La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (nos 1293, 1348, 1343).
Cet après-midi, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale commune à ce projet de loi et au projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre du budget, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, madame la rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, cet amendement vise à supprimer l’article 1er. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure lors de la discussion générale, après avoir étudié avec beaucoup d’attention les arguments développés par nos collègues sénateurs et examiné précisément ce qui est prévu dans ce texte, une question de principe se pose.
Vous souhaitez que des associations dont l’objet est de lutter contre la fraude fiscale puissent se constituer parties civiles et, de fait, déclencher l’action publique. C’est sur ce point que je m’interroge : on peut considérer que ces dispositions constituent indirectement une privatisation de la procédure et que désormais, sur ces sujets, des associations « loi de 1901 » de droit privé pourront prendre l’initiative de poursuivre. Je partage l’avis d’un certain nombre de nos collègues sénateurs selon lesquels, en raison de la nature même de l’objet social de ces associations, ce dispositif peut être le moyen de dénaturer ou, en tout cas, d’instrumentaliser une procédure.
Si cette mesure doit aller à son terme, il faut que le dispositif soit encadré. Nous craignons en effet que des procédures soient lancées ad hominem, à des fins purement politiques dans un certain nombre de cas – il faut dire les choses comme elles sont –, et que ces dérives soient difficiles à maîtriser. L’amendement no 29 vise donc à supprimer l’article 1er en raison de ce risque.
La parole est à M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Mon cher collègue, je suis surpris de votre amendement, mais aussi de son exposé sommaire et de votre intervention. Je vous le dis…
…avec respect et amitié : je crois que nous n’avons pas lu le même article 1er.
Vous avez parlé d’associations qui peuvent se porter parties civiles en matière de fraude fiscale. Or l’article 1er concerne exclusivement la corruption : il s’agit de permettre à des associations – nous l’avons déjà vu – d’enclencher l’action publique et de se porter parties civiles dans des affaires de corruption. Je tiens à faire cette remarque à l’ensemble de nos collègues.
J’ai moi aussi évoqué cette problématique lors de la présentation du texte. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi vous dénoncez un risque de privatisation. En effet, parallèlement à cette possibilité d’action, le parquet conservera, bien entendu, sa capacité d’exercice de l’action publique. Toutefois, celle-ci pourra également être exercée par des associations, comme c’est déjà le cas pour de très nombreuses autres catégories d’infractions. L’article 1er comporte donc une logique : il s’agit de permettre à des associations dûment reconnues et agréées, dont on connaît le sérieux, d’ester en justice parallèlement au parquet, dans des cadres définis par la loi. C’est pourquoi je demande le rejet de cet amendement.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.
Monsieur Blanc, ce que vous appelez « privatisation de la justice » est en fait la possibilité pour des associations de se constituer parties civiles et, en l’occurrence, de déclencher l’action publique. Cette possibilité n’exclut pas le ministère public, qui peut toujours déclencher celle-ci, mais au cas où il ne le ferait pas, les associations seront habilitées par ce projet de loi à agir.
Le même argument a été utilisé au Sénat. Le sujet existe ; cependant, vous faites d’une disposition existant dans le droit commun, inscrite aux articles 2-1 à 2-22 du code de procédure pénale, une exception, une exclusivité, un précédent. Au contraire, cette disposition s’inscrit totalement dans le droit commun en matière de procédure pénale. Il existe de nombreux cas où des associations dont l’objet social relève du sujet concerné peuvent déclencher l’action publique : c’est le cas en matière de pédo-pornographie et de pédo-criminalité, d’atteintes sexuelles commises par des Français contre des mineurs à l’étranger – ce qui n’est quand même pas rien ! –, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, et même d’agissements contraires à la protection des animaux. Notre code de procédure pénale prévoit plusieurs situations où les associations peuvent déclencher l’action publique.
Il convient de rappeler que le ministère public peut toujours déclencher l’action publique. Il peut disposer d’informations de la même façon que les associations, mais il est vrai que ces dernières exercent une activité militante qui les porte à s’intéresser et à explorer : elles sont donc peut-être plus actives, plus allantes, et prennent plus volontiers l’initiative pour déclencher l’action publique. Il demeure que le ministère public peut le faire.
Au contraire d’une privatisation de l’action publique, l’article 1er garantit une plus forte capacité de mobilisation de la société civile, qui a contribué à faire émerger le sujet qui nous préoccupe dans le débat public. Il est important de l’armer pour qu’elle soit en capacité d’agir. Nous veillons à le faire avec rigueur, puisque nous posons le principe d’un agrément dont les conditions d’obtention seront précisées par décret en Conseil d’État : seules les associations ayant cinq ans d’existence au moment de l’initiative et bénéficiant d’un agrément pourront déclencher l’action publique.
De plus, cette mesure met la France en conformité avec des recommandations multiples, récurrentes et répétées d’organisations internationales. Nous avons déjà pris des engagements publiquement. Cela constitue par conséquent un vrai progrès. Avis défavorable.
Je souhaite répondre à l’argumentation que vient de développer Mme la garde des sceaux. Lorsqu’une association se constitue partie civile, elle dépose évidemment une plainte, le cas échéant entre les mains du doyen des juges d’instruction : cela enclenche l’action publique. Cette mission est partagée avec le procureur de la République.
À travers cet amendement, nous voulons dire que le domaine concerné par l’article 1er est d’une sensibilité politique extrême.
Justement !
Si vous n’encadrez pas ce dispositif, si vous n’instaurez pas de garde-fous, nous subirons une instrumentalisation de la justice évidente dans des affaires de corruption. C’est cette absence d’encadrement, ce cadre très général que vous allez donner à des associations qui pourront déposer plainte dans des domaines extrêmement variés, qui peut être inquiétant.
Tout à l’heure, à la tribune, j’ai fait un parallèle. Certes, il ne s’agit pas du même domaine, mais on s’interroge aujourd’hui sur la nécessité d’encadrer les dispositifs permettant à des associations de déposer des recours dans des affaires administratives de permis de construire. Dans un cas, on encadre, et dans l’autre, alors qu’il s’agit d’un domaine d’une sensibilité extrême, on n’instaure aucune borne ni aucune limite. C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
L’amendement no 29 n’est pas adopté.
L’article 1er est adopté.
L’article 1er bis A est adopté.
Cet amendement vise à supprimer l’article 1er bis A.
Le projet de loi généralise le prononcé d’une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires de la personne morale en cas d’infraction pénale, et pouvant être portée à 20 % du chiffre d’affaires en cas de récidive. Ces amendes fondées sur un pourcentage du chiffre d’affaires créeraient un fort sentiment d’insécurité juridique pour les entreprises qui doivent produire des provisions en vue de condamnations éventuelles. Il serait préférable de sanctionner plus sévèrement les personnes physiques à l’origine de l’infraction et d’éviter de mettre en péril la viabilité des entreprises et des emplois.
Les méthodes de calcul de ce pourcentage du chiffre d’affaires sont également peu claires ; elles conduisent à s’interroger sur le périmètre concerné dans l’hypothèse d’un groupe de sociétés.
Enfin, il est possible de s’interroger sur la constitutionnalité d’une telle mesure au regard du principe de proportionnalité des peines. L’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose en effet que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».
Cet amendement vise donc à supprimer les plafonds en pourcentage du chiffre d’affaires.
Pour certaines entreprises, le coût pénal des infractions qu’elles commettent peut malheureusement être dérisoire compte tenu du montant des amendes encourues. Certaines peuvent, via leurs dirigeants, choisir délibérément de commettre des infractions telles que les infractions de corruption dans le cadre de marchés publics, en sachant que le risque pris est minime pour elles compte tenu de leur surface financière. L’objectif poursuivi par l’article 1er bis est donc totalement légitime et s’inscrit dans la logique d’une meilleure individualisation de la sanction.
Par ailleurs, je ne partage pas du tout l’affirmation faite dans l’exposé sommaire de l’amendement, selon lequel il serait préférable de sanctionner plus sévèrement les personnes physiques à l’origine de l’infraction et éviter de mettre en péril la viabilité des entreprises et des emplois. Pour qu’une personne morale soit condamnée, il faut que l’infraction ait été commise pour son compte par ses organes ou représentants. Dans un tel cas, ce n’est pas l’amende qui met en péril l’entreprise et l’emploi, mais bel et bien l’attitude de ses dirigeants auxquels il appartient de se montrer responsables en se gardant de commettre de telles infractions.
Vous vous en doutez : la commission a donc émis un avis extrêmement défavorable à cet amendement.
Comme vient de l’expliquer le rapporteur, toutes les précautions ont été prises pour ne pas pénaliser indûment l’entreprise dans le calcul du chiffre d’affaires, notamment lorsqu’elle s’est enrichie légalement après la commission des infractions : le Gouvernement a pris des dispositions pour écarter cette part de son actif.
Compte tenu des précautions prises, il est nécessaire que les sanctions soient appliquées de façon à dissuader les dirigeants indélicats de se dissimuler derrière la responsabilité d’une personne morale, de prendre des risques au détriment de l’entreprise et de ses salariés. Toutes les précautions prises nous conduisent à demander le rejet de cet amendement et le maintien de cette disposition du texte.
L’amendement no 16 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à modifier une disposition de l’article 1er bis.
Le projet de loi va généraliser le prononcé d’une amende pénale pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires de la personne morale en cas d’infraction pénale, et pouvant être portée à 20 % en cas de récidive. Or il conviendrait d’harmoniser les sanctions pour tenir compte du projet de loi relatif à la consommation, actuellement en cours de navette, qui modifie les amendes pénales du code de la consommation en prévoyant au maximum une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires. Je propose donc de mettre en place un dispositif qui permettra de sanctionner les entreprises contrevenantes à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires en cas de première infraction et de porter ce plafond à 10 % en cas de récidive, dans un souci d’harmonisation des sanctions pénales.
L’argument de l’harmonisation avec le projet de loi sur la consommation me paraît pour le moins fragile. En effet, ce projet de loi comprend aussi des amendes proportionnelles de 10 % de chiffres d’affaires pour les délits en matière de publicité mensongère ou de pratiques commerciales trompeuses et prévoit, en outre, la possibilité de porter l’amende à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation, la publicité ou la pratique constituant le délit.
Par ailleurs, je souhaite attirer l’attention des auteurs de l’amendement sur le fait que le deuxième taux qu’ils proposent d’abaisser, celui de 20 %, est le taux prévu non pas en cas de récidive mais en cas de crime. Le cas de récidive est déjà réglé par l’article 1er ter A adopté conforme, en appliquant la règle habituelle du doublement de la peine encourue.
Avis défavorable à cet amendement.
Avis défavorable également.
Je dois dire que je suis extrêmement perplexe devant la pugnacité, la constance, la ténacité avec laquelle M. Blanc renouvelle les appels à la clémence s’agissant des sanctions encourues par les entreprises…
…alors que nous l’avons tant entendu dire sa volonté d’aggraver les peines et durcir les sanctions pour les autres types de délinquance. Il y aurait donc un régime valable pour des actes de délinquance, qui sont répréhensibles, qui doivent être sanctionnés, qui font l’objet de sanctions appréciées par le juge, et un appel à la clémence pour les entreprises, notamment celles dont le chiffre d’affaires est si considérable que même un dixième représenterait une somme impressionnante. Voilà qui nous désorganise un peu intellectuellement, je dois l’avouer.
Avis défavorable.
Je rappelle que ce qui peut semer le trouble chez les praticiens du droit, ce sont les incohérences dans les sanctions prononcées. Dans un cas, il est prévu une sanction de 10 % en cas de récidive, dans une autre de 20 % et à chaque fois, cela s’applique à des entreprises.
Ce que je vous propose, ce n’est pas de créer un traumatisme psychologique au sein du code pénal, encore moins au sein du Gouvernement, mais d’harmoniser les sanctions pénales. Ce serait une modification assez bienvenue pour la clarté et la lisibilité du droit.
L’amendement no 15 n’est pas adopté.
Le prononcé d’une amende pénale peut atteindre 10 % du chiffre d’affaires de la personne morale en cas d’infraction pénale et être portée à 20 % en cas de récidive. Nous demandons exactement la même modification que dans le précédent amendement : par souci d’harmonisation avec le projet de loi sur la consommation, un abaissement des plafonds à 5 % et 10 %.
Je vois M. Blanc manifester la même constance : même avis défavorable.
L’amendement no 17 n’est pas adopté.
L’article 1er bis est adopté.
L’article 2 bis est adopté.
Article 2
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 2 ter.
Suppression maintenue.
L’article 3 est adopté.
Les articles 3 bis A, 3 bis B, 3 bis D et 3 bis sont successivement adoptés.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa introduit par le Sénat, qui prévoit de faire figurer dans le rapport au Parlement détaillant le traitement des informations communiquées par l’autorité judiciaire le nombre de signalements réalisés par les agents de la direction générale des finances publiques en application de l’article 40 du code de procédure pénale.
Cela nous semble contradictoire avec la volonté de protéger les lanceurs d’alerte. Dans de telles conditions en effet, les agents seraient obligés d’informer leur hiérarchie.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 32 .
La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
Je partage la position de Mme la rapporteure : le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Madame la ministre, monsieur le ministre, madame la rapporteure, je dois dire que je ne comprends pas votre refus de voir figurer le nombre de signalements au titre de l’article 40. Compte tenu de leur faible volume, la disposition proposée par le Sénat me paraît positive.
Je suis farouchement opposé à cet amendement.
Dans le cadre des auditions menées au sein de la commission d’enquête sur l’affaire dite Cahuzac – je le dis parce qu’elles ont été publiques –, nous nous sommes aperçu que pendant de très nombreuses années, un grand nombre de fonctionnaires « détenteurs de l’autorité publique » n’avaient pas saisi le parquet des faits dont ils avaient connaissance. L’article 40 tel qu’il est appliqué par l’administration pose un véritable problème.
Faire figurer ces signalements dans un rapport pour pointer la mise en oeuvre de cet article est quelque chose d’essentiel. Lorsque la puissance publique ne révèle pas certains faits portés à sa connaissance, lorsque les organismes de contrôle, qu’ils soient hiérarchiques ou parlementaires, n’ont pas accès aux éventuelles révélations qui pourraient découler de l’application de cet article, je pense que cela pose un véritable problème. Les membres de la commission d’enquête ont d’ailleurs été frappés par le fait qu’après des années de procédures, de circulation des dossiers, personne ne parle de quoi que ce soit.
La transparence est préférable au silence opaque et obscur.
Monsieur le député, je voudrais être sûr de bien avoir compris la phrase que je vous ai entendu prononcer : vous avez indiqué que des fonctionnaires du ministère des finances avaient été informés d’actes qui auraient justifié qu’ils mettent en oeuvre l’article 40 et qu’ils ne l’auraient pas fait. Pouvez-vous m’indiquer très précisément à quoi vous faites référence et de quoi il s’agit ?
Ne pas appliquer l’article 40 est un fait pénalement répréhensible et je ne voudrais pas que, dans cet hémicycle, l’on mette en cause des fonctionnaires qui se seraient conformés rigoureusement au droit. Quels éléments précis vous permettent d’étayer vos affirmations ?
Un rapport est parti du département dans lequel résidait M. Cahuzac. Ce rapport, qui comprenait des éléments de suspicion, a été transmis à Bercy et personne n’a fait de révélations au titre de l’article 40. Voilà ce à quoi je fais allusion, monsieur le ministre. Je le dis parce que c’est une question qui a été posée et reposée aux services en charge de ce dossier, lesquels ont expliqué qu’il y avait bien eu une note qui faisait état de ces faits mais qu’il n’y avait pas eu de suites.
Cela pose une question de principe. S’il existe un article 40, c’est pour que la puissance publique révèle des faits. En l’absence de contrôle de ces révélations, cet article est vidé de son sens. Que la hiérarchie puisse exercer un contrôle, je considère que c’est une excellente chose.
Si vous le souhaitez, monsieur le ministre, je pourrai vous apporter davantage de précisions. Ce problème a été abordé à plusieurs reprises au sein de la commission d’enquête et il me semble que c’est un exemple très révélateur.
Ce que vous dites est juridiquement faux, pour une raison très simple que vous connaissez si vous avez procédé à toutes les investigations dans le cadre de la commission d’enquête : les fonctionnaires de Bercy ne sont pas censés déclencher l’application de l’article 40 au titre des fraudes fiscales qu’ils constatent puisqu’ils sont chargés de les traiter conformément à leurs attributions.
En tant que ministre du budget en charge du fonctionnement régulier d’une administration, je ne souhaite pas que l’on mette en cause des fonctionnaires qui accomplissent leurs missions avec beaucoup de rigueur et de scrupules, dans le respect de la déontologie, en prétendant qu’ils ne se sont pas conformés au droit, d’autant que cela les exposerait eux-mêmes à un risque pénal.
Monsieur le ministre, ce n’est pas mettre en cause les fonctionnaires de l’État, qui accomplissent leur devoir, que de constater que dans notre pays, l’article 40 est extrêmement peu appliqué. Dans le cadre de l’élaboration du rapport parlementaire sur les paradis fiscaux que je prépare avec M. Bocquet, nous avons demandé à votre administration les signalements au titre de l’article 40 : ils se comptent sur les doigts de la main ! L’article 40 est vidé de son sens. Plusieurs procureurs de la République nous ont même indiqué que le fait de ne pas y recourir n’était pas assorti de sanctions pénales.
Cette disposition du Sénat aurait eu l’avantage de montrer qu’il est malheureusement très peu utilisé.
Nous sommes dans un lieu où l’on légifère et nous nous devons de faire preuve d’honnêteté et de rigueur intellectuelles. Ce qui nous occupe, c’est de savoir si des fonctionnaires qui doivent communiquer à la justice certaines informations l’ont fait ou pas. S’interroger sur le fait que l’article 40 est appliqué ou pas, cela vous permet de donner un tour politique au débat, mais nous faisons ici des textes de loi.
Je redis ici que lorsqu’un fonctionnaire de Bercy a connaissance d’informations sur une fraude fiscale, il n’est pas tenu de les communiquer à la justice au titre de l’article 40 car son administration est en charge du règlement des conséquences de la fraude constatée. C’est tout simplement la loi et il est bon d’en rappeler ici le contenu.
Jusqu’à plus amples informations, monsieur Blanc, le fonctionnaire auquel vous faites allusion, venu s’exprimer devant la commission d’enquête, n’a pas fait usage de l’article 40.
L’article 40 du code de procédure pénale dispose que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
La modification introduite par le Sénat implique que les fonctionnaires qui auraient procédé à un signalement en fassent part à leur autorité hiérarchique à des fins de décompte dans le rapport, ce qui est contradictoire avec le pouvoir même dont vous souhaitez les investir. Cela me semble aller à l’encontre des intentions qui sont les nôtres de protéger les lanceurs d’alerte.
Après, nous pourrions peut-être compléter l’alinéa 40 d’un alinéa qui prévoirait des sanctions en cas de non-application des obligations qu’ils imposent.
Je ne crois pas que la proposition de nos collègues sénateurs vienne combler le problème que vous pointez, en vous trompant de cible du reste.
Deux choses, madame la présidente.
Premièrement, la constitution d’avoirs à l’étranger peut recevoir une qualification pénale s’ils ne sont pas déclarés, monsieur le ministre.
Deuxièmement, madame Mazetier, votre raisonnement me paraît un peu spécieux. Vos propos impliquent que vous suspectez les supérieurs hiérarchiques du fonctionnaire qui aurait mis en oeuvre l’article 40 de pouvoir un jour le tancer, lui refuser un avancement, voire bloquer sa carrière professionnelle.
Cela pose tout de même un véritable problème s’agissant de la perception de la puissance publique et de son bon fonctionnement, madame Mazetier !
L’amendement no 32 est adopté.
L’article 3 ter, amendé, est adopté.
Article 3
L’article 3 sexies est adopté.
L’article 9 bis A est adopté.
Article 9 A
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 9 quater A.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 10 , qui tend à rétablir l’article 9 quater A.
Le présent amendement vise à reprendre une disposition adoptée en première lecture par notre assemblée, qui a également été rediscutée en commission des finances, en inscrivant dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation relative au report du point de départ du délai de prescription d’une infraction dissimulée.
Même si l’on peut comprendre qu’une telle modification du droit de la prescription, qui dépasse largement le champ du présent projet de loi, nécessite au préalable une évaluation des conséquences, il nous semble toutefois opportun, compte tenu des enjeux qui s’attachent à la reconnaissance de cette prescription différée en matière de recherche, de preuve et de détection des fraudes complexes, de faire ce premier pas et de rétablir en conséquence le texte issu de notre assemblée. Il sera toujours temps, monsieur le ministre, madame la garde des sceaux, d’améliorer sa rédaction lors de la navette, si vous le jugez nécessaire.
Mes chers collègues, je suis, comme vous le savez, à l’origine de cet article, dont la justification sur le fond ne me paraît pas discutable. Néanmoins, ayant examiné avec une très grande attention les arguments développés par le Gouvernement au Sénat, j’ai choisi, après réflexion et divers échanges avec mes collègues sénateurs et le Gouvernement, de me rallier à la position de nos amis sénateurs.
Compte tenu de sa complexité, la question de la prescription me paraît devoir être appréhendée de manière globale, et non dans le cadre d’un projet de loi portant sur une partie très précise du droit pénal. Je rappelle en outre que cette disposition pose un vrai problème de constitutionnalité.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur le député, nous nous souvenons tous de nos échanges très nourris lors de la première lecture. Je sais que vous y aviez déjà travaillé au sein de la commission des lois et, en séance publique, nous avions eu de nombreux échanges sur ce sujet.
Nous partageons la même préoccupation ; mais en l’occurrence, nous craignons que le mieux soit l’ennemi du bien. Nous disposons en effet d’une jurisprudence qui a fait ses preuves. Depuis le premier arrêt de la Cour de cassation en 1935, cette jurisprudence a permis aux juridictions de prendre des décisions tout à fait satisfaisantes en matière de délinquance économique et financière, de l’avis général des magistrats concernés, tant du parquet que du siège.
La rédaction que vous proposez ne pose pas vraiment de problème en tant que telle. Mais nous avons, sinon une inquiétude, du moins une interrogation sur la constitutionnalité de cette disposition, car elle ne définit pas de façon précise l’infraction dissimulée. Surtout, elle concernerait pratiquement tous types d’infractions, que celles-ci soient délictuelles ou criminelles, qu’elles concernent les atteintes aux biens ou aux personnes. Disposant d’une jurisprudence qui fonctionne bien et ne pose pas de problème, nous craignons de la fragiliser par cette disposition particulière.
Cette inquiétude a été exprimée, les arguments ont été échangés. Comme vous le savez, nos débats parlementaires servent de référence aux magistrats lorsqu’ils ont un doute sur l’interprétation à donner aux textes et s’interrogent sur l’intention du législateur. Par conséquent, grâce à cette initiative renouvelée et à l’opportunité que vous venez de nous donner de préciser à nouveau ce point, il ne fait pas de doute que cette jurisprudence pourra continuer à s’appliquer.
Cela n’exclut pas que nous procédions à un travail général sur le régime de la prescription. Votre compétence, que vous avez renforcée à l’occasion de l’examen de ce texte très technique et très politique dans ses intentions, permettra de faire oeuvre utile en toute sérénité.
Sous bénéfice de ces observations, et parce qu’il me contrarierait profondément de devoir émettre un avis négatif, je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur le député.
Les explications de Mme la garde des sceaux étaient très convaincantes, plus encore que celles de mon collègue rapporteur !
Sourires.
J’ai souhaité reprendre la proposition que Yann Galut avait faite en première lecture, par solidarité départementale ; il semble que celle-ci commande maintenant de retirer l’amendement, ce que je fais bien volontiers !
L’amendement no 10 est retiré.
Article 9 A
L’article 9 septies A est adopté.
L’article 9 septies C est adopté.
L’article 9 septies est adopté.
L’article 9 octies est un très bon article. Il m’a semblé important de le souligner parce que, sauf erreur de ma part, c’est l’une des rares dispositions législatives traitant de prévention de la corruption, et notamment d’un service assez méconnu : le service central de prévention de la corruption.
Même si la mention qui en est faite ici permet de mettre en lumière son rôle, je souhaiterais que le Gouvernement aille plus loin car ce service, qui vous est actuellement rattaché, madame la garde des sceaux, est assez méconnu et peu utilisé. Depuis sa création en 1993, diverses conventions internationales sont entrées en vigueur, notamment la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption de septembre 2000.
Des comparaisons internationales démontrent que notre dispositif, qui était relativement à la pointe de ce que l’on faisait de mieux en Europe dans les années 1990, a aujourd’hui quelque peu vieilli, ou du moins que la culture de la prévention de la corruption est moins développée en France que dans d’autres pays.
Ainsi, la convention de l’OCDE de 2000 ne donne pas lieu dans notre pays à un très grand nombre de sanctions ou de condamnations par la justice française.
Voilà pourquoi je souhaiterais, dans le cadre de ce texte, que l’on aille plus loin et que ce service de prévention soit doté notamment de moyens de saisine supplémentaires. Quoi qu’il en soit, j’espère que l’action menée par le Gouvernement conduira à accentuer son rôle. En effet, si tous les éléments cités dans ce texte méritent d’être développés, je crois fondamentalement que, pour une fois, la répression n’est pas l’unique moyen et qu’un peu de prévention ne fera pas de mal sur les sujets qui nous occupent.
Je ne résiste pas au plaisir de vous dire, monsieur le député Aubert, que j’ai anticipé vos désirs et vos inquiétudes. Mais vos désirs et vos inquiétudes, qui nous ont nous-mêmes tourmentés, sont issus de la politique de l’ancien Gouvernement.
Le service central de prévention de la corruption a en effet été décharné ces dernières années.
Une de mes premières initiatives a été de commander un audit du fonctionnement de ce service, de ses missions, de ses moyens, de ses effectifs et des conditions dans lesquelles il fonctionne.
Étant en train de renforcer ce service, nous avons donc anticipé vos désirs, et bien entendu, je présume que vous redemanderez la parole et saisirez une prochaine occasion pour fustiger la politique déterminée de ces cinq dernières années…
…qui a consisté à étrangler le service central de prévention de la corruption.
La prévention de la corruption, vous avez parfaitement raison sur ce point, est essentielle. Mais l’étranglement de ce service n’a pas été un acte isolé, monsieur le député Aubert, de sorte qu’il n’existe aucun doute sur l’interprétation possible des intentions de l’exécutif : en même temps qu’il étranglait ce service, il supprimait les services d’enquête !
J’ai fait le décompte : en janvier 2013, il manquait 70 enquêteurs dans les services d’enquête, et 37 enquêteurs dans les brigades spécialisées dans la délinquance économique et financière ; les magistrats spécialisés sont passés de 11 à 8 entre 2008 et 2011.
De plus, j’ai eu l’occasion de le rappeler en première lecture, nous n’avons pas affaire à de simples actes isolés, que l’on relierait entre eux par mauvaise intention, pour suspecter l’ancien gouvernement d’avoir voulu défaire le tissu de prévention et de répression de la délinquance économique et financière ; il y a eu également un discours construit sur la dépénalisation des affaires !
D’un côté, l’intention clairement énoncée et mise en oeuvre d’une dépénalisation des affaires ; de l’autre, l’intention glorieusement annoncée d’une suppression des juges d’instruction : l’impuissance volontaire de l’État était donc organisée !
J’ai choisi, pour cette deuxième lecture, et parce que nous sommes entre personnes de bonne compagnie, d’éviter toute polémique ; vous l’avez noté !
J’ai fait un effort louable : je me suis retenue. J’ai même résisté lorsque M. Blanc est monté à la tribune et nous a cherché des histoires.
Il a même réécrit l’histoire lorsqu’il a prétendu que la précédente majorité avait pris seule l’initiative de la création de la brigade. M. le ministre Bernard Cazeneuve a, à bon droit, rétabli l’histoire exacte.
J’ai donc résisté à ce moment-là ; mais point trop n’en faut !
Oui, monsieur Aubert ! Lorsque vous venez dans l’hémicycle, vous provoquez des tornades, en effet !
Sourires.
Voilà la situation dont nous avons hérité. Nous avons choisi de ne pas en faire état parce que nous avons une doctrine : celle du respect de la hauteur à laquelle les responsabilités d’État doivent être exercées. Nous évitons au quotidien, et même mensuellement, et même trimestriellement, de venir dire ce que nous réparons, ce que nous corrigeons. Mais lorsque vous insistez à ce point, nous vous donnons satisfaction !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
L’article 9 octies est adopté.
L’article 10 est adopté.
Article 10
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 37 .
Cet amendement a pour objet de maintenir la cohérence de notre procédure pénale, lorsque le cabinet ou le domicile d’un avocat, les locaux de l’ordre ou ceux des caisses de règlement pécuniaire des avocats – CARPA – font l’objet d’une perquisition.
Il vise à renforcer la relative exception qui peut exister en matière de perquisition. Je souhaite donc qu’il soit précisé que, dans l’hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d’un avocat, les locaux de l’ordre des avocats ou ceux des caisses de règlement pécuniaire des avocats, il est fait application des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale.
En toute objectivité, cher collègue, votre amendement tendant à étendre aux visites domiciliaires fiscales faites dans le cabinet d’un avocat les règles prévues en matière de perquisition par l’article 56-1 du code de procédure pénale, me paraît devoir recevoir un avis favorable de votre rapporteur.
L’ajout proposé par votre amendement est justifié par la nécessité d’assurer le respect des droits de la défense et le respect du secret professionnel, que ce soit dans le cadre d’une enquête pénale, fiscale ou douanière.
Même si ce ne sera pas nécessairement le cas pour d’autres amendements que vous présenterez, j’émets donc un avis favorable pour le présent amendement.
Exceptionnellement – l’exception confirme la règle –, je ne partage pas le point de vue de M. le rapporteur. Je précise, tout d’abord, que cet article concerne le code monétaire et financier, sujet qui intéresse la commission des finances. Ensuite, vous exigez, monsieur Clément, la présence du bâtonnier lors de la visite par l’administration fiscale du cabinet ou du domicile d’un avocat, ou des locaux de l’ordre des avocats ou des locaux des CARPA. Ce faisant, vous semblez ignorer que la procédure fiscale est plus protectrice que la procédure pénale. Je me dois donc de vous rappeler, tout comme à l’ensemble de nos collègues, que l’officier de police judiciaire est tenu de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense.
En outre, depuis l’arrêt Ravon de la Cour européenne des droits de l’homme, la saisie fiscale peut être contestée en amont, ce qui n’est pas le cas en matière pénale, dans son principe même. Dès lors, la présence du bâtonnier nous paraît superfétatoire.
Je suis favorable à cet amendement qui nous paraît judicieux, car il comble une lacune de la loi. J’avoue, madame la rapporteure pour avis, avoir été étonnée de vous entendre affirmer que la protection de la procédure fiscale serait supérieure à celle de la procédure pénale. En tout état de cause, il s’agit, là, de protéger l’avocat dans le cadre des perquisitions effectuées par les agents des impôts lors d’une visite domiciliaire ou d’une perquisition judiciaire.
Tout à fait, madame la présidente ! Cet amendement propose un surcroît de garanties. Je n’ai pas vraiment compris l’argumentation de Mme la garde des sceaux, qui me semble tout aussi superfétatoire que l’affirmation, quelque peu polémique, selon laquelle elle avait trouvé le service de prévention de la corruption dégarni. Puisqu’elle souhaite absolument regarnir les moyens de la justice, je l’invite à prendre connaissance de la situation du tribunal d’Avignon, où manquent deux greffiers sur quatre, trois substituts du procureur sur huit et une dizaine de magistrats du siège !
Je vais être obligée de vous expliquer comment les postes ont été supprimés !
J’avais bien précisé, monsieur Aubert, que je vous donnais la parole pour vous exprimer sur l’amendement no 37 !
La parole est à M. Étienne Blanc.
L’affaire, si je puis dire, de l’article 56-1 du code de procédure pénale est un sujet absolument fondamental. Je rappelle que les avocats détiennent dans leur cabinet des dossiers qui renferment des secrets parfois essentiels à la protection des libertés individuelles.
J’entends bien qu’on assiste, aujourd’hui, une espèce de frénésie : il faudrait toujours faire exception dans le domaine fiscal et dans le domaine des affaires. Mais on touche ici, très clairement, aux libertés publiques fondamentales. En conséquence, la présence d’un bâtonnier ou d’un représentant du Conseil de l’ordre lors de toute intrusion de la puissance publique dans un cabinet d’avocat me paraît absolument essentielle pour nos libertés…
Je ne voudrais pas troubler cette belle défense du rôle des avocats, mais je suis totalement d’accord avec Mme Mazetier. Je regretterais que l’on adopte cet amendement, qui compliquerait davantage encore la tâche des autorités publiques.
La présence du bâtonnier, lors d’une perquisition au domicile d’un avocat, doit être considérée comme une protection des droits de la défense. Elle ne vise pas à protéger la personne de l’avocat, mais la matière dont il est le gardien au nom de ces droits, qui ne doivent être écornés que dans des circonstances extraordinaires. Elle n’entrave donc en rien l’action des enquêteurs, elle permet seulement, à un moment donné, de leur faire entendre ce que le bâtonnier, en tant que chef de l’ordre des avocats, peut traduire des exigences de la protection des droits des clients de l’avocat.
L’amendement no 37 est adopté.
L’article 10 bis, amendé, est adopté.
Article 10
L’article 10 ter est adopté.
Article 10
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 38 rectifié .
Plusieurs collègues s’étant exprimé sur ce sujet, je ne développerai pas de nouveau les arguments qui ont été exposés. Il s’agit, cette fois dans le cadre de la visite domiciliaire visée à l’article 64 du code des douanes, d’appliquer la procédure de protection identique à celle prévue dans l’amendement précédent, au nom des mêmes principes.
Avis favorable également. Le dispositif est similaire à celui qui vient d’être adopté ; il concerne, non plus les agents des impôts, mais ceux des douanes.
Je me permettrai simplement de faire un peu d’archéologie, si je puis dire. Pourquoi un tel article existe-t-il ? Pourquoi nous penchons-nous soudain sur cette belle profession d’avocat ? Parce qu’il existe, entre cette dernière et une partie de la représentation nationale, une forme d’incompréhension concernant la question du blanchiment et celle de la lutte contre la fraude fiscale complexe. Peut-être cette discussion permettra-t-elle de mettre fin à cette querelle.
En 2010, on n’a enregistré aucun – j’y insiste – signalement TRACFIN en provenance des avocats. Il y en a eu un en 2011, contre 135 émanant des experts-comptables. On en compte quatre en 2012, ce qui est tout de même une progression extrêmement importante, mais 145 provenant des experts-comptables, 19 200 des banques et établissements bancaires, 1 059 des assurances et 995 des notaires.
Au-delà de l’émotion qui s’est exprimée, on a voulu émettre un signal. Je crois, d’après ce que j’ai pu lire dans la presse, qu’il a été entendu. Les difficultés demeurent cependant. Je ne pouvais pas, pour ma part, passer sous silence les échanges que nous avons eus en commission des finances, en particulier, mais aussi ailleurs, comme en attestent les interventions de mes collègues. Des amendements ont été déposés, qui sont devenus des articles additionnels dans le projet de loi : ils témoignent de ce petit malentendu qui, je le pense, appartient maintenant au passé, puisque je crois que les avocats exerceront autant leur rôle d’auxiliaire de justice que celui de protecteur des droits de la défense.
Madame la rapporteure pour avis soulève une vraie question. J’ai moi-même été à l’origine de certains amendements sur le sujet – nous y reviendrons plus tard. Ce qui est ici en cause, ce n’est pas le comportement de l’avocat, puisque, s’il y a perquisition, c’est, par définition, parce que des soupçons suffisamment fort pèsent sur son comportement pour que l’autorité policière ou l’autorité policière agissant sous le contrôle de l’autorité judiciaire intervienne. La seule question qui est posée est celle de la fonction de l’avocat, qui consiste à défendre et qui explique qu’il soit tenu à une forme de secret professionnel. Il convient donc d’éviter qu’en cas de perquisition, l’autorité policière se comporte un peu comme un chien fou, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
La présence du bâtonnier ne vise pas à empêcher la police de faire son travail, mais à garantir que ce travail se fera dans le respect, non de l’avocat, mais de sa fonction de défenseur et qu’il ne sera pas porté atteinte au secret professionnel. Il s’agit de circonscrire l’intervention policière à l’objet de la perquisition. Cette garantie fondamentale est reconnue par tous les textes européens. Nous risquerions de nous mettre en grande difficulté si nous écornions ce principe.
Je suis un peu perturbé. En effet, on ne légifère pas pour viser telle ou telle catégorie de citoyens. C’est, en tout cas, ce que l’actuelle majorité explique à l’ancienne, qui était clivante et discriminante.
Disons que je vous ai bien écoutés, depuis un an, et que j’ai parfaitement entendu vos arguments !
Je pense que vous vous fourvoyez. En effet – et je précise que je ne suis pas avocat –, je considère qu’il est quelque peu désobligeant de soupçonner certaines professions d’être plus coupables que d’autres. De plus, j’ai été très étonné d’entendre Mme Mazetier affirmer qu’un expert-comptable, un banquier ou un assureur avait la même relation – et jouait donc un rôle similaire – avec leur client qu’un avocat.
En effet, on peut comprendre qu’il y ait davantage de signalements émanant de professions qui, par nature, manient les chiffres et les fonds que de celles qui a priori, et sauf erreur de ma part, prédisposent davantage à faire du conseil et de la défense juridiques.
Si vous aviez comparé, madame Mazetier, les signalements émanant de deux experts-comptables, alors, oui : vous auriez comparé des poires et des poires. Mais, en l’occurrence, vous comparez des poires et des pêches !
Je suis donc un peu mal à l’aise, car j’ai le sentiment que, derrière votre volonté de modernisation et de lutte contre la corruption, vous pointez du doigt une profession. Je me demande ce qui vous pousse à être aussi suspicieuse à l’égard de cette profession très noble.
L’amendement no 38 rectifié est adopté.
L’article 10 quater, amendé, est adopté.
Article 10
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 34 .
Les CARPA sont au centre de cet article. Or, on se méprend sur leur rôle. En effet, elles ne manipulent que les fonds qui leur sont adressés par les professionnels que sont les avocats, qui, en amont des opérations qu’elles auront à traiter ensuite, ont fait l’objet de la vigilance dont nous venons de discuter. La CARPA n’est ni une banque ni un établissement financier particulier ; elle a simplement pour objectif d’assurer que la gestion des fonds se déroule conformément aux ordres qui lui ont été communiqués.
Dans cet esprit, elle constitue un outil de contrôle de nature déontologique placé, là encore, sous la responsabilité ordinale et qui permet d’assurer la régulation et la sécurisation des maniements de fonds, tout en préservant le secret professionnel. J’estime, par conséquent, que l’article 10 quinquies méconnaît le dispositif de la CARPA, laquelle a précisément pour vocation d’empêcher l’instrumentalisation de l’avocat aux fins de blanchiment, et qu’il est inapproprié.
Je constate que la profession d’avocat suscite le débat. Je tiens à dire, en tant que rapporteur, que nous ne tenons en aucun cas cette profession ou toute autre profession en suspicion.
Toutefois, les différents contacts que nous avons eus nous poussent à dire à cette profession qu’elle doit aussi respecter la législation en vigueur.
Dans le respect de la déontologie, les avocats ne doivent pas se livrer à ce qui peut parfois apparaître comme de la fraude fiscale alors qu’ils veulent faire de l’optimisation fiscale. La frontière entre optimisation fiscale et fraude fiscale est extrêmement ténue et il est de notre devoir de législateur d’affirmer que, dans le cadre de cette législation mais aussi de la législation générale concernant la problématique fiscale, l’ensemble des professionnels du droit et du chiffre doivent veiller davantage à ne pas participer, de manière consciente ou inconsciente, à ce qui est non pas de l’optimisation fiscale mais de la fraude fiscale. On voit aussi dans ce cas la problématique de ce que l’on appelle l’abus de droit.
Ce préalable étant posé, nous devons avoir un dialogue franc et constructif avec la profession et les représentants des avocats pour progresser collectivement. Le dispositif proposé à l’époque par mon collègue et ami Pascal Cherki, a un but pédagogique, qui est de permettre à cette profession de progresser dans la lutte contre le blanchiment.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je suis également défavorable à cet amendement, mais nous devons évoquer le problème, car une série d’amendements concernent les CARPA.
Cette affaire a démarré en première lecture, avec un amendement adopté à l’initiative de M. Cherki, un sous-amendement de M. Sansu ayant permis d’une certaine façon d’atténuer la disposition proposée en prévoyant le filtre du bâtonnier. Cette sorte d’espace presque extraterritorial qui se situe devant l’hémicycle permet en effet de véritables instants de convivialité : s’y nouent des solidarités extrêmement utiles.
Sourires.
J’avais expliqué déjà en première lecture qu’une disposition de cette nature ne devait pas être inspirée par une défiance vis-à-vis de la profession. Il est exact que, du point de vue statistique, celle-ci n’effectue aucun signalement – elle est d’ailleurs visée par la quatrième directive européenne de lutte contre le blanchiment, comme elle l’était par la troisième. Mais elle proteste de sa bonne foi, à bon droit. Néanmoins, la statistique suscite des interrogations, auxquelles on a répondu, en première lecture, par cet amendement qui, sous-amendé, prévoyait le filtre du bâtonnier.
Le ministère de la justice ayant la charge des professions juridiques, au premier rang desquelles celle d’avocat – mais aussi celle de notaire –, nous avons mis en place une méthode de consultation et de concertation avec ces professions. Les conditions dans lesquelles le sujet a été abordé et traité en première lecture nous posent donc un problème. Il demeure que l’amendement a été adopté ; le sous-amendement en a atténué une partie des effets et a notamment réduit l’impression de défiance, le filtre du bâtonnier permettant de respecter la hiérarchie et l’organisation des ordres.
Le débat s’est poursuivi au Sénat, où des amendements ont également été présentés. Pour ma part, je regrette les conditions dans lesquelles ce débat a eu lieu. Certes, il était dans l’air et il n’était pas raisonnable de penser qu’il serait totalement ignoré, mais la manière dont nous avons été amenés à discuter et dont vous avez adopté un tel amendement ne correspond pas aux relations qu’entretiennent habituellement le ministère de la justice et les professions de droit, celle-ci en particulier. Ainsi, lors de la navette parlementaire, une partie du corps des avocats s’est mobilisée, des réactions se sont exprimées, des arguments pour et contre le dispositif ont été exposés. Tout cela met sous les feux de la rampe une profession qui n’a pas besoin d’y être mise dans ces conditions.
Évidemment, je suis absolument persuadée que les règles générales de prévention et de vigilance dans la lutte contre le blanchiment doivent s’appliquer à tous, et que chacun doit prendre sa part dans l’exécution de ces règles. Mais le principe demeure la concertation et je ressens un malaise face à cette mobilisation, aux interrogations et aux tentatives de faire supprimer l’article qui ont surgi à l’occasion de la navette. C’est en effet ce qui s’est passé au Sénat, et à l’Assemblée puisqu’un amendement de suppression a également été déposé. Hélas ! Cela dessert la profession, qui n’a aucune raison de s’offusquer que la représentation nationale cherche à s’assurer que, comme dans les autres professions, il est possible de signaler un soupçon de blanchiment d’argent.
L’amendement no 34 , qui tend à supprimer les obligations prévues pour les CARPA, relance le débat. J’ai eu des échanges avec le rapporteur de la commission des lois, et nous avons envisagé d’être favorables à cet amendement pour faire droit à ma préoccupation de consulter la profession, d’autant que la présidence et le bureau du conseil national des barreaux – le parlement de cette profession, qui regroupe l’Ordre des avocats de Paris ainsi que la Conférence des bâtonniers – viennent d’être mis en place, circonstance qui plaide davantage encore pour une concertation en bonne et due forme.
Cependant, en toute honnêteté, compte tenu du calendrier parlementaire, de l’état probable des véhicules législatifs à venir et du calendrier très imprécis de la quatrième directive de lutte contre le blanchiment, je n’aurais pas été capable de proposer au Parlement un rendez-vous qui aurait permis d’organiser une telle concertation avec la profession et qui nous aurait donné l’occasion de revenir plus sereinement et plus tranquillement sur différentes questions : celle des CARPA et de leur soumission éventuelle à ces dispositions, notamment aux règles qui s’imposent actuellement dans notre droit à l’avocat, celle de savoir si l’on exclut de l’obligation de signalement la part d’activité de la profession qui relève de l’aide juridictionnelle, celle qui relève du conseil juridique et celle qui relève des activités de fiducie, y compris des ventes. J’aurais vraiment préféré traiter de tous ces sujets en concertation avec les représentants de la profession d’avocat.
D’une certaine façon, nous sommes presque au milieu du gué ; nous ressentons une gêne, un malaise. Aussi, pour clore ce débat presque sans fin sur la profession d’avocat, admettons le principe d’un maillage conforme à la règle générale de prévention et de vigilance dans les signalements contre le blanchiment, et permettez que le ministère de la justice puisse reprendre le travail et les discussions en toute sérénité avec la profession. Le rôle des avocats n’est pas le même que celui des CARPA : elles ne font pas exactement ce que peuvent faire les avocats, ce qu’elles peuvent voir n’est pas exactement ce que peuvent voir les avocats.
Il s’agit d’un vrai sujet et je pense que, grâce aux différents amendements qui seront présentés, nous arriverons à mettre en place, de la façon la moins frustrante et la moins insatisfaisante possible, un dispositif qui devrait convenir.
Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir abordé le débat dans sa globalité, puisque nous allons examiner une série d’amendements qui visent à tenir compte de ce qui s’est passé depuis la première lecture. Je vais les évoquer dès à présent, afin de ne pas avoir à y revenir longuement plus tard.
Bien évidemment, l’écrasante majorité des avocats sont des hommes et des femmes honnêtes,…
…– je peux en attester pour avoir été l’un d’eux dans une vie antérieure – et ils remplissent une fonction sociale essentielle dans une démocratie. Dans les pays où le rôle de l’avocat est fragilisé, minoré, l’un des premiers combats des démocrates consiste à donner aux hommes et aux femmes de ces pays la possibilité d’être défendus car il n’y a pas de démocratie, de droits de l’Homme, sans avocats pour défendre les gens et sans tribunaux indépendants pour garantir leurs droits et les protéger. C’est une évidence.
Cependant, il n’est pas anodin que cette discussion ait surgi à l’occasion du débat sur la lutte contre l’évasion fiscale. Cela s’explique par un premier élément, substantiel, technique, et par un second élément, conjoncturel.
L’élément technique, c’est que l’évasion fiscale nécessite, outre des capitaux et un lieu qui les accueille, une ingénierie juridique pour l’organiser, et donc des professionnels du droit. Ceux-ci peuvent être avocats, notaires, conseils – et l’on sait le débat qui a eu lieu notamment sur les grands cabinets de conseil, les fameux Big Four, qui a fait apparaître la nécessité de séparer les activités de contrôle des comptes des activités de conseil. On connaît l’ingénierie, l’industrie juridique de l’évasion fiscale, dont, par définition, les avocats ne sont pas exclus – je ne parle pas des avocats en général, de la profession : je parle de certains avocats.
Cette question, il est évident que la représentation nationale doit s’en préoccuper, et elle l’a fait, Mme Mazetier l’a souligné, sur la base de constatations objectives. Le rapport Tracfin ne contient pas seulement des statistiques. Son auteur, le responsable de Tracfin, relève que, si l’on note, au cours des dernières années, une progression des signalements émanant de toutes les professions – y compris celles qui partaient de très bas, comme les notaires ou un certain nombre d’experts-comptables –, en revanche, le nombre de signalements émanant des avocats stagne. La profession a contesté systématiquement tous les décrets parus lors de la précédente législature, les attaquant devant le Conseil d’État. Elle est même allée devant la Cour européenne des droits de l’Homme. On assiste donc à une résistance organisée. Elle tient bien sûr au fait que ces dispositions heurtent l’idée même du secret professionnel et que l’avocat protège son territoire – on peut philosophiquement le comprendre –, mais aussi à la volonté de la profession de se considérer étrangère ou à côté de ce débat, ce qui n’est pas acceptable.
Vous avez raison, madame la garde des sceaux, agir par voie d’amendement est un peu brutal, car cela ne permet pas de mener les concertations préalables nécessaires, mais cela a fait réagir la profession et, depuis, nous avons un peu progressé.
Nous avons deux questions à régler. Premièrement, comment, dans le respect du secret de la défense, du rôle du bâtonnier, l’avocat fait-il une déclaration de soupçon – cela, on connaît ? Et comment la CARPA fait-elle une déclaration de ce type – et là, nous allons préserver le rôle central du bâtonnier ? Deuxièmement, dès lors que l’avocat remet des fonds à la CARPA, celle-ci doit, elle aussi, avoir un rôle de contrôle.
Cela prendra du temps, ce n’est pas évident, mais l’intérêt de la profession et du public, c’est que le maximum d’avocats remettent des fonds à la CARPA,…
…car, aujourd’hui, toute une partie des transactions sont organisées hors de ces caisses.
J’ai reçu, ainsi que plusieurs autres collègues, l’Union nationale des CARPA : l’amendement que j’ai rédigé résulte d’un dialogue avec ses membres. Ils nous ont dit eux-mêmes qu’ils souhaitaient qu’un maximum d’avocats placent les fonds à la CARPA.
Il faut ensuite que les CARPA se dotent progressivement des moyens d’exercer ces contrôles, comme les banques peuvent le faire, car ce n’est pas parce que les fonds leur sont remis qu’ils sont issus d’opérations licites, même s’ils le sont dans la très grande majorité des cas.
Je pense que l’intérêt même de la profession est de s’organiser de façon que quelques brebis galeuses ne remettent pas en cause le fonctionnement tout à fait régulier de l’immense majorité des professionnels. L’objet des amendements que je présenterai est donc de remettre les CARPA au centre du jeu, de leur donner les moyens de travailler dans la sérénité, mais il faut, a posteriori, que cela produise des résultats, sinon ce pacte de confiance que nous avons scellé avec les CARPA risque d’être mis en cause, en raison d’un décalage persistant entre la masse des opérations et le nombre de déclarations de soupçon.
On avance, on tâtonne ; je reconnais, madame la garde des sceaux, que le processus est un peu inhabituel, mais l’important, c’est le résultat auquel nous aboutirons.
Monsieur Cherki, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole, considérant en effet que cela valait défense anticipée de vos amendements.
La parole est à M. Julien Aubert.
Je ne voudrais pas que ce débat soit uniquement animé par des avocats ou anciens avocats : permettez à d’anciens magistrats d’intervenir également. Si je connais mal la CARPA, je connais bien le contrôle fiscal, puisque j’ai, dans une vie antérieure, contrôlé des milliers de dossiers de contrôleurs fiscaux. La profession la moins bien contrôlée, ou l’une des moins bien contrôlées, dans notre pays, en matière de contrôle fiscal, est celle des avocats, pour la simple et bonne raison qu’interviennent beaucoup de paiements en liquide.
Je comprends la très riche et subtile argumentation développée par les précédents intervenants. Pour une fois que nous avons un véritable débat, je m’en émeus, mais j’ai plusieurs questions. Tout d’abord, je vois bien quel est l’objectif, mais la CARPA a-t-elle vocation à devenir un contrôleur ? Je ne crois pas que, dans une société démocratique, tous les organes qui gèrent de l’argent doivent être des contrôleurs ou des relais de l’administration, fiscale ou autre. Si tel était le cas, demain, PayPal, cette société qui fournit du paiement électronique, devrait également exercer ce type de contrôle, et je ne suis pas certain qu’elle soit configurée pour cela.
Plus important : le résultat ne sera-t-il pas inverse de ce que nous souhaitons ? Les brebis galeuses que vous citiez n’éviteront-elles pas la CARPA, sachant qu’un contrôle s’y exerce, et n’utiliseront-elles pas d’autres moyens, paiements en liquide ou réseaux extérieurs ? Nous en revenons au débat sur la transparence : après avoir, pour quelques élus véreux, alourdi le travail de 99 % des élus, nous alourdissons à présent, pour quelques avocats véreux, le contrôle de l’ensemble des avocats, avec le risque, au bout du compte, que lorsque nous remonterons la nasse pour récupérer les poissons, il n’y en ait aucun dedans, tous ceux qui y ont intérêt ayant évité la nasse. Je doute que le dispositif soit pleinement efficace ou opérationnel.
Je note, madame la garde des sceaux, votre sens de la diplomatie à l’égard de la profession d’avocat ; nous n’avons pas l’habitude de voir cela sur les bancs de l’opposition.
Je ne maltraite personne !
Merci de le préciser !
Je rêvais d’une telle diplomatie.
Plus sérieusement, comme l’a souligné M. Cherki, ce n’est pas jeter l’opprobre sur une profession que de veiller à prévenir les dérives. On ne peut pas imaginer lutter autrement contre la fraude fiscale et la grande criminalité financière. À voir les exemples étrangers, je pense même que les avocats français ont beaucoup de chance,…
…par rapport à ce qui se passe aux États-Unis ou en Angleterre, par exemple. Il suffit de comparer avec les pays qui obtiennent des succès face à la fraude fiscale pour savoir que, si nous voulons nous aussi des succès et si nous ne faisons pas semblant de le vouloir, il faut s’attaquer aux conseils de ceux qui fraudent le fisc et volent l’État.
Cela ne signifie pas que les avocats sont coupables, mais seulement que l’État doit se donner les moyens, en liaison avec la profession – Mme la garde des sceaux entamera des négociations –, pour que nous sortions enfin de cette situation inacceptable. Je ne comprends pas la réaction corporatiste qui voudrait faire croire que la volonté d’améliorer les choses, en prenant exemple sur les États-Unis, l’Angleterre ou d’autres, soit une atteinte au secret professionnel ou au secret de la défense. Il s’agit simplement de faire le ménage dans certains endroits et d’empêcher que l’évasion et la fraude fiscales soient organisées systématiquement au détriment du bien public.
Je vais retirer cet amendement, qui aura au moins permis le débat. Nous voyons bien, madame la garde des sceaux, que, dans cette affaire, le verre est à moitié vide ou à moitié plein : on voudrait faire jouer à la CARPA un rôle de contrôle de l’origine de certains fonds alors qu’elle n’en a pas les moyens. Il faut, en même temps, trouver un système qui permette de trouver, dans la chaîne des intervenants, y compris au niveau de la CARPA, toutes les garanties de bonne fin. Penser que la CARPA sera un instrument pertinent, c’est une vue de l’esprit. Cela a été dit très justement : s’il y a un doute, l’affaire ne se fera pas, ou bien l’opération ne passera pas par la CARPA, qui restera totalement à l’écart ; les parties sont suffisamment habiles pour savoir comment faire. Faire peser une telle responsabilité sur une caisse qui n’a pas les moyens d’exercer ce contrôle, c’est une erreur.
D’autres amendements viendront par la suite, et je m’y rallierai volontiers. La suppression proposée visait à lancer le débat. Vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, il faut engager la concertation avec la profession. Nous n’avons pas aujourd’hui de moyens suffisamment organisés pour lutter contre le blanchiment des capitaux, l’abus de droit, la fraude et l’optimisation fiscales, même si je ne mets pas toutes ces pratiques sur le même plan, car ce serait un raccourci un peu rapide.
L’amendement no 34 est retiré.
L’amendement no 41 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisie d’un amendement no 6 .
Je peux considérer qu’il est défendu, monsieur Cherki ?
J’ai constaté avec plaisir que Mme Grosskost de l’UMP avait déposé un amendement identique à celui de mon excellent collègue et ami Pascal Cherki. J’ai donc réfléchi aux rapprochements qui peuvent se produire dans ce lieu d’extraterritorialité auquel vous faisiez allusion, madame la garde des sceaux. Pascal Cherki a des pouvoirs que j’ignore. (Sourires.)
Nous avons eu un vrai débat de fond, et je souhaite remercier l’ensemble des collègues qui y ont participé, ainsi que Mme la garde de sceaux. Je souhaiterais, mon cher collègue, que vous retiriez cet amendement, qui ne va pas tout à fait dans le bon sens. En revanche, je suis très intéressé par votre amendement no 7 , auquel je donnerai un avis favorable, car il renforce notre volonté de lutter collectivement tout en permettant un certain assouplissement des conséquences du dispositif, que vous aviez déjà amendé avec notre excellent collègue Nicolas Sansu – là encore, grâce à des relations qui se nouent, très légitimement, lors de ces séances de nuit. Nous ferions oeuvre pédagogique et juridique utile si vous acceptiez de retirer l’amendement no 6 et si nous votions l’amendement no 7 .
Défavorable. La mission des CARPA et celle des avocats ne sont pas les mêmes. L’avocat doit être vigilant pour s’assurer que, dans son activité de conseil notamment, il ne permette pas la commission d’un délit, alors que la CARPA vérifie la conformité des actes. La présomption en faveur de l’avocat du fait de l’action de la CARPA ne se justifie donc pas.
Il y a quelque chose qui me rend perplexe. Je ne suis pas arc-bouté à la défense de mes amendements. M. Galut s’est étonné de certains rapprochements. L’Union des CARPA, ainsi que la bâtonnière du barreau de Paris, sont venus me voir, nous avons eu une discussion, et je leur ai demandé de formuler des propositions. C’est un rôle de concertation que le député doit avoir quand il ressent que le travail parlementaire a pu poser problème ; il ne convient pas d’adopter une position d’agression vis-à-vis d’une profession, mais de faire évoluer les choses.
Le président de l’UNCA et la bâtonnière du barreau de Paris m’ont dit qu’ils comprenaient qu’il existait un problème et que leur objectif était donc de pousser les avocats à remettre les fonds à la CARPA. Pour cela, il faut que la remise de fonds vaille présomption d’avoir satisfait à ses obligations, mais c’est une présomption simple et non une présomption irréfragable. C’est ensuite aux CARPA de faire leur travail.
Je rebondis sur les propos de Jean-Michel Clément et d’autres. Les CARPA ne sont pas aujourd’hui expressément outillées pour exercer le contrôle, certes, mais elles le sont potentiellement : la CARPA de Paris, vu l’importance des fonds qu’elle manie, aurait les moyens de le faire, de même que celles de Nanterre, de Nice, de Marseille, de Lyon. Or c’est là que se concentre l’essentiel des difficultés, non à la CARPA d’Alençon.
Je vous ai laissé développer plus que largement vos arguments, et il était entendu entre nous que cela valait défense des amendements. Je vous demande de conclure en nous disant si vous retirez l’amendement no 6 .
L’amendement no 6 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 35 .
Le dispositif de l’article est, selon nous, contraire à la directive du 26 octobre 2005 relative à la prévention du système financier aux fins de blanchiment des capitaux. Les CARPA n’ont pas le bénéfice de dispositifs dérogatoires dont bénéficient les avocats par application des dispositions de l’article L. 561-3 du code monétaire et financier. C’est pourquoi je souhaite que l’alinéa 5 soit complété, car, nous l’avons dit, les CARPA n’ont pas les moyens d’exercer les missions qu’on leur confie ; il faut savoir ajuster le cadre de leur intervention.
Cet amendement a pour objet d’exclure du champ d’application de l’obligation de vigilance des CARPA les règlements relatifs à une procédure juridictionnelle ou à une consultation juridique. Il faut être clair : cela vide totalement le dispositif de son sens. La restriction du champ d’application de l’obligation de vigilance et de déclaration de soupçon des CARPA proposée par cet amendement le vide de sa substance, alors que cette restriction n’est en rien nécessaire au respect des droits de la défense et du secret professionnel des avocats. En effet, le contrôle qui sera exercé par les CARPA ne portera pas sur la procédure juridictionnelle ou la consultation donnée, donc sur aucun élément susceptible de porter atteinte aux droits de la défense et au secret professionnel, que nous avons renforcés précédemment.
Il portera uniquement sur le flux financier afférent à cette procédure ou à cette consultation. C’est pourquoi je propose à M. Clément de retirer son amendement. Dans le cas contraire, l’avis de la commission sera défavorable.
Je suis un peu atterrée par ce débat, de très grande qualité certes, mais dans lequel nous n’avons pas cessé de multiplier les difficultés. La concertation est une méthode véritablement efficace : elle permet de trancher et de proposer à la profession, après l’avoir écoutée, ce qui semble être la meilleure solution. Au contraire, nous ne faisons là que rattraper des points, les réparer et les ajuster. Ce mode de fonctionnement me perturbe profondément : soit on essaie de rattraper les choses, soit de les améliorer. Or il me semble que cette façon de faire présente un risque d’erreur. Je m’en remets donc à la sagesse de l’assemblée.
L’amendement no 35 est retiré.
Je ne sais plus que faire. Les deux amendements étaient cohérents. J’ai discuté avec l’union des caisses de Carpa, ainsi qu’avec le barreau de Paris, et mené un travail qui n’est pas de mon ressort. Il aurait été bien plus simple que le Gouvernement propose un amendement. Si un problème existe, c’est au Gouvernement de le régler. Certes, mon amendement a suscité en première lecture plus de problèmes qu’il n’en a résolu, mais il fallait mettre le débat sur la table…
…et je l’ai fait. Le problème ne peut en aucun cas être réglé par de simples députés, d’autant moins quand ceux qui parviennent malgré tout à le régler, après une concertation avec la profession, se voient recaler en séance ! J’ai pris des engagements envers la profession, car on m’avait toujours dit que cela ne posait pas de problèmes ! Je ne sais plus sur quel pied danser.
En effet, nous avons été confrontés à des difficultés dès la première lecture sur cette problématique, sans concertation. Il me semble donc justifié que nous puissions nous retirer quelques instants afin d’en discuter entre nous.
La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.
Comme nous l’avons vu avant la suspension de séance, il existe un problème de fond qu’il nous faudra régler. La profession est consciente de la nécessité de poser les choses clairement et explicitement. Une deuxième lecture interviendra au Sénat dans deux semaines. Il est prévu que je reçoive bientôt le CNB, puisque le débat entre la première et la deuxième lecture est en effet intervenu à un moment où le celui-ci n’avait pas d’instances permanentes, ce qui a posé problème. Le bureau du CNB a été installé il y a quelques jours seulement. Demain, je reçois le CNB et nous aborderons ce sujet auquel la profession réfléchit depuis plusieurs semaines. Je propose donc que nous puissions prendre rendez-vous dans deux semaines – ce ne sont pas les calendes grecques ! – afin de traiter ce sujet de façon plus posée et après consultation de la profession.
Je retire mon amendement, puisque les déclarations du rapporteur et de Mme la ministre m’ont rassuré.
L’amendement no 7 est retiré.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 36 .
L’amendement no 36 est retiré.
Nous avons tous compris la difficulté dans laquelle nous nous trouvons. Toutefois, celle-ci a permis de faire naître un débat essentiel. En revanche, je partage l’avis des différents collègues qui sont intervenus sur cette question, ainsi que celui de Mme la ministre : devant une telle innovation, le dialogue doit se poursuivre, afin de construire avec la profession, qui est train de renouveler ses instances, ce qui nous permettra de répondre à la volonté du législateur, mais également de trouver le meilleur moyen possible en soi. Je souhaite donc que mes collègues votent contre cet article, pour laisser à la concertation le temps de se faire et pour établir un contact avec nos collègues du Sénat de sorte que le Gouvernement puisse, lorsque le texte reviendra devant la Haute assemblée, présenter un amendement qui aille dans le sens que nous avons exprimé en séance. J’invite l’ensemble de mes collègues à voter contre l’article qui va être soumis au vote de notre assemblée.
L’article 10 quinquies n’est pas adopté.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement, no 8 , tendant à rétablir l’article 11 bis AA.
Dans un même esprit de sagesse, il paraît opportun de ne pas changer grand-chose au projet de loi avant sa lecture au Sénat dans quinze jours. Cet amendement tend ainsi à rétablir une disposition supprimée à l’initiative de la commission des finances. Je rappelle que ladite disposition a pour objet de modifier l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales relatif aux obligations de documentation incombant aux grandes entreprises afin qu’elles justifient de leur politique de prix de transfert dans le cadre de vérifications de comptabilité par l’administration fiscale.
Il s’agit, concomitamment aux dispositions de l’article 11 bis D, de renforcer la prévention des risques de manipulation des prix de transfert en prévoyant de contraindre les entreprises à communiquer au fisc leur comptabilité analytique pays par pays. La comptabilité analytique permet en effet, mieux que la comptabilité générale, de retracer la chaîne de valeur de la production. Sa mise à disposition doit permettre à l’administration fiscale de disposer de documents plus précis pour mener ses contrôles sur les prix de transfert, qui sont l’un des principaux vecteurs de l’évasion fiscale et dont plusieurs rapports estiment que les manipulations occasionnent une perte fiscale de l’ordre de 20 milliards d’euros par an. L’inspection générale des finances a montré, dans un récent rapport, que la France soumet le contrôle des prix de transfert à des règles de droit interne inadaptées, et recommande, comme le faisait déjà le rapport sénatorial de juillet 2012 sur l’évasion fiscale, un renversement de la charge de la preuve, les entreprises étant ainsi contraintes de justifier leur niveau de prix de transfert dans certaines situations.
L’idée est donc de créer à terme une présomption d’anormalité des prix de transfert pratiqués lorsque les bénéfices transférés représentent une part substantielle de l’activité du groupe. Lors de la mission sur l’optimisation fiscale, on a vu des exemples assez récents et emblématiques à cet égard. Il s’agit avant tout de disposer d’une vision claire de l’activité en termes de chiffres d’affaires, de clientèle ou encore d’actifs financiers. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de disposer d’une comptabilité analytique pays par pays.
Notre rapporteure pour avis a estimé, sans doute à bon droit, que la rédaction de cet article n’était pas suffisamment précise pour produire les effets attendus et qu’il serait en conséquence préférable de proposer une mesure juridiquement plus aboutie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.
Cet argument peut être entendu, nous n’avons aucune divergence sur le fond. Il nous semble néanmoins préférable de prendre date en rétablissant cette disposition, quitte à l’améliorer ensemble, dans les semaines qui viennent, au cours de l’examen du projet de loi de finances. Mieux vaut tenir que courir.
Je demande le retrait de cet amendement car, s’il est louable dans ses objectifs, il est inadapté dans ses moyens. Vous avez fait allusion, cher collègue, aux travaux de la mission d’information, présidée par M. Woerth et rapportée par notre collègue Pierre-Alain Muet, sur l’optimisation fiscale des entreprises, travaux qui ont recueilli l’approbation unanime de la commission des finances. Il est très important de rappeler qu’elle ne s’est pas limitée à pointer les difficultés en matière de comptabilité analytique – vous savez d’ailleurs que cette notion est peu établie, avec une seule occurrence dans le code général des impôts –, mais qu’elle a proposé de se pencher sur la comptabilité analytique et consolidée. S’agissant de groupes ayant des établissements dans plusieurs pays, la comptabilité consolidée est toute aussi importante. Le véhicule législatif que vous voulez rétablir cumulerait des difficultés au lieu d’en résoudre.
Par ailleurs, nous sommes certes à une quinzaine de jours de la discussion de ce texte au Sénat, mais surtout de l’examen du projet de loi de finances, au cours duquel nous pourrons mieux avancer sur cette question, plus fidèles encore à ce qu’a proposé le Sénat et surtout à la position sur laquelle nous sommes tous tombés d’accord en commission des finances s’agissant de l’optimisation des entreprises. À défaut du retrait, j’émettrais un avis défavorable.
Monsieur le député, le Gouvernement est favorable, il l’a dit en première lecture, à des progrès dans la lutte contre l’optimisation fiscale liée aux prix de transfert, qui tangente parfois la fraude fiscale. La communication de la comptabilité analytique est à cet égard un progrès auquel nous sommes attachés. Vous savez que nous entendons intégrer dans la loi de finances pour 2014 les conclusions d’un rapport de l’inspection générale des finances sur les prix de transfert. La discussion budgétaire sera l’occasion d’adopter des amendements à cet effet.
Mais le vôtre pose deux difficultés techniques. Premièrement, il n’est pas assorti de sanctions et, par conséquent, nous aurions du mal à le rendre opérationnel. Deuxièmement, nous souhaitons que non seulement les dispositions portent sur la comptabilité analytique, mais également sur la comptabilité consolidée. La loi de finances pour 2014 sera l’occasion, dans l’esprit de votre amendement, de consolider des dispositifs qui seront ainsi opérationnellement plus fiables et susceptibles de recevoir notre accord complet. L’avis est donc défavorable.
Je maintiens mon amendement. S’il n’est pas assez complet, monsieur le ministre, madame la rapporteure, il reste la lecture au Sénat pour y intégrer les comptes consolidés et pour l’assortir de sanctions.
L’amendement no 8 n’est pas adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 42 .
Il s’agit d’un amendement de coordination visant, à l’alinéa 7, à remplacer les mots : « du 3 de l’article 53 », par les mots : « de l’article 67 quinquies A ».
L’amendement no 42 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 11 bis B, amendé, est adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 46 .
La commission des finances de l’Assemblée a adopté une position que le Gouvernement partage : il s’agit de parvenir à une sanction qui soit dissuasive, notamment à l’égard des grandes entreprises, pour rendre effective l’obligation pour le contribuable vérifié de remettre des copies des documents consultés lors du contrôle. Mais le plafond de l’amende fixée à 5 % du chiffre d’affaires déclaré est particulièrement élevé. De plus, s’il était conservé en l’état, il conduirait à sanctionner plus sévèrement le refus de remettre des copies des documents que le refus de présenter la comptabilité sous forme dématérialisée, ce qui serait absurde. Je rappelle en effet que ce dernier est sanctionné par l’application d’une amende fixée à cinq pour mille du chiffre d’affaires déclaré. Prenons un exemple très concret : une entreprise dont le chiffre d’affaires est d’un million d’euros pourrait se voir infliger une amende allant jusqu’à 50 000 euros pour avoir refusé de donner des copies des documents consultés ; une telle amende serait bien entendu totalement disproportionnée.
Il convient dès lors de fixer le plafond de l’amende à 1 % du chiffre d’affaires au regard du principe de la proportionnalité des peines.
Avis favorable. Je rappelle que nous avons ici même créé une amende qui n’existait pas et que les sénateurs avaient établi un plafonnement extrêmement ridicule qui, de ce fait, ne dissuadait pas les entreprises de faire obstruction aux contrôles. Nous avions certes souhaité plafonner l’amende, mais à un niveau dissuasif. Celui-ci était probablement excessif au regard de la proportionnalité des peines et de l’échelle des sanctions.
Je pourrais en profiter pour critiquer le laxisme du Gouvernement qui baisse des amendes, mais je suis tellement content de voir, pour une fois, qu’il propose de baisser un taux, que je suis favorable à cet amendement
J’ai proposé tout à l’heure une diminution de 20 % à 10 %, et j’ai subi les foudres de Mme la garde des sceaux, qui m’a accusé de défendre le grand capital, d’être d’une mansuétude inouïe avec les entreprises en proposant de réduire des amendes excessives. Or on propose ici de les diminuer de 500 %… Cela crée-t-il chez vous, madame la garde des sceaux, une certaine émotion ?
Une superbe indifférence… À votre égard !
L’amendement no 46 est adopté.
L’article 11 bis C, amendé, est adopté.
Cet article a été adopté par le Sénat contre l’avis du Gouvernement, reprenant une disposition qui figure dans une proposition de loi de M. le sénateur Marini tendant à renforcer la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales des entreprises multinationales. Cette disposition vise à renforcer la procédure de l’abus de droit en élargissant son champ d’application aux cas où les actes mis en cause répondraient à un motif essentiellement fiscal. Cette procédure permet à l’administration d’écarter certains actes juridiques, notamment ceux fondés sur une application des textes contraires à leurs objectifs et qui ne sont inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer des charges fiscales. C’est une procédure exceptionnelle, particulièrement dérogatoire du droit commun non seulement parce qu’elle permet à l’administration d’écarter des actes juridiques mais aussi parce que l’abus de droit est assorti d’une sanction très lourde : l’application d’une majoration de près de 80 %. Toute réforme de cette procédure doit donc être conduite avec une grande prudence en en mesurant préalablement toutes les conséquences, ce qui n’est pas le cas ici.
Cela étant, le Gouvernement partage bien entendu tout à fait la volonté du législateur de lutter contre les montages abusifs. C’est même un des principaux objectifs de ce projet de loi que de les élucider et de les sanctionner. Je suis par conséquent soucieux d’améliorer l’efficacité de la procédure d’abus de droit. Il s’avère que votre assemblée a travaillé sur ces sujets, notamment à travers la mission d’information conduite par deux députés, respectivement de la majorité et de l’opposition, Pierre-Alain Muet et Éric Woerth. Ils ont fait un travail très intéressant, susceptible d’inspirer les réformes à venir.
Je propose donc, en lien avec les parlementaires qui se sont saisis de cette question, en particulier les rapporteurs généraux, Mme Mazetier, MM. Galut, Muet et Woerth, et M. Bocquet au Sénat, de continuer à travailler ensemble pour être sûrs que les dispositions que nous arrêterons soient totalement efficaces. Il me semble nécessaire, pour ne pas introduire une insécurité dommageable, d’être extrêmement précis quant aux termes employés pour être certains que nos décisions seront suivies d’effets. Il est donc important de poursuivre le travail d’analyse juridique, notamment pour préciser la portée concrète des évolutions proposées. Le Gouvernement est ouvert à l’éventualité d’une réforme sur cette question dans une prochaine loi de finances, mais avec une exigence de précision.
C’est la raison pour laquelle je vous demande, mesdames, messieurs les députés, d’adopter cet amendement de suppression pour que nous puissions ensemble, dans l’esprit que je viens d’indiquer, garantir que la rédaction que nous arrêterons sera suffisamment précise pour nous permettre d’atteindre notre but.
Je rejoins ce que vient de dire M. le ministre. Le mérite de l’actuel article L. 64 du livre des procédures fiscales, c’est sa clarté : il prévoit l’exclusivité du motif fiscal.
La rédaction a le mérite d’être assez carrée et on voudrait y substituer la formulation « un motif essentiel d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales ». Que signifie, en matière fiscale, un motif essentiel ? On ouvre la porte à une insécurité juridique et, qui plus est, on pratique une rétroactivité pour des montages qui auraient pu être faits voici trois ans. Cela crée donc une insécurité et une instabilité absolues. C’est pourquoi, je pense que cet article 11 bis DA doit être supprimé
Je suis favorable à cet amendement de suppression, du moins tel qu’il a été présenté par le Gouvernement et non pour les motifs que M. Blanc vient d’exposer. Je trouve que M. Blanc est en contradiction avec la rédaction du Sénat, conforme à la proposition de M. Marini. À l’Assemblée, nous sommes plus convaincus par la formulation proposée par notre collègue Pierre-Alain Muet, qui a d’ailleurs été adoptée à l’unanimité par la commission des finances, au terme de la mission présidée par M. Woerth.
Nous sommes sensibles aussi à ce que vient de dire M. le ministre sur la nécessité d’avancer sur l’abus de droit car l’obligation de démontrer le caractère exclusif du motif fiscal rend le dispositif quasiment inopérant. D’ailleurs, la direction de vérification nationale et internationale, chargée du contrôle fiscal des plus grandes entreprises, n’a mis en oeuvre la procédure d’abus de droit qu’à dix reprises au cours des cinq dernières années en matière de fiscalité internationale, tant les chances d’aboutir sont extrêmement ténues pour le moment. Nous notons bien la volonté du Gouvernement d’avancer sur cette question, sur les bases proposées par l’Assemblée nationale et en évitant de déstabiliser, par une forme d’insécurité juridique soudaine et brutale, les grandes entreprises concernées.
Pour toutes ces raisons, je donne un avis favorable à l’amendement de suppression du Gouvernement.
Dans son exposé, le ministre a parlé de la formulation plus ambitieuse de la mission d’information. En quoi est-elle plus ambitieuse que celle qui était proposée initialement ?
Je voudrais à mon tour insister sur la nécessité de sortir de la définition actuelle de l’abus de droit : l’exclusivité fiscale empêche d’invoquer l’abus de droit pour mettre en cause l’évasion et la fraude fiscales. Sincèrement, cela ne marche pas. Nous nous en sommes rendu compte lors de la mission sur l’optimisation durant laquelle, avec Éric Woerth et Pierre-Alain Muet, nous avons reçu les associations qui depuis des années se battent contre les mécanismes d’optimisation fiscale et qui demandent une nouvelle rédaction de l’abus de droit, mais aussi les services de Bercy qui nous ont expliqué que sa définition actuelle la rendait quasiment inutilisable. Cette nouvelle rédaction est donc obligatoire.
Monsieur le ministre, je veux bien admettre que la rédaction proposée n’est pas parfaite mais la commission des finances a adopté l’article sans modification, il y a quelques jours, et a accepté la rédaction de l’article 11 bis DA issue des travaux du Sénat. Je n’ai pas de doute sur les intentions du Gouvernement, mais donnez-nous un calendrier pour que nous puissions aller sereinement dire à nos collègues sénateurs que ce n’est pas de la défiance vis-à-vis d’une nouvelle rédaction de la procédure d’abus de droit mais bien une recherche d’efficacité.
Je voudrais répondre à M. le député Nicolas Sansu et à votre interpellation, monsieur Aubert, pour préciser ce que nous qualifions de dispositions plus ambitieuses. Le texte d’origine comportait l’adverbe « exclusivement » d’où les difficultés que vous souleviez à l’instant pour engager des procédures afin de lutter contre des dispositifs d’optimisation. Il a été proposé de remplacer « exclusivement » par « essentiellement », puis, dans le cadre du rapport parlementaire, par « principalement », afin d’élargir le cadre possible d’ouverture de procédures d’abus de droit pour lutter contre l’optimisation.
Nous sommes pour aller le plus loin possible mais, je le répète, nous faisons la loi. En la matière, il n’y a pas que l’intention qui compte. La précision des termes compte aussi pour que, lorsque la loi se retrouve dans les mains de ceux qui sont censés l’appliquer et sanctionner ses manquements, il puisse y avoir des jugements faciles à rendre et des interprétations faciles à donner. Pour cette raison, l’efficacité du texte nous préoccupe davantage que son objectif que nous partageons. Pour que l’objectif soit atteint, il faut que le texte soit efficace. C’est pourquoi je propose que nous prenions le temps de nous assurer que le texte sera efficace.
Les articles 11 bis D et 11 bis G sont successivement adoptés.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 43 .
C’est un amendement rédactionnel : à l’alinéa 17, il convient de remplacer « prévue à l’article 413 ter est portée » par « est égale ».
L’amendement no 43 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 11 bis, amendé, est adopté.
Article 11
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 47 .
L’amendement rétablit la rédaction issue des délibérations de l’Assemblée nationale en première lecture. Il assure la transmission automatique par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à l’administration fiscale des informations transmises à TRACFIN ou au procureur de la République. Ce dispositif a pour principal avantage de renforcer l’accès de l’administration fiscale à ces informations afin de mieux lutter contre la fraude fiscale, ce qui est l’objet de ce texte.
En revanche, il n’est pas possible d’aller aussi loin que le propose la commission. En effet, la rédaction qu’elle a adoptée porte atteinte au secret professionnel encadrant l’activité du superviseur, qui est régie par les directives européennes auxquelles nous devons nous conformer et qui existent tant dans le secteur bancaire que dans le secteur de l’assurance.
Afin d’assurer le bon accomplissement des missions de supervision et les échanges d’informations entre autorités, ces textes encadrent strictement les possibilités de divulgation des informations confidentielles reçues à titre professionnel par les personnes exerçant ou ayant exercé une activité pour le compte des autorités de contrôle. Ils n’autorisent pas un accès aussi étendu à ces informations que celui prévu par la rédaction de la commission. D’ailleurs si nous retenions cette dernière rédaction, nous serions en infraction avec le droit européen. C’est donc essentiellement pour des raisons qui tiennent au fait que nous souhaitons respecter les dispositions du droit européen relatives au secret professionnel, que nous vous proposons cet amendement.
Cet amendement a connu des versions différentes. L’Assemblée en avait adopté une première qui a été enrichie par la suite. Vous nous proposez, monsieur le ministre, de revenir aux dispositions que nous avions adoptées, même si nous souhaitions renforcer le droit de communication auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – puisque c’est désormais son nom – tant il est vrai qu’au cours des dernières années, plusieurs affaires ont montré le rôle absolument déterminant que les banques pouvaient jouer en matière de fraude fiscale.
Toutefois, il serait navrant que la France encoure des sanctions au regard des dispositions communautaires. Il vaut donc mieux revenir à la version que nous avions adoptée en première lecture.
En revanche, j’observe qu’aucun amendement du Gouvernement ne remet en cause le fait que la commission ait doté les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat de nouveaux pouvoirs : ils pourront aller contrôler certaines pièces, alors qu’ils ne peuvent pas le faire actuellement. Nous avons fait oeuvre utile auprès de l’ACPR en comblant ce qui était probablement un oubli de la loi bancaire. Je donne donc un avis favorable à cet amendement.
L’amendement no 47 est adopté.
L’article 11 quinquies, amendé, est adopté.
Article 11
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 5 rectifié .
L’amendement no 5 rectifié est retiré.
Il s’agit de rétablir l’article adopté en première lecture sur l’allongement du délai de prescription qui s’inscrit principalement dans une logique de dissuasion : le fait de savoir qu’il peut être rattrapé par la patrouille peut dissuader le contribuable de s’aventurer dans l’évasion fiscale. Plus le temps de reprise est long, plus la menace est forte et plus la dissuasion fonctionne, sauf évidemment à ce que délai soit ingérable ou disproportionné à l’objet.
En matière de fraude liée à l’évasion fiscale et à la détention non déclarée de compte ou de contrat d’assurance-vie à l’étranger, le délai de prescription fiscale est de dix ans. L’amendement vise à rapprocher le délai de prescription pénale du délai de prescription fiscale en le portant de trois à six ans, comme nous l’avions fait en première lecture.
Comme en commission des finances, je suis réservée sur votre proposition, monsieur Alauzet, pour ne pas dire que je vous demande de retirer cet amendement. Tout d’abord, pour la cohérence globale de notre système de prescription en matière pénal, il n’y a pas à faire d’exception. Ensuite, les délais de prescription applicables aux infractions économiques connexes ne seraient plus en harmonie avec le délai de prescription pour le délit de fraude fiscale. En outre, un allongement du délai donnerait matière aux argumentations de contribuables fondées sur le caractère ancien des faits reprochés, argumentations auxquelles les juges sont très sensibles et qui les conduisent à minorer les peines, ce qui n’est pas, je pense, l’objectif que vous visez. Enfin, je suis convaincue que, pour garder sa pertinence et sa crédibilité, une réponse pénale doit être rapide.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée en première lecture.
En l’état actuel du droit, le délai de prescription court à compter de la date à laquelle les faits ont été commis et court jusqu’à la fin de la troisième année qui suit la date de l’infraction.
Dans la mesure où cet amendement concerne le délit de fraude fiscale et au regard du fait que les opérations de contrôle sont souvent longues et lourdes, cette prolongation du délai de prescription nous paraît bonne, étant entendu que le point de départ reste le même – il n’y a donc pas, de notre point de vue, de contradiction avec la jurisprudence –, et le Gouvernement émet donc un avis favorable.
L’amendement no 4 est adopté et l’article est ainsi rétabli.
Article 11
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour soutenir l’amendement no 39 .
Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la loi une pratique récente, malheureusement récente, dirai-je. Il s’agit de permettre que les services fiscaux soient informés par les douanes des manquements aux obligations déclaratives constatés. D’une certaine manière, l’amendement ne change rien aux pratiques, mais, en l’adoptant, nous indiquons noir sur blanc, dans la loi, de quelles informations les services fiscaux doivent disposer.
Pourquoi donc ? Je serai très directe. J’ai lu dans la presse, et même entendu à la radio, qu’un contribuable, qui aurait été ambassadeur dans des pays un peu compliqués, qui aurait été pris avec 350 000 euros en espèces,…
…et sans pièce d’identité, ne risquerait qu’une pénalité d’un quart des montants découverts. Naturellement, c’est complètement faux. Il risque la confiscation, il risque cette pénalité au titre des douanes, et par ailleurs, naturellement, les douanes, auxquelles je voudrais que l’on rende hommage, informent les services fiscaux de ce manquement aux obligations déclaratives.
La rumeur urbaine n’en prétend pas moins que l’on ne risque rien en se déplaçant avec des sommes considérables d’argent liquide. Je préfère donc qu’il soit écrit noir sur blanc que les douanes et les services de la direction générale des finances publiques oeuvrent main dans la main pour lutter contre la fraude fiscale.
C’est un excellent amendement mais j’ai été alerté il y a quelques instants du fait que son adoption pourrait complexifier les relations entre ces deux services dont M. le ministre du budget a la responsabilité. Il semblerait qu’il ne soit pas vraiment nécessaire d’inscrire dans la loi des pratiques actuelles satisfaisantes d’échanges entre les douanes et les services de la DGFIP. Nous avons cette chance de disposer, au sein du ministère du budget, de deux excellents services aux compétences légèrement différentes. L’efficacité de chacun est importante, ce sont deux dimensions d’une même logique qui vise à faire entrer l’argent dans les caisses de l’État et, le cas échéant, à ce que les sanctions encourues soient infligées.
Je n’avais pas forcément saisi la portée de cet amendement, et je ne voudrais pas qu’il soit adopté malgré une extrême réticence des douaniers, qui sont des fonctionnaires extrêmement compétents, extrêmement dévoués. Ne complexifions pas des relations nouées entre les deux services au fil de la pratique.
J’appelle donc l’attention tant de mon excellente collègue Mme Mazetier que de M. le ministre du budget sur ce problème. N’aurait-on pas intérêt à réfléchir à cette question avant la nouvelle lecture, dans quinze jours au Sénat, ou dans un autre cadre ? Cet amendement est-il vraiment nécessaire ?
Je veux d’abord rassurer la représentation nationale : rien ne peut détruire les excellentes relations qu’entretiennent la direction générale des douanes et la direction générale des finances publiques, pas même un article de loi. Ces relations sont tellement étroites, la coopération entre ces deux directions est tellement ancienne et le manquement aux obligations déclaratives est signalé de façon si systématique par l’administration des douanes à la direction générale des finances publiques que ce n’est pas l’inscription de ce principe dans la loi qui pourra en altérer la portée. En même temps, nous n’avons pas besoin de l’inscrire dans la loi pour que les choses se passent bien. C’est déjà le cas, et une instruction administrative peut à tout moment permettre de préciser le contenu des relations entre ces deux directions.
Je n’ai donc pas besoin de disposition législative pour articuler davantage encore les relations qu’entretiennent ces deux administrations lorsqu’il s’agit de lutter contre la fraude fiscale, mais le fait qu’on inscrive cela dans la loi ne peut pas non plus nuire. Dans le même temps, nous n’avons aucun intérêt à inscrire dans la loi des dispositions qui n’ont pas vocation à y être.
Sourires.
Je vous renvoie donc à votre propre sagesse, mesdames et messieurs les députés, en espérant qu’elle n’aura d’égale que la nôtre.
Nouveaux sourires.
Tout d’abord, je suis un petit peu choqué. Je me souviens du débat sur la transparence : certains amendements avaient été motivés par le souhait de viser certaines personnalités du camp politique minoritaire. Nous avions des amendements Fillon, des amendements Copé, des amendements Sarkozy. Voici donc un amendement, disons-le clairement, un amendement Boillon. Je suis un petit peu choqué, car la loi n’est pas faite pour régir les rumeurs urbaines, ni d’ailleurs les rapports des administrations entre elles.
Ensuite, sur le fond, je ne suis pas certain que cet amendement soit utile, car le contrôle effectué par les douanes est un contrôle de facto, c’est-à-dire que qu’elles constatent une irrégularité et déclenchent une procédure. Pour être efficace, le contrôle exercé par la direction générale des finances publiques, notamment le contrôle fiscal, doit, lui, se fonder sur une déclaration, non sur un fait.
Par conséquent, les directions du contrôle fiscal constatent le passé, non le présent, à partir d’éléments déclaratifs, d’éléments sur papier. Je ne suis donc pas certain que la transmission directe de l’information présente un intérêt direct pour la direction générale des finances publiques. Cela peut être intéressant ensuite, cela peut être un élément à conserver dans sa mémoire pour les contrôles futurs, mais je ne suis même pas certain, au-delà de l’intérêt qu’il y a à croiser les informations, que cela ait un impact sur l’efficacité du contrôle opéré.
Je veux rassurer M. le député Aubert : tout lien entre cet amendement et une personne ayant existé serait tout à fait fortuit.
Sourires.
Tout d’abord, le temps long de l’histoire de l’humanité montre que d’autres ont précédé celui auquel vous avez pensé, monsieur le député, et il est fort probable que, compte tenu des faiblesses auxquels certains – pas tous ! – d’entre nous peuvent être en proie, cela pourra se produire derechef. Ne vous inquiétez donc pas : cet amendement ne vise pas une personne en particulier.
Par ailleurs, les modalités de transmission par l’administration des douanes à l’administration fiscale des éléments dont elle dispose et qui peuvent aider cette dernière à faire son travail peuvent prendre de multiples formes. L’important, c’est que ces informations soient transmises. Nous n’avons pas besoin, je le répète, de cet amendement pour qu’elles le soient, et, si cet amendement était adopté, elles continueraient à l’être.
Je le répète : je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée nationale.
J’avais pris position pour que ne soit pas inscrite dans la loi, comme le voulaient nos collègues sénateurs, une bonne pratique qu’un décret suffisait à garantir. Par symétrie, je retire l’amendement no 39 , tout en indiquant à M. Aubert que la transmission par l’administration des douanes aux services fiscaux des manquements aux obligations déclaratives qu’elle constate est évidemment d’une grande utilité au quotidien. Il se passe beaucoup de choses et c’est précisément pour donner à voir cette collaboration au quotidien entre les douanes et la direction générale des finances publiques que j’avais déposé cet amendement qui, s’il n’entraîne pas d’avancée décisive, n’empêche rien. J’aurai ainsi parfait votre culture générale en matière de contrôle et de lutte contre la fraude fiscale dans ce pays.
L’amendement no 39 est retiré.
L’article 11 octies A est adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour soutenir l’amendement de suppression no 33.
L’article 11 decies A a été introduit au Sénat à l’initiative de M. Jean Arthuis. Il soulève un vrai problème, qui concerne la fiscalisation des marges arrière et les relations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs, notamment, mais pas seulement, dans le secteur de la grande distribution. Il vise à imposer en France ces paiements lorsqu’ils sont perçus sous forme de redevances à travers des entités situées à l’étranger. Cela permettrait de répondre à un réel problème
Cependant, le dispositif proposé et adopté au Sénat est bancal. Je n’ai pas souhaité qu’on le supprime en commission car le sujet qui, encore récemment, était traité dans un magazine de consommateurs, me paraît mériter que le Gouvernement réaffirme une volonté d’avancer. Il y a un vrai détournement des marges arrières, et, en plus, on impose aux fournisseurs de verser les sommes en jeu à l’étranger pour qu’elles échappent à toute forme d’imposition. C’est donc doublement scandaleux.
Le dispositif proposé par M. Arthuis n’est pas opératoire. Il me semblait cependant important que le Gouvernement puisse s’exprimer et indiquer ses intentions dans ce domaine.
Il faut préciser que la commission a rendu un avis favorable à l’amendement présenté par Mme Mazetier.
Je profite de cette prise de parole pour lui dire que je suis très sensible au fait qu’elle ait retiré son amendement précédent à la suite de notre discussion. Je confirme à nouveau ce qu’ont indiqué M. le ministre et Mme Mazetier à propos de l’excellence des relations et du travail commun entre la direction générale des finances publiques et les services de la douane.
En ce qui concerne la question des marges arrières, il est évident pour nous – aussi bien pour la commission des finances que la commission des lois – que cet amendement non abouti présenté au Sénat par notre collègue Jean Arthuis est extrêmement important. Nous souhaitons donc, au cours des semaines à venir, de nouer avec vous un dialogue constructif pour trouver une solution dans le cadre du projet de loi de finances. On ne peut qu’être surpris et scandalisé par cette pratique, qui détourne des milliards d’euros. Des entreprises françaises très fortement bénéficiaires arrivent quand même à échapper de manière scandaleuse à l’impôt.
Comme vous, monsieur le rapporteur, je salue l’amendement du sénateur Jean Arthuis, qui est utile, intéressant, et important, car il dénonce des pratiques que nous combattons, et qui sont visées par ce projet de loi. J’ai toutefois indiqué à M. Arthuis que la rédaction de son amendement le rendait inefficace et je me suis engagé, au moment de l’examen de ce texte au Sénat, à reprendre la proposition de M. Arthuis dans le cadre de la loi de finances ou de la loi de finances rectificative.
Il s’agit de conserver l’esprit de cet amendement, mais en le dotant d’une rédaction plus précise, pour faire entrer dans le droit français ces dispositions, et nous donner les moyens de lutter contre ces dispositifs de fraude. Je propose donc, conformément à ce dont M. le sénateur Arthuis et moi sommes convenus, de consolider cette disposition au moment de l’examen de la loi de finances ou de la loi de finances rectificative.
Je suis donc favorable à l’amendement de Mme la rapporteure.
L’amendement no 33 est adopté et l’article 11 decies A est supprimé.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 45 .
Il s’agit, madame la présidente, d’un amendement de coordination qui vise à modifier l’entrée en vigueur du présent article pour tenir compte de l’extension de son champ aux transmissions des relevés de compte effectués spontanément par des tiers.
L’amendement no 45 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 11 decies, amendé, est adopté.
Article 11
Je serai bref. Cet amendement a pour but d’allonger le délai pendant lequel l’administration peut instruire un dossier et de réparer des omissions dès lors qu’elle a sollicité l’autorité compétente d’un autre État, dans le délai initial de reprise. En effet, ce délai, fixé à deux ans, nous paraît un peu court en l’état.
Défavorable. Le Sénat a modifié l’article L. 188 A du livre des procédures fiscales afin d’allonger le délai dont dispose l’administration pour réparer une insuffisance d’imposition en cas de demande internationale de renseignement. Votre amendement, loin d’harmoniser les délais de reprise à six ans, augmente en réalité considérablement les délais existants.
Je vous propose donc de le retirer, faute de quoi l’avis de la commission est défavorable.
Je ne reviens pas sur les débats qui ont eu lieu au Sénat, et qui ont contribué à étendre de deux ans le délai de prescription normalement applicable, soit un délai de reprise de dix ans en cas de compte non déclaré à l’étranger, avec la possibilité de notifier, le cas échéant, jusqu’à la fin de la douzième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due. Le nouveau dispositif permet à l’administration de tirer les conséquences des informations obtenues dans le cadre de l’échange d’informations, en s’affranchissant des règles de prescription. Votre amendement est donc, de ce point de vue, satisfait.
Vous proposez d’aller plus loin, en portant le délai supplémentaire à six ans, ce qui aboutirait à porter à seize ans le délai de reprise. Si, dans certains cas exceptionnels, le délai de deux ans peut être insuffisant, le délai de six ans que vous proposez est, lui, tout à fait excessif. Un délai de trois ans serait beaucoup plus raisonnable. Si vous acceptiez de remplacer, dans votre amendement, le mot « sixième » par le mot « troisième », le Gouvernement pourrait l’accepter. Je vous suggère donc de modifier votre amendement en ce sens.
Soyons bien d’accord : il ne s’agit pas d’augmenter le délai de prescription, mais de donner à l’administration le temps de monter le dossier correctement, au-delà du délai de prescription. Je conçois effectivement que le délai de six ans est un peu long. J’accepte donc volontiers la modification suggérée par M. le ministre.
L’amendement no 40 , tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.
L’article 11 undecies, amendé, est adopté.
Article 11
L’article 11 duodecies est adopté.
Article 11
L’article 11 terdecies est adopté.
Il s’agit en fait de rappeler l’opposition du groupe UMP à la création du procureur de la République financier, à laquelle nous préférerions substituer une extension des compétences du procureur de Paris, qui se verrait attribuer les affaires complexes dans le domaine qui fait l’objet de ce texte.
Cet amendement présente un contre-projet aux dispositions proposées par le Gouvernement et adoptées par notre assemblée en première lecture. Ce contre-projet consiste à étendre la compétence du parquet et du TGI de Paris en matière économique et financière. Tout en respectant la proposition constructive formulée par les auteurs de cet amendement, qui a été adoptée par le Sénat, je ne peux que redire mon soutien à la création du procureur de la République financier et donc mon opposition à cet amendement.
Permettez-moi de reprendre, en quelques mots, les principaux arguments que j’ai développés en première lecture. Premièrement, la création d’un procureur autonome donnera une vraie visibilité à la politique de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière. Deuxièmement, l’existence de ce procureur autonome permettra de garantir l’autonomie des moyens consacrés à cette lutte. Troisièmement, le procureur de la République financier pourra devenir l’interlocuteur privilégié des services d’enquête nationaux – dont le futur office central spécialisé – et des autorités judiciaires étrangères, ce qui améliorera la mise en oeuvre de l’entraide pénale pour les affaires complexes. En outre, lorsque le procureur européen aura été créé, le procureur de la République financier en sera l’interlocuteur adapté. Enfin, le procureur financier aura sa propre légitimité pour mettre en oeuvre les instructions générales décidées par Mme la garde des Sceaux, en déterminant l’action publique en matière de lutte contre la fraude fiscale et la corruption de grande complexité.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement. Je précise d’ores et déjà, mes chers collègues, que pour les mêmes raisons, l’avis de la commission est défavorable aux amendements déposés aux articles 14 à 20, qui ont également pour objet de remettre en cause l’institution du procureur de la République financier. Je reprendrai éventuellement la parole au moment de l’examen de l’article 16.
Même avis, madame la présidente. Cet amendement vise tout simplement à contester l’essentiel même du projet du Gouvernement. Ce dernier a fait le choix de la lisibilité de sa politique publique de lutte contre les atteintes à la probité, la fraude fiscale complexe et les fraudes à la TVA. Surtout, il a décidé de s’en donner les moyens, de façon rationnelle.
Évidemment, des interrogations se font jour quant à la manière de lutter contre ces atteintes avec la plus grande efficacité, mais aussi la meilleure compréhension de l’action publique. Ce parquet financier national est la meilleure réponse à ces interrogations. Le texte vise à asseoir ce parquet financier, à lui donner une forte légitimité et une grande visibilité, sans ébranler les fondations de notre institution judiciaire.
Faut-il rester dans le cadre actuel et renforcer le procureur de la République de Paris ? Telle est la question essentielle. Il est intéressant de voir que les groupes d’opposition proposent, entre autres, de renforcer les pouvoirs du procureur de la République de Paris. Le même groupe d’opposition qui propose de renforcer les pouvoirs de ce procureur accusait les procureurs, sous la responsabilité gouvernementale de la gauche, de n’être pas indépendants ! Pourtant nous respectons absolument l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour la nomination des magistrats du parquet. Nous avons même présenté aux deux chambres du Parlement une réforme constitutionnelle tendant à inscrire dans la Constitution cette pratique.
Le groupe parlementaire dont je parle mettait en cause l’indépendance de ce procureur, et surtout suspectait le Gouvernement et la majorité de vouloir créer un super-procureur qui pourrait à loisir mettre un terme à certaines procédures, puisqu’il serait seul à bord. L’opposition formule donc tout à la fois des propositions et la critique de ces propositions.
Le Sénat a proposé de banaliser tout cela en renforçant la juridiction interrégionale spécialisée de Paris, voire sans la renforcer, en se contentant de prévoir qu’elle aurait compétence à partir du moment où une affaire appellerait la compétence de deux JIRS. Tel n’est pas l’état d’esprit du Gouvernement, telle n’est pas sa démarche en termes de lisibilité, de cohérence et d’efficacité de l’action publique. Par conséquent nous maintenons le choix de créer un parquet financier.
Nous ne touchons pas aux fondations de l’architecture de l’institution judiciaire. Nous savons que cette institution est capable d’ingérer ce parquet financier, de le faire fonctionner. Le procureur de la République financier sera placé sous l’autorité hiérarchique du procureur général de Paris, conformément à l’article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958. Par conséquent nous n’avons pas la moindre inquiétude : ce parquet national financier fonctionnera. Nous lui donnerons pour cela des moyens dédiés.
Nous avons pensé aux modalités de création d’une juridiction spéciale à Paris. Nous avons réfléchi aux conditions dans lesquelles les magistrats du siège seront nommés, par une procédure d’habilitation qui garantira de la souplesse, évitera le cloisonnement des procédures, permettra l’évolution de la juridiction grâce au passage des magistrats du siège des autres procédures au contentieux spécial anti-corruption.
Il était bon de rappeler l’esprit, la logique, la cohérence qui ont présidé à l’élaboration de ce parquet financier national. Nous entendons bien les critiques – y compris celles qui sont contradictoires : on nous accuse par exemple à la fois de mettre en place une usine à gaz et de ne pas en faire assez. Nous entendons tout cela, parce que nous sommes attentifs aux observations de l’opposition. Il s’agit d’un choix délibéré, construit…
…posé, assumé par le Gouvernement. L’avis défavorable que je donne à présent sera réitéré pour les amendements suivants de l’opposition, car les arguments que je viens de développer s’y appliquent de la même manière.
Si la justice est capable « d’ingérer » cette nouvelle structure, j’espère qu’elle sera aussi capable de la gérer.
J’ai bien écouté les arguments invoqués. En l’occurrence, je pense que nous sommes d’accords sur l’objectif de renforcement de l’arsenal juridique, mais en désaccord sur la question des moyens. Vous y voyez des critiques, mais on peut légitimement s’interroger sur la meilleure manière d’atteindre l’objectif que nous nous fixons.
Premièrement, le rapporteur a prononcé le mot d’autonomie en parlant du procureur. Mme la ministre a préféré parler d’indépendance. De toute manière, quel que soit le parquet responsable, j’ose espérer qu’il sera indépendant. Mais créer un procureur supplémentaire ne le rendra pas plus indépendant qu’un autre type de procureur. Tous les procureurs sont indépendants et égaux.
Deuxièmement, j’ai entendu M. le rapporteur dire que ce procureur aura des moyens dédiés. Comme nous sommes dans un contexte de réduction budgétaire, les moyens que le Gouvernement choisira d’allouer à cet objectif seront rigoureusement les mêmes. Ils seront le fruit d’une décision politique et des contraintes budgétaires qui s’imposent à l’instant T.
Par conséquent, les moyens que vous allouerez à ce procureur autonome seraient exactement les mêmes que ceux que vous allouerez s’il fallait étoffer tel ou tel service existant pour lutter contre la fraude. Je crois que la création d’une structure particulière ne se traduira pas par davantage de moyens.
La théorie des choix publics et de l’administration nous apprend d’ailleurs que, lorsque l’on crée une administration ou un service supplémentaire, on perd les économies d’échelle et on a des frais de support ou administratifs supérieurs. Par conséquent, on peut penser que le résultat sera l’inverse de ce que vous annoncez.
Troisièmement, Mme le ministre annonçait plus de lisibilité. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous : plus de lisibilité pour le public, vous avez raison, car vous mettez une structure pour répondre à un objectif politique. Mais, si à chaque objectif politique on devait créer une structure, cela deviendrait rapidement le bazar.
Je crains – comme l’apprend là encore la théorie des choix publics –, qu’à force de multiplier les acteurs pour traiter les affaires, on complexifie le système. Si c’est politiquement très bon, cela ne se justifie pas sur le plan administratif. En conséquence, il n’est pas étonnant que j’exprime un avis défavorable.
Je souhaite répondre, madame la présidente, car c’est un sujet extrêmement important et il nous faut vraiment l’épuiser. Je pense qu’avec cette intervention nous l’aurons fait.
Concernant l’autonomie et la dépendance, il n’y a absolument aucune contradiction, monsieur le député Aubert. Ce procureur sera autonome par rapport au procureur de Paris. Il sera indépendant, comme tous les procureurs le sont, parce que nous y veillons. Nous veillons à leur neutralité dans leur rapport à l’exécutif, à leur impartialité dans l’exécution de leur mission – c’est-à-dire lorsqu’ils mènent l’action publique et lorsqu’ils sont amenés à prendre des décisions dans les affaires individuelles. Il n’y a donc aucune contradiction sur ce sujet.
Concernant les moyens dédiés, comme je l’ai dit lors de mon intervention à la tribune, ils sont là, comptés, déjà prévus. Le ministre Bernard Cazeneuve l’a confirmé avant la suspension de séance : ils sont prévus dans le projet de loi de finances de 2014.
Je vous rappelle que ce Gouvernement créé 500 postes dans la justice tous les ans. Non seulement il a mis un terme à la RGPP, mais il a également mis un terme à la destruction d’emplois. Nous créons des postes, et ce depuis notre prise de responsabilité.
Ce parquet financier aura donc des moyens dédiés, qui sont déjà inscrits dans le projet de loi de finances, de telle sorte que nous serons en capacité de le faire fonctionner à la date prévue par ce projet de loi, soit février 2014.
Enfin, concernant la lisibilité, il s’agit de la lisibilité pour le public, c’est incontestable. En effet, la volonté politique doit se donner à voir, et à lire. Mais c’est également la lisibilité pour les escrocs, pour les criminels, pour les auteurs de ces infractions, afin qu’ils comprennent que le Gouvernement est bien déterminé à agir, qu’il s’en donne les moyens, et qu’il veille à l’efficacité.
L’amendement no 20 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 13 est adopté.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement de suppression no 21.
L’amendement no 21 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 14 est adopté.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement de suppression no 22.
Pour répondre à Mme le ministre, je vais reprendre quelques arguments que j’ai développés tout à l’heure à la tribune. La position que vous-même et M. le rapporteur défendez consiste à dire qu’il faut un procureur financier autonome pour que le dispositif fonctionne.
Les pays qui ont fait ce choix ont en même temps mis en place une juridiction autonome, appelée à juger ces infractions, les délits financiers, la corruption et les infractions fiscales qui relèvent du droit pénal. Vous, vous arrêtez en chemin. Je pense donc que la notion même d’autonomie est affaiblie par le fait que vous n’allez pas au bout de votre démarche.
Votre deuxième argument consiste à dire qu’il faut, pour que cela marche, incarner cette volonté de poursuivre ce genre d’infractions par la création d’un parquet financier. Mais, pourquoi ne fait-on pas la même chose en matière de terrorisme ? Pourquoi ne pas créer autant de parquets spécifiques qu’il y a de sujets lourds dans notre société ? Pourquoi celui-là et pas les autres, alors que d’autres sont tout aussi importants ?
Troisièmement, je l’ai dit toute à l’heure, ces infractions sont souvent portées à la connaissance de la puissance publique dans le cadre de pratiques très complexes, très diverses. En créant un procureur financier dans un secteur, celui de Paris, vous mettez à la peine la poursuite d’affaires qui sont extrêmement complexes et transversales, et qui sont traitées en France par les JIRS notamment. Cette hyperspécialisation ne correspond pas à ce type d’infractions. C’est en tout cas ce que disent un grand nombre de magistrats.
Ma quatrième observation porte évidemment sur le coût du dispositif : nous n’y voyons pas clair sur ce sujet.
La cinquième observation concerne évidemment les moyens. Le procureur de la République a un rôle important, mais il faut qu’il ait autour de lui des forces d’investigation et de recherche. Vous allez bien entendu me répondre que les Gouvernement précédents les ont supprimées – cela pourrait d’ailleurs se discuter. Il n’en reste pas moins que nous n’y voyons pas très clair sur ce sujet-là.
Enfin, je le répète, c’est un projet qui n’est pas soutenu par les magistrats, notamment par les magistrats spécialisés dans ce domaine. Ces derniers réclament davantage de moyens mais ne souhaitent pas la création de ce magistrat spécialisé. C’est tout le sens de cet amendement.
Sourires.
Pardon de rallonger un peu les débats, mais je ne répéterai pas – rassurez-vous – ce que le député Blanc semble ne pas avoir entendu, puisqu’il revient sur les moyens et les effectifs.
Sur la spécialisation, j’ai expliqué à l’instant que la procédure d’habilitation permettra précisément d’éviter une spécialisation par contentieux qui pourrait pénaliser l’instruction des procédures.
Pour le reste, de quelles spécialisations parlez-vous ? Je n’en sais rien. En tout état de cause, lorsque vous dîtes qu’on est à la moitié du chemin, quel est le bout du chemin ? Que vous ayez décidé de vous fixer comme horizon des pays qui ont choisi de faire autrement, c’est votre affaire. Lorsque je parle de maintenir la cohérence de l’institution judiciaire et de construire sur ses fondations, la perspective dessinée est celle de l’institution judiciaire française, avec son histoire, sa construction, sa cohérence, et sa logique.
Il n’y a donc pas de demi-chemin ; il n’y a pas à suivre d’autres pays qui ont fait d’autres choix, y compris dans les choix de nomination. Dans cette logique, il faudrait tout copier ! On sortirait alors de notre réforme constitutionnelle. Par exemple, on ne serait plus dans l’organisation de l’indépendance de la justice.
C’est donc un débat que vous inventez. On peut toujours imaginer un roman à tiroirs et se dire : « pourquoi pas ci, pourquoi pas ça ? ». La section antiterroriste de Paris fonctionne. Elle a une compétence concurrente, et cela fonctionne très bien, même si vous être libres de vous poser toutes les questions que vous voulez.
Concernant votre dernier argument, si les procureurs vous ont dit leur position, d’autres continuent de débattre, et les derniers considèrent qu’il relève de la responsabilité politique – par conséquent, des pouvoirs exécutifs et législatifs –, de réfléchir à l’évolution éventuelle de notre institution correspondant le mieux à l’objectif d’efficacité. Ce n’est pas à quelques procureurs de penser l’organisation judiciaire, même si je me suis fixé l’obligation de les consulter largement, et de façon approfondie.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
…sont quand même très hostiles à cette proposition. Je suis partagé, car à l’occasion de nombreux débats dans cet hémicycle, vous avez régulièrement souhaité être le porte-parole de l’administration judiciaire, expliquant votre souhait de concertation, notamment sur la réforme du CSM, et montrant que vous souhaitiez être une ministre à l’écoute, au plus près du terrain.
Or, voilà que sur un sujet d’importance, et alors que tous les signaux convergent pour dire que c’est une mauvaise idée, vous dites que c’est à vous, et non au procureur, de décider. Voilà un petit revirement de jurisprudence.
Ce qui me frappe également, c’est que vous n’avez expliqué à aucun moment pourquoi la solution alternative, qui serait le renforcement des tribunaux existants, présente des défauts. En effet, je vous ai précédemment expliqué que ces derniers auraient exactement les mêmes garanties en matière de moyens, d’autonomie et d’indépendance. Peut-être avez-vous sérieusement évalué cette solution et en avez-vous conclu qu’elle présentait un défaut majeur ? La réponse à cette question pourrait faire avancer le débat : pourquoi la solution logique consistant à renforcer les structures existantes pour répondre à une priorité n’est-elle pas expertisée ?
D’autant que, comme l’a souligné mon collègue Blanc, toute une série de contentieux, comme celui des truffes – problème hyperspécialisé posant de gros problème partout en France –, mériterait eux aussi d’avoir un procureur particulier ayant une connaissance spécifique de ce type de sujet.
Sourires.
J’en vois qui rient, mais ce sont des problèmes importants, pour lesquels vous n’imaginez pourtant pas de structures indépendantes et autonomes.
L’amendement no 22 n’est pas adopté.
L’article 15 est adopté.
Article 15
La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement no 23 rectifié , qui tend à rétablir l’article 15 bis.
Avis défavorable.
L’amendement no 23 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement de suppression no 24.
J’ai une ou deux choses essentielles à dire, très rapidement. Sur les truffes, l’imprévisibilité de leur maturité nous expose à tous les risques.
Sourires sur les bancs du groupe SRC.
On ne s’étendra donc pas sur le sujet.
Il y a quand même des méthodes contestables. Vous venez de défendre les magistrats ; or, que n’avons-nous pas entendu sur la syndicalisation et la politisation des magistrats, sur les dangers qu’ils représentent, sur la nécessité de ne pas leur faire confiance ? Vous leur demandez à présent de venir se substituer à la responsabilité politique ?
Non, il n’y a pas d’amalgame. Vous retrouverez dans le Journal officiel les propos repris à l’envi par les députés de votre groupe. Nous voulons bien vous entendre ce soir défendre les magistrats, mais ils sont bien consultés via leurs représentants officiels. La concertation a lieu. Elle est faite sérieusement, mais sans substitution de responsabilité. Le Gouvernement, comme le Parlement – en tout cas la majorité de cette assemblée –, assume les siennes avec constance.
Madame la garde des sceaux, je ne peux pas vous laisser dire que l’opposition aurait soupçonné l’ensemble des magistrats d’être politisés.
Relisez les comptes rendus des débats !
L’opposition a dit qu’il y avait, au sein de la magistrature, des magistrats politisés qui violaient le devoir de neutralité qui était le leur et qu’elle souhaitait ne pas avoir un pouvoir judiciaire indépendant, que le ministre de la justice devait contrôler cette autorité judiciaire, qu’il était responsable devant la représentation nationale et que c’était à la représentation nationale de contrôler la justice. Je ne souhaite en aucun cas que vous puissiez propager cette idée selon laquelle la droite serait hostile aux magistrats. D’ailleurs, si j’ai bien compris, sur « le mur des cons » c’était plutôt l’inverse.
Je le répète, relisez les comptes rendus des débats !
L’amendement no 24 n’est pas adopté.
L’article 16 est adopté.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement no 25 visant à supprimer l’article 17.
Défavorable.
L’amendement no 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 17 est adopté.
L’article 18 est adopté.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement no 26 visant à supprimer l’article 19.
L’amendement no 26 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 19 est adopté.
L’amendement no 27 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 20 est adopté.
Article 20
L’amendement no 28 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Les articles 21 et 22 sont successivement adoptés.
Le projet de loi est adopté.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au procureur de la République financier et qui a fait l’objet d’un vote de rejet, par le Sénat, au cours de sa séance du 18 juillet 2013 (nos 1294, 1349).
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier sur lequel les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement no 1 visant à supprimer l’article 1er .
L’amendement no 1 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 1er est adopté.
Le projet de loi organique est adopté.
Prochaine séance, aujourd’hui, à quinze heures :
Discussion de la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 18 septembre 2013, à zéro heure trente cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron