La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, de cinq projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux (nos 2344, 2355 ; 1339, 2254 ; 1340, 2255 ; 2057, 2300 ; 2147, 2356 ).
Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je mets directement aux voix l’article unique de chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (nos 2331, 2358).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est d’une heure et vingt-neuf minutes pour le groupe SRC, dont trente-sept amendements sont en discussion, une heure et trois minutes pour le groupe UMP, dont cinquante-sept amendements sont en discussion, trente minutes pour le groupe UDI, dont dix-sept amendements sont en discussion, vingt-huit minutes pour le groupe écologiste, dont quatorze amendements sont en discussion, vingt-deux minutes pour le groupe RRDP, dont sept amendements sont en discussion, trente minutes pour le groupe GDR, dont quatre amendements sont en discussion, et six minutes pour les députés non inscrits.
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 2.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, hier fut une funeste journée puisque vous avez organisé un découpage régional, dont on retiendra essentiellement qu’il s’est fait au détriment de régions à forte identité.
L’Alsace, aujourd’hui, risque de disparaître, en termes politiques comme administratifs, pour être fondue dans un ensemble manquant de personnalité et d’unité. Quant à la Bretagne, elle se voit privée du projet qui était le sien depuis longtemps, qui est le sien, de fait, depuis que la Loire-Atlantique lui a été arrachée en 1941. Voilà ce que l’on retiendra de la journée d’hier.
Aujourd’hui, nous abordons une autre question, celle des conséquences de votre découpage sur notre organisation et sur les chefs-lieux de nos régions, les capitales. Vous créez des régions qui regroupent parfois plusieurs anciens chefs-lieux. Mais, entre Toulouse et Montpellier, entre Rouen et Caen, ou entre Besançon et Dijon, comment se fera l’arbitrage ?
Par ailleurs, que deviendront les villes qui, de fait, verront sans doute disparaître leur fonction de chef-lieu ? Je pense à Amiens, qui pèsera peu face à la métropole lilloise. Je pense à Poitiers. Je pense aussi à Limoges, intégrée dans cette grande région que nous constituons autour de Bordeaux. À ma connaissance, il n’y a qu’un seul arbitrage qui ait été rendu – vous l’avez dit assez explicitement hier. Il concerne Strasbourg, qui deviendra la capitale du Grand Est à créer.
Face à cette difficulté, quelles peuvent être les réponses ? Une réponse de type jacobin serait assurément la pire : elle consisterait à créer de grandes régions, avec une seule capitale assumant la représentation de l’État et la fonction de chef-lieu pour la région. Tout le reste disparaîtrait, en étant en quelque sorte « sous-préfectoralisé ». Ce serait, me semble-t-il, la pire des réponses.
Je me permets de vous suggérer une autre réponse. Soyons intelligents et modernes. Imaginons que la fonction de chef-lieu soit répartie entre plusieurs sites : les moyens de la technologie moderne le permettent. Ainsi, dans les futures régions que vous avez dessinées hier, la fonction de représentation de l’État se trouverait dans un lieu et celle de capitale régionale, représentante des collectivités locales, dans un autre.
On peut aussi parfaitement imaginer que la fonction de représentation de l’État soit dissociée entre plusieurs sites : ainsi, le préfet de région pourrait se trouver dans un lieu, et l’agence régionale de santé – le préfet de région en termes sanitaires – dans un autre. Voilà autant de solutions, me semble-t-il, intelligentes et modernes.
De plus, les régions pourraient expérimenter plusieurs sites pour assumer la fonction de chef-lieu. Il n’y a pas de raison que tout soit concentré dans un même lieu.
Nous aurions là, me semble-t-il, des hypothèses de travail intéressantes, permettant de sortir d’une logique jacobine.
Regardez ce qui se passe dans d’autres États à tradition fédérale. On a souvent confié la fonction de chef-lieu non à la plus grande ville, mais à de plus petites villes. Prenons des cas extrêmes.
Vous me direz qu’ils sont bien lointains mais il faut parfois s’inspirer de l’extérieur : New York n’est ni la capitale du pays, ni même celle de l’État. On peut donc parfaitement imaginer que des fonctions diverses soient dispersées entre différents sites.
Vous me direz que tout cela est loin. Mais ce que je veux éviter, c’est « Paris et le désert français » ou « Toulouse et le désert environnant ». On peut parfaitement imaginer – la technologie moderne, une fois de plus, nous le permet – que cette fonction soit répartie.
L’une des premières conséquences de cette idée, si nous l’adoptons, est que Paris ne doit pas fixer les chefs-lieux, mais laisser l’initiative aux régions de décider elles-mêmes et d’expérimenter les solutions que j’esquissais. Je n’apportais d’ailleurs pas des réponses, mais seulement des hypothèses de travail. Laissons la possibilité aux régions de décider du devenir et du lieu où elles fixeront leur fonction de capitale.
Voila les quelques points sur lesquels je voulais insister dès l’article 2. Je reviendrai dans mes amendements sur les différentes solutions que je propose.
Nous abordons un sujet délicat puisque le choix du chef-lieu des nouvelles régions aura des conséquences – économiques, sociales – sur l’organisation-même des nouvelles régions. On ne part pas de rien, …
…d’une carte vierge où l’on pourrait décider de placer tel chef-lieu ou tel service dans une ville ou une autre. Des services sont déjà implantés. Aussi, nous ne pouvons pas faire comme si, aujourd’hui, les capitales régionales n’existaient pas car elles subiraient très concrètement les conséquences de la perte de leur statut de capitale régionale.
Aujourd’hui, ce statut, même pour une capitale qui n’est pas très forte sur le plan économique, entraîne une certaine attractivité, un certain rayonnement, ainsi que de nombreux emplois publics, avec des conséquences sur l’économie locale, notamment les emplois indirects.
On ne peut donc faire l’économie d’une étude d’impact sur les conséquences d’une suppression de ces capitales régionales. En effet, la fusion entre deux ou trois régions conduira à la disparition d’une ou deux capitales par région. Sans étude d’impact, on ne peut pas prendre des décisions qui pèseront lourdement sur l’économie de ces territoires.
Par ailleurs, une réflexion doit être lancée, parallèlement à celle sur la réforme de l’État et l’implantation de ses services : les deux vont nécessairement de pair. J’appelle votre attention sur la possibilité de réfléchir et de créer une intelligence collective – pourquoi, d’ailleurs, ne pas examiner les propositions de M. Le Fur ? – sur un tissu de villes, qui pourraient se développer de cette manière.
Surtout, n’oublions pas que, dans la situation actuelle, certaines capitales ont beaucoup à perdre. Envisager nécessairement la grosse ville ou la métropole de la région comme capitale régionale n’apporterait rien à cette dernière mais ferait perdre beaucoup à d’autres villes.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 76 , qui vise à supprimer l’article.
Cet amendement est en cohérence avec notre opposition à l’ensemble du projet de loi, en particulier à son article 1er. La discussion qui vient de s’esquisser prouve à nouveau que cette réforme et son découpage ont été improvisés.
En effet, on voit que dans bien des régions à venir, le choix de la capitale régionale n’a pas été fait. Cela donnera lieu à des débats, risquant d’entraîner des effets pervers, qui nous renforcent dans notre conviction qu’il n’était absolument pas urgent d’établir une nouvelle carte régionale.
Il eût plutôt fallu se concentrer sur l’essentiel : regarder comment aménager au mieux le territoire au sein de la République et donner à nos collectivités territoriales, qu’il s’agisse de la commune, des départements ou de la région, des moyens de développement, pour combler la fracture qui ne fait que s’accroître entre les différents territoires.
La parole est à M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, mais je voudrais profiter de son examen pour répondre à un certain nombre d’interrogations qui ont été formulées à la fois par Marc Le Fur et par Mme Pompili.
Pour ce qui concerne, tout d’abord, les chefs-lieux de région, vous savez quel est le dispositif que nous avons arrêté. Il ne ressemble pas du tout à ce que vous avez décrit, puisque nous souhaitons, en réalité, une large consultation des territoires et des assemblées délibérantes au moment de déterminer quel sera ce chef-lieu. Ce choix sera bien entendu l’objet d’un décret pris par l’État, mais après que cette consultation aura eu lieu. Et, d’ailleurs, il sera possible à la première assemblée plénière de la région nouvellement constituée de se prononcer en faveur d’un autre chef-lieu que celui qui aura été arrêté par voie réglementaire.
Le premier point sur lequel je veux insister, c’est donc qu’une large place sera faite aux territoires dans cette concertation, ce dialogue autour de la détermination du chef-lieu de région. Si c’est un texte de caractère réglementaire qui doit déterminer ce chef-lieu, nous considérons qu’il est tout à fait logique, souhaitable, normal que la question soit l’objet d’une large concertation, d’une large discussion dans les territoires.
Deuxième point, en ce qui concerne l’organisation de l’administration déconcentrée de l’État, vous avez raison de le dire, dès lors qu’on choisit telle capitale plutôt que telle autre dans des régions nouvellement constituées où il y avait plusieurs capitales régionales, cela entraîne mécaniquement des effets en termes d’emploi public, d’organisation de l’administration, etc. Cela doit bien entendu être pris en compte. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Thierry Mandon est présent ce matin. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons décidé d’associer largement les territoires à cette démarche également. Comment ? Trois exercices sont prévus. Le premier, c’est ce qu’on appelle la revue des missions, qui doit conduire l’administration centrale de l’État, autour des secrétaires généraux des ministères, du secrétariat général du Gouvernement, du ministère de l’intérieur et du secrétariat à la réforme de l’État, à définir ce qui restera dans les administrations centrales et ce qui sera délégué aux administrations déconcentrées.
Deuxième exercice, nous ferons une charte de la déconcentration.
Troisième exercice, nous engagerons, à la faveur de cette réforme, une grande réorganisation de l’administration régionale, négociée avec les territoires. Nous allons d’ailleurs rencontrer les associations d’élus prochainement, pour que les études d’impact soient menées au niveau des territoires, en très étroite liaison avec les élus. La préoccupation que vous exprimez à l’instant sera très donc largement prise en compte.
Je ne voudrais pas prolonger ce débat, mais la réponse très intéressante que vous venez de faire, monsieur le ministre, m’amène à vous demander une précision complémentaire à propos des nouvelles modalités d’organisation de l’État déconcentré, que vous venez d’évoquer. L’approche de l’État sera-t-elle partout la même ou bien des différenciations régionales seraient-elles possibles, compte tenu du fait que, en ce qui concerne les services de l’État, il pourrait y avoir, dans telle ou telle région, des redondances qui ne seraient pas les mêmes que dans telle région voisine ? En d’autres termes, l’uniformité qui préside généralement aux formes organisationnelles de l’État pourra-t-elle laisser place à une certaine forme de diversité, liée à des organisations régionales elles-mêmes différenciées ?
Des principes généraux seront définis par les deux exercices de la revue des missions et de la charte de la déconcentration, mais ils seront l’objet d’une adaptation à chaque situation locale. C’est la raison pour laquelle, avec Thierry Mandon, j’ai demandé aux préfets de région, auxquels un mandat de négociation a été confié, d’engager, territoire par territoire, une discussion avec l’ensemble des élus et des présidents des grands exécutifs locaux, pour arrêter la carte des implantations des services publics, je pense notamment aux sous-préfectures et aux maisons de l’État. Il s’agit de faire en sorte que ce soit au terme d’une discussion que l’administration déconcentrée de l’État définisse son organisation.
Il y a donc des principes généraux, qui respectent le principe d’unité et d’indivisibilité de la République, le principe d’égalité aussi, et une adaptation de ces principes généraux aux territoires, qui justifie que nous confiions un mandat de négociation aux préfets de région.
Je vous ai écouté, monsieur le ministre de l’intérieur, avec beaucoup d’attention, et votre argumentation est effectivement très intéressante, puisque vous partez des principes généraux et puis, ensuite, vous parlez de possibilités d’adaptation en fonction des territoires. Permettez-moi de vous le dire ce matin, alors que nous entamons la discussion de l’article 2, j’aurais aimé que vous reteniez cette argumentation lorsqu’il s’agissait, effectivement, d’aborder le cas de l’article 1er.
Il y a effectivement unité et indivisibilité de la République, vous venez de le rappeler à l’instant, mais cette unité et cette indivisibilité ne sont pas incompatibles avec l’existence d’une certaine différenciation, avec une certaine diversité. Vous voyez bien que l’un et l’autre ne sont pas inconciliables. C’était d’ailleurs dans cet esprit que nous avions défendu cette proposition d’expérimentation d’un conseil unique d’Alsace.
Vous savez très bien, monsieur le député, que ce que je viens d’indiquer là a été mis en oeuvre dans la région Lorraine et dans la région Alsace avant même que la réforme territoriale ne soit engagée, puisque j’ai confié aux préfets Bouillon et Meddah un mandat de négociation qui a conduit à la définition d’une nouvelle carte des implantations de l’État en Alsace et en Moselle, qui a été très étroitement négociée avec vous, et qui permet à ces deux régions d’être à la pointe de la modernisation de l’administration de l’État. Donc non seulement nous tenons compte de ces spécificités mais, pour ce qui concerne l’Alsace et la Moselle, la modification de la carte des implantations de l’État est déjà actée au terme de l’expérimentation dont je viens de parler à l’instant. Et cette nouvelle carte a été rendue publique, vous le savez, à ma demande, par le préfet Bouillon au début du mois de juillet.
Je souhaite juste avoir deux précisions.
La première porte sur cette nouvelle carte de l’implantation des services de l’État. Je pense, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, qu’il serait logique, dès lors que c’est l’un des objets de cette réforme, que cela se fasse à coût constant, en tout cas sans augmentation de coût pour l’État, notamment sans augmentation des dépenses de fonctionnement. C’est un point important. Au mieux, cela se ferait avec une réduction de la dépense.
Deuxième chose, dès lors que nous parlons de la délimitation de nouvelles régions et que nous évoquons ces nouvelles régions, je souhaiterais que vous puissiez préciser que les régions dont le périmètre n’est pas concerné ne sont pas visées par cette nouvelle répartition des services de l’État. Cela me semblerait logique.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous entrons ici dans un débat qui est extrêmement important, puisqu’il s’agit des conséquences d’une réforme, qui en aura, et dont nous sommes décidés, nous, élus, qui l’approuvons plus ou moins, à accompagner sérieusement sa mise en oeuvre.
Ma question porte sur la répartition géographique des services publics de l’État et non pas sur les missions qui seront celles des territoires éventuellement à géométrie variable. Madame Pompili, vous avez dit tout à l’heure qu’il faut tenir compte des futurs anciens chefs-lieux de région, qui seront privés d’un certain nombre de leurs prérogatives, donc de leur rayonnement économique, mais le problème va bien au-delà. Vous avez pris le cas d’Amiens. Il a été beaucoup question, hier soir, de la région Picardie mais je m’autorise à en dire un mot maintenant puisque je ne suis pas intervenue dans le très long débat de cette nuit, qui portait sur le périmètre des régions. Des parties entières de la région Picardie sont totalement excentrées par rapport à Amiens. Savez-vous que pour aller à Amiens en train depuis Soissons, qui n’est pas une ville complètement négligeable, pour rejoindre, donc, la capitale régionale, il faut passer par Paris ?
Il y a donc, dans cette région, des territoires qui sont excentrés, qui comptent justement parmi ceux fléchés – je parle du Soissonnais, fléché à ma demande, d’ailleurs – comme des territoires en mutation économique, parce que spécialement fragiles, avec 40 % d’emplois industriels perdus ces dernières années.
Par conséquent, la question que je vous pose, monsieur le ministre, est tout à fait précise : avez-vous prévu de faire quelque chose pour des territoires qui sont déjà enclavés, si je puis dire, compte tenu des chefs-lieux actuels, et qui le seront doublement ? Je parle du Soissonnais, c’est-à-dire de toute une partie du sud de l’Aisne, mais, puisque je vois que mon collègue Krabal est présent, cela vaut aussi pour Château-Thierry, réserve faite des infrastructures, qui ne sont pas les mêmes.
Je considère pour ma part que, lorsque des territoires comme ceux-là iront rejoindre, si j’ose dire, une capitale beaucoup plus lointaine encore, il y aura lieu à des compensations. Celles-ci pourront prendre la forme d’une meilleure répartition géographique des services. On peut très bien imaginer qu’un service déconcentré de l’État soit situé à Laon, chef-lieu du département, à Soissons ou dans d’autres localités assez importantes de ce département. Cela peut aussi prendre la forme d’une meilleure vision des infrastructures, car, et ce sera ma dernière intervention sur cette question géographique, la ville de Soissons est la seule ville à cent kilomètres de Paris qui ne bénéficie ni d’autoroute, ni de TGV, ni d’une deux fois deux voies achevée, puisque la RN2 est encore dans un état lamentable, qu’on appellerait un état futur d’achèvement s’il s’agissait d’un immeuble… Dans ces conditions, je pense, monsieur le ministre, que, pour les territoires qui vont doublement souffrir en raison d’un nouvel enclavement, il y a matière à une réflexion sérieuse, il y a même lieu de faire quelques promesses en vue d’une meilleure répartition des services de l’État, en leur faveur, ainsi que d’un achèvement des infrastructures lorsqu’aucune infrastructure digne de ce nom ne les dessert encore, qu’il s’agisse de les relier à leur future capitale ou à la région Île-de-France elle-même.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il est bien certain que pour les populations, le choix du chef-lieu, le choix de la capitale va être essentiel et que c’est en fonction de ce qui sera ressenti comme juste ou injuste que cette loi sera une réussite ou non.
Mettons bien les choses au point. Il est absolument nécessaire que l’État prenne des initiatives et vous avez parfaitement raison, monsieur le ministre, de donner un mandat de négociation aux préfets de région. Il était temps ! Il est effectivement nécessaire que l’État soit exemplaire dans ses choix et qu’il soit possible de rassembler à la fois les services et les élus. Les uns et les autres travaillent en continu avec le préfet de région, à ce niveau.
Deuxième chose, il n’y a pas de règle qui soit unique. Et je pense véritablement que c’est un déjeuner à la carte qu’il faudra faire, afin de respecter, bien évidemment, l’aménagement du territoire. Celui-ci est à deux niveaux, on vient de le voir : avec la région et, maintenant, à l’intérieur de la région. Il faut effectivement aller au plus fin. On le voit bien, selon les attributions qui seront définies, selon les choix qui seront faits, eh bien, cette loi sera une réussite ou pas. Alors j’insiste vraiment beaucoup auprès de vous, monsieur le ministre qui, je le sais, connaissez parfaitement cette question, pour que l’État joue tout son rôle. Il s’est cantonné beaucoup trop longtemps dans une attitude de neutralité. Il attendait la carte des régions, c’est une évidence, mais il faut maintenant aller de l’avant.
J’entends bien que vous exprimez, monsieur le ministre, une volonté de concertation avec les chefs-lieux en devenir ; j’en suis particulièrement heureux. J’entends que ce sont les territoires qui devront choisir, c’est bien, mais j’aurais tellement préféré qu’il en soit de même pour les périmètres !
J’entends ma collègue Bechtel, qui exprime avec force les inconvénients que ça va entraîner pour les habitants.
Cela sera pire qu’avant ! Imaginez : certaines personnes mettent déjà trois heures pour aller à Amiens ; combien de temps leur faudra-t-il pour aller à Lille ?
Quand nous discutions de ce projet de loi, on nous disait : « cela ne changera rien à la vie des gens, cela sera comme avant. » Eh bien non, cela ne sera pas comme avant !
Il est donc juste de demander des aménagements pour le choix du chef-lieu de région, ainsi que des compensations, mais cela ne réglera pas le fond du problème, cela n’empêchera pas certains territoires d’être très éloignés de leur chef-lieu de région !
Monsieur le ministre, je vous ai bien écouté hier lorsque vous avez parlé des complémentarités entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Je vous ai d’ailleurs questionné, au cours de la discussion générale, sur ce sujet. Vous avez parlé, plus précisément, des infrastructures. Pour le Nord, il y a l’autoroute A1, l’A16, le TGV Nord, mais pour ce qui concerne le département de l’Aisne, c’est l’autoroute A4 et le TGV Est ! Oui, il faut se poser des questions, mais il faut aussi aller plus loin quand certains territoires ne sont pas à leur place dans ces grandes régions, afin que la vie des gens ne soit pas pénalisée. Pour donner du sens à cette réforme, il faut clarifier le droit d’option – nous en débattrons tout à l’heure. Quoi qu’il en soit, il est dommage que la concertation n’ait pas eu lieu au moment du choix des périmètres.
L’amendement no 76 n’est pas adopté.
Monsieur le ministre, je retiens de votre propos des éléments positifs. Premièrement, vous envisagez une large concertation. C’est bien la moindre des choses !
Je mets néanmoins cela à votre crédit.
Deuxièmement, vous nous indiquez que cette concertation se fera dans un esprit de simplification. À ce sujet, je salue M. Mandon, secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification ; je sais qu’il a entrepris un travail efficace. Je crois que c’est une bonne chose : nous devons, à nouveau, nous interroger sur l’organisation de l’État, sur les fonctions respectives de l’État et des collectivités territoriales, sur les doublons entre niveaux d’administration, bref, sur l’efficacité de notre administration. Toutes ces questions sont utiles, et positives.
Un troisième élément m’inquiète un peu plus. Vous nous rappelez qu’il faut préserver l’unité de la République : personne ici n’en disconvient, bien entendu. Mais la République, c’est comme la grammaire française : elle accepte des exceptions ! La République accepte des singularités depuis longtemps : ce n’est pas récent. J’ai évoqué la singularité de l’Alsace, qui est lointaine, celle de l’outre-mer, qui est ancienne, celle de la Corse, qui est confirmée. Il faut aussi mentionner la singularité de la métropole de Lyon et du département du Rhône : les élus de ce secteur ont entrepris des choses intelligentes, qui ont finalement été validées par l’État. Acceptons les singularités ! Acceptons les exceptions ! Nous, en Bretagne, nous revendiquons non seulement l’expérimentation, mais aussi l’exception, si tant est que ce soit bon pour l’intérêt général. Il faudra, bien entendu, que ces exceptions soient validées, mais elles doivent être possibles.
J’en reviens à la question des capitales régionales, qu’il faudra choisir. Je regrette qu’on en reste au principe de l’unicité de ces capitales régionales. On peut parfaitement imaginer des solutions diverses ! Concrètement, que se passera-t-il pour des villes comme Amiens, Clermont-Ferrand, Besançon, Limoges ou Poitiers ?
Une question se posera très clairement pour les fonctionnaires. Elle n’est pas illégitime, car ils seront déplacés, mutés, et leurs familles devront suivre. La population de ces villes va donc décroître, c’est un fait. Cela ne concernera pas des dizaines, ni même des centaines, mais des milliers de personnes !
Une autre question se posera à propos de l’efficacité des services. Benoist Apparu l’a très bien dit hier soir : pendant un certain nombre de mois, au moins, l’essentiel de l’énergie des fonctionnaires sera absorbée par leur transfert, leur installation dans leurs nouveaux locaux, la définition d’une nouvelle organisation… Autant de temps perdu ! Le temps compte, pourtant, dans la période actuelle, qui est très difficile sur le plan économique. Je le répète : l’essentiel de l’énergie de ces fonctionnaires sera consacré – c’est logique ! – à autre chose qu’à l’accomplissement de leurs missions premières.
Je crois donc que le principe d’une capitale, d’une préfecture, d’un chef-lieu unique est une mauvaise idée. Des répartitions plus intelligentes, plus modernes, peuvent être imaginées.
D’autres questions, encore, se poseront pour les populations. Les interventions de nos collègues de l’Aisne le prouvent : le chef-lieu de région sera, pour un certain nombre de populations, plus éloigné que Paris !
Le propre de la région, pourtant, c’est la proximité ! Les habitants du sud de l’Aisne seront plus proches de Paris que de Lille ; de même pour les habitants de l’Oise, du fait de leur vie quotidienne. La question se pose, en termes analogues, pour une partie de la Haute-Normandie, qui risque aussi de se retrouver dans une situation compliquée. Ces populations ne pourront pas comprendre les questions qui leur seront posées.
J’y insiste : le propre de la régionalisation, c’est de créer un phénomène de proximité.
Quand cette proximité est niée par l’organisation administrative, il y a une contradiction, qu’il faudra résoudre. Monsieur le ministre, je vous propose une solution : abandonner la notion de chef-lieu de région unique, et permettre d’imaginer des solutions variables. L’État pourrait par exemple fixer son chef-lieu à un endroit, et la collectivité à un autre. Les fonctions attribuées aux chefs-lieux pourraient elles-mêmes être réparties entre différentes villes : l’Agence régionale de santé, par exemple, pourrait ne pas être située dans la même ville de la préfecture de région. Que Serge Grouard, le maire d’Orléans, me pardonne : des évolutions intelligentes de cette nature pourraient même avoir lieu dans les régions qui ne sont pas concernées par le redécoupage.
La Bretagne, par exemple, est très attachée à ses multiples métropoles. Nous en avons, de fait, trois ; on nous prive de l’une d’entre elles, puisque Nantes n’est pas, hélas, dans la Bretagne administrative, mais nous en gardons deux : Brest et Rennes.
Nous voulons garder un équilibre entre ces métropoles ! Nous voulons également que les villes intermédiaires, moyennes, voire petites, assument certaines fonctions, et participent à ce concert qui devrait nous rassembler plus que nous diviser.
Telles sont, monsieur le ministre, les questions que je me permets de vous poser. Je vous vois lever les yeux au ciel : non, monsieur le ministre, la solution moderne n’est pas de se limiter à un chef-lieu unique ! La solution moderne, c’est de permettre aux régions de s’organiser comme elles l’entendent, y compris en répartissant les fonctions de la capitale régionale entre différents lieux. Ainsi, chacun s’y retrouverait du point de vue pratique, et l’équilibre auquel nous sommes attachés – du moins, un certain nombre d’entre nous – serait préservé.
Je souhaite poursuivre l’argumentation de Marc Le Fur. Il faut adopter une autre vision. Jusqu’à présent, une vision très centralisatrice, jacobine, dominait. Cette vision se retrouve transposée à l’échelle régionale : le raisonnement tenu à propos de la centralité de Paris est transposé au niveau des capitales des nouvelles régions. Je remarque que votre état d’esprit n’est pas le même que celui auquel nous avaient habitués les lois de décentralisation – je pense aux lois Defferre et Mauroy, pour citer deux textes agréables à la majorité actuelle.
Je reviens sur une question précise : la constitutionnalité de ce projet de loi. Vous vous êtes exprimé hier soir sur cette question, monsieur le ministre, et m’avez répondu sur un point, mais je ne partage pas votre avis. Notre désaccord portait sur la question suivante : faut-il, ou non, une consultation préalable, même formelle, des collectivités concernées ?
J’ai un autre argument à avancer en matière de constitutionnalité. Vous le savez, l’un des grands principes posés par notre Constitution est la libre administration des collectivités territoriales. Or les régions actuelles existent au sein de la République : elles ont une réalité juridique. Vous voulez supprimer des régions et en créer d’autres – juridiquement, c’est bien de cela qu’il s’agit – : je pense qu’une loi simple n’y suffit pas.
Cela n’a rien à voir avec le principe de libre administration des collectivités territoriales !
Cette question mérite une attention toute particulière : nous devons connaître les éléments juridiques qui vous ont guidés dans l’élaboration de ce texte. Il y a, là aussi, une faille juridique importante.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Sourires.
Je me permets de suggérer un certain nombre d’hypothèses de travail. Les choses sont claires : si l’on s’en tient au principe « une région, un chef-lieu », on suscitera des frustrations gigantesques, des problèmes multiples. Je crois, au contraire, qu’il faut adopter une logique de partage des fonctions du chef-lieu, à la fois entre l’État et la collectivité territoriale, et entre les différentes villes concernées de la collectivité.
Vous évoquiez l’enthousiasme que soulèverait cette nouvelle carte ; je crois, au contraire, qu’elle causera des mécontentements. Que se passera-t-il à Limoges ? À Poitiers ? À Besançon ? À Clermont-Ferrand ? Cette dernière ville accueille l’une des plus grandes entreprises de notre pays ; demain, elle ne sera plus chef-lieu de région.
Je vous invite donc, monsieur le ministre, à trouver des solutions modernes, adaptées, et à ne pas choisir de rassembler toutes les fonctions du chef-lieu au même endroit.
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 175 .
Il existe des amendements de repli, des amendements d’appel ; celui-ci relève de ce que j’appellerai les amendements de regret.
Sourires.
Je regrette que le Gouvernement n’ait pas choisi, pour mener cette réforme importante, une méthode plus inductive. Une démarche ambitieuse de regroupement des départements deux à deux, pour arriver à un nombre d’une soixantaine de départements, aurait pu être choisie. Elle aurait permis de tenir compte de l’évolution des grandes infrastructures, ainsi que des spécificités du numérique. Il n’aura échappé à personne que la jonction entre les différents points du département ne se fait plus à cheval ; elle ne se fait pas toujours en train, ni en voiture ; désormais, elle se fait aussi par le numérique.
Si nous étions partis de cette méthode inductive, nous aurions pu aboutir à un résultat préférable. Cette idée traîne d’ailleurs, si j’ose dire, depuis les années 1950. Elle avait été proposée par Michel Debré ; il s’était heurté à une violente opposition. Je pense, pour ma part, que notre époque est mûre pour cette réforme.
J’ajoute, puisque je n’ai pu être présente avant-hier dans l’hémicycle pour défendre un amendement que j’avais déposé, qu’à mes yeux, cette méthode inductive de réforme des départements aurait dû être complétée par une méthode de révision des régions ne portant pas sur leur périmètre, mais les incitant à coopérer entre elles. Les nouvelles compétences exclusives confiées aux régions en matière d’économie et d’infrastructures auraient ainsi été conditionnées au développement de la coopération institutionnelle interrégionale. Cela aurait permis de consolider des initiatives existantes, de les porter vers le haut. Cela aurait aussi permis d’éviter les dissensions entraînées par le redécoupage au sein des élus et des populations.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, pour des raisons que je développerai brièvement.
Je répondrai d’abord à M. Le Fur. Monsieur le député, vous raisonnez de la manière suivante : « il faut répartir les fonctions de manière équilibrée, en suivant les principes de l’aménagement du territoire, et en permettant aux collectivités territoriales de se prononcer elles-mêmes : il faut donc supprimer la notion de chef-lieu, car cette notion même bloque la possibilité d’une concertation. » Or ce n’est pas le cas ! Vous proposez une mesure lourde pour autoriser quelque chose qui est déjà possible. Aujourd’hui, en effet, la notion de chef-lieu permet simplement de déterminer les conditions dans lesquelles s’exerce le contrôle de légalité. Elle désigne le lieu où s’établit le centre de la région. Cela n’empêchera pas les régions nouvellement constituées, en lien avec l’État, de répartir les services entre différentes villes, pour respecter les logiques d’aménagement du territoire et d’équilibre territorial.
Je veux que cela soit bien inscrit au compte rendu des débats : il est possible, tout en déterminant un chef-lieu de région, de répartir les administrations territoriales de l’État au sein de la nouvelle région, pour prendre en compte toutes les préoccupations que vous avez exprimées, monsieur le député.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous laissons aux territoires une marge de manoeuvre dans la concertation et la discussion pour déterminer le chef-lieu et que, par ailleurs, nous donnons un mandat de négociation au préfet de région pour définir, en lien avec les territoires, les conditions dans lesquelles se répartissent les administrations déconcentrées de l’État dans le périmètre des régions nouvellement constituées.
Exactement ! Aussi, je pense qu’il n’est pas nécessaire de créer…
Dans les régions dont la carte n’a pas été modifiée, s’agissant des implantations infradépartementales, un mandat de négociation sera donné au préfet de région pour créer des maisons de l’État et moderniser le réseau des sous-préfectures, afin qu’elles ne soient pas privées des occasions de modernisation des implantations de l’État que sont la simplification, la numérisation, la prise en compte des évolutions démographiques, etc.
Ces sujets peuvent être pris en compte dans le mandat de négociation par les préfets de région, pour éviter que des régions dont le périmètre n’a pas été modifié, comme la Bretagne, se voient privées de la possibilité de faire monter en gamme leurs services publics ou l’organisation territoriale de l’État dans les prochains mois ou années.
En second lieu, le sujet de la constitutionnalité de la modification du périmètre régional a été évoqué, notamment par M. Hetzel. La libre administration des collectivités locales ne prive pas le législateur de la possibilité de définir un nouveau périmètre pour les collectivités territoriales existantes. Tel n’est pas l’esprit de l’article 72 de la Constitution. Au contraire, celui-ci donne au législateur la possibilité, dans le respect du principe de libre administration des collectivités locales, de procéder à la modification du périmètre des collectivités existantes. Je ne suis donc pas d’accord avec l’interprétation de ce principe par M. Hetzel. J’ai déjà eu l’occasion de lui répondre sur ce point et je lui confirme ma position, dont je suis certain de la conformité juridique. Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à ces amendements.
Monsieur le ministre, vous avez insisté à plusieurs reprises sur le mandat de négociation dont les préfets de région vont disposer. Pourriez-vous préciser quel mandat le Gouvernement donnera aux préfets ? En vous écoutant, on a le sentiment – mais j’espère me tromper – que vous allez donner un mandat aux préfets pour installer des maisons de l’État destinées à compenser la suppression d’un certain nombre de sous-préfectures, ce qui serait évidemment un recul extrêmement grave.
Pour ce qui concerne l’organisation des services déconcentrés de l’État, je donne quelques chiffres : plusieurs milliers d’emplois ont été supprimés dans l’administration déconcentrée de l’État, dont 600 lors des trois dernières années. Cette année, le budget du ministère de l’intérieur présenté au Parlement prévoit la suppression de 180 emplois. Grâce au travail extrêmement fin que nous avons réalisé, ces suppressions sont rendues possibles par la création de plates-formes interdépartementales de services publics.
Je prends un exemple très concret concernant la région Picardie : nous avons lancé une plate-forme interdépartementale de naturalisation, qui permet de gagner des emplois équivalent temps plein sans remettre en cause en aucune façon les services publics de proximité. Au contraire, cela permet de dégager des marges de manoeuvres pour les renforcer.
Avec Thierry Mandon, nous nous rendrons dans l’ensemble des territoires pour accompagner la réforme de l’administration déconcentrée de l’État et la création de ces plates-formes de mutualisation, qui, grâce à la simplification et la numérisation, permettront de moderniser l’administration de l’État et d’améliorer les services publics, sans porter atteinte à la proximité.
Par ailleurs, point extrêmement important, ce que nous faisons au plan infradépartemental avec les maisons de l’État et les sous-préfectures est destiné, en lien avec les élus, à déployer les services publics là où les personnes en ont le plus besoin. Ainsi, la carte des sous-préfectures sera bien modifiée et certaines d’entre elles seront bien supprimées, mais pour créer des maisons de l’État permettant de renforcer la proximité et les services publics là où les gens en ont le plus besoin. Avis défavorable.
L’amendement no 175 n’est pas adopté.
La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement no 69 rectifié .
Il vise à éviter que le choix du chef-lieu provisoire par le Gouvernement soit l’objet de polémiques, en prévoyant de choisir comme chef-lieu provisoire le plus petit des chefs-lieux des régions regroupées, ce qui permettra la tenue des concertations sur la détermination du nom et du chef-lieu définitifs au cours de l’année 2015. Par la suite, le conseil régional élu en décembre 2015 pourra ainsi se prononcer de manière éclairée, au cours du premier trimestre 2016, sur la localisation du chef-lieu et le nom de la nouvelle région.
C’est une pratique respectée par l’État en cas de fusion de tribunaux, comme j’ai pu le constater lors des quatre fusions de tribunaux de commerce dans mon territoire. Un tel amendement permettrait aux choses de bien se passer, ce que nous souhaitons tous.
La commission réunie sur le fondement de l’article 88 a émis un avis favorable.
Le Gouvernement est parfaitement conscient que le consensus sur le chef-lieu sera difficile à trouver, notamment dans une région que nous connaissons bien, monsieur le député. Nous avons donc choisi de proposer la détermination d’un chef-lieu à titre provisoire, après une consultation la plus large possible des collectivités territoriales concernées.
Votre amendement écarte la consultation des régions regroupées pour ne conserver que celle de la commune envisagée comme chef-lieu provisoire, en fixant comme règle que la plus petite des communes exerce ce rôle. Il ne paraît à ce stade ni nécessaire, ni souhaitable de préjuger du choix des chefs-lieux provisoires.
Par ailleurs, votre amendement prévoit une consultation des conseils régionaux sur le choix du chef-lieu définitif avant le regroupement prévu au 1er janvier 2016. Or, si le Gouvernement et le Parlement ont proposé la désignation d’un chef-lieu provisoire, c’est pour prendre en compte l’avis de l’assemblée régionale sur le choix de son chef-lieu définitif. En outre, consulter les anciennes régions n’est pas nécessaire sur le plan constitutionnel et tend à remettre en cause la légitimité de la future assemblée. Pour toutes ces raisons, je vous propose le retrait de cet amendement, monsieur le député. À défaut, avis défavorable.
L’amendement no 69 rectifié n’est pas adopté.
Hier soir, M. Bies a présenté un amendement supposé être le fruit d’un accord trouvé avec tous les élus lorrains. En définitive, aucun des élus lorrains n’a voté pour cet amendement, car ils ont bien compris qu’ils se trouveront au centre de gravité du dispositif. Certaines villes, comme Nancy, voire Metz, ont une influence au moins aussi importante que Strasbourg.
C’est la raison pour laquelle je vous propose cet amendement. Monsieur le ministre, vous l’avez dit à de nombreuses reprises hier soir, Strasbourg n’est pas une ville comme une autre, c’est une ville d’histoire, symbole de la construction européenne et de la paix en Europe. Aussi, je vous propose d’inscrire dans le marbre de la loi que Strasbourg sera le chef-lieu de sa région de rattachement. Si cet amendement n’est pas adopté, je suis convaincu qu’à une échéance plus ou moins longue, Strasbourg perdra son statut et que le centre de gravité réel deviendra le centre de gravité politique et juridique de cette méga-région, au moins jusqu’en 2017...
L’avis de la commission est défavorable mais, à titre personnel, les débats, notamment les interventions pertinentes de M. Bies dans un climat tout à fait serein, ont fait évoluer mon point de vue. Si j’avais eu de nouveau à donner mon avis en commission, il aurait évolué, car je suis désormais favorable à l’amendement.
Le Gouvernement est très favorable à la prise en compte de la situation de Strasbourg, mais le présent amendement n’est pas bien rédigé, car il ne tient pas compte de la discussion d’hier sur la carte régionale. Un amendement mieux rédigé sera examiné dans quelques instants, qui prend en compte le sujet de façon beaucoup plus précise, pertinente et efficace. Je propose donc que le présent amendement soit retiré à son bénéfice.
Monsieur le ministre, j’ai bien compris que cet autre amendement était mieux formulé. Je propose donc de réserver notre vote sur le présent amendement le temps que nous examinions celui auquel vous venez de faire référence. En tant que député de Strasbourg, ville où siège le Parlement européen, j’ajoute que nous avons suffisamment d’adversaires en Europe pour que nous gravions dans le marbre, comme l’a dit M. Straumann, la place de Strasbourg dans ce dispositif. Il y va de l’intérêt de la France.
Cette question a déjà été indirectement abordée lors de nos débats d’hier soir. Monsieur le ministre a donné un certain nombre d’indications, et je le remercie. Sauf événement nouveau, nous pouvons considérer que le sujet de Strasbourg peut faire l’objet d’un consensus au sein de l’Assemblée. Se pose désormais la question de la rédaction de l’amendement sur le plan juridique. J’aurai l’occasion dans un instant de défendre un amendement qui, à mon sens, est plus cohérent avec la décision prise cette nuit, même si je n’étais pas favorable à la région Alsace Lorraine Champagne-Ardenne – ALCA.
Je prends acte du fait majoritaire et continue d’essayer d’avancer dans l’esprit qui est le mien depuis le début de ce débat, en prenant en compte les rapports de force et en trouvant des solutions : celle du département unique alsacien en est une, confier à Strasbourg le statut de chef-lieu de cette nouvelle région en est une autre. Je demande amicalement à M. Straumann de retirer son amendement afin que mes collègues alsaciens puissent voter celui que je vais défendre.
Nous avons beaucoup débattu du sujet de l’Alsace et de Strasbourg. L’amendement de M. Bies est mieux rédigé que celui de M. Straumann. Il est vrai que la commission avait émis un avis différent mais, compte tenu de l’évolution des débats et dans une logique constructive, nous serons favorables à l’amendement de M. Bies. Il serait bon que M. Straumann retire le sien.
Cette discussion est en réalité très intéressante. Nous autres Alsaciens ne pouvons que nous réjouir du fait qu’elle ait Strasbourg pour objet. Il subsiste néanmoins, dans les propos que je viens d’entendre, une ambiguïté. Deux problèmes, sur lesquels nous reviendrons peut-être un peu plus tard, se posent en effet.
Le premier concerne le siège de l’assemblée régionale. Le second, au moins tout aussi important, a trait à la préfecture de région. La question est donc double : nous devons parler, évidemment, de l’un et de l’autre. Je ne veux pas qu’il y ait la moindre ambiguïté : si nous parlons de Strasbourg capitale, il doit s’agir de Strasbourg à la fois siège du conseil régional et des services de l’État, c’est-à-dire de la préfecture de région. Il nous faut à la fois l’un et l’autre.
Sur ce point, j’aimerais évidemment obtenir des éclaircissements parce que, au moment où nous discutons, nous n’en disposons pas encore.
Nous avons l’occasion de mettre en conformité nos actes avec nos paroles d’hier soir. Elles traduisaient notamment la volonté des députés du groupe SRC : il faut faire en sorte que non seulement la France se dote d’une grande région à l’est mais aussi que l’Alsace y trouve toute sa place et que le rôle de Strasbourg se voit conforté.
Nous avons une discussion d’abord juridique sur l’opportunité de voter l’amendement no 93 de M. Straumann ou l’amendement no 212 deuxième rectification de M. Bies. Le hasard fait bien les choses, car nous aurons encore davantage de plaisir à voter le second. Nous voterons en effet avec grand plaisir cet amendement de MM. Philippe Bies et Armand Jung, car il est, sur le plan juridique, bien rédigé. Lors de son dépôt, il prenait par ailleurs déjà en compte la possibilité de la formation d’une nouvelle et grande région.
Je nous exhorte également, très sincèrement, lorsque nous aurons à nous prononcer sur ce sujet – compte tenu du fait que nous avons en partage cette volonté de donner à Strasbourg le statut qu’elle mérite – à voter cet amendement. Nous devons avoir la capacité de le voter à l’unanimité, parce que nous ferions de ce fait un geste fort, vis-à-vis de nos concitoyens tout autant que de nos partenaires européens. Au moment où nous plaidons pour le maintien de statut de capitale européenne de Strasbourg, il serait quand même bien navrant qu’en raison d’autres considérations nous ne sachions pas nous rassembler.
Sur la question du chef-lieu, à laquelle le ministre répondra sans doute, le législateur ne peut lui, me semble-t-il, que fixer la notion elle-même, la détermination des sièges des préfectures de région relevant du pouvoir réglementaire. Cela fait plusieurs heures maintenant que nous avons ce débat.
Monsieur Hetzel, on ne peut pas d’un côté faire référence à certains principes d’ordre constitutionnel ou juridique, et de l’autre s’en affranchir. Restons sur le plan politique : notre unité, que nous pourrions manifester dans quelques instants en votant l’amendement présenté par Philippe Bies, est nécessaire.
J’ai bien compris que, symboliquement, vous préférez adopter l’amendement Bies plutôt que l’amendement Straumann. Soit. Mais, pardonnez-moi, ils ne sont pas exactement identiques. Je ne suis pas un fin juriste, et je n’ai pas disposé des services d’un cabinet pour rédiger celui que j’ai déposé. Mais je les ai comparés.
Vous insérez, après l’alinéa 5, l’alinéa suivant : « 3° bis Par dérogation aux 2° et 3°, Strasbourg est le chef-lieu de sa région. ». Votre exposé sommaire précise « qu’en tant que siège de plusieurs organisations internationales et notamment du Parlement européen, il est proposé de fixer d’ores et déjà par la loi à Strasbourg le chef-lieu de la région issue du regroupement des régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine. »
Je vous propose une rédaction commune, beaucoup plus simple : il ne faut pas que la loi soit aussi bavarde. Elle serait la suivante : « 3° bis Par dérogation aux 2° et 3°, le chef-lieu de la ville de Strasbourg est le chef-lieu de sa région de rattachement ».
Pourquoi en effet vouloir évoquer les régions Champagne-Ardenne et Lorraine ?
Le découpage pourra, à l’avenir, évoluer. Peut-être M. Bies trouvera-t-il un jour une majorité pour former l’Alsace-Lorraine ? Soyons simple dans la rédaction de cet amendement. Je vous propose, monsieur Bies, cette rédaction commune, d’autant que le piège est un peu gros : demain, on nous dira que nous avons voté en faveur de la région issue du regroupement des régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, puisqu’il s’agissait d’une contrepartie à la fixation de son siège à Strasbourg.
Si, vous dites que le siège de cette nouvelle région est fixée à Strasbourg, je dis, moi, que le siège de la région de rattachement de Strasbourg est le chef lieu de la capitale européenne. Franchement, nous ne tomberons pas dans ce gros piège !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, il ne saurait être question, dans cette affaire, de marchandage. La volonté du Gouvernement a été exprimée dès le début de l’examen de son projet de loi : il faut que Strasbourg capitale européenne sorte renforcée des débats que nous avons sur la réforme territoriale. Pour quelles raisons ? Parce que Strasbourg a été, à plusieurs reprises, très attaquée. Il y a eu, vous le savez très bien, des démarches engagées – pour des raisons, d’ailleurs, que personne n’ose assumer tellement elles sont indicibles – par le Parlement européen visant à remettre en cause la localisation de son siège à Strasbourg.
Il y a donc une véritable négation du statut de Strasbourg comme siège du Parlement européen, concrétisée par des démarches conduites devant des instances juridictionnelles de l’Union européenne. Au terme de celles-ci, il a fallu se mobiliser, tous, collectivement, pour réaffirmer le rôle de Strasbourg.
Vous savez très bien, messieurs les députés, que lorsque ce Gouvernement est arrivé aux responsabilités, se trouvait en discussion, depuis des mois et des mois, un contrat triennal qui n’avait pas été tranché par la précédente majorité. Celle-ci se proposait d’ailleurs de ne pas le signer. Dans des fonctions précédentes, moi je suis allé signer ce contrat à Strasbourg, en présence de Philippe Richert, afin que la ville dispose, sur les plans universitaire et aéroportuaire, de tous les moyens lui permettant d’affirmer sa vocation de capitale européenne.
Le Gouvernement a toujours défendu cette position. Dès les premiers instants de nos débats, j’ai eu l’occasion de dire avec beaucoup de clarté que Strasbourg avait vocation à affirmer sa vocation européenne tout autant que celle de capitale régionale, nonobstant le périmètre de la région dont elle serait la capitale. Voilà la position du Gouvernement.
Je veux profiter du débat pour la réaffirmer clairement, parce que je pense qu’elle est de nature à montrer que ce vers quoi nous nous orientons ne constitue aucunement une mauvaise manière faite à l’Alsace ni à Strasbourg, mais, au contraire, repose sur une volonté, face aux attaques constantes auxquelles elle se trouve en butte, de réaffirmer son rôle déterminant et de lui donner les moyens de l’assumer, grâce à l’union de toute la représentation nationale.
Essayons donc, sur ce sujet, d’adopter l’amendement qui garantit le mieux cet objectif. Oublions les considérations de politique, notamment les débats passionnés et passionnants qui ont eu lieu au cours des dernières heures et qui ont été tranchés à la faveur du vote de l’article 1er.
Après avoir entendu les quatre orateurs suivants, l’Assemblée passera au vote de cet amendement. Chacun aura pu s’exprimer.
Je voudrais dire deux choses. Premièrement, au Sénat, lors de l’examen en deuxième lecture de ce projet de loi, monsieur le ministre s’est engagé à ce que le statut de Strasbourg soit examiné de très près. Il l’a fait notamment à l’initiative de notre collègue sénateur Jacques Bigot.
Il l’a également fait, je dois le dire, avec le maire de Strasbourg, Roland Ries, qui suit ces débats de très près.
Je trouve incroyable votre incapacité à écouter. Écoutez ! Écoutez et débattez !
Deuxièmement, je veux évoquer ce que j’appellerais le polycentrisme qui été défendu par M. Le Fur. Il est vrai que, dans cette nouvelle organisation territoriale, il faudra, dans le cadre de la réforme de l’État, qui n’est pas l’objet du projet de loi que nous examinons, être en capacité de permettre à l’ensemble des villes qui composent ces nouvelles régions de tenir leur place. Cela me semble, aujourd’hui, relever de l’évidence.
Je suis un peu surpris que ceux qui militent en faveur de ce polycentrisme demandent que, dans la loi, la même ville puisse être à la fois capitale régionale et préfecture de région. Faisons les choses, monsieur Hetzel, les unes après les autres. Vous qui êtes un fin juriste, vous savez qu’inscrire dans cette loi que Strasbourg sera la préfecture de cette nouvelle région n’a aucun sens juridique.
Je réitère donc ma demande à monsieur Straumann, de manière tout à fait solennelle. S’il le souhaite, nous pourrons ensuite dire que Strasbourg a été sauvée grâce à lui. Très franchement, nous sommes aujourd’hui très au-dessus de ces histoires de Clochemerle. Nous discutons de Strasbourg, qui est la capitale européenne chère au coeur de tous les Français comme de tous les Alsaciens.
Nous sommes tous ici un peu strasbourgeois, donc je pense qu’il nous faut essayer de prendre un peu de hauteur.
Monsieur le ministre, comme vous l’avez très justement souligné dans vos propos, Strasbourg est une ville symbole. Dans deux jours, nous allons célébrer le soixante-dixième de sa libération par la 2ème division blindée, ainsi que la réalisation du serment de Koufra. Il ne s’agit que d’un des exemples de ces rendez-vous entre Strasbourg et l’histoire que les livres d’histoire nous relatent. Ces rendez-vous font que cette ville est une ville particulière. Ils font aussi qu’à un moment donné, dans son histoire, par la volonté des États ayant constitué l’Union européenne – à l’époque la Communauté économique européenne – elle a accédé, aux côtés de Bruxelles, au statut de capitale européenne.
Monsieur le ministre, dans vos précédentes fonctions, vous avez été particulièrement en première ligne sur ce dossier. Du point de vue européen, vous savez que, régulièrement, ce statut de capitale européenne est contesté. Nous voulons éviter l’ouverture d’un second front, c’est-à-dire une contestation interne à la région qui amènerait systématiquement des négociations ou des marchandages au sein des différentes métropoles qui la composent conformément au nouveau découpage régional.
Pour cette raison, il faut aujourd’hui clarifier la situation et désamorcer par avance un problème qui pourrait se poser et empoisonner durablement le fonctionnement de cette future région, quelle qu’en soit, d’ailleurs, les contours. C’est pourquoi nous sommes donc particulièrement attentifs à cette question et que je soutiens évidemment l’amendement d’Eric Straumann.
Je souhaite que nous parvenions, dans notre discussion, à un compromis – et donc à une rédaction claire – entre les différentes positions.
Cet article 2, évidemment, est très important, comme l’est tout autant la position de Strasbourg dans la région. En première lecture, nous vous avions, monsieur le ministre, fait part de notre crainte de voir fragiliser la position de Strasbourg. J’avoue que vous avez fait, sur le sujet, preuve de constance, en affirmant que la position de Strasbourg serait confortée par le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Nos craintes demeurent réelles et la question posée par Patrick Hetzel pertinente puisqu’on parle de la détermination des lieux de réunion, en ce qui concerne les implantations immobilières de la préfecture et des services de l’État. Nous comprenons bien que cela ne peut pas figurer à l’article 2. Cependant, nous souhaitons qu’aucune ambiguïté ne demeure sur le sujet.
Je voudrais relever qu’en déposant leur amendement, MM. Bies et Jung sont arrivés en séance dans une attitude plutôt défaitiste au regard de leur proposition de région Alsace-Lorraine. C’est clair et net !
Puisqu’ils ont adopté cette rédaction, cela veut dire qu’ils connaissaient déjà pertinemment l’issue du débat. Aujourd’hui, et je suis entièrement d’accord avec les propos d’Antoine Herth, il serait sage, pour clarifier les choses, de trouver une rédaction commune. Je pense qu’avec l’aide du rapporteur, du président de la commission des lois, ainsi que du ministre, nous pourrons parvenir à un résultat qui conforte Strasbourg à la fois comme capitale européenne et comme chef lieu de région.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, je crois que nous sommes en bonne voie. Comptons les points positifs : nous sommes tous d’abord défenseurs de Strasbourg.
Les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui siègent ici, comme François Loncle, que je salue, savent que même au sein de cette assemblée, qui siège à Strasbourg, cette dernière se trouve, de temps en temps, attaquée. Il nous faut donc, vraiment, défendre son statut.
Monsieur le ministre, j’ai salué hier votre action à votre arrivée au ministère des affaires européennes dès le début de la législature.
En Alsace, par tradition, même quand, parfois, de nouveaux collègues ont plutôt envie de s’affronter, nous travaillons assez souvent ensemble sur des questions importantes. Nous avons par exemple créé à Strasbourg la task force, notion assez militaire, c’est-à-dire la défense de Strasbourg. J’en fais partie, d’autres collègues aussi, et elle est présidée par Catherine Trautmann. À ma connaissance, elle ne fait pas partie de l’UMP et nous travaillons très clairement ensemble.
Je ne mets absolument pas en doute votre volonté de défendre Strasbourg, vous l’avez régulièrement affirmée, mais mettez-vous à notre place. Je comprends les arguments développés par M. Straumann ou d’autres. Puisque nous sommes tous d’accord sur la démarche, pourquoi est-ce que ce sont toujours les mêmes qui devraient retirer leurs billes et les autres avoir le dernier mot alors que l’auteur même de l’amendement, Éric Straumann, est d’accord pour que nous proposions une rédaction commune ? Nous démontrerions vraiment que notre pays défend sa capitale européenne avec force et cela nous honorerait tous de voter à l’unanimité un amendement rédigé en commun.
C’est ce que je vous propose. On pourrait peut-être réserver le vote, monsieur le président, pour permettre à une sorte de commission mixte de rédiger un amendement commun. Je crois que, là, nous sortirions grandis de cette séance.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Je crois, mes chers collègues, que vous devriez voter l’amendement de M. Bies parce que le troisième mot de l’alinéa que tend à compléter l’amendement de M. Straumann fragilise votre argumentation. Il est en effet question du chef-lieu provisoire.
Mais, au regard de celui dont nous discutons, mieux vaut adopter l’amendement prévoyant que Strasbourg est le chef-lieu définitif, ce qui conforte votre objectif au lieu de le fragiliser. Je vous conseille donc de retirer votre amendement et de vous rallier à celui de M. Bies, qui sera voté ainsi à l’unanimité.
Je suis d’accord avec votre analyse, monsieur le président de la commission, et j’ai déposé un autre amendement sur le siège définitif.
Nous sommes tous prêts, je crois, à voter cet amendement – appelons-le amendement Bies si cela peut lui faire plaisir –, mais nous ne voulons pas que soient mentionnées les régions Champagne-Ardenne et Lorraine.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Nous demandons que soit écrit simplement que Strasbourg est le chef-lieu de sa région de rattachement. Sinon, demain, on nous dira que nous, les députés UMP alsaciens, avons bien voté pour la Champagne-Ardenne-Lorraine.
Franchement, en termes juridiques, il n’y a aucune différence. Là, vous êtes vraiment dans l’idéologie et le politique pur. Il n’y a strictement aucune différence entre dire que Strasbourg est le chef-lieu de sa région de rattachement et dire que la ville est rattachée à Champagne-Ardenne-Lorraine.
La proposition de M. Bies prend simplement en compte ce que nous avons voté hier, monsieur Straumann. Que cela ne vous agrée pas, nous l’avons toutes et tous ici parfaitement entendu et compris, je vous assure, et vous allez continuer à l’affirmer, je n’en doute pas. Je pense que c’est une erreur politique mais ce n’est que mon appréciation personnelle. Néanmoins, nous avons voté hier une carte avec treize régions, et une région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, et j’espère qu’elle trouvera une réalité. Je ne comprends d’ailleurs pas, moi qui suis moins fin juriste que vous, la notion de rattachement d’une commune à une région.
Prenons le temps qu’il faut, mais nous en gagnerions en votant l’amendement de M. Bies, qui correspond tout simplement à ce que vous souhaitez.
Monsieur Hetzel, je ne peux vous donner la parole que pour un rappel au règlement.
Dans ce cas, monsieur le président, je vais vous demander une suspension de séance de quelques minutes pour que nous puissions discuter de cette question.
Ce que je souhaiterais, c’est que le Gouvernement, comme il en a la possibilité, nous propose une rédaction.
Vous aviez raison tout à l’heure, mes chers collègues, on ne peut pas évoquer dans le texte le siège de la préfecture puisqu’il s’agit des services de l’État, mais j’aimerais que le ministre de l’intérieur nous dise officiellement quelle est son optique sur ce point et qu’ensuite, grâce à sa sagesse, nous puissions discuter d’un amendement qui pourrait faire consensus.
L’optique du Gouvernement, c’est de conforter Strasbourg. C’est ce que nous n’avons cessé de faire depuis deux ans et demi, c’est ce que je propose que l’on fasse dans le cadre de cette discussion, dans le consensus, en écoutant les positions des uns et des autres.
Je vous propose, si vous êtes d’accord, de retenir l’amendement de M. Bies en évoquant la région de rattachement. Il y aura ainsi un consensus alsacien. Il est tout de même mieux d’avoir des consensus et des compromis plutôt que des querelles sans limites. Il y a toujours des personnalités qui aiment les querelles, les polémiques, les invectives. Ce n’est pas mon tempérament. Je propose donc que l’on retire la référence aux régions pour qu’il y ait un compromis et un consensus.
Je salue la proposition du Gouvernement. C’est la sagesse. Je lui ai tendu la main tout à l’heure en souhaitant qu’il nous fasse une proposition sage. Ce que j’entends est très rassurant. Si nous poursuivons dans cette optique, il n’y a plus lieu de demander une suspension de séance.
Dans ces conditions, retirez-vous l’amendement no 93 , monsieur Straumann, pour que nous puissions passer aux amendements nos 94 et 212 qui font l’objet de cette discussion, sachant que l’amendement no 212 devrait être rectifié conformément à la proposition de M. le ministre si M. Bies y est favorable ?
Compte tenu des propos très constructifs de M. le ministre, je retire mon amendement. Nous voterons naturellement l’amendement de notre collègue qui va évoquer la région de rattachement sans citer les différentes parties de cette région.
L’amendement no 93 est retiré.
Je remercie le ministre de son esprit d’ouverture. Je propose, en espérant que cette rédaction fera consensus, d’insérer après l’alinéa 5 l’alinéa suivant : 3° bis Par dérogation aux 2° et 3°, le chef-lieu de la région à laquelle appartient la région Alsace est fixé à Strasbourg. »
Tout à fait.
Quels que soient les gouvernements, Strasbourg a toujours été défendue, sur tous les bancs de cette assemblée. Je souhaite que cet amendement puisse faire l’objet d’un consensus, pour donner encore davantage de force à Strasbourg, comme l’a souligné M. le ministre de l’intérieur hier soir, parce que cette force, c’est celle de la France, celle de l’Europe. C’est aussi une certaine idée de l’Europe, celle des peuples et de la démocratie. Je remercie donc l’ensemble de mes collègues du soutien qu’ils apporteront à cet amendement.
Nous voulons tous que la loi soit convenablement écrite, et on ne peut pas l’écrire ainsi sur un coin de table. J’aimerais donc que nous prenions deux minutes avant de passer à autre chose : j’aimerais en effet qu’il reste un peu de temps pour discuter du droit d’option.
La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures cinq.
Nous venons de trouver une rédaction encore plus courte que celle que je souhaitais. Mes collègues UMP alsaciens et moi-même sommes donc favorables à l’amendement rectifié de M. Bies et je retire, par conséquent, mes amendements.
L’amendement no 94 est retiré.
Je présente une nouvelle rédaction de l’amendement au nom de l’ensemble de mes collègues députés alsaciens. Nous proposons d’insérer, après l’alinéa 5, l’alinéa suivant : « 3° bis Par dérogation aux 2° et 3°, Strasbourg est le chef-lieu de sa région. »
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement no 212 , deuxième rectification ?
Sourires
…rare et précieux, qui doit être salué, je ne peux que maintenir mon avis favorable.
Je pense que si je donnais un avis défavorable, tout le monde serait extrêmement surpris.
Rires.
(L’amendement no 212 deuxième rectification est adopté à l’unanimité.) (Applaudissements sur tous les bancs.)
L’amendement no 213 est retiré.
L’amendement no 68 est retiré.
La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement no 67 troisième rectification.
L’amendement vise à favoriser une solution consensuelle et négociée de détermination des emplacements du chef-lieu de la région, de l’hôtel de la région et des lieux de réunion du conseil régional et du conseil économique, social et environnemental pendant le premier mandat régional. À défaut d’un consensus, ces localisations devront être éclatées entre plusieurs aires urbaines. Nous avons essayé de trouver une solution qui fasse en sorte que l’ensemble du territoire puisse s’y retrouver, après un avis donné par le conseil régional.
Il est favorable. Toutefois, monsieur Tourret, compte tenu du fait que votre amendement no 69 a été rejeté, malgré un avis favorable de la commission, je vous propose de rectifier ainsi celui-ci : au deuxième alinéa, il faudrait remplacer « les avis prévus au 2° et 2° bis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été émis dans un délai de trois mois à compter de la transmission du projet » par « l’avis prévu au 2° est réputé favorable s’il n’a pas été émis dans un délai de trois mois à compter de la transmission du projet ».
Avis de sagesse. Je comprends parfaitement l’état d’esprit de M. Tourret et je considère que cet amendement peut avoir un intérêt, mais il entre dans un niveau de précision qui risque de contraindre les collectivités territoriales et, éventuellement, de poser un problème, au regard du principe de libre administration des collectivités.
Les députés du groupe SRC soutiendront l’amendement d’Alain Tourret, dont nous saluons l’esprit particulièrement constructif depuis le début de l’examen du texte en commission. Je suis certain que, d’ici à la lecture définitive du texte, nous saurons trouver une façon d’en améliorer la rédaction. Toujours est-il que nous partageons, sur le fond, le souci d’Alain Tourret de voir s’équilibrer l’implantation des lieux de pouvoir dans les régions.
Monsieur Tourret, acceptez-vous la modification qui a été suggérée par M. le rapporteur ?
L’amendement no 67 , quatrième rectification, commence donc par : « L’avis prévu au 2° est réputé favorable s’il n’a pas été émis dans un délai de trois mois à compter de la transmission du projet. » Je le mets aux voix.
L’amendement no 67 quatrième rectification est adopté.
Dans la lignée de ce que j’ai dit tout à l’heure sur les territoires doublement enclavés du fait d’une fuite vers le haut de la capitale régionale, l’amendement no 174 vise à ce que les services du conseil régional puissent, en quelque sorte, bénéficier économiquement à toute la région du fait même de leur implantation. À l’heure du numérique, il n’est certes pas difficile pour les habitants d’entrer en relation avec ces services, mais encore faut-il que les retombées économiques de leur implantation soient bien réelles. Je propose, pour respecter la libre administration des collectivités locales, de suggérer aux régions, puisqu’on ne peut pas le leur enjoindre par la loi, d’implanter leurs services régionaux dans différentes communes de leur territoire, en cherchant à assurer une gestion équilibrée et à compenser des inégalités qui résulteraient d’un éloignement géographique accru de certaines parties de la population.
Complémentairement, mais d’une manière plus directive, puisqu’il s’agit des services de l’État, je propose dans l’amendement no 167 que les services régionaux de l’État soient situés aussi bien au siège de la préfecture de région que dans d’autres villes, afin de laisser l’État choisir la meilleure répartition, de manière à ce que des villes, qui ne sont pas le chef-lieu du département mais qui peuvent être importantes, puissent recevoir l’implantation non seulement des maisons de l’État, mais également de ses services déconcentrés et de ses directions.
Je suis défavorable à ces deux amendements. Après le vote de l’amendement rectifié de M. Tourret, qui converge avec les siens, je suggérerais que Mme Bechtel retirât ces derniers.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, pour donner l’avis du Gouvernement.
Madame la députée, nous partageons évidemment votre préoccupation, aussi bien en ce qui concerne les services des futures régions que les services de l’État en région. Pour autant, le principe de libre administration des collectivités locales s’oppose à ce que l’on fixe, par la loi, le lieu d’implantation des services régionaux des futures régions. Concernant l’État, le ministre de l’intérieur l’a déjà dit à plusieurs reprises, tout comme le Premier ministre, et je le redis également après l’avoir dit au Sénat, l’État va se réformer lui aussi dans les territoires et il veillera évidemment à répartir ses services de la façon la plus intelligente et la plus équilibrée possible dans tous les territoires, quelle que soit la taille de la région, a fortiori si elle est grande.
Nous veillerons ainsi à ce que nos services soient bien répartis dans toutes les préfectures de département qui ne vont pas changer, dans tous les départements et dans toutes les régions ; de même qu’il faut faire confiance aux futurs exécutifs régionaux pour répartir le mieux possible leurs services, ce qui est déjà le cas d’ailleurs. La loi n’est pas le bon véhicule, si j’ose dire, pour fixer les lieux d’implantation des futurs services des régions, et encore moins des services de l’État. Aussi, même si nous partageons votre préoccupation, sommes-nous défavorables à ces deux amendements.
Monsieur le ministre, je considère que ce que vous avez dit représente une avancée que je prends tout à fait au sérieux. Vous avez dit que l’État répartirait ses propres services de la manière la plus intelligente et la plus équilibrée possible sur les plus grandes parties possibles du territoire. S’agissant des régions, mon amendement était à visée incitative et non pas constitutionnelle, comme vous l’avez bien compris. Au vu non pas des promesses mais des avancées que constituent vos propos, dans la lignée de ceux du ministre de l’intérieur, je retire mes amendements, ce qui ne signifie pas que je cesse mon combat !
L’amendement no 95 est retiré.
L’article 2, amendé, est adopté.
L’article 3 est extrêmement important. Notre rôle, en tant que législateur, est d’écrire la loi de façon claire, afin de la rendre effective et opérante. En ce sens, l’article, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, n’est pas satisfaisant. Certes, il offre dans la forme la possibilité d’un droit d’option, mais celui-ci paraît bien hypothétique tant il sera difficile à exercer avec les conditions de majorité actuellement prévues. Il rend de ce fait quasiment impossible le rapprochement de territoires qui le souhaiteraient. Nos débats ont beaucoup porté sur l’Ouest de la France, mais l’ensemble des territoires sont bien évidemment concernés.
Le texte que nous allons voter, pour vivre et être compris par nos concitoyens, doit permettre des évolutions qui répondront à une envie partagée d’avancer ensemble, de se projeter collectivement au sein d’un même espace, dans un avenir commun. Il faut faire confiance à notre intelligence collective, à nos élus qui se feront l’écho des aspirations citoyennes.
C’est donc à la fois pour fluidifier le processus de rapprochement et pour faire de cette hypothèse une réelle option que la majorité simple est hautement préférable à celle des trois cinquièmes qui, pour moi, est bien restrictive. Un assouplissement du droit d’option est indispensable. Il constituerait une respiration et une réelle avancée démocratique,…
… mais aussi une marque de confiance. J’insiste en effet sur le fait qu’on doit être capables de faire confiance à la fois aux élus et aux aspirations des territoires. C’est tout le sens des amendements que j’ai cosignés car l’assouplissement du droit d’option est au coeur de nos débats. Cet article important nous invite à réfléchir ensemble sur la manière de l’assouplir afin de permettre l’expression des intéressés. Ce serait une réelle avancée démocratique et surtout, j’y tiens beaucoup, une « marque de confiance dans l’intelligence des territoires », pour reprendre l’expression de Jean-Jacques Urvoas, mais également des élus et des aspirations citoyennes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Nous travaillons depuis très longtemps sur ce sujet. Je crois que chacun est d’accord sur l’essentiel : il fallait une nouvelle carte des régions. Cette simplification a été voulue par le Président de la République, par les citoyens, qui n’ont de cesse de se plaindre de l’illisibilité de la carte territoriale, et même par les élus, soucieux de visibilité dans l’action qu’ils conduisent, soucieux de leur capacité à rendre des comptes sur les responsabilités qu’ils exercent. Le Gouvernement a pris comme postulat de travailler à partir du périmètre des régions existantes. Il y avait d’autres postulats possibles, mais c’est celui-ci qui a servi de base. Je rappelle d’ailleurs que ceux qui font des propositions évolutives en termes de périmètre ne les ont jamais concrétisées quand ils étaient aux responsabilités.
La carte des treize régions a été votée cette nuit, après l’avoir déjà été en première lecture. Je ne surprendrai personne en disant que ce n’est pas celle qui avait ma préférence.
J’aurais préféré largement une région Bretagne élargie au département de la Loire-Atlantique,…
… mais compte tenu du postulat gouvernemental que j’ai accepté, il m’a semblé logique de soutenir cette carte. La Bretagne à cinq départements a une cohérence, une raison historique et aussi et surtout économique. C’est en tout cas celle que nous croyons porteuse de développement. Il y a, c’est légitime, des tensions, des frustrations, dans tous les territoires concernés par la modification de la carte. C’était inévitable, mais il ne faut ni les surestimer ni les sous-estimer, seulement les traiter. À cet effet, il y a le droit d’option. Ce sujet justifie que j’intervienne, ce que je n’ai pas fait depuis la discussion générale.
Ce droit doit permettre de faire évoluer la carte. Mais il faut en limiter le contenu et en encadrer les modalités. S’il était trop souple, il deviendrait une foucade, une tentation de modifier les délimitations pour des motivations souvent punitives. Mon choix s’inspire de ce qui existe pour l’intercommunalité. Il n’y a aucune raison que ce qui marche pour l’intercommunalité ne marche pas demain pour les régions. C’est la raison pour laquelle je suis un ardent partisan, et je voudrais en convaincre le Gouvernement, d’une souplesse du droit d’option. C’est un mécanisme qui ne dévoie pas la solidité de la carte qui vient d’être votée. Celle-ci est pour l’essentiel supportable par les territoires concernés.
Il y a néanmoins, ici et là, des départements qui souhaiteront demain évoluer mais, comme l’a rappelé le Premier ministre hier, ce sera évidemment après les élections régionales. Il ne s’agit pas de voter une carte maintenant et de mettre en oeuvre le jour suivant des modalités qui la remettraient en cause. Je suis donc partisan d’un droit d’option et, je le dis au Gouvernement en toute clarté, je voterai tous les amendements favorables à son assouplissement parce que ma discipline par rapport à la carte ne peut se comprendre que si le droit d’option ne demeure pas virtuel mais devient une réalité. Le mécanisme est à l’heure actuelle verrouillé. Il faut l’assouplir.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.
Je m’inscris dans la droite ligne de ce que vient de dire Jean-Marc Urvoas. Cet article introduit des possibilités nouvelles d’évolution des territoires et à votre initiative, monsieur le rapporteur, lors de la première lecture, un assouplissement des procédures permettant une évolution du cadre régional a été rendu possible. La suppression de l’obligation de consultation référendaire pour la fusion entre une région et les départements qui la composent est en effet une bonne disposition, confirmée par les sénateurs. Le droit d’option est aménagé et limité dans le temps, ce qui est, à mon sens, cohérent. J’adhère aux limites posées par le président de la commission des lois.
Chaque territoire doit pouvoir, dans un délai défini, trouver son espace d’équilibre et d’organisation. Cette limitation dans le temps permettrait de couper court aux risques de sentiment d’instabilité et de perte de repères.
Ce projet de loi, qui s’inscrit dans la longue marche de la décentralisation doit apporter aux citoyens la conviction qu’ils peuvent peser sur leur destin.
Pour la Bretagne, c’est le projet d’une grande collectivité organisée autour de ses départements actuels, de ses trois métropoles et de son réseau de villes moyennes. C’est un projet fort, fédérateur, qui s’appuie sur une spécificité de l’Ouest, enviée mais souvent incomprise. C’est pourquoi je propose, afin que le dispositif que nous allons voter soit vraiment un assouplissement de la règle actuelle, que nous allions plus loin en exigeant simplement la majorité simple. Ne restons pas sur une vision défensive de la République. Ne ratons pas la marche d’une intelligence des territoires alors que tous les voyants sont au vert.
Notre président de la commission des lois est tout à fait remarquable parce qu’il n’est pas intervenu hier pour aborder le vrai sujet, celui qui nous intéresse, pardonnez-moi, mes chers collègues, en Bretagne, à savoir une Bretagne à cinq départements. Il dit qu’à défaut d’avoir obtenu la carte de la Bretagne à cinq, il faut tout de même garder quelques espérances, ne serait-ce que pour ne pas désespérer par trop Landerneau… Je trouve que ce n’est pas très cohérent.
Le droit d’option, c’est la possibilité donnée à un département de quitter la région à laquelle il aura été affecté pour rejoindre une autre région. Mais nos espérances pour la Bretagne à cinq sont renvoyées aux Calendes grecques, dans dix, vingt ou trente ans ! On nous laisse des espoirs à défaut de réalités. Les propos de notre collègue Benoit, hier, étaient très pertinents : cela relève de l’enfumage ou, à tout le moins, du botter en touche pour éviter le vrai débat.
Quelles sont aujourd’hui les conditions pour user du droit d’option ? Celui-ci existe théoriquement, mais est tellement encadré qu’il ne peut s’appliquer. Deux conditions peuvent être considérées comme légitimes, mais la troisième me semble illégitime. La première condition légitime, c’est bien évidemment que ce soit le département susceptible de muter qui doive donner un avis favorable. C’est normal puisque c’est le premier concerné. Ainsi, que la Loire-Atlantique soit décisionnaire me paraît normal. Je le dis d’autant plus que la majorité de son conseil général n’est aujourd’hui pas favorable aux thèses que je défends. Ce fut pourtant le cas dans le passé, au temps d’un grand président qui s’appelait Mareschal, et j’espère que ce sera à nouveau le cas demain, quelle que soit la majorité politique du conseil général. L’accord de la région d’accueil me paraît aussi une condition normale. Cela ne pose d’ailleurs aucun problème puisque, j’en reviens à mon exemple, la Bretagne administrative à quatre, amputée de son cinquième département, ne demande qu’une chose : le retour de la Loire-Atlantique.
En revanche, il me semble anormal d’exiger l’accord des autres départements de la région d’origine, ce qui revient à leur conférer une capacité de censure. On ne demande pas l’accord de ses ex-voisins quand on quitte un immeuble ! Que la région d’origine et les départements concernés aient un mot à dire sur la dette, sur les personnels, sur la situation patrimoniale du département désireux de muter est normal, mais ils n’ont pas à intervenir sur son devenir.
Quand une personne divorce, elle n’a pas à demander à son ex son accord pour se remarier.
Par conséquent, autant les deux premières conditions – en l’espèce, l’accord de la Loire-Atlantique et de la Bretagne – sont légitimes, autant l’accord obligatoire de tiers ne l’est pas. Ma crainte est que ce texte, loin d’atténuer les conditions du droit d’option, en exagère au contraire les difficultés d’application. Le Sénat avait offert une petite ouverture puisqu’il prévoyait qu’il fallait que la région d’origine manifeste explicitement un refus pour empêcher la concrétisation du droit d’option alors que dans le texte de la commission, il faut qu’elle manifeste explicitement son acceptation. Si vous ne voulez pas exagérément verrouiller la carte des régions, monsieur le ministre, et pour laisser un minimum d’espoir à une région, la Bretagne, qui subit ce débat comme une violence, donnez au moins la possibilité à la Loire-Atlantique de décider de son avenir sans qu’elle n’ait à subir je ne sais quelle censure de départements dont elle aspire à se séparer.
Je développerai mon argumentation en défendant divers amendements et, bien évidemment, je voterai aussi tous les amendements, quelle que soit leur origine, qui y concourent car, en l’état, il ne s’agit que d’un lot de consolation pour faire passer ce qui a été voté hier soir, c’est-à-dire votre refus, manifesté de manière constante, de mettre un terme à la funeste décision de 1941. Il est tout de même paradoxal que ce gouvernement confirme la décision de Vichy.
Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.
C’est scandaleux ! Rappel au règlement ! J’ai des résistants dans ma famille !
Protestations persistantes sur les bancs du groupe SRC.
Veuillez m’excuser, monsieur le président. Pardonnez-moi, c’est l’émotion. Mais les propos de M. Le Fur sont trop graves.
Chacun doit se contrôler.
Monsieur Denaja, la parole est à M. Claude Sturni.
J’ai défendu depuis le début la nécessité d’écouter le territoire et la population. Personne ne sera donc surpris de savoir que j’éprouve beaucoup d’intérêt pour le droit d’option. J’ai noté qu’hier, M. Vallini disait à propos de la Bretagne que le statu quo ne devait pas obérer l’avenir. J’en suis ravi pour cette région, mais je suis peiné pour l’Alsace car je ne vois pas où se trouve le droit d’option pour les départements bas-rhinois ou haut-rhinois. Étant jusqu’ici surtout frontaliers avec nos amis allemands et suisses, et peu avec les départements de la nouvelle région actée hier, je me demande comment nous pourrons user du droit d’option.
J’émets par conséquent le souhait que, de même que l’on n’envisage pas de restreindre la capacité de quelque autre Français à exprimer ses souhaits, l’on n’obère pas l’avenir des Alsaciens. Au-delà de la possibilité de divorcer – ou, pour reprendre l’image de mon collègue Le Fur, de quitter une colocation ou une maison commune pour une autre –, je voudrais que l’on prévoie, si ce n’est immédiatement, du moins assez rapidement, de créer un droit à construire une nouvelle maison, au cas où une union forcée n’aurait pas produit de fruits. Concevons le droit d’option aussi comme une manière de donner à des départements qui ne se retrouveraient pas dans la région qui leur est imposée, mais qui n’auraient pas, comme dans le cas alsacien, la possibilité d’opter pour une autre, de reconstituer une région.
J’espère que M. Le Fur va retirer ses propos, qui sont inacceptables, dans le fond comme dans la forme.
Vous savez très bien en le faisant, et de la manière dont vous le faisez…
…dont vous le faites – excusez-moi, mais c’est l’émotion, parce qu’arriver à un tel niveau de débat, franchement…
Vous savez, monsieur Le Fur, on pourrait aussi considérer qu’à chaque fois que l’on parle de « travail » ou de « famille », on fait référence aux lois de Pétain. De même, lorsque vous célébrez la fête des mères, est-ce de cela dont il est question ? Ne pensez-vous pas que le sujet dont nous traitons mériterait que l’on élève un peu le débat ?
Monsieur le président, je souhaiterais une suspension de séance de quelques minutes pour que notre collègue Le Fur puisse revenir sur ses propos et présenter des excuses, car nous avons tous à l’esprit le souvenir de moments tragiques, et il y a parmi nous des personnes qui en ont subi directement les conséquences.
Non, je ne présenterai pas d’excuses, car il s’agit d’une réalité historique, cher collègue !
Les réalités historiques, elles existent de part et d’autre, monsieur Le Fur – mais en faire aujourd’hui un argument politique, je trouve cela bas et mesquin !
Je demande donc, au nom du groupe SRC, une suspension de séance de deux minutes.
La suspension de séance est de droit – et je la considère par ailleurs totalement légitime.
La séance, suspendue à onze heures trente-deux, est reprise à onze heures trente-huit.
Monsieur le président, je voudrais savoir si ces quelques minutes de réflexion ont permis à notre collègue Le Fur de revenir à la raison – et sur ses propos.
On ne peut pas revenir sur des vérités historiques, mes chers collègues !
Je ne vous ai pas qualifiés de vichystes, j’ai simplement dit que l’on avait arraché la Loire-Atlantique à la Bretagne en 1941…
…et que, de fait, vous ne remettiez pas en cause cette décision. Or, quand on ne remet pas en cause une décision, on la confirme !
J’en profite, monsieur le président, pour faire moi aussi un rappel au règlement : j’imagine que la durée de la suspension de séance a été décomptée du temps de parole du groupe SRC ?
Fort bien.
Une vérité historique est faite pour être dite. Je comprends que cela gêne certains, mais chacun en Bretagne en est parfaitement conscient, croyez-moi !
Nous allons essayer de revenir à la sérénité, même si l’on peut regretter que M. Le Fur n’ait pas eu la sagesse de présenter des excuses aux députés de la majorité, parce que le raccourci historique…
…qui voudrait que nous confirmions aujourd’hui, par l’adoption de cette carte, une décision de Vichy est absolument abject, surtout pour le petit-fils de résistant que je suis.
Mais, puisque vous convoquez l’histoire, parlons-en. D’abord, vous faites référence à un décret de 1941, mais vous omettez de rappeler qu’en 1943, Vichy est revenu sur cette décision et a fait la Bretagne à cinq.
Et vous omettez aussi de dire qu’à la Libération, nous avons déclaré juridiquement nuls et non avenus tous les actes adoptés sous le régime de Vichy : on ne peut pas confirmer des actes nuls et non avenus en droit !
Vous omettez encore de dire que ce que nous confirmons, ce sont des décisions républicaines : les décrets de 1955 et de 1964, et la loi de 1972.
Nous nous situons donc dans une continuité républicaine.
Et puisque vous convoquez l’histoire, je vous rappelle qu’il est impossible – en tout cas en droit – de confirmer des décisions juridiquement nulles et non avenues ; or c’est bien ce qu’avaient déclaré le Conseil national de la Résistance et le général de Gaulle à la Libération, et c’est dans cette filiation-là que nous nous situons !
« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en revenons aux orateurs inscrits sur l’article 3.
La parole est à M. Thierry Benoit.
Cette nuit, la majorité parlementaire a adopté une carte comportant un nombre, arbitraire, de treize régions, qui ne nous donne pas satisfaction – en tout cas, pas à moi.
Les décrets auxquels ont fait allusion le Gouvernement et certains porte-parole de groupes sont des décisions administratives, qui ont en effet plus ou moins consacré les régions à une époque qui n’est pas si ancienne – les années 1960 –, avec vingt-et-une régions métropolitaines et vingt-et-un préfets de région. Depuis 1982-1983, nous avons vécu trente ans de décentralisation. Le droit d’option, tel qu’il a été présenté jusqu’à maintenant, nous apparaît, comme je l’ai dit hier, comme un « piège » ; je ne qualifierai pas la nature de ce piège pour ne pas paraître outrancier à certains collègues, mais à ce stade, avec cette majorité qualifiée des trois cinquièmes, il constitue vraiment un verrou, une façon de mettre « sous cloche » les treize régions votées cette nuit.
L’article 3 définissant les modalités de regroupement volontaire des départements et des régions, comme le président de la commission des lois l’a rappelé tout à l’heure et comme je l’ai moi-même souligné durant la discussion générale et hier sur l’article 1er, il conviendrait de faire confiance aux acteurs des territoires – élus et population – en leur permettant de se déterminer. Le droit d’option devrait être le droit, la liberté de choisir : que le débat puisse s’engager à l’échelle d’un département ou d’une région, et que l’on offre un cadre réglementaire et juridique simple, c’est-à-dire une majorité simple, qui permette à un département de choisir sa région de rattachement, en toute liberté, confiance et simplicité.
En fait, à travers ce droit d’option, c’est tout simplement un temps de respiration que nous souhaitons offrir aux territoires, afin qu’ils s’approprient le sujet, comme ce fut le cas pour les intercommunalités. Quel chemin parcouru en quatre ou cinq ans ! Sous la présidence Sarkozy, à l’évocation d’intercommunalités de 5 000 habitants et d’une continuité territoriale, certains, qui n’étaient pas préparés, se sont montrés quelque peu choqués, ou tout au moins surpris. Or François Hollande, une fois arrivé aux responsabilités, va au-delà et estime que les intercommunalités devraient regrouper 20 000 habitants : c’est ce qui apparaît désormais au Gouvernement comme le bon critère. Le débat s’est enrichi dans les territoires et, finalement, chacun s’achemine vers la reconnaissance du fait intercommunal, c’est-à-dire la prérogative à l’intercommunalité.
Je pense que la volonté intime de Manuel Valls, le Premier ministre du moment,…
… est de reconnaître et renforcer le fait régional dans le cadre de la construction européenne. C’est pourquoi le discours de politique générale du gouvernement Valls I proposait la mise en extinction des conseils généraux à l’horizon 2020. Depuis, Manuel Valls a fait machine arrière, ce que je regrette, car c’est un jeune Premier ministre, non parasité par trente ou quarante années de politique.
Il s’est adonné malgré tout à de la discutaille politique, politicienne, voire politicarde,…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
avec un parti de sa majorité, dont je ne citerai pas le nom car je lui voue une certaine affection, et il a été conduit au renoncement. Le Premier ministre a renoncé au fait régional en annonçant trois catégories de conseils généraux, ce qui a conduit à semer la confusion à travers le pays.
Le fait d’accorder aux habitants des territoires un temps de respiration, un droit d’option simple, peut permettre une reconfiguration à la carte, de manière plus précise.
Je suis un député de la nation mais je vis en Bretagne, plus précisément à ses marches, et je défends aussi cette idée de la réunification de ma région.
Marc Le Fur a rappelé à l’instant des faits historiques. De fait, les habitants de la Bretagne disposent d’une occasion unique de se réconcilier avec l’histoire…
…qui a conduit à retrancher la Loire-Atlantique à sa région d’origine, la Bretagne. Au sein de ce débat sur la réunification, il est un combat interne, qui me concerne personnellement et me paraît légitime : celui des Marches de Bretagne, depuis le pied du mont Saint-Michel jusqu’à Machecoul, en passant par les villes de Fougères, Vitré et Châteaubriant. Au sein de ces villes moyennes qui irriguent les territoires ruraux de cette belle région de Bretagne, de ce polycentre breton, partagé entre Brest, Rennes et Nantes, nous avons un projet pour la région.
Je ne veux pas que les collègues des régions et départements voisins prennent ombrage de mes propos : je leur dis simplement que, peut-être – mais je ne veux pas décider pour eux – des faits historiques, géographiques, culturels ou économiques peuvent permettre, dans cette région Ouest, à partir des propositions des Bretons, une réorganisation de la carte de la région.
Nos amis normands sont aujourd’hui réunifiés, et je pense qu’ils doivent en être heureux : c’est en effet une chance pour eux.
Ce qui est valable pour eux peut l’être pour nous. En défendant cette Bretagne que nous affectionnons en tant qu’habitants, citoyens et élus, nous défendons aussi une région où l’on a toujours répondu présent aux rendez-vous européens, où l’on a voté « oui » à chaque consultation européenne.
Nous avons aussi toujours soutenu le principe de subsidiarité et le mouvement de décentralisation.
Enfin, je voudrais évoquer les pays et les bassins de vie. Jean-Yves Le Drian, le précédent président de la région Bretagne, ou Pierrick Massiot, le président actuel, ont engagé une démarche de contractualisation avec les bassins de vie que sont les pays. C’est aussi cela qui nous anime : des régions fortes dans une Europe qui s’organise et s’appuie sur ces bassins de vie.
Tels sont, monsieur le ministre, les amendements que je défendrai sur cet article 3, qui visent à permettre aux élus et aux populations des territoires de prendre leur destin en mains. Comme le disait Churchill, « mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne vous prenne par la gorge. »
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Je ne m’étais pas encore exprimé sur ce texte car je souhaitais réserver mes propos pour l’essentiel, c’est-à-dire ce qui motive les votes des uns et des autres. Or, le droit d’option me paraît être au coeur de ce texte. Ma conviction profonde est que la Bretagne est constituée de cinq départements, et doit donc inclure la Loire-Atlantique. Elle n’est pas inspirée par un état d’esprit identitaire, au sens d’un repli étroit sur son pré carré, en considérant tout ce qui est extérieur comme hostile ; c’est une conviction fondée sur des données historiques, géographiques, économiques et sociologiques.
Pour des raisons qui m’échappent, le Gouvernement n’a pas souhaité revenir sur la carte territoriale telle qu’elle existe depuis un certain temps.
Aujourd’hui, nous sommes dans un pays démocratique, où l’on ne doit pas avoir peur du vote. Aussi présenterai-je un amendement, avec ma collègue Annick Le Loch, qui vise à redonner au peuple, aux populations des départements concernés, des perspectives d’avenir.
Notre problématique est commune à un certain nombre d’autres territoires de notre pays. Il en résulte cette définition d’un périmètre des régions aussi proche que possible du sentiment et de la réalité d’appartenance.
Dans le cas où la population d’un département souhaite débattre, je proposerai qu’elle puisse s’exprimer par un référendum départemental, à la majorité simple, à l’appel de la région potentielle de sortie ou d’entrée – si je devais employer une expression académique, je parlerais de régions d’ineat ou d’exeat. Dans quel délai ce choix pourrait-il se faire ? Je pense qu’un délai de deux ans après la promulgation de la loi est raisonnable, afin d’éviter une instabilité institutionnelle qui serait préjudiciable à l’avenir des régions, des départements et des populations.
Le droit d’option simple et démocratique offre, à mes yeux, la souplesse nécessaire, pour que les populations « se l’approprient », comme disent les architectes à propos d’un bâtiment nouveau et original. Le droit d’option, mes chers collègues, consiste à ajouter l’onction démocratique à la technicité ministérielle. Tel est le sens de l’amendement que je soutiendrai.
Nous débattons du droit d’option et de la question de savoir s’il doit être renforcé, c’est-à-dire s’il appartient au législateur de verrouiller, en quelque sorte, le découpage ou s’il faut laisser aux populations départementales la possibilité d’exercer leur libre-arbitre. Tels sont, au fond, les termes du débat.
Toute disposition qui introduit une liberté est toujours séduisante puisqu’elle a, précisément, l’apparence de la liberté. Mais nous devons bien mesurer ce que nous ferions si nous admettions cette sorte de session de rattrapage, ouverte pendant un délai indéfini, pour un découpage voulu par le législateur, et des conséquences que cela pourrait avoir en termes d’économies comme de stabilité du dispositif.
Ceux qui tiennent absolument au droit d’option éprouvent, je le pense, un attachement d’ordre affectif et identitaire à leur région…
…que je peux comprendre. Mais je veux dire à nos collègues, en particulier alsaciens et bretons, que nous ne constituons pas des régions identitaires : en cette hypothèse, en effet, il ne serait pas logique que la Bretagne ne soit pas constituée de cinq départements. Or, le Gouvernement l’a répété et j’aimerais que ce soit réaffirmé clairement : l’esprit de ce projet de loi est de définir de grands périmètres économiques, qui correspondent à un échelon pertinent de l’action de l’État en matière de grands projets et d’infrastructures. Ces grands périmètres économiques ont assez peu à voir avec les régions – non seulement les régions au sens identitaire mais aussi les régions en tant que collectivités territoriales. En effet, si, sur le plan juridique, les nouvelles régions répondront bien à la définition d’une collectivité territoriale, sur le plan institutionnel, administrées comme elles le seront par des conseils élus très éloignés de la population du fait de la taille des nouvelles entités, ce seront à peine des collectivités territoriales.
Pour ma part, plutôt que l’idée d’agrandir ces collectivités territoriales, j’approuverais plutôt celle de définir des périmètres d’action économique significatifs. C’est la raison pour laquelle j’avais plutôt appelé de mes voeux une interrégionalité par convention entre des régions souhaitant travailler ensemble – et qui, d’ailleurs, le font déjà – plutôt que de réaliser un découpage contesté.
Il faut aussi rappeler que si, dans sa sagesse, le législateur a voulu « verrouiller » le droit d’option, c’est qu’il y a une raison à cela.
Si nous instituons un dispositif permettant aux départements, pendant un délai indéfini – ou même pendant une période limitée à deux ans, comme M. Le Bris vient de le proposer – de sortir, d’entrer, d’aller d’une région à une autre, cela se traduira par des déménagements de services, voire même de fonctionnaires. Je ne vois pas comment ceci serait conciliable avec l’objectif d’économies et de rationalisation du mille-feuille territorial recherché, à juste titre, par le Gouvernement.
Il y a eu un incident tout à l’heure sur la question du découpage des régions par le régime de Vichy. Je veux rappeler, à ce propos, qu’il y a eu, historiquement, un important débat au sein de l’état-major vichyste : la commission Romier avait prévu, à l’origine, une Bretagne à cinq départements. La Bretagne à quatre départements a été finalement décidée sous la pression de la Wehrmacht, qui a trouvé utile, pendant quelque temps, de garder un état-major à Angers ; c’est tout ce qu’elle souhaitait. Le préfet régional d’Angers écrit, en 1943 – je le cite – que « le choix d’Angers comme chef-lieu de région [ donc distinct de la Bretagne ], a été imposé par les circonstances. À la paix, Nantes reviendra à la Bretagne, si les provinces sont reconstituées à ce moment-là. » Autrement dit, la vision vichyste des provinces françaises était bien une Bretagne complète, si j’ose m’exprimer ainsi. Je voulais donc rectifier, pour employer un euphémisme, les approximations historiques regrettables de notre collègue Le Fur.
Je ne peux pas ne pas dire que j’ai trouvé profondément choquant l’amalgame pratiqué par notre collègue Le Fur.
Au-delà de cette provocation, pour revenir au sujet, je veux insister sur le fait que ce droit d’option concerne tant la Bretagne que – excusez-moi d’y revenir – les Pays de la Loire, qu’il ne faut pas oublier. Voilà quarante ans que les Pays de la Loire ont construit un succès confirmé par tous les chiffres, économiques et démographiques. Voilà quarante ans que notre région s’est construite sur des complémentarités et en anticipant l’avenir, je le répète, vingt ou trente ans à l’avance. Une telle organisation, à nos yeux, mérite mieux, beaucoup mieux que d’être démembrée. Je le redis ici : si nous sommes ouverts à la Bretagne tout entière, nous attendons que celle-ci soit également ouverte à la réussite des Pays de la Loire tout entiers. Telle est ma réponse au constat de l’absence d’espoir que vous avez peu ou prou posé : eh bien non, nous avons cet espoir, et nous maintenons la main tendue.
Je veux à présent dire un mot de la technique juridique du droit d’option. Première provocation : celle consistant à dire que la région de départ ne pourrait pas peser, par un vote, sur une telle décision.
Comment imaginer, après tout ce qui vient d’être dit – que la région d’accueil doive voter, cela est évident, de même que le département qui souhaite partir, lequel peut d’ailleurs être soit sollicité, soit demandeur, voire les deux à la fois –, comment imaginer, disais-je, que la région de départ, qui partage un héritage commun, une « copropriété » – même si je n’apprécie guère ce dernier terme s’agissant d’action publique –, ne vote pas elle aussi ? Cela me paraît la moindre des choses. Je considère donc comme une provocation d’imaginer que l’avis de la région de départ puisse n’être que consultatif.
Interruptions sur les bancs du groupe UMP.
Chers collègues, je vous ai écoutés sans vous interrompre. Je souhaiterais, à mon tour, pouvoir poursuivre sans être interrompu, si vous le voulez bien.
J’en viens à la majorité requise pour exercer ce droit d’option. J’apprécie, à Rome en particulier, un certain nombre d’oeuvres baroques, et vous savez que l’une des grandes spécialités de cet art réside dans le trompe-l’oeil. Et très franchement, le dispositif conçu par le Sénat me paraît relever du trompe-l’oeil. Comment en serait-il autrement d’un dispositif en vertu duquel, d’un côté, la région d’accueil devrait donner son accord à la majorité des trois cinquièmes, tandis que de l’autre côté, la région de départ devrait manifester son désaccord à la même majorité, ce qui revient, ni plus ni moins, à exiger une majorité d’un côté et à donner la prime à une minorité de l’autre ? Je voudrais donc éliminer également, si vous le voulez bien, cette possibilité.
S’agissant plus précisément du sujet de la majorité qualifiée, première observation : il s’agit bien d’une majorité et non d’un droit de veto, comme certains, dans des amalgames juridico-politiques quelque peu douteux ou approximatifs, ont pu le laisser entendre. C’est un droit d’option à la majorité qualifiée, donc supérieure à la majorité relative, mais il ne s’agit bien toujours que d’une majorité, pas d’une unanimité : sauf erreur de ma part, on est donc loin du droit de veto.
Deuxièmement, pourquoi se pose aujourd’hui la question de la majorité qualifiée ? Comment est-elle apparue ? Elle a notamment fait florès, vous le savez, dans le droit de l’intercommunalité. Mon collègue a d’ailleurs évoqué tout à l’heure à juste titre la construction des intercommunalités, qui sont également un rapprochement, en quelque sorte, de collectivités territoriales préexistantes. Or, quelle est la règle pour les intercommunalités ? Pour une délibération qui n’est pas ordinaire ou courante, portant par exemple sur les compétences ou, mieux encore, sur le périmètre d’une intercommunalité, la décision doit être prise aux deux tiers des communes représentant au moins la moitié de la population ou à la moitié des communes représentant au moins les deux tiers de la population. Telle est la règle de la majorité qualifiée pour les intercommunalités.
Pour les régions, quand il s’agit de modifier un périmètre, ce qui, me semble-t-il, n’est pas une délibération courante, par parallélisme, une majorité qualifiée doit être requise. Cela est absolument nécessaire, à moins de considérer les régions comme moins importantes que les intercommunalités, ou l’espace régional comme moins important que l’espace intercommunal, ce qui ne serait pas cohérent. De toute évidence, si l’on confère un droit d’option, celui-ci doit s’exercer dans le cadre d’une majorité qualifiée.
À cet égard, je me suis efforcé, dans un amendement que je ne prendrai pas la peine de défendre ensuite outre mesure puisque je le fais ici, de trouver une formule équivalente à celle du droit d’option pour les intercommunalités. Ce droit d’option exigerait des délibérations concordantes adoptées soit à la majorité des deux tiers dans chacun des conseils régionaux de la région d’origine et de la région d’accueil et à la majorité simple dans plus de la moitié des conseils départementaux de chacune des régions, soit à la majorité simple de chacun des conseils régionaux de la région d’origine et de la région d’accueil et de plus des deux tiers des conseils départementaux dans chacune de ces régions. J’ai déposé cet amendement dans un souci de parallélisme des modes de délibération.
Cela étant dit, si le droit d’option était maintenu avec la règle de la majorité des trois cinquièmes, je m’en satisferai et retirerai alors mon amendement. Je souhaitais simplement rappeler qu’ici on ne réinvente pas l’eau chaude, que l’on s’en tient aux principes qui fondent l’existence même des majorités qualifiées car, je le répète, avec le droit d’option, il ne peut s’agit d’une délibération ordinaire.
Pour conclure, j’aimerais rappeler, et cela a été dit tout à l’heure, que pour les intercommunalités, la majorité qualifiée vise à assurer un minimum de stabilité et de visibilité aux politiques d’investissement, qui sont, par définition, des politiques de long terme. On n’investit pas, ou rarement, pour une durée de cinq ou six ans, c’est-à-dire celle d’un mandat, à plus forte raison dans une région ; on investit pour des périodes bien plus longues. Si l’on veut concilier la possibilité d’ajustement, ce que je peux comprendre, et une certaine stabilité, il me paraît évident qu’une décision d’une telle importance doit être prise à la majorité qualifiée.
Avec la majorité de mes collègues des Pays de la Loire, nous avons depuis le début du débat soutenu la création d’une région Pays de la Loire-Bretagne. La Bretagne n’a pas souhaité un tel rapprochement, et c’est bien regrettable, car nous laissons passer là une formidable occasion de constituer une région forte à l’ouest de l’Europe, occasion qui aurait pu tous nous renforcer.
À quoi servirait le découpage des régions que nous avons voté hier soir si dès le lendemain chacun pouvait faire ce qu’il voulait ?
Surtout si c’est pour tenir des propos comme ceux que vous avez tenus, monsieur Le Fur !
C’est la raison pour laquelle il faut maintenir l’avis concordant des collectivités locales lorsqu’un département souhaite modifier son rattachement régional, donc conserver le texte qui a été adopté en première lecture.
Ceux qui veulent passer outre l’avis de la région de départ aspirent seulement à ériger en règle générale une règle qu’ils ne voudraient voir appliquée qu’à eux.
Beaucoup de souplesse a déjà été apportée au cours de l’examen du texte en première lecture dans les deux assemblées ; je pense notamment à la suppression de l’obligation de consultation référendaire. La carte des régions n’a pas vocation à changer tous les jours ; il s’agit donc seulement de prendre en compte des cas très précis et de faire reposer la décision sur un consensus local, c’est-à-dire l’accord du département concerné, de la région d’accueil, mais aussi, et cela paraît une évidence, de la région d’origine.
Le départ d’un département, vous le savez tous, peut déstabiliser ou appauvrir sa région d’origine, sans parler d’ailleurs des problèmes politiques qui peuvent en résulter par ailleurs. C’est pour cela qu’une telle décision nécessite l’avis de toutes les collectivités, du fait des solidarités qui existent entre elles et afin de garantir les politiques publiques qui ont été engagées, d’autant plus que la région procède à des investissements parfois lourds et onéreux.
C’est également pour cette raison que le mécanisme de changement ou droit d’option est toujours encadré, comme pour les intercommunalités. Lorsqu’une collectivité quitte une intercommunalité pour une autre, l’accord des deux collectivités est requis à la majorité qualifiée de la moitié des communes représentant les deux tiers des populations ou des deux tiers des communes représentant la moitié de la population.
Nous sommes donc, mes chers collègues, à un moment charnière de l’examen de ce texte. Pour ma part, je suis nantaise, je suis bretonne de Loire-Atlantique.
Je suis attachée à la culture bretonne, mais je pense qu’à un moment donné, il faut aller de l’avant. Que nous soyons de la région des Pays de la Loire ou de la Bretagne historique, nous devons dépasser cette notion de Bretagne historique pour étudier comment sur le plan économique, faire avancer tous ensemble ces régions.
Nous avons déjà noué, et cela a été dit à plusieurs reprises, de très nombreux partenariats entre la Bretagne et les Pays de la Loire ; ils continueront de fonctionner et se perfectionneront même. Cela ne suffit pas cependant à justifier la posture de ceux qui réclament à cor et à cri la Loire-Atlantique…
Je suis désolée de vous le dire, mais la Loire-Atlantique n’est pas forcément d’accord d’emblée pour vous rejoindre, comme vous semblez le laisser penser aux uns ou aux autres.
Il convient donc de clarifier les choses, et d’éviter que ce que vous tentez aujourd’hui avec un département ne soit possible dans d’autres régions demain. On peut en effet imaginer que dans la région Centre, par exemple, un département rejoigne telle ou telle région, un autre telle ou telle région,…
…que l’on déshabille un peu toutes les régions et qu’on perde au final tout équilibre territorial. Ce n’est pas ce que nous souhaitons collectivement, me semble-t-il. Je vous invite donc, mes chers collègues, à conserver le texte qui a été voté en première lecture.
Le hasard veut que nous parlions du droit d’option, c’est-à-dire de la possibilité pour les départements de rejoindre le cas échéant une autre région, après avoir parlé des capitales. Je n’ai pas voulu en rajouter tout à l’heure sur ce sujet, mais je suis tout de même l’élu d’une ville, Nantes, qui se retrouve dans une situation étrange : être la capitale d’une région sans être dans la région dont elle est la capitale.
Cette situation, vous en conviendrez, est tout à fait absurde.
Mais laissons là ce trait d’humour, car mon intention était d’en revenir au fond. Je rappelle, pour ceux qui ne le sauraient pas, et que j’invite à venir le visiter, que le magnifique château des ducs de Bretagne se trouve à Nantes.
Et même si certains ont essayé de le rebaptiser château de Nantes, il ne s’appellera jamais le château des Pays de la Loire ou le château de la Loire ; c’est le Château des Ducs de Bretagne et il est à Nantes.
C’est très bien ainsi, et nous sommes très fiers, à l’instar de celui qui a été maire de Nantes pendant vingt-trois ans, d’avoir investi sur ce château pour lui redonner tout son lustre.
Nous appuyons les propos de Jean-Jacques Urvoas avec force, d’autant plus qu’il a été assez économe de ses propos…
… tout au long de ce débat, nous avons été nombreux à le noter. S’il a pris la peine d’intervenir à ce moment, nous en remarquons l’importance.
Nous souhaitons en effet qu’une procédure soit prévue pour permettre d’ajuster, d’assouplir la carte qui a, comme nous l’avons dit hier, été réformée par en haut – étant entendu bien sûr que cette possibilité doit être encadrée, y compris dans le temps, pour ne pas laisser penser que les périmètres fixés pourraient être révisés au fil de l’eau de façon permanente. Et nous voulons que cet outil soit aux mains des élus locaux, aux élus des territoires, des régions, des départements, auxquels on n’a finalement pas tellement donné l’occasion de s’exprimer au cours de ce débat.
J’entends certains parler au nom d’un département ou d’une région et dire « nous ne voulons pas ceci », « nous ne voulons pas cela », mais le mieux serait encore de donner la parole aux élus des départements, qui seraient plus légitimes en la matière. Moi qui suis un des dix députés de Loire-Atlantique, je n’ai pas la prétention de pouvoir m’exprimer ne serait-ce qu’au nom du dixième de la Loire-Atlantique, et même si x députés de Loire-Atlantique s’exprimaient, ils ne représenteraient pas absolument toute la Loire-Atlantique !
Je ne sais pas si certains collègues ont ressenti la même chose que moi, mais depuis ce matin que les médias font état du vote intervenu dans la nuit d’hier sur la carte des régions, il me semble avoir la gueule de bois, disons-le.
Non, mon cher collègue, nous faisons de la politique ! Mais je prends cela comme un trait d’humour.
Le vote d’hier a en effet infligé des blessures à plusieurs territoires de notre pays, il faut en être conscient. Et cela traverse tous les groupes politiques : ce n’est plus une question de gauche ou de droite, de socialistes, d’UMP, ou d’autres, c’est une question qui touche le peuple français dans beaucoup d’endroits de notre pays.
La doctrine fixée par le Gouvernement – peut-être d’ailleurs par le Président de la République lui-même – était de fusionner les régions par bloc. Cette contrainte supplémentaire dans la redéfinition de la carte a engendré les difficultés que l’on constate aujourd’hui, je n’y reviens pas. Quant à nous, nous pensons qu’il faut redonner un peu de souplesse.
J’ai entendu à plusieurs reprises dans la bouche du ministre de l’intérieur mais aussi de certains collègues qu’il s’agissait d’une réforme administrative. Chers collègues, les élus des établissements publics de coopération intercommunale, que certains ont pris comme exemple, ne sont pas élus au suffrage universel direct ; une telle comparaison n’est donc pas adaptée. Il s’agit au contraire d’une réforme profondément politique, parce qu’on touche à l’essence même de la politique. Que voulons-nous faire ensemble, et comment voulons-nous le faire ? C’est cela, un découpage régional !
Alors bien sûr, en Bretagne, d’autres collègues l’ont dit avant moi, la situation est très choquante et saute aux yeux de tout le monde. Mais je sais que dans le reste de la France, d’autres territoires pourraient également être intéressés par des évolutions venues d’en bas, c’est-à-dire initiées par les élus locaux. Nous souhaitons que la procédure soit simple, transparente, qu’elle ne soit pas une illusion.
M. Gaymard, qui n’est pas présent aujourd’hui, a dit hier que la procédure avait été créée par la précédente majorité, par le précédent gouvernement. Permettez-moi d’ajouter, je n’ai pas voulu le faire hier, que cette procédure avait été pensée pour qu’il ne se passe rien.
D’ailleurs, nos collègues alsaciens, les élus alsaciens en général, en ont fait les frais : des majorités qualifiées, des verrous, des choses qu’on ne voit nulle part ailleurs en démocratie !
Il faut en tirer les leçons. On ne peut pas conserver en l’état des procédures qui mènent à des impasses.
Nous souhaitons donc une procédure simple, transparente, démocratique, et cela, c’est la majorité à 50 %. C’est l’essence même de la démocratie. Nous sommes pour notre part opposés à toute forme de droit de veto. Nous l’avons déjà dit. Nous pensons que ce n’est pas respectueux des habitants des territoires concernés.
Nous entendons cependant les inquiétudes relatives au respect des équilibres. Trouvons une voie entre nous, chers collègues. Nous y sommes parvenus tout à l’heure alors que les débats avaient été très tendus au sujet de la capitale alsacienne ; peut-être pourrons-nous également le faire sur ce sujet, converger, imaginer un processus dont la validité serait limitée dans le temps afin que cette carte des régions ne puisse pas être remise en cause à tout moment.
Cela me brise le coeur d’entendre des députés de la nation mépriser autant certains de leurs voisins ! Je suis élue de Vendée, et bien que ne siégeant pas sur les mêmes bancs que Michel Piron, j’ai, comme lui, chevillé au corps, l’amour des Pays de la Loire. Nous aimons aussi la Bretagne, même à quatre départements ! Nous savons ce qu’elle représente, nous connaissons sa culture, sa richesse, et aussi son identité. Mais précisément, nous ne voulons pas tomber dans l’identitaire.
Il ne faut pas essayer de renouer avec un passé fantasmé pour déterminer les frontières régionales, mais considérer l’économie, l’enseignement, les transports, la vie que veulent nos concitoyens et quel peut être l’apport de ces nouvelles grandes régions.
Des sondages ont été réalisés, indiquant que 73 % des Ligériens étaient favorables au maintien de la région Pays de la Loire. C’est bien ce qui a été voté, tant mieux ! Il ne faut surtout pas qu’un droit d’option puisse démembrer cette région. Et 67 % des Ligériens sont – ou en tout cas étaient – favorables à une fusion des deux régions Pays de la Loire et Bretagne. Aucun Ligérien ne souhaite qu’on se débarrasse d’un département et qu’on fasse ainsi éclater la région.
D’ailleurs, lorsqu’il a été question de cette réforme, le Premier ministre l’avait dit, il s’agissait à l’origine de fusionner des régions, surtout pas d’en démembrer. Comme Marie-Françoise Clergeau, je suis résolument opposée à un droit d’option qui faciliterait l’arrachage d’un département à notre région des Pays de la Loire.
Celle-ci a prouvé sa vivacité : elle est la première pour la création d’emplois ; le taux de chômage et le taux de pauvreté y sont les plus bas de France ; elle se classe au cinquième rang pour la richesse produite ; l’accès au logement y est plus facile qu’ailleurs. C’est, dans le contexte actuel, ce que l’on pourrait appeler une région heureuse. Vous voulez, chers collègues, nous priver de ce bonheur. Ce n’est pas raisonnable !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Intervenant pour la première fois dans ce débat, je souhaite le remettre dans la perspective du texte et des travaux préparatoires, y compris ceux que nous avons conduits au sein du groupe majoritaire. Après de nouvelles discussions animées, nous venons de rétablir la carte comptant treize nouvelles régions.
Comment ces régions ont-elles été constituées ? Ces regroupements semblaient cohérents – bien entendu, il peut y avoir débat sur cette question – en matière de vision administrative, d’aménagement du territoire, de puissance régionale. Si un terme n’a pas présidé au redécoupage, c’est bien celui d’ « identité ». Si cela avait été le cas, la nouvelle région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes n’aurait jamais existé, et trois ou quatre régions au moins auraient dû être créées à la place. Et je pourrais prendre de multiples exemples, partout sur notre territoire, de l’Alsace au Béarn.
Celui qui vous parle est originaire d’une région qui a une forte identité. Mais notre République, une et indivisible, permet que s’expriment de fortes identités régionales, et je m’en félicite.
Je me félicite que nous les fassions vivre, que nous les reconnaissions. Mais je conteste le fait qu’elles puissent déterminer demain les frontières d’une ou plusieurs régions.
Nous avons laissé la possibilité d’une évolution de ces régions, mais sur la base de consensus très larges. Puisque la question bretonne est au centre du débat, et je ne veux pas l’évacuer, prenons cet exemple. Le droit d’option, tel que nous l’imaginons, pourra être le moyen d’aller plus loin sur ce qu’il ne nous a pas été possible de faire, compte tenu des règles que nous nous sommes fixées, notamment une fusion de régions, dès lors que des consensus très larges sont prévus dans le texte voté en première lecture.
Si je formulais oralement un amendement prévoyant qu’il est impossible de priver une région de sa capitale, tout le monde y serait favorable. Il semble évident que l’on ne puisse pas faire sortir la capitale d’une région constituée pour la laisser rejoindre une autre région.
Chacun perçoit bien le déséquilibre total qui s’ensuivrait. Ce n’est qu’aux termes d’un large consensus, et non d’une simple majorité, que peuvent être décidées des évolutions aux conséquences si importantes en matière d’équilibre des territoires. Il ne doit pas être interdit à un département de pouvoir se rattacher à une autre région, mais cela ne doit être autorisé que sur la base d’un très large consensus, tant dans la région d’accueil que dans la région d’origine.
Enfin, et je m’adresse tout particulièrement à nos collègues bretons, si nous sommes restés sur la carte actuelle de la région Bretagne, c’est grâce à la force qu’elle dégage, grâce à sa place singulière sur notre territoire.
Monsieur Le Fur, je comprends la réaction de mes collègues aux propos que vous avez tenus.
Lors des travaux préparatoires, la volonté était d’aller assez loin dans les regroupements. Il y aurait pu y avoir au sein de mon groupe, au sein même de l’Assemblée, une large majorité en faveur d’une fusion entre les Pays de la Loire et la Bretagne.
Mais en raison de la force de la région Bretagne, et d’autres arguments qui m’ont semblé recevables, cela n’a pas été proposé, et c’est une bonne chose. Nous avons su écouter les arguments, notamment ceux des élus bretons…
… pour ne pas aller en ce sens. Il faut aujourd’hui veiller à ne pas aller trop loin dans l’autre sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Interruptions sur les bancs du groupe UMP.
Madame Le Callennec, vous interviendrez à votre tour.
Pour le moment, la parole est à M. Jacques Krabal.
Nous avons voté une carte hier soir qui donne certainement satisfaction à une majorité. J’imagine la joie de mon collègue Alain Tourret, entre autres, qui attendait depuis vingt-cinq ans la réunification de la Normandie. Mais vous comprendrez qu’il puisse y avoir des territoires, ou du moins une partie de ces territoires, qui ne soient pas satisfaits de la nouvelle carte. Ce que je dis là n’est pas nouveau s’agissant de mon territoire, je l’ai dit dès la première lecture
J’ai bien entendu le président Urvoas, qui a appelé à prendre en compte les frustrations. Pour le département de l’Aisne, ces frustrations ont été avivées par le fait que la première carte du Président de la République donnait un autre périmètre à la région Picardie. Il est facile de rechercher le consensus lorsqu’on est d’accord ! C’est beaucoup plus difficile lorsqu’on diverge ! Il aurait pourtant fallu de s’y atteler, mais on n’a pas senti cette volonté – laquelle s’affirmait sur quelques territoires. Dès lors que la règle était des fusions par blocs, il fallait prendre en considération le cas des territoires sans cohérence régionale.
La région Picardie, si elle a existé à travers la Somme et Amiens, n’a jamais eu de cohérence territoriale. Cela fait quarante ans que le département de l’Aisne vit cette forme d’injustice, et voilà que nous allons repartir pour quarante ans ! Ce n’est pas la dimension identitaire qui commande mon intervention, mais la dimension économique, la vie des habitants. Lorsque toutes les infrastructures, le CHU, les universités, se trouvent à moins de trente minutes, dans cette capitale métropole qu’est Reims, et que le choix est fait de Lille, vous comprendrez qu’il faille trouver le moyen d’assouplir le droit d’option.
Je salue donc la clairvoyance du président Urvoas sur ce sujet.
Je suis choqué. Il est vrai que j’ai une culture d’élu local, même si je suis fier d’être un représentant de la nation. Pour moi, le droit d’option, ce n’est pas ouvrir la boîte de Pandore.
C’est lancer le débat, donner la parole aux élus locaux. Arrêtons de caricaturer leur position. Ce ne sont pas eux qui font un pas en avant, deux pas en arrière ! C’est ici que l’on fait cela ! Donc, cessons et écoutons les élus des territoires !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
On ne peut pas rétablir le conseil départemental comme vous l’avez fait – ce qui est une très bonne chose pour les territoires ruraux – puis cadenasser, verrouiller le droit d’option pour les futurs conseillers départementaux.
Il faut être cohérent, faire confiance aux élus, au peuple et donc à la démocratie. Il faut un droit d’option qui soit applicable rapidement et qui donne la liberté de choix aux élus départementaux. Il leur faudra déjà aller aux prochaines élections départementales tout à la fois en ignorant quelles seront les futures compétences et en sachant qu’il est possible qu’après ces élections, le périmètre de leur région change ! Il aurait fallu que tout le dispositif puisse entrer en vigueur avant, mais je sais que vous êtes coincés avec le Conseil constitutionnel. Le groupe RRDP, et son président Roger-Gérard Schwartzenberg, déjà en première lecture, avaient proposé des amendements visant à assouplir le droit d’option. Nous comptons sur vous pour répondre aux frustrations qui s’expriment fortement dans les territoires. D’avance je vous en remercie.
Hier et ce matin, l’Alsace, à présent la Bretagne et les Pays de la Loire. Monsieur Le Roux, vous prétendez avoir écouté les élus bretons mais je vous pose la question : lesquels avez-vous écoutés ? Lesquels avez-vous entendus ? Assurément pas le Président de la région Bretagne, M. Massiot, qui a écrit à tous les députés et tous les sénateurs bretons, quelle que soit leur couleur politique, pour qu’ils portent une autre vision que la vôtre. Assurément pas non plus le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, qui lui aussi souhaite assouplir ce que vous appelez un droit d’option – même s’il n’en est pas un du tout.
Ce débat sera sans fin, tout simplement parce que vous n’employez pas la bonne méthode.
Tant qu’on ne sait pas qui fait quoi, avec combien, sur quel projet de territoire, est difficile de dire avec qui.
Lorsque le Premier ministre s’est rendu il y a une quinzaine de jours au congrès de l’Assemblée des départements de France, à la question posée par le président Claudy Lebreton de savoir pourquoi on en était arrivé là, pourquoi on n’avait pas commencé par réfléchir aux compétences avant de s’attaquer aux redécoupages, il a apporté cette réponse incroyable : parce que nous étions majoritaires dans les départements et les régions ! Et pourtant nous, nous y avions cru à l’acte III de la décentralisation, parce qu’il nous donnait une certaine visibilité, mais c’était sans compter la guerre des barons !
Nous cherchons en vain depuis le début la logique de votre réforme. Selon quels critères objectifs avez-vous choisi de marier –ou pas – une région à une autre ? L’exemple de la Bretagne et des Pays de la Loire est édifiant. Si le texte reste en l’état, il ne se passera rien, ni pour la Bretagne ni pour les Pays de la Loire. Nous vous invitons à travers cet article 3 et le droit d’option à faire évoluer votre position.
Ce droit d’option, en effet, n’en est pas un. Vous l’assortissez de telles conditions qu’il est évident que vos manoeuvres relèvent de l’hypocrisie. En vérité, comme vous n’en voulez pas, vous faites tout pour qu’il ne puisse pas être mis en oeuvre.
Je vous poserai enfin une dernière question car nous ne sommes pas totalement en phase avec notre collègue Michel Piron. Dans ma circonscription, une commune veut quitter une communauté de communes et demander son rattachement à une communauté d’agglomération voisine : elle n’a pas besoin de l’accord de la structure qu’elle quitte, seulement de celui de celle qui l’accueille, son choix devant être confirmé par la commission départementale de coopération intercommunale.
M. Piron affirme que l’accord de l’intercommunalité de départ est absolument nécessaire mais je viens de vous citer un cas concret où l’on a redemandé au préfet la règle du jeu : ce n’est pas une obligation.
Pour que le droit d’option soit réel et non virtuel, vous devez faire évoluer la règle car aujourd’hui, le dispositif est verrouillé et le droit d’option n’existe pas. Je me mets à la place de mes collègues qui sont élus en région Pays de la Loire. Je comprends l’argument selon lequel Nantes est la capitale de la région Pays de la Loire mais je pense qu’il ne faut pas avoir peur des territoires, des élus, et surtout pas du peuple.
La moindre des choses est d’offrir le droit de choisir. En verrouillant, vous prenez le risque qu’il ne se passe absolument rien.
Je voudrais faire deux remarques, l’une de nature politique et l’autre de nature juridique. D’un point de vue politique, je salue la sagesse du président de la commission des lois et son argumentation en faveur de l’assouplissement du droit d’option est très convaincante. Il est évident que la position défendue par M. Le Roux conduira à verrouiller ce droit. Vos propos ne sont que des faux-semblants et vous n’ouvrez aucune perspective. Quoi que vous disiez, vous refusez manifestement d’évoluer vers une majorité simple. Requérir une majorité des trois cinquièmes rend le droit d’option extrêmement difficile à exercer. Vous n’êtes pas dans le principe de réalité, ce qui est dommage car, comme l’a dit tout à l’heure notre collègue Krabal, c’est ignorer une part de la réalité quotidienne.
Sur un plan juridique, nous devons également nous préoccuper de nos concitoyens et de l’impératif de proximité. C’est bien simple : grâce à ce texte, vous allez vider certaines régions actuelles de leurs compétences, y compris celles qu’elles sont les mieux à même d’exercer, pour les transférer en totalité à un échelon supérieur ou à une entité plus vaste.
Par ailleurs, nous n’avons pas évoqué le principe de subsidiarité qui pose un problème d’ordre constitutionnel. Je tenais à le préciser ce matin. Vous le voyez, patiemment, nous égrenons un certain nombre d’éléments qui laissent à penser que ce texte pourrait être retoqué par le Conseil constitutionnel.
Beaucoup de choses ont été dites et bien dites. Je salue tous les propos tenus par mes collègues, à commencer par le président du groupe SRC, Mme Bechtel, Mme Clergeau, Mme Bulteau, M. Piron. N’oublions pas que nous sommes des législateurs et des représentants de la nation tout entière, la France. Or, depuis la première lecture, je suis quelque peu choquée par les propos régionalistes qui ont été tenus et qui opposent les territoires. Je vous le dis très simplement : je ne suis ni de Nantes, ni de Rennes, je suis d’Athènes, et j’ai choisi ce pays, qui m’a adoptée, pour ce qu’il représente dans sa totalité.
J’ai étudié très attentivement l’étude d’impact. Ce projet tend à ce que les régions françaises atteignent une taille qui leur permette d’exercer à bonne échelle leurs compétences. Il s’est appuyé aussi sur la notion de PIB régional total et par habitant. Je suis attachée à l’exercice du droit d’option à la majorité des trois cinquièmes, décidé en première lecture. Je tiens également à ce que l’on respecte les critères définis dans l’étude d’impact. Que se passe-t-il si un département qui représente près de 40 % du PIB d’une région quitte sa région d’origine ? Que devient le reste de la région ? Si nous n’avons pas pu constituer une région plus importante, ce n’est pas grave, nous continuerons à travailler ensemble, mais ne défaisons pas, ne désorganisons pas, au nom de notre pouvoir de législateur, l’ensemble de notre territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Tous ces propos sont très excessifs. L’on parle de verrouillage mais que représente une majorité de trois cinquièmes ? 60 %. Nous discutons d’un passage de 60 % à 50 %, pas de 75 % à 50 %. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait ramener le débat à des proportions plus raisonnables ? Surtout, normalement, la majorité, au sein d’un conseil régional, est plus que majoritaire puisqu’elle bénéficie d’une prime de 25 %. En général, la liste arrivée en tête bénéficie de quasiment 60 % des sièges. Vous voyez que le droit d’option, en particulier pour les deux régions concernées, pourra s’exercer de manière bien plus souple que vous ne le prétendez.
Bien sûr se pose la question du conseil général mais je crois qu’il faut se ranger à la sagesse du président Le Roux sur la nécessité d’obtenir le consensus le plus large possible Si l’on fait le parallèle avec d’autres procédures comparables, notamment en matière d’intercommunalité, on s’aperçoit qu’en général se dégagent de larges consensus et des majorités qualifiées.
Non, le droit d’option, tel qu’il existe dans le texte aujourd’hui, n’est pas verrouillé. Non, la carte n’est pas figée.
Nous devons relativiser les enjeux car un passage de 60 à 50 % ne serait pas l’évolution la plus déterminante qui soit. Notre groupe est favorable à un droit d’option qui permette à cette carte d’évoluer à l’avenir mais il souhaite que ce soit fait avec mesure et en réunissant de larges consensus.
Je l’avais déjà dit en première lecture : les propos qui ont été tenus sur ce que vous appelez le droit d’option me semblent largement excessifs. Beaucoup d’entre vous ont invoqué le bon sens des élus locaux et des élus régionaux. J’ai eu le plaisir de recevoir, pour préparer le rapport au nom de la commission des lois, l’ensemble des conseils régionaux. J’ai convié les présidents de chacune des régions et un représentant des quatre principaux groupes de chacune des régions de France telles qu’elles sont aujourd’hui constituées. À ce sujet, je peux vous le dire aujourd’hui : je me suis senti souvent seul pour auditionner ces élus régionaux mais j’ai cru comprendre que c’était le lot de chaque rapporteur !
Au cours de ces auditions, j’ai relevé que, si tous les élus régionaux abordaient cette question du droit d’option pour des départements limitrophes de leur région, ils y étaient très fermement opposés pour des départements de leur propre région, et ce quelles que soient les régions. Les conseillers régionaux connaissent eux aussi les contradictions que nous ressentons sur tous les bancs de cet hémicycle depuis l’examen en première lecture. Une région peut vouloir s’agrandir mais elle ne veut se séparer d’aucun de ses départements qui font sa force économique ou démographique.
Par ailleurs, ne vous en déplaise, la seule comparaison valable aujourd’hui en droit est celle des communautés d’agglomération et des communautés de communes, même si comparaison ne vaut pas raison, d’autant plus que les situations ne sont pas identiques. Notre collègue a raison de rappeler qu’en période de révision du schéma départemental de coopération intercommunale, il n’est pas nécessaire de réunir une majorité qualifiée. Mais en temps normal, il faut bien recueillir l’aval des deux tiers des communes représentant la moitié de la population ou de la moitié des communes représentant les deux tiers de la population. Une majorité qualifiée est bien nécessaire. Par ailleurs, l’avis de la communauté de communes ou de la communauté d’agglomération d’origine est demandé.
Dans le cas qui nous occupe, il est inimaginable que la région d’origine ne donne pas son avis et que celui-ci ne soit pas pris en compte. Sur quoi portera le débat ? Nous nous sommes interrogés en commission : faut-il une majorité des trois cinquièmes ou une majorité simple ?
En toute franchise, compte tenu de la règle de constitution des majorités lors des élections avec la prime majoritaire de 25 %, toute liste arrivant en tête – même en cas de triangulaire – rassemble presque 60 % des élus d’un conseil régional.
Enfin, le droit d’option, qui existe dans la loi actuelle, est extrêmement complexe.
Je note que la seule région qui en a fait l’expérience – avec succès – est l’Alsace. Aucune autre région, aucun autre département n’a engagé cette procédure référendaire de consultation des citoyens pour faire valoir ce droit d’option.
J’irai même plus loin, puisque le débat de ce matin concerne principalement la Bretagne et les Pays de la Loire. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a modifié l’article L. 4122-1-1 du code général des collectivités territoriales permet d’inscrire une proposition de fusion à l’ordre du jour d’un conseil général ou régional à l’initiative de 10 % de ses membres. Or, cette loi est en vigueur depuis le 27 janvier 2014. Le conseil général de Loire-Atlantique comporte cinquante-neuf membres. Il aurait donc suffi de six conseillers généraux pour inscrire la question à l’ordre du jour ! Depuis huit mois, ce n’a pourtant pas été le cas. Des quatre-vingt-treize conseillers régionaux des Pays de la Loire, il aurait fallu qu’il s’en trouvât dix pour inscrire la question à l’ordre du jour : cela ne s’est pas non plus produit.
On aura beau utiliser tous les arguments dans tous les sens, on ne saurait se référer tantôt à la représentation nationale, tantôt au seul Sénat en refusant à l’Assemblée sa légitimité, et tantôt aux conseils régionaux ou aux conseils généraux, selon ce qui nous arrange le plus…
… pour tout mélanger et, en fin de compte, ne rien décider. Ce que nous avons à décider, chers collègues, et que nous avons déjà commencé de faire par le vote d’hier soir, c’est une carte des régions de France. Cette carte doit offrir la stabilité nécessaire pour que nos concitoyens s’y retrouvent. Cette stabilité est la garantie de l’unité et du rassemblement de la République.
Cela étant, il faut préserver une part de liberté – une liberté qui doit être encadrée. Notre débat, au fond, porte sur le niveau approprié d’encadrement. De ce point de vue, il est impossible que la représentation nationale, alors que depuis quarante ans, les élus régionaux de tous bords travaillent pour bâtir des politiques publiques au point de les doter d’une identité à part entière, dénie à ces élus le droit de donner leur avis.
Je ne doute donc pas que les minutes qui viennent vont nous permettre de fixer ce niveau approprié en tenant compte de ces éléments.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous procédons là, mesdames et messieurs les députés, à un exercice très politique…
… qui suppose que les uns et les autres recherchent les moyens de trouver un compromis ou, à tout le moins, l’apaisement.
Le premier point sur lequel je souhaite insister, et que le débat vient de mettre en lumière, c’est que la question du droit d’option concerne principalement la relation entre les régions Bretagne et Pays de la Loire.
Sourires
Les députés bretons nous expliquent que l’identité de leur territoire est si forte que celui-ci peut structurer une démarche régionale pertinente, y compris sur le plan économique et sur celui de l’aménagement du territoire.
Cette démarche aurait assez de force pour qu’il soit légitime de ne pas se préoccuper des autres territoires pouvant être affectés par la préoccupation qu’expriment les seuls Bretons.
J’estime pour ma part que ce raisonnement a ses limites. Je le dis notamment à M. Le Fur, qui s’est exprimé sur le sujet avec une grande véhémence : lorsque l’on veut réformer une nation dans l’apaisement, il ne faut pas se contenter de se préoccuper de son seul territoire dans l’indifférence complète de ce qui pourrait advenir de tous les autres !
Le renforcement de l’identité est une préoccupation bien légitime dans un pays comme le nôtre, mais seulement dès lors que l’on est attaché à la solidarité, à la résolution des problèmes de l’autre, et à l’alliance harmonieuse entre identité et unité nationale. Si nous accédions à la demande des Bretons, que se passerait-il dans la région Pays de la Loire ? Il s’y produirait des tensions, des oppositions, des conflits. Ne trouvez-vous pas qu’il y a déjà suffisamment de conflits, d’antagonismes, d’invectives et de pressions dans ce pays…
… pour que l’on s’efforce de rendre cette réforme possible en recherchant le compromis et le consensus, et en refusant les invectives et des mises en cause, voire, monsieur Le Fur, les références historiques douteuses ?
Permettez-moi donc d’exprimer un souhait : l’identité bretonne n’est aucunement remise en cause par cette réforme…
… puisque la région Bretagne est préservée. Je souhaite néanmoins que cette réforme puisse aussi se faire dans le respect des préoccupations d’autres régions.
Si l’on recherche l’apaisement et le compromis en politique, il faut faire en sorte que ce que l’on souhaite pour soi ne suscite pas des pressions partout ailleurs !
Ensuite, l’idée selon laquelle seules les références à l’identité, à l’histoire, à la tradition, à la volonté d’être ensemble suffiraient à produire une réforme utile au pays ne me semble pas aller de soi. J’entends certains orateurs refuser telle et telle « construction » politique sous prétexte qu’elle repose davantage sur la technocratie que sur l’identité. Lorsque Siéyès concevait la nation, il ne se fondait pas sur son identité, mais sur la pensée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La pensée, dans cet hémicycle, n’est-elle pas aussi importante que l’identité ?
Nombreux sont d’ailleurs ceux qui se réfugient dans l’identité par facilité de pensée.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous pouvons dire cela sans mettre quiconque en cause !
Est-ce par souci d’apaisement que vous tenez de tels propos ? Je vous demande de les retirer.
Toute l’histoire politique de notre pays est faite de la recherche constante d’un équilibre entre l’identité et la nation. Nous avons toujours veillé à ce que chacun puisse vivre conformément aux aspirations et aux solidarités de son territoire sans que l’attachement à l’identité ne remette en cause ce à quoi nous tenons tous, c’est-à-dire la possibilité d’être et de vivre ensemble.
Voilà sur quoi repose la France ! Cet équilibre est important, et la France y a toujours tenu.
Monsieur de Rugy, pourriez-vous le temps d’un instant, lorsque vos propos me concernent, vous départir de la haine que vous avez à la commissure des lèvres ?
Je parle de vous. À chaque fois que je m’exprime, vous me prêtez des intentions que je n’ai pas. Sur d’autres sujets, je vous ai entendu proférer des attaques que j’ai considérées indignes, mais je ne cède pas à la haine, monsieur de Rugy ; ce n’est pas ma culture.
Voulez-vous que je dresse devant vous la liste des propos que vous avez tenus sur mon compte ces dernières semaines et qui relèvent de la diffamation ? Je peux vous les rappeler !
Je n’ai donc aucune leçon de dignité politique à recevoir de vous. Telle est ma réponse : ces dernières semaines, je n’ai entendu dans vos propos à mon égard que de la haine et de l’insulte. Ce ne sera jamais mon approche, ni ma culture, ni ma manière d’être : je considère en effet que la vérité, la réflexion et le refus de l’abaissement de la politique doivent inspirer d’autres comportements.
Je vous dis cela publiquement, monsieur de Rugy, car, contrairement à vous, lorsque j’ai quelque chose à dire, je n’attends pas que mon interlocuteur soit absent ; je le lui dis en face.
J’en reviens au sujet du débat pour conclure sur un sujet essentiel à propos duquel je souhaite que nous approfondissions la réflexion. Nous devons bâtir un compromis, mais chacun sait qu’il est difficile de faire des réformes dans un pays comme le nôtre. Or, nous venons d’enclencher une réforme extrêmement importante qu’aucune majorité n’a réussi à faire avant la nôtre. Cela étant, dès lors qu’elle est engagée, nous pouvons accepter la possibilité de ménager une pause pour qu’elle se stabilise, que les territoires l’intègrent et que ceux qui vont la vivre puissent se l’approprier, avant d’engager d’autres réformes qui, dans ces territoires, pourraient susciter des tensions. Le pays a besoin de se doter de cadres clairs et durables, aux termes desquels il peut être possible d’ouvrir d’autres portes. La réforme, surtout dans un pays comme le nôtre qui a autant de mal à se réformer, a sa temporalité.
Je suggère donc de maintenir le droit d’option ouvert. L’identité bretonne n’est pas remise en cause ; si la Bretagne veut aller plus loin, elle le pourra peut-être plus tard. Tâchons de faire en sorte que nos propositions pour certains territoires ne s’appliquent pas au détriment des autres. Acceptons la temporalité de la réforme et donnons au pays le temps de l’intégrer.
Plutôt que de céder à la passion et à la tension, je propose donc à l’Assemblée d’adopter une position de sagesse en acceptant la réforme telle qu’elle est présentée, en laissant le droit d’option ouvert et en permettant aux territoires de l’utiliser dans un cadre apaisé plutôt que dans les tensions permanentes.
Vu l’heure, je vous propose de ne pas aborder l’examen des amendements de suppression de l’article 3 car ils font l’objet d’une demande de scrutin public, ce qui exige le respect d’un délai de cinq minutes après l’annonce du scrutin. Nous allons donc interrompre nos travaux.
Je souhaiterais seulement répondre à M. le ministre. Il vient de parler d’apaisement, de compromis, de consensus. Ces mots, monsieur le ministre, ne sauraient qualifier cette carte des régions. C’est ainsi ; il faut parfois trancher, quitte à passer en force. Cependant, ne dites pas que l’apaisement, le compromis et le consensus ont abouti à ces découpages, qui laissent des blessures dans de nombreux territoires.
Au-delà, monsieur le ministre, vous avez une nouvelle fois tenté de brocarder ceux qui, comme je le fais, comme le président Le Roux l’a fait tout à l’heure, comme le ministre Vallini l’a fait hier, assument la notion d’identité. Nous assumons pleinement la richesse des identités qui composent la France. Cette richesse ne met nullement en cause l’identité, la communauté et la solidarité nationales ; bien au contraire, elle en est constitutive !
J’ai entendu une collègue – à laquelle je n’ai pas voulu répondre pour éviter de mettre de l’huile sur le feu – parler tout à l’heure des « identitaires ».
Parlons-nous franchement, chers collègues : ceux qui emploient ce terme savent parfaitement ce qu’ils font. Il existe en effet un mouvement politique qui se revendique « identitaire », et dont le nom même comporte ce mot. Ce mouvement d’extrême-droite est encore plus extrémiste que le Front national. Que je sois ici, dans cette Assemblée, assimilé, directement ou indirectement, à un mouvement d’extrême-droite, plus extrémiste encore que le Front national, cela m’insupporte !
Monsieur le ministre, vous ajoutez au fait de ne pas dénoncer ces propos le mépris que vous éprouvez à l’endroit de ceux qui ne pensent pas comme vous et qui ont l’outrecuidance de ne pas acquiescer à votre position. Je vous le dis en vous regardant – non pas dans les yeux, hélas, car l’hémicycle est ainsi fait que cela ne m’est pas possible. Pourquoi ai-je réagi avec force et fermeté, et uniquement sur le fond ? Parce que vous avez dit ceci : se réfugier dans l’identité, c’est refuser la pensée. Oui, ces propos sont choquants ! Oui, ces propos sont insultants à l’égard de celles et ceux qui comme moi tiennent à l’identité, à gauche comme à droite, de même que d’autres, dont vous faites partie, ont une conception différente en la matière. Je respecte votre jacobinisme, monsieur le ministre : vous en avez parfaitement le droit, et l’on trouve des jacobins aussi bien à droite qu’à gauche. Notre pays a toujours été ainsi fait : ces clivages-là traversent les partis politiques – quoique moins le mien que les autres.
Mais je respecte parfaitement les opinions de ceux qui défendent un État centralisé, des régions plus administratives que politiques ou fondées sur des communautés humaines. Ils en ont parfaitement le droit et je respecte leurs arguments…
…mais je n’accepte pas que vous profitiez de cette intervention pour insulter et mépriser, comme vous l’avez fait une nouvelle fois, les propos qui ont été tenus par moi et par d’autres.
En outre, vous osez habiller cela de la casaque de l’apaisement, du compromis et du consensus. Excusez-moi, monsieur le ministre, mais il faudra changer de ton et de comportement !
La parole est à M. le ministre pour un dernier mot, avant que je ne lève la séance.
Monsieur de Rugy, j’ai toujours pensé qu’en politique l’honnêteté intellectuelle existait. Je vais répéter ce que vous ai déjà dit tout à l’heure.
Je vous regarde dans les yeux, monsieur de Rugy ! Vous avez dit beaucoup de choses que j’ai considérées comme indignes sur d’autres sujets, et ces questions-là se régleront devant le tribunal de la vérité.
Ce que vous avez fait, monsieur de Rugy, je ne l’ai fait à l’encontre d’aucune personnalité politique, parce que j’ai une certaine conception de la politique, de la dignité, de la vérité. Dans l’Histoire, ceux qui se sont moins interrogés sur la véracité des accusations qu’ils portaient que sur le bénéfice immédiat et politique qu’ils pouvaient en tirer n’ont pas laissé grande trace.
Je vous le dis dans les yeux : je suis convaincu que, dans les semaines qui viennent, des éléments apparaîtront qui montreront qui a dit la vérité, qui a été insulté, qui a été bafoué dans sa dignité et dans son honneur.
Si je vous dis cela avec autant de clarté, c’est qu’effectivement vos propos ont été inutilement blessants et insultants. Moi qui sais comment les choses se sont passées, je n’ai pu qu’éprouver à l’égard de ces propos une distance et une tristesse que vous ne pouviez pas éprouver vous-même parce que je ne crois pas que nous fassions de la politique de la même façon.
C’est vrai et je tiens à ce qu’il en demeure ainsi parce que j’aurais beaucoup de mal à faire de la politique comme vous en faites vous-même.
La deuxième chose que je voudrais vous dire est que je n’ai insulté personne.
Pas du tout !
Il y a eu des moments dans l’Histoire, monsieur de Rugy, où la réflexion sur l’identité a dispensé d’une réflexion sur l’état du pays et les formes d’organisation politique dont il pouvait se doter, mais en disant cela je ne pensais pas à vous ! Je ne suis pas, moi, centré sur moi-même. Je ne pense pas, à chaque fois qu’un propos est tenu, qu’il me concerne. Je pensais à d’autres. Vous imaginez que chaque propos que je profère s’adresse systématiquement à vous. Non ! J’avais à l’esprit d’autres références historiques.
Je pensais à l’abbé de Rozan, à Joseph de Maistre, à Louis de Bonald, qui, dans les moments les plus réactionnaires de l’histoire de notre pays, expliquaient que n’était légitime, en termes d’organisation politique, que ce qui était conforme à l’identité, à la tradition, et ont alors été confrontés aux plus progressistes des penseurs et des Républicains qui pensaient, eux, qu’il est des constructions politiques qui peuvent convoquer la pensée et qui justifient que notre pays se modernise autrement qu’à travers ces truchements. C’est à cela que je pensais. Je convoquais l’Histoire, je convoquais la philosophie, je convoquais l’histoire des idées politiques. Mes propos ne s’adressaient pas à vous ! Dire cela n’est insultant à l’égard de personne.
Dans un hémicycle comme le nôtre, dans lequel nous pouvons considérer que tous les parlementaires ont en eux une conscience et une idée de ce qu’a été l’histoire de notre pays, nous pouvons nous permettre d’aborder ces débats. Ceux-ci ne sont pas indignes, ils sont même trop peu fréquents dans cet hémicycle.
S’ils étaient plus nombreux, nous serions d’ailleurs moins souvent dans l’invective, et davantage dans le respect de l’autre et la passion du débat d’idées. Voilà ce que je voulais vous répondre.
Ne prenez pas pour vous tout ce que l’on dit. Lorsque je m’exprime sur ces sujets, ce n’est pas à vous que je m’adresse. C’est l’histoire de France que je convoque, l’histoire des idées politiques, les références philosophiques. Voilà ce qui m’a inspiré.
Je tiens à le dire devant tous ceux, dans cet hémicycle, qui me connaissent, qui savent que je suis de bonne foi et que, lorsque j’essaie d’exprimer des idées, ce n’est pas avec la volonté d’atteindre l’autre mais dans le souci d’aller au fond des choses. Or, aller au fond des choses, c’est précisément créer les conditions de l’apaisement. Mais pour cela, il ne faut pas avoir en permanence la dénonciation et la haine à la commissure des lèvres.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC..
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ;
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel ;
Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la désignation des conseillers prud’hommes.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly