La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Je voudrais adresser, au nom d’un très grand nombre d’entre vous, nos amitiés à Véronique Massonneau. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
À ce propos, je vous informe que la Conférence des présidents est convoquée à seize heures quinze, pour tirer toutes les leçons des événements qui se sont déroulés hier soir.
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, la situation en République Centrafricaine est préoccupante. J’ai déjà évoqué cette situation en commission, mais aujourd’hui ce sont les responsables de l’ONU qui s’alarment et demandent de « prendre d’urgence des mesures pour protéger les populations contre les risques d’atrocités. »
Cet appel vient comme une réponse au « cri d’alerte » que notre pays a émis le 24 septembre devant l’Assemblée générale de l’ONU par la voix du Président de la République, mais aussi comme un terrible signe d’impuissance. En effet, cette demande est officiellement adressée au Gouvernement d’un pays où l’État n’existe plus, l’ONU annonçant, dans le même temps, la délivrance d’un mandat d’expert indépendant pour y examiner la situation des droits de l’homme ; cet expert serait nommé en mars 2014.
Devant les exactions et les atteintes au droit des gens, dont je recueille des récits quasi quotidiennement, nous devons faire autre chose que commenter, surtout lorsqu’on constate qu’émerge une nouvelle zone de non-droit et que pourrait ainsi se former un arc de cercle composé des Shebab, d’AQMI et de Boko Haram, allant de l’Océan indien à l’Atlantique.
Monsieur le ministre, je sais que la France a pris l’initiative de déposer devant le Conseil de sécurité une proposition de résolution qui sera soumise au vote demain.
Quelle analyse le Gouvernement fait-il de cette situation et quel rôle la France peut-elle jouer, avec la société civile centrafricaine et la diplomatie parlementaire, pour rechercher une sortie à une crise dont les conséquences dépassent largement les frontières de ce pays ?
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur le député, il est vrai qu’il y a de cela quelques jours, le Président de la République, dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, a lancé un cri d’alarme au sujet de la Centrafrique.
Ce petit pays cumule toutes les difficultés et tous les malheurs. Se pose tout d’abord un problème sécuritaire de grande ampleur puisque, sur 5 millions d’habitants, 400 000 personnes ont déjà été déplacées, et que sont commis des exactions, des viols, des meurtres. Se pose également un problème de transition politique, puisque le Président de la République, M. Michel Djotodia, et son Premier ministre ne sont en place qu’à titre provisoire, avant les élections. Se pose enfin un problème humanitaire de première grandeur : songez, mesdames et messieurs les députés, que ce pays de 5 millions d’habitants compte en tout et pour tout sept chirurgiens.
La communauté internationale, l’Union africaine, les voisins de la Centrafrique et la France doivent donc se mobiliser pour stabiliser la situation. Demain, aux Nations unies, sera votée la première résolution sur proposition de la France ; elle permettra d’avancer.
Une deuxième résolution sera votée avant le mois de décembre, qui permettra de mobiliser davantage de forces autour de la MISCA – Mission internationale de soutien à la Centrafrique –, avec l’appui des Français. D’autres dispositions seront prises. Dans les mois à venir, je vous reparlerai souvent de la situation de la République Centrafricaine, où je me rendrai dimanche pour apporter mon soutien à la population française qui y réside. J’ai demandé à la commissaire européenne compétente de m’accompagner. La France est décidée à ne pas laisser tomber la République Centrafricaine.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, si le tour de vis fiscal a bien été engagé sous le précédent quinquennat, en l’état actuel des choses, vos choix budgétaires ne permettent pas de répondre à l’angoisse de millions de contribuables. Figurent parmi eux beaucoup de retraités imposables pour la première fois
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
on leur réclame cette année plusieurs centaines d’euros, auxquels s’ajouteront les taxes dont ils étaient jusqu’ici exonérés, et l’augmentation de la TVA au 1er janvier. Cette situation est d’autant plus inacceptable que l’évasion fiscale se chiffre par dizaines de milliards d’euros.
Elle devrait amener le Gouvernement à décider immédiatement d’un moratoire et à revenir à la situation antérieure pour les personnes touchées.
Mais la justice sociale et l’efficacité économique appellent aussi et surtout une grande réforme de la fiscalité, pour, à la fois, tenir réellement compte des capacités contributives de chacun, augmenter le nombre de tranches d’impôt, diminuer les prélèvements sur le travail et augmenter l’imposition du capital, moduler l’imposition des sociétés en fonction de la création d’emplois et des salaires, refonder la fiscalité locale, diminuer les impôts indirects sur les produits de première nécessite. Bref, une réforme qui rompe avec la spirale de l’austérité pour encourager la relance par le pouvoir d’achat et favoriser l’emploi.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement est-il prêt à mettre en chantier la véritable réforme fiscale dont le pays a tant besoin ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Je veux, monsieur le député Dolez, apporter une réponse précise à la question que vous posez. D’abord, vous vous inquiétez, comme d’autres parlementaires, de la situation de contribuables, notamment de contribuables âgés, qui sont désormais soumis à l’impôt sur le revenu alors qu’ils ne l’étaient plus depuis longtemps ou qu’ils n’avaient pas vocation à l’être. Si cette situation existe, monsieur le député, vous le savez bien et vous auriez pu le préciser en posant votre question, c’est parce qu’il a été décidé en 2011
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
de mettre fin à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu et que la précédente majorité avait également décidé de mettre fin à la demi-part des veuves.
Cela conduit aujourd’hui des milliers de personnes âgées à l’imposition.
Nous sommes déterminés à corriger cela. Comment ? D’abord, nous avons pris l’an dernier une mesure de décote que nous compléterons cette année par une mesure de réindexation de l’ensemble du barème de l’impôt sur le revenu. Nous accompagnons cela d’une nouvelle décote, et nous allons prendre des mesures, en liaison avec les groupes de la majorité, pour relever ce que l’on appelle le revenu fiscal de référence. Cela permettra à toutes ces personnes âgées, qui ont été victimes de vos injustices, mesdames et messieurs les députés de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), qui, de ce fait, paient la CSG, qui paient la taxe d’habitation, qui paient la redevance audiovisuelle, de sortir du barème ou de ne pas avoir à y entrer.
Deuxième point, nous sommes déterminés à lutter contre la fraude fiscale.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.
Votre groupe a d’ailleurs contribué, grâce à l’excellent travail fait par le sénateur Bocquet, à amender notre texte. Nous sommes déterminés à lutter contre la fraude fiscale.
Cela nous conduira à récupérer, en 2014, près de deux milliards d’euros sur ceux qui ne paient pas l’impôt.
Enfin, si nous ne sommes pas favorables au grand soir fiscal, nous sommes favorables à la réforme fiscale. Il y a des mesures dans ce budget, il y en aura dans d’autres, pour faire en sorte que l’impôt soit plus juste.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, les chiffres de la délinquance sont mauvais. Le nombre d’expulsions de clandestins s’effondre. Le sentiment d’insécurité est de plus en plus fort chez nos administrés ; il n’a d’ailleurs jamais été aussi fort.
Il ne se passe pas une semaine, voire un jour, sans que les médias, les télévisions montrent des actes d’une extrême violence ou de grand banditisme.
Aujourd’hui, les cambriolages en ville…
Mmes les députées des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP entrent dans l’hémicycle. – Applaudissements prolongés de MM. les députés des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP, MM. les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent. – Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Si vous voulez bien vous asseoir, maintenant, chers collègues… (MM. les députés des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP continuent d’applaudir. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI, dont de nombreux députés quittent l’hémicycle.)
Mes chers collègues, le chronomètre est arrêté, et M. Costes aura tout son temps pour poser sa question. Veuillez regagner vos places.
Nouvelles exclamations.
Je ne suis pas sûr que ce soit un bon dossier que vous défendez là, je vous le dis.
Huées sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Veuillez vous asseoir, maintenant, s’il vous plaît.
Bien entendu, monsieur Costes, j’ai arrêté le chronomètre. Vous avez la parole…
Souhaitez-vous poser votre question ?… Vous avez deux secondes pour vous décider.
Merci, monsieur le président, je reprends.
Il ne se passe pas une semaine, disais-je, sans que les médias, les télévisions rendent compte d’actes d’une extrême violence, voire d’actes de grand banditisme. Aujourd’hui, les cambriolages, que ce soit en zone rurale ou en zone urbaine, sont devenus un des fléaux de notre société.
Enfin, les signes envoyés par le Gouvernement aux délinquants eux-mêmes sont extrêmement négatifs, et je ne parle pas de la réforme pénale, qui, visiblement, est passée ce matin en conseil des ministres.
Un ministre de l’intérieur, monsieur Valls, ça ne court pas les plateaux de télévision pour faire de la communication, ça agit. Ce sont vos échecs à répétition qui font aujourd’hui le lit du Front national. Arrêtez, monsieur Valls, de jouer les pompiers pyromanes !
Alors ma question est simple, monsieur Valls : quand allez-vous passer de la gesticulation médiatique à l’action concrète pour résoudre les problèmes des Français et cette insécurité qui gangrène notre société ? Quand allez-vous enfin vous attaquer réellement aux voyous et aux délinquants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous remercie, monsieur le député, pour le sens de la nuance, comme dirait mon collègue Laurent Fabius, dont vos propos étaient empreints. Sur ces questions de sécurité, je ne cesse de le rappeler, il faut raison garder.
Je pourrais rappeler que l’explosion des cambriolages constatée depuis quatre ou cinq ans est imputable au gouvernement précédent.
Je pourrais parfaitement rappeler que les violences sur les personnes ne cessent d’augmenter depuis trente ans.
Face à ces problèmes, qui sont une réalité, l’augmentation des violences contre les personnes, notamment les femmes, l’augmentation et l’explosion du nombre de cambriolages, plutôt de s’invectiver et d’être dans la caricature comme vous l’étiez à l’instant, il faut agir.
J’étais hier en Lorraine, pour annoncer la mise en place d’une zone de sécurité prioritaire à Forbach. J’étais hier après-midi à Fameck, pour constater que la zone de sécurité prioritaire mise en place en zone gendarmerie donne des résultats tout à fait probants. Alors, monsieur le député, la seule chose que je vous demande, c’est de faire comme font tous les maires, de droite ou de gauche, qui agissent sur le terrain, en matière de prévention et de sécurité, avec la police municipale et la vidéoprotection, mais aussi en mettant l’accent sur la prévention. Nous travaillons ensemble. Dans les zones de sécurité prioritaire, c’est précisément un travail de grande qualité entre les préfets et les procureurs, entre les magistrats, la police et la gendarmerie, qui donne des résultats, et c’est comme ça que nous ferons reculer la délinquance, comme nous le faisons dans les zones de sécurité prioritaire. Je vous invite à rejoindre ce combat, cela vaut mieux que vos propos, et c’est sur le terrain que nous réussirons à faire reculer cette délinquance.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre du budget.
Nos séances de questions au Gouvernement sont souvent empreintes d’une certaine confusion. Je ne parle pas de l’événement qui vient de se passer ici, mais plutôt des thèses très contradictoires que nous avons l’habitude d’entendre, défendues souvent par les mêmes personnes.
Il n’est pas rare, en effet, de voir un certain nombre de nos collègues de l’opposition vous interpeller, monsieur le ministre, en déplorant que vous n’alliez pas assez vite et assez loin dans la baisse des dépenses publiques. Mais d’autres collègues du groupe UMP interviennent par ailleurs : l’un demande que l’on ne ferme pas telle caserne, l’autre que l’on augmente le budget que l’État consacre aux collectivités territoriales, d’autres encore défendent les privilèges fiscaux d’un certain nombre de professions. D’une certaine manière, on pourrait dire que nos collègues de l’opposition sont contre la dépense d’une façon générale, mais en faveur de dépenses particulières à chaque fois qu’un problème se pose !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Au-delà de cette confusion, il faut souligner l’effort de cohérence et de transparence de l’UMP, que l’on doit notamment au président de ce parti, M. Copé. Il nous a récemment présenté le contre-budget de l’UMP. Même si, à l’évidence, ce document n’a pas vocation à être diffusé très largement, il y a là un certain nombre de propositions et de commentaires. Je souhaite vous interroger sur quelques-uns d’entre eux, monsieur le ministre.
Messieurs les députés du groupe UMP, vous nous reprochez le relèvement de 25% de l’allocation de rentrée scolaire.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous nous reprochez également l’augmentation de 25 % sur cinq ans de l’allocation de soutien familial. Vous vous êtes prononcés contre le complément familial, et contre l’augmentation des bourses pour les étudiants.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.
C’est fini ! Votre temps de parole est épuisé !
Bref : vous vous opposez à une vingtaine de mesures que je pourrais détailler.
Merci, monsieur Le Guen : voilà une question que j’aurais beaucoup aimé poser si je n’avais eu à y répondre !
Vous avez raison : le contre-budget de l’UMP n’est pas un budget contre le Gouvernement, c’est un budget contre les Français ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
D’abord, c’est un budget contre les travailleurs modestes, puisqu’il propose de remettre en cause la revalorisation du RSA activité à laquelle nous avons procédé. C’est un budget qui propose la suppression de la PPE, que nous maintenons. C’est un budget qui s’attaque à un certain nombre d’acquis sociaux fondamentaux : c’est un véritable contre-budget de récession !
Deuxièmement, ce contre-budget s’attaque aux plus vulnérables, en remettant en cause les dispositions que nous prenons sur le droit d’asile et sur l’aide médicale d’État.
C’est vous qui avez attaqué les plus vulnérable, en supprimant la défiscalisation des heures supplémentaires !
C’est vous qui avez attaqué les plus vulnérable, en supprimant la défiscalisation des heures supplémentaires !
C’est un budget qui préconise le gel des subventions à toutes les associations, celles qui, dans la crise, interviennent pour la solidarité, au profit des plus démunis : je pense au Secours populaire, au Secours catholique, aux Restaurants du coeur.
Ce contre-budget s’attaque à tout ce que nous essayons de faire pour corriger les injustices à l’origine desquelles vous vous trouvez. Je les ai évoquées tout à l’heure, en répondant à Marc Dolez. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Quant à la dépense publique, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, laissez-moi simplement vous rappeler que les dépenses publiques ont augmenté de 170 milliards d’euros lorsque vous exerciez les responsabilités de l’État !
Mêmes mouvements.
Vous disiez que la révision générale des politiques publiques était la forme chimiquement pure de la maîtrise des dépenses publiques, et vous prétendiez qu’elle permettrait d’économiser 10 milliards d’euros entre 2010 et 2013. Le budget que nous présentons à la représentation nationale permettra, lui, d’économiser 15 milliards d’euros en un an.
Le redressement et la justice, ce sont nos objectifs. Les déficits et les injustices, c’était votre politique !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Avant de poser ma question à M. le ministre des affaires étrangères, je voudrais exprimer, au nom du groupe écologiste, notre indignation après les attaques sexistes dont a été victime Véronique Massonneau. Nous lui apportons notre soutien, total et entier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Nous constatons que le départ de nos collègues du groupe UMP ressemble à une fuite, à un aveu : ce n’est pas digne de la représentation nationale !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, vous nous avez annoncé une réunion de la Conférence des présidents : nous espérons qu’elle saura imposer les sanctions nécessaires.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question concerne les trente militants de Greenpeace qui sont aujourd’hui détenus dans les prisons du grand Nord de la Russie, dans des conditions qui ne sont pas dignes d’un État de droit. Ces militants ont été arrêtés dans des conditions qui ressemblent à une guerre menée contre les écologistes, tout simplement parce qu’ils veulent alerter le monde, l’opinion internationale, quant aux dangers de l’exploitation des hydrocarbures et du gaz dans l’Arctique, qui est une des dernières réserves de biodiversité dans le monde.
Une telle exploitation est également l’expression de l’avidité d’un monde qui, pourtant, s’est engagé à diviser par quatre son niveau de production de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Elle porte en outre atteinte au mode de vie, à la culture des peuples du grand Nord, notamment les Inuits.
Cet événement intervient après la publication du dernier rapport du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui nous alerte quant aux dangers du réchauffement climatique dû aux gaz à effet de serre. Il intervient aussi dans un contexte marqué par le recul des libertés en Russie. À l’heure actuelle, la justice y est considérée comme une arme politique au service d’un régime militaro-sécuritaire qui l’emploie contre les démocrates, les écologistes, et les femmes – je pense aux Pussy Riot.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, que compte faire la France pour s’associer aux Pays-Bas et à leur intervention auprès du tribunal international du droit de la mer ? À quelques mois des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, que peut-on faire pour sauver ces gens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Monsieur le député, en effet, trente membres de l’équipage d’un navire de Greenpeace, dont un Français, M. Pisanu, ont été inculpés d’actes de piraterie et placés en détention provisoire à la suite de l’arraisonnement de leur bateau, le 24 septembre.
Nous sommes bien sûrs préoccupés par cette situation, et tout particulièrement de celle de notre compatriote. Comme tout Français à l’étranger, il bénéficie de la protection consulaire. Nous avons veillé à ce que deux agents du consulat se rendent dès le 25 septembre auprès de lui et je me suis assuré que notre consul général puisse lui rendre à nouveau visite sur son lieu de détention, hier. Nos services sont également en contact avec les responsables de Greenpeace, que je recevrai personnellement.
Deuxièmement, vous avez mentionné la procédure juridique engagée par les Pays-Bas. Il s’agit d’un navire battant pavillon néerlandais. C’est à ce titre que les Pays-Bas ont déposé une demande d’arbitrage, qui concerne seulement la levée de l’immobilisation du navire. Nous sommes en contact, bien sûr, avec eux.
Troisièmement, il est nécessaire d’avoir un contact avec les autorités russes. C’est le sens de votre question. On m’a indiqué – mais je ne l’ai pas vérifié – que le président russe aurait dit que la qualification de piraterie, retenue à l’encontre des militants, ne lui paraît pas être la bonne. Nous allons vérifier cela. Quoi qu’il en soit, la France surveille avec beaucoup d’attention l’évolution de ce dossier, en contact avec ses partenaires. Nous continuerons à assurer la protection consulaire de notre compatriote. Nous intervenons auprès de la Russie pour qu’une solution rapide soit trouvée dans cette affaire, qu’il s’agisse du militant français ou des autres militants.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Sort des militants de Greenpeace détenus en Russie
La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, je voudrais intervenir sur l’incident qui vient de se passer.
Huées et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Il y a eu cette nuit un incident tout à fait regrettable. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Des quolibets, c’est regrettable. Je vous rappelle simplement que cela n’est pas pire que le bras d’honneur que M. Mamère ou d’autres collègues ont fait dans cet hémicycle.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Ramenons les choses à ce qu’elles sont, monsieur le président ! Que vous vous soyez porté caution de la mascarade qui vient d’avoir lieu dans cet hémicycle et de cette théâtralisation, je trouve que cela n’est pas non plus digne de notre assemblée, monsieur le président !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Quand vous voulez théâtraliser cet événement comme vous avez cherché à le faire à l’instant…
…alors qu’au même moment, les ministres en charge des affaires sociales viennent devant la commission des affaires sociales présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale sans aucun document !
C’est cela qui est scandaleux pour le fonctionnement de notre assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
C’est du mépris de notre assemblée ! Monsieur le président, vous seriez dans votre rôle pour rappeler le Gouvernement aux responsabilités qui sont les siennes !
Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Nous sommes là dans un événement d’une autre nature ! Alors, encore une fois, l’incident de cette nuit est regrettable, je suis d’accord avec vous…
Mêmes mouvements.
Mais quand même ! Ramenons les choses à ce qu’elles sont ! Lorsqu’il y a trois millions de chômeurs dans le pays, est-ce qu’il est normal que vous convoquiez une conférence des présidents extraordinaire, qu’il y ait un conseil des ministres sur ce sujet ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Dans quel monde sommes-nous, monsieur le président ?
Vraiment, je vous demande d’assumer les responsabilités qui sont les vôtres et de ne pas tomber dans l’indignité en cautionnant la mascarade à laquelle nous venons d’assister !
De nombreux députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Monsieur le président Jacob, nous aurons l’occasion de reparler de cela lors de la conférence des présidents. Mais s’il y a des combats qui devraient pouvoir rassembler beaucoup plus largement dans cet hémicycle, l’égalité entre l’homme et la femme en fait partie.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre des outre-mer, si la délinquance des mineurs constitue un sujet de préoccupation nationale, elle revêt dans les outre-mers un caractère inquiétant.
C’est le cas aux Antilles, notamment en Guadeloupe, où le taux de criminalité bat tous les records. La Nouvelle-Calédonie n’est pas épargnée. Dans la seule ville de Nouméa, plus d’un délit sur deux est commis par un mineur dans un contexte impliquant l’alcool et le cannabis. Une partie de notre jeunesse est en rupture avec notre société.
Dès lors, il y a pour l’ensemble des responsables politiques locaux et nationaux une exigence à travailler ensemble, pour apporter les réponses les plus adaptées. Cela est d’autant plus nécessaire que la volonté politique n’a pas toujours été au rendez-vous sur le terrain.
Vous avez accepté d’étendre il a quelques jours, les pouvoirs des polices municipales, afin qu’elles puissent enfin verbaliser l’ivresse publique, mais d’autres pistes doivent être explorées. La fermeté est indispensable et doit s’accompagner d’actions concrètes afin que ces jeunes retrouvent le chemin de la formation et de l’insertion.
Vous réunirez vendredi la classe politique calédonienne pour le comité des signataires : il est donc plus que jamais nécessaire de traiter ce sujet car nous sommes face à une question de société.
Au moment où la Nouvelle-Calédonie doit trouver les clefs de son avenir, nous ne pouvons fermer les yeux sur cette dérive, qui touche au coeur même du pacte républicain.
Alors monsieur le ministre, ma question est simple : La Nouvelle-Calédonie peut-elle compter sur l’appui de l’État ?
Je terminerai, monsieur le président, en assumant d’apporter toute ma solidarité à toutes les femmes de l’Assemblée, qu’elles soient de droite ou de gauche !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, SRC, écologiste, GDR et RRDP ainsi que sur quelques bancs du groupe UMP.
Madame la députée Sonia Lagarde, vous avez raison : la délinquance des mineurs revêt un caractère inquiétant et préoccupant dans les outre-mer.
Le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, reste totalement mobilisé sur cette question et sera très bientôt en voyage officiel aux Antilles – à Saint-Martin, en Guadeloupe et en Martinique – pour traiter ce sujet.
En Nouvelle-Calédonie comme ailleurs, la lutte contre la décadence des mineurs et des jeunes reste une priorité. L’action de l’État s’articule autour de quatre objectifs : il s’agit d’abord de renforcer la présence « dissuasive », si j’ose dire, des forces de sécurité sur le terrain, avec une meilleure coordination entre police et gendarmerie.
Il s’agit ensuite de lutter contre la délinquance des mineurs avec une priorité mise sur la lutte contre le multirécidivisme, contre les réitérants, avec d’ailleurs une réponse ferme dès le premier acte annonciateur de dérive.
Il s’agit encore de poursuivre la lutte contre le trafic de stupéfiant – on sait que c’est particulièrement important dans nos territoires.
Il s’agit enfin de soutenir les efforts du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie en matière de prévention des conduites addictives.
Vous évoquiez l’arsenal de moyens qu’il convient de déployer : ici même, la semaine dernière, le Gouvernement n’a pas hésité à reprendre l’un de vos amendements pour renforcer les moyens et étendre le pouvoir donné aux agents de la police municipale en matière de verbalisation, et de prescription en matière de contravention.
Nous irons plus loin : puisque vous faites la proposition de créer un observatoire de la délinquance, avec une meilleure coproduction de la sécurité par la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement y souscrira et soutiendra cette initiative.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Laurent Marcangeli pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
« Moi, Président de la République, j’essaierai d’avoir de la hauteur de vue pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps je ne m’occuperai pas de tout… », disait le candidat socialiste à l’occasion du débat télévisé de l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2012. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, vendredi dernier, l’ex-candidat devenu Président se trouvait en Corse pour célébrer le soixante-dixième anniversaire de la libération de la Corse. Cet événement lui donnait pleinement l’occasion d’être en phase avec ses engagements, mais, une fois de plus, force est de constater que nous sommes bien loin du compte ! À Ajaccio, celui qui devrait être le Président de tous les Français a profité d’une célébration historique censée rassembler par-delà les clivages partisans pour se comporter comme l’agent électoral d’une municipalité sortante en manque de confiance.
« Très bien ! » et applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.
Soutien partial, promesse d’aide de l’État dans des dossiers déjà anciens et attitude partisane étaient au menu du voyage présidentiel. La presse régionale ne s’y est d’ailleurs pas trompée puisqu’elle titrait, le lendemain : « Coup de pouce présidentiel à la majorité municipale ajaccienne ». Quelle atteinte portée à la fonction présidentielle, quel manque de hauteur de vue alors qu’on célébrait la libération du premier département !
Monsieur le Premier ministre, il est peut-être temps d’informer le Président de la République qui n’est plus le premier secrétaire du Parti socialiste !
« Voilà ! Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Il est peut-être temps de lui dire que notre pays gronde et qu’il attend du chef de l’État qu’il soit à la hauteur des enjeux ! Il est peut-être temps de lui rappeler que la voix de la France a été affaiblie sur le terrain diplomatique à l’occasion du débat syrien et qu’il devrait s’occuper de restaurer notre image plutôt que de penser aux municipales à Ajaccio ou ailleurs !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Pouvez-vous, par ailleurs, assurer les Ajacciens que les promesses du Président ne demeureront pas lettre morte suite à l’alternance issue des urnes lors des élections du mois de mars prochain ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Dois-je vous rappeler que votre majorité perd toutes les élections partielles depuis un an et, qu’une fois sur deux, elle n’est même pas qualifiée au second tour ? Comme le dit l’adage, la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit !
« Bravo ! Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, je ne sais pas si vous attendiez une réponse de ma part. Peut-être cherchiez-vous plutôt à faire votre publicité, puisqu’il semble que vous soyez candidat à une élection municipale.
Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP applaudissent M. le Premier ministre. – Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent très vivement M. Marcangeli.
Mon premier réflexe était de ne pas vous répondre. Mais, voyez-vous, vous avez mis en cause le chef de l’État devant la représentation nationale, et je ne l’accepte pas !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Si vous étiez digne de votre fonction, vous auriez salué le geste de rassemblement du Président de la République, qui est venu saluer la libération de la Corse,
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP
premier territoire libéré par les forces alliées et, d’abord, par les forces françaises avec le soutien des Marocains.
Le prince héritier du Maroc était du reste présent. Ce que vous n’avez pas compris, c’est que les Corses, de toute sensibilité politique, se sont rassemblés avec ferveur et fierté parce que la Corse a été le premier territoire de liberté après la Seconde Guerre mondiale.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
C’est ce que vous auriez dû rappeler !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
J’espère que les Corses, lors de l’élection municipale à laquelle vous vous présenterez, n’oublieront pas que vous n’avez pas été digne, ce jour, du mandat qui vous a été confié !
« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, un ancien Premier ministre, déjà candidat à la prochaine présidentielle, aurait récemment déclaré que, lorsque l’on perd une élection, c’est parce que l’on a fait une mauvaise campagne. Il omet d’ajouter que c’est aussi un constat d’échec pour un gouvernement sortant.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
En dépit de cet échec, chaque semaine, l’opposition fait mine d’oublier la situation dans laquelle elle a placé la France, s’offusque qu’on la lui rappelle et s’emploie à caricaturer les mesures mises en oeuvre pour redresser notre pays et restaurer l’autorité de l’État.
Le projet de réforme de la politique pénale que vous avez présenté, ce matin, au conseil des ministres, a également suscité ce comportement quelque peu enfantin. Peu importe que les plus de soixante-dix dispositions pénales votées au cours de la décennie écoulée, dont l’instauration des fameuses peines plancher, aient été inopérantes et n’aient absolument pas freiné l’explosion de la récidive. Pour masquer ce bilan désastreux, certains de nos collègues, dont le sens de la mesure n’a d’égal que le souci de la vérité, n’hésitent pas à utiliser cette bonne vieille recette : « Plus c’est gros, plus ça passe ».
Peu leur importe, par exemple, que le projet revienne sur les dispositions laxistes instaurées par la précédente majorité, selon lesquelles un examen des possibilités d’aménagement de peines alternatives à une incarcération est aujourd’hui obligatoire pour tout condamné à une peine de moins de deux ans ou de moins d’un an lorsqu’il y a récidive. Alors, pour faire oeuvre de justice, c’est-à-dire contribuer à la manifestation de la vérité, pouvez-vous, madame la garde des sceaux, préciser de nouveau à la représentation nationale la philosophie d’un projet dont l’objectif est d’améliorer l’efficacité de notre politique pénale, de mieux lutter contre la récidive, et par là même, de mieux assurer la sécurité des Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le député Pascal Popelin, vous avez raison, l’ancien gouvernement a conduit des politiques pénales incohérentes, fébriles et inefficaces.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Il a ainsi aggravé l’insécurité qui frappe les Français.
Mêmes mouvements.
Il s’est montré incapable de contenir le taux de récidivistes, qui n’a cessé d’augmenter, et il a organisé, par la loi, les retards dans la mise à exécution des peines.
Le Président de la République et le Premier ministre ont énoncé très clairement et précisément les objectifs de la réforme que nous portons, à savoir réduire réellement et efficacement la récidive, afin d’éviter de nouvelles victimes,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI
protéger les victimes, améliorer leurs droits, leur assurer un accompagnement individualisé, travailler à la réinsertion des condamnés…
…et garantir l’efficacité des mesures de contrôle en élargissant les prérogatives de la police et de la gendarmerie.
Toutes les mesures contenues dans ce projet de loi servent ces objectifs. Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’en donne les moyens en augmentant le nombre de postes de juges de l’application des peines et de juges de l’exécution. Comme vous l’avez entendu ce matin, le Premier ministre a annoncé une augmentation considérable des services d’insertion et de probation avec la création d’un millier de postes supplémentaires d’ici à 2015.
Exclamations sur les bancs du groupe UDI.
Notre politique est cohérente. Elle rompt avec l’instrumentalisation des victimes à laquelle se livrait l’ancien gouvernement, qui baissait parallèlement les budgets d’aide aux victimes. Elle rompt avec l’impuissance face aux délinquants…
…et elle permet que les conditions soient remplies pour que la prison, qui est une institution républicaine dont nous augmenterons la capacité de 6 500 places,…
…puisse assurer son double rôle : l’exécution de la sanction et la préparation de la réinsertion.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Luc Moudenc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, vous vous offusquiez à l’instant que nous mettions en cause le Président François Hollande. Auriez-vous oublié qu’en tant que président du groupe socialiste au cours de la législature précédente, vous n’avez cessé de mettre en cause le Président Sarkozy ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
J’en viens à ma question. Avec les avis d’imposition de 2013 qu’ils ont reçus, nos concitoyens subissent une augmentation considérable de l’impôt, au point que près d’un million de foyers sont imposés pour la première fois.
En 2014, les mesures budgétaires annoncées vont encore entraîner une sévère hausse d’impôts pour les ménages, avec, notamment, la hausse de la TVA le 1er janvier prochain, l’augmentation des cotisations retraite des salariés, la fiscalisation de la majoration de 10 % pour les retraités ayant eu trois enfants, un nouvel abaissement du quotient familial, la suppression de l’exonération fiscale des complémentaires santé, la suppression des réductions d’impôts pour enfants scolarisés, et j’en passe.
Toutes vos mesures soulignent l’accablante réalité : le niveau historiquement élevé des prélèvements obligatoires et l’insuffisance de la réduction de la dépense publique.
N’ayez pas l’impudence d’accuser l’ancienne majorité d’en être responsable car les augmentations d’impôts sont socialistes, la fiscalité confiscatoire aussi, les mesures fiscales antifamiliales aussi, et la pause fiscale annoncée, déjà reportée, est un mensonge de plus qui n’abuse pas les Français.
Hausse de 30 milliards d’impôts entre juillet 2012 et 2013, puis de 12 milliards en 2014, ce sont 42 milliards d’impôts en plus, un véritable assommoir fiscal. Votre but est-il de faire de la France le pays le plus imposé ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Le moins que l’on puisse dire, monsieur le député, c’est que votre question n’est pas inspirée par la bonne foi.
Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Comme ces sujets appellent de la précision et de la rigueur, je vais, si vous m’y autorisez, vous donner les vrais chiffres.
Vous parlez de l’augmentation par les différents gouvernements de la pression fiscale et des impôts. Parce que, sur ces sujets, il faut être d’une parfaite rigueur et d’une parfaite honnêteté intellectuelles,
Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI
je reconnais qu’en 2012 et 2013, des impôts ont été instaurés par cette majorité, parce que des déficits et des dettes abyssaux avaient été laissés par la précédente majorité et qu’il fallait bien redresser nos comptes publics.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
L’honnêteté intellectuelle, cela consiste à le reconnaître
Si votre question avait été dictée par la même honnêteté intellectuelle, vous vous seriez interrogé sur la raison pour laquelle, en 2011, le gouvernement que vous souteniez a fait 20 milliards de prélèvements sur les Français, dans la plus grande injustice ; vous vous seriez expliqué sur les raisons pour lesquelles, en 2012, il a fait 12 milliards de prélèvements sur les Français, c’est-à-dire que vous auriez eu l’honnêteté intellectuelle, qui ne préside jamais à vos questions, de dire qu’entre 2011 et 2012, le gouvernement que vous souteniez a fait 33 milliards de prélèvements sur les Français.
Quant au budget de 2014, laissez-moi, si vous en êtes d’accord, vous en dire un mot.
Vous parlez du quotient familial mais nous n’aurions pas eu à y toucher si vous n’aviez pas laissé une branche famille déficitaire de 2,5 milliards d’euros.
Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Telle est la vérité sur la situation qui nous a été laissée (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC)…
…et je me souviens de M. Fillon expliquant lors d’un débat à la télévision que cette mesure n’était pas nécessaire parce que l’on pouvait laisser tranquillement filer le déficit de la branche famille, qui n’est pas une priorité.
Ce qui inspire ce gouvernement, monsieur le député, c’est la volonté d’équilibrer tous les budgets par des économies en dépenses à partir de cette année et les années suivantes, et il y aura non pas 12 milliards de plus de prélèvements cette année mais un milliard.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Luc Belot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, après dix ans de casse du service public de l’éducation, de coupes budgétaires aveugles, nous constatons tous que notre école entre dans une nouvelle ère. Il ne s’agit pas d’une simple réforme comme l’éducation en a peut-être même trop connu. Aujourd’hui, c’est bien le nouveau modèle français de l’éducation que nous construisons
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC
enfin une vraie formation professionnelle des enseignants, enfin des créations de postes dans les zones les plus déficitaires où l’urgence est constatée, enfin des rythmes favorisant la réussite scolaire, car on comprend bien que l’on apprend mieux à lire le mercredi matin que le vendredi après-midi.
Pour autant, monsieur le ministre, une difficulté demeure. Depuis des années, les programmes de l’éducation ne donnent pas satisfaction. D’abord, à force d’ajouts permanents, ils sont devenus beaucoup trop lourds, mettant en difficulté les élèves et entravant l’innovation pédagogique. Ensuite, et avec une certaine incohérence, ils souffrent d’une cruelle absence de continuité, en particulier entre le primaire et le collège. En s’appuyant sur le socle commun, de nouveaux programmes sont donc indispensables, remettant ainsi l’élève au coeur du dispositif éducatif.
C’est la raison pour laquelle la loi de refondation de l’école a prévu la création du Conseil supérieur des programmes. Composé de dix-huit personnes, il intégrera pour la première fois la représentation nationale, avec Sandrine Doucet pour notre côté de l’hémicycle et Annie Genevard pour l’autre côté.
Fort de la consultation que vous avez su engager auprès des enseignants, pouvez-vous nous indiquer les attentes du Gouvernement sur ce sujet essentiel
« Allo ! » sur les bancs du groupe UMP.
et la façon dont vous envisagez d’associer la communauté éducative aux premiers résultats des travaux du Conseil supérieur des programmes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le député, le Conseil supérieur des programmes sera installé demain. Il a été créé par la représentation nationale pour mettre aussi de la transparence dans la façon dont nous fabriquons les programmes, c’est-à-dire dont nous définissons ce qu’un citoyen du XXIe siècle doit savoir. Ce que j’en attends, c’est que l’on remette de la cohérence et de l’efficacité dans les programmes, pour la réussite de tous les élèves.
Nous devons, d’abord, être capables d’harmoniser le socle commun de compétences, de connaissances et de culture, qui définit ce que la scolarité obligatoire doit donner à chaque enfant, avec les programmes mais aussi, bien entendu, avec l’évaluation des élèves et la formation des professeurs. C’est la première mission du Conseil supérieur des programmes : instaurer cette cohérence qui fait défaut. Cela permettra bien entendu de mettre fin à des polémiques ou à des difficultés qui durent depuis trop d’années et cela contribuera à la réussite des élèves.
Nous devons en même temps être capables de prévoir ce que sont les disciplines de demain. Les savoirs ont évolué, les frontières entre les disciplines aussi, et nous souhaitons tous introduire dans l’enseignement obligatoire un certain nombre de nouveaux enseignements : d’abord, le parcours d’information, d’orientation et de connaissance des métiers, pour que les élèves puissent mieux connaître l’entreprise et mieux se déterminer, ensuite, le parcours d’orientation artistique et culturel, qui sera proposé à chaque enfant de France, enfin, l’enseignement moral et civique, la morale laïque, que nous souhaitons offrir du CP à la terminale.
Le Conseil supérieur des programmes s’installe demain. Je vous souhaite à tous un bon travail. Il doit travailler dans l’indépendance, mais avec sérieux, dans l’intérêt des élèves.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, la sécurité est la première des libertés. Nous pourrions tous nous accorder sur ce point de bon sens. Hélas, depuis dix-huit mois, votre ministre de la justice met à bas, méthodiquement, tout l’édifice pénal.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Comment s’étonner, dès lors, que la délinquance s’accroisse dans des proportions importantes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Comment s’étonner que les malfrats s’en prennent non seulement aux biens mais de plus en plus aux personnes ? Ce n’est pas le « mediatic circus » de M. Valls qui y changera quelque chose ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ce matin, vous avez délibéré en conseil des ministres sur la réforme pénale que vous proposait Mme Taubira. J’ose espérer que chacune et chacun autour de la table avait conscience de la gravité de cette réforme.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Avec la trouvaille de la contrainte pénale, vous ouvrez grand les portes des prisons : en dessous de cinq ans de prison requis, un délinquant pourra sortir libre du tribunal pour purger sa peine en milieu ouvert.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Tout cela parce que vous avez, par idéologie, rayé d’un trait de plume le programme de construction de 20 000 places de prison supplémentaires. Vous supprimez aussi les peines planchers qui prévoient des peines plus lourdes pour les récidivistes.
Aujourd’hui, avec mes collègues du groupe UMP, nous avons une pensée émue pour les victimes et les futures victimes de votre texte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Aujourd’hui, nous avons une pensée pour les forces de sécurité, qui courent après les malfrats et les retrouvent dans la rue quelques semaines plus tard. Monsieur le Premier ministre, si vous ne retirez pas ce texte dangereux, nous appellerons les Françaises et les Français à vous désavouer massivement en mars 2014 !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, je me demande s’il faut être confondu par votre mauvaise foi ou par votre ignorance.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
En tout état de cause, là où je trouve du réconfort, c’est que, durant la précédente législature, des parlementaires UMP, députés et sénateurs, responsables, sérieux, connaisseurs de la question, ont travaillé sur vos politiques pénales, que certains d’entre eux ont appelées « schizophrènes » : soixante-dix textes de loi modifiant le code de procédure pénale et le code pénal. Aujourd’hui encore, les lois qui s’appliquent sont les lois de gribouille que vous avez adoptées sous le précédent quinquennat
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste
; nous n’avons pas encore, malheureusement, touché au désordre considérable que vous avez introduit dans ces codes.
Nous sommes soucieux de lutter contre la récidive, parce que chaque récidive empêchée est un acte de délinquance empêché, une victime de moins. Vous n’avez que le mot de « victimes » à la bouche, alors que vous avez sans arrêt réduit le budget de l’aide aux victimes et que vous n’avez pas réuni le Conseil national de l’aide aux victimes depuis 2010. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Vous passez votre temps à faire croire que le Gouvernement doit endosser l’irresponsabilité dont vous avez fait preuve. À cause de vos lois pénales désordonnées, des dizaines de milliers de délinquants sortent libres des juridictions, même lorsqu’ils ont été condamnés, parce que vous avez organisé par la loi, entre la loi pénale et la loi pénitentiaire, le retard de l’exécution des peines.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez mis du désordre, vous avez joué à Gribouille dans la gestion des flux carcéraux, vous avez été irresponsables, et vous avez mis en danger les Français !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
J’ai envie de dire à Mme Taubira qu’avec un tel bilan, on se demande pourquoi elle attend que soient passées les élections municipales pour faire voter une réforme qu’elle estime aussi salvatrice. Peut-être a-t-elle peur des électeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Monsieur le Premier ministre, le 28 septembre 2012, vous expliquiez que vous vous engagiez à ce que 90 % de l’effort fiscal porte sur 10 % des Français. Malheureusement, un an après, un peu plus d’un million de contribuables se trouvent désormais assujettis à l’impôt sur le revenu, alors que la nation les considérait jusqu’à présent comme trop pauvres, trop modestes pour pouvoir l’être.
J’ai bien noté que vous avez demandé à tous les membres de votre majorité, depuis quelques jours, d’expliquer que c’était la faute de la majorité précédente, qui avait voté une telle disposition,…
…mais il me semble que vous aviez promis le changement aux Français. Or le budget sur lequel ils paient des impôts, c’est celui que vous avez voté l’an dernier, et vous avez décidé de maintenir cette disposition, vous avez décidé de leur faire payer des impôts.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Vous cherchez aujourd’hui à le faire oublier, mais vos votes sont gravés dans le marbre du Journal officiel.
Monsieur le Premier ministre, quoi qu’il en soit de cette politique, je vous ai écrit il y a quinze jours pour vous dire que ce million de Français qui reçoivent des feuilles d’impôt, qui sont des Français modestes, n’ont pu, contrairement aux autres, anticiper les choses, prévoir et épargner petit à petit pour pouvoir payer les 400, 500 ou 600 euros de leur impôt. Certains envisageaient peut-être de prendre des vacances en famille pendant les congés de la Toussaint.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Ils font aujourd’hui la queue chez le percepteur pour lui demander des délais
Je vous ai écrit mais vous ne m’avez pas répondu, m’obligeant à poser cette question. Allez-vous leur appliquer la double peine ? Accorderez-vous à ce million de Français des délais de paiement ? Accepterez-vous que les pénalités habituelles ne leur soient pas appliquées, afin qu’ils ne soient pas doublement victimes de votre politique fiscale ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le député, je voudrais tout d’abord donner les chiffres des Français entrés dans l’impôt sur le revenu. Je les ai communiqués à la commission des finances, et ils témoignent du fait, j’en suis désolé, que vos chiffres sont faux. Très précisément, 2,6 millions de Français sont entrés dans l’impôt sur le revenu en 2011 ; ce n’est pas 1 million ni 1,2 million, mais 2,6 millions.
Je vais vous donner les chiffres.
En 2012, c’est 2,9 millions, soit 300 000 de plus. Je ne me souviens pas qu’à l’époque où nous étions dans l’opposition, nous brandissions ces chiffres à grand renfort de démagogie pour en faire des analyses approximatives.
Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.
En 2013, c’est 2,6 millions, c’est-à-dire 400 000 de moins. Pourquoi y a-t-il, en 2013, 400 000 Français de moins par rapport à 2012 qui entrent dans l’impôt sur le revenu ? Pour une raison très simple, et je comprends qu’elle vous gêne : c’est parce que, l’an dernier, pour corriger la décision prise en 2011 de ne pas indexer le barème de l’impôt sur le revenu, nous avons pris une mesure de décote qui conduit 400 000 Français à ne pas entrer dans l’impôt sur le revenu en 2013. (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Ces questions, monsieur Lagarde, plutôt que de la compassion démagogique, appellent un minimum de précision, et je dois constater que l’imprécision des chiffres que vous avez donnés montre que, sur ce sujet, vous appelez la démagogie en renfort d’une argumentation destinée à alimenter un poujadisme fiscal de mauvais aloi.
Mêmes mouvements.
Enfin, je ne doute pas que vous voterez la loi de finances pour 2014, qui comporte la réindexation, l’augmentation du plafond du revenu fiscal de référence, et une décote supplémentaire. Cela corrigera les injustices dont vous êtes les auteurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.
La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
À mon tour, permettez-moi de regretter les simagrées qui viennent d’avoir lieu dans cet hémicycle.
Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Je sais par expérience que le machisme existe sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Monsieur le Premier ministre, les formations en alternance sont l’un des meilleurs outils d’insertion professionnelle et d’engagement dans la vie active pour nos jeunes, qu’ils soient collégiens, lycéens ou étudiants. Ils y trouvent non seulement une formation directe, au contact de l’entreprise, mais aussi les avantages des salariés. Dès votre arrivée aux responsabilités, dans la loi sur la refondation de l’école, vous êtes revenus sur la possibilité de l’apprentissage dès quatorze ans, qui pourtant représentait une solution probante pour certains jeunes dans l’incapacité de poursuivre un parcours classique. Cette année, ce sont les entreprises que vous découragez, en supprimant l’indemnité compensatoire de formation qui leur était destinée. Or cette indemnité, couplée à l’obligation d’envoyer leurs apprentis dans des centres de formation, les incitait plus fortement à recruter. Et si, face à une nouvelle fronde justifiée des entrepreneurs, le Gouvernement a décidé de mettre en place des mesures transitoires, elles sont nettement moins avantageuses que le dispositif actuel.
En Alsace – région propice à l’apprentissage et à la formation en alternance –, ce ne sont pas moins de 75 % des entreprises de moins de cinquante salariés qui seront désormais privées de ces aides. Cela est d’autant plus inique que, dans notre région, les jeunes peuvent bénéficier d’un dispositif d’apprentissage transfrontalier avec l’Allemagne. La formation théorique se fait dans l’un des pays et la formation pratique dans l’autre. Cette formation est véritablement innovante et favorise l’entrée sur le marché du travail. Monsieur le Premier ministre, vous qui entendez vous donner comme priorité la baisse du chômage des jeunes, par des mesures non financées actuellement, pourquoi modifiez-vous ce qui existe déjà et qui a fait ses preuves ?
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Permettez-moi de vous remercier, madame la députée, en tant que femme et députée de l’opposition, de poser cette question importante. Nous pourrions même partager vos premières phrases. Assurément, l’alternance et l’apprentissage sont une voie qu’il faut encourager, car elle est utile aux jeunes, aux entreprises et à la nation, et c’est cette voie que nous nous donnons. Contrairement au précédent président, nous ne nous fixons pas un objectif chiffré – 700 000 apprentis, avais-je cru entendre –, mais des objectifs concrets. Nous voulons augmenter le nombre des apprentis.
Vous êtes dans l’opposition, madame Grosskost, et je comprends bien que vous essayiez de caricaturer la situation, mais examinons la réalité en face.
Cette année, pour ceux qui souhaitent embaucher des apprentis, absolument rien n’est changé. Ils embaucheront des apprentis dans les mêmes conditions que les années précédentes et en bénéficiant de la même aide au même niveau. Dites-le avec nous : cela évitera à certains de se poser de mauvaises questions et de retenir le geste, pourtant utile, d’accueillir un apprenti. Deuxièmement, si nous avons en effet mené une réforme, il s’agit de maintenir l’effort budgétaire en faveur de l’apprentissage et nous allons, dans le cadre de la loi de finances, transférer les ressources nécessaires à la mise en oeuvre d’une politique dynamique aux régions, qui sont les responsables – aujourd’hui comme hier, et plus encore demain – de l’apprentissage, en garantissant aux entreprises de moins de dix salariés d’avoir toujours une aide élevée et en donnant la possibilité aux régions de soutenir l’apprentissage et son développement en fonction du territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Pour paraphraser Mme Grosskost, je ne ferai pas de « simagrées », monsieur le président, mais permettez-moi de manifester à mon tour mon indignation face au comportement sexiste déplorable
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste – Exclamations sur les bancs du groupe UMP
Ce comportement déshonore ce haut lieu de notre République, et ceci alors même que nous nous apprêtons à examiner prochainement dans cet hémicycle un projet de loi indispensable sur l’égalité entre les femmes et les hommes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J’en viens à ma question. Madame la ministre de la culture et de la communication, notre cinéma constitue un patrimoine vivant, un patrimoine en construction qu’il nous faut préserver, mais aussi renforcer. Dans ce cadre, un avenant à la convention collective de la production cinématographique et des films publicitaires a été signé dans la nuit de lundi à mardi, à l’issue de plusieurs mois d’intenses négociations avec les partenaires sociaux. Nous nous félicitons, madame la ministre, de vos initiatives déterminées, associées à celles du ministre du travail, pour produire cette belle avancée qui incarne une fois encore le succès du dialogue social dans notre pays et qui permet de lutter contre la précarité de certains professionnels du cinéma. Cet accord a réussi à concilier deux objectifs fondamentaux : doter la création française d’un cadre commun de régulation sociale, tout en tenant compte de l’impact économique de la convention sur les productions cinématographiques les plus fragiles. Ainsi les techniciens bénéficieront-ils d’un statut conforté et d’une rémunération assurée, sans freiner les entreprises, les réalisateurs et les producteurs. La richesse cinématographique française repose sur sa diversité, qui va du film à tout petit budget à la grosse production. Cet accord répond aux attentes de ces deux pans du cinéma français et en protège la diversité. Quelles répercussions concrètes l’accord de la nuit du 7 octobre aura-t-il sur la création cinématographique française ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vous l’avez dit, madame Tolmont, dans la nuit de lundi à mardi, vers trois heures trente du matin, un pas décisif a été franchi dans le dialogue social dans le domaine du cinéma. C’est la première fois que le secteur – l’un des seuls en France à ne pas être couvert par une convention collective – a réussi à s’unir, organisations professionnelles et organisations syndicales confondues, autour d’un texte qui va permettre de préserver les deux objectifs que vous avez cités. Nous avons voulu ce texte, avec Michel Sapin, parce que les salariés du secteur du cinéma, notamment les techniciens, ont le droit d’être protégés par une convention collective, élément essentiel du dialogue social.
Mais nous voulions aussi préserver la diversité du cinéma français, qui repose sur des mécanismes économiques particulièrement subtils, qui nécessitaient un avenant à cette convention collective. Celui-ci a été signé par l’ensemble des organisations représentatives des producteurs et, pour l’instant, par l’une des organisations syndicales. Nous attendons que les autres la rejoignent après être revenues devant leurs mandants pour permettre de préserver cette diversité. Avec la grande victoire en faveur de l’exception culturelle que le Gouvernement et le Président de la République ont remportée devant la Commission européenne au printemps, c’est une nouvelle étape importante que nous marquons pour continuer à promouvoir un modèle de cinéma français innovant, créatif et économiquement très efficace. C’est cela l’exception culturelle, madame la députée.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.
Mon rappel au règlement est relatif au déroulement de nos travaux, madame la présidente, en particulier à ceux de la commission des affaires sociales, saisie au fond pour l’examen de ce projet de loi. On a vu que, s’agissant de l’application de l’article 40, elle n’avait pas transmis au président de la commission des finances un certain nombre d’amendements. Certes, à l’évidence, ils n’étaient pas recevables, mais nous aimerions que cette pratique cesse, d’autant plus que cela pose un problème constitutionnel.
Mais ce n’était rien à côté de ce qui s’est passé ce matin, lors de la séance de la commission qui s’est tenue de onze heures trente à quatorze heures, avec comme ordre du jour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 : il y avait là cinq ministres, vingt-deux collaborateurs de cabinets ministériels, un nombre important de commissaires de tous les groupes… et pas un seul document écrit disponible pour les commissaires ! C’est la première fois que j’assiste à une telle défaillance. Le texte a été mis en ligne vers seize heures, ce qui est tout à fait inacceptable. Il s’agit tout de même d’une affaire de 450 milliards d’euros, de questions qui sont essentielles pour les branches de la sécurité sociale : pas un document, pas un tableau, pas un PowerPoint… C’est tout à fait indigne d’une commission permanente saisie au fond sur un texte aussi important, saisie de la plus importante masse financière mobilisée chaque année dans notre pays. Et aucun document pour les parlementaires. Je vous demande donc, madame la présidente, de saisir le président de l’Assemblée nationale sur ce point parce que nous sommes dans des conditions dans lesquelles ne travaillent pas même les parlementaires de pays qui n’ont pas le centième des moyens dont nous disposons.
Mais derrière cette façon de traiter le Parlement, les députés de tous les groupes, derrière la montée en épingle d’incidents de séance pour occuper les écrans, il y a en réalité l’état du pays s’agissant du chômage, du pouvoir d’achat,…
…de l’insécurité et de la délinquance qui monte, du matraquage fiscal et du décrochement de la France, que l’on cherche, par ces petites manoeuvres, à cacher aux Français.
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, je vous demande de bien vouloir informer le président de l’Assemblée nationale qu’un tel décalage entre, d’une part, ce qui se passe dans cet hémicycle, l’image que nous donnons au dehors, les éléments dont nous avons besoin pour travailler, et, d’autre part, l’état du pays est scandaleux !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Accoyer, j’informerai bien sûr le président de l’Assemblée nationale de votre demande.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Je pense, monsieur le député, que je vais pouvoir vous répondre sur un ton plus calme que celui que vous avez employé.
« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Je redis ici que nous sommes en train de chercher où il y a eu le bug, le dysfonctionnement
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
qui a fait que la transmission du texte du PLFSS ne s’est pas effectuée dans un délai permettant que le dossier soit sur la table au moment où la commission s’est réunie. Mais je ne peux pas entendre que cela compliquerait à un point extrême les travaux du Parlement car,…
…avant même le passage en conseil des ministres, monsieur Accoyer, j’ai fait en sorte que l’ensemble des députés puissent disposer du PLFSS : il a été transmis à tous les groupes, y compris au vôtre, le 27 septembre dernier. Vous aviez donc, vous et vos collègues, la possibilité de travailler de manière anticipée. Peut-être pensiez-vous que des aménagements allaient intervenir ; pour ma part, je regrette que, ce matin, la commission ne se soit pas déroulée comme on aurait pu l’espérer, mais l’on n’a pas besoin de chercher à faire diversion : le PLFSS arrivera en séance dans quinze jours et je ne doute pas que, d’ici là, vous aurez trouvé tous les arguments nécessaires pour le contester au fond et non pas sur la base d’incidents de séance.
La parole est à Mme la Présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président Accoyer, vous étiez présent en commission et vous avez entendu mon propos liminaire. J’ai exprimé le mécontentement de l’ensemble des membres de la commission à l’égard des conditions de travail qui nous sont faites.
Je dois dire que j’ai été assez sévère avec le Gouvernement, dont cinq membres étaient présents.
Pour autant, je voudrais rétablir quelques vérités. La séance n’a pas été levée à 14 heures, au moment où vous êtes parti, monsieur Accoyer, mais à 14 heures 45. Les documents ont été reçus par la présidence à 14 heures 02, ils sont parvenus à la commission à 14 heures 32 et ont été aussitôt transmis par messagerie électronique aux parlementaires.
La présidente a fait son travail et s’est faite le relais des plaintes, il faut le dire justifiées, qu’ont exprimé l’ensemble des commissaires.
Le groupe SRC souhaite pouvoir poursuivre la discussion des articles. Après deux jours de débats, nous avons examiné deux articles seulement ; s’il est naturel que chacun puisse être entendu dans cet hémicycle, il nous faudrait, à ce rythme, environ un mois pour achever l’examen du texte. Mais n’est-ce pas là votre souhait, monsieur Accoyer ? Je suis très surpris qu’un ancien président de l’Assemblée nationale se livre à d’aussi petites manoeuvres d’obstruction.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Hier, vous avez invoqué l’article 40 sur les amendements qui concernent la pénibilité, car votre combat principal est d’empêcher que la prise en compte de la pénibilité ne figure dans ce texte. D’ailleurs, vous avez quitté l’hémicycle avant même que toutes les explications n’aient été données. Tout à l’heure, en commission des affaires sociales, où nous examinions le projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous êtes parti au milieu de votre propre intervention. Vous parlez de « spectacle » ; celui-là n’était pas glorieux !
J’ajoute que si nous sommes aujourd’hui obligés de redresser les comptes sociaux avec le PLFSS et de voter une loi sur les retraites, c’est parce que vous avez laissé ce pays en situation de naufrage, avec une dette battant tous les records.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez évoqué l’histoire de la Ve République ; eh bien oui, la dette et les déficits n’ont jamais été aussi élevés que lorsque vous étiez majoritaires ! Reprenons vite l’examen de ce texte, c’est ce que les Français attendent. De telles manoeuvres d’obstruction ne sont pas dignes de vous !
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Chers collègues, un peu de calme ! Monsieur Paul, je me permets de vous rappeler que vous n’avez pas même fait référence à l’article du règlement sur lequel vous souhaitiez vous appuyer. D’autre part, un rappel au règlement doit porter sur le déroulement de nos travaux, en aucun cas sur les agendas de nos collègues.
Merci, madame la présidente. Je ne répondrai pas à M. Paul sur la situation de notre système de protection sociale, auquel la gauche a toujours refusé d’appliquer la moindre réforme de structure, et auquel la présente réforme n’apportera qu’un tiers des financements attendus.
Mais permettez-moi de revenir sur le fond de mon rappel au règlement. L’article 40 n’a pas été respecté en commission, c’est un fait ; le président de la commission des finances a d’ailleurs adressé un courrier en ce sens à la présidente de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un problème majeur et j’entends que l’on ne renouvelle pas ce genre d’erreurs, qui violent, en quelque sorte, la Constitution.
S’agissant de la leçon que vous me donnez, monsieur Paul – vous avez coutume d’en donner à la terre entière, sur un ton toujours dédaigneux et méprisant –, je suis redevenu effectivement un député comme les autres, et vous m’accorderez le droit de faire mon travail de député, de m’exprimer en séance, de déposer des amendements ! Vous m’accorderez le droit de demander que la recevabilité de certains amendements soit vérifiée par la commission, un droit fondamental. Il faut dire que Mme la ministre, hier, présentait comme une concession le fait de soumettre au Parlement l’augmentation du nombre d’années de cotisation !
Mes chers collègues, il est peut-être temps de revenir à l’essentiel de notre rôle, celui du fonctionnement de la démocratie. Justement : madame la présidente de la commission des affaires sociales, vous avez peut-être levé la séance à 14 heures 45, mais vous avez refusé de donner la parole à quatre commissaires du groupe UMP, afin qu’ils posent leurs questions. Il faut dire qu’il était impossible de s’exprimer : étaient présents cinq ministres et vingt-deux collaborateurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La difficulté qui a été soulevée par le rappel au règlement de M. Accoyer est réelle. À l’examen des circonstances qui ont abouti à cette situation, nous en venons à la conclusion qu’il convient de sortir de l’absence de règles.
S’agissant de la transmission d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale, la priorité, je l’ai vérifié, est donnée à l’Assemblée nationale : les ministres sont auditionnés dès la fin du conseil des ministres, ce qui permet, et c’est normal, que le débat ne se déroule pas en dehors du Palais Bourbon. Ainsi, ce matin, le texte a été adopté lors du conseil des ministres, qui s’est achevé à 11 heures 45 ; l’audition des ministres par la commission des affaires sociales a commencé à 12 heures 30, ce qui, au vu des années précédentes, n’avait rien d’exceptionnel.
Mais il est vrai que, par des procédures que l’on pourrait qualifier de « off », le texte était autrefois communiqué aux parlementaires, avant même son examen en conseil des ministres.
Il nous faut désormais trouver une solution satisfaisante qui permette de respecter à la fois la priorité donnée aux commissions et les nécessités de la communication officielle. Il convient de prévoir la transmission d’un document écrit, dont il nous faut encore déterminer le moment et les conditions.
En réalité, les pratiques auparavant en vigueur n’étaient pas écrites et se trouvaient en marge du respect de la hiérarchie institutionnelle. Pour autant, elles satisfaisaient tout le monde. Je propose de définir, en relation avec les présidents de commission – car la question se posera aussi pour le projet de loi de finances – un vade-mecum. Je communiquerai à l’ensemble des groupes le résultat de ce travail
Rappel au règlement, au titre de l’article 58, alinéa 1. Je suis extrêmement surpris par les arguments avancés par le Gouvernement, par ailleurs contradictoires. Mme Touraine nous a expliqué que le PLFSS avait été communiqué aux groupes dès la fin du mois de septembre, alors que M. Vidalies vient d’indiquer que cela a été fait aujourd’hui même, à 14 heures !
Monsieur le député, le travail de la commission n’a pas à être évoqué en séance plénière. Nous en revenons à nos travaux.
L’article 3 crée une nouvelle structure, le Comité de suivi des retraites, qui vient s’ajouter au Conseil d’orientation des retraites et au Comité de pilotage des retraites. Où est le choc de simplification ?
Ce comité sera composé de deux femmes et de deux hommes, désignés en raison de leurs compétences en matière de retraite, nommés pour cinq ans par décret, et d’un président nommé en conseil des ministres. Vous avez bien une petite idée de qui il s’agira ! Car en termes de nominations, vous faites fort ces derniers temps ! Le président « normal » devait rompre avec les nominations politiques ; las, on ne compte plus les remplacements dans la police, la préfectorale, la magistrature ou les rectorats. Et je ne parle pas de la promotion Voltaire. Chat échaudé craint l’eau froide.
L’article 3 précise que les missions de ce nouveau comité seront définies par décret. Encore une définition, pourtant importante, qui échappe à la représentation nationale ! Hier, vous nous avez révélé, monsieur le rapporteur, que cette réforme ne serait pas la dernière. Permettez-nous de réaffirmer que ce texte n’est pas une réforme, qu’il ne garantit ni l’avenir ni la justice du système… sauf si le comité que vous créez à cet article 3 a pour mission de le faire croire !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Vous connaissez mon combat contre les comités, conseils, hauts conseils ou commissions. Je dois dire que cet article révèle tout l’esprit de ce texte. Que l’opposition demande des rapports ou des groupes de réflexion est tout à fait normal, puisque c’est un moyen pour elle de mettre un sujet sur la table. Mais qu’une réflexionite aiguë gagne le Gouvernement n’est pas forcément bon signe. Cela veut dire, madame la ministre, que vous anticipez déjà le fait qu’un certain nombre de sujets ont été insuffisamment creusés, ignorés ou tout simplement sous-évalués dans la préparation de cette réforme.
Il ne s’agit pas de la première réforme des retraites, pas plus que le rapport Moreau n’est le premier de son espèce. Comme l’a souligné Mme Le Callennec, le Conseil d’orientation des retraites et toute une série d’organismes sont à même de fournir les informations nécessaires au suivi des retraites. Je ne vois donc pas l’intérêt de créer un tel comité, qui plus est piloté par quatre personnes, dont la tâche principale sera de collecter les éléments fournis par les différentes administrations, et, comme il est souligné à l’alinéa 9, « de faire connaître ses besoins afin qu’ils soient pris en compte dans les programmes de travaux statistiques et d’études de ces administrations, organismes et établissements ». Honnêtement, tout cela est parfaitement ridicule !
Cet article instaure un mécanisme de pilotage de notre système de retraite qui s’appuie sur le Conseil d’orientation des retraites et sur la création d’un Comité de surveillance des retraites. Cette nouvelle instance sera désignée comme pivot du système de pilotage des retraites. Sur les bases des rapports du Conseil d’orientation des retraites, elle émettra chaque année des recommandations, qui pourront notamment porter sur l’évolution de la durée d’assurance requise pour une pension à taux plein, sur une éventuelle mise à contribution du Fonds de réserve des retraites, ou sur le niveau du taux de cotisation d’assurance vieillesse, de base et complémentaire.
Ces prérogatives, si elles étaient adoptées, poseraient le premier jalon d’une réforme systémique, permettant de passer d’un système à prestations définies à un système à cotisations définies.
En outre, la composition de ce comité pose question : il s’agit en effet d’une instance composée de cinq personnalités qualifiées, nommées pour cinq ans par décret, et dont le président sera nommé en conseil des ministres. Les parlementaires en sont exclus et seront simplement tenus informés des suites que le Gouvernement entend donner aux recommandations dudit comité.
Pour notre part, nous refusons l’expertise comme légitimation dans la prise des décisions en politique d’une manière générale, et particulièrement en matière de retraites. Cet article est préoccupant à plus d’un titre, à la fois pour la démocratie et pour le niveau des pensions, qui deviendrait ainsi une variable d’ajustement.
Cet article instaure un mécanisme dit de « pilotage de notre système de retraites ». Un comité de surveillance pourra ainsi faire des recommandations sur l’évolution de la durée d’assurance – et donc recommander d’allonger cette durée plus rapidement que prévu dans la loi –, le niveau des cotisations et le taux de remplacement.
Ces prérogatives poseraient en outre le premier jalon d’une réforme systémique permettant de passer d’un système à prestations définies à un système à cotisations définies. Par ailleurs, la représentation nationale ne saurait déléguer à un comité d’experts le soin de faire la politique en matière de retraites.
Il est grave et irresponsable pour le Gouvernement de chercher à réduire les choix politiques, notamment des choix aussi lourds que le départ à la retraite ou le niveau de pension, à une simple « gouvernance », aux « paramètres » d’une équation mathématique. Nous sommes à la frontière de la démocratie et de la technocratie. Ce n’est pas en s’en remettant à des technocrates que l’on renforcera la confiance des Français dans leur système de protection sociale !
Si le Gouvernement souhaite en finir avec le pilotage à vue du système de retraites, qu’il commence déjà par retirer ce projet de loi. Enfin, cette disposition n’a fait l’objet d’aucun débat avec les Français et va totalement à l’encontre des engagements de campagne. Les organisations syndicales ont relevé que cette réforme, au travers de son article 3, n’était en réalité qu’un gage de plus donné dans l’urgence aux marchés financiers et à la Commission européenne. La création d’un nouveau comité, qui échappe à tout contrôle parlementaire mais qui dictera la marche à suivre au Gouvernement pour que les objectifs assignés aux systèmes de retraites soient respectés, au premier rang desquels la pérennité financière, est inacceptable.
Je me souviens des échanges que nous avons eus en commission avec mes collègues. Pour les uns, le comité de pilotage des régimes de retraite était un mécanisme extraordinaire. Or, il est mort-né et il s’agissait bien d’une instance en charge de piloter le système.
Pour les autres, nous allons donner naissance à une théocratie ou une technocratie. Il faut raison garder car le mécanisme est intéressant. Placé auprès du Premier ministre, ce comité paritaire rendra des avis d’experts, ce qui ne signifie pas pour autant – et je partage l’avis de Mme Fraysse – que le Gouvernement et le Parlement perdront la main sur la politique des retraites.
L’avis rendu sera public. Le Gouvernement s’en saisira ou non et se rendra ou non devant le Parlement, mais en aucun cas il n’aura l’obligation de suivre ces préconisations. Le groupe SRC est évidemment favorable à ce comité qui existe dans bien des pays étrangers, souvent cités en référence ici. Un système presque comparable existe ainsi au Canada. On le trouve également en Allemagne avec un pilotage automatique, ce que même le rapport Moreau n’a pas préconisé.
Nous avons par ailleurs élargi ses prérogatives en disposant, à l’alinéa 20, qu’il puisse proposer de nouvelles mesures en cas d’évolutions économiques ou démographiques plus favorables que celles retenues pour fonder les prévisions d’équilibre du régime de retraite par répartition. Une autre de nos propositions a été acceptée et figure aujourd’hui dans le texte, celle de lui permettre d’affecter d’autres ressources que les cotisations au système de retraites, notamment pour financer les prestations non contributives. Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie avait d’ailleurs déjà préconisé cette mesure.
L’article 3 mettrait en place un nouveau dispositif moins anxiogène. Comme si un dispositif pouvait être anxiogène ! Ce qui l’est, en revanche, ce sont les 13 milliards qui manquent à votre réforme des retraites et pour lesquels M. le rapporteur nous dit qu’on verrait bien !
Ce qui est anxiogène, c’est l’exemple canadien que vous citez et qui vous a d’ailleurs très certainement inspirés puisqu’en cas de déséquilibre, il préconise une hausse des cotisations et un gel des pensions.
Au-delà, ce dispositif est très incomplet. Il ne doit pas être uniquement financier. Nous le comprenons, ce serait vraiment trop anxiogène compte tenu de la réforme que vous nous proposez. Que va faire alors ce comité ? Surveiller l’équilibre entre les hommes et les femmes ? L’emploi des seniors ? Sa lisibilité ? Tout ceci est très important mais une fois de plus, c’est classique, rien n’est prévu pour surveiller les écarts entre le public et le privé. Pis : rien sur la surveillance de la mise en place du compte de prévention de la pénibilité alors que, rappelons-le, il sera quasiment impossible de le créer dans les petites et moyennes entreprises, ce qui sera source d’inégalités.
Rien non plus, concernant encore la pénibilité, sur la différence de traitement entre le public et le privé, cette fois au détriment de la fonction publique.
Votre mécanisme me fait penser à Clémenceau : « Un problème, une commission. Une commission, un rapport. Un rapport, un tiroir ».
Son rôle se limitera à produire des recommandations et encore ! Des recommandations encadrées. En vérité, vous déterminez au préalable les leviers que vous souhaitez actionner dans le futur mais une nouvelle fois, vous ne faites pas preuve d’imagination.
Enfin, vous limitez fortement les simples recommandations que pourrait faire le comité sur l’utilisation du Fonds de réserve pour les retraites. Bref, monsieur le rapporteur, madame la ministre, vous construisez une belle coquille vide, sans pouvoir. Espérons que sa constitution et son fonctionnement ne seront pas trop coûteux. Sinon, faites d’ores et déjà cette économie.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La mise en place de ce comité est extrêmement dangereuse, en ce qu’elle conduira à marginaliser encore davantage les représentants des assurés sociaux dans les caisses de retraite et, qu’on le veuille ou pas, à réduire de fait le rôle du Parlement. Par cet outil, le Gouvernement contraindra le système de retraites à respecter à tout prix une trajectoire financière, prétendument vertueuse, autrement dit à entrer dans le cadre de normes dogmatiques d’équilibre financier. Il est évident que l’unique objectif de ce comité sera financier.
Pour ce qui est des recommandations, l’alinéa 18 de l’article 3 prévoit que les experts pourront proposer d’allonger encore la durée de cotisation sans que soit mentionnée la moindre limite. Il est prévu à l’alinéa 25 qu’ils puissent proposer d’utiliser le taux de remplacement comme une variable d’ajustement sous la seule réserve de ne pas descendre en dessous d’un plancher qui sera fixé par décret. Lequel sera-t-il ? Ce comité d’experts pourra également, selon l’alinéa 24, inciter à élever le taux de cotisations pour apporter des ressources en sus au régime, mais sans pouvoir dépasser un plafond lui aussi fixé par décret.
Même si les choses ne sont pas dites aussi franchement, il s’agit bien là d’un comité technocratique. Quatre personnes nommées par décret, le président nommé en conseil des ministres ! Qu’on le veuille ou non, ce comité sera forcément sous la tutelle de l’exécutif, sous ses ordres, ce qui permettra au Gouvernement de se défausser.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDRUMP.
Cet article 3 instaure un nouveau mécanisme de pilotage des retraites en créant notamment un comité de surveillance des retraites et en supprimant la commission de garantie des retraites ainsi que le COPILOR créés en 2010. Vous remplacez un comité par un autre alors qu’il aurait été bien plus simple d’élargir les missions de celui déjà en place.
Il conviendrait à mon avis de donner une nouvelle impulsion au COR en renforçant son rôle et ses attributions. Il est par ailleurs intéressant, madame la ministre, de rappeler votre opposition, en 2010, à la création de toute nouvelle instance de pilotage, au profit du COR.
Rappelons également que votre Gouvernement s’est réuni cet été lors d’un comité interministériel consacré à la modernisation de l’action publique dont l’objectif était de simplifier en vue de réaliser des économies.
En décembre 2012 avait déjà été annoncée la suppression du maquis des commissions, comités consultatifs et autres conseils stratégiques. Avec la création du comité de surveillance, nous sommes bien loin du choc de simplification défendu par le Gouvernement.
M. Paul nous a accusés, en commission des affaires sociales, de vouloir empêcher le Gouvernement de contrôler l’application de la politique qu’il décide. Nous pensons au contraire que les organismes existants ont toutes les capacités pour assurer cette mission à condition que nous la leur assignions. Je déposerai un amendement en ce sens.
En lisant cet article qui instaure un nouveau mécanisme de pilotage des retraites, je me pose un certain nombre de questions. En confiant au COR la réalisation d’un rapport, l’on change ses missions car jusqu’à présent, le COR se saisissait lui-même des sujets qu’il voulait traiter. À deux reprises, récemment, le Gouvernement a demandé des études au COR en nous assurant que ce serait exceptionnel. Si je comprends bien, l’exceptionnel va devenir la norme. Or tout le monde, depuis les débats en commission jusqu’ici en séance publique, loue le COR qui fonctionne très bien. Il aurait simplement fallu renforcer ses missions. Pour ce qui est du COPILOR, je le répète, je ne pleurerai pas sa disparition.
Je regrette davantage la fin de la commission de garantie des retraites, organisme indépendant constitué de peu de membres, se réunissant rarement et qui servait surtout à vérifier les indexations existantes. Là aussi, elle fonctionnait très bien.
Ce qui m’ennuie également est le nombre d’occurrences du terme « décret », comme vient de le souligner Isabelle Le Callennec. Il revient ainsi sans cesse dans les dispositions relatives à la composition du comité de suivi. Or, le recours trop fréquent au décret peut permettre de transformer totalement un texte.
Mme Fraysse considérait tout à l’heure que l’on cachait peut-être la volonté de mener une réforme systémique. Je pense qu’il aurait fallu, en revanche, inscrire dans cet article que 2013 serait l’année où une étude sur la réforme systémique devrait être lancée.
Les Français accueillent mal ce texte, comme en attestent, jour après jour, les sondages, parce qu’ils pensent que l’équité n’y est pas respectée, le mouvement de convergence initié depuis des années vers un système de retraites universel ayant été abandonné.
Votre projet étant considéré comme partiel, il est jugé partial.
Madame la ministre, si pour réformer la fiscalité des alcools, vous vous entouriez exclusivement d’une commission composée de bouilleurs de crus, qui n’écouterait que des vignerons, les Français n’auraient-ils pas quelque raison de se montrer soupçonneux ?
Rires sur les bancs du groupe UMP.
Or, la commission Moreau est justement composée de personnes qui bénéficient toutes d’un régime spécial et 82 % des personnes auditionnées bénéficient de régimes spéciaux
Dès lors que vous vous entourez d’organismes aussi orientés, il ne faut pas s’étonner que vous preniez une telle direction. L’article 3 aurait pu vous donner l’occasion de modifier un certain nombre de règles afin d’éviter cette endogamie. Ainsi, le COR, qui fonctionne très bien, est composé de seize représentants syndicaux mais d’un seul représentant des retraités, ce qui n’est pas très équilibré. Si sa composition avait été différente, peut-être n’auriez-vous envisagé aussi facilement cette attaque frontale contre le montant des retraites.
Cet article 3 est extrêmement important. La majorité socialiste nous demande une forme d’acte de foi sur son contenu, car nous n’en avons pas la même exégèse.
Nous considérons que la mise en place de ce comité de surveillance est antidémocratique. Nous avons expliqué pourquoi : quatre personnalités nommées par décret, un président nommé en conseil des ministres, une instance non élue, aucun représentant du peuple, une mission définie dans le texte de loi qui dispose « Le comité adresse au Gouvernement des recommandations ». C’est vrai, ces recommandations ne sont pas des injonctions, mais il est précisé qu’elles s’imposeront comme un élément essentiel du débat public. Le risque est grand que la parole de ce comité l’emporte sur des décisions qui pourraient être prises par la représentation nationale.
Il y a des précédents, comme le Haut conseil des finances publiques qui dicte au Parlement les orientations en matière de finances publiques, ou encore la Commission européenne qui dicte la politique économique et sociale de la France. Aujourd’hui, on crée un comité de surveillance des retraites.
Mais, derrière tout cela, il y a autre chose qui, à notre avis, est plus grave et qui a été souligné par plusieurs intervenants. Notre système de retraites risque une véritable remise en cause. Ce système, hérité du Conseil national de la Résistance, de la grande loi du lendemain de la dernière guerre mondiale, s’appuyait sur un système par répartition à prestations définies. C’était un pourcentage du salaire qui fixait le montant de la retraite, les cotisations étant ensuite fixées pour pouvoir atteindre les prestations considérées comme prioritaires.
En l’occurrence, nous passons à un système complètement différent. Nous passons d’un système par répartition à prestations définies à un système à cotisations définies. Ce qui veut dire que les cotisations sont fixées et qu’à partir de là, on considère le montant des retraites comme la variable d’ajustement. Il y a, derrière tout cela, une modification extrêmement importante du système des retraites et, pour faire le boulot, vous mettez en place ce comité de surveillance.
Cet article 3, sous les dehors d’une simple réforme de la gouvernance, est le réacteur nucléaire de votre projet de loi, et je vais vous le démontrer.
Le comité de surveillance des retraites qui est institué constitue une réforme systémique de notre système de retraites. C’est tout simplement le moyen d’en finir avec le modèle solidaire, universel et par répartition de notre système.
Pourquoi ? Parce que composé d’experts prétendument indépendants, ce comité aura pour mission d’assurer l’équilibre financier à moyen et long terme, en faisant évoluer en permanence les paramètres, les critères et les modes de calcul des pensions. C’est écrit noir sur blanc dans l’article 3, et c’est détaillé dans l’exposé des motifs du projet de loi.
En effet, les conclusions du comité, baptisées « recommandations », à l’instar de celles de la Commission européenne, seront transposées sans négociation ni débat public national dans les lois de financement de la sécurité sociale. Cela vise, de l’aveu même du Président de la République lors de la conférence sociale, à « éviter une réforme tous les trois ou quatre ans ». Pour ce faire, durée de cotisation, âge légal ouvrant droit à pension, niveau de la pension servie, modalités d’indexation seront constamment évolutifs.
On le voit, cet article tend une épée de Damoclès au-dessus de notre système. C’est l’institutionnalisation du pilotage à vue. C’est une nouvelle « règle d’or » nationale, qui entraînera des correctifs permanents au régime général. Ce cheval de Troie, profondément antidémocratique, entérinera définitivement le plafonnement systématique des pensions servies, au nom de l’équilibre des comptes, pour le plus grand bonheur des complémentaires privées.
C’est la raison pour laquelle nous refusons ce comité de « surveillance » des retraites, dont le nom indique suffisamment la sinistre mission.
Comme viennent de le dire mes collègues, l’article 3 du projet de loi entend en finir avec – je cite – « le pilotage à vue » de notre système de retraites. C’est plutôt une bonne ambition. Il s’appuie pour cela sur le Comité d’orientation des retraites et crée ce fameux Comité de suivi des retraites en lieu et place du Comité de pilotage.
Il est à craindre, au regard des prérogatives données à ce comité, qu’une approche purement comptable et technocratique prenne le pas sur la consultation paritaire et la souveraineté du Parlement. En effet, ce comité aura le pouvoir de recommander, entre autres, l’utilisation du Fonds de réserve des retraites ou l’allongement de la durée de cotisation au regard de l’espérance de vie. Nous y revoilà !
Un décret encadrera les recommandations en matière d’augmentation du taux de cotisation, tout autant que de réduction du taux de remplacement.
L’encadrement, par décret, des recommandations citées laisse croire que les propositions de ce comité de suivi vont au-delà de simples recommandations. Sinon, pourquoi les encadrer ?
Nous voyons là un véritable risque de confiscation de la démocratie sociale et parlementaire et nous y sommes fermement opposés. Il s’agit donc de ne plus naviguer à vue, certes, mais de confier le gouvernail à un comité réduit avec, comme boussole, les dogmes négatifs qui président à cette réforme.
Permettez-moi, mes chers collègues, d’appeler votre attention sur le risque que comporte la mise en place d’un tel dispositif, que, bien sûr, nous regrettons.
Madame la ministre, l’idée de monter un comité de suivi est plutôt à votre honneur. Simplement, compte tenu de la composition de ce comité, il sera à votre main – Isabelle Le Callennec l’a démontré tout à l’heure, ainsi que nos collègues du groupe GDR. N’eût-il pas été plus intelligent de regarder si, oui ou non, les comités qui existaient jusqu’à présent, n’étaient pas plus représentatifs ou si l’on ne pouvait pas élargir leur représentativité, bref, l’améliorer ?
Le Parlement est totalement exclu de cette composition, mes chers collègues. Or que je sache, un parlementaire, qu’il soit sénateur ou député, est également là pour le suivi de la politique gouvernementale, pour l’évaluer. Cela fait partie de nos missions primaires. En l’occurrence, nous en sommes totalement évacués…
Par ailleurs, madame la ministre, le Comité de suivi que vous créez à l’article 3 devra veiller à ce que les grands principes fondamentaux de votre réforme – si tant est qu’ils soient fondamentaux –, inscrits dans l’article 1er, soient respectés. Nous vous l’avons dit à plusieurs reprises : à l’article 1er ne figurent même pas les termes d’« équilibre financier ». Or nous n’avons cessé de vous expliquer que cette réforme n’était pas financée et vous le savez très bien puisqu’il faudra trouver un peu plus de 7 milliards d’euros d’ici à 2020 et qu’il en manquera 14.
Pas un mot sur la convergence public privé, alors qu’il aurait fallu aller dans ce sens ! Pas un mot non plus sur les régimes spéciaux !
Lorsque votre comité, composé de quatre personnes nommées – un comité à votre main, donc –, va évaluer cette réforme ou cette pseudo-réforme que vous engagez, ce ne sera donc pas une évaluation objective ; le Parlement en sera exclu ; et de surcroît, vous ne vous référez qu’à l’article 1er où vous avez soigneusement évité de parler d’équilibre financier – c’était habile, mais nous nous en sommes aperçus. Pourtant, nous avions fait beaucoup d’efforts et nous vous encouragions à en faire d’autres. Bref, le rôle de ce comité est dénué de tout fondement.
L’article 3 instaure un mécanisme de pilotage du système de retraites, mais en réalité, il crée une nouvelle instance de consultation. À cette occasion, je tiens à rappeler la position de Mme la ministre qui s’opposait, en 2010, à la création de toute nouvelle instance de pilotage au profit du COR.
Cette nouvelle instance, fût-elle une instance dite de « pilotage », ne se justifie pas, pour des raisons de rationalisation, et il conviendrait plutôt de donner de nouvelles impulsions au Comité de pilotage des retraites, le COPILOR, qui a, lui, le mérite d’exister et d’associer l’ensemble des acteurs de la prise en charge du risque de vieillesse.
La grande difficulté et la grande inquiétude, comme l’ont rappelé Philippe Vigier et nos collègues du groupe UMP, ainsi que nos collègues du groupe GDR, c’est que cette nouvelle instance de consultation sera à votre botte.
En outre, quelle est son utilité ? Nous connaissons les conclusions que va rendre ce comité de suivi dans quelques années : il reprendra simplement les objections et les observations que nous vous faisons aujourd’hui dans ce débat, à savoir le fait que votre système de retraites n’est pas financé. Il manque aujourd’hui 13 milliards d’euros et nous n’avons toujours pas eu de réponse à ce sujet. Votre texte ouvre également de nouveaux droits qui ne sont pas non plus financés.
Les conclusions du comité indiqueront alors clairement qu’il faut aller vers une réforme systémique, vers un régime unique pour plus de convergence, d’équité et de lisibilité. C’est ce qui redonnera confiance à nos concitoyens.
Il y a un point que je ne comprends pas.
Dans la Section 6, il est précisé que le comité de suivi rend un avis annuel et public, indiquant s’il considère ou non que le système s’éloigne, de façon significative, des objectifs définis au II de l’article L. 111-2-1, qui indique que la nation assigne au système de retraites par répartition un objectif de solidarité entre les générations et d’égalité des pensions entre les hommes et les femmes.
Mais on nous dit ensuite que, dans le cas prévu au 1°, le comité adresse des recommandations et remet un avis public. Je ne comprends pas pourquoi le comité adresse des recommandations exclusivement dans le cas prévu au 1°, mais pas au 2°, qui concerne aussi l’égalité entre les hommes et les femmes.
Cela ne concerne peut-être pas le cas prévu au 2°. Ou alors pourquoi ce 2° existe-t-il ? Car au 1°, on parle aussi de l’égalité hommes-femmes. J’espère avoir été claire…
Cet article crée un comité purement technocratique puisqu’il instaure un nouveau mécanisme de pilotage des retraites appelé « comité de surveillance des retraites ». Il fait le choix de créer cette nouvelle instance plutôt que d’améliorer et de valoriser les instances déjà existantes.
Mes collègues l’ont indiqué, en consultant les débats parlementaires de 2010, il est frappant de constater que la députée Marisol Touraine, lorsqu’elle s’exprimait sur la réforme des retraites, était farouchement hostile à toute création d’une nouvelle instance de pilotage. Les arguments ont été extrêmement nombreux. Vous avez eu, en tant que députée, un point de vue. Mais il y a là une sorte de pensée magique : en passant du statut de députée à celui de ministre, on change radicalement d’avis !
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
En outre, ce qui est surprenant, c’est que nous n’avons aucun argument de fond qui justifie cette nouvelle position. La pensée peut évoluer et, intellectuellement, cela peut être intéressant. Mais ce qui est frappant, c’est que nous n’avons aucune argumentation de fond permettant de justifier ce changement de pied.
Le législateur est donc en droit de s’interroger sur l’intérêt que présente, par rapport au COPILOR, la création de ce nouveau mécanisme de pilotage appelé « comité de surveillance des retraites ». Il peut se demander aujourd’hui quel objectif poursuit le Gouvernement, contre toute rationalisation, et contre toute sa communication autour de la simplification et de la volonté de rendre les choses claires, équitables et plus lisibles.
Supprimer aujourd’hui le COPILOR plutôt que de faire évoluer ses missions est extrêmement surprenant. Nous aimerions avoir, cette fois, des explications claires de la part du Gouvernement sur ce qui peut justifier un tel changement de pied.
Dans cet article 3, le Gouvernement procède comme il le fait souvent : il abroge, il supprime au lieu de mettre en oeuvre, de développer, d’équilibrer, bref, au lieu de faire son travail qui est d’assurer la continuité de l’État, c’est-à-dire d’améliorer sans cesse ce qui a été fait par nos prédécesseurs.
Ce qui est plus étonnant, lorsqu’on lit – Marc Dolez l’a fait avec beaucoup d’attention – les différents rôles qui sont désormais assignés à ce nouveau comité Théodule, qui s’appelle le Conseil de surveillance des retraites et qui permettra de caser quelques protégés de l’exécutif (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC), on s’aperçoit qu’il évite soigneusement et de façon dogmatique de mentionner l’essentiel : l’âge légal de départ. Nulle part, il n’y est fait référence.
Il est interdit, lorsqu’on appartient au parti socialiste, de parler de l’âge légal de départ à la retraite. C’est un péché mortel qui compromettrait toute carrière à l’intérieur du parti, monsieur Paul, ce qui ne vous est pas tout à fait indifférent !
Rires sur les bancs du groupe UMP.
Dans ces conditions, madame le ministre, on ne peut que regretter l’absence de deux missions très importantes. La première consisterait à fixer l’âge légal de départ en retraite en fonction de toutes les variables. L’augmentation de l’espérance de vie de plus de trois mois chaque année, qui est un bonheur, y conduit dans le monde entier. Vous-même, madame le ministre, annoncez soixante-deux ans à Paris et soixante-six ans à Bruxelles. Le deuxième problème, qui est beaucoup plus sérieux, c’est l’absence d’attention particulière portée à l’inégalité qui caractérise la composition des instances chargées de réfléchir à l’évolution de notre système de retraites.
À l’évidence, il existe un déséquilibre, dont souffre notre démocratie, entre la sociologie de nos assemblées et le pays réel. La réforme des retraites, comme d’ailleurs tout ce que fait ce gouvernement, présente un tel déséquilibre. Les bénéficiaires du régime général sont sous-représentés dès la conception de la réforme. Une telle insuffisance est d’une extrême gravité et devrait être corrigée, surtout quand on sait que l’espérance de vie à la retraite d’un bénéficiaire du régime général est de 17,7 ans alors que celle d’un bénéficiaire d’un régime spécial est de 27,7 ans.
La création du comité de suivi des retraites, madame la ministre, confirme que la plupart des textes de loi du Gouvernement ne résistent pas à la création de comités de suivi, de pilotage, de surveillance et de hauts conseils en tout genre.
Le texte de loi sur la refondation de l’école, par exemple, a créé un haut conseil des programmes et un comité d’évaluation.
M. Chassaigne citait tout à l’heure le haut conseil des finances publiques. À l’évidence, tout cela va à l’encontre de la simplification du système pourtant mentionnée dans l’intitulé du titre III du projet de loi. En outre, la nomination est en général du ressort exclusif de l’exécutif. Cela présente, comme nos collègues communistes et nos collègues des groupes UMP et UDI l’ont souligné, un risque d’éviction de la représentation nationale d’organismes disposant pourtant de prérogatives tout à fait importantes.
Le nouvel organisme sera chargé de formuler des recommandations sur tous les sujets sans exception : l’évolution de la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension sans décote, les transferts de fonds de réserve pour les retraites vers les régimes de retraite, les mesures permettant de renforcer la solidarité, le niveau du taux de cotisation, bref tous les sujets relatifs à la question des retraites, ce qui est tout à fait considérable. La méthode que vous employez, madame la ministre, est une forme de déni de démocratie. En l’espèce, on sent bien que vous voulez créer un organisme qui sera le pendant du COR, dont les avis peuvent déranger. Si une telle méthode ne concernait que ce seul projet de loi, on s’en étonnerait, mais il s’agit véritablement d’une méthode de gouvernement dont le caractère systématique est inquiétant.
J’évoquerai l’amendement assez étrange de 2010 présenté en particulier par Marisol Touraine ainsi que M. Issindou, Mme Lemorton, MM. Terrasse et Vidalies, Mme Pinville et bien d’autres membres de l’Assemblée d’alors, tels que MM. Le Roux, Ayrault, Paul et Gille.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
M. Germain n’était pas encore député à l’époque mais je ne doute pas qu’il l’aurait cosigné avec enthousiasme. Il est tout de même assez étrange de vous entendre dire exactement le contraire quelques années plus tard. Mme la ministre en répondra sans doute, mais il serait bon que les députés ayant renié leur parole pour tenir à présent des propos diamétralement opposés à l’amendement qu’ils ont déposé il y a quelques années s’en expliquent aussi.
Vous écriviez à l’époque, chers collègues : « Il revient au Gouvernement et au Parlement et non à un comité de pilotage de prendre les décisions garantissant la pérennité financière et l’équité des régimes de retraite par répartition ».
C’est exactement ce que nous disons, et le contraire de ce que vous dites !
En fin de compte, si on lit bien votre amendement, vous avez complètement changé d’avis. Quels sont donc les éléments qui vont ont conduits à renier votre parole alors que vous étiez enthousiastes à l’époque ? Le Canard enchaîné, qui vous plaît beaucoup et que vous avez certainement, madame le ministre, parcouru ce matin en conseil des ministres, apporte peut-être un début d’explication. Ce journal, qui sauf erreur de ma part n’est pas de droite, titre tout simplement : « Hold-up du siècle sur les caisses de retraite ! » Sans doute la lecture de l’article vous conduira-t-elle, madame le ministre, à nous fournir les explications que nous attendons
Sourires.
Je régirai, en quelques mots rapides, à certaines interventions. Plusieurs députés, sur les bancs de l’opposition en particulier, ont regretté que la loi prévoie des décrets pour l’entrée en vigueur de certaines dispositions du texte. Il s’agit évidemment d’une procédure classique, car il n’appartient pas à la loi de statuer sur l’ensemble des sujets.
Mais j’aimerais apporter une précision en la matière. Notre loi prévoit en effet trente-huit décrets d’application ; je ne sais si c’est beaucoup ou non. À vous, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, de me le dire ! En tout cas, la loi de 2010 en prévoyait soixante-trois décrets et la loi de 2003 plus de cent !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il me semble donc que ce gouvernement fait preuve d’une certaine maîtrise et d’une certaine réserve.
Ma deuxième observation porte sur l’enjeu du comité de suivi, que nous avons appelé comité de pilotage puis comité de surveillance. Pourquoi, me demande-t-on, cherchez-vous à remplacer ce qui existe déjà et qui, dit-on, ferait correctement le travail, c’est-à-dire le COPILOR ? En effet, la loi de 2010 a mis en place un comité, le COPILOR, qui aurait dû, s’il avait joué le rôle que nous souhaitons assigner au nouveau comité de suivi, tirer dès 2011 la sonnette d’alarme, car à l’évidence les comptes des régimes de retraites viraient au rouge et allaient dans le mur. Le COPILOR comportait pourtant quarante-huit membres, forcément indépendants puisque l’indépendance est toujours de votre côté, mesdames et messieurs les députés de l’opposition. On aurait pu imaginer qu’il s’en serait trouvé au moins un pour sonner l’alerte et dire au Gouvernement que sa grande loi n’avait en fait rien réglé et qu’il lui fallait prendre d’autres mesures.
Rien de tel ne s’est produit. Nous en avons tiré les leçons et sommes arrivés à la conclusion de la nécessité d’un système à même de dédramatiser le rapport aux régimes de retraites et d’assurer un suivi régulier de la situation financière de nos régimes de retraites, entre autres. À ce sujet, je tiens à dire à M. Chassaigne, dont je considère les propos comme étant pleinement de bonne foi, que la rédaction du texte de loi que nous proposons traduit notre volonté d’apporter des garanties en termes de taux de remplacement. Il ne s’agit absolument pas de basculer d’un régime à prestations définies à un régime à cotisations définies ! Il s’agit de garantir que d’éventuels ajustements financiers ne remettront pas en cause le taux de remplacement dont bénéficient nos concitoyens. Nul changement du cadre des régimes de retraites, donc, mais au contraire de nouvelles garanties.
Barbara Romagnan m’a précisément interrogée sur l’un des engagements qui incombera au nouveau comité de suivi, qui est le suivi de la situation des femmes. La réponse à la question un peu technique que vous avez posée, madame la députée, est très claire. Dans le passage que vous avez cité, le premier alinéa porte bien sur la situation des femmes. Le comité de suivi a vocation, s’il constate un décrochage de l’évolution de la retraite des femmes par rapport à celle des hommes, à faire des recommandations pour réorienter la situation et faire en sorte que ledit décrochage cesse. Le premier alinéa prévoit donc des recommandations relatives à la retraite des femmes.
Pourquoi, dès lors, en avoir rédigé un deuxième qui s’y réfère de façon plus spécifique ? Pour donner de la vigueur à l’ensemble, tout simplement. Juridiquement, nous aurions pu nous en passer, mais nous avons voulu signifier solennellement, en proposant une lecture plus simple du texte de loi, que l’évolution de la retraite des femmes est du ressort du comité de suivi, au même titre que celle d’autres paramètres, financiers par exemple. J’espère avoir répondu, madame la députée, à votre préoccupation.
Dès lors que nous avons fait le choix de mettre en place un comité de suivi, nous avons aussi fait celui de la simplification.
Nous supprimons donc deux comités. Je n’ai pas très bien compris, à vous entendre, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, ce que vous souhaitez. Certains d’entre vous disent qu’il ne faut pas créer un comité en plus, à des fins de simplification. C’est ce que nous faisons. Mais d’autres ont expliqué qu’il ne faut surtout pas toucher à ce qui existe déjà et que ce qui a été sera, ce qui n’est quand même pas la meilleure façon d’affronter les défis nouveaux !
Nous supprimons donc deux comités. Nous remplaçons le COPILOR, qui comptait quarante-huit membres, par une structure qui en compte cinq, dont son président ou sa présidente, et qui sera paritaire, ce qui est une façon d’être représentatif de la société. Le COR ne peut assumer une telle responsabilité car il rassemble des organisations syndicales et des partenaires sociaux désireux d’en rester à l’analyse et à l’évaluation de la situation sans avoir à faire eux-mêmes des recommandations. Enfin, la position que je défendais dans l’amendement qui a été lu en séance n’a absolument pas changé et celle du Gouvernement s’inscrit bien dans la droite ligne dudit amendement.
Il ne s’agit pas de contraindre le Gouvernement à suivre les recommandations formulées par le comité de suivi. Il s’agit de demander à un comité de suivi indépendant de lancer le débat et d’injecter dans le débat public des propositions sur la base desquelles le Gouvernement prendra ses responsabilités, ou pas d’ailleurs, mais la représentation nationale et la société tout entière pourront alors demander au Gouvernement de répondre de son inaction. La mise en place d’un nouveau comité de suivi, d’un mécanisme de pilotage, témoigne de la volonté d’apporter garanties et transparence au suivi régulier de nos régimes de retraites.
Je suis saisie de neuf amendements identiques, nos 139 , 713 à 727 , 1534 , 2868 , 2933 et 2977 tendant à la suppression de l’article.
Sur ces amendements identiques, je suis saisie par les groupes Gauche Démocrate et Républicaine et Union pour un Mouvement Populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement no 139 .
Au lieu de créer de nouveaux comités de suivi, nous pensons qu’il serait préférable d’élargir les missions du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance-maladie actuellement placé auprès de la commission des comptes de la sécurité sociale et d’en faire un comité d’alerte sur les dépenses de l’assurance-maladie et de l’assurance-vieillesse. Il aurait la responsabilité d’alerter le Gouvernement sur les conséquences des mesures prévues par le projet de loi et d’alerter le Parlement en cas de trajectoire défavorable des comptes de l’assurance vieillesse.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 713 .
L’article 3 met en place un énième comité qui vient remplacer un comité de pilotage encore tout jeune mis en place lors de la réforme de 2010. Il s’agit là d’un comité purement technocratique, qui comme tel échappera à tout contrôle démocratique. Il dictera pourtant au Gouvernement la marche à suivre pour que la réduction des déficits soit respectée. En réalité, l’article 3 est très important et extrêmement préoccupant, car il pose sans le dire les bases d’une réforme systémique en remettant en cause la solidarité et la prestation définie, qui sont des points essentiels de notre système. Nous proposons pour notre part la mise en place d’une maison commune des régimes de retraite permettant un réel pilotage démocratique de l’ensemble des régimes et le règlement de la situation des polypensionnés. Malheureusement, notre amendement en ce sens contredit l’article 40 de la Constitution. C’est dommage car il aurait sans aucun doute emporté l’adhésion de tous nos collègues, socialistes, écologistes et radicaux à tout le moins.
En effet, la maison commune des régimes de retraites que nous proposions était composée démocratiquement, aux deux tiers de représentants élus de salariés actifs et retraités, au tiers restant de représentants élus des employeurs et de représentants désignés par l’État. Comme vous le voyez, la composition de notre maison commune des régimes de retraites tranche considérablement avec ce comité de surveillance composé de quatre personnalités nommées par décret et d’un président nommé en conseil des ministres. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 3.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 714 .
Je voudrais d’abord revenir sur les explications apportées par Mme la ministre sur la nature des recommandations du comité de surveillance – des recommandations qu’elle estime strictement encadrées. Certes, les alinéas 23 à 25 de l’article 3 précisent que les recommandations ne peuvent tendre à « réduire le taux de remplacement assuré par les pensions », mais il ne faut pas oublier la fin de cette phrase : « en deçà de limites fixées par décret. » C’est justement là que nous voyons un risque, car les limites dépendront de ceux qui seront aux manettes, si je puis dire…
…et pourront donc être modifiées à tout moment de manière très importante.
Comme l’a très bien expliqué Jacqueline Fraysse, la maison commune que nous proposons – extrêmement démocratique de par sa composition et son fonctionnement – a des objectifs, en particulier celui d’un socle commun minimum constitué de prestations précisément définies. Ainsi, notre proposition permet de garantir une carrière complète dès 60 ans, un taux de remplacement minimum de 75 % du salaire d’activité, avec un plancher égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance, net de cotisations retraite ; elle permet également de garantir la parité d’évolution du pouvoir d’achat des pensions et des salaires, en revalorisant les pensions sur la base de l’évolution du salaire moyen de l’ensemble des salariés. Notre démarche est donc totalement différente de celle du Gouvernement en ce qu’elle prévoit la fixation d’objectifs, qui pourront être atteints grâce à des leviers – essentiellement le niveau de cotisation.
Notre amendement de suppression se justifie par un certain nombre de raisons de fond. Premièrement, il subsiste des zones d’ombre en dépit de vos explications, madame la ministre. J’ai entendu ce que vous avez dit au sujet du nombre de décrets, qui vous paraît raisonnable compte tenu du texte auquel ils se rattachent, mais la question n’est pas tant le nombre de décrets que l’importance de leur contenu. Ainsi, les alinéas 23 à 25 montrent que le Gouvernement entend fixer par décret le plafond d’augmentation du taux de cotisation ou le plancher de réduction du taux de remplacement, ce qui n’est pas rien ! Ce n’est qu’ensuite que le comité de suivi, placé sous la tutelle du Gouvernement, fera ses recommandations, dans le cadre du décret : CQFD…
Deuxièmement, il me paraît difficile de soutenir comme vous le faites, madame la ministre, que le comité sera indépendant, dans la mesure où il est nommé par décret par le Gouvernement et où son président est nommé en conseil des ministres.
Par ailleurs, je vous fais remarquer qu’en l’état actuel du texte, le président du comité n’est pas nommé pour une durée précise. Est-ce donc à dire qu’il est révocable à tout moment ? En tout cas, ce qui est sûr, c’est que le comité ne sera soumis à aucun contrôle parlementaire.
Troisièmement, on nous dit que le Gouvernement ne sera pas tenu de suivre les recommandations et avis du comité. Mais dans la pratique, on imagine difficilement que le Gouvernement puisse outrepasser ces recommandations et avis, visant à assurer la pérennité financière – un terme parfaitement flou qui, à nos yeux, ne signifie que la réduction des déficits par de nouveaux reculs sociaux. En tout cas, il est difficilement concevable que le Gouvernement ne se serve pas du comité, au moins pour lancer des ballons d’essai destinés à préparer l’opinion à de nouveaux reculs.
Il est, enfin, une quatrième raison de fond pouvant justifier, à nos yeux, que l’ensemble des parlementaires, tous groupes confondus, adopte cet amendement de suppression : je veux parler du fait que la représentation nationale ne devrait pas déléguer à un comité d’experts le soin de faire la politique en matière de retraites.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 722 .
L’exposé des motifs de l’article 3 est très clair au sujet de l’institutionnalisation du pilotage à vue de notre système de retraites selon des critères exclusivement comptables. Il évoque d’abord les fameuses « recommandations » du comité de surveillance : celles de la Commission européenne ne vous suffisaient donc pas, il vous fallait en inventer l’équivalent national ! Ces recommandations « ne pourront conduire à baisser le taux de remplacement (…) en deçà d’un plancher ». Cela veut dire qu’il est dans l’attribution du comité de baisser le taux de remplacement, c’est-à-dire le niveau des pensions. Ce comité est donc un comité d’appauvrissement des retraités !
Il est clair que l’unique objectif de ce comité de surveillance est financier, loin de toute préoccupation en matière d’emploi, de pouvoir d’achat des salariés et des retraités, de progrès social, de disparition des inégalités hommes-femmes – et je ne parle pas même de sa composition et de son fonctionnement, peu démocratiques par rapport à la maison commune que nous proposons, comme mes collègues l’ont dit avant moi.
C’est, encore une fois, le déficit de notre système de retraite qui est en ligne de mire. Or, il faut remarquer que, s’agissant de nos régimes de retraites, le terme de « déficit » est impropre. Il s’agit là d’une sémantique mensongère imposée par la doxa libérale, car notre système de retraites est en fait un système redistributif, déficitaire par nature : ses recettes n’ont jamais été connectées avec ses dépenses. Parler de déficit est donc une absurdité purement idéologique. Il faut en finir avec ce mythe : la retraite ne peut pas et ne doit pas être une affaire de calculs et de pseudo-équilibre financier. La retraite pour tous a un coût, et c’est la collectivité qui doit l’assumer, dans la solidarité. C’est le principe même de tout notre système de sécurité sociale, mis en place par les communistes au sortir de la guerre. Cet article étant tout simplement hors sujet, nous en demandons la suppression.
Plusieurs raisons justifient notre amendement de suppression de l’article 3. J’en exposerai quatre. Premièrement, le comité de surveillance mis en place par l’article 3 n’est pas indépendant, puisque directement placé sous la tutelle du Premier ministre. Ses recommandations seront donc nécessairement marquées par cette dépendance et pourront être entachées de profondes contradictions au gré des alternances gouvernementales. Or, le pilotage des régimes de retraites requiert, au contraire, une vision de long terme autour d’objectifs et de moyens définis démocratiquement avec les assurés sociaux.
Deuxièmement, les partenaires sociaux représentant les forces vives de la Nation devraient eux-mêmes pouvoir produire des analyses et des recommandations à l’intention de la représentation nationale.
Troisièmement, notre système de retraites, amené à fonctionner à cotisations définies, ajustera en permanence le montant des pensions versées ou en cours de constitution au montant des ressources perçues ou projetées, compte tenu du plafonnement des cotisations. Dans un contexte d’accroissement du nombre de retraités et de leur espérance de vie, il s’ensuivra un décrochage continu et majeur du taux de remplacement du salaire par les pensions de retraite, à moins de prétendre maintenir les actifs dans l’emploi à un âge irréaliste.
Quatrièmement, enfin, cet article porte atteinte au pilotage paritaire des régimes de retraite complémentaires, en particulier l’ARRCO ou l’AGIRC. Les partenaires sociaux s’en trouvent de fait dessaisis, puisqu’ils ne peuvent actionner le levier des ressources comme ils l’entendent, alors que ces régimes sont pourtant de droit privé. Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, nous demandons la suppression de l’article 3.
La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement no 1534 .
Comme l’ont dit Arnaud Robinet et d’autres orateurs qui se sont exprimés sur l’article 3, la question essentielle n’est pas celle de la gouvernance par un comité ou par un autre – pour ma part, je reste persuadé que les missions sont aujourd’hui bien assumées –, mais celle des décisions qui s’imposent et du courage nécessaire pour les prendre. Chacun connaît les équations et les différents paramètres qui entrent en compte lors de chaque réforme des retraites.
Pour notre part, nous souhaitons conserver le COPILOR car en matière de retraites, il y a suffisamment à faire pour occuper à la fois ce comité et le Comité d’orientation des retraites, sans parler des décisions qu’il revient au pouvoir politique de prendre. Nous souhaitons d’ailleurs – Arnaud Robinet et moi-même avions plaidé en ce sens en 2010 – que le COPILOR lance prochainement une réflexion nationale sur les conditions d’une réforme systémique du régime de retraites, notamment la mise en place d’un régime par points, ce qui fera l’objet d’un amendement n°1535 .
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 2868 .
Madame la ministre, il ressort de la plupart des interventions des orateurs qui m’ont précédé que le Comité de surveillance des retraites est redondant et inutile – et, par là même, sans doute mort-né. Certes, le choc de simplification est attendu par tout le monde, mais pourquoi, après avoir supprimé la fameuse commission de garantie des retraites ainsi que le COPILOR, créez-vous un nouveau comité, alors qu’il aurait suffi d’élargir la composition du COR et ses missions ?
D’autre part, madame la ministre, il est dit à l’article 3 que « le comité rend, au plus tard le 15 juillet, en s’appuyant notamment sur les documents du Conseil d’orientation des retraites mentionnés aux 1° et 4° de l’article L. 114-2 du présent code, un avis annuel et public ». Quel aveu d’impuissance totale ! Le comité de suivi, composé de quatre personnes seulement – même si elles sont extrêmement brillantes, je pense qu’elles n’auront pas un instant de répit – va utiliser les travaux du COR pour nous donner un éclairage sur les effets de votre réforme. Vous admettez ainsi implicitement que le comité de suivi est inutile, puisqu’il s’appuie sur les travaux du COR. Nous pensons, pour notre part, qu’il serait plus opportun d’élargir les missions du COR et d’améliorer, si besoin est, sa composition, plutôt que de s’en remettre à un comité que beaucoup ont décrit comme un comité technocratique et sans possibilité d’évaluation parlementaire.
Enfin, le comité de suivi va vérifier que les principes fondateurs énoncés à l’article 1er sont respectés. L’équilibre financier est, à nos yeux, la base de tout – sur ce point, nous rejoignons ce qui a été dit par M. Chassaigne tout à l’heure au sujet de la base de confiance constituée d’un montant minimum de retraite et d’un taux de remplacement minimum. Le problème, c’est que votre réforme – votre pseudo-réforme, devrais-je dire – écarte d’entrée de jeu d’une part, les régimes spéciaux qui, on le sait, plombent le système au quotidien, d’autre part, la convergence public-privé. La réflexion que vous allez confier au comité de suivi sera donc forcément partiale et partielle. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de l’article 3.
La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement no 2933 .
L’article 3 concentre un certain nombre des mesures que nous estimons défavorables à l’avenir de nos régimes de retraites. Alors que les dispositifs existants ne demandaient qu’à être utilisés, il vise à mettre en oeuvre un nouveau dispositif, qui évite soigneusement la variable que chacun sait être la plus importante pour rétablir l’équilibre financier, à savoir l’âge légal de départ à la retraite. C’est la variable centrale, madame la ministre, car si on ne touche pas à l’âge légal, c’est forcément le montant des pensions qui va baisser. Vous ne pouvez pas affirmer – sincèrement, je pense – vouloir préserver le montant des retraites, sans accepter le fait qu’à partir du moment où l’espérance de vie s’allonge, il faut adapter en conséquence l’âge légal de départ à la retraite, comme cela a été fait dans tous les pays dotés d’un système de retraites par répartition, où ce sont les cotisations des actifs qui financent les pensions des inactifs.
Vous savez que la plupart des pays de l’OCDE connaissent un âge légal moyen de 66 à 67 ans, alors que la France est à 62 ans. Sommes-nous plus intelligents ? Je ne le crois pas. Vivons-nous moins longtemps ? Non, c’est justement le contraire. Ce que vous proposez est donc tout à fait incompréhensible, et cela fait perdre toute crédibilité à cette réforme, qui, déjà, n’est pas équilibrée financièrement, que de refuser délibérément de parler d’âge légal. Telle est la raison pour laquelle il convient de supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 2977 .
Nos collègues ont d’ores et déjà présenté des arguments que je souhaitais moi-même développer, aussi serai-je bref, en insistant sur trois éléments. Le premier concerne l’indépendance de cette nouvelle instance. Si l’on charge une institution de produire des recommandations et des analyses, surtout s’il s’agit de délivrer aux responsables politiques des orientations et des conseils leur permettant de prendre des décisions, il est préférable qu’elle dispose d’une certaine autonomie. Or, les modalités de sa nomination et de sa composition ne permettent pas de s’assurer de cette liberté de ton et de travail qui, pourtant serait l’une des conditions de sa réussite et de son utilité.
Par ailleurs, notre collègue Marc Dolez évoquait tout à l’heure la question de l’alinéa 25, qui suscite des interrogations sur la répartition des compétences entre le Gouvernement et le Parlement. En effet, il me semble qu’au stade où nous nous trouvons, la définition d’un niveau minimal de taux de remplacement mériterait davantage un débat dans cet hémicycle qu’une détermination par décret. Le texte va donc, là aussi, à mes yeux, un peu trop loin.
Enfin, même s’il s’agit d’une remarque quelque peu accessoire, je veux rebondir sur la réponse que vous avez formulée tout à l’heure, madame la ministre, sur le nombre de décrets. S’il ne m’est jamais arrivé d’écrire un décret, je ne vous étonnerai pas en vous disant que j’en ai lu quelques-uns. Quiconque a déposé ici une proposition de loi a, au moins une fois dans sa vie de parlementaire, utilisé l’expression : « selon les modalités fixées par décret en Conseil d’État » ; vous avez donc raison de dire que le renvoi au décret est un exercice très habituel. Mais comprenez, madame la ministre – vous avez d’ailleurs parfois partagé, naguère, cette préoccupation – que, lorsque des décisions ou des dispositifs aussi importants que ceux figurant dans cet article sont renvoyés à un décret, le Parlement cherche à savoir ce que le Gouvernement a dans la tête. Par ailleurs, cent petits décrets, madame la ministre, sont sans doute moins pesants que trente-huit gros décrets. Aussi, pourriez-vous nous éclairer en nous indiquant ce que vous envisagez d’inscrire dans les trente-huit décrets que vous mentionniez tout à l’heure ?
Mme la ministre ayant dit l’essentiel, je serai bref. Il faut absolument remplacer ce COPILOR. Pourquoi, d’ailleurs, l’avez-vous mis en place pour ne jamais l’utiliser ? On va le remplacer par une structure beaucoup plus légère, composée d’un nombre de membres beaucoup plus réduit que le COPILOR, qui ne s’est d’ailleurs jamais réuni, et n’a donc jamais donné le moindre avis sur la dérive du système, qui était prévisible dès le vote de la loi de 2010. Nous allons donc bâtir, je le répète, une structure légère, donc a priori peu onéreuse, composée de quatre personnes, qui s’appuiera sur des travaux produits par d’autres. Je ne comprends pas l’angoisse subite que vous ressentez face à l’expertise de ce comité, qui se contentera de formuler un avis sur les évolutions du système. L’article premier, qui est l’article fondamental – on en a parlé hier – détermine les objectifs fondamentaux que l’on souhaite assigner à notre système de retraites. Ce comité d’experts ne fera qu’indiquer si l’on se rapproche ou si au contraire l’on s’éloigne des objectifs, et formulera des recommandations, qu’il transmettra au Gouvernement. Ce dernier, en toutes circonstances et en tout état de cause – comme c’est toujours le cas en présence d’experts – décidera des mesures à prendre. La responsabilité sera dans son camp. Je ne comprends donc pas l’angoisse particulière que suscite ce comité d’experts, qui émettra des avis, que l’on suivra ou non, en fonction de leur pertinence. Il sera loisible aux gouvernants d’en faire, le cas échéant, leur miel.
À l’appui de mon propos je veux citer le rapport Moreau, fruit des travaux d’un petit comité d’experts, formé d’une dizaine de personnes, ce qui n’a pas empêché que chacun s’y réfère, que tout le monde le cite, tant à droite qu’à gauche. Cela a été un moment de réflexion intense…
…qui a été utile pour bâtir le projet de loi du Gouvernement. On n’a donc pas de raison de redouter quoi que ce soit aujourd’hui : pas plus que le Gouvernement n’a suivi le rapport Moreau quand il a estimé qu’il n’avait pas à le faire, pas plus ne suivra-t-il les avis de ce comité d’experts quand cela lui paraîtra infondé. Mais, en tout état de cause, une fois l’an, nos concitoyens seront informés de l’évolution du système, et la balle sera dans le camp du Gouvernement. Mon avis est donc défavorable sur ces amendements de suppression.
Mon intervention me permettra, le cas échéant, de ne pas répondre à l’ensemble des amendements qui suivent. En effet, aux amendements de suppression actuellement en discussion s’ajoutent des sous-amendements ou des amendements visant à supprimer un certain nombre d’alinéas de l’article 3. En premier lieu, je veux rappeler qu’en 2010, nous avions fortement critiqué le COPILOR. Comme l’a rappelé Mme la ministre, nous estimons en effet qu’il appartient au Parlement et au Gouvernement de prendre leurs responsabilités en matière de réforme des retraites. Or, ce COPILOR présente un double défaut : il est pléthorique et ne se réunit jamais. Il est en effet composé de quarante-huit membres, s’est réuni une seule fois en formation plénière depuis sa naissance, en 2011, et n’a rendu aucun avis. Par ailleurs, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, vous qui faites souvent référence au rapport Moreau, il y était justement indiqué que le pilotage du système était défaillant, pour trois raisons que je veux ici rappeler.
Premièrement, dans les lois de 2003, puis de 2010, vous aviez engagé ce que l’on appelle une périodicité des clauses de « revoyure », pour vérifier que le pilotage et l’évolution des grands équilibres financiers s’inscrivaient dans un cadre normal. Or, ce système, me semble-t-il quadriennal, était anxiogène pour les Français. Aujourd’hui, le projet de loi met en place un mécanisme de pilotage annuel, ce qui constitue une avancée sérieuse.
Deuxièmement, ce pilotage sera naturellement permanent. À ce propos, je veux me tourner vers nos collègues du groupe GDR, pour leur dire que cette structure n’a pas vocation à émettre des recommandations sur des données telles que le taux de cotisation ou la baisse du taux de remplacement : c’est précisément énoncé par le texte.
En revanche, vous avez eu tout à fait raison de rappeler qu’il y avait une forme de « serpent » constitué par l’existence d’un plancher et d’un plafond. Ils seront fixés par décret mais, en tout état de cause, dès lors que ce comité portera ces informations à notre connaissance, la décision reviendra à l’Assemblée nationale, et non pas à cette structure. C’est dans notre enceinte, je le répète, que les décisions seront prises. Tout à l’heure, l’un de nos collègues – il s’agit, me semble-t-il, mais pardonnez-moi si je me trompe, de M. Accoyer – a fait référence aux régimes spéciaux : je veux lui rappeler que les trente-huit régimes, dans leur ensemble – y compris, donc, les régimes spéciaux et les régimes complémentaires – seront pris en compte par ce dispositif.
Troisièmement, ce comité aura vocation à être opérationnel et ne se limitera pas – ce qui aurait été un risque – à des trajectoires financières. Il aura pour mission de relever des indicateurs, notamment concernant le niveau des pensions de retraite, ce qui correspond à un souhait unanime. Il vérifiera également les grands équilibres hommes-femmes, objet de la question posée il y a quelques instants par une de nos collègues. Par ailleurs, pour revenir sur le débat que nous avons eu à propos de l’article premier, vous devriez vous réjouir qu’il mesure également l’emploi des seniors. Le sujet a été largement évoqué hier à l’occasion de l’examen d’amendements, que nous avons à juste titre refusés, parce que ce comité a précisément pour mission d’étudier le taux d’emploi des seniors. Le comité rendra possible une véritable lisibilité du système, qui n’existe pas aujourd’hui. Enfin, contrairement à la réforme de 2010, il justifiera, le cas échéant, l’utilisation du Fonds de réserve des retraites. Je veux vous rappeler, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, que, lorsque vous avez réformé les retraites en 2010, vous avez pillé ce fonds de réserve
Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Le comité d’experts vérifiera, en cas de problème financier, si, oui ou non, il convient de faire appel au Fonds de réserve des retraites.
Avis défavorable.
J’incite nos collègues à repousser ces amendements.
Je veux également répondre, le plus calmement possible, à M. Lamblin, cosignataire de l’un des amendements – je ne le vois d’ailleurs plus parmi nous –, qui s’est cru autorisé à attaquer, par des propos peu amènes, l’ensemble des membres de la commission Moreau, dont chacun salue ici le travail
Exclamations et « Pas du tout ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Il faut écouter vos collègues lorsqu’ils défendent des amendements : M. Lamblin a parlé des neuf membres de cette commission : Didier Blanchet, Anne-Marie Brocas, Daniel Cohen, Sylvie François, Dominique Libault, Florence Parly, Didier Tabuteau, Cécile Van de Velde et Serge Volkoff,…
…à qui je rends un hommage particulier pour ses travaux sur le vieillissement et le travail. Il a dit – je ne sais si cela est vrai, peut-être dispose-t-il d’informations en ce sens – qu’ils étaient tous attributaires de régimes spéciaux et qu’il y avait donc en la matière une sorte d’endogamie. Je souhaite qu’à tout le moins, dans cet hémicycle, l’on respecte le travail des membres d’une commission dont chacun a loué la qualité et que l’on n’expose pas sur la place publique, dans le cadre d’une discussion démocratique, des gens qui ne le méritent pas
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je reste perplexe quant au rôle de ce comité de suivi des retraites. J’avais déjà évoqué ce sujet en commission des affaires sociales, mais les propos de M. Terrasse continuent à jeter le trouble. Monsieur Terrasse, vous avez évoqué les missions du comité en vous inspirant des recommandations qu’il doit rendre. Il est un point qui, en particulier, me surprend : l’alinéa 10 dispose qu’« un décret en Conseil d’État précise les missions du comité ainsi que ses modalités d’organisation et de fonctionnement. »
De l’autre côté, les finalités poursuivies par cette structure sont définies par la loi, notamment aux alinéas 11 à 16, qui déterminent ce qu’il doit rendre, quand il doit le rendre et comment il doit le rendre. Les alinéas 17 à 22 indiquent ce sur quoi doivent porter les recommandations dudit comité. Puis, les alinéas 23 à 25 indiquent ce vers quoi les recommandations ne peuvent tendre.
Monsieur Terrasse, vous évoquiez les missions de cet organisme, en indiquant, pour reprendre vos propos, qu’elles consistaient à relever les indicateurs de suivi énumérés dans les recommandations. Il me semble que nous sommes tous un peu perdus : comment peut-on, d’un côté, laisser fixer par décret les missions de ce comité, et, de l’autre, par voie législative, indiquer quelles sont ses finalités, les actions qu’il doit entreprendre, que vous avez vous-même qualifiées de missions ? Je le répète, nous sommes tous quelque peu perdus sur cet article 3.
On a du mal à suivre les débats. En effet, alors que beaucoup de questions ont été posées par nos collègues de l’opposition, notamment du groupe UMP, la ministre ne répond pas aux objections que nous avons émises à propos de l’article 3, M. Issindou nous répond de manière vague et M. Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, parle de tout, sauf des finances. Nous avons une question à vous poser, monsieur Terrasse, que nous posons d’ailleurs depuis le début des débats : comment votre projet de loi est-il financé ? Au lieu de nous répondre sur ce point, vous le faites sur l’article 3. On n’y comprend plus rien ; on ne sait pas qui pilote les réponses de la majorité sur ce texte
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
La ministre est absente, le rapporteur au fond est absent, tandis que le rapporteur pour avis est omniprésent !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Il est procédé au scrutin.
Cet amendement vise encore à supprimer le fameux Comité de suivi des retraites, dont l’utilité semble d’ailleurs être mise en doute par un grand nombre de nos collègues, au vu du scrutin qui vient d’avoir lieu. Comme je vous l’ai dit, il est mort-né et n’a aucune utilité.
Mais puisque vous tenez absolument à le créer, madame la ministre, autant qu’il serve à quelque chose ! L’une de ses missions est l’évaluation dans le temps de la réalisation des objectifs énoncés à l’article 1er, qui dispose : « Les salariés bénéficient d’un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension. » Mais vous refusez systématiquement que l’on parle des régimes spéciaux – vous faites blocage, obstruction. Vous refusez systématiquement de parler de l’harmonisation entre le public et le privé.
Madame la ministre, vous le savez comme nous : le montant moyen de la pension de droit propre s’élève à 1 750 euros par mois pour les fonctionnaires et assurés des régimes spéciaux, contre 1 166 euros pour les salariés du secteur privé.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Cela vous ennuie qu’on en parle, mais c’est la vérité ! Vous parlez de justice, mais c’est de l’injustice : l’âge moyen réel de départ en retraite est de 61,9 ans dans le privé alors qu’il est de 57 ans pour les fonctionnaires.
Tout ce que nous disons, c’est qu’il faut sceller un pacte de confiance, qu’il faut faire en sorte que le système soit équilibré, alors que l’on part déjà avec 14 milliards d’euros de déficit malgré la réforme ! Nous ne pouvons laisser ce texte en l’état. C’est la raison pour laquelle nous tenons à supprimer ce comité de suivi qui est, je le répète une fois de plus, vide de tout sens.
Le Gouvernement établit une nouvelle réforme des retraites au mépris du rendez-vous fixé par la loi – par la véritable réforme des retraites de 2010. Pourtant, la réduction du nombre de régimes et des différentes conditions d’acquisition et de liquidation des droits est une attente forte et légitime de l’ensemble de nos concitoyens. L’objectif de pérennité financière doit aller de pair avec un objectif d’équité.
J’entends le rapporteur affirmer que la convergence n’est pas un sujet car nous l’aurions déjà assurée grâce aux réformes courageuses que nous avons menées. Il avance également que le taux de remplacement est sensiblement le même dans le privé et dans le public et que la volonté d’établir les mêmes règles de calcul dans l’ensemble des régimes tiendrait de l’obsession pour le groupe UMP.
Monsieur le rapporteur, notre groupe entend les aspirations des Français à plus d’équité. Rien que pour couper court aux présomptions, aux doutes, au sentiment d’injustice d’un côté ou de l’autre, établir des règles communes et simples de calcul des droits à pension se justifie. Et contrairement à ce que vous dites, nous ne voulons pas stigmatiser les fonctionnaires : nous voulons harmoniser les règles de calcul. Il est trop facile de coller une étiquette anti-fonction publique à l’opposition pour éluder les vraies questions.
Pour vous répondre sur le fond, monsieur le rapporteur, peut-être le taux de remplacement est-il sensiblement le même aujourd’hui, mais il n’est pas fixé par décret en Conseil d’État ! Il dépend de la démographie, des écarts de revenus, des comportements de départ à la retraite… Nous savons tous qu’il va évoluer. Dans son document de travail établissant des projections du taux de remplacement, notamment pour les générations nées entre 1950 et 1990, le Conseil d’orientation des retraites estime que celui-ci devrait connaître des tendances contraires dans le privé et le public. Dans le public, il devrait légèrement augmenter, passant de 68 à 70 % pour les cadres B et de 76 à 77 % pour les cadres A, tandis que dans le privé, il devrait baisser, passant de 56 à 51 % à l’horizon 2060 pour les cadres et de 75 à 69 % pour les non-cadres. Et encore ces chiffres restent-ils optimistes, monsieur le rapporteur, madame la ministre, car ils sont fondés sur l’hypothèse de rendements AGIRC-ARCCO constants, alors que rien n’est moins sûr, comme nous le savons tous.
Il n’est pas question pour l’opposition de niveler les pensions par le bas. C’est pourtant ce que vous faites avec ce projet de loi, notamment en reportant la revalorisation des pensions et en créant de nouveaux impôts pour les retraités. En tout cas, l’argument massue de M. le rapporteur ne tient pas. La révision des règles de calcul des pensions demeure une nécessité pour plus de justice et plus d’équité. Elle est surtout un impératif de cohésion sociale.
La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement no 2934 .
Cet amendement se situe dans la continuité de l’action qui a toujours été conduite par les gouvernements de droite et du centre, qui ont veillé à sauver le système de retraite par répartition. Une telle ligne de conduite exige de l’objectivité et il n’est pas faux de rappeler que ceux qui réfléchissent au sujet, ceux qui travaillent aux réformes peuvent être dans des situations délicates. Il faut savoir ce qu’ils ont fait.
C’est lorsqu’elle était conseillère de François Mitterrand en 1983 que Mme Moreau a porté le coup le plus vigoureux, le plus coûteux au système de répartition en France, en diminuant d’un seul coup de cinq ans la durée de cotisation et en abaissant d’autant l’âge légal de départ. Ce sont des proportions gigantesques, alors même que les calculs actuariels de l’époque démontraient, et tout le monde le savait, que de telles mesures condamnaient la soutenabilité des régimes de retraite, de tous les régimes de retraite ! C’est cela, la réalité !
Le présent amendement nous donne aujourd’hui l’occasion de nous mettre autour de la table pour réfléchir à la construction d’un régime qui serait équitable pour tout le monde et qui permettrait le rapprochement progressif des taux de remplacement, de l’âge légal de départ à la retraite et de l’espérance de vie à la retraite des uns et des autres. C’est l’unique objet de cet amendement. Convenez qu’il n’est pas interdit d’imaginer que, lorsqu’on est juge et partie, on ne peut, même avec toute l’honnêteté du monde, faire preuve d’une totale liberté intellectuelle.
Je tenais à le dire, et vos allusions sont tout à fait déplacées, monsieur Sebaoun.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 3000 .
Je ne reviendrai pas sur les arguments des orateurs précédents. Je profite simplement de cet amendement pour vous poser une question, madame la ministre : seriez-vous favorable à ce qu’il propose quant à l’étude des conditions de réussite d’une réforme systémique des retraites ? Est-ce une possibilité que vous excluez totalement ? Ne pourriez-vous l’envisager ne serait-ce que pour la curiosité et l’intérêt intellectuel, même si l’utilité d’une telle étude irait sans doute bien plus loin ?
Compte tenu des difficultés que nous avons à maintenir notre système tel que nous le connaissons, il me semblerait à tout le moins utile d’examiner des solutions radicalement différentes. Le présent amendement propose donc de maintenir le comité de pilotage dans sa formule actuelle et de lui confier une mission spécifique d’étude sur la possibilité de refonder totalement les modalités d’organisation de notre système de retraites. Au-delà de votre avis sur cet amendement, sur lequel je ne me fais pas trop d’illusions, je souhaiterais connaître votre sentiment sur une telle étude.
Je serai très bref, madame la présidente. Cette volonté d’accomplir une réforme à laquelle vous ne vous êtes pas résolus pendant vos dix années aux affaires continue de me désoler, chers collègues de l’opposition. Vous voulez absolument une réforme différente de la nôtre. Nous allons vous prouver, au travers de l’examen de ce texte, que notre réforme est juste, équilibrée et efficace, contrairement à celles que vous avez menées pendant de nombreuses années, qui étaient injustes, déséquilibrées et inefficaces.
J’émets donc un avis défavorable, et je continuerai de le faire, avec la même constance qu’hier, lorsque vous recommencerez dans cinq minutes.
Il n’y a aucun argument nouveau dans la discussion que nous avons depuis la longue réponse que j’ai donnée tout à l’heure. L’avis du Gouvernement reste donc défavorable.
L’amendement no 2867 n’est pas adopté.
Nous allons tout de même poursuivre encore un peu. Je peux comprendre que le Gouvernement souhaite suivre au quotidien la mise en oeuvre de la politique votée par sa majorité. Néanmoins, à quoi cela sert-il de créer de nouvelles instances quand nous disposons déjà d’organismes dont la compétence et le travail sont unanimement reconnus ? Pourquoi toujours vouloir compliquer les choses en empilant les structures alors que, j’en suis convaincu, les membres du COR seraient prêts à assurer cette mission de surveillance si le Gouvernement le leur demandait ? Cela leur donnerait même une nouvelle impulsion, alors qu’il est à craindre que la proposition du Gouvernement de créer un comité de surveillance ne sonne le glas du Conseil d’orientation des retraites.
Outre cette mission de surveillance de l’application de la réforme des retraites et des évolutions démographiques de notre société, nous pourrions également assigner au COR une mission de réflexion nationale sur les conditions d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse, en particulier sur les conditions d’une meilleure équité entre les régimes de retraites légalement obligatoires et la possibilité de mise en place d’un régime en points ou en comptes notionnels. Tel est l’objet de cet amendement.
Je réponds volontiers à M. Lurton, puisqu’il est dans le sujet : il propose très clairement de confier le pilotage des retraites au COR. Mais je répète que le COR n’est pas le mieux placé pour assurer cette fonction, et que ses membres ne le souhaitent pas.
Ils ont une mission très claire de diagnostic et d’état des lieux et ils ne souhaitent pas négocier une réforme ni, à tout le moins, donner leur avis. Ils veulent constater. Telle est leur mission et tout le monde s’accorde à reconnaître qu’ils la remplissent très bien. Laissons-les poursuivre ce travail en toute sérénité. Ils analysent le système existant et ne vont pas au-delà. Nous préférons instaurer un comité avec une mission différente, afin que chaque organisme ait son propre rôle. Avis donc défavorable.
L’amendement no 1721 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 2863 .
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé tout à l’heure que ce que nous proposions était injuste et déséquilibré. Pouvez-vous dire ce soir, devant la représentation nationale, que votre réforme est équilibrée ?
Pardon, mais il va falloir fournir quelques arguments ! Nous savons très bien qu’il manquera 14 milliards d’euros dans les caisses à l’horizon de 2020.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous nous demandez ce que nous avons fait depuis dix ans… Mais vous pouvez même remonter jusqu’à vingt ans en arrière ! Sans les réformes de 1993, 2003 et 2010, combien de milliards d’euros manquerait-il pour équilibrer le régime des retraites ? 120 milliards, soit six points de PIB ! Et c’est le COR qui l’écrit !
Enfin, mais vous n’aimez pas qu’on vous en parle, c’est vous qui êtes en train de faire baisser le niveau des retraites ! Qui a décidé de reporter la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre ? C’est vous ! Qui a décidé de faire peser sur les retraités une cotisation de 0,15 % en 2013 et de 0,30 % en 2014 ? C’est encore vous ! Qui a décidé d’augmenter les cotisations pour les salariés, entraînant une baisse de leur pouvoir d’achat ? C’est encore vous ! Qui a décidé d’augmenter le coût du travail pour les entreprises ? C’est encore vous, et vous pesez ainsi sur la compétitivité.
Et vous taxez nos propositions d’injustice, de déséquilibre ? L’injustice est pourtant bien de votre côté, avec la sanctuarisation des déséquilibres entre les niveaux de retraites du public et du privé, en particulier avec les régimes spéciaux.
Voilà trois ans, et j’en terminerai par là, madame la présidente, un amendement a été voté au Sénat sur l’article 16 du texte devenu la loi portant réforme des retraites. Il prévoyait de lancer une réflexion à compter du premier semestre 2013 sur une réforme systémique. Appliquons la loi qui a été votée.
Le fait que M. Vigier se répète ne rend pas ses arguments plus crédibles.
Défavorable.
Monsieur le rapporteur, puisque nous n’avons pas reçu de réponses à nos questions, nous continuerons de nous répéter. Vos seuls arguments depuis le début de ce débat consistent à dire que la réforme de 2010 n’a servi à rien, qu’elle a été inefficace et qu’il faut revenir dessus.
Ainsi que l’a redit Philippe Vigier, le déficit du régime de retraites à l’horizon 2020 est estimé à 20 milliards d’euros ; sans la réforme de 2010, il serait de 45 à 50 milliards. Alors oui, nous le répéterons tout au long de ce débat ! Sur ces 20 milliards de déficit, vous n’en financez que 7. Reste un besoin de financement de 13 milliards d’euros.
Vous ouvrez de nouveaux droits. Nous ne sommes pas contre, certains sont justifiés, notamment ceux qui concernent les polypensionnés et les femmes. Mais il n’y a pas de financement ! Ces 7 milliards d’euros sont pris uniquement sur le dos des Français, via des augmentations de cotisations salariales et patronales. Et vous parlez d’équité et de justice !
Est-ce que pour vous, l’équité consiste à taper les retraités qui ont un faible revenu ? Avec l’un des habitants de ma circonscription, je me suis amusé à dresser un petit état des lieux. C’est un retraité de 62 ans qui vit seul dans un quartier de Reims et qui habite dans un logement HLM de trente mètres carrés. Il bénéficie d’une retraite de 1 150 euros par mois. Est-ce un nanti, selon vous ? Avec l’imposition du bonus de 10 % pour supplément familial, le revenu fiscal de ce monsieur va passer de 11 291 euros à 11 895 euros. Il faut ajouter l’IRPP, la CSG, la CRDS. Il va aussi être assujetti à la taxe d’habitation et à toutes les taxes qui en découlent, notamment pour la ville de Reims. Il va également payer la redevance audiovisuelle et voir son allocation logement ramenée de 427 euros à 215 euros. Au total, votre projet de loi va alourdir ses impôts de près de 10 % !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Vous faites le Tour de France pour les municipales, ce n’est pas le lieu !
Il ne s’agit pas de répéter les mêmes arguments sans arrêt mais, après Jean-Frédéric Poisson, je vous le demande, madame la ministre : oui ou non la loi de 2010 qui prévoyait une réflexion sur une réforme systémique trois ans après son adoption va-t-elle être appliquée ?
Une solution consisterait à abroger la loi de 2010. Cela, vous avez bien compris qu’il ne fallait pas le faire : une abrogation, Éric Woerth ici présent le sait mieux que quiconque, annihilerait tout l’effort produit depuis 2010. Ce n’est pas ce que vous voulez, et vous jouez au « pas vu, pas pris », monsieur le rapporteur. D’ailleurs, vous souriez parfois en entendant nos arguments car vous savez très bien qu’ils font mouche. Ainsi, la loi de 2010 reporte l’âge légal : comme je vous l’ai dit hier à plusieurs reprises, si elle était abrogée, il n’y aurait plus non plus de report ! Vous êtes donc dans une grande hypocrisie.
Comme Arnaud Robinet l’a très bien dit, il faut faire des efforts en faveur des femmes. Vous les faites, c’est très bien et nous le disons depuis la première seconde. Quant à la pénibilité, ne vous flattez pas d’être les premiers ! Des choses considérables ont été faites en 2003 et en 2010, même s’il faut aller plus loin. Nous pouvons vous accompagner sur ce sujet, si vous nous écoutez sur les problèmes de complexité.
Mais sur les petites retraites ! André Chassaigne a lu l’autre jour une lettre très émouvante à ce sujet. Quelqu’un qui a 850 euros par mois et qui apprend que la revalorisation attendra six mois, vous lui répondez simplement qu’il lui manquera cinq euros dans les poches ? C’est indécent de dire cela.
L’amendement no 2863 n’est pas adopté.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement no 2973 .
Cet amendement s’intéresse aux fins de carrière des seniors. Hier, le rapporteur a rappelé que le Parlement peut se saisir à tout moment des chiffres concernant le chômage des seniors. Mais c’est toute l’activité de cette catégorie qui nous intéresse. Certains seniors sont au chômage, d’autres perçoivent les minima sociaux, d’autres ont été considérés comme inaptes au travail. Les seniors rencontrent indéniablement des barrières à l’embauche, des difficultés au sein des entreprises. Des organismes publics publient chaque année des données de qualité à ce sujet, mais qui ne sont pas coordonnées et encore moins rapprochées.
Cet amendement propose donc une meilleure coordination, au sein d’un observatoire. Puisqu’il est question d’allonger la durée de cotisation, il faut avoir une vue d’ensemble complémentaire de cette catégorie de population qui va être la première affectée par ces mesures, étant la plus proche de la retraite.
Nous insistons aussi sur le fait que certains pays ont mis en place des politiques publiques très offensives en faveur de l’emploi des seniors. Cela nécessite des approches variées autour de la médecine du travail, de Pôle emploi et de la connaissance des freins qui existent dans les entreprises.
Comme le préconisait le rapport Moreau, nous proposons donc de créer un observatoire des fins de carrière qui sera intégré au Comité de suivi.
Le COR est certes libre de fixer son programme de travail, mais qu’il fasse un point annuel sur l’emploi des seniors semblerait utile. En effet, si nous disposons de chiffres à ce sujet, comme nous l’avons souligné hier soir, nous manquons un peu d’analyses détaillées.
La commission n’a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j’y suis favorable.
Je ne peux que souscrire à cet objectif et je suis entièrement favorable à la mise en place d’une structure observant les fins de carrière. Cela doit-il se faire dans le cadre du Conseil d’orientation des retraites ? Devons-nous élargir le champ d’application du travail du Conseil d’orientation des retraites ? Je n’en suis pas totalement certaine. S’il vous semble que c’est la bonne solution, je ne m’y opposerai pas. Si cela ne se faisait pas dans le cadre du COR, nous trouverions un autre lieu. Dans ces conditions, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Merci, madame la ministre, de cet avis de sagesse. C’est un progrès parce que jusqu’à présent, il était souvent défavorable !
Mais au fur et à mesure de cette discussion, on suggère que le COR s’occupe d’une question, puis d’une autre… Pourtant, lorsqu’il a été mis en place par Lionel Jospin, et c’est à nos yeux la seule mesure valable adoptée à cette époque-là, le COR devait se saisir des sujets qu’il voulait et apporter ses analyses au Parlement et au Gouvernement.
Au fur et à mesure des débats, je constate qu’on va d’un côté dépouiller le COR et d’un autre côté conférer des attributions pas très claires à un comité Théodule. J’ai bien peur que dans peu de temps on n’ait plus rien. Comme je l’ai dit en commission, je persiste à penser que, d’une part, il faut renforcer les liens du COR, et que d’autre part les cabinets des ministres doivent faire des choix, à partir de l’alimentation intellectuelle venant du COR, et les proposer au Parlement. C’est leur rôle.
L’amendement no 2973 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement no 1539 .
Cet amendement vise à confier encore une mission au Conseil d’orientation des retraites : le suivi des inégalités de pensions entre les femmes et des hommes et de ce qui les génère, à savoir les inégalités professionnelles, et en particulier les temps partiels, et le fait qu’elles prennent en charge de manière ultra-majoritaire l’éducation des enfants.
Ce suivi spécifique est parfaitement justifié au regard des inégalités particulièrement manifestes et injustes que subissent les femmes en matière de retraite. Rappelons que leur retraite est inférieure de 40 % à celle des hommes en termes de droits directs et de 30 % après intégration des droits conjugaux et familiaux.
Favorable. Même s’il n’a pas vocation à recevoir des injonctions sur ses missions, le COR a toujours élaboré des rapports concernant ce sujet majeur des inégalités entre les femmes et les hommes. Même s’il ne faut pas alourdir la liste de ses missions, je pense qu’il inclura celle-ci sans difficulté, d’autant qu’il l’a déjà fait par le passé.
Par cohérence avec le précédent amendement, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Le risque est d’alourdir les missions du Conseil d’orientation des retraites, mais cela s’inscrit dans le cadre d’ensemble de ses travaux. Il pourra ainsi approfondir cette question.
L’amendement no 1539 est adopté.
L’amendement no 2978 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement no 2893 .
Cet amendement vise à instaurer la parité dans la composition du COR, comme elle le sera dans le nouveau Comité de suivi, quoi que l’on pense par ailleurs de ce dernier. Le Conseil est composé, outre son président, de trente-huit membres, parmi lesquels quatre députés, quatre sénateurs et six personnalités qualifiées. Deux membres sont désignés par quatre organisations professionnelles et syndicales. En l’occurrence, le Sénat est exemplaire puisqu’il a désigné trois femmes et un homme. L’objectif est d’obtenir ou de se rapprocher le plus possible de la parité au sein du COR.
Il va de soi que je suis favorable à cet amendement et que nous pouvons adopter la parité au COR.
Même avis.
J’avais attiré l’attention de la commission sur une difficulté et l’on m’avait dit que cet amendement serait réécrit. Outre les personnalités qualifiées, le COR compte des membres choisis par des organismes dont certains ne désignent qu’une personne. J’aimerais savoir comment la parité va se faire. J’avais vu une proposition émanant de votre cabinet, madame la ministre, qui n’était pas mauvaise.
Il me semble que l’amendement a été réécrit depuis les travaux en commission, monsieur le député.
Sans faire de polémique, je pense qu’il ne peut pas assurer la parité. On ne peut pas obliger deux organismes qui ne désignent qu’une personne à choisir l’un, une femme et l’autre, un homme ! Je ne cherche qu’à éviter les problèmes… Mais comme ce projet de loi, et cet article en particulier, donnera lieu à beaucoup de décrets, je propose, madame la ministre, que cette question soit réglée de cette façon aussi !
L’amendement no 2893 est adopté.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 2991 .
Dans le même esprit que mon amendement de suppression de l’article, je demande ici la suppression des alinéas 5 à 32, qui prévoient expressément la constitution de cette nouvelle instance.
Je ne détaille pas, puisque je l’ai déjà fait. Mais, pour la deuxième fois, et peut-être pas la dernière, je demande à Mme la ministre d’étudier ou de faire étudier par les instances compétentes la possibilité ou l’utilité d’engager une réforme systémique pour passer à un régime radicalement différent de celui que nous connaissons, notionnel ou autre. Tout à l’heure, je lui ai demandé si elle trouvait cela intéressant ou non. J’aimerais bien avoir une réponse.
À cette demande systémique, je fais une réponse systématique : défavorable, monsieur Poisson.
Monsieur le député, un rapport du Conseil d’orientation des retraites a été explicitement et intégralement dédié à cette question. Il date de 2010. Dans le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites, demandé pour la préparation de cette réforme, des développements sont spécifiquement consacrés à un régime par points. Il me semble donc que votre demande est satisfaite. Avis défavorable.
L’amendement no 2991 n’est pas adopté.
Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 241 et 2069 à 2083 .
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 241 .
Madame la présidente, comme je l’ai déjà dit, je suis contre la création d’un énième comité Théodule. Après la commission de garantie des retraites, le comité de pilotage des retraites, le comité d’orientation des retraites, voici le comité de surveillance des retraites ! Je pense qu’on aura bientôt épuisé toutes les formules possibles, même si, pour créer des commissions, je fais confiance à l’imagination du Gouvernement. On a même du mal à s’y retrouver et à savoir l’utilité de chacun. Ont-ils encore une place réelle ?
On en arrive à certaines absurdités. Par exemple, ce comité de surveillance devra rendre un avis annuel, qui s’appuiera lui-même sur le rapport du Conseil d’orientation des retraites. La belle affaire ! En rajoutant une couche supplémentaire, on en vient à ce genre de situations byzantines qui prêtent à rire mais qui sont révélatrices d’une façon d’agir, ou plutôt de non-agir, qui n’a rien de réjouissant. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Ce dont nous sommes sûrs, c’est que, pour réfléchir sur la question des retraites, il y a déjà un Conseil d’orientation des retraites, ce qui suffit largement, comme beaucoup de mes collègues l’ont fort justement souligné.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 2069 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 2070 .
Il s’agit de supprimer les alinéas qui ont pour objet de créer ce nouvel organe de gouvernance désormais appelé comité de suivi.
Sans rappeler tous les arguments énoncés, je veux quand même revenir sur la question du pouvoir de ce comité. On a pu affirmer que c’était un organisme technocratique et, madame la ministre, vous nous avez expliqué qu’il était lié au pouvoir politique. En effet, un décret sera pris et, chaque année, le PLFSS définira les orientations en matière de retraites. C’est là qu’il y a un risque : on sait dans quelles conditions le PLFSS peut parfois être étudié. Après vérification, l’on vient de se rendre compte d’ailleurs que seul le groupe socialiste avait reçu ce projet de loi de financement.
Nous avons vérifié ! Le groupe GDR, par exemple, ne l’a pas reçu, alors qu’il est examiné à partir d’aujourd’hui.
Murmures sur les bancs du groupe SRC.
Nous préférons donc toujours un véritable projet de loi, qui permette de revenir sur les orientations en matière de retraites, à un simple décret qui s’appuierait uniquement sur le PLFSS. C’est une question de principe.
Si, par malheur, l’opposition d’aujourd’hui revenait au pouvoir,…
…pour causer des dégâts encore supérieurs à ceux qu’elle a déjà commis, ses orientations politiques ne seraient pas forcément les mêmes que celles du Gouvernement. Ou alors pas tout à fait les mêmes.
Sourires.
Il pourrait y avoir des nuances. Par exemple, si les conditions financières sont réunies, le Comité de suivi aura-t-il la possibilité de revendiquer un retour à l’âge légal de soixante ans ? Inutile de dire que si c’est la droite qui est au pouvoir, c’est complètement exclu
C’est dire que, derrière tout cela, il y a quand même un problème démocratique qui se pose. Tout cela sera soumis à des majorités politiques qui, très rapidement, sans consultation, hormis l’examen du PLFSS, exercice dont on connaît les limites, pourront prendre des décisions de nature à porter des coups extrêmement durs à notre système de retraites.
Monsieur Tardy, vous devriez vous réjouir : les deux comités, le COPILOR et le conseil de suivi des retraites, n’en feront plus qu’un, de cinq membres. Vous devriez donc plutôt nous féliciter pour cette simplification plutôt que de nous critiquer.
Monsieur Chassaigne, je comprends bien votre inquiétude et l’angoisse que vous inspire l’éventualité du retour de l’actuelle opposition au pouvoir, mais je vous rassure : cette structure souple ne changera rien à votre rôle de parlementaire, à notre rôle en général. N’ayez donc pas d’angoisses particulières, le Parlement sera toujours maître de son destin, avec un Gouvernement qui présente des projets de loi et un Parlement qui tranche.
Défavorable.
On peut tourner le problème de toutes les façons, le fait est que vous avez décidé de ne pas appliquer l’article 16 de la loi du 9 novembre 2010 qui prévoit d’organiser un débat national sur le thème des retraites, et en particulier d’explorer au niveau national l’idée de convergence, grosso modo, vers un régime universel. Il y a un vrai consensus sur ce point.
Or, finalement, votre non-réforme, car c’est de cela qu’il s’agit, a pour seul objet d’augmenter les cotisations des retraités et des salariés. C’est cela, votre texte, ce n’est rien d’autre. Vous essayez de trouver des solutions pour compenser le fait que vous ne voulez pas organiser ce débat national. Ces propositions de comités plus ou moins Théodule sont donc soupçonnables et soupçonnées, y compris par les gens qui constituent votre majorité, tout simplement parce qu’une oligarchie ne remplace pas une vraie démarche démocratique.
La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement no 1550 .
Cet amendement, curieusement, n’a pu être défendu en commission. Je le présente donc maintenant.
Il s’agit d’élargir la composition du comité de suivi et d’y faire participer des parlementaires. J’ai lu dans le rapport de la commission les arguments donnés sur le sujet mais je voudrais dire qu’il serait bon que le Parlement garde une ligne commune au sujet de ce genre de comité. Lors de l’examen la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, nous avons créé un Conseil national supérieur des programmes et, après un débat parlementaire fécond, nous avons décidé qu’il fallait que la représentation nationale y soit présente, avec des experts.
Je ne vois donc pas pourquoi il ne faudrait que des experts dans le comité de suivi, alors qu’il joue un rôle extrêmement important vis-à-vis de la représentation nationale.
Notez par ailleurs que cet amendement défendu par le groupe des radicaux de gauche ne le concerne pas lui-même, puisque ne siégeraient au sein du comité, qu’un parlementaire de l’opposition et un parlementaire de la majorité pour chaque chambre. Il ne me semble pas que les radicaux soient majoritaires dans cet hémicycle. Nous ne siégerons donc pas au sein de ce comité, mais il nous semble essentiel que le Parlement y soit représenté.
Je peux entendre vos arguments, monsieur Braillard, mais le système n’est pas du tout organisé comme cela. Un état des lieux est dressé par le COR, dont on a reconnu les qualités il n’y a pas très longtemps. Un avis et des recommandations seront formulés par le comité, structure légère d’expertise qui comptera cinq membres. Ensuite viendra le temps de la décision politique, qui appartiendra de manière pleine et entière aux parlementaires.
Ne mélangeons pas experts et politiques, ou alors la réflexion ne sera plus la même : elle sera très orientée, avec des politiques qui donneront des avis de politiques. Nous voulons que ce comité d’expertise reste à sa place et émette des propositions. Elles seront suivies ou non, mais il ne doit en aucun cas y avoir d’arbitrage de parlementaires dès ce stade.
Gardons donc cette logique : un état des lieux du COR, un diagnostic, une expertise, des recommandations, et les politiques assumant pleinement leur rôle et décidant de ce qu’il y a lieu de faire au moment opportun. L’avis de la commission est donc défavorable.
Défavorable. Au fond, monsieur Braillard, vous posez très bien le problème. Il y a deux conceptions du comité de suivi, et l’on ne peut mélanger des éléments de chaque.
On peut se dire que le pouvoir politique doit être tenu de mettre en oeuvre les mesures qui lui seront proposées. C’est ce qui se fait dans certains pays, que l’on appelle le pilotage automatique : si un dysfonctionnement de quelque nature que ce soit est constaté, des recommandations sont faites pour y remédier et le Gouvernement est tenu de les mettre en oeuvre, avec plus ou moins de latitude. Ce choix, nous l’avons récusé, précisément pour maintenir la liberté de choix du responsable politique et la responsabilité du gouvernement quel qu’il soit, qui devra se présenter devant le Parlement avec des propositions, celles qui lui auront été faites par le comité de suivi ou d’autres totalement différentes. Bref, le comité de suivi fait des recommandations. Il appartient ensuite au pouvoir politique, qui en est saisi, de déterminer comment il les met ou non en oeuvre.
L’autre approche, celle qui refuse le pilotage automatique, consiste à se doter d’une structure d’experts indépendante qui laisse la place au débat. Mais alors, si la structure est indépendante, elle ne peut comporter de personnalités aux engagements politiques connus. Vous le savez bien, ce n’est pas péjoratif dans ma bouche : il est des personnes dont l’avis est orienté politiquement, orienté pour des raisons politiques. Au Conseil d’orientation des retraites, il y a des représentants du Parlement, de droite et de gauche et qui débattent de manière extrêmement sereine, mais quand vient le temps de la recommandation, l’affrontement politique reprend ses droits. C’est ce que nous avons voulu éviter.
Je suis donc défavorable à votre amendement, monsieur le député, mais c’est un débat fondamental que vous ouvrez. Vous défendez une autre conception du comité de suivi que celle qui a été retenue dans ce projet de loi.
L’amendement no 1550 n’est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 190 rectifié et 2997 .
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 190 rectifié .
Il s’agit de faire en sorte que le comité de suivi des retraites s’assure de la réelle convergence des règles en vigueur dans les différents régimes de retraite, selon le principe « à contribution égale, retraite égale ». J’ai été satisfait de constater que Mme Coutelle avait eu satisfaction. L’amendement adopté confie notamment au Conseil d’orientation des retraites la responsabilité d’effectuer un suivi des inégalités entre les pensions des hommes et celles des femmes. C’est intéressant car certains phénomènes pénalisent effectivement les femmes.
Le COR rendra donc probablement un rapport signifiant la fin des régimes spéciaux. En effet, il ne pourra qu’indiquer de manière extrêmement claire qu’un homme qui travaille dans une entreprise bénéficiant d’un régime spécial recevra une retraite supérieure, à travail égal, à la retraite d’une femme qui ferait le même travail dans une entreprise privée, par exemple un travail administratif, de comptabilité ou de gestion des ressources humaines. Il s’agit là d’une inégalité criante à laquelle, heureusement, l’amendement de Mme Coutelle va mettre un terme. Nous assisterons donc à la fin des régimes spéciaux, qui sont vraiment totalement inégalitaires, notamment quand il s’agit d’hommes et de femmes faisant le même travail.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 2997 .
Cet amendement vise à engager le comité de suivi des retraites sur la voie d’un certain nombre d’objectifs qui, selon nous, sont incontournables pour un système de retraites. M. Tian vient de les rappeler : ce sont la convergence, pour une question d’équité, et l’équilibre, pour une question de pérennité. Ces deux dimensions étant indispensables à la durée et à l’universalité du système de retraites, la future instance dont nous parlons ne saurait s’en désintéresser. Il convient donc même de lui assigner ces deux sujets comme des sujets d’étude permanents.
Les amendements identiques nos 190 rectifié et 2997 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 2159 à 2173 .
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 2159 .
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 2168 .
Ces mesures de recul de l’âge de la retraite ou d’allongement de la durée de cotisation ont des effets délétères, inadmissibles sur le terrain. Nous recevons de plus en plus de lettres, de demandes de rendez-vous de la part de personnes âgées qui viennent demander un petit boulot. Cela m’arrive régulièrement. Je vous livre le témoignage, qui remonte à la semaine dernière, d’un responsable des ressources humaines de Renault : d’anciens collègues, âgés de 62, 63 ou 64 ans viennent lui demander des petits boulots, ménage ou photocopies. Qui peut accepter cela ?
De 2008 à 2011, selon l’INSEE, le chômage des personnes âgées de 55 à 64 ans a crû de deux points. Il ne cesse d’augmenter. Sous l’effet des reculs successifs des droits de départ en retraite dus aux différentes réformes menées depuis 1993, mais aussi sous l’effet de la disparition des dispositifs de retraite anticipée ou progressive, à l’heure actuelle, un salarié sur deux qui liquide ses droits à la retraite est hors emploi. Pire, chaque recul social en matière de retraite, que ce soit l’allongement de la durée de cotisation ou le recul de l’âge légal de départ, aggrave cette situation.
Selon l’UNEDIC, le recul de l’âge légal de départ à la retraite, décidé en 2010, a eu pour conséquence d’augmenter de 30 000 le nombre de chômeurs inscrits dans la catégorie des seniors. D’autre part, ces mesures rompent le pacte de solidarité intergénérationnelle qui veut que les seniors, en contrepartie de leur retraite, laissent leur place aux plus jeunes. Il nous semble indispensable que l’avis annuel rendu par le comité de suivi des retraites porte également sur les conséquences de cette politique injuste sur le chômage, et plus particulièrement celui des jeunes et des seniors. Tel est l’objet de cet amendement.
Monsieur Carvalho, il est évident que la réforme des retraites doit s’accompagner d’une politique de l’emploi efficace. Néanmoins, il ne faut pas inverser la logique : ce n’est pas au Comité de suivi des retraites d’examiner la politique de l’emploi ! À court terme, le relèvement de l’âge légal de départ crée des chômeurs seniors, surtout lorsque ce relèvement est rapide, nous l’avons vu hélas avec la réforme de 2010, qui a été menée sans préavis et de manière plutôt brutale.
L’augmentation de la durée d’assurance que nous proposons ne commencera qu’à partir de 2020. Elle sera très modérée et extrêmement progressive. Ce caractère prévisible et lissé permettra d’éviter tout impact négatif sur le chômage des seniors. L’avis de la commission est donc défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 2114 à 2128 .
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 2114 .
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 2123 .
Pour nous, la crise du capitalisme et les difficultés de l’économie française ne sont pas dues au coût du travail mais au contraire au coût exorbitant que fait subir le capital à la société. En trente ans de néolibéralisme, la part dévolue aux actionnaires aux dépens des salaires et de la protection sociale n’a cessé d’augmenter. Pour comble, malgré la baisse du taux de marge des entreprises en cette période de crise, les dividendes servis continuent d’augmenter. Par exemple, en 2012, les entreprises ont distribué environ 230 milliards d’euros de profits, ce qui représente un surcoût du capital de 100 milliards par rapport aux normes des années 1970 et 1980. Tout cela se fait au détriment de l’investissement, de la recherche et de l’emploi : aujourd’hui, 80 % des bénéfices vont aux actionnaires, contre 30 % seulement dans les années 1980.
C’est pourquoi le présent amendement propose que le comité institué par l’article 3 de ce projet de loi donne son avis éclairé sur l’évolution du rapport entre la contribution du capital et celle du travail au financement de la protection sociale, et sur la répartition et la destination des richesses issues de l’activité économique. Cela permettrait entre autres de redonner confiance aux assurés dans notre système de protection sociale ainsi que dans les décisions prises par leurs élus et le Gouvernement pour assurer la solidarité et la redistributivité du système ainsi que le maintien, voire l’amélioration de leurs droits.
Bien entendu, le Comité de suivi pourra faire des propositions sur le financement des régimes. C’est prévu. Il pourra notamment formuler des recommandations sur les sources de financement autres que les cotisations. Il n’est donc pas utile de diversifier encore plus les missions de ce comité de suivi : on ne peut pas à la fois dire qu’il n’a aucun intérêt, et vouloir lui faire accomplir toutes sortes de tâches !
À partir du moment où il certain que ce comité existera, nous essayons de l’améliorer, c’est tout !
Telle est la contradiction que je remarque dans vos propos. Le Comité de suivi doit rester concentré sur les régimes eux-mêmes, leur équilibre, et les redistributions qu’ils opèrent, implicitement ou explicitement.
J’ajoute, monsieur Charroux, que depuis le début de la législature nous avons aussi sensiblement rééquilibré les taux des prélèvements obligatoires pesant sur le capital et sur le travail. Vous le savez : dans d’autres domaines, nous avons fait une partie du chemin que vous souhaitez nous voir accomplir. L’avis de la commission est donc défavorable.
La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement no 49 .
Nous venons de créer un comité technocratique dont nous voyons bien qu’il ne pourra aucunement agir : il ne pourra que formuler des recommandations dans un cadre fixé par décret, certainement pas proposer une réforme systémique.
Nous savons bien que notre réforme ne réglera pas à elle seule les problèmes financiers. Simplement, elle permettra une remise à plat complète du système, avec l’ensemble des acteurs et surtout en toute transparence.
Un débat national de ce type avait été prévu par la loi de 2010. Bien entendu, il n’aura pas lieu, et nous le regrettons. Plutôt que de mener une réforme de fond, vous préférez mettre en place un pilotage automatique. C’est une expression que vous employez souvent, madame la ministre : « déléguer à des experts ». Je dois dire que ce pilotage automatique délégué à des experts suscite en moi une grande angoisse. Je pense que, pour l’ensemble des Français, ce n’est pas un gage de confiance.
Enfin, le rapporteur refuse de manière systématique nos propositions de réforme systémique. J’y vois simplement l’illustration du manque de courage permanent de votre majorité.
Puisque vous souhaitez une réponse plus détaillée, je serai moins systématique, monsieur Barbier ! Votre proposition ne correspond pas au rôle que le projet de loi assigne au Comité de suivi. C’est une instance de pilotage, pas de préparation de la réforme systémique que vous appelez de vos voeux avec insistance depuis déjà deux jours.
Au contraire, ce comité de suivi assurera le pilotage de façon continue, sans heurts. C’est la grande réforme que vous présentez depuis toujours comme la « der des ders » qui serait, pour le coup, anxiogène. Sur cette question, je vous renvoie au rapport du COR de 2010 : la possibilité d’une réforme systémique, l’adoption d’un régime de comptes notionnels, y sont abordés très tranquillement. C’est un très bon rapport, dont je vous conseille la lecture : vous pourrez ainsi juger des limites de ces formules. Peut-être même cette lecture vous ferait-elle changer d’avis, monsieur Barbier !
L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement no 49 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 2189 à 2203 .
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 2189 .
Les avis et rapports sur la situation comparée des femmes et des hommes au regard de l’assurance vieillesse sont légion, notamment ceux qui décrivent et analysent les différences de montants de pension, de durée d’assurance ou d’impact des avantages familiaux de vieillesse sur le montant des pensions. De même les causes de ces inégalités avérées sont connues depuis longtemps. Nous en débattons souvent ici même. Pourtant, aucune disposition courageuse et réellement efficace n’y a remédié jusqu’ici.
Le présent amendement propose donc de rendre l’information plus transparente, je dirais même plus publique, en confiant au Comité de suivi institué par l’article 3 le rôle d’émettre un avis sur les mesures politiques et les moyens mis en oeuvre pour l’abolition des inégalités salariales et professionnelles entre les femmes et les hommes.
Le COR lui-même souligne que les écarts de pensions et de salaires ne se résorberont pas spontanément, sans mesure volontariste. Il convient donc d’éclairer les décisions gouvernementales et leurs effets d’un jour nouveau, pour redonner confiance à nos concitoyennes dans les décisions prises et aider les gouvernements à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’abolir ces inégalités insupportables, particulièrement dans une grande démocratie comme la nôtre.
Permettez-moi, à l’occasion de la défense de cet amendement, de contester un argument précédemment développé par le rapporteur : monsieur le rapporteur, il n’y a pas de contradiction dans notre conduite ! Nous nous sommes d’abord opposés à la création du Comité, pour tout un ensemble de raisons de fond que nous avons évoquées tout à l’heure. Mais une fois ce débat terminé et nos amendements de suppression repoussés, il fallait faire des propositions ! Puisque ce comité sera constitué, nous souhaitons qu’il fasse les recommandations les plus éclairées possible. Cela n’a rien de contradictoire !
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 2198 .
Les précédentes réformes des retraites, loin de parvenir à endiguer la paupérisation des retraités, et notamment des femmes, l’ont aggravée. Une nouvelle détérioration se prépare : en effet, contrairement aux précédentes réformes, celle qui nous est présentée met à contribution les retraités. Elle reporte ainsi d’avril à octobre la revalorisation des pensions et inclut dans l’assiette de l’impôt sur le revenu, cela figurera dans le projet de loi de finances, les majorations de pensions des retraités ayant élevé trois enfants ou plus.
Au-delà de l’impudence qu’il peut y avoir à suggérer que les retraités auraient été épargnés jusqu’ici, on peine à comprendre en quoi le fait de diminuer encore leur pouvoir d’achat relèverait de l’équité. Tout cela pèsera plus lourdement sur les retraités les plus modestes, en majorité des femmes, qui consacrent la quasi-totalité de leurs revenus à la consommation.
Selon un rapport de la Commission européenne, la France est déjà au sixième rang, parmi les vingt-neuf pays européens, pour ce qui est de l’importance des écarts de pensions entre les sexes. Et l’évolution ne va pas dans le bon sens : en France, cet écart s’est creusé de 10% en cinq ans.
La Commission européenne, qui n’en est plus à un paradoxe près, continue de préconiser l’allongement de la durée de cotisation, tout en attirant l’attention sur ses effets néfastes. Deux mesures, indique-t-elle, ont toutes les chances d’avoir un effet disproportionné sur les femmes : la retraite par capitalisation, encore peu développée en France, et l’augmentation du nombre d’années travaillées. Cette dernière mesure pourrait avoir des effets indésirables à moyen terme et entraîner une réduction du montant des pensions. Un nouvel allongement du nombre d’années travaillées est pourtant prévu dans ce projet de loi !
Oui, il est important que le comité de suivi analyse l’effet des choix politiques en matière d’égalité entre femmes et hommes. Ne pas voter un tel amendement serait un très mauvais signal.
Rassurez-vous, monsieur Carvalho, je n’enverrai pas un très mauvais signal ! Cette inégalité salariale et donc de retraites entre les femmes et les hommes est très réelle. Je partage tout à fait l’analyse que vous avez faite à l’instant, et celle de Mme Fraysse. Cependant, le Comité de suivi a pour rôle d’examiner la situation année par année : il ne faut pas lui demander d’être une instance d’évaluation des politiques publiques, ce n’est pas son rôle. Nous voulons que cette structure reste légère : il ne s’agit pas de lui confier des missions d’évaluation aussi lourdes. L’avis de la commission est donc défavorable.
Par ailleurs, je dois donner raison à M. Dolez, qui a expliqué fort justement sa démarche. En effet, lorsque l’on n’obtient pas la suppression d’un article, on tâche d’optimiser ses dispositions ! Je retire donc l’accusation de contradiction que j’ai formulée tout à l’heure. Pour autant, l’avis de la commission reste défavorable…
Défavorable, pour les mêmes raisons. Nous défendons tous l’objectif qui vient d’être mis en avant. Pour autant, faut-il que le Comité de suivi des retraites se charge de l’ensemble des études et des évaluations concernant l’ensemble des questions ayant trait à la société française, puisque beaucoup de questions de notre société peuvent avoir un impact sur notre système de retraite ? À l’évidence, non. Je vous rappelle que l’égalité hommes-femmes, les parcours professionnels et le suivi de l’évolution des carrières professionnelles et des salaires relèvent de la mission du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dont le Gouvernement a permis la création au mois de janvier dernier.
Je souhaite réagir aux propos de M. Carvalho, qui a déploré, à mon sens, à juste titre, que l’on s’en prenne aux montants des retraites dans ce projet de loi. Un peu plus tôt, il déplorait aussi les difficultés financières que connaissent certains retraités modestes. Nous savons tous que nous pouvons intervenir sur trois paramètres : repousser l’âge de départ, augmenter les cotisations, ou diminuer les prestations. Vous avez clairement choisi de diminuer les prestations et d’augmenter les cotisations. C’est votre choix. Mais ce qui est grave, je l’ai déjà souligné hier, c’est qu’en adoptant cette démarche, vous semblez ignorer que d’autres ministres du même Gouvernement, dans le cadre de leurs compétences, prennent des mesures tout aussi attentatoires aux revenus des Français. C’est le cas du ministre du budget, ou encore, par exemple, du ministre du travail, qui a supprimé l’exonération des heures supplémentaires – et ce n’est là qu’un exemple.
Je constate donc que votre action comporte un défaut majeur : il y a manifestement un manque de coordination entre les ministres de ce Gouvernement. Plus précisément, il n’y a pas d’étude sur l’impact global de l’ensemble des initiatives de ses membres sur le revenu des Français. C’est en grande partie pour cela que vos propositions sont massivement rejetées par nos concitoyens.
L’amendement no 68 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Loin de moi l’idée de vouloir stigmatiser celles et ceux qui travaillent dans la fonction publique : ils ont parfois des emplois très pénibles et ils méritent notre respect, cela a été dit.
Je suis quand même surpris que vous refusiez systématiquement d’étudier et de comparer ces deux régimes – on y revient, j’en suis désolé. Je suis d’autant plus surpris, monsieur le rapporteur, que vous nous indiquez lors de nos différents échanges, dans l’hémicycle comme en commission, que les écarts entre le public et le privé ne sont pas significatifs.
Ma question est toute simple : pourquoi ne pas faire en sorte que le comité de surveillance puisse faire cette étude comparée entre les régimes, pour qu’il apporte la confirmation claire et définitive qu’il n’y a pas d’écart significatif entre les deux systèmes ?
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement identique no 2979 .
Je souhaite compléter, s’il le permet, ce que vient de dire M. Barbier. Hier, le rapporteur rappelait à l’Assemblée que le taux de remplacement des fonctionnaires était très proche de celui des salariés du secteur privé. C’est factuel. Il n’y a qu’à en prendre acte.
Mais cela fait apparaître un problème politique. Je suppose que vous vous êtes évertué à faire connaître cette information sur votre terrain et ailleurs, mais on sent bien qu’il y a des hésitations, un doute au sein de la population sur ce sujet. Nos compatriotes sont absolument persuadés qu’il y a un écart important et ne comprennent pas les données du problème : le système de primes, l’absence d’abondement par les collectivités, ou par l’État d’ailleurs, le fait qu’un certain nombre de rémunérations annexes à la rémunération indiciaire des fonctionnaires ne comprennent pas de cotisation et n’ouvrent donc pas de droit à la retraite… Tous ceux qui ont géré des services publics, du côté collectivités locales ou administrations centrales, le savent.
Tout cela, les Français ne le comprennent pas. Il faut un certain temps pour faire admettre ce qui relève des faits, et donc d’une certaine façon, de l’évidence. Il y a donc une forme de nécessité à ce que des éléments pédagogiques supplémentaires soient apportés au débat sur ces différents points. Il me semble que cette instance devrait le faire.
Enfin, s’agissant des régimes spéciaux, c’est de pédagogie avec un grand P dont nous avons besoin. Je fais partie de ceux qui comprennent très bien pourquoi l’on ne peut pas, dans l’état actuel des choses, aligner strictement les modalités de calcul du taux plein pour les fonctionnaires et celles des salariés du privé, mais les justifications des modalités de fonctionnement de certains régimes spéciaux demeurent encore extrêmement mystérieuses. Je fais donc partie de ceux qui liraient avec intérêt les justifications éventuelles ou au contraire les analyses critiques des régimes spéciaux.
Ces trois éléments me paraissent devoir faire partie de la mission de ce nouveau comité de suivi.
Je citerai simplement l’alinéa 3 de l’article sur le Comité de suivi : « il examine la situation du système de retraite au regard en particulier de la situation comparée des droits à pension dans les différents régimes de retraite ».
Je continue à l’affirmer aujourd’hui avec la même force qu’hier et que demain : les faits, têtus, montrent qu’il n’y a pas d’inégalité flagrante. Le rapport Moreau a montré que les taux de remplacement étaient comparables. D’ailleurs, vous venez vous-même de le reconnaître. S’il y avait une évolution dans le sens d’une inégalité significative, le Comité de suivi en alerterait alors le Gouvernement conformément à l’alinéa 3 que je viens de vous lire.
Pour dissiper les doutes, monsieur Poisson, et puisque vous parlez du terrain : à chaque fois qu’on m’interroge sur ce sujet, je réponds très honnêtement qu’il n’y a pas de différence ! Cette question m’est souvent posée et je réponds avec conviction et honnêteté. Si, de votre côté de l’hémicycle, chacun faisait le même travail de pédagogie auprès de nos concitoyens, ils n’auraient pas le sentiment qu’il existe une différence majeure.
Il faut le faire honnêtement. Quand je l’explique, j’ai plutôt la sensation qu’on me croit. Il faut faire cet effort de pédagogie. Vous êtes, comme tous ici, des députés de la République : dites les choses honnêtement ! S’il n’y a pas de différence, dites-le ! La commission émet donc un avis défavorable.
Défavorable.
Monsieur le rapporteur, nous sommes également sur le terrain, à la rencontre de nos concitoyens, et ils nous font part de leur inquiétude quant à l’iniquité qui peut exister entre la fonction publique et le secteur privé.
Ce n’est pas nous qui le disons, c’est le Conseil d’orientation des retraites, dans ses rapports fort intéressants, vous en convenez-vous mêmes : selon les projections de qu’il a établies pour les générations de 1950 à 1990, le taux de remplacement devrait connaître des tendances contraires dans le public et le privé. Dans le public, il devrait augmenter. Dans le privé, il devrait diminuer.
Le COR explique clairement comment le taux de remplacement net à l’âge de départ à la retraite va augmenter au fil des générations. Cela résulte de la montée en charge progressive du régime additionnel de la fonction publique, qui prend en charge une partie des primes de la fonction publique et auquel chaque génération a cotisé à partir de 2004. Alors que la génération de 1950 a peu cotisé, la génération 1960 aura cotisé à ce régime pendant la seconde moitié de sa carrière et la génération de 1980 pendant toute sa carrière.
Le COR dit bien qu’il y aura dans les années à venir une différence de taux de remplacement, dont vous parlez tout le temps, entre la fonction publique et le secteur privé. Nous ne l’inventons pas : c’est le COR qui l’écrit noir sur blanc dans son rapport.
Il n’est pas question d’honnêteté ou de malhonnêteté de notre part. Notre pays a cette particularité d’avoir une fonction publique territoriale, d’État, et hospitalière : des régimes qui ont des règles de fonctionnement différentes, qu’il s’agisse des salaires ou des retraites.
Nous disons simplement que nous manquons de transparence sur ce sujet. Si, à l’occasion d’un débat national sur les retraites, on prenait le temps d’expliquer clairement aux gens comment cela fonctionne pour chacun, fonctionnaires et autres, et d’expliquer que des règles de calculs différentes peuvent aboutir au même résultat, on arriverait à apaiser les choses.
C’est ce que la loi de 2010 proposait : un grand débat national qui nous permettrait d’expliquer à nos compatriotes ce qu’il en est exactement. Aujourd’hui, comme les gens ne savent pas, la suspicion s’installe. C’est ce que nous vivons tous dans nos circonscriptions. Nous demandons donc simplement de la transparence. Je crois que nous manquons là une occasion.
La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement no 1553 .
L’amendement no 1553 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisie d’un amendement no 2920 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 3091 rectifié .
La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement.
Je voudrais remercier M. Poisson d’avoir reconnu que les retraites sont les mêmes pour les fonctionnaires et pour le secteur privé et d’avoir souligné l’importance d’en convaincre nos concitoyens.
La raison de fond pour laquelle nous ne proposons pas de revenir aux 10 ou 25 dernières années pour les fonctionnaires, c’est d’abord qu’une retraite devrait être calculée par rapport aux derniers salaires, dans le privé comme dans le public. Édouard Balladur a fait cette réforme il y a assez longtemps pour faire des économies – appelons un chat un chat.
Mais si nous faisions la démarche inverse pour les fonctionnaires, cela favoriserait plutôt les fonctionnaires qui sont au plus haut de l’échelle au détriment de ceux qui sont en bas, qui ont moins de primes. La raison pour laquelle nous ne changeons pas ce système, c’est que cela aurait des conséquences anti-redistributives.
Pardon de cet aparté, madame la présidente, mais cela m’a permis d’éviter d’intervenir plus tôt dans le débat. J’en viens à mon amendement. Il fait écho à une proposition de Christophe Sirugue sur l’article 4, que le groupe socialiste avait soutenue. Il s’agissait de mettre en place un système permettant de continuer à indexer dès le 1er avril toutes les retraites, jusqu’au seuil de pauvreté.
Nous en avons discuté avec Mme la ministre en commission des affaires sociales, et nous avons convenu que cela pouvait poser des problèmes de recevabilité constitutionnelle. Par ailleurs, elle nous a suggéré, à juste titre, que cette question méritait d’être regardée plus largement que dans le seul cadre du régime de retraite : du point de vue de la réglementation, de la fiscalité, mais aussi de la politique du logement – je pense à notre initiative pour faire baisser les prix des loyers –…
… ou de la santé publique.
Je propose donc deux amendements sur ce sujet. Le premier, no 2920, propose que le Comité de suivi surveille de près les petites retraites qui sont entre le minimum vieillesse et le seuil de pauvreté. Un deuxième amendement, no 2924 , proposera plus loin que le Comité de suivi puisse faire des recommandations en la matière, après avoir analysé tous les paramètres.
La parole est M. Michel Issindou, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 3091 rectifié , à l’amendement no 2920 .
Je partage l’objectif de Jean-Marc Germain, qui est de veiller au pouvoir d’achat des retraités, et j’y porte une attention particulière.
Même si la commission a repoussé cet amendement, je voudrais à titre personnel émettre un avis favorable, à la condition d’adopter un sous-amendement qui éviterait de se cantonner à l’analyse d’un nombre limité de facteurs pouvant influer sur le pouvoir d’achat des retraités.
L’alinéa que vous proposez d’ajouter pourrait se lire ainsi : « analysant l’évolution du pouvoir d’achat des retraités, avec une attention particulière à ceux dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté. » Il faut donc enlever : « au vu des évolutions économiques, réglementaires ou fiscales de l’année écoulée, » car il y aura d’autres facteurs à prendre en considération que ceux de la seule année écoulée.
Si vous n’y voyez pas d’inconvénients, monsieur le député, je pense que cela n’en dénaturerait pas l’esprit.
Je donne un avis favorable à l’amendement de M. Germain dans la version proposée par le rapporteur.
Cela s’inscrit dans le prolongement de la discussion que nous avons eue en commission. J’ai bien entendu la préoccupation des parlementaires du groupe SRC en particulier, qui souhaitent qu’une attention spécifique soit portée aux personnes ayant des petites retraites.
Nous avons longuement débattu du seuil qu’il convenait de prendre comme référence pour définir la petite retraite. J’avais indiqué qu’il était difficile de fixer un seuil absolument incontestable, d’autant que des actifs avec un niveau de revenus équivalent pouvaient être considérés comme ayant des petits revenus.
À travers ce projet de loi, la volonté du Gouvernement est bien de montrer qu’il y a une solidarité entre l’ensemble des générations pour sauver notre système de retraite. Il paraît donc important que la question des petites retraites soit abordée de façon plus globale et mise en perspective avec les mesures de pouvoir d’achat qui peuvent être proposées.
Il n’en reste pas moins qu’il est intéressant et utile pour l’avenir de nos retraites et pour le pouvoir politique quel qu’il soit de savoir comment évolue la situation des petites retraites.
Nous avons souhaité, par exemple, que le Comité de suivi porte une attention particulière aux retraites des femmes, dont nous savons qu’elles sont plus faibles que celles des hommes. Nous devons donc pouvoir, sans limitation particulière, prendre en considération le cas échéant l’évolution de la situation des plus petites retraites.
L’essentiel pour nous est que la loi de finances, la loi de financement de la Sécurité sociale et, au-delà, les mesures qui seront prises par le Gouvernement assurent une garantie de pouvoir d’achat aux retraites les plus basses et également aux revenus les plus modestes. Nous avons évoqué un certain nombre de pistes d’ordre réglementaire comme, par exemple, le minimum contributif.
Je suis donc favorable à la suppression de cette précision qui n’apportait rien.
Cet amendement est tout simplement indécent. C’est le sentiment qui prévaut au sein du groupe UMP.
Vous avez passé plusieurs minutes à discuter de deux ou trois petites phrases devant préciser le rapport qui permettra de faire apparaître l’existence d’un problème pour les petites retraites. Mais oui, il y a bien un problème, vous le reconnaissez d’ailleurs ! Votre job, c’est de le résoudre. Nous sommes unanimes, dans cet hémicycle, à penser que les retraités ont perdu du pouvoir d’achat. Ce n’est pas un rapport qu’attendent les retraités qui perçoivent de faibles pensions, ce n’est pas ce qui sauvera leur pouvoir d’achat. Vous remettez à plus tard l’étude du dossier pour ne pas avoir à résoudre le problème !
Cette mesure est vraiment indécente pour les petites retraites. M. le rapporteur et M. Germain ne se grandissent pas en jouant ainsi au ping-pong. « Ah, c’est vrai, il y a un problème sur le pouvoir d’achat des retraités… Et comme nous sommes de gauche, nous allons le résoudre en confiant à quelqu’un un petit rapport qui va peut-être permettre de le régler ! »
Oui, il y a un problème, chacun le sait. L’UMP vous dit que votre devoir, c’est de le résoudre. Votre politique est un aveu d’échec grave. Ce que vous proposez est tout à fait indécent. C’est un triste spectacle auquel nous venons d’assister.
Monsieur Tian, quand on sort de dix années des gouvernements que vous avez soutenus…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
…on baisse d’un ton et on n’utilise pas de tels mots ! Si les loyers ont augmenté de 50 % depuis dix ans, c’est de votre responsabilité et vous n’avez rien fait !
Si la compétitivité du pays s’est dégradée, si le chômage a augmenté, c’est de votre responsabilité ! Si les ouvriers et les employés et personne d’autre ont payé la réforme de retraite, les 20 milliards que vous avez évoqués, c’est votre responsabilité ! Baissez le ton !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Votre excitation et votre énervement montrent que vous n’êtes pas très à l’aise sur ce sujet. Nous en avons discuté longuement, avec MM. Poisson et Tian entre autres : oui, nous vous le disons, votre amendement est un amendement d’affichage. C’est affligeant !
Depuis que vous êtes arrivés au pouvoir, en mai 2012, vous « tapez » les retraités. Doit-on vous rappeler toutes les taxes que vous leur faites supporter ? J’ai cité, tout à l’heure, l’ensemble des impôts et des taxes nouvelles qu’allait payer un retraité rémois. Son pouvoir d’achat va baisser de 10 %, alors que sa retraite s’élève à 1 150 euros – est-ce une petite ou une grosse retraite, c’est cela, la discussion qui vous intéresse : définir ce qu’est un petit retraité… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
S’ajoutera également la taxe de 0,3 % qui doit prétendument financer la dépendance. Mais de nombreux articles font apparaître qu’elle sera siphonnée avant d’abonder une caisse de soutien à la dépendance : encore une réforme que nous attendons toujours… Il y a encore la fiscalisation de la bonification de 10 % pour les parents qui ont trois enfants, et nous pourrions continuer à allonger la liste d’impôts et de taxes qui frappent les retraités…
Nous avons, nous, la solution pour les épargner. Nous sommes en mesure de vous proposer une réforme des retraites qui garantira une pension stable aux retraités.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Il suffit notamment de revoir les cotisations salariales et patronales et de reculer l’âge de départ à la retraite.
De cette manière, vous pourrez protéger les retraités. Mais ne tentez pas de vous donner bonne conscience en présentant des amendements d’affichage qui ne régleront pas le problème et qui ne servent qu’à vous faire plaisir !
Le sous-amendement no 3091 rectifié est adopté.
L’amendement no 2920 , sous-amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron