins. Cela nous renvoie au débat que nous avons eu tout à l'heure sur l'identité des départements, notamment des deux départements savoyards.
La procédure proposée par le rapporteur représente un véritable progrès. Je suis d'ailleurs surpris de la position qu'a adoptée le Sénat : lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, il s'était arc-bouté sur le maintien de l'obligation de consultation référendaire ; six mois plus tard, il a décidé de faire exactement l'inverse et de lever tous les obstacles, en raison de son opposition à l'établissement d'une nouvelle carte des régions.
N'oublions pas que certains mouvements politiques restent très attachés à ce que la population soit consultée par référendum lorsqu'un département souhaite se rattacher à une autre région. D'où la proposition du rapporteur de remplacer l'obligation de consultation référendaire par l'exigence de votes à la majorité qualifiée. D'autre part, le fait de consulter la région de départ – qu'il conviendrait plutôt de qualifier de région « délaissée » – constitue un gage en matière d'équilibre et d'aménagement du territoire. Évitons que, à l'occasion d'une mise en oeuvre trop large du droit d'option, certaines régions pauvres ne soient délaissées au profit de régions voisines plus favorisées. La proposition du rapporteur me paraît donc la plus sage à ce stade.
Je partage entièrement l'avis de M. Dussopt : la procédure proposée par le rapporteur est la plus sage. Elle constitue une garantie pour l'avenir.
Avis défavorable sur les trois sous-amendements. J'ai auditionné des élus de toutes les régions. Pour chaque région, quatre groupes politiques au moins étaient représentés. Or aucun élu n'a jugé urgent de se séparer d'un département entrant dans la composition de sa propre région. En revanche, beaucoup m'ont demandé ce que je comptais faire pour qu'un département qu'ils estimaient totalement tourné vers leur région puisse rejoindre celle-ci. Ma proposition est, à ce stade, la plus équilibrée. Je doute qu'il en existe de meilleure.
La Commission rejette successivement les sous-amendements CL103, CL104 et CL105.
Puis elle adopte l'amendement CL88 rectifié.
En conséquence, les amendements CL69, CL70, CL58 et CL68 tombent.
L'article 3 est ainsi rédigé.
Après l'article 3
La Commission examine les amendements CL60, CL61, CL65, CL67 et CL81 de M. Thierry Benoit.
L'amendement CL60 vise à soumettre à référendum toute modification du périmètre d'une collectivité territoriale existante, afin d'associer directement les citoyens aux décisions qui les concernent. Il s'agissait d'un amendement de repli au cas où le CL68 ne serait pas adopté. Or celui-ci est effectivement tombé, et je le déposerai donc à nouveau en vue de la séance publique. Il prévoyait qu'un département puisse demander, à lui seul, à rejoindre une région limitrophe, sur proposition d'un cinquième de son assemblée délibérante, soutenue par un dixième des électeurs inscrits.
L'amendement CL61 est défendu.
L'amendement CL65 permettrait aux conseils généraux de la région Bretagne de fusionner avec le conseil régional, afin de créer une assemblée de Bretagne unique. Il s'agirait d'une démarche expérimentale : les collectivités de Bretagne travailleraient ensemble, de manière volontariste, à la création d'une nouvelle organisation territoriale. Historiquement, la Bretagne a toujours été à la pointe de l'expérimentation. Elle pourrait ainsi montrer la voie. Cette proposition s'inscrit dans le prolongement de la création des conseillers territoriaux, qui avaient pour mission de définir un schéma d'organisation des compétences.
L'amendement CL67 prévoit un dispositif expérimental analogue pour tous les départements et régions qui souhaiteraient créer une assemblée unique.
L'amendement CL81 précise en outre que la fusion devra être approuvée par les électeurs à la majorité absolue des suffrages exprimés.
Mes amendements précédents étant tombés, je les déposerai à nouveau et sous une forme différente afin que nous puissions en discuter en séance publique.
Je préférerais que nous nous en tenions aux amendements en cours d'examen. Ne revenons pas aux amendements sur lesquels la Commission s'est déjà prononcée.
J'entends bien. Mais en examinant les amendements de M. Benoit, nous débattons toujours de la modification du périmètre des collectivités.
J'ai été choqué par l'argument affectif employé par nos collègues écologistes. Lorsqu'un département souhaite rejoindre une autre région, on doit recueillir l'accord tant de la région de départ que de la région d'accueil. Cela me paraît un principe élémentaire. En effet, le départ d'une collectivité peut déstabiliser des politiques de long terme, la durée des emprunts contractés par les régions étant non pas de cinq, mais de quinze ou vingt ans. D'où l'importance de prévoir des votes à la majorité qualifiée dans chacune des assemblées délibérantes.
À cet égard, j'appelle votre attention, mes chers collègues, sur une procédure qui existe déjà : une commune ne peut se retirer d'un établissement public de coopération intercommunale que si cette décision recueille l'accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes concernées représentant la moitié de la population, ou de la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population.
Avis défavorable sur les cinq amendements. S'agissant du CL60, nous avons supprimé l'obligation de consultation référendaire en adoptant mon amendement précédent. Je ne suis pas favorable non plus à ce que toute modification du périmètre d'une collectivité territoriale soit soumise à l'approbation des conseils généraux, tel que vous le proposez avec l'amendement CL61. Enfin, pour que vos amendements CL65, CL67 et CL81 soient opérants, il faudrait que la collectivité territoriale unique soit créée par la loi, ce qui n'est pas prévu par vos amendements.
Il existe, en Bretagne, une volonté collective de progresser sur ce sujet et de passer à une phase opérationnelle dans les meilleurs délais. Je m'emploie à ce que cette démarche soit transpartisane.
La Commission rejette successivement les amendements CL60, CL61, CL65, CL67 et CL81.
Article 4 (supprimé) : Entrée en vigueur du redécoupage des régions
La Commission est saisie de l'amendement CL37 de M. Alain Tourret.
Je souhaite que le prochain renouvellement général des conseillers régionaux ait lieu dans le cadre des régions définies à l'article 1er.
C'est une précision de bon sens, mais elle est déjà incluse dans un amendement que je présenterai à l'article 8.
L'amendement est retiré.
La Commission maintient la suppression de l'article 4.
Après l'article 4
La Commission en vient aux amendements CL49 et CL48 de M. Paul Molac.
L'amendement CL49 vise à permettre à tout territoire de s'organiser en collectivité territoriale à statut particulier. Plusieurs exemples existent déjà dans notre pays : la collectivité territoriale de Corse et de nombreux territoires ultramarins sont des collectivités à statut particulier. Ces dispositions pourraient notamment être mises en oeuvre en Alsace.
Aux termes de l'amendement CL48, les découpages administratifs actuellement prévus par nos textes réglementaires devraient être revus avant le 1er janvier 2016, afin de prendre en compte la nouvelle carte des régions.
Avis défavorable sur l'amendement CL49. L'article 72 de la Constitution prévoit déjà que « toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités ». Comme vous l'avez relevé, il existe déjà plusieurs collectivités à statut particulier, mais toute nouvelle collectivité de cette nature doit être organisée par la loi. Or la loi n'a pas à prévoir ce que le législateur doit faire ! D'autre part, les collectivités disposent de représentants élus qui sont tout à fait à même de proposer un projet de statut et de le présenter au Gouvernement et au Parlement. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir qu'une minorité du corps électoral puisse le faire à leur place.
Avis défavorable sur l'amendement CL48 pour des raisons déjà exposées précédemment.
La Commission rejette successivement les amendements CL49 et CL48.
Chapitre II Dispositions relatives aux élections régionales
Article 5 (art. L. 335 du code électoral) : Prise en compte de la métropole de Lyon lors de l'élection des conseillers régionaux
La Commission adopte l'article 5 sans modification.
Article 6 (supprimé) (tableau n° 7 annexé à l'article L. 337 du code électoral) : Fixation des effectifs des conseils régionaux
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL89 du rapporteur et CL36 de M. Alain Tourret.
L'amendement CL89 fait l'objet des sous-amendements CL106 de M. Paul Molac, CL126 de Mme Monique Rabin et CL101 de Mme Delphine Batho.
L'amendement CL89 fixe, pour chaque région, l'effectif du conseil régional et le nombre de candidats par section départementale.
Dans la suite de la discussion, je présenterai un amendement à l'article 7 qui vise à ce que chaque section départementale soit représentée au minimum par deux conseillers régionaux, contre un seul dans le projet initial du Gouvernement. Cette proposition me paraît conforme à la Constitution.
Le sous-amendement CL106 vise à supprimer le plafonnement de l'effectif des conseils régionaux à 150 conseillers, qui risque d'être très défavorable aux départements les moins peuplés dans les régions concernées, alors même que les compétences des régions seront renforcées.
Les Français veulent réduire le nombre d'élus, mais ils souhaitent, dans le même temps, pouvoir faire part de leurs problèmes à des élus de proximité et de terrain. Or, moins il y aura d'élus, moins ils auront le temps de s'occuper des problèmes de Français !
Pour les raisons d'intérêt national évoquées précédemment, je me rallie à la proposition du rapporteur et je retire le sous-amendement CL126.
Effectivement, l'adopter ne serait pas cohérent car il fait référence à une région qui n'existe pas dans la carte créée précédemment par l'amendement du rapporteur.
Le sous-amendement CL101 tirait les conséquences du sous-amendement CL100 présenté à l'article 1er.
Votre amendement, monsieur le rapporteur, modifie certains des chiffres initialement proposés par le Gouvernement. Quelles sont les raisons de ces changements et quels critères avez-vous appliqués ?
J'entends l'argumentation de nos collègues écologistes, même s'ils tenaient auparavant un discours opposé. Quoi qu'il en soit, je propose, avec l'amendement CL36, de plafonner l'effectif des conseils régionaux à 100 conseillers. Le Sénat des États-Unis compte bien 100 membres ! Les chiffres proposés – 150 conseillers, voire plus – me paraissent très excessifs. Il serait incompréhensible pour les électeurs que nous fixions les effectifs des conseils régionaux à de tels niveaux, alors qu'ils souhaitent une forte diminution du nombre d'élus.
D'autre part, je propose de fixer à cinq le nombre minimal de conseillers régionaux élus par section départementale. Le ministre de l'Intérieur estime que ce chiffre risque d'être déclaré contraire à la Constitution. Pour ma part, je n'en suis pas persuadé, et je souhaiterais disposer d'une analyse plus approfondie en la matière. Si le fait de créer, comme nous le faisons, des régions de taille très variable, dont la population présente des écarts de plus de 20 % à la moyenne, n'est pas anticonstitutionnel, alors prévoir des écarts analogues s'agissant du nombre de conseillers régionaux par section départementale ne devrait pas l'être non plus.
Les éclairages que nous avions obtenus sur ce point lors de l'examen des projets de lois présentés par le précédent gouvernement devraient vous rassurer, monsieur Tourret.
Avis défavorable sur les deux sous-amendements et sur l'amendement CL36.
Madame Batho, dans chaque nouvelle région, l'effectif du conseil régional résulte de l'addition des effectifs des conseils régionaux actuels qu'il remplace. Pour la région issue de la fusion entre le Centre et Poitou-Charentes – sans le Limousin désormais regroupé avec l'Aquitaine –, le plafonnement à 150 conseillers ne trouve plus à s'appliquer. En outre, au sein de chaque nouvelle région, le nombre de sièges par département rapporté à la population ne doit pas s'écarter de plus de 20 % de la moyenne. C'est également pour cette raison que nous ne pouvons pas fixer à plus de deux le nombre minimal de conseillers régionaux élus par département.
Les députés socialistes voteront l'amendement du rapporteur : nous devons être cohérents avec le rétablissement de la nouvelle carte des régions. Cependant, de fortes attentes ont été exprimées quant à une possible évolution des chiffres fixés par l'amendement d'ici à la séance publique. Certes, nos concitoyens ne comprendraient pas que les effectifs des nouveaux conseils régionaux dépassent la somme des effectifs des conseils qu'ils remplacent. Néanmoins, ne définissons pas des bornes intangibles et conservons une certaine souplesse : il convient de regrouper les régions et d'agrandir ainsi leur taille, tout en préservant une forme de proximité avec les citoyens, afin de faire vivre pleinement la démocratie régionale.
Je voterai l'amendement du rapporteur, mais je souscris aux propos de M. Denaja.
Dans le cas où l'effectif d'un conseil régional se trouve réduit par rapport à la situation actuelle, comment la baisse est-elle répartie entre les sections départementales ? Le coefficient de réduction ne semble pas être le même d'une section départementale à l'autre au sein d'une même région.
Vous semblez plaider, madame Mazetier, pour une suppression du plafonnement à 150 conseillers régionaux, que j'ai maintenu à ce stade. De même que la nouvelle carte des régions elle-même, ce plafonnement sera soumis à débat. En tout cas, l'article 6 doit être cohérent avec l'article 1er.
Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question, monsieur le rapporteur. Aux termes de votre amendement, une des régions françaises devrait compter à l'avenir 150 conseillers régionaux, contre 209 actuellement. La répartition des 150 futurs conseillers entre les sections départementales a-t-elle été faite de la même manière que celle des 209 conseillers actuels ?
Oui. Elle a été faite à la proportionnelle au plus fort reste, sur la base des chiffres de population établis par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et authentifiés par le décret du 27 décembre 2013.
La Commission rejette le sous-amendement CL106.
Le sous-amendement CL101 est retiré.
La Commission adopte l'amendement CL89.
En conséquence, l'amendement CL36 tombe.
L'article 6 est ainsi rétabli et rédigé.
Article 7 (art. L. 338 et L. 338-1 du code électoral) : Instauration d'un plancher d'un siège par département au sein de chaque conseil régional
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL90 du rapporteur, CL54, CL55 et CL56 de M. Bricout.
Mon amendement tend à ramener à deux le nombre plancher de conseillers régionaux par département.
La Commission adopte l'amendement CL90.
En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé et les autres amendements soumis à discussion commune tombent.
Article 8 : Entrée en vigueur des dispositions relatives aux élections régionales
La Commission adopte l'amendement de précision CL91 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 8 modifié.
Chapitre III Dispositions relatives au remplacement des conseillers départementaux
Article 9 (art. 15 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral) : Modalités de remplacement des conseillers départementaux
La Commission adopte successivement plusieurs amendements du rapporteur : l'amendement de conséquence CL92, l'amendement rédactionnel CL93, l'amendement de précision CL94, l'amendement CL95 qui supprime une disposition inutile, l'amendement rédactionnel CL96.
Puis elle adopte l'article 9 modifié.
Article 10 (art. 16 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral) : Conséquences rédactionnelles
La Commission adopte l'amendement de conséquence CL97 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 10 modifié.
Article 11 (supprimé) : Entrée en vigueur des dispositions relatives au remplacement des conseillers départementaux
La Commission maintient la suppression de cet article.
Après l'article 11
La Commission examine l'amendement CL52 de M. Paul Molac.
L'un des fondements de notre système politique – ce n'est pas M. Tourret qui me contredira – est la différence entre l'exécutif et le législatif. Le renforcement du rôle des régions et l'extension de leurs aires géographiques plaident pour une réforme de leur gouvernance qui distingue l'assemblée du conseil exécutif, sur le modèle de l'assemblée de Corse. C'est une question de bon sens.
Je suis entièrement d'accord avec vous. Je n'ai jamais compris qu'au sein des collectivités le président de l'exécutif préside l'assemblée délibérante. Que je sache, le Premier ministre ne préside pas l'Assemblée nationale ! L'assemblée de Corse, qui n'est pas régie par ce principe, ne fonctionne pas moins bien que les conseils régionaux.
Je suis pour ma part défavorable à cet amendement parce qu'il excède largement l'objet du projet de loi et introduit des notions dont l'emploi est rarissime sur notre territoire.
Monsieur le rapporteur, votre avis serait-il différent si l'amendement était redéposé dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République ?
Transmettez-lui donc le message, puisque le président de votre Commission lui-même approuve l'amendement. Aucune démocratie ne confond l'exécutif et le législatif comme le fait la démocratie locale française à quelques exceptions près. Et tout le monde a l'air de trouver cela normal !
Chacun comprendra que je m'intéresse à ce qui se passe en Corse, seule collectivité régionale que mon parti préside. Notre collègue Dussopt serait bien inspiré d'écouter les remarques du président du Conseil exécutif de Corse, M. Giacobbi. C'est d'ailleurs aussi le modèle italien, qui fonctionne très bien. Le seul problème se pose en cas de blocage entre les deux instances ; mais, en tout état de cause, on améliorerait la gouvernance de nos régions en adoptant ce modèle.
La Commission rejette l'amendement.
Puisque je vois ici un amendement de M. le président Schwartzenberg qui n'est pas défendu, je voulais vous indiquer qu'il m'a interpellé à propos du fait que certains de ses amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. Je profite de l'occasion pour préciser que ces amendements créaient des charges, qu'ils n'étaient donc pas gageables et que j'ai saisi, comme sur chaque texte, le président de la commission des Finances, pour qu'il juge de la recevabilité des amendements conformément à une tradition héritée de mon prédécesseur.
Chapitre IV Dispositions relatives au calendrier électoral
Article 12 (art. L. 192 et L. 336 du code électoral dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-43 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral, article 47 de la loi précitée, article 21 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et article 3 de la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte) : Modification du calendrier applicable aux élections départementales et régionales
La Commission en vient à l'amendement CL98 rectifié du rapporteur.
Il s'agit de rétablir le report à décembre 2015 des élections régionales et départementales.
Monsieur le rapporteur, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a toujours considéré que le report des élections devait être justifié par un motif légitime. Or si tel est le cas pour les régionales, le report des élections départementales ne risque-t-il pas, lui, de poser un problème d'inconstitutionnalité ? Les élections ont déjà été repoussées d'un an. Il ne faudrait pas que nous devenions le Parlement libanais !
Si je craignais un motif d'inconstitutionnalité, je n'aurais pas rétabli ici le texte du Gouvernement. En outre, ce n'est pas la première fois dans l'histoire de notre beau pays qu'une élection est reportée deux fois. Enfin, le mandat de la moitié des conseillers généraux et de la plupart des conseillers régionaux sera inférieur à six ans, c'est-à-dire à la durée de droit commun. Le problème que vous posez concernera les conseillers généraux élus en 2008, dont j'ai l'honneur de faire partie ; mais je doute qu'un report de neuf mois constitue un motif d'inconstitutionnalité.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 12 est ainsi rétabli.
Après l'article 12
La Commission examine l'amendement CL22 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
C'est la loi, mais non la Constitution, qui dispose que les conseils régionaux sont élus au suffrage universel « direct ». Le fait que mon amendement CL21 n'ait pas été adopté ne retire pas à celui-ci sa pertinence.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL23 de Mme Marie-Françoise Bechtel.
Compte tenu de la taille nouvelle des régions, de l'hétérogénéité des territoires qui les composeront et de la répartition des compétences entre les collectivités, il semble utile que le représentant de l'État joue, très modestement, un rôle de coordination. Il faudrait au moins qu'il puisse réunir régulièrement l'instance chargée des projets économiques majeurs, c'est-à-dire le conseil régional, afin de vérifier la cohérence entre ces projets et l'aménagement du territoire tel qu'il résulte notamment des schémas de cohérence territoriale et de tous les schémas infrarégionaux.
Ce serait d'ailleurs conforme à la logique de la loi du 27 janvier 2014 instituant la conférence territoriale. Dès lors que les régions seront dotées de pouvoirs nouveaux et notamment de compétences exclusives, il appartient à l'État de s'assurer du respect de l'équilibre entre les territoires. Cet objectif d'intérêt général est cher aux Français et tous ceux qui, parmi nous, fréquentent les territoires, même sans être des élus locaux, sont conscients de la nécessité de veiller au traitement équitable et transparent des différentes composantes des conseils régionaux.
Je ne suis pas d'accord. Mieux vaudrait supprimer ce dispositif au niveau du conseil général, où il n'a pas prouvé son utilité, que de l'étendre au conseil régional.
Avis défavorable car, sans préjuger du fond, cet amendement serait plus à sa place dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
La Commission rejette l'amendement.
Article additionnel après l'article 12 (art. 11 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles) : Modification du calendrier d'élaboration du schéma régional de coopération intercommunale en Île-de-France
Elle examine ensuite l'amendement CL99 du rapporteur.
Cet amendement tire les conséquences de la modification du calendrier électoral sur celui de l'achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France. Je propose de laisser deux mois de plus au préfet de région pour arrêter le schéma régional de coopération intercommunale.
La Commission adopte l'amendement portant article additionnel.
Après l'article 12
Puis elle est saisie de l'amendement CL51 de M. François de Rugy.
Je connais l'hostilité du président Urvoas aux amendements demandant des rapports, mais vous savez bien qu'ils n'ont souvent d'autre but que de contourner l'article 40 de la Constitution !
J'observe que l'amendement précédent du rapporteur a été adopté sans le moindre débat alors qu'il fleurait bon le cavalier législatif, à l'instar d'autres amendements dont on a renvoyé les auteurs au projet de loi sur les compétences des régions. Quel lien y a-t-il, en effet, entre l'intercommunalité en Île-de-France et le redécoupage des régions ou le calendrier électoral ?
J'en viens à notre amendement. Les régions s'agrandissent et ont vocation à assumer à l'avenir certaines compétences départementales, et les deux textes préparent à terme la suppression des conseils généraux. Cela peut poser un problème de représentation des territoires – nous en avons parlé à propos du nombre d'élus. Voilà pourquoi nous proposons la création au sein des régions d'une sorte de chambre consultative des territoires, l'administration des régions restant confiée à des élus au suffrage universel direct.
Avis défavorable : par principe, notre Commission est opposée aux amendements tendant à inclure des demandes de rapport dans un projet de loi.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La séance est levée à 20 heures.