La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 113 à l’article 1er.
suite
L’ambition de la politique de la ville ne peut se résumer à la réduction des inégalités. Son objectif doit être de les supprimer, ce qui n’est pas pareil.
Prenons l’exemple de l’Île-de-France, deuxième région européenne la plus riche qui, pourtant, connaît plus que toute autre des inégalités flagrantes. Depuis des décennies, on constate une fracture entre l’est et l’ouest parisien. Le produit intérieur brut des Hauts-de-Seine est trois fois supérieur à celui de la Seine-Saint-Denis. Le revenu fiscal moyen par foyer est de 90 486 euros à Neuilly-sur-Seine contre 23 041 euros à Sevran, alors que le taux de taxe d’habitation est excessivement élevé dans cette dernière ville, puisqu’il s’élève à 25 %, contre 5 % à Neuilly.
Voilà pourquoi nous affirmons une position claire, et conforme à l’article 1er, en précisant qu’il ne faut pas se contenter de réduire les inégalités mais qu’il convient de les supprimer.
La parole est à M. François Pupponi, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.
Nous pouvons tous partager cette volonté-là mais peut-être, cet amendement est-il un peu incantatoire… Je vous propose donc de le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville, pour donner l’avis du Gouvernement.
Je partage l’avis du rapporteur. Ce projet de loi se veut à la fois structurel et pragmatique. Si nous réduisons fortement les inégalités d’ici à la fin de ce quinquennat, nous aurons déjà beaucoup fait par rapport à la situation que nous connaissons depuis trente ans. Je vous demande également de bien vouloir retirer votre amendement, sinon je serai défavorable à son adoption.
J’aimerais vous être agréable, monsieur le ministre, mais je ne peux pas le retirer. La République doit entrer dans ces quartiers défavorisés !
La réduction des inégalités, c’est un objectif a minima : il faut les supprimer ! C’est ce que veut notre Constitution, et c’est un besoin absolu pour les banlieues. Je maintiens donc cet amendement.
L’amendement no 47 n’est pas adopté.
Nous sommes tous d’accord pour dire que, malgré un bon travail en commission, la rédaction finale des alinéas 4 à 7 était un peu lourde.
Je propose donc de réordonner le tout et, comme cet amendement ferait tomber les suivants, je donne d’ores et déjà un avis favorable aux sous-amendements no 135 , de M. Hammadi et de son groupe, concernant la revitalisation de l’offre commerciale, et no 137, de Mme Abeille, concernant les supports et usages numériques.
Le sous-amendement no 137 concerne le numérique et la nécessité de réduire la fracture numérique. Il nous semble important de réintroduire cette dimension dans le texte.
Le sous-amendement no 138 se réfère quant à lui au droit à un environnement sain tel qu’il est reconnu dans la Charte de l’environnement. Il nous semble là encore extrêmement important d’y faire référence puisqu’il n’est pas question de la préservation de la biodiversité dans tout ce paragraphe, ce que l’on peut d’ailleurs regretter. Nous tenons donc beaucoup à ce que la notion d’environnement figure dans ce texte car elle est essentielle à la politique de la ville.
La parole est à M. Yves Blein, pour soutenir le sous-amendement no 135 .
La politique de la ville doit être active dans les questions de revitalisation commerciale et de diversification de l’offre commerciale dans les quartiers.
Quel est l’avis de la commission, même si vous en avez déjà partiellement fait part ?
Je suis donc favorable aux sous-amendements nos 137 et 135 mais défavorable à l’adoption du no 138, si vous ne le retirez pas, madame Abeille. Nous sommes tous d’accord sur le droit à un environnement sain et certes, l’article 1er reconnaît l’ensemble des droits dont bénéficient ces quartiers, mais s’il fallait les lister un à un, la rédaction en ressortirait encore plus complexe qu’elle ne l’est déjà. On ne s’en sortirait pas !
Je trouve la majorité un peu sévère avec elle-même, s’agissant de cette suppression de la référence à l’environnement, mais nous vous laissons débattre entre vous.
D’un mot, je rappelle qu’avec Mme Lacroute, M. Tetart et d’autres collègues nous avions déposé un amendement d’appel visant à réécrire l’alinéa 4.
Par ailleurs, et contrairement à ce que le rapporteur vient d’affirmer, l’amendement no 10 et ses sous-amendements montrent bien combien il aurait été nécessaire de revenir en commission pour travailler sérieusement, puisque nous n’en avons pas eu le temps, à la réécriture du principal message politique que ce texte veut porter à nos concitoyens via les élus locaux. Le bien-fondé de ma motion de renvoi en commission, exposée ce matin, est patent.
La réécriture de cet alinéa 4 est opportune, nous l’avons d’ailleurs tous dit. Nous étions en particulier mal à l’aise devant sa longueur. C’est donc plutôt une bonne chose.
Vous ne reprenez pas dans toute son ampleur l’annexe 1 de la loi de 2003, dont j’ai parlé ce matin, qui fait référence à un certain nombre de critères concernant l’état local ou les collectivités elles-mêmes, ce qui permet de mettre en évidence les thèmes sur lesquels les écarts entre les différents quartiers devraient être appréhendés.
Il n’en reste pas moins que la rédaction que vous proposez est lisible, ce qui est un gros avantage par rapport à ce qu’était l’alinéa 4. Je voterai donc votre amendement.
Comme je soupçonne que des amendements à venir tomberont avec l’adoption de l’amendement no 10 , je salue maintenant l’effort de rédaction qui a été accompli, mais qui demeure très scolaire même s’il a permis d’ordonner en paragraphes des dispositions qui étaient très mêlées. Je note au passage que vous en profitez pour ajouter dans le texte une ou deux choses qui ne figuraient pas dans la version initiale.
Mais enfin, ce qui est grave, me semble-t-il, c’est qu’à force de vouloir être exhaustif, on fait perdre de sa force au message que l’on veut faire passer. Finalement, on a l’impression que ce qui ne figure pas explicitement dans le texte devient de moindre importance, voire négligeable ! Lorsque, dans un discours, on cite beaucoup de gens, ceux qui sont oubliés se sentent floués. C’est un peu pareil.
En outre, je crois vraiment que le développement économique est très important. Or, comme je l’ai dit ce matin, l’alinéa 5 se contente de préciser que la politique de la ville s’accompagne de mesures permettant de le stimuler. J’aurais préféré que l’on insiste sur ce point plutôt que de se livrer à une énumération, à laquelle on aurait encore pu ajouter l’économie circulaire et des tas de choses que l’on est en train d’inventer.
Je ne voterai donc pas cette modification purement de forme qui n’apporte rien à la rédaction initiale.
La parole est à M. Dominique Baert, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Notre rapporteur a donc réécrit les alinéas 4 à 7 de l’article 1er. La commission des finances souscrit à cette rédaction qui reprend des amendements qu’elle avait retenus, en particulier en matière égalité réelle d’accès au droit, d’importance attachée à l’éducation, d’accès aux soins et de développement économique.
La parole est à M. Philippe Bies, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Je ne prendrai pas souvent la parole mais à mon tour, au nom de la commission du développement durable, je note que si l’effort peut paraître scolaire, il n’en reflète pas moins les travaux de notre commission puisque nos amendements y ont été intégrés. Il s’agit de questions importantes politiquement, puisque la précarité énergétique et la ville durable sont désormais prises en compte dans les objectifs de la politique de la ville, ce qui n’était pas forcément le cas avant.
Je ne crois pas qu’il soit si mauvais de lister des engagements. Évidemment l’exhaustivité n’est pas possible, mais il me semble nécessaire de rappeler les engagements pris. Qu’il y en ait un de plus ou un de moins n’a pas d’importance : l’important, c’est le contenu final.
Pour ma part, je trouve cette rédaction très bonne. Un élément essentiel fait néanmoins défaut : la mention de l’environnement dans lequel nous vivons. Il est vrai que l’amélioration de l’habitat est importante, de même que l’accès aux soins constitue une donnée fondamentale, ou l’accès aux transports, le développement économique et l’emploi local. Ce sont là autant de fondements pour la réussite de la politique de la ville.
Mais la question de l’environnement ne doit pas être mise de côté. Je me permets vraiment d’insister sur cet aspect-là. Accéder aux soins, c’est bien, mais il faut aussi vivre dans un environnement qui soit aussi sain que possible ! J’insiste donc sur cette notion d’environnement sain, qui est un souci pour l’ensemble de la commission du développement durable. Je crois que nous pouvons le partager sur l’ensemble de ces bancs et faire en sorte que cette question devienne l’un des points importants de la politique de la ville, au même titre que les autres, ou qu’elle soit au moins mentionnée. L’inverse serait extrêmement dommageable.
Pour répondre à M. Richard d’abord, je n’ai pas bien compris : souhaite-t-il qu’un document du type de l’annexe 1 figure dans la loi tout en aspirant à une simplification du texte ?
Je viens d’en prendre connaissance : son contenu est très précis et je ne vous en ferai pas la lecture exhaustive. Dans le paragraphe visant la réduction du nombre d’infractions portant le plus atteinte au sentiment de sécurité, il vise les atteintes aux personnes – coups et blessures, menaces et injures, les atteintes aux biens privés – vols et dégradations de véhicules privés et cambriolages, les atteintes aux services d’intérêt collectif, les agressions en milieu scolaire, le trafic de stupéfiants, les mauvais traitements et abandons d’enfants… Manquent les agressions sexuelles !
Vous comprenez bien qu’il n’était pas possible de reproduire un tel inventaire dans la loi. Le débat en commission a été très riche et je partage le souci du rapporteur d’essayer de ramasser les alinéas 4 à 7. Sa présentation me semble suffisamment complète.
S’agissant du sous-amendement no 138 , je rappelle que l’article 1er dispose que la politique de la ville concourt à la promotion de la ville durable. Il serait certes possible, comme dans l’annexe, de détailler ce qu’est la ville durable, mais je ne suis pas certain que notre après-midi y suffirait ! Il me semble que l’on peut considérer que votre préoccupation est satisfaite, madame Abeille. Et je m’y connais !
Sourires.
Par rapport à l’alinéa 4 qui est ressorti de nos débats en commission, mon amendement no 10 rajoute la mention de la ville durable et de la lutte contre la précarité énergétique. La nouvelle rédaction prend ainsi en compte vos demandes justifiées. Aller plus loin reviendrait à alourdir un texte qui l’est déjà. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, d’autant que nous aurons l’occasion de reparler de toutes ces problématiques importantes pour ces territoires lorsque nous discuterons de l’ANRU. À défaut, je maintiens mon avis défavorable.
Le sous-amendement no 137 est adopté.
Le sous-amendement no 138 n’est pas adopté.
Le sous-amendement no 135 est adopté.
Cet amendement est important. Nous avons eu en commission un débat riche sur la participation, mais il n’a pas abouti. Tout le monde était d’accord ce matin, pendant la discussion générale, pour dire que les citoyens doivent être mis au plus près du projet qui concerne leur quartier, pas seulement au moment de sa réalisation mais aussi en amont. Mais si nous sommes tous d’accord là-dessus, le débat est resté confus, et c’est pourquoi il aurait été intéressant que nous poursuivions nos travaux en commission, sur les rôles respectifs du conseil municipal, de l’intercommunalité – des amendements vont semble-t-il clarifier cette question – du conseil de citoyens et de la maison de projets, sachant que vont encore se superposer à cela les conseils de quartier pour certaines strates de la population.
Nous l’avons tous dit ce matin : il faut veiller à ce que la concertation ne soit pas brisée là où elle a fonctionné par le passé, et il faut l’améliorer là où elle n’a pas été suffisante.
Mais il faut également veiller à ce que la superposition des structures ne les rende pas inutiles. Si nous avons bien compris, certains quartiers vont désormais compter deux structures citoyennes. De deux choses l’une : ou bien ce sont les mêmes personnes qui y siégeront, et ce n’est pas bien sérieux, ou bien ce sont des personnes différentes, et elles risquent de s’opposer et de paralyser l’action.
Peut-être cela permettra-t-il au maire ou au président de l’EPCI de faire ce qu’il veut. Pour notre part, et c’est l’objet de notre amendement, nous souhaiterions que les choses soient claires et simples : un conseil par quartier, composé de citoyens élus, et qui soit l’interlocuteur à la fois du maire et du président de l’EPCI. C’est tout simplement une affaire du bon sens.
Il est vrai, monsieur Saddier, que nous avons eu un long débat en commission sur ce sujet, et je suis sûr que nous en débattrons à nouveau longuement cet après-midi.
Il existe des structures de démocratie participative, que chacun a appelé comme il l’a souhaité : comités de quartier, conseils de quartier… Et il y a des élus exemplaires, dont vous faites partie, qui ont animé la démocratie dans leur ville pour faire en sorte que les projets urbains ou sociaux proposés soient discutés, négociés et acceptés par les habitants.
Malheureusement, ce n’est pas le cas partout. Et de toute façon, les habitants ont besoin de se retrouver, d’être formés et de bénéficier de l’avis d’experts. Pour m’y être moi aussi essayé, je peux vous dire que lorsque des architectes urbanistes viennent présenter à des habitants le projet urbain du quartier à rénover, il est rare que tout le monde se comprenne. Les techniciens et les habitants ne tiennent pas toujours le même langage. Il importe donc de former les habitants et de les éduquer à certaines disciplines qu’ils ne maîtrisent pas toujours : tel sera le rôle du conseil citoyen, qui n’enlèvera rien aux élus.
Des problèmes de rayon pourront se poser, c’est vrai, mais en déposant cet amendement en commission, où il a été accepté, le Gouvernement a voulu faire un pari ambitieux, celui de multiplier les lieux du dialogue, de la formation et de la concertation. Ce pari ambitieux, je suis convaincu qu’on peut le gagner, et c’est pourquoi je donnerai un avis défavorable à votre amendement.
Je partage l’avis du rapporteur sur cette question importante. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Saddier, lorsque vous dites que cette question n’a pas été tranchée en commission : elle l’a été, et le texte de la commission est là pour en témoigner. Nous avons débattu sur le nom des conseils, mais pas sur la nécessité de les mettre en oeuvre partout où il y a des quartiers prioritaires.
Vous avez fait référence aux comités de quartier de la loi Vaillant, mais vous savez très bien que cette loi ne définit pas les périmètres des quartiers et que c’est aux maires ou aux conseils municipaux qu’il revient de le faire. Or ils ne sont pas nécessairement calqués sur les périmètres de la politique de la ville, et je peux vous citer plusieurs cas où les habitants des quartiers prioritaires sont sous-représentés au sein des comités de quartier.
Il est nécessaire d’avoir des comités citoyens pour toutes les opérations de rénovation urbaine, pour les raisons qu’indiquait le rapporteur. Il importe en outre de définir une méthodologie : nous ne saurions nous contenter d’une simple réunion d’information le soir ! Ceux d’entre vous qui sont maires savent bien d’ailleurs que les réunions du soir ne sont pas idéales pour ceux qui se lèvent à cinq heures du matin pour aller travailler… Il faudra donc que nous trouvions d’autres méthodes et d’autres façons d’agir. Le ministère de la ville va dégager des moyens pour concourir au fonctionnement des conseils citoyens, mais aussi à la formation des habitants et des professionnels qui vont être amenés à travailler avec eux. Il s’agira bien, à chaque étape, d’une coconstruction.
Je fais confiance aux maires pour adapter ce dispositif dans leur commune et je laisse ouvertes les modalités d’organisation, même si nous leur proposerons une méthodologie. Je fais totalement confiance pour cela aux élus locaux, mais il ne faudrait pas que les choses continuent de se passer comme aujourd’hui : on fait une réunion un soir pour présenter les opérations de rénovation urbaines, on accroche trois panneaux dans la mairie et on considère que les habitants ont été associés et qu’il y a eu concertation ! Ce n’est plus possible. Avis défavorable.
Pour moi, la grande novation de ce conseil citoyen, c’est qu’il ne va pas compter que des représentants des habitants, mais aussi des acteurs locaux. Il importe en effet de ne pas réduire la politique de la ville et la négociation dans les quartiers prioritaires à une simple relation entre le maître d’ouvrage, le politique et les habitants. Mais pourquoi, au lieu de partir des conseils de quartier, ajouter un nouvel échelon, dont on a l’impression qu’il va minorer le rôle qu’avaient jusqu’ici ces conseils ? Il faut toujours partir de l’existant !
Monsieur le ministre, comme ce matin à propos de l’intercommunalité, vous venez de parler de confiance. Mais à chaque fois que vous dites cela, vous édictez des règles pour encadrer la liberté que vous prétendez donner aux gens. Il faudra certainement, à la fin de ce texte, ajouter un article créant un conseil d’explication et de coordination des initiatives que nous sommes en train de multiplier !
Nous trouverions intéressant d’élargir les comités de quartiers, en y introduisant des opérateurs locaux et des acteurs économiques, mais nous sommes défavorables à la multiplication des structures, qui donne l’impression à celles qui existent qu’on les jette aux oubliettes.
C’est une question à la fois de philosophie et de pragmatisme. Il s’agit d’abord d’un problème de philosophie politique : la République est une, indivisible et laïque, mais elle doit aussi être sociale et civique. Or ceci s’organise. Ce n’est jamais spontané. On sait très bien, d’ailleurs, que c’est dans ces quartiers que l’on enregistre le plus fort taux d’abstention, ce qui n’est pas un hasard. C’est dans ces quartiers que se trouvent de nombreux enfants particulièrement défavorisés, qui font l’objet d’un suivi particulier. C’est dans ces quartiers que l’on recense des personnes qui ne sont plus inscrites comme demandeurs d’emploi parce qu’elles ne font pas les démarches nécessaires. C’est dire s’il nous paraît important que le politique, et surtout la loi, s’empare de ces sujets, afin précisément de corriger les inégalités du territoire.
Ce que vous nous proposez, monsieur Saddier, c’est de faire confiance à la spontanéité et à la nature, mais les choses ne sont pas aussi simples que cela. On sait très bien qu’il y a des endroits où les choses seront organisées, soit parce que des intérêts politiques sont en jeu, soit parce que certains y ont un intérêt personnel. Nous ne voulons pas que ces conseils citoyens soient pris en charge par d’autres que ceux qui habitent le quartier. Ce que nous voulons, c’est organiser les choses afin que les procédures qui concernent l’ensemble des citoyens du quartier soient prises en charge par les conseils citoyens.
Le débat qui a eu lieu en commission a été très clair, comme M. le ministre l’a rappelé, et il a abouti à cette conclusion, qui a fait quasiment l’unanimité.
Comme le débat a déjà été important en commission sur ces sujets, je serai bref. J’avais moi-même plaidé auprès du ministre et du rapporteur pour introduire des éléments de souplesse concernant le fonctionnement et la composition des conseils à mettre en place. Nous avons débattu et trouvé des formules, sur lesquelles je ne reviens pas, car elles me conviennent.
Les éléments de souplesse auxquels vous appelez pour votre part au travers de cet amendement visent en réalité au statu quo.
Il s’agit en fait de laisser la possibilité aux élus, et notamment aux maires, qui seraient hostiles ou réticents à la concertation et à la mise en oeuvre de démarches de participation citoyenne, de s’appuyer sur une disposition qui empêcherait toute action.
Et aux conservateurs !
Je ne sais pas si c’est une question de conservatisme… Peut-être, effectivement, n’y a-t-il pas eu suffisamment de dispositifs de concertation et d’échanges avec les citoyens et les habitants au moment de la loi de 2003. C’est possible. Un certain nombre de maires ont tout de même introduit des formes de concertation, et je peux vous dire que ceux qui ne l’ont pas fait ont été battus : j’en ai quelques exemples dans mon département.
Je rappellerai simplement ce que j’ai dit en commission : le terme de coconstruction ne veut rien dire, sauf si vous le définissez juridiquement, monsieur le ministre. On se fait plaisir, voilà tout. On fait plaisir à tout le monde, tout le monde va être content, mais ça ne veut rien dire ! Devant un tribunal administratif, les associations d’habitants seront donc fondées à demander au juge de statuer, le juge donnera sa définition de la coconstruction et nous devrons tirer en tirer des conséquences politiques. Nous allons nous en mordre les doigts, si nous n’y réfléchissons pas sérieusement.
Pour ma part, je suis tout à fait favorable à des dispositifs de concertation, comités ou conseils. C’est une très bonne chose ; ceux qui le font sont réélus et ils présentent souvent de bons projets. Trop souvent, vous le savez mieux que moi, on a pris la décision de détruire des barres parce que cela arrangeait le bailleur, sans consulter les habitants ! La concertation, c’est donc très bien, François Pupponi est peut-être même allé plus loin, c’est son droit, et je pense que les choses se passeront bien pour lui aux prochaines élections !
Sourires.
Vous nous parlez, monsieur le ministre, de méthodologie. Alors dites-nous quelle forme de méthodologie vous allez proposer aux collectivités : les membres du conseil citoyen seront tirés-ils au sort, désignés par le maire, volontaires ? Les maires doivent savoir, puisque c’est à eux qu’il reviendra de mettre en oeuvre cette coconstruction et ces conseils citoyens, quelle méthodologie vous proposerez à celles et ceux qui signeront les contrats de ville.
Monsieur Richard, une méthodologie sera proposée par les préfets, qui négocieront les contrats de ville en tant que représentants de l’État. Beaucoup de choses sont envisageables, mais je veux rester fidèle à la manière dont j’ai travaillé depuis plus d’un an : nous disposons, jusqu’aux élections municipales, de plusieurs mois pour travailler avec les élus, les représentants du monde associatif et ceux qui ont fait ces propositions.
En l’état actuel des choses, il faut que nous trouvions une méthodologie qui prenne en compte l’existant.
Mais je l’ai toujours dit, monsieur Saddier ! Y compris en matière de périmètre.
Mais je ne veux pas que le périmètre retenu fasse que les habitants du quartier prioritaire se retrouvent en minorité. J’ai quelques exemples de ce que cela peut entraîner, notamment pour l’implantation d’un tramway : il y a des habitants de quartiers privilégiés qui ne souhaitent pas voir passer le tramway devant chez eux, non pas à cause des travaux mais parce qu’ils ne souhaitent pas voir passer les habitants du quartier d’à côté, qui seraient même susceptibles de descendre à la station de leur quartier !
Voilà les effets pervers que je veux éviter.
Il faudra donc trouver une méthodologie permettant de regrouper les différents acteurs du quartier : associations de proximité, représentants du centre social quand il existe et même l’association des commerçants de proximité, qui joue souvent un rôle qui dépasse la simple activité économique, presque un rôle de service public. Et peut-être, en tout cas je le souhaite, pourrait-on également y faire siéger des citoyens tirés au sort. C’est la façon de garantir que la composition ne soit pas trop téléguidée.
Cette méthodologie sera mise en oeuvre et négociée avec les élus dans le cadre des contrats de ville. Et d’ailleurs, qu’auraient dit MM. Saddier et Richard si j’avais proposé la méthodologie complète dans la loi ? On m’aurait reproché de l’imposer aux maires et aux élus !
Mais non, pas besoin ! Je pense proposer une méthode permettant l’adaptation, sans que l’on en reste au statu quo que vous souhaitez, c’est-à-dire rien de bon.
L’amendement no 20 n’est pas adopté.
Mes chers collègues, je vous rappelle que cent vingt amendements sont en discussion et que nous avons passé une demi-heure sur six d’entre eux. Le règlement de notre assemblée ne prévoit pas de multiples prises de paroles. Il est normal que tout le monde soit passionné sur un tel texte, mais je vous rappelle au règlement.
Je suis saisie de deux amendements, nos 41 et 112 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 41 .
Cet amendement tend à réintroduire la formulation initiale du Gouvernement. Je préfère en effet la formule « conseils de citoyens » à celle de « conseils citoyens ». Je sais qu’un long débat s’est tenu sur ce sujet.
Si cela nous semble extrêmement important, c’est parce que le choix des mots a un sens. Parler de conseils de citoyens, ce n’est pas tout à fait la même chose : ce sont tous les habitants du quartier qui y participent, parce qu’ils sont considérés comme des citoyens. Il me paraît dommage d’avoir réduit la portée de ce texte en enlevant ce petit « de » qui renforce l’idée de coconstruction, de participation de toutes et de tous, sans exclusive. Je vous invite donc à rétablir la formulation initiale du Gouvernement, qui me semble la bonne.
Chers collègues, nous sommes en train d’écrire la loi. Il faudrait que les choses soient claires. Le ministre ne m’a pas répondu tout à l’heure sur la définition de la coconstruction. Je ne lui en veux pas du tout, car nous étions en train de passer au vote. Il va certainement le faire, quand il aura trouvé une présentation juridique de ce concept. Mais, monsieur le ministre, nous ne sommes pas en train d’écrire un discours politique. Nous écrivons dans la loi un mot qui n’existe pas, et qui sera attentivement étudié par les juges. Je ne sais pas ce qu’est la coconstruction. La construction, je connais, pas la coconstruction.
À moins que vous ne fassiez référence à la coproduction législative, de la précédente législature ? En tous les cas, si vous pouviez définir ce terme, qui figure à l’article 1er de cette loi et qui fera donc partie désormais de la définition de la politique de la ville, j’en serais heureux.
Pour ce qui est du conseil de citoyens, nous sommes passés aux « conseils citoyens » par un jeu sémantique assez habile qui ne semble pas convenir à Mme Abeille. Pour ma part, j’ai une différence d’appréciation avec le ministre sur ce qu’est la citoyenneté. En cela, je partage l’avis de M. Laurent : pour moi, elle est indissociable de la nationalité. Pour autant, est-il satisfaisant de considérer que seuls les citoyens français pourront participer à ces conseils de citoyens ? Je ne le crois pas.
Il faut que ces conseils regroupent les habitants, c’est évident. Je ne suis donc pas du tout d’accord avec Mme Abeille sur ce point. Le ministre, bien qu’il ne nous ait pas répondu sur la coconstruction, pourra peut-être nous expliquer ce qu’il entend par conseils citoyens ? Je propose pour ma part, par cet amendement, de les appeler conseils des habitants.
Nous avons longuement débattu de ce sujet en commission. Effectivement, juridiquement, la Constitution lie la citoyenneté à la nationalité. La seule évolution juridique que nous ayons connue est le traité de Maastricht, qui a ouvert aux ressortissants de l’Union européenne le droit de vote à certaines élections.
Mais il existe une acception plus large de ce que peut être la citoyenneté. Maintenir « conseils de citoyens », comme le propose Mme Abeille, serait restrictif, car quelqu’un pourrait opposer que seuls peuvent y participer les citoyens français et européens. Or nous ne voulons pas être exclusifs dans ces quartiers qui connaissent justement des problèmes d’exclusion – et je suis convaincu que nous aurons l’occasion de reparler des revendications pour obtenir le droit de vote. Il ne faut donc pas réintroduire cette exclusion dans le conseil de citoyens. C’est pourquoi la commission des affaires économiques a proposé de les intituler « conseils citoyens ».
La proposition de M. Richard, « conseils des habitants », est tout aussi restrictive. Le débat en commission a permis de préciser qu’il faut élargir les conseils à tous les acteurs locaux, qu’ils soient économiques ou associatifs. Se limiter aux conseils d’habitants exclurait de fait les associations, les syndicats et les entreprises. Je pense donc que le conseil citoyen est la bonne formule.
Enfin, s’agissant de la coproduction, la loi de 2003 faisait, elle, référence à la participation.
Le risque juridique était le même ! Dire que les habitants doivent participer à la politique de la ville, ou la coproduire, ce sont des notions juridiques à déterminer. Le risque juridique étant le même, nous préférons le terme de coproduction, car je crois que c’est un symbole plus fort. Avis défavorable sur les deux amendements.
Avis défavorable également. Je ne veux pas prolonger ce débat, il s’est tenu en commission et je rejoins le rapporteur : la citoyenneté renvoie juridiquement à la nationalité. Néanmoins, la différence entre l’habitant et le citoyen est que le citoyen participe à la vie de sa cité.
Non, certains habitants n’y participent pas autrement qu’au moment du vote, et certains ne votent même pas… Vous savez que la citoyenneté sous-tend que l’habitant prend en charge, dans un exercice de coconstruction, une partie de la vie de l’ensemble de la commune. Je ne comprends pas bien l’intérêt de revenir sur ce problème dans l’hémicycle, car il me semble qu’il avait été réglé en commission.
J’ai bien entendu les explications du ministre et du rapporteur, et je pense qu’il est important que la notion de citoyenneté évolue.
C’est le sens de l’histoire et peut-être pourrons nous y contribuer dans ces conseils, qui pourront être le reflet de ce que seront les conseils municipaux ou d’autres assemblées lorsqu’ils ne comprendront pas que des citoyens français, mais aussi des étrangers qui vivent dans le quartiers et qui y paient leurs impôts.
Quant à la coconstruction, cela existe. Ceux qui essaient de travailler à la démocratie participative dans les quartiers connaissent cette notion, et la pratiquent. Cela veut dire que l’on construit ensemble. Au lieu de construire pour quelqu’un, on construit avec quelqu’un. Cette notion-là doit figurer dans la loi, comme nous avions il y a quelques années introduit des notions de participation qui n’avaient pas encore été réellement mises en oeuvre. Je salue cette avancée très importante issue des travaux en commission et je me félicite que la loi fasse désormais référence à la coconstruction. Je maintiens malgré tout mon amendement en guise d’appel sur les questions de la citoyenneté.
Pour ce qui est de la citoyenneté, nous avons dit en commission que le problème était son lien juridique avec la nationalité. Mais, et c’était aussi vrai pour le débat précédent, cela soulève un autre sujet : l’idée de faire un conseil spécifique lié aux quartiers prioritaires. La question, c’est de savoir si les conseils doivent être composés uniquement de citoyens ou d’habitants, ou s’ils doivent aussi compter des élus. C’est le vrai sujet. Si l’on fait siéger les élus, et cela me semble nécessaire si l’on veut faire de la coconstruction ou de la coproduction, même si l’élu n’habite pas le quartier, cela résoudrait le problème soulevé tout à l’heure par nos collègues : cela peut correspondre à leurs conseils de quartier, qui n’étaient pas définis par la loi Vaillant.
Ce texte se contente de spécifier qu’il doit y avoir une structure de concertation et de coproduction par quartier. C’est d’ailleurs précisé à l’article 5. Mais le vrai débat qu’il faudra clarifier, à cet article 5, c’est de savoir si les élus y siègent ou pas.
« Conseils citoyens », « conseils de citoyens », « conseils des habitants »… Cela confirme ce que nous disions tout à l’heure : quelle nécessité y a-t-il à créer une instance supplémentaire alors que les conseils de quartier existent ?
Dans les villes de plus de 80 000 habitants !
Leur périmètre n’est pas clairement défini, mais c’est aussi la valeur ajoutée de cette instance : pourquoi créer un conseil citoyen, ou de citoyens, sur un périmètre défini, ce qui va revenir à stigmatiser encore plus ce quartier, alors que les conseils de quartier ont un périmètre plus large, permettant d’intégrer les habitants qui résident à proximité du quartier prioritaire ? Cela permet d’ouvrir encore plus la discussion ! Je trouve dommage que l’on rajoute une couche au mille-feuille, que l’on crée une instance de dialogue de plus alors que le conseil de quartier remplit sincèrement très bien son rôle quand il est bien défini et que les bons acteurs y siègent, les habitants du quartier et ceux des alentours. Là, on a une vraie discussion. Vous allez réduire la discussion aux seuls habitants du quartier, je trouve cela dommage.
La première heure de nos débats cet après-midi montre bien la nécessité de poursuivre le travail en commission. Ce texte n’est pas abouti. Le ministre nous a décrit ce que pourraient être ces conseils citoyens, en allant jusqu’à évoquer un tirage au sort des habitants du quartier. Pourquoi pas, mais cela mériterait que l’on ait un peu plus de temps et que l’on puisse entrer dans les détails !
Je soutiens l’amendement no 112 , car au-delà de se faire plaisir, au-delà même de faire bouger les lignes, nous sommes tout de même ici pour écrire la loi. Les propos d’Arnaud Richard sont pleins de bon sens : nous devons être précis, et l’amendement qu’il propose consiste simplement à respecter la Constitution.
Enfin, madame la présidente, je vous remercie de nous avoir rappelé le fonctionnement de notre institution tout à l’heure. C’est votre rôle. Mais je rappelle que ce matin, le groupe majoritaire a refusé le renvoi de ce texte en commission.
En effet. Le président François Brottes a refusé le renvoi en commission car ce texte valait bien un vendredi entier de débat sur la politique de la ville. J’espère donc que le ministre et le groupe majoritaire sont d’accord avec moi pour prendre ce temps. Madame la présidente, pour la bonne organisation de nos travaux, prévoyez-vous une séance prolongée ou pourrons-nous revenir en séance de nuit ce soir, voire demain ? Est-il possible d’avoir des indications dès maintenant ?
Sur ce sujet, monsieur le ministre, il n’y a pas d’envie d’en découdre. Ce dont je me méfie, c’est d’une « politique des mots » qui entraîne une logorrhée destructrice dans les quartiers. Je l’ai vécu, comme vous, monsieur le ministre, comme Claude Bartolone et bien d’autres avant nous.
Vous parlez des conseils citoyens, ou de citoyens, comme vous voulez. Si, dans le cadre de la coconstruction, le quartier décidait le maintien de la zone franche urbaine, que feriez-vous ?
Mais si ! Évidemment ! Si la coconstruction, c’est du cobavardage, si elle ne s’accompagne d’aucune augmentation financière ni d’aucune politique de soutien réel, alors nous reviendrons à la situation d’il y a quinze ou vingt ans : la stratégie des grands mots. En réalité, les procédures n’auront de participatif que le nom !
Qu’est-ce que la coconstruction ? Si elle n’entraîne pas des financements, des politiques exorbitantes du droit commun, des recrutements spécifiques, c’est du bavardage qui se retournera contre les acteurs qui s’y seront engagés. Voilà ce que vous êtes en train de faire !
Tout cela est extrêmement grave et important. Après la marche d’il y a trente ans, nous avons connu un processus qui avait ses défauts, ses faiblesses mais aussi ses forces. Les quartiers que nous avons créés ont cru à un certain nombre de choses. La concertation n’a pas toujours été parfaite, mais elle a été mise en oeuvre dans tous les programmes – le contraire aurait été impossible. Les ennemis de ces programmes ne sont pas les citoyens, mais les bandes et les trafics. Il a fallu mettre en place des moyens de sécurisation, y compris physiques. Méfiez-vous de l’euphorie ou du délire des mots !
Pardon, madame la présidente. Je n’interviendrai pas souvent,
Je le dis avec beaucoup de sérieux : nous sommes le Parlement de la France, nous édictons des règles de droit. Je refuse un texte qui introduit le mot coconstruction sans le définir. C’est une pure folie.
Selon vous, monsieur le ministre, les « habitants », cela ne représente pas grand chose. Mais ce serait bien préférable, dans votre texte, au système extrêmement flou que vous mettez en place ! Acceptez-vous que la coconstruction aboutisse à préserver le dispositif de zone franche urbaine, qui permet de maintenir le petit commerce, l’infirmière de proximité et le médecin des quartiers ?
M. Borloo en sera convaincu au regard de son expérience ministérielle : la participation des citoyens et des habitants est l’élément constitutif de la réussite de la politique de la ville.
C’est toute l’expérience de ces dernières années, avec des échecs mais aussi des réussites, qui nous le montre.
S’agissant de l’amendement no 41 de Mme Abeille, je considère qu’il ajoute de la confusion, ce qui est la dernière chose dont ont besoin les quartiers populaires et les quartiers de la politique de la ville. La citoyenneté constitue un élément essentiel. Ces quartiers ont besoin de clarté, de République, de repères. De ce point de vue, je ne suis pas favorable à la proposition de réintroduire le terme de conseils « de » citoyens, comme je l’ai déjà dit en commission.
S’agissant de l’amendement no 112 de M. Richard, je ne peux que le partager, à titre personnel,…
… puisque j’ai émis la même suggestion en commission. Je le voterai donc, par cohérence.
Mais de grâce, monsieur Saddier, ne suggérez pas de substituer les conseils de quartier à toute instance de participation.
Ce n’est pas l’objet de l’amendement ! Nous parlons des conseils citoyens !
En effet, la loi dispose que les conseils de quartier ne sont obligatoires que dans les villes de plus de 80 000 habitants. Dans les autres communes, leur mise en place relève du libre choix des élus locaux.
L’intervention de M. Borloo m’amène à rappeler que les zones franches urbaines ont aussi constitué un formidable effet d’aubaine. Je pourrais citer des exemples concrets de pharmacies qui quittent des quartiers sensibles et déménagent en zone franche urbaine pour ne pas payer d’impôts ! Des médecins quittent des quartiers en difficulté pour s’installer en zones franches urbaines ! Des infirmières libérales s’inscrivent en zones franches urbaines et n’y exercent pas !
Parfois, elles vont travailler trente ou quarante kilomètres plus loin, et bénéficient même d’indemnités de transport !
Dans ces conditions, j’approuve tout à fait l’idée de supprimer les zones franches urbaines.
Nous avons déjà eu cette discussion, mais nous allons la poursuivre car elle est importante. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’en reparler à l’occasion d’autres amendements.
Je le répète : pour définir la coproduction…
Pardon, la coconstruction. J’étais même allé plus loin en commission, puisque j’avais parlé de codécision !
J’en parle d’expérience. Quand nous avons mis en oeuvre le projet ANRU dans la ville dont je suis le maire, les architectes urbanistes nous conseillaient de tout raser. Pour les immeubles qui s’écroulaient, la question ne faisait pas débat. Pour un immeuble qui enclavait complètement le quartier non plus. Mais qu’en est-il pour d’autres immeubles, qui ne plaisent pas à l’architecte urbaniste qui décide de repenser le quartier ?
Ou à un bailleur qui voit un intérêt financier à raser l’immeuble parce qu’il n’est plus assez rentable et que cela permettrait de construire ailleurs un immeuble neuf en touchant des subventions de l’ANRU, qui représentent pour certains un vrai jackpot ? Bref, j’ai posé la question aux habitants, qui ont voté et refusé la destruction de leur barre. Rien ne justifiait qu’on la détruise : nous avons donc accepté le vote des habitants.
C’est un choix local. L’article 5 bis de ce projet de loi prévoit de créer d’abord des instances liées au contrat de ville, dans lesquelles la participation des habitants, des entreprises et des acteurs locaux sera déterminée localement. Mais dans les quartiers prioritaires, il faudra à tout prix créer un conseil citoyen. Pourquoi ? Parce que régulièrement, les élus sont obligés de participer à des réunions entre bailleurs et locataires, pour la bonne raison que les seconds ne comprennent pas ce que racontent les premiers. Est-ce vraiment le rôle d’un élu que de traduire les discours des bailleurs ? Ne serait-il pas préférable que les locataires soient formés et sachent répondre eux-mêmes aux bailleurs, afin de permettre un vrai dialogue ? Cela pourra être le rôle du conseil citoyen.
Conseils citoyens et conseils de quartier sont donc deux instances différentes. Oui, il faudra trouver le moyen de faire en sorte que les élus continuent de parler aux habitants. Les conseils de quartier sont obligatoires dans les villes de plus de 80 000 habitants, mais la loi ne les interdit pas en-dessous de ce seuil.
Nous sommes d’ailleurs un certain nombre à l’avoir fait. Les deux instances sont donc nécessaires.
Je sais que ces dispositions peuvent paraître, dans un premier temps, compliquées, un peu lourdes, qu’elles peuvent ressembler à une usine à gaz. Je crois qu’elles ne le sont pas. Nous devons faire le pari ambitieux de mettre en oeuvre ces deux structures, et cela fonctionnera : là où les deux instances existent, cela marche bien ! Car les mesures proposées par le ministre existent. Allez voir le Grand Lyon : elles sont déjà appliquées ! Allez voir autour de l’agglomération toulousaine ! L’expérience locale démontre que cela fonctionne.
Je le répète : le débat est nécessaire, mais n’ayons pas peur de demander leur avis aux habitants,…
… y compris dans le cadre de procédures de coconstruction ou de coproduction. Ne recommençons pas aujourd’hui ce qui s’est passé dans notre pays il y a cinquante ans, lorsque des architectes urbanistes ont décidé, seuls, ce que devait être la ville historique, magnifique et idéale de l’an 2000.
Je ne dis pas que c’est ce que fait l’ANRU, mais cela peut être le cas dans certaines villes – et ce n’est pas la faute de l’Agence, mais celle des élus. Cinquante ans après, nous sommes, dans la plupart des cas, obligés de tout casser pour tout reconstruire. Faisons en sorte de ne pas avoir à recommencer dans cinquante ans !
Monsieur le ministre Borloo, je n’ai pas compris ce que vous reprochiez au texte. J’ai cru comprendre que vous ne vouliez pas d’une coconstruction qui soit un cobavardage. Vous avez employé ce mot.
Je partage totalement votre avis, et je pense que c’est aussi le cas de la majorité. Malheureusement, cette situation a été trop fréquente, à en croire les habitants de certaines communes, quand ils racontent comment on leur a expliqué la rénovation urbaine ! Comment est-il possible que des habitants à qui l’on a annoncé, il y a deux ou trois ans, qu’on allait raser leur immeuble ne sachent pas encore quand cela aura lieu ni où ils seront relogés ?
Et je pourrais vous présenter de nombreux exemples, monsieur Borloo. Ce n’est d’ailleurs pas du fait de la loi de 2003 : c’est aussi le résultat d’un programme que tout le monde a loué ce matin, mais qui doit maintenant passer à une autre étape. Certaines choses ne sont plus possibles.
Avec des techniciens de l’ANRU par exemple, je suis allé voir les habitants d’un quartier.
Je ne vous le dirai pas, monsieur Borloo, vous allez vite comprendre pourquoi. Il se trouve que lorsque le technicien de l’ANRU m’a expliqué que des immeubles allaient être rasés et remplacés par des équipements publics et que j’ai demandé lesquels, il m’a répondu : « On verra » !
Et nous allions entrer en réunion publique !
Mais non, monsieur Borloo !
Vous n’avez pas à mettre en cause les fonctionnaires ! L’ANRU est placée sous l’autorité du ministre, elle n’est pas autonome !
Monsieur Borloo, le débat a été très calme en commission et en séance publique ce matin. Je suis un peu surpris que vous arriviez soudainement, dans le cours de la discussion, et que vous teniez de tels propos.
Je voulais simplement illustrer mes explications. Je n’ai pas mis en cause les fonctionnaires de l’ANRU. Je n’ai même pas voulu vous donner le nom du quartier ni celui de ce fonctionnaire.
Non, cela me permet de ne pas mettre en cause l’ensemble de l’institution à partir d’un cas précis.
Si ce cas était précis, nous ne pourrions pas mettre en cause l’ensemble !
Vous ne pouvez pas, sous prétexte que vous montez sur vos grands chevaux, remettre en cause ce que je viens de dire, parce que c’est la réalité. Et c’est malheureusement souvent la façon dont procèdent des professionnels qui n’ont pas été formés à la communication et au contact avec les habitants. C’est pourquoi je ne tiens pas rigueur à ce technicien. Mais j’ai également vu ce comportement chez des élus, qui considèrent d’abord et avant tout qu’informer, se concerter et construire le projet de rénovation avec les habitants revient à se fabriquer des opposants !
Car c’est aussi cela qui est derrière votre proposition. Je sais bien ce que l’on reproche aux conseils citoyens : certains élus craignent de se trouver confrontés à des contrepouvoirs.
C’est cela que vous reprochez en réalité à cette mesure. Mais pour ma part, je considère que le contrepouvoir concourt aussi à la démocratie. Si le projet porté par les élus est bon, s’il est expliqué et débattu avec les citoyens, alors il a de très fortes chances d’être accepté et, mieux encore, d’être amélioré.
Quant aux zones franches urbaines, il s’agit d’une disposition législative…
… qui ne relève, bien entendu, ni du conseil citoyen…
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
… ni même du conseil municipal.
Pour régler une fois pour toutes cette question des zones franches urbaines, je rappelle une nouvelle fois que ce dispositif s’arrête à la fin de l’année 2014, par décision du gouvernement précédent.
C’est la majorité de l’époque, et non l’actuelle, qui a décidé de le proroger de 2012 à 2014.
Il convient de donner à l’Observatoire national de la politique de la ville la mission d’étudier les discriminations territoriales dont sont victimes les habitants des quartiers populaires. Selon l’ONZUS, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, un habitant sur quatre se considère discriminé dans ces quartiers.
Le présent amendement tire les conséquences des recommandations de la HALDE et du conseil interministériel des villes soutenant l’inscription dans le code pénal du lieu de résidence en tant que critère de discrimination.
La dernière étude de l’ONZUS sur l’effet du lieu de résidence sur les chances d’accéder à un emploi sont édifiantes. Un demandeur d’emploi de Paris obtient l’entretien dans 21 % des cas, contre 10 % pour un habitant de la Seine-Saint-Denis notamment.
L’origine géographique étant si déterminante pour une offre d’emploi, il est logique que cette mission soit confiée à l’Observatoire nouvellement créée.
Il est défavorable, car l’amendement est satisfait. En effet, l’Observatoire analyse déjà ces phénomènes, notamment ceux liés à la lutte contre les discriminations. De plus, notre excellent collègue Goldberg a fait voter en commission un amendement qui élargit le champ de la lutte contre les discriminations, y compris liées à l’adresse. Dans ces conditions, je vous propose de retirer votre amendement. Dans le cas contraire, j’émets un avis défavorable.
Même avis que le rapporteur.
L’amendement no 49 n’est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 131 .
L’amendement no 131 est retiré.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 43 .
Il s’agit presque d’un amendement rédactionnel, tant l’emploi du mot « sexuées » pour désigner des statistiques sociales est désuet et dénué de sens. Nous proposons le mot « genrées », qui renvoie à une conception beaucoup plus réelle de la question des inégalités entre les hommes et les femmes et de leur traitement statistique.
Ce sont bien des études de genre, en anglais gender studies, qui pourront être menées grâce à ces statistiques. Et au-delà, d’un point de vue politique, le mot genre plutôt que sexe est le reflet de la société égalitaire, y compris dans les discours, que nous souhaitons construire.
C’est un débat très académique. D’un point de vue juridique, seul le terme « sexué » est accepté. Le mot « genré » fait partie d’un débat académique que l’on peut entendre, mais pour l’heure, il n’est pas utilisé dans les textes de loi. Restons-en à l’état du droit. Nous aurons sans doute ultérieurement l’occasion d’en débattre. Avis défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 43 et favorable au no 2.
… comme d’autres en effet, mais il semble que vous ne nous ayez pas vus, madame la présidente.
S’agissant de l’amendement présent, il faut effectivement s’en tenir à des termes juridiquement acceptables. Nous sommes ici pour écrire la loi, écrire le droit. Je sais bien qu’il y a la navette parlementaire, mais de là à envoyer n’importe quoi au Sénat…
Pour ce qui est du débat sur la participation de nos concitoyens, je ne veux pas que nos propos soient mal compris. Nous sommes extrêmement favorables à ce qu’il soient associés dans le processus de coconstruction, y compris en amont, mais nous souhaitons de la souplesse dans le mécanisme et sommes opposés à la superposition des structures. Nous présenterons des amendements sur ce sujet à l’article 5.
Enfin, monsieur le ministre, et sans vouloir remettre en cause votre bonne foi, avouez qu’il eût été intéressant de répondre à un certain nombre des questions qui ont été posées, entre autres par des parlementaires de la majorité, afin de savoir si les élus seront associés ou pas, s’ils feront partie des conseils citoyens ou pas, puisque les préfets auront jusqu’à l’été pour faire des propositions, si des citoyens seront tirés au sort ou non… Nous sommes ici pour donner des impulsions, écrire la loi, donner les grandes orientations : il aurait été intéressant de débattre de toutes ces questions dans l’hémicycle.
Madame la présidente, je pense que vous devriez informer la présidence de la nécessité de réunir la Conférence des présidents afin d’ouvrir des séances de discussion jusqu’à dimanche soir.
Sourires.
Un sujet qui concerne six millions de nos concitoyens, et ceux pour lesquels la République a le plus de sens, mériterait un débat digne de ce nom – parce que pour ceux qui sont élèves au lycée Henri IV, s’il n’y avait pas de recteur de l’académie de Paris, ce ne serait pas bien grave !
Le sujet est extrêmement important. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que ces quartiers ont trop vécu les promesses mensongères et le blabla.
Sourires.
Oh, je vous en prie ! Un expert à 43 milliards et 620 millions de DSU alors, vous n’en avez jamais fait autant ! Quand j’ai pris mes fonctions dans ce ministère, on n’était pas au dixième de ça ! Alors, on peut débattre ! Moi, je vous soutiens, monsieur le ministre, et il n’est d’ailleurs même pas exclu que nous votions le texte. Mais remettre en cause les fonctionnaires de l’ANRU comme vous l’avez fait, c’est extrêmement grave. L’Agence nationale de rénovation urbaine est un outil politique, pas un décideur en matière d’urbanisme, ni l’outil des bailleurs sociaux comme vous l’avez laissé entendre.
Ce n’est pas sérieux !
L’ANRU, je le rappelle, a pris toutes ses décisions à l’unanimité. Son conseil d’administration est composé des syndicats, du patronat, du 1 %, de l’union des HLM et des associations des régions de France, des départements et des communes de France.
Cette institution, qui se trouve dans une situation extrêmement compliquée, s’est toujours efforcée, à la demande de l’élu légitime de terrain, d’aider à fédérer tout le monde. Ce n’est pas l’ANRU qui porte le programme, c’est l’élu. À Lille, c’est Martine Aubry. À Lyon, c’est Gérard Collomb.
Je ne vais jamais à Lille.
Sourires.
J’essaie de vous expliquer comment ça marche, monsieur le ministre, car vous avez laissé entendre que c’était l’ANRU qui décidait du programme et non les élus.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Lorsque les programmes fonctionnent, il y a de la concertation. Monsieur le ministre, monsieur Asensi, si votre idée géniale consiste à supprimer toutes les zones franches urbaines, pour lesquelles plusieurs gouvernements successifs ont bataillé face à Bercy et qui ont pour objet d’aider les quartiers, pour des raisons de fiscalité, je m’y oppose. Vous pouvez vouloir les élargir, vous pouvez dire qu’elles ne sont pas toutes situées au bon endroit…
… mais vous ne pouvez pas demander simplement de les supprimer. Pas vous, monsieur Asensi.
Nous ne laisserons pas tomber ce débat, monsieur le ministre. C’est pourquoi, madame la présidente, je que la Conférence des présidents ouvre des séances jusqu’à dimanche.
Monsieur Borloo, en tant que président de groupe, vous savez fort bien que nous sommes dans une semaine gouvernementale et que dans ce cadre, c’est le Gouvernement qui fixe notre ordre du jour. Il vous sera loisible de formuler des observations en Conférence des présidents mardi matin.
L’amendement no 2 est adopté.
L’amendement no 43 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 44 .
C’est un amendement intéressant, qui propose la tenue d’un débat au Parlement. Il est difficile de s’y opposer, surtout qu’il porte sur la définition nouvelle de la politique de la ville.
Voilà qui me donne l’occasion de revenir sur le principe de la coconstruction. Mes chers collègues, vous allez voter un article où figurera un mot qui n’existe pas dans la langue française. Il existe des dispositifs de référendum, de participation des électeurs aux décisions locales, de consultation, de concertation, de débat public, d’enquête publique, de comité consultatif, de comité de quartier, de conseil de développement, au titre du droit de l’urbanisme, du code général des collectivités territoriales ou du code de l’environnement… Mais dans un article fondateur de la politique de la ville, vous allez intégrer un mot qui n’a aucune valeur juridique !
Je tiens à répondre au président Borloo. Nous devons en effet rédiger des textes corrects sur le plan juridique en utilisant des termes compréhensibles par tous.
Mais ils doivent aussi être politiques. Je rappelle que nous sommes ici pour faire de la politique et que la question de la coconstruction est une affaire politique…
…à l’instar d’ailleurs de la question du genre, dont nous venons de parler. Nous ne sommes pas là pour nous faire engueuler, monsieur Borloo. Nos débats sont intéressants et doivent se dérouler sereinement.
Je reviens à l’amendement no 44 . Il convient de pouvoir disposer chaque année d’un rapport sur l’évolution des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je comprends mal pourquoi vous vous y opposez. Adopter cet amendement aurait permis de poursuivre ce débat une fois par an, de faire le point sur le fonctionnement de la coconstruction et la mise en place des conseils citoyens. Je souhaiterais de plus amples explications sur votre refus.
Pour ma part, je soutiens cet amendement. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas à la fois refuser de nous donner la liste des quartiers éligibles et de ceux qui n’ont pas été retenus au motif que vous auriez besoin de temps et qu’elle disponible prête à la fin du premier trimestre, nous dire que si vous nous aviez donné la composition des conseils citoyens, nous l’aurions mal pris et enfin, dans le même temps, demander à la représentation nationale de donner son blanc-seing, sans qu’à aucun moment elle soit mieux informée, y compris après le vote de la loi par un nouveau débat ! Nous devons savoir quels sont les quartiers éligibles et si vous avez pris des dispositions pour les quartiers sortants, et pouvoir nous pencher sur la mise en place des conseils citoyens et leur composition.
J’ai peu d’espoir que nous disposions de cette liste cet après-midi.
Toujours est-il qu’un débat sera nécessaire dans notre hémicycle sur la mise en oeuvre de la politique de la ville, surtout compte tenu de la manière dont le processus législatif s’est déroulé jusqu’à présent. C’est vraiment la moindre des choses. Je voterai donc l’amendement no 44 .
Pour ce qui est de la durée de nos débats, je suis à la disposition du Parlement, monsieur Borloo, y compris jusqu’à dimanche si vous le souhaitez.
Pour ce qui est de l’amendement de Mme Abeille, je précise que ce débat a déjà lieu, chaque année, au moment de la loi de finances. J’ai été interrogé par les députés sur la réforme de la politique de la ville et ils ont eu, me semble-t-il, satisfaction sur l’ensemble des questions qu’ils ont posées. En outre, il y a une autre méthode : un débat d’orientation a ainsi eu lieu dans cet hémicycle sur le sujet, à la demande du groupe UDI. Les parlementaires disposent donc de toutes sortes de moyens qui répondent à votre objectif. C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
L’amendement no 44 n’est pas adopté.
Je ne doute pas qu’avec cet amendement, nous retrouvions la sérénité dont nous n’aurions pas dû nous départir. Il est cosigné notamment par Mme Catherine Coutelle et vise à favoriser la parité au sein du futur Observatoire national de la politique de la ville. Force est de constater qu’en dépit de ses qualités, l’ONZUS comprend quarante-trois hommes et dix-sept femmes. Il faut donc franchir une marche vers davantage d’égalité.
Hélas, la commission a émis un avis défavorable, pour deux raisons. Premièrement, nous proposons de renvoyer ce débat très intéressant et important au projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes qui a été examiné au Sénat et qui viendra en discussion à l’Assemblée en 2014. Deuxièmement, se pose un problème technique : comme pour le conseil d’administration de l’ANRU, ce sont des organismes qui y désignent leurs représentants. Organiser la parité dans ces conditions serait compliqué : il faudrait indiquer aux organismes s’ils doivent choisir un homme ou une femme.
Il n’en demeure pas moins que le débat est fondamental. Profitons de la discussion du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Espérons que nous n’aurons pas à remplacer « sexué » par « genré », cela compliquerait les choses !
Sourires.
Même avis que la commission. Je demande à M. Goldberg de bien vouloir retirer son amendement, qui sera satisfait lors de l’examen du projet de loi porté par Najat Vallaud-Belkacem dans votre assemblée.
Nous reviendrons certainement sur les mesures favorisant la parité dans certains organismes à l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’égalité hommes-femmes. J’estime toutefois que sur ce sujet-là comme sur d’autres, les quartiers prioritaires relevant de la politique de la ville doivent être en avance sur d’autres structures de notre pays. En dépit des difficultés techniques que M. le rapporteur a rappelées à juste titre, je souhaite donc que dans le futur Observatoire national de la politique de la ville, cette marche vers la parité soit renforcée concrètement.
L’amendement no 34 est retiré.
L’article 1er, amendé, est adopté.
Il s’agit d’une disposition, chers collègues de la majorité, que vous avez déjà votée lorsque vous étiez dans l’opposition puisqu’elle faisait partie d’une proposition de loi du célèbre Jean-Marc Ayrault que vous aviez signée et adoptée. Je ne pense pas que vous ayez pu changer d’avis en l’espace d’un an.
En outre, elle ne mange pas de pain, si j’en crois ma modeste expérience de la politique de la ville : elle consiste à contraindre les acteurs politiques et les acteurs de l’administration centrale à se réunir tous les six mois pour dire ce que chacun a pu faire.
S’agissant d’un amendement d’aussi bon aloi, soucieux de l’intérêt général, et que vous avez déjà approuvé, je ne pense pas que vous puissiez vous dédire.
En matière de comité interministériel des villes, monsieur Richard, vous êtes croyant mais pas pratiquant. La majorité précédente ne l’a, en effet, réuni que quatre fois en dix ans.
Depuis seize mois que nous sommes au pouvoir, il a déjà été réuni une fois et a pris vingt-sept décisions qui se traduisent dans le présent projet de loi. Je n’ai pas peur de vous dire qu’il se réunira tous les ans, conformément à la volonté du Premier ministre. Mais je considère qu’il n’appartient pas au Parlement de donner des injonctions au Premier ministre sur l’organisation de son agenda, vous le comprenez bien. Je vous demande de retirer cet amendement, sans quoi j’y serai défavorable.
Je tiens à soutenir cet amendement. Il ne s’agit de donner des injonctions à qui que ce soit ! Par exemple, même si la République est décentralisée, il ne se passe pas une semaine sans que le Parlement ne demande aux maires et aux conseillers généraux et régionaux de s’engager dans un domaine ou un autre !
En outre, nous avons tous dit, en commission comme dans l’hémicycle, et vous-même aussi, monsieur le ministre, dans votre présentation du texte ce matin, combien l’enjeu de la politique de la ville dépassait la simple rénovation des bâtiments : c’est aussi l’emploi, l’école, les programmes de réussite éducative, la mise en place des rythmes scolaires, l’instauration des zones de sécurité prioritaires, le zonage établi par la loi de Mme Duflot pour le logement.
Comment voulez-vous que nous assurions la cohérence de la politique gouvernementale si le Gouvernement, en échange des efforts qu’il exige à tous les étages de la fusée de la République, ne s’impose pas à lui-même des obligations ?
Comment peut-il être crédible s’il ne donne pas dans la loi le signal qu’il entend lui aussi se mobiliser pleinement pour la réussite de la politique de la ville, et notamment pour la mise en oeuvre de sa première partie ?
Monsieur le ministre, derrière cet amendement sympathique et de bon aloi, que vous n’avez aucune raison de repousser, il y a quelque chose de très important. Ce matin, car, contrairement à ce que vous prétendez, je ne suis pas venu juste passer un petit moment dans l’hémicycle, je vous ai entendu, ainsi que le rapporteur et le président de la commission. Qu’avez-vous tous dit ? Tous ? Que l’on peut toujours discuter des crédits spécifiques de la politique de la ville mais que sans un recours massif au droit commun, il n’y a pas de solution possible.
Or cet amendement se contente de prévoir que le Parlement demande à l’exécutif, quel qu’il soit – car les textes que nous votons dépassent nos conditions personnelles – d’expliquer comment les crédits de droit commun de chacun des ministères concernés s’appliquent spécifiquement aux parties du territoire qui relève de la politique de la ville. Je vous assure, monsieur le ministre, que ce serait pour vous une aide considérable. Je vous l’assure, monsieur le rapporteur, vous que je sais convaincu.
Vous avez vous-même déjà proposé cette mesure, mais peu importe : tout ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que c’est le seul moyen pour le Parlement d’adresser un rappel – amical – à l’exécutif pour s’assurer que des crédits de droit commun des ministères de la santé, des sports, de la vie associative, des transports, de l’équipement, du logement, de l’éducation nationale, de la formation et de l’emploi sont spécifiquement dédiés à ces quartiers. C’est la seule vraie garantie que nous ayons que ces crédits-là viennent puissamment aider la politique de la ville que le ministre entend mettre en oeuvre.
Monsieur Borloo, le choix de réunir régulièrement le comité interministériel des villes a déjà été fait par ce gouvernement. L’une des décisions de sa réunion du 19 février dernier fut qu’il se réunirait au minimum une fois par an, sous ma présidence, car, compte tenu du nombre des comités interministériels, vous comprendrez que le Premier ministre doit pouvoir déléguer. En outre, vous savez très bien que d’inscrire dans la loi le rythme de ses réunions ne serait pas suffisant.
J’aimerais vous répondre aussi au sujet de la levée du droit commun. Des conventions ont été passées avec l’ensemble des ministères concernés. Elles sont déjà au nombre de onze. Vous me direz que ce sont de simples engagements : j’ai bien conscience qu’il faudra vérifier qu’ils seront bien mis en oeuvre à l’échelle nationale et sur le terrain.
Prenons l’exemple du ministre de l’éducation nationale, avec qui j’ai eu de nombreux échanges sur la question : il a pris la décision d’accorder des postes supplémentaires aux académies comptant des villes où se trouvent des quartiers prioritaires et il a constaté que la machine de l’éducation nationale ne les avait pas forcément répartis selon ses propres souhaits ! Ce travail, nous allons le faire.
Il y a aussi un deuxième outil dont nous allons nous doter : désormais, les contrats de ville seront signés non seulement par les préfets mais aussi par les recteurs, les agences régionales de santé, les caisses d’allocations familiales et Pôle emploi. Autrement dit, ces opérateurs de l’État, directs ou indirects, parce qu’ils participeront à la négociation sur le diagnostic et les actions à engager, apporteront avec leur signature une garantie supplémentaire dans la levée du droit du commun.
Nous mobilisons donc l’ensemble des politiques publiques même si, j’en conviens avec vous, cela ne suffira pas. Il faudra accompagner ce mouvement d’une volonté et d’une énergie particulières mais aussi d’un contrôle du Parlement car c’est aussi son rôle d’interroger le Gouvernement pour vérifier que la mobilisation du droit commun est effective.
L’amendement no 105 n’est pas adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à M. Daniel Goldberg.
Cet article 1er bis est issu d’un amendement que j’avais défendu en commission avec mes collègues du groupe socialiste. Il reconnaît l’existence des discriminations liées au lieu de résidence dans plusieurs pans importants de notre législation. Nous avions d’ailleurs oeuvré ensemble, madame la présidente, lors de la précédente législature pour proposer cette avancée importante.
Cet article ajoute à l’article L. 225-1 du code pénal un vingtième critère de discrimination et élargit les cas visés par l’article L. 1132-1 du code du travail pour ce qui est des embauches et par la loi de 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Je dois dire que j’ai été assez satisfait et heureux que les membres de la commission présents lors de la réunion, notamment ceux de l’UMP et l’UDI, nous aient suivis dans ce vote.
La discrimination à l’adresse est profondément ressentie dans certains de nos quartiers. Une récente étude commandée par le Défenseur des droits relève ainsi que 77 % des diplômés résidant en ZUS disent subir une discrimination du seul fait de leur résidence. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité dans une délibération du 18 avril 2011 et le Conseil économique et social, en juillet 2008, ont formulé des recommandations en ce sens.
J’aimerais en outre insister sur deux éléments importants.
Premièrement, la disposition proposée repose sur une démarche individuelle. Il ne s’agit pas de reconnaître une discrimination collective qui conduirait à la victimisation d’un quartier. Elle ouvre le droit à toute personne qui considérerait s’être vu refuser un entretien d’embauche du seul fait de son code postal de saisir la justice. Cela vaut aussi pour la fourniture de certains services.
Deuxièmement, l’inscription de ce vingtième critère de discrimination dans le code pénal aura un intérêt pédagogique à l’égard des recruteurs, des responsables des ressources humaines mais aussi de nos propres services publics, dont l’action varie parfois en fonction des quartiers. Prenons l’exemple du service public postal : la possibilité de recevoir un recommandé à domicile s’apprécie de manière bien différenciée. Certes, cela peut être dû à des raisons de sécurité qu’il ne s’agit pas de nier, mais que le fait d’habiter dans un endroit ou dans un autre ne donne pas accès aux mêmes services publics conduit à s’interroger sur notre République.
Je me réjouis de la présence de cet article 1er bis qui inscrit dans notre droit une discrimination pour la reconnaissance de laquelle beaucoup de nos collègues ont oeuvré de longue date. Récemment, alors que je présidais une mission d’évaluation sur les emplois d’avenir, j’ai encore pu mesurer à quel point ces discriminations à l’adresse sont fortes, notamment en matière d’emploi. Dans notre pays, en ce moment, des femmes et des hommes sont obligés de cacher leur lieu de résidence pour postuler à un emploi, et c’est insupportable. J’espère que cet article sera voté à l’unanimité dans quelques instants.
Alors que je prends pour la première fois la parole dans ce débat, permettez-moi également, madame la présidente, de féliciter le ministre pour ce projet de loi. J’ai en tête la phrase prononcée lors d’une réunion publique par un habitant qui soulignait de manière très juste que lorsqu’on aura réglé les problèmes des banlieues et des quartiers en difficulté, on aura réglé une bonne partie des problèmes de notre pays. Je crois que cela résume les débats que nous venons d’avoir.
Si je suis particulièrement sensible à cela, c’est que je crois profondément qu’avec le temps, les difficultés économiques et sociales se sont enracinées dans les territoires au point de coïncider avec des difficultés géographiques. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, de lourdes responsabilités pèsent sous vos épaules. Et votre choix de recourir au droit commun est fondamental pour apporter des solutions. Soyez assuré de mon entier soutien à la politique que vous menez.
Je voulais profiter de cette discussion sur l’article 1er bis pour faire le point, après plusieurs heures de discussion sur ce projet de loi.
Le manque d’informations – je ne parlerai pas d’absence de transparence, parce que je ne veux pas provoquer – porte préjudice au bon déroulement de nos travaux et à l’image de la politique de la ville que vous allez laisser. Nous l’avons vu avec les dispositions relatives aux conseils de citoyens : ils ne suscitent pas vraiment de désaccords, c’est le fait que la règle du jeu ne soit pas divulguée qui pose problème.
De la même manière que ce matin sur un autre sujet, monsieur le ministre, nous vous demandons la liste des communes…
…et des quartiers potentiellement éligibles et par voie de conséquence de ceux qui ne le seraient plus, car nous savons que vous avez des simulations à ce sujet, et heureusement d’ailleurs.
Tout à l’heure, vous avez invité les élus à venir au ministère pour voir les simulations. Je salue votre geste, mais il y a 2 500 maires de France, 2 500 présidents d’intercommunalité qui ne peuvent pas venir regarder la liste, monsieur le ministre !
Je vous le demande donc, dans l’intérêt du texte, de sa lisibilité, du message que vous allez donner – que nous devons donner avec ce projet de politique de la ville : pouvons-nous, monsieur le ministre, obtenir la liste des communes et des quartiers éligibles et de ceux qui ne le seront plus au terme de ce processus législatif ?
J’ai attentivement écouté ce débat et je suis assez étonné, étant urbaniste de profession, qu’on puisse être aussi déterminé à revendiquer des méthodologies purement techniques en ne laissant pas de place à une philosophie nouvelle de la politique de la ville. J’ai entendu Jean-Louis Borloo, nous nous connaissons bien, évoquer la question de la coconstruction. Pour ma part, je trouve ce terme à la fois intelligent et très profond.
Oui, nous allons le définir ; mais il faut laisser à l’esprit la liberté de conjuguer avec la loi ! Je retiens que dans nos banlieues, la question fondamentale n’est pas seulement d’avoir un toit, de l’eau, de l’électricité, même si c’est crucial : c’est d’exister ! C’est donc une politique de la reconnaissance, de reconnaissance de la différence, sans pour autant mettre en cause l’origine. Cet article 1er bis est fondamental concernant la lutte contre la discrimination.
Comment mettre en place une politique de la reconnaissance porteuse d’initiatives collectives ? C’est là l’essentiel, parce que la démocratie participative a existé, elle n’ira pas plus loin. On fait participer quelqu’un, alors que selon moi la coconstruction est une nouvelle conception de la démocratie interne dans les banlieues : c’est la possibilité donnée à quelqu’un de participer directement à l’ingénierie en amont de la construction ou de la reconstruction d’une ville. En fait, ce n’est pas seulement la ville, c’est son destin, c’est sa personnalité à transcrire dans le marbre intellectuel, c’est son intelligence qui est sollicitée dès la conception !
Jean-Louis Borloo est bien placé pour le savoir : parler de coconstruction, c’est parler de culture – pas seulement de l’histoire de l’individu ou de son patrimoine, mais d’intégration, de pénétration de la modernisation, d’appropriation collective de la responsabilité. La responsabilité se construit certes au fil de l’eau, mais dans l’acte d’auto-construction ; c’est une autre forme de construction de la démocratie. Je considère par conséquent que nous devons faire le lien entre construire, penser et réfléchir ensemble : ces termes me semblent essentiels.
C’est fondamental pour l’outre-mer, comme je l’ai dit tout à l’heure à propos de l’un de mes amendements, car vous imaginez bien que la conception technique est totalement dépassée par nos origines culturelles, notre géographie, notre milieu climatique. Je pense donc, monsieur le ministre, que votre texte est une invitation au dépassement, et non un enfermement sur soi-même.
Je voudrais rappeler ici que nous avons appuyé en commission cet article, qui ajoute le code postal, pour dire les choses simplement, à la liste des critères de discrimination. Mais il ne faudrait pas, ayant fait cela, nous tenir pour quittes : il s’agit, au-delà de cette discrimination, de permettre aux gens de trouver un emploi !
Encore une fois, je ne pense pas que le texte que vous proposez accorde suffisamment d’importance, dans ses symboles, à l’appui et au développement économique dans les quartiers. Le seul affichage de ces derniers mois dans les quartiers consiste en une sorte de discrimination positive, visant à affecter les emplois d’avenir dans les quartiers. Certes, certains obtiendront un emploi, mais ce n’est pas non plus un bon signe que de considérer que le destin des quartiers est d’avoir des emplois d’avenir !
Autant je m’associe à la lutte contre la discrimination par le code postal, autant je crois que cela doit être contrebalancé par une importance accrue accordée au sujet du développement économique et de l’emploi dans les quartiers.
Monsieur le ministre, comme Daniel Goldberg, nous saluons cette avancée, sans l’ombre d’une hésitation. Vous nous avez soutenus lorsque nous avons mis en place la Haute autorité de lutte contre la discrimination et pour l’égalité des chances. C’est un outil complémentaire à sa disposition, et nous vous soutenons totalement sur ce point ! Il n’y a pas le début d’une ambiguïté !
Je sais que la notion de République et de l’égalité transversale apparente peut parfois s’en trouver gênée ou choquée, néanmoins, quand on n’est pas tout à fait au niveau de l’écluse, on peut avoir besoin pour arriver au niveau de certains soutiens qui soient un tant soit peu discriminants.
Tout cela m’autorise à vous dire, monsieur le ministre, à vous répéter, que le problème de la fausse phraséologie est dangereuse. Qu’est-ce que la coconstruction ?
Arrêtez ! Vous avez accepté, il y a quelques années, de rester quatre jours et quatre nuits, jusqu’à un 13 juillet à cinq heures du matin, pour débattre de ces sujets, et vous nous souteniez. Acceptez que nous puissions passer un vendredi, juste un vendredi, à parler d’un sujet de cette importance !
Je trouve que votre envie de liquider le débat à ce point n’est pas à la hauteur de ce que je crois que vous pensez sur le fond.
Laissez-moi donc y revenir : la concertation partout et tout le temps, c’est parfait, monsieur le ministre, rendez-la obligatoire tant que vous voudrez ! Mais la coconstruction, est-ce que cela implique le droit d’arrêter un programme de rénovation urbaine dans un quartier ? Quelle est la différence entre la coconstruction et la concertation obligatoire ? Le Parlement édicte des règles pour tout le monde, pas pour le seul Gouvernement ! Quelle est la différence entre une concertation obligatoire approfondie et la coconstruction ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous venez d’évoquer le droit commun, tout en refusant l’obligation faite aux ministères de s’expliquer deux fois par an…
Bien sûr, vous réunissez le comité interministériel des villes, mais mon amendement précisait que chaque fonction ministérielle aurait l’obligation d’expliquer son action.
Je le fais tous les jours !
Monsieur le ministre, faites attention. S’agissant de la fin des zones franches urbaines, j’ai déjà vécu cela : cela fait quinze ans que Bercy veut avoir la peau de l’aide fiscale aux quartiers en difficulté ! Vous cédez sur les zones franches urbaines, vous divisez par deux le nombre de quartiers, mais vous n’avez aucunement dit que vous multiplieriez l’aide par deux pour les quartiers restants !
Faites donc attention : ne pratiquons pas la politique du flou des phrases. Dites-nous ce qu’est la coconstruction, dites-nous quelle est la liste des quartiers concernés, cela nous évitera l’affaire de la liste de Mme Duflot !
La parole est à M. François Pupponi, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 4 .
Favorable. Pour en revenir à l’article, aussi intéressant que soit un débat, je pense qu’il faut aussi savoir le clore.
Si, on peut estimer que tous les arguments ont été échangés et que le débat ne peut plus avancer parce que chacun reste sur ses positions !
Monsieur Borloo, j’ai cherché dans le dictionnaire la signification du mot « résidentialisation » qui figure dans la loi de 2003. Il n’existe pas. Je ne vous le reproche pas, car quand on parle de résidentialisation à propos d’un quartier, chacun comprend de quoi il s’agit. Vous voyez bien vous-même que vous avez ainsi fait avancer non seulement la langue française, mais également un concept important en matière d’urbanisme, portant sur le bien-vivre ensemble à l’intérieur de la cité. Il en est de même, et vous l’avez bien compris, pour le terme de coconstruction.
M. Letchimy a su parfaitement vous l’expliquer : la démarche devient différente. Il ne s’agit plus pour les élus d’expliquer aux gens ce qu’ils ont décidé et comment ils vont le mettre en oeuvre, en leur demandant vaguement ce qu’ils en pensent, mais de leur dire qu’il faut travailler ensemble sur leur quartier, de leur présenter leurs idées et d’admettre qu’elles sont amendables, négociables, et qu’il est même possible de les refuser !
On peut même imaginer, monsieur Borloo, que, dans un quartier, les habitants d’une tour refusent qu’elle soit détruite, parce qu’ils trouvent que les appartements sont plus grands que ceux qu’on leur propose, ou que la vue y est plus belle.
À chaque fois que je vous parle de cela, j’aimerais faire référence à quelques exemples que j’ai en tête, mais je n’ose même plus ! J’ai visité cent trente quartiers depuis seize mois, je sais de quoi je parle ! Si nous ne mettons pas en place des processus obligeant, à chacune des étapes, non seulement à recueillir l’avis des habitants mais également à en tenir compte, nous n’y arriverons pas !
C’est cela, la coconstruction !
Pour ce qui est de la liste, monsieur Saddier, je vous ai dit ce matin que j’adorais le comique de répétition. Je suis donc prêt à continuer à jouer avec vous.
Je l’ai dit déjà en commission, nous pourrions repasser le sketch Les croissants de Fernand Reynaud et demander à chaque fois des croissants supplémentaires jusqu’à ce que vous soyez submergés de croissants ! Mais il y a un moment où il faut revenir à la réalité.
Je vous ai dit en effet que le ministère avait procédé, et c’est bien normal, à des simulations, aboutissant à un chiffre d’environ 1 300 quartiers. Ainsi que je vous l’ai expliqué le 11 juin dernier au ministère, un quartier correspond à un « carreau » de 1 000 personnes, ou un agrégat de carreaux, défini selon la technique du carroyage. Si la moitié de ses habitants vivent avec moins de 11 000 euros par an, alors il devient un quartier prioritaire.
Toutefois, ces carreaux ne correspondent pas du tout à l’urbanisme local. Nous devons donc les superposer avec une photographie aérienne. Mieux, les élus doivent pouvoir défendre leurs dossiers dans le cadre d’allers-retours avec les préfets, qui sont les représentants du Gouvernement. C’est comme cela que nous pratiquerons, et cela prendra forcément du temps.
Mais je le fais ! À chaque fois qu’un maire vient me voir et me demande à voir la carte de sa ville, puisque c’est cela qui l’intéresse, je la lui montre et il me dit s’il est d’accord. Ensuite, bien entendu, nous vérifierons dans le cadre des allers-retours entre le préfet et les élus si les éléments statistiques dont il dispose l’élu sont les bons et s’il n’y a pas eu d’évolution dans les quartiers. Ce processus va donc forcément être long.
Je vais aller plus loin : je ne souhaite pas qu’il y ait des effets de seuil. Je vous ai parlé de carreaux de 1 000 habitants, mais nous n’allons pas exclure un quartier sous prétexte qu’il ne compte que 998 habitants ! La rédaction du décret permettra de jouer sur ce point. Cela dépendra, encore une fois, des allers-retours avec les préfets. Nous resterons ainsi dans un cadre permettant de ne pas oublier notre objectif en cours de route, à savoir concentrer les aides dans les quartiers les plus en difficulté sans les saupoudrer comme cela a pu être fait pendant des années.
À la fin de ces allers-retours, la liste des quartiers prioritaires sera arrêtée par le ministre. Cela me permet de répondre à M. Richard qui, ce matin, disait que cela ne fonctionnerait pas ainsi et que la liste serait établie par le ministre : je vous signale que, selon la rédaction du texte législatif qui vous est soumis, c’est le conseil d’administration de l’ANRU qui fait une proposition de quartiers au ministre, lequel ensuite arrête cette liste. Là encore, nous établissons un processus d’allers-retours entre l’ANRU, les préfets et les élus, de façon à déterminer les quartiers qui présentent les dysfonctionnements les plus importants et ceux qui ont besoin d’opérations plus réduites, visant simplement à terminer un endroit ou à améliorer l’articulation entre un quartier en rénovation et un autre en meilleur état.
Alors pourquoi attendre les élections pour commencer ces allers-retours ?
Je pense avoir totalement informé le Parlement sur la question de l’établissement de la liste des quartiers prioritaires. J’espère donc que nous en avons fini avec le comique de répétition.
Bien que ne faisant pas partie de la Conférence des présidents, je souhaiterais que celle-ci, lors d’une prochaine réunion, se penche sur le fonctionnement de nos débats. Il serait bon en effet qu’à l’avenir, nous discutions des sujets au moment où ils apparaissent dans le texte, sans quoi, comme nous avons un intérêt marqué sur toutes ces questions, nous passerons notre temps à tout recommencer !
Il se trouve que nous en sommes à l’article 1er bis, qui intéresse d’ailleurs chacun d’entre nous. Nous n’avons donc pas à revenir sur des sujets dont nous avons déjà discuté.
Tout à l’heure, lorsque je suis intervenu sur cet article, j’ai oublié de dire que, si le sujet progresse, c’est parce qu’il reçoit, et depuis longtemps, le soutien de François Pupponi et du ministre.
L’amendement no 4 est adopté.
Je me félicite que la lutte contre les discriminations liées au lieu de résidence soit inscrite dans le code pénal, d’autant plus que j’avais déposé, en 2010, la proposition de loi no 220 sur ce sujet. Malheureusement, celle-ci n’avait pas été examinée par l’Assemblée nationale. Au passage, j’indique à M. Borloo que lorsque j’ai défendu, sous l’ancienne majorité, des amendements visant à lutter contre les discriminations territoriales, ils ont tous été refusés. Je me réjouis donc qu’il y ait aujourd’hui un consensus sur ce sujet.
Lorsque l’on habite Sarcelles, Vaulx-en-Velin ou Sevran et que l’on cherche un emploi, on se heurte à des préjugés. Beaucoup de CV vont à la poubelle.
Je vous rappelle qu’il y a quelque temps TF1 a stigmatisé, dans un reportage scandaleux, ma ville de Tremblay-en-France qui, entre parenthèses, est une très belle ville. Et la une du Monde a expliqué que Tremblay-en-France allait sombrer sous la férule des narcotrafiquants, ce qui est totalement absurde. Si bien que, quelques jours plus tard, alors qu’une délégation de jeunes filles de ma ville était invitée à u stage par le comité départemental olympique, on les a réunies à part pour leur dire de « se tenir à carreau » sous prétexte qu’elles venaient de Tremblay-en-France. C’est particulièrement scandaleux. On a même vu des établissements scolaires du département annuler des sorties au théâtre Aragon de Tremblay-en-France au motif qu’ils craignaient des agressions. Après ce reportage, on a vu aussi des agences immobilières chuter.
La discrimination liée à l’adresse est très importante, et il serait bon que des associations puissent se constituer partie civile pour aider ceux de nos concitoyens qui en seraient victimes. Tel est le sens de l’amendement no 51 .
Quant à l’amendement no 52 , il demande que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif aux discriminations territoriales avant le 31 décembre 2014.
Actuellement, le code pénal ne permet aux associations de se constituer partie civile que dans un seul cas : lorsque la discrimination est relative à l’origine de la personne. Il paraît difficile de modifier le code pénal dans un texte relatif à la politique de la ville. Mieux vaudrait peut-être attendre un autre véhicule législatif pour le faire. L’avis sur l’amendement no 51 est donc défavorable.
On pourrait imaginer dans un autre texte que les associations, mais aussi les communes, puissent se constituer partie civile puisque – l’exemple que vous avez donné est tout à fait révélateur – certains médias en quête de sensationnel jettent en pâture une commune, la discriminent, sans que celle-ci puisse se défendre, défendre son image.
L’avis sur l’amendement no 52 est également défavorable, car ce n’est qu’au bout d’un certain temps que l’on pourra juger de l’efficacité du dispositif que nous allons voter. Proposer un rapport dès la fin de l’année 2014 me paraît quelque peu précipité.
Je partage totalement l’avis du rapporteur. Effectivement, il faut essayer de poursuivre la réflexion dans un autre texte, même si, sur le fond, on peut comprendre la demande de M. Asensi. Par ailleurs, si cet amendement était adopté, n’importe quelle association pourrait se porter partie civile. On voit bien les effets pervers que cela aurait.
Le Gouvernement souhaite donc le retrait des deux amendements. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
Exceptionnellement, je veux bien retirer ces deux amendements, mais reconnaissez, monsieur le ministre, qu’il ne s’agit pas d’amendements léninistes !
Sourires.
S’ils l’étaient, cela pourrait, à la rigueur, me faire changer d’avis !
Sourires.
Ils visent seulement à faire avancer le débat, mon rôle étant d’être constructif.
Je reconnais que l’amendement no 51 pourrait être présenté dans un autre texte. Aussi défendrons-nous, à cette occasion, la nécessité que les associations puissent se porter partie civile en cas de discrimination liée à l’adresse.
L’article 1er bis, amendé, est adopté à l’unanimité.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.
La parole est à M. Martial Saddier.
Monsieur le ministre, nous travaillons sur un texte dont les réalisations concrètes se traduiront sur une partie du territoire national à travers une liste de communes et de quartiers. Plusieurs quartiers d’une même commune pourraient donc être concernés.
Vous avez répété une énième fois qu’un maire qui viendrait vous voir aurait accès à cette liste. C’est votre droit, monsieur le député, de considérer qu’un député de la République qui est maire de sa commune depuis dix-neuf ans, dont c’est le troisième mandat ici, et qui demande que la représentation nationale soit informée de cette liste et du nombre de quartiers qu’elle comprend,…
…fait du « comique de répétition » ou qu’il « joue ». Mais permettez-moi de penser, avec tout le respect que je vous dois, que je ne partage pas ce point de vue, comme je l’ai déjà dit ici et en commission. Je vous le redis très calmement et très amicalement.
Vous commencez à manquer d’humour !
Par ailleurs, vous devriez relire une partie de vos discours, car voici ce que vous avez déclaré : « La liste des communes de la nouvelle géographie sera rendue publique juste avant le débat en commission parlementaire en novembre, pour assurer une totale transparence vis-à-vis des députés. »
Enfin, vous vous focalisez sur les élections municipales des 23 et 30 mars 2014. Mais après ces élections seront désignés les représentants intercommunaux et, le cas échéant, les délégués aux syndicats de troisième rang. Cela veut dire que la démocratie – et c’est tant mieux – bloque tout de même un peu le fonctionnement des institutions, des collectivités territoriales jusqu’aux mois de mai et juin. Entre-temps, les communes, les EPCI, les départements et les régions auront voté leurs budgets.
Madame la présidente, je vais conclure. Le ministre a tout le temps pour me répondre, alors que je suis obligé de m’en tenir à deux minutes.
Monsieur le ministre, soit vous engagez dès aujourd’hui le va-et-vient avec les collectivités territoriales pour que nous puissions avancer, soit vous affichez très clairement que 2014 sera une année blanche et qu’elle sera perdue pour les politiques de la ville.
C’est pour cela que nous considérons qu’il faut engager la navette dès aujourd’hui. À défaut, vous devez afficher qu’il s’agira de contrats de cinq ans et non de six ans.
Je crois que M. Saddier s’est trompé d’article. Mais ce n’est pas grave ! Ce n’est pas à l’ancienneté que l’on obtient les renseignements.
En fait, le vendredi à dix-sept heures, M. Saddier commence à manquer d’humour !
C’est un mode de fonctionnement qui s’applique à tous les députés, quelle que soit leur ancienneté. Je suis plus ancien que vous ; pour autant, je ne demande pas la liste. Ce qui m’intéresse, c’est que la loi soit respectée, puis que les critères retenus puissent être vérifiés avec le préfet pour qu’il n’y ait pas de tricherie, comme cela a pu être le cas par le passé. En effet, autant je me félicite que l’ANRU ait très bien fonctionné, autant je pense qu’un certain nombre de communes ont largement émargé sur l’ANRU et d’autres moins. C’est une légère critique que je fais à l’égard de l’ANRU qui est néanmoins un excellent instrument : les collectivités locales devaient parfois attendre très longtemps avant de recevoir de l’argent. Pour les plus pauvres, cela constituait une vraie difficulté.
Je me félicite que, comme l’a annoncé il y a deux jours le Premier ministre, la Caisse des dépôts et consignations amplifie son soutien financier en accordant des prêts à très long terme au taux de 2,5 %. C’est un élément supplémentaire pour ces quartiers. J’indique que la procédure ANRU précédente, de l’efficacité de laquelle je me félicite – et en disant cela je me tourne vers M. Borloo –, comportait quelques insuffisances, s’agissant notamment des copropriétés dégradées. Je me réjouis que l’article 2 prenne en compte ce problème.
On peut se féliciter que soit prorogé pour deux ans le programme national de rénovation urbaine. Cela permettra de trouver les crédits nécessaires pour les conventions et de sécuriser celles qui ont déjà été signées. Même si cela a été salué par tous, je répète que ce programme sans précédent a permis, au 1er septembre 2013, la production de 140 922 logements, la réhabilitation de 316 690 logements, la déconstruction de 144 937 logements et la résidentialisation de 352 000 logements. Il faut donc se féliciter que vous ayez réussi à étendre le programme, qui se sera accompagné, à ce jour, d’un peu plus de 11 milliards d’euros de subventions de l’ANRU pour 43 milliards d’euros de travaux. Je tenais à rappeler ces chiffres, qui concernent près de 490 quartiers.
Monsieur le ministre, je suis désolé de vous dire que nous ne faisons pas du « comique de répétition ». Cela ne m’amuse pas du tout. Le terme de « coconstruction » n’existe pas dans la loi. Quant à la résidentialisation, vous avez dit qu’elle n’existait pas, mais elle est définie dans un arrêté de juin 2011.
Mais qui ne figure pas dans la loi !
Ce n’est même pas dans le dictionnaire !
Globalement, cet article 2 ne nous pose pas de problèmes.
Monsieur Liebgott, je vous le dis avec beaucoup de gentillesse, faites attention quand vous dites que certaines collectivités ont été largement servies sans critère tandis que d’autres l’ont été moins bien.
Nous examinons un sujet d’une très grande complexité, dans lequel les critères peuvent être extrêmement trompeurs. La République peut s’enorgueillir d’avoir décidé qu’il y ait des programmes de 30 millions d’euros pour certains sites et de 450 millions d’euros pour d’autres, sans que jamais il y ait eu, sur aucun de ces programmes, la moindre petite polémique politicienne. Je le dis parce qu’on aurait pu inventer tous les critères du monde : la vérité, c’est que toutes les décisions ont été prises à l’unanimité de tous les partenaires. Je rappelle également que le ministre en exercice n’était pas le président, ce qui était sain. L’État était un opérateur parmi d’autres. Il avait conçu le système mais il avait l’humilité d’accepter que les décisions soient générales et collectives.
Mon cher collègue, n’essayez pas d’insinuer que, dans ce programme, il y ait eu des décisions prises de manière injustifiée, illégitime et politicienne. Jamais ce programme n’a été contesté et je trouverais dommage qu’on le fasse maintenant, alors que nous partageons les mêmes objectifs : sinon, vous ne seriez pas ici un vendredi, comme moi, avec passion. Faisons attention aux mises en cause visant le passé !
Pour répondre à la fois à M. Saddier et à M. Borloo, je veux dire que j’entends les arguments du ministre et que je les approuve. Toutefois, j’en ajouterais peut-être un : chaque fois qu’on prévoyait une dotation de péréquation ou une grand réforme fiscale, on demandait systématiquement une simulation.
Je vous parle des simulations dans le passé ! Généralement, on ne les diffuse pas, pour ne pas mettre en péril la réforme elle-même. Vous savez très bien où je veux en venir. Chacun se préoccupe de son propre cas, alors que nous sommes en train de voter la loi dans ses principes : c’est cela le plus important.
Monsieur Borloo, il n’est pas question de critiquer l’ANRU ni de remettre en question ce qui a été fait. Mais dire que c’est un bon outil, qui donne des résultats extraordinaires, n’exclut pas que l’on veuille aussi tirer les conséquences de certains problèmes.
J’en vois un en particulier : le rôle des bailleurs dans la mise en oeuvre des conventions avec l’ANRU. C’est un sujet dont on parle peu, mais je crois qu’il faut en parler. Il y a eu des abus : un certain nombre de bailleurs ont profité de l’ANRU pour détruire des bâtiments, en reconstruire d’autres, sans toujours traiter de manière exemplaire leurs locataires. Nous connaissons tous des exemples de personnes qui étaient depuis quarante ou cinquante ans dans leur logement et qui ont été déménagées sans beaucoup de précautions ni de respect. Ce n’est pas la faute de l’ANRU, ce n’est pas celle des élus, mais si nous pouvons aborder ce sujet dans le respect mutuel pour améliorer l’outil et réduire ses effets négatifs – ce qui n’est pas remettre en question l’ANRU –, il est temps d’en profiter.
Madame la présidente, au nom de mon groupe, je sollicite une suspension de séance.
Article 2
La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.
La séance est reprise.
La parole est à M. Yves Blein, pour soutenir l’amendement no 94 .
L’amendement no 94 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement traite d’un sujet très important que j’ai évoqué dans la discussion générale : l’éducation. Au vu de ce qui se passe dans la mise oeuvre des conventions signées avec l’ANRU, il apparaît qu’on a toujours du mal à y intégrer le financement de la rénovation des groupes scolaires dans les opérations de rénovation urbaine. C’est pourtant un thème récurrent dans les conventions de rénovation urbaine, et de nombreux maires attendent cet amendement afin que ce financement soit désormais prévu complètement.
Nous considérons que l’amendement est satisfait, puisque le projet de loi prévoit bien que l’ANRU pourra financer la construction et la rénovation d’équipements publics, y compris, par conséquent, les groupes scolaires. Dans le passé, l’ANRU les a d’ailleurs financés largement. Il n’y a aucune raison de considérer qu’ils seraient dorénavant exclus.
Je partage totalement l’analyse du rapporteur : l’amendement est satisfait. Voir M. Letchimy me rappelle d’ailleurs que c’est ensemble que nous avons inauguré un établissement scolaire financé par l’ANRU !
Monsieur le rapporteur, les opérations de rénovation de groupes scolaires ont en effet bien fonctionné dans certains cas, mais quand le problème est massif, c’est à chaque fois une vraie difficulté pour le prendre en compte dans la convention ANRU. Certes, on a ajouté dans ce texte les équipements publics. J’espère que la lecture de nos débats permettra d’interpréter la loi en ce sens et qu’il n’y aura pas d’ambiguïté au moment de la signature des futures conventions. Je retire mon amendement.
L’amendement no 107 est retiré.
La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement no 66 .
Monsieur le ministre, vous savez dans quelle situation la loi de programmation militaire risque de laisser les logements des militaires et des gendarmes. Ils ne représenteront sans doute que la portion congrue des moyens alloués à la rénovation. Or, il se pourrait que, dans la liste des communes et des quartiers concernés par le dispositif, figurent des bâtiments dédiés au logement de ces personnels. Comme on a tendance dans ce texte à vouloir rendre exhaustif le contenu des engagements de la politique de la ville, cet amendement propose d’y faire figurer la réhabilitation des casernements militaires.
Monsieur Tetart, vous avez inventé quelque chose d’extraordinaire : alors que nous nous battons pour établir le droit commun dans les quartiers, vous proposez que le financement de la politique de la ville serve le droit commun de l’État. La commission a bien entendu donné un avis défavorable, car il n’est pas question que l’ANRU contribue au financement d’établissements publics déjà financés par l’État.
L’amendement no 66 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 5 rectifié .
Il s’agit de préciser que l’ANRU pourra intervenir pour prévenir la dégradation des copropriétés. Tout le monde a dit qu’elle devait agir davantage à cet effet. Bien entendu, il n’est pas question qu’elle concurrence l’ANAH ou d’autres opérateurs, mais cet amendement lui permettra d’être plus efficace.
L’amendement no 5 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Le programme national de renouvellement urbain ne peut se concevoir uniquement sous l’angle des copropriétés dégradées mentionnées à la fin de l’alinéa 13 – le début de l’alinéa est extrêmement clair à cet égard. Cependant, tant en métropole que dans les départements et régions d’outre-mer, nous avons de l’habitat indigne, et il faut absolument le préciser dans le texte afin qu’il ne soit pas exclu de la géographie prioritaire.
Tout à fait favorable, car il est vrai que nous avons oublié de mentionner l’habitat indigne.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, il se trouve que c’est la première fois que je m’exprime dans cet hémicycle : j’approuve l’amendement qui vient d’être soutenu, mais je vais faire une brève déclaration de principes sur la politique voulue par le Président de la République et mise en oeuvre brillamment par François Lamy.
Je parle du point de vue de l’élu rural, et le fait que les territoires ruraux entrent pour la première fois dans le dispositif de la politique de la ville est un événement dont je veux vraiment souligner l’importance devant la représentation nationale. Je puis vous dire que le fait est vraiment très apprécié par les habitants des quartiers concernés, je pense en particulier au quartier du Grand-Garros, à Auch, évoqué par M. le ministre ce matin.
Je me réjouis que l’amendement no 94 , dont je suis l’auteur, ait été approuvé tout à l’heure. Il m’a en effet paru nécessaire de préciser la notion de proximité qui est mentionnée à l’alinéa 12 car, quand nous reconstruirons, dans le cadre du nouveau PNRU, des habitations avec, évidemment, un objectif de mixité sociale, spatiale et fonctionnelle, il nous faudra pouvoir le faire à l’extérieur des quartiers retenus au titre de la politique de la ville. À cet effet, mon amendement introduit la notion d’unité urbaine, pour pouvoir reconstruire non seulement dans les quartiers, mais aussi sur le territoire où ceux-ci se trouvent.
L’amendement no 129 est adopté.
Il faut prendre en compte les enjeux écologiques dans le cadre de la politique de la ville. C’est un sujet très important pour nous, députés écologistes, et nous en avons déjà parlé lors de l’examen de la loi ALUR il y a quelques semaines.
Les opérations de rénovation urbaine nécessitent des budgets très importants, le deuxième programme de rénovation étant estimé à une vingtaine de milliards d’euros. Il est, dès lors, extrêmement important que les critères de la qualité de l’air, notamment intérieur, de l’efficacité énergétique, de l’utilisation de matériaux écologiques, de la prise en compte des schémas de cohérence écologique, ou encore de la nature et de la biodiversité en milieu urbain soient intégrés dans le dispositif.
La question de la nature en ville, c’est celle de l’environnement dans les quartiers de renouvellement urbain. C’est extrêmement important car, certes, l’urbanisme et la biodiversité ne font pas tout, nous le savons bien, et la prise en compte de l’ensemble des critères que j’ai mentionnés peut constituer la clef de la réussite dans la coconstruction.
L’amendement vise donc à compléter l’alinéa 14 en y intégrant les critères « de biodiversité et de nature en ville », ainsi que de « l’amélioration de l’air intérieur et extérieur ».
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 140 .
Cet amendement vise également à compléter l’alinéa 14 en ajoutant, après les mots : « Ce programme contribue à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments », les mots : « et à la transition écologique des quartiers concernés ». Cela permettrait de satisfaire l’amendement de Mme Abeille sans alourdir inutilement le texte.
Nous avons déjà longuement débattu en commission de ce sujet – je pense à une forte intervention du président Brottes – et intégré dans le texte l’amélioration de la performance énergétique. Je vous propose donc, madame Abeille, de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement, qui élargit le champ d’application du texte de la commission et va dans le sens que vous souhaitez.
Je remercie le ministre et le rapporteurs pour le dialogue qui s’est instauré sur ce sujet et j’accepte de retirer l’amendement.
L’amendement no 72 est retiré.
J’ai insisté en commission sur la question de la qualité de l’air intérieur, mais un propos du président a balayé l’ensemble de la discussion, et j’ai même disparu du compte rendu… Je vais donc le faire à nouveau.
Je comprends très bien l’amendement, qui permet de regrouper dans le dispositif l’ensemble des questions écologiques, mais j’attire l’attention du Gouvernement sur le fait qu’il vient de lancer deux défis : le premier, c’est la qualité de l’air extérieur, compte tenu du contentieux en cours au niveau de l’Union européenne concernant les particules fines qui affectent la santé publique ; le second, c’est le grand plan sur la qualité de l’air intérieur. Il a été procédé dans les groupes scolaires à cinq cents mesures visant à vérifier la qualité de l’air intérieur, dont 10 % ont révélé des chiffres préoccupants, et c’est pourquoi le Comité interministériel de la qualité de l’air entend faire une nouvelle série de mesures d’ici à 2017 : toutes les collectivités qui accueillent les enfants de moins de six ans auront obligation de faire un prélèvement. L’État se doit donc d’être ambitieux sur la qualité de l’air intérieur quand il soutient un programme de réhabilitation.
Il faut certes diminuer la consommation énergétique, mais on sait très bien que plus on calfeutre un bureau, une voiture ou un logement, moins on favorise la circulation et le renouvellement de l’air – sans compter les pollutions qui peuvent provenir des tapisseries, des peintures ou des meubles. C’est un point absolument fondamental. À cet égard, la politique de la ville pourrait constituer un laboratoire extraordinaire pour que les quartiers retenus et les logements réhabilités deviennent un exemple et un modèle au regard de la qualité de l’air intérieur dans notre pays.
Sourires
–, mais je rappelle que la transition énergétique est un bel exemple de coconstruction.
Non, on ne va pas en reparler, mais reconnaissez que le débat est intéressant. On a toujours le sentiment que la rénovation urbaine se résume à la construction de bâtiments, alors qu’on devra dorénavant poser au préalable le problème de la transition écologique et énergétique, élément fondamental de l’accès à l’énergie.
Cette transition renvoie à la construction de la maison, à son orientation, à la question de l’air et à celle de l’ensoleillement. Le traitement de toutes ces questions techniques qui permet de travailler sur les économies d’énergie constitue les bases d’une nouvelle culture de l’énergie qui ne se borne pas à la consommation énergétique. L’alinéa 14 ne sera pas seulement un outil permettant à un individu ou à un groupe s’opposant de le stopper, mais bien l’introduction d’une nouvelle culture de l’urbain qui responsabilise à la fois les constructeurs, les gestionnaires et les usagers.
L’amendement no 140 est adopté.
Je me permets d’abord de revenir sur mon amendement no 109 , qui est tombé du fait de l’adoption, par ailleurs justifiée, de l’amendement du rapporteur – et c’est bien dommage, car il me semble qu’il faudrait qu’une convention entre l’ANAH et l’ANRU précise les modalités d’intervention respectives de ces organismes aux compétences complémentaires.
Quant à l’amendement no 108 , il s’agit d’écrire que les projets de renouvellement urbain constituent l’un des volets du programme local de l’habitat.
Le projet de loi pour l’accès au logement et l’urbanisme rénové est en cours de discussion. Les politiques publiques conduites au cours des dernières années ont très souvent établi une distinction entre, d’un côté, la rénovation urbaine dont les montants de construction, de démolition et de reconstruction engagent des moyens massifs qui représentent des centaines de milliers de logements, et, d’un autre côté, le programme local de l’habitat.
Cet amendement et un autre que j’ai cosigné avec Michel Piron et qui sera examiné ultérieurement – il est, je crois, approuvé par le Gouvernement – insistent sur la nécessité de lier le programme de renouvellement urbain et celui de l’habitat.
J’approuve tout à fait vos propos, monsieur Richard, mais je vous propose de le retirer au profit de celui que vous avez cosigné avec M. Piron et qui sera examiné tout à l’heure. C’est un amendement qui va dans le bon sens, mais il n’est pas tout à fait logique de l’adopter à l’article 2 : mieux vaut le faire à propos des autres documents élaborés par certaines collectivités locales ou territoriales.
Même avis que le rapporteur. Par ailleurs, je voudrais vous préciser, monsieur Richard, qu’une convention sera bien passée entre l’ANRU et l’ANAH.
L’amendement no 108 est retiré.
Cet amendement prévoit que, lorsque le programme de renouvellement urbain comprend des éléments de réhabilitation et de démolition d’équipements publics ou collectifs, notamment ceux qui ont trait à l’organisation d’activités économiques, les représentants des associations et les acteurs économiques y soient associés.
Notre collègue Blein a beaucoup de bon sens, et propose une mesure juridiquement réalisable, ce qui est à saluer. On ne peut qu’être favorable à ce que les associations et les acteurs économiques soient associés au programme, au même titre que les habitants.
Cela nous change de notre discussion précédente sur le conseil de citoyens, dont on ne sait plus très bien s’il sera composé de citoyens français, de citoyens européens, ou d’habitants. Ne croyez pas que je fasse de l’humour à cette heure-ci, mais nous nous réjouissons de pouvoir approuver un amendement à la fois juridiquement fondé et fonctionnel !
L’amendement no 92 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Très volontiers, madame la présidente. Ces deux amendements procèdent du même esprit et tendent à la création systématique d’une instance de démocratie participative – baptisée « atelier populaire d’urbanisme » dans l’amendement no 83 – dans tous les territoires faisant l’objet d’une opération de renouvellement urbain. Cette instance permettra une meilleure association de tous les habitants et autres parties prenantes aux opérations de renouvellement urbain.
Ces ateliers seront le moteur d’une réelle démocratie participative, en assurant une forte représentation des habitants et des acteurs de quartier, en établissant un processus de codécision, en laissant le choix à l’instance de ses modalités de fonctionnement, en étant un lieu de formation des citoyens et de coconstruction du projet de renouvellement urbain.
Nous reprenons ici l’argumentation que nous avons développée précédemment sur la coconstruction, nécessaire non seulement pour que les projets soient bien menés, mais aussi pour que les habitants s’approprient ces nouveaux lieux après avoir contribué activement à leur construction.
L’amendement no 84 , qui prévoit une instance participative de même type appelée « maison du projet », est en quelque sorte un amendement de repli. Notons que certaines villes ont déjà créé des ateliers d’urbanisme, qui fonctionnent très bien.
L’autre amendement qui a été déposé montre que nous avons envie de construire les mêmes choses. Qu’il s’agisse de l’atelier populaire d’urbanisme ou de la maison du projet, il s’agit d’une instance destinée à mener les projets ensemble.
Cet amendement peut satisfaire Mme Abeille, puisqu’il tend à préciser que chaque projet de renouvellement urbain doit comporter la mise en place d’une maison du projet, ce qui n’est pas actuellement le cas dans toutes les opérations.
Quant aux modalités de mise en oeuvre, elles ne sont pas du ressort de la loi car il s’agit de s’adapter à la situation locale, au type de projet, aux lieux. Je souhaite donc renvoyer ces modalités à la discussion du contrat de ville et à la coconstruction entre habitants et élus.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir le sous-amendement no 139 .
Le sous-amendement précise bien qu’il s’agit de coconstruire le projet.
Ces amendements, j’en suis convaincu, vont satisfaire M. Borloo… Le Gouvernement propose en effet de légaliser une bonne pratique : dans certains projets urbains existants, des maisons de projet ont vu le jour et ce sont plutôt des réussites. La généralisation de ces maisons de projet permettrait, en autres, la coconstruction.
Madame Abeille, je vous propose de retirer vos amendements au profit de celui du Gouvernement, auquel la commission a donné un avis favorable. Elle n’a pas examiné votre sous-amendement, mais j’émets, à titre personnel, un avis favorable.
Madame la présidente, j’ai souligné que ces maisons de projet permettraient la coconstruction des projets.
L’avis du Gouvernement est donc favorable.
La parole est à M. Martial Saddier.
Monsieur le ministre, je suis naturellement favorable à ce que l’on sacralise un lieu où peut s’organiser au quotidien la rencontre entre les habitants d’un quartier et ceux qui réalisent un projet les concernant. Je voudrais vous en remercier, et revenir sur un point dont nous avons déjà discuté en commission : la nécessaire souplesse.
Je vous rejoins également sur l’effet de seuil, que vous avez illustré par un exemple. Il me paraîtrait scandaleux, comme à vous, qu’un quartier de 998 habitants ne puisse être éligible tandis qu’un autre de 1 001 habitants le serait. Ce petit quartier de 998 habitants sera peut-être sur la liste – quand nous l’aurons. Quoi qu’il en soit, ce quartier, ou même ceux qui comptent 1 000, voire 1 500 habitants, peuvent être considérés comme de petites entités à l’échelle de l’organisation de la République française. Il est possible que, malgré leur taille, ils disposent déjà d’un local associatif. Ne rajoutons donc pas une couche d’obligations légales qui seraient inapplicables sur le terrain !
En partisan de la simplification, je ne puis vous dire à quel point je souscris à vos propos, monsieur Saddier. Deux instances existeront demain : le conseil municipal, instance délibérative élue ; le conseil de quartier, instance de démocratie participative.
C’est pourquoi, madame Abeille, je n’adhère pas à votre idée de créer des instances supplémentaires de participation. Il en existe deux qui dialoguent ensemble : l’une est participative, c’est le conseil de quartier qui participe de la construction du projet urbain et de renouvellement social ; l’autre délibère, c’est le conseil municipal. C’est particulièrement simple, me semble-t-il.
Vous m’avez retiré les mots de la bouche, monsieur Blein. Enfin quelqu’un qui parle de droit et de choses qui sont possibles et réalisables, qui ne fait pas de la philosophie !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je tenais à vous en féliciter. Nous sommes tous favorables à la concertation, à la consultation. C’est souhaitable, monsieur Laurent.
Nous pensons tous qu’il faut entendre et associer les habitants, mais, s’agissant de certains aspects de cet article, nous sommes dans la palabre. Vous n’êtes clairs ni sur la citoyenneté, ni sur la coconstruction, que Mme Abeille veut pousser jusqu’à la codécision. En revanche, j’entends M. Blein lorsqu’il nous rappelle la démocratie française telle qu’elle est : la délibération d’un côté, la participation des habitants de l’autre.
Mes chers collègues, je pense qu’il ne faut pas que nous allions trop loin, car faire un projet de rénovation urbaine est déjà suffisamment compliqué. Il faut évidemment qu’il y ait un lieu d’échange, qui peut très bien être une « maison du projet ». Comme l’a très bien dit le rapporteur, cela existe déjà dans la plupart des projets : vous ne réinventez pas la roue en faisant cela ! Je me permets cependant d’appeler votre attention sur le fait que certains termes n’ont aucune valeur juridique.
Je retire les amendements nos 83 et 84 .
Je voudrais cependant préciser que l’intérêt d’une « maison du projet »est aussi de pouvoir y aborder la question du diagnostic, dont nous avons peu parlé. Lors du démarrage d’un projet, lorsqu’il faut faire partager aux habitants la nécessité du renouvellement urbain, la discussion part de l’état des lieux, du diagnostic. Il me semble essentiel d’effectuer ce diagnostic partagé dans le cadre de la maison du projet.
Le sous-amendement no 139 est adopté.
L’amendement no 81 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à Mme Pascale Boistard, pour soutenir l’amendement no 95 .
Il s’agit d’inclure les actions portant sur l’histoire et la mémoire des quartiers dans la liste des opérations bénéficiant du concours financier de l’ANRU.
Le 24 octobre dernier, monsieur le ministre, vous avez été destinataire du rapport de Pascal Blanchard, qui a consulté de nombreux acteurs des milieux culturels et éducatifs ainsi que beaucoup d’associations qui travaillent sur ces questions, permettant justement une certaine cohésion citoyenne autour des projets de renouvellement ou de rénovation urbains.
Il s’agit que soient respectées l’histoire de ces quartiers et celle des habitants et citoyens qui y vivent.
En quelques mots, je voudrais souligner l’importance de cet amendement qui se réfère aux travaux de la commission présidée par Pascal Blanchard. Je mesure cette importance dans mes contacts sur le terrain, tant avec les élus qu’avec les représentants du monde associatif.
Une opération de rénovation urbaine, c’est très bien quand elle est terminée. Mais, dans sa phase de lancement et de réalisation, surtout lorsqu’elle s’étale dans le temps comme à Vaulx-en-Velin où elle dure depuis trente ans, elle peut avoir des aspects violents, voire traumatisants.
Ces quartiers populaires font aussi l’objet de stigmatisation et de discrimination. Il est important d’effectuer un travail sur la mémoire des habitants et sur l’histoire du bâti – qui doit s’adresser aussi à tous les habitants de la ville et du territoire concerné – pour que les choses se déroulent mieux et, surtout, pour que les habitants se sentent pleinement impliqués.
Voter l’amendement signifie que l’ANRU financera la mesure. Monsieur Saddier, vous semblez surpris, mais l’ANRU le fait déjà souvent,…
… considérant que le travail sur la mémoire du bâti et des habitants est un élément intrinsèque d’une opération de réhabilitation, de rénovation ou de restructuration d’un quartier.
Je soutiens évidemment cet amendement, que j’ai cosigné avec Pascale Boistard et de nombreux autres collègues. Je crois qu’un tel travail est nécessaire pour qu’une rénovation urbaine soit bien acceptée. Il faut montrer à la fois les évolutions et leur inscription dans l’histoire. Je pense par exemple au quartier des Francs-Moisins, à Saint-Denis, qui, s’il est aujourd’hui extrêmement discriminé, fut aussi, en son temps, celui qui permit de sortir des bidonvilles qui étaient alors le quotidien d’une ville comme Saint-Denis. Il me semble important de pouvoir faire ces mises en perspective du bâti.
Je voterai donc, bien sûr, cet amendement, mais il serait peut-être nécessaire d’apporter une précision, qui s’inscrit parfaitement dans la philosophie du rapport Blanchard et des propos que vous venez, monsieur le ministre, de tenir. Elle consisterait en l’ajout des mots « et de leurs habitants », après les mots « des quartiers ». Il ne faudrait pas que la mention des « actions portant sur l’histoire et la mémoire des quartiers » conduise à ne considérer que l’histoire du bâti ; il s’agit aussi de l’histoire des habitants, notamment, dans certains quartiers, celle des vagues d’immigration et de tout ce qui s’en est suivi.
Que l’histoire et la mémoire des quartiers soient, monsieur le ministre, au coeur du projet de renouvellement ou de réhabilitation ou ce que vous voulez d’un quartier, on ne peut naturellement qu’y être favorable. Vous rendez-vous compte, cependant, mes chers collègues, de ce qu’il s’agit d’inscrire dans la loi ? Il nous a fallu quinze ans pour obtenir, dans cet hémicycle – cela se fera par voie d’ordonnance, sous la responsabilité de votre ministère, monsieur le ministre, et de celui de Mme Duflot, mais nous l’avons autorisé –, qu’enfin soit introduite dans la loi la notion de recours abusif. Je sais que le ministre Borloo s’était beaucoup battu pour cela en son temps ; le recours est un sport national, pour ne rien dire des négociations qui se jouent en coulisses pour obtenir certaines choses.
La portée juridique du terme m’inquiète donc fort. Contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre, il ne s’agit pas de la mémoire des bâtiments, il s’agit de la mémoire des quartiers. En se fondant sur ces mots, quelqu’un, au sein ou à l’extérieur d’un quartier, pourra agir en justice, je suis sûr que, dans ma ville, quand il sera question de n’importe lequel des quatre quartiers susceptibles d’être éligibles ou d’être rénovés, le juge considérera que n’importe lequel des 15 000 habitants de la commune a un intérêt à agir. J’ose espérer que je me trompe, mais je pense que la portée juridique de cette phrase, qui part d’une bonne intention, peut être la source d’un blocage total et complet des projets de renouvellement urbain.
J’appelle donc votre attention sur ce point.
L’amendement no 95 est adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 40 .
Tout d’abord, je remercie Pascale Boistard pour son amendement no 95 , même si je n’ai pas pris part à la discussion dont il a été l’objet.
L’amendement no 40 concerne les sociétés coopératives d’intérêt collectif.
Ce sont des entreprises coopératives qui répondent aux besoins collectifs des habitants en mobilisant les ressources économiques et sociales d’un territoire. Elles s’inscrivent donc de fait dans une dynamique favorable aux territoires en termes de développement local et durable, en préférant l’action de proximité et la création d’emplois dans un même bassin d’activité.
La loi sur l’économie sociale et solidaire reconnaît leur apport en termes sociaux et de développement territorial. En effet, elle en facilite la création et le développement, et rend les SCIC éligibles au dispositif des emplois d’avenir.
Les objectifs ambitieux qu’elles portent en termes de participation de tous dans la vie de l’entreprise, notamment par les décisions de gestion, sont cohérents avec la volonté affirmée par ce projet de loi d’associer les habitants de ces territoires à l’élaboration du projet. En outre, elles privilégient des pratiques de dialogue et de consensus qui contribuent à la formation à la citoyenneté et, plus généralement, à une dynamique participative des populations.
Il semble donc nécessaire qu’une référence soit faite dans la loi à ce type d’entreprise, dans un souci de cohérence globale de la politique que nous menons.
On peut effectivement faire participer davantage les sociétés coopératives, mais les textes le prévoient déjà ; c’est tout à fait possible, et même souhaitable. Cependant, il paraît difficile de l’inscrire dans la loi comme une quasi-obligation.
Surtout, une convention – je crois que M. le ministre va en parler – a été signée avec Benoît Hamon, qui va dans le même sens.
Je vous propose donc, chère collègue, de retirer votre amendement, qui est satisfait. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
Effectivement, cela figure dans le texte de la convention que j’ai signée avec le ministre de l’économie sociale et solidaire. Je vous prie donc de retirer cet amendement, madame la députée.
L’amendement no 40 est retiré.
La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement no 141 .
Je défends, au nom de mes collègues du groupe SRC, cet amendement qui revient en séance sous une forme un peu différente de sa version initiale, déclarée irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Le débat que nous avons depuis tout à l’heure s’inscrit dans l’histoire de la politique de la ville. On a longtemps été dans le « tout-humain ». Cette politique a montré ses limites, et vous avez, monsieur Borloo, porté une politique qui, au fond, a basculé dans l’urbain, peut-être le « trop urbain ». Les débats que nous avons, les amendements que nous adoptons n’arrivent pas par hasard : ils font suite à des expériences très concrètes, qui ont conduit à des blocages. Notre rapporteur évoquait ainsi tout à l’heure l’exemple de démolitions refusées par les habitants, et sur lesquelles on se rendait compte, par le dialogue, qu’ils avaient sans doute plus raison que certains urbanistes. C’est quelque chose qu’il faut admettre, et qui ne remet pas en cause la qualité du travail que vous avez pu faire, monsieur Borloo.
Au fond, maintenant, on essaie de mêler l’humain et l’urbain. En ce qui concerne l’humain, l’amendement que je vous propose traite de la politique de l’emploi, en se conformant à la volonté de toujours rester dans les politiques de droit commun – ici celle des emplois d’avenir.
Je suis l’auteur d’un rapport parlementaire qui comporte un certain nombre de préconisations en la matière. S’il montre que les emplois d’avenir sont un succès sur le terrain, tant sur le plan qualitatif, car ils bénéficient bien au public visé, celui des jeunes peu ou pas qualifiés, que sur le plan quantitatif, car on en compte près de 100 000 moins d’un an après le lancement du dispositif, celui-ci pourrait cependant être renforcé dans les zones urbaines sensibles.
Parmi les propositions faites, nous venons d’ailleurs d’en adopter une qui concernait la discrimination à l’adresse. Je préconise pour ma part que les dérogations pour les bacheliers, et au-delà, puissent être de droit, que les grands comptes puissent être mobilisés pour pallier le déficit d’emplois dans ces zones, que des majorations financières puissent être décidées pour les entreprises du secteur privé et aussi que le réseau des missions locales puisse être réorganisé. En effet, celles-ci sont parfois établies sur un territoire trop étroit, et ne veillent pas assez à ce que, pour chacun des postes offerts, les candidatures des jeunes issus des zones urbaines sensibles aient les mêmes chances que celles des jeunes issus d’autres zones.
Par cet amendement, je propose que le Gouvernement nous soumette d’ici à la fin du mois de mars un rapport pour aller dans ce sens.
Dans sa rédaction initiale, l’amendement n’avait pas surmonté l’obstacle, particulièrement difficile à franchir en ce moment, de l’article 40 de la Constitution. Cette nouvelle rédaction n’a donc pas été étudiée par la commission, mais, à titre personnel, j’émets un avis très favorable.
Vous savez, monsieur le député, que je suis très sensible à la question des emplois d’avenir en zone urbaine sensible. Nous devons être capables d’atteindre l’objectif de 20 % à la fin de l’année, avant de monter en puissance jusqu’à 30 %.
Vous connaissez les difficultés rencontrées, dont les raisons sont multiples. Elles sont parfois liées au service public de l’emploi, qui n’est pas forcément adapté à tous les terrains. Elles tiennent parfois au fait que certains jeunes, peu ou pas qualifiés, ne correspondent pas au type d’emploi d’avenir proposé. C’est d’ailleurs pourquoi l’Assemblée avait proposé une dérogation permettant de recruter jusqu’au niveau bac +3 dans les zones urbaines sensibles.
J’ai lu les conclusions de votre rapport d’information. Je suis d’ailleurs en train de dialoguer avec Michel Sapin et son cabinet ; nous cherchons à déterminer quels assouplissements sont nécessaires, voire quels moyens supplémentaires pourraient être mobilisés. Moi-même, dans le budget 2014, j’ai provisionné plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de postes d’adultes relais, afin de détecter les jeunes en difficulté en zone urbaine sensible et de les aiguiller vers le dispositif.
Cependant, l’amendement ne vient pas au bon endroit du texte : nous examinons en effet l’article relatif à la rénovation urbaine. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée nationale.
J’ai participé à cette mission avec son président et rapporteur Jean-Marc Germain, ainsi qu’avec Hélène Geoffroy et quelques autres qui ne sont pas là aujourd’hui. Nous avons effectivement fait le tour de nombreux quartiers pour comprendre pourquoi la proportion des emplois aidés occupés par des jeunes des quartiers était si faible. Le ministre l’a très bien dit : c’est un problème dont nous sommes tous responsables, puisque ce taux est de 16 %, 17 % ou 18 %. N’imaginons pas que 80 % des emplois aidés soient destinés aux quartiers !
Il faut donc, effectivement, aller plus loin, et je souscris à l’idée de Jean-Marc Germain : il est nécessaire que le Gouvernement réponde à son rapport – par un autre rapport, car tel est bien le fond de l’amendement qu’il a défendu. Nous avons rendu un rapport il y a quelques mois, et nous attendons toujours la réponse du Gouvernement aux propositions que nous avons faites pour améliorer la mise en oeuvre du dispositif des emplois d’avenir dans les zones urbaines sensibles ; nous en avons parlé pendant l’examen du budget du travail et de l’emploi.
Je considère donc cet amendement de notre collègue Germain comme une sorte d’appel au secours d’une majorité qui demande au Gouvernement d’écouter les propositions qu’elle peut faire.
L’amendement no 141 est adopté.
L’article 2, amendé, est adopté.
Comme nous avons fini l’examen de l’article 2, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.
Article 2
La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures dix.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 11 portant article additionnel après l’article 2.
Cet amendement pour objet d’améliorer la concertation entre locataires et bailleurs dans le domaine du renouvellement urbain. Pour cela, il propose de modifier les textes actuellement en vigueur. Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, la concertation n’est pas obligatoire lorsqu’une opération de renouvellement urbain est menée. Pour d’autres opérations ou d’autres projets, une concertation est obligatoire. Je propose donc de mentionner les projets de renouvellement urbain au I de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme et d’obliger les bailleurs à réunir les représentants des locataires lorsqu’un projet important concerne le patrimoine du bailleur concerné.
Madame la présidente, une fois n’est pas coutume, je ne partage pas totalement l’avis du rapporteur. C’est une exception !
Sourires.
Je considère en effet que l’article 44 quater de la loi du 23 décembre 1986 répond à son souhait.
Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.
Je trouve que l’amendement proposé par notre rapporteur est assez intelligent, et qu’il est solide sur le plan juridique, car il se fonde sur un texte existant, qu’il propose de compléter.
Cela prouve que nous sommes de bonne foi quand nous défendons la nécessité d’une pleine et entière concertation, mais dans un cadre juridique qui existe déjà. Nous ne sommes pas là pour faire de la phraséologie ou de la philosophie à propos des quartiers, même si nous défendons chacun nos positions – je respecte celles des uns et des autres.
En la matière, M. le rapporteur nous dit qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une procédure de concertation spécifique pour toutes les opérations de rénovation urbaine. C’est vrai : ce n’est pas souhaitable. La plupart des maires, dans le cadre du code de l’urbanisme, du code de l’environnement, du code de la construction et de l’habitation ou du code général des collectivités territoriales, sont déjà contraints de le faire dans le cadre des ZAC, ou des opérations de démolition par un bailleur. Il me paraît donc souhaitable d’inclure cette procédure de concertation.
Il faut espérer que cette suspension de séance a été profitable à tous, car cet amendement se situe dans un cadre juridique qui existe déjà.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission, je trouve que les bailleurs sociaux s’en tirent plutôt bien à ce stade de nos débats, et je pense que cet avis est partagé par le ministre et le rapporteur. Je présenterai d’ailleurs un amendement d’appel en ce sens un peu plus tard.
Je pense que nous devrions rappeler aux bailleurs sociaux leurs droits et leurs devoirs. Nous ne devrions pas hésiter à le faire à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, mais aussi à l’avenir, lorsque nous débattrons d’autres textes sur ce sujet. Ils ont l’obligation d’être partie prenante à l’attribution des logements sociaux, mais aussi de les faire vivre. Il ne faut pas qu’ils se sauvent une fois les logements réhabilités et refusent de répondre aux appels téléphoniques des maires et des locataires !
Je suis donc plutôt tenté de soutenir cet amendement, que je trouve intelligent. À titre personnel, j’ai réhabilité plusieurs quartiers : les locataires ont pu s’exprimer par un vote lorsque les travaux relatifs à la consommation énergétique avaient une incidence sur le loyer. Je pense qu’inscrire cette exigence dans la loi permettrait de trancher cette question une bonne fois pour toutes et d’envoyer un signal très clair aux bailleurs sociaux. Cela me semble donc aller dans le bon sens, même si je souhaiterais qu’on aille encore plus loin, qu’on renforce encore les obligations des bailleurs sociaux pour que les locataires se sentent vraiment concernés par l’avenir de ces quartiers.
Je suis entièrement d’accord avec ce qui vient d’être dit, et je soutiens l’amendement proposé par M. Pupponi. M. Saddier a raison : à un moment donné, il est nécessaire d’aller plus loin. Je parle de cela par expérience personnelle : il faut vraiment prendre en compte cette réalité.
L’amendement no 11 est adopté.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur cet article, les députés UMP ont déposé un amendement d’appel – je dirais même d’appel au secours ! Le premier alinéa de l’article dispose en effet que « pour contribuer à l’atteinte des objectifs de la politique de la ville énoncés à l’article 1er, il est envisagé d’instituer une dotation budgétaire intitulée "dotation politique de la ville" ». Vous comprenez bien que l’enjeu, à ce stade de nos débats, n’est plus d’« envisager d’instituer » quelque chose, mais de prévoir les moyens nécessaires à la mise en oeuvre effective de la politique de la ville.
Puisque j’ai été très agréable avec M. le rapporteur il y a trente secondes, je m’adresserai à nouveau à lui, et non pas à M. le ministre. Permettez-moi, puisque la soirée sera longue, de revenir sur cette fameuse liste des quartiers concernés. À ce sujet, j’ai apprécié la sincérité des propos que vous avez tenus tout à l’heure, monsieur le rapporteur.
Sourires.
C’est vrai !
Prenons le cas de la péréquation : le Gouvernement ne donne pas à l’avance la liste des collectivités concernées, sans quoi, nous a-t-il été dit, cela pourrait faire capoter le vote ! Nous en avons eu un bel exemple jeudi dernier, tard dans la nuit, avec un amendement du Gouvernement créant un sixième fonds de péréquation, qui a suscité une certaine émotion. J’étais présent, bien que la nuit fût fort avancée : nous avions demandé plusieurs suspensions de séance.
Cet aveu m’inquiète au plus haut point, monsieur le rapporteur. Il est plus nécessaire que jamais que nous ayons cette liste ! Votre refus signifie que cette liste ferait capoter ce projet de loi si elle était disponible dès maintenant.
Or ce n’est pas l’opposition, par définition minoritaire, qui peut faire capoter le texte : c’est le groupe majoritaire ! Votre refus de communiquer la liste des communes et des quartiers prioritaires inquiète beaucoup le groupe majoritaire, à l’Assemblée comme au Sénat. Les propos sincères tenus tout à l’heure par M. le rapporteur à ce sujet me permettent de faire cette remarque.
Je suis d’accord avec la remarque de M. Saddier. Il est question d’envisager une nouvelle dotation. Mais, en en exposant les motifs en commission, vous avez indiqué qu’elle viendrait se substituer à la dotation de développement urbain.
Je voudrais que vous répondiez clairement à plusieurs questions simples. D’abord, l’aide aux quartiers en difficultés des zones franches urbaines représentait 460 millions d’euros par an. Par quoi est-elle remplacée ? Par rien, ou par quelque chose ?
Ensuite, vous supprimez la DDU et vous envisagez de créer un nouveau dispositif. Dans quel ordre procéderez-vous ? Et le nouveau dispositif représentera-t-il un effort de la nation au moins équivalent au dispositif précédent ? Tout cela représente globalement un milliard d’euros.
Par ailleurs, Bercy s’est opposé, semble-t-il, à un outil indispensable pour la rénovation urbaine des quartiers, qui était le taux de TVA à 5,5 % pour l’accession sociale à la propriété.
C’est un point extrêmement important, qui représente près d’un demi-milliard d’euros de plus.
L’ordre de grandeur de la proposition que vous « envisagez » correspond-il au milliard et demi antérieur ? Envisager, est-ce décider ? Comment ce budget sera-t-il attribué ?
On a un peu le sentiment, comme pour la liste, qu’on nous parle de dispositifs éventuels dont les périmètres et les montants ne sont pas définis, tandis qu’on ne connaît, à ce stade, que ce qui est purement et simplement supprimé.
Vous avez probablement les idées claires, et pourrez donc nous répondre très simplement.
Je souhaite souligner deux aspects de cet article 3. Le premier est l’institution d’une dotation « politique de la ville », la DPV, dont les modalités seront déterminées à travers le rapport qui doit être remis le 1erseptembre 2014.
Concernant l’outre-mer, l’alinéa 8 dit clairement que des mesures spécifiques seront retenues. J’insiste sur ce point très important pour nous, car la question des quartiers se pose très différemment : nous disposons de beaucoup plus d’habitats informels et dégradés que de grands ensembles. Je présenterai donc tout à l’heure un amendement précisant cela.
Cependant, j’appelle l’attention du Gouvernement sur un autre problème. Notre collègue Pupponi a fait un rapport, en juillet 2013, sur la péréquation de la politique de la ville. Les systèmes de péréquation, pour des raisons qu’il faudrait analyser, créent une inégalité de traitement entre les villes relevant de la géographie prioritaire selon qu’elles se trouvent en métropole ou dans les départements d’outre-mer. Le désavantage financier est assez important : 74 euros par habitant dans le premier cas, 44 euros dans le second. Ce n’est pas acceptable.
Bien entendu, les modalités de calcul de la répartition des financements font que ces villes ne peuvent assumer seules la responsabilité des politiques d’aménagement. Il ne faut donc surtout pas diminuer le potentiel financier des petites communes qui n’ont pas de problème pour attribuer davantage de financements aux grandes. Je demande à M. le ministre d’être très attentif à cette question de péréquation, car elle ne permet pas aux villes relevant de la géographie prioritaire de mener correctement leur politique de la ville.
Je voulais revenir sur ce que nous demande M. Saddier depuis le début du débat et lui dire qu’il connaît déjà le début de la liste, puisque la ville d’Amiens a servi de ville « pilote » pour démontrer que la méthode de M. le ministre était la bonne.
Je vais expliquer très simplement les choses : les anciens zonages de politique de la ville à Amiens comportaient quelques particularités, notamment celle d’intégrer des champs agricoles dans la politique de la ville ! Nous avions donc du chemin à faire.
Comme vous vous intéressez un petit peu à ce sujet – vous étiez au ministère au mois de juin –, l’exemple d’Amiens pourrait être un aperçu concret de ce qui pourrait se passer dans d’autres villes.
On sait très bien qu’à Amiens cela se traduit par l’intégration de nouveaux quartiers dans le cadre de la politique de la ville.
Le critère de la pauvreté a effectivement permis un changement du zonage de la politique de la ville.
Je vais répondre à quelques interventions.
Concernant d’abord le problème de la péréquation, je réponds à M. Borloo que ce qui est proposé dans le rapport est de compléter l’ensemble des dotations de péréquation actuelles par la nouvelle dotation « politique de la ville ». La dotation de solidarité urbaine n’est pas supprimée, bien au contraire : elle continue à augmenter, tout comme le Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France et le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. Aujourd’hui, la dotation de développement urbain n’est pas une vraie dotation, mais une subvention que le préfet décide d’accorder ou non à telle commune ou à telle autre, en fonction de critères qui peuvent varier un peu selon les préfectures, car ils semblent à la discrétion du préfet.
L’idée est donc de créer une vraie dotation, qui devra évoluer dans le temps et permettre d’attribuer des moyens spécifiques. On a constaté en effet qu’aucune des dotations de péréquation n’était attribuée spécifiquement au titre de la politique de la ville. La DSU est destinée à l’ensemble des villes pauvres, même s’il y a une « DSU cible ». Je crois que c’est une bonne chose, et nous sommes d’ailleurs passés de 600 millions d’euros il y a quelques années à 1,3 milliard aujourd’hui. La représentation nationale et les gouvernements successifs ont fait un effort considérable, qui a permis aux villes pauvres et à celles concernées par la politique de la ville de s’en sortir. Il faut le saluer.
La DPV va donc venir compléter ce dispositif. Je souhaite dire à M. Saddier que je n’ai pas demandé la fameuse liste. Je ne veux même pas la connaître, car j’ai assisté à trop de réformes, portant notamment sur la péréquation ! Je prendrai l’exemple de la réforme de la DSU voulue par le Gouvernement précédent, motivée par le fait que les trois quarts des communes de plus de 20 000 habitants touchent cette dotation. J’avais même appris au ministre du budget de l’époque, M. Woerth, que sa ville, Chantilly, touchait la DSU !
Cela représentait 50 000 euros. On disait alors qu’il fallait « flécher »l’enveloppe globale de la DSU vers les quartiers pauvres. Lorsque la liste a été rendue publique, les lobbys et les égoïsmes locaux se sont réveillés et sont allés voir la ministre de l’intérieur de l’époque, Mme Alliot-Marie, qui a enterré la réforme. Un front uni a été formé par tous les maires qui ne voulaient pas perdre le moindre euro pour le donner aux villes les plus pauvres, même s’il n’était pas justifié qu’ils touchent la DSU.
Si je n’ai pas demandé la liste, c’est justement pour éviter ces égoïsmes locaux. Ce qui m’intéresse, c’est la justice de cette réforme. Regarder les choses territoire par territoire fait perdre la notion d’intérêt général. Il me semble donc sain de ne pas diffuser cette liste. Il faut voter le principe, puis l’appliquer. Si quelqu’un est pénalisé par le principe d’intérêt général, tant pis : les intérêts particuliers passent après, et c’est une bonne chose !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je vais apporter des précisions et des chiffres clairs et sans ambiguïtés à M. Borloo. La « DSU cible », qui touche les 250 communes les plus pauvres, a été augmentée par ce gouvernement et cette majorité : de 120 millions en 2013 et de 60 millions en 2014.
Quant à la dotation de développement urbain – je ne reprendrai pas les arguments du rapporteur –, il s’agit effectivement d’une subvention, et non d’une dotation. C’est ce qui fait, d’ailleurs, qu’elle n’est pas inscrite au budget des communes. C’est dans le cadre des discussions avec le préfet qu’elle permet de subventionner certains investissements dans le courant de l’année – et parfois, par extension, certaines dépenses de fonctionnement liées à cet investissement, hors frais de personnel.
Cette dotation s’élevait à 50 millions lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités et a été augmentée de 25 millions l’an passé, puis à nouveau de 25 millions en 2014. Elle aura donc doublé en deux ans et bénéficiera non plus à 100 mais à 120 communes parmi les plus pauvres.
S’agissant de la TVA, son taux passera bien de 7 % à 5,5 % pour l’accession sociale à la propriété dans le cadre des opérations de rénovation urbaine. Il s’agit, encore une fois, d’une décision de l’actuelle majorité.
Enfin, le financement des zones franches urbaines n’est plus de 460 millions, mais d’environ 400 millions par an. Je répète ce que j’ai dit tout à l’heure : la décision de supprimer les ZFU au 31 décembre 2014 a été prise par le Gouvernement précédent et votée par la majorité précédente.
Si, monsieur Borloo ! La décision a été prise en 2012, et il a été décidé de proroger jusqu’à fin 2014 le dispositif qui devait déjà s’arrêter fin 2012. Je pense que cela n’a strictement rien à voir avec les échéances électorales…
Depuis, MM. Sordi et Jibrayel ont produit un rapport parlementaire, qui est un des éléments de la discussion.
Il est cependant une question à laquelle vous ne trouverez pas de réponse : c’est celle du nombre d’emplois que le dispositif a créés, chiffre que nul ne peut connaître, du fait de l’effet d’aubaine qu’il entraîne. Mais, même en rapportant l’ensemble des emplois créés depuis six ans au nombre de zones franches urbaines, on obtient un coût d’environ 50 000 euros par emploi potentiellement créé. Reconnaissez que c’est prohibitif !
J’ai donc demandé au Conseil économique social et environnemental d’évaluer la mesure. Je ne suis pas opposé aux zones franches urbaines, mais je constate sur le terrain qu’il y a deux types de ZFU.
Il y a, d’une part, celles qui fonctionnent car les collectivités se sont véritablement engagées dans ce dispositif. Je prends l’exemple de Marseille, où les élus, de droite et de gauche, sont particulièrement attachés aux ZFU. J’en ai parlé à M. Gaudin, à M. Mennucci, à M. Jibrayel et à Mme Ghali : tous souhaitent le maintien de la zone franche urbaine de Marseille. En effet, selon les chefs d’entreprise de Marseille, la zone franche fonctionne car le quartier est sécurisé, l’espace public est rénové, desservi par les transports, et comprend des logements pour les salariés. Toutes les conditions sont donc réunies pour qu’une entreprise s’installe.
Dans d’autres villes, inversement, j’ai constaté que les zones franches urbaines ne fonctionnaient pas et qu’on y retrouvait plutôt des professions libérales. Cela s’est traduit par une disparition des médecins généralistes, qui se sont tous retrouvés en zone franche, et par un effet « boîte aux lettres » que vous connaissez. En effet, si le quartier n’est pas sécurisé, si les salariés ont peur d’y venir, si l’espace public n’a pas été rénové, si on ne peut pas se loger, les entreprises ne s’installent pas et ne créent pas d’emplois.
Je souhaite donc qu’on poursuive cette évaluation. Le CESE me remettra son rapport à la fin de l’année ou au début du mois de janvier. Nous avons encore quelques mois devant nous, mais je souhaite que ce dispositif soit remplacé, et j’en parlerai avec le ministre du budget. S’il y a un dispositif de remplacement, il faudra réfléchir à ses modalités, en fonction des propositions du CESE : dispositif d’exonération, fonds de soutien à la création d’entreprise dans les quartiers…
En tout état de cause, je souhaite, d’une part, que l’on crée des obligations pour les collectivités, afin que ce futur dispositif soit réellement opérationnel et n’entraîne pas d’effets d’aubaine, et, d’autre part, qu’il comporte une mesure plus ciblée en faveur du commerce et de l’artisanat de proximité dans les quartiers, car ces activités, qui constituent souvent un service public de fait, y sont en grande difficulté.
Le Gouvernement a encore quelques mois pour travailler, avec le Parlement, sur cette stratégie, et prendra une décision dans le courant de l’année.
La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement no 14 .
L’amendement du rapporteur répondra en partie aux observations que je vais faire. Laissez-moi tout de même redire ma surprise. En effet, nul n’est besoin d’une loi pour créer cette dotation. De plus, il était inutile de débattre dans l’hémicycle sur une rédaction du style « il est envisagé de… ». Un petit travail en commission aurait réglé le problème.
Mais enfin, cela nous a finalement appris que vous aviez l’intention de créer cette dotation « politique de la ville » et qu’un rapport ultérieur nous informerait sur les modalités et notamment la fixation des critères. Plus j’avance dans la découverte de ce texte, plus je m’aperçois que vous demandez, finalement, un acte de confiance sur des grands principes – confiance que vous n’accordez guère aux collectivités et aux associations ; quand vous la leur accordez, c’est toujours avec une amende à la clé…
Vous nous avez demandé d’accorder notre confiance sur toutes les modalités d’élaboration de la critériologie, dont nous connaissons déjà en gros le contenu, sur l’élaboration des modalités de fonctionnement des comités citoyens dont nous savons que plus elle sera complexifiée, plus elle sera source de contentieux. Vous le faites, maintenant, pour des dotations importantes, puisqu’elles se substitueront peut-être à des dotations existantes, ou s’y ajouteront. Nous serons, là encore, simplement informés par un rapport sans pouvoir en discuter. Je ne sais pas si nous serons en mesure à la fin de l’examen de ce texte de vous accorder cette confiance.
Ça le mérite, en tout cas !
Avis défavorable puisque cet amendement propose de supprimer la dotation spécifique « politique de la ville ». Or nous sommes tout à fait favorables à sa création.
L’amendement no 14 n’est pas adopté.
J’ai quelque difficulté à suivre les débats, madame la présidente. Votre présidence est très conviviale, et il est très agréable de siéger dans cet hémicycle. Mais j’étais inscrit sur l’article 2 et vous ne m’avez pas donné la parole. J’étais inscrit sur l’article 3 et je n’ai toujours pas eu l’occasion de m’exprimer. Je vous demande d’être vigilante et j’en appelle à l’administration pour qu’elle vous appuie correctement pour cette présidence. Je ne vois pas, en effet, pourquoi je n’ai pu intervenir sur ces deux articles.
Monsieur Asensi, la liste qui se trouve dans le dossier dont je dispose ne mentionne pas votre nom. Si vous avez été privé deux fois de votre temps de parole, la présidence vous adresse ses excuses, au nom de toutes celles et ceux qui contribuent à ce que ces débats se déroulent dans de bonnes conditions. Vous aurez naturellement la parole, pour le temps qui vous est imparti, dès que vous la demanderez.
Cet amendement rédactionnel apporte une précision demandée par certains.
Totalement favorable.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 45 .
Par cet amendement, nous demandons que ce rapport ne soit pas simplement remis au Parlement, mais qu’il lui soit soumis pour avis. En effet, nous discutons ici d’un projet de loi de programmation. Un certain nombre de dispositions essentielles n’y sont pas détaillées. Il est, en conséquence, très important que les objectifs et la stratégie adoptés quant à la politique de la ville soient présentés au Parlement au mieux dans un projet de loi spécifique ou, tout au moins, par un avis motivé d’une ou de plusieurs commissions parlementaires.
Vous allez être plus que satisfaite, madame Abeille, puisque ce sont les députés et les sénateurs qui voteront la création de la dotation « politique de la ville ». Ils donneront ainsi plus qu’un avis, puisqu’ils décideront de son existence. La commission est, par conséquent, défavorable à cet amendement.
Je partage pleinement l’avis du rapporteur.
Nos collègues du groupe écologiste demandent que le Parlement émette un avis sur un rapport qui lui serait remis. Cela me semble curieux. Nous avons, au-delà du vote de la loi, une mission d’évaluation et de contrôle. Adopter cet amendement serait nous emberlificoter dans une méthode de travail qui sort du cadre de notre Règlement.
Cette proposition me paraissait intéressante. Si vous estimez toutefois qu’elle est satisfaite, je retire cet amendement.
Mme Abeille a présenté, en début d’après-midi, un amendement proposant que soit organisé un débat. L’organisation d’un débat annuel dans cet hémicycle, au moins pendant les premières années, sur la mise en oeuvre de la politique de la ville, sur sa transversalité et sur le travail effectif ou non du comité interministériel serait justifiée. L’adoption de cet amendement aurait permis de régler de nombreux problèmes et tous ces amendements auraient été satisfaits.
L’amendement no 45 est retiré.
Cet amendement tend à préciser que la dotation « politique de la ville » concernera les nouveaux quartiers prioritaires.
L’amendement no 9 est adopté.
Il s’agit d’un amendement de précision. La géographie prioritaire en outre-mer devrait viser – ce que nous saurons lorsque les quartiers ou espaces concernés seront définis – l’habitat informel, l’habitat dégradé, l’habitat spontané, c’est-à-dire l’auto-construction. Il existe, bien sûr, et nous ne l’excluons pas, des programmes HLM qui font l’objet d’une rénovation urbaine. Il serait toutefois bon que la notion d’habitat indigne et informel soit précisée dans ce texte.
Comme vient de le souligner notre collègue Letchimy, le fait que les départements d’outre-mer bénéficient de dispositions particulières est déjà acté. Nous proposons ici un rapport. C’est dans le cadre de la discussion du rapport, et de l’élaboration de cette dotation, que nous devrons veiller à ce que des dispositions particulières soient prises et nous serons très attentifs à ce que cette dotation participe aussi à la réduction des écarts de richesse entre les communes françaises quelles qu’elles soient et surtout entre les communes d’outre-mer. Je vous propose, en conséquence, de retirer votre amendement afin de ne pas alourdir le texte.
Je compléterai l’information du rapporteur. Vous savez bien, monsieur Letchimy, que je suis très attentif à la politique de la ville dans les outre-mer. J’ai ainsi précisé, ce matin, qu’il n’y avait pas une politique générale pour les outre-mer, mais une politique spécifique par territoire. On ne peut, en effet, pas conduire une politique de la ville à La Réunion comme en Martinique ou en Guyane. Je partage cependant l’avis du rapporteur : il y aura forcément un chapitre spécifique aux DOM dans ce rapport.
Vous avez organisé, monsieur le ministre, un débat particulier sur l’outre-mer portant sur les politiques de différenciation. Vous vous êtes rendu personnellement dans un quartier qui m’est cher, Volga-Plage. Vous connaissez parfaitement les lieux. J’entends, de plus, la réponse que vous venez de me faire. Je vous fais donc confiance et je retire mon amendement.
L’amendement no 130 est retiré.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 62 .
Cet amendement anticipe quelque peu sur la discussion que nous pourrons avoir tout à l’heure sur les territoires dits de « veille », nouveauté dans le projet de loi. Nous souhaitons que soient intégrées dans le rapport les dispositions spécifiques qui concerneront l’accompagnement de ces territoires placés en dispositif de veille active. Le devenir de ces territoires qui sortiront de la politique de la ville préoccupe les élus locaux et les acteurs de la politique de la ville.
Un certain nombre d’amendements ont été déposés en ce sens. Certains suggèrent que des crédits spécifiques soient alloués aux territoires sortants. Nous considérons qu’il appartient au Gouvernement de présenter des solutions propres à ces territoires. Nous voulons donc donner au Gouvernement, par cet amendement, l’occasion de se prononcer sur le devenir des territoires sortants à l’occasion de cette remise du rapport qui doit être faite à l’horizon des discussions sur le projet de loi de finances pour 2015.
Nous venons justement de voter le principe selon lequel la DPV doit être réservée aux quartiers prioritaires. Vous proposez de l’élargir aux quartiers qui sortiraient de la politique de la ville. Nous avons adopté en commission un amendement du Gouvernement tendant à créer un dispositif de veille active. C’est dans ce cadre que seront précisées les aides à apporter à ces quartiers. Je vous propose donc de retirer votre amendement, à défaut j’y serai défavorable.
Je maintiens cet amendement. Je considère que cette proposition doit figurer dans le rapport. Il est trop tôt pour dire que des territoires doivent sortir de la politique de la ville.
Je citerai, à l’occasion de cet amendement, le cas des communes qui seront concernées par le périmètre de veille active, ce qui permettra de gagner du temps lorsque nous débattrons des amendements suivants. Comprenons-nous bien. L’objectif, en matière de politique de la ville, est que le droit commun s’applique, sauf lorsqu’il s’agira de quartiers prioritaires, lesquels relèveront alors du droit commun renforcé, impliquant l’octroi des moyens spécifiques de la politique de la ville, que ce soit des crédits budgétaires ou des dotations telles que la DPV. C’est ainsi que s’entend la politique de la ville. À défaut, on en restera à ce qui se passe depuis trente ans, à savoir que, dès que la politique de la ville s’applique sur un territoire, les autres administrations, voire les autres collectivités, ont tendance à se désintéresser.
Lorsque les quartiers seront en périmètre de veille active, la commune pourra continuer à contractualiser, y compris dans le cadre intercommunal, sur la mobilisation du droit commun. Je vous ai dit tout à l’heure que, contrairement au contrat urbain de cohésion sociale précédent qui n’était signé que par le maire, parfois par le président de l’intercommunalité et le préfet, la décision a été prise d’ajouter : l’Agence régionale de santé, Pôle emploi, les caisses d’allocations familiales, le recteur pour l’éducation nationale, parce que ce sera le plus important, voire le procureur de la République ou le président du tribunal de grande instance dans le cadre des politiques de prévention.
Tel est le contrat de base auquel auront droit les périmètres de veille active. Si vous attribuez des crédits spécifiques ou des morceaux de dotations spécifiques aux périmètres de veille active, ce ne seront plus des périmètres de veille active. Vous recommencerez à faire du saupoudrage, dans le cadre de négociations entre les élus et les préfets. Je suis totalement défavorable à votre proposition, mais je serai très attentif à ce que seront les périmètres de veille active. Vous connaissez la politique de la ville. Dans la part des communes qui en sortiront…
… les maires m’interrogent. Les plus inquiets sont ceux qui savent qu’ils resteront dans cette politique, parce qu’ils constatent la concentration de pauvreté. J’ai eu l’occasion de débattre avec certains maires lorsque je me suis promené dans notre beau pays. Il en est à qui j’ai appris qu’ils étaient dans la politique de la ville ! Ils ne le savaient même pas, compte tenu de la modicité des sommes perçues. Il convient donc de mettre fin à cette situation.
Lorsque ce texte aura été voté par les deux Assemblées et que l’on disposera de la carte définitive, donc à la fin du printemps, vous constaterez qu’il n’existe aucune difficulté, y compris pour les périmètres de veille active. J’apporterai un simple bémol : comme je l’ai souligné ce matin, je serai très attentif à la pérennité des dispositifs de réussite éducative – en sachant que, même pour eux, nous devrons également veiller à ce qu’il y ait une règle commune. Actuellement des PRE ne sont absolument pas financés par les collectivités, d’autres le sont à 50 %. Concernant les crédits d’État, soyez rassurée, les dispositifs de réussite éducative sont assumés à 100 % par le ministère de la ville.
Je crois comprendre que c’est un amendement d’appel. Nous aurons l’occasion de revenir tout à l’heure sur ce dispositif de veille active, qui est d’ailleurs né des discussions en commission.
Je ne remets pas en cause vos propos, monsieur le ministre, mais quelle est la réalité ? Nous connaissons les moyens de l’État. Quand l’État aura fait un effort financier et qu’il l’aura clarifié – car, si vous avez répondu aux questions soulevées par M. Borloo, la situation budgétaire est ce qu’elle est –, que restera-t-il sur les crédits de droit commun pour les quartiers en veille active ? Pour combien d’années ces quartiers seront-ils en veille active ?
Tout dépend de ce que vous faites si vous revenez au pouvoir !
Il n’est pas écrit dans la loi que c’est jusqu’en 2020 comme pour le reste du texte. La réalité quotidienne, et je pense que c’est valable partout en France, c’est que les collectivités territoriales ne vont pas dans les quartiers qui ne sont pas contractualisés politique de la ville, et vous n’aurez pas le pouvoir de leur imposer d’y aller.
Je comprends donc l’esprit de l’amendement et la problématique soulevée. Il y a encore des zones d’ombre pour ce qui concerne les quartiers prioritaires, au-delà de la liste, mais il y a aussi des inquiétudes et de vraies zones d’ombre sur cette notion de veille active qui est née jeudi dernier après-midi, …
… et pour laquelle on ne sait tout de même pas très bien quels moyens il y aura, combien de temps cela va durer et quelle force on aura pour impulser les partenaires, qui auront déjà fort à faire en se concentrant sur les quartiers dits prioritaires.
Je n’avais pas prévu de prendre la parole mais Martial Saddier soulève un vrai problème.
Sur les 2 500 quartiers, 1 200 ou 1 300 d’entre eux resteront des quartiers prioritaires, et les autres ne seront plus prioritaires au titre de la politique de la ville.
Comme vous ne savez vraiment pas trop comment vous en sortir, d’un côté, vous assumez totalement le fait de concentrer les moyens et, de l’autre, vous faites croire aux gens que ce sera une veille active et qu’il y aura des moyens particuliers.
Le maire sera très content de faire la liste de ce que lui apportent les différents ministères au titre des politiques publiques, cela lui fera une belle jambe. Je ne sais pas si vous allez calmer longtemps les inquiétudes avec un argument que je comprends tout à fait : le fait est que les quartiers doivent sortir du dispositif. Vous avez raison de le dire et c’est courageux. Pour autant, ce n’est pas le cas de tous. Vous allez concentrer les moyens, ce qui n’est plutôt pas mal, je vous l’accorde, mais, d’un autre côté, vous allez faire croire à ceux qui ne seront plus dans cette géographie prioritaire qu’ils auront un regard bienveillant de l’État, avec un contrat particulier et une veille active.
« Veille active », excusez du peu ! Je vais rester poli, mais je me demande si on ne se moque pas du monde avec cette facilité sémantique.
Monsieur Richard, vous ne pouvez pas dire tout et son contraire. Vous ne pouvez pas affirmer que c’est très bien de concentrer les moyens sur certains quartiers, parce que la situation actuelle n’est plus acceptable, que c’est devenu illisible, que l’on saupoudre les crédits – crédits que nous avons sanctuarisés et, si vous n’avez pas confiance dans le Gouvernement, vous pouvez en tout cas constater que les crédits de la politique de la ville, qui avaient baissé de 30 à 35 % au cours des cinq dernières années, n’ont pas bougé depuis que nous sommes au gouvernement, ce qui devrait vous permettre d’avoir confiance pour les années qui viennent –, et expliquer en même temps que, puisque nous concentrons les crédits, des territoires vont sortir du dispositif et qu’il faut leur donner des moyens spécifiques.
J’assume totalement la réforme courageuse que ce gouvernement met en oeuvre avec l’appui de la majorité, réforme que vous n’avez pas eu le courage de faire en 2009.
Vous savez très bien qu’une réforme avait été préparée sur la base d’un rapport réalisé par des parlementaires de la majorité, qu’il y avait une liste, qu’il était prévu de réduire de manière drastique, suivant plusieurs critères d’ailleurs peu objectifs, le nombre de zones urbaines sensibles, et que le Premier ministre de l’époque, en 2009, a décidé de la repousser après 2014, certainement pas du tout à cause des échéances électorales municipales…
Là aussi, il faut de la cohérence. Oui, monsieur Richard, nous allons concentrer les crédits sur 1 200 ou 1 300 quartiers, en fonction des résultats de la simulation. Comme je vous l’ai expliqué ce matin, nous passerons de 751 zones urbaines sensibles à 1 200 ou 1 300 quartiers prioritaires, ce qui va augmenter le nombre de quartiers en difficulté, en raison de la crise, mais, sur les autres territoires, ce sera effectivement le droit commun.
La politique de la ville, monsieur Saddier, ce ne sont pas uniquement des crédits, c’est aussi la capacité d’un certain nombre de services publics, d’acteurs, d’élus, d’associations à travailler ensemble.
Cela permettra peut-être à certaines municipalités, qui se reposent sur l’État pour le financement de leurs associations de proximité, de se mettre autour de la table avec l’État et de voir comment on répartit mieux les subventions. Dans certaines collectivités, en effet, je vois des associations remercier le maire pour le soutien qu’il leur apporte alors que ce sont, je le sais très bien, des crédits de l’État.
Une contractualisation de droit commun permettra de clarifier la situation.
Le critère est totalement objectif. Arrêtez de dire qu’il y a du flou dans la méthodologie. Il y a un seul critère, il s’appliquera partout. Il n’y a pas de flou et donc, comme dirait la grand-mère de Martine Aubry, il n’y a pas de loup.
Sourires.
L’amendement no 62 n’est pas adopté.
L’article 3, amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 87 rectifié .
Les quartiers en difficulté, les quartiers en politique de la ville, sont en manque de République et sont les victimes collatérales de la suspension du service national en 2001. Le service civique est aujourd’hui une façon originale de faire vivre concrètement les valeurs de la République dans une perspective de développement urbain et d’accomplissement personnel.
Les objectifs de l’agence du service civique croisent ceux de la politique de la ville. L’agence pourrait être plus fortement mobilisée pour aider les associations travaillant sur le terrain mais aussi pour permettre à des jeunes gens habitant ces quartiers en difficulté de s’engager et de trouver une voie, une vocation peut-être, en tout cas une utilité par un travail.
Avec le départ de son président, appelé, comme nous le savons tous, à de plus hautes fonctions, il nous faut d’autant plus aider au rayonnement du service civique et à son implication dans les quartiers en politique de la ville. Il nous apparaît nécessaire, à Marie-Françoise Bechtel, à Christian Hutin et à moi-même, que l’agence ait plus de visibilité et de capacités d’action dans ces quartiers. Cet amendement propose donc d’établir une convention entre l’État et l’agence pour établir les modalités de sa plus forte implication dans les quartiers prioritaires.
Je comprends tout à fait la logique soutenue par M. Laurent mais cet amendement est en partie satisfait puisque, le ministre le dira mieux que moi, il a signé une convention avec le ministère de la jeunesse et des sports, dont dépend le GIP du service civique. On peut tout à fait imaginer que cette agence soit plus impliquée ; et je ne pense pas, par ailleurs, que l’amendement relève du législatif.
Je vous suggère donc de le retirer, étant donné qu’il est normalement satisfait par la convention signée. Sinon, je serai malheureusement dans l’obligation de vous répondre que la commission lui a donné un avis défavorable.
Je le confirme, j’ai bien signé une convention avec Valérie Fourneyron, qui a la tutelle de l’agence du service civique. J’avais notamment constaté, en effet, que seulement 16 % des jeunes s’engageant dans le service civique venaient des quartiers prioritaires. Nous nous sommes fixé à l’échéance de trois ans un objectif de 25 %, qui est une première étape mais une étape indispensable.
Votre demande est donc effectivement satisfaite et je vous demande de retirer votre amendement. Sinon, j’y serai défavorable.
Je trouve l’idée de M. Laurent excellente. Nous devons en effet beaucoup progresser dans le soutien et l’encouragement à l’engagement des jeunes dans les quartiers en difficulté.
Je vous remercie de votre soutien, monsieur Blein.
Vous avez tous bien compris que l’objectif était une plus grande implication de l’agence. Les quartiers ont besoin d’emplois. Les jeunes et les personnes de ces quartiers, qui sont particulièrement victimes du chômage, ont besoin d’emplois. Le dispositif doit être renforcé dans les quartiers, grâce aux emplois que nous avons créés, mais l’agence doit être fortement mobilisée.
Monsieur le ministre, je suis à ce stade rassuré par votre engagement de fixer comme objectif un doublement du nombre de jeunes concernés. Je ne peux que vous encourager à persévérer dans ce sens et à inviter l’agence à y aller résolument. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
L’amendement no 87 rectifié est retiré.
Monsieur le ministre, je vais vous faire sourire ou vous mettre en colère, mais, comme le dit avec insistance M. Saddier depuis le début, nous aurions aimé que la liste des quartiers prioritaires soit connue aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Sourires.
Vous nous l’aviez dit lorsque vous êtes venu devant notre groupe, et je vous remercie d’ailleurs pour la façon dont vous avez présenté votre projet, qui est tout à votre honneur, mais il me paraît difficile de discuter d’un texte sans avoir une idée de ce que seront ses conséquences sur la géographie prioritaire.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Il n’y a là aucune volonté politicienne ; nous voulons tout simplement être assurés que les quartiers les plus défavorisés, ceux qui cumulent les plus grandes difficultés économiques et sociales, ne seront pas exclus de la politique de la ville.
Le choix du critère retenu, je vous l’ai dit dans mon intervention générale, est un progrès et nous nous en félicitons. Il introduira plus de justice et de lisibilité dans le dispositif en permettant de concentrer les aides sur les quartiers qui en ont vraiment besoin. C’est aussi, je profite du fait que M. Borloo ne soit pas là, un moyen de sortir des petits arrangements qui avaient tout de même lieu, même si c’était à la marge – on donnait des programmes ANRU, dont les habitants n’avaient pas besoin, à des amis politiques – disons que c’est du passé.
Pour autant, le choix du critère unique ne masque pas la diminution de fait des moyens alloués à la politique de la ville.
Le nombre de quartiers prioritaires passera de 2 400 à 1 300. De nombreux quartiers sortiront de la politique de la ville en dépit de difficultés évidentes. Le doute subsiste aussi quant au résultat obtenu par la méthode du carroyage. Tous les carreaux de 200 mètres dans lesquels la moitié des habitants ont un revenu inférieur à 60 % du revenu médian seront-ils retenus comme quartiers prioritaires, tous ceux qui entrent dans les critères que vous avez définis ?
Vous dites ensuite qu’il y aura pour les autres le droit commun de la politique de la ville. Je ne veux pas polémiquer sur les choix gouvernementaux en matière budgétaire, mais les crédits diminueront de 4,5 milliards sur trois ans…
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI
… et vous aurez des difficultés à mettre en oeuvre ces moyens de droit commun, bien que, j’en suis convaincu, vous en ayez la volonté.
Sourires.
Vous êtes soutenu par les communistes !
Que voulez-vous ajouter après les propos pleins de bon sens de M. Asensi ?
Monsieur le ministre, nous ne vous reprochons pas de vouloir densifier, massifier, accentuer l’aide sur les communes ou les quartiers qui en auraient le plus besoin, mais le pendant de cette position, que vous semblez assumer, et à la limite nous aussi, c’est que les quartiers qui vont sortir ne seront plus aidés.
Les crédits de droit commun de l’État – excusez du peu, vu l’état des finances publiques ! – et les crédits de droit commun des conseils généraux et régionaux, ou d’autres structures pleines de bonne volonté, sur le terrain, dans la vraie vie, ça n’existe pas, ça n’existe plus. Nous nous devons la vérité entre nous et nous devons la vérité à toutes celles et ceux qui nous regardent et à toutes celles et ceux qui sortiront du dispositif.
Monsieur le rapporteur, vous avez pris tout à l’heure l’exemple de la DSU, en citant un maire et une commune. Si la liste de la DSU, à l’époque, n’avait pas été sortie, croyez-vous que nous aurions eu le débat ? Croyez-vous que la DSU aurait été concentrée sur les 700 communes les plus prioritaires ? Nous avons besoin de la transparence.
Enfin nous sommes à quelques semaines de la première élection communale où les délégués intercommunaux seront élus au suffrage universel direct. Ne croyez-vous pas, chers collègues, que la représentation nationale a un devoir de transparence vis-à-vis des délégués intercommunaux sortants et de ceux qui se présenteront, pour qu’ils sachent si, oui ou non, ils conduiront une politique de la ville sur leur territoire, à quelle hauteur, dans quels quartiers, quelles communes ? C’est tout simplement de bon sens. Monsieur le ministre, je vous le redis solennellement, présentez-nous la liste des communes et quartiers éligibles.
Je citerai M. le ministre, qui s’est exprimé le 3 octobre, il n’y a pas très longtemps, donc, devant l’ensemble des acteurs de la politique de la ville : « Le calendrier de la réforme est maintenant arrêté. La liste des communes de la nouvelle géographie prioritaire sera rendue publique juste avant le débat en commission parlementaire, en novembre, pour assurer une totale transparence vis-à-vis des députés. »
« Je parle bien de cette étape de la liste des communes et non de la liste des quartiers, qui viendra plus tard. Après le vote de la loi, sera publié le décret en Conseil d’État fixant la méthodologie de la nouvelle géographie prioritaire, en cible pour mars. Dans la foulée, donc après les élections municipales, nous communiquerons aux préfets les propositions de quartiers prioritaires, à charge pour eux de consulter les élus sur la détermination des périmètres précis autour de chaque quartier. La liste des quartiers prioritaires pourra ensuite être publiée par décret simple, avant l’été. »
Monsieur le ministre, présenter la liste des villes à la veille du congrès des maires aurait-il été pour vous difficile ? Je ne peux l’imaginer et je ne comprends pas que, devant l’ensemble des acteurs de la politique de la ville, vous ayez pu dire cela, et que vous disiez aujourd’hui le contraire devant la représentation nationale.
Je me demande si cet article 4, qui nous occupe depuis le début de la discussion, n’aurait pas dû être l’article 1er, un article introductif. Cela nous aurait évité bien des débats.
Je parlais tout à l’heure de confiance. Je crois qu’elle se désinstalle progressivement. Lorsqu’un ministre annonce publiquement qu’il donnera la liste des communes – je m’en tiens à celle-ci – et qu’aujourd’hui, comme le souligne Arnaud Richard, il affirme qu’il ne la donnera pas, sans avancer d’arguments, en disant seulement : « Attendez les simulations et les allers-retours, après les élections », la défiance peut s’installer.
J’indiquais également qu’il faudrait que nous ayons un débat sur le rapport qui sera présenté concernant la dotation politique de la ville. Peut-être pourrions-nous nous inspirer de la pratique de la ministre Cécile Duflot pour ses lois d’ordonnance. Elle nous a dit : « Je vous demande la confiance mais je viendrai présenter devant la commission le contenu de chaque étape de ces ordonnances. » Il serait sage, monsieur le ministre, que vous veniez débattre, au moins en commission, de chaque étape, dont le décret, le moment venu. Pour l’instant, plus nous avançons dans le débat, plus la défiance s’installe.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques.
Je ne reviendrai pas sur la liste ; nous avons donné des arguments, mais vous ne voulez pas les entendre. En revanche, je ne peux laisser établir une relation entre le nombre de quartiers qui sortent et le nombre de quartiers qui entrent. Il faut comparer ce qui est comparable. Aujourd’hui, il y a 1 094 quartiers « prioritaires 1 » dans les CUCS ; il y en aura 1 300 demain.
Ce n’est pas un problème de liste : nous savons qu’il y aura environ 1 300 quartiers, nous savons qu’il y a aujourd’hui 2 500 quartiers CUCS. Lorsque nous disons que le droit commun remplacera le budget de l’État, cela signifie que les communes qui sortent pourront demander à signer un contrat de ville.
Pas du tout ! Quand une commune touchait 50 000 ou 60 000 euros au titre de la politique de la ville, croyez-vous, sincèrement, que l’intercommunalité du territoire concerné ne pourra pas suppléer l’État à hauteur de ces montants, de sorte que la commune ne perdra rien ? Est-il normal, quand le territoire autour de la commune prioritaire n’est pas solidaire, que l’on fasse appel à la solidarité nationale ? Est-il normal de demander à l’État ce que l’on ne fait pas localement ? Le principe, c’est donc la signature d’un contrat de ville avec les intercommunalités, les départements, la région pour que ces collectivités s’occupent aussi des quartiers qui sortiraient de cette politique de la ville prioritaire. Ce sera plus sain, car il est malsain de demander l’aide de l’État quand, localement, des villes riches autour des quartiers prioritaires ne consentent pas l’effort nécessaire.
Monsieur Asensi, si on diminue le nombre de quartiers sans toucher aux crédits, cela ne se traduit pas par une baisse de crédits pour les quartiers prioritaires, mais par une augmentation. Je n’étais pas très bon en mathématiques à l’école mais j’ai au moins compris cela. Vous ne pouvez pas dire ce que vous venez de dire. D’autant moins que, par le biais des conventions que j’ai signées avec les ministères, les moyens humains seront accrus.
Actuellement, moins d’un tiers des régions s’impliquent dans les contrats urbains de cohésion sociale, et moins de la moitié des départements, alors que l’action sociale dépend de ces derniers. Désormais, ce sera 100 %. De même, lorsque je conventionne avec l’Association des régions de France ou avec celle des départements de France pour que 10 % au minimum de crédits européens soient fléchés vers les quartiers prioritaires de la politique de la ville, alors que c’est pour l’instant 2 % des crédits du FSE et 7 % de ceux du FEDER, cela se traduira mathématiquement par une augmentation de tels moyens pour ces quartiers.
Monsieur Tetart, s’agissant de la confiance, j’ai moi-même proposé que soit créé par les deux commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat un groupe de suivi paritaire, députés et sénateurs, majorité et opposition, pour suivre le processus d’aller et retour. Comme toujours, je suis à la disposition du Parlement pour rendre compte du travail accompli devant les commissions.
Cette question de liste vire à la névrose obsessionnelle. C’est un non-sujet. Il est bien préférable de débattre sur le fond d’un texte sans pression de l’événement. Il y a une vraie logique à définir les orientations et les critères, et à entrer ensuite dans leur application, quand la discussion est terminée. En ce qui concerne le calendrier, vous parlez du congrès des maires, des élections… Je ne vois pas où est le problème. Les zones aujourd’hui sous contrat de ville, contrat urbain de cohésion sociale, et autres, le sont jusqu’à la fin de 2014. Monsieur Saddier, si vous êtes comme moi un maire éminemment démocrate, vous ne ferez bien sûr pas voter le budget 2014 avant les élections, puisque les préfets permettent que celui-ci soit voté après,…
… et il est logique d’attendre le verdict des électeurs avant d’engager un exercice budgétaire.
Continuons le travail sur le texte. Le ministre publiera sa carte en temps utile. Les élections municipales viendront. Les nouvelles équipes voteront leurs budgets. Elles auront encore six mois devant elles pour intégrer la nouvelle géographie. Tout cela me semble parfaitement ordonné.
En complément de ce que vient de dire M. Blein, je souhaite indiquer qu’il n’y a pas d’inquiétude pour les collectivités, qui voteront leurs crédits 2014 en décembre ou en avril, puisque nous sommes dans une année de transition. Les crédits 2014 n’ont pas de raison de bouger, mis à part le fait, comme je l’ai dit ce matin, que j’ai l’intention de poursuivre les rééquilibrages en faveur des départements prioritaires. Il n’y a pas de difficultés, ni pour les équipes municipales sortantes ni pour les équipes entrantes, eu égard aux crédits 2014.
Nous en venons aux amendements à l’article 4.
La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement no 15 de suppression de l’article.
La discussion montre que nous ne sommes pas d’accord. Non pas sur le critère unique, non pas sur la taille minimale, car nous approuvons ce qui pourra s’ajuster, à Amiens ou ailleurs, en fonction des périmètres maraîchers, des friches, etc.… Nous considérons que ce peut être un critère objectif. Le problème, c’est que nous ignorons les conséquences que cela aura, et où elles porteront. C’est pourquoi, sans méconnaître la valeur du critère utilisé, nous demandons, à ce stade de la discussion, qu’il soit retiré car nous n’en connaissons pas les conséquences et que nous souhaitons voter en toute connaissance de cause.
Monsieur le ministre, c’est vrai que ce n’est pas satisfaisant de dire le contraire de ce que l’on a dit il y a un mois. J’imagine que vous subissez des pressions, de Matignon ou de l’Élysée, pour ne pas sortir ce type de liste la semaine – pas de chance ! – du congrès des maires.
Le congrès des maires est terminé !
J’ai découvert votre discours il y a quelques heures, c’est pourquoi je suis un peu énervé. Vous disiez que les projections étaient stabilisées et ne laissaient pas de place au discrétionnaire – ce qui est tout à fait satisfaisant –, et que la méthodologie serait objective, lisible et transparente. J’entends l’argument de M. Blein, plein de bon sens mais pas du tout opérationnel. Nous allons voter une loi complètement hors sol, car nous ne savons pas dans quel cadre elle s’appliquera. Je voudrais surtout, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez pour quelle raison vous nous dites aujourd’hui le contraire de ce que vous avez dit il y a un mois.
Mon intervention ira dans le même sens. Monsieur le ministre, vous vous efforcez depuis ce matin de nous expliquer que le dispositif est parfait, transparent, qu’il ne posera aucun problème, ni aux nouveaux quartiers éligibles, qui bénéficieront de la massification de l’aide, ni à ceux qui ne seraient plus éligibles, désormais soumis au droit commun et qui pourront signer un contrat avec la terre entière. La suite logique de cette présentation idyllique serait de mettre la liste sur la table, ce qui ne devrait pas poser de problème, dans un dispositif parfait et transparent. Vous avez déclaré il y a un mois que les parlementaires auraient cette liste avant les travaux en commission ; vous refusez aujourd’hui de nous la donner. Je pense que c’est parce que si la liste sort, il n’y a plus de majorité !
Quant à monsieur le rapporteur, de bonne foi comme le ministre, il nous jure la main sur le coeur qu’il n’a pas vu la liste…
… pour ne pas « polluer » son esprit et le débat. Pourtant, il énumère de manière précise le nombre de quartiers éligibles aux interventions de l’ANRU.
Nous arrivons à un stade de la discussion, sur les articles 4 et 5 – donc sur le critère dont découlera l’éligibilité du quartier et sur l’intercommunalité, qui devra payer une partie de la sortie du dispositif –, où nous avons plus que jamais besoin, pour la crédibilité de nos travaux, de la publication des deux listes, celles des sortants et celle des quartiers qui feront partie du dispositif. Sans quoi, et c’est bien dommage, l’occasion serait manquée, car la politique de la ville devrait être consensuelle. Si nous n’avons pas cette liste, c’est toute la crédibilité de vos travaux qui sera ruinée.
Elle n’existe pas encore, puisqu’il y a des allers-retours avec les préfets !
… je voudrais quand même souligner l’incohérence de la politique gouvernementale et vos difficultés, monsieur le ministre. Vous nous dites en effet que la politique de la ville repose sur l’intercommunalité ; mais, dans quelques jours, nous discuterons ici de la métropole, et celle-ci fait disparaître les intercommunalités.
Comme je vous l’ai déjà demandé, que va-t-il se passer ? On nous dit qu’elles seront remplacées par des conseils territoriaux, dont on ne connaît toutefois ni le périmètre ni les compétences. Les élus locaux sont en plein flou et ne savent pas où ils vont.
L’amendement no 15 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 89 .
Lors des travaux et des présentations préparatoires à la loi d’avenir agricole, il avait été précisé que la nouvelle méthode du carroyage permettrait à des villes situées en milieu rural d’intégrer la politique de la ville et de signer des contrats de ville. En effet, ces territoires accueillent des poches de pauvreté urbaine, que les pouvoirs publics doivent impérativement reconnaître et traiter pour répondre aux risques d’isolement et de fractures sociale et territoriale. Il est impératif que les territoires ruraux soient éligibles aux dispositifs publics de lutte contre la paupérisation et la précarité. Cela ne peut se faire sans une prise en compte des spécificités de ces territoires et de leur population, afin de traiter au mieux leur problématique. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne fait référence qu’aux territoires urbains. Il convient de préciser cette formulation ambiguë en faisant explicitement référence à la possibilité pour des territoires urbains de se trouver en milieu rural. C’est, nous l’espérons, cette approche innovante des territoires, par l’individu et la lutte contre toute forme d’exclusion sociale, spatiale et économique, qui guidera la création du commissariat général à l’égalité des territoires, qui sera amené à faire travailler ensemble du personnel de l’ANCSEC et de la DATAR. La loi de programmation relative à la ville et à la cohésion urbaine ne peut pas ne pas se faire l’écho de cette réalité.
Elle demande le retrait de cet amendement, puisqu’il est déjà satisfait.
Le même que celui de la commission.
Je voudrais profiter de l’amendement de Mme Abeille pour revenir sur le discours du Premier ministre au congrès des maires.
Comme il lui fallait tenir une heure et demie avant de parler des rythmes scolaires, il nous a parlé de beaucoup de choses, et il a notamment lancé un énorme bidule sur les centres bourgs. Ma question sera simple, parce que bien peu ont compris ce qu’il voulait dire : quelle est l’articulation entre votre texte, et son incidence sur les centres bourgs, particulièrement les centres bourgs ruraux, d’une part, et d’autre part les annonces faites par le Premier ministre mardi après-midi ? S’agit-il des mêmes dispositions et n’y aurait-il alors que de simples effets d’annonce ? Sont-elles complémentaires ? La représentation nationale a besoin d’être éclairée, monsieur le ministre.
Cette loi donne un certain périmètre de travail à l’ANRU et, la géographie n’étant pas parfaite, je peux comprendre que vous proposiez de financer des opérations de rénovation urbaine à côté des ZUS – nous avions d’ailleurs dû le faire lors de la précédente mandature. Pour autant, je ne voudrais pas que l’argent de l’ANRU serve à refaire tous les centres-bourgs de notre pays, même si cela peut pourtant relever d’une certaine nécessité. Qui plus est, même si vous m’avez un peu convaincu, monsieur le ministre, je demeure réservé quant au critère unique de la pauvreté. Ce critère va certainement prendre en compte les quartiers prioritaires de la politique de la ville, et c’est heureux. Je suis cependant assez circonspect sur un certain nombre de territoires. J’espère que le maire d’Auch ne m’en voudra pas : son quartier est sans doute très pauvre et certainement passé entre les mailles du filet de la politique de la ville pendant de nombreuses années, mais mettons-le en parallèle avec celui de M. Saddier à Bonneville, qui a failli être éligible à la politique de la ville. M. Saddier a réussi à refaire son quartier grâce à l’intervention de la région, du département et de l’État, en dehors du cadre de l’ANRU.
Le cas était très difficile, mais réalisable. On ne peut pas dire que le quartier d’Auch – et si c’est le cas, excusez-moi, monsieur le maire – soit aussi difficile que celui de Clichy-Montfermeil ou de Garges-lès-Gonesse.
Certes ces quartiers sont victimes d’une grande pauvreté, mais la politique de la ville, est-ce que ce sont vraiment les quartiers de Villeneuve-sur-Lot, d’Auch ou d’Albi ? Nous avions créé cette agence pour aider des territoires, dont le problème était si vaste que les maires ne pouvaient l’affronter. Même si vos quartiers, mes chers collègues, sont passés entre les mailles du filet, doivent-ils être éligibles à ce qui est selon moi la définition de la politique de la ville ?
J’ai l’impression que l’on est très nettement en train de nous enfumer, du côté de l’UMP et de l’UDI.
Je suis originaire d’une ville, classée depuis très longtemps HVS, et jusqu’à présent ANRU, mais je suis également voisin de la ville d’Hayange, où se trouvaient des hauts-fourneaux. À cause des effets de la désindustrialisation, les enfants scolarisés là-bas sont parmi les plus défavorisés. Pour en revenir à la liste, peut-être que dans quelque temps, voire à la fin de la nuit au train où vont les choses, cette commune basculera dans le groupe des communes éligibles. Nous sommes en réalité dans un processus évolutif – et heureusement ! Si on traite aujourd’hui de ce sujet, ce n’est pas pour faire entrer telle ou telle commune, c’est pour que les critères de pauvreté retenus puissent correspondre, le moment venu, à n’importe quelle situation, que ce soit en milieu rural ou urbain. Être pauvre en milieu rural n’est pas mieux que de l’être en milieu urbain, et réciproquement. De la même manière, vivre dans un bassin en pleine désindustrialisation peut être aussi terrible que de vivre dans un milieu rural complètement isolé.
Je pense à la Lorraine où il existe des quartiers très pauvres dans la Meuse, en milieu rural, mais où d’autres quartiers pauvres sont situés en milieu désindustrialisé. Heureusement, aujourd’hui, il n’y a pas de « priorité à la pauvreté ». Quant à cette liste, vous posez tout sauf la vraie question : veut-on aider nos concitoyens en difficulté dans les quartiers où qu’ils se trouvent en France ? Ou alors considérez-vous qu’il y a plusieurs France : celle que l’on doit aider – ma commune par exemple, classée parce qu’il y a des gens d’origine étrangère, de la discrimination raciale, des immigrés venus travailler dans l’industrie sidérurgique – et celle que l’on ne doit pas aider sous ce prétexte, tout de même bien nouveau, qu’en milieu rural ou dans un autre secteur, on ne pourrait pas être pauvre. Réfléchissez bien aux conséquences de ce que vous dites, parce que vous êtes en train de créer une fracture, tout du moins par la parole si ce n’est dans les faits.
J’ai bien noté les précautions oratoires d’Arnaud Richard à l’égard du quartier d’Auch. Je ne connais pas le fonctionnement et le niveau de pauvreté des quartiers que vous avez évoqués à Bonneville, mais je connais bien le mien et je peux vous dire que la pauvreté y est considérable. Il y a des familles qui vivent – ce terme est-il bien adapté ? – avec moins de 7 000 euros par an. C’est une réalité. Je veux saluer encore une fois la méthode du ministre pour définir un indicateur objectif et indiscutable : le niveau de revenus. Ce critère est fortement corrélé avec tous les autres, qu’il s’agisse du chômage ou de la composition des familles, et il est absolument central. Il tranchera avec les politiques précédentes. Depuis des années, je me bats pour avoir accès à des CUCS et je n’ai jamais été reconnu, alors que la pauvreté existe, comme le prouve notre entrée dans la politique de la ville. Je reste persuadé que les choix qui ont été faits d’intégrer ou non certains quartiers présentant des niveaux de pauvreté comparables ont relevé de décisions purement politiciennes.
Enfin, s’agissant des crédits ANRU et des centres bourgs, je pense qu’il ne faut pas s’interdire de prendre en compte, dans les opérations de reconstruction, les centres bourgs ou les centres-villes qui relevaient pour certains d’entre eux des plans nationaux de renouvellement des quartiers anciens dégradés. Là encore, je suis confronté à ce problème pour le coeur historique de la ville d’Auch ; or je n’ai pas pu accéder, les années précédentes, à ce dispositif, quand certains critères le permettaient pourtant. Nous pouvons faire des ponts entre les différents dispositifs pour parvenir à organiser de la mixité sociale, spatiale et fonctionnelle sur le territoire.
L’amendement no 89 est retiré.
Il s’agit de revenir sur la dimension de l’éducation, qui me paraît être un critère déterminant, au-delà de la pauvreté, pour déterminer si tel ou tel territoire de la République est en situation de fragilité et d’exclusion.
L’amendement no 120 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement no 16 .
Je propose d’harmoniser la fréquence d’actualisation de la liste de ces quartiers, en la basant sur le rythme prévu pour les territoires d’outre-mer, soit trois ans. Qui plus est, pourquoi faudrait-il actualiser à la veille des élections municipales ? Quel est le rapport entre ces deux événements et en quoi est-il nécessaire, dans la mesure où très peu de contrats seront signés la première année, compte tenu des élections en 2014, et que les autres s’étendront au-delà du renouvellement municipal suivant ? Il serait mieux de nous donner une séquence de trois ans, pour suivre aussi des évolutions qui pourraient conduire à une aggravation de la pauvreté dans certains quartiers, à la suite de catastrophes industrielles ou de désertifications.
Je suis défavorable à cet amendement et je vais vous expliquer pourquoi.
D’ailleurs à cette étape du débat – ne le prenez pas mal –, lorsque j’entends vos arguments, vous qui parliez tout à l’heure de confiance, je commence moi aussi à douter de votre volonté de faire évoluer ce projet de loi dans le bon sens.
En effet, j’entends tout et son contraire.
J’entends qu’on est d’accord pour le critère unique, mais j’entends aussi qu’il convient de conserver des crédits spécifiques pour les quartiers qui sortiraient du champ. J’entends un accord unanime sur un critère unique s’appliquant à l’ensemble du territoire, mais j’entends aussi qu’il ne faudrait pas que les villes qui sont au sein de territoires ruraux bénéficient des crédits de la rénovation urbaine qui, du coup, seraient retirés à des banlieues de grandes agglomérations. J’entends donc tout et son contraire !
J’en profite pour vous répondre, monsieur Richard.
Le texte de loi est très simple s’agissant de la rénovation urbaine. Vous posiez la question vous-même mais vous avez la réponse : elle concerne les quartiers dans lesquels on constate les plus grands dysfonctionnements.
Si l’on constate de grands dysfonctionnements dans un quartier populaire d’une ville moyenne d’un territoire rural, l’ANRU envisagera une opération de renouvellement urbain en fonction des critères qu’elle se donnera. Peut-être sera-t-elle d’ailleurs moins lourde que dans un secteur d’agglomération.
Les choses sont donc claires et cohérentes.
Il en est de même s’agissant de la géographie prioritaire. Pourquoi sera-t-elle élaborée avant chaque renouvellement ? Parce que la durée du contrat est déterminante. Après les élections municipales, la municipalité négociera avec l’État et l’ensemble des opérateurs – le département, la région, bref, tous ceux dont j’ai déjà parlé. Le contrat courra jusqu’à la fin du mandat, le mandat suivant étant l’occasion d’un réexamen à partir du critère. Si nécessaire, la géographie sera réactualisée.
S’agissant des circonstances exceptionnelles, j’avais en partie donné mon accord en commission. Je suis prêt à inscrire dans le décret qu’en cas d’événement de nature exceptionnelle, il soit possible de regarder ce qu’il en est de la géographie prioritaire à la demande du maire et du conseil municipal.
Oui, et je vous explique pourquoi.
Il n’y aura pas d’automaticité tous les trois ans.
Soit la fermeture de la plus importante industrie d’une commune. Vous savez très bien que les effets de cette situation sur le niveau de vie et la pauvreté de ses habitants ne seront pas automatiques.
Deux ou trois ans, en effet, vous voyez bien. Finalement, nous sommes dans les délais. Or, votre amendement propose une réactualisation automatique tous les trois ans.
Vous ne vous posez pas la question, vous y répondez ! Et je suis défavorable à la réponse que vous apportez.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce à Mme Abeille, nous avons assisté à une petite flambée lorsque nous avons discuté des centres bourgs. Je crois que nous sommes tous d’accord sur le fond mais je n’ai pas obtenu de réponse à une question qui, je pense, intéresse le plus grand nombre et, en tout cas, ceux qui sont intervenus, s’agissant de la déclaration du Premier ministre. J’espère que vous nous en direz plus d’ici la fin de la séance, monsieur le ministre, parce que cela intéresse tout le monde. A-t-il été question, notamment, de crédits supplémentaires à ceux de la politique de la ville ? Si tel est le cas, à la bonne heure ! Nous les prenons car ils constitueraient un complément appréciable.
Deux mots sur l’amendement.
L’idée – et vous nous avez donné raison à travers le décret, mais peu importe –, comme l’a dit mon collègue Tetart, est d’opérer une disjonction d’avec les renouvellements municipaux. Mais surtout, vous l’avez très bien décrit, nous savons tous que les communes, les agglomérations ou les communautés de communes sont souvent liées à un bassin historique de vie et d’emplois qui évolue très peu, sauf en cas de catastrophe. Parfois, la fermeture d’une seule entreprise peut avoir des conséquences catastrophiques dans une commune.
Nous avons donc besoin d’une clause de revoyure mais il est vrai, je le répète, que vous nous donnez raison à travers vos propos. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, quant à l’introduction de cette dernière par voie de décret.
La confiance revient !
Ce n’est pas parce que nous débattons depuis ce matin que la confiance n’est pas au rendez-vous. Puisque vous nous donnez raison, tant mieux ! Sur ce point-là – je le précise bien – je pense que nous pouvons nous rejoindre.
Elle est très simple !
Ce n’est pas à vous que je vais le dire.
Imaginer une révision des quartiers concernés tous les six ans me paraît assez ambitieux. Comment l’INSEE pourra-t-elle produire et communiquer les éléments statistiques nécessaires au changement de la liste des quartiers prioritaires ?
L’amendement no 16 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 4 est adopté.
Après ce débat sur l’article 4, qui était très important, nous souhaiterions une suspension de séance afin de faire un point.
Article 4
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.
Sourires.
C’est là que vous êtes le meilleur !
Sourires
Sourires
Nous arrivons à l’article 5, qui est un autre grand moment de ce texte, concernant les contrats de ville et l’intercommunalité.
Je réserve la question de l’intercommunalité pour plus tard mais, monsieur le rapporteur, qui a été une nouvelle fois sincère tout à l’heure – et je l’en remercie – a fait éclater la vérité et a soulevé le débat sur le rôle de cette dernière.
À titre personnel, je trouve assez logique que l’intercommunalité prenne sa part dans la politique de la ville. Mais la vérité, c’est que là où les quartiers prioritaires vont sortir de la liste, on va désormais se tourner vers l’intercommunalité, au lieu de se tourner vers l’État. Cela signifie donc un retrait de l’État, une charge supplémentaire pour l’intercommunalité, et un impôt ou une taxe – appelez cela comme vous voulez – supplémentaire pour l’intercommunalité.
La démonstration est implacable : elle a d’ailleurs été faite tout à l’heure par M. Pupponi. L’implication nouvelle de l’intercommunalité est un argument supplémentaire, monsieur le ministre, pour vous demander, maintenant que le schéma territorial est terminé et que l’ensemble du territoire national est couvert par les EPCI à fiscalité propre, la liste des quartiers qui vont sortir, de manière à ce que chaque président d’EPCI en soit informé dès ce soir, et que chaque délégué communautaire qui se présentera en mars prochain sache qu’il aura, au cours de son mandat pour la période 2014-2010, la charge de la mise en oeuvre, et donc le poids financier, du contrat de ville.
L’article 5, relatif au contrat de ville, conclu désormais à l’échelle intercommunale, est important. Cette échelle peut sembler pertinente pour responsabiliser les intercommunalités sur l’indispensable solidarité des quartiers qu’elles abritent. Cette péréquation doit être pleinement assurée au profit des zones urbaines sensibles qui se situent dans des communes riches et je crois, monsieur le ministre, que vous partagez ce souci. Mais à l’échelle intercommunale, elle ne doit pas occulter le rôle central de la commune. Tous les groupes, me semble-t-il, ont insisté en commission sur la nécessité de réaffirmer la mission de la commune dans le nouveau cadre de gouvernance de la politique de la ville, sauf à déposséder in fine maire de ses pouvoirs d’intervention sur les quartiers, dont il connaît à la fois les difficultés et les attentes.
Nos amendements viseront à réaffirmer cet impératif communal et la responsabilité du maire dans le nouveau contrat de ville. Par ailleurs, comme cela a également été dit par l’ensemble des groupes, la politique de la ville, pour être efficiente, doit s’appuyer sur l’ensemble des acteurs locaux. Nous vous proposerons donc que l’ensemble des acteurs, hors les collectivités, soient tenus de signer ces contrats, et qu’il ne s’agisse pas seulement pour eux d’une faculté, comme il nous a semblé que le texte l’indiquait.
Nous vous proposerons, enfin, d’améliorer la gouvernance des contrats de ville et les projets de renouvellement urbain en Île-de-France.
Je tiens, à l’occasion de l’examen de cet article relatif aux contrats de ville, à réaffirmer notre attachement au rôle des maires et des communes en matière de politique de la ville et de rénovation urbaine. En l’état, la rédaction de cet article ne nous convient pas, car elle les dépossède de leurs prérogatives.
Pourtant, le portage des projets réclame une énergie que seuls les maires sont capables de déployer. Combien de projets de rénovation urbaine n’auraient pu voir le jour sans la ténacité des maires, toutes tendances confondues ?
Je défendrai donc un amendement pour réaffirmer le rôle des communes dans la mise en oeuvre des contrats de ville.
Il y a une logique forte à élaborer au niveau intercommunal un projet global de territoire en matière de politique de la ville, mais ce serait une erreur de croire que la ville s’administre par le haut, loin du terrain.
J’en arrive d’ailleurs à une question essentielle, que j’ai évoquée très rapidement tout à l’heure, celle du projet de loi sur les métropoles. Quel sens y a-t-il à accorder de nouvelles compétences aux intercommunalités en matière de politique de la ville, alors que vous souhaitez supprimer les EPCI en Île-de-France ? Comment une métropole de 7 millions d’habitants pourra-t-elle gérer par le haut les projets de rénovation urbaine de chaque quartier et la nécessaire concertation avec les habitants ?
Vous allez, monsieur le ministre, éloigner les habitants des problèmes qui les concernent directement.
Madame la présidente, je souhaite faire un rappel au règlement, sur la base de l’article 58, alinéa 1 de notre règlement. Nous sommes peut-être peu nombreux dans cet hémicycle, mais nos débats sont suivis sur le site de l’Assemblée nationale. Je viens d’ailleurs de recevoir un SMS d’un conseiller municipal de Limay, qui suit actuellement les débats et qui attend, avec agacement, de savoir si Limay se trouve dans cette liste.
Sourires.
a vraiment trouvé les mots et on aurait dit que c’était M. Chassaigne qui s’exprimait.
C’est bien qu’il y a une unité dans ce groupe. Je suis tout à fait d’accord avec ce qu’il a dit sur le rôle du maire, sur la métropole parisienne et sur la disparition de l’intercommunalité. Il faut laisser une liberté d’adaptation à chaque territoire.
Ces deux amendements sont à l’opposé de ce que propose le texte de loi : ils tendent en effet à redescendre au niveau communal, alors que nous avons posé comme principe que l’échelon pertinent pour mettre en oeuvre une politique de la ville et de renouvellement urbain est l’échelon intercommunal. Il va de soi qu’il n’est pas question de dessaisir le maire de son rôle. Le texte le dit et des amendements le préciseront : le maire est celui qui mettra en oeuvre localement une politique territoriale.
Il n’est pas normal, cela dit, que les territoires intercommunaux qui intègrent ces quartiers prioritaires ne soient pas solidaires avec eux, d’où l’idée de les inciter, voire de les obliger à participer à la conception, à l’élaboration et au diagnostic du territoire. C’est tout le sens du texte et des amendements que nous allons présenter. Pour toutes ces raisons, la commission a donné un avis défavorable à ces deux amendements.
Je vais d’abord répondre à M. Asensi, puisqu’il est le porte-parole du groupe UMP.
Je m’en tiens aux faits, monsieur Asensi. Je suis un peu surpris de ce que vous dites. Je sais que dans votre groupe, on prise peu les intercommunalités, mais cela ne vous empêche pas d’en présider certaines.
« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.
à encore, je m’en tiens aux faits.
Monsieur Asensi, vous présidez une intercommunalité, mais je pense que vous ne présidez pas par le haut, pour les trois communes que vous organisez au sein de votre territoire intercommunal, les politiques de solidarité et la bonne entente entre les maires. J’imagine que chacun respecte les compétences des autres. C’est bien ainsi que vous procédez, n’est-ce pas ? Je ne vois donc pas pourquoi ce que vous pratiquez ne serait pas praticable sur l’ensemble du territoire national. D’autant plus, et j’en arrive à la question des métropoles, qu’il y a des exemples de réussite. Puisque vous lisez mes discours, n’hésitez pas à lire ceux où je mets en valeur ce qui se passe dans la région lyonnaise, où la politique de la ville est depuis longtemps une politique intercommunale. S’il y a bien un endroit où la politique de la ville fonctionne et où la répartition entre l’intercommunalité et les maires est bien organisée, c’est bien à l’intérieur du Grand Lyon.
Ce n’est pas seulement une question de richesse.
C’est bien au niveau du territoire qu’a pu s’organiser une politique cohérente, entre autres de transports collectifs. C’est bien à l’échelle de ce territoire que l’on a procédé à des restructurations de quartiers et que l’on a organisé le relogement à l’intérieur du périmètre intercommunal, ce qui a d’ailleurs permis de participer à la mixité sociale. C’est bien à l’échelle de ce territoire qu’on avait les moyens de créer des centres, non seulement de diffusion, mais aussi de création culturelles. C’est parce que certaines communes en ont tiré d’autres vers le haut que ces projets ont réussi, et ce n’aurait certainement pas pu être le cas à l’échelle communale.
Monsieur Tetart – et je réponds par avance aux arguments qui vont suivre –, avec vous, c’est toujours la même chose. Vous êtes pour le critère unique, pour la concentration, mais vous considérez que les crédits doivent continuer à aller vers les territoires de veille active ; vous voulez étendre les mesures l’ensemble du territoire, mais vous vous opposez à des opérations de rénovation urbaine en territoire rural ; et à présent, vous considérez que l’agglomération peut être un bon périmètre, mais qu’il faut laisser le choix aux maires… Vous êtes totalement incohérents !
Non, pas comme moi. Depuis le début, je dis qu’il faut concentrer les moyens sur un certain nombre de territoires, avec un critère unique, à l’échelle intercommunale, et en précisant bien le rôle de proximité du maire. Là dessus, je n’ai pas changé.
Pour affirmer tout cela, il faut avoir – mais peut-être en manquez-vous un peu, ce qui me surprend de la part de membres de l’opposition, car c’est souvent plus facile lorsqu’on est dans l’opposition – un peu de courage. J’en sais quelque chose, pour avoir été pendant quinze ans dans l’opposition. Je regrette que vous manquiez de courage dans ce débat. Le Gouvernement, lui, a le courage d’organiser la politique de la ville d’une nouvelle façon, pour qu’elle soit plus efficace.
Le niveau intercommunal est celui qui fournit, à l’échelle d’un territoire, des capacités de diagnostic et d’ingénierie, qui permet de travailler sur le désenclavement des quartiers et des villes à l’intérieur des territoires, qui est capable d’organiser les politiques de peuplement tout en laissant, comme l’a dit le rapporteur, les politiques de proximité aux maires.
S’agissant de la région Île-de-France, la gestion de la politique de la ville se fera au niveau des conseils de territoire, puisque la délégation sera faite des métropoles aux conseils de territoires. La loi a défini des périmètres réunissant entre 300 000 et 400 000 habitants : il s’agit là d’un bon périmètre pour organiser la politique de la ville dans la région capitale.
Je suis naturellement défavorable à cet amendement, comme à tous ceux qui vont intervenir.
Monsieur le ministre, j’ai indiqué, lors de la discussion sur l’article 5, que je n’étais pas opposé à l’intercommunalité. Mais je me pose des questions précises et j’espère que vous pourrez me répondre, même si vous me trouvez incohérent.
Je voudrais rappeler, d’abord, que le mercredi matin, lors de la réunion de la commission du développement durable, nous n’avons pas eu les amendements du Gouvernement concernant l’intercommunalité. Je rappelle ensuite que le jeudi après-midi, après trois heures de débat sur l’intercommunalité, vous avez décidé de retirer vos amendements, pour les représenter cette semaine.
Il me semble, mais j’attends que vous m’éclairiez, que le code général des collectivités territoriales s’applique dans ce pays. Or ce code est très clair : il dispose qu’une compétence communale se garde ou se délègue de plein droit à l’EPCI à fiscalité propre et qu’elle s’exerce de plein droit par l’EPCI qui l’accepte.
Nous avons eu un long débat sur ce sujet et je salue la sagesse du ministre en commission des affaires économiques, qui a fait le choix, parce que la chose n’était pas claire, de retirer les amendements pour les retravailler. À l’époque, on disait que l’EPCI était compétent et que la commune serait responsable de l’application de la politique de la ville – rappelez-vous, monsieur le rapporteur –, et on nous dit à présent que l’EPCI est compétent et que la commune pourrait la mettre en oeuvre…
Il n’y a pas d’incohérence de ma part. Je pense seulement au décalage entre les discussions que nous pouvons avoir ici et la vraie vie : quand un maire ou un président de l’EPCI édictera un mandat, un trésorier, un sous-préfet ou un préfet, honorables représentants de la République payés pour procéder au contrôle de légalité, vont nous dire que les choses ne marchent pas ainsi, parce que leur responsabilité est engagée.
Je pense donc qu’à ce stade de notre discussion, ou à l’article 6, nous serions bien inspirés de refaire un point précis, à l’aune du CGCT. Pour ma part, je n’ai toujours pas compris comment vont s’articuler sur le terrain la compétence politique de la ville et le contrat de ville entre un maire qui a délégué sa compétence et un EPCI qui l’exerce de plein droit.
Puis-je, madame la présidente, présenter ici mon amendement no 118 , qui porte sur la même question ?
M. Saddier a bien rappelé qu’il y a eu un flou en commission des affaires économiques et que le Gouvernement, sentant que ce n’était clair dans l’esprit de personne, a préféré reporter la discussion. Je pense qu’il a eu raison.
Monsieur le ministre, la meilleure défense, c’est l’attaque. Vous laissez entendre que nous ne sommes pas cohérents.
Je parlais de l’UMP et des communistes.
Moi, je me cantonne à votre discours du 3 octobre. C’était il y a un peu plus d’un mois, et vous ne m’avez toujours pas expliqué pourquoi vous aviez radicalement changé. Votre discours du 3 octobre était parfait, très clair, et il avait le mérite, pour les parlementaires que nous sommes, de dessiner la feuille de route qui est la vôtre. Je ne remets pas en cause votre discours du 3 octobre que, sauf erreur de ma part, vous avez prononcé devant l’ensemble des acteurs de la politique de la ville.
C’était devant les préfets.
S’agissant de cet amendement relatif à l’intercommunalité et la commune, vous évoquez le Grand Lyon. C’est un exemple aussi bon que mauvais : les choses y fonctionnent très bien, de manière remarquable, l’intercommunalité joue pleinement son rôle, mais dans des intercommunalités qui comprennent des territoires fragiles, dans lesquels des maires ne sont pas dans la tendance majoritaire de l’intercommunalité, pensez-vous vraiment que les élus de l’intercommunalité vont se pencher sur le sujet de la politique de la ville ? Vous voyez cela à l’aune des territoires qui fonctionnent tel que le Grand Lyon, ou à l’aune des territoires tels que Clichy et Montfermeil où les questions doivent être envisagées à l’échelle de l’intercommunalité, tant le sujet est vaste. Mais pour des communes situées aux quatre coins de l’intercommunalité, et dont cette dernière ne voudrait pas se charger, comment allez-vous faire ?
Nous proposons donc par cet amendement no 118 que le contrat de ville, que nous ne mettons pas en cause s’il est formulé de façon claire, puisse intégrer les projets des communes.
Nous comprenons votre volonté, monsieur le ministre, mais la manière dont vous l’exprimez n’est pas claire.
Il me semble que dans le texte, l’ensemble des parties prenantes au contrat – intercommunalité, communes, services de l’État – en sont également signataires. C’est d’ailleurs le cas actuellement, puisque pour reprendre l’exemple de la communauté urbaine de Lyon, dont je fais partie, l’ensemble des communes concernées par le contrat urbain de cohésion sociale sont signataires des contrats. Ensuite, chacun joue sa partition à son niveau. Bien sûr, les transports en commun sont développés par la métropole, de même que les grosses opérations d’urbanisme et de cadre de vie, tandis que les programmes de réussite éducative, de prévention de la délinquance, de santé ou d’aménagement du cadre de vie sont assumés par les maires dans leur logique d’animateurs de proximité. Le trésorier-payeur général signe, reçoit les recettes et engage les dépenses des signataires du contrat, dont les communes, l’intercommunalité, les services de l’État et l’ensemble des parties prenantes à cette politique. Je vous assure que cela fonctionne très bien.
Tout à l’heure, M. le ministre m’a provoqué avec le sourire, en disant qu’il y avait une collusion entre les députés UMP et les députés du Front de gauche.
Et je n’ai pas fini !
Mais si mon collègue député me dit qu’il pleut toujours où c’est mouillé, je ne vais pas dire qu’il fait beau. Il y a des réalités qui ne peuvent être niées.
Vous évoquiez le transfert aux intercommunalités, je préside en effet une intercommunalité et j’en parlais tout à l’heure à propos de la solidarité car elle existe, elle est réelle et elle est très importante. Mais mon rôle ne sera que celui d’une boîte aux lettres. Si, par exemple, la ville de Sevran est classée parmi les quartiers prioritaires – ce qui serait normal –, en tant que président de l’intercommunalité, je vais recevoir la dotation. Que vais-je faire ? Je vais la renvoyer à Sevran, je ne vais pas la partager avec d’autres villes. Notre rôle sera donc un rôle de potiche dans la gestion de la politique de la ville.
On peut toujours jouer à se faire peur et considérer que tout cela ne va pas fonctionner. Mais nous ne proposons pas quelque chose hors sol. Cela fonctionne dans un certain nombre d’intercommunalités exemplaires, dans notre pays, tous les jours. Un certain nombre d’intercommunalités ont joué le jeu du partenariat avec leurs communes membres et ont décidé d’oeuvrer pour les quartiers prioritaires de ces territoires, et de mettre en oeuvre des politiques de droit commun de l’intercommunalité pour aider la commune membre. Et pour répondre à M. Saddier, ils vont jusqu’à signer une convention entre l’intercommunalité et la commune membre pour définir comment cela s’articule. Ce que nous reprenons n’est que la mise en oeuvre de ce qui se passe déjà dans les intercommunalités exemplaires.
En revanche, cela ne se passe pas comme ça dans d’autres intercommunalités.
Monsieur Richard, j’entends ce que vous dites, mais je ne comprends pas votre argument. Vous reconnaissez vous-même que dans certains territoires, potentiellement riches, dans lesquels une seule commune est concernée par les politiques de la ville, les intercommunalités se désintéressent de la question en disant que les pauvres n’ont qu’à rester avec les pauvres, que ce n’est pas leur problème, et que l’État doit s’en charger car eux ne le feront pas. Ce n’est plus admissible.
Ce que nous proposons avec ce texte, c’est que l’intercommunalité soit obligée de signer le contrat de ville, qu’elle soit sanctionnée si elle ne le fait pas, parce que l’on ne peut pas accepter aujourd’hui que des territoires refusent la solidarité avec leur voisin. Ce n’est plus acceptable ni politiquement, ni moralement, ni pour beaucoup d’autres raisons.
Mais une fois que l’on est d’accord sur un contrat, chacun a sa propre compétence. Les intercommunalités ne vont pas aller s’occuper concrètement de ce qui se passe. Elles feront confiance aux maires qui mettront localement en oeuvre tout cela.
Chacun signera un certain nombre de documents concernant sa propre collectivité, le trésorier-payeur général pourra payer sans aucune difficulté.
Mais le projet politique, social et urbain sera en fait mis en oeuvre par le maire. C’est ce qui vous sera proposé à l’amendement no 132 , qui permet de déterminer qui fait quoi.
Nous parlons beaucoup de confiance depuis tout à l’heure. Nous faisons confiance à l’intelligence des élus sur le terrain pour mettre en oeuvre des politiques intelligentes afin de sortir les territoires les plus défavorisés de notre République de l’état de relégation dans lequel ils sont. C’est le pari que nous faisons.
Il y a ceux qui le font déjà, ceux qui seront incités par la loi à le faire, et ceux qui seront sanctionnés parce qu’ils refusent de le faire. Il est vrai que ce n’est pas simple, c’est une certaine révolution, mais on ne peut plus continuer à considérer que les territoires abandonnés relèvent de la solidarité nationale et pas de la solidarité intercommunale. Oui, nous organisons une nouvelle manière de faire qui a montré sa capacité à réussir dans des territoires comme le Grand Lyon, la communauté d’agglomération de Toulouse, la communauté urbaine autour de Lille, ou encore à Bordeaux. Un certain nombre de grandes structures intercommunales ont montré depuis bien des années qu’elles pouvaient régler les problèmes des quartiers défavorisés au coeur de l’intercommunalité. Nous proposons de généraliser cette solution au niveau national.
La commission a donc rendu un avis défavorable à l’ensemble des amendements, y compris l’amendement no 118 présenté par M. Richard, et je vous inviterai à retenir le no 132 que je vous présenterai ensuite.
Cet amendement sera présenté ce soir, car nous aurions déjà dû lever la séance depuis plusieurs minutes. La parole est à Mme Hélène Geoffroy.
Je voulais à mon tour témoigner sur le Grand Lyon, sans prétendre être exemplaire. À Vaulx-en-Velin, qui a connu des émeutes dans les années quatre-vingt-dix, c’est Michel Noir, premier président de la communauté urbaine, qui s’est penché sur la situation. Puis Raymond Barre lui a succédé, suivi par Gérard Collomb. Cela veut dire qu’avec des tendances politiques différentes, nous arrivons à construire sur un territoire une politique qui s’inscrit dans la durée. Cela prouve que c’est possible dans une intercommunalité.
Par ailleurs, une intercommunalité n’est pas une simple boîte aux lettres, c’est une capacité de construire une politique du logement et du transport. À Vaulx-en-Velin, l’enjeu était de disposer d’un transport permettant de rejoindre le centre-ville de Lyon. Mais pour ce faire, il fallait avoir l’accord de Villeurbanne, qui se situe entre Lyon et Vaulx-en-Velin. Ce sont des aspects pratiques, mais qui montrent qu’une politique intercommunale permet de réunir tous les acteurs d’une agglomération afin de permettre aux habitants de la banlieue d’accéder au centre-ville. C’est une décision qui se prend collectivement, et c’est l’intercommunalité qui peut y mettre les moyens. Ce n’est donc pas une boîte aux lettres. M. Asensi disait qu’il serait volontaire dans son intercommunalité, nous voyons donc qu’avec des dotations, il existe les moyens de construire une politique d’ensemble qu’une commune ne peut pas faire seule.
Ce débat touche le fond de ce que nous voulons faire avec ce projet de loi, et nous avons un désaccord avec M. Asensi et nos collègues de l’opposition.
Le fond du problème est que nous refusons, aujourd’hui, que la solidarité se pratique au sein d’intercommunalités composées uniquement de villes qui vont bien, et d’autres intercommunalités composées uniquement de villes où il y a des quartiers qui ne vont pas bien.
Nous pensons que la solution pour les quartiers qui ne vont pas bien sur tout le territoire national se trouve dans les quartiers qui vont mieux. C’est pour cela que nous réfléchissons à une échelle plus large, celle de la métropole en Île-de-France, mais nous parlerons de cela plus tard. Nous connaissons la difficulté à pratiquer la solidarité uniquement entre Tremblay, Sevran et Villepinte, ou dans d’autres intercommunalités en Seine-Saint-Denis. Ce sont des territoires trop restreints par rapport aux différentes difficultés qui se posent. Notre vision est que le maire continuera bien sûr d’être maire de sa commune, mais si nous pensons que la politique de la ville doit être un avantage qui permette, sur certains sujets particuliers, d’améliorer la vie quotidienne des habitants, cela passe par une vision beaucoup plus large que celle des seuls territoires en difficulté. Les habitants de communes qui ne connaissent pas de difficultés sociales, comme Neuilly-sur-Seine ou Issy-les-Moulineaux – j’ai promis à Jean-Christophe Fromentin de ne pas citer seulement Neuilly –, doivent comprendre que, même pour leur propre qualité de vie, la situation d’une ville de Seine-Saint-Denis est importante.
Enfin, les compétences de droit commun des intercommunalités posent des questions sur la politique de la ville.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
suite de la discussion du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron