La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Étant donné l’absence de Mme la rapporteure générale, je suspens brièvement la séance.
La séance, suspendue à vingt et une heures trente et une, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.
Je présente cet amendement dans le même esprit que j’avais défendu un amendement visant à supprimer l’article 7 de ce projet de loi.
Afin de financer la cascade d’annonces nouvelles tout en essayant de respecter ses objectifs en matière de déficits publics, le Gouvernement a décidé d’instaurer un acompte – c’est une nouveauté – sur la majoration de taxe sur les surfaces commerciales, dite TASCOM, pour un rendement estimé à 100 millions d’euros. Les exploitants de surfaces commerciales supérieures à 2 500 mètres carrés devront ainsi s’acquitter d’un acompte à hauteur de 50 % du montant de TASCOM dû.
Il s’agit donc, en définitive, d’une mesure de trésorerie, qui a pour effet d’augmenter les recettes du budget de l’année 2017 en prélevant 100 millions d’euros sur la trésorerie des entreprises la même année. Nous dénonçons cette méthode : le Gouvernement ne devrait pas gager sur les années à venir des recettes figurant dans le budget de l’État pour l’année 2017.
En outre, cette mesure s’ajoute à celle de l’article 7, qui augmente l’acompte d’impôt sur les sociétés. L’article 8 institue un nouvel acompte, donc une nouvelle obligation administrative pour les entreprises ; cela ne va pas du tout dans le sens de la simplification. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 175 .
Vous avez créé, pour la TASCOM, des effets de seuil : elle s’applique désormais de manière différenciée aux établissements de moins de 300 mètres carrés, aux établissements de 300 à 2 500 mètres carrés, et à ceux dont la superficie excède 2 500 mètres carrés. Par la seconde loi de finances rectificative pour l’année 2014, votre majorité a décidé unilatéralement de majorer de 50 % la TASCOM applicable aux établissements de plus de 2 500 mètres carrés.
J’aimerais savoir, monsieur le secrétaire d’État, si vous disposez d’éléments quant à l’impact de cette mesure sur les extensions de surface commerciale. J’aimerais savoir également quel montant de recettes supplémentaires en a retiré le budget de l’État. Je rappelle, en effet, que la majoration de 50 % a été absorbée par le budget de l’État, ce qui était tout de même assez inédit – nous l’avons suffisamment dénoncé sur le moment.
Après avoir institué un cinquième acompte à l’impôt sur les sociétés, vous créez un nouvel acompte, à la TASCOM cette fois-ci. Là encore, il ne s’agit que de recettes en trompe-l’oeil. Pour toutes ces raisons, je propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 372 .
Après l’anticipation de l’impôt sur les sociétés pour l’année 2018, à hauteur de 520 millions d’euros, nous examinons une mesure visant à anticiper le recouvrement de la majoration de la TASCOM, pour 100 millions d’euros. Or Mme la rapporteure générale défendra dans quelques instants un amendement no 298 rectifié , afin d’appliquer cet acompte non seulement à la majoration de la TASCOM, destinée au budget de l’État, mais aussi à la taxe elle-même, dont le produit est attribué au bloc communal. Cela conduira à ajouter 200 millions d’euros au budget des communes et des EPCI ; soit au total 300 millions, sur un impôt qui rapporte en temps normal 575 millions d’euros. Cela représente à peu près une augmentation de 50 %.
Je le répète, monsieur le secrétaire d’État : cette anticipation des recettes futures rendra beaucoup plus difficile la préparation du projet de loi de finances pour l’année 2018. Est-ce que cela témoigne, chez vous, d’une volonté de causer des difficultés à la prochaine majorité ? Le peuple français le dira. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas une façon de gouverner.
Les deux opérations d’anticipation prévues aux articles 7 et 8 représentent environ 620 millions d’euros ; deux autres opérations, que nous examinerons tout à l’heure, concernent 600 millions d’euros supplémentaires. Voilà pourquoi le groupe UDI propose de supprimer cet article.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.
Nous avons déjà débattu d’une disposition similaire à celle-ci. Je répète qu’il s’agit de vraies recettes pour l’exercice 2017, et qu’il n’y aura pas de diminution de recettes pour l’exercice 2018 puisque ce dispositif a vocation à être pérenne. Il y aura en effet, en 2018, le même décalage : c’est, pour ce secteur, une mesure tout à fait supportable. Nous souhaitons donc que ces amendements de suppression soient repoussés.
Je ne peux pas vous laisser dire cela, monsieur le secrétaire d’État. En l’état actuel du droit, avant l’adoption de cette mesure, la part de la TASCOM qui revient à l’État représente 195 millions d’euros. Avec cet article, ce montant passera à 295 millions d’euros, puisqu’il faudra anticiper 50 % du versement de la taxe pour 2018. Mais l’année prochaine, quel sera le montant de la TASCOM ? 195 millions d’euros ! Vos successeurs devront donc trouver 100 millions d’euros.
Vous dites que cela ne change rien, puisque le produit de la TASCOM sera à nouveau de 195 millions d’euros en 2018. Certes, mais en 2017, avec cette mesure, il sera de près de 300 millions d’euros !
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 298 rectifié de la commission des finances.
Cet amendement propose une mesure symétrique à celle proposée par le Gouvernement au moyen de l’article 8 de ce projet de loi de finances. Ce qui est bon pour l’État l’est aussi pour les collectivités territoriales. Nous proposons donc d’instituer, à partir du 1er janvier 2017, un acompte sur la part de la TASCOM affectée aux collectivités territoriales, qui représente à l’heure actuelle 740 millions d’euros.
Il s’agit d’un amendement de la commission des finances ; j’imagine donc qu’il y a fait consensus ;…
…quoi qu’il en soit, il y a recueilli la majorité des suffrages. Je comprends bien l’esprit de cet amendement, mais il faudra s’en souvenir lors des autres débats qui auront lieu à propos des collectivités territoriales. Si le Parlement adopte cet amendement, il y aura un pic de recettes en 2017 pour le bloc communal.
Cela me permet de répondre, au passage, à des remarques qui ont été formulées tout à l’heure concernant le budget de l’État : il n’y aura pas de baisse, en 2018, par rapport en 2016, en revanche il y aura un pic de recettes en 2017.
Si, c’est la simple réalité : vous ne pouvez pas le contester.
Si les collectivités territoriales enregistrent un pic de recettes en 2017, que nous évaluons à environ 200 millions d’euros, nous devrons intégrer ce facteur, dans le cadre des débats qui auront lieu à ce moment-là, aux équilibres financiers. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée sur ce point.
Mes chers collègues, avant l’application des mesures prévues par le Gouvernement à l’article 8 de ce projet de loi, et de celles qui ont été proposées par Mme Pires-Beaune au nom de la commission des finances, le produit de la TASCOM s’élevait à 575 millions d’euros – 195 millions d’euros revenaient à l’État, 380 millions au bloc communal. Si nous adoptons cet amendement, cela fera 300 millions d’euros de plus ; nous passerons ainsi de 575 millions d’euros à 875 millions, soit une augmentation de 50 %.
S’il n’y avait que la mesure gouvernementale, vu du côté des entreprises, cela représenterait 100 millions d’euros, sur 575 millions à l’origine, soit une augmentation de 17 % – ce qui est déjà considérable, quand on connaît la sensibilité des entreprises, notamment commerciales.
Mais nous n’augmentons rien : c’est simplement une question de date de paiement.
Tout à l’heure, nous avons discuté de 520 millions d’euros d’anticipation de recettes sur l’impôt sur les sociétés ; mais il faut le mettre en rapport avec le produit total brut de cet impôt qui est de 50 milliards d’euros, et avec le produit net, qui s’établit à une trentaine de milliards. L’anticipation représente donc entre 1,5 % et 2 % du total. Pour la TASCOM, l’augmentation est de 50 % ! Vous verrez quelle sera la réaction des entreprises qui auront à supporter cette hausse !
De plus, vous ferez croire au bloc communal, auquel revient cette fraction de la TASCOM, qu’il est subitement devenu riche, mais l’année suivante, tout cela aura disparu. Tout cela est donc de la très mauvaise politique fiscale.
Monsieur de Courson, vous avez bien compris qu’il s’agit d’une mesure de trésorerie : les élus locaux pourront très bien le comprendre, eux aussi ! De plus, cela ne concerne que 4 200 établissements, les plus importants, ceux dont la surface est supérieure à 2 500 mètres carrés : cette mesure sera, pour eux, tout à fait supportable. De plus, en 2017, ce surcroît de recettes tombera plutôt bien pour le bloc communal, car il sera à nouveau mis à contribution pour le redressement des finances publiques.
Mme Pires-Beaune a dit – ses propos figureront au compte rendu – que cette mesure ne concernera que 4 200 établissements d’une surface supérieure à 2 500 mètres carrés. Je connais, pour ma part, des établissements d’une surface de 2 700, 2 800 mètres carrés : ils seront en effet concernés, nous sommes d’accord là-dessus. Seulement, madame Pires Beaune, l’effet sur leur trésorerie sera très dur. Je ne sais pas si vous avez conscience de ce que c’est que de gérer une entreprise, avec des marges aussi contraintes qu’aujourd’hui !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’est encore sur le consommateur final que vous allez impacter la hausse que vous proposez.
C’est pourtant la réalité. Arrêtez de massacrer le pouvoir d’achat des Français.
C’est une vraie mesure démagogique, un trompe-l’oeil pour conforter ce budget mais qui va en fait appauvrir les ménages français.
Chers collègues, je vois nombre d’entre vous demander la parole, mais je vous rappelle les termes du règlement : le signataire de l’amendement le défend, la commission et le Gouvernement donnent leur avis, et éventuellement un orateur peut ensuite intervenir contre. Un seul, pas trois – sinon, on ne va pas avancer.
L’amendement no 298 rectifié est adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 637 .
Il s’agit d’un amendement de coordination avec celui que nous venons d’adopter pour permettre le versement de l’acompte aux collectivités via le compte d’avances.
Étant donné ce qui vient d’être voté, le versement sera de toute façon de droit. Je ne vois par conséquent pas l’intérêt de le sécuriser dans la loi.
Cet amendement est satisfait puisque c’est ainsi que se gère l’ensemble des questions financières relevant du compte d’avances. Je demande donc son retrait.
Je voudrais juste procéder à une addition : nous mettons en 2017 à la charge des entreprises au niveau de leur trésorerie 500 millions d’euros au titre de l’article 7 par la modification des acomptes de l’impôt sur les sociétés, 100 millions d’euros au titre de l’article 8 par l’instauration d’un acompte TASCOM au profit de l’État et dorénavant 380 millions d’euros de plus par le versement d’un autre acompte TASCOM au profit des collectivités territoriales, soit un total de 980 millions d’euros à payer avant le 31 décembre 2017. Il s’agit donc véritablement d’un montant très important.
Madame Pires Beaune, retirez-vous votre amendement comme le demande le Gouvernement ?
L’amendement no 637 est retiré.
L’article 8, amendé, est adopté.
Cet article concerne l’harmonisation du champ d’application de l’acompte du prélèvement forfaitaire obligatoire en proposant une mesure de trésorerie applicable aux établissements financiers. À l’instar des articles 7 et 8, il a en fait pour objectif l’augmentation des recettes du budget pour 2017 en avançant d’une année la perception d’une partie des recettes prévues pour 2018.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 176 .
Lors de la discussion générale, le président de la commission des finances avait trouvé un terme tout à fait judicieux pour vous qualifier, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que votre ministre.
Sourires.
Je ne me souviens pas du terme exact, mais cela voulait dire que vous étiez vraiment les champions du monde de l’innovation… Et je tiens à vous décerner ce soir le prix de l’innovation budgétaire et des rentrées fiscales parce qu’on aura vraiment tout vu : l’acompte de l’impôt des sociétés, celui de la TASCOM, et maintenant l’acompte des prélèvements sociaux sur les produits de placement. Ce dernier devrait concerner essentiellement les plans d’épargne logement, fort bien, mais il ne faut pas se leurrer : c’est de la trésorerie que vous allez ponctionner sur les banques, puisqu’elles vont verser un acompte qui ne sera pas rétribué sur le compte des clients. C’est extraordinaire. Je le répète, en matière d’innovation, il serait difficile de faire mieux.
Et puis je tiens à vous rappeler, monsieur le secrétaire d’État, que tous les plans d’épargne logement souscrits à la même date ont le même taux de rendement, mais qu’il y a dans les portefeuilles détenus par les banques des PEL souscrits à des dates différentes et donc à des taux de rémunération différents. Comment vont-elles faire ? Allez-vous leur fournir un logiciel ?
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 373 .
Alors on continue : c’est la troisième anticipation de recettes – 380 millions, une petite somme… –, et sur le dos de qui ? Sur le dos de l’épargne populaire via le plan d’épargne logement. On nous dit que ce n’est pas grave, qu’il ne s’agit que d’une anticipation. Mais malheureusement, si vous anticipez le prélèvement, cela veut dire que l’épargnant perdra les intérêts dus sur ces sommes pendant la période anticipée. Cela s’appelle le pillage de l’épargne populaire. Vraiment, pour un gouvernement de gauche,…
D’autant plus indécent après ce qu’ils ont donné à l’industrie cinématographique !
Cela montre d’ailleurs dans quelles conditions le Gouvernement a essayé de boucler le projet de budget en faisant croire qu’il réduisait un peu le déficit.
Faire payer les banques, vous appelez cela piller l’épargne populaire ?
Je le répète : il ne s’agit pas d’un prélèvement sur la trésorerie des banques mais sur les revenus de l’épargne populaire. Ce ne sont pas les banques qui paieront, mon cher collègue, et croyez-vous que ces sommes prélevées sur l’épargne des gens modestes vont être productrices d’intérêts ? Cette vérité vous gêne, j’en conviens, mais elle est indécente.
Protestations sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je ne peux pas laisser dire des contrevérités. Monsieur Courson, ce que vous dites est faux.
Le prélèvement forfaitaire obligatoire, dit « PFO », est actuellement appliqué par les banques sur le revenu des épargnants au 31 décembre sous forme d’un acompte dès le 15 octobre, et reversé à l’État l’année suivante. Nous proposons que l’acompte ait toujours lieu à la même date, mais qu’il soit dorénavant versé la même année à l’État. Cela n’aura aucun impact sur les épargnants, y compris s’agissant des intérêts composés. Les intérêts des épargnants seront toujours comptabilisés de la même façon et le PFO toujours prélevé à la même date. Dire le contraire est une contrevérité.
Il y aura certes un décalage de trésorerie de quelques semaines pour les banques puisqu’elles verseront le 15 octobre un acompte représentant 90 % du montant estimé du prélèvement le 31 décembre.
Reconnaissez qu’elles ont alors déjà une idée très précise du PFO final. Vous avez raison de dire, madame Dalloz, que cela pèsera sur leur trésorerie puisque au lieu de verser 100 % le 15 janvier elles en verseront 90 % le 15 octobre précédent. Vous imaginez bien que nous avons rencontré la profession, laquelle nous a dit en substance qu’à l’heure actuelle, la trésorerie avait plutôt pour elle un impact négatif dans la mesure où les taux d’intérêt à court terme sont eux mêmes négatifs.
Et puis, monsieur de Courson, madame Dalloz, si vous aviez encore des doutes, je vous rappelle que cette disposition existe déjà pour les PEL… depuis 2005. Qui a donc mis en place ce genre de dispositif ? Ce n’est pas nous : c’est vous ! Et personne alors n’y a trouvé à redire. Il est tout de même logique, à partir du moment où les banques sont amenées à prélever un impôt, que l’État puisse en bénéficier la même année, c’est-à-dire celle où ces prélèvements sont dus. Vous pouvez pousser des cris d’orfraie, essayer de faire croire que cela se fait au détriment des épargnants, mais c’est tout bonnement mensonger ! Je l’affirme avec fermeté ! Vous pouvez le contester, prétendre qu’il ne s’agit que de mesures de bouclage, mais on ne fait que généraliser aux intérêts de tous les livrets fiscalisés – un quart sur les non-résidents, le reste sur les obligations, l’assurance vie et les bons de caisse – ce qui existe déjà pour les PEL ! Nous généralisons seulement un dispositif que votre majorité d’alors a mis en place et qui ne touche en rien au niveau de rémunération des intérêts des épargnants ! Voilà la stricte vérité !
Monsieur le secrétaire d’État, la loi du 30 décembre 2005 a prévu que les établissements gestionnaires de PEL procèdent au paiement de versements provisionnels au titre du PFO prévu au code général des impôts dû en décembre sur les intérêts des PEL de plus de douze ans – avec un régime particulier pour ceux ouverts avant le 1er avril 1992.
Ce n’est pas moi qui le dis : je lis l’étude d’impact. Ces versements provisionnels devaient être effectués le 15 octobre. Qui va supporter votre dispositif ? Vous mélangez les opérations budgétaires et les opérations de trésorerie, comme pour la TASCOM. Il est évident que celle-ci va être une recette pour les communes qui vont la percevoir de cette nouvelle manière et non de la trésorerie.
S’il s’agissait d’une opération de trésorerie, pourquoi la comptabilisez-vous en recette dans le budget général, monsieur le secrétaire d’État ? Il faut arrêter de tout mélanger et de faire du brouillage épistémologique !
Monsieur de Courson, à malin, malin et demi. Vous avez raison :…
…ce sont les seuls livrets concernés par le PFO versé le 15 octobre, mais parce que ce sont les seuls dont les intérêts sont fiscalisés.
Il n’était évidemment pas question de l’appliquer sur des PEL dont les intérêts ne sont pas fiscalisés !
Écoutez, vous êtes intelligent, monsieur de Courson…
Sourires.
On n’allait pas envisager un reversement du prélèvement sur des livrets qui ne sont pas fiscalisés, et vous avez raison sur ce point. Mais si l’étude d’impact ne mentionne que les livrets de plus de douze ans, c’est parce qu’il n’y a pas de prélèvement forfaitaire obligatoire sur les autres.
Monsieur le secrétaire d’État, il est en effet indiqué dans l’exposé des motifs que cette mesure sera sans impact sur les épargnants, mais pouvez-vous nous confirmer qu’il n’y aura aucune modification sur leur compte lorsqu’ils en recevront le relevé, le plus souvent en fin d’année, qu’il s’agisse des dates de valeur, des libellés et des prélèvements sur la colonne débit ? Pouvez-vous nous le confirmer ?
Oui, il peut le faire !
Sourires.
Mes chers collègues, il est dix heures du soir, la séance est loin d’être finie et l’examen du projet de loi de finances, non plus. Par conséquent, je ne compte pas présider dans un tel bruit, je vous le dis très clairement.
Ma réponse tient en un mot, madame la députée : oui. Les prélèvements forfaitaires obligatoires seront toujours débités sur les comptes des épargnants le 31 décembre, le versement étant effectué sous forme d’un acompte de 90 % le 15 octobre par la banque.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 299 .
Par définition, les revenus distribués aux actionnaires résidents sont extrêmement variables et difficilement prévisibles car ils deviennent acquis seulement lorsque la société décide de leur mise en distribution. Dans ces conditions, il est impossible de prélever un acompte reflétant la réalité de la situation juridique. Il est donc légitime qu’aux termes de l’article 9, l’acompte sur les prélèvements forfaitaires ne s’y applique pas. Pour autant, le Gouvernement a omis d’exclure également les revenus distribués aux actionnaires non résidents, qui sont pourtant soumis aux mêmes contraintes. Cet amendement, adopté par la commission des finances, vise donc à y remédier.
La commission a en effet adopté cet amendement avant d’en connaître le coût, qui est élevé : 100 millions d’euros.
Il n’y a pas lieu de faire de différence selon la nature de l’assiette ou du PFO considérés. Reconnaissons qu’il peut y avoir une difficulté dans la mesure où la prévisibilité des PFO sur de tels revenus est moins forte que sur les autres types de livrets. Les variations étant néanmoins très faibles d’une année à l’autre, les revenus distribués aux actionnaires non résidents ne posent pas véritablement de difficulté.
Je souhaite donc que cet amendement soit retiré. À défaut, je demanderai à l’Assemblée de le rejeter.
L’amendement no 299 est retiré.
Il me semble étonnant d’estimer à 100 millions d’euros le coût de cet amendement car il s’agit d’un acompte. Nous ne demandons pas d’exonérer les revenus distribués aux non résidents.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 700 .
L’amendement no 700 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’acompte représente 90 % des sommes dues au titre des intérêts de l’année. C’est une mesure de trésorerie – le secrétaire d’État l’a dit et confirmé. À l’entendre, les banques ne sont d’ailleurs pas opposées à l’idée de verser au Gouvernement, dès le mois d’octobre, des sommes qu’elles versaient auparavant en janvier de l’année suivante. Compte tenu du niveau des taux d’intérêt, elles en seraient même ravies…
Mais 90 %, ce n’est pas très loin de 100 %.
À ce niveau d’acompte, vous auriez aussi bien pu demander aux banques de verser la totalité du produit de l’impôt.
Pour ma part, je propose de le limiter à 70 %, ce qui permettra de conserver des marges de manoeuvre, même si le gain facial en termes de recettes pour les comptes de l’État sera légèrement moindre,
Par ailleurs, compte tenu de nos longs débats sur les mesures en faveur du financement du cinéma, nous devrions suggérer aux banques de se tourner vers la production cinématographique. Elles trouveront certainement par ce biais des moyens financiers nouveaux.
Sourires.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 554 .
Le problème réside dans la variabilité des taux d’intérêt, qui, certes, ne s’appliquent pas aux PEL, mais aux titres de créance négociables, aux bons de caisse, aux boni de liquidation, aux produits d’épargne, aux produits des bons ou contrats de capitalisation ainsi qu’aux revenus distribués à des non résidents.
Si le taux de l’acompte s’élève à 90 %, il suffira que la variabilité soit supérieure à 10 % pour que le montant versé dépasse le prélèvement dû et que l’État doive, l’année suivante, restituer le différentiel. Si le taux de l’acompte n’est que de 70 %, la probabilité de se trouver dans cette situation est beaucoup plus faible.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 684 .
D’une certaine façon, c’est un amendement de repli. Si la volatilité de l’assiette des revenus rend difficile un acompte de 90 % des prélèvements, un taux de 70 % permettrait en revanche aux établissements financiers de mieux anticiper leurs versements, afin d’éviter la sanction de 5 %, qui s’applique en cas d’erreur.
Même avis.
L’article 9, amendé, est adopté.
La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 246 .
Cet amendement vise à appeler l’attention du Gouvernement sur les risques de dérapage du coût du crédit d’impôt pour la transition énergétique – CITE –, dont les dispositions figurent à l’article 200 quater du code général des impôts.
Il s’instruit de l’expérience du crédit d’impôt développement durable – CIDD –, créé au milieu des années 2000, et dont le coût est passé de 900 millions d’euros en 2007 à 2,8 milliards d’euros en 2010. Le CITE, dont le coût est estimé à 1,7 milliard pour 2017, semble devoir évoluer de la même manière.
Cet amendement vise à transformer le CITE en une réduction d’impôt, pour en limiter les dégâts budgétaires.
Avis défavorable. La commission a bien entendu le message de son président sur le risque de dérapage budgétaire.
En revanche, transformer un crédit d’impôt en réduction d’impôt priverait certains Français de l’avantage donné pour changer une chaudière ou réaliser tous autres travaux d’aménagement susceptibles de contribuer à la transition énergétique.
Avis défavorable. Je comprends la position du président Carrez, tout en reprenant à mon compte la remarque de Mme la rapporteure générale.
Cet article a non seulement pour objet de proroger le CITE mais aussi de faciliter le cumul avec l’éco-prêt à taux zéro, afin de rendre solvables les particuliers désireux de faire réaliser certains travaux sans en avoir les moyens. C’est justement l’un de ses intérêts, car il serait complètement injuste de réserver un dispositif aux seules personnes imposables.
Deuxièmement, tous les acteurs, notamment la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, soulignent l’intérêt du crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui présente un avantage économique évident.
Je reconnais néanmoins qu’il faudra un jour s’interroger sur son coût. L’expérience que citait le président Carrez mérite aussi d’être examinée. À ce stade, toutefois, nul ne conteste l’utilité de proroger le dispositif ni que le cumul avec l’éco-PTZ accroît la solvabilité de ses bénéficiaires.
La solution que vous proposez, monsieur le président, va en tout état de cause à l’encontre d’un des intérêts du dispositif : encourager les Français qui en ont le moins la possibilité à lancer de tels travaux, d’autant que c’est aussi eux qui en ont le plus besoin, puisqu’ils leur permettent ensuite de réaliser des économies sur leurs charges courantes.
En ce qui concerne les dépenses fiscales pour l’État, le coût de la montée en puissance du CITE est en effet important : nous sommes passés de 500 millions d’euros voici deux ou trois ans à 1,6 milliard d’euros dans les prévisions du budget pour 2017.
Mais il faut savoir ce que nous voulons. Pour ma part, si je me méfie beaucoup du poids des normes concernant le neuf, qui oblige les professionnels à s’interroger en permanence pour savoir jusqu’où ils peuvent aller, c’est bien dans les logements existants, qui représentent 99 % du total – puisque le parc de logements augmente, bon an mal an, de 1 % – que se situe l’enjeu principal de la réduction de la consommation d’énergie liée à l’habitat. Or de nombreux ménages peu ou pas solvables éprouvent des difficultés à réaliser les travaux nécessaires.
Je comprends les réserves du président de la commission des finances, mais la conséquence d’une transformation du crédit en réduction d’impôt serait d’empêcher les personnes qui ne paient pas d’impôt ou en paient peu de bénéficier des dispositifs dont nous parlons, donc de rénover leur habitation. Cela va à l’encontre de ce que nous recherchons tous.
S’il se confirme que le CITE favorise la réalisation de travaux, il pourrait sans doute être envisagé – M. le secrétaire d’État vient d’en dire un mot – de corréler la montée en puissance du dispositif avec l’augmentation du chiffre d’affaires de la profession. Mais à mon sens, le remède proposé ici risquerait d’être pire que le mal.
Le raisonnement du secrétaire d’État me semble surprenant, pour ne pas dire paradoxal. Il estime en effet injuste que les personnes non imposables à l’impôt sur le revenu ne profitent pas de réduction d’impôt. C’est pourquoi il faudrait privilégier le système du crédit d’impôt et continuer à distribuer des chèques. Où va-t-on si l’on appréhende la fiscalité avec un tel état d’esprit ?
L’amendement no 246 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à pérenniser jusqu’en 2020 le crédit d’impôt pour la transition énergétique afin de donner de la visibilité aux acteurs économiques et de nous permettre de tenir nos propres engagements. L’article 1er de la loi d’août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe en effet à 20 % en 2030 et à 50 % en 2050 l’objectif de réduction de la consommation énergétique par rapport à 2012. Cela implique d’effectuer la rénovation thermique de 500 000 logements par an à compter de 2017. Or, comme vous le savez, nous ne sommes aujourd’hui qu’à 400 000 logements rénovés par an, bien loin encore des objectifs que nous nous étions assignés.
Cette proposition repose sur plusieurs constats. D’abord, bien que ce crédit d’impôt, à l’efficacité reconnue, notamment par les artisans, soit reconduit d’année en année depuis 2005, les professionnels et les ménages n’ont jamais la garantie que cela sera le cas l’année suivante. Ensuite, le mode d’appréciation du plafond des dépenses éligibles, qui s’étale sur cinq exercices fiscaux, est satisfaisant puisque la plupart des personnes qui envisagent ces travaux le font sur plusieurs années.
Je vous encourage donc à voter cet amendement, qui pérenniserait ce dispositif et montrerait la volonté de la France de tenir son engagement en matière d’isolation des logements et d’économies d’énergie.
Avis défavorable. Il a été rappelé cet après-midi que la règle, en matière de prorogation, était de ne jamais dépasser trois ans. Par ailleurs, la commission a souhaité que le dispositif, compte tenu de son coût, puisse être évalué.
Le Gouvernement n’est pas favorable à la prolongation au-delà d’un an de ce crédit d’impôt. Il convient d’être prudent, de tenir compte du coût de ce dispositif et de ne pas en modifier une nouvelle fois les contours – cela a été trop souvent le cas par le passé – si nous voulons qu’il reste simple. Le prochain gouvernement sera libre de le prolonger d’une ou plusieurs années ; nous préférons, pour notre part, nous en tenir à un an.
Je suis tout à fait défavorable à la prolongation de ce crédit d’impôt. Nous avons fait des études du temps du CIDD, à la fin des années 2000, pour nous rendre compte que le coût d’une installation, éligible à un crédit d’impôt de 25 %, augmentait d’autant quelque temps après.
Autrement dit, ce sont des dépenses fiscales qui alimentent la hausse des prix. On rencontre la même problématique, M. Goldberg le sait bien, dans le domaine du logement. Il faut absolument évaluer ces dispositifs et comparer les prix après la mise en oeuvre d’un crédit d’impôt.
Monsieur le président de la commission, vous dites à juste titre que l’on rencontre le même phénomène dans d’autres domaines, comme l’immobilier locatif. Il est vrai que la défiscalisation immobilière pousse les prix à la hausse, ce qui fait que des personnes achètent leur bien trop cher, fixent un loyer trop élevé, ne parviennent pas à trouver de locataires, baissent leur loyer ou subissent des impayés.
Pour ma part, je suis favorable à ce qu’une évaluation du CITE soit réalisée. Mais j’aimerais qu’il soit fait preuve de la même rigueur intellectuelle sur l’ensemble des dispositifs de défiscalisation.
Tout ce que vous voulez ! Les dépenses fiscales en faveur du cinéma, je vous entends beaucoup les citer, année après année, mais d’autres sont également concernées.
Par ailleurs, vous vous êtes dressé contre le fait que les gens qui ne paient pas d’impôt puissent bénéficier des mêmes avantages que ceux qui en paient. Il me semble pourtant que c’est la moindre des choses ! Je ne vois pas pourquoi une personne, au motif qu’elle paie des impôts, aurait un avantage financier dont serait privée la personne qui n’en paie pas. Je ne suis pas du tout votre raisonnement, qui me semble, en l’espèce, dénué de la rigueur intellectuelle à laquelle vous nous avez habitués.
L’amendement no 775 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 737 .
Même avis.
L’amendement no 737 est retiré.
Cet amendement, déposé par ma collègue Cécile Duflot, a pour objet de faire entrer dans l’assiette du CITE les appareils de chauffage numérique utilisant des microprocesseurs comme source de chaleur. Ces technologies nouvelles bénéficient à la transition énergétique en utilisant la chaleur fatale produite par les calculs de données informatiques, d’ordinaire considérée comme un déchet, pour alimenter des radiateurs ou des chaudières connectés.
La France compte près de 300 centres de données, lesquels représentent 7 % de la consommation d’électricité dans le pays. Les calculs peuvent être réalisés à distance dans des appareils connectés produisant une chaleur aux fins de chauffage. L’installation de ces appareils innovants est encouragée par l’Ademe et par des sociétés privées dans des bâtiments institutionnels ou résidentiels sociaux. Un bâtiment de logements sociaux appartenant à la Régie immobilière de la ville de Paris sur le site de Balard en a récemment été équipé.
Aucune mesure ne permet cependant d’inciter les particuliers à y recourir. Cet amendement vise à mentionner le chauffage numérique à l’article 200 quater du code général des impôts, qui fixe la liste des équipements et appareils éligibles au CITE.
La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, considérant qu’ils sont satisfaits. En effet, l’article 200 quater prévoit que l’acquisition de chaudières à haute performance énergétique est éligible au CITE. Or il nous semble que ces appareils de chauffage intelligents peuvent s’inscrire dans ce cadre.
Cela n’est pas du domaine de la loi. C’est un arrêté qui fixe la liste des équipements qui ouvrent droit au crédit d’impôt et je ne doute pas que Mme la ministre de l’environnement saura y intégrer ces appareils. Mme la rapporteure générale vient en outre d’indiquer que la porte était ouverte. Avis défavorable sur ces deux amendements.
Je le maintiens, en souhaitant que des assurances nous soient apportées lors de la navette. Je ne suis pas certaine, en effet, que ce type d’équipement puisse être éligible au CITE.
Tout le monde pensait que les dépenses de raccordement aux réseaux de chaleur étaient éligibles au crédit d’impôt. Or il n’en est rien, car les équipements de raccordement aux réseaux de chaleur appartiennent à la collectivité territoriale qui les a implantés. Cet amendement vise donc à rendre ces frais éligibles au CITE, afin de faciliter le raccordement des logements à ces réseaux de chaleur.
La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement no 163 .
Voilà que M. de Courson nous invite à faire de la dépense fiscale ! C’est nouveau.
Ce sont les équipements qui sont éligibles au CITE car ce crédit d’impôt est conçu pour inciter à l’acquisition de matériels, non pour couvrir des frais annexes d’installation. Néanmoins, je peux vous confirmer que les équipements de raccordement aux réseaux de chaleur ou de froid, à savoir le branchement privatif, le poste de livraison ainsi que les matériels nécessaires à l’équilibrage et à la mesure, sont bien éligibles au CITE. En revanche, la pose de ces équipements et d’autres dépenses annexes ne le sont pas. Votre objectif est très largement satisfait. Je vous invite donc à retirer ces amendements, à défaut de quoi j’appellerai à leur rejet.
Monsieur le secrétaire d’État, il suffit d’intégrer le coût des frais de raccordement dans la valeur de l’équipement, et les services fiscaux n’y verront que du feu… Vous poussez les personnes astucieuses à ce type de calcul alors qu’il serait plus simple de rendre les frais éligibles au CITE. Les juristes considèrent que l’on n’est pas propriétaire des frais de raccordement, quand bien même on le serait des équipements, ce qui s’entend. Il n’est pourtant pas sain de pousser le contribuable à demander des factures arrangées. Je maintiens l’amendement, car il permettrait d’éviter le recours à ce genre de magouilles.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 456 .
M. le secrétaire d’État a expliqué qu’il revenait à la ministre de l’environnement de fixer par arrêté la liste des dépenses éligibles au CITE. Dans ce cas, à quoi sert le législateur ? Nous devons nous efforcer d’être le plus exhaustifs possible et de présenter l’ensemble des problèmes qui peuvent se rencontrer.
Cet amendement concerne la filière des cheminées et des poêles, qui est structurée de telle façon que l’entreprise qui commercialise l’équipement est la mieux placée pour effectuer la visite préalable prévue à l’article 200 quater du code général des impôts. La question posée est donc simple : est-il possible de déroger à la règle et de prévoir que l’entreprise effectue elle-même la visite préalable ?
Nous avons débattu en commission de votre amendement qui nous a laissés dubitatifs car vous proposez une visite préalable, mais « après ». Avis défavorable.
Face à un tel argument, le Gouvernement ne peut que partager l’avis de la commission. Avis défavorable.
L’amendement no 456 est retiré.
Cet amendement vise à mettre en place un « bonus » au crédit d’impôt pour la transition énergétique, dédié à l’isolation et aux équipements valorisant une énergie renouvelable, en vue de favoriser ces derniers par rapport aux équipements à haute performance énergétique mais fonctionnant à partir d’énergie fossile carbonée.
En effet, l’annexe II du règlement « Écoconception » du 2 août ayant eu pour effet d’imposer la mise sur le marché exclusive d’équipements à haute performance énergétique, il est important d’inciter les consommateurs à s’orienter, parmi ceux-ci, vers des équipements à faible émission de gaz à effet de serre, en vue de contribuer aux objectifs souscrits par la France dans le cadre de l’accord de Paris.
Entre 2014 et 2015, la chute des ventes par type d’équipement est estimée à 49 % pour les équipements solaires thermiques, 40 % pour les appareils de chauffage au bois domestique et 37 % pour les pompes à chaleur géothermiques.
Cet amendement vise donc à mettre en place une incitation fiscale, dans le cadre du crédit d’impôt pour la transition énergétique, en faveur des travaux permettant les meilleurs gains énergétiques et environnementaux. Il vous est ainsi proposé un crédit d’impôt avec une majoration de 20 % pour contribuer à cette incitation fiscale.
La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement no 168 .
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 189 .
L’idée serait de distinguer, lorsque l’on engage des travaux d’économie d’énergie, selon qu’ils favorisent les énergies renouvelables ou les énergies fossiles, d’autant plus qu’en ce moment, le faible prix des énergies fossiles rend difficilement compétitives les énergies renouvelables. Entre 2014 et 2015, la chute des ventes par type d’équipement consommant de l’énergie renouvelable a été très importante – moins 49 % pour les équipements solaires thermiques, moins 40 % pour les appareils de chauffage à bois domestique, moins 37 % pour les pompes à chaleur géothermique. Ces chiffres témoignent de la nécessité de prévoir un bonus supplémentaire en faveur des travaux valorisant les énergies renouvelables.
Je connais votre réponse, madame la rapporteure générale, puisque vous nous l’avez apportée en commission. D’ailleurs, je la comprends. Vous avez eu la volonté de simplifier le dispositif afin de le rendre plus lisible. Cela étant, le problème que nous soulevons est bien réel et mérite notre attention.
Cet amendement vise à renforcer l’efficacité du crédit d’impôt pour la transition énergétique en corrigeant l’un de ses défauts, l’absence de prise en compte de la performance issue de la rénovation.
Il est important que les travaux simples continuent à donner droit aux crédits d’impôt, mais rappelons que 41 % des dépenses du CITE servent à rénover les fenêtres alors qu’elles ne sont responsables que de 10 à 15 % des pertes thermiques d’un logement.
Pour assurer la stabilité du dispositif tout en l’améliorant, et sans créer une usine à gaz qui complexifierait son recours par les contribuables, cet amendement tend à rétablir de façon incitative le dispositif de bouquet de travaux, tel qu’il existait en 2014 pour le CIDD. Nous proposons ainsi de maintenir le taux de 30 % pour les travaux simples et d’accorder un bonus de 5 % supplémentaire pour un bouquet de travaux.
En effet, les professionnels du secteur sont unanimes pour souligner que les meilleures améliorations énergétiques sont le fruit de deux ou plusieurs opérations menées intelligemment et de concert. Je comprends bien la critique relative au coût pour le budget de l’État mais j’appelle l’attention de l’Assemblée sur le fait que le coût par kilowattheure évité, en revanche, serait sensiblement amélioré.
Il nous semble donc nécessaire de prendre en compte la question de la performance dans la réflexion sur le CITE.
La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 244 .
Dans le but de limiter les dégâts budgétaires, cet amendement tend à abaisser de 30 à 25 % le taux du crédit d’impôt pour la transition énergétique.
Tous ces amendements me font penser à la caverne d’Ali Baba. Le président propose de passer de 30 à 25 %, Mme Louwagie de 30 à 50 %….
Certes, mais pour quelques-uns tout de même. Mme Sas propose de réintroduire le bouquet que nous avions supprimé... Bref, la commission a considéré qu’il serait préférable de s’en tenir au système actuel. Avis défavorable.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Comme d’habitude, on s’amuse à complexifier des dispositifs simples avec une multitude de critères divers et variés – la performance, le bouquet et j’en passe.
Tout le monde a reconnu que le CIDD avait évolué de manière complexe. Je n’y reviens pas et personne n’est à blâmer dans cette affaire. Mais voilà que nous retombons dans nos travers en cherchant à nouveau à complexifier un dispositif, toujours, d’ailleurs, pour de bonnes raisons. Je comprends les arguments des uns et des autres mais si l’on vous écoutait, la situation deviendrait ingérable et illisible. Il ne faut pas chercher plus loin les raisons de la complexité de notre fiscalité ! Gardons donc notre système tel qu’il est.
À la rigueur, le seul amendement que nous aurions pu retenir est celui qui aurait modifié le niveau du taux, en fonction du coût. Peut-être y viendrons-nous un jour, mais le moment n’est pas encore venu.
Avis défavorable à tous ces amendements.
Une fois de plus, je me retrouve d’accord avec mon excellent collègue Daniel Goldberg. Ni lui ni moi ne comprenons pourquoi l’on supprimerait le plafond de ressources pour le couplage avec le prêt à taux zéro. Cet amendement tend donc à le maintenir.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement no 443 .
J’ai aussi le plaisir de me retrouver en accord avec l’excellent président Gilles Carrez. L’on sait que la distribution de l’éco-PTZ a posé problème, du fait de la complexité de ce produit bancaire à ses débuts. En effet, alors qu’il en fut distribué 71 000 l’année de sa création, nous en sommes à 23 000 en 2015. Les députés sont en partie responsables de cet échec, notamment parce que nous avions demandé aux salariés des banques de justifier de l’éligibilité des travaux que voulaient faire financer les particuliers, au lieu de faire porter cette responsabilité aux professionnels du logement. Nous avons corrigé cette disposition depuis. Il demeure qu’encore aujourd’hui, ce produit n’est pas proposé car réputé peu intéressant par les agences bancaires du fait de la baisse des taux.
Autant j’aurais pu être favorable à l’élévation des plafonds, aujourd’hui fixés à 25 000 euros pour un célibataire et 35 000 euros pour un couple, afin de pouvoir cumuler l’éco-PTZ avec le CITE, autant je ne suis pas d’accord pour supprimer complètement les plafonds de ressources car cela reviendrait à favoriser une partie de la population, celle dont les revenus, pour un couple, sont supérieurs à 35 000 euros. Je ne dis pas que l’on est riche lorsque l’on gagne cette somme à deux, mais entre relever le plafond de ressources et le supprimer, il y avait une place pour une solution médiane. Surtout, selon l’évaluation préalable de l’article 10, une amélioration de 27 % de la distribution de l’éco-PTZ a été observée au dernier trimestre de 2015. Avant de supprimer un plafond, étudions précisément les effets du cumul en 2016. Nous déciderons alors peut-être de relever le plafond, mais ne le supprimons pas.
Avis défavorable pour deux raisons. La première est objective : le cumul des deux ne coûte pas très cher. La seconde est pragmatique : l’éco-PTZ a du mal à décoller et offrir la possibilité de cumuler les deux dispositifs revêt une forme d’encouragement, à moindre coût.
Il a été distribué 31 196 éco-PTZ en 2014 contre 23 567 en 2015, soit 8 000 de moins, ce qui est considérable. Nous ne prenons pas un grand risque à repousser vos amendements. Mme la rapporteure générale vous a dit la même chose, en des termes plus directs.
Le dispositif a du mal à se mettre en route, pour de nombreuses raisons, la plus importante étant la faiblesse des taux d’intérêt. En tout cas, mieux vaut ne pas adopter ces amendements qui maintiendraient le principe du plafond.
Je suis d’accord avec Daniel Goldberg et le problème est le même depuis des années : quel objectif poursuivons-nous ? Soutenir l’activité du bâtiment, d’accord, mais surtout éradiquer la précarité énergétique qui frappe 8 millions de ménages. Cela suppose de rénover les passoires thermiques dans lesquels vivent des ménages très modestes. Même les crédits d’impôt ne suffisent pas à permettre d’engager des travaux quand on ne gagne qu’une petite retraite.
Je voudrais, lorsque nous en viendrons à l’amendement no 300 de Mme la rapporteure générale, relatif à l’évaluation du dispositif, que l’on se penche sur les catégories sociales qui bénéficient des dispositifs de crédits d’impôt et d’éco-PTZ. Il nous apparaîtra peut-être alors que la vraie solution eut été de poursuivre jusqu’au bout de sa logique le programme « Habiter mieux » en le dirigeant vers les ménages modestes, dont la quasi-totalité des travaux aurait été prise en charge.
Je voudrais aller dans le même sens. Dans cette assemblée, nous ne nous inspirons pas assez des travaux de nos collègues, notamment ceux qui travaillent au comité d’évaluation et de contrôle. Le rapport d’information remis par MM. Jean-Jacques Guillet et François de Rugy, il y a trois jours, confirme le manque de notoriété de l’éco-PTZ.
Il y a donc un effort à faire pour donner plus de notoriété à ce prêt et pour qu’à l’avenir, plutôt que de se tourner vers le CITE, on ouvre la possibilité de jumeler les aides de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, et l’éco-PTZ afin de bien cibler les ménages les plus modestes.
En tout cas, il me semble difficile d’avoir ici une conversation quelque peu « romanesque », si j’ose dire, alors que nos collègues ont réalisé des travaux très importants dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle.
Je le maintiens, et j’ajoute que je suis en plein accord avec les deux dernières interventions. Il faut en effet parvenir à centrer le dispositif sur les ménages les plus modestes, ceux qui n’ont pas les moyens, même après subvention et crédit d’impôt, de procéder à ces travaux – en recourant même, comme le suggère Mme Batho, à des programmes un peu directifs pour s’assurer de leur réalisation. C’est ce que l’on fait via l’ANAH, avec de bons résultats.
La politique dans ce domaine doit être plus volontariste et plus ciblée qu’un crédit d’impôt généralisé.
J’ai déjà proposé cet amendement à la commission des finances, qui l’a adopté. Il permettra peut-être d’apporter une réponse aux discussions qui nous ont occupés puisqu’il prévoit la remise d’un rapport sur le crédit d’impôt pour la transition énergétique.
Bien au-delà de la question du coût financier du dispositif, qui s’élève à 1,7 milliard d’euros, nous constatons que nous n’atteignons pas les objectifs de performance énergétique. Environ 400 000 logements sont rénovés chaque année alors que notre objectif était de 500 000. Par ailleurs, le dispositif ne prend pas en compte la performance des travaux.
Il est donc proposé d’aller dans le sens de l’évaluation recommandée par le récent rapport de la Cour des comptes, tout en ne se limitant pas à la seule évaluation fiscale. Le rapport portera aussi sur la structuration d’une filière efficace de performance énergétique et sur les moyens d’améliorer l’information du public et les synergies entre les dispositifs locaux, nationaux et européens. Des exemples régionaux, comme le Picardie Pass Rénovation, sont à méditer pour accélérer l’isolation des logements et pour nourrir l’ensemble de la réflexion sur le crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui soulève aujourd’hui beaucoup de débats.
Bref, ce rapport contribuera à pérenniser le dispositif et à en améliorer la performance.
Sagesse.
Venant s’ajouter aux travaux du comité d’évaluation et de contrôle mentionnés par Monique Rabin, ce rapport pourra être utile. Si Mme Sas et Mme la rapporteure générale l’acceptaient, peut-être pourrions-nous ajouter un objet d’étude que nous évoquions au début de la discussion sur l’article 10 : l’effet prix de ce dispositif, auquel Gilles Carrez a également fait allusion. Je suggère donc d’ajouter un alinéa à l’amendement pour préciser que le rapport portera aussi sur l’effet final sur le prix des travaux menés.
Il s’agirait donc d’un sous-amendement. Je vous invite à le rédiger et à me le faire parvenir. En attendant, madame la rapporteure générale, pourriez-vous nous indiquer par avance si vous acceptez cette modification ?
Peut-être pourriez-vous développer cet avis. Cela laisserait à M. Goldberg le temps de rédiger son sous-amendement…
Sourires.
Il faut étudier non seulement le prix des travaux, mais aussi leur effet sur le prix des biens rénovés. Il serait utile que ces éléments figurent dans le rapport.
Ne meublez pas trop quand même, madame Sas. Si vous continuez ainsi, le rapport fera douze volumes !
Sourires.
Sagesse également.
Le sous-amendement no 829 est adopté.
L’amendement no 300 , sous-amendé, est adopté.
L’article 10, amendé, est adopté.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, premier inscrit sur l’article.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Corse n’a ni avantages ni privilèges. Elle fait simplement l’objet de plusieurs dispositions dérogatoires spécifiques qui sont destinées à atténuer les inconvénients de l’insularité, notamment en matière de transports et d’approvisionnement, et à favoriser le développement économique de l’île, marqué par un retard manifeste. La République, c’est aussi l’égalité des chances.
Je regrette l’acharnement aussi infondé qu’injuste de notre collègue de Courson à l’endroit de la Corse. Si privilège la Corse a eu, est-ce celui d’être allé combattre et mourir sur tous les champs de bataille, y compris dans la Marne pendant la Grande Guerre, pour y défendre la liberté et la République ?
Ces propos sont inacceptables ! Les Marnais sont tombés en grand nombre, tout autant que les Corses !
S’il vous plaît, monsieur de Courson ! Vous aurez la parole tout à l’heure pour défendre votre amendement de suppression, et vous pouvez vous aussi vous inscrire sur l’article.
Je maintiens mes propos. Respectons l’Histoire et tous les territoires qui composent notre République.
Je peux aussi m’improviser comptable. Le coût des dérogations accordées à l’outre-mer est évalué à 4,7 milliards d’euros pour 2,7 millions d’habitants, soit 40 % du total des dérogations fiscales pour 4 % de la population nationale. Faut-il pour autant les supprimer ? La réponse est non, au nom du principe de péréquation qui a toujours animé l’esprit républicain.
Le Concordat pour l’Alsace-Moselle coûte chaque année environ 58 millions d’euros à l’État. Doit-on pour autant supprimer ces particularités historiques ? La réponse est encore non !
S’il faut supprimer les dérogations fiscales par souci d’égalitarisme, au mépris du principe d’équité et tout simplement du bon sens qui devrait prévaloir en politique sur la base d’arguments fondés, il faut le faire pour tout le monde. Égalité oblige ! Prenons garde à cette nouvelle nuit du 4 août dont certains veulent se faire les champions, qui serait dévoyée de son principe originel et qui trahirait tous les fondements de l’histoire fiscale de notre pays.
Notre collègue de Courson, si attaché au principe d’égalité devant les charges publiques, n’était-il pas conseiller général de la Marne lorsqu’a été organisé le dumping fiscal sur la vignette automobile ?
J’entrerai plus tard dans le détail des amendements déposés après l’article 11. Juste un mot pour dire que chacun doit prendre ses responsabilités. Il appartient au Gouvernement d’être clair et de se positionner. Après l’adoption du statut d’île-montagne pour la Corse, il ne faudrait pas que dans un paradoxe total, la première mesure adoptée soit la confirmation des amendements de notre collègue, qui auraient pour effet de démanteler une économie viticole que l’on a mis des décennies à bâtir et à pérenniser.
Si j’ai appelé de mes voeux une loi spécifique à la Corse, c’est aussi pour opérer une remise à plat des dispositions fiscales dérogatoires dont l’île fait l’objet, dans le cadre d’un toilettage global et fondé. Il n’est pas acceptable qu’au détour d’amendements examinés en fin de réunion de commission, on détricote des dispositifs qui ont prouvé leur efficacité, et ce, sans concertation préalable avec les principaux intéressés.
Oui, nous sommes prêts à discuter de tout, à condition que cela soit au service d’un territoire qui est encore partie de la République. Oui, nous souhaitons que la définition de la Corse comme île-montagne prenne du sens et qu’aux handicaps de chacun de nos territoires, on puisse apporter de vraies réponses, qu’il s’agisse de dispositifs anciens toujours confirmés dans cet hémicycle ou de dispositifs nouveaux adaptés à l’économie d’aujourd’hui.
La parole est à M. Laurent Marcangeli, que j’invite à respecter les deux minutes de temps de parole prévues pour la discussion sur l’article.
Sourires.
Je suis quelqu’un qui parle peu, madame la présidente !
La réforme, oui ! Le coup de force, non !
Comme vient de le dire Camille de Rocca Serra, nous sommes prêts à évoquer les spécificités fiscales et les dérogations dans le cadre d’une réforme globale. Nous l’avons dit de manière publique et assumée, en Corse comme ici. Nous l’avons dit à M. le secrétaire d’État. Nous l’avons dit au Premier ministre, notamment lors de sa dernière visite à Ajaccio le 4 juillet dernier.
La manière dont les amendements de notre collègue ont été déposés la semaine dernière en commission des finances ne me plaît pas. La raison en est simple : j’ai le sentiment qu’il y a une forme d’acharnement, de discrimination. Prenons un exemple précis : il propose d’exclure la Corse du bénéfice de l’article 518 du code général des impôts en matière de taxes sur l’alcool et les vins. Et la Corse seulement, mon cher collègue. Le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle, vous les avez oubliés !
Ce n’est pas loyal, d’autant qu’il s’agit d’un ajout de dernière minute.
Je le dis clairement : nous allons discuter de ces amendements avec sérénité, mais je souhaite que l’on cesse, dans cet hémicycle, dans les médias et ailleurs, de cibler la Corse de manière sempiternelle et caricaturale ; que l’on cesse une bonne fois pour toutes de faire peser sur ce territoire un certain nombre de mauvaises pensées ou d’arrière-pensées qui ne sont pas à la hauteur du débat parlementaire et du travail qui nous incombe.
Une fois encore, la réforme, oui ! Nous sommes parfaitement capables de discuter de notre fiscalité. Certaines choses doivent être dépoussiérées, toilettées, réformées. Mais pas dans ces conditions et certainement pas avec cet acharnement !
Nous avons abordé tout à l’heure les « marronniers » budgétaires et fiscaux que sont le cinéma, le crédit d’impôt recherche ou le CICE. Nous en arrivons à celui de la Corse. Peut-être le fait de commencer par la lettre C appelle-t-il la contestation…
Sourires.
S’agissant de la Corse, nous avons droit chaque année à des interventions relatives aux arrêtés Miot, aux droits sur le tabac, etc… Malheureusement, ces débats, parfois fondés sur des approximations et des préjugés, ne me font plus rire. Ainsi que le disait Paul-Louis Courier, « Il y a longtemps que je ne rie plus de cette manie de l’à-peu-près qui envahit la France du plus bas au plus haut ».
Cette année, c’est une pluie de marrons que nous recevons, et ils sont parfois amers, voire franchement indigestes. Nous devons néanmoins respecter les opinions de chacun, en commençant par ce que dit la Cour des comptes dans son référé du 21 juin 2016. Je respecte la Cour, elle dit des choses justes, mais sans contradiction, ce document n’a pas de valeur. Il doit s’apprécier au regard de la réponse que lui a donné le Gouvernement.
J’apporterai à cet égard deux précisions.
Tout d’abord, quand la Cour évoque des « dispositions obsolètes » à propos d’un décret de 1811 sur l’alcool en Corse, je réponds qu’il n’existe pas, pour les lois, de date de péremption, contrairement aux yaourts. Beaucoup de nos lois se décomposent vite, c’est vrai, et certaines tombent en poussière avant d’avoir été appliquées, mais il y en a d’anciennes – la Déclaration des droits de l’homme de 1789, rédigée à l’époque où nous avions un roi, ou l’ordonnance de Villers-Cotterêt, prise en 1539, qui dispose que c’est « en langage maternel français et non autrement » que les actes administratifs et baptismaux doivent être écrits.
En ce qui concerne la TVA sur les vins produits et consommés en Corse, on constate une application constante de l’administration fiscale depuis 1967, soit près de cinquante ans, sans parler des travaux parlementaires effectués ici par M. de Rocca Serra – Jean-Paul – et au Sénat par M. Giacobbi – François –…
Sourires.
Ce n’est pas une tare, ni d’un côté, ni de l’autre.
Et tout à coup, il faudrait abolir ce régime fiscal dérogatoire. Pourquoi pas ? Mais, soyons précis, nous parlons d’un coût de 50 millions d’euros. Comment un taux de 20 %, appliqué à une fraction de 160 millions d’euros – la plupart des vins de Corse étant exportés et soumis à la taxe –, pourrait-il donner 50 millions pour résultat ? En réalité, la perte de recettes s’élève à 12 millions d’euros.
Si nous voulons discuter de ce sujet, discutons-en. Mais il serait injuste et nocif de se prononcer brutalement, au détour d’un amendement – même si tous les amendements sont légitimes. Nous pouvons avoir ce débat, mais pas sans qu’une analyse, une étude d’impact et des concertations n’aient été réalisées. Ouvrons le chantier ; ne laissons pas tomber le couperet.
La Corse est prête à un aggiornamento fiscal.
Elle y est disposée pour les arrêtés Miot. Sur ce sujet, la concertation entre le Gouvernement et les députés de Corse avance vite et bien – et le secrétaire d’État n’y est pas pour rien.
Pour le reste, elle appelle de ses voeux un statut fiscal qui, en recyclant de vieux avantages historiques – qui parfois apparaissent plutôt comme des inconvénients –, incite l’île à s’engager dans une économie moderne. Elle souhaite être traitée normalement. Entre nous, si on traitait ainsi les particularités propres à l’Alsace-Moselle ou à l’Outre-mer, voire tous les avantages fiscaux, rationnels eux aussi, qui se multiplient dans notre pays depuis deux siècles, personne ne l’accepterait !
C’est la raison pour laquelle j’appelle le débat, et ce débat durera un certain temps.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 374 .
…puisqu’il concerne la région Île-de-France.
J’ai déposé cet amendement pour poser deux questions à M. le secrétaire d’État.
Lorsque nous avons, il y a quelques années, ouvert pour chaque région la possibilité d’augmenter le taux de TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques –, un très long débat avait été nécessaire avant que la Commission européenne n’autorise cette modulation, dont elle a précisé le cadre dans un courrier adressé au gouvernement français. Notons que toutes les régions, sauf une, avaient alors immédiatement choisi le taux maximum.
Or l’évaluation préalable de l’article 11 que ses dispositions ne posent pas de problème au niveau communautaire. Ma première question est donc la suivante : l’augmentation par une région de la TICPE est-elle « eurocompatible » ?
Deuxièmement, pourquoi n’accordons-nous pas aux autres régions de France ce que nous autorisons pour l’Île-de-France ? N’y a-t-il pas là une rupture d’égalité ? M. le secrétaire d’État peut-il nous éclairer sur ces deux questions ?
Défavorable également.
Pour répondre à votre deuxième question, la spécificité parisienne, dans ce domaine, est indéniable. On pourrait en discuter pendant des semaines, mais il est évident que Paris, et plus généralement l’Île-de-France, ne subissent pas les mêmes contraintes en matière de transports en commun que les autres régions. Le nombre de touristes, l’ampleur des déplacements entre domicile et travail, les caractéristiques de l’habitat, le fait que peu de gens habitent Paris intra-muros, tout cela fait la spécificité de l’Île-de-France. Voilà qui répond à votre deuxième question et quasiment aussi à la première.
En effet, quelle est la finalité de l’article ? Permettre le financement d’une opération qui vise à dissuader l’usage du transport individuel et à inciter nos concitoyens – par un signal prix assez modeste, j’en conviens – à utiliser les transports en commun. Dans ce but, il autorise la modulation de la TICPE et prévoit l’affectation du produit de cette nouvelle recette au STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, maître d’ouvrage essentiel du développement des transports en commun francilien. Tout cela est clair.
Nous verrons bien ce qu’il adviendra en matière de droit communautaire, mais à partir du moment où il s’agit de taxes ayant une finalité spécifique, nous pouvons convaincre la commission du bien-fondé de cette disposition.
Je voudrais ajouter à l’attention de M. de Courson que la fiscalité spécifique à l’Île-de-France existe depuis très longtemps. C’est le cas, par exemple, de la taxe annuelle sur les bureaux, en vigueur depuis vingt-cinq ans,…
…comme de la taxe spéciale d’équipement : elles n’existent qu’en Île-de-France. Et il en est de même de la taxe additionnelle spéciale prévue dans la loi de finances pour 2015 et dont l’objet est précisément de financer les transports.
Ces fiscalités spécifiques, pour la plupart orientées vers le financement des transports, n’ont jamais posé le moindre problème, ni au titre d’une éventuelle rupture d’égalité, ni au regard de considérations européennes, monsieur de Courson !
J’ai posé deux questions. En réponse à la première, j’ai cru comprendre, monsieur le secrétaire d’État, que vous alliez saisir l’Union européenne pour vérifier la compatibilité de cette mesure, comme cela a été fait quand nous avons prévu la possibilité d’une modulation à la hausse de la TICPE.
S’agissant de la seconde question, d’autres régions sont aussi très concentrées. Prenez l’agglomération lilloise, la grande métropole Nice-Toulon et l’ensemble du Sud : ces régions disposent aussi de réseaux de transports collectifs. Pourquoi donc limiter cette mesure à l’Île-de-France ?
Enfin, pour répondre à Gilles Carrez, la spécificité de la taxation des carburants est que les consommateurs peuvent se fournir partout. Nous risquons d’assister à des délocalisations, les transporteurs routiers allant s’approvisionner en carburant juste en bordure de la région Île-de-France. Voilà ce que je crains.
Ceci dit, monsieur le secrétaire d’État, dans la mesure où vous avez répondu à mes questions, je retire mon amendement.
Donner des moyens supplémentaires au STIF, soit, mais pour quoi faire ? Je ne suis qu’un utilisateur des transports en commun, en particulier de la RATP. Quand vous prenez le bus pour vous rendre de l’Assemblée nationale au Sénat, on vous lâche après deux stations, sans aucune explication. Prenez le métro : le service s’arrête Porte de Versailles alors que vous voulez aller à Corentin Celton. Et il en est ainsi sur toutes les lignes !
Prenez le RER, cher collègue, et vous verrez qu’en banlieue c’est pire !
Quand je prends le TER à Verdun pour me rendre à Metz, je descends bien à Metz. Quand je prends le TGV, sauf accident, je parviens à la gare de destination.
Peut-être les Parisiens s’y retrouvent-ils parfaitement, mais je ne comprends pas le mode de fonctionnement des transports dans cette ville. Dès lors, donner des moyens supplémentaires à un syndicat qui manifestement a du mal à contrôler sa propre organisation…
Il est vrai qu’au-delà du périphérique, il y a de quoi faire ! Mais avant de donner de l’argent, il faut savoir à quoi il va servir. Vous avez évoqué le tourisme : j’ai l’impression pour ma part qu’à Paris et en banlieue, on n’en veut plus !
L’amendement no 374 est retiré.
Je suis saisie de l’amendement rédactionnel, no 749, de Mme la rapporteure générale.
L’amendement no 749 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet article vise à instaurer une nouvelle source de financement pour le STIF, assise sur la consommation de produits pétroliers. Pour ce faire, une modulation de la TICPE acquittée sur le territoire de la région est rendue possible au bénéfice des transports collectifs.
L’intention est bonne, sauf que les plafonds de modulation avantagent le diesel, comme au siècle dernier. L’amendement propose de renverser la tendance en modifiant les plafonds indiqués, qui passeraient de 1,77 à 1,02 euro pour le diesel, et de 1,65 à 1,89 euro pour l’essence.
Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. Avec un rendement constant par rapport à ce que nous avions prévu, il prévoit, à l’intérieur de l’enveloppe, un rééquilibrage entre le gazole et l’essence. Avis plutôt favorable.
Monsieur Alauzet, vous avez trouvé une façon de rapprocher les prix de l’essence et du gazole. Ce rapprochement est certes modeste, mais il est conforme à la volonté du Gouvernement. Avis favorable, donc.
J’interroge le Gouvernement : peut-il exister un écart de fiscalité entre l’essence et le diesel qui serait différent en Île-de-France et dans le reste de la France ? Telles qu’elles figurent dans le projet de loi, les dispositions de l’article 11 prévoient en effet un écart de 12 centimes en faveur du gazole, équivalent à l’écart général de TICPE entre les deux types de carburant, tandis que l’amendement prévoit un écart de 87 centimes dans l’autre sens, c’est-à-dire une taxation du gazole supérieure de 87 centimes à celle de l’essence.
Sur le principe, est-il possible, en France, de différencier les taxations de l’essence et du diesel selon les régions ?
D’autre part, je milite pour la convergence entre l’essence et le diesel depuis de nombreuses années, plus particulièrement depuis que l’Organisation mondiale de la santé a classé les particules diesel comme étant cancérogènes.
À ce point du débat, je tiens à dire deux choses.
Tout d’abord, je ne veux pas que l’on se méprenne sur le sens mon intervention. Ce n’est pas parce qu’on souligne les méfaits du diesel qu’on sous-entend que l’essence serait vertueuse ! Les nouvelles motorisations à essence émettent dix fois plus de particules fines que les moteurs au diesel. Je ne veux pas que, dans dix ans, on regrette d’avoir conseillé aux gens de préférer l’essence, en découvrant de celle-ci pose un grave problème de santé publique.
Ensuite, la doctrine qui doit remplacer l’avantage accordé pendant des années au diesel est la neutralité fiscale et technologique. Il faut donc adopter une fiscalité neutre en ce qui concerne le choix technologique sur les motorisations fossiles, et des normes neutres qui fixent une obligation non de moyens mais de résultats.
Voilà pourquoi je m’interroge sur l’amendement no 826 .
Sur le plan théorique, je m’étais déjà posé la question. Je croyais qu’il était impossible en France de prévoir des taux différenciés de TICPE, d’un territoire à l’autre, sur le diesel et sur l’essence.
Sur le fond, je suis favorable à la neutralité fiscale et technologique, non à ce que nous passions d’un extrême à l’autre, sans réfléchir aux conséquences de nos décisions.
Je crois comprendre à quoi fait référence votre première question sur la possibilité juridique de prévoir un taux différent selon les régions. Cette décision ne pose pas de problème dès lors que la contribution supplémentaire s’ajoute aux contributions existantes. Rien ne s’oppose donc juridiquement à ce que l’écart global soit différent entre les régions, même s’il est constant sur les fractions de TICPE.
Votre seconde question porte sur le fond, que vous connaissez beaucoup mieux que moi. À cet égard, vous avez raison. Je crois avoir lu ce soir même des informations concernant la pollution des moteurs à essence, ce qui nous interpelle tous.
Grâce au bonus-malus, nous progressons, notamment en ce qui concerne l’utilisation de véhicules électriques, voire de véhicules hybrides rechargeables. Je crois que vous avez salué ce genre de dispositions. Étant prudent, comme vous, j’appelle à la vigilance.
Enfin, le rattrapage effectué avec cette contribution supplémentaire n’est pas d’une ampleur telle qu’il donnerait un avantage considérable à l’essence sur le diesel. Nous prévoyons seulement de réduire un peu l’écart global entre les deux fiscalités.
Pardonnez-moi, mais je vous interroge tout en découvrant les dispositions. Je lis que le plafonnement de la nouvelle majoration de la TICPE serait de 1,89 euro au lieu de 1,65 pour le diesel et de 1,02 euro au lieu de 1,77 pour l’essence.
En somme, le plafonnement du diesel, qui est inférieur de 12 centimes à celui de l’essence, deviendra supérieur de 87 centimes.
Une telle mesure n’est pas neutre socialement. Quelles catégories sociales, en Île-de-France, possèdent des véhicules anciens roulant au diesel ? Celles-là même pour lesquelles le Gouvernement a instauré une prime à la conversion, pour aider les ménages modestes non imposables à s’équiper d’une motorisation plus récente, même avec un véhicule d’occasion. La mission d’information que nous avons conduite propose d’ailleurs de doubler le montant de cette prime.
A-t-on conscience de la disposition que nous sommes en train de voter ?
J’espère, madame la députée, que vous ne commettez pas de confusion… Il s’agit là d’une taxe à l’hectolitre.
Nous parlons donc d’un rattrapage de 0,08 centime sur les 12 centimes que vous évoquez.
L’amendement no 826 est adopté.
L’article 11, amendé, est adopté.
La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.
Ce sont des amendements d’appel qui visent à gagner un an sur la trajectoire de la contribution climat énergie. En effet, lorsque nous avons adopté cette contribution, nous n’avions pas anticipé la chute du prix des énergies fossiles, y compris pour le consommateur. L’effet de la contribution climat énergie, le mécanisme visant à rendre les économies d’énergie rentables sont nettement amoindris du fait de l’arrivée sur les marchés de l’énergie des gaz et des huiles non conventionnels. Une réflexion doit être menée sur la chute du prix de l’énergie et l’adaptation nécessaire de la trajectoire de la taxe carbone. Le dernier rapport de France stratégie, intitulé Climat : comment agir maintenant ? pointe cette question. Il faut adapter la trajectoire de la contribution climat énergie en fonction du prix réel de l’énergie, pour que la contribution ait réellement un impact.
L’amendement no 778 avance d’un an la trajectoire prévue, tandis que l’amendement no 777 non seulement l’avance d’un an, mais poursuit l’accélération jusqu’en 2019, avec une perspective un peu plus longue. Je souhaiterais connaître la réflexion du secrétaire d’État sur cette question, mais j’indique par avance que je retirerai ces amendements.
Bien que Mme Sas compte retirer ses amendements, je veux rappeler que, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative, nous avions présenté le bilan de l’impact des différentes taxations écologiques sur le budget d’un ménage : en l’espace de trois ans, une famille composée de deux adultes et de deux enfants subissait une augmentation annuelle comprise entre 250 et 300 euros. Les amendements que vous proposez se traduiraient par une augmentation de la taxation de 30 à 40 euros. S’ils n’étaient pas retirés, l’avis serait défavorable.
Nous avons pris des décisions fortes, courageuses, sur la contribution climat énergie, qui fixent une trajectoire pluriannuelle, que nous avons d’ailleurs retravaillée, réorganisée à plusieurs reprises. Je pense qu’il y a lieu, maintenant, de laisser le dispositif en l’état. On pourrait bien sûr être intéressé par le milliard ou les 2 milliards d’euros supplémentaires de contribution, mais tel n’est pas l’objectif poursuivi. Je crois que ce gouvernement a été – même si je suis mal placé pour le dire – plutôt exemplaire en matière de fiscalité environnementale, de contribution climat énergie. Il ne faut pas, à chaque fois, en rajouter : un rythme, une progression ont été définis. Je suis donc défavorable à ces amendements qui changent le rythme et, pour l’un d’eux, l’accélère, ce qui, me semble-t-il, n’est pas de bonne pratique.
C’est de la trajectoire Chanteguet dont il est ici question. Même si Mme Sas entend les retirer, je soutiens ces amendements, qui correspondent à la proposition no 22 du rapport d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale, déposé à la suite de l’affaire Volkswagen. On aura ultérieurement des débats sur le diesel et l’essence. La vraie question est celle de la sortie des énergies fossiles, et ce qu’a dit Eva Sas est juste : au regard des prix actuels du pétrole, l’anticipation d’un an de la trajectoire prévue paraît légitime et pertinente. Mais, puisque ces amendements vont être retirés, le débat s’arrête là.
Je vais prendre le sujet, présenté par Eva Sas et Delphine Batho, dans un sens inverse. L’amendement no 760 vise ainsi à augmenter le prix du diesel et de l’essence, et à diminuer le prix de l’essence constituée de bioéthanol. Ces mesures ne s’expliquent pas uniquement par la nécessité de faire converger plus rapidement le prix de ces énergies, mais également, plus simplement, par l’impasse financière dans laquelle se trouve aujourd’hui l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.
Chacun en a conscience, nous avons, au début de la législature, décidé de procéder un peu différemment de ce qui avait été fait au cours de la législature précédente. Nous avons souhaité mettre fin au schéma national des infrastructures de transport, qui était, non une boîte de Pandore, mais une boîte à promesses jamais réalisables et jamais réalisées. Nous avons entendu favoriser une approche concertée, intelligente, permettant de planifier, sur quinze ans, l’ensemble des infrastructures que nous privilégions. Ce nouveau schéma, issu du rapport Duron « Mobilité 21 », a été approuvé par le Gouvernement et, me semble-t-il, par l’ensemble des groupes parlementaires. Mais nous sommes parvenus à un stade où les mesures proposées par ce rapport ne sont plus finançables. Nous sommes dans une impasse financière évaluée à environ 400 millions d’euros. Si ce déficit n’était pas comblé, certains projets, auxquels nous tenons tous beaucoup, ne seraient pas financés. Comme vous le savez, nous devons assurer la fin du financement des lignes à grande vitesse – LGV –, nous devons mettre en place la ligne Lyon Turin, le canal Seine Nord Europe, ainsi que tous les projets déjà engagés dans le cadre des contrats de plan État-région, qui seront a minima retardés si l’on ne sort pas de cette impasse.
C’est la raison pour laquelle, avec beaucoup d’autres, notamment les membres de la commission du développement durable, qui a voté cet amendement, nous souhaitons pouvoir aller plus vite. Cela ne concerne pas la région Île-de-France, qui, en vertu de l’article 11, peut voir ses tarifs modulés si le Syndicat des transports d’Île-de-France le décidait. Nous proposons que l’on puisse en faire de même pour le reste du territoire national – quand bien même ces mesures seraient de moindre ampleur que celles appliquées dans la région Île-de-France – afin de pouvoir financer ces infrastructures de transport, qui sont attendues par tous.
Cet amendement vise à poursuivre, pour la troisième année consécutive, le processus de convergence des taxes frappant le diesel et l’essence. Je crois que quelque chose est en train de se passer dans notre pays. Cette fois, la prise de conscience est là, et il me semble que la volonté politique l’est aussi. Je rappelle que l’avantage accordé au diesel représente encore un montant substantiel,…
…de 5 milliards, nous dit la spécialiste du sujet. Il a un peu diminué car il était auparavant de 6,2 milliards. À la faveur des différents rapports parlementaires, des flagrances en conflits d’intérêts – on pense évidemment à l’affaire Volkswagen –, je crois que la messe est dite : une évolution profonde est engagée.
Ces amendements ont pour objet de concrétiser cette volonté de changement alors que, je le rappelle, les personnes qui faisaient l’effort d’acheter un véhicule à essence étaient pénalisées. L’évolution proposée se traduirait par une recette supplémentaire de 300 millions d’euros, qui pourraient être affectés au financement de l’AFITF – dont l’importance a été rappelée par Olivier Faure – ou à d’autres usages, tels le renouvellement du parc, l’accompagnement des constructeurs, des transporteurs, afin que leur compétitivité ne soit pas altérée.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, lorsque le dispositif a été adopté, en décembre 2014 si ma mémoire est bonne, le secteur du transport diesel poids-lourd s’était vu appliquer une contribution de « 2 centimes plus 2 centimes », l’une au titre de la contribution climat énergie, dont il avait été exonéré dans un premier temps, l’autre au titre du rattrapage diesel. Je souhaiterais savoir ce que sont devenus ces 4 centimes.
Ces amendements posent plusieurs problèmes. Premièrement, la TICPE est une taxe nationale. On a évoqué, dans un amendement précédent, une surtaxe à la TICPE qui, elle, peut avoir des applications régionales. Mais, lorsque vous proposez un amendement augmentant la TICPE, il s’applique partout en France. Il ne peut pas être limité à une région. C’est un vrai problème au regard de l’objectif que vous poursuivez.
Deuxièmement, vous proposez une augmentation, notamment au regard du montant défini l’an dernier dans la loi de finances rectificative pour 2015.
Troisièmement, prévoir la possibilité d’une modulation régionale de la TICPE en Île-de-France pourrait introduire de la complexité, notamment si une telle possibilité s’ouvrait dans chaque région.
Ainsi, même si l’objectif de ces amendements est clair, et nous avions d’ailleurs eu une discussion assez similaire sur ce sujet l’an dernier, la commission a émis un avis défavorable.
Le débat porte principalement sur l’AFITF et sur le financement de ses dépenses. Le Gouvernement sera attentif à ce que l’Agence puisse honorer ses engagements.
Au début de l’année dernière, dans la loi de finances initiale pour 2016, les dépenses dites opérationnelles étaient de 1,850 milliard d’euros ; je laisse de côté l’indemnité Écomouv’, bien qu’il y en ait quelques reliquats. En cours d’année, nous avons ajouté 150 millions d’euros de crédits pour répondre à un certain nombre de demandes, notamment les marchés d’entretien des routes ou des autoroutes, ce qui nous permettait aussi de soutenir l’activité d’un secteur alors passablement déprimé. Nous avons donc atteint l’année dernière les 2 milliards de dépenses. Cette année, la loi de finances pour 2017 prévoit des dépenses à hauteur de 2,2 milliards d’euros, soit 200 millions d’euros supplémentaires.
Vous avez cité plusieurs projets existants, monsieur Faure, mais je serai encore plus précis que vous. Il est prévu pour le projet de liaison Lyon-Turin en 2017 des dépenses à hauteur de 86 millions d’euros, soit 4 millions de plus qu’en 2016 ; 78 millions d’euros pour le canal Seine-Nord, c’est-à-dire 46 millions de plus qu’en 2016 ; 106 millions pour la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de Loire et le contournement Nîmes-Montpellier, c’est-à-dire 82 millions de plus qu’en 2016 ; 100 millions d’euros pour la nouvelle route du littoral à La Réunion, c’est-à-dire 80 millions d’euros de plus qu’en 2016. Au total, et vous pouvez me faire confiance, ce sont un peu plus de 200 millions d’euros supplémentaires. Le passage de 2 à 2,2 milliards correspond à la couverture des surplus de dépenses nécessaires en 2017 par rapport à 2016. L’AFITF peut financer, donc engager, ces dépenses.
Par ailleurs, le Gouvernement ne souhaite pas aller plus loin dans la majoration de la TICPE, même pour de louables intentions. Nous avons adopté un objectif de convergence de la fiscalité du diesel et de l’essence. Je vous rappelle que l’année dernière nous avions voté un « plus un, moins un », ce qui a donné un « plus deux, moins deux » en 2016, si ma mémoire est bonne, et nous avons voté dès la loi de finances pour 2016 un nouveau « plus un, moins un » qui doit s’appliquer à partir du 1er janvier 2017. Par conséquent, le mouvement se poursuit en 2017. Nous ne souhaitons aller ni plus vite, ni plus loin, tant par souci de prévisibilité que parce qu’il est nécessaire de modérer les prélèvements obligatoires. Nous avons fixé une trajectoire, elle est respectée. Elle correspond à l’objectif que tout le monde souhaite atteindre.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste est favorable à ces amendements, dans la mesure où, Olivier Faure l’a très justement rappelé, l’AFITF finance un certain nombre d’infrastructures. Étant élu du Pas-de-Calais, je sais que le bouclage financier du canal Seine-Nord n’est pas tout à fait terminé, et qu’il manque à la société Voies navigables de France, qui dépend en partie des ressources de l’AFITF, 900 millions d’euros pour l’entretien des 6 700 kilomètres de voies d’eau dont elle a la charge.
Ainsi que M. le secrétaire d’État l’a rappelé, la trajectoire « plus un, moins un » pour 2017 est déjà votée. Une des recommandations principales du rapport de la mission d’information est que celle-ci soit maintenue pendant cinq ans. C’est ce qui permettra, ajouté à l’effet de la taxe carbone, d’arriver à la neutralité fiscale entre l’essence et le diesel au 1er janvier 2021. Il serait donc de bonne politique de voter dès à présent le maintien de cette trajectoire, afin de ne pas avoir à y revenir chaque année. Cette planification est nécessaire pour des raisons sociales, du fait de la structure du marché des véhicules d’occasion et pour permettre l’adaptation de l’industrie automobile. On ne peut pas, à chaque loi de finances, remettre le sujet sur la table sans savoir où l’on va. Cette proposition fait l’objet d’un consensus, il faudra à un moment donné la graver dans le marbre.
Se pose en outre la question de l’utilisation des recettes fiscales dégagées par cette convergence entre le diesel et l’essence. Nous souhaitons qu’elles soient consacrées d’abord à la transition énergétique automobile, c’est-à-dire au renouvellement du parc, par le soutien des ménages modestes pour changer de véhicule au travers de la prime à la conversion, ensuite à l’adaptation industrielle. Les dépenses nécessaires à ces actions sont de 250 millions d’euros ; nous proposons qu’à partir de 2018-2019 le surplus de recettes soit versé au budget de l’AFITF.
La réussite de cette convergence de fiscalité tiendra à notre capacité à tenir compte de ces enjeux sociaux et industriels. Décider d’augmenter la fiscalité au coup par coup pour des raisons de rendement liées au budget de l’AFITF est à mon avis contradictoire avec les objectifs fixés par ailleurs en termes d’évolution de la production industrielle automobile.
Monsieur le secrétaire d’État, ce que vous avez dit est vrai, mais, s’agissant des contrats de plan État-région et de la dette contractée vis-à-vis de SNCF Réseau, qui entraîne chaque année des frais financiers importants, la situation n’est pas très compréhensible. Il ne me paraît pas de bonne politique de la laisser se prolonger indéfiniment.
Ensuite, je suis sensible aux propos de Delphine Batho, et j’entends bien qu’un mouvement a été fixé et qu’on ne peut en changer chaque année. Cependant, le prix de l’essence est historiquement bas – vous-même l’avez dit voilà quelques instants, madame Batho – et nous pouvons en profiter. Cette question-là ne se posera peut-être pas dans les mêmes termes ces prochaines années, car le coût social d’une telle mesure pour les usagers des transports privés, pour les automobilistes sera infiniment supérieur si le prix de l’essence remonte. Par conséquent, c’est le moment ou jamais de le faire, de permettre enfin le financement de transports collectifs qui restent l’alternative au transport individuel, nous le savons tous. Si on ne le fait pas maintenant, on risque de ne jamais le faire et, de report en report, de ne jamais parvenir à financer ce que nous avons annoncé dans le rapport mobilité 21.
Monsieur Faure, souhaitez-vous maintenir tous les amendements dont vous êtes signataire ?
Non, madame la présidente. Je maintiens l’amendement no 760 et retire les deux autres.
J’aimerais ajouter une brève remarque, madame la présidente, pour la clarté du débat. Même si le secrétaire d’État chargé du budget ne sera pas d’accord avec moi, je défends pour ma part le principe suivant : l’écologie va à l’écologie.
Concernant l’intervention d’Olivier Faure, je rappelle que, malheureusement, une partie du produit de la contribution climat-énergie est affectée au financement du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Pour financer intelligemment la transition énergétique en s’appuyant sur la fiscalité écologique, nous devons donc reconsidérer un certain nombre de dispositifs. Cependant, si je comprends qu’on essaie de résoudre les difficultés rencontrées par l’AFITF en jouant d’une poignée de centimes sur les tarifs de la TICPE, il ne faut pas oublier de tenir compte de la nécessaire adaptation industrielle.
Je souhaiterais tout de même mettre en garde l’Assemblée et l’éclairer sur un certain nombre de points qui viennent d’être évoqués.
Premièrement, je ne peux souscrire au raisonnement qui consiste à dire que parce que le prix du pétrole est bas actuellement il faut en profiter – j’utilise ce mot à dessein, car je l’ai entendu – pour augmenter les prélèvements obligatoires. Ce n’est pas de bonne pratique. Chacun sait ici que le faible coût du pétrole a également eu un effet incitatif sur l’économie, sur les entreprises et les ménages, ainsi que, à certains égards, sur le budget de l’État…
…car tout le monde, y compris l’État, utilise des ressources énergétiques liées au pétrole.
Je crois en outre avoir lu, comme vous, que des accords pris au sein de l’OPEP, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, laissent à penser que ce niveau de prix pourrait être soumis à un aléa, pour le dire pudiquement. Par conséquent, si l’on choisit cette option aujourd’hui, le jour où les prix remonteront on se reposera la question de la TIPP flottante, qui est peut-être un bon principe, mais qui est assez difficile à construire. En termes économiques comme vis-à-vis de nos concitoyens, ce premier point me semble vraiment très important.
Deuxièmement, n’oubliez pas, mesdames, messieurs les députés, que la contribution climat-énergie pèse sur la TICPE. Que se passera-t-il le 1er janvier prochain ? Il faut le dire très clairement : la hausse du tarif de la TICPE consécutive à l’augmentation du prix du carbone que vous avez votée sur notre proposition, en plein accord avec le Gouvernement, aura pour conséquence, du fait du mouvement « plus un, moins un », une augmentation de trois centimes sur le gazole et de un centime sur l’essence. Je souhaite que nous n’allions pas au-delà, parce que tout cela pèse sur les prélèvements obligatoires.
Troisièmement, madame Batho, que l’argent des contributions finance la transition énergétique est une bonne chose. C’est justement ce que nous avons construit l’année dernière, et que nous confirmons cette année : le produit de la contribution climat-énergie est versé au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », dans une proportion croissante. Et je vous rappelle que ce CAS finance essentiellement la CSPE, la contribution au service public de l’électricité, dont la vocation est incontestablement liée à la transition énergétique, puisque le coût des énergies renouvelables prédomine de très loin dans cette contribution.
Le Gouvernement est donc très clair sur ce point. Il n’a pas été timide sur la montée en charge du prix du carbone, donc sur ses conséquences sur le tarif de la TICPE notamment. Il s’oriente vers un rapprochement de la fiscalité à un rythme fixé et connu. Je souhaite très fermement que nous n’allions pas au-delà. C’est cependant le Parlement qui en décidera.
J’interviens une dernière fois, je n’y reviendrai plus ensuite.
Le débat avance, d’une certaine façon, et j’entends les arguments des uns et des autres. La bonne solution n’est donc peut-être pas dans cet amendement, mais dans l’amendement no 754 , qui vient plus loin dans la discussion. Son objet est non pas d’augmenter le niveau des prélèvements obligatoires, donc d’abandonner le « plus un, moins un », mais d’augmenter le plafond qui est affecté à l’AFITF. La question posée aujourd’hui est en effet celle du financement de transports alternatifs à la voiture. On ne peut pas demander aux gens de vivre différemment si on ne leur offre pas des moyens de transport différents, qui leur permettent d’inscrire leur mobilité dans des conditions plus conformes à ce que nous souhaitons en termes de développement durable.
Pour cette raison, monsieur le secrétaire d’État, si par sagesse vous nous annonciez que vous étiez prêt à relever le plafond ne serait-ce que de 200 millions d’euros, soit la moitié de ce qui était requis, nous consentirions à retirer l’amendement no 760 .
Non.
L’amendement no 760 n’est pas adopté.
Mme Laurence Dumont remplace Mme Sandrine Mazetier au fauteuil de la présidence.
La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 89 .
Depuis ce mois d’octobre, le diesel B10 comportant 10 % d’ester méthylique d’huile végétale – EMHV – ou animale – EMHA – bénéficie d’un standard européen. Il me semble donc important de prévoir une nouvelle catégorie de gazole à l’article 265 du code des douanes en ajoutant une ligne au tableau annexé et en prévoyant de lui appliquer une TICPE diminuée de deux centimes d’euro par rapport à celle appliquée au gazole classique. Il s’agit bien d’un nouveau standard. Même s’il n’est pas encore mis en vente, il convient simplement d’indiquer le traitement fiscal de ce carburant, qui bénéficie d’un nouveau standard européen, qui, grâce à l’incorporation accrue de biocarburants, permet d’atteindre plus facilement nos objectifs en matière d’énergies renouvelables, et qui diminue corrélativement le recours aux énergies fossiles, donc le déstockage de carbone.
Je comprends bien les intentions qui animent les auteurs de l’amendement, mais la TICPE ne me semble pas être l’outil adéquat pour traiter ce problème. La taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, me semble à même de combler votre souhait, monsieur le député. Le Gouvernement, comme l’année dernière d’ailleurs, vous propose de traiter ce sujet et d’autres qui sont proches globalement, dans le cadre du PLFR. Celui-ci permettra, via probablement des mesures relatives à la TGAP et non à la TICPE, d’atteindre l’objectif que vous poursuivez. Il serait donc plus sage de retirer cet amendement, à défaut de quoi je propose à votre assemblée de le rejeter, mesdames et messieurs les députés.
Je dois avouer que j’ai un peu de mal à comprendre le sens de cet amendement, même si je me doute bien que son auteur va le retirer. J’ai encore plus de mal à comprendre la démarche de ses cosignataires. Depuis le début du quinquennat ou presque, nous discutons ensemble, même si j’ai été un peu oublié au cours des derniers mois, de l’incorporation dans les biocarburants de davantage d’EMHA, c’est-à-dire d’huile animale. Or j’ai le sentiment que votre amendement, cher collègue, aura pour conséquence d’introduire beaucoup plus d’huile végétale, l’EMHV, au détriment des EMHA. Il est donc complètement contraire à l’objectif que nous poursuivons depuis déjà plusieurs mois.
Je me souviens des discussions auxquelles la loi Macron a donné lieu, dans le cadre de la commission spéciale. Nous avons voté à l’unanimité l’augmentation de la quantité de EMHA dans les biocarburants, ce qui a obligé le ministre à demander une seconde délibération, précédée de quelques discussions qui ont comme d’habitude brisé cette unanimité, ce que j’ai beaucoup regretté. En l’espèce, j’ai beaucoup de mal à comprendre votre amendement et encore plus ses cosignataires, notamment M. Caresche qui n’est pas là ce soir mais s’est beaucoup battu dans notre sens.
Si le Gouvernement s’engage à résoudre le problème par le biais de la TGAP dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, je serais étonné que nos éminents collègues se refusent à retirer leur amendement !
Bien entendu, cher collègue ! D’ailleurs, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, les progrès réalisés l’an dernier l’ont été dans le cadre du PLFR. Le parallélisme des formes m’amène donc à retirer cet amendement. Je rassurerai néanmoins notre collègue Lurton : vous avez peut-être noté, cher collègue, que l’exposé des motifs évoque les esters méthyliques d’huile végétale et animale, qui sont ainsi à égalité, ce qui n’est pas le cas dans le tableau annexé, en raison d’une erreur matérielle de conception que je regrette. L’amendement les place bien au même niveau.
L’amendement no 89 est retiré.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 567 rectifié .
Je le qualifierai d’amendement de cohérence avec que nous avons voté il y a deux ans, en 2014, lorsque nous avons créé la contribution climat-énergie. En effet, seuls les gaz de pétrole liquéfiés, les GPL, utilisés comme combustible ne sont pas soumis à ce signal prix. Ce traitement privilégié, dont bénéficient le butane et le propane, s’inscrit à rebours des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi cet amendement propose, afin d’éviter un choc fiscal, de lisser le rattrapage dans le temps sur quatre ans afin que le GPL combustible ne soit pas pleinement soumis à la contribution climat-énergie avant 2020.
Votre amendement, cher collègue, est issu de celui que vous avez présenté en commission et prévoit une transition de quatre ans, plus douce que celle que vous aviez prévue alors. Son impact financier est de l’ordre de 35 millions d’euros. Par ailleurs, il semble économiquement soutenable, d’après la distribution des grandes masses, et susceptible d’atteindre tout ou partie de sa cible en matière écologique. La commission a donc émis un avis favorable.
Cette question est régulièrement soulevée par votre assemblée depuis quelque temps, mesdames et messieurs les députés. Il n’y a pas lieu, me semble-t-il, de rouvrir le débat à cet instant. Nous pourrons éventuellement le reprendre dans le cadre du PLFR, sans garantie de la position du Gouvernement, qui souhaite néanmoins que ces sujets soient rassemblés dans le PLFR. Je ne prends aucun engagement car il faudra examiner de près ce point. J’ai entendu que vous avez allongé le délai à quatre ans, monsieur de Courson. Il est certes tentant de glaner quelques recettes supplémentaires, car j’ai bien remarqué qu’il s’agit d’un amendement qui rapporte, mais enfin s’il rapporte c’est bien qu’à un moment donné quelqu’un paie ! Je vous demande donc de faire preuve d’un peu de prudence et souhaite que l’amendement soit retiré afin que nous en reparlions lors de l’examen du PLFR. À défaut, j’en préconise le rejet.
Il s’agit d’un petit amendement, comme l’a rappelé Mme la rapporteure générale, dont la commission des finances a beaucoup discuté. Nous avons étalé cette mesure dans le temps, quatre ans en l’occurrence, comme d’autres que nous examinerons ultérieurement. La recette de 35 millions d’euros est prévue sur quatre ans, monsieur le secrétaire d’État. Par an, il faut diviser ce chiffre par quatre.
Certes, mais cet amendement concerne peu d’utilisateurs !
Ce rythme de 8,5 millions d’euros par an est tout à fait progressif. Il s’agit donc d’un tout petit amendement par rapport à ce que nous avons voté hier ou aujourd’hui. Si toutefois vous émettez un avis plutôt favorable et prévoyez de l’inscrire dans le projet de loi de finances rectificative, c’est avec plaisir que je le retirerai, si Mme la rapporteure générale en est d’accord, car la commission des finances a émis un avis favorable sous réserve de deux modifications qui y ont été intégrées.
Je ne vous donne pas d’engagement, monsieur de Courson. Je l’ai dit tout à l’heure très objectivement et le répète ici. Certes, les sommes en jeu peuvent paraître faibles, mais cette mesure concerne peu d’utilisateurs, dont d’ailleurs un nombre significatif d’agriculteurs. Il faut donc absolument examiner ce sujet de très près, car à vouloir bien faire on pourrait bien faire des perdants. Je vous invite à la prudence au sujet de cet amendement, mesdames et messieurs les députés. Nous en reparlerons dans le cadre du PLFR. Je ne prendrai aucun engagement sans avoir analysé très clairement qui sont les perdants, car il y en aura forcément. À vous entendre, monsieur de Courson, 8 millions d’euros, ce n’est pas beaucoup ; mais si la mesure envisagée concerne 5 000 personnes, c’est beaucoup par tête de pipe – pardon de cette familiarité !
Si Mme la rapporteure générale en est d’accord, nous allons retirer cet amendement et le déposer à nouveau dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.
L’amendement no 567 rectifié est retiré.
Cet amendement a pour objet de préserver l’écart actuel de fiscalité entre les carburants pétroliers et le gaz naturel véhicule – GNV – pour 2017 uniquement, à rebours de l’augmentation de la fiscalité du GNV de plus de 60 % qui est envisagée. Les particularités propres de ce carburant sont connues, notamment en matière de réduction d’émissions de CO2, de particules et autres polluants atmosphériques dans le secteur des transports. À ce titre, il bénéficie d’une fiscalité à taux réduit visant à le rendre plus compétitif que les autres carburants. Nous proposons donc de maintenir cet écart afin de le préserver et surtout d’accompagner nos PME ayant fait l’effort d’investir dans des véhicules équipés avec ce carburant, car il importe de soutenir cette filière.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 564 .
Notre collègue Dalloz a dit l’essentiel. Ce tout petit amendement entraîne une perte de recettes estimée à 1,2 million d’euros, ce qui est vraiment très modeste, et vise à encourager les utilisateurs de GNV, notamment les PME du secteur des transports.
Le Gouvernement vous invite encore à la prudence, mesdames et messieurs les députés. Si la fiscalité du GNV augmente plus vite que celle des carburants fossiles traditionnels, c’est bien parce qu’il intègre une composante carbone plus importante que les carburants traditionnels ! Tout l’esprit de la contribution climat-énergie consiste à peser plus sur les énergies émettant plus de carbone. Maintenir l’écart à tout prix fait perdre tout ce qui a présidé à sa construction. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements qui ne s’inscrivent pas du tout dans l’esprit de la contribution climat-énergie. Ils consistent à maintenir les écarts existant partout pour tous et ne ressortissent pas du tout à son objectif.
Je vous propose un tour de piste supplémentaire sur la taxe carbone, malheureusement appliquée au biométhane. Elle frappe en effet toutes les énergies carbonées, tant le pétrole que le gaz et le charbon. Le problème, c’est qu’on trouve dans les bagages du gaz : le GNV – Gaz Naturel Véhicules – et le bioGNV. Nous avons su éviter que la taxe carbone s’applique au bioGNV utilisé directement, par exemple par les paysans qui le produisent et le réutilisent directement sans entrer dans le réseau. En revanche, sitôt qu’il est réinjecté dans le réseau, il est frappé par la taxe carbone, ce dont chacun conviendra que ce n’est pas très logique. Le coeur du débat, c’est le comptage des molécules de biogaz qui entrent dans le réseau et qui en sortent. La proposition avancée par le Gouvernement ou par vous-même, madame la rapporteure générale, porte jusqu’à présent sur ce point précis.
Or, sur le plan fiscal, il est possible de distinguer le biométhane injecté du gaz naturel en s’appuyant sur le dispositif des garanties d’origine institué par voie législative – article 92 de la loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement. Le registre national des garanties d’origine, dont la gestion s’inscrit dans le cadre d’une délégation de service public pilotée par l’administration, est l’outil qui enregistre les quantités de biométhane injectées, échangées et vendues au consommateur. Il permet ainsi de distinguer comptablement le gaz renouvelable mis à la consommation du gaz naturel.
Les garanties d’origine liées au biométhane injecté sont déjà utilisées dans le cadre de mécanismes fiscaux. L’adaptation de la fiscalité sur le carbone au caractère renouvelable du biométhane injecté dans le réseau, via une exonération de TICPE, semble ainsi pouvoir s’appuyer sur les dispositifs actuels de garantie d’origine. Le coût de la mesure serait de 2,5 millions d’euros : je ne pense pas que ce soit cela qui fasse obstacle ; ce serait d’ailleurs compensé par la hausse de la TICPE.
La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement no 161 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 184 .
La loi de finances pour 2014 a introduit une taxation basée sur le contenu en carbone des énergies. Le montant de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques appliquée au gaz naturel véhicule est ainsi calculé à 100 % sur le contenu en carbone de ce gaz carburant. Cette taxe s’applique cependant de manière indifférenciée sur le gaz naturel véhicule et sur le bioGNV.
Produit à partir de déchets, le biométhane est pourtant une énergie renouvelable issue de l’économie circulaire qui s’inscrit dans un cycle court du carbone et se substitue à des énergies fossiles. Sa valorisation en tant que carburant de substitution est d’ailleurs considérée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie comme particulièrement vertueuse, car elle permet d’éviter d’importantes émissions nettes de gaz à effet de serre.
Le présent amendement propose de tenir compte du caractère renouvelable du bioGNV dans le taux de TICPE qui lui est appliqué. Sur le plan fiscal, il est en effet possible de distinguer le bioGNV, même mélangé à du GNV, en s’appuyant sur le système des garanties d’origine. Cette mesure, appliquée à compter du 1er janvier 2017, entraînerait une perte de recettes pour les finances publiques de l’ordre de 2,5 millions d’euros sur l’année au maximum, perte qui serait compensée par une hausse de la TICPE.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 570 .
Je serai très bref. C’est une simple mesure de cohérence par rapport à ce que nous avons fait l’année dernière : on ne peut pas soumettre à une telle contribution un produit qui vient de l’énergie renouvelable. Cet amendement est donc tout à fait logique.
On a développé des trésors d’ingéniosité juridique, déployé énormément d’énergie et mobilisé d’importants moyens financiers pour traiter du versant électrique de la loi relative à la transition énergétique – d’ailleurs, s’agissant des transports, cette loi est très électrique. Et l’on est en train de ramer sur le gaz ! Le GNV, certes, est fossile, mais c’est la source pour, à terme, remplacer, tout en conservant le réseau existant, le GNV par du biométhane. Quelle énergie devons-nous déployer pour essayer de rattraper le temps perdu ! Tout cela a été insuffisamment pris au sérieux dans la loi relative à la transition énergétique.
C’est effectivement un amendement de cohérence : on ne peut pas à la fois vouloir favoriser les énergies renouvelables et ne pas marquer la différence entre énergie renouvelable et énergie fossile.
C’est aussi une filière qui se développe, avec la possibilité pour les agriculteurs de valoriser leurs déchets. Pour toutes ces raisons, et vu le faible coût de la mesure, j’incite les uns et les autres à adopter cet amendement. Comme vous l’aurez remarqué, celui-ci est extrêmement consensuel : il provient de la même source et nous partageons la même volonté de valoriser le biométhane.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je voudrais pour commencer faire une petite mise au point sur la traçabilité. La semaine dernière, en commission des finances, on vous avait proposé d’organiser un rendez-vous avec les douanes ; c’est ce que nous avons fait, et personne n’est venu.
Aucun assistant parlementaire n’est venu non plus.
Je souligne que dans la perspective de l’examen de ces amendements, il fallait que nous entendions les douanes afin qu’elles nous exposent leur analyse de la traçabilité. C’est un point qui avait été soulevé lors de la discussion en commission des finances.
Nous nous étions engagés à organiser ce rendez-vous pour tous les députés qui le souhaitaient, mais personne n’est venu, et cela pose un problème pour l’expertise de ces amendements.
Donc, je préviens tous les orateurs qui assurent que c’est traçable, mais qui n’ont pas voulu confronter leur point de vue à celui des douanes, que je ne jugerai plus leurs arguments recevables.
Deuxième problème : les carburants sont taxés en fonction de la quantité de carbone qu’ils contiennent, donc aussi de leur composition chimique. L’objet de la TICPE – on peut le regretter ou non – n’est pas de faire une distinction entre les énergies renouvelables et celles qui ne le sont pas ; c’est la quantité de carbone qui est taxée.
Mais si : regardez comment est définie la TICPE. On peut toujours la changer, mais aujourd’hui, c’est ainsi !
Dernier point : la production de biométhane est déjà soutenue par d’autres outils.
Pour ces trois raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
Je partage tout à fait l’avis de la rapporteure générale : c’est ce que j’évoquais tout à l’heure à l’occasion d’un autre amendement.
Je souligne néanmoins que le gaz bénéficie aujourd’hui d’un taux de TICPE particulièrement favorable. Si l’on veut tenir compte du caractère renouvelable ou non de l’énergie, le bon outil serait non pas la TICPE, mais la TGAP. Je suggère que nous en débattions dans le cadre du projet de loi de finances rectificative – j’avais déjà fait cette suggestion tout à l’heure à votre collègue Jean-Yves Caullet.
D’autre part, se pose toujours le problème de la traçabilité. J’entends bien ce que vous dites sur les garanties d’origine, mais on est obligé de se baser sur les constats de l’année précédente, et rien ne dit que le taux de biométhane dans le méthane consommé n’aura pas évolué. Or c’est quand même le consommateur final qui va payer la TICPE !
Nous avons ce débat tous les ans, monsieur Alauzet – peut-être même plusieurs fois par an. Je suis toujours défavorable à cette mesure, même si l’on peut envisager de faire quelque chose sur la TGAP.
Je voudrais insister sur un point important, qui devrait être acté : c’est que le gaz, le biométhane, est désormais la solution de référence pour le transport de marchandises. On doit donc accélérer la conversion des flottes de poids lourds et de transport de marchandises vers le gaz – et, mieux que le GNV, vers le bioGNV. Les dispositifs qui existent sont insuffisants pour cela ; l’amortissement fiscal qui a été instauré ne suffira pas.
Il y a deux problèmes ; le premier est d’aider les PME du secteur des transports à assumer le surcoût de l’achat de camions fonctionnant au gaz naturel véhicule, au gaz naturel liquéfié – GNL –, au bioGNV et au bioGNL, carburants qui, en outre, sont fabriqués en France, même s’ils ne sont pas fabriqués par un constructeur français.
L’autre problème, c’est le cadre fiscal : il faut un cadre à sept ans, et pas uniquement pour 2017.
Sur un plan strictement technique, je comprends les arguments avancés par la rapporteure, mais je pense que nous avons besoin d’un plan bien structuré pour le GNV et le bioGNV, sinon le débat se répétera à chaque projet de loi de finances, alors que nous avons besoin que des décisions soient prises. Peut-être cela surviendra-t-il dans le cadre du projet de loi de finances rectificative ?
Je regrette, madame la rapporteure générale, que vous ayez déplacé le débat sur le terrain de l’intendance. Néanmoins, je vous sais gré d’avoir voulu organiser cette réunion avec les douanes ; après trois ans de débat, c’était heureux de le faire. Simplement, une réunion le lundi… je ne sais pas si beaucoup d’entre nous sont là le lundi ! Pour ma part, j’avais indiqué que je ne pourrais pas y participer. Je ne trouve donc pas très loyal d’avancer un argument de cette nature.
Sur le fond, je suis inquiet. Jusqu’à présent, avaient toujours été avancés des arguments techniques, concernant le fait que l’on ne savait pas mesurer l’entrée et la sortie des molécules. Là, vous invoquez des arguments politiques. On régresse ! Si vous dites que l’on doit mesurer les molécules de carbone sans se préoccuper de savoir si c’est du minéral ou de l’organique, alors, il faut soumettre le bois à la TICPE – c’est du carbone, le bois ! Et appliquons une taxe sur le biogaz que les paysans fabriquent et utilisent pour faire marcher leur tracteur ! Franchement, là, on régresse.
J’entends bien la nécessité de mieux tracer les matières premières utilisées pour produire le biométhane, mais chacun sait que nous pourrions améliorer le dispositif dans un délai assez bref, de l’ordre de six mois. On pourrait donc repousser l’entrée en vigueur de la disposition au 1er juillet 2017 ; mais il faut impérativement l’acter dès maintenant, car il convient que les acteurs en aient l’assurance, dans la mesure où le dispositif de traçabilité constituera une charge supplémentaire qui pèsera essentiellement sur les agriculteurs, qui sont les producteurs de biométhane. C’est la raison pour laquelle je plaide pour un sous-amendement qui tendrait à différer au mois de juillet 2017 l’entrée en vigueur de la nouvelle tarification, tout en adressant un signal clair aux acteurs et en nous permettant d’avancer dans ce dossier, en liaison avec le service des douanes.
Monsieur Faure, il n’y a pas de sous-amendement recevable en séance.
La parole est à M. Charles de Courson.
Pour ma part, je découvre qu’il y avait cette réunion lundi – mais en prévoyant une réunion un lundi, vous êtes à peu près sûrs de ne pas avoir de parlementaires !
Le problème n’est pas la traçabilité : il est très simple de savoir ce que l’on a injecté dans le réseau. Il y a des compteurs : il suffit de faire la moyenne annuelle.
Quant à l’autre point, madame la rapporteure générale, c’est vrai, mais pour le biométhane, on calcule les émissions « du puits à la roue ». Je ne comprends pas très bien votre argument.
L’amendement no 336 rectifié n’est pas adopté.
Il s’agit de reconnaître, non plus le biométhane, mais un carburant, le B100 HU, qui est produit à partir des huiles usagées – par exemple, les huiles utilisées dans la restauration. Celles-ci ne sont aujourd’hui valorisées que pour une très faible partie d’entre elles, alors que cette source d’énergie performante pourrait être utilisée pour alimenter des flottes captives, comme les flottes d’entreprises ou de collectivités. Afin de permettre le développement de ce biocarburant et autoriser sa mise sur le marché à un prix compétitif, ce que font déjà nos voisins européens, il est proposé de combler son coût de production élevé – du fait du traitement des déchets – par une exonération de la fiscalité sur les carburants. Ce serait un geste écologique, puisque l’on retraite des déchets, et cela permettrait en même temps le développement d’un carburant propre. L’Union européenne l’a bien compris, qui promeut l’utilisation de biocarburants dans les transports et impose aux États membres que ces biocarburants représentent une part de 8 % des carburants vendus sur leurs territoires, quand la France fixe ce seuil à 0,35 %. Nous pouvons rattraper ce retard ; il suffit de le vouloir.
Défavorable également : le sujet est minuscule. Avec cet amendement, on légiférerait presque pour une seule personne, un producteur…
J’entends bien ce que vient de dire M. le secrétaire d’État, mais le procédé ici visé est essentiellement utilisé par un restaurateur fort connu ; si l’on entend développer la filière, il faut justement y inciter dès à présent. En réalité, le sujet n’existera plus pour ce producteur, puisque de producteur, il n’y aura plus l’an prochain. La production sera totalement abandonnée.
Or, pour le fameux « dernier kilomètre », l’énergie dont nous parlons peut être aussi compétitive que les autres, et elle est propre. J’ai donc du mal à comprendre, après qu’on eut fait sonner, à coups de trompettes, que la France est le pays de la COP21, que l’on ne soit pas capable d’avancer sur les biocarburants, lesquels constituent des progrès en matière environnementale.
Je ne comprends pas vos objections, monsieur le secrétaire d’État : nous parlons de mesures peu coûteuses, mais qui seraient des signaux forts adressés à l’opinion, aux constructeurs et aux producteurs. Pourquoi ne pas faire ces gestes essentiels, qui relèvent de l’épaisseur du trait pour le financier que vous êtes ?
Je suis moi aussi très étonnée par la réaction, d’ailleurs un peu méprisante, de M. le secrétaire d’État. La filière, très marginale, se développe dans mon département, même si elle le fait effectivement dans des proportions très modestes. Ses promoteurs font preuve de beaucoup de volonté.
Nous sommes de surcroît au coeur de l’économie circulaire. Je ne comprends donc pas que l’on n’encourage pas ce type de démarches, favorables à tous points de vue, environnemental ou social.
Je n’ai pas d’a priori : tout le monde, je crois, a compris qui était visé par cet amendement.
Sourires.
Je ne le dirai pas, monsieur Faure ; mais entre celui qui crée la filière et celui qui l’alimente et, ce faisant, en profitera immanquablement, le soutien fiscal ne me paraît pas d’une impérieuse nécessité.
L’enjeu financier est voisin de zéro.
Effectivement : ce n’est pas le rôle de la loi de finances de traiter de tels sujets !
Le Parlement est souverain : l’adoption de cet amendement ne serait certes pas une révolution pour notre architecture budgétaire et environnementale. Je ne veux mépriser personne : je souhaite que chacun paie ses impôts là où il réalise ses bénéfices. Si l’on juge que l’amendement a un réel intérêt environnemental, on peut toujours l’adopter… Mais le Gouvernement n’y est pas favorable.
Ce débat est surréaliste. La discussion budgétaire, faut-il le rappeler, porte sur les finances publiques, et l’impôt est d’abord conçu pour remplir les caisses de l’État, non pour créer des incitations – qui, en l’espèce, sont inexistantes – dans le but d’encourager telle molécule ou tel carburant chez tel ou tel commerçant.
Si vous souhaitez une action en la matière, soit dit au passage, faites comme à Delhi, en Inde, où l’on a interdit les carburants, à l’exception du gaz, pour les taxis – qui ne sont il est vrai que 26 000 –, dans les transports publics et pour un certain nombre d’autres véhicules. Ces véhicules, pour le coup, utilisent du gaz de méthane compressé : on s’en réjouit ou non, mais c’est la règle. Au moins évite-t-on de triturer des chiffres à l’infini, comme ici où l’on nous impose, depuis trois quarts d’heure, la lecture de tableaux abscons, auxquels personne ne comprend rien, pour légiférer, au final, pour une seule personne ; en tout cas moi je n’y comprends rien, contrairement à M. le secrétaire d’État et, plus encore, à ses collaborateurs. Certains, sur nos bancs, ont aussi le vice d’essayer de comprendre l’incompréhensible. Ces tentatives de légiférer sur un volume annuel de quarante litres commencent à devenir pénibles.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
L’amendement no 755 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 88 .
Je demande quelques secondes de patience avant de retirer cet amendement, comme je l’ai promis.
L’ancien rapporteur pour avis que je suis souhaite tout d’abord apporter une petite précision sur les huiles usagées, aujourd’hui plus coûteuses que les huiles vierges. L’achat et l’introduction d’huiles usagées dans les carburants sont en effet soumis à la TGAP, laquelle, M. le secrétaire d’État a raison sur ce point, est donc l’outil le plus pertinent, bien plus pertinent en tout cas que d’autres. Ces produits sont également importés. Parfois, le vice est dans le détail si la vertu est dans l’intention.
L’amendement no 88 tend à rappeler, à la suite de M. Alauzet, que tous les carbones ne se valent pas au regard du système fiscal. Nous examinerons ce point lors du projet de loi de finances rectificative, le PLFR : c’est la raison pour laquelle je retire cet amendement.
Reste qu’un carburant carboné issu d’un végétal d’aujourd’hui ne rejette pas de carbone stocké : il est donc préférable à des carburants d’origine fossile, comme on le verra en débattant, je l’espère, de la TGAP dans le cadre du PLFR.
L’amendement no 88 est retiré.
L’amendement no 555 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 54 .
Cet amendement concerne la situation particulière de la collecte du lait dans les zones difficiles, notamment en montagne.
Vous vous tapez la main sur le front, monsieur le secrétaire d’État, mais j’aimerais que vous m’écoutiez.
C’est précisément parce qu’il vous écoute qu’il se tape la main sur le front !
Certaines coopératives laitières ont des difficultés pour aller chercher le lait dans les exploitations agricoles, si bien qu’on peut se demander si celles-ci resteront collectées.
Nous vous proposons donc de réduire les surcoûts de la collecte afin de favoriser l’accès au marché des producteurs de lait de montagne, en exonérant de taxe intérieure de consommation les carburants utilisés dans ce cadre.
La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement no 166 .
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 455 .
Défendu également, avec le même enthousiasme : je suis moi aussi élue de la montagne.
Pardon de ce body language, madame Louwagie : je n’aurais pas dû mais j’étais un peu contrarié, je l’avoue, en imaginant la distinction à faire, pendant les trajets, peut-être avec le même camion, entre une collecte en haute montagne et une autre dans la vallée. À partir de quand, d’ailleurs, serait-on en « haute montagne » ou en « montagne » ? Comment contrôler un tel système, me demandai-je, avant de m’aviser d’une autre objection contre votre amendement : il est tout à fait contraire aux directives européennes sur le droit d’accise.
On peut toujours voter une mesure de ce genre, mais on est à peu près sûr, donc, qu’elle ne sera pas conforme au droit européen, indépendamment des difficultés qu’elle soulève quant à la mise en oeuvre et au contrôle, et du possible effet de contagion qu’elle peut entraîner. On peut en effet tout imaginer : les difficultés de circulation et de collecte ne se posent pas qu’en montagne : d’autres régions pourraient être concernées, à commencer par la région parisienne !
Sourires et exclamations sur divers bancs.
Il est vrai qu’elle compte peu de producteurs de lait, mais il suffirait d’un seul pour que l’idée lui vienne…
Nous siégeons depuis vingt et une heure trente : pardon, encore une fois, de ce geste un peu cabotin. Avis défavorable.
J’ai déjà défendu, à plusieurs reprises, la mesure visée par l’amendement no 779 . Elle revêt à mes yeux une importance particulière. Il s’agit en effet d’appliquer la contribution climat-énergie et la hausse de la fiscalité sur le diesel aux transporteurs routiers.
Rappelons que cette fiscalité ne pèse que sur les ménages, ce qui ne peut se justifier, d’autant que les poids lourds et le transport de marchandises routier ont bénéficié d’une importante diminution de la fiscalité avec l’abandon de la « taxe poids lourds ».
Il serait donc incompréhensible que ce secteur échappe à la contribution climat-énergie et à la hausse de la fiscalité sur le diesel. La France, rappelons-le aussi, est loin de respecter ses objectifs en matière de report modal pour le transport de marchandises.
Lors du Grenelle de l’environnement, nous avions fixé comme objectif de porter la part du transport non routier et non aérien de 14 % en 2006 à 25 % en 2022 ; malheureusement nous en sommes encore très loin, puisque la part du fret routier, par exemple, représente encore 90 % du transport de marchandises.
La mesure que je propose est l’une des pistes pour y remédier. L’amendement no 779 tend à appliquer la contribution climat-énergie et la hausse de la fiscalité sur le diesel en 2017 avec un rattrapage en 2016, et l’amendement no 780 se borne à une application en 2017.
J’espère votre attention pleine et entière, monsieur le secrétaire d’État, sur cet amendement parfaitement cohérent. Depuis le 1er janvier 2016, la TICFE, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, s’applique à taux réduit pour le transport de personnes ou de marchandises par train, métro, tramway, câble et trolleybus.
Bizarrement, la loi a omis le bus électrique hybride rechargeable, oubli aussi fâcheux qu’incompréhensible. L’amendement que je propose pour y remédier serait peu coûteux, de l’ordre de 300 000 euros ; le premier opérateur concerné serait la RATP, tenue d’acquérir, à partir de 2020, deux cents bus électriques supplémentaires.
Avec cette mesure, nous serions logiques avec nous-mêmes, avec la loi de transition énergétique et avec l’application du taux réduit de TICFE à d’autres modes de transport collectif.
L’amendement no 220 n’a pas été défendu, madame la présidente ?
Au risque de faire quelque chose d’incorrect vis-à-vis du règlement, je donnerai le point de vue du Gouvernement sur cet amendement, qui me semble soulever un enjeu important.
J’aurais aimé le reprendre, mais on m’a dit que ce n’était pas possible.
Je ne formule aucun grief à cet égard. Le Gouvernement a quelques facilités pour prendre la parole dans l’hémicycle, je veux donc en profiter.
Pourquoi cet amendement no 220 est-il important ? Tout d’abord parce qu’il va occasionner, dans les jours qui viennent, des mouvements sociaux significatifs et importants, et ensuite parce qu’il met en jeu plusieurs milliers d’emplois.
La presse va, dès demain matin, s’en émouvoir, comme nous l’avons appris grâce à internet. Enfin, il traite également d’un enjeu important sur le plan environnemental : celui du prix plancher du carbone.
La France est favorable à l’adoption d’un tel prix, comme cela a été dit et redit, notamment à l’occasion de la COP21, mais également dans d’autres enceintes. Notre pays milite donc pour qu’au niveau mondial, et a fortiori européen, un prix plancher du carbone soit défini.
Or quelle est la question que soulève l’amendement no 220 , qui j’imagine sera à nouveau débattu, sous une forme ou sous une autre, à l’occasion de l’examen d’un autre texte ? Celle de la condamnation à très brève échéance des cinq dernières centrales à charbon qui existent dans notre pays et qui emploient, de manière directe ou indirecte, des milliers de personnes. Elles constituent également un enjeu en matière de sécurité de notre approvisionnement électrique.
Une mission a été conduite par l’Inspection générale des impôts, en lien avec d’autres administrations ainsi qu’avec d’autres corps d’inspection, notamment des ministères de l’environnement, de l’énergie et de la mer d’une part et de l’économie et des finances d’autre part. Bien qu’elles n’aient pas encore été rendues publiques, les conclusions de cette mission nous ont été présentées.
Ceci étant dit, l’esprit, comme la lettre de l’amendement no 220 présentent des difficultés juridiques importantes au niveau européen : d’une part, en effet, le dispositif qu’il propose favoriserait indirectement le principal producteur d’électricité, d’autre part se poserait la question de l’aide d’État accordée à ce même producteur. Je n’en dirai pas plus, car j’abuse déjà de mon temps.
Par ailleurs, ce même dispositif poserait des problèmes constitutionnels ainsi que d’autres, liés à l’indemnisation des industriels concernés. Le cas s’est déjà produit : lorsqu’une disposition fiscale a pour objet à l’évidence, ou de façon manifeste, de condamner l’activité de certaines entreprises, celles-ci sont fondées à se retourner contre l’État en vue de se voir accorder une indemnisation.
Or, s’agissant des cinq centrales concernées, le propriétaire de deux d’entre elles a déjà clairement fait savoir que si ce dispositif venait à entrer en vigueur, il ferait usage de son droit à être indemnisé.
Par conséquent, indépendamment des questions sociales, d’aménagement du territoire et de ressources locales que poseraient la fermeture de ces unités, il serait judicieux d’étaler dans le temps des dispositions qui correspondent à un principe sur lequel, évidemment, le Gouvernement souhaite avancer.
J’ajoute, pour conclure, que la Programmation pluriannuelle de l’énergie – la PPE – prévoit de toute façon, à terme et au plus tard en 2023, de procéder à la fermeture de ces centrales, ce qui d’ailleurs, compte tenu des échéances prévues à ce moment-là, ne pose a priori pas de problème notamment au parc concerné, donc aux deux centrales que j’ai évoquées tout à l’heure.
Mon propos a peut-être été un peu confus, mais les spécialistes s’y reconnaîtront. Cette affaire provoque un émoi considérable dans le pays, ou au moins dans les quelques départements abritant ces centrales, notamment en Loire-Atlantique, en Lorraine et en Seine-Maritime, près du Havre. L’une d’entre elles est par ailleurs située – me semble-t-il – à Gardanne.
L’inquiétude que provoque cette disposition entraîne des mouvements sociaux importants : il ne s’agit bien évidemment pas du seul élément de ce dossier sur lequel j’ai donné tous les arguments en ma possession, qu’ils soient européens, constitutionnels, ou liés à l’indemnisation probable des opérateurs.
Ils conduisent à gérer cette question dans le temps, avec un engagement et un filet de sécurité posé par la PPE pour 2023. Il est même possible d’aller plus vite : nous avons d’ailleurs engagé des discussions visant à envisager avec les entreprises concernées des échéances plus rapprochées.
Tels sont les propos que je voulais, madame la présidente, tenir à cet instant. Je m’excuse d’avoir été aussi long, mais l’actualité comme l’actualité de ce problème, sur lequel je souhaitais intervenir lors de l’examen de l’amendement no 220 , m’y ont contraint.
S’agissant de l’amendement no 758 de M. Faure, nous avons l’année dernière fait il me semble un pas avec les tramways hybrides. Monsieur Faure, vous proposez une avancée supplémentaire sur les bus hybrides rechargeables : le Gouvernement n’y voit pas d’inconvénient. Il s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.
L’amendement no 758 est adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 183 .
Je serai brève, car les arguments ont déjà été développés lors de l’examen des amendements précédents. L’amendement propose d’exonérer de la taxe sur la consommation de gaz naturel, au même titre que celui qui est valorisé directement sur site, le biométhane injecté dans les réseaux. Cet amendement se situe dans le droit fil de ce que nous avons défendu préalablement.
Il s’agit du même débat que celui que nous avons eu tout à l’heure à propos du bioGNV et de la TICPE, mais l’amendement porte cette fois sur la taxe sur la consommation de gaz naturel, la TICGN.
Madame la rapporteure générale, si je me suis un peu emporté tout à l’heure, ce n’était pas à votre encontre. Simplement, vous semblez être sortie de la réunion qui a eu lieu lundi dernier avec les services des douanes avec un certain nombre d’idées qui m’ont quelque peu heurté.
En clair, vos interlocuteurs vous ont dit : notre mission est de mesurer les molécules de carbone, ne venez pas nous embêter avec le type de carbone – végétal ou minéral, peu importe – dont il s’agit. En bref : circulez, il n’y a rien à voir.
Or cela m’inquiète, d’abord parce que cela signifie que, sur le fond, des personnes censées être des experts se trompent : il faut donc vite leur proposer des séances de formation sur la différence entre le carbone minéral et le carbone végétal.
Je m’inquiète également de leur volonté de trouver une solution. Finalement, je comprends mieux pourquoi on nous explique et ré-explique depuis plusieurs années que, finalement, il est impossible techniquement de distinguer le biométhane injecté du gaz naturel : je pense en effet que les services des douanes ne souhaitent pas trouver de solution.
La parole est à M. Olivier Faure, pour soutenir l’amendement identique no 757 .
Tout a été dit sur cet amendement, et nous reviendrons ultérieurement sur la TGAP : je reprendrai donc la parole à ce moment-là. Quoi qu’il en soit, afin de revenir à un débat antérieur, il faut garder à l’esprit que tous ces amendements traitent de filières qui se mettent en place et qu’à chaque fois qu’on oublie de les valoriser, elles peuvent mourir.
Nous avons tout à l’heure évoqué une filière liée à un restaurateur bien connu qui fabriquait sa propre énergie à partir d’huiles usagées : je veux juste signaler au secrétaire d’État qu’il a d’ores et déjà arrêté sa production car il considère qu’elle n’est plus suffisamment rentable.
Certaines filières disparaissent également, donc, lorsqu’elles cessent d’être valorisées, ce que je regrette. Je rappelle que nous avions pourtant accordé à cette filière d’huiles usagées, au cours des précédentes discussions budgétaires, une exonération d’une durée de cinq ans. À compter du jour où nous avons supprimé cette exonération, la filière s’est arrêtée : cela vaut à mon sens la peine d’y réfléchir.
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
Pour les mêmes raisons que tout à l’heure, il est également défavorable. Je voudrais dire à Éric Alauzet que j’apprécie sa persévérance et sa technicité : si malentendu il y a eu avec les douanes, car en tant que responsable de cette administration je me suis senti interpellé, je suis prêt d’abord à m’en expliquer avec ses représentants qui ont participé à la réunion qui a été évoquée. Ensuite, s’il y avait éventuellement à lever une incompréhension, je suis prêt à m’y consacrer.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 284 .
Il vise à clarifier le champ d’application de la TGAP en vue d’atteindre une égalité entre tous les traitements thermiques des déchets non dangereux, en incluant les installations de production de chaleur utilisant les combustibles solides de récupération – ou CSR – ainsi que les autres traitements thermiques.
Les CSR sont préparés à partir de déchets qui peuvent habituellement être traités en incinérateurs comme les refus de tri de collecte sélective ou les déchets industriels secs divers.
Ces deux catégories d’installations sont en outre soumises à des valeurs limites d’émissions à l’atmosphère sensiblement similaires, au regard de leur caractère polluant, et émettent des gaz à effet de serre dans des quantités semblables aux incinérateurs.
Malgré cela, les CSR ne sont actuellement pas soumis à la TGAP, ce qui est anormal compte tenu de l’objectif de cette taxe qui doit s’imposer aux activités polluantes et au regard de l’égalité entre opérateurs utilisant un mode de traitement des déchets très similaire en termes de gisements traités et d’impacts.
Il est par conséquent logique de soumettre les installations de combustion des CSR à la TGAP, même à taux réduit, en vertu du principe pollueur-payeur qui sous-tend cette taxe.
Je crains, madame Abeille, que l’adoption de votre amendement n’ait pour conséquence d’exclure de la TGAP un certain nombre de polluants. J’avoue que le sujet est un peu complexe pour moi.
Sourires.
Quoi qu’il en soit, on me dit qu’a priori votre proposition n’est pas forcément vertueuse. Par prudence, le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement.
L’amendement no 284 n’est pas adopté.
Le système de la TGAP semble faire des émules dans la mesure où il génère des effets de levier intéressants : l’amendement se situe tout à fait dans cette logique. Notre pays, comme beaucoup d’autres, a pour objectif de réduire la quantité de déchets qui sont soit incinérés, soit enfouis, afin qu’ils soient évités, récupérés, réutilisés, recyclés et valorisés.
Où en sommes-nous en France ? À peu près deux tiers des déchets produits sont ainsi valorisés, notamment à travers un dispositif appelé la responsabilité élargie du producteur, la REP : les producteurs de ces déchets potentiels paient une taxe dont le produit aide les collectivités à amoindrir les coûts supportés par les usagers, donc par les contribuables. Il sert par exemple à financer les opérations de collecte et de traitement.
Reste le dernier tiers des déchets, qui sont le plus souvent incinérés ou enfouis, qui ne disposent pas de filière et pour lesquels les metteurs en marché ne paient rien. Il est paradoxal que les plus vertueux paient, mais pas les moins vertueux, comme si une prime au cancre était en vigueur !
L’amendement propose donc, s’agissant de ces déchets non contributeurs, d’instaurer une taxe d’un montant très faible – de 0,001 euro par kilogramme – qui produirait 300 à 400 millions d’euros de recette annuelle.
Cette recette pourrait être utilisée dans le même secteur en vue de valoriser l’économie circulaire et de favoriser la réutilisation, notamment en fixant le taux de TVA qui leur serait applicable à un taux inférieur à celui appliqué aux autres activités plus vertueuses liées aux déchets, comme le tri et la valorisation.
Comme on l’a vu s’agissant des autres filières REP, une telle taxe serait répercutée sur le consommateur. Le contribuable usager, qui aujourd’hui finance plein pot le traitement de ces déchets soit en enfouissement, soit en incinération, verrait cette taxe répercutée sur le consommateur. Un tel processus serait évidemment vertueux, dans la mesure où le financement de ce traitement remonterait dans la chaîne de production économique.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 286 .
L’amendement vise à soumettre certains produits jetables – rasoirs jetables, ustensiles de cuisine jetables, films alimentaires, serviettes en papier, papier aluminium et lingettes à usage domestique – à la TGAP.
En effet, l’usage généralisé de ces produits s’accompagne d’une augmentation des prélèvements de ressources naturelles non renouvelables ainsi que d’une dissémination de déchets plastiques que l’on retrouve ultimement en mer. Je rappelle que 80 % des déchets retrouvés en mer proviennent de la terre.
Pour lutter contre ces effets, la priorité est la réduction à la source des déchets, donc de l’usage de produits durables et réutilisables. Pour orienter les choix de consommation et les stratégies des producteurs, la fiscalité a un grand rôle incitatif à jouer par un signal-prix réduisant la distorsion de concurrence entre le jetable qui ne compense pas financièrement ses externalités négatives et les alternatives durables.
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit d’ailleurs l’interdiction, au 1er janvier 2020, des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine en matière plastique.
La TGAP proposée s’articulerait avec cette interdiction en facilitant l’acceptation par les citoyens de leur interdiction future et en permettant de concevoir son élargissement à d’autres gammes de produits : cette taxe vise en effet à décourager l’usage général du jetable.
Je comprends bien l’esprit dans lequel sont proposés ces amendements mais je vous invite là encore à faire preuve d’un peu de simplicité et de retenue.
Monsieur Alauzet, nous avons déjà eu ce débat. Vous voulez taxer l’ensemble des produits manufacturés, à l’exception de ceux qui sont déjà soumis à une TGAP. On aurait donc une microcontribution, j’espère en tout cas, calculée au kilo, quelle que soit la nature du produit manufacturé, ce qui veut dire que ce serait la même chose pour des produits ne générant pas du tout la même pollution. C’est très difficile à gérer, et ce sera perçu par le consommateur comme une taxe supplémentaire, même si j’entends bien que cela peut aider les collectivités à aller vers l’économie circulaire des déchets.
Il faudrait vraiment chercher des solutions un peu moins générales et un peu plus simples. Nous avons déjà eu ce débat, le Gouvernement n’est pas favorable à une telle disposition.
Madame Abeille, vous avez développé des arguments qu’on peut entendre mais, là encore, on sait où l’on commence, on ne sait pas où l’on s’arrête.
Il y a eu des avancées sur les sacs en plastique, sur les sacs en plastique réservés aux salades. Cela a pu avoir des effets, mais cela a été diversement perçu par les consommateurs.
Je souhaiterais que l’on s’arrête et qu’on évite ce genre de dispositifs, qui seront immanquablement perçus comme des taxes supplémentaires. Ce n’est pas du tout dans l’esprit du Gouvernement. Je suis donc défavorable à ces amendements.
Nous avons voté des lois sur la transition énergétique, des dispositifs qui favorisent l’économie circulaire. Nous sommes, je pense, tous convaincus de la nécessité d’une TGAP adaptée à ces nouvelles dispositions législatives et, en fait, on se rend compte que nous serons à la traîne et que la TGAP ne va pas correspondre à la réalité des dispositifs législatifs que nous avons adoptés.
Un fossé va s’établir, qui est de mauvais augure pour la suite.
On a du mal, mais peut-être que ce sont les balbutiements pour traduire l’économie circulaire qu’on affiche politiquement dans des actions concrètes.
Quand on facture en incinération, en enfouissement, le poids est la bonne référence, monsieur le secrétaire d’État.
Je serais un producteur de papier d’emballage, de carton d’emballage, d’imprimés non sollicités, de déchets de soins, payant une REP, je me dirais que je ne suis pas récompensé des efforts que je fais puisque mon voisin, qui, lui, a des produits non recyclables ne paie rien. Ce n’est pas très encourageant et cela pose d’ailleurs un problème du point de vue de l’égalité devant la loi.
Ce sera perçu comme une taxe. Effectivement, le producteur la répercutera sans doute sur son prix de vente donc sur le consommateur, mais l’usager contribuable qui, lui, paie pour ses déchets, verra baisser sa facture. C’est donc un transfert, et vertueux, je le répète, puisque, de l’usager contribuable, on remonte dans la chaîne vers le consommateur.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2017.
La séance est levée.
La séance est levée le vendredi 21 octobre 2016 à une heure cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly