COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 24 juin 2014
La séance est ouverte à dix-sept heures vingt.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La Commission procède à l'examen, ouvert à la presse, des articles du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (n° 2044) (M. Gérard Bapt, rapporteur).
La Commission ayant procédé à la discussion générale du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) mercredi dernier, lors de l'audition de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, et de M. Christian Eckert, secrétaire d'État au budget auprès du ministre des finances et des comptes publics, nous procédons aujourd'hui à l'examen des articles.
Le texte sera discuté en séance publique la semaine prochaine, lundi 30 juin, mardi 1er et mercredi 2 juillet.
Comme je vous l'avais indiqué, j'ai renvoyé au président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire tous les amendements sur la recevabilité financière au sujet desquels j'avais un doute. Sur les dix-huit amendements concernés, huit provenaient de membres du groupe UMP, cinq du groupe RRPD, trois du groupe UDI et deux du groupe SRC. Ces chiffres doivent être analysés avec précaution considérant que les groupes SRC, GDR et Écologiste ont déposé très peu d'amendements, voire aucun pour certains. Le président de la commission des finances a déclaré onze de ces amendements irrecevables, six au regard des dispositions de l'article 40 de la Constitution, et cinq en application de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS). Cinq de ces amendements sont issus du groupe UMP, trois du groupe RRDP, et un du groupe SRC.
Il nous reste soixante-huit amendements à examiner.
Article liminaire : Prévision de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques (APU) pour 2014
La Commission adopte l'article liminaire sans modification.
Avant l'article 1er
La Commission est saisie des amendements identiques AS1 de M. Jean-Pierre Door et AS18 de M. Dominique Tian.
Si le texte qui nous est soumis aujourd'hui renoue avec l'impératif d'une baisse du coût du travail et d'un retour de la compétitivité – ce qui va évidemment dans le bon sens –, la Cour des comptes nous indique clairement que les recettes prévues sont surévaluées alors que les dépenses sont sous-évaluées.
Les données économiques sur lesquelles le PLFRSS est fondé sont-elles fiables ? La Cour des comptes, l'Observatoire français des conjonctures économique (OFCE), la Commission européenne, le Haut Conseil des finances publiques ne partagent manifestement pas les prévisions du Gouvernement en termes de niveau de croissance ou de recettes. Selon Consensus Forecasts, la croissance atteindrait seulement 0,8 % du PIB, ce qui est bien inférieur aux estimations.
Avec le pacte de responsabilité, nous sommes dans un grand flou. La sécurité sociale doit supporter la plus grande part des économies décidées sans qu'aucune compensation budgétaire soit prévue. Cela est contraire aux règles fixées depuis 1994, confirmées par la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Les perspectives de financement proposées – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en 2015, réduction des cotisations sociales en 2016, réduction de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) en 2017 – sont trop lointaines, alors que les entreprises ont besoin de mesures applicables immédiatement.
Il est légitime que notre commission soit informée dans les plus brefs délais des compensations prévues par le Gouvernement. La ministre des affaires sociales a considéré devant nous, la semaine dernière, qu'il serait bien temps de voir en fin d'année comment les baisses de charges seront compensées. Cette réponse n'est pas satisfaisante.
Il convient donc que le Gouvernement remette au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, un rapport détaillant les différentes options envisageables en vue de la compensation des baisses de recettes inscrites dans le présent projet de loi.
La Cour des comptes souligne dans son rapport de certification des comptes 2013 de la sécurité sociale que celle-ci n'est pas gérée de manière optimale. Alors que le déficit cumulé de notre système social atteint 100 milliards d'euros, et 12,5 milliards pour cette année, nos voisins allemands discutent en ce moment des excédents de leur système de santé.
M. Door considère à juste titre que Mme la ministre a botté en touche mercredi dernier. Vous ne faites que retarder l'explosion inexorable de notre système d'assurance maladie ! Je ne vois, dans vos propositions, aucun plan sérieux ni aucune stratégie réelle ; seulement le récit d'une catastrophe annoncée.
Je demande le retrait de ces amendements.
Monsieur Tian, contrairement à ce que vous affirmez, certains membres de votre propre famille politique ont reconnu, à l'instar de M. Jean-Pierre Door, le caractère stratégique du pacte de responsabilité et de solidarité.
La LOLF ne permet pas de prendre dès aujourd'hui des mesures de compensation ; elles sont prévues pour le 1er janvier 2015. En revanche, un article de ce projet de loi rectifiera les comptes de 2014 pour tenir compte des économies réalisées sur les branches maladie et retraite. Quant aux compensations pour la sécurité sociale des exonérations de cotisations prévues par ce texte, elles seront amplement détaillées dans l'annexe au PLFSS pour 2015.
Par ailleurs, je proposerai avec le groupe SRC un amendement visant à ce que les compensations dont le principe est arrêté soient bien annuelles et qu'elles interviennent dès 2015.
Enfin, sachez, monsieur Door, que la Commission européenne a accepté l'ensemble de la stratégie de redressement des comptes publics proposée par le Gouvernement, pacte de responsabilité et de solidarité compris.
Certaines observations européennes ont estimé que les prévisions du Gouvernement manquaient de réalisme et étaient trop optimistes. En application de l'article 5 de la loi du 25 juillet 1994 n° 94-637 relative à la sécurité sociale, codifiée à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, toute mesure d'exonération mise en place à partir de 1994 doit impérativement être intégralement compensée par le budget de l'État, et cela dans l'année.
Nous voulons savoir comment seront compensées des exonérations qui s'élèveront peut-être à 40 milliards d'euros. Augmenterez-vous la TVA, créerez-vous de nouvelles taxes ou de nouveaux impôts ? Nous demandons simplement à être informés. J'ai dit qu'il me semblait que vous alliez dans le bon sens ; nous avons le droit de savoir comment vous y allez !
Si nous pouvons effectivement nous satisfaire du revirement que constituent les mesures que vous nous proposez, nous ne disposons d'aucune information sur leur financement. Votre silence à ce sujet nuit à votre crédibilité. Vous redonneriez confiance aux entreprises et aux salariés en acceptant ces amendements.
Ne jouez pas les Cassandre ! Puisque la rectification des tableaux d'équilibre est prévue, vous disposez des informations relatives à l'année 2014. Pour 2015, le Gouvernement s'est engagé à assurer une compensation intégrale, mais il ne peut, dès aujourd'hui, vous apporter toutes les réponses précises que vous exigez sans connaître le niveau exact de l'inflation ou de la croissance dans six mois. Ce qu'il affirme de façon très claire, c'est qu'il n'y aura ni impôt nouveau, ni taxe nouvelle, ni déremboursement, ni taxe supplémentaire sur le chiffre d'affaires des mutuelles. Il y aura, en revanche, des économies et des réformes de structure. J'ajoute que, dans un esprit de réussite pour la France, nous tablons sur le retour de la croissance. N'oublions pas non plus l'amendement que je vais vous proposer tendant à annualiser la compensation, dans le respect de la LOLF et de la LOLFSS.
Vous nous faites part des intentions du Gouvernement alors que nous sommes demandeurs de données concrètes. Nous ne pouvons pas nous satisfaire des réponses qui nous sont apportées.
La Commission rejette les amendements.
PREMIÈRE PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL
Section I Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement
Article 1er : Progressivité des prélèvements salariaux
La Commission examine l'amendement AS89 du rapporteur.
Il me semble légitime que ce soit le Parlement qui fixe le seuil de rémunération qui permet une réduction dégressive des cotisations salariales. Je propose donc de préciser dans la loi que ces exonérations concernent les salaires inférieurs à 1,3 fois le SMIC.
Pourquoi figer dans la loi un seuil qui devait être, dans un premier temps, fixé par décret ?
Le décret permet de conserver une certaine marge de manoeuvre, en particulier au regard des évolutions du montant du SMIC.
Alors que le texte du Gouvernement fixe le seuil à 1,6 SMIC, on peut se demander s'il ne s'agit pas là d'un amendement voulu par les frondeurs du parti socialiste.
Vous vous plaigniez, il y a un instant, que le Parlement ne soit pas assez informé, et maintenant que je propose de renforcer son rôle en vous faisant décider d'un seuil, vous me demandez que ce dernier soit fixé par décret. N'est-ce pas un peu paradoxal ?
Il s'agit d'une mesure appelée à perdurer, qui s'appliquera à partir du 1er janvier 2015 et sur laquelle le Parlement sera évidemment amené à se prononcer à nouveau.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS73 de M. Francis Vercamer.
Le groupe UDI est particulièrement heureux de constater que, après deux ans de matraquage fiscal et social, le Gouvernement prend enfin des dispositions plus favorables aux salariés et aux entreprises.
Alors que les annonces du Président de la République datent de la fin de l'année 2013, ce texte ne nous est présenté qu'aujourd'hui, et les mesures qu'il contient ne seront applicables qu'au 1er janvier 2015. Oubliez-vous qu'il y a urgence ? Le groupe UDI présentera une série d'amendements visant à mettre en oeuvre les mesures du PLFRSS dès le 1er septembre prochain. En l'espèce, il est proposé d'appliquer à cette date les allégements de charges salariales que vous avez prévus pour gommer les 20 milliards d'euros d'impôts supplémentaires que vous avez fait peser sur les ménages.
Avis défavorable. Vous gagez la perte de recettes pour l'État de 830 millions d'euros par une majoration des taxes sur les tabacs.
À titre personnel, je n'y suis pas défavorable, mais je crains qu'une taxe de cette ampleur ne fasse tiquer certains milieux.
Surtout, votre amendement obligerait les entreprises à modifier leur logiciel de paie en plein mois d'août, entre la parution de la loi au mois de juillet et le 1er septembre. Un tel délai est impossible à tenir.
Pendant deux ans, vous avez asphyxié les ménages et l'économie en écartant toutes nos mises en garde, toutes nos suggestions, et tous nos amendements. Ne vous étonnez pas que nous insistions aujourd'hui pour accélérer votre rétropédalage, en gageant nos amendements comme nous le pouvons.
Quand il s'agit d'augmenter les recettes de l'État, on n'entend jamais parler du temps d'adaptation nécessaire de tel ou tel logiciel ! L'argument ne vaut que dans un sens.
Nous sommes dans l'obligation de gager l'amendement, et nous ne disposons que du moyen que j'ai utilisé. Je propose, dans un autre amendement, de supprimer le CICE dont un rapport a démontré qu'il n'était pas efficace. Cette mesure permettrait de financer la baisse des charges. Notre groupe a également déposé des amendements au collectif budgétaire, actuellement en cours de discussion dans l'hémicycle, afin de faire des économies.
Les logiciels de paie se sont adaptés à de nombreuses reprises à des modifications de cotisations patronales, alors que la mesure de lissage des cotisations salariales que nous proposons constitue une première.
Monsieur Vercamer, j'informerai les entreprises de ma circonscription qui reçoivent en ce moment les montants correspondant au CICE que vous souhaitez le supprimer et qu'elles devront rembourser les sommes qu'elles ont reçues.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Après l'article 1er
La Commission examine l'amendement AS54 de M. Dominique Tian.
La Cour des comptes a relevé qu'EDF et GDF accordent depuis des décennies un tarif préférentiel à leurs 300 000 salariés et retraités, qui sont, par ailleurs, des surconsommateurs d'énergie. Elle évoquait un avantage disproportionné concernant des personnels dont elle soulignait qu'ils bénéficiaient d'une évolution dynamique de leurs rémunérations, d'un régime spécial de retraite, d'un comité d'entreprise richissime et de la garantie de l'emploi à vie.
Alors qu'une augmentation de 5 % des tarifs pour tous les abonnés d'EDF est prévue, il serait bon que les agents et retraités participent au redressement des comptes par une contribution sur les avantages résultant de l'application de tarifs préférentiels. Un peu de courage politique serait de mise !
Alors que vous ne cessez de réclamer l'augmentation du pouvoir d'achat, voilà que vous voulez réduire celui de ces salariés !
Cet amendement n'a pas sa place dans le PLFRSS ; je vous propose de le retirer afin de le présenter dans le cadre du prochain PLFSS.
Je le maintiens, d'autant que Mme la présidente n'a pas remis en cause sa présence dans ce texte.
La Commission rejette l'amendement.
Article 2 : Baisse des cotisations sociales des employeurs et des travailleurs indépendants
La Commission est saisie de l'amendement AS30 de Mme Jacqueline Fraysse.
Nous nous opposons à l'exonération des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) pour les employeurs, car elles les incitent à se montrer attentifs à la sécurité des salariés et à prévenir les accidents du travail.
L'exonération proposée porte uniquement sur la part mutualisée de 1 %. Or aucune entreprise, quelle que soit la sinistralité de son secteur, ne paie moins de 1,1 % de cotisation au titre des AT-MP.
Les entreprises qui connaissent un taux fort de sinistralité continueront à payer une cotisation. Le taux de cotisation AT-MP est en moyenne de 2,8 %. Il passera de 9,70 % à 8,70 % pour les salaires au niveau du SMIC dans les entreprises qui effectuent des travaux de charpente. Dans les secteurs qui connaissent les taux les plus bas de sinistralité, le taux de cotisation se situe aux alentours de 2 %. Il n'est donc nullement question d'une exonération totale de la cotisation AT-MP, y compris pour les salaires au niveau du SMIC.
Enfin, l'exonération des cotisations entrera dans le cadre de la compensation budgétaire prévue en 2015.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
Il serait intéressant de savoir exactement quelles sont les entreprises qui vont profiter de l'exonération au regard de celles qui sont pénalisées par le compte pénibilité et la cotisation supplémentaire assortie, sachant qu'elles ont toutes intérêt à engager des actions de prévention.
Votre prédécesseur, madame, a voté en 2010 un texte prévoyant d'abaisser l'âge de la retraite à soixante ans dans le cadre du dispositif pénibilité dont le financement est assuré par la part mutualisée de la cotisation AT-MP, qui avait, à l'époque, été majorée de 0,02 %. Dans la continuité de ce qui a été fait pour le compte pénibilité-handicap, mis en place dans la loi Fillon sur les retraites, il est logique de répercuter la charge de ce compte sur la même part.
À la même époque avait été votée la création d'un fonds pénibilité, doté de 20 millions d'euros, afin d'aider les entreprises à adapter les postes de travail et à prendre des mesures de prévention, en particulier les entreprises dont les salariés souffrent de troubles musculo-squelettiques (TMS). Mais ces crédits n'ont pas été consommés et ont tout simplement disparu.
Même si l'incidence de la mesure est relativement modeste, il est regrettable de ne pas sanctuariser ces dépenses sociales et de remettre en cause le financement des AT-MP. J'invite chacun d'entre vous à réfléchir à cette première entaille au principe fondamental de couverture par l'employeur des accidents et maladies professionnels.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS43 de M. Francis Vercamer.
Le poids des cotisations dans le financement de la protection sociale demeure relativement élevé puisqu'il correspond à 63 % de l'ensemble des ressources des régimes de protection sociale. Pour nos entreprises qui en financent une partie, il en résulte un déficit de compétitivité. Compte tenu de la situation dramatique du marché de l'emploi, nous proposons d'amplifier la mesure d'allégement des charges prévue par le projet de loi en supprimant l'intégralité des cotisations familiales patronales.
Avis défavorable. Une telle suppression représenterait une perte de recettes qui n'est pas d'actualité dans ce PLFRSS.
Elle correspondrait à l'intégralité de ce que rapportent les cotisations familiales patronales, soit 35 milliards d'euros – beaucoup trop pour être compensée par le biais des articles 575 et 575 A du code général des impôts !
Certes, la suppression des cotisations familiales patronales engendrerait une perte de recettes importante, mais est-il normal que des cotisations sur les revenus du travail financent la protection sociale au titre des allocations familiales ? Cette suppression contribuerait à diminuer de 5,40 % le coût des charges sur les salaires et les revenus des travailleurs non salariés. En outre, elle serait une source de simplification.
Nous ne supprimons pas les cotisations familiales patronales. Leur allégement est prévu dans ce texte pour les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC et une extension de cette réduction interviendra dans les futures lois de financement de la sécurité sociale. Reconnaissez que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre 35 milliards d'euros. Plutôt que de gager la proposition par l'alourdissement des taxes sur le tabac, j'aurais préféré que vous nous disiez comment vous réalisez 35 milliards d'euros d'économies.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS10 de M. Gérard Sebaoun.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 11 et 12 de l'article 2, qui exonèrent les gains et rémunérations inférieurs au SMIC majoré de 60 % du financement de l'allocation de logement sociale (ALS), de la contribution de 0,3 % à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et des cotisations dues au titre des AT-MP. Si la compensation intégrale et annuelle est prévue pour le financement des deux premières allocations, il est indispensable de conserver, pour les AT-MP, un système assurantiel capable de répondre à la sinistralité des entreprises. Je souhaite que le rapporteur nous apporte tous les éléments susceptibles de nous rassurer quant au maintien de ce régime dans le temps.
Je le répète, seule la part mutualisée est concernée. Je vous signale, d'ailleurs, que la branche AT-MP est en train de redevenir excédentaire. Il est bien entendu qu'elle doit demeurer à l'équilibre afin de ne pas alourdir les cotisations des entreprises et surtout de répondre aux besoins, en particulier du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).
La CNSA fait partie du socle dont les pertes de recettes par exonération de cotisation doivent être compensées annuellement. L'ALS est gérée par le FNAL (Fonds national d'aide au logement) de façon paritaire, proportionnellement plus que la branche AT-MP. J'espère, à cet égard, que les arguments que j'ai avancés à l'appui du rejet de l'amendement de Mme Fraysse étaient de nature à vous rassurer.
Il est vrai que les cotisations AT-MP diminuent dans les périodes de faible croissance et qu'elles augmentent lorsque la croissance revient. Dans la mesure où j'ai la certitude que cette exonération sera bien compensée, je retire mon amendement.
L'amendement AS10 est retiré.
La Commission est saisie des amendements identiques AS31 de Mme Jacqueline Fraysse et AS74 de M. Jean-Louis Roumegas.
Le niveau des salaires visés par les exonérations correspond aux secteurs les plus concernés par les risques d'accidents du travail et les maladies professionnelles – travaux publics, bâtiment, industrie chimique, agriculture. Exonérer les entreprises des cotisations AT-MP enverrait un mauvais signal au regard de la responsabilité des employeurs de ces secteurs.
J'entends votre argument, mais il n'y a aucun risque de déresponsabiliser les employeurs. Les maladies professionnelles sont désormais prises en compte dans la sinistralité – il est admis, par exemple, que la maladie de Hodgkin ou le myélome sont liés à l'usage des pesticides. Cette sinistralité s'impute sur les cotisations des employeurs concernés. Ainsi les taux de cotisation s'élèvent à 7 % dans le secteur du bâtiment et à 8 % pour les entreprises de construction métallique, mais à 59 % pour les entreprises fabriquant des produits en fibre-ciment.
Tous les secteurs d'activité sont concernés par les maladies professionnelles et les risques d'accidents du travail. Le risque psychosocial, par exemple, existe partout, tout comme les problèmes visuels liés à l'utilisation d'outils informatiques. Ce qui, à mes yeux, justifie une approche spécifique pour la branche AT-MP, c'est qu'elle fonctionne sur une base assurantielle. Le niveau des cotisations varie en fonction de la sinistralité, qui prend en compte à la fois la quantité des accidents et leur gravité.
J'ai bien entendu les arguments du rapporteur, mais je n'en suis pas moins sensible aux amendements de Mme Fraysse et de M. Roumegas.
Au moment où nous examinons cet amendement, le Gouvernement annonce une cotisation de base de 0,01 % perçue à partir de 2017 et visant toutes les entreprises, et une cotisation spécifique, perçue à partir de janvier 2016 au titre de 2015, de 0,1 % les deux premières années puis de 0,2 % à compter de 2017 pour les employeurs de salariés exposés.
Ainsi, alors que nous sommes en train de voter un PLFRSS qui contient des allégements et des exonérations de charges, le Gouvernement, comme chaque jour, annonce de nouvelles cotisations sans plus de précisions. Comment un chef d'entreprise peut-il s'y retrouver ?
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement AS81 de M. Jean-Louis Roumegas.
Nous sommes très attachés à tous ces amendements portant sur les contreparties que nous pouvons demander aux entreprises en échange des allégements de charges qui leur sont consentis. Nous souhaitons que ces exonérations soient justes mais surtout efficaces.
Selon le Gouvernement, les allégements de cotisations entraîneraient la création potentielle de 45 000 à 47 000 emplois. Cela signifie que chaque création d'emploi coûterait près de 100 000 euros – de quoi s'interroger sur l'efficacité de ces allégements et inciter à leur associer des conditions plus strictes.
Celles qui fonctionnent bien sont liées à la qualité du contrat de travail. Les emplois à temps partiel sont souvent synonymes de faibles rémunérations – 6 500 euros de revenu médian contre 15 000 euros pour les emplois à temps complet – et d'inégalités entre hommes et femmes puisque les temps partiels imposés concernent deux fois plus de femmes. C'est pourquoi nous proposons de limiter les exonérations de cotisations sociales aux seuls contrats de travail à temps plein, et cela dans toutes les entreprises. Sinon, cela reviendrait à exonérer les emplois dans les supermarchés, les banques ou encore les multinationales qui versent des dividendes exorbitants à leurs actionnaires. Pour quel gain de compétitivité ? Nous voulons des contreparties au regard de la qualité des emplois. C'est la moindre des justifications que nous pourrions apporter aux salariés qui ne manqueront pas de nous interroger sur ces mesures.
Le poids des cotisations sociales patronales est un frein à l'embauche. C'est pourquoi nous souhaitons les alléger afin de diminuer le coût du travail et ainsi favoriser la création d'emplois. Nous ne pouvons distinguer les emplois concernés en fonction du type de contrat de travail.
Par ailleurs, nous avons instauré, dans la loi sur la sécurisation de l'emploi, le principe d'un socle hebdomadaire de travail à temps partiel minimum de 24 heures et la majoration des heures complémentaires. La loi prévoit, en outre, l'obligation de négociation en matière de travail à temps partiel dans les branches d'activité dans lesquelles au moins un tiers des salariés occupent un emploi à temps partiel.
Enfin, le projet de loi ayant pour objectif la création d'emplois et le retour au travail d'un certain nombre de demandeurs d'emploi, notamment de longue durée, il est normal qu'il contienne des mesures susceptibles de développer le travail à temps partiel.
Pour toutes ces raisons, je propose de rejeter cet amendement.
Isabelle Le Callennec. Force est de constater que les branches peinent à mettre en oeuvre le principe d'une durée de travail minimale de 24 heures. À quelques jours de l'échéance, est-on parvenu à l'imposer aux branches ? À quoi bon afficher des principes dont la mise en oeuvre se révèle pratiquement impossible, en raison de sa difficulté ou de son coût ?
C'est précisément pour faciliter la vie des entreprises et tenir compte de ces difficultés que l'application du principe d'une durée minimale de 24 heures a été reportée au 1er janvier 2016.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS82 de M. Jean-Louis Roumegas.
Toujours dans l'objectif de lutter contre la précarité des salariés, nous proposons de limiter cette fois aux CDI le champ de l'exonération proposée. Une exonération aussi générale que celle proposée par le texte risque de constituer une trappe à bas salaires. Il s'agit aussi de donner à cette exonération une justification acceptable par les salariés, qui risquent sinon d'y voir un cadeau sans condition aux entreprises.
Votre amendement est satisfait par la loi relative à la sécurisation de l'emploi, qui module le taux de cotisation à l'assurance chômage selon qu'il s'agit d'un CDI ou d'un CDD, et selon la durée de ce dernier : il le porte à 7 % pour les CDD de moins d'un mois et à 5,5 % pour les CDD de moins de trois mois. Par ailleurs, l'intérim peut aussi constituer une voie vers l'emploi en période de crise. Je vous propose, monsieur Roumegas, de nous en tenir à ce que nous avions voté dans la loi de sécurisation de l'emploi.
Votre réponse ne me satisfait pas : on ne peut pas moduler le taux d'une cotisation pesant sur des salaires qui en sont exonérés.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS59 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement vise à supprimer l'intégralité des cotisations patronales familiales pour les travailleurs indépendants. Tout à l'heure, monsieur le rapporteur, vous m'avez reproché de ne pas prévoir de compensation aux 30 milliards – et non 35 – d'allégements de cotisations que je proposais. Or vous-même ne dites pas comment seront compensés les 10 milliards d'euros d'allégements proposés par ce texte, vous contentant de nous renvoyer au prochain PLFSS. Pour les 20 milliards restants, ils seront compensés par la suppression du CICE, que je vous proposerai dans l'amendement AS19.
Je propose le rejet d'un amendement qui n'apporte rien au débat, l'objectif global restant de « zéro charges » pour les entreprises.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement de précision AS90 du rapporteur.
Puis elle en vient à l'amendement AS97 du rapporteur.
Par cet amendement, je propose que soit mise en place, au sein de la négociation annuelle de branche sur les salaires, une évaluation de l'impact du pacte de responsabilité, en particulier des exonérations de cotisations patronales, mais également du CICE, sur le niveau de l'emploi et des salaires.
Par qui cette évaluation serait-elle réalisée, sachant que, en principe, le Gouvernement n'a pas à se mêler de ce qui relève de la négociation paritaire ? Quels seraient ses effets sur le plan juridique ?
Cet amendement vise simplement à préciser le champ de l'obligation annuelle de négociation sur l'emploi et les salaires qui existe déjà au niveau des branches, en prévoyant, dans ce cadre, la présentation aux organisations syndicales d'une évaluation de l'impact de l'effort considérable qui doit être consenti en faveur des entreprises au cours des trois prochaines années. Il s'agit de préciser une obligation de négociation, et non pas une obligation de résultat. Je crois que le patronat est tout à fait ouvert à une telle disposition, qui contribuera à enrichir le dialogue social.
Vous êtes mieux renseigné que nous sur la position du patronat. Reste qu'en principe, le Gouvernement n'a pas à se mêler du contenu des négociations entre partenaires sociaux. Il me semble d'ailleurs que le Conseil constitutionnel vous en a déjà fait la remarque. Vous n'avez pas dit qui serait chargé de cette évaluation : les services de l'État ? Les branches professionnelles ? Une telle disposition signifie-t-elle que les allégements de cotisations patronales prévus par ce texte seront fonction des résultats des branches professionnelles en matière de création d'emplois ? Je crois qu'une telle disposition n'a rien à faire ici, sauf si l'on veut nourrir la confusion juridique.
Pourquoi ne pas avouer que cet amendement vise à satisfaire l'exigence de contreparties de certains députés de la majorité ? Je n'ai pas entendu, pour ma part, lors de l'instauration du CICE, les chefs d'entreprise exprimer le souhait d'avoir à en détailler l'utilisation : je me souviens, au contraire, de leur crainte qu'il s'accompagne d'une obligation de justifier l'utilisation de ces fonds, comme pour le crédit d'impôt recherche dont elles ont remarqué qu'il donnait lieu systématiquement à des redressements fiscaux.
Je ne partage pas le souhait clairement exprimé par Mme Le Callennec et M. Tian qu'on distribue des milliards d'euros aux entreprises sans aucune contrepartie, sans même aucun contrôle. Dans d'autres domaines, pourtant, M. Tian fait preuve d'une très grande sévérité quand il s'agit de vérifier si des familles en grande difficulté ont bien droit aux allocations dont elles bénéficient.
En proposant que les chefs d'entreprise présentent aux instances représentatives des salariés un bilan de l'utilisation des fonds ainsi récupérés, votre amendement va dans le bon sens, monsieur le rapporteur. Mais que nos collègues de droite se rassurent : il ne va pas assez loin, au regard des sommes colossales offertes aux entreprises, puisqu'il n'institue aucune sanction en l'absence de création d'emploi, pas même une obligation de remboursement. Néanmoins, je le voterai.
Cet échange manifeste notre désaccord radical quant à la définition des cotisations sociales : pour nos collègues de l'opposition, ce sont des charges pour les entreprises ; pour nous, elles sont un élément du salaire, autrefois dit salaire différé. Même si l'universalisation des cotisations sociales tend à en modifier la nature, il s'agit toujours d'une forme de rémunération du travail. En conséquence, toute baisse des cotisations versées par l'employeur pose la question de la répartition de la valeur ajoutée et doit, à ce titre, faire l'objet d'une discussion entre employeurs et salariés. C'est pourquoi cet amendement est extrêmement important, tant dans son principe que dans sa portée.
Ce que vous venez de dire est très éclairant : il s'agit bien de donner un gage à l'aile gauche du PS en obligeant les entreprises à augmenter les salaires au cas où elles n'auraient pas créé d'emploi en contrepartie des allégements de charges. C'est d'autant plus absurde que l'objectif du CICE était d'accroître la compétitivité des entreprises françaises face à la concurrence internationale. Et voilà qu'on s'apprête à nourrir l'instabilité juridique, fiscale et sociale en prévoyant que les futurs allégements puissent être réexaminés dans le cadre des négociations de branche ! En outre, un tel mélange des genres a toutes les chances d'être sanctionné par le Conseil constitutionnel, qui vous a déjà dit, par trois fois cette année, que l'État n'avait pas à se mêler de ce qui relevait de la négociation entre partenaires sociaux.
Je n'ai rien contre le fait qu'on évalue l'impact d'une politique publique, en l'espèce d'une exonération de cotisation en faveur des entreprises, mais pourquoi ne pas évaluer aussi l'impact de l'augmentation des charges qui pèsent sur elles ? Il aurait pourtant été utile d'évaluer l'impact de celles qui ont été décidées au cours des deux dernières années, qui sont en train de tuer beaucoup d'entreprises et ont provoqué la destruction de dizaines de milliers d'emplois, notamment dans le secteur des services à la personne.
Il n'est écrit nulle part, dans la brochure que les préfets diffusent en ce moment auprès des chefs d'entreprise pour leur expliquer le pacte de responsabilité, que le CICE sera conditionné à quelque contrepartie que ce soit. C'est ce double discours que nous dénonçons.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements AS38 et AS39 de M. Francis Vercamer.
Ces amendements proposent d'avancer au 1er septembre 2014 la mise en oeuvre de ces dispositions, puisque le Président de la République lui-même a reconnu, en décembre 2013, l'urgence de prendre des mesures fiscales et sociales pour stopper la sévère baisse de compétitivité des entreprises françaises. Quelques chiffres suffisent à s'en convaincre : la part de l'industrie dans la valeur ajoutée totale en France est passée de 18 % en 2000 à un peu moins de 12,5 % en 2011, contre 26,2 % en Allemagne ; en trente ans, nous avons perdu plus de 2 millions d'emplois industriels.
Vous avez vous-même reconnu tout à l'heure la nécessité de faire preuve de pédagogie. Mon amendement précédent visait précisément à expliquer, dans le cadre du dialogue social, l'effort qui sera consenti par la nation pour restaurer la compétitivité des entreprises. Si l'Allemagne jouit d'une telle puissance industrielle et économique, c'est très certainement parce que le dialogue social y est plus consistant, plus transparent et plus permanent.
S'agissant de ces deux amendements, je vous propose de les rejeter en fonction des arguments déjà exposés.
J'observe qu'en page 6 de la brochure citée par Mme Le Callennec est exactement énoncé ce qui est proposé par l'amendement du rapporteur.
Nous soutiendrons les excellents amendements de M. Vercamer. La perspective de baisse des charges prévue par ce projet de loi est beaucoup trop lointaine, d'autant que le Gouvernement a déjà perdu deux ans en jetant aux orties le pacte de compétitivité décidé par la majorité précédente. Plus vite vous baisserez ces charges, mieux les entreprises se porteront.
La Commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Après l'article 2
La Commission examine l'amendement AS19 de M. Francis Vercamer.
Je retire cet amendement, dont la seule finalité était de compenser le coût des amendements que la Commission vient de rejeter. J'attends que vous nous fassiez savoir comment vous comptez compenser les allégements de charges que vous nous proposez.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement AS20 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement propose d'amplifier l'allégement du coût du travail pour les particuliers employeurs. Cela tombe bien, puisque le Gouvernement a finalement décidé de soutenir le secteur des services à la personne, après l'avoir gravement pénalisé en décidant des mesures telles que le plafonnement des avantages fiscaux dont bénéficient les particuliers employeurs, l'augmentation de la TVA, la suppression du forfait.
Le secrétaire d'État au budget a entamé une réflexion sur les préoccupations dont vous vous faites l'écho et a annoncé qu'il nous soumettrait ses propositions cet automne. Par ailleurs, la mesure que vous proposez est très coûteuse et devrait être compensée par une nouvelle ressource. C'est pourquoi, sans nier la pertinence de votre amendement, je vous demande de le retirer, faute de quoi j'en proposerai le rejet.
Christian Eckert a, en effet, annoncé, en réponse à une question d'actualité, que le Gouvernement était prêt à examiner la possibilité d'amplifier l'allégement de 75 centimes d'euro par heure, maintenu par le PLFSS pour 2013 au bénéfice des particuliers. Puisque cette amplification a d'ores et déjà été annoncée, autant la voter tout de suite, quitte à ce que le Gouvernement la module en séance.
L'amendement de M. Vercamer m'offre l'occasion de dire à quel point il est urgent de se préoccuper de l'emploi, particulièrement dans le domaine de l'aide à la personne où nombre d'emplois ont été supprimés ou sont devenus non déclarés depuis l'adoption des récentes mesures. Rappelons que ce secteur est un gisement d'emplois non délocalisables.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS50 de M. Dominique Tian.
Cet amendement, que Jean-Pierre Door aurait adoré déposer puisqu'il en défend l'idée depuis quinze ans, vise à exonérer partiellement de cotisations de retraite les médecins qui exerceraient en zone sous-dense, dans le cadre d'un cumul emploi-retraite. Plus de 10 000 médecins retraités, qui sont âgés de soixante-cinq à soixante-dix ans et sans activité, pourraient ainsi participer à l'offre de soins.
C'est un sujet récurrent et, même sous l'ancienne majorité, j'avais déposé un amendement en ce sens.
Un mécanisme d'incitation à la cessation d'activité, le MICA, avait été instauré pour des médecins de cinquante-cinq ans, à une époque où l'on pensait que la réduction du nombre de praticiens entraînerait celle du nombre des prescriptions. Ce fut une erreur. À l'époque, beaucoup de médecins sont partis en retraite. Même s'ils ont un certain âge, certains ont envie d'exercer de nouveau, mais ils ne peuvent pas le faire s'ils doivent payer à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) des cotisations qui ne rapportent aucun point. Cela revient à cotiser à perte.
Si l'on veut, mais ils paient aussi leurs impôts. Plusieurs centaines de médecins pourraient reprendre leur exercice, non pas à Nice ou à Marseille, mais dans les zones dites sous-denses, notamment des territoires ruraux comme le Loiret, la Nièvre ou le Cher. Tel est le sens de cet amendement déposé depuis des années et qui, à mon grand regret, ne suscite pas le moindre intérêt.
Soit le médecin prend sa retraite, soit il continue à exercer sous une forme ou une autre ; s'il décide d'aller exercer dans une zone sous-dense – tant mieux et grand bien lui fasse, mais c'est un cas peu probable –, il paiera alors des cotisations sur cette activité, dans la limite du plafond de cumul autorisé, et il touchera sa retraite. C'est le type même de la fausse bonne idée : une mesure de ce genre ne provoquera pas un afflux de médecins retraités dans les zones sous-denses.
Dans le cadre de la stratégie nationale de santé, nous aurons à revenir sur ces zones sous-denses. Rappelons que la CARMF étant dans une situation très difficile, ses gestionnaires ont diminué le niveau des retraites et augmenté le niveau des cotisations. Est-ce bien le moment d'exonérer partiellement les médecins qui exercent en complément au lieu de leur demander de faire preuve de solidarité ?
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS51 de M. Dominique Tian.
M. Gosselin ne manquait pas d'humour et d'originalité lorsqu'il proposait, lors du dernier PLFSS, de taxer les robots remplaçant les êtres humains dans les entreprises. Cela étant, puisque mon amendement n'est peut-être pas une priorité et que je n'ai pas fait d'étude d'impact, je vais le retirer.
L'amendement est retiré.
Article 3 : Diminution de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S)
La Commission est saisie des amendements identiques AS32 de Mme Jacqueline Fraysse et AS21 de M. Francis Vercamer.
L'article 3 concerne la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) de 0,16 % appliquée aux entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 760 000 euros – qui sont donc capables de payer. À terme, la suppression de cette C3S va coûter 6 milliards d'euros aux finances publiques, et elle va favoriser des entreprises importantes, notamment celles du secteur de la grande distribution. Cette mauvaise mesure n'a pas lieu d'être. À tout le moins, elle devrait être modulée en fonction des bénéfices et ne pas s'appliquer aux groupes de la grande distribution dont la santé est excellente.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l'article 3. Peut-être déposerons-nous des amendements de repli visant à exclure certaines entreprises du dispositif, au vu de leur bonne santé.
Nous proposons aussi de supprimer l'article, mais pour des raisons différentes de celles du groupe GDR. Pour augmenter la compétitivité des entreprises, la baisse de l'impôt sur les sociétés que nous demandons actuellement dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances nous paraît beaucoup plus efficace que cette réduction progressive de la C3S dont l'effet est difficile à apprécier.
La mesure présentée dans le cadre du projet de loi de finances n'a rien à voir avec les entreprises qui vont être concernées par celle-ci. Dans une première étape, en 2015, l'abattement concernera les entreprises qui réalisent jusqu'à 3,25 millions de chiffre d'affaires. De très nombreuses entreprises échapperont à la C3S mais, comme vous le voyez à la page 26 de l'étude d'impact, ce sont seulement de petites entreprises. La mesure peut avoir une efficacité immédiate si la petite entreprise envisage une embauche supplémentaire.
En outre, cette C3S pénalise les filières de production nationales, car elle s'applique à chaque étape d'une production, alors que la TVA peut être récupérée à chaque étape, et elle peut inciter à l'achat de produits semi-finis à l'étranger. S'il est une mesure dont l'efficacité est immédiate, c'est bien cette exonération dont vont bénéficier les PME en 2015.
La Commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'amendement AS91 du rapporteur.
À l'occasion de l'examen des comptes de la sécurité sociale et des auditions que nous avons menées, j'ai constaté que les gestionnaires du régime social des indépendants (RSI) étaient très inquiets de l'intégration financière – aussi appelée adossement – des branches maladie et vieillesse du RSI aux branches maladie et vieillesse du régime général. En fait, il s'agit du même type d'adossement que celui dont a fait l'objet la Mutualité sociale agricole (MSA).
Pour rassurer pleinement les gestionnaires du RSI sur le fait que la CNAMTS et la CNAV n'exerceront pas de tutelle ou de contrôle et qu'elles ne limiteront pas leurs prérogatives, je vous propose un amendement qui transpose ce qui existe pour la Mutualité sociale agricole. Il est précisé que cet adossement ne peut porter en aucun cas atteinte aux droits définitivement consacrés qu'ont les caisses du régime social des indépendants de gérer l'ensemble des branches et régimes complémentaires obligatoires de ce régime.
À défaut de cet amendement, il y aurait donc une atteinte aux droits des caisses du régime social des indépendants ? Ce risque existe-t-il qu'il faille adopter la rédaction que vous proposez ?
Il n'y a pas lieu formellement, juridiquement, de l'écrire : l'adossement est un mécanisme de compensation inter-régimes qui n'entraîne pas une tutelle du RSI ou un contrôle de sa gestion par le régime général. Il s'agit d'une convention de compensation passée entre deux régimes selon des règles de transparence absolue. Néanmoins, des inquiétudes s'étant manifestées, je vous propose une rédaction similaire à celle adoptée pour la MSA qui ne s'est jamais plainte d'une tutelle sur sa gestion.
Peut-être le rapporteur devrait-il signaler que les comptes du RSI sont gravement dans le rouge et qu'il rencontre de graves difficultés financières ?
J'avais cru comprendre que la MSA était aussi dans le rouge, et depuis longtemps, en raison de problèmes d'évolution démographique. Les situations sont vraiment comparables.
Nous avions demandé qu'un groupe de travail parlementaire ou une mission s'intéresse à la façon dont le RSI a été géré, car le problème est récurrent depuis des années. Lors d'une audition du directeur général du RSI, nous avions même déploré des dysfonctionnements graves.
L'an dernier, lorsque nous avons voulu inciter les entreprises et les indépendants cotisant à ce régime à acquérir des logiciels permettant la plus grande clarté et transparence, vous avez protesté. C'est pourtant cet esprit qui nous animait, et des résultats ont été obtenus : les procédures de gestion du RSI se sont améliorées et les entreprises ont des relations plus claires et plus aisées avec ce régime.
Si certaines situations se sont améliorées, il reste des dysfonctionnements importants quant au calcul et au paiement des cotisations, et au niveau des inscriptions et des radiations. S'agissant de cet amendement, le RSI a-t-il été consulté et, si oui, y est-il favorable ?
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de précision AS95 du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement AS11 de M. Gérard Sebaoun.
Cet amendement vise à ramener le seuil de chiffre d'affaires permettant de bénéficier de l'abattement de 3,25 millions d'euros à 2 millions d'euros pour une raison simple : 80 % des entreprises, qu'elles soient indépendantes ou filiales, sont des TPE dont le chiffre d'affaires est inférieur à un million d'euros. En plaçant le seuil à 2 millions d'euros, on exonère toutes les TPE et une grande majorité des PME-PMI.
Je ne crois pas que, ce faisant, on obérerait la compétitivité des entreprises. Si mon amendement était adopté, la contribution d'une entreprise réalisant 10 millions d'euros de chiffre d'affaires, augmenterait de 2 000 euros, passant de 10 800 euros à 12 800 euros. En revanche, il permettrait une moindre dépense pour notre système. J'attends quelques éléments sur les entreprises concernées.
Pour ma part, j'avais demandé la suppression de cette exonération de C3S. L'amendement de Gérard Sebaoun est moins radical que le mien, mais il va dans un sens qui me convient. Rappelons que les caisses de l'État manquent d'argent et que la suppression complète de cette contribution va coûter 6 milliards d'euros. Il est juste de proposer que cette disposition soit au moins modulée, et je soutiendrai cet amendement.
Monsieur Sebaoun, votre proposition présente l'inconvénient d'exclure 50 000 petites entreprises de cette exonération, celles qui réalisent entre 2 millions d'euros et 3,25 millions d'euros de chiffre d'affaires et qui sont, en général, des entreprises commerciales ou artisanales. Vous pourriez retirer votre amendement en pensant à ces nombreuses petites entreprises que nous rencontrons sur nos territoires.
Nous avons échangé sur le sujet mais j'ai du mal à évaluer le type d'entreprises, faute d'éléments. J'ai également du mal à envisager comme un élément de compétitivité majeur une différence de contribution de 2 000 euros. En conscience, je n'ai pas demandé la suppression de la C3S à ce stade : mon sentiment reste mitigé parce qu'il faudra compenser près de 6 milliards d'euros à terme. Mon amendement me semblait être un moins-disant honorable, mais je veux bien le retirer.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'article 3 modifié
Après l'article 3
La Commission examine l'amendement AS47 de M. Dominique Tian.
Cet amendement porte sur la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA), dont s'étaient émues la CFDT ainsi que la Fédération hospitalière de France, qui représente les directeurs d'hôpitaux publics.
La loi de financement de la sécurité sociale de 2013 a créé une contribution de 0,3 % sur les pensions de retraite, l'affectant à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Cette contribution devait rapporter 450 millions d'euros en 2013 et 600 millions d'euros en année pleine à partir de 2014. Or son produit a été affecté, à titre dérogatoire, au Fonds de solidarité vieillesse pour 2013. Cette mesure a été très sévèrement critiquée, y compris par les directeurs d'hôpitaux publics, certains organismes de protection sociale, la CFDT et d'autres syndicats. Cet amendement vise à rétablir les choses dans un souci de justice et de transparence.
Vous menez un combat d'arrière-garde, monsieur Tian. L'an dernier, la majorité s'était émue de ce problème et avait d'ailleurs réussi à préserver 100 millions d'euros de rendement de cette CASA pour la CNSA. L'an prochain, dans la loi relative à l'autonomie des personnes âgées, il sera prévu que la CASA soit intégralement versée à la CNSA. Nous avions donc mis les choses à plat pendant la discussion du PLFSS pour 2014. Avis défavorable.
Vous parlez de combat d'arrière-garde, monsieur le rapporteur, mais on nous dit la même chose pour la troisième année consécutive. La seule différence est qu'un projet de loi est désormais annoncé, mais il est incomplet dans la mesure où il porte seulement sur le maintien à domicile alors que les institutions devaient être également concernées.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS83 de M. Jean-Louis Roumegas.
Cet amendement se place dans la perspective de justice fiscale défendue par la majorité parlementaire et le Gouvernement. Puisque l'on parle de diminution des charges pour les petits revenus, nous proposons d'introduire une légère progressivité de la CSG en baissant le taux d'imposition pour les tranches de revenu les plus modestes. Il s'agit d'appliquer ce barème progressif à l'ensemble des revenus assujettis à la CSG, sans distinction entre retraités et actifs et entre revenus du capital et du travail.
Nous proposons d'appliquer le taux de 3,8 %, dont bénéficient actuellement les retraités pauvres, à l'ensemble des revenus bruts annuels inférieurs à 13 324 euros – ce qui devrait toucher 30 % des personnes les moins favorisées –, le taux de 5,5 % aux revenus compris entre 13 324 euros et le revenu médian, et de maintenir le taux de 7,5 % pour les revenus supérieurs au revenu médian.
Grâce à cette progressivité, la moitié des Français – ceux dont les revenus sont inférieurs au revenu médian – constaterait une baisse de sa CSG : de 30 euros par mois pour un célibataire gagnant le SMIC et de 75 euros par mois pour un couple marié rémunéré au SMIC et avec deux enfants à charge.
Nous nous étonnons que le Gouvernement ne se soit pas saisi de cette proposition émanant des rangs de la majorité.
Monsieur Roumegas, vous dites vous-même qu'il s'agit d'un amendement d'appel, car vous n'ignorez pas les problèmes que pose la progressivité de la CSG. D'ailleurs, vous avez prévu la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts pour compenser la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale qu'engendrerait une telle réforme.
Tout le problème est de bien cibler la mesure et d'en évaluer proprement le coût, mais le débat n'est pas évacué. Au cours de la discussion du PLFSS pour 2014, le Gouvernement avait annoncé que cette question serait réexaminée lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2015. Vous redéposerez certainement cet amendement en séance et le Gouvernement vous fera sûrement la même réponse que moi.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS46 de M. Dominique Tian.
Je souhaite que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le RSI, dont la situation est catastrophique. Son budget de fonctionnement annuel, de 560 millions d'euros, est plus élevé de 17 % que le système précédent. De surcroît, le RSI est loin de faciliter la tâche des entrepreneurs, malgré son objectif affiché.
À combien s'élèvent les déficits du RSI qui seront pris en charge par la CNAMTS, et qui risquent d'aggraver les comptes de celle-ci ?
Le principe de compensation s'appliquera ici de la même façon que pour la MSA. En première analyse, le montant du déficit équivaudra au manque à gagner lié à l'exonération de C3S pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 3,250 millions d'euros. La C3S, d'ailleurs, finance aussi le régime agricole – pour lequel l'adossement existe déjà – et le fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit, lourd, est en partie compensé par l'affectation du produit de la CASA au cours des deux dernières années.
Par ailleurs, le RSI publie déjà un rapport annuel, ce qui satisfait votre amendement. Avis défavorable.
L'exonération de C3S ne nous rassure pas quant au financement du RSI, qui est issu de cette contribution. Nous n'avons pas eu de réponse à la question de Jean-Pierre Door sur le montant du déficit que devra absorber le régime général.
Le RSI est actuellement à l'équilibre, car les recettes qui le financent ont augmenté significativement suite à notre décision, l'an dernier, d'alourdir les cotisations d'entreprises telles que les cabinets de conseil afin de les alléger pour les petites. Cela dit, les recettes du RSI seront amputées aux deux tiers environ du milliard correspondant au manque à gagner de la C3S.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS49 de M. Dominique Tian.
Je suggère que le Gouvernement remette au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2014, un rapport « proposant des modalités de financement de la sécurité sociale fondées sur des ressources alternatives aux cotisations assises sur le travail ». Comme M. Door l'a indiqué, nous aimerions en savoir davantage.
Je m'étonne que M. Door approuve un tel amendement, car il est membre, comme moi, du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS), qui vient de remettre un rapport au Gouvernement ; or ce dernier lui a demandé de formuler, d'ici à la fin de l'année, des propositions sur les sources potentielles de financement de la protection sociale. L'amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
Le HCFi-PS prépare effectivement un rapport, qu'il remettra à la fin de l'année. C'est précisément la raison pour laquelle le Gouvernement met la charrue avant les boeufs : les pistes ici proposées ne seront peut-être pas celles du Haut Conseil.
Nous ignorons toujours comment sera assuré le financement de la branche famille. Quoi qu'il en soit je retire l'amendement.
L'amendement est retiré.
Article 4 Approbation du montant de la compensation des exonérations mentionné à l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Section II Prévisions de recettes et tableaux d'équilibre
Article 5 : Approbation des prévisions de recettes et du tableau d'équilibre du régime général et de l'ensemble des régimes obligatoires pour 2014
Article 6 : Rectification des prévisions de recettes et du tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires, de l'objectif d'amortissement de la dette sociale et des prévisions de recettes du fonds de réserve des retraites et de la section II du fonds de solidarité vieillesse pour 2014
La Commission adopte successivement les articles 4, 5 et 6 sans modification.
Article 7 : Approbation du rapport figurant en annexe A
La Commission examine, en présentation commune, les amendements AS93 et AS94 du rapporteur.
Ces deux amendements renforcent le principe de la compensation financière intégrale à la sécurité sociale des pertes de recettes issues du présent texte. Ce principe, je le rappelle, est clairement énoncé par le code de la sécurité sociale, qui en exclut cependant les allégements généraux dans leur rédaction en vigueur en 2011, dans la mesure où ceux-ci ont fait l'objet d'une affectation de recettes pour solde de tout compte cette même année. Les modifications du PLFRSS tendant à amplifier les allégements de cotisations ont donc vocation à faire l'objet d'une compensation spécifique. C'est là une préoccupation qui fut exprimée au sein de la commission des comptes de la sécurité sociale, aussi bien par les représentants des employeurs que par ceux des salariés. Je souhaite, enfin, qu'il soit bien précisé que la compensation est annuelle et qu'elle interviendra dès 2015.
La Commission adopte successivement les amendements AS93 et AS94.
Elle est saisie de l'amendement AS87 de M. Jean-Marc Germain.
Les tableaux de l'annexe A du PLFRSS incluent, dans leur trajectoire pluriannuelle, le montant correspondant au gel des rentes AT-MP, des pensions d'invalidité et des prestations familiales. Or le gel de ces prestations ne fait pas partie du champ visé par l'article 9, la prochaine revalorisation devant intervenir en avril 2015. Selon l'exposé des motifs du projet de loi et l'étude d'impact de l'article 9, les dispositions relatives au gel des prestations familiales, des pensions d'invalidité et des rentes AT-MP « figureront en loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 ».
L'amendement réintègre en base, dans les prévisions, le montant de la revalorisation au 1er avril 2015 des pensions d'invalidité et des rentes AT-MP. Il vise à l'abandon définitif du gel des pensions d'invalidité et des rentes AT-MP, qui pénaliserait 1,2 million de bénéficiaires, ceux dont les ressources sont les plus faibles et dont les conditions de travail ont altéré l'intégrité physique et la santé.
La suppression de ce gel représente, en année pleine, une moindre économie de 200 millions d'euros.
L'amendement tend à majorer les objectifs de dépense maladie et AT-MP des sommes que représenterait le non-gel des pensions d'invalidité et des rentes AT-MP en 2015, ce que le PLFRSS ne prévoit pas. Sur le fond, j'y suis favorable ; Mme la présidente et moi nous étions d'ailleurs tous deux inquiétés du problème.
Il faut néanmoins tenir le cap des objectifs d'équilibre tels que définis par le pacte de responsabilité, lesquels ont reçu l'aval de la Commission européenne. On ne peut préjuger des économies que l'on pourrait réaliser par ailleurs sur ces branches. Aussi je m'en remets, sur cet amendement, à la sagesse de notre commission.
Nous voterions, bien entendu, des deux mains un rééquilibrage des comptes concomitant à une réduction du coût du travail ; le problème est que les prévisions restent fragiles. Si je comprends bien, les auteurs de l'amendement, en désaccord avec le Gouvernement, refusent que le gel des prestations visées soit reconduit une année supplémentaire.
Pour l'heure, et après l'avis du Conseil d'État, le Gouvernement n'a rien décidé puisque le report du gel ne figure pas dans ce PLFRSS. Les auteurs de l'amendement entendent envoyer un signal fort de leur refus d'un tel gel, en rectifiant les tableaux d'équilibre sur la base du manque à gagner induit.
En attendant que le Gouvernement nous éclaire sur ce point lors de la présentation du PLFSS pour 2015, je vous invite, malgré la fragilité des prévisions, à considérer le tableau proposé avec attention : il indique, à l'horizon 2017, un solde négatif de seulement 200 millions d'euros pour la branche maladie, un solde positif pour l'AT-MP de 1,4 milliard, un solde négatif de 800 millions d'euros pour la branche famille et de 200 millions pour la branche vieillesse. Toutes branches consolidées, le système atteindrait quasiment l'équilibre en 2017. Un tel résultat profiterait à tous les gouvernements ultérieurs, s'agissant du maintien de notre socle de solidarité.
Il s'agit donc de supprimer le gel des prestations, tel qu'il est envisagé jusqu'à la fin de 2015.
Oui ; d'où un solde de moins 200 millions pour l'assurance maladie en 2017, contre zéro dans le tableau figurant dans le projet de loi. Les économies réalisées se traduisent néanmoins année après année.
Nous en acceptons l'augure : même s'il est difficile de lire dans une boule de cristal, nous voterons volontiers cet amendement.
Ne pas voter l'amendement revient à intégrer le gel, puisque celui-ci est anticipé par le tableau. Or la décision de geler ces prestations n'est pas encore prise. De l'avis du Conseil d'État, on ne peut inscrire dans le PLFRSS des mesures applicables seulement en 2015. La cohérence veut donc que l'on ne tienne pas compte, dans le tableau de ce PLFRSS pour 2014, de ce qui ne sera décidé qu'en 2015. L'amendement assure en ce sens une cohérence juridique.
Ce « mauvais coup » contre le Gouvernement nous convient. Plus sérieusement, le groupe UMP avait dénoncé ce gel de 200 millions d'euros qui toucherait les plus faibles. Il est heureux que le Conseil d'État s'en soit mêlé. Nous soutenons donc l'amendement.
La Commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Elle adopte ensuite l'article 7 modifié.
Après l'article 7
La Commission examine, en présentation commune, les amendements AS29, AS27 et AS68 de M. Francis Vercamer.
Voici, monsieur le rapporteur, trois propositions pour réaliser des économies. L'amendement AS29 vise à éteindre les régimes spéciaux pour les nouveaux entrants à partir du 1er janvier prochain ; l'amendement AS27 tend à aligner les trois régimes d'ici au 31 décembre 2017. Conscient de leur adoption peu probable, j'ai déposé, en repli, l'amendement AS68 qui consiste à demander un rapport au Gouvernement sur les conditions, les coûts et les conséquences d'une extinction progressive des régimes spéciaux. Si l'on veut faire des économies, il faut prendre le taureau par les cornes.
Les économies à attendre de vos amendements seraient modestes, car seuls les nouveaux entrants sont visés. D'autre part, la loi Fillon sur les retraites prévoit une convergence des régimes spéciaux et des régimes de base à l'horizon 2020. Bref, il aurait fallu présenter vos amendements au moment du débat sur cette loi ; mais peut-être craigniez-vous alors des réactions sociales. Avis défavorable.
La loi sur la pénibilité risque de créer de nouveaux régimes spéciaux. Je remercie, en tout cas, l'UDI de sa constance sur cette question. Devenus insupportables pour les Français, les régimes spéciaux sont très coûteux pour notre système de protection sociale. La loi sur la convergence est a minima : les Français comprendraient fort bien que nous allions plus vite. Peut-être pourrions-nous nous inspirer, sur ce point, des exemples portugais et espagnol. Si nous n'adoptons pas des mesures drastiques pour redresser nos comptes publics, nous allons à la catastrophe.
On est beaucoup plus volontariste quand on est dans l'opposition.
Le Gouvernement propose 50 milliards d'euros d'économies sur trois ans ; le programme de l'UMP, auquel M. Tian n'est peut-être pas tenu, va jusqu'à 100 milliards. Le courage voudrait que vous nous indiquiez clairement par quels moyens, autres que les articles 575 du code général des impôts, vous comptez atteindre un tel chiffre. De ce point de vue, le Président Hollande a heureusement revu à la baisse les objectifs fixés par le Président Sarkozy.
L'UDI ne propose pas 100 milliards d'économies, mais un retour à l'équilibre des comptes. Nous sommes également soucieux de l'équité, d'où ces amendements.
La Commission rejette successivement les amendements AS29, AS27 et AS68.
Section III Dispositions relatives à la trésorerie
Article 8 : Confirmation de l'habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l'emprunt
La Commission adopte l'article 8 sans modification.
Puis elle adopte la première partie du projet de loi modifiée.
DEUXIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES
Article 9 : Non revalorisation exceptionnelle de certaines prestations sociales
La Commission est saisie des amendements identiques AS6 de M. Jean-Pierre Door, AS13 de M. Dominique Tian, AS24 de M. Francis Vercamer, AS33 de Mme Jacqueline Fraysse et AS78 de M. Jean-Louis Roumegas.
Quelques mois après le vote de la loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraite, qui reportait du 1er avril au 1er octobre 2014 la revalorisation des pensions, ce projet effectue un nouveau report d'un an. Plutôt que de raboter certaines prestations, on pourrait réformer le système lui-même. Le gel envisagé pénalisera le pouvoir d'achat des classes moyennes ; on aurait pu l'éviter en adoptant les propositions que nous avions défendues lors de la dernière réforme des retraites, à commencer par le report de l'âge légal de départ à la retraite.
Je ne doute pas que, au nom du principe de justice qui l'anime, le rapporteur soutiendra l'amendement.
Comment peut-on récidiver, avec ce gel des pensions supérieures à 1 200 euros par mois, niveau de revenus aujourd'hui bien faible ? Je ne m'explique pas davantage, au vu des prix du marché, le gel de l'allocation logement, par définition destinée aux familles extrêmement modestes. Ces mesures sont incompréhensibles si on les compare aux dépenses consenties en faveur des entreprises.
À l'occasion de la réforme des retraites, plusieurs membres des différents groupes de la majorité s'étaient opposés au report de la revalorisation des pensions. L'article 4 qui le prévoyait avait ainsi été supprimé à deux reprises avant d'être rétabli par le Gouvernement, accompagné d'un geste en faveur des pensions les plus modestes.
Or, de nouveau, ce texte prévoit un gel des pensions de plus de 1 200 euros et un curieux « demi-gel » pour les pensions entre 1 200 et 1 205 euros afin d'éviter les effets de seuil. De surcroît, d'importants problèmes d'application se posent qui n'ont donné lieu qu'à des réponses évasives de la part de la ministre.
Surtout, dix-huit mois de gel des pensions modestes, destinés à financer des aides inconditionnelles aux entreprises, représentent, compte tenu du niveau de l'augmentation du coût de la vie, une perte de pouvoir d'achat sèche d'au minimum 3 %. Il est inacceptable de demander des efforts aux plus modestes sans exiger aucune contrepartie des entreprises.
Le gel de l'allocation familiale de logement, destinée aux familles très modestes, est également incompréhensible. Vous économisez 35 millions d'euros, à comparer aux 4,5 milliards d'exonérations de charges accordées aux entreprises. Ce décalage ne peut que nourrir un sentiment d'injustice chez les Français.
Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à la suppression de l'article 9.
Les arguments qui ont été développés appellent de ma part trois précisions.
Le groupe SRC a répondu par avance à certains d'entre eux en obtenant la préservation du pouvoir d'achat des retraités percevant une pension inférieure à 1 200 euros. Dans le projet initial du Gouvernement, seul le minimum vieillesse était revalorisé.
En outre, j'ai déposé, comme le groupe SRC, un amendement pour revenir sur l'absence de revalorisation de l'allocation de logement familiale.
Enfin, les prévisions d'une inflation modérée permettent de relativiser l'absence de revalorisation qui aurait représenté un coefficient de 0,6 % en 2014. L'effort demandé paraît supportable, à condition, j'en conviens, qu'il ne soit pas prolongé dans le temps. Le Gouvernement n'en a pas l'intention : dans ses prévisions, l'économie réalisée en 2015, d'un montant d'1 milliard d'euros, n'augmente pas les années suivantes.
Quant à l'application, ce n'est pas le gel qui pose problème mais sa non-application aux bénéficiaires des pensions inférieures à 1 200 euros. Le Gouvernement a choisi d'utiliser pour ce faire le répertoire des échanges inter-régimes. Ce répertoire, qui existe déjà, doit être revu pour assurer l'interopérabilité des systèmes des différents régimes de retraite nécessaire à la mise en oeuvre de la mesure. La solution alternative aurait consisté à mettre en place un crédit d'impôt, mais cela supposait d'attendre de connaître les revenus déclarés pour 2013.
En conclusion, je vous propose de rejeter les amendements de suppression.
Les arguments du rapporteur ne nous ont pas convaincus.
Lors de l'examen du projet de loi sur les retraites, une partie de la majorité avait exprimé des doutes sur l'absence de revalorisation pendant six mois des pensions, allant jusqu'à voter un amendement de suppression de cette mesure. Aujourd'hui, le texte prévoit un gel de dix-huit mois. Rappelons également qu'une contribution supplémentaire a été mise à la charge des retraités – de 0,15 % en 2013 et 0,3 % en 2014 – afin de financer la réforme de la dépendance à venir. C'est une double peine que vous leur infligez !
Comment les Français peuvent-ils avoir confiance alors que les dispositifs sont régulièrement remis en cause et qu'un gel peut intervenir à tout moment ? Voilà une autre conséquence préoccupante de ces décisions, qui finissent par bloquer l'économie et nourrir l'inquiétude des Français.
Enfin, où est le pacte de solidarité auquel vous faites sans cesse référence quand vous introduisez, avec l'article 9, une mesure aussi néfaste pour le pouvoir d'achat d'un grand nombre de retraités ?
Le gel des pensions n'a aucun rapport avec le CICE ; il s'agit d'un problème de trésorerie de l'État. Vous menez une politique de rabot la plus antisociale qui soit. Vous ne faites aucun choix, ni de gestion ni de structure. Voyez l'Espagne et le Portugal qui, dans la difficulté, grâce à des choix courageux, ont vu leur économie repartir.
Nous contestons le recours au rabot dans tous les domaines – le logement, les handicapés, les retraites. C'est la raison pour laquelle nous voterons ces amendements. Les retraités ne doivent pas faire les frais de votre politique sans vision. Nous refusons que vous vous attaquiez aux plus faibles et à leur pouvoir d'achat.
Vous aviez moins de scrupules lorsque vous avez voté les franchises médicales et les forfaits !
Monsieur Tian, à vous entendre citer en exemple le Portugal et l'Espagne, j'attendais de votre part la proposition d'une baisse de 15 ou 20 % des prestations, qui aurait, en outre, été plus cohérente avec vos actes passés et avec le fond de votre pensée.
Les interrogations sur le bien-fondé du gel des prestations sociales traversent tous les groupes parlementaires, car cette décision est difficile. Je suis convaincu que nous aurions avantage à poursuivre la discussion avec le Gouvernement pour éviter le recours au gel des prestations sociales. C'est ainsi que certains d'entre nous ont refusé d'adopter la suppression de la C3S, considérant qu'un simple report ou une application partielle de la mesure permettrait de dégager les financements pour l'ensemble des prestations dont le gel est prévu dans le PLFRSS ou dans le prochain PLFSS.
Nous pouvons probablement faire un autre choix. Le dialogue avec le Gouvernement mérite d'être poursuivi jusqu'au débat dans l'hémicycle.
M. Paul a parfaitement illustré la logique constructive dans laquelle nous nous inscrivons.
Contrairement à l'impression donnée par M. Tian, il est possible d'appartenir à la majorité, de se préoccuper de l'équilibre des comptes et de la compétitivité, sans pour autant en faire payer le prix de manière injuste aux bénéficiaires des pensions de retraite.
Monsieur Tian, puisque vous avez annoncé votre intention de voter les amendements susceptibles de mettre en difficulté le Gouvernement, vous devez être satisfait.
Si le Gouvernement est inhumain et antisocial, il est normal que nous soyons favorables à la suppression des mesures qu'il propose.
Le projet de loi doit être replacé dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité qui porte à la fois sur le budget de l'État et sur celui de la sécurité sociale.
Au moment même où nous discutons de cet article, doivent être votés en séance, dans le projet de loi de finances rectificative, des allégements d'impôt sur le revenu pour les plus modestes ainsi qu'une exonération de taxe d'habitation.
Permettez-moi de rappeler qu'en 2008, l'opposition a voté la suppression de la demi-part pour les veuves, ce qui a eu pour conséquence de rendre nombre d'entre elles imposables et sur le revenu et au titre de diverses taxes. La majorité d'hier ne faisait pas preuve d'autant de compassion pour les plus modestes que l'opposition d'aujourd'hui.
L'opposition cherche à tout prix à mettre en difficulté le Gouvernement mais elle est bien plus discrète sur les 100 milliards d'euros d'économies qu'elle prétend faire pour redresser les comptes publics.
Pour finir, je ne peux pas souscrire à l'intervention de M. Paul. Le dialogue avec le Gouvernement ne peut pas consister à mettre celui-ci en difficulté en joignant sa voix à celle de M. Tian. Je propose de rejeter ces amendements, ce qui n'empêchera pas la poursuite du dialogue avec le Gouvernement.
La suppression de la demi-part pour les veuves était une initiative de la commission des finances, contre laquelle les membres de la commission des affaires sociales s'étaient élevés. Cette mesure n'avait donc pas été votée par l'ensemble de la majorité de l'époque.
Je n'ai pas pour ambition de mettre en difficulté le Gouvernement ; mon propos est de veiller à ne pas aggraver l'injustice sociale. À cet égard, la proposition de Christian Paul me paraît raisonnable et de nature à atténuer l'impact de la mesure sur les catégories sociales en difficulté.
Je ne partage pas l'analyse du rapporteur : la commission peut voter ces amendements sans mettre en difficulté le Gouvernement. Celui-ci pourra faire valoir son avis en séance. Je maintiens mon amendement.
Ce n'est pas la première fois que nous nous opposons au Gouvernement sur la question de la revalorisation des pensions. Nous avions déjà combattu le report prévu dans le projet de loi sur les retraites. En votant les amendements de suppression du gel des petites pensions, nous ne prétendons pas nous ériger en chevalier blanc ; nous sommes cohérents.
Le rapporteur est trop averti pour avoir pu, un instant, déduire de mes propos notre intention de voter ces amendements.
Le vote des amendements et la suite de la discussion sont renvoyés à la prochaine réunion de la Commission.
La séance est levée à vingt heures dix.