La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Monsieur le Président de la République tunisienne, soyez le bienvenu, et à travers vous l'ensemble du peuple tunisien, dans la maison du peuple français, là où tout a commencé et là où tout recommence, chaque jour, lorsque siège la représentation nationale et que se forgent les grandes lois de la France.
Monsieur le Président, au nom de tout ce que vous représentez, vous êtes ici chez vous. Votre présence dans cet hémicycle signifie beaucoup pour la France.
Nous avons tant à célébrer.
Nous tenons d'abord à célébrer cet amour réciproque entre nos deux pays. Au-delà des quelques députés que nous sommes à partager une naissance en Tunisie, au-delà même du symbole qui veut que, parmi les douze présidents de l'Assemblée nationale élus sous la Ve République, deux – un de droite et un de gauche – soient nés à Tunis, au-delà de tout cela, chacun d'entre nous entretient un lien charnel avec votre pays, la Tunisie, dont nous connaissons toute la richesse, tous les atouts, toutes les espérances, dont nous mesurons aussi toute la complexité, tous les tiraillements identitaires – ce subtil alliage, cet équilibre délicat entre attachement à la tradition et goût de la modernité.
Amour réciproque, disais-je, affection mutuelle, car vous-même, monsieur le Président, entretenez un lien fort avec la France, où vous avez effectué vos études, où vous avez trouvé refuge aussi, dix ans durant, à une époque où, en raison de vos convictions démocratiques, de votre foi dans les droits de l'homme, vous n'étiez pas le bienvenu aux yeux du régime tombé à la faveur de la révolution tunisienne.
Car, à travers votre présence, monsieur le président, nous célébrons aussi les droits de l'homme, non pas comme un objet mémoriel ou un souvenir ému, mais plutôt comme un instrument d'avenir, une oeuvre à jamais inachevée.
Oui, la représentation nationale s'honore de la présence dans son hémicycle d'un infatigable militant des droits de l'homme. La France, patrie qui les a vus naître, connaît et reconnaît votre engagement constant pour la liberté et la démocratie en Tunisie et dans le monde arabe.
Durant de longues années, vous avez lutté pour l'indépendance de la ligue tunisienne des droits de l'homme, vous avez combattu sans relâche le despotisme d'hier au nom de quelques idées fortes : la liberté de disposer de son esprit et de sa parole, le droit de chacun à une égale dignité.
Fondamentalement, monsieur le Président de la république tunisienne, votre inspiration, c'est qu'une société ne doit jamais prendre les choses de l'ordre pour l'ordre des choses. C'est au nom de cette inspiration que nous célébrons enfin avec vous un événement qui aura durablement modifié la face du monde et conféré au peuple tunisien la fierté d'avoir été l'avant-garde.
Monsieur le Président, il y a des paroles qui comptent dans l'histoire, des paroles qui font l'histoire. « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes », « Dégage ! » : c'est par ces mots prononcés à plus de deux siècles d'intervalle que sont devenues possibles et inéluctables la Révolution française et la révolution tunisienne.
Oui, c'est en Tunisie que le printemps arabe est né. Les Tunisiens, en se soulevant contre la tyrannie, ont démontré l'universalité des valeurs de la démocratie et le mouvement lancé par la Tunisie a modifié en profondeur le monde arabe et la rive sud de la Méditerranée.
Au nom de tout cela, monsieur le Président, la représentation nationale vous adresse trois messages.
D'abord, l'expression de notre confiance. Depuis le 17 décembre 2010 et la flamme qui alluma la révolution, la Tunisie fait face à son destin. Sa réussite est pour nous un enjeu crucial. Nous sommes confiants dans la capacité du peuple tunisien, car nous croyons en sa maturité. Il a toute la lucidité et toutes les ressources pour faire de la table rase d'hier, non pas un champ de ruines, mais une terre où poussent le droit, le progrès social, les perspectives pour la jeunesse et le vivre ensemble.
Le deuxième message, c'est qu'islam et démocratie peuvent se conjuguer, doivent se conjuguer. La Tunisie est aujourd'hui engagée dans cette voie originale. Comme vous, monsieur le Président, et comme pour tout autre pays au monde, la France est et restera vigilante quant au respect des principes démocratiques, de la liberté d'expression et des droits des femmes.
Le troisième message, c'est la clarté quant à notre vision de la relation qui lie nos deux pays. Votre visite donne aux députés français l'occasion de vous dire tout le prix que nous attachons à l'amitié franco-tunisienne. Cette amitié, nous aurons à coeur de la renforcer dans le cadre d'un partenariat équilibré entre deux États frères, deux États souverains. Cette proximité est une formidable opportunité et nous aurons beaucoup à faire ensemble, notamment en Méditerranée et sur le continent africain. La France souhaite travailler avec la Tunisie pour enrichir ce partenariat dans tous les domaines.
Monsieur le Président, avant de vous céder la parole, permettez-moi de vous narrer très brièvement un souvenir récent. Il y a quelques années, en tant que député de Seine-Saint-Denis, je recevais dans mon bureau une jeune femme professeur de philosophie et metteur en scène. Elle me décrivit alors le choix qu'elle avait fait de n'enseigner sa discipline qu'auprès de jeunes vivant dans des quartiers populaires pour leur donner les clés de la liberté. Elle me convainquit aussi de la pertinence de son projet artistique, parce qu'il devait permettre à ces mêmes jeunes d'accéder au théâtre et, plus largement, aux choses de la culture, pour leur donner les clés de la créativité.
Monsieur le président, cette jeune femme, Myriam, vous la connaissez très bien. En plus d'être votre fille, elle est le visage de la Tunisie que vous promouvez : une Tunisie jeune, une Tunisie libre, une Tunisie qui sait parfaitement d'où elle vient pour déterminer sereinement et souverainement où elle va. Cette Tunisie, la France est à ses côtés, comme partenaire et comme amie.
Je vous cède maintenant la parole, cher Moncef Marzouki, Président de la République tunisienne. (Mmes et MM. les députés, les membres du Gouvernement et les membres de la délégation tunisienne se lèvent et applaudissent.)
Monsieur le président – j'aimerais ajouter : mon cher compatriote – mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, chers amis, si je suis en mesure de m'exprimer aujourd'hui devant votre assemblée, je le dois d'abord, évidemment, au soulèvement de notre peuple et de sa jeunesse, au sang des martyrs et des blessés de la révolution, mais je sais – et tous les Tunisiens le savent comme moi – que je le dois aussi en partie à la solidarité et à la générosité de la France amie, restée fidèle à elle-même.
Obnubilée par des intérêts immédiats, une fraction de la France officielle a soutenu la dictature qui nous a opprimés, aussi bien directement qu'indirectement. Mais la part majeure, la part essentielle de la France, la France des élus locaux, celle des partis et des syndicats, des organisations de la société civile, la France des médias, la France des intellectuels et des artistes, la France des simples citoyens, la France qui m'a donné asile ainsi qu'à de nombreux Tunisiens, cette France que nous aimons et respectons, cette France-là ne nous a jamais fait défaut. Elle nous a soutenus autant qu'elle le pouvait et accompagnés aussi loin que possible, jusqu'à la chute du tyran. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
À cette France, à la France, à vous tous, le devoir de reconnaissance me commande d'exprimer ici ma gratitude et mon affection.
Au nom de mes compatriotes, je dois vous dire la fierté du peuple tunisien, sa fierté de construire les fondations d'un régime et d'une société démocratiques chaque jour plus solides, sa fierté mais aussi sa confiance en un processus difficile mais inéluctable. L'assemblée constituante est au travail, l'espace public s'organise, la parole est enfin libérée. Après avoir ouvert la voie aux révolutions arabes, la Tunisie saura, j'en suis sûr, être un modèle de réussite démocratique.
Notre révolution a suscité en France comme dans le monde entier de la surprise, de l'admiration, mais aussi des préoccupations, des doutes. Mon devoir est d'apporter des réponses aux questions que beaucoup d'amis se posent avec la sincérité et l'inquiétude que l'on éprouve face à des amis en difficulté. C'est en ami que je veux y répondre.
La Tunisie est-elle tombée dans l'escarcelle de l'islamisme, me demande-t-on souvent ? La réponse est : non. La Tunisie est tombée dans l'escarcelle de la démocratie. (Applaudissements.) Nous avons organisé, le 23 octobre dernier, des élections libres et transparentes. Les Tunisiens ont fait la queue pendant des heures sous le soleil brûlant pour exprimer leur vote. Nul n'a contesté les résultats. Sur les 217 sièges de l'assemblée constituante, le peuple en a concédé 89 au parti islamiste Ennahda, qui a ainsi remporté le plus grand nombre de sièges mais pas la majorité – et quand bien même ! De la même façon qu'il existe en Occident, en Allemagne ou en Italie, des partis chrétiens-démocrates, il y a et il y aura dans le monde arabe de plus en plus de partis islamo-démocrates, dont Ennahda n'est que le prototype tunisien. On oublie que l'islamisme est un spectre qui va d'Erdoğan jusqu'aux talibans.
En Tunisie, nous avons la chance d'avoir la partie centrale de ce spectre. Ennahda a adhéré à la démocratie ; certains disent que c'est par tactique, d'autres, comme moi-même, que c'est par conviction. En tout état de cause, personne n'ayant la science infuse, c'est l'avenir qui dira lesquels ont eu raison de ceux qui étaient méfiants et de ceux qui étaient confiants. De toute façon, l'adhésion d'une partie de l'islamisme à la démocratie, qu'elle soit affectée ou sincère, ne signe-t-elle pas le triomphe de la démocratie, puisque c'est la force de la démocratie d'avoir pu apprivoiser et intégrer des forces qui lui étaient au départ hostiles ?
Les droits de l'homme, notamment la liberté de création, sont-ils menacés, me demande-t-on également ? Bien sûr, ils le sont, comme partout dans le monde. La protection et la promotion des libertés privées et publiques sont un combat de tous les jours et de tous les instants, Un combat perpétuellement perdu et perpétuellement gagné. Des dérapages, comme les dérapages salafistes, il y en a et il y en aura. Oui, en Tunisie comme en France, comme dans tous les pays d'Europe, on débat pour savoir où doit s'arrêter la liberté des uns pour que commence la liberté des autres. Faut-il nécessairement, pour se dire libre et vivant dans un pays libre, prendre le droit de heurter l'autre dans ses convictions, de le blesser dans ce qui lui est le plus cher ? C'est un débat qui anime toutes les sociétés, et la Tunisie ne peut y échapper. C'est du reste un signe de maturité et de bonne santé.
Mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt. Dans un pays qui a vécu les pires violations des droits de l'homme durant les dernières décennies, la rupture avec le passé est spectaculaire.
L'une de mes premières décisions a été de commuer la peine de deux cent vingt condamnés à mort. La Tunisie est un pays abolitionniste de facto. J'espère qu'un jour il le deviendra de jure. (Applaudissements.)
Plus de dix mille personnes ont été élargies. La sordide prison de Borj Erroumi a été fermée et sera transformée en musée. Jamais les médias n'ont été aussi libres. Le gouvernement et moi-même en faisons les frais quotidiennement. Je n'arrête pas de répéter à mes collaborateurs, outrés par la férocité et l'injustice de certaines attaques, que je préfère les pires effets pervers de la liberté de la presse à son musellement, devenu fort heureusement impossible. (Applaudissements.)
Qu'il s'agisse des droits de l'homme de façon générale ou des droits de la femme en particulier, j'ai toujours signifié à mes partenaires d'Ennahda qu'il s'agissait là de lignes rouges. L'atteinte au droit d'asile qui a déclenché la dernière crise en Tunisie a vu la démonstration de ma détermination à défendre ces droits et à ne pas autoriser que ces lignes soient dépassées.
J'en arrive à la plus délicate question que me posent sans cesse mes amis. L'alliance de démocrates laïques avec des islamistes relève-t-elle de l'opportunisme politique ou de la naïveté ? La réponse est simple : ni de l'un, ni de l'autre, mais d'une longue histoire commune et d'un pari sur l'avenir. Longtemps, les deux forces laïques et islamistes se sont affrontées sans merci, ne parvenant même pas à avoir un langage commun.
Le bon sens a néanmoins fini par l'emporter, le rapprochement entre les frères ennemis par devenir possible, et ce en grande partie à cause de la dictature et d'une répression féroce qui avait mis tout le monde dans le même sac. Les expériences vécues ensemble ont rapproché les uns et les autres. Le combat qu'ils ont mené contre la dictature a commencé longtemps avant la signature de ce pacte de gouvernement : en 2003, en 2006. Une longue maturation a permis la constitution de cette troïka qui, aujourd'hui, gouverne la Tunisie. Cette troïka est tout sauf un rassemblement hétéroclite qui se serait constitué pour des raisons politiciennes. C'est quelque chose de plus profond, quelque chose qui s'est constitué sous la dictature, dans la lutte pour la deuxième indépendance, pour la démocratie et les droits de l'homme. Et quelque chose en est resté dans les coeurs et les esprits. Nous avons effectivement pu mettre en place des techniques de travail en commun et ceci nous a permis aujourd'hui d'affronter ensemble les difficultés que rencontre la Tunisie.
Nous avons préféré la solution de l'unité nationale autour de cette troïka, plutôt que d'entrer dans un affrontement stérile et dangereux.
Des élites séparées par leur culture d'appartenance, c'est une société fracturée, c'est un pays retourné contre lui-même. Il n'y a pas de progrès durable dans ces conditions, ni de démocratie stabilisée et apaisée. Nous avons donc fait le pari de travailler ensemble, au centre, pour pouvoir mener ce pays à bien, pour que tous les Tunisiens se reconnaissent dans un gouvernement où les deux fractions de la société, la conservatrice et la moderniste, puissent se reconnaître et se retrouver.
C'est la raison pour laquelle, mesdames et messieurs les députés, cette expérience est regardée dans le monde arabe avec beaucoup de sympathie et énormément de respect.
Je reviens du Caire, où j'ai fait une visite extrêmement intéressante parce que j'ai pu parler avec tous les acteurs de la révolution égyptienne. Tous ont posé la même question : « Comment avez-vous fait, vous les Tunisiens, pour dépasser les confrontations idéologiques stériles pour apprendre à travailler ensemble ? » Cette révolution qui est la nôtre est en train de devenir un exemple pour tout le monde arabe. Nous en sommes conscients et fiers, et nous savons que la responsabilité est d'autant plus grande. Nous devons réussir cette expérience en Tunisie, car si elle réussit, l'ensemble du monde arabe sera encouragé. Peut-être notre façon de faire, pacifique et organisée, notre recherche du consensus permanent, notre refus des affrontements idéologiques stériles, aideront-ils grandement, s'ils font école, à la pacification de toute cette partie du monde qui s'appelle le monde arabe.
Mesdames et messieurs, j'en arrive aux questions de politique étrangère et aux préoccupations qui nous sont communes.
La Tunisie, comme vous le savez, relève de trois sphères d'appartenance simultanée : la sphère maghrébine, la sphère africaine et la sphère euroméditerranéenne. Il est important pour nous de travailler et d'être bien dans ces trois espaces. Nous voulons évidemment développer nos relations avec le Maghreb, avec l'espace africain, mais nous voulons absolument promouvoir, développer et renforcer nos rapports avec l'Europe, notamment avec la France, qui est notre porte d'entrée dans cette Europe et avec qui nous avons tant de liens.
Nous allons d'abord essayer d'oeuvrer pour la construction du Maghreb, parce que nos cinq pays ont tellement de points en commun et parce que la construction du Maghreb est une nécessité pour eux. Imaginez la mise en place d'un marché commun de 100 millions d'habitants, garantissant la libre circulation des biens et services, des capitaux et de la main-d'oeuvre. Imaginez la formidable accélération du développement, imaginez les opportunités inédites d'affaires et d'investissements qu'une telle mise en place apporterait. Évidemment, dans ce nouvel espace intégré, où le renforcement des échanges internes serait naturellement encouragé et privilégié, la part de la France et de l'Europe risque de baisser. Mais cette baisse ne serait que relative, il ne s'agirait que d'une baisse en pourcentage. En volume absolu d'échanges, et c'est ce qui compte, cette part connaîtra aussi une très forte expansion.
Un sommet maghrébin doit se tenir à Tunis en octobre prochain. Nous en attendons beaucoup, et d'abord le lancement effectif du projet que je viens de décrire.
Le deuxième axe de notre redéploiement diplomatique concerne l'Afrique et tout spécialement les pays du Sahel : Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso et Sénégal. Nous avons en commun d'être tous riverains du Sahara. Au-delà de la stricte nécessité économique ou politique, nous avons des motifs sérieux et urgents de vouloir bâtir un partenariat solide entre le Maghreb et notre voisinage africain immédiat. Ces motifs concernent aussi bien l'environnement que la sécurité.
Chaque année, l'avancée du désert engloutit des millions d'hectares de terres arables et les rend impropres à la culture. Dans le même temps, le Sahara est devenu le refuge de bandes nombreuses de malfaiteurs, spécialisées dans les trafics d'armes et de stupéfiants, et subsidiairement dans le terrorisme. Ces deux fléaux, naturel et humain, ne peuvent pas être combattus à l'échelle d'un seul pays. Leur réduction exige la coopération de tous les pays concernés et elle exige une coopération vigoureuse et de longue durée. Nos partenaires maghrébins et africains sont conscients du danger. Nous aurons l'occasion d'en parler lors du sommet de Tunis et nous aurons sans doute à envisager des initiatives communes dans cette direction.
Ce partenariat transsaharien intéresse directement la France et l'Europe et nous estimons qu'elles auraient avantage à le soutenir et à l'épauler. La population totale de l'Afrique approchera les deux milliards d'individus dans trente ans. Avec le différentiel de revenus qui sépare aujourd'hui nos deux continents, le risque est réel d'une perte totale de contrôle dans la gestion des flux migratoires clandestins. En favorisant l'implantation d'une vaste zone de prospérité et de développement au Sahel et au Maghreb, l'Europe et la France serviraient en dernière analyse leurs propres intérêts. Cette zone se transformerait en une sorte de sas, réduisant à la source une bonne partie des mouvements illégaux de populations.
Troisième volet du redéploiement diplomatique : les relations directes avec la France et l'Europe. Nous n'entendons pas mettre en cause nos rapports traditionnels. Au contraire, nous envisageons de les multiplier, de les consolider, de les raffermir. Pour nous, il n'est pas question de lâcher la proie pour l'ombre. Pour nous, la diversification de nos rapports avec d'autres partenaires ne doit jamais faire oublier que nous sommes arrimés à cette zone euroméditerranéenne et que notre avenir est dans cette zone. (Applaudissements.)
Je voudrais rappeler que le capitalisme mondialisé est devenu dévastateur parce qu'il s'est affranchi de toute règle et de toute limite. Il est devenu nécessaire de protéger nos économies et nos sociétés contre ces dérives. (Applaudissements sur plusieurs bancs.) Cette nécessité est de plus en plus présente dans le débat public des deux côtés de la Méditerranée. Il est temps que nous travaillions ensemble à la reprise du contrôle de notre destin collectif et de ne pas l'abandonner aux forces aveugles du marché. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Mesdames et messieurs les députés, par les liens culturels que nous voulons absolument raffermir, promouvoir et protéger, par les liens économiques, affectifs, par ce que donne à la France notre laborieuse et courageuse communauté tunisienne et par ce qu'elle en reçoit, les relations entre la France et la Tunisie étaient déjà si denses, si fortes et si ancrées dans les coeurs et les esprits, que les changements politiques dans nos deux pays ne pouvaient les affecter que de façon superficielle.
Mais, maintenant que la Tunisie a rejoint enfin le club des pays démocratiques – club fondé en ce lieu auguste –, je voudrais en cet instant observer que la révolution tunisienne n'aurait probablement jamais pu avoir lieu sans l'écho de la Révolution française, partie de ces lieux et dont les hommes et les femmes de ma génération sont fiers d'avoir véhiculé les idéaux pour les amener sur les lieux de la révolution tunisienne. (Applaudissements.) Maintenant, disais-je, que la Tunisie a rejoint le club des pays démocratiques, les relations entre nos deux pays ne peuvent que s'en trouver facilitées.
Parce que je suis convaincu que vous ferez tout pour que nous puissions nous, Tunisiens et Français, Arabes et Européens, avancer plus vite et ensemble dans la même direction, je vous dis encore une fois, au nom de la Tunisie et de sa révolution, notre affection, notre gratitude et nos plus profonds remerciements. Merci à vous tous. (Mmes et MM. les députés, les membres du Gouvernement et les membres de la délégation tunisienne se lèvent et applaudissent longuement.)
Monsieur le Président de la République tunisienne, au nom de toute l'Assemblée nationale, je vous remercie de votre intervention.
Je vais maintenant suspendre la séance et vous raccompagner à l'Hôtel de Lassay.
J'invite Mmes et MM. les députés qui le souhaiteraient à nous rejoindre dans la galerie des fêtes pour la conclusion de cette réception.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Denis Baupin.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.
Fondé, monsieur le président, sur l'article 58, alinéa 1, relatif à l'organisation de nos débats.
Hier, le président du groupe socialiste, après une suspension de séance, a demandé l'application de l'article 57, alinéa 3, du règlement. Après son intervention, deux orateurs ont pu s'exprimer puisqu'ils avaient demandé la parole avant l'intervention de M. Le Roux. J'avais également demandé la parole au nom de mon groupe mais elle m'a été refusée.
J'aimerais saisir cette occasion pour vous demander de rappeler à M. le président de l'Assemblée nationale et à l'ensemble des vice-présidents que les présidents de séance ne doivent pas faire montre de préférences partisanes.
Je veux par ailleurs souligner, puisque nous en avons été empêchés hier, qu'après avoir entendu pendant cinq ans les députés socialistes exiger le respect du Parlement et des droits de l'opposition, assister à cette première fermeture du débat décidée par la majorité augure mal de la suite, seulement quinze jours après le début des travaux de la nouvelle législature.
Il est vrai que, parfois, la majorité peut trouver pénible, désagréable et bien long de devoir entendre l'opposition. Mais c'est la règle de la démocratie. Vous pourrez toujours décider ce que vous voulez mais au moins devez-vous entendre l'opposition. Refuser le débat hier parce que vous étiez politiquement gênés m'a paru indigne, et aussi contradictoire avec les leçons de démocratie que vous nous avez assénées au cours des cinq dernières années. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Je propose de ne pas rouvrir le débat d'hier. Nous en avons discuté lors de la réunion du bureau qui s'est tenue ce matin. Le président Bartolone a indiqué que cet incident serait évoqué lors de la prochaine Conférence des présidents.
La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.
Ce rappel, monsieur le président, se fonde sur l'article 58, alinéa 1, et porte également sur le déroulement de nos débats.
Je souhaite que nos travaux reprennent avec la sérénité qui a prévalu lors de la séance d'hier après-midi et une partie de celle d'hier soir. Il importe que chacun puisse exprimer ses positions et les défendre. Je peux comprendre qu'à un certain moment, les arguments de fond manquent, mais évitons les dérapages sur la forme comme ceux d'hier soir : ils ont été inacceptables.
S'il y a eu des incidents de séance, c'est à cause des provocations à répétition de certains. Je me tourne vers eux en leur demandant d'en rester au fond du débat même si, encore une fois, je comprends qu'ils puissent manquer d'arguments de fond : cela peut arriver. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Je souhaite donc que nous puissions reprendre sereinement nos travaux pour avoir un débat de bonne tenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles de la première partie du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 16 à l'article 2.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé du budget, mes chers collègues, un long débat a eu lieu hier et ce n'est pas mon rôle de juger s'il a été trop long ou pas. Je souhaite simplement revenir à certains des arguments qui ont été mis en avant en faisant trois remarques sur l'article 2.
Première remarque : la mesure envisagée par le Gouvernement, je le rappelle à notre assemblée mais aussi à tous ceux qui nous regardent, ne consiste pas à interdire les heures supplémentaires. Ainsi, tous les arguments affirmant la nécessité de fluidifier le marché du travail pour faire face à des commandes supplémentaires ou à des événements conjoncturels tombent, car les heures supplémentaires restent autorisées.
Les déplafonnements, annualisations et autres aménagements créés ces dernières années permettent toujours aux entreprises de faire des heures supplémentaires, en accord avec leurs salariés. De plus, ces heures supplémentaires sont majorées, à un taux de 25 % pour les premières et davantage pour les suivantes, dans des conditions parfaitement codifiées par le droit du travail.
Est-ce à l'argent public, à hauteur de 5 milliards d'euros…
…d'apporter un encouragement supplémentaire ? Nous ne le pensons pas.
Deuxièmement, je vous renvoie un argument que l'on entend très souvent sur vos bancs : nous serions le seul pays au monde à pratiquer de la sorte. (« Pour les 35 heures ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous ne pouvez pas utiliser un argument et son contraire sur deux sujets différents ! Nous serions donc effectivement le seul pays au monde à financer les heures supplémentaires avec de l'argent public.
Enfin, je souhaiterais que l'article 2 ne soit pas examiné isolément de l'ensemble du projet de loi de finances rectificative. En effet, l'article 2 succède naturellement à l'article 1er. (« Ah bon ? » sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Que prévoit l'article 1er ? Il abroge une disposition que vous avez votée et qui devait entrer en application à partir du 1er octobre. Or cette mesure comptabilisait les recettes dès le budget 2012, pour la fraction restante de l'année à partir du 1er octobre, ainsi que pour l'ensemble de l'année 2013. Vous aviez décidé de ponctionner 10,6 milliards d'euros supplémentaires au titre de la TVA dite « sociale » ou « anti-délocalisation », bref la « TVA Sarkozy ».
Mais si !Vous avez voté cette mesure, dont les recettes sont comptabilisées.
Nous annulons donc cette disposition qui représentait 10,6 milliards de prélèvements,…
…et ces 10,6 milliards sont autant de pouvoir d'achat préservé pour l'ensemble des Français !
En contrepartie, les 5,6 milliards d'exonérations qui étaient consacrés aux seuls salariés – les chômeurs, les retraités, les inactifs n'étaient en effet pas concernés – sont annulés.
Permettez-moi de vous infliger un dernier calcul, mes chers collègues : 10,6 milliards de TVA que vous auriez ponctionnés sur l'ensemble des foyers français, cela représente grosso modo 400 euros par foyer et par an.
Ce n'est pas faux ! En divisant 10,6 milliards par environ 26 millions de foyers français, vous obtenez 400 euros par foyer, que vous auriez ponctionnés chaque année.
Faisons maintenant le même calcul pour les seuls foyers concernés par votre exonération des heures supplémentaires : si je divise 5 milliards par le nombre de foyers bénéficiaires, j'arrive à un résultat compris entre 400 et 500 euros, ainsi que vous le reconnaissez vous-mêmes. Les situations sont donc comparables.
Quel est le résultat ? Celui qui perdra ces quelques centaines d'euros, je ne conteste pas cet ordre de grandeur (« Ah ! sur les bancs du groupe UMP) conservera en réalité quasiment le même niveau de revenus, si vous comparez ce chiffre aux 400 euros que la TVA sociale lui aurait coûté. En revanche, tous les autres, et ce sont les plus nombreux, y gagneront du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je veux bien entendre tous les raisonnements macro-économiques que vous voulez ; mais il faut savoir de temps en temps revenir à des idées simples.
En réponse à l'ensemble de vos arguments, j'affirme que ces deux articles créent une situation parfaitement équilibrée, particulièrement pour les ménages les plus modestes. Je vous épargne le reste des calculs, concernant notamment les foyers du premier décile ; ils figurent dans mon rapport.
Ainsi, les inactifs, les retraités, etc. ne seront pas ponctionnés par la TVA sociale, tandis que les salariés effectuant des heures supplémentaires seront, en moyenne, à peu près remboursés de leurs débours. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La discussion s'étant prolongée tard dans la nuit à l'occasion de l'examen de cet article, je me dois par correction à l'égard de la représentation nationale de répondre, sinon à tous les arguments développés, du moins aux principaux d'entre eux.
Le rapporteur général vient de réfuter l'un de ces arguments, contesté en cela par certains, dont Patrick Ollier, estimant qu'un raisonnement arithmétique…
…arithmétique ou mathématique, ne pouvait être tenu pour un raisonnement économique.
Mais alors cet argument doit être appliqué à tout : le raisonnement qui consiste à considérer la masse budgétaire consacrée par l'État à la défiscalisation des heures supplémentaires, puis à la diviser par le nombre de salariés censés en bénéficier, n'est pas davantage économique que celui développé par le rapporteur général. Soit on fait de l'économie, soit on fait des mathématiques. Mais si l'on accepte un raisonnement mathématique dans un cas, il faut l'accepter dans l'autre, au moins par honnêteté intellectuelle.
Cette nuit, lors de la discussion sur l'article, tout et son contraire nous ont été reprochés. Il paraît en effet compliqué de condamner les 35 heures, encore que cela soit peu surprenant venant de l'opposition, tout en déplorant que les heures supplémentaires ne soient plus défiscalisées et qu'ainsi elles rapportent moins.
Si des heures supplémentaires existent, cela signifie qu'un temps de travail légal a été défini ; et si vous voulez que la 36e heure soit comptabilisée comme une heure supplémentaire, encore faut-il que les 35 heures constituent bien la durée légale du travail. Le système que vous défendez suppose au préalable que vous acceptiez la durée légale du travail à 35 heures, durée que vous condamnez par ailleurs, ce qui ne me paraît pas cohérent avec l'ensemble de votre argumentation.
C'est du reste à la majorité précédente, et notamment au ministre de l'époque, Xavier Bertrand, que nous devons la généralisation de la durée légale du travail de 35 heures aux entreprises de moins de vingt salariés. Avant 2007, ces entreprises n'étaient en rien tenues par cette obligation ! Qui a généralisé à toutes les entreprises, dont celles de moins de vingt salariés, la durée légale du travail de 35 heures ? C'est vous, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, lorsque vous étiez dans la majorité !
Si vous l'avez fait, c'est précisément parce que vous en aviez perçu la nécessité, dans la mesure où vous souhaitiez que la 36e heure soit comptabilisée comme une heure supplémentaire.
En défendant, avec la vigueur que nous avons pu constater, la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires, vous avez d'une certaine manière accepté et défendu les 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Nous voulons répondre !
Je suis saisi de 34 amendements identiques tendant à supprimer l'article 2.
La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour soutenir l'amendement n°16 .
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous ne nous avez naturellement pas convaincus, en dépit de tous vos efforts, et notre groupe n'est pas dupe.
Vous tentez en effet d'instaurer une double peine, à l'égard tant des salariés que des entreprises.
En période de crise, il est d'usage de créer des chocs de confiance. Or, ce que le Gouvernement et sa majorité tentent de faire aujourd'hui constitue un choc de défiance massif à l'encontre des travailleurs et des salariés qui, par votre faute, ne pourront pas améliorer leur pouvoir d'achat. De plus, ce choc de défiance nuira profondément à la compétitivité de nos entreprises.
L'amendement que je soutiens, et que d'autres proposeront après moi, vise à supprimer l'article 2. S'il était adopté, cet article inique marquerait le reste de cette législature au fer chauffé à blanc, car il serait la cause de mauvais résultats pour notre économie, d'une moindre compétitivité, d'un chômage rampant et d'une baisse du pouvoir d'achat.
Vous avez encore une chance de revenir sur cette mauvaise décision, dont la responsabilité vous poursuivrait tout au long des cinq prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.
Sur quel article ?
Plusieurs députés du groupe UMP. 58-1 !
Monsieur le président, je pense que vous finirez par apprendre à connaître le règlement de l'Assemblée nationale,…
…mais faites au moins confiance à ceux qui l'ont écrit et le connaissent.
Vous n'avez pas à en juger : c'est l'article 58, alinéa 1, que j'applique.
Je vous ai demandé tout à l'heure un droit de réponse au ministre, en m'appuyant sur l'article 56, alinéa 2, lequel précise que vous pouvez autoriser un orateur à répondre au Gouvernement.
J'ai été personnellement mis en cause par M. le ministre du budget, et j'aurais souhaité pouvoir lui répondre , comme l'article 56 le permet ; vous deviez m'y autoriser ! Voilà le sens de mon rappel au règlement !
Je pense que vous connaissez la différence entre le verbe « pouvoir » et le verbe « devoir ».
Nous allons poursuivre l'examen des amendements identiques, puis entendre les avis du rapporteur général et du Gouvernement, ainsi que les interventions des orateurs qui souhaiteraient s'exprimer sur ces amendements.
Ce qui vous fait mal, mes chers collègues de gauche, c'est que l'opinion est en train de comprendre !
Voici le titre du journal Ouest-France, diffusé à un million d'exemplaires : « Impôt sur les heures supplémentaires dès cet été ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) L'opinion est effectivement en train de comprendre.
Un jeune ouvrier m'a détaillé sa situation personnelle : il réalise dans l'année 94 heures supplémentaires, soit un peu moins de 2 heures par semaine, ce qui n'est pas beaucoup. Elles lui rapportent 1 200 euros. Je veux bien admettre qu'il les conservera. Mais il perdra 224 euros en cotisations sociales, et comme il est jeune et célibataire, il perdra également 171 euros en impôt. En additionnant ces chiffres, on approche les 400 euros de perte, alors que, même s'il ne faisait pas beaucoup d'heures supplémentaires, cet ouvrier méritait ce revenu complémentaire.
Voici maintenant un autre exemple, concernant une entreprise de transport : avec 450 chauffeurs, l'entreprise elle-même perdra un peu plus de 300 000 euros au titre des cotisations sociales patronales, tandis que chaque chauffeur perdra 1 000 euros par an. Le monde du transport est un monde où on travaille beaucoup.
Mais ce n'est pas seulement une question d'argent. Il se produira la même chose qu'avec les 35 heures : comment les entreprises vont-elles s'y prendre si elles ne peuvent plus faire d'heures supplémentaires ? Elles vont accroître les cadences, créant ainsi un stress plus fort au travail, exactement comme avec les 35 heures ! Nous allons assister à un développement des troubles musculosquelettiques, les TMS, conséquence d'une pression accrue au travail et du stress : voilà ce que nous redoutons.
De plus, comme il faudra maintenir un peu de flexibilité, les chefs d'entreprise n'auront pas d'autre choix que de développer le recours à l'intérim. Cela vous déplaît, car vous vous dites opposés aux entreprises d'intérim, mais en procédant ainsi, vous allez accroître leur chiffre d'affaires. Lorsqu'un élément de flexibilité disparaît, les autres se développent ! L'intérim montera au rythme de la réduction des heures supplémentaires.
Cela ne fera que créer un nouveau problème, et c'est pour cette raison que vous devez absolument renoncer à ce funeste article 2. Les Français sont en train de le comprendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pour confirmer les propos de M. Le Fur, je souhaite citer le numéro du jour de Libération, journal que vous connaissez bien, chers collègues de l'opposition, et qui indique que Matignon semblait d'accord sur le principe de la rétroactivité, mais anticipait le mécontentement de millions de salariés ayant accepté de faire des heures supplémentaires parce qu'elles étaient défiscalisées. Comme l'indique Libération, vous allez porter un coup terrible aux ouvriers, aux employés et aux fonctionnaires, surtout aux plus modestes d'entre eux.
Vous créez également un élément destructeur pour l'emploi : un nouvel effet de seuil. Chacun connaît les conséquences néfastes des effets de seuil et chacun sait que les chefs d'entreprise sont très réticents à franchir certains seuils car ils savent que les contraintes seront plus fortes. Imaginez la pression sur ceux qui vont dépasser le seuil de vingt salariés puisque les heures supplémentaires payées à leurs salariés ne seront plus exonérées. Avec un tel dispositif, on va revenir à de vieilles méthodes dont nous ne voulons pas, je veux parler des heures supplémentaires non déclarées. De plus, ce sera un frein à l'emploi.
Monsieur le ministre, lorsque nous avons voté la défiscalisation des heures supplémentaires, le débat portait alors sur les 35 heures. Nous avions décidé, peut-être à tort, de conserver le système antérieur en abondant très généreusement cette baisse horaire, qui nous coûte cette année la bagatelle de 22 milliards.
Si vous le voulez, je peux faire l'addition entre les 13 milliards initiaux et les 22 milliards d'aujourd'hui et calculer ce que cela a coûté à chaque Français. Je crois que la défiscalisation des heures supplémentaires est largement en dessous de l'addition.
Ce dispositif avait été mis en oeuvre en quelque sorte pour compenser le soutien aux 35 heures en permettant à ceux qui travaillent plus de bénéficier d'une défiscalisation. Il est curieux de voir que vous acceptez que les Français apportent leur contribution pour que l'on travaille moins mais pas pour que l'on travaille plus. Ce raisonnement n'est pas le nôtre.
Il y a au moins une catégorie pour laquelle votre démarche ne se justifie pas, celle des agents publics de l'éducation nationale. Vous prétendez que la défiscalisation des heures supplémentaires a été créatrice de chômage. Mais rien, dans les comptes de l'éducation nationale, ne démontre que la baisse des effectifs de l'éducation nationale est due aux heures supplémentaires. Je dirai même que tout prouve le contraire.
La plupart des enseignants qui ont choisi de faire des heures supplémentaires l'ont fait sur la base du volontariat. Dans la plupart des cas, il s'agissait de professeurs éminents au sein de leur établissement. Ces professeurs, vous allez les mettre au régime normal.
Votre démarche n'est pas qualitative. Je vous rappelle que nous avons augmenté le salaire des enseignants exactement aux mêmes fins. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous pouvez vérifier que nous avons augmenté la rémunération des enseignants en début de carrière. C'est dans le même esprit que nous avons défiscalisé leurs heures supplémentaires.
En supprimant la défiscalisation pour pouvoir recruter, vous choisissez une autre voie. Mais j'attends que le ministre de l'éducation nationale me dise comment il fera, lui qui a tellement de mal à recruter qu'il a été obligé de lancer un appel solennel dans l'hémicycle pour susciter des candidatures au métier d'enseignant.
J'attends impatiemment de voir le niveau des enseignants que vous allez recruter.
Dans un premier temps, vous avez choisi de faire travailler moins et de frapper ceux qui travaillent plus. Dans l'éducation nationale, vous avez choisi le quantitatif par le bas alors que nous avions choisi le qualitatif par le haut. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Nous ne sommes pas des numéros ! Pouvez-vous indiquer le nom du signataire de l'amendement ?
Il y a parfois plusieurs signataires. Je ne vais pas tous les mentionner.
La parole est à M. Xavier Bertrand, qui voulait sortir de l'anonymat.
Mon intervention portera sur la seule question du pouvoir d'achat.
Depuis hier, les témoignages affluent de personnes qui sont en train de comprendre que c'est maintenant la fin d'un avantage concret dont bénéficiaient les salariés qui faisaient des heures supplémentaires. Ces témoignages, je peux vous les faire parvenir.
En matière de pouvoir d'achat, je ne parlerai pas de moyenne car nombre de salariés estiment que cela ne les concerne pas.
J'ai là le témoignage d'un ouvrier agricole qui est maire d'une petite commune dans le Saint-Quentinois et qui travaille dans une entreprise de vingt et un salariés. Il estime que votre dispositif va lui faire perdre 200 euros par mois.
Je suis certain qu'il existe des cas similaires dans votre circonscription. Peut-être ne vous saisissent-ils pas de cette question. En tout cas, dans ma circonscription, ils le font.
Un salarié payé au SMIC et qui fait environ deux heures supplémentaires par semaine verra son treizième mois partir en fumée…
…en raison de la refiscalisation des heures supplémentaires et de la suppression de l'exonération des charges sociales.
Celles et ceux qui sont concernés, ce sont les ouvriers, les employés, c'est-à-dire les classes populaires et les classes moyennes et non les cadres supérieurs ou les dirigeants d'entreprise.
La remise en cause de ce qui peut aller jusqu'à un treizième mois est un mauvais coup porté au pouvoir d'achat de ces catégories.
Et j'irai un peu plus loin car il faut imaginer le jour d'après. Certains représentants du personnel ont déjà demandé au chef d'entreprise ce qu'il allait faire. Et même si celui-ci répond que ce n'est pas de son fait mais de celui du Gouvernement, le problème sera réglé dans l'entreprise. À l'occasion des négociations annuelles obligatoires, le dialogue social sera beaucoup plus tendu qu'il ne l'a été ces temps derniers.
Si les évolutions de salaire ne peuvent pas être celles qui étaient prévues au sein de l'entreprise et si le dialogue social est tendu, vous en porterez aussi la responsabilité.
Voilà pourquoi je continue à m'opposer à l'article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 137 .
Naturellement, mes propos viennent abonder ceux de mes collègues qui souhaitent la suppression de cet article.
La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires va toucher ceux que j'appelle avec beaucoup de respect les petites gens. Ces salariés modestes sont fiers de travailler et de ramener chaque mois à leurs enfants quelques dizaines d'euros supplémentaires. Ces sommes leur permettent d'effectuer des travaux dans leur maison et d'aider leurs enfants à faire des études. Je ne suis pas sûr que vous ayez pris la mesure de tous les dégâts collatéraux que va engendrer la suppression de ce dispositif.
Je suis l'élu d'une circonscription qui compte des quartiers ouvriers et je constate qu'un vrai malaise est en train de s'instaurer car les gens ont peur de perdre leur fierté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l'amendement n° 150 .
Trois raisons militent en faveur de la suppression de la contre-réforme que propose le Gouvernement.
La première raison est économique. Il n'y a aucune logique, aucun motif d'intérêt général à essayer de faire moins travailler les salariés français.
La deuxième raison est sociale. Les heures supplémentaires permettent aux familles modestes d'accroître leurs revenus.
La troisième raison est morale. Ni François Hollande pendant la campagne électorale, ni les candidats socialistes aux élections législatives n'ont annoncé que les entreprises de moins de vingt salariés seraient touchées par la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous savons aujourd'hui, à la lecture de votre projet de loi, que vous nous avez menti.
En vérité, monsieur le ministre, vous avez multiplié les cadeaux électoraux. J'en veux pour preuve l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, le retour partiel de la retraite à soixante ans, etc. Après le temps des cadeaux vient malheureusement celui des impôts ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. Christian Estrosi, pour soutenir l'amendement n° 184 .
Il est incroyable de voir que dans ce projet de loi qui prévoit 7 milliards d'euros d'impôts supplémentaires, la seule grande mesure d'économie que vous proposez soit de supprimer à 9,5 millions de salariés près de 500 euros en moyenne de pouvoir d'achat chaque année.
Alors que vous nous expliquez que votre mesure permettra de créer des emplois, je pose une question. En 2007, nous étions aux 35 heures et les heures supplémentaires n'étaient pas défiscalisées. Pour autant, cela permettait-il de créer plus d'emplois ? En fait, vous nous proposez de revenir à la situation de 2007. Vous ne créerez donc pas plus d'emplois. C'est bien la démonstration que ce que vous dites est faux.
Je prendrai l'exemple d'une entreprise située dans la ville dont j'ai l'honneur d'être le maire : 2,2 millions étaient inscrits au budget primitif 2012 au titre des heures supplémentaires. Or ce que vous allez voter aujourd'hui me conduirait à trouver 1,8 million supplémentaire. Je suis donc obligé de prévenir d'ores et déjà près de 2 000 salariés qu'ils ne toucheront plus d'heures supplémentaires.
Avec ces 2,2 millions d'euros, nous pourrons tout juste recruter trente-cinq salariés, dans une collectivité où 163 métiers différents sont exercés – il y a des espaces verts à entretenir, des transports et des cantines scolaires à gérer. Alors que nous devons être vigilants en matière de fiscalité locale, de marge d'autofinancement, de non-augmentation de la dette de nos collectivités, vous allez faire perdre du pouvoir d'achat à l'ensemble des salariés les plus modestes de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
J'ai déjà eu l'occasion de dire hier que vous allez commettre une triple faute.
Une faute économique d'abord. Vous croyez, dans une conception malthusienne du travail, que parce qu'on le partage plus, chacun s'en sort et qu'il n'y a plus de chômage.
Une faute sociale ensuite. Dans une région industrielle comme la mienne où il y a beaucoup de sous-traitance automobile, vous allez toucher de plein fouet les salariés de ce secteur qui perdront entre 300 et 600 euros.
Une faute morale enfin, puisqu'il y aura rétroactivité fiscale.
À tout cela s'ajoute une faute de goût, je le constate après avoir entendu les propos du rapporteur général. Il compare la suppression de la TVA sociale et la remise en cause des heures supplémentaires. Quelle gabegie ! Aucun Français ne partagera cette analyse. Mettre l'article 1er et l'article 2 sur le même plan, c'est vraiment regrettable.
Nous demandons bien entendu la suppression de cet article 2, qui est purement idéologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement n° 239 .
Avec l'article 2, mes chers collègues, le Gouvernement nous propose une disposition qui va à l'encontre d'un constat partagé sur tous les bancs : notre pays souffre d'un coût du travail trop élevé, les salariés ont un pouvoir d'achat qu'il faut renforcer et la flexibilité dans nos entreprises est insuffisante. L'article 2 va à l'encontre de ces trois priorités.
Le coût du travail, nous aurons l'occasion d'y revenir. Je voudrais insister sur la flexibilité et le pouvoir d'achat.
Je commencerai par la flexibilité, et tout spécialement la flexibilité dans l'industrie, qui vient d'être évoquée par Damien Abad. Le dispositif des heures supplémentaires défiscalisées et exonérées permet aux entreprises de l'industrie, qui fonctionnent maintenant à flux tendu, d'amortir les variations du carnet de commandes qui sont malheureusement, ou heureusement, le lot quotidien de la vie de toute entreprise. C'est, en réalité, une soupape. Une soupape en cas de surcroît de commandes, mais aussi en cas de baisse d'activité. C'est une soupape de flexibilité, et, disons-le, une soupape pour les 35 heures.
Mais c'est aussi une soupape pour le pouvoir d'achat. En voici un exemple. Nos circonscriptions respectives illustrent la diversité de notre magnifique territoire. Je voudrais, quant à moi, dire deux mots de l'industrie en Haute-Savoie. Elle représente 34 % du PIB de ce département, alors que la moyenne nationale est de 14 %. Cela nous permet d'apporter une contribution importante à la solidarité nationale. En Haute-Savoie, les conséquences qui découleront de cet article 2 ont été décrites ce matin même par des responsables de l'industrie du décolletage, au sein de laquelle nombre d'entreprises font de la sous-traitance pour le secteur automobile, pour celui de l'aéronautique ou encore pour celui du matériel médical. Dans cette industrie, l'effet de la mesure que vous vous apprêtez à voter – mais j'espère que vous allez finalement y renoncer – serait une perte de salaire nette oscillant entre 60 et 200 euros par mois. Par mois !
Cette mesure se conjuguera aux suppléments de cotisation que vous allez imposer, ainsi qu'à un certain nombre d'autres dispositions, de sorte que c'est non seulement un mois de salaire complet qui va disparaître, mais probablement deux, pour certains salariés. Dans un département où la vie est chère,…
…c'était le moyen de se loger, c'était le moyen d'aider un enfant à faire ses études… Il n'y a là rien de comique, chers collègues socialistes. Ce qui est en train de se passer ici, en cet instant, avec cet article, est dramatique. Ces revenus, c'était aussi le moyen d'aider un parent âgé dépendant.
Mes chers collègues, il est encore temps de vous ressaisir. Rejetons ensemble l'article 2 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l'amendement n° 241 .
Il y a de cela quelques semaines, François Hollande a été élu, avec un peu plus de 50 % des voix, par des Français qui espéraient une hausse de leur pouvoir d'achat. Avec cet article, la majorité actuelle démontre qu'il n'augmentera pas, et même qu'il baissera, puisque c'est entre 450 et 500 euros qui seront confisqués aux travailleurs.
Le travail ne se partage pas comme cela. Les 35 heures ont été une erreur.
C'est pour cela que vous ne les avez pas supprimées ! Vous avez eu dix ans pour le faire !
Peut-être l'erreur de la précédente majorité a-t-elle été de ne pas s'y attaquer, mais il a été démontré que les 35 heures ne créaient pas d'emplois. Elles constituent une bombe à retardement, notamment dans les hôpitaux. À l'époque de leur instauration, elles ont représenté pour les entreprises une augmentation de 11,5 % de leurs charges, ce qui a nui à leur compétitivité.
Aujourd'hui, quelques semaines après l'élection présidentielle, c'est à une baisse du pouvoir d'achat que nous allons assister.
En outre, je rappelle que les entreprises n'ont pas recours aux heures supplémentaires comme cela, par hasard. Elles constituent une réponse à un accroissement temporaire de la charge de travail, et non pas un outil de régulation mensuelle. La suppression de cette exonération fera peser une contrainte supplémentaire sur les entreprises, une contrainte qui sera gérée directement, peut-être par le biais d'un accroissement de la productivité, mais certainement pas par des embauches supplémentaires. Je vous invite, chers collègues socialistes, à aller faire des stages dans les entreprises. Vous verrez comment les choses se passent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l'amendement n° 242 .
Pendant la campagne présidentielle, nous avons tous entendu François Hollande dire que sa stratégie fiscale consistait à faire payer les riches. Mais dès le premier collectif budgétaire, les masques tombent.
Je reprends le chiffrage du collectif qui a été indiqué par le ministre. La modification de l'impôt sur la fortune, c'est à peu près 2 milliards de recettes annuelles supplémentaires. L'article 2, lui, va essentiellement frapper les classes moyennes, car ce sont surtout elles qui font des heures supplémentaires.
Cette mesure représente environ 3,5 milliards de prélèvements supplémentaires. Il faut y ajouter la ponction supplémentaire sur l'épargne salariale, puisque vous allez multiplier par 2,5 le forfait social en le portant de 8 à 20 % : ce sont pratiquement 2,5 milliards de prélèvements supplémentaires qui vont ainsi toucher les classes moyennes, celles qui bénéficient de l'intéressement.
Au total, chers collègues, vous prélevez 2 milliards de plus sur les Français les plus aisés, mais 6 milliards de plus sur les classes moyennes. Alors qu'elles ont du mal à boucler leurs fins de mois, vous allez leur demander un effort trois fois supérieur à celui que vous demandez aux Français les plus aisés. Trouvez-vous cela normal ?
Notre stratégie fiscale, pendant les cinq dernières années, a toujours été de faire en sorte que l'impôt soit juste (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC), que l'effort soit réparti de manière équitable. Aujourd'hui, il l'est de manière inéquitable, puisque le poids que les classes moyennes auront à supporter est trois fois supérieur. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article. Nous voulons que l'effort soit équitable, et que les classes moyennes ne soient pas les victimes de votre collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en venons à l'amendement n° 243 . Qui le défend ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, il y a neuf signataires. Il est normal que j'attende que l'un deux se manifeste pour lui donner la parole.
S'il y a neuf signataires, on appelle le premier, en l'occurrence M. Ciotti, puis, s'il n'est pas là, le deuxième, et ainsi de suite. C'est comme cela que l'on préside !
Je suis l'élu d'une circonscription, celle de Tourcoing, qui, il y a encore cinquante ans, comptait plus de 700 entreprises dans le textile, lesquelles employaient quasiment un tiers de la population active. Aujourd'hui, monsieur le ministre, il n'y a plus qu'une seule entreprise textile dans ma circonscription. Une seule !
J'étais un peu jeune à l'époque, mon cher collègue, mais on m'a dit et répété, durant la campagne, que, sous les coups de boutoir de M. Mitterrand, beaucoup d'entreprises textiles étaient parties de l'autre côté de la frontière, en Belgique.
Monsieur le ministre, vous avez tué deux fois la dernière entreprise textile de ma circonscription : une première fois à l'article 1er, avec la suppression de la TVA sociale ; une seconde fois à l'article 2. Il reste trente-trois salariés dans cette entreprise, et ils ne vivent que des heures supplémentaires, puisque les carnets de commandes montent et descendent. Parce que moi, je ne discute pas seulement avec les syndicats, monsieur Vergnier, je discute aussi avec les salariés. J'ai encore eu l'occasion de leur rendre visite il y a deux jours.
Je comprends pourquoi les gens ont une bien mauvaise image de la représentation nationale quand je vois que vous n'êtes pas capables d'entendre que trente-trois salariés vont bientôt être au chômage ou aller en Belgique, tout simplement parce que vous êtes prisonniers de votre idéologie socialiste et que vous n'écoutez pas les remontées du terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous savez, chers collègues socialistes, la répétition d'un mensonge ne fait pas une vérité. Et ce n'est pas non plus parce qu'on crie fort qu'on dit la vérité.
Et vos gestes dédaigneux, monsieur Vergnier, ne sont pas non plus à la hauteur du débat économique que doit avoir notre pays. J'espère que le public qui nous regarde depuis les tribunes, ainsi que ceux qui nous regardent sur internet – parce que vous savez qu'aujourd'hui, internet existe, monsieur le député –…
Je vais conclure, monsieur le président, après avoir été interrompu à plusieurs reprises.
Ne vous inquiétez pas, il en faut beaucoup plus pour me perturber ! Les camarades socialistes, pendant la campagne, en ont fait bien davantage pour que je ne sois pas élu. Cela ne me pose pas de problème.
Tout cela pour vous dire, monsieur le ministre, que cette entreprise textile, la dernière qui existe encore dans le territoire tourquennois, attend avec une certaine stupeur le vote de notre assemblée sur la fin de la TVA sociale et sur la fin des heures supplémentaires. Je demande solennellement que notre assemblée ait conscience de son rôle, et vote la suppression de cet article.
Ah non ! On n'appelle pas un numéro, on donne la parole à un député ! Rappel au règlement !
Qui se fonde sur l'article 58, alinéa 1. Je pense qu'il y a vraiment un problème quant à la tenue de ce débat. Je demande une suspension de séance d'au moins un quart d'heure. Ce n'est pas possible ! Apprenez à présider !
Rappel au règlement
La séance est suspendue pour cinq minutes.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-sept.)
Nous en venons à l'amendement n° 244 .
J'appelle MM. Debré, Deflesselles, Degauchy, Delatte, Devedjian, Dhuicq, Door ou Dord.
Plusieurs députés du groupe UMP. Ils ne sont pas encore revenus, monsieur le président !
La suspension était annoncée pour cinq minutes, elle a duré six minutes trente.
Vous avez la parole, madame Dion.
Je vais vous expliquer, chers collègues de la majorité, pourquoi la refiscalisation des heures supplémentaires est une catastrophe pour l'activité économique et donc pour le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je n'évoquerai pas les charges que cette mesure créerait pour les employeurs, mais il importe de souligner ses conséquences sur le pouvoir d'achat des salariés.
Vous méprisez la France qui travaille,…
…vous méprisez le seul vecteur de notre économie : la valeur travail.
Dans ma circonscription, on se lève tôt, on connaît la valeur du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le tourisme aussi bien que l'industrie du décolletage constituent des marqueurs de notre économie et font la valeur de la France.
Je trouve par conséquent votre position particulièrement dommageable. C'est pourquoi je demande la suppression de l'article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous êtes ici la représentante de la nation et non de votre circonscription, madame la députée !
Je ne reviens pas aux données chiffrées, longuement exposées ici et bien comprises par les Français, qui vont se réveiller avec une vraie gueule de bois parce qu'ils auront beaucoup moins d'argent pour vivre – une baisse dramatique. Dans ma circonscription, le chef d'une entreprise travaillant dans le secteur de l'emballage sur mesure m'expliquait que les heures supplémentaires sont indispensables à une activité soumise à des fluctuations importantes de commandes. Les marges de cette entreprise sont assez réduites et elle ne peut pas se permettre d'embaucher en raison du coût du travail, des charges patronales. En revanche, grâce à la défiscalisation des heures supplémentaires, elle peut répondre aux fluctuations de son carnet de commandes. Ainsi, les ouvriers s'impliquent et se sentent valorisés au sein de leur entreprise.
Je m'interroge, du reste, depuis le début de la discussion, sur le fait de savoir si, parmi vous, certains ont déjà travaillé dans une entreprise. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Tout ce qui rejaillit de vos préconisations, c'est que vous méprisez l'entreprise (Protestations sur les mêmes bancs), c'est du moins l'image que vous donnez ici.
Ces mêmes ouvriers, qui s'impliquent fortement, au-delà de leurs horaires habituels, prennent conscience du caractère dangereux de votre mesure.
Monsieur le ministre, si cette mesure passe, c'est la mort de nombreuses PME qui ne pourront pas se permettre d'embaucher, et qui ne peuvent remplir leur tâche que grâce aux heures supplémentaires. Vous méprisez l'entreprise et les salariés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 246 .
La mission parlementaire sur la coopération transfrontalière, dirigée par notre collègue Étienne Blanc, député de l'Ain, a mis en exergue la fragilité des entreprises installées dans les zones frontalières, tant le différentiel de compétitivité avec nos voisins sur les plans fiscal, social et salarial est important. Les régions frontalières représentent 20 % de notre territoire et 10 millions de nos concitoyens. La concurrence économique avec nos voisins nuit dramatiquement à nos entreprises dans ces régions. Elle se traduit notamment par une fuite de la main-d'oeuvre – en Suisse pour ce qui concerne non seulement ma circonscription mais aussi la Haute-Savoie. Nos régions frontalières se vident ainsi inexorablement de leur substance industrielle.
Dans ce contexte de volatilité de la main-d'oeuvre, l'instauration de la défiscalisation des heures supplémentaires a été perçue par les chefs d'entreprise comme une mesure salutaire, permettant une meilleure rémunération des salariés et, j'insiste sur ce point, une fidélisation de la main-d'oeuvre ainsi qu'un maintien de nos précieux savoir-faire, sans lesquels le « fabriqué en France » ne sera définitivement plus qu'un lointain souvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l'amendement n° 248 .
On entend depuis quelques heures répéter toujours le même argument. (Sourires.)
C'est un fait qu'il sera toujours possible de faire des heures supplémentaires, c'est évident. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Néanmoins, vous savez très bien que les charges salariales représentent au bas mot 15 % du salaire. Or supprimer 15 % d'un salaire net revient à amputer d'autant le pouvoir d'achat.
Quelqu'un qui fait des heures supplémentaires comparera sa rémunération avant et après cette amputation et demandera donc à son employeur 15 % de plus pour continuer. C'est mathématique.
Quelle sera l'attitude de l'employeur ? Il devra refuser au motif que payer l'heure supplémentaire 15 % de plus, ce n'est pas possible dans la conjoncture actuelle, dans le contexte de crise structurelle pour certains secteurs.
Oui, on pourra continuer de faire des heures supplémentaires, mais le surcoût de la mesure que vous imposez n'est tout simplement pas envisageable pour nos petites entreprises, quand bien même celles de moins de vingt salariés restent exonérées des charges patronales. Nous ne pouvons donc pas accepter l'article 2. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l'amendement n° 249 .
Je l'espère.
La conception du temps de travail est entre nous une ligne de partage. Pour vous, le travail est une sorte de gâteau qu'on peut diviser en parts. L'économie, l'entreprise ne fonctionnent pas selon des règles arithmétiques de ce genre. Ainsi, ce n'est pas en avançant l'âge de départ à la retraite que vous créerez davantage d'activité. De la même manière, ce n'est pas en supprimant du temps de travail – en l'occurrence en abrogeant la défiscalisation des heures supplémentaires – que vous permettrez aux entreprises d'embaucher davantage.
L'intérêt de la défiscalisation des heures supplémentaires est de permettre à l'entreprise une meilleure réactivité à des opportunités de marché, autrement dit de répondre à un « coup de bourre ». Il s'agit, pour conserver ou gagner un marché, de demander aux salariés de travailler davantage pour peu qu'ils en soient d'accord. Hier l'un d'entre vous – je crois qu'il s'agissait de M. Vergnier – s'inquiétait de savoir si on demandait leur avis aux salariés. Oui, les heures supplémentaires sont volontaires, mon cher collègue. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Voilà au moins une information que je peux porter à votre connaissance.
Cette réactivité permet de gagner des marchés dans le temps, pour deux ou trois mois. Elle suppose une mobilisation des salariés qui sont d'accord pour travailler davantage. Peut-être, ensuite, la maîtrise de tel marché sera-t-elle pérennisée et peut-être des emplois seront-ils alors créés. Mais si vous remettez en cause ce principe de flexibilité, vous empêcherez les entreprises de profiter des opportunités de marché.
Ensuite…
Je le connais parfaitement, monsieur le président, mais je vous remercie de m'accorder encore quelques instants pour terminer.
La défiscalisation des heures supplémentaires ne concerne pas les patrons du CAC 40…
…mais des ouvriers d'usine, de très nombreux salariés modestes : c'est leur pouvoir d'achat que vous allez amputer. Et dès lors que vous amputez leur pouvoir d'achat, ce sont des points de croissance en moins, qui ne pourront pas bénéficier à l'économie générale.
Pour ces deux raisons majeures – j'aurai l'occasion d'en développer d'autres un peu plus tard –, je vous demande de supprimer cet article parce qu'il est dangereux pour notre économie, pour les ouvriers et les salariés français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l'amendement n° 250 .
En laissant parler notre président de groupe, monsieur le président, vous vous rendez compte que vous n'êtes plus au Conseil de Paris et que vous ne pouvez plus être juge et partie…
…mais seulement le garant de l'objectivité, et surtout du respect de l'opposition, ce dont je vous remercie. Ce débat, que vous jugez trop long, a du moins le mérite de délier les langues.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, puisque vous voulez des exemples concrets, laissez-moi vous en présenter un : ce matin même, le patron d'une entreprise de cosmétique du XVe arrondissement, qui rencontre de grandes difficultés économiques, m'a appelé pour m'exprimer ses craintes, et celles de ses salariés, au sujet de la remise en cause de cette défiscalisation.
Celle-ci est aujourd'hui, pour lui, synonyme de souplesse. Elle lui permet d'adapter sa capacité de production à son carnet de commandes, et de défricher de nouveaux secteurs commerciaux. À travers votre projet de loi de finances rectificative, vous remettez en cause un dispositif, celui de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui a pourtant démontré sa pertinence.
Il est clair, du reste, que vous êtes extrêmement gênés par cette mesure. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous l'êtes à ce point que vous avez inventé un nouveau jeu, le « bonneteau parlementaire ». Vous nous avez proposé trois cartes, sur lesquelles figuraient trois dates différentes – le 1er janvier, le 1er juillet et le 1er août – puis vous les avez mélangées et « ni vu, ni connu, je t'embrouille ».
Malheureusement pour vous, les Françaises et les Français ne se sont pas embrouillés : ils se sont aperçus que vous étiez en train de les plumer et de leur faire les poches. Et vous n'en avez même pas fini, puisque vous programmez encore l'augmentation de la CSG ! C'est pourquoi nous nous opposons à la remise en cause de la défiscalisation des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement n° 251 .
Le dispositif que l'article 2 tend à supprimer était favorable à deux acteurs de l'économie, et d'abord au chef d'entreprise.
Les entreprises qui, aujourd'hui, créent des emplois sont les PME, et celles-ci ont besoin, pour gagner des marchés, d'être très réactives. Elles ne peuvent rien sans un minimum de flexibilité. Ainsi, votre projet met un frein important à l'enrichissement et à la création de valeur ajoutée de nos PME, qui sont présentes sur tous nos territoires, aussi bien dans les grandes métropoles et les grandes agglomérations que sur nos territoires ruraux. En revenant sur ce dispositif, vous portez un coup à la richesse des territoires ruraux.
Le deuxième bénéficiaire de ce dispositif, c'est le salarié. Aujourd'hui, 9 millions de salariés bénéficient d'heures supplémentaires. J'ai eu ce matin au téléphone (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC)…
…un imprimeur de mon territoire. Comme vous le savez, les imprimeries ont énormément travaillé au cours du mois de mai, pour les besoins de la campagne électorale.
Cet imprimeur m'a confié qu'il n'aurait pas pu faire face à ce surcroît de travail – compte tenu du grand nombre de jours fériés au mois de mai – si ce dispositif n'avait pas existé. Ces imprimeries, ce sont des PME qui créent de l'emploi et de la richesse dans nos territoires ruraux.
En portant un coup aux entreprises, un coup aux salariés et un coup à la richesse de notre pays,…
…vous faites une véritable erreur stratégique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, la succession de nos interventions a le mérite de souligner combien votre choix idéologique est décalé par rapport à la vie réelle, à la vie concrète du pays.
À mon tour, je voudrais vous soumettre un exemple, celui d'une entreprise de ma circonscription qui compte vingt-cinq salariés, dans le secteur du bâtiment. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Ne méprisez pas ces exemples concrets, chers collègues ! Ne méprisez pas l'économie réelle, ni les PME de notre pays !
Ce chef d'entreprise m'a résumé la situation de manière très claire : aujourd'hui, les heures supplémentaires lui servent à gérer les à-coups et à introduire un peu de souplesse dans le fonctionnement de son entreprise. Demain, compte tenu des charges qui pèseront sur lui en tant que patron d'une entreprise de vingt-cinq salariés, il sera confronté à l'alternative suivante : soit il conservera ses vingt-cinq salariés et il devra cesser de recourir aux heures supplémentaires,…
… soit il sera contraint de réduire à moins de vingt salariés les effectifs de son entreprise, afin de continuer à bénéficier des avantages de la loi.
Le choix entre ces deux options n'est positif ni pour l'entreprise, ni pour le salarié, ni pour le pays ! Les nombreux exemples qui ont été donnés démontrent, s'il était besoin, que vous avez fait un choix purement idéologique, totalement hermétique à ce qu'est la réalité de l'économie, et particulièrement des PME de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Marsaud, pour soutenir l'amendement n° 253 …
S'il n'est pas là, j'appelle alors M. Philippe Armand Martin, M. Martin-Lalande, M. Marty, M. Mathis, M. de Mazières, M. Meslot, M. Meunier, M. Mignon, M. Morange.
Tous les auteurs sont absents ? Je passe donc à l'amendement suivant. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, Olivier Marleix, l'un des auteurs de l'amendement n° 252, avait demandé à prendre la parole et vous ne la lui avez pas donnée.
Si ! Il aurait parfaitement pu s'exprimer à ce titre. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Il n'y a pas non plus de raison majeure de changer la règle.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, je conçois que les débats puissent lasser certains de nos collègues. Néanmoins, le règlement doit être votre règle.
Il se trouve que chacun des amendements ici présentés – que nous avons regroupés dans la même discussion puisqu'ils sont identiques – peut être défendu pendant deux minutes par l'un de ses signataires. Je vous donne raison sur ce point pour avoir exercé vos fonctions il n'y a pas si longtemps.
Mais l'article 100 de notre règlement prévoit également la possibilité d'ouvrir ensuite, sur chacun des amendements, un débat opposant un orateur favorable au texte à un orateur d'avis contraire. Sur les seuls amendements que nous sommes en train d'examiner, cela représenterait potentiellement trente-deux intervenants favorables et trente-deux d'avis contraire.
Monsieur le président, je crois que nous gagnerions à introduire un peu de souplesse dans le débat. Si nous appliquons le règlement de manière trop stricte, je crains en effet que nous ne perdions beaucoup de temps et que nos débats ne perdent, quant à eux, en intérêt.
Vous êtes, naturellement, le seul juge de la situation. Mais je me permets de vous rappeler la chose suivante, puisqu'il me semble – et c'est bien normal – que vous ne connaissez pas encore la totalité du règlement : si noud décidons d'appliquer l'article 100, alors chaque amendement devra faire l'objet, au terme de l'examen de l'ensemble des amendements, d'un débat d'au moins quatre minutes, auquel pourront répondre, s'ils le souhaitent, le rapporteur général et le Gouvernement.
Il me semble que nous aurions intérêt à agir de manière plus intelligente et plus souple.
Vous voulez modifier le règlement ? Très bien, mais je vous rappelle, monsieur Lagarde, que le rapporteur général et le Gouvernement émettront un avis au terme de l'examen des amendements. C'est seulement ensuite que le débat pourra s'ouvrir.
Nous en revenons à l'amendement n° 253 .
La parole est à M. Philippe Armand Martin.
Je voudrais revenir à la défiscalisation des heures supplémentaires. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
J'entends toujours la gauche parler de croissance et de compétitivité. Or, en tant que chef d'entreprise, je constate, monsieur le ministre, que, depuis deux mois que vous êtes au Gouvernement, vous ne faites que multiplier les charges qui pèsent sur nos entreprises, particulièrement sur les plus petites, sur l'artisanat et le commerce. Cela aura des conséquences énormes, en particulier vis-à-vis des salariés.
Grâce à la défiscalisation, j'ai pu proposer à mes salariés, dont certains travaillent chez moi depuis trente-cinq ans, des heures supplémentaires, qui leur ont permis d'accéder à un certain confort en matière de revenus.
Vous parlez de justice, mais c'est bien plutôt d'une injustice que vous vous rendez coupables vis-à-vis des salariés qui ont envie de travailler, qui veulent réussir et améliorer leur confort de vie, quand d'autres préfèrent ne pas travailler.
Vous gagnez combien par rapport à vos salariés ? C'est ça, l'injustice !
Aujourd'hui, vous voulez favoriser l'assistanat par rapport au travail. C'est une nouvelle injustice de la gauche, après celle de 1981, et après les trente-cinq heures de Mme Aubry, à qui j'avais bien dit qu'elle allait tuer l'avenir des jeunes, avec cette mesure et avec les emplois-jeunes, et c'est bien ce qui s'est passé !
C'est inadmissible ! Vous êtes en train de monter les Français les uns contre les autres et de mettre à mal nos entreprises !
Je pense que ce débat est prodigieusement intéressant pour celles et ceux qui l'écoutent, car c'est la première fois, depuis l'élection présidentielle, que nous assistons à un vrai choc de société.
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est vrai !
Nous assistons à la confrontation de deux visions totalement opposées de la société. Si je respecte votre vision, je ne peux, en revanche, accepter le raisonnement strictement arithmétique qui a été développé tout à l'heure par le rapporteur général et par le ministre du budget à propos du partage du travail. Je ne peux concevoir que l'on veuille partager le travail comme on partage le pain. Vous avez déjà commis cette erreur avec les 35 heures et nous avons vu le résultat ! Aujourd'hui, vous vous en prenez aux heures supplémentaires. Je trouverais opportun que la presse le relève et que l'on puisse ainsi constater la fracture qui existe entre votre vision administrée et strictement arithmétique de l'économie et le fonctionnement réel de celle-ci. Les heures supplémentaires supprimées par la fin de la défiscalisation ne redonneront pas d'emplois aux chômeurs.
M. Eckert a fait le même raisonnement – et donc la même erreur – au sujet de la TVA dite « anti-délocalisation », lorsqu'il a affirmé que sa suppression redonnerait en moyenne 400 euros de pouvoir d'achat aux Français. Ce n'est pas vrai ! Quand on augmente la TVA de 1,6 % et qu'on diminue dans le même temps les charges des entreprises, on crée de la compétitivité : les entreprises conquièrent alors des marchés et créent de la richesse qu'on peut ensuite partager. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Votre système contribue, au contraire, à réduire la compétitivité des entreprises et à entraver la création d'emplois. Par là, il crée de graves problèmes d'emploi dans nos petites et moyennes entreprises : les Français en seront juges ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 255 .
Permettez-moi d'abord, monsieur le président, d'exprimer ma surprise, sinon mon agacement, face à l'absence du rapporteur général, ce qui est pour le moins inhabituel. Je remercie le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales de bien vouloir y assister. D'ordinaire, le rapporteur général est au banc pendant toute la durée des débats et je m'étonne qu'il ne soit pas présent.
Je le regrette d'autant plus que j'ai écouté attentivement son intervention liminaire cet après-midi : il entendait sans doute nous rassurer, nous et l'ensemble de l'opinion publique, quand il nous a expliqué que les heures supplémentaires – à la bonne heure ! –seraient toujours autorisées. Je remercie donc vivement le Gouvernement et la majorité de continuer à autoriser les entreprises à recourir aux heures supplémentaires mais, nos collègues de la majorité nous ayant expliqué hier que nous donnions une suite d'approximations, je voudrais rappeler quelle est la situation.
Aujourd'hui, c'est simple à comprendre, lorsqu'une entreprise verse une certaine somme au titre des heures supplémentaires, cette somme va en totalité dans la poche du salarié, sans aucune déduction. Personne ne paie un euro d'impôt, un euro de charges sociales ou un euro de charges patronales sur les heures supplémentaires. Demain, sur la même somme, les salariés de toutes les entreprises paieront des impôts et des charges sociales, et seules les entreprises de moins de vingt salariés ne paieront pas de charges patronales.
Il est difficile de défendre l'idée que ce système que vous vous apprêtez à voter est plus attractif, plus économique et fait gagner davantage d'argent aux personnes intéressées. C'est la raison pour laquelle j'ai signé cet amendement de suppression de l'article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Il y a encore quelques mois, et surtout lors du quinquennat précédent, la majorité d'aujourd'hui, opposition d'alors, n'avait en bouche que les mots « pouvoir d'achat ». Aujourd'hui, il y a malheureusement un revirement dans leur position. Avec la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, 9 millions de nos compatriotes seront privés de 500 euros supplémentaires par mois en moyenne.
En plus de cette suppression, d'autres mesures vont encore une fois toucher le pouvoir d'achat des Français. Je parle bien sûr de l'augmentation de la CSG, que le Gouvernement va nous préparer à la rentrée, dans le cadre du PLFSS, et qui aura un impact direct sur la fiche de paie, ou de l'augmentation des cotisations salariales pour financer cette mesure idéologique du retour à soixante ans pour l'âge du départ à la retraite.
Au-delà du pouvoir d'achat de nos compatriotes, reparlons un peu de la compétitivité de nos entreprises. La suppression de la défiscalisation, cela représente 21 millions d'euros de taxes supplémentaires pour nos entreprises, notamment dans le secteur routier. À un moment où l'on parle tant de compétitivité, une telle politique va dans le sens inverse des mesures qui devraient être prises pour l'assurer.
Dans nos circonscriptions, notamment à Reims, dans la première circonscription de la Marne dont j'ai l'honneur d'être élu, j'ai rencontré il y a quelques jours (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), précisément à vingt et une heures trente,…
Plusieurs députés du groupe SRC. Il n'y avait pas Liliane ?...
…l'un de mes voisins à qui j'avais demandé en faisant du porte-à-porte lors de la campagne des élections législatives de soutenir ma candidature. Je suis désolé, m'avait-il dit alors, j'ai le coeur à gauche et je ne voterai malheureusement pas pour vous. Il y a quarante-huit heures, ce même monsieur m'interpelle dans la rue et m'explique qu'il compte sur moi et que nous devons le défendre. Il est cariste chez un transporteur routier et la défiscalisation des heures supplémentaires représente pour lui 300 euros par mois. Il m'a résumé ainsi la situation : la majorité actuelle, c'est la gauche caviar, la gauche bobo, qui fait la poche des classes populaires et de la classe moyenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La seule question qui compte, et M. Muet l'avait posée : au fond, est-ce une bonne politique économique de défiscaliser les heures supplémentaires ? Vous pensez que non, c'est votre droit, pour un certain nombre de raisons que nous ne partageons pas. Selon nous, c'est une bonne politique économique. Cela n'a pas détruit de l'emploi mais cela a au contraire conforté l'activité pendant la crise. Cela a permis aux entreprises d'avoir plus de souplesse et de flexibilité, et aux salariés plus de pouvoir d'achat.
Je remarque d'ailleurs que les gains que vous attendez de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, à la fois pour les entreprises et pour les salariés, sont plus élevés que ceux que vous attendez de la mesure exceptionnelle sur l'ISF. Il est donc faux d'annoncer que vous mettez plus à contribution les ménages aisés que les petites entreprises et les salariés modestes.
Il y a aussi une très forte contradiction. Les deux premiers articles ce projet de loi de finances rectificative augmentent les charges des entreprises, ce qui est contraire à l'idée que vous vous faites, que nous nous faisons de la compétitivité. C'est contraire au discours de M. Hollande, c'est contraire au discours de M. Ayrault à cette tribune la semaine dernière. Voilà deux articles, deux mesures majeures tendant à augmenter les charges qui pèsent sur le travail et sur les entreprises. Quelle incroyable contradiction !.
Enfin, nous aimerions bien avoir un peu plus d'explications sur la situation des fonctionnaires ; il serait d'ailleurs bien, je parle sous le contrôle de M. Sauvadet, que le ministre de la fonction publique soit ici.
Ce serait bien qu'il vienne nous expliquer comment, dans l'éducation nationale ou dans d'autres secteurs, les fonctionnaires vont accueillir une telle mesure. J'aimerais bien savoir s'il n'y a pas en réalité une rupture d'égalité entre les fonctionnaires et les salariés du secteur privé.
Bref, je ne vais pas vous donner des exemples dans ma circonscription. Je pourrais vous en donner,…
…tout le monde en a, vous aussi probablement. Je dis simplement que la gauche a péché dans cette affaire par un excès de vision comptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l'amendement n° 443 .
Pourquoi avons-nous déposé un amendement de suppression de l'article 2 ?
Il y a une première raison, c'est que cet article ne respecte pas l'engagement n° 34 du candidat François Hollande (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : revenir sur la défiscalisation et les exonérations de cotisation sociales sur les heures supplémentaires, sauf pour les très petites entreprises. Vous supprimez en effet la défiscalisation des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés et, en plus, vous supprimez l'exonération de cotisations sociales des salariés mais maintenez celle des employeurs.
Alors là, chapeau ! C'est antisocial, et c'est contraire à tous les engagements que vous avez pris devant le peuple français. Vous ne cessez de dire que vous avez été élus. Oui, vous êtes légitimes, mais respectez au moins les promesses que vous avez faites.
La seconde raison, c'est l'inénarrable argumentaire de notre rapporteur général, quasiment du Molière !
Selon lui, la suppression de la TVA sociale représente 11 milliards. Comme il y a 30 millions de ménages, cela fait – il est agrégé de mathématiques – 366 euros de gagné pour chaque Français, tandis que l'article 2 va entraîner la perte de 5 milliards pour 9 millions de salariés, soit 432 euros, ce qui est à peu près équivalent. Eh bien non, ce n'est absolument pas équivalent, car la suppression des 432 euros est effective alors que les 366 euros n'existent pas.
Voici, monsieur le rapporteur général, ce que répondait Harpagon à Frosine, qui voulait lui faire croire qu'en épousant Mariane, il ferait une bonne affaire parce qu'il engrangerait des économies : « C'est une raillerie que de vouloir me constituer son dot de toutes les dépenses qu'elle ne fera point. Je n'irai pas donner quittance de ce que je ne reçois pas ; et il faut bien que je touche quelque chose. » C'est du Molière ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour défendre l'amendement n° 461 .
Lors des deux campagnes électorales, présidentielle et législatives, on a beaucoup entendu le Parti socialiste et ses candidats expliquer qu'il s'agissait de rééquilibrer les efforts fiscaux et de faire payer les riches.
Aujourd'hui, ce sont 9,6 millions de Français que vous voulez faire payer. Ce serait une bonne nouvelle pour la France qu'il y ait 9,6 millions de riches. Malheureusement, une telle mesure ne s'adresse pas aux riches. Ce sont bien les classes populaires et les classes moyennes que, comme l'ont montré les nombreux exemples qui ont été cités, vous avez décidé de frapper au porte-monnaie. Dans un premier temps, le Gouvernement ne souhaitait supprimer que l'exonération des charges patronales et salariales. Vous avez décidé, vous, députés socialistes, même si, à mon avis, le Gouvernement vous a fait faire la sale besogne, d'imposer de nouveau des ouvriers, des enseignants qui étaient exonérés lorsqu'ils faisaient des heures supplémentaires. Vous ne le leur avez peut-être pas expliqué pendant la campagne mais un grand nombre d'entre eux sont en train de s'en rendre compte, et souffrez que nous le rappelions.
Vous appelez cela l'effort juste. L'effort juste, cela s'adresse à 40 % des ouvriers, 50 % des enseignants du secondaire, qui devront payer à nouveau des impôts sur les heures supplémentaires. Ces Français savent désormais qu'aux yeux du parti socialiste et de ses députés, ils sont la principale cible.
Monsieur le ministre, j'avais évoqué dans mon intervention le raisonnement qui est le vôtre : moins il y aura d'heures supplémentaires, plus il y aura d'emplois puisqu'ils vont les remplacer. Vous êtes membre du Gouvernement, vous êtes donc solidaire des déclarations que j'ai entendues de la part du Premier ministre. Le Premier ministre explique, le Président de la République également, que le nombre de fonctionnaires doit rester stable au cours de cette législature, que vous allez recruter d'un côté, ne pas remplacer des départs à la retraite de l'autre. Expliquez-moi pourquoi les fonctionnaires seront à nouveau imposés sur leurs heures supplémentaires puisque vous ne prévoyez aucune embauche. Vous allez fiscaliser les heures supplémentaires des enseignants ou des fonctionnaires des hôpitaux par exemple, et vous ne procéderez à aucun recrutement. Votre raisonnement tombe donc à plat, comme le raisonnement soi-disant arithmétique du rapporteur général. Dans la fonction publique, alors que cela concerne environ 2 millions de personnes sur les 9 millions qui font des heures supplémentaires, il n'y aura pas un emploi créé, vous aurez juste piqué quelques centaines de millions dans la poche des fonctionnaires, une autre saignée de la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
La parole est à M. François Sauvadet, pour défendre l'amendement n° 463 .
Si nous sommes si nombreux à nous exprimer depuis hier, c'est que le sujet est extrêmement important pour un grand nombre de nos compatriotes, à qui nous voulons adresser un message très simple : nous ne comprenons pas la décision que vous êtes en train de prendre.
Vous nous expliquez que vous avez voulu placer l'action du Gouvernement sous l'angle de la justice. Franchement, estimez-vous juste que le premier signal que vous adressez à tous ceux qui travaillent soit de leur demander de renoncer à ce qui pouvait leur permettre de travailler plus et de gagner plus lorsqu'il y a plus d'activité grâce à la défiscalisation ? C'est un mauvais signal que vous leur adressez et que vous adressez au monde de l'entreprise.
Je voudrais notamment attirer votre attention sur l'effet de seuil que cela va provoquer. Les entreprises de moins de vingt salariés pourront bénéficier du dispositif pour les cotisations employeurs. Celui qui a dix-huit ou dix-neuf salariés et s'apprêtait à embaucher va regarder à deux fois avant de passer le cap.
Vous prétendez que cela va créer des emplois mais, franchement, ce n'est pas sérieux. Vous savez très bien que les heures supplémentaires, comme leur nom l'indique, ne correspondent pas à des emplois pérennes mais sont liées à des surcroîts d'activité auxquels les employeurs doivent faire face et pour lesquels un soutien leur était accordé.
Quant aux fonctionnaires, j'ai été ministre de la fonction publique et j'aimerais moi aussi que vous apportiez des éclaircissements. On voit bien que vous êtes hostiles au principe des heures supplémentaires. Que ferez-vous dans la fonction publique ? Que ferez-vous pour ces centaines de milliers d'enseignants, y compris ceux que l'on appelle les dix-douze, qui étaient dans des emplois précaires, le gouvernement précédent ayant d'ailleurs sécurisé leur parcours par la loi ? Vous ne pourrez pas embaucher davantage de fonctionnaires dans l'éducation nationale, vous venez d'ailleurs de le reconnaître, et vous vous apprêtez à fiscaliser les heures supplémentaires que vous allez inévitablement leur demander de faire pour assurer le service public de l'éducation et les missions d'accompagnement que nous avions souhaité instaurer auprès des élèves les plus fragiles. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Ce sont vraiment des mesures incompréhensibles. Je vous assure que vous allez porter comme une lourde faute ce que vous êtes en train de faire alors que la conjoncture économique est extrêmement fragile. Vous le savez bien, un certain nombre de chefs de très petites entreprises vont réguler leur activité parce que vous ne leur permettrez plus d'avoir accès aux heures supplémentaires qui, parfois avec des gains très minimes, leur permettaient de faire face à un surcroît d'activité temporaire. C'est un mauvais signal adressé au monde des employeurs et à tous ceux qui vont se réveiller brutalement et prendre conscience que ces mesures dogmatiques auront un certain effet sur leur pouvoir d'achat.
Ne commencez pas par taper sur les classes les plus fragiles de notre pays, sur ceux qui travaillent. C'est un mauvais signal dont vous allez porter le poids pendant les cinq années de votre mandature. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Mes chers collègues, après cette courte série d'interventions (Sourires), je voudrais revenir à celle de Charles de Courson. M. de Courson me déçoit profondément. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mon cher collègue, je vous pensais plus précautionneux. Vous connaissez bien les mécanismes budgétaires. Or, lorsque vous évoquez une restitution d'argent virtuelle – l'argent n'ayant pas encore été prélevé –, vous commettez une erreur qui n'est pas dans vos habitudes.
Vous savez que l'instauration de la TVA voulue par M. Sarkozy a été votée et inscrite dans les crédits budgétaires. Elle est d'ailleurs prise en compte dans le déficit que vous avez creusé avec vos dents. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Votre argument est donc plus que fallacieux. Vous aviez instauré une TVA qui n'avait rien de virtuel puisqu'elle devait être perçue à compter du 1er octobre et que vous aviez inscrit cette recette en crédits sonnants et trébuchants.
Par ailleurs, vous aviez voté de nombreuses mesures financées par la dette, à l'instar de la loi TEPA. Puisque vous aviez pris l'habitude de financer vos mesures, vos cadeaux fiscaux par la dette, je voudrais vous faire part d'une citation de Molière.Écoutez bien, chers collègues, ce que l'on dit en substance à Harpagon : que sont bien malheureux ceux qui empruntent et qu'il leur est obligé d'essuyer bien des choses pour s'être livrés aux mains des fesse-mathieux.
Mes chers collègues, quand vous avez financé vos cadeaux fiscaux, notamment la loi TEPA, par la dette, vous vous êtes livrés et vous avez livré la France (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) aux mains des fesse-mathieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous prie, monsieur de Courson, de faire preuve d'un peu plus d'honnêteté intellectuelle (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) pour reconnaître que la TVA Sarkozy que vous avez votée a été inscrite dans tous les documents budgétaires transmis à Bruxelles et ailleurs. Sa suppression par l'article 1er rend bel et bien 10,6 milliards d'espèces sonnantes et trébuchantes à tous les Français.
Plusieurs députés des groupes UDI et UMP. C'est faux !
Avis bien sûr défavorable aux amendements de suppression de l'article 2. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Rendez-nous M. Cahuzac !
La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales..
En complément de ce que vient de dire le rapporteur général, je souhaite simplement faire une mise au point sur quelques arguments que j'ai entendus.
J'ai entendu M. Jacob – il le confirmera – soutenir que les salariés devaient donner leur accord pour faire des heures supplémentaires. Cela me paraît totalement inexact mais, comme vous n'êtes pas obligés de me croire sur parole, je vous propose une petite lecture du Lamy social qui est un ouvrage de référence notamment pour les employeurs : « Il entre dans les prérogatives de l'employeur de décider le recours à des heures supplémentaires. » Le Lamy précise également, reprenant une réponse ministérielle : « Le salarié a l'obligation d'exécuter les heures supplémentaires décidées par l'employeur dans le respect de la réglementation. » Je termine par l'analyse de la Cour de cassation, appuyée par trois arrêts de la chambre sociale, selon laquelle un refus du salarié, lorsque les heures sont réglementairement demandées, peut caractériser une faute grave. Quand vous dites, monsieur Jacob, que les salariés doivent être d'accord pour faire des heures supplémentaires, cela ne me paraît pas être l'état du droit.
Ensuite, j'ai entendu M. Estrosi nous parler des 2 millions d'euros de crédits inscrits au budget primitif de sa mairie qu'il ne pourrait pas utiliser faute de pouvoir payer le surcroît de cotisations au titre des heures supplémentaires. Je ne comprends tout simplement pas l'argument. Pourquoi ? Parce que les collectivités territoriales ne bénéficient pas du dispositif de la loi TEPA. Les exonérations de charges à hauteur de 0,5 ou 1,5 euro ne les concernent pas. Par conséquent, ce que nous sommes en train de discuter ne change rien ni pour la mairie de Nice ni pour les 36 500 mairies de France.
Troisièmement, les différentes interventions ont été, volontairement ou pas, l'occasion d'un véritable amalgame entre le droit du travail applicable aux heures supplémentaires et leur régime social et fiscal. Ce projet de loi, tel qu'il a été amendé, ne porte que sur des aspects du régime social et du régime fiscal des heures supplémentaires. Il n'y a pas de modification de leur régime légal tel qu'il est fixé par le code du travail. Quand vous dites qu'il n'y aura plus d'incitation à faire des heures supplémentaires – indépendamment de l'obligation qu'a le salarié de les faire lorsque l'employeur le lui demande – peut-être faut-il vous rappeler ce qu'est ce régime : les huit premières heures sont majorées de 25 % donc payées à 125 % ; les heures suivantes sont majorées de 50 % donc payées à 150 % ; au-delà d'un contingent que vous avez fixé par une loi de 2008 à 230 heures, chaque heure effectuée ouvre droit dans les entreprises de moins de vingt salariés à 0,5 heure de repos compensateur et à une heure dans les entreprises de plus de vingt salariés. Voilà le régime ! Ce régime est déjà assez puissant et rémunère convenablement les salariés qui effectuent des heures supplémentaires.
Reste une interrogation. J'ai eu la curiosité de comprendre pourquoi ou plutôt comment, en 2007, la loi TEPA avait justifié les exonérations de charges salariales et les exonérations fiscales qu'elle mettait en place. Je vais vous lire ce que disait Mme Lagarde dans l'exposé des motifs du projet de loi et qui ne me semble pas inintéressant : « L'augmentation de la durée moyenne de travail est une condition essentielle à la baisse durable du chômage et à l'augmentation de notre rythme de croissance. Cette corrélation est mise en évidence par les comparaisons internationales, qui montrent notamment que les pays européens qui connaissent le plein emploi sont souvent ceux dans lesquels le nombre moyen d'heures ouvrées par salarié est élevé. Pour parvenir à cet objectif, il faut jouer à la fois sur l'offre et sur la demande. Tel est l'enjeu de l'article 1er, qui vise à diminuer le coût du travail pour les entreprises qui augmentent la durée de travail de leurs salariés, tout en incitant ces derniers à travailler plus par la garantie d'une augmentation substantielle de leurs revenus. »
Vous ne semblez pas avoir changé d'avis. Sauf qu'aujourd'hui nous avons cinq ans de recul et avons pu éprouver et mesurer si ce dispositif était efficace ou ne l'était pas.
Il existe trois rapports, en plus de ceux cités par Pierre-Alain Muet hier, établis pour évaluer cette politique : un premier du Conseil des prélèvements obligatoires, un autre du comité d'évaluation des niches fiscales et sociales et un troisième du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, le rapport de MM. Gorges et Mallot. Ces trois rapports montrent qu'aucune corrélation entre l'augmentation des heures supplémentaires ou du temps de travail et la loi TEPA n'a pu être identifiée. Au regard de l'objectif qui était assigné à la mesure que nous entendons abroger, cette dernière n'a pas eu les effets escomptés.
Dans son rapport de 2009, le Gouvernement affirmait que la loi TEPA avait permis 0,15 % de croissance du PIB. Dans le même temps, la France avait, pour financer ces 0,15 point, dépensé 0,25 point de PIB. Voilà ce que j'appelle une politique de gribouille : quand on dépense 0,25 pour gagner 0,15 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous dites que le pouvoir d'achat, c'est le travail : il faudrait m'expliquer. J'observe d'abord que le pouvoir d'achat est bien inégalement réparti. Je ne conteste pas les chiffres : 500 euros en moyenne pour les salariés. Mais la médiane se situe à 350 euros, ce qui signifie – c'est d'ailleurs normal du fait de la nature même du mécanisme – que si vos revenus sont élevés, vous gagnez davantage.
Ainsi, le rapport de MM. Gorges et Mallot – et je comprends que ce rappel vous fasse mal –…
…identifie plus de mille foyers fiscaux pour lesquels l'économie d'impôt s'est élevée à 8 000 euros, pour chacun d'eux.
Vous pénalisez 9,6 millions de personnes à cause de 1 000 foyers. C'est intéressant comme raisonnement !
Ce que je veux simplement dire, monsieur Lagarde, c'est que l'application du dispositif n'a pas été neutre. Ceux qui en ont bénéficié le plus sont ceux qui avaient les revenus les plus importants. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Cela permet d'en revenir à la vraie question : alors que nous avons quatre millions de chômeurs, est-ce à l'État de subventionner les heures supplémentaires de ceux qui travaillent ? Je réponds non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Voilà pourquoi, à l'instar du rapporteur général, je suis défavorable à vos amendements de suppression.
Le gouvernement est lui aussi défavorable à ces amendements. Avant d'en indiquer les raisons, je voudrais remercier le rapporteur pour avis des propos qu'il vient de tenir…
…car ils m'ont semblé intéressants pour tous ceux qui siègent ici, que l'on approuve ou non le projet gouvernemental.
J'ai été sensible à l'argumentation sur l'effet de seuil. Il est vrai que maintenir l'abattement forfaitaire de 1,5 euro pour les entreprises de moins de vingt salariés quand celles de taille plus importante n'en bénéficieront plus, peut favoriser l'existence d'un effet de seuil. Mais cet effet de seuil existe en réalité depuis 2007 puisque c'est la loi TEPA qui l'a créé. À l'époque, pour les entreprises de plus de vingt salariés, l'abattement était de 0,5 tandis qu'il était de 1,5 pour les entreprises de moins de vingt salariés. Il sera difficile si l'on est honnête intellectuellement de considérer qu'à l'époque il n'y avait pas d'effet de seuil et qu'il y en aurait un maintenant. Entre 0 et 1,5 euro ou entre 0,5 et 1,5 euro, il y a un effet de seuil. Cet effet de seuil, vous l'avez créé, vous l'avez accepté. Il demeure. Je peux entendre vos critiques mais peut-être pourraient-elles être relativisées à l'aune de ce que vous aviez voulu et décidé.
La deuxième remarque que je voudrais faire est relative à la notion de pouvoir d'achat. Tous les parlementaires, où qu'ils siègent, sont évidemment sensibles à l'évolution du pouvoir d'achat. Tous les parlementaires de la précédente législature comme de l'actuelle n'ont pu que regretter l'évolution constatée lors des deux derniers trimestres de l'année dernière et lors du premier de cette année puisque nous savons tous que le pouvoir d'achat par unité de consommation a baissé.
Convenons, à tout le moins, que ce gouvernement, qui n'a qu'un mois d'existence, n'est pas responsable d'une telle évolution du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Par avance, je me dois d'accepter des critiques si cette évolution persistait, mais il conviendrait que ces critiques soient modérées compte tenu de ce que nous constatons être votre bilan à la fin de la précédente législature. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) J'invite donc l'opposition à relativiser ses jugements.
D'autant que cette évolution insatisfaisante du pouvoir d'achat s'explique par les prélèvements obligatoires qui ont été décidés.
Les impôts locaux y ont certainement pris leur part mais vous n'en trouverez pas trace dans les exemples que je vais donner et qui sont significatifs.
Un chiffrage a été réalisé – je m'abstiendrai de qualifier la méthode de calcul, pour ne pas encourir de nouveau l'ire d'un honorable parlementaire que je ne nommerai pas, de peur qu'il n'y voie un fait personnel –, mais le chiffre de 1,4 milliard d'euros, s'il est réel, doit être comparé à d'autres chiffres.
L'année dernière, à peu près à la même époque, la majorité, qui était pour l'essentiel composée de parlementaires de l'UMP, a décidé la non-indexation du barème de l'impôt sur le revenu. Pour reprendre l'expression délicate de certains dans l'opposition, cela a « fait les poches » des Français, pour un montant de 1,7 milliard d'euros. Êtes-vous certains, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, que, parmi ceux à qui vous avez « fait les poches », il n'y avait pas d'ouvriers, de salariés, de retraités, de Français qui souhaitaient réaliser des travaux chez eux, ou partir en vacances, ou aider leurs enfants ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Parmi les décisions prises, je pourrais également citer l'augmentation du taux réduit de TVA, qui a rapporté 2 milliards d'euros aux caisses de l'État. Quelqu'un s'est bien fait faire les poches de 2 milliards, si l'État les a perçus. C'est vous qui avez décidé cela. Êtes-vous certains que, parmi ceux qui ont acquitté ces 2 milliards, il n'y a pas eu d'ouvriers, de salariés, de retraités ? Bien sûr qu'il y en a eu ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Vous souvenez-vous, de même, que vous avez augmenté à deux reprises la taxation sur les mutuelles, pour un montant de 2 milliards d'euros ? Êtes-vous certains, encore une fois, que, parmi ceux qui payent aujourd'hui ces 2 milliards, il n'y a pas de salariés, de retraités, d'ouvriers ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Le pouvoir d'achat a baissé parce que, suite à vos décisions, les prélèvements obligatoires ont augmenté. Est-ce que ceux que nous sollicitons aujourd'hui sont plus illégitimes que ceux que vous avez sollicités ? Je ne le crois pas, pour la raison qu'a indiquée le rapporteur pour avis : le 1,4 milliard d'euros que vous souhaitez maintenir, c'est, au fond, de la monnaie de singe ! Cette somme provient exclusivement, du premier au dernier euro, de l'emprunt. La politique de pouvoir d'achat par les heures supplémentaires, qui illustrait, selon vous, le respect de la valeur travail et que vous avez tenté de mettre en oeuvre pendant cinq ans, sans y arriver toujours – un million de chômeurs, cela ne me paraît pas être l'illustration d'un grand respect pour la valeur travail –, êtes-vous certains qu'elle ait été un succès tel que vous puissiez vous montrer à ce point intransigeants avec la première loi de finances rectificative que vous présente le Gouvernement ?
Il vous revient naturellement de choisir les modalités de votre opposition ; c'est votre privilège et nul ne le conteste. Mais la majorité fera valoir ses droits, des droits que lui a conférés le peuple français, et les exercera. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
M. le ministre délégué a daté de la loi TEPA de juillet 2007 l'exonération patronale différenciée entre les entreprises de moins de vingt salariés et celles de plus de vingt salariés : 0,50 euro d'exonération par heure supplémentaire pour les premières et 1,50 euro pour les secondes. Ce qu'il a omis de dire, c'est que cette différenciation résulte directement des lois Aubry. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je souhaite en effet montrer qu'il existe une relation directe entre le passage aux 35 heures (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) et la question des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Lorsque les lois Aubry, en dépit de tout réalisme économique, ont imposé les 35 heures à toutes les entreprises en France, quel que soit leur secteur, on s'est rendu compte, heureusement, que la situation des grandes et des petites entreprises n'était pas la même : alors que, dans les grandes, il était possible de jouer sur la flexibilité, l'annualisation du temps de travail, cela ne l'était pas dans les petites. Comme beaucoup l'ont souligné, cette vision mécanique d'un travail considéré comme une denrée rare que l'on partage en petits morceaux, pour en donner à ceux qui n'en ont pas, ne pouvait fonctionner dans une petite entreprise. Une petite entreprise ne peut en effet embaucher une fraction de salarié supplémentaire à hauteur des moins 11 % de travail résultant du passage de 39 à 35 heures.
Mme Aubry et la majorité de l'époque ont donc décidé que si, dans les grandes entreprises, les quatre heures qui devenaient des heures supplémentaires étaient majorées de 25 %, dans les petites entreprises, elles ne le seraient que de 10 % ou, selon les cas, de 15 %. Nous avons ainsi hérité de six SMIC horaires différents (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), que nous avons mis plusieurs années à harmoniser. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
En 2007, lorsque nous avons défiscalisé les heures supplémentaires – et nous pouvons nous honorer de l'avoir fait –, nous avons assumé, monsieur le ministre délégué, une augmentation du pouvoir d'achat de ceux qui travaillaient plus, car nous avons préféré utiliser la valeur travail comme support d'un pouvoir d'achat supplémentaire, plutôt que de multiplier les allocations et les dotations d'assistance à votre exemple. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Propos scandaleux !
Nous avons donc décidé une majoration de 25 % aussi pour les salariés des petites entreprises. Cela a engendré un surcoût pour l'employeur, que nous avons compensé en différenciant le montant de l'exonération patronale selon la taille de l'entreprise.
J'ai souhaité intervenir pour apporter ces éléments factuels. Je trouve trop facile d'oublier la véritable tragédie économique qu'ont été les trente-cinq heures. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Nous avons essayé d'en sortir grâce à la défiscalisation des heures supplémentaires ; c'est ce choix que nous avons assumé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
J'ai été saisi, comme le prévoit le règlement, de plusieurs demandes de parole, y compris de certains qui se sont déjà exprimés.
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
Je ne me suis pas exprimé sur les amendements, monsieur le président, et je vous remercie de me donner la parole.
La très brillante démonstration de Gilles Carrez se résume assez simplement : les 35 heures ont coûté chaque année 20 milliards d'euros à compenser. Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur Cahuzac, que nous trouvions assez cocasse de vous entendre nous expliquer que les mesures prises dans le cadre du bouclier fiscal ont ruiné la France. Je ne suis pas sûr que ce soit le bouclier fiscal qui ait coûté le plus d'argent.
Dans l'explication du rapporteur général, nous voyons bien la réalité qui sous-tend le dispositif : il s'agit de prendre de l'argent. Il n'y a, au fond, aucune justification économique à ce que vous faites. M. Muet lui-même l'a indiqué : il ne s'agit même pas de remettre en cause les heures supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La seule chose que vous faites, c'est de prendre de l'argent.
Ce que nous vous reprochons, c'est de le prendre au mauvais endroit, comme l'attestent trois éléments.
D'abord, la plus grande part du fardeau pèse sur les salariés. Reprenez vos propres documents : 90 % sera financé par les salariés, 10 % par les entreprises.
Ensuite, en « tapant » les heures supplémentaires, vous « tapez » des gens modestes. Selon les chiffres de l'INSEE et de la DARES, 50 % des personnes qui font des heures supplémentaires sont des ouvriers, des salariés entre 1,2 et 1,4 SMIC, qui travaillent dans l'industrie, la construction, le transport, l'hôtellerie, mais ce sont aussi – et cela devrait vous concerner – 15 % des gens qui travaillent dans l'administration et l'éducation ; 230 000 enseignants perdront ainsi, avec votre dispositif, 300 euros de rémunération. Est-ce que ce sont là, monsieur le rapporteur pour avis, les privilégiés que vous dénoncez ?
J'ai bien compris que vous aviez identifié mille foyers bénéficiant de déductions excessives. Ainsi, pour mille foyers, vous pénalisez 9,4 millions de personnes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Je vais conclure, monsieur le président.
Le cynisme à l'oeuvre est effrayant. Il existe, et ce n'est pas du Lamy social, un effet de double lame : non seulement vous avez prévu de faire sauter les cotisations sociales, mais vous supprimez en plus par amendement les exonérations d'impôt sur le revenu. Et vous nous expliquez que ce n'est pas grave, parce que ce serait compensé à l'échelle macroéconomique, par unité de consommation, parce qu'il y aurait globalement une compensation à l'échelle de la société française. C'est le résumé de votre raisonnement : vous raisonnez par grandes masses budgétaires, de façon macroéconomique, et vous n'êtes pas dans la vie concrète des personnes que j'ai données en exemple et qui perdront du pouvoir d'achat.
Il faut vraiment conclure ! (« C'est terminé ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je pourrai intervenir ensuite, dans le cadre de notre droit de réponse sur les différents amendements, si vous le souhaitez.
Ce n'est pas moi qui ai écrit le règlement : il prévoit deux minutes de temps de parole.
Je conclus, en citant, non pas Molière, mais quelqu'un que vous appréciez : François Hollande. De manière constante, durant toute la campagne, il a promis solennellement qu'il ne toucherait pas aux exonérations de cotisations sociales pour les salariés des entreprises de moins de vingt salariés. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Sur RTL, en réponse à un ambulancier qui lui indiquait qu'il perdrait ses cotisations sociales, François Hollande a répondu : « Je vous le promets, monsieur, je maintiendrai les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires pour tous les salariés des entreprises de moins de vingt salariés. Il y a toujours eu cette distinction, je la garderai. » C'est un flagrant délit de mensonge politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Oui, vous faites sauter le bouclier fiscal, mais c'est pour mieux attacher un boulet fiscal à la France qui travaille ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Je vous remercie, monsieur le président, de ne pas m'avoir fait remarquer que je serais déjà intervenu, mais, s'il le fallait, je n'hésiterais pas à le faire lors d'un prochain amendement.
Je souhaite dire au ministre délégué ainsi qu'aux deux rapporteurs combien je suis frappé – et je ne dois pas être le seul – de n'avoir entendu aucun élément de réponse sur les questions posées à propos des heures supplémentaires dans la fonction publique.
Je vais vous donner un exemple. Un de plus, direz-vous, mais celui-là parlera à ceux de nos collègues qui sont comme moi issus de l'enseignement. J'ai reçu en début de semaine un professeur de mathématiques, un jeune enseignant qui débute dans un collège rural. Il m'a dit : « Je viens vous voir pour deux raisons. La première, c'est que je sais que vous allez me comprendre car vous avez été proviseur de lycée. La seconde, c'est que je n'ai pas voté pour vous, et je veux vous dire pourquoi je commence à le regretter. » (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Il m'a posé la question suivante : « Comment se fait-il que les heures supplémentaires que je suis obligé de faire – dans mon collège, les quatre heures supplémentaires de mathématiques ne pourront jamais être assurées autrement qu'en heures supplémentaires –…
…et qui n'étaient plus fiscalisées le seront dorénavant ? Non seulement je perdrai du pouvoir d'achat du fait de cette refiscalisation, mais, de plus, avec la modification du quotient familial que l'on nous promet, je paierai davantage d'impôts ! » (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Je vous livre sa conclusion, monsieur le ministre : « On nous propose une amélioration de la situation des enseignants, mais je suis au regret de constater que le pouvoir nouveau pour lequel j'ai voté va paupériser le monde enseignant ! » Voilà ce que vous êtes en train de faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)
Je ne sais pas si on arrivera un jour à débattre sereinement d'une mesure de politique économique alors qu'elle ne soulève qu'une seule question : dans la situation actuelle, une telle mesure est-elle pertinente ou non ? J'ai passé mon temps à expliquer que si la France était au plein emploi comme dans les années cinquante, la réponse pourrait être éventuellement oui – encore qu'aucun pays ne l'ait jamais mise en oeuvre. Dans tous les pays comparables au nôtre, les heures supplémentaires sont rémunérées 25 % de plus que les heures normales. C'est juste pour le salarié parce qu'une heure de plus lui demande un effort important, et c'est pertinent pour l'entreprise parce que nous savons très bien que l'heure supplémentaire lui coûte moins que l'embauche pour une heure. C'est par conséquent optimal d'un point de vue économique et d'un point de vue social. La question n'est donc pas faut-il ou non des heures supplémentaires, car bien sûr que oui, bien sûr qu'il faut de la souplesse, nous n'avons jamais dit le contraire, mais faut-il les subventionner dans la situation actuelle ? La réponse est clairement non. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) En effet, quand vous subventionnez des heures supplémentaires, tous ceux qui observent les évènements économiques savent qu'en contrepartie, dans une situation comme la nôtre où il y a un chômage massif et où la plupart des entreprises sont contraintes par la demande et ne peuvent donc pas accroître leur production parce qu'elles n'ont pas de débouchés, le seul effet est de détruire des emplois à côté.
Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !
Mes chers collègues, vous devriez consulter les travaux de l'INSEE comme ceux de l'OFCE au lieu de le contester. Ils vous expliquent que la contrepartie en France, c'est une destruction de 40 000 à 80 000 emplois.
Quelle en est la conséquence sur le revenu ? Certes, pour ceux qui font des heures supplémentaires défiscalisées, il y a une augmentation de revenu. Mais pour ceux qui perdent leur emploi, il y a une baisse de revenu. Et ces instituts nous expliquent que les deux se compensent : au total, vous n'avez pas augmenté le revenu. La meilleure preuve en est que, durant le quinquennat qui vient de s'écouler, c'est la première fois depuis la Seconde guerre mondiale qu'il n'y a eu aucune augmentation du revenu par ménage ! L'augmentation en cinq ans, cela a été zéro ! (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, nous avons suffisamment entendu d'interventions à droite pour avoir un peu de temps pour nous expliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je vais donner un autre exemple en comparant avec nos voisins allemands. Nous avons abordé la crise avec le même taux de chômage – 7,5 % à l'été 2008 –, et qu'a fait l'Allemagne ?
Pendant que vous dépensiez 5 milliards d'euros par an à subventionner des heures supplémentaires, les Allemands, eux, qui ne font pas d'idéologie, qui sont simplement des esprits pragmatiques, réduisaient le temps de travail. Je rappelle que les Allemands travaillent en moyenne trente-cinq heures et demi quand nous travaillons trente-huit heures. Je vous répète, mes chers collègues du côté droit de l'hémicycle, car je vous entends continuellement parler des 35 heures, qu'il faut aller voir en Allemagne, et vous verrez qu'elle a fait du Kurzarbeit, c'est-à-dire qu'elle a permis aux salariés concernés de rester dans l'entreprise en travaillant moins et en étant subventionnés. Résultat : l'Allemagne a réduit son chômage de 7,5 % à 6 %. Je rappelle qu'en France il a explosé de 7,5 % à 10 % !
Voilà la réalité. L'idéologie, elle est de votre côté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'en termine, monsieur le président, mais permettez tout de même à la majorité de s'exprimer un peu.
S'agissant toujours du revenu, je rappelle que l'article 1er redonne 10,5 milliards de revenu aux ménages, soit 500 euros dans l'année pour 28 millions de ménages ; c'est donc plus important que tout ce que vous avez fait. Et l'article 3 rétablit de la justice sociale ; car que se serait-il passé si ce collectif n'avait pas eu lieu ? On continuerait à détruire des emplois dans notre pays et à taxer profondément les ménages à travers la TVA, mais aussi à perpétuer les allégements pour les plus fortunés. C'est pourquoi l'article 3 supprime la réduction scandaleuse de l'ISF que vous avez mise en place il y a un an.
Ce collectif, c'est de la justice et de l'efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Je tiens à répondre aux deux rapporteurs.
Tout d'abord, je rappelle que le rapporteur pour avis dit qu'après tout, 432 euros en moins, ce n'est pas grave parce que l'avantage profite surtout aux catégories les plus aisées. Mais, monsieur le rapporteur général, a-t-il lu la page 89 de votre rapport ? Le tableau montre qu'en moyenne 28 % des ménages ont bénéficié de cette mesure, et – ce qu'il a oublié de mentionner – que la proportion la plus forte se situe du cinquième au septième décile, avec 37 %-36 % de ménages concernés, alors qu'il n'y en a que 16 % dans le dernier décile. Il a donc dit une contrevérité. Mes chers collègues de la majorité, vous ne vous rendez pas compte que l'article 2 va taper au centre des déciles, c'est-à-dire sur les couches modestes et moyennes. Je ne suis pas seul à le dire, c'est dans le rapport Eckert.
Quant à vous, monsieur le rapporteur général, qui adorez additionner les deux premiers articles, je vous rappelle que la TVA sociale, avant que la majorité ne l'annule par l'article 1er, ne devait s'appliquer qu'au 1er octobre, soit sur un trimestre, et qu'elle n'a donc jamais été budgétée pour 13 milliards. Second redressement de vos erreurs : les exonérations prévues en compensation de la TVA sociale n'étaient pas financées à crédit. Troisième observation : expliquez-nous pourquoi vous conservez les 2,6 milliards de hausse de prélèvements sociaux sur le patrimoine ? Vous faites d'une mesure équilibrée une mesure suréquilibrée pour récupérer 2,6 milliards. J'attends de votre part un peu de vérité dans vos appréciations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Je fais ce rappel au règlement suite à l'intervention de M. Muet, monsieur le président. Je trouve que la manière dont il vous a répondu est particulièrement choquante. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Après votre rappel à l'ordre, il était choquant d'entendre : « Taisez-vous, je continue à parler, je n'ai pas terminé. » On n'a jamais vu cela. (Mêmes mouvements.) C'est une humiliation. Peut-être la supportez-vous mais, monsieur le président,…
…ce n'est pas vous qui êtes humilié, c'est l'Assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Par ailleurs, on vient de voir qu'il y avait un vrai différend quant à la fonction publique et à l'éducation nationale. Notre collègue Guy Geoffroy s'est exprimé à ce sujet en réponse aux interventions pour le moins discutables de M. Muet. Je demande une suspension de séance (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), le temps de faire venir la ministre de la fonction publique et celui de l'éducation nationale parce qu'il y a matière à clarification. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe SRC.– Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
D'autres orateurs, à commencer par M. Woerth, doivent encore s'exprimer, monsieur Jacob, et je serai très attentif à ce que leur intervention ne dépasse pas deux minutes. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ce n'est pas un motif pour une suspension de séance, mes chers collègues. Le règlement ne la prévoit pas pour faire venir un ministre. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, je vous demande donc une suspension de séance pour réunir mon groupe. Pendant ce temps, si vous le souhaitez, vous pourrez faire venir la ministre de la fonction publique, ce qui me semblerait opportun.
Pouvons-nous au moins achever l'examen de cette série d'amendements identiques avant que vous réunissiez votre groupe ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)
Nous poursuivons la discussion des amendements de suppression.
La parole est à M. Éric Woerth.
Monsieur le ministre, nous avons un peu l'impression que tous nos maux proviennent des heures supplémentaires, ce qui est leur faire beaucoup d'honneur. Le vrai problème, que j'ai soulevé hier comme beaucoup d'autres, et comme Gilles Carrez tout à l'heure, ce sont les 35 heures. Celles-ci nous coûtent une vingtaine de milliards d'euros en allègements de charges : l'État compense à la sécurité sociale une vingtaine de milliards d'euros, un montant bien supérieur aux 4 milliards d'euros que coûtent les heures supplémentaires. Au contraire, durant cette crise, les heures supplémentaires ont été un élément majeur de soutien de l'activité, notamment pour les PME et les PMI.
La vraie question, monsieur Muet, est celle-ci : faut-il subventionner les 35 heures ? C'est une question que vous devriez vous poser, et vous pourriez y répondre puisque vous répondez à celle des heures supplémentaires.
Je répète que l'article 1 et l'article 2 plombent la compétitivité des entreprises parce qu'ils augmentent les charges perçues sur le travail. Le coeur de ces deux articles est bien d'augmenter le coût du travail.
Enfin, s'agissant de la fonction publique, je m'associe aux propos de Christian Jacob : nous devrions entendre la ministre de la fonction publique car, et c'est un point important, les fonctionnaires doivent être complètement informés de la manière dont ils vont être fiscalisés. Comment cela va-t-il se passer ? Ce sont des mesures très techniques et nous ne pouvons pas laisser l'Assemblée nationale dans l'obscurité sur un sujet aussi important pour la fonction publique.
Hier, lors d'un débat que l'on peut qualifier de tonique, et dont la tonicité ne se dément pas aujourd'hui, nos collègues de l'UMP, notamment M. Woerth, nous ont expliqué qu'avec le dispositif d'exonération et de défiscalisation des heures supplémentaires, il ne s'agissait pas d'encourager le travail mais de « contourner » les 35 heures, dont il vient de rappeler qu'elles sont largement exonérées de cotisations jusqu'à 1,6 SMIC, ce qui pose un problème.
Comme l'a reconnu le rapport Gorges-Mallot, cette mesure a d'abord constitué une formidable aubaine, et je le cite en substance : un certain nombre d'heures supplémentaires effectuées mais non déclarées comme telles avant la réforme ont profité de ce régime dérogatoire.
Pour notre part, nous estimons que cela est très inéquitable. Toute heure travaillée, qu'il s'agisse de la première, de la dixième ou de la trente-sixième, doit faire l'objet de prélèvements sociaux et doit être intégrée dans le revenu fiscal de référence. C'est cela l'équité, c'est un choix de société, vous avez raison, mes chers collègues, et nous le considérons comme tel.
Rappelons que les heures supplémentaires sont encore inscrites dans le droit du travail à taux majoré, ce qui est normal, et il ne s'agit pas de les supprimer. Ce qui est particulièrement grave, c'est que ce dispositif, coûteux pour nos finances publiques et surtout pour notre régime de protection sociale solidaire, a conduit au gel des salaires pour tous, et d'abord pour les 15 millions de salariés qui, eux, n'effectuent pas d'heures supplémentaires ou sont à temps partiel.
Cette mesure a également eu comme effet pervers de mettre un frein à la création d'emplois. En somme, c'est l'exemple emblématique de l'échec de la baisse du coût du travail comme solution depuis trente ans à la compétitivité. C'est cela la réalité.
Vous conviendrez en effet, mes chers collègues, que si l'objectif était de favoriser l'emploi, et d'abord l'emploi industriel, il a été loin d'être atteint avec la destruction de 700 000 emplois dans l'industrie en dix ans.
La question de l'emploi et de la croissance ne peut se concevoir sans cesse à l'aune des allègements et régimes dérogatoires divers. À notre sens, il s'agit de remettre du carburant dans le moteur par la relance du pouvoir d'achat et de l'investissement. C'est ce qu'ont défendu les candidats du Front de gauche lors des élections présidentielle et législatives.
Monsieur le ministre, vous avez fort justement rappelé comment l'ancienne majorité avait fait les poches des classes moyennes et modestes en citant tout un tas de taxes. Aujourd'hui, de nombreux salariés de ces classes moyennes et modestes…
…mais hier j'ai été victime de l'article 57 ; je voudrais bien pouvoir parler, sinon je vais regretter que M. Le Fur ne soit pas au perchoir parce qu'au moins nous avions un peu plus de temps hier soir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je vois que ce n'est pas possible : je n'ai pas eu l'occasion de m'exprimer sur cet article et je termine.
De nombreux salariés de ces classes modestes et moyennes sont dans des situations qui nécessitent que l'article 2 de ce projet de loi de finances rectificative, très juste au demeurant, ait son pendant en matière de progrès du pouvoir d'achat. Je rapprocherai deux chiffres pour étayer mon propos…
J'ai presque terminé. Selon le tableau de la page 89 du rapport de M. Eckert, les salariés du premier décile, soit les smicards, vont rendre en moyenne 165 euros. Dans le même temps, le SMIC en valeur nette, hors inflation, n'a augmenté…
Monsieur Sansu, vous avez dépassé votre temps.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour une dernière intervention avant le scrutin public.
Nous convenons que ces exonérations n'ont un rôle décisif ni sur la flexibilité ni sur les heures supplémentaires qui existent et sont surpayées, et encore moins sur l'emploi, sur lequel elles auraient plutôt un effet contraire. Vous n'avez donc plus qu'un argument qui est de poids, je vous l'accorde, c'est celui du pouvoir d'achat.
Je vais donc vous répondre sur l'argument du pouvoir d'achat. Neuf millions de personnes bénéficient de ces heures supplémentaires, dites-vous. Mais qui paie les 4 milliards d'euros pour ces 9 millions de personnes ? Les exonérations fiscales, il faudra bien les payer un jour, par la dette ou l'impôt. Les exonérations sociales, il faudra bien les payer. Tout cela met de la pression sur l'impôt, sur la dette, sur les régimes sociaux.
Qui va payer tout cela ? Les 15 millions de salariés qui ne bénéficient pas des exonérations, les 15 millions de retraités qui sont d'anciens salariés et ne bénéficient pas non plus des heures supplémentaires, des exonérations. Ce sont ces trente millions de Français, tous les autres, qui vont payer.
En réalité, vous ne faites que ce que vous avez fait pendant bien longtemps : diviser encore une fois les Français. C'est pourquoi il ne faut pas retenir vos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
La parole est à M. Maurice Leroy, pour un rappel au règlement.
Sur quel article vous fondez-vous ?
Sur l'article 51, alinéa 1.
Monsieur le président, j'ai présidé cette assemblée,…
…et je voudrais que M. le ministre Jérôme Cahuzac se souvienne de la façon dont on peut présider les séances. Nous ne sommes pas un Parlement croupion. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Écoutez-moi, car cela vaut pour la majorité comme pour l'opposition. Quand on préside une séance, il est important de laisser le débat se dérouler (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Laissez-moi parler : je n'ai pas abusé de mon temps de parole car je ne me suis pas encore exprimé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il faut permettre au débat d'avancer. M. Cahuzac doit se souvenir qu'ici même j'ai permis que des débats se déroulent et je ne trouve pas admissible qu'on ait coupé la parole à Nicolas Sansu. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Je vais maintenant mettre aux voix les amendements de suppression de l'article 2.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 260
Nombre de suffrages exprimés 259
Majorité absolue 130
Pour l'adoption 81
contre 178
(Les amendements de suppression ne sont pas adoptés.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, et vise à poser deux questions dont vous pourrez constater, monsieur le président, qu'elles sont vraiment réglementaires.
L'article 100 de notre règlement prévoit, en cas de discussion commune, que le rapporteur général, le président de la commission et le rapporteur pour avis puissent répondre aux orateurs pendant deux minutes. Pourriez-vous indiquer à l'Assemblée nationale le temps de parole que vous avez accordé au rapporteur pour avis, tout à l'heure, lorsqu'il a répondu aux intervenants ?
Deuxième question, monsieur le président. À la suite de la réponse de M. le ministre, vous avez donné la parole à plusieurs intervenants. J'ai manifesté à plusieurs reprises la volonté de m'exprimer et vous me l'avez refusée. Sur le fondement de quel article du règlement ?
Une observation, enfin, pour abonder dans le sens de mon collègue Maurice Leroy : je souhaite simplement que le débat puisse avoir lieu. Tout à l'heure, j'ai posé une question à M. le ministre et je souhaiterais qu'il ait la courtoisie républicaine d'y répondre.
M. Muet nous explique qu'il y a une volonté de créer des emplois en supprimant ou en réduisant les heures supplémentaires. J'aimerais que M. le ministre ou M. Muet – ce serait mieux que ce soit le Gouvernement – me réponde : est-ce que cela s'applique à la fonction publique puisque vous dites que vous n'y créerez pas d'emplois ?
Il s'agit simplement d'une demande de respect de la courtoisie républicaine et je n'aurais pas eu besoin, monsieur le président, de faire un rappel au règlement si vous l'aviez respecté en m'accordant la parole tout à l'heure.
Monsieur le président, il y a maintenant un peu plus de trois heures que nous avons débuté cette séance et je n'ai fait aucun rappel au règlement tant que le débat se déroulait avec les inscrits et qu'il permettait d'avancer.
La répétition est un art que nous avons utilisé à certains moments (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et je ne vous reproche pas d'utiliser les moyens de l'opposition. Cependant, mes chers collègues, j'observe que, depuis quelques minutes, le règlement de notre assemblée est utilisé pour des manoeuvres dilatoires (Mêmes mouvements), des demandes de suspension et autres qui empêchent le débat de se poursuivre dans de bonnes conditions.
Monsieur le président, ma demande est très simple : faites en sorte qu'à partir de maintenant nous discutions dans la stricte application du règlement de notre assemblée et des temps de parole possibles (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Si jamais le débat devait ne pas se dérouler ainsi, alors nous serions fondés à considérer que la répétition ne peut plus être tolérée et que l'Assemblée nationale est assez vite éclairée.
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques. L
a parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l'amendement n° 259 .
Cet amendement a pour objet de maintenir les allègements sociaux attachés aux heures supplémentaires et complémentaires de travail pour l'ensemble des salariés. Le mérite du dispositif que vous entendez supprimer par cet article 2 est de donner une certaine souplesse, dans un monde économique où les commandes sont de plus en plus rapides et où les entreprises doivent se montrer de plus en plus réactives. Il permet d'inciter à la mise en oeuvre d'heures supplémentaires afin que les entreprises puissent répondre plus facilement aux demandes. En procédant ainsi, nous évitons que des commandes soient honorées par des entreprises étrangères, nous parons à des délocalisations et nous protégeons l'industrie française. Il faut donc maintenir ce dispositif (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Muet nous a rappelé la corrélation entre coût du travail et subventionnement. Je suis d'accord pour ce qui est de la partie employeur, mais ce n'est que 10 % du montant du dispositif qui est récupéré. En revanche, cela n'influence pas le coût du travail global pour l'entreprise s'agissant de la partie payée par les salariés pour leurs cotisations sociales et l'impôt sur le revenu.
À ce propos, j'attire votre attention sur ce que nous apprennent les tableaux de la DGFIP de 2006 à 2009, puisque ce sont les seules données accessibles. On y observe que les ménages gagnant entre 15 000 et 20 000 euros voient leur impôt diminuer d'environ 30 % entre ce qu'ils auraient payé avec la fiscalité de 2006 et celle de 2009, alors que l'ensemble des impôts, le ministre du budget le rappelle régulièrement, ont effectivement baissé pour l'ensemble des ménages d'environ la moitié de ce taux – et que la diminution n'est que de l'ordre de 10 % pour les plus aisés. Ces chiffres correspondent à ce qui a été déclaré et payé.
Il existe donc un impact fiscal important au bénéfice de ménages qui, avec 15 000 à 20 000 euros, ne sont tout de même pas les plus favorisés de France. La suppression de ce dispositif représente bien une refiscalisation des classes moyennes, qui aura sur le pouvoir d'achat les conséquences que nous ne cessons de dénoncer (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement n° 261 .
Le contexte économique est grave, vous ne l'ignorez pas. Avec cette mesure, vous porterez une lourde responsabilité dans l'état de la compétitivité des entreprises françaises, tous secteurs d'activité confondus. Pendant cinq ans, nous vous avons entendus parler de pouvoir d'achat. C'était même impressionnant, il ne se passait pas une demi-heure sans que cela revienne. Mais, avec cet article 2, vous allez porter une atteinte incroyable au pouvoir d'achat des Français les moins rémunérés, les plus défavorisés.
Ma circonscription du Haut-Jura compte 25 % d'ouvriers selon les statistiques de l'INSEE. Je vous ferai grâce de tous les commentaires que je reçois depuis deux jours de leur part, il suffit de dire qu'ils se sentent trahis. Malgré toutes vos déclarations, votre politique leur inspire un profond sentiment d'injustice. Et le pire, c'est quand M. Muet laisse penser, en commission des finances, que cette suppression des exonérations fiscales et sociales doit permettre de créer de l'emploi pour d'autres Français. C'est une façon très dangereuse de stigmatiser ceux qui font des heures supplémentaires (Protestations sur les bancs du groupe SRC) et de les opposer à ceux qui sont au chômage. Je pense que c'est malsain.
Je voudrais faire deux observations, l'une d'ordre économique, l'autre d'ordre juridique.
Sur le plan économique, vous avez entendu tous les témoignages de mes collègues expliquant qu'en réalité cette mesure allait frapper les plus pauvres, les plus modestes, les plus fragiles. Je n'y reviendrai pas, mais chacun doit le comprendre. Il s'agit d'un problème de pouvoir d'achat, cela a été souligné, y compris par la majorité. Vous allez tuer la compétitivité et le pouvoir d'achat.
Sur le plan juridique, vous allez introduire une discrimination entre les entreprises de plus et de moins de vingt salariés.
Malheureusement, le droit du travail français est impraticable, morcelé, insupportable, pour les salariés comme pour les employeurs. La loi Aubry sur les 35 heures en particulier.
Outre qu'elle a détruit l'idée de travail, elle a introduit dans notre droit du travail des classifications insupportables pour les salariés, cadres ou non cadres. Bref, notre législation est aujourd'hui un outil complètement désuet, démodé. Cela va dans le sens de tout ce que vous faites pour empêcher qu'en France le travail ait sa juste valeur (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Encore une fois, c'est un terrible signal que vous envoyez aux entreprises. C'est un terrible signal que vous envoyez à notre jeunesse, une jeunesse qui a envie d'entreprendre et qui, je l'espère, a encore un soupçon de reconnaissance du drapeau, d'envie de faire en France. Or toutes les décisions que prend ce gouvernement vont à l'opposé.
L'esprit d'entreprise, qui était très fort dans la génération des quarantenaires actuels, ne l'est plus chez ceux qui ont vingt ans aujourd'hui. Contrairement à ce qui se passait dans nos générations, n'importe quelle école chargée de préparer ces jeunes talents à entreprendre et à produire de la richesse les envoie faire des stages, voyager à travers le monde entier pour comprendre, apprendre, profiter des expériences internationales. Or l'expérience nationale que vous leur préparez va concourir à ce qu'ils fassent leur vie à l'international. C'est cela, la réalité.
Tout cela est affaire de motivation. C'est très important, la motivation – avoir envie d'aller plus loin. Comment voulez-vous, par la restriction, par la contrainte, par la baisse du pouvoir d'achat, par l'injustice, motiver les gens ? C'est impossible.
Nous allons droit dans le mur. Vous êtes en train de creuser un fossé énorme dans notre société. Nous nous y opposerons vigoureusement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je voudrais rappeler une nouvelle fois à nos collègues socialistes que la démarche qu'ils nous proposent ignore totalement les contraintes des entreprises comme de leurs salariés, qui sont confrontés à la concurrence liée à la mondialisation.
La concurrence contraint, hélas, à contenir le coût du travail pour assurer la compétitivité des entreprises. C'est une sorte de corset, que l'on peut regretter mais qui se trouve malheureusement imposé par la lutte sur la scène internationale pour les entreprises qui y sont présentes. Peut-être n'en avez-vous pas dans vos circonscriptions. Moi si, et je sais la situation de ces entreprises qui doivent se battre et qui n'ont la plupart du temps comme marge de manoeuvre, hélas, que le coût du travail.
C'est pour maintenir à la fois la compétitivité des entreprises et le pouvoir d'achat des salariés, notamment les moins payés, les plus jeunes, ceux qui débutent dans les entreprises, que l'allègement sur les heures supplémentaires que vous combattez a été mis au point. Mais vous semblez ne pas vouloir le comprendre, bien que nous l'expliquions depuis des heures. Cette suppression que vous voulez à tout prix imposer va à l'encontre des intérêts des entreprises qui sont sur le marché international. Or, ce sont elles qui se battent pour la France, elles qui forment l'équipe de France de l'industrie, elles qui vont être handicapées par votre mesure.
Avec cette mesure, vous nous entraînez sur des chemins sordides. Vous nous poussez à faire les poches aux salariés qui sont en fait les plus fragiles, les moins payés. Franchement, il n'y a pas de mesure plus antisociale que celle que vous nous proposez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Gorges, pour soutenir l'amendement n° 265 .
Je voudrais répondre à M. Muet, qui a tendance à aborder tous les problèmes par la macroéconomie : derrière ces heures supplémentaires, il y a de l'humain. Et d'ailleurs, à la fin de l'épisode 1997-2002, où les 35 heures avaient été abordées aussi par la macroéconomie, c'est ceux qui ont été touchés qui vous ont sanctionnés.
Mais vous évoluez tout de même. Vous admettez deux choses. D'abord, que ce type de dispositif peut servir en cas de croissance.
Ensuite, comme le montre le rapport, vous admettez que le dispositif en vigueur n'a pas créé d'heures supplémentaires de plus. Il existait des heures supplémentaires pour neuf millions et demi de personnes. J'insiste là-dessus, parce que c'est le problème que vous aurez à gérer : il y a neuf millions et demi de personnes qui ont continué à travailler 39 heures quand la France passait à 35 heures bonifiées, payées 39. Le problème, qui ne devrait pas vous gêner d'ailleurs, n'est donc pas la création d'heures supplémentaires supplémentaires, qui se substitueraient à des créations d'emplois, mais la gestion de ce stock d'heures supplémentaires.
Depuis cinq ans, neuf millions et demi de Français, ce qui fait beaucoup de familles, se sont habitués à 450 euros de plus par an. Certes, il y a eu un effet d'aubaine, en 2007, quand nous avons pris cette mesure, mais, en 2007, la France connaissait une situation de croissance. Ce n'est plus le cas, malheureusement pour tout le monde, mais, aujourd'hui, on ne peut pas traiter ce sujet de la façon dont vous le traitez. Vous allez supprimer 450 euros de pouvoir d'achat à neuf millions et demi de Français !
Pour ma part, je vous le dis, monsieur Muet, je souhaite lancer en France une grande pétition que signeront tous ceux qui, de gauche ou de droite, peu importe, contestent votre mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Chiche !
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)
La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l'amendement n° 266 .
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, une fois de plus, mon propos sera très factuel.
Ma circonscription jouxte la Suisse. Ma collègue l'a rappelé tout à l'heure : non seulement beaucoup de salariés travaillent quarante-deux heures en Suisse, mais ils ont, de surcroît, renoncé, par voie de référendum, à deux semaines de congé supplémentaires. Pourquoi donc ? Tout simplement pour rester compétitifs dans une économie ouverte et très concurrentielle.
À cent mètres de la frontière suisse, notre entreprise française, elle aussi pour ne pas être hors jeu, a opté pour les trente-neuf heures, avec quatre heures supplémentaires. Tous les salariés se sont portés volontaires pour faire quatre heures supplémentaires et ainsi travailler trente-neuf heures, rattraper un peu le coup.
Soumettre du jour au lendemain ces heures supplémentaires à des charges aura un coût pour l'entreprise et pour le salarié, même si c'est l'entreprise qui en subira pour l'essentiel les conséquences négatives.
Où est la compétitivité ? Je peux vous assurer que nos salariés alsaciens rêvent de travailler en Suisse, d'autant qu'ils pourraient consommer en France le salaire qu'ils gagneraient là-bas. Il va donc falloir y réfléchir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Permettez-moi, monsieur le ministre délégué, de vous dire que vous faites une erreur majeure. Elle est comparable, à mon sens, à celle que vous avez pu commettre, en son temps, avec les trente-cinq heures. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous pensez que le travail est un gâteau qui se partage, mais cette vision n'est pas réaliste.
En réalité, avec cette mesure, vous allez faire trois choses. Vous allez réduire le pouvoir d'achat de l'ensemble des Français, c'est un premier problème, et je pense qu'ils s'en souviendront. De surcroît, vous n'allez pas créer d'emploi, parce que, redisons-le encore une fois, pour créer de l'emploi, il faut une vraie vision, une vision économique. Or votre seule vision est une vision fiscale. Enfin, vous allez plomber la compétitivité de nos entreprises. Une fois de plus, c'est la France qui travaille qui va payer l'addition. La valeur travail est importante. Nos concitoyens apprécieront la manière dont vous traitez cette question.
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l'amendement n° 268 .
S'agissant du pouvoir d'achat et de la compétitivité, on a bien compris que vous puisiez sans compter dans la poche des salariés pour tenter, autant que faire se peut, de leur faire payer vos dépenses nouvelles. Celles-ci représentent, comme le président de la commission des finances l'a très bien rappelé, vingt milliards d'euros sur cinq ans, pour ne parler que de leur coût pour cette législature.
Qu'écrivez-vous, monsieur le rapporteur général, à la page 83 de votre rapport, à propos de la défiscalisation et de l'exonération de charges sociales des heures supplémentaires ? « La mesure n'est pas propice au développement de l'emploi. » Mais qu'avez-vous fait depuis un mois, par exemple en ramenant par décret l'âge de la retraite à soixante ans…
…et en augmentant les charges des entreprises, alors que notre amendement entend essentiellement traiter de la question de la compétitivité, et des salariés ? Vous chargez à nouveau la barque en remettant en question cette exonération de charges.
Je reviens à l'exemple des entreprises comme celle du 15e arrondissement, de plus de vingt salariés, dont la compétitivité se trouve directement affectée. Vous ne leur proposez aucune échappatoire. Que leur offrirez-vous finalement en termes de recherche de nouveaux marchés, de recherche de compétitivité supplémentaire ? Avant même que nous ayons commencé à travailler à la réduction des déficits et à ce que l'on appelle, ai-je cru comprendre le 14 juillet dernier, l'effort juste,…
…on commence déjà à surcharger la barque des entreprises et des salariés. Je pense, monsieur le ministre délégué, que vous êtes déjà dans l'impasse.
Le raisonnement développé par vous-même, monsieur le ministre délégué, et par notre collègue Muet, intelligent, à l'esprit délié mais un peu théorique…
…est le suivant : le travail est un gâteau qui se partage, et la part que n'auront pas certains sera allouée à ceux qui frappent à la porte du monde du travail. Ce raisonnement est erroné, car il n'y a pas de fluidité du marché du travail.
Je vous en donne des exemples très concrets. Le chef de cette entreprise qui emploie des chauffeurs de poids lourds, qui compte 450 salariés et recourt massivement aux heures supplémentaires, m'a indiqué que, lorsqu'il se rend à Pôle emploi, il ne trouve pas de chauffeurs de poids lourds à recruter. Lorsqu'il en trouve, ce sont des chauffeurs qui ont perdu des points sur leur permis de conduire, ce qui crée une difficulté évidente.
Autre exemple tout aussi concret, on ne trouve pas, dans ma circonscription, de soudeurs. Les entreprises placent donc des calicots le long des routes pour indiquer qu'elles en cherchent ; s'il s'en présente, ils sont embauchés dans l'instant. Cette situation dure depuis plusieurs années et nécessite que l'on recoure aux heures supplémentaires. Il n'y a pas de fluidité du marché du travail.
Troisième exemple, on ne trouve pas d'infirmières, qu'il s'agisse d'infirmières exerçant en clinique, à l'hôpital ou à titre libéral. Il faut donc faire travailler un peu plus celles qui sont déjà sur le marché, d'où le recours aux heures supplémentaires.
Sortons donc, mes chers collègues, d'une vision théorique. Sortons d'une vision contingentée du travail. Prenons acte de la réalité. Constatons, hélas, que les chefs d'entreprise, pour certains métiers, ne trouvent pas de salariés à recruter, tandis que des salariés exerçant d'autres métiers ne trouveront pas de chefs d'entreprise qui les embauchent. C'est ainsi. Telle est la réalité du monde du travail. Pour y faire face, conservons des instruments de flexibilité, en particulier les heures supplémentaires.
La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l'amendement n° 270 .
Ce débat n'est pas inutile. Au fil des interventions des députés de l'opposition, on commence à entendre que la mesure proposée par le Gouvernement aura un impact négatif sur le pouvoir d'achat de neuf millions de salariés.
Pour vous en convaincre un peu plus, je vous renvoie à l'excellent rapport de la mission d'évaluation et de nos collègues Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot – qu'est-il devenu, je l'ignore (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – qui écrivaient très précisément que « la mise en cause de l'exonération des cotisations salariales serait la mesure la plus difficile à appliquer compte tenu de son impact direct et immédiat sur le pouvoir d'achat des salariés concernés ». C'est M. Jean Mallot qui signait ce texte il y a à peine quelques mois.
Dernier élément de réflexion, j'ai été très surpris de constater, en écoutant le Président de la République, lors de son intervention du 14 juillet dernier, qu'il était incapable, alors qu'on l'interrogeait, par deux fois, sur la suppression du dispositif en faveur des heures supplémentaires, d'en assumer l'impact sur les salariés. Il s'est borné à répéter de manière un peu mécanique que c'était un signal qu'il ne voulait pas adresser aux entreprises, mais ce n'est pas le sujet ! C'est bien des salariés qu'il est question !
À votre place, chers collègues de la majorité, constatant qu'un Président de la République n'est déjà plus capable, deux mois après son élection, d'assumer une de ses promesses de campagne, je m'inquiéterais. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Chacun sait que la macroéconomie est une nécessité lorsqu'il s'agit de traiter de problèmes de macroéconomie : les taux de change, les investissements globaux,…
…et, bien évidemment, l'euro, qu'il ne faut pas oublier car il va vous tuer. Vous devriez donc y faire attention.
Ce qui est certain, c'est que la microéconomie obéit à une autre logique.
Prenons un exemple concret. M. Muet est spécialiste en utopie rue de Solferino. Admettons que M. Muet perde les élections. Existe-t-il une autre demande pour M. Muet ? Bien sûr que non ! Il n'y aura pas deux demandes pour M. Muet spécialiste en utopies socialistes. Il n'est pas interchangeable. D'ailleurs, qui voudrait de M. Muet en tant que spécialiste de microéconomie ?
Les propos tenus par M. Le Fur relèvent donc de l'évidence. Le marché de l'emploi n'est pas élastique et l'on n'y est pas interchangeable à souhait comme en rêvent les socialistes. C'est aussi simple que cela ! Aussi longtemps que vous continuerez à vaticiner et à répéter vos utopies à longueur de temps, vous prendrez la réalité économique dans la figure ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 273 .
Après la brillante démonstration de Jacques Myard, j'ajouterai quelques précisions, non sans espérer que nous pourrons avoir, à l'occasion, peut-être pas maintenant, une discussion avec notre collègue Alain Muet sur l'exemple allemand.
Il a effectivement beaucoup parlé de l'Allemagne tout à l'heure, notamment en comparant les durées de temps de travail. Or j'appelle l'attention de la majorité sur le fait qu'il faut vraiment se méfier des comparaisons macroéconomiques avec l'Allemagne ; d'ailleurs, M. Muet semble en ce moment en convenir. Les proportions de temps partiel, les variations de la durée hebdomadaire du travail en fonction des conventions collectives sont très différentes, certaines rémunérations, notamment celles des employés du secteur des services, servent facilement de variables d'ajustement pour maintenir les salaires des employés de l'industrie allemande. Le modèle macroéconomique allemand est, en outre, fondé sur la préservation des capacités d'exportation, non sur celle des revenus moyens des salariés. Voilà autant de différences qu'il convient de prendre en compte. Soyons prudents, ne perdons pas de vue, en affirmant que les Allemands s'en sont mieux sortis que nous, le fait que nos modèles macroéconomiques ne sont pas comparables. Ne tirons donc pas trop argument, mon cher collègue, des différences que nous constatons.
Cela dit, je souscris aux propos que vient de tenir notre collègue Jacques Myard. Je pense en particulier aux artisans et aux commerçants. Nous savons bien que beaucoup d'artisans rechignent à prendre des marchés et à remplir leur carnet de commandes au motif que la main-d'oeuvre disponible ne leur permet pas d'envisager sereinement des recrutements ; soit ils ne trouvent pas la main-d'oeuvre souhaitée, soit ils considèrent – à tort ou à raison, mais c'est leur perception des choses – que la réglementation du travail est trop lourde pour eux. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, il est absolument nécessaire de maintenir un dispositif qui permet d'ajuster avec souplesse le volume hebdomadaire de travail.
C'est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l'amendement n° 274 .
J'ai essayé, cette nuit, de vous convaincre, en prenant l'exemple de la mécatronique et du décolletage dans la vallée de l'Arve, en Haute-Savoie, que la mesure proposée était absolument catastrophique.
Permettez-moi, cet après-midi, de prendre un second exemple. La France est la première destination touristique au monde. Le tourisme est l'un des grands secteurs où la balance commerciale française est tout à fait positive. Or la géographie de notre pays est extrêmement diverse et soumise aux aléas climatiques. Ainsi, au cours de l'hiver dernier, les records de température ont été battus. Pendant deux mois, il n'y a eu quasiment aucune activité et une partie des territoires de montagne ont connu des chutes de neige extrêmement importantes. Ensuite, au printemps et jusqu'au début de cet été, la météo a été particulièrement capricieuse.
Dans ces conditions, la souplesse offerte aux entreprises, aux artisans locaux, aux commerçants, à l'ensemble des acteurs du tourisme en termes de recours aux heures supplémentaires nous permet de nous adapter, de faire face et d'encourager les salariés à faire face, eux aussi, aux handicaps naturels du territoire et aux aléas climatiques. Voilà encore un exemple qui doit vous convaincre de maintenir ce que nous avons mis en place, qui fait la force du tourisme, notamment en région de montagne.
La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l'amendement n° 276 .
Madame la présidente, chers collègues, je crains que nous ne finissions pas de découvrir, dans les semaines et les mois à venir, les effets pervers de la loi que vous présentez maintenant. Mes collègues en ont déjà donné de nombreux exemples dans différents domaines, dont l'emploi.
Je voudrais aborder le problème du monde agricole, que nous n'avons pas sondé à propos des difficultés qu'il aura pour appliquer cette loi d'abrogation.
Vous connaissez la force du secteur agricole, ainsi que sa fragilité. C'est un des secteurs dans lesquels les employés sont les plus fragiles, où l'on a le plus de mal à recruter de la main-d'oeuvre qualifiée, où la saisonnalité est la plus forte, où, aussi, la programmation des travaux ne peut se faire avec certitude. Dans ce domaine, il est très difficile, en l'absence d'heures supplémentaires puisqu'on enlève leurs avantages, de faire appel à des agences d'intérim. On sait à quel point les employés du secteur agricole sont attachés aux exploitations, en connaissent toutes les spécificités, et font partie du domaine agricole.
Depuis 2007, les structures agricoles avaient trouvé un équilibre, certes fragile. Elles avaient pu apporter des corrections à cette saisonnalité. Je crains que la baisse du pouvoir d'achat que vous annoncez, y compris pour les employés agricoles, ne rende l'attractivité de ce métier beaucoup plus faible et ne la mette en cause rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis saisi par le groupe UMP d'une demande de scrutin public sur l'ensemble de ces amendements identiques.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Je suis très étonné, mes chers collègues, qu'aucun orateur, parmi la quinzaine qui se sont succédé, n'ait décrit le contenu de cet amendement.
Plusieurs députés du groupe UMP. Au contraire !
Vous avez continué votre hymne aux heures supplémentaires comme si vous défendiez un amendement de suppression, ce que vous avez fait pendant quelques heures. Vous venez maintenant de défendre quinze fois le même amendement sans qu'un seul orateur ait précisé qu'il est complètement différent de ceux qui l'ont précédé. Celui-là – je vous le dis, puisque vous ne semblez pas l'avoir lu – ne concerne que les exonérations de cotisations sociales sur la part salariale. Je vous l'apprends, puisque vous n'avez pas l'air de le savoir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez de nouveau entonné un hymne à la gloire des heures supplémentaires, mais le présent amendement ne supprime que la moitié de la mesure. Je vous invite donc, mes chers collègues, par souci de clarté, à essayer de dire, à chaque fois, de quoi on parle !
Deuxième point : je vais peut-être, moi aussi, me répéter, puisque vous semblez être sourds. Vous avez à de nombreuses reprises vanté la nécessité économique des heures supplémentaires pour assurer la fluidité du marché du travail.
Je veux vous rassurer : dans ce texte de loi, il n'y a pas un mot, pas une ligne, pas un article qui revienne sur la possibilité donnée à tous les employeurs, publics ou privés, de recourir aux heures supplémentaires dans le cadre de la législation du travail actuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Tous les intervenants qui ont parlé tantôt du décolletage, tantôt des agriculteurs, tantôt des artisans, peuvent retourner dans leurs circonscriptions – ils en ont le temps, maintenant – pour rassurer les Mme Michu ou M. Machin qu'ils ont rencontrés : il n'y aura pas d'interdiction des heures supplémentaires ! C'est tout à fait clair ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, pour savoir comment inciter à faire des heures supplémentaires, puisque c'est bien là le fond du sujet,…
…il y a une différence fondamentale entre nous : vous voulez inciter à faire des heures supplémentaires sur le dos de l'argent public, et donc sur le dos du déficit public ! C'est clair et net ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Les heures supplémentaires, à l'heure actuelle, continuent à être autorisées. Leur coût est majoré : le salaire, leur contrepartie est majorée. Il existe beaucoup de façons d'encourager à faire des heures supplémentaires : une de ces façons est de les payer plus, et que ce soit celui qui en profite qui les paye davantage. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Cela pourrait répondre à une de vos préoccupations, inciter à faire des heures supplémentaires, sans que ce soient l'argent public, la dette et le contribuable qui les financent ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Enfin, dernier point, je suis peu intervenu sur les amendements précédents puisque, vous le savez comme moi, le règlement prévoit que si le rapporteur général intervient, la discussion est rouverte. Vous avez voulu vous exprimer, vous vous êtes exprimés largement. Je profite maintenant de cet amendement pour tordre le cou à un certain nombre de propos que vous avez tenus. Je ne sais plus lequel d'entre vous a parlé d'un cariste dont le gain, du fait de la défiscalisation et de l'exonération de charges sociales des heures supplémentaires, s'élèverait à 300 euros par mois. Mes chers collègues, vous rendez-vous compte de ce que vous dites ?
Pour qu'un cariste ait un gain de 300 euros par mois du fait de la défiscalisation et de l'exonération de charges sociales salariales des heures supplémentaires, il faut qu'il ne dorme plus ! Ce n'est pas une heure, ni deux ou trois, mais la nuit entière qu'il doit travailler pour parvenir à un gain fiscal de 300 euros par mois !
Ne confondez pas deux choses : son salaire au titre des heures supplémentaires, qui peut atteindre 300 euros par mois pour quelqu'un qui travaillerait beaucoup, et la défiscalisation et exonération de cotisations sociales, qui est ici concernée. Votre amendement ne concerne que la moitié des cotisations sociales. Mes chers collègues, je veux bien ne pas donner de leçons, je veux bien ne pas multiplier les calculs, mais les exemples que vous avez choisis et les chiffres que vous avez avancés sont, permettez-moi de vous le dire respectueusement, complètement aberrants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Votre théorie, c'est la théorie de la peur. Vous souhaitez faire peur aux Français. Vous pouvez tranquillement, je vous le répète, monsieur Gorges, retourner dans vos circonscriptions et les rassurer : les heures supplémentaires continuent à être autorisées, continuent à être majorées.
Libre à tous les employeurs d'être attractifs pour y avoir recours : ils peuvent même payer des primes, s'ils le veulent !
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement est évidemment hostile à l'adoption de ces amendements et en recommande le rejet à la représentation nationale.
Les raisons qui font que je n'accepte pas – que je ne reçois pas, devrais-je dire – vos explications sont déjà connues. Je les rappelle très brièvement.
La première raison est que, lorsque cette mesure fut instaurée, elle le fut avec un certain objectif de politique publique. Cet objectif n'a pas été atteint en cinq ans de pratique. Il est donc temps de s'en rendre compte.
Plusieurs députés du groupe UMP. Et la crise ?
La deuxième raison est que cette mesure a un coût, et que ce coût n'a jamais été financé autrement que par l'emprunt. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Puis-je vous rappeler, puisqu'il s'agit d'exonérations de charges sociales, que le seul déficit du régime général est de 14 milliards d'euros, que, tous régimes confondus, le déficit est de 16 milliards d'euros, et que, à moins de financer à crédit la protection sociale, – chose qui ne peut quand même pas durer éternellement – il importe de prendre des mesures, c'est-à-dire de demander un effort à tous les Français. Vous récusez cet effort-là ; c'est votre droit.
Ce qui me gêne davantage, c'est que, bien que vous connaissiez la situation des finances de la protection sociale – cette situation résulte des dix ans de gestion que vous avez assumés et je vous rappelle qu'en 2001 la protection sociale était excédentaire –, vous souhaitez le maintien de dispositions qui, objectivement, l'aggravent, au lieu de l'améliorer.
Je ne crois donc pas que l'heure soit à maintenir ce type de politique. Il faut précisément en changer : c'est le mandat qui a été donné au Président de la République et à la nouvelle majorité parlementaire. L'un comme l'autre se conformeront à ce mandat.
Je m'associe aux propos du rapporteur général sur l'exagération des exemples qui ont été donnés par nos collègues de l'opposition.
Il n'empêche, et vous le savez bien, chers collègues de la majorité, qu'il y a une légitime émotion, un légitime émoi chez certains salariés qui savent qu'il y aura une perte de pouvoir d'achat si nous restons au milieu du gué. Je vais m'expliquer en rapprochant deux chiffres concernant les classes moyennes et modestes. À la page 89 du rapport, il est indiqué que les salariés du premier décile – c'est-à-dire les smicards – vont devoir rendre en moyenne 165 euros. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Dans le même temps, le SMIC en valeur nette – c'est-à-dire hors inflation – n'a augmenté que de 0.6%, c'est-à-dire de 75 euros.
Plusieurs députés du groupe UMP. Tout à fait !
Attendez, messieurs de l'opposition, vous aurez votre part tout à l'heure !
Le rapprochement de ces deux chiffres justifie qu'après plus d'une décennie de stagnation du pouvoir d'achat et de recul de l'emploi, le Gouvernement choisisse de valoriser le travail et non plus le capital. Monsieur le ministre, remettons la valeur travail au centre de nos volontés politiques, en interdisant les licenciements boursiers, en favorisant le pouvoir d'achat par une augmentation considérable du SMIC horaire et le dégel du point d'indice de la fonction publique, en pénalisant les dispositifs spéculatifs, en modulant les cotisations sociales patronales et l'impôt sur les sociétés en fonction de l'emploi et de l'investissement pour nos PME et nos TPE. Laissons à nos collègues de l'opposition le soin de porter au pinacle, comme ils l'ont fait pendant dix ans, malgré leurs dénégations, la valeur qui leur est la plus chère, à savoir la rente ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, je souhaite répondre à M. le rapporteur général, car certains de ses mots sont certainement allés au-delà de sa pensée.
Par cet amendement, nous, députés de l'opposition, nous voulons parler du fond. Le fond, c'est que vous avez décidé de vous en prendre au dispositif de défiscalisation et d'exonération de charges sociales des heures supplémentaires. Vous voulez les décourager. Vous voulez donc qu'il y ait moins d'heures supplémentaires : vous le dites dans votre propre discours. Vous pensez toujours qu'il faut partager le travail. Mais ça ne marche pas comme ça ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans la vraie vie, cela ne se passe pas comme ça ! Dans l'entreprise, on se bat pour arracher un marché : qu'on l'ait ou qu'on ne l'ait pas, il faut pouvoir réagir immédiatement. Si le lendemain, on ne l'a plus, il faut aussi pouvoir, sans licencier, conserver sa capacité à produire, c'est-à-dire le savoir-faire des ouvriers et de tous ceux qui assurent la marche de nos entreprises.
Vous êtes à l'opposé des réalités de la vie économique, vous êtes dans l'utopie socialiste des années 1980 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est d'ailleurs toujours le même refrain : en 1983, vous avez abaissé l'âge de la retraite, en étant les seuls au monde à le faire, alors que partout ailleurs on l'élevait. Vous avez diminué le temps de travail hebdomadaire, vous avez recommencé en 2000 avec les 35 heures, vous venez de recommencer avec le retour à la retraite à 60 ans, et vous recommencez encore aujourd'hui en dissuadant de recourir aux heures supplémentaires, cet assouplissement indispensable du carcan unique au monde que constituent les 35 heures ! C'est depuis l'instauration des 35 heures que la compétitivité française s'est effondrée, que la balance des paiements est devenue défavorable et négative. Vous portez cette responsabilité, et vous l'aggravez encore aujourd'hui. C'est pour cette raison qu'il faut évidemment revenir sur cette disposition du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le rapporteur général, je vous tiens en haute estime, mais les propos que vous avez tenus tout à l'heure ne sont pas dignes de vous. Parler de Mme Michu, – pourquoi pas Dupont Lajoie, pendant qu'on y est ? – qu'est-ce que cela veut dire ? C'est l'expression d'une certaine fatigue, qui est compréhensible quand on est à bout d'arguments. Mais ce n'est pas bien !
Cela veut dire aussi une chose : c'est que vous n'aimez pas le peuple ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plus précisément, vous n'aimez pas le peuple tel qu'il est ! Vous aimez le peuple tel que vous souhaitez qu'il soit ; or le peuple a une réalité, c'est ainsi !
Sur le fond, mes chers collègues, l'argument du pouvoir d'achat n'est plus contesté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous nous dites simplement qu'il y aura perte des avantages fiscaux et des avantages sur les cotisations sociales, mais que les gens pourront toujours effectuer des heures supplémentaires. C'est faux ! En effet – je reprends mon exemple d'une entreprise de transport employant 450 camionneurs – une telle entreprise perdra 330 000 euros par ans. Cela supposera qu'elle se réorganise, et elle sera encore plus exigeante quant au temps passé dans l'entreprise pour éviter de recourir aux heures supplémentaires ! Les salariés eux-mêmes vont se poser des questions et se demander quel est l'intérêt de faire des heures supplémentaires. Ils penseront alors que ce n'était pas si mal au temps de Sarko ! Vous l'entendrez dès l'automne, croyez-moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
On peut être en désaccord sur un certain nombre de points dans ce débat, mais il y a au moins quelque chose qui ressort très clairement au fil des heures, ici, et chez nos concitoyens : ce sujet intéresse les Français. Ils ont compris l'importance de l'enjeu et nombreux sont ceux qui, sur le terrain, nous posent des questions. Nombreux sont ceux qui s'intéressent au débat que nous avons ici. Comme Marc Le Fur, j'ai été, monsieur le rapporteur général, extrêmement choqué que vous résumiez nos interpellations fondées sur des exemples précis et sur des questions, même si certaines peuvent, peut-être, recevoir des réponses rassurantes. Votre récent propos démontre que vous traitez en réalité toutes ces questions par le mépris.
Plusieurs députés du groupe UMP. Absolument !
Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !
Lorsque nous nourrissons le débat d'exemples concrets sur lesquels nous avons été interpellés par des salariés, par des chefs d'entreprise, il est inacceptable que vous résumiez cela par « Mme Michu ou « M. Machin » ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes, ici, en tant que représentants du peuple et le peuple ne doit pas être méprisé ! L'intérêt que suscite ce débat auprès des Français est incontestable. Vous aurez à plaider votre solution. La responsabilité que vous allez prendre est grave. Nous aurons pour notre part à plaider la pertinence des heures supplémentaires que nous avons défendues. Les Français jugeront. Mais au moins, s'il vous plaît, respectez nos concitoyens et mesurez combien les exemples concrets que nous avons évoqués sont réels, dignes et respectables ! Oui, monsieur le rapporteur général, il faudrait que vous vous excusiez auprès des Français ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Je m'adresse maintenant au rapporteur général et au ministre. Si François Hollande, dans son projet, et si vous, dans le vôtre, avez proposé de maintenir pour les salariés des entreprises de moins de vingt collaborateurs l'avantage social du dispositif, c'est qu'il n'était pas si mauvais que vous le dites !
Si vous le considérez aussi mauvais que cela dans vos rangs, alors, vous violez votre parole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne reviendrai pas sur ce qui vient d'être très bien dit par M. Mariton.
Je suis pour ma part stupéfait par l'esprit partisan du raisonnement de M. le rapporteur général. Vous nous dites la main sur le coeur, monsieur Eckert, que les heures supplémentaires sont subventionnées par de l'argent public (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP), qu'elles sont subventionnées par la dette. Et vous nous expliquez que l'on ne peut pas subventionner les heures supplémentaires par l'argent public et par la dette. Si vous avez raison, monsieur le rapporteur général, pourquoi ne supprimez-vous pas les subventions faites d'argent public pour le fonctionnement du système des 35 heures ? (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Vingt milliards d'argent public sont consacrés au financement des 35 heures ! Pourquoi ce qui est vrai pour les heures supplémentaires ne le serait-il pas pour les 35 heures ? Si vous voulez tenir un raisonnement cohérent et logique, vous ne pouvez pas dire vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ! (« Très bien sur les bancs du groupe UMP.) Vérité pour les heures supplémentaires, erreur pour les 35 heures ou vice versa. Votre raisonnement n'est pas cohérent. Il vous revient de répondre à la question que je viens de vous poser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je partage le souci du ministre des comptes publics d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale, mais pas ainsi. Les députés de l'opposition se sont exprimés avec solennité, chacun avec ses mots, chacun avec les expériences qu'il a dans sa propre circonscription. Nous avons essayé de vous dire de la façon la plus solennelle et la plus explicite possible à quel point cette décision était grave. Nous voulons essayer de vous éviter une erreur majeure. Vous ne mesurez pas à quel point la situation sera explosive dans les entreprises si cette mesure sur les heures supplémentaires est votée. Vous faites d'une certaine façon d'une mauvaise pierre deux coups de poignard. (« Très bien sur les bancs du groupe UMP.)
C'est un premier coup de poignard pour les entreprises elles-mêmes, pour leur compétitivité, notamment pour celle des petites entreprises. On me citait récemment l'exemple d'une PME de 500 personnes – donc une grosse PME comme on aimerait en avoir davantage en France – qui verra augmenter de plus de 300 000 euros ses charges sociales. C'est tout simplement absolument insupportable. Vous affaiblissez les entreprises, mais également – second coup de poignard – le pouvoir d'achat des salariés. Ce que nous vous avons dit est véritablement grave et solennel. Mesurez-vous l'impact dans les entreprises de la mesure que vous êtes prêts à voter ce soir ?
Je suis quelque peu étonné : normalement, un orateur s'exprime sur chaque amendement. Mais si le débat est relancé, nous allons répondre.
Vous dites, monsieur Ollier, que les 35 heures coûtent 20 milliards. Soyez un peu sérieux. Le président de la commission des finances est présent. Les 20 milliards d'allégements de cotisations sociales, car c'est de cela qu'il s'agit, sont progressifs et sont le fruit d'une politique qui a commencé avec M. Juppé et qui s'est poursuivie avec nous quand nous avons voté les 35 heures…
Laissez-moi poursuivre, je vais entrer dans le détail. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous posez des questions, j'y réponds ! Cela a commencé, disais-je, avec M. Juppé, pour se poursuivre avec des allégements liés aux 35 heures, réduction du temps de travail supposant effectivement des négociations au sein des entreprises. Cela a permis de créer des emplois.
Plusieurs députés du groupe UMP. Non !
Je voudrais vous donner quelques chiffres. La France a créé, en un siècle, cinq millions d'emplois. Sur ces cinq millions d'emplois, deux millions l'ont été en cinq ans : de 1997 à 2002. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Je serais très intéressé que vous puissiez me prouver, un jour, que deux millions d'emplois ont été ainsi créés que ce soit en cinq, dix, vingt ou trente ans ! Cela ne s'est jamais produit à un autre moment dans notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Et vous parlez de compétitivité ! Puis-je vous rappeler quelque chose ? J'ai entendu M. Accoyer, ancien président de l'Assemblée nationale. De 1995, monsieur Accoyer – et je commence par 1995 pour vous montrer que je cite des chiffres et non des gouvernements spécifiques – de 1995 à 2003, la France avait entre un et deux points de PIB d'excédent commercial, c'est-à-dire, en milliards d'euros d'aujourd'hui, entre 20 et 30 milliards. Depuis 2004, elle n'a cessé d'en perdre.
Plusieurs députés du groupe UMP. À qui la faute ?
À qui la faute ? Aux 35 heures ? À cette époque-là, nous avions un excédent ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Non ! Le problème qui s'est posé, c'est que vous avez laissé se dégrader notre industrie : 750 000 emplois industriels ont été perdus en dix ans ! Tel est le bilan de votre politique ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Si la France, qui avait un excédent, a aujourd'hui 70 milliards de déficit quand l'Allemagne a 170 milliards d'excédent, c'est parce qu'il n'y a eu aucune politique industrielle efficace ! Pourquoi l'Allemagne a-t-elle un tel excédent ? Parce qu'elle s'est spécialisée dans des secteurs où la compétitivité-prix compte peu par rapport à l'efficacité économique et à l'innovation !
Voilà la vraie question de la compétitivité ! Vous savez très bien que le coût d'un emploi industriel est le même en France et en Allemagne : 33 euros. C'est connu de tout le monde et ce ne sont pas les cris qui changeront cette donnée !
Je vous rappelle que la durée hebdomadaire du travail dans notre pays est de trente-huit heures contre trente-cinq heures et demie en Allemagne.
Erreur ! Signet non défini.. Alors, oui, nous avons besoin de redresser notre structure industrielle. Oui, nous avons besoin de remettre de l'ordre ! Oui, nous avons besoin, s'agissant des heures supplémentaires, de supprimer un dispositif qui n'a aucune justification économique !
Il n'existe dans aucun autre pays ! Nos voisins n'ont pas ce dispositif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Les heures supplémentaires sont majorées parce que c'est juste pour le salarié et efficace pour l'entreprise.
Elles sont tout simplement majorées de 25 %. Aucun pays ne les subventionne comme vous l'avez fait. Cette politique idéologique n'a eu aucun effet sur l'emploi et sur le revenu ! Il est juste et nécessaire de supprimer cette mesure aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je trouve assez surprenant, quand j'entends les interventions de notre rapporteur général et de M. Muet, de constater combien les raisonnements sont à géométrie variable, pour ne pas dire instable. Ce n'est pas parce que l'on force la voix que ces raisonnements retrouvent de la stabilité. On nous a expliqué tout à l'heure que la défiscalisation et l'exonération de charges sociales des heures supplémentaires étaient financées par la dette. Oui, les 35 heures aussi et une bonne partie, hélas, de nos fonctionnaires, entre autres ! En effet, comme il y a un déficit, il est possible d'y concentrer chacune des mesures adoptées par un gouvernement dans son budget ; après tout, on peut toujours retrancher cela dans la deuxième partie !
Tout à l'heure, M. Muet ou M. Eckert nous a dit qu'en Allemagne le temps de travail avait diminué. Vous nous avez précédemment donné des leçons d'honnêteté intellectuelle : eh bien, par honnêteté intellectuelle, vous devriez reconnaître que quand le temps de travail a été réduit en Allemagne par « souplesse », pour s'adapter à la crise, les salaires ont aussi diminué !
Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !
L'instauration des 35 heures n'a pas entraîné de diminution des salaires. Elle a été payée entièrement par le déficit de la France, qui existait également à l'époque.
Enfin, je suis assez surpris de constater qu'au nom de l'effort juste, vous nous tenez ce raisonnement. Que voulez-vous cacher ? Après tout, vous le dites, et c'est vrai, les heures supplémentaires seront autorisées. Elles demeurent majorées. Les heures supplémentaires effectuées par les salariés les plus défavorisés, comme on l'a précédemment montré – à savoir 40 à 50 % d'ouvriers et la moitié des enseignants – n'étaient simplement pas soumises à l'impôt. Vous décidez désormais de leur faire payer des impôts. Il est inutile de vous abriter sous la subvention publique. Je pense d'ailleurs très franchement qu'ils ne vous entendront pas. La seule chose qu'ils constateront, qu'ils soient salariés du privé ou du public, c'est une feuille d'impôt supérieure pour un nombre d'heures supplémentaires identique à celui de l'an dernier. Je répète ma question parce que je pense que c'est une faille majeure de votre raisonnement. J'aurais aimé que le Gouvernement nous réponde sur ce point, mais il s'y refuse et je comprends bien sa gêne. Expliquez-moi, monsieur Muet, combien cette mesure créera d'emplois dans la fonction publique.
Vous supprimez les exonérations de charges, vous taxez les fonctionnaires et vous dites ne pas créer d'emplois publics ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Donc vous les taxez gratuitement, si j'ose dire, pas pour eux, mais pour le solde en emplois, car il n'y aura aucun emploi de plus ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je tiens à souligner la démonstration éclatante du rapporteur général (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et je vois bien, dans le même temps, vos réactions. Vous le savez, et chacun a pu le faire : quand on ne parvient pas à trouver une cohérence d'ensemble et que l'on ne réussit pas à expliquer un dispositif que l'on a mis en place, on cherche des cas particuliers et on essaie de les faire parler.
Jamais je ne vous ai sentis aussi proches des Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais, si vous retrouver dans l'opposition peut vous avoir au moins fait changer après le mépris que vous avez manifesté pendant cinq ans à l'égard des plus modestes, ce sera déjà un bon acquis, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En effet, pendant cinq ans vous n'avez défendu que ceux qui étaient présents lors de cette soirée originelle qui s'est passée dans un grand restaurant, pas très loin d'ici ! (Mêmes mouvements.) Je ne le dis pas pour l'anecdote. Ce n'était pas simplement un dîner. En effet, ce soir-là, le serment de ne jamais manquer aux plus privilégiés de notre pays a été prononcé par le gouvernement et sa majorité ! Et vous ne leur avez jamais manqué durant cinq ans ! (Mêmes mouvements.) Il y a quelques mois, dans cet hémicycle, vous avez même pu augmenter tous les impôts des Français : l'impôt sur le revenu, la CSG, la TVA, l'impôt sur les sociétés, et vous n'avez baissé alors qu'un seul impôt : celui sur la fortune ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'opposition peut avoir quelques vertus, mais elle ne doit pas vous faire oublier la politique que vous avez menée jusqu'à ces derniers mois. L'exonération d'imposition et de cotisation des heures supplémentaires s'est avérée injuste et inefficace. Une injustice car l'effort doit être partagé en période de crise et, lorsque des heures supplémentaires sont effectuées, il est normal qu'elles soient imposées et qu'elles génèrent des cotisations, alors que des millions de nos compatriotes cherchent du travail. Cette mesure a détruit plus de 100 000 emplois industriels, les rapports sont très clairs à ce sujet.
Notre politique, c'est de placer l'emploi, l'emploi et toujours l'emploi au coeur de tous les dispositifs. Pour cela, il faut recréer un environnement favorable. Vous le verrez : les mesures de ce collectif budgétaire permettront dès la rentrée parlementaire de dire aux Français qu'avec les contrats d'avenir, les contrats de génération et les mesures en faveur des PME, nous réorientons toute la politique qui a été injustement menée vers l'emploi et les besoins des Français.
Pour notre part, nous n'avons pas besoin de démontrer que nous prenons en compte les plus modestes et ceux qui constituent les classes moyennes dans notre société. Vous ne réussirez pas à leur faire croire à une conversion si rapide de votre part, alors que vous les avez méprisés durant cinq années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Le Roux, la ficelle est un peu grosse. Lorsque l'on n'a pas d'arguments pour justifier cette injustifiable attaque en règle contre les classes moyennes, on peut effectivement aller les chercher dans le passé. De telles postures confinent à l'imposture, vous le savez pertinemment.
C'est le registre que vous avez choisi parce qu'il est une chose que vous ne pourrez pas faire oublier, c'est que celles et ceux qui nous écoutent, en regardant leur fiche de paye ou leur feuille d'impôts l'an prochain, verront avec les charges sociales et la remise en cause de la défiscalisation qu'avec nous ils gagnaient plus, et qu'avec vous ils gagneront moins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Muet, il ne faut pas avoir la mémoire sélective, il faut tout dire. Entre 1997 et 2002, la croissance a été sans pareille. Qu'avez-vous fait de cette croissance ? Rien.
La réforme des retraites ? Un rapport, et rien d'autre.
La réforme de l'assurance maladie ? Rien.
C'est lorsque nous bénéficiions de cette croissance que vous auriez pu, au lieu de gérer cette avance, et l'on voit où cela vous a conduits, engager des réformes courageuses.
En politique, les choses sont simples : soit vous engagez des réformes pour réduire les dépenses et préparer l'avenir, soit vous augmentez les prélèvements et les impôts. C'est une spécialité socialiste d'augmenter les impôts et les prélèvements, vous ne dérogez pas à cette règle.
J'ai peu apprécié les propos tenus tout à l'heure par le rapporteur général. Ce n'est pas Mme Michu qui s'exprime, ce sont celles et ceux qui sont personnellement et directement visés par les mesures scélérates que vous êtes en train de prendre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Celles et ceux dont vous vous moquez vont perdre deux cents euros par mois, et vous n'avez pas à en parler ainsi, monsieur Eckert ! Vous en connaissez dans votre circonscription. Peut-être évitez-vous de croiser leur regard ou leur chemin, mais ceux-là savent pertinemment que nous les défendons. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Que cela vous plaise ou non, vous êtes certes majoritaires mais nous avons le droit d'exprimer nos convictions et de défendre les classes moyennes qui, par votre faute, vont gagner moins. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La présidente du Medef a déclaré : « Si une politique économique clairement favorable aux entreprises n'est pas clairement définie et n'entre pas en vigueur, les défaillances se multiplieront à un rythme tel que l'assiette fiscale globale des impôts et taxes se réduira comme peau de chagrin. Le risque que nous courrons alors ne sera pas celui d'une croissance faible mais d'une récession. Je le répète : la croissance passera par les entreprises ou ne sera pas. »
Mes chers collègues, arrêtons de dire que le Gouvernement crée des emplois. Où vous croyez-vous ? Ce n'est pas le Gouvernement qui crée des emplois, ce sont les entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Or est-ce que la mesure que vous voulez nous faire adopter va dans le sens d'une politique favorable aux entreprises ? La réponse est clairement négative.
Par ailleurs, la majorité socialiste devrait écouter davantage son aile gauche, et notre collègue communiste, auteur d'une excellente intervention, a rappelé que c'est aux salariés modestes et moyens que vous allez retirer 5 milliards d'euros de pouvoir d'achat. En êtes-vous conscients ? Vous essayez de masquer ces 5 milliards, par la méthode Le Roux, en disant que vous allez augmenter le prélèvement sur l'ISF. Très bien ! Cela concerne tout au plus 300 000 familles. Pensez-vous que ces 2,3 milliards enrichiront les 9 millions de salariés dont vous faites baisser le pouvoir d'achat de 430 euros en moyenne ? Monsieur Le Roux, un peu de sérieux !
Vous n'allez pas au bout de votre réflexion, car comment crée-t-on de l'emploi ? Croyez-vous que c'est vous qui le décidez ? Croyez-vous qu'avec les mesures que vous prenez, vous allez solidifier les entreprises ? Par exemple en commençant par leur retirer un certain nombre d'aides en matière d'emploi ?
Enfin, monsieur le rapporteur général, vos propos relatifs à M. Machin et à Mme Michu pour désigner les salariés modestes ne sont pas dignes du niveau de notre débat. Nous ne sommes pas à Bobino avec Thierry le Luron !
Chers collègues de l'opposition, je constate qu'en dépit des inexactitudes et des erreurs que vous avez énoncées cet après-midi, quelques vérités émergent néanmoins.
La première a été rappelée par M. Lagarde : on peut continuer à faire des heures supplémentaires dans ce pays. Oui, les entreprises pourront continuer à proposer à leurs salariés des heures supplémentaires. En revanche, nous proposons une utilisation efficace et juste de l'argent public, en particulier des 4,5 milliards d'euros pour lesquelles vous avez fait un chèque sans provision puisqu'ils ont été financés par de la dette. Ces 4,5 milliards d'euros seront alloués de manière beaucoup plus juste.
Je remercie également M. de Courson, qui exprimait hier le souhait de ne pas faire d'idéologie, et qui a reconnu que 440 000 équivalents temps plein auraient pu être dégagés.
Si, monsieur de Courson, c'est ce que vous avez dit puisque, de 2007 à 2011, aucune heure travaillée supplémentaire n'a été créée en plus.
Chers amis de l'opposition, vous invoquez la question du pouvoir d'achat. Sur ce point, la TVA sociale que nous venons d'abroger à l'article 1er de ce projet de loi de finances rectificative représente environ 400 à 500 euros de pouvoir d'achat en plus pour les ménages.
Si l'on se réfère au fameux tableau figurant à la page 89 du rapport, j'aurais aimé que le souhait de ne pas faire d'idéologie de M. de Courson atteigne la première de ses lignes. Elle concerne les déciles de niveau de vie les plus bas en termes de revenu. Dans ce premier décile, seul 13 % des personnes ont bénéficié des heures supplémentaires. Cela représentera pour elles un manque à gagner de 165 euros. Si l'on retranche ces 165 euros aux 500 euros gagnés par la suppression de la TVA, la différence est positive, et les Français vont bien bénéficier de pouvoir d'achat supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans sa fougue doctorale, notre collègue Alain Muet a commis une erreur que je qualifierai d'imprudence : il a évoqué les dispositions financées par la dette, et mis en avant les emplois générés durant le quinquennat de M. Jospin. Mais 500 000 de ces emplois, que vous aviez baptisés « emplois-jeunes », étaient en fait des emplois sans espoir que vous avez eu le culot de proposer à des jeunes sans leur dire que vous alliez les faire payer par leurs enfants et leurs petits-enfants ! Il était utile de le rappeler, et peu importe que M. Muet ne m'écoute pas, le compte rendu fera foi.
En second lieu, je voudrais appuyer les propos de Jean-Christophe Lagarde. Nous ne pouvons pas accepter le mépris du Gouvernement et du rapporteur général au sujet de la fonction publique. Aucune de nos interpellations sur ce sujet n'a reçu de réponse.
Nous entendons que le volume global de dépenses de salaires des fonctionnaires n'évoluera pas, nous entendons dire par la même occasion que le nombre de fonctionnaires restera inchangé, et qu'il y aura donc probablement un ralentissement dans le cours des carrières des agents dans les trois ordres de la fonction publique. Nous constatons que les fonctionnaires, comme les autres salariés, verront les avantages justes liés à la politique juste que nous avions mise en place en 2007 pour favoriser leur pouvoir d'achat, et je voudrais que le Gouvernement ainsi que le rapporteur général nous expliquent quelles perspectives sont offertes au monde de la fonction publique. Elle va être paupérisée par votre politique, expliquez-vous !
Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 259 à 494 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 265
Nombre de suffrages exprimés 265
Majorité absolue 133
Pour l'adoption 88
contre 177
(Les amendements identiques nos 260 à 494 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 143 .
Je veux souligner à mon tour le caractère désagréable et méprisant de l'absence de réponse aux questions que nous posons.
Je ne comprends toujours pas combien de créations d'emplois sont attendues de la fiscalisation des heures supplémentaires chez les fonctionnaires. J'aimerais que le ministre s'explique car je suis sûr que les 2 millions de fonctionnaires qui font des heures supplémentaires et qui vont devoir payer à nouveau des impôts seront intéressés.
Nous avons eu droit à un remarquable numéro de magie nous expliquant que la TVA qu'ils ne payaient pas et les impôts futurs qu'ils vont effectivement payer allaient leur faire gagner de l'argent ; nous verrons ce qu'il en est dans un an.
Pour ce qui concerne les fonctionnaires, j'aimerais que M. le ministre – si ce n'est par courtoisie républicaine, au moins pour éclairer les fonctionnaires qui peuvent nous écouter et nous lire – nous explique pourquoi il faut imposer les heures supplémentaires des fonctionnaires, puisqu'il prétend que cela va créer de l'emploi.
S'agissant de l'amendement que je présente, il s'agit de souligner qu'une limite a été fixée à vingt salariés pour le maintien des exonérations de charges sociales. Cette limite me paraît très arbitraire. L'une des carences dont souffre la France est l'insuffisance du nombre de PME. Cela joue sur nos capacités d'adaptation, sur notre croissance et sur nos emplois. Je ne comprends pas pourquoi le seuil a été fixé à vingt salariés, et c'est pourquoi je propose un certain nombre d'amendements. L'amendement n° 143 propose d'élever ce seuil à 500 salariés, qui correspond à l'élément de comparaison que nous utilisons le plus souvent avec nos partenaires allemands. Je sais que M. Eckert a pour habitude de prendre l'Allemagne en exemple lorsque cela le sert, puis de l'oublier. Ainsi il l'évoque s'agissant des heures supplémentaires, mais l'oublie à propos de la TVA sociale.
J'aimerais savoir pourquoi il ne faut pas fixer ce seuil à 500 salariés, à moins que le ministre ne nous réponde – ce qui serait après tout compréhensible – que ce seuil a été fixé à vingt salariés pour des raisons purement comptables, sans que cela soit soutenu par un raisonnement économique.
La commission a rejeté cet amendement au nom d'un principe simple, celui de l'égalité de la contribution des citoyens. Il ne serait pas conforme à ce principe constitutionnel d'adopter un amendement traitant différemment les cotisations sociales salariales en fonction de la taille de l'entreprise.
Cet amendement est rigoureusement inopérant, car il serait inconstitutionnel que vous fixiez le seuil à 20, 50 ou 100.
Je vais essayer de faire preuve d'un peu d'honnêteté intellectuelle,…
…et de répondre à Charles de Courson, qui m'a demandé quelles étaient les décisions du Conseil constitutionnel en la matière. Je vais lui épargner la lecture complète de ces décisions et le renvoyer aux références 2000-437 DC, 2007-555 DC et 2011-122 QPC. Il y trouvera les réponses à ses questions.
Enfin, pour mettre un peu d'ambiance dans l'hémicycle,…
…je précise à l'intention de ceux qui auraient été choqués par mon allusion à Mme Michu ou M. Machin que M. Machin est un arbitre de football parfaitement respectable et qu'il n'y avait aucun mépris dans mes propos.
Si cela a été perçu comme tel, je vous prie de m'en excuser.
Quant à Mme Michu, c'est une héroïne d'un roman de Balzac intitulé Une ténébreuse affaire. (Sourires.)
Mme Michu était une « belle blonde aux yeux bleus, faite comme une statue antique,…
…pensive et recueillie, elle paraissait être dévorée par un chagrin noir et amer. » Chacun y trouvera son compte : ceux qui aiment les blondes ou le chagrin amer. (Sourires.)
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Monsieur Lagarde, je vous prie de m'excuser si je vous ai donné l'impression de ne pas vouloir vous répondre. Tel n'était évidemment pas le cas car ce n'est pas mon style, ce dont vous avez pu vous rendre compte depuis quelque temps.
L'ensemble des salariés de ce pays sera soumis au même régime au nom d'un principe assez simple qui s'appelle le principe d'égalité devant l'impôt. C'est la raison pour laquelle les enseignants auxquels vous faites référence, mais plus généralement ceux qui relèvent de la fonction publique d'État feront l'objet de cette mesure, comme l'ensemble de nos concitoyens qui relèvent du secteur privé.
Au cas où vous auriez un doute, le Gouvernement donne un avis défavorable à l'adoption de vos amendements pour les raisons qui ont été maintes fois évoquées, et je regrette d'avoir à me répéter. (« Très bien » sur les bancs du groupe SRC.)
Cette mesure avait été prise avec un objectif qui n'a pas été atteint. Mais le coût de la mesure est bien celui qui avait été annoncé, entre 4,5 et 5 milliards d'euros, soit un montant considérable que, depuis 2007, l'État se doit d'emprunter pour pouvoir l'assumer. Je ne crois pas, mesdames et messieurs les députés, que nous puissions, en conscience, poursuivre à ce point une politique à crédit, à moins de nous engager tous à expliquer à nos enfants et à nos petits-enfants, en les regardant dans les yeux, que ces dettes, ce sont eux qui devront les acquitter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous pouvons accepter les excuses du rapporteur général. Son attitude l'honore, mais on peut souhaiter que « le chagrin amer » ne soit pas le destin de la France.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, comme vous êtes rigoureux, l'on peut entendre l'objection constitutionnelle que vous avez fait valoir à nos collègues Jean-Christophe Lagarde et Charles de Courson.
Si cette objection tient, pourquoi avez-vous dit exactement le contraire dans votre programme de la présidentielle et des législatives ?
Peut-être que notre assemblée et les Français ont le droit d'être éclairés. L'objection constitutionnelle que vous évoquez est recevable. Peut-être avez-vous raison. Peut-être êtes-vous de bonne foi et pouvons-nous reconnaître la qualité de votre analyse. Mais vous n'avez pas improvisé le programme présidentiel, pas plus que vos propositions au moment des législatives.
Dans ces conditions, pourquoi François Hollande et vous tous, collègues du groupe socialiste, avez-vous dit aux Français durant la campagne électorale que vous mainteniez l'avantage social pour les salariés des très petites entreprises ?
Soit vous avez raison quand vous parlez de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et alors vous avez menti durant les campagnes électorales. Soit vous n'avez pas menti, et aujourd'hui vous présentez un prétexte. Je crains que la première hypothèse ne soit la bonne.
Sans doute la jurisprudence va-t-elle dans votre sens. Mais, je vous en prie, dites-nous pourquoi ce que vous avez promis il y a quelques semaines, vous le violez si facilement, une fois l'élection passée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Cet article comporte trois ruptures d'égalité et non un seul.
Comment pouvez-vous expliquer que vous maintenez l'exonération des charges sociales patronales sur les salaires des entreprises de moins de vingt salariés et que vous la supprimez pour les autres tout en faisant l'inverse pour les cotisations des salariés ? Je ne comprends pas votre argumentation.
Vous diriez que pour les entreprises de moins de vingt salariés, vous maintenez les cotisations patronales et les cotisations salariés, on peut être pour ou contre. Mais, avec votre proposition, il y a une rupture d'égalité entre les entreprises et les salariés.
Vous aggravez encore votre cas avec l'impôt sur le revenu, en supprimant totalement l'exonération pour tout le monde, que l'on soit salarié d'une entreprise de moins de vingt salariés ou de plus de vingt salariés. La rupture d'égalité est manifeste.
Je consulterai, monsieur le rapporteur général, les références que vous avez citées mais, en tout état de cause, je pense que tout cela n'est pas cohérent. Supprimez tout et cela le deviendra.
Le deuxième problème, non négligeable, est celui des seuils. Dans le texte que nous avons adopté, notre rapporteur général devenu président de la commission des finances l'a rappelé tout à l'heure, nous avions différencié – 1,50, 0,50 – pour tenir compte du système dérogatoire dans la loi Aubry lorsque nous sommes passés aux trente-cinq heures. Il y avait une raison. Mais là, vous passez de 0 à 1,50. C'est là que se pose le problème constitutionnel.
Pourriez-vous vous expliquer sur les trois aspects de l'inconstitutionnalité de ce dispositif ?
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1.
Les arguments avancés par nos collègues sont certes intéressants, mais nous les avons entendus à de multiples reprises. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je doute qu'une fois la réponse donnée, cela s'arrêterait !
Permettez-moi de citer l'article 56, alinéa 2, de notre règlement : « Le président peut autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission. Lorsque l'avis du Gouvernement et celui de la commission sont identiques – ce qui est le cas –, un seul orateur peut être autorisé à répondre. »
Je m'étonne de constater que plusieurs orateurs se sont exprimés.
Je souhaiterais donc que nous respections cet article du règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Le Roux, je vous répondrai d'abord qu'en d'autres temps vous avez beaucoup apprécié que la présidence laisse chacun s'exprimer sur le fond dans le débat. Vous avez été les premiers à dire que, dès lors que vous jugiez n'avoir pas obtenu de réponse, il était important que vous puissiez reposer vos questions. C'est précisément ce qui se passe aujourd'hui.
Depuis que je préside, je précise que quatre orateurs socialistes ont demandé la parole sur cette série d'amendements. Parmi eux, M. Muet a parlé le double du temps qui lui était imparti, en dépit de quatre rappels de ma part.
C'est pourquoi je continuerai à présider calmement cette séance et je vais maintenant passer au vote.
La parole est à M. Philippe Vigier pour présenter l'amendement n° 144 .
Nous ne comprenons pas pourquoi il y a différentes strates d'entreprises. Les entreprises de moins de vingt salariés continueront de bénéficier de l'exonération des charges patronales et les salariés ne bénéficieront plus d'une exonération.
Nous ne comprenons pas l'engagement n° 34 de François Hollande sur lequel vous êtes revenus. Durant la campagne électorale, vous brandissiez le petit guide bleu, plutôt rose du reste, et maintenant, vous le reniez. Vous avez sûrement dû avoir un remords.
Ce matin, j'ai rencontré le responsable pour la région ouest des entreprises du GIFAM, groupement interprofessionnel des fabricants d'électroménager. Il m'a supplié de continuer à nous battre en faveur de la souplesse dans les entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.). Battez-vous, me disait-il, pour les heures supplémentaires. (Mêmes mouvements.)
Mes chers collègues, vous regardez le monde de l'entreprise, l'agriculture, le bâtiment, les travaux publics, de façon dogmatique, idéologique ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n'est pas bien ! Vous serez rattrapés par la question du pouvoir d'achat que notre collègue Nicolas Sansu a soulevée lorsqu'il a parlé…
…de l'augmentation de 0,6 % du SMIC. Le compte n'y est pas. Or les heures sup, c'est le pouvoir d'achat !
Monsieur le ministre, vous avez dit que l'on subventionne les heures supplémentaires avec de l'argent public. C'est vrai : 4,5 milliards d'euros.
Mais, monsieur le ministre, il y a quelques jours, lorsque le Gouvernement a décidé de dépenser 5 milliards d'euros – pour 100 000 personnes – sur cinq ans pour revenir sur la réforme des retraites, vous n'avez pas cillé une seule seconde !
Nous, nous préférons du pouvoir d'achat, aider nos entreprises, soutenir la compétitivité, plutôt qu'engager de nouvelles dépenses publiques de façon inconsidérée.
J'en profite pour répondre aux diverses interpellations car les amendements qui se succèdent sont en fait de même nature. Vous vous contentez de décliner le seuil d'application sur plusieurs montants, ce qui permet de déposer une dizaine d'amendements qui disent finalement la même chose.
Permettez-moi de penser tout seul, cher collègue.
Je souhaite reprendre la discussion sur le « plus de vingt » et le « moins de vingt », la partie salariale et la partie patronale.
J'ai expliqué que la jurisprudence du Conseil constitutionnel commande d'avoir pour l'ensemble de salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise, le même type de traitement.
Calmez-vous, je vous répondrai.
La décision est la même concernant l'impôt sur le revenu, mon cher collègue. Là aussi, il s'agit de l'égalité devant l'impôt. Là non plus, on ne pouvait distinguer les entreprises de moins de vingt et de plus vingt salariés.
Mais le Conseil constitutionnel a rendu un certain nombre de décisions. Lorsque la différenciation a une cause parfaitement déterminée, en l'occurrence le développement de l'activité des PME, seule la modulation des cotisations employeur peut correspondre à cet objectif.
Le Conseil constitutionnel est clair : pour la part salariale, égalité de tous, pas de possibilité de faire un saucissonnage – et ce n'est pas irrespectueux d'employer ce terme, je pourrais également parler de découpage.
Par contre, pour la cotisation employeur, il est tout à fait possible d'avoir ce type de distinction. C'est l'analyse juridique de votre rapporteur avec l'appui des services ; elle se réfère à une jurisprudence constante.
Le Gouvernement donne un avis défavorable à cet amendement et profite de l'occasion qui lui est offerte pour répondre à la question politique, exclusivement politique, aussi bien qu'à la question juridique, en tout cas en apparence.
Sur la question juridique, monsieur de Courson, vous ne contestez pas, me semble-t-il, que le principe d'égalité devant l'impôt – pour l'ensemble des salariés, quel que soit le nombre d'employés dans l'entreprise dans laquelle ils travaillent, qu'ils appartiennent à la fonction publique ou au secteur privé – commande que tous soient traités de la même manière. Vous contestez en revanche, en soulevant une éventuelle inconstitutionnalité, le fait qu'il puisse y avoir des seuils à l'exonération des charges sociales pour les entreprises. Je comprends mal cette question dans la mesure où la notion de seuils est parfaitement validée par le Conseil constitutionnel. Il existe de très nombreux seuils, comités d'entreprises ou non, en l'espèce exonération de charges ou non.
Cette différence établie entre les entreprises selon le nombre des salariés qui y travaillent est une différence ancienne. Gilles Carrez a indiqué d'où elle venait selon lui, quand je me suis permis de rappeler qu'en 2007 ce seuil a été sanctuarisé par la généralisation des 35 heures à toutes les entreprises par vos soins.
Je ne crois donc pas qu'il y ait de problèmes de constitutionnalité.
S'agissant de l'aspect plus politique de la question, monsieur Mariton, vous avez le droit d'avoir le souvenir qui vous convient de la campagne présidentielle. Je peux concevoir que si, en conscience, vous avez le sentiment que les choses n'ont pas été franches ou loyales, vous en éprouviez des regrets, de l'amertume, voire de la colère, comme il vous arrive de l'exprimer ces derniers temps depuis votre place. Je dois dire que je n'ai pas de souvenir aussi précis que le vôtre.
Et si vraiment cette question a l'importance politique que vous semblez lui accorder, alors, de la même manière que c'est le peuple qui s'est expliqué avec François Hollande en le choisissant, de la même manière, François Hollande devra s'expliquer devant le peuple. À cet égard, contrairement à vous, je lui fais confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je persiste à penser qu'il existe un problème constitutionnel, car si vous maintenez l'exonération de cotisations patronales pour les entreprises de moins de vingt salariés, c'est que vous pensez qu'elle a une efficacité économique. Sinon, vous la supprimeriez dans la logique de M. Eckert et surtout de M. Muet. Cela dit, M. Muet est un idéologue qui ne va pas jusqu'au bout de sa logique.
Il nous explique que tout cela ne sert à rien, sans pourtant appeler à supprimer les 40 milliards d'exonérations de charges.
En revanche, si vous supprimez l'exonération pour les cotisations salariales, c'est que vous estimez qu'elle n'a aucun effet sur comportement des salariés, ce que je ne comprends pas bien. Comme l'a rappelé tout à l'heure M. le rapporteur pour avis, la décision de créer des heures supplémentaires vient de l'entreprise, mais elle nécessite l'accord de tel ou tel salarié.
Bien sûr qu'il doit y avoir accord, puisqu'un salarié peut refuser de faire des heures supplémentaires.
Il faut donc qu'il y ait une incitation pour les salariés.
Cette discrimination selon le nombre de salariés pose un problème constitutionnel. De toute façon, il reviendra au Conseil constitutionnel de trancher.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 145 .
Madame la présidente, je dois dire que je suis assez inquiet : ou bien il s'agit d'un problème de cohérence du raisonnement, ou bien il s'agit d'un problème de constitutionnalité.
Monsieur le rapporteur général, je confesse volontiers avoir moins d'expérience que vous au sein de la commission des finances. Mais après avoir passé dix ans au sein de la commission des lois, je suis en mesure de constater que cet amendement n° 145 et les précédents sont quasiment identiques au texte présenté par le Gouvernement. Dans sa rédaction – « Dans les entreprises employant moins de 20 salariés, toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13 … » –, nous ne modifions que le nombre.
S'il est inconstitutionnel d'établir une différence entre les entreprises de moins de 500, de moins de 250, de moins de 100 et les autres, cela l'est tout autant pour les entreprises de moins de 20, à moins, monsieur le rapporteur général, que vous ayez usé d'un artifice pseudo-juridique pour éviter de répondre à la question de fond : pourquoi estimez-vous que seules les entreprises de moins de 20 salariés devraient bénéficier de ce dispositif, alors qu'une entreprise de 50 ou de 100 salariés peut être aussi considérée comme une petite entreprise ?
Et puis je veux vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir eu enfin la courtoisie de répondre à ma question sur les fonctionnaires. Puis-je vous sensibiliser au discours de M. Muet, votre ex-collègue ? Pour éviter la baisse de pouvoir d'achat qu'entraîne votre disposition, pourquoi ne pas mieux payer les fonctionnaires qui font des heures supplémentaires ? Si vous vous sentez constitutionnellement obligés de les imposer, faites en sorte au moins de neutraliser ce que vous allez leur infliger, sinon vous opérerez une saignée sur la fonction publique. M. Muet proposait de le faire dans le privé, pourquoi le refuseriez-vous dans le public ? L'égalité de traitement ne l'impose-t-elle pas ?
Cet amendement propose un seuil raisonnable, fixé à 100 salariés, disposition qui n'a rien d'inconstitutionnel, monsieur le rapporteur général, et qui permettrait d'élargir le potentiel de développement de nos PME alors que le tissu de ces entreprises n'est pas assez fort en France.
Monsieur Lagarde, je n'aurai pas la prétention – et je vous invite à faire de même – de juger de la constitutionnalité d'une mesure en lieu et place du Conseil constitutionnel.
Non, je vous ai dit que nous pensions que cette mesure serait frappée d'inconstitutionnalité. Mais si le Conseil est saisi,…
…il décidera. Je l'ai souligné à plusieurs reprises à propos d'un autre sujet tout à l'heure.
Vous pouvez décliner toutes sortes d'amendements autour des seuils : 50, 100, 150, 200, 250.
Je vais vous répondre mais je pensais que vous aviez lu mon rapport, excellent rapport,…
…et si je le dis, c'est qu'il est très largement l'oeuvre des services de la commission des finances…
Vous trouverez à la page 91 la justification de ce seuil de moins de vingt salariés. Le président de la commission et le ministre l'ont déjà évoquée. Nous pouvons discuter de son origine et de son lien avec les 35 heures. En tout cas, vous trouverez dates, montants et motivations précises. Vous comprendrez que nous n'avons pas créé un nouveau seuil mais que nous nous sommes appuyés sur un seuil déjà établi, qui n'a pas été jugé inconstitutionnel.
Avis défavorable.
C'est votre droit, pardon, votre privilège, de déposer et de défendre autant d'amendements que vous voulez en déclinant les seuils. Chacun jugera sous quel qualificatif cette technique parlementaire se range. Encore une fois, vous en avez le privilège, je ne vous le conteste pas.
Mais quel que soit le nombre d'amendements que vous déposerez à ce sujet, le Gouvernement en restera à la rédaction qu'il soumet à votre assemblée, c'est-à-dire au seuil de 20. Pourquoi ? Parce que c'est le seuil communément admis au-delà duquel on estime que les entreprises ne sont plus de très petites entreprises, mais des PME.
Cette explication vous satisfera, je l'espère. Vous pourrez donc retirer ou vous abstenir de défendre les amendements suivants, à moins que vous ne souhaitiez répéter des arguments déjà maintes fois exposés. L'explication que je vous donnerai sera toujours la même, ne m'en veuillez donc pas si je ne la répète pas chaque fois, sauf si naturellement d'autres parlementaires qui pourraient vous rejoindre me posaient la même question, auquel cas je leur répondrais bien volontiers.
Le Gouvernement donne un avis défavorable à cet amendement. Il pense avoir donné la raison qui justifie le choix de fixer le seuil à 20 salariés. Nous ne contestons d'ailleurs pas le fait que les entreprises qui sont en deçà pourraient avoir besoin de la souplesse à laquelle vous faites référence. La notion de seuil dans les entreprises est bien connue et tout à fait ancienne, elle n'encourt aucun risque de censure constitutionnelle.
J'ose espérer que la façon dont nous échangeons permettra de retrouver une ambiance plus traditionnelle pour l'examen d'une loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 145 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron