La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles de la troisième partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1 portant article additionnel après l’article 12.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 1 .
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant que nous n’en venions à l’ordre du jour de notre séance, des mots de solidarité s’imposent dans cette enceinte pour nos amis canadiens, frappés au coeur de leur démocratie, au sein de leur Parlement, ainsi que pour nos compatriotes, qui sont nombreux à Ottawa. Plusieurs dizaines d’entre eux, qui travaillent dans les administrations canadiennes et avec lesquels j’ai pu échanger depuis hier, ont subi les récents événements. Et je tiens à rappeler ici que ce combat est aussi le nôtre.
L’amendement no 1 traite de l’imposition aux prélèvements sociaux des revenus fonciers et des plus-values immobilières des Français établis hors de France.
Après avoir déjà évoqué ce sujet avec votre prédécesseur, M. Cazeneuve, je m’en suis entretenu avec vous, monsieur le secrétaire d’État, à de nombreuses reprises. Vous avez accepté, à ma demande, de réunir un groupe de travail au ministère, le 31 octobre prochain.
Si je défends cet amendement avant même cette échéance, c’est qu’avant-hier, l’avocate générale Sharpston a présenté ses conclusions dans l’affaire C-62313, soumise à la Cour de justice de l’Union européenne.
Elle a précisé en premier lieu que la CSG sur les revenus du patrimoine doit être considérée en droit français comme une imposition supplémentaire sur le revenu et non comme une cotisation de Sécurité sociale distincte. Son contrôle et sa collecte par les autorités fiscales, conformément aux règles applicables à l’impôt sur le revenu, ne détermine pas si cette contribution relève ou non du règlement CEE no 140871.
En second lieu, l’avocate générale a conclu que la CSG et la CRDS présentaient un lien direct et suffisamment pertinent avec les lois françaises qui régissent les branches de Sécurité sociale, et qu’elles relevaient du champ du règlement du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de Sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.
Ces conclusions, monsieur le secrétaire d’État, confirment l’analyse juridique que je développe depuis plus d’un an dans cet hémicycle : les Français expatriés, n’étant pas affiliés au régime obligatoire de Sécurité sociale française, ne peuvent pas être soumis aux prélèvements sociaux.
Cet amendement, qui fait suite à de nombreux débats que nous avons eus lors de l’examen aussi bien du projet de loi de financement de la Sécurité sociale que du projet de loi de finances, tend à réparer cette injustice.
Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, en vous assurant une nouvelle fois de l’importance que j’attache aux travaux auxquels vous avez accepté que nous participions au ministère, le 31 octobre prochain, je souhaiterais savoir quelle lecture vous faites des conclusions de l’avocate générale.
La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les recettes et l’équilibre général, pour donner l’avis de la commission.
Toute notre assemblée s’associe aux voeux formulés après l’attentat commis au Parlement canadien.
S’agissant de votre amendement, monsieur Lefebvre, qui souhaitez visiblement poursuivre le débat avec le Gouvernement, il relève aussi du projet de loi de finances.
Cependant, notre système de Sécurité sociale est, lui aussi, et depuis longtemps, financé par des impôts…
…et les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine ont normalement la même assiette que l’impôt sur le revenu, hormis pour les personnes fiscalement domiciliées hors de France. La loi de finances rectificative pour 2012 a mis fin à cette exception : la majorité précédente n’avait pas corrigé cette différence de traitement.
Vous voulez aujourd’hui revenir sur la mesure adoptée en 2012 qui pourrait poser des problèmes de compatibilité avec le droit européen. Une procédure d’infraction a été engagée par la Commission européenne, aujourd’hui pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne. Attendons-en donc le résultat.
Dans l’attente de ce jugement, la commission a repoussé l’amendement no 1 .
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
À mon tour, je tiens à dire que le Gouvernement est évidemment attentif aux événements qui se sont déroulés outre-Atlantique. Il tient à adresser, directement et aussi par votre intermédiaire, un message de solidarité et de fermeté. Les attentats intolérables qui peuvent avoir lieu ici ou là, au Canada aujourd’hui, hier dans d’autres pays, doivent être dénoncés de manière unanime. Le Gouvernement s’associe donc, naturellement, aux propos qui ont été tenus.
Le sujet visé par l’amendement no 1 , souvent évoqué, n’a pas encore tranché par la Cour de justice de l’Union européenne. Vous avez retracé les conclusions de l’avocate générale. Attendons pour en tirer des conclusions définitives que la Cour se soit prononcée.
Toutefois, cela n’empêche pas de travailler : à votre demande et à celle d’autres députés et sénateurs, représentants des Français établis hors de France, il a été décidé de poursuivre le travail, parallèlement aux procédures judiciaires. Malgré des agendas chargés, une réunion est prévue à la fin du mois. D’autres suivront pour couvrir les quatre sujets évoqués par les parlementaires. Continuons à travailler sur ce dossier en dehors de l’hémicycle afin d’aboutir à une solution satisfaisante pour tous.
Dans cette attente, je vous suggère de retirer cet amendement, tout en vous confirmant la volonté du Gouvernement de trouver une solution.
Mais ce n’est pas parce que nous avons décidé de travailler ensemble, monsieur Aboud, que nous partageons forcément l’analyse faite.
C’est aussi une question d’égalité des citoyens français devant la loi. Certaines situations particulières méritent un examen. Par ailleurs, la CSG ou la CRDS doivent faire l’objet d’une interprétation claire.
Ainsi, sans partager toutes les analyses présentées, je veux, comme vous, aboutir à une solution satisfaisante pour tous, voire unanime entre le Gouvernement et l’ensemble du Parlement. Si, après ce travail, une telle solution n’est pas trouvée, le Parlement prendra ses responsabilités, le Gouvernement aussi d’ailleurs.
À ce stade, si l’amendement était maintenu, je demanderais à l’Assemblée de le rejeter.
Je remercie M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur de leurs propos. Dans le contexte que nous avons rappelé, la visite d’État du Président de la République au Canada dans quelques jours – à laquelle je participerai – prendra une dimension toute particulière. Aussi, il était important que le Parlement français envoie ce signe fort de solidarité aux Canadiens.
Monsieur le ministre, je retire l’amendement no 1 car vous avez accepté, à ma demande, la constitution d’un groupe de travail. Je veux donner sa chance à cette discussion.
Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, nos compatriotes établis hors de France qui vendent un bien immobilier détenu en France voient leurs plus-values foncières taxées à près de 50 % : ils ne sont pas traités à égalité avec les autres Français. De même, l’imposition des revenus locatifs qu’ils peuvent retirer de biens immobiliers situés en France a augmenté de 100 %.
En outre, la loi Duflot, votée par la majorité, prévoit une taxe sur les logements vacants, y compris pour les Français établis à l’étranger. Il existe donc bien à présent une rupture d’égalité entre Français.
Lorsque l’on réside à l’étranger, que l’on ne bénéficie pas de la protection sociale française mais de celle du pays d’accueil, il n’y a aucune raison d’être soumis à des prélèvements sociaux. C’est ce que la Cour de justice de l’Union européenne rappellera vraisemblablement. Les conclusions de l’avocate générale ne laissent pas de doute sur ce point.
Le jugement de la Cour devant intervenir dans les deux à trois mois, après quoi il s’imposera à tous, une solution serait bienvenue avant que la France ne soit condamnée de fait.
L’amendement no 1 est retiré.
Je pense que notre collègue a tout dit et je suis convaincu que M. le secrétaire d’État ainsi que tous nos collègues députés voient qu’il y a une injustice.
Ce que je regrette, c’est que nous pourrions, nous, ici, prendre une décision en faveur de nos compatriotes, mais nous sommes obligés d’attendre la décision d’une juridiction européenne.
Mais si, c’est un peu ça, monsieur le secrétaire d’État : je suis convaincu que vous partagez l’analyse qui a été faite, mais pour d’autres raisons, budgétaires, arithmétiques, mathématiques, vous dites qu’il faut attendre.
Je vous précise, mes chers collègues, que l’Assemblée nationale a, dès hier, exprimé sa solidarité avec nos amis canadiens.
La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 877 .
Cet amendement vise à tirer les conséquences de la loi votée cet été relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence.
Cette loi a créé un nouveau cas de clôture du plan d’épargne en actions, mais n’en a pas tiré les conséquences dans le code de la Sécurité sociale au titre des prélèvements sociaux. Il en résulte une perte de recettes pour les comptes de la Sécurité sociale.
Cet amendement vise donc à préciser que le fait générateur constitué par la clôture des PEA dont l’inactivité est constatée, conformément aux nouvelles dispositions, entraîne, comme dans les autres cas de clôture, l’assujettissement aux prélèvements sociaux.
Je remercie le rapporteur et votre commission de proposer cet amendement qui répare un oubli, ou plus exactement complète la proposition de loi initiale dans laquelle ce sujet n’avait pas été abordé : il avait en effet été souhaité que les questions relatives à la fiscalité au moment de la sortie de PEA ou de comptes bancaires inactifs soient traitées en loi de finances ou en loi de financement de la Sécurité sociale.
Cet amendement est donc tout à fait opportun et je me réjouis que votre assemblée puisse l’adopter.
L’amendement no 877 est adopté.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 343 .
L’amendement no 343 est retiré.
L’amendement no 344 est retiré.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 437 .
Cet amendement s’inscrit dans notre volonté de trouver de nouvelles recettes pour financer la Sécurité sociale.
Les retraites chapeau sont des retraites s’ajoutant à la pension de base et à la retraite complémentaire. Elles bénéficient d’un régime social très avantageux pour les employeurs, ce qui explique qu’elles aient tendance à se multiplier.
De plus, elles sont parfois anormalement élevées, notamment pour les hauts dirigeants, comme ces PDG qui ont, hélas, défrayé la chronique, du fait de montants exorbitants.
Par cet amendement, nous proposons que le taux de la contribution due par les bénéficiaires de ces rentes élevées soit porté de 21 % à 34 %. Je précise qu’il vise uniquement les rentes supérieures à 24 000 euros par mois.
Permettez-moi enfin d’ajouter qu’outre les moyens financiers ainsi dégagés, il s’agit de rétablir une certaine justice sociale, en demandant aux plus aisés de participer en fonction de leurs moyens, ce qui me paraît plus juste que de modifier, comme vous le proposez, par exemple les modalités de versement des allocations familiales.
C’est une modification qui, de surcroît, aurait un caractère dissuasif. Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir cet amendement de justice sociale – puisque vous dites avoir celle-ci à coeur.
Oui, madame Fraysse, nous avons effectivement à coeur de rechercher la justice sociale et c’est d’ailleurs cette raison qui nous avait amenés à adopter des amendements allant dans le même sens que celui que vous nous proposez aujourd’hui. Malheureusement pour nous à l’époque, et pour vous aujourd’hui, le Conseil constitutionnel a annulé cette disposition en raison de son caractère confiscatoire. Il s’agissait de la disposition concernant les retraites chapeau dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013. Au vu de ce précédent récent, la commission a repoussé votre amendement.
Je voudrais au préalable souligner que cette notion de retraite chapeau recouvre des situations très diverses. Il y a celles que que vous évoquiez, madame Fraysse, avec des montants que certains qualifient d’exorbitants, et puis, le professeur Jacquat le sait bien, il y a dans certaines régions ou dans certains types d’industrie, des retraites dites aussi chapeau beaucoup plus modestes qui étaient destinées aux salariés : je pense notamment au secteur de la sidérurgie, qui nous est cher. N’est-ce pas, professeur ?
Sourires.
Ce n’est pas un clin d’oeil, parce que cette réalité nous avait conduits à prévoir des taux différenciés suivant le montant de ces retraites. Nous avions proposé le taux de 21 %.
Comme l’a rappelé votre rapporteur, le Conseil constitutionnel a jugé que l’addition de l’impôt sur le revenu, à 45 %, de la contribution exceptionnelle de 4 %, de la CSG sur les revenus de remplacement, de 6,6 %, de la CRDS, de 0,5 %, de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, de 0,3 %, et du prélèvement supplémentaire qu’il était proposé de porter de 14 % à 21 %, aurait rendu confiscatoire la fiscalité sur ces retraites.
Vous proposez, vous, de le porter à 34 %. Le Gouvernement ne peut pas vous inciter à adopter un amendement qui, à l’évidence, serait frappé d’inconstitutionnalité, puisqu’il est plus sévère encore.
J’avais demandé la parole avant que M. le secrétaire d’État s’exprime. Mme Fraysse avait déjà introduit une nuance en ne visant que les très hauts revenus. Le secrétaire d’État vient de préciser ce que j’ai dit à de nombreuses reprises ici et je suis très content qu’enfin, on distingue les deux types de retraites chapeau existantes : celles des personnes à très hauts revenus et celles de tous ces ouvriers, ces employés qui, comme les retraités de la sidérurgie en Lorraine, touchent des retraites supplémentaires qui parfois ne représentent pas plus de quelques dizaines d’euros par mois, mais sont fort utiles à ces familles.
Je me réjouis donc que la pédagogie finisse par payer et qu’après un certain nombre d’années, l’Assemblée nationale distingue bien deux types de retraites chapeau. Il ne faut surtout pas taxer les personnes à très faibles revenus qui bénéficient d’une telle retraite.
Compte tenu des explications qui me sont données, je vais retirer cet amendement.
L’amendement no 437 est retiré.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 436 rectifié .
Il faudrait faire évoluer la réflexion du Conseil constitutionnel, mais je ne sais pas si nos amendements peuvent y contribuer.
Pourtant, ce sujet des recettes est important et ne peut être écarté sans mettre gravement en danger notre système de Sécurité sociale, déjà en situation difficile.
Celui-ci traduit les mêmes préoccupations, puisque aucune mesure structurelle n’est prévue dans ce projet pour faire face au ralentissement des recettes assises sur la masse salariale.
La Sécurité sociale est financée par la richesse créée dans l’entreprise. Or, aujourd’hui, nous constatons que les revenus du capital sont très peu mis à contribution.
Notre amendement vise donc à faire contribuer davantage les revenus du capital, en alignant les prélèvements sur les taux de cotisations patronales appliqués aux salaires. Ce dispositif procurerait d’importantes rentrées d’argent et permettrait donc de mener une politique sociale dynamique, capable de répondre aux besoins actuels et à venir de la population.
Cette mesure aurait aussi une portée dissuasive, de nature à limiter la spéculation et à favoriser le travail ainsi que l’investissement.
Il serait judicieux, par ailleurs, de la coupler avec une modulation des cotisations des employeurs en fonction de leur politique de salaires, d’emploi et d’investissement : nous le disons chaque année, nous pensons que ce mécanisme serait très incitatif. Une entreprise qui préfère accroître sa valeur ajoutée en faisant des économies sur l’emploi, les salaires, et en développant ses revenus financiers, pourrait être soumise à des taux de cotisation plus élevés que celles qui investissent dans l’emploi, la recherche la formation de leurs salariés ou qui augmentent les salaires.
Nos propositions ont pour objectif, vous le voyez, non de punir ni de stigmatiser, mais de responsabiliser socialement et solidairement les entreprises, afin de susciter un autre type de comportement.
Mme Fraysse nous présente un amendement qui vise à réformer profondément le financement de la protection sociale.
Elle veut créer un prélèvement social sur les revenus financiers des entreprises.
Ces revenus financiers sont soumis à l’impôt sur les sociétés. Les entreprises paient des cotisations et contributions sociales sur les rémunérations qu’elles versent aux salariés, y compris l’intéressement au capital. Les dividendes sont soumis aux prélèvements sociaux au moment où les personnes physiques les perçoivent.
Le mécanisme proposé conduirait à faire financer la Sécurité sociale par un nouveau type de contribution, assise sur les dividendes et les intérêts des entreprises. Cela reviendrait à transformer profondément les modalités de financement de la protection sociale et la logique économique des prélèvements.
C’est une proposition qui mérite très certainement d’être examinée attentivement, madame Fraysse, mais je pense que cela doit se faire dans le cadre des travaux du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale qui vient d’ailleurs de recevoir une nouvelle lettre de mission de la part de M. le Premier ministre. Je ne doute pas que ce type de proposition sera repris, notamment par les syndicats de salariés dans la nouvelle phase des travaux du Haut conseil, pour aller vers une réforme d’ensemble du financement de la protection sociale, qui souffre effectivement d’un déficit structurel.
Sous réserve et dans l’attente de ces travaux, la commission a repoussé votre amendement.
Le Gouvernement est du même avis : il s’agirait là d’introduire, en quelque sorte, une double imposition, puisqu’il existe déjà une contribution de 3 % sur les dividendes versés.
De plus, votre amendement est contraire au droit communautaire. Vous proposez en effet de taxer les dividendes intra-groupe, ce qui est contraire aux droits français et européen. Sur ce seul fondement, j’aurais motif à vous demander de retirer cet amendement, indépendamment des autres problèmes, plus structurels, qu’il pose. En tout cas, il n’est ni sur le fond, ni sur la forme, opportun pour le Gouvernement. Si vous ne le retiriez pas, je proposerais à l’Assemblée de le repousser.
L’amendement no 436 rectifié n’est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 282 rectifié et 450 rectifié .
La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement no 282 rectifié .
Je défends cet amendement au nom de M. Jean-Pierre Le Roch. Il vise à permettre aux sociétés coopératives artisanales et aux sociétés coopératives de transport de retrouver un peu de compétitivité dans un domaine qui demeure concurrentiel.
Ces sociétés, en fait, ne peuvent pas bénéficier du crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE, mis en place en 2012. Certes, elles bénéficient d’une clause statutaire et d’une gouvernance spécifiques leur permettant d’avoir un régime fiscal particulier et d’être exonérées d’impôts sur le résultat mais, en même temps, ce statut est contraignant sur le plan concurrentiel.
Nous proposons donc qu’elles soient exonérées, de manière anticipée, dès 2015, de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, mesure compensatoire limitée dans le temps mais salutaire.
Je rappelle que ces sociétés subissent une perte de compétitivité par rapport aux entreprises concurrentes qui, elles, bénéficient du CICE – lequel, on le sait, représente, selon une estimation, entre 4 % et 6 % de la masse salariale.
J’ajoute qu’elles emploient un grand nombre de salariés, qu’elles jouent un rôle important au sein de nos territoires et que souvent, malheureusement, leurs salariés ont des salaires très inférieurs au SMIC pour des raisons évidemment liées au statut de ces sociétés.
Je vous remercie de bien vouloir retenir cet amendement.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement no 450 rectifié .
Je me réjouis que nous défendions le même amendement de part et d’autre de cet hémicycle et je ne doute pas un seul instant, monsieur le secrétaire d’État, que vous y serez sensible.
Les sociétés coopératives artisanales et les sociétés coopératives d’entreprises de transport ne bénéficient pas du CICE puisqu’il faut pour cela être imposé sur les bénéfices – la Commission européenne estime qu’elles ne peuvent à la fois bénéficier du CICE et d’un régime fiscal d’exonération sur les résultats.
Dans la loi relative à la consommation comme dans la loi agricole, nous avons essayé systématiquement de sortir les sociétés coopératives de ce dispositif. À chaque fois, cela a été repoussé mais, à chaque fois, les ministres nous ont assuré vouloir travailler à ce sujet avec la Commission européenne. Or, on ne voit toujours rien venir.
Il faut tout de même préciser que l’impôt lié à l’activité économique des coopératives artisanales et de transport avec leurs membres – notre collègue vient de l’expliquer – est acquitté individuellement par ces derniers, ce qui soulève un problème de concurrence.
En effet, selon une estimation, un écart de 4 % à 6 % dans les prix proposés se joue pour cette raison-là.
Puisque vous souhaitez que nous fassions des propositions, monsieur le secrétaire d’État, nous proposons la mise en place d’une exonération anticipée de la C3S dès 2015 pour ces sociétés coopératives.
La commission a repoussé ces amendements examinés au titre de l’article 88, même s’ils sont portés par plusieurs groupes de cette Assemblée.
Il est vrai que les coopératives ne bénéficient pas du CICE car elles ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés – on ne peut donc leur accorder un crédit d’impôt.
Il n’y a pas de logique à vouloir exonérer les coopératives de C3S au motif qu’elles ne sont pas éligibles au CICE, chaque dispositif ayant sa logique économique propre.
Il est vrai, aussi, que les coopératives fonctionnent selon une logique sociale propre…
…qui nous est chère.
Néanmoins, la commission a repoussé cet amendement.
Madame Le Callennec, je vous remercie d’avoir rappelé que les coopératives ne peuvent bénéficier du CICE, sauf pour la partie de leur activité assujettie à l’impôt sur les sociétés.
J’ai trop souvent assisté dans cet hémicycle à un mauvais procès fait au Gouvernement selon lequel nous serions opposés à ce que les coopératives en bénéficient.
Nous avons bien entendu interrogé la Commission européenne et vous avez reconnu vous-même que c’est le droit européen qui s’y oppose, et pas le Gouvernement ni le Parlement.
Je vous en donne acte et je vous en remercie d’autant plus que des députés qui ne sont pas présents aujourd’hui – je ne les citerai donc pas – n’ont cessé de prétendre que le Gouvernement voulait pénaliser ces entreprises tout à fait respectables.
Vous avez dit vous-même qu’il n’en était rien, j’en prends acte et je m’en félicite, je le répète.
Pour en venir plus précisément à ces amendements, je rappelle que les coopératives agricoles ont été dispensées de C3S dans la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale votée cet été.
Vous posez la question des entreprises artisanales. Celles-ci bénéficieront comme toutes les entreprises de l’abattement d’assiette de 3,25 millions sur leur chiffre d’affaires avant d’être assujetties à la C3S et les réductions de charges prévues dans la loi de financement rectificative votée cet été leur seront appliquées.
Pour autant, il est vrai que l’on peut s’interroger sur la différence de traitement entre les coopératives agricoles et artisanales.
Il ne s’agit pas d’un enjeu énorme
Murmures sur les bancs du groupe UMP
L’assiette – je dis bien, l’assiette – étant de l’ordre d’un milliard, la somme visée par ces amendements est probablement plus proche du million que de la dizaine de millions d’euros.
Compte tenu des arguments développés par les auteurs des amendements, le Gouvernement s’en remet plutôt à la sagesse de votre Assemblée.
Sur les amendements identiques nos 282 rectifié et 450 rectifié , je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Ces amendements sont très intéressants puisqu’ils nous ramènent à la discussion que nous avons eue hier sur le CICE, notamment, lors de la présentation de l’amendement proposé par notre collègue Francis Vercamer visant à supprimer ce dispositif ainsi que la cotisation patronale d’allocations familiales.
Je souhaite revenir sur les difficultés liées au CICE, dont celle dont nous discutons.
En effet, seules les entreprises soumises à l’impôt, que ce soit à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés selon le régime du bénéfice réel, en profitent. En sont en revanche exclues les entreprises, nombreuses, soumises au régime forfaitaire : les coopératives, les associations, les emplois à domicile – ma collègue Bérengère Poletti l’a évoqué hier lorsque nous avons discuté des cotisations sociales dans le secteur de l’emploi à domicile.
Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement ne veut pas pénaliser les entreprises mais vous ne voulez pas faire profiter toutes les entreprises de France d’une réduction des charges patronales.
S’il en était autrement, nous irions vers une suppression du CICE et, concomitamment, de la cotisation sociale patronale d’allocations familiales de 5,40 %.
Dans ce cas-là, toutes les entreprises de France – associations, coopératives, secteur de l’emploi à domicile… – bénéficieraient d’une baisse importante de leurs charges. Tous les emplois seraient concernés. Et nous ne discuterions pas de ces amendements.
Si l’on veut reprendre les mêmes débats pendant trois jours sur des sujets étrangers aux amendements discutés, cela ne me gêne pas.
Madame la députée, que n’ai-je entendu cet été, y compris lorsque le Conseil constitutionnel s’est penché sur la question des cotisations des salariés aux régimes sociaux !
En supprimant toutes les cotisations, nous ôterions le sens de la solidarité et l’implication de l’ensemble des acteurs de ce grand mouvement « mutualiste » – c’est une formule – issu du Conseil national de la Résistance ! À force de supprimer des cotisations, nous effacerions ce caractère de nos régimes de protection sociale !
Et vous, systématiquement, alors que le Conseil constitutionnel a considéré que ce n’était pas possible pour les cotisations des salariés – dont acte –, vous préférez à toute autre mesure une réduction de charges sociales pour les employeurs !
Arrive un moment où il faut dire : « Stop ! ».
Le débat sur le CICE s’est tenu, il a été très long, il a même été prolongé, des députés de tous bords y ont contribué, chacun sait maintenant par coeur ce qu’il en est.
En outre, j’ai pris soin hier de répondre de façon détaillée à M. Vercamer à l’occasion de la proposition qu’il a formulée.
Maintenant, nous parlons de la C3S et des sociétés coopératives artisanales. Certes, chacun est libre de s’exprimer sur tous les sujets souhaités…
… et le Gouvernement – je l’ai dit un peu solennellement l’autre jour à l’occasion de l’examen du PLF – ne veut quant à lui ni esquiver ni fuir les débats comme en témoigne l’attention portée à chaque amendement et aux légitimes argumentations des uns et des autres.
Mais, je le répète, il est en l’occurrence question de la C3S et des coopératives artisanales. Il ne me paraît donc pas opportun de revenir toutes les cinq minutes sur le débat concernant le CICE, d’autant plus que l’une de vos collègues a clairement rappelé qu’il faut tenir compte du droit européen sur cette question – c’est d’ailleurs l’une des premières fois qu’un représentant de l’opposition en prend acte, ce dont je me réjouis.
Je m’exprime avec peut-être un peu de passion mais je rappelle que le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée quant à ces amendements portés par plusieurs parlementaires de plusieurs groupes. Nous devrions plutôt nous en féliciter, non ?
Il ne faut pas vous énerver, monsieur le secrétaire d’État. Nous participons à un débat parlementaire et nous nous exprimons sur les sujets qui nous semblent importants.
J’ai soulevé hier le problème suivant : toutes les entreprises, en effet, ne bénéficient pas du CICE, comme Mme Louwagie vient de le rappeler.
Nous essayons donc de trouver des « artifices » ou des mesures compensatoires pour celles qui n’y sont pas éligibles. Nous avons débattu hier de cette question à propos des services à la personne. Nous en débattons maintenant à propos des coopératives – j’avais d’ailleurs eu l’occasion hier de dire que ces dernières n’en bénéficient pas alors que l’économie sociale et solidaire constitue l’un des pans extrêmement importants de notre économie qui est en plein essor tout en connaissant d’ailleurs des difficultés.
Ces amendements, que le groupe UDI soutiendra bien évidemment, « compensent » en quelque sorte partiellement ce défaut mais j’aurais préféré que nous votions un dispositif concernant toutes les entreprises plutôt que de prendre des mesures partielles afin d’essayer de compenser un dispositif que beaucoup contestent, y compris dans vos rangs.
Je rappelle, en effet, qu’un certain nombre de parlementaires du groupe SRC contestent le CICE, dont on voit bien qu’il n’est pas la panacée. Un jour ou l’autre, il faudra que vous en preniez conscience.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 282 rectifié et 450 rectifié .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 43 Nombre de suffrages exprimés: 42 Majorité absolue: 22 Pour l’adoption: 38 contre: 4 (Les amendements identiques nos 282 rectifié et 450 rectifié sont adoptés.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 660 rectifié et 670 rectifié .
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement no 660 rectifié .
Pour les membres du groupe RRDP et les Radicaux de gauche, la lutte contre le chômage de longue durée et la facilitation du retour à l’emploi des chômeurs sont une priorité.
Cet amendement vise donc à faire bénéficier ces derniers d’une rémunération et d’une formation qualifiante en soutenant de manière ciblée les entreprises qui choisissent d’embaucher dans le cadre d’un contrat de professionnalisation des demandeurs d’emploi de longue durée, en y étendant les exonérations de cotisations sociales actuellement prévues pour les entreprises qui recrutent en contrat de professionnalisation une personne en recherche d’emploi âgée de quarante-cinq ans et plus.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 670 rectifié .
Selon la même logique que celui de Mme Orliac, cet amendement tend à favoriser le développement des contrats de professionnalisation afin de lutter contre le chômage de longue durée, dont chacun sait qu’il augmente, et contre celui qui frappe les personnes âgées – même si je ne peux considérer comme âgées des personnes de quarante-cinq ans.
Il faut donner les moyens à des personnes qui sont durablement sans emploi de se repositionner sur le marché du travail, ce qui peut exiger une formation longue, afin qu’ils changent de métier et trouvent à s’employer dans des secteurs porteurs. Tel est l’esprit de notre amendement, qui nous semble aller dans le sens de la politique que le Gouvernement entend mener en matière de formation professionnelle et de marché du travail.
Cet amendement est pour le moins étonnant, puisque ceux-là mêmes qui contestaient les exonérations de cotisations sociales introduites par le pacte de responsabilité veulent à présent accentuer ces exonérations…
… avec un objectif qui est certes très noble, puisqu’il s’agit d’aider des chômeurs de longue durée.
Cette mesure, du reste, relève davantage de la politique de l’emploi…
…et impliquerait une réflexion plus large sur les contrats aidés et la politique de l’emploi. Il ne me paraît donc pas judicieux de traiter cette question au détour d’un amendement, examiné, qui plus est, dans les conditions prévues par l’article 88 de notre règlement.
La commission a repoussé cet amendement.
Je voudrais simplement ajouter que les demandeurs d’emploi de longue durée ont déjà accès à des contrats spécifiques dans le secteur marchand, comme dans le secteur non marchand : le contrat unique d’insertion, ou CUI, le contrat d’accompagnement dans l’emploi, ou CAE, et le contrat unique d’insertion - contrat initiative-emploi, ou CUI-CIE. L’embauche et l’accompagnement y sont encadrés et appuyés financièrement par l’État, et des exonérations de cotisations sociales sont prévues pour les employeurs du secteur non marchand. Ces contrats à durée déterminée ou indéterminée prévoient en outre des actions de formation et un accompagnement, dans le but de faciliter le retour à l’emploi.
Le Gouvernement, considérant que les dispositifs existants répondent déjà très largement à votre préoccupation, qu’il partage évidemment, ne souhaite pas étendre les contrats dits de professionnalisation à cette catégorie de demandeurs d’emploi qui bénéficie déjà de nombreux autres dispositifs. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Vous avez fait allusion, monsieur Bapt, à celles et ceux qui contestent les exonérations de cotisations sociales. Comme vous le savez, je suis de ceux, ou de celles-là. Je pense que ces exonérations devraient à tout le moins être ciblées, servir à quelque chose et être contrôlées.
Ces amendements me semblent donc intéressants : puisque vous ne souhaitez pas revenir sur ces exonérations de cotisations sociales qui, parce qu’elles sont aveugles, seront sans résultat, je pense que nous pourrions au moins adopter cette proposition, qui a l’intérêt de cibler un vrai problème.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que des dispositifs ciblés existent déjà. Mais pourquoi ne pas en imaginer d’autres, en acceptant la proposition qui nous est faite en faveur des chômeurs de longue durée et des personnes un peu âgées ?
Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, vous qui représentez ici le Gouvernement, reconnaissez que depuis des années, et pas seulement depuis 2012, nous n’avons pas « tout essayé » pour lutter contre le chômage. Le Premier ministre lui-même l’a rappelé ce matin.
Les contrats aidés pour les chômeurs de longue durée ou les chômeurs âgés, qui sont parfois les mêmes personnes, ne sont pas de même nature que les contrats de professionnalisation, en particulier en matière de retour à l’emploi.
Je regrette que cette proposition soit balayée d’un revers de la main, alors qu’elle mériterait, me semble-t-il, un examen sérieux de la part du Gouvernement, ou en tout cas une écoute plus attentive, si nous voulons réellement que notre majorité se retrouve sur ce type de dispositif et, d’une manière générale, sur ce PLFSS.
Quant à vous, monsieur le rapporteur, je ne pense pas que vous ayez voulu faire insulte à l’intelligence de l’Assemblée nationale, ni à celle de notre groupe.
Vous êtes suffisamment averti pour savoir que notre débat ne porte pas sur le bien-fondé de l’allégement des cotisations et de la baisse de la fiscalité pour les entreprises. La question est de savoir si cette baisse des cotisations et de la fiscalité peut se faire sans conditions, ou si elle doit avoir des contreparties, comme l’accueil de chômeurs de longue durée en contrat de professionnalisation, ce que propose cet amendement. Cela me semble à la fois très simple sur le plan intellectuel et extrêmement utile sur le plan opérationnel.
Au nom de l’efficacité, monsieur le secrétaire d’État, et de la rationalité, monsieur le rapporteur, je vous invite à nous aider à faire adopter cet amendement.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le rapporteur, notre débat est clair : il porte sur le ciblage des aides et des exonérations accordées aux entreprises. Ce n’est pas le principe même des exonérations qui est en cause, mais leur cible.
Par ailleurs, vous m’inquiétez, monsieur le secrétaire d’État, si vous estimez que les dispositifs actuels sont suffisants, étant donné l’explosion actuelle du chômage de longue durée. Il est nécessaire d’envisager des mesures complémentaires, car elles s’imposent.
Nous ne parlons pas ici d’un dispositif d’insertion : il s’agit clairement d’un contrat de professionnalisation, un contrat bien connu qui permet de travailler avec un revenu correct – le SMIC, au minimum, ou 80 % du minimum conventionnel – tout en se formant au long cours. Ce dispositif permettrait de résoudre le problème auquel nous sommes confrontés, puisqu’il donnerait à des personnes durablement dépourvues d’emploi la possibilité de se repositionner sur le marché du travail, avec un métier porteur.
Je pense, comme Jacqueline Fraysse et comme d’autres, que l’allégement de charges est un vrai débat, et surtout celui des charges dites sociales, puisque c’est l’ensemble des salariés qui sont concernés, qu’ils soient jeunes, chômeurs, ou autre. C’est un vrai problème d’égalité qui se pose à chaque fois que l’on utilise l’allégement de charges sociales, même si c’est pour les meilleures raisons.
Mais puisque le Gouvernement a fait le choix d’utiliser ce levier, ce qui n’était pas notre choix, autant qu’il soit ciblé – et je rejoins en cela Christian Paul. Ce que nous reprochons au dispositif, et nous l’avons déjà dit cet été lors de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, c’est que les exonérations ne soient ni ciblées, ni conditionnées. Cet amendement a l’avantage de cibler cet allégement de charges sur un public particulier, les chômeurs de longue durée ou âgés, qui bénéficieront ainsi du retour à l’emploi et à une formation.
Adopter cet amendement, ce serait au moins une manière de savoir à quoi sert le cadeau qui a été fait à certaines entreprises, puisque les allégements de charges serviraient à un public dont on souhaite qu’il retrouve le plus rapidement possible le chemin de l’emploi. Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste soutiendra cet amendement.
Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui nous est soumis comporte des mesures dont les conséquences seront particulièrement graves pour les familles, nous assistons à un nouvel épisode de la querelle, que dis-je du déchirement de la majorité.
Le groupe UMP est décontenancé de voir que des parlementaires responsables, venus en nombre pour faire pression sur le Gouvernement, apportent leur querelle au coeur de l’hémicycle.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Ces débats doivent avoir lieu au sein des partis politiques, au sein des groupes, au sein de la majorité. Et le chef de la majorité, qui sous la Ve République est le Premier ministre, devrait y mettre bon ordre. En tout état de cause, le groupe UMP ne participera pas au vote sur ces amendements.
Le chômage est un vrai sujet et je comprends que certains d’entre nous engagent ce débat. Mais le faire dans le cadre de la discussion d’un PLFSS, au détour d’un amendement déposé tardivement, ne me semble pas être une bonne idée. Ce n’est pas de cette manière qu’il faut traiter le problème de l’emploi dans ce pays.
« Vous avez raison ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Il faut se concentrer sur le PLFSS. Ce débat, en effet parfois interne au parti socialiste, doit avoir lieu et être tranché ailleurs, à d’autres tribunes. Cet amendement, en outre, n’a pas été examiné en commission, mais dans les conditions prévues par l’article 88, dont tout le monde connaît le caractère expéditif.
Je soutiens donc la position du rapporteur et suis favorable au rejet de cet amendement.
Les amendements identiques nos 660 rectifié et 670 rectifié ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 793 rectifié .
Avec cet amendement, nous entendons poursuivre le débat que nous venons à nouveau d’engager sur l’efficacité de notre politique d’aide aux entreprises. Plusieurs de mes collègues viennent de le rappeler à l’instant : il faut se garder des caricatures, et nul ne conteste ici qu’il faille aider les entreprises. Encore faut-il savoir lesquelles, et comment. Ce qui nous pose un problème, c’est d’abord le fait que les aides soient non ciblées et non conditionnées, ce qui rend leur efficacité incertaine ; mais c’est aussi le fait que le volume de ces aides, 41 milliards d’euros sur trois ans, devra être financé par des économies supportées à la fois par les collectivités territoriales et par les ménages.
Dans ce contexte, pour revenir au débat que nous avons déjà eu cet été à l’occasion du PLFRSS, nous ne comprenons toujours pas la logique et l’intérêt de la suppression de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés.
Nous avons voté un premier allégement de la C3S cet été, qui coûtera un milliard d’euros cette année, pour nous diriger vers une suppression totale de cette taxe en 2017. La C3S est certainement un impôt perfectible, mais c’est le cas de nombreux autres, que l’on ne supprime pas pour autant ! Quel est aujourd’hui l’intérêt de cette suppression, alors que l’on aide déjà massivement les entreprises à travers les exonérations de cotisations et le CICE ? Quels sont l’urgence et l’intérêt de supprimer cette taxe qui épargne les TPE, et dont le taux s’élève à 0,16 % du chiffre d’affaires, contribution très supportable pour les entreprises concernées ? Quel besoin aujourd’hui de supprimer cette C3S ?
Si l’on renonçait à perdre le milliard d’euros de recettes que coûtera l’allégement de la C3S, il ne serait pas nécessaire de demander 700 millions d’économies à la branche famille, et donc de nouveaux efforts aux ménages. D’autres choix sont possibles : c’est ce que nous souhaitons démontrer à travers cet amendement, qui demande de revenir sur la suppression de la C3S, en commençant par revenir sur l’abattement de l’assiette qui a été voté cet été.
J’ai entendu l’argument qui a été développé hier sur le besoin de stabilité qu’ont les entreprises et je pense qu’il nous sera à nouveau opposé aujourd’hui. Mais, à mon sens, le premier besoin des entreprises aujourd’hui, ce n’est pas tant la stabilité…
…que le remplissage de leur carnet de commandes. Et cela implique une vraie réorientation des choix que nous avons faits, notamment dans notre logique d’aide aux entreprises. Tel est le sens de cet amendement.
Mme Carrey-Conte veut engager à nouveau, avec le Gouvernement et la majorité de cette assemblée, le débat sur le bien-fondé du pacte de responsabilité.
Mais le faire au travers d’un amendement examiné au titre de l’article 88 n’est pas, à l’évidence, le meilleur moyen.
Il s’agit d’un problème qui ne doit pas se traiter par voie d’amendement. La commission, réunie en application de l’article 88, a repoussé cet amendement, et je vois mal comment il serait possible de remettre en cause la logique de la politique économique et sociale sur laquelle notre assemblée s’est engagée cet été par ce simple amendement. Avis défavorable.
Il y a plusieurs façons de faire contribuer les entreprises aux charges publiques. La première est d’imposer les bénéfices, c’est principalement l’objet de l’impôt sur les sociétés, selon la structure des entreprises.
La deuxième, ce sont les contributions sociales qui, la plupart du temps, sont assises sur les salaires.
La troisième, la plus curieuse, consiste à faire participer les entreprises au prorata de leur chiffre d’affaires. Je pense que c’est la plus curieuse, car elle ne me paraît pas la plus juste ni la plus utile sur le plan économique.
Il est possible de réaliser de gros chiffres d’affaires et de très petits bénéfices, ou avec peu de personnel. Faire peser un impôt sur le chiffre d’affaires est curieux.
Très honnêtement, beaucoup d’entre nous ignoraient l’existence de la C3S il y a quelques mois.
En tout cas, c’était mon cas – je le confesse – et je crois que je n’étais pas le seul.
Il est sûr que la commission des affaires sociales est probablement plus pointue dans ce domaine.
Allons, laissons passer cette anecdote, je la retire car je ne voudrais pas qu’elle perturbe le débat. Faire peser un impôt sur le chiffre d’affaires n’est pas utile économiquement.
Stabilité ne veut pas dire immobilisme, cela signifie que l’on se place dans un cadre pluriannuel programmé – c’est ce que nous faisons avec le pacte de responsabilité et de solidarité – et que l’on déroule le programme comme il a été conçu. C’est cela la stabilité à mon sens, je préfère d’ailleurs utiliser le terme de lisibilité. Car si l’on devait chaque fois se réfugier derrière la notion de stabilité, cela aboutirait à l’immobilisme et l’on ne ferait jamais aucune réforme.
Le Gouvernement a proposé de supprimer la C3S sous une forme progressive en instaurant un abattement d’assiette. Je trouve un peu curieux – je vais peser mes mots pour essayer de ne pas provoquer – disons, cet acharnement sur la C3S, et notamment la forme de cet amendement. Je me souviens parfaitement des discussions que nous avons eues au coeur de l’été. Le groupe socialiste et beaucoup d’autres sur ces bancs souhaitaient soutenir en priorité les entreprises petites ou moyennes, voire les ETI, chacun reconnaissant que ce sont celles qui sont les plus directement créatrices d’emplois et les moins délocalisables. Or, le Gouvernement propose justement une mesure qui permet de n’exonérer de C3S que les deux tiers des entreprises qui y sont aujourd’hui assujetties – 200 000 sur 300 000 – en commençant justement par les plus petites, puisqu’on part du bas et que l’on augmente l’abattement de l’assiette.
Les très petites entreprises étaient déjà exonérées. Mais jusqu’à 3 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce n’est pas le domaine des grandes entreprises, mais plutôt celui des ETI, voire des PME. C’est l’objet de la disposition qui a été adoptée cet été.
Ce débat a déjà eu lieu, j’imagine que nous l’aurons à nouveau, mais je trouve curieux, au moment où certains remettent en cause la démarche globale d’allégement des prélèvements sur les entreprises, que cette disposition particulière soit remise en cause car la C3S me semble la plus anti-économique des contributions et sa suppression est la mieux ciblée sur les PME et les ETI. Le Gouvernement est donc évidemment défavorable à ce que nous revenions sur une mesure qui a été adoptée cet été. Là encore, en termes de lisibilité, ce serait plutôt curieux.
Mes chers collègues, beaucoup d’orateurs, dont trois du groupe UMP, demandent la parole. Je vais naturellement leur donner, mais à l’avenir, essayons sur chaque amendement de nous limiter à un orateur par groupe. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.
Je suis un peu surpris d’entendre le secrétaire d’État chargé du budget nous dire qu’il ignorait l’existence de la C3S il y a quelques mois.
Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Vous, monsieur Barbier, vous savez tout !
Je suis aussi surpris de voir une majorité parlementaire se déchirer sous nos yeux.
Mêmes mouvements.
Permettez-moi de vous dire que ce n’est pas ainsi que nous allons rétablir la confiance dans notre pays, qui en a pourtant bien besoin. C’est une certitude.
La C3S n’est pas forcément utile, nous en sommes d’accord avec vous. Depuis le début de l’examen de ce PLFSS, il y a des problèmes de fond sur le traitement desquels nous ne sommes pas d’accord, et c’est bien normal. Mais il y a aussi un vrai problème de forme. Après l’exclusion de certains de nos collègues socialistes de la commission des affaires sociales, nous n’avons plus de débats dans cette commission, et c’est dramatique. Que se passe-t-il aujourd’hui ? C’est dans l’hémicycle que se tiennent les débats qui avaient auparavant lieu en commission des affaires sociales, au risque de ne pas traiter ici au fond les autres sujets qui devraient l’être.
Je demande simplement que les choses soient rétablies à l’avenir, et que nous puissions à nouveau débattre en commission des affaires sociales.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Pour des raisons qui ne sont peut-être pas les mêmes que Mme Carrey-Conte, je suis favorable à cet amendement, comme je l’étais le 1er juillet dernier. Cela pourra paraître paradoxal à certains.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire en juillet dernier, je salue la capacité de M. Eckert à défendre l’accord qui a été passé avec le MEDEF sur cette C3S, auquel la CGPME n’était pas partie.
Nous avons bien conscience que c’est un impôt qui a un poids supportable dans la chaîne de valeur de l’entreprise, et nous serions plus favorables à une baisse de l’impôt sur les sociétés, comme nous l’avions dit en juillet.
Mais prenons Mme Carrey-Conte au mot : adoptons son amendement et utilisons ce milliard pour la politique de la famille. Faisons-le, chiche !
Suspendons la séance pour décider comment affecter ce milliard à la politique familiale ! Je suis d’accord avec vous, et en conséquence, je voterai cet amendement, comme je l’ai fait au mois de juillet.
Je voudrais d’abord dire à notre collègue de l’UMP que nous ne nous déchirons pas, nous exerçons simplement notre droit légitime de parlementaires à interroger ici, devant la représentation nationale, les équilibres fondamentaux de notre politique économique.
L’amendement de notre collègue Fanélie Carrey-Conte a un grand mérite pédagogique : il montre que ceux qui s’interrogent sur les équilibres de cette politique ne veulent pas dépenser de l’argent que nous n’avons pas, au détriment de la lutte contre les déficits. Le débat ne porte pas sur l’accroissement ou la réduction du déficit, mais sur la manière d’utiliser les marges de manoeuvre que nous pouvons trouver, à déficit constant.
Car la suppression de la C3S est une dépense fiscale, elle accroît le déficit. La question est de savoir si cette dépense fiscale est pertinente. Pourquoi les socialistes, qui ignoraient, pour la plupart d’entre eux, l’existence de cet impôt il y a encore quelques années, veulent-ils aujourd’hui le supprimer, se privant ainsi d’une marge de manoeuvre essentielle pour mener d’autres politiques ? Pourquoi s’obliger à geler des prestations familiales et sociales pour financer cette suppression ? Parce que la suppression de la C3S permettrait de créer des emplois ? Mais qui, ici, croit à cette fable ?
La C3S a été supprimée parce que c’était la condition fixée par l’organisation patronale pour sa participation aux assises de la fiscalité, et leur succès. Est-ce bien sérieux ? Est-il sérieux, pour une majorité de gauche, d’aligner ses choix fiscaux et de politique économique sur ce type de raisonnement ? Personnellement, je ne le crois pas.
Je pense, monsieur le secrétaire d’État, que remettre en débat la C3S donnerait au Gouvernement et à notre majorité la marge de manoeuvre pour rechercher un nouvel équilibre de notre politique. Saisissez cette opportunité, je pense que vous rendriez service au Gouvernement et à cette majorité.
Applaudissements sur certains bancs des groupes SRC, ainsi que sur les bancs des groupes écologiste et UDI.
Nous assistons à une pièce de théâtre. Le premier acte a eu lieu en juillet, lorsqu’une partie du Parti socialiste souhaitait conserver la C3S et refusait les exonérations de charges. Ça n’a pas été accepté, ils sont sortis, on les a appelés « les frondeurs », et même le Premier ministre sait qu’il y a un débat interne au sein du PS.
Deuxième acte : sortis par la porte, ils reviennent par la fenêtre pour répéter, dans le PLFSS pour 2015, les mêmes arguments qu’en juillet. Nous n’y sommes pas favorables, bien entendu, puisque, vous le savez très bien, nous aimons l’entreprise. Même le premier d’entre vous, chers collègues, a dit lui aussi qu’il aimait l’entreprise. Et quand on aime les entreprises, on essaie de ne pas charger leur barque.
Nous ne pouvons pas accepter ce genre d’amendements, réglez vos problèmes ensemble. Baissons le rideau sur cette pièce de théâtre et débrouillez-vous entre vous. Arrêtez de vous renvoyer la balle au sein du PS : ça ne nous intéresse pas, et ça n’intéresse pas les Français, je peux vous le dire !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Pour la sérénité de nos débats, je demanderai à nos collègues de l’UMP d’arrêter leur propre pièce de théâtre sur le déchirement de la majorité. Quand on est membre de la principale force de l’opposition qu’est l’UMP, je ne suis pas sûr que l’on puisse reprocher à ce seul côté de l’hémicycle de se déchirer.
Sur le fond, soyons un peu sérieux sur cette question. Nous débattons du PLFSS, et vous ne cessez de hurler contre certaines mesures que vous condamnez, parfois à juste titre. Je pense notamment à la prime de naissance, sur laquelle la position a d’ailleurs changé, ou à la modulation des allocations familiales.
Toutes ces mesures sont nécessaires, nous dit-on, parce qu’il faut faire des économies. S’agissant d’économies, nous sommes en train de vous proposer de rétablir un dispositif qui existait – même si certains ont eu l’honnêteté de reconnaître qu’ils ne le connaissaient pas – et qui peut rapporter 3,25 milliards d’euros, excusez du peu, au budget de la Sécurité sociale. Cela éviterait de prendre des mesures, que nous sommes un certain nombre à dénoncer ici, qui portent atteinte à la politique familiale.
Monsieur Tian, vous faites partie de ceux qui soutenaient tout à l’heure que le PLFSS n’était pas le lieu pour proposer des mesures de lutte contre le chômage, vous avez même applaudi à ces propos. Et maintenant je vous entends dire que la suppression de la C3S permettra de créer des emplois. Il faut savoir, monsieur Tian, soit le PLFSS ne doit pas comporter de mesures de lutte contre le chômage comme vous sembliez le penser – ce n’est pas mon avis – soit vous pensez qu’il peut être un outil contre le chômage, et il fallait voter l’amendement précédemment.
Pour notre part, nous soutiendrons largement cet amendement, car sans mettre en péril les entreprises concernées, il permet de récupérer plusieurs milliards de crédits. Ainsi le budget de la Sécurité sociale pourra jouer pleinement son rôle et on pourra arrêter de s’attaquer à certaines personnes et parvenir à quelque chose de plus équilibré entre les ménages et les entreprises.
Il faut remettre les choses à leur place, et se souvenir que la suppression de la C3S vient s’ajouter à toutes les mesures très généreuses qui ont déjà été prises en faveur des entreprises, auxquelles on a versé des dizaines de milliards d’euros d’argent public.
Puisque l’on parle de justice sociale, et comme vient de le dire très justement M. Cavard, il me paraît évident que cet amendement, qui procurerait 5,6 milliards d’euros de recettes, permettrait de revenir sur des dispositions extrêmement pénalisantes pour les familles et pour beaucoup d’autres publics. C’est pourquoi cet amendement me paraît justifié.
J’ai entendu l’argumentaire de M. le secrétaire d’État, selon lequel la C3S serait une contribution curieuse et économiquement inutile. Très bien, il faut donc la revoir ! D’ailleurs, Mme Carrey-Conte a dit que la C3S n’était pas parfaite.
M. Bapt a déclaré que cet amendement relevait d’un débat de fond et qu’il ne fallait pas le traiter dans le cadre de l’article 88 du règlement. Michel Issindou a dit que ce n’était pas le bon moment. Ce n’est jamais le bon moment ! Pour supprimer des avantages aux familles, on trouve le moment, on trouve le texte…
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI
…mais pour traiter la question de la C3S, on ne trouve ni le bon moment ni le bon texte. Donnez-nous une date, un moment, un texte, et nous en débattrons ! Ce n’est pas un argument valable que de nous dire : « Circulez, il n’y a rien à voir, ce n’est pas le bon moment ! »
Dans le contexte actuel, il est inouï que l’on ait décidé brusquement de supprimer cette recette pour l’État, alors que l’on a tellement besoin de moyens que l’on porte atteinte à la justice sociale en pénalisant, notamment, les familles.
Ce débat aurait évidemment dû avoir lieu en commission – notre collègue Jean-Pierre Barbier l’a parfaitement expliqué.
Il a aussi dit qu’il ne fallait pas polémiquer ! C’est pourtant ce que vous faites.
Il est tout de même surprenant que les élus de la nation, a fortiori ceux dont le niveau les appelle à devenir un jour membres du Gouvernement,…
…ignorent l’existence même d’une telle contribution, alors que les entreprises françaises supportent 10 points d’impôts de plus que celles des autres pays de l’Union européenne. Mes chers collègues, la C3S, c’est la contribution sociale de solidarité des sociétés. Elle a été créée au tournant des années soixante et soixante-dix : à cette époque, la grande distribution faisait des ravages dans le commerce de proximité et l’artisanat – c’est d’ailleurs toujours le cas –, et il fallait créer une recette pour permettre la survie des caisses d’assurance maladie et de retraite de ces professions. Nous parlons d’une question très importante, et on peut s’étonner qu’autant de nos collègues, sur les bancs de gauche, ignorent cette fiscalité.
Cela montre que nos collègues ont besoin d’une formation – je vous demande, madame la présidente, d’en faire part au président de l’Assemblée nationale, et peut-être au Bureau.
Rires sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Lorsque des élus sont choisis par nos compatriotes pour décider des impôts, de la politique économique et de l’avenir du pays, il faudrait quand même qu’ils sachent de quoi ils parlent. Or il apparaît ici qu’un grand nombre de nos collègues ne savent rien de l’entreprise.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Qu’il existe un problème d’assiette de la C3S, c’est possible. Mais, en réalité, cette contribution touche surtout la grande distribution, dont les sbires, si je puis m’exprimer ainsi, ont exercé un lobbying…
…qui a convaincu le plus haut niveau de l’État de la nécessité de supprimer la C3S.
Au début, monsieur le secrétaire d’État, on s’occupe des entreprises les moins importantes. Mais, en réalité, les géants de la grande distribution sont seulement intéressés par la suppression définitive de cette contribution, que vous avez prévue. Or les entreprises françaises supportent 10 points de prélèvements de plus que celles des autres pays de l’Union européenne. Vous avez augmenté l’impôt sur les sociétés,…
…vous avez augmenté les charges pesant sur les entreprises, alors que vous auriez dû vous y attaquer.
Sur l’amendement no 793 rectifié , je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Issindou.
Je tiens à remercier le président Accoyer, dont la connaissance, l’intelligence et la suffisance sont infinies.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Tout le monde le sait ici, et vous le confirmez de sortie en sortie, monsieur Aboyer – monsieur Accoyer, pardon…
Rires.
Rires sur les bancs du groupe SRC.
Pour redevenir sérieux, sans être caricatural, la C3S a été dénoncée comme un impôt relativement absurde, bien que tout le monde en connaisse l’existence depuis cinquante ans, bien entendu.
Je veux rassurer M. Barbier : ce débat a eu lieu entre nous, et je pense qu’il a été tranché. Vous le savez, certains de nos collègues ont exprimé un différend sur ce sujet, ainsi que sur le pacte de responsabilité et de solidarité qu’une très grande majorité du groupe SRC a voté au mois de juillet. Pour moi comme pour la très grande majorité du groupe, il est donc évident que nous devons nous en tenir à ce vote de référence, auquel nous avons participé en toute conscience, après des débats internes nourris ayant permis à chacun de se faire une conviction. Je fais partie de ceux qui adhèrent au pacte de responsabilité, et je l’assume.
Je pense que ce n’est pas le moment de montrer une autre image de notre groupe au Gouvernement, qui a besoin de mener une politique cohérente qui s’inscrive dans la durée – le secrétaire d’État nous l’a dit. Nous avons pris une position en juillet ; nous la soutenons avec la même fermeté en octobre. Pourrait-on imaginer que le Gouvernement change de politique au bout de trois mois, sous la pression de quelques-uns, même si leur expression est légitime dans le cadre d’un débat parlementaire ? Restons fidèles au pacte de responsabilité et de solidarité – ce pacte comporte une partie relative à la solidarité, monsieur Paul, ne l’oublions pas ! J’appelle donc mes collègues à repousser cet amendement.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP
Mêmes mouvements.
Monsieur Barbier, quel mépris pour vos collègues de la commission ! Il n’y aurait pas de débats au sein de la commission parce que certains collègues de la majorité ne parleraient pas ?
Vous les avez virés, quand même ! Expulsés ! Reconduits à la frontière, sans ménagement !
Qu’est-ce que cela veut dire, monsieur Barbier ? Toutes les réponses que vous vouliez ont été apportées par les rapporteurs et par les collègues de la majorité.
Ensuite, vous montrez du doigt des collègues de la majorité qui ont déposé des amendements. C’est leur droit ! C’est absolument leur droit !
Qu’a fait votre groupe ? Je vous donne les chiffres : nous sommes passés de près de 300 amendements en commission à plus de 750 amendements en séance publique.
Ces amendements ne viennent pas uniquement du côté gauche de l’hémicycle, ils ont principalement été déposés par votre groupe.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Arrêtez donc de donner des leçons à notre groupe parlementaire !
S’agissant des changements qu’il y a eu dans ma commission, je me suis exprimée en temps et en heure. La polémique est terminée, et je vous demande de ne pas la rouvrir – cela signifierait que vous n’avez rien à dire aux Français, que vous n’avez rien à proposer.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
M. Accoyer pointe du doigt ceux ou celles qui sont appelés à de hautes fonctions. Pour ma part, je pense à quelqu’un qui a été appelé à de hautes fonctions, mais dont la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté les comptes.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mêmes mouvements.
Quand on est appelé à de hautes fonctions, on fait aussi le ménage chez soi. J’aimerais, monsieur Accoyer, que vous soyez aussi présent et disert dans la commission à laquelle vous appartenez que dans l’hémicycle.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Suspension de séance, madame la présidente !
Je voudrais d’abord remercier M. Barbier et M. Accoyer des propos aimables qu’ils ont eus à mon égard.
Cette forme de débat contribue très largement à décrédibiliser nos travaux. C’est mon point de vue, et je l’assume. Permettez à un ancien parlementaire aujourd’hui devenu modeste secrétaire d’État d’affirmer ici, en toute sérénité, qu’il ne sait pas tout.
Vous pouvez vous en attrister. Mais les jours et les nuits que je passe ici m’ont permis de relever quelques sujets sur lesquels j’ai l’impression de ne pas être le seul à ne pas tout savoir.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Même si je suis en désaccord total avec l’amendement no 793 rectifié , je pense que ce débat a toute sa place ici.
Si, monsieur Jacquat, nous sommes au coeur du sujet : la C3S est une contribution sociale.
Malgré tous les désaccords que je peux avoir sur l’opportunité d’un tel amendement, je pense que ce débat a parfaitement sa place ici. La question que j’ai posée tout à l’heure, qui consiste à se demander si c’est par l’impôt ou par la contribution sociale que l’État en général et les régimes sociaux en particulier doivent trouver leurs ressources, est une vraie question politique de fond.
En revanche, je suis plus réservé sur un autre point. Lors de l’examen du PLF, nous avions coutume de dire que nous étions dans l’allée des marronniers, avec les mêmes amendements qui reviennent tous les trois mois.
Le début de votre intervention était meilleur, monsieur le secrétaire d’État !
Je dis cela, monsieur Paul, parce que j’ai aussi une modeste expérience de la vie parlementaire. Vous proposez d’annuler une décision qui n’est même pas encore appliquée,…
…puisqu’elle a été adoptée en juillet et qu’elle doit entrer en vigueur au 1er janvier de l’année prochaine.
Ce débat n’a pas été esquivé au mois de juillet, pas plus qu’aujourd’hui. Il a été entier, et la question a été tranchée par le Parlement. Il est quand même un peu curieux de proposer d’y revenir quelques mois plus tard, alors même que la disposition en cause n’est pas appliquée.
Des deux côtés de l’hémicycle, certains ont allégué que cette disposition, finalement adoptée par le Parlement en juillet, aurait été un oukase – pardonnez-moi de provoquer ! – d’un certain nombre d’organisations patronales. Pour avoir participé aux Assises de la fiscalité des entreprises, avec une autre casquette à l’époque, je peux témoigner que le Gouvernement n’a pas retenu, loin de là, l’ensemble des propositions du MEDEF, de l’UPA ou de telle autre organisation syndicale ou patronale.
Il y avait un désaccord profond, qui a subsisté longtemps et qui demeure peut-être encore aujourd’hui, entre le Gouvernement, qui a fait le choix du CICE, et certaines organisations patronales qui auraient préféré d’autres dispositifs, notamment sur l’impôt sur les sociétés ou les contributions sociales. Il est vrai que la disposition dont nous débattons correspondait à une demande de l’un des participants aux Assises de la fiscalité des entreprises, mais ce cas de figure est loin d’être général. Le Gouvernement a été ferme sur un certain nombre de demandes qu’il a jugées irrecevables, contrairement à l’idée répandue selon laquelle il aurait accédé à toutes les demandes de telle ou telle organisation patronale. Je vous renvoie aux débats et aux comptes rendus.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement visant à annuler une mesure qui n’est pas encore appliquée et qui a été décidée par la majorité de votre assemblée il y a trois mois.
Sur la base de l’article 58, alinéa 3, de notre règlement, et en raison de l’état d’esprit pour le moins déplacé dans lequel se déroulent actuellement nos débats,…
…avec une mise en cause personnelle de certains membres de l’opposition, alors que la polémique est causée par des divisions internes au parti socialiste, je demande une suspension de séance d’un quart d’heure.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Madame Poletti, vous n’avez pas la délégation de votre groupe vous permettant de demander une suspension de séance.
Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 55 Nombre de suffrages exprimés: 55 Majorité absolue: 28 Pour l’adoption: 20 contre: 35 (L’amendement no 793 rectifié n’est pas adopté.)
La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures dix.
Vous n’ignorez pas, monsieur Accoyer, que les faits personnels sont renvoyés à la fin de la séance.
Je le sais fort bien, madame la présidente.
Je déplore, une nouvelle fois, l’absence de Mme la présidente de la commission des affaires sociales dans l’hémicycle
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 70 rectifié et 792 rectifié .
La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement no 70 rectifié .
Tout d’abord, je souhaite remercier M. le secrétaire d’État, cela pour deux raisons. La première est d’avoir rappelé chacun à l’humilité, ce qui me rassure car cela s’imposait face à l’attitude des omniscients qui siègent de l’autre côté de l’hémicycle.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La seconde est d’avoir indiqué que le débat sur la C3S avait sa place dans nos discussions et qu’il était important. Afin de ne pas être redondant car le débat a eu lieu au moment du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 ainsi qu’il y a quelques instants, je présenterai rapidement le présent amendement.
Alors que la situation économique est dégradée et que les recettes fiscales manquent de dynamisme, nous proposons, avec de nombreux collègues, de repousser dkj’un an l’entrée en vigueur de l’abattement d’assiette de la C3S, c’est-à-dire de 2015 à 2016.
Je suis même prêt à reconnaître que cette taxe, assise sur le chiffre d’affaires, n’est peut-être pas l’idée la plus judicieuse. Cependant, un peu de graisse, même mauvaise, à hauteur d’un milliard d’euros, ne nuirait peut-être pas pour affronter l’hiver budgétaire.
La parole est à Mme Suzanne Tallard, pour soutenir l’amendement no 792 rectifié .
Comme le précédent, cet amendement propose de repousser d’un an l’entrée en vigueur de l’abattement d’assiette de la C3S, ce qui permettrait de dégager 1 milliard d’euros en 2015 et d’annuler les économies prévues sur la branche famille et les efforts demandés aux ménages.
La commission a repoussé cet amendement, par cohérence avec le débat précédent.
Je me suis longuement exprimé sur l’amendement précédent et il me semble que le débat a eu lieu. Pour les mêmes raisons que tout à l’heure, je ne peux que renouveler l’avis défavorable du Gouvernement.
Il a déjà été dit qu’il n’était guère cohérent de retenir le chiffre d’affaires comme assiette de cet impôt : mieux vaudrait l’asseoir sur la marge, le résultat ou le bénéfice.
Par ailleurs, c’est en juillet dernier que nous avons voté la suppression de la C3S pour 2017 et un allégement, avec un abattement de 3,250 millions d’euros, pour 2015. Et aujourd’hui, trois mois plus tard, on veut revenir en arrière et remettre en cause un dispositif que les entreprises ont déjà pris en compte ! Quel message envoyons-nous aux Français et aux entreprises ? Il en va de la lisibilité et de la crédibilité des décisions prises dans cet hémicycle.
Je ne porterai pas de jugement sur les débats actuels au sein de la commission des affaires sociales.
J’ai en quelque sorte un devoir de réserve à cet égard. J’ai bien entendu ce que vient de dire à ce propos la présidente de la commission des affaires sociales.
Je tiens cependant à témoigner d’une expérience qui remonte maintenant à plusieurs mois : sur des décisions importantes, comme la suppression de la C3S ou la mise en place du CICE, il n’y a pas eu assez de débats en amont au sein de notre commission, de notre assemblée et, probablement, de notre majorité.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.
Si nous avions eu ces délibérations, bon nombre de difficultés que nous rencontrons aujourd’hui ne seraient sans doute pas aussi évidentes.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, à vous en croire, ce ne serait pas aujourd’hui le bon moment pour tenir ce débat. De fait, ce n’est jamais le bon moment ! Mais si aujourd’hui est le bon moment pour engager par voie d’amendement une grande réforme des prestations familiales, selon le mot du Premier ministre, aujourd’hui est peut-être aussi le bon moment pour engager par voie d’amendement le débat sur la rectification d’une mauvaise décision.
En effet, la suppression de la C3S, en un temps où les finances publiques sont très contraintes, prive notre assemblée de marges de manoeuvre. Si nous rétablissions 1 milliard d’euros de recettes en adoptant l’amendement que vient de défendre M. Sebaoun, cette course-poursuite aux économies sur la branche famille n’aurait pas lieu d’être.
Quand on est en responsabilité, il faut prendre conscience de l’impact des décisions qu’on prend. Refuser cet amendement, ou plutôt persister dans l’idée de supprimer la C3S, nous met dans une situation très difficile, pratiquement intenable, qui oblige maintenant à des décisions douloureuses dans d’autres domaines, notamment dans celui des prestations sociales. Or, nous n’avons pas l’intention d’accompagner une régression des prestations sociales.
Selon vous, monsieur le secrétaire d’État ce débat aurait déjà eu lieu cet été. Si l’on espère une certaine constance dans le débat sur la Sécurité sociale, on peut penser que celles et ceux qui ont validé la disparition de la C3S – ce n’est pas notre cas – étaient déjà conscients qu’il faudrait, dès le présente PLFSS réduire les allocations familiales et réaliser diverses économies sur les familles. Or, je n’ai pas le souvenir qu’ils aient déjà anticipé, en juillet, la remise en cause des politiques sociales dans le cadre de ce PLFSS.
Vous observez encore, monsieur le secrétaire d’État, que les mesures de juillet ne sont pas encore appliquées. Tant mieux ! Puisque les entreprises ne les ont pas encore mises en oeuvre, que les décrets ne sont pas pris et que nous sommes encore dans le vif du débat, et puisque, au bout de trois ou quatre mois, nous nous apercevons que nous avons des difficultés économiques et qu’il nous faut réinjecter de l’argent dans la Sécurité sociale, rectifions le tir ensemble ! L’amendement de M. Sebaoun permet de récupérer un milliard d’euros – et j’observe à cette occasion que le dispositif d’ensemble portait sur 5 milliards d’euros : vous voyez que nous savons être modérés… Il importe donc de l’adopter.
Quant à celles et ceux qui reprennent sans cesse leur rengaine sur les « pauvres entreprises », je rappelle que le taux de cette taxe est de 0,16 % sur le chiffre d’affaires. Si vous connaissez aussi bien que nous le monde des entreprises, …
…vous savez que personne ne s’est insurgé contre la C3S, pas même M. Pierre Gattaz, qui a pourtant fait de nombreuses propositions surprenantes. Prenons donc garde à ce que nous faisons.
De nombreux orateurs me demandent parole. J’avais émis le voeu qu’il n’y en ait qu’un par groupe, nous sommes maintenant plus proches de trois. Je vous demande de patienter, chacun aura l’occasion de s’exprimer à la faveur des multiples amendements dont le texte fait l’objet.
La parole est à M. Michel Issindou.
Monsieur Cavard, les équilibres de la Sécurité sociale nous préoccupent depuis longtemps, bien avant le mois de juillet, et les équilibres de la branche famille sont un souci que nous avons depuis plusieurs années, depuis qu’ils sont dans le rouge, et même insupportables. Les économies réalisées sur la branche famille ne tombent pas subitement du ciel, nous avions conscience qu’il faudrait, sur cette branche comme sur les autres, réaliser des économies substantielles.
Monsieur Paul, vous considérez qu’il n’y a pas eu assez de débat, notamment en commission, mais il a eu lieu ici et chacun peut en témoigner. Tous ceux, au moins, qui soutiennent ce texte se souviennent des nombreuses heures de débat auxquelles il a donné lieu. Ce débat a été arbitré au mois de juillet par un vote majoritaire du Parlement qui soutenait le pacte de responsabilité et de solidarité présenté par le Premier ministre. Les choses sont claires à ce propos.
Enfin, monsieur Sebaoun, non seulement il ne faut pas s’accommoder de la mauvaise graisse, mais il faut même éviter qu’elle n’arrive, car il est ensuite trop difficile de s’en débarrasser. Je suis donc favorable à la suppression immédiate de la « C3graisse ».
Sourires.
Sur les amendements identiques nos 70 rectifié et 792 rectifié , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Claude Greff.
Monsieur Le Roux, les difficultés dont nous sommes témoins posent réellement problème. En votre qualité de président du groupe socialiste de l’Assemblée, il est temps que vous mettiez un peu d’ordre dans la maison.
Par ailleurs, après votre excellente intervention, monsieur Paul, j’ai presque envie de voter comme vous ! Vos arguments, vos propositions vont dans le bon sens, dans l’intérêt de la branche famille. Malheureusement, l’idéologie du Parti socialiste ne consiste pas à aider la branche famille, mais à la détruire, par tous les moyens. C’est là que nous différons, vous et moi : alors que la finalité est de sauver la branche famille, vous voulez l’assommer, à coups de prélèvements.
À cause de cette politique idéologique du Parti socialiste, je serai obligée de voter contre votre amendement alors que sur le fond, votre idée est bonne. Et pour la suite du débat, monsieur Le Roux, faites quelque chose !
Monsieur Paul, je n’ai pas dit que le débat ne devait pas avoir lieu, mais qu’il était mal posé, par un amendement déposé au titre de l’article 88. Si vous aviez voulu que ce débat ait lieu en commission, et non sous l’oeil goguenard de Mme Greff, vous auriez pu déposer l’amendement et le défendre en commission. Car je vous rappelle que chacun est libre de venir s’exprimer devant quelque commission que ce soit.
Je tiens par ailleurs à vous rassurer : il n’y aura pas de régression des prestations sociales…,
…même si des amendements d’économies sur la branche famille sont votés.
Même dans ce cas, en effet, les prestations sociales augmenteront encore de 300 millions d’euros en 2015. Je vous rappelle à ce propos que la France détient le record mondial des dépenses sociales, qui représentent 32 % de son PIB.
Je voudrais, sans certitude d’y parvenir, apporter un peu d’apaisement dans ce débat. Après le débat sur l’amendement précédent, il me semble que ceux dont nous discutons sont équilibrés et intelligents, et pourraient même permettre une certaine synthèse au sein de la majorité. En effet, contrairement à ce qu’affirme M. Issindou, ils ne remettent pas en cause la baisse d’un milliard d’euros de la C3S qui a été votée, puisqu’ils proposent seulement de la décaler d’un an, ils ne remettent pas en cause non plus le pacte de responsabilité, de telle sorte que personne ne perd la face, et ils nous donnent du temps pour mesurer son efficacité et, soit dit sans provocation, la bonne foi des contractants – à supposer que nous ayons réellement contracté.
Les organisations syndicales ne disent pas autre chose, qui demandent de procéder par paliers. C’est ce que nous faisons du reste pour la C3S, nous ne supprimons pas tout d’un coup – même si la marche pourrait être un peu plus haute.
Cette mesure aurait également le mérite de nous donner une petite marge, dont vous aurez besoin, monsieur le rapporteur, sur la politique familiale. En effet, même si une solution a été trouvée pour les allocations familiales, elle est un peu complexe à mettre en oeuvre et son entrée en vigueur prendra environ six mois,…
…ce qui coûtera encore 400 millions d’euros. Par ailleurs elle n’aggrave pas l’imposition des entreprises, qui payent déjà la C3S, et l’on pourrait, avec la marge dégagée, apporter des aides directes à l’emploi des entreprises sous forme d’exonérations, qui existent déjà.
Chers collègues, réfléchissez : nous avons là une proposition qui ne bouscule pas tout, qui nous donne une petite marge et qui pourrait satisfaire tout le monde. Ce pourrait être la marque du Parlement.
J’aimerais que le président du groupe socialiste, qui est présent ce matin, et c’est une bonne chose, siffle la fin de la partie.
Depuis une heure, nous débattons d’un sujet qui regarde le parti socialiste.
Attendez donc votre prochain congrès pour en débattre, et écoutez ce qu’a dit le Premier ministre – le premier d’entre vous ! – ce matin : « Rassemblez-vous ! ». Or c’est la contradiction la plus complète qui se manifeste ici entre deux courants du parti socialiste, et nous sommes là comme des spectateurs.
Tout cela a été voté au mois de juillet, et nous n’avons pas envie de le remettre à l’ordre du jour aujourd’hui. Nous devons avancer ! Nous pratiquons depuis ce matin le stop and go sur cet article, et le PLFSS en compte soixante ! Soit vous le faites volontairement, et c’est de l’obstruction, soit vous arrêtez et nous pourrons enfin continuer à travailler sereinement. Cela évitera certains mouvements d’humeur.
Merci madame la présidente. J’ai cru un moment que vous ne donneriez pas la parole à l’UDI !
Sourires.
Déjà tout à l’heure, vous ne m’aviez pas vu et je commençais à sentir mon sang bouillir !
L’UDI votera cet amendement, en cohérence avec ses positions du mois de juillet : nous étions alors contre la suppression de la C3S. Nous souhaitons que les charges sur le travail baissent, de façon à rendre les entreprises plus compétitives, mais selon nous cette mesure n’apporte rien, ni en termes de compétitivité, ni en termes d’emploi. Voilà pourquoi, à l’époque, nous nous étions prononcés contre la suppression et pourquoi nous allons voter cet amendement qui repousse d’un an l’entrée en vigueur de l’abattement, d’autant que cela n’aura pas d’impact pour les entreprises, puisque cela ne changera rien à ce qu’elles payent déjà aujourd’hui.
Nous souhaitons que l’économie ainsi réalisée permette de repousser votre proposition concernant les allocations familiales. Cela nous laisserait un an pour réfléchir à notre politique familiale, plutôt que d’adopter un amendement déposé en fin d’examen du texte, sans avoir été discuté en commission, qui chamboule complètement la politique familiale de ce pays. Je propose donc de voter le présent amendement et de repousser celui relatif aux allocations familiales, de façon à pouvoir en discuter encore une année : c’est la moindre des choses !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Enfin, chez collègues frondeurs ou qui ne sont pas d’accord avec le groupe socialiste, sachez que le groupe UDI vous ouvre les bras ! Vous pouvez venir chez nous, puisque nous sommes souvent d’accord ! Nous aurons ainsi un groupe plus important, et vous, vous ne serez pas combattus à chaque fois par votre propre groupe !
Je mets aux voix les amendements identiques nos 70 rectifié et 792 rectifié .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 54 Nombre de suffrages exprimés: 52 Majorité absolue: 27 Pour l’adoption: 16 contre: 36 (Les amendements identiques nos 70 rectifié et 792 rectifié ne sont pas adoptés.)
Cet amendement vise à répondre à la situation difficile du chômage, rappelée ce matin encore par le Premier ministre sur une radio périphérique. Le chômage est évidemment au coeur de nos préoccupations, alors que plus de 10 % de la population est concernée en juillet 2014. Pour ce qui est du chômage de longue durée, supérieur à douze mois, deux millions de personnes sont inscrites à Pôle Emploi depuis plus d’un an – dont un million depuis au moins deux ans – ce qui représente 41 % des demandeurs d’emploi au premier trimestre 2014. Il faut noter d’ailleurs que ce chiffre est inchangé quand on le compare au premier trimestre 2007. Fin 2013 enfin, 2,3 millions de personnes étaient indemnisées en France, et parmi elles, seul un chômeur de longue durée sur quatre était indemnisé.
Notre amendement propose ainsi une aide de 10 000 euros pendant trois ans, sous la forme d’une réduction de cotisations employeurs, pour favoriser l’embauche de demandeurs d’emploi justifiant de plus de 24 mois de chômage au cours des 36 derniers mois. Cette mesure créerait ce que nous appelons des « emplois d’avenir chômeur de longue durée ». Son financement pourrait, dans le droit fil du débat que nous venons d’avoir, être assuré en revenant sur la suppression de la C3S inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale rectificative pour 2014.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement no 621 .
Nous sommes dans un contexte de crise économique majeure et les chiffres du chômage sont alarmants. Ainsi que je le rappelais tout à l’heure, la lutte contre le chômage, notamment de longue durée, constitue pour nous une vraie priorité. L’examen du PLFSS est bien le moment de parler du chômage et des remèdes que nous pourrions lui apporter.
En effet, force est de constater, et l’UNEDIC, le confirme, que le chômage devrait continuer à augmenter jusqu’à fin 2015. Par conséquent, il serait intéressant de rendre éligible jusqu’à cette date les emplois d’avenir aux chômeurs de longue durée.
Je veux aussi rappeler, pour répondre à certains propos entendus tout à l’heure, que la branche famille devrait aujourd’hui être excédentaire : si l’on n’avait pas indûment transféré, depuis 1998, gouvernement après gouvernement, quelque trois milliards d’euros de charges de la branche vieillesse, nous n’en serions pas réduits aujourd’hui à nous demander s’il faut moduler les allocations familiales.
En effet ! Je l’ai dit, cela s’est fait gouvernement après gouvernement ! Quoi qu’il en soit, la lutte contre le chômage étant pour nous une priorité, je vous demande de bien vouloir voter cet amendement.
Ces amendements proposent d’élargir les emplois d’avenir, qui sont réservés aux jeunes, aux chômeurs de longue durée. Le chômage de longue durée pose un vrai problème, que M. Sebaoun a raison d’évoquer, mais ce type de remaniement du dispositif concernant l’aide à la réinsertion des chômeurs n’a pas aujourd’hui sa place, d’autant que votre gage vient d’être repoussé. Avis défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. J’ai eu l’occasion tout à l’heure de rappeler quels étaient les dispositifs déjà ouverts, tels que les contrats uniques d’insertion, qui ouvrent droit à des exonérations lourdes. Le coût de la dépense pour les emplois d’avenir s’élève à 406 millions d’euros de dépenses sociales et 1,2 milliard de dépenses fiscales en 2014. Le Gouvernement se montrera par ailleurs bienveillant à l’égard d’un amendement qui devrait être déposé dans le cadre d’un autre texte pour augmenter le nombre de ces emplois d’avenir. Le Gouvernement estime donc qu’il n’y a pas lieu de suivre la proposition des auteurs de ces deux amendements.
L’amendement de M. Sebaoun est assez difficile à comprendre, et j’ai l’impression qu’il est un peu contraire à ce qu’ont dit tout à l’heure ses amis, les « passéistes », comme dirait M. Valls. Vous voulez une exonération de cotisations employeurs, et donc diminuer les recettes sociales d’organismes malheureusement très déficitaires. Vous venez de vous battre pour maintenir les charges, et maintenant vous voulez les diminuer en accordant 10 000 euros par an pour une embauche ! Vous creusez le déficit des systèmes sociaux alors que depuis ce matin, on avait plutôt l’impression que vous recherchiez l’inverse.
Vous créez donc des emplois d’avenir, sans préciser s’ils doivent augmenter notre fonction publique territoriale ou nationale : est-ce bien cela dont il s’agit ? Voulez-vous créer de nouveaux fonctionnaires ?
Ce type de contrats serait-il réservé aux collectivités locales, ou s’agit-il de contrats d’entreprises ? Dans ce cas, la logique que vous suivez depuis tout à l’heure est mauvaise. Vous devriez peut-être tout simplement vous poser la question des charges : si notre pays est un de ceux où les entreprises payent les charges les plus importantes, par comparaison avec l’Allemagne par exemple, alors diminuons les charges pour tout le monde !
Cela sera une bonne chose et nous créerons de l’emploi. Car c’est le plein-emploi qui permet de créer de vrais emplois commerciaux. Avec les contrats d’avenir, vous donnerez aux entreprises, qui n’ont pas vraiment besoin de ces personnes, des avantages sociaux et fiscaux – par conséquent, le contraire de ce que vous dites depuis hier ! Les entreprises profiteront d’un effet d’aubaine pour embaucher des personnes dont elles n’ont en réalité pas vraiment besoin.
Quel groupe ? Celui des passéistes ?
Par ailleurs, vous créez une ségrégation supplémentaire en réservant ce dispositif aux personnes qui sont au chômage depuis longtemps. Peut-être ne vous êtes-vous pas demandé dans quel état financier se trouvait l’UNEDIC, ou les systèmes sociaux en général ?
Quel est donc l’objet précis de cet amendement : quel type de public est-il visé ? Combien cela coûte-t-il ? À qui est-ce réservé ? Cela est-il cohérent avec ce que M. Paul et les autres « passéistes » disent depuis ce matin ? Doit-on réduire les déficits sociaux ou au contraire créer des effets d’aubaine pour les entreprises ou les collectivités locales ?
C’est un débat tout à fait important puisque la diminution du chômage en France reste une priorité, sur tous les bancs. Je demande simplement un peu de patience puisque dès lundi, ce sujet sera largement abordé dans le cadre de la mission « Emploi », avec des propositions émanant de notre groupe et probablement également du Gouvernement.
L’idée est peut-être intéressante, mais je ne vois pas bien comment on pourrait appliquer une taxe sur le chiffre d’affaires aux entreprises qui ne sont pas par ailleurs fiscalement domiciliées en France. Avis défavorable.
Nous avons parlé hier soir des défis majeurs qui nous attendent, que ce soit le vieillissement, la dépendance ou même les molécules innovantes thérapeutiques. Or tout cela a un coût et, malheureusement, nous savons que l’assiette relative aux salariés se réduit de jour en jour, la part des salaires dans le PIB ayant baissé pratiquement de 10 % en dix ans. Cet amendement vise donc à ce que tous les produits contribuent au financement, et pas seulement les produits humains. Ce plancher minimum de charges sociales viendrait ainsi compléter l’assiette des salaires, sans pénaliser l’emploi.
Très franchement, nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour examiner cet amendement qui bouleverse le système de financement de la protection sociale.
C’est un amendement révolutionnaire, mesdames et messieurs les députés, qui est tout fait respectable. Sur le fond, je pense qu’on peut difficilement, au détour d’un amendement déposé en application de l’article 88, décider de financer la protection sociale essentiellement par recours à quelque chose que l’on peut assimiler à de la TVA. C’est ce que j’ai cru comprendre, mais je ne suis pas omniscient, comme cela a déjà été dit plusieurs fois !
Sourires.
Je ne peux évidemment accepter ce type d’amendement, dont je signale d’ailleurs, sur la forme, qu’il souffre d’un défaut flagrant d’incompétence négative. En effet, vous créez un impôt qui serait reconnu comme une imposition de toute nature, et dont le Parlement devrait normalement fixer l’assiette et le taux. Or, vous renvoyez cela à un décret. Je suis à peu près certain que le Conseil constitutionnel vous censurerait pour incompétence négative.
Mais j’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Je ne sais pas si l’appel sera entendu mais à cet instant, il ne me semble pas possible d’y donner suite. S’il était maintenu, l’avis serait défavorable.
En effet, c’est un débat que la majorité a déjà tranché, en s’opposant à toute réforme de structure dès son arrivée. Dès son entrée en fonctions, le gouvernement Ayrault s’est précipité, toutes affaires cessantes, pour annuler les deux points de TVA anti-délocalisation votés par la majorité précédente. Cette hausse de la TVA devait s’accompagner d’un allègement des charges pesant sur les entreprises, ce qui aurait amélioré leur compétitivité et permis d’éviter l’explosion du chômage à laquelle on assiste depuis que vous êtes aux responsabilités.
Vous ne devez pas, monsieur le secrétaire d’État, balayer ainsi d’un revers de main l’occasion que cet amendement d’appel vous offre d’ouvrir le débat sur la nécessaire modification de l’assiette des prélèvements sociaux.
L’amendement no 211 n’est pas adopté.
Quand le tabac tue un fumeur sur deux, il est urgent de prendre des mesures pour lutter contre le tabagisme. Il semble que l’opinion publique est désormais la première convaincue de cette urgence : pour la première fois, on m’a interpellée dans la rue pour me demander ce que nous faisions dans ce domaine !
M. Aboud a ouvert un débat important, puisqu’il s’agit de la nécessité de réformer le financement de la protection sociale. Mais c’est là une de ces réformes structurelles que le Gouvernement refuse obstinément alors que notre pays en a le plus grand besoin. C’est l’Europe, voire le monde qui s’interrogent sur les renoncements et les reculades en la matière du gouvernement français.
C’est pourquoi je vous propose, avec de nombreux collègues, trois amendements sur ce sujet.
L’amendement no 794 vise à aligner la fiscalité des cigares et cigarillos sur celle en vigueur pour les cigarettes. Je ne parviens d’ailleurs pas à comprendre pourquoi nous ne parvenons pas à voter cette mesure, qui est régulièrement proposée à l’Assemblée.
Comme vous le savez, les droits de consommation sur les cigarettes rapportent à l’État 222 euros pour mille unités, contre 100 euros s’agissant des cigares. Pourquoi la consommation de cigares est-elle moins taxée que celle de cigarettes, alors que leur nocivité, leurs effets sanitaires et leur coût sont exactement les mêmes ? S’agirait-il de ne pas désespérer Bettencourt, pour parodier une célèbre formule ? Voilà pourquoi je vous propose d’unifier la fiscalité sur les différents produits du tabac.
Quel est l’avis de la commission ?
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement no 794 .
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Par ailleurs les produits que vous visez représentent une très faible part du marché, 2 % en volume, qui en outre tend à se réduire fortement, avec une baisse de plus de 5 % en volume en 2014. Je parle là bien évidemment de la vente légale, dont l’État a confié le monopole aux buralistes. On constate en revanche une hausse, tant des achats de produits de contrebande que des achats à l’étranger au détriment en premier lieu des buralistes des zones frontalières, le professeur Jacquat le sait. Je rappelle à ce propos que je me suis moi-même rendu à Volmerange-les-Mines pour promouvoir la circulaire durcissant la réglementation encadrant l’entrée sur notre territoire des produits du tabac.
Il est vrai que le cigarillo est un produit du tabac comme un autre. Saisie au titre de l’article 88, la commission n’est cependant pas favorable à cet amendement, à moins que son impact ait été évalué par le Gouvernement.
Sur un sujet aussi complexe et délicat, un certain nombre de remarques s’imposent. Premièrement, les prix des produits du tabac sont nettement supérieurs en France que dans tous les autres pays d’Europe continentale, la Grande-Bretagne étant le seul pays européen à pratiquer des tarifs plus élevés. On ne peut donc pas dire que notre pays soit à la traîne en la matière.
Il faut là aussi avoir l’humilité de reconnaître qu’on n’est pas omniscient et qu’il faut poursuivre la réflexion sur les risques d’effets pervers d’une augmentation de la fiscalité qui favoriserait la contrebande.
« Exactement ! » sur les bancs du groupe UMP.
Nous sommes cependant confrontés à des questions de droit européen, lequel ne nous permet peut-être pas de faire ce que nous voulons en la matière. Je suis un peu long sur ce sujet très sensible en raison des différents intérêts qui sont en présence, parfois contradictoires.
Je vous annonce par ailleurs que le Gouvernement vous proposera très prochainement un panel de mesures destinées à lutter contre les achats en ligne de tabac, qui contribuent également à la réduction de l’assiette de ces droits de consommation. En effet, si la vente en ligne de tabac est interdite dans notre pays, ce n’est pas le cas de son achat, et certains consommateurs se fournissent sur des sites situés à l’étranger. À l’issue de la concertation engagée sur ce sujet avec les buralistes, dont les intérêts sont également en jeu, sans parler des questions d’aménagement du territoire, nous vous proposerons probablement d’interdire l’achat en ligne de produits du tabac.
Le rôle du Gouvernement en matière de fixation des prix du tabac est assez complexe, et souvent mal compris. Le Gouvernement publie les prix des produits après avoir consulté les fabricants, notamment sur des questions de rentabilité, comme la loi lui en fait obligation. Il veille principalement à éviter que ne soient pratiqués des prix d’appel sur des produits bas de gamme. Cette obligation de dialogue doit évidemment se concilier avec ses responsabilités en matière sanitaire – je vous renvoie aux annonces faites par Marisol Touraine dans le cadre du plan de lutte contre le tabagisme.
Je voudrais mettre fin une fois pour toutes au préjugé couramment répandu selon lequel le Gouvernement ne se préoccuperait que de ses recettes dans cette affaire. C’est tellement faux, mesdames et messieurs les députés, que depuis quelques années le produit des droits de consommation sur le tabac diminue, en dépit de la hausse de la fiscalité ! Une diminution certes faible : une cinquantaine de millions d’euros en 2013, je crois, et probablement le même volume en 2014. Elle est liée essentiellement aux nouvelles formes d’achat, telles que l’achat de produits de contrebande, l’achat à l’étranger ou l’achat en ligne, et peut-être aussi, dans une proportion moindre et variable dans le temps, à une baisse de la consommation.
Voilà pourquoi à ce stade le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement et vous demande de le retirer. J’émettrai à défaut un avis défavorable.
Cette crainte est confirmée par l’expérience de ces derniers mois, voire de ces dernières années. Et d’autres paramètres encore, tels que l’usage de la cigarette électronique, viennent encore nourrir la complexité de ce sujet, qu’il est difficile de traiter par le biais d’amendements.
Certes les taxes sur le tabac sont plus élevées en France que dans le reste de l’Europe continentale, mais nous restons très loin derrière des pays comme la Grande-Bretagne ou l’Australie, entre autres. Tandis que ces pays sont parvenus à réduire significativement le nombre de fumeurs, la France détient le record du nombre de femmes qui fument au cours de leur grossesse, nuisant ainsi à la santé de l’enfant à naître.
Il est temps de se saisir de ce sujet et de prendre dans les prochains mois, comme la ministre Marisol Touraine l’a annoncé, les mesures susceptibles de réduire ces chiffres de façon drastique et de nous permettre de prendre rang parmi les pays qui sont parvenus à diminuer la mortalité liée au tabagisme.
Je soutiens la proposition de Mme Delaunay dans ce combat prioritaire de santé publique. Je rappelle qu’aucune autre cause de santé publique n’est aussi importante que la lutte contre le tabagisme. Les chiffres sont connus : le tabac fait dans notre pays 75 000 morts chaque année, soit vingt fois plus que les accidents de la route.
Dans ces conditions, il est important que les fumeurs de cigares et de cigarillos ne soient pas exemptés du paiement de la facture sanitaire. Maintenir une telle disparité de traitement susciterait inévitablement des interrogations.
Je me réjouis que nous puissions débattre de cette question de manière apaisée, et je rends hommage à la constance dont Mme Delaunay fait preuve dans la défense de ses convictions.
Cet amendement s’attaque à une anomalie difficilement explicable : la différence entre les droits infimes pesant sur la consommation de cigares et de cigarillos et les taxes importantes pesant sur les cigarettes, sachant que celles-ci sont justifiées par le coût des dommages sanitaires liés à la consommation de tabac. En effet le tabac coûte près de trois fois plus cher, par les méfaits qu’il occasionne, qu’il ne rapporte à l’État.
Elle était même allée plus loin en commission, puisqu’elle avait proposé un amendement, finalement retiré, tendant à ce que la différence entre le coût sanitaire de la consommation de tabac, soit 45 à 50 milliards d’euros, et le produit des droits assis sur cette consommation soit répercutée sur le prix des cigarettes.
Nous sommes tous favorable à la lutte contre le tabagisme, qui n’a aucun caractère partisan : seule la méthode nous oppose. Aujourd’hui on ne peut pas dire que le levier fiscal ait été très efficace pour réduire le tabagisme. Il aurait même été selon certaines études contreproductif à cet égard. M. le secrétaire d’État vient de poser les termes du débat avec sérénité. Il faut attendre les résultats des recherches en cours.
On peut aujourd’hui acheter des cigarettes à trois ou quatre euros le paquet dans les facultés ; à Roissy on intercepte régulièrement des valises remplies de tabac. C’est à ce niveau que nous devons combattre, et non pas au niveau de la fiscalité, qui est aujourd’hui suffisamment élevée.
Monsieur le secrétaire d’État, vous savez toute la considération que j’ai pour vous, mais vous avez dans votre réponse utilisé deux arguments contradictoires. Vous avez dit en premier lieu, et j’en atteste dans la mesure de mes moyens et de mes connaissances, que la France ne poursuit pas l’objectif, dans sa lutte contre le tabagisme, de gagner de l’argent. Et c’est heureux, comme nous le verrons tout à l’heure. Mais dans le même temps, vous avez dit que mon amendement allait réduire les taxes et les bénéfices pour l’État, dont les recettes ont déjà sensiblement diminué.
J’ose dire que, devant la gravité de ce problème dramatique, qui fait que le tabac est aujourd’hui la première cause de décès dans le monde, nous abdiquons régulièrement depuis cinquante ans. Et la consommation continue d’augmenter encore et encore.
La seule fois où nous avons dépassé ce seuil et obtenu un impact significatif sur la consommation, et j’en rends hommage à l’autre côté de l’hémicycle, c’est au moment du premier plan cancer. Lorsqu’il a été lancé, nous avons en effet connu une baisse importante de la consommation.
En second lieu, le problème de la contrebande et des produits dits illicites se pose : nous commençons à avoir des preuves tangibles que ce sont les fabricants eux-mêmes qui les mettent sur le marché, en leur réservant 30 % de leur production et en leur donnant même une dénomination particulière, les illicit white, que l’on peut traduire par « celles qui passent en douce ». Ils utilisent l’argument de la contrebande, comme nous venons de le voir dans cet hémicycle, pour éviter une hausse significative des prix.
Bref, les mêmes arguments reviennent toujours, d’année en année. Prenons donc des mesures contre la contrebande, monsieur le secrétaire d’État ! Un timbre fiscal, une traçabilité indépendante… Sachons aussi que cette question de la contrebande est utilisée par les fabricants, et que nous ne devons pas leur donner la main. Et pour finir, puisque vous parlé d’intérêts contradictoires, sachez que pour ma part je n’en ai qu’un seul : c’est celui de la santé.
Il est vrai que nous ne sommes pas le pays européen dans lequel le tabac est le moins cher. Mes chers collègues, j’aimerais un peu plus d’attention de votre part sur ce point, qui engage notre responsabilité devant le pays. Nous n’avons pas le tabac le moins cher, mais nous avons, la plupart du temps si ce n’est toujours, pratiqué des hausses de prix inférieures à 6 %. Or celles-ci n’ont pas d’impact sur la consommation.
L’alignement des droits de consommation des cigares et cigarillos sur ceux des cigarettes a déjà été évoqué à plusieurs reprises en commission des affaires sociales, comme ici même dans l’hémicycle. La réponse de M. le secrétaire d’État cadrait parfaitement avec la situation actuelle, lui-même étant, comme moi, élu d’une région frontalière où il existe malheureusement, sans parler de contrebande, une vente limitrophe légale extrêmement importante. Cette vente concurrence énormément nos buralistes.
Le problème posé par le tabagisme est extrêmement important. L’Assemblée nationale a confié un rapport sur ce sujet à Jean-Louis Touraine ainsi qu’à moi-même, à deux reprises. Nous y démontrions, et personne ne conteste ce chiffre, que 200 personnes chaque jour décèdent malheureusement à cause du tabac dans notre pays. Nous relevions le fait, et c’est un grand problème, que de plus en plus de jeunes, en particulier des jeunes filles, s’adonnent au tabagisme, dès l’âge de douze ou treize ans. On peut s’inquiéter des pathologies qu’ils ne manqueront pas de développer.
Nous en avons déjà beaucoup parlé, à propos des lois Evin, des décrets de Xavier Bertrand et des deux rapports d’information, adoptés à l’unanimité je le précise, que Jean-Louis Touraine et moi-même avons déposés, et qui contiennent un certain nombre de propositions. Ce que nous souhaitons, c’est que d’une part les dispositions des lois Evin et des décrets Bertrand soient appliquées, et que d’autre part les propositions de nos rapports soient reprises, à court terme, dans le projet de loi santé annoncé par Marisol Touraine, qui doit comporter un volet relatif à la santé publique.
Madame la présidente, le problème est réel, mais je pense qu’il devrait être abordé de façon globale dans le projet de loi sur la santé.
Je profite de cette tribune pour le répéter : notre pays a le triste privilège de détenir la première place en Europe pour le nombre de femmes enceintes qui fument au cours de leur dernier trimestre de grossesse. Et ce nombre, c’est terrible, augmente ! Jean-Louis Touraine a bien indiqué qu’il y a des séquelles pour l’enfant. Nous connaissons aussi un tabagisme passif important en voiture, s’agissant notamment des enfants de moins de douze ans. Il a été démontré scientifiquement le nombre important de particules qu’ils inhalent dans ce cas.
Le tabagisme est un réel problème de santé publique dont nous mesurons l’ampleur au vu des amendements que présente Michèle Delaunay. Mais la ministre Marisol Touraine…
…nous a présenté il y a quelque jours un plan tabac qui me semble plutôt intéressant, Jean-Louis Touraine et Denis Jacquat l’ont évoqué. Des mesures sont donc déjà prises. Et nous aurons dans quelques jours le projet de loi santé, dans lequel il sera question de prévention et de mesures de lutte contre le tabagisme, notamment s’agissant des jeunes.
Quant à l’augmentation du prix et des taxes, on peut constater que ce n’est pas forcément la mesure la plus significative. Je suis beaucoup plus favorable à ce que des mesures fortes soient prises dans le cadre de la loi santé et du plan tabac – nous en avons déjà un aperçu. Mon avis serait donc plutôt défavorable.
Je voudrais dire à Mme Delaunay que nous sommes tous soucieux de ce fait, qui est un réel problème de santé publique. La tabagisme, on le sait, fait des dégâts monstrueux. Mon ancien métier m’a permis de le constater. Je vois ici, dans les tribunes, des jeunes qui nous écoutent et j’espère qu’ils nous entendront sur ce sujet.
Je voudrais faire quelques constats, et je souhaite que M. le secrétaire d’État puisse les confirmer. Sur le prix d’un paquet de tabac à 7 euros, les taxes – TVA et accises – revenant à l’État représentent près de 81 % et la rémunération des buralistes 8 %, le solde revenant au manufacturier. On peut certes continuer d’augmenter la fiscalité sur le tabac, mais il semblerait, vous l’avez dit, qu’aujourd’hui les volumes issus de la vente légale baissent, et les recettes avec. Cette baisse est compensée par les réseaux parallèles, par internet et, dans les régions frontalières, par les importations.
M. Jacquat a évoqué la loi Evin. Je me souviens pour ma part de notre collègue Yves Bur, qui faisait figure de chevalier anti-tabac.
Ce difficile combat remonte, madame Delaunay, à longtemps.
Je voudrais interroger le ministre sur le point suivant : a-t-on fait une étude précise concernant la répartition entre la part spécifique, plutôt assise sur les volumes, et la part proportionnelle, plutôt indexée sur les prix ? N’y a-t-il pas un savant calcul à faire pour moduler les hausses de ces deux parts, de façon à ne pas gêner totalement le monde des buralistes, qui voit avec angoisse, notamment depuis deux ou trois ans dans le monde rural, les prix monter et les ventes décroître ? Une telle étude serait utile.
J’aimerais savoir si le ministre envisage une étude qui apporterait des éclaircissements quant à la répartition de ces deux parts.
Je serai plus bref sur les autres amendements, mais je veux vous dire, monsieur Door, que je suis toujours disponible pour faire des études permettant d’améliorer l’information du Parlement. Il existe beaucoup de travaux sur ces sujets, dont certains sont menés à l’intérieur de mes services. Je ne veux pas en faire une ritournelle, mais je fais régulièrement des séances de formation au sein de mon ministère pour comprendre des dispositions qui sont d’une complexité rare.
Je demande régulièrement à comprendre comment sont fixés les prix, avec quelles incidences et en fonction de quelles obligations, quelle part revient au distributeur, car j’ai compris qu’il n’y en avait quasiment qu’un, aux fabricants, aux buralistes et à la fiscalité.
Les cigarillos sont-ils mieux ou plus mal traités que les cigarettes, pour en revenir à l’amendement ? Ce qu’on me dit, c’est que sur une cigarette, 30 centimes d’euros, soit, cela été dit tout à l’heure, près de 80 % de son prix, reviennent à l’État sous forme de taxes, et que sur le prix d’un cigarillo d’entrée de gamme, les taxes représentent 40 % de son prix. Mais comme les cigarillos sont plus chers, les taxes représentent en moyenne 70 centimes par unité.
Il s’agit de débats difficiles car nous sommes toujours accusés d’être victimes des lobbies, les uns des fabricants, les autres des fabricants de système. Des émissions de télévision récentes ont évoqué la question et j’ai trouvé le traitement du sujet, je vous le dis très franchement, assez orienté.
Madame Delaunay, vous avez évoqué, à juste titre, la traçabilité. Il s’agit d’une question importante, qui a fait l’objet de vifs débats, ici même et au Sénat, et qui reviendra dans nos débats. Mais elle doit être traitée au moins au niveau européen. J’ai rencontré mon homologue le ministre des finances du Luxembourg, et nous avons évoqué ce sujet. Il m’a écouté poliment, mais il a continué à mener la politique que son pays a envie de mener. Des directives européennes existent, mais elles ne vont pas suffisamment loin dans l’harmonisation des prix. La directive sur la traçabilité, adoptée en avril dernier, n’est pas encore suffisamment précise. Le Gouvernement attend l’équivalent de ses décrets d’application pour pouvoir poursuivre sa mise en oeuvre.
Je crois que tout a été dit, ou presque, sur ce sujet. Le Gouvernement n’est donc pas favorable, à ce stade, à cet amendement.
L’amendement no 794 est adopté.
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement no 836 .
Nous parlions tout à l’heure de la différence de prix entre les pays, qui facilite la contrebande ou les achats frontaliers. Mais nous favorisons dans le même temps la contrebande intérieure, puisque les taxes en Corse non seulement sont moins élevées, mais aussi servent à d’autres objectifs que la santé publique !
Sur le continent, 1 000 unités de cigarettes rapportent 222 euros, et en Corse, 129 euros. Le paquet que vous payez aujourd’hui 7 euros chez votre buraliste favori coûte en Corse 5,25 euros. En outre, ces taxes sont destinées à mettre la Corse en valeur. Je vois ici une députée qui aime particulièrement la Corse. Elle a raison, mais la Corse n’a pas besoin d’être mise en valeur, elle est déjà tellement belle !
Sourires.
Oui, mais elle ne reçoit pas de taxes pour cela !
Je propose donc que le prix du tabac en Corse soit aligné sur celui du continent. Rappelons que la Corse demande à cor et à cri à la continuité territoriale : ce serait faire un pas en ce sens. Je demande par ailleurs que, comme partout dans notre pays, les taxes sur le tabac financent les efforts sanitaires, car la toxicité du tabac fumé en Corse est strictement la même, le taux de mortalité est le même, et le nombre de cancers également.
La commission n’a pas discuté de cet amendement déposé au titre de l’article 88 et s’en remet à l’expertise du Gouvernement. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Le Gouvernement est totalement opposé à cet amendement. En effet, cette différence de prix fait l’objet d’une procédure à l’encontre de la France pour non-respect des règles d’uniformité de la taxation et le Gouvernement a entamé un rapprochement des prix afin de se conformer aux injonctions de la Commission, augmentant de cinq points la fiscalité à l’été 2013. Nous nous sommes engagés vis-à-vis de la Commission à aller vers l’uniformisation des prix, de façon à nous arrêter à l’injonction et à ne pas avoir à payer des astreintes et des amendes.
Vous comprendrez, et ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit d’un territoire présentant des qualités exceptionnelles, qu’il est nécessaire d’étaler un tel mouvement dans le temps. Nous y réfléchissons. Je suis… non pas menacé, rassurez-vous si vous étiez inquiets, mais destinataire de nombreux courriers de parlementaires corses m’expliquant que ce changement est insupportable, qu’il ne peut être accepté, et décrivant ce que je dois être en train d’envisager et ce à quoi ils s’opposeront.
Bref, nous sommes dans une phase de rapprochement. Un pas a été fait, et d’autres le seront, j’en prends l’engagement. Vous dire leur ampleur et leur rythme est un peu prématuré puisque, face aux demandes des nombreux parlementaires corses défendant leur territoire, ou, en tout cas, cet aspect de leur spécificité, je me suis engagé à avoir avec eux un dialogue pour envisager dans quels délais et à quel rythme nous pourrons uniformiser les prix.
C’est un sujet qui est connu, non seulement en France mais aussi au niveau de l’Union. Nous rapprochons les prix mais, quand il y a de très gros décalages, il faut un peu de lissage. Je vous suggère donc, madame Delaunay, de retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement n’y serait pas favorable.
Devant les engagements de M. le secrétaire d’État et pour montrer que je comprends les arguments présentés, je retire cet amendement.
L’amendement no 836 est retiré.
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement no 661 rectifié .
Quand les Français s’adressent à nous, ils nous expliquent que l’État ne veut pas toucher au tabac parce qu’il gagne trop d’argent dessus. Moi, je fais confiance à M. le secrétaire d’État, et je crois aussi les chiffres : nous ne gagnons pas d’argent sur le tabac. Les taxes sur le tabac ont rapporté 11,2 milliards en 2013 alors que son coût sanitaire et social est de 47,7 milliards, soit trois points de PIB, et trois fois le déficit de la Sécurité sociale.
Il existe une étude de 2003, réajustée en 2006 à la demande de l’Institut national du cancer, mais qui conserve des imprécisions. Surtout, elle doit être actualisée. J’ai déposé un amendement en ce sens, mais on m’a répondu que c’était un cavalier. En tout cas, il est impératif que cette actualisation soit faite. Les deux auteurs, indépendants, qui viennent du milieu académique, ont d’ailleurs le projet d’y procéder en 2015. C’est positif.
Comme je le soulignais, 47,7 milliards d’euros, c’est trois fois le déficit de la Sécurité sociale. Surtout, cela prive la Sécurité sociale, qui est véritablement notre colonne vertébrale, de toute marge de manoeuvre. J’entendais tout à l’heure parler d’un 1 milliard d’euros ici ou là… En l’espèce, on parle de 47 milliards ! Je préfère que l’on dépense de l’argent pour des greffes de moelle, des PET-scans, des molécules innovantes et ciblées contre le cancer plutôt que d’assumer ce coût faramineux. Nous devrions tenir compte de ce montant, toujours en augmentation, pour fixer le prix du tabac.
Je vous prie de conclure, madame Delaunay. Vous avez dépassé votre temps de parole.
Madame la présidente, je me suis tue pendant la totalité des débats pour avoir de la marge pour parler de cet enjeu majeur. D’ailleurs, M. Accoyer a largement abusé de notre auditoire.
Madame Delaunay, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole sur votre premier amendement parce que nous abordions un nouveau sujet, sur lequel, d’ailleurs, tout le monde voulait s’exprimer…
Ce n’est pas vous qui décidez du temps de parole. Il est de deux minutes normalement par amendement. La présidence peut faire preuve de tolérance, mais l’hémicycle n’est pas en autogestion.
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
Madame Delaunay, vous avez tout à fait raison de vouloir évaluer le coût sanitaire du tabagisme. Je pense que c’est un amendement d’appel que vous proposez, pour attirer l’attention de l’opinion publique et des professionnels qui luttent contre le tabagisme. En effet, le doublement des droits de consommation que vous envisagez, pour avoir 11 milliards d’euros de plus, aboutirait sans doute à un résultat inverse avec la multiplication des importations de pays frontaliers. Je connais bien ce problème à Toulouse.
Votre exposé sommaire propose une issue par le haut : faire en sorte que la réactualisation de l’étude Kopp-Fenoglio de 2006, qui avait été commandée par l’Institut national du cancer, ait le plus d’écho possible chez les acteurs de la santé et puisse nourrir le titre Ier, sur la prévention, du projet de loi sur la stratégie nationale de santé dont nous allons commencer la discussion dès 2015.
La commission a donné un avis défavorable à cet amendement, tout en étant convaincue de la justesse du combat contre le tabagisme que mène notamment Mme Delaunay.
J’entends tous les arguments, qui sont évidemment pertinents. Si cet amendement était adopté, le prix d’un paquet de cigarettes passerait à 45 ou 50 euros.
Non, madame Delaunay, ou alors mes services se trompent totalement, ce qui peut arriver, mais pas souvent.
On arrive à des prix sans rapport avec la réalité. Il vaudrait mieux alors envisager une interdiction.
Certains l’évoquent, je ne veux pas lancer ce débat mais il peut avoir lieu. En tout cas, ce niveau de prix est en total décalage avec la situation actuelle. Si cet amendement était adopté, nous serions allés beaucoup trop vite et beaucoup trop loin, même si je reconnais la pertinence des propositions de Mme Delaunay. J’y suis donc défavorable.
Je considère moi aussi que 45 euros pour un paquet de cigarettes, ce n’est pas raisonnable, madame Delaunay. D’ailleurs, nos calculs aboutissaient plutôt à 40 euros : cette mesure a si peu de sens que nous en perdons notre arithmétique !
M. le secrétaire d’État nous a dit tout à l’heure que nous étions déjà le pays d’Europe continentale où les cigarettes coûtaient le plus cher. Dans un monde où les marchandises circulent quasi librement, ou illégalement d’ailleurs, parce que beaucoup de jeunes et d’autres s’approvisionnent sur le marché parallèle, passer à 40 euros n’est pas raisonnable.
Par ailleurs, votre exposé sommaire est tout de même assez particulier. Au lieu d’y parler de santé publique, vous parlez d’argent en expliquant que l’on pourrait combler le trou de la Sécurité sociale en augmentant le prix de la cigarette. Sur un plan mathématique, c’est totalement faux, évidemment, mais en outre, c’est assez scandaleux.
Vous dites aussi que les Français sont nombreux à croire que les fumeurs rapportent plus qu’ils ne coûtent à l’État. De toute façon, ce n’est pas le sujet. On ne va pas combler le trou de la Sécurité sociale avec l’augmentation du prix des cigarettes. C’est dérisoire. Ce serait de la prohibition, c’est intellectuellement inacceptable. Il faut que vous retiriez cet amendement.
Je salue l’engagement de Mme Delaunay contre la consommation de tabac et ses ravages sur la population française.
Cet amendement, et je rejoins totalement M. Bapt, a le mérite d’engager la discussion sur une idée que l’on entend souvent, à savoir que les taxes sur le tabac seraient finalement pour l’État une source de recettes, ce qui, bien entendu, est faux.
Plus globalement, il serait intéressant d’étendre la réflexion sur le coût humain et le coût social de l’ensemble des pratiques de consommation présentant un risque de mortalité précoce en France. Pourquoi, en effet, se limiter au tabac ?
Certes, il y a en France 73 000 morts par an imputables à la consommation de tabac, mais il y en a 49 000 pour l’alcool. Le coût social du tabac est de 40 milliards, il est supérieur à 20 milliards pour l’alcool. Un Français sur dix, 5 millions de Français, consomment de l’alcool de façon excessive. C’est la deuxième cause de mortalité évitable en France et en Europe.
Ce n’est pas parce que l’alcool fait davantage partie de pratiques que je qualifierais de culturelles,…
Sourires.
…en France, qu’il faut fermer les yeux sur les ravages causés par une consommation excessive.
Vous souriez, mais quand je me souviens des débats que nous avons eus il y a quelques années autour de la taxe sur la bière et de l’émoi que cela avait suscité, je me dis que nous sommes très loin de traiter de la même façon le tabac et l’alcool. Abordons ces sujets de front, mettons les choses sur la table ! L’examen de la loi santé au Parlement au début de l’année 2015 nous permettra de revenir sur l’ensemble des problématiques liées à ces pratiques à risque en France. Soyez avec nous pour débattre de l’alcool et du tabac. Parlons de la prévention en direction des populations les plus fragiles, notamment des jeunes, et établissons ensemble un plan de lutte pour que les pratiques à risque ne prennent pas le pas sur les pratiques « festives ». Nous aurons l’occasion d’en reparler dans quelques mois, de même que de l’impact de la pollution.
J’ai été assez sensible à l’exposé de Mme Delaunay, y compris en commission des affaires sociales, et à son idée que le prix des cigarettes et des autres produits du tabac soit désormais fixé de manière à compenser leur coût sanitaire et social, minoré des recettes liées au tabac. Ce coût global est de 47,7 milliards d’euros, soit trois fois le déficit de la Sécurité sociale. En revanche, comme mes collègues le disent avec raison, cela multiplierait par trois, au bas mot, le prix du paquet. Cela serait très délicat pour les fabricants et pour les buralistes, dont on ne peut ignorer les inquiétudes.
J’ai été ravie d’entendre M. le secrétaire d’État chargé du budget dire que cette question pourrait être abordée au niveau européen. Avec Bérengère Poletti, nous souhaitions déposer un amendement à ce sujet. Je ne l’ai pas vu dans la liasse : je ne sais s’il était irrecevable ou déposé hors délais. Nous demandions qu’un travail soit mené au niveau européen pour essayer d’harmoniser le prix du tabac. Par ailleurs, si la majorité acceptait parfois certains des amendements que nous gageons sur une augmentation du prix du tabac ou de l’alcool, nous progresserions peut-être un peu !
Le débat est intéressant, car nous tentons d’apporter des réponses cohérentes à une question très délicate. Il y a quelques mois, nous avons pu corriger un défaut concernant le tabac à rouler qui, bizarrement, était très peu taxé, si bien que les jeunes étaient incités à acheter cette forme de tabac. Nous venons également de corriger une anomalie s’agissant de la taxe sur les cigares et les cigarillos, qui était plus de deux fois inférieure à la taxe sur la cigarette, puisqu’elle était comprise entre 35 et 40 %. Or, que je sache, les fumeurs de cigares ont les moyens de payer des taxes comparables à celles des fumeurs de cigarettes. Nous avons donc corrigé des disparités. Par ailleurs, le ministre nous a fait savoir qu’il s’engageait à supprimer progressivement les disparités régionales, y compris pour la Corse, ce dont je m’en félicite.
Il reste une disparité entre le coût induit par le tabagisme et l’apport pour y faire face. Il est clair qu’il sera difficile de combler cet écart rapidement, mais nous pouvons imaginer évoluer progressivement vers un écart moindre et, surtout, saisir cette occasion tout à fait importante pour redire au pays entier que, actuellement, l’apport des taxes ne correspond même pas au tiers des frais sanitaires et sociaux induits par le tabagisme.
Puisque Jean-Louis Touraine vient de s’exprimer, je tiens à rappeler que deux rapports relatifs au tabagisme ont été adoptés à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Comme cela est écrit dans le premier rapport, les recettes liées au tabac sont de 15 milliards d’euros, quand son coût social et sanitaire est de 45 milliards environ. Or lorsqu’on aborde la question de l’augmentation du tabac, nos concitoyens pensent que c’est parce que le Gouvernement veut augmenter ses recettes, alors qu’indirectement le tabagisme coûte cher à la nation. Il faut que cette question soit traitée dans la future loi de santé publique. Il ne suffit pas de demander à des députés de rédiger des rapports, encore faut-il que leurs propositions soient reprises !
M. le secrétaire d’État a parfaitement raison de dire qu’une augmentation extrêmement rapide, qui ne serait pas incluse dans un plan global – c’est d’ailleurs pour cela qu’il faut mener une réflexion globale, même si l’on en connaît les conclusions – aurait pour effet immédiat une augmentation des achats transfrontaliers, de la contrebande et des ventes par internet, ainsi que nous l’indiquons dans notre rapport. Par ailleurs, il faut profiter de la loi prochaine sur la santé publique, comme Olivier Véran vient de le dire, pour attaquer certes le problème du tabagisme, mais également le problème plus général des polytoxicomanies, qui est le nouveau problème de notre pays.
Monsieur le ministre, je ne suis pas agrégée de mathématiques, et je le regrette car c’est une fort belle science, mais doubler des taxes de 80 % sur un paquet de sept euros, en faisant en sorte, grâce aux concepts du coût normal, du coût spécifique et du coût proportionnel, de ne pas augmenter les bénéfices des fabricants, c’est possible. Et doubler une taxe de 80 % sur un montant de sept euros, cela ne fait pas 45 euros ! Si vos collaborateurs vous l’ont dit, incitez-les à faire autre chose !
Rires.
Aboutir à 45 euros, c’est la multiplication des pains.
Le doublement des taxes que je propose amènerait à un prix de onze euros cinquante, ce qui permettrait de franchir le seuil psychologique, très important, des dix euros. Quant à la politique européenne, bien sûr qu’il faut la soutenir. Je lis beaucoup la presse étrangère et j’ai des contacts médicaux en Europe : tous les pays aujourd’hui se rendent compte qu’ils sont accablés par le coût sanitaire et social du tabac. Le premier pays européen qui prendra une mesure significative sera suivi, et j’aimerais que ce soit la France !
Le groupe UDI est assez sensible à cet amendement. Affirmer qu’à partir du moment où quelqu’un qui pèse sur le coût de la Sécurité sociale, parce qu’il a un comportement à risque, participe plus, cela me paraît un principe intéressant.
Ce qui m’embête dans cet amendement, c’est que c’est un amendement de principe. Or, la loi est remplie d’amendements de principe qui souvent ne sont pas appliqués. J’ai donc peur que, même si cet amendement était adopté, il n’ait pas de conséquences concrètes. Deuxièmement, le fait d’augmenter le prix du tabac va nécessairement jouer sur la consommation, ce qui modifiera le rendement des taxes, qui ne couvrira de toute façon pas le coût sanitaire puisque celui-ci restera constant. L’impact sur le marché noir est également difficile à évaluer. Je suis député du Nord et je peux vous dire qu’aujourd’hui, il n’y a plus un buraliste : tout le monde va acheter son tabac en Belgique. Il faut donc travailler sur le sujet au niveau européen.
Nous ne voterons pas cet amendement, auquel nous sommes pourtant favorables.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Le grand écart centriste ! Peut-être. L’idée d’une taxe comportementale sur le tabac mérite de faire son chemin, mais cela serait également intéressant pour d’autres produits « toxiques ». On ne peut pas mutualiser le financement des risques de quelques-uns.
Depuis tout à l’heure, on a plus ou moins reproché à Mme Delaunay de mettre en avant des aspects économiques pour un problème de santé publique. Tout le monde y va de son couplet sur les économies possibles ou impossibles et sur le prix de vente du paquet de cigarettes. Même si, à mon avis, cet amendement ne résistera sans doute pas à l’examen complet du texte, j’encourage tout le monde à le voter, sans quoi tout ceci restera un voeu pieux. Nous n’en reparlerons pas dans d’autres cadres, malgré ce que l’on nous dit. C’est maintenant qu’il faut voter cet amendement.
En réalité, Mme Delaunay ne voit qu’une chose : rendre le prix du paquet de tabac « dissuasif ». Sa proposition le porterait à un niveau complètement déraisonnable, qui encouragerait le trafic qui existe déjà, notamment aux zones frontalières – j’en connais quelque chose, puisqu’il existe un trafic considérable avec la Suisse. Ensuite, elle contribuerait à développer les contrefaçons, dont on connaît les effets particulièrement dangereux pour la santé publique, et les ventes sur internet, parce qu’il n’y a pas de murs autour de notre pays. Enfin, avec de tels prix, il vaudrait mieux fumer du cannabis !
Vous rendez-vous bien compte que vous êtes en pleine dérive ? Le problème de la France, c’est l’éducation sanitaire et la prévention.
Vous, vous ne raisonnez que par le prix, les taxes et la punition financière. Une vision aussi étroite est bien étonnante de votre part. Ce qu’il faut, c’est conduire une grande politique de prévention contre toutes les addictions, et en particulier contre les drogues, notamment le cannabis, qui fait des ravages. Il entraîne les complications généralement attribuées au tabac, mais qui s’étendent au cerveau et au système nerveux.
Il vaudrait mieux remettre ce débat à la loi de santé publique d’ores et déjà annoncée, plutôt que de perdre notre temps. Et pendant ce temps-là, les familles sont en train de voir fondre leurs allocations familiales !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
L’Assemblée nationale est souveraine, elle débat le temps qu’elle souhaite sur les sujets qu’elle souhaite au moment où elle le souhaite. Je pense malgré tout que nous avons passé beaucoup de temps sur ces amendements. Toutefois, madame Delaunay, je voudrais faire acte de contrition : mes services ont effectivement commis une erreur de calcul.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous savez, quand j’ai avoué que j’avais tardé à prendre connaissance de la C3S, j’ai entendu les pires insultes !
« Mais non ! » sur les bancs du groupe UMP.
Vous proposez de calculer l’ensemble des taxes de façon à ce qu’elles couvrent la différence entre ce qui est perçu actuellement et le coût sanitaire et social du tabac
Votre amendement n’est pas rédigé comme ça. Mes services me font savoir que que cela correspond à un triplement du prix du paquet de cigarettes, soit un prix de 20 ou 22 euros, et non pas 45 comme je l’annonçais tout à l’heure. Quoi qu’il en soit, c’est toujours nettement plus que votre propre résultat.
La séance, suspendue à midi quarante-cinq, est reprise à midi cinquante-cinq.
La séance est reprise.
Madame Boyer, vous demandez la parole, est-ce pour un rappel au règlement ?
L’amendement no 661 rectifié a donné lieu à un large débat avant la suspension, nous allons passer au vote. Mais auparavant je donne la parole à Mme Martine Pinville.
Madame la présidente, je vous remercie de me donner la possibilité de faire le point. S’agissant de cet amendement, je tiens à dire à Michèle Delaunay…
…que si elle n’accepte pas de le retirer, la position majoritaire du groupe SRC sera défavorable parce qu’il y a déjà un plan tabac, parce que la loi de santé va permettre d’atteindre…
Madame Pinville, la discussion est close. Nous avons suspendu la séance juste avant le vote. Il n’est pas dans l’intention de la présidence de relancer un débat qui a été amplement développé.
L’amendement no 661 rectifié n’est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly