La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement sur des sujets européens.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Élection après élection, les Français sanctionnent François Hollande. Ils le sanctionnent parce qu’il leur ment depuis quatre ans sur l’inversion de la courbe du chômage, et parce que, sur les réformes structurelles, il biaise, louvoie, rétropédale sans cesse.
Nos partenaires européens ont le même sentiment. Il leur ment année après année sur le déficit budgétaire. En 2012, il avait promis de respecter la limite des 3 % en 2013, promesse qui n’est même pas tenue en 2016, et qui ne le sera sûrement pas en 2017, d’après la Commission européenne. Celle-ci épingle la France, dénonçant l’insuffisance des réformes structurelles, les problèmes de compétitivité, le fort endettement public et un taux de chômage élevé. La France s’expose désormais à l’ouverture possible d’une procédure d’infraction. Elle fait partie des trois plus mauvais élèves de la zone euro.
Pour toute réponse, François Hollande rejette d’un revers de main les critiques, notamment celles émises par deux de ses amis, le commissaire Pierre Moscovici et le président de la Cour des comptes, Didier Migaud. Devant la hausse brutale de température, il préfère casser le thermomètre plutôt que de chercher des remèdes.
La situation économique de la France, la panne du couple franco-allemand illustrée par les leçons que le Premier ministre a données à la chancelière sur le sol allemand, qui plus est en pleine campagne électorale, affaiblissent l’influence de la France. Pourtant, il faut plus que jamais relancer l’Europe autour de la zone euro et renforcer les politiques communes. Il faudra à François Hollande une vision européenne, laquelle manque cruellement depuis 2012, du jamais vu depuis le début de la Ve République.
Dès lors, dans le cadre du semestre européen, quel programme de réformes structurelles le Premier ministre compte-t-il présenter pour redresser la France et récupérer le crédit perdu auprès de nos partenaires européens ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Oui, monsieur le député, la France se réforme. Oui, la France respecte ses engagements européens.
Oui, monsieur le député, le déficit de la France baisse : il était de 5,1 % en 2011 ; il sera inférieur à 3,8 % cette année et l’année prochaine. Et nous allons respecter nos engagements européens.
Oui, la France met en oeuvre des réformes, comme tous les pays de l’Union européenne. Vous allez bientôt pouvoir examiner une réforme du marché du travail issue d’une concertation avec les partenaires sociaux et destinée à renforcer à la fois la négociation collective, la sécurité des salariés et la prévisibilité pour les employeurs. Dans d’autres pays, ces réformes ont été menées depuis bien longtemps. L’Allemagne, que vous avez citée, l’a fait il y a dix ans avec les lois Hartz. Ces réformes n’avaient alors pas été faites en France ; elles le sont aujourd’hui.
Oui, nous faisons des réformes quand nous réformons les collectivités territoriales.
Monsieur le député, je vous saurais gré, à un moment où nous avons en effet besoin que l’Europe fonctionne, qu’elle réponde aux urgences, aux crises – la crise des réfugiés, la crise du terrorisme –, qu’elle renforce sa politique extérieure et de défense commune pour répondre à l’instabilité à ses frontières, de ne pas contribuer à un french bashing qui n’est plus de saison.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il ne l’est plus en Europe, car ce sont la France et l’Allemagne qui négocient ensemble pour la paix en Ukraine et en Syrie ; on parle de « format Normandie », parce que la première rencontre de ce type a eu lieu en France, sur l’initiative du Président de la République.
Mêmes mouvements.
Oui, c’est la France qui négocie pour la paix en Syrie. Oui, c’est la France qui, par l’action du ministre de la défense, cherche une solution à la crise en Libye. Soyez fiers et soutenez le rôle de la France pour relancer l’Europe avec l’Allemagne et répondre aux urgences de l’actualité européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Sylviane Bulteau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture. Notre majorité est mobilisée depuis longtemps aux côtés de nos agriculteurs.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Elle l’est sur le fond grâce au plan « Manger local » qui a mobilisé les collectivités mais elle répond aussi aux urgences des crises comme lors de la mise en oeuvre l’été dernier par le Gouvernement du plan contre la crise porcine ou plus récemment d’importantes baisses de cotisations sociales. Face à la chute des cours, les agriculteurs français et européens sont confrontés à des difficultés redoutables. Dans ce combat, monsieur le ministre, nous savons pouvoir compter sur votre détermination à défendre nos campagnes et nos agricultures.
À Bruxelles, lundi 14 mars, vous avez su rallier nos partenaires européens aux positions défendues par la France qui s’articulent autour de deux principes : le respect des producteurs et le retour de la régulation. Vous avez ainsi obtenu une dérogation au droit de la concurrence pour limiter la production, l’engagement que seraient remises en place des mesures de stockage du porc et la création d’un observatoire des viandes bovines et porcines inspiré du secteur laitier. En outre, la France a été autorisée à expérimenter l’étiquetage de l’origine des viandes sur les produits transformés.
Outre les mesures de soutien qui viennent en aide aux agriculteurs plongés dans les difficultés, il nous faut aller plus loin dans la régulation des marchés agricoles. Non, l’agriculture n’est pas un marché comme un autre ! Non, elle ne peut être soumise aux grands vents du libéralisme comme l’avaient souhaité en leur temps MM. Sarkozy, Fillon et Le Maire ! Votre combat se poursuit, monsieur le ministre. Il est nécessaire et juste. Quel bilan tirez-vous du conseil européen des ministres de l’agriculture du lundi 14 mars ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Vous avez évoqué plusieurs points, madame la députée, en particulier le plan de soutien à l’élevage. Ce débat comporte deux dimensions temporelles, l’une conjoncturelle, l’autre structurelle. Plusieurs députés connaissent bien ce sujet, en particulier d’Alsace.
Du point de vue conjoncturel, il est nécessaire d’apporter des aides, comme la baisse de 143 millions d’euros des cotisations à la Mutualité sociale agricole, l’allocation de 103 millions d’euros aux 28 000 dossiers du Fonds d’allégement des charges et l’allègement de la fiscalité à hauteur de 100 millions d’euros. Tout cela constitue une aide directe aux agriculteurs faisant face à des difficultés conjoncturelles. Le débat européen portait, quant à lui, sur les enjeux structurels. Comme je l’ai rappelé hier, pour m’en tenir à l’exemple de l’intervention pour la poudre de lait au niveau européen, son stockage au cours des deux premiers mois de l’année 2016 a dépassé la totalité de ce qui a été stocké sur l’année 2015, soit 52 000 tonnes contre 40 000.
Le message de la France est donc très simple. Il consiste à dire qu’à ce rythme, on produit pour l’intervention. Économiquement, pour tous les défenseurs du libéralisme et du marché, cela n’existe pas et ne peut déboucher que sur des montagnes de beurre et de poudre de lait. C’est pourquoi nous avons obtenu au niveau européen, en négociant certains articles avec la Commission et une majorité de pays européens, la possibilité d’engager une régulation à l’échelle européenne tout en déplafonnant les niveaux d’intervention. Il ne s’agit pas de le faire en France seulement mais de s’engager effectivement à l’échelle européenne. J’ai envoyé hier un courrier au président…
… de la commission de l’agriculture du Parlement européen…
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre de l’intérieur, un double traumatisme a marqué Paris à jamais en janvier et novembre 2015. Ces lâches attentats ont été commis par de jeunes individus radicalisés, nés ou ayant grandi en France, qui ont perdu tout repère au point de commettre l’irréparable. Cette irradiation massive d’individus impliqués dans des phénomènes de radicalisation violente ou des filières djihadistes s’est étendue à toute l’Europe. Plus de 5 000 jeunes Européens, dont 2 000 Français, auraient rejoint ces organisations terroristes, notamment Daech.
La représentation nationale salue le courage et l’efficacité de nos forces armées et de nos services de renseignement, en opérations extérieures comme sur le territoire national. Dans le cadre de l’opération Sentinelle, nos militaires et nos forces de gendarmerie, de police et de sécurité civile assurent notre sécurité dans des conditions très difficiles et au péril de leur vie. Des mesures ont été prises au niveau national pour lutter contre la radicalisation. Le comité interministériel de prévention de la délinquance agit et le premier centre de réinsertion et de citoyenneté devrait voir le jour début avril en Indre-et-Loire. Lutter contre la radicalisation, c’est d’abord assurer un suivi personnalisé en réinstaurant notamment un lien social avec des individus qui se sont détournés de notre société et de ses valeurs.
Nous considérons néanmoins qu’une réponse efficace à cette menace suppose de conjuguer tous les efforts. La réponse doit être européenne. Elle doit être fondée sur la mise en commun de compétences au sein de l’Union européenne en facilitant par exemple l’échange d’informations entre les organisations concernées et les services de justice, de police et de renseignement des États membres ainsi que l’évaluation de ces mesures et la coopération avec les pays tiers. Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser quels sont les moyens que le Gouvernement et …
Merci, monsieur le député.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
Vous m’interrogez, monsieur le député, sur les moyens qui sont à notre disposition pour lutter contre le terrorisme et la radicalisation. Je livrerai quelques éléments sur ce que nous faisons au plan national et d’autres sur ce qui est fait au plan européen, car votre question porte sur la poursuite au niveau de l’Europe de ce que nous faisons au plan national. Au plan national, nous avons mis en place la plateforme de signalement qui traite les cas de ceux dont nous savons qu’ils sont radicalisés. Le garde des sceaux et moi-même avons décidé d’adresser une circulaire commune aux préfets et aux procureurs afin que toutes les administrations situées sur le ressort de résidence de ceux qui ont été signalés engagent ensemble des opérations de déradicalisation individualisées.
Deuxièmement, nous avons conclu un accord avec les grandes compagnies de l’internet par lesquels celles-ci s’engagent à retirer les contenus qui provoquent et appellent au terrorisme, à faciliter les enquêtes judiciaires et à développer le contre-discours qui, sur internet, constitue l’un des éléments de lutte efficace contre la radicalisation. Nous avons également décidé de mettre en place un dispositif de formation de nos fonctionnaires. Enfin, comme l’a annoncé le Premier ministre, deux centres de déradicalisation seront créés pour ceux qui sont engagés dans les opérations en Irak et en Syrie.
Par ailleurs, nous avons la volonté de prolonger cette action par une coopération renforcée avec les pays de l’Union européenne. Cela consiste à informer systématiquement le Système d’information Schengen des éléments dont nous disposons sur les activités de nature terroriste des individus appartenant à des réseaux criminels, à connecter le fichier Schengen à l’ensemble des fichiers criminels, à mettre en place une task force européenne de lutte contre les faux documents et à renforcer le contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne. Voilà ce que nous défendons au plan européen tout en travaillant en très étroite liaison avec le coordinateur de l’Union européenne pour la lutte antiterroriste afin que ce que nous faisons sur internet au plan français puisse être décliné au niveau européen.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des finances, pour la première fois, grâce à la plateforme « Paradis fiscaux et judiciaires » des ONG, nous disposons d’un rapport d’analyse relatif aux informations financières concernant les cinq plus grandes banques françaises.
Dévoilé aujourd’hui, ce travail concrétise le reporting financier – public –, pays par pays, presque trois ans après l’adoption de la directive européenne CRD IV, précédée par un amendement écologiste à la loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
Ce travail de fourmi permet de disséquer l’évasion fiscale, afin de savoir dans le détail où et comment cela se passe. Ainsi, chers collègues, cela paraît incroyable, mais aux Îles Caïmans, aux Bermudes et à Malte, le résultat bancaire peut être égal au chiffre d’affaires. En moyenne, dans les paradis fiscaux, pour un même chiffre d’affaires, le profit est supérieur de 60 %, avec un résultat qui passe de 22 % à 36 %. Rien d’étonnant, quand le personnel y est 2,6 fois moins nombreux et 2,6 fois plus productif. La productivité est seize fois plus importante en Irlande... belle performance humaine !
La question est maintenant de savoir comment l’Union européenne, les États membres et les administrations utiliseront ces informations pour mettre fin à cette situation insensée et intolérable, qui ruine les comptes publics et fait porter la charge fiscale sur les ménages, ainsi que sur les nombreuses entreprises qui restent loyales.
Avec ce rapport, il est fait la preuve du rôle décisif que revêt la publication des informations. Il importe donc de savoir comment l’Union européenne et la France traiteront la question de l’extension du reporting public à l’ensemble des entreprises, en prenant garde que ce reporting ne reste pas réservé à l’administration et qu’il concerne bien toutes les entreprises installées en Europe ainsi que leurs filiales.
Nous comptons beaucoup sur votre action, monsieur le ministre, dans le cadre du projet de loi sur la transparence de la vie économique.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Monsieur le député, votre question est bienvenue…
…parce qu’elle permet de souligner le travail important, utile, effectué par les ONG qui, parfois depuis longtemps, luttent avec efficacité contre la fraude et l’optimisation fiscale. Votre question, qui évoque la publication de la situation des banques françaises dans d’autres pays, permet aussi de rappeler l’importance de ce qui a déjà été fait au niveau national comme au niveau européen.
Votre assemblée a voté une disposition qui s’applique depuis cette année, la publication des situations des entreprises internationales, même si elles peuvent avoir une origine française, dans l’ensemble des pays européens. Dans le cadre de l’OCDE, nous cherchons à faire en sorte que la transparence sur la situation fiscale des entreprises soit mondiale. C’est ainsi que nous pouvons lutter plus efficacement, y compris en France, contre les optimisations fiscales invraisemblables et insupportables auxquelles se livrent de très grandes entreprises, en particulier dans le domaine du numérique.
Vous demandez si la France est favorable à ce que, au-delà des administrations fiscales, directement concernées, tout un chacun puisse avoir accès à ces informations. J’ai déjà eu l’occasion, ici même, d’exprimer la position de la France. La France est favorable à la publication des informations dans le cadre européen. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la position de la Commission, qui entend mettre en place un reporting pays par pays, public, dans l’ensemble des pays de l’Europe.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, à l’occasion de votre prise de fonctions, vous avez indiqué que vous vouliez relancer la construction européenne sur la base du couple franco-allemand. Cette déclaration a satisfait nombre de parlementaires, sur les bancs de la gauche comme sur ceux de la droite. Malheureusement, les faits contredisent vos déclarations. Contrairement à ce qu’a déclaré Harlem Désir, la France a vécu ces dernières semaines une série d’humiliations sur la scène internationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Humiliation de voir la France écartée de la négociation sur l’avenir de la Syrie, alors qu’elle est directement concernée par l’afflux de réfugiés et la menace islamiste venus de ce pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Humiliation de voir la Grande-Bretagne imposer à l’Union européenne des concessions, y compris un droit de regard sur l’avenir de la zone euro, en échange de son maintien dans l’Union européenne.
La Grande-Bretagne est libre de choisir ; nous n’avons pas à lui accorder de concessions sur la zone euro pour qu’elle reste au sein de l’Europe !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Humiliation de voir, pour la première fois de l’histoire de l’Union européenne, qu’un document de travail préparatoire au Conseil européen des 17 et 18 mars a été négocié non pas entre la chancelière allemande et le Président de la République française, mais entre Angela Merkel et le Premier ministre turc !
Mêmes mouvements.
Sur le fond, ce texte est une capitulation. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner l’assurance que demain, au Conseil européen, le Président de la République s’opposera à la libéralisation des visas pour les citoyens turcs et à toute nouvelle ouverture de chapitre pour l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ?
L’ensemble des membres du groupe Les Républicains sont opposés à l’entrée de la Turquie dans l’Union !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, je croyais que vous étiez habitué à plus de nuances – c’est la réputation que vous voulez vous faire –, mais vous venez de tomber dans le piège de la caricature.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous semblez avoir oublié que vous avez participé à l’ouverture de chapitres dans les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Sous la présidence de François Hollande, deux chapitres seulement ont été ouverts. Lorsque vous étiez au pouvoir, il y a eu onze ouvertures de chapitres, dont deux sous la présidence française.
Est-il nécessaire de faire peur et d’utiliser n’importe quel argument pour convaincre les membres du parti Les Républicains de vous soutenir lors de la primaire ?
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
L’Europe et la relation franco-allemande méritent mieux que cela !
S’agissant des visas, la Turquie a demandé d’aller plus vite, mais la France, et j’en suis convaincu, l’ensemble des États membres, estiment que tant que tous les critères ne seront pas satisfaits – seulement la moitié des soixante-douze critères sont respectés –, il n’y aura pas de libéralisation des visas. Cette position sera confirmée demain lors du Conseil.
Quant aux discussions entre l’Allemagne et la Turquie, ne faites pas, je vous prie, de polémique.
Il est parfaitement compréhensible que l’Allemagne, qui accueille plus d’un million de réfugiés, et la Turquie, qui en accueille plus de 2,5 millions, discutent ensemble. Mais la décision sera prise par le Conseil européen.
Même si cela est difficile, il est indispensable, et dans l’intérêt commun, de discuter franchement et sincèrement avec la Turquie. C’est ce que nous ferons demain. Le Président de la République s’y est engagé, dans la clarté et avec une conviction que je répète ici : l’avenir de l’Europe passe, plus encore aujourd’hui, par la relation de confiance entre l’Allemagne et la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La parole est à M. Philip Cordery, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’intérieur, hier, à Forest, dans la région bruxelloise, les forces de l’ordre françaises et belges ont mené une action conjointe dans le cadre de l’enquête sur les attentats du 13 novembre dernier. Je veux ici rendre hommage à ces policiers qui sont intervenus dans des conditions particulièrement difficiles et adresser mes voeux de prompt rétablissement aux agents blessés, parmi lesquels figure une Française. Au-delà, je veux saluer tous ceux qui, au sein des services de police, de gendarmerie, de renseignement et de justice, agissent au quotidien pour traquer les terroristes en France, en Belgique et en Europe.
Les tragiques événements de janvier et de novembre 2015, l’attentat au Musée juif de Bruxelles et l’attaque avortée dans le Thalys ont irrémédiablement lié nos deux pays dans l’épreuve ainsi que face aux défis de la déradicalisation, du démantèlement des filières terroristes et de la mise en sécurité de nos populations, y compris les nombreux Français qui vivent en Belgique.
Une nouvelle fois, les événements d’hier démontrent que la coopération bilatérale en matière de police et de justice fonctionne bien, que les autorités compétentes se coordonnent et que ce travail porte ses fruits.
Ainsi, depuis plusieurs mois, des équipes communes d’enquête se sont constituées. Les échanges de renseignements se sont multipliés et la sécurité, notamment ferroviaire, a été renforcée. Le 1er février, un sommet franco-belge sur le terrorisme a par ailleurs réuni les Premiers ministres, les ministres de l’intérieur et les ministres de la justice des deux pays afin de renforcer encore davantage cette coopération.
Le Gouvernement agit donc bien à trois niveaux complémentaires : national, bilatéral et européen.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous informer plus précisément sur les opérations menées hier à Forest et, plus globalement, sur les actions entreprises pour poursuivre et amplifier la coopération bilatérale franco-belge ? Qu’en est-il par ailleurs de l’action européenne pour lutter contre le terrorisme et assurer la sécurité des citoyens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le député, je profite de votre question pour apporter des précisions sur les enquêtes en cours et vous parler de notre coopération avec les autorités belges. Depuis le 16 novembre, nous avons mis en place une équipe commune d’enquête. Nous l’avons fait dans le cadre de la convention européenne d’entraide judiciaire, laquelle date des années 2000 et a fait l’objet d’une décision-cadre du 13 juin 2002, transposée en droit interne par la loi du 9 mars 2004.
Depuis hier, une opération, menée sous l’autorité des magistrats belges, tend, dans le cadre de l’enquête sur les attentats du 13 novembre, à démanteler les filières d’acteurs terroristes qui peuvent encore frapper. L’un des tireurs qui s’en est pris aux forces de l’ordre a été abattu par les forces de sécurité belges. Deux personnes ont été interpellées tandis que deux autres restent aujourd’hui activement recherchées.
En outre, depuis hier, dans le cadre de cette enquête, plusieurs kalachnikovs, pas moins de onze chargeurs et une quantité très importante de munitions ont été saisis. Le parquet fédéral belge, qui a rendu publiques ces informations ce matin, a fait également état de plus de cent perquisitions réalisées depuis novembre en Belgique et de cinquante-huit personnes interpellées dans le cadre de cette procédure très importante à laquelle nous participons activement.
Ces actions témoignent de la qualité de notre coopération avec les autorités belges, que nous avons voulu intensifier encore à l’occasion de la visite que nous avons effectuée avec le Premier ministre et le ministre de la justice à Bruxelles, le 1er février.
Nous souhaitons que le Système d’information Schengen soit alimenté à l’identique par les deux pays, de manière symétrique, afin de permettre à nos services de police et de justice de travailler efficacement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adressait à M. le Premier ministre : en exigeant de ses partenaires européens qu’ils prennent mieux en compte les intérêts britanniques, le Royaume-Uni ne formule pas une requête nouvelle ! Mais pourquoi, nous, Français, n’osons-nous pas, je dis bien n’osons-nous pas, porter plus haut nos intérêts à Bruxelles ?
Rappelons la belle devise des SAS anglais : « Qui ose gagne ! ».
À titre d’exemple, la France prévoit de contribuer à hauteur de 23,4 milliards d’euros au fonctionnement de l’Union. C’est dire que, chaque jour, elle dépense 65 millions d’euros à Bruxelles, alors qu’elle bénéficie seulement de 13,5 milliards en retour de l’Union européenne. Nous sommes donc contributeurs nets à l’Union pour 10 milliards d’euros ! Mais pourquoi sommes-nous le seul pays contributeur net qui se refuse avec obstination à mettre ce sujet sur la table alors que l’Allemagne elle-même a obtenu un rabais sur sa contribution ?
Mais il y a plus grave : si la France ne bénéficie d’aucun rabais, elle paie celui des autres. C’est ainsi que nous assumons à nous seuls 30 % de la ristourne accordée au Royaume-Uni, soit 1,4 milliard d’euros par an, à la place de Londres.
C’est un peu comme si votre voisin bénéficiait d’une baisse d’impôts et qu’en plus, il obtenait que vous la preniez en charge ! Quel marché de dupes la France a-t-elle conclu pour que la Grande-Bretagne demeure dans l’Union européenne, sans y être d’ailleurs vraiment ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
L’accord intervenu le 19 février entre les chefs d’État et de gouvernement sur les demandes formulées par le Premier ministre britannique pour lui permettre de préparer son référendum est un bon accord.
Tout d’abord, il permet au Premier ministre britannique, David Cameron, de faire campagne en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Or, l’Europe a besoin d’unité et de cohésion. Il faut à tout prix éviter sa dislocation, d’autant plus qu’elle doit relever des défis considérables : la crise des réfugiés, la crise du terrorisme, les enjeux de la croissance.
Par ailleurs, cet accord a été obtenu sans qu’aucune des concessions qui pouvaient mettre en danger notre conception de l’Europe ne soit devenues réalité. Toutes les lignes rouges que le Président de la République avaient fixées ont été respectées : pas de révision des traités, pas de droit de veto ni de concessions sur l’intégration de la zone euro et la régulation des marchés financiers, défense du principe de la liberté de circulation des citoyens européens.
Nous souhaitons par conséquent que le Royaume-Uni demeure dans l’Union européenne. C’est ce qui a été réaffirmé lors du sommet franco-britannique à Amiens. Nous menons de très nombreuses coopérations avec le Royaume-Uni en matière de défense, d’énergie, de politique industrielle et de politique extérieure.
Pour ce qui est du budget de l’Union européenne, tous les États membres contribuent à ce que l’on appelle le « rabais britannique », qui a été négocié il y a déjà bien longtemps, par Margaret Thatcher…
…. et qui tient au fait que le Royaume-Uni est un contributeur net très important, au même titre que la France ou l’Allemagne, au budget européen.
Il faut réformer le système des contributions, développer des ressources propres, mais ce n’est certainement pas en proposant l’éclatement de l’Union européenne que nous résoudrons le problème.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
De plus en plus de jeunes guyanais, désoeuvrés et laissés face à des perspectives d’avenir peu encourageantes, se laissent séduire par des trafiquants de produits stupéfiants qui profitent de la position géostratégique de la Guyane pour en faire une plaque tournante de la drogue entre les pays producteurs sud-américains et les consommateurs européens. Ainsi, l’aéroport Félix-Éboué de Matoury est régulièrement le témoin d’arrestations spectaculaires de « mules » qui, au risque de leur vie, ingèrent des boulettes de cocaïne pour ensuite les écouler sur le marché européen.
Or des solutions existent, puisque l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne accorde à cette dernière la possibilité de compléter l’action menée par les États membres en vue de réduire les effets nocifs de la drogue, responsable chaque année de près de 9 000 décès par overdose.
Dans cette optique, la stratégie européenne 2013-2020 pose un cadre à l’adoption de mesures préventives et répressives. Elle est censée favoriser la réduction de la consommation de drogues suivant quatre grands axes : la réduction de la demande, la réduction de l’offre, la coopération internationale et la recherche. Cette stratégie, qui s’appuie sur un plan d’actions 2013-2016, met notamment l’accent sur la consolidation d’un espace européen de justice en vue de promouvoir intensivement la coopération judiciaire entre les États membres.
Messieurs les ministres, alors que nous arrivons à la fin du plan d’actions 2013-2016 et que les négociations sont en cours pour la période 2017-2020, pouvez-vous nous dresser un bilan de cette stratégie communautaire, et surtout nous donner des précisions quant aux mesures envisagées pour endiguer le phénomène observé sur le territoire guyanais, afin que sa jeunesse ne fasse plus les frais du trafic de stupéfiants entre les États d’Amérique du Sud et ceux de l’Union européenne ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il y a effectivement en Guyane, monsieur le député, pour des raisons qui tiennent à la géographie – ce département est proche de territoires où sévit le trafic de drogue –, une augmentation du trafic et de la présence de passeurs qui utilisent soit des colis postaux, soit l’incorporation de ces substances, lesquelles sont destinées à la métropole à 85 %.
La gravité de cette situation, que je reconnais bien volontiers, a conduit mon ministère à prendre des dispositions très fortes.
Tout d’abord, nous avons mis en place une antenne de police judiciaire qui emploie, quasiment à temps plein, seize fonctionnaires pour faire face à ce trafic de drogue. J’ai renforcé de douze fonctionnaires les effectifs de la gendarmerie à Saint-Laurent-du-Maroni, afin, là aussi, de lutter plus efficacement contre le trafic.
Par ailleurs, nous mettons en oeuvre les dispositions du programme européen contre la drogue. Vous avez mentionné dans votre question la stratégie européenne antidrogue pour 2013-2020. Celle-ci a pour but de répondre aux nouvelles évolutions du trafic, de tenir compte des retours d’expérience en matière de conduite des enquêtes, de connaissance des réseaux ou d’extension de la place de l’internet dans le développement du trafic, et d’élaborer des stratégies de lutte contre les addictions. La France l’a appliquée en totalité.
Deux plans d’action, couvrant chacun une période de quatre ans, déclinent cette stratégie européenne et feront l’objet d’évaluations externe menées par la Commission européenne, l’une à mi-parcours en 2016, l’autre, conclusive, en 2020. C’est dans ce cadre que s’inscrit la consultation politique lancée du 15 février au 9 mai 2016, en vue de l’évaluation du plan antidrogue pour la période 2013-2016. Nous disposerons donc très prochainement des résultats de cette stratégie, dont je rendrai compte en Guyane.
La parole est à M. Jean-Claude Mignon, pour le groupe Les Républicains.
…lundi dernier, le 14 mars, se serait tenue une réunion spéciale réunissant les chefs de la diplomatie des pays membres de l’Union européenne afin de tenter d’arrêter une nouvelle stratégie concernant les relations avec la Russie. J’ignore si cette information est vérifiée mais, si tel était le cas, cela signifierait que les capitales européennes se seraient enfin rendues à la conclusion qu’il est grand temps d’arrêter une nouvelle stratégie et de développer une coopération à long terme avec la Russie dans un cadre nouveau.
Si cette réunion s’est tenue, des décisions concrètes ont-elles été prises ?
Par ailleurs, on annoncerait qu’un rapport d’opportunité serait prochainement présenté aux ministres de l’Union européenne afin de développer éventuellement une coopération entre l’Union européenne et l’Union économique eurasiatique.
Tout cela est-il exact ? Si c’est vrai, je pense que nous pouvons nous en réjouir.
A-t-il été aussi question de la levée des sanctions contre la Russie, réclamée depuis longtemps par le groupe Les Républicains ? Quelle est votre position aujourd’hui et quelle est celle des autres pays de l’Union européenne ? J’ai cru comprendre que tout le monde n’était pas d’accord. L’Italie et la Hongrie, entre autres, ont une position différente. Et quelle est celle de l’Allemagne ? A-t-elle évolué ou est-elle toujours aussi dépendante de la position des États-Unis ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, vous m’interrogez sur les sanctions européennes à l’encontre de la Russie et sur les relations entre l’Union européenne et ce pays. Du fait des responsabilités que vous avez exercées et que vous exercez encore au Conseil de l’Europe, c’est un sujet que vous connaissez bien.
Comme vous le savez, les sanctions ont été décidées collectivement par les États membres en raison, d’une part, de l’annexion de la Crimée, que nous ne reconnaissons pas car elle constitue une violation du droit international, et, d’autre part, du conflit qui se déroule dans l’Est de l’Ukraine et du soutien que la Russie continue d’apporter aux séparatistes russes.
La levée de ces sanctions, notamment les sanctions dites sectorielles, c’est-à-dire économiques, a été liée par les vingt-huit États membres à la mise en oeuvre des engagements pris par la Russie et par l’Ukraine dans le cadre des accords de Minsk, donc dans le format de négociation « Normandie »…
…qui est aujourd’hui la feuille de route que la communauté internationale, sous le parrainage du Président de la République et de la chancelière allemande, a établie pour permettre une résolution de ce conflit, pour permettre à l’Ukraine de récupérer sa souveraineté sur la partie est de son territoire et d’y organiser des élections, et pour rétablir des relations normales entre les deux pays.
Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.
La situation actuelle est donc claire. La balle est dans le camp de la Russie. Il ne tient qu’à elle de respecter ses engagements, de même que l’Ukraine doit respecter les siens, notamment en adoptant une réforme de sa constitution et en organisant des élections dans la partie est. Notre objectif est bien entendu d’aboutir…
Nouvelles interruptions sur les mêmes bancs.
…d’aboutir au respect de cette feuille de route et à la levée des sanctions.
La réunion à laquelle vous faites référence
« Ah ! Enfin ! » sur les bancs du groupe Les Républicains
est tout à fait officielle. Il s’agit de la réunion dite du Conseil des affaires étrangère, qui s’est tenue lundi dernier et à laquelle participait Jean-Marc Ayrault. On y a évidemment traité de ce sujet et de la résolution de la crise entre l’Ukraine et la Russie.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur et porte sur l’état des négociations commerciales internationales, notamment de l’accord entre l’Union européenne et le Canada, dit accord CETA.
Ce type d’accord suscite quelquefois des craintes dans la mesure où il prévoit la possibilité d’instituer un système de règlement des différends par des arbitres privés, en lieu et place des juges publics. La crainte est que ces juges privés soient enclins, par intérêt ou conformisme, à faire prévaloir les intérêts des grandes et très grandes entreprises plutôt que la protection des citoyens et des consommateurs dans des domaines comme l’alimentation, la protection de l’environnement ou les droits sociaux.
La France et son gouvernement ne sont pas restés inactifs et ont proposé une alternative conforme à une véritable justice publique impartiale.
Dans cet accord, il a été obtenu que les différends entre investisseurs et États soient réglés par une cour permanente de règlement des différends. La position de la France, que partagent également d’autres États, a donc été entendue. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer cette évolution majeure ? Considérez-vous que cette avancée constitue un précédent majeur ?
Par ailleurs, il y a quelques semaines, le Gouvernement français a réaffirmé sa volonté que les négociations commerciales internationales avancent en ce sens. Pouvez-vous également nous confirmer la volonté du Gouvernement de mobiliser les autres États partenaires dans des accords commerciaux internationaux afin de faire prévaloir une solution de justice publique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
Madame la députée, vous m’interrogez sur un point très précis des relations commerciales internationales, à savoir le fameux ISDS – investor-state dispute settlement – qui permet à des tribunaux privés d’attaquer des choix de politique publique. Ce dossier a fait couler beaucoup d’encre et suscite beaucoup d’inquiétudes, en France et au-delà…
…notamment à l’occasion des négociations avec les États-Unis.
Les différentes dérives qui ont été constatées et qui ont conduit à ce que, progressivement, des firmes multinationales s’attaquent frontalement à des choix démocratiques, des choix de politique alimentaire, de politique de santé, de politique énergétique, m’ont amené, le premier, à proposer une réforme fondamentale du système, avec de nouvelles modalités.
Une cour publique de justice commerciale internationale remplacera les tribunaux privés et des juges publics, nommés et rémunérés par les États, remplaceront les arbitres nommés et rémunérés par les parties, et ce afin d’éviter les conflits d’intérêts. Il convient de préserver la possibilité d’attaquer les abus, les expropriations, et d’interdire les attaques contre des choix de politique publique et des choix démocratiques auxquelles se livrent certaines entreprises.
Cette proposition, que j’ai formulée au nom de la France et que j’ai soutenue avec l’Allemagne et d’autres États européens, fait consensus au niveau européen et le Canada est le premier pays qui a accepté de la reprendre. Ce n’est pas un hasard si c’est avec le gouvernement progressiste de M. Trudeau que ces évolutions ont été possibles.
Il s’agit pour nous d’un précédent fondamental. La France considère désormais que cette cour publique de justice commerciale internationale devra intervenir dans tous les accords commerciaux à venir. C’est pour nous une condition de l’acceptabilité de ces accords.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Thierry Robert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de l’agriculture, la fin des quotas sucriers en 2017 inquiète beaucoup les planteurs. Lors de sa visite à La Réunion, le Président de la République avait annoncé une aide supplémentaire de 38 millions d’euros à la filière canne-sucre dont la survie est en jeu. Selon un article de presse paru ce matin même, il semble que la demande d’autorisation de cette aide ait été transmise tout récemment à la Commission européenne.
Une seconde inconnue pèse sur la filière dans le cadre des accords de libre-échange à venir entre l’Union et des pays tiers et sur les garanties qui seront apportées à la production locale, levier de développement essentiel d’un secteur qui pèse 18 000 emplois dans notre département.
Récemment, grâce au travail conjoint du Gouvernement et du député européen Younous Omarjee, la quote-part des sucres spéciaux autorisés à entrer sur le marché commun dans le cadre de l’accord entre l’Union européenne et le Vietnam a été abaissée in extremis à 400 tonnes afin de protéger la production réunionnaise, qui est une production communautaire, et d’éviter le pire à ses planteurs.
La France aura le devoir d’intervenir au Conseil européen afin d’exclure ces sucres spéciaux des futurs accords de libre-échange avec des pays tiers producteurs de sucre. Cette exclusion, décidée sur le fondement de l’article 349 du TFUE – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne –, doit être systématique dans ce type d’accord. L’application stricte de cet article ne devrait d’ailleurs pas poser question.
J’en viens à ma double interrogation. D’une part, me confirmez-vous, monsieur le ministre, que la demande d’autorisation a bien été déposée par la France et pouvez-vous nous en préciser les modalités, notamment la durée ?
D’autre part, le Gouvernement s’engage-t-il à faire respecter l’article 349 du TFUE en généralisant l’exclusion des sucres spéciaux issus des pays tiers dans les prochains accords de libre-échange, étant entendu que cette décision dépend du mandat que le Conseil donne à la Commission ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, vous évoquez la filière du sucre qui, à La Réunion comme ailleurs, est une filière créatrice d’emplois et d’activité économique.
Le 25 août 2014, à l’occasion de sa visite de l’usine sucrière de Bois-Rouge à La Réunion, le Président de la République avait pris l’engagement de négocier devant la Commission européenne des aides supplémentaires, à hauteur de 38 millions d’euros, à la suite de la décision prise de remettre en cause les quotas sucriers à l’échelle européenne.
Vous avez évoqué un article, paru ce matin, indiquant que le Gouvernement français a transmis sa demande à la Commission européenne. Je vous le confirme : la lettre a été envoyée le 25 février. Le travail est engagé, au niveau de la Commission et du Gouvernement, pour justifier le niveau des aides et les pérenniser, conformément à l’engagement pris par le Président de la République.
La question des sucres spéciaux est un vrai sujet à propos duquel je voudrais faire une remarque. Ces sucres, on le sait, se trouvent en concurrence sur le marché avec les sucres biologiques. Or je considère que dans les années qui viennent, dans le cadre des stratégies de qualité qu’il convient de mettre en place, le sucre bio peut être un axe stratégique, en particulier à La Réunion. J’en avais discuté, au cours de mon voyage, avec un certain nombre de planteurs. Il est assez facile de passer au sucre bio et la segmentation du marché permettrait à nos producteurs de valoriser leurs produits.
S’agissant des deux points que vous avez évoqués, je veux souligner le travail réalisé par le Quai d’Orsay et Matthias Fekl. S’agissant des sucres spéciaux, dans le cadre de l’accord avec le Vietnam comme de l’accord avec l’Afrique du Sud, nous avons protégé notre marché et nous continuerons à soutenir cette ligne au niveau européen.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre de la défense, « L’ennemi n’est pas un ennemi de la France, c’est un ennemi de l’Europe. » C’est en ces termes que le Président de la République, trois jours après les attentats de novembre dernier, en a appelé à la solidarité militaire des États de l’Union, avant de s’engager dans une tournée des capitales européennes, dont on se demande bien aujourd’hui à quoi elle a pu servir.
En effet, quatre mois après cette déclaration d’intention, notre pays reste en première ligne au Sahel, dans la lutte contre les groupes armés terroristes.
Trois mille cinq cents soldats français sont ainsi engagés dans la force Barkhane. Je tiens à saluer leur professionnalisme et leur courage, dans des conditions qui mettent à rude épreuve les hommes et les matériels.
Applaudissements sur tous les bancs.
Or, sur le terrain, la MINUSMA, la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, peine à remplir sa mission. Elle est aujourd’hui essentiellement concentrée sur sa propre sécurité. Quant à la contribution européenne, je la qualifierai d’anecdotique : un peu de logistique dans le domaine du transport, du ravitaillement et de la formation.
De fait, la France reste en première ligne, seule, pour mener à bien une mission à la fois indispensable et difficile.
La France est seule, alors que les terroristes ont montré leur capacité à frapper en profondeur, comme ils l’ont fait en Côte d’Ivoire dimanche dernier.
La France est seule, alors que l’expansion de Daech en Libye rend encore plus difficile la stabilisation des pays du Sahel.
La France est seule, alors qu’elle doit maintenir, dans le cadre de l’opération Sentinelle, 7 000 soldats sur le territoire national, où, on le sait, elle subit une pression sans précédent des groupes islamistes.
Alors, monsieur le ministre, où sont les promesses du 16 novembre ? Où en est cette solidarité européenne, invoquée solennellement devant le Congrès par le Président de la République ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, je vous remercie de votre question, qui me permet de faire le point sur la mise en oeuvre de l’invocation du Président de la République à l’article 42.7 du Traité de Lisbonne indiquant la nécessité d’une solidarité européenne en cas d’agression d’un des pays membres.
Avec mes homologues ministres de la défense, nous avons fait le point il y a quelques jours. Les résultats ne sont pas ceux que vous indiquez. Peut-être ne sont-ils pas assez connus. Je vais me permettre de vous les expliquer et de les commenter.
Commençons par le Levant, l’Irak et la Syrie : depuis l’invocation de l’article 42.7, la Grande-Bretagne et les Néerlandais ont décidé de frapper sur la Syrie, ce qui n’était pas le cas auparavant. Ils l’ont fait en vertu de cette incitation.
Par ailleurs, toujours en Irak et en Syrie, lorsque le Charles de Gaulle a mené sa mission, dont il vient de rentrer, il était accompagné d’une frégate belge, d’une frégate allemande, d’une frégate britannique, ce qui compensait la présence française.
Par ailleurs, les Italiens, les Allemands et les Néerlandais ont décidé de renforcer leurs missions de formation en Irak et en Syrie.
En ce qui concerne le Mali, et la bande sahélo-saharienne, je vous rappelle, mais vous devez le savoir, que l’Allemagne a décidé de diligenter 650 militaires au Mali…
…pour renforcer à la fois la MINUSMA, qui n’est pas en manque, et la mission de l’Union européenne. L’Allemagne est suivie dans cette direction par les Belges, les Roumains, les Danois, les Suédois et les pays baltes.
…pour faire en sorte que la mission des Nations unies et de l’Union européenne puisse être renforcée dans les jours qui viennent.
Enfin, en Centrafrique, plusieurs candidatures sont en appui de la France.
La parole est à M. Dominique Baert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des finances, les bonnes nouvelles s’additionnent sur le front des finances de la France.
Rires sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le déficit de l’État s’est considérablement réduit depuis 2012 ; il est dorénavant acquis que, grâce aux créations d’emplois,…
…le déficit enregistré en 2015 sera plus faible que prévu. Le régime des retraites est à l’équilibre et le déficit de la Sécurité sociale a été divisé par deux depuis 2011, tout cela sans déremboursement, sans franchise, sans recul social.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
L’efficacité des services de l’État a également été considérablement renforcée et, si d’autres majorités vénéraient le bouclier fiscal et appauvrissaient l’État, c’est bien la lutte contre la fraude fiscale que mène avec détermination et efficacité l’actuel Gouvernement. Ici, en France, soixante-dix mesures ont été prises depuis quatre ans.
Pour la première fois, en 2015, les recettes issues de la lutte contre la fraude fiscale ont dépassé 20 milliards.
Les Français doivent savoir que l’égalité devant l’impôt et la justice fiscale ont progressé avec notre majorité, pas seulement parce que ceux qui gagnent les plus hauts revenus paient plus, mais aussi, parce que ceux, notamment de très grosses entreprises, qui, à coup de montages compliqués, ne payaient pas l’impôt à son juste niveau, rendent maintenant des comptes, pas seulement en France, mais aussi au niveau européen.
Manipulation des prix de transfert, localisation favorable des sièges, facturation de markups avantageux, levier de la dette, royalties prélevées astucieusement sont autant de dispositifs utilisés pour contourner l’impôt, mais ce sont des pertes fiscales lourdes pour le budget de l’État, donc pour tous les Français.
Monsieur le ministre, c’est au niveau de l’Europe que vous portez la lutte contre l’optimisation fiscale internationale et la lutte contre la fraude à la TVA. Quelle est votre feuille de route ?
Notre majorité y est sensible car, comme l’écrivait Condorcet : « Il ne peut y avoir de vraie liberté ni justice dans une société, si l’égalité n’est pas réelle »… à commencer par l’égalité devant l’impôt !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le député, je suis toujours étonné, lorsqu’on cite un fait, comme vous venez de le faire – la diminution forte des déficits publics en France ou celle du déficit de la Sécurité sociale –,…
…de voir ainsi réagir la droite, car je pense que vos collègues de l’opposition devraient être les premiers, en tant que Français et en tant que contribuables, à trouver que c’est plutôt une bonne chose que d’avoir des déficits en baisse par rapport à ceux qu’ils nous ont laissés, et qu’ils n’avaient pas cessé de creuser.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe écologiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pour maîtriser nos déficits, il faut agir avec plusieurs outils.
Le premier,…
…c’est de maîtriser nos dépenses. Cela demande des efforts de la part des uns et des autres, de la part de l’ensemble des ministres, de la part du Gouvernement.
Le deuxième, c’est de lutter contre les fraudes de toute nature, dans le domaine social – qui concerne le paiement des cotisations – ou, comme vous l’avez rappelé, dans le domaine fiscal.
S’agissant des particuliers, dois-je vous rappeler ici que, grâce à un certain nombre de dispositions votées par notre majorité, il n’est plus possible de détenir des comptes cachés dans tel ou tel pays ?
Chaque année, il y a plus de 2 milliards d’impôts payés en France par ceux qui, jusqu’alors, cachaient leur argent à l’extérieur.
De même, nous devons lutter avec détermination contre l’optimisation fiscale des entreprises, mais cela, on ne peut pas le faire dans un seul pays. La lutte contre l’optimisation fiscale des entreprises, qui utilisent les différences de fiscalité d’un pays à l’autre, oblige à travailler de la même manière dans chacun des pays.
Le travail de l’OCDE au niveau mondial et celui de la Commission européenne sont exemplaires. Ils nous permettent de progresser. La Commission a formulé des propositions précises. Nous les soutenons.
Vous avez voté – nous en avons déjà parlé – ce qu’on appelle le reporting pays par pays. La lutte contre la fraude fiscale est engagée.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe Les Républicains.
Madame la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, notre assemblée examine depuis hier soir le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. La France assume une responsabilité particulière en ce domaine en Europe. De fait, c’est l’un des pays au monde les plus riches en biodiversité. La France dispose du deuxième domaine maritime le plus vaste du monde et compte parmi les dix pays abritant le plus grand nombre d’espèces animales. Nous pouvons en être fiers, tout en étant conscients que cela ne nous confère aucun droit, seulement beaucoup de devoirs. Le projet de loi biodiversité aurait pu être l’occasion de rassembler tous les acteurs : les agriculteurs, les associations de protection de l’environnement, les chasseurs, les propriétaires forestiers, les maires ruraux. Ce sont tous des amis de la nature. Ils en connaissent tous les lois, les cycles, les fragilités. Le projet de loi biodiversité aurait dû les aider à mieux se comprendre, à mieux travailler ensemble. Il aurait pu faire partie de ces grands textes sur l’environnement soutenus par une large majorité, au-delà des clivages politiques traditionnels, à l’image de la loi sur la protection de la nature de 1976 ou, plus récemment, du Grenelle de l’environnement. Malheureusement, c’est tout l’inverse que vous nous proposez, en divisant les acteurs de terrain, en les dressant les uns contre les autres, en créant de nouvelles taxes et en multipliant les nouvelles contraintes.
Pour expliquer cette dérive, le Gouvernement s’est réfugié derrière les règlements européens. Il veut faire croire qu’il les applique à la lettre. Or, ce n’est pas vrai : ce texte va bien au-delà des règles et des directives européennes. Il crée des taxes et des normes qu’aucune législation européenne n’impose, ni sur l’accès aux ressources génétiques, ni sur les huiles végétales, ni sur l’encadrement des produits phytosanitaires. Malheureusement, ces contraintes pèseront sur les seuls Français.
Madame la ministre, ma question est simple : pourquoi cette surtransposition ?
Merci, monsieur Sermier.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Monsieur le député, j’ai le sentiment que nous ne parlons pas du même projet de loi. Nous avons passé un certain nombre d’heures ensemble
« Ah ! » et sourires sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains
en commission, ainsi qu’en séance, depuis hier. Cela fait déjà deux ans que ce texte est travaillé par différents ministres, notamment par Ségolène Royal, dans une démarche inverse de celle que vous dénoncez et au contraire caractérisée par la concertation avec tous les acteurs. Pourquoi ? Parce que personne n’a le monopole de la défense de la biodiversité. La biodiversité, c’est la défense de la vie, du vivant ; le sujet nous concerne tous : les entreprises, évidemment, mais aussi les personnes, les citoyens, les associations, les chasseurs, les pêcheurs, les agriculteurs.
Bref, nous avons besoin d’être tous ensemble pour défendre ce projet de loi. C’est précisément ce qui est fait, puisque le texte définit des outils qui offrent aux entreprises de la visibilité et leur permettent d’innover en toute sécurité juridique, sans courir le risque de se trouver empêchées. Nous créons également des outils permettant de travailler, par le biais de la nouvelle Agence française pour la biodiversité, avec les collectivités, les acteurs, au plus près du terrain. Et les mécanismes de concertation sont prévus dans le projet de loi.
Bref, je ne vois vraiment pas en quoi l’espèce de faux combat que vous essayez d’enclencher dans l’hémicycle pourrait nous faire avancer. Nous sommes engagés, avec Ségolène Royal, dans une démarche de rassemblement et de travail commun. Je souhaite que celle-ci se poursuive dans les jours qui viennent à l’Assemblée, puis au Sénat, et j’espère que vous vous y associerez.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La parole est à M. Hervé Pellois, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le secrétaire d’État aux affaires européennes, en juin dernier, le Parlement européen a adopté un plan d’investissement global et créé le Fonds européen pour les investissements stratégiques, qui doit permettre de mobiliser 315 milliards d’euros au service de la relance et de l’emploi. C’était un grand succès pour la France, qui demandait depuis 2012 qu’un plan européen soit lancé pour mettre fin à la spirale de la rigueur.
Ce plan, dit plan Juncker, doit devenir un moteur ambitieux pour le développement des grands projets d’infrastructures mais aussi de nos entreprises et de nos start-up. Cet outil est essentiel pour redonner du dynamisme et soutenir des projets innovants. Voilà neuf mois qu’il a été adopté, et nous en voyons les premiers résultats. Pierre Moscovici a annoncé que ce dispositif a permis d’attirer plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements en Europe. Ces financements sont destinés à une économie porteuse d’emplois tournée vers l’avenir : les énergies renouvelables, les infrastructures numériques ou encore les transports sont les priorités retenues.
Nous avons le devoir de rappeler que l’Europe, loin d’être un problème, doit apporter des solutions. Le plan Juncker en fait partie, nous devons nous en féliciter, car il permettra de lutter efficacement contre le chômage. La France est le troisième pays destinataire de ce fonds, derrière l’Espagne et l’Italie. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quelles sont les retombées concrètes du plan Juncker pour nos concitoyens ? Comment va-t-il se développer au cours des deux prochaines années ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, vous l’avez dit, le plan Juncker vise à permettre de nouveaux investissements en Europe, de façon tout à fait massive. L’objectif est de permettre la réalisation de 315 milliards d’euros d’investissements nouveaux au cours des trois prochaines années.
Vous m’interrogez sur l’état d’avancement de ce plan. À ce jour, ce sont 76 milliards d’euros de projets d’investissement qui ont été rendus possibles grâce au Fonds européen pour les investissements stratégiques, qui est le dispositif financier permettant, grâce au plan Juncker, de contribuer à financer des projets. Sur ces 76 milliards d’euros d’investissements en Europe, 9 milliards d’euros concernent des projets en France, dans des domaines très divers : la transition énergétique – par exemple le financement d’équipements dans les énergies renouvelables, comme l’énergie solaire ou l’énergie éolienne, ou bien encore l’isolation thermique de bâtiments et de logements – mais aussi le numérique ou l’innovation dans les petites et moyennes entreprises. De fait, si, comme vous l’avez dit, cela peut concerner de grandes infrastructures, il s’agit aussi d’assurer le financement de petites et moyennes entreprises, qui vont pouvoir s’équiper, acheter des machines, investir dans leur développement.
Aujourd’hui, dans toutes vos régions, dans tous vos départements, vous pouvez aller à la rencontre d’entreprises qui se sont vu accorder de nouveaux prêts par le biais de la Banque européenne d’investissement, parfois par l’intermédiaire de la Banque publique d’investissement, Bpifrance, grâce au soutien du Fonds européen pour les investissements stratégiques, grâce à la garantie de l’Union européenne. Le plan Juncker marque donc la réorientation des politiques économiques de l’Europe vers l’investissement et le soutien à la croissance. C’est la priorité que le Président de la République a souhaitée et que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a traduite par ce Fonds européen pour les investissements stratégiques. Celui-ci permet aujourd’hui d’apporter un soutien concret à l’économie de nos territoires, au développement de nos entreprises, y compris petites et moyennes, et à la mise en oeuvre de grands projets d’infrastructures, qui permettront de relancer l’économie européenne.
Nous avons terminé les questions au Gouvernement sur des sujets européens.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.
L’ordre du jour appelle, en application de l’article 50, alinéa 1, de la Constitution, une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le rapport au Parlement relatif aux conditions d’emploi des forces armées sur le territoire national pour protéger la population.
La parole est à M. le ministre de la défense.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur de vous présenter, comme le Gouvernement s’y était engagé au titre de l’article 7 de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, un rapport sur les conditions d’emploi des armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population.
Aujourd’hui, la première opération de nos armées, en nombre de militaires engagés, se déroule sur le territoire national : il y a là un fait majeur qui marque une inflexion forte dans leur positionnement. En raison de la nature de la menace, cette inflexion a, malheureusement, vocation à s’inscrire dans la durée.
L’histoire peut nous aider à penser la singularité du moment que nous vivons : telle est la première démarche de ce rapport. Il faut du reste constater que c’est la première fois, dans l’histoire de la Ve République, qu’un tel débat, portant sur l’intervention des armées sur notre propre territoire, se tient au Parlement.
Depuis la Révolution française, exception faite des missions de sécurité civile, dont l’accomplissement implique régulièrement les armées sur le territoire national, les armées ont été employées sur ce même territoire par les gouvernements successifs dans deux types de missions : d’une part, le maintien de l’ordre, au XIXe siècle en particulier, et d’autre part la défense du territoire au sens strict.
Si la défense du territoire a toujours relevé des armées dans son principe, il n’en a pas été de même pour le maintien de l’ordre : en la matière, l’implication des armées est allée en s’amenuisant, avec l’apparition et le développement de forces spécialisées à cette fin, au fur et à mesure qu’était consolidée la responsabilité spécifique de ces forces.
S’agissant de la défense du territoire, cette fonction des armées a toujours existé, y compris depuis la Seconde guerre mondiale, même si la fin de la Guerre froide, en particulier, a conduit à la disparition du risque d’invasion de notre pays, faisant du même coup tomber en désuétude le concept de défense opérationnelle du territoire qui avait cours lorsque la menace était organisée par les plans militaires de l’ex-Pacte de Varsovie.
Pour autant, tous les Livres blancs sur la défense – depuis le premier en 1972 – ont souligné avec netteté le rôle des armées, leur mission première dans la défense et dans la protection de notre territoire et de sa population.
Jusqu’au début de l’année 2015, cette fonction de protection s’est traduite, au premier chef, par les missions permanentes de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime qui relèvent du Premier ministre ainsi que par une contribution, d’ailleurs relativement modeste en termes d’effectifs, au plan gouvernemental Vigipirate.
C’est cette répartition des missions que l’année 2015 est venue ébranler. L’offensive terroriste sans précédent dont la France a fait l’objet, avec deux séries d’attentats majeurs, a en effet changé la donne.
Les objectifs des terroristes, leurs modes d’entraînement et d’action, comme les niveaux de violence qu’ils sont atteints, ont remis en question les catégories de pensée qui prévalaient jusque-là : devant une menace d’un genre nouveau et d’une virulence inédite pour nos armées, il ne s’agit pas simplement d’apporter un concours supplémentaire, ponctuel, marginal et épisodique aux forces de sécurité intérieure.
Nous sommes bel et bien entrés dans une ère nouvelle, qu’il nous appartient de caractériser. Anticipant des dangers de ce type, les Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et de 2013 avaient déjà décrit une continuité possible entre menace extérieure et danger à l’intérieur du territoire, et donc entre défense et sécurité nationale.
Les scénarios les plus exigeants en termes d’organisation des forces, tant en 2008 qu’en 2013, étaient ceux qui sollicitaient nos forces à la fois à l’extérieur et sur le territoire : c’est pourquoi ces documents, approuvés en Conseil de défense, puis traduits en lois de programmation, et enfin en contrats opérationnels assignés aux forces, ont prévu, outre nos dispositions permanentes sur mer et dans les airs, un contrat opérationnel d’engagement de 10 000 soldats.
Il s’agissait de concrétiser, pour les armées, l’éventualité d’une contribution majeure à la sécurité sur le territoire, et cela pour une durée qui n’avait été précisée ni en 2008 ni en 2013. Il était alors envisagé une crise majeure, mais ponctuelle, combinée avec une crise extérieure.
L’enjeu était bien, devant l’affirmation de risques susceptibles de porter atteinte à la vie de la nation, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos frontières, d’envisager une réponse cohérente.
En janvier 2015, ce contrat de protection a été activé par le Président de la République, avec la mobilisation et le déploiement, en quelques jours, de 10 000 militaires dans le cadre de l’opération Sentinelle.
Après analyse des premiers retours d’expérience, le Président de la République a décidé, lors d’un Conseil de défense et de sécurité nationale, la rénovation de ce contrat de protection : celle-ci a été actée par la représentation nationale au moment de l’actualisation de la loi de programmation militaire votée en juillet 2015.
Cette loi décrit ce nouveau contrat des armées sur le territoire national, avec une capacité permanente de mobilisation de 7 000 hommes dans la durée, capacité pouvant être portée à 10 000 hommes pour un mois. Ce niveau maximal a été de nouveau atteint après la nuit du 13 au 14 novembre 2015, avec une efficacité remarquable. Depuis lors, nos soldats sont déployés à ce haut niveau aux côtés des forces de sécurité intérieure, elles-mêmes très sollicitées.
S’agissant de l’emploi des armées sur le territoire national, il convient de noter que la France réagit selon des principes et dans des proportions comparables à celles des pays occidentaux confrontés à des situations analogues. Par exemple, le Royaume-Uni envisage un emploi de militaires en appui des forces de sécurité intérieure pour protéger des sites sensibles contre une menace terroriste dans le cadre du plan Temperer, conçu à la suite des attentats de Paris de janvier 2015, et cela à hauteur de 10 000 hommes. Ce dispositif est similaire à celui mis en place en France, même si le point de départ est différent.
Par ailleurs, l’Italie mobilise plus de 6 000 militaires dans des missions de contrôle du territoire national. La Belgique et l’Allemagne ne sont pas en reste, puisqu’elles ont décidé de mobiliser leurs armées, soit pour des opérations de contrôle du territoire, soit pour des opérations de prévention du terrorisme.
Sur cette base, le rapport revient en détail, dans un premier temps, sur la menace telle qu’elle se présente désormais à nous. Cette menace terroriste a évolué, vous le savez, de manière très significative : les groupes terroristes sont désormais véritablement militarisés et quasiment professionnalisés ; ils mènent des actions de type commando à grande échelle, comme l’ont montré les attentats du 13 novembre 2015.
Visant une multitude de cibles potentielles, l’ennemi étant la société dans son ensemble, cette menace est à la fois diffuse et omniprésente : elle agit à l’extérieur comme à l’intérieur de nos frontières, des connexions étant établies entre ces deux espaces.
Susceptible de monter brusquement en intensité, elle ne présente aucune limite dans sa volonté de marquer durablement les esprits par la terreur, et vise explicitement à reproduire sur le territoire national de véritables actions de guerre.
Au-delà de ce que nous avons vécu, soyons pleinement conscients que les scénarios d’attaques sont multiples : aujourd’hui sur terre, demain dans nos eaux sous juridiction nationale ou dans les airs, ils visent des cibles que chacun peut imaginer et qui nécessitent un renforcement très significatif de nos dispositifs.
Cette menace s’exerce également dans les champs immatériels, dont le cyberespace. Cela exige de notre part, en retour, la définition d’une réponse ne négligeant aucun aspect de ces nouvelles formes de guerre.
Devant la militarisation de la menace, les armées professionnelles représentent un ensemble de spécificités qui leur permettent d’apporter une contribution importante, s’intégrant pleinement à une manoeuvre de sécurité intérieure profondément renouvelée.
Vous avez pu le noter dans les actes et les déclarations de mon collègue Bernard Cazeneuve, le ministère de l’intérieur a décidé d’apporter des inflexions significatives à l’organisation de ses forces de sécurité.
Pour les armées, je rappelle d’abord que les capacités uniques détenues par l’armée de l’air et la marine en font les intervenants de premier rang dans leur milieu, et cela en permanence, avec des moyens importants.
Dans le domaine terrestre, la première vertu de nos forces est la connaissance qu’elles ont acquise de l’ennemi sur les théâtres extérieurs. Elles mesurent donc, au moins en partie, la menace, même si elles ne se trouvent pas, sur le territoire national, en situation de conflit armé comme à l’extérieur.
Leur équipement – en particulier leur armement et leurs moyens de protection – ainsi que leur forte visibilité, leur confèrent une vertu à la fois dissuasive et rassurante, qui est complémentaire de celle des forces de sécurité intérieure.
L’apport des armées s’appuie également sur des capacités éprouvées de planification, qui leur permettent d’intégrer, de combiner et d’harmoniser de nombreuses aptitudes issues des différents milieux – terre, air, mer – auxquels s’ajoute, évidemment, le milieu cyber.
Par ailleurs, leur mode de fonctionnement et d’organisation centralisé et hiérarchisé, avec notamment la capacité de projeter leurs efforts en pleine autonomie logistique, permet de traduire sans délai une volonté politique forte.
Cette forte réactivité – qui doit beaucoup au statut de nos militaires, qui exige d’eux une disponibilité de tous les instants – est également facilitée par une chaîne de commandement rigoureuse.
Enfin, les armées se caractérisent par la mise en oeuvre de moyens spécialisés rares, comme les moyens de protection et d’intervention en milieu nucléaire, radiologique, biologique et chimique, ou NRBC, ou encore la capacité de chirurgie de guerre, détenue par le service de santé des armées, voire, exceptionnellement, certains moyens des forces spéciales.
L’ensemble de ces spécificités permet à nos armées d’agir en complément des forces de sécurité intérieure. Elles réalisent alors des opérations de plein exercice qui leur sont confiées, après décision du Président de la République, par les autorités en charge de la sécurité intérieure.
Il m’appartient, en tant que ministre de la défense, ainsi qu’aux chefs d’état-major, sur mes instructions, de les y préparer et de veiller à leur mise à disposition pour leurs capacités propres.
C’est bien le nouveau contexte des menaces militarisées, ainsi que la prise en compte de ces spécificités, qui nous a amenés à dépasser la logique d’un engagement terrestre des armées qui aurait été limité à une contribution temporaire – de quelques centaines de soldats – dans le cadre du plan Vigipirate.
L’enjeu est aussi d’optimiser l’action d’une ressource rare, rompue aux combats comme à la gestion de crises en opérations extérieures, pour qu’elle réponde aux mieux aux impératifs posés par l’affirmation de la menace terroriste dans toutes ses dimensions, notamment sur le territoire national. Il nous faut donc, dans cette perspective, nous appuyer sur ses spécificités propres, en très étroite coordination avec les forces de police et de gendarmerie.
La posture de protection du territoire national et de ses approches devient donc plus structurante. Dans le contexte que chacun garde à l’esprit, nous devons repositionner cette fonction, tout en préservant soigneusement l’efficacité de nos capacités dans les deux autres grandes missions de notre stratégie générale de défense et de sécurité nationale que sont la dissuasion nucléaire et l’intervention extérieure.
Je veux donc témoigner devant vous de ce que cette fonction de protection rénovée constitue un engagement à part entière de l’ensemble des armées et des services du ministère de la défense.
Cette fonction se déclinera désormais en quatre postures de milieu, qui sont définies par un ensemble de dispositions prises pour protéger le pays face aux agressions contre son territoire, sa population ou ses intérêts.
Il s’agit d’abord des postures permanentes de sauvegarde maritime et de sûreté aérienne.
La défense maritime du territoire, renforcée et orientée vers la menace terroriste, répond au défi de surveiller 19 000 kilomètres de côtes, dont 5 800 en métropole, ainsi que nos ports d’intérêt prioritaire, cela à travers un dispositif organisé en couches successives, du littoral à la haute mer. Environ 1 400 « sentinelles des mers » y contribuent quotidiennement en métropole, que ce soit avec les sémaphores, les navires ou les avions de surveillance et d’intervention.
La mission de sûreté aérienne – deuxième posture – a pour objet, quant à elle, de garantir notre souveraineté dans l’espace aérien national, où 11 000 aéronefs transitent quotidiennement, et d’intervenir contre toute menace aérienne.
Près de 1 000 militaires y participent chaque jour, ce qui assure une capacité d’intervention en moins de quinze minutes en tout point de notre espace aérien. Ce délai peut bien entendu être raccourci en fonction des menaces.
À la suite des attentats de 2015, la contribution à la fonction de protection dans son volet terrestre fait l’objet d’une posture entièrement nouvelle. Elle doit permettre aux armées d’apporter leur capacité d’intervention dans le cadre du dispositif global de sécurité intérieure : c’est la posture de protection terrestre.
Cette posture repose sur deux axes : l’optimisation de l’emploi des forces engagées dans le cadre du nouveau contrat de protection, aujourd’hui pour l’opération Sentinelle, mais qui peut revêtir d’autres formes et dénominations ; la réorientation d’une partie de la préparation opérationnelle des forces terrestres au profit de la sécurité intérieure.
À cet égard, je voudrais indiquer à la représentation nationale que ce volet particulier de la préparation opérationnelle des forces terrestres sur le territoire national fera prochainement l’objet d’un exercice commun entre les armées et les forces de la gendarmerie.
Quatrième posture, la posture permanente de cybersécurité s’appuie sur une organisation dédiée et intégrée à la chaîne des opérations, qui lui permet de détecter et d’agir au plus tôt face aux menaces propres à ce milieu qui viseraient les installations et moyens de la défense. Sous l’autorité de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, dépendant du Premier ministre, nos moyens doivent pouvoir aussi appuyer l’action cyber-défensive plus large de l’appareil d’État.
Au-delà de ces quatre postures, la fonction de protection rénovée mobilise deux capacités permanentes.
Il s’agit, d’une part, de la capacité permanente de réponse sanitaire, assurée par le service de santé des armées, capacité qui a été confirmée par la mobilisation exemplaire de ce service au lendemain du 13 novembre. Au-delà de sa participation au service public hospitalier, le ministère de la défense est en mesure, le cas échéant, de mettre ses capacités et compétences sanitaires à la disposition de la Nation : on l’a vu par exemple pour la médecine et chirurgie de guerre lors de certains attentats.
Il s’agit, d’autre part et enfin, de la capacité permanente de soutien pétrolier des armées et des forces de sécurité intérieure, mise en oeuvre par le service des essences des armées.
Sur ces bases renouvelées, la fonction globale de protection rénovée, telle que je viens de la définir, voit ses missions organisées autour de six contributions principales : premièrement, la sécurité sur le territoire national et la lutte contre le terrorisme à l’intérieur du territoire, en lien étroit avec la défense hors de nos frontières ; deuxièmement, la contribution à la lutte contre le crime organisé, par exemple contre l’orpaillage illégal dans le cadre de l’opération Harpie, ou contre le narcotrafic par voie maritime ; troisièmement, la défense des intérêts économiques et des accès aux ressources stratégiques ; quatrièmement, la sauvegarde maritime ; cinquièmement, la sûreté aérienne ; sixièmement, la sécurité civile dans le cadre de sinistres et catastrophes de toute nature.
En revanche, en accord avec le ministre de l’intérieur, le Gouvernement a fait le choix d’exclure expressément de cette posture : premièrement, les actions relevant du domaine judiciaire, hors réquisition spécifique de l’autorité judiciaire ; deuxièmement, les opérations de maintien de l’ordre public, telles que le contrôle de manifestations, de foules ou d’émeutes sur la voie publique, en dehors des états d’exception prévus par la Constitution, c’est-à-dire de l’état de siège.
Je veux insister sur le fait que la réalisation de l’ensemble de ces missions n’appelle pas d’évolution de notre cadre juridique, au-delà de la mise en oeuvre de ce qu’on a appelé « le périple meurtrier » dans le projet de loi sur la procédure pénale. Il reste que l’emploi des armées sur le territoire national, dans ce nouveau contexte, peut s’effectuer à cadre constitutionnel et législatif constant.
Dans le prolongement de ce que je viens de vous indiquer, ce rapport pose également les grands principes qui doivent encadrer le recours des armées sur le territoire national, pour garantir leur pleine efficacité mais aussi leur juste utilité.
En premier lieu, l’engagement de plusieurs milliers de militaires ou de capacités interarmées d’importance équivalente relève directement du chef de l’État, chef des armées, dans le cadre des conseils de défense et de sécurité nationale, à l’identique des interventions extérieures.
Ce sont par ailleurs les mêmes soldats, marins et aviateurs, qui font face à une même menace, présentant des caractéristiques militaires sur le territoire national comme sur les théâtres d’opérations extérieures.
En réfléchissant à ces enjeux nouveaux, nous avons totalement écarté l’idée de créer des unités militaires spécialisées pour le territoire national. C’est bien une même armée qui se trouve engagée dans l’Adrar des Ifoghas ou dans les rues de nos grandes villes ou sur nos axes de communications sensibles – en particulier parce qu’il y a, je le répète, une continuité de la menace et parce que l’action des armées, complémentaire de celle des forces de sécurité intérieure, ne doit pas se confondre avec elle. Il y a là un principe fort que j’ai fixé à nos armées, qui constituent donc un réservoir unique à la disposition du Gouvernement.
L’action militaire sur le territoire national est enfin nécessairement encadrée par une demande du ministre de l’intérieur, localement de l’autorité préfectorale, réquisition qui suit un dialogue que nous souhaitons tous étroit avec l’autorité militaire.
Au niveau déconcentré, l’autorité civile, responsable de la manoeuvre, doit être régulièrement informée des modes d’action retenus, comme de la manière dont ses réquisitions sont accomplies.
Au niveau central, l’articulation entre les chaînes de commandement civiles et militaires est réalisée dans une instance commune de la défense.
Nous devons aussi nous assurer de la bonne connaissance de l’environnement dans lequel les militaires évoluent, afin de mieux anticiper les risques et menaces auxquels ils sont susceptibles d’être confrontés. Les armées peuvent en outre proposer au ministère de 1’intérieur, en fonction de la nature des missions, des capacités spécifiques de surveillance et d’observation à cette fin. Pour autant, ces informations à but opérationnel ne se confondent pas avec le renseignement à des fins judiciaires, qui ne relève pas des armées, comme je vous l’ai indiqué.
Un an après le déclenchement de Sentinelle, le développement de l’interopérabilité avec les forces de sécurité intérieure et les autres acteurs comme l’adaptation des modes d’action aux évolutions de la menace, doivent donc se poursuivre.
Cette réflexion intègre un volet capacitaire. C’est ainsi que le rapport qui vous a été remis indique que certaines capacités devront être renforcées, pour compléter celles qui sont actuellement mises en oeuvre sur le territoire national.
Il s’agit d’une part de capacités dont disposent les armées et qui sont peu ou pas utilisées sur notre territoire. Je pense par exemple aux drones, dont la montée en puissance est inscrite dans la loi de programmation militaire, en particulier les drones tactiques, mais aussi, à terme, les drones MALE, comme le démontre déjà l’emploi des drones Harfang dans les bulles aériennes de protection de certains grands événements. Les réflexions qui sont en cours doivent intégrer la possibilité de les impliquer davantage dans des missions sur le territoire national et ses approches.
En outre, certaines capacités devront être renforcées afin d’optimiser la contribution des armées à la protection du territoire national et de ses approches aéromaritimes. Je pense par exemple au développement des moyens de mobilité terrestre ou au secteur des communications et des transmissions, qui font et feront l’objet d’actions d’urgence afin de parfaire l’interopérabilité entre les armées et les acteurs de la sécurité intérieure.
Enfin, le renforcement de la surveillance de nos approches maritimes en métropole et outremer doit s’accompagner d’un effort sur nos moyens de détection et d’intervention, qu’il s’agisse de radars côtiers, de systèmes de détection à très basse altitude, de protection vis-à-vis de drones ou des patrouilleurs de surveillance.
Comme l’a amplement démontré l’expérience de l’opération Sentinelle, nous devons enfin avoir une attention toute particulière pour les conditions d’exécution.
Je pense en particulier au soutien des hommes et des femmes ainsi engagés. Je suis conscient, ici, des difficultés qui persistent – en matière d’hébergement en particulier.
Je me suis rendu sur place plusieurs fois, et j’ai constaté des progrès, même si les premiers déploiements opérés en urgence au début de l’année 2015 se sont déroulés dans des conditions parfois délicates. Je voudrais rappeler à ceux qui l’auraient oublié qu’en raison de plans de réduction des effectifs antérieurs, il n’y avait plus de garnisons en région parisienne : je n’y peux rien !
Il a donc fallu prendre des mesures, dès le printemps dernier, pour faire face à cette situation inédite. Nous avons ainsi mobilisé tous les lieux d’hébergement possibles du ministère, y compris l’îlot Saint-Germain et le Val-de-Grâce, pour permettre de rapprocher nos militaires déployés de leurs zones d’action. La politique immobilière décidée en ce sens a bénéficié de mesures financières qui ont permis d’améliorer significativement les conditions d’hébergement, en particulier en Île-de-France : si vous vous y rendiez régulièrement, vous pourriez vous en rendre compte.
La condition du personnel engagé dans cette opération mérite également une attention particulière. L’exceptionnelle mobilisation de nos militaires sur le théâtre national, comme d’ailleurs en opérations extérieures, s’est traduite, pour beaucoup, par une absence très importante en 2015.
Conscient du caractère exceptionnel de cette situation, qui se répercute sur la vie de famille de nos soldats, j’ai décidé d’octroyer le bénéfice de l’indemnité pour sujétion spéciale d’alerte opérationnelle au profit des militaires déployés soit dans le cadre de l’opération Sentinelle, soit dans celui du dispositif Cuirasse de protection des sites militaires sensibles. Ces dispositions seront maintenues tant que ce type d’opérations se poursuivra sur le territoire national.
Je l’ai dit en évoquant les principes structurants de l’emploi des armées sur le territoire national, il n’existe qu’une seule et unique armée agissant à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières. Je rappelle à cet égard que 70 000 militaires ont déjà été engagés dans Sentinelle en 2015, certains jusqu’à six fois, avec une moyenne de plus de 7 500 soldats chaque jour depuis le début de l’opération. L’annulation par le Président de la République de 18 750 déflations, décision retracée par l’actualisation de la loi de programmation militaire, la LPM, votée en juillet 2015, va permettre de réaliser 11 000 recrutements supplémentaires à échéance de la fin de l’année 2016, au bénéfice de la force opérationnelle terrestre. Ces jeunes soldats, une fois formés et opérationnels, contribueront à alléger l’intense mobilisation de nos effectifs, depuis l’activation du contrat opérationnel de protection dans son intégralité le 13 novembre dernier.
Par ailleurs, suite à l’annonce du Président de la République devant le Congrès réuni à Versailles le 16 novembre dernier, de l’ordre de 10 000 postes supplémentaires seront en outre sauvegardés sur les années 2017 à 2019, pour renforcer notamment nos effectifs opérationnels, afin de rendre soutenable dans la durée le niveau d’engagement de nos forces, tant à l’extérieur de nos frontières que sur le territoire national.
Enfin, la contribution des armées à la fonction stratégique de protection s’accompagne très logiquement d’une rénovation en profondeur de la politique concernant nos réserves. Pour la première fois depuis très longtemps, le nombre des réservistes militaires a augmenté en 2015, cela grâce à une volonté forte du ministère de la défense.
J’ai eu l’occasion de l’annoncer récemment, à l’occasion des premières Assises de la réserve que j’ai organisées : dès 2018, ce sont 40 000 réservistes opérationnels qui contribueront aux missions de protection, avec pour objectif 1 000 réservistes engagés par jour. Bénéficiant d’un budget accru inscrit dans la loi de programmation militaire actualisée, offrant des parcours plus attractifs, la réserve viendra notamment compléter les effectifs d’active dans des domaines déficitaires ou sensibles comme la cyberdéfense. J’ai insisté en particulier sur le fait que ce renforcement des effectifs, qui passent de 28 000 à 40 000 réservistes, rendra possible une territorialisation de la réserve, anticipant ce qu’on pourrait appeler une garde nationale territorialisée.
La différence avec vous, c’est que je dis comment je vais faire.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, les réflexions apportées par ce rapport que j’ai transmis à l’Assemblée nationale et au Sénat.
En 2015, ce sont près de 11 000 soldats, marins et aviateurs qui auront été engagés quotidiennement dans ces missions de protection, de sûreté et de sauvegarde, alors que le territoire national est devenu le premier théâtre de nos engagements opérationnels, et que la menace reste particulièrement préoccupante.
En ce moment même, ils sont autant à veiller sur nous, et vous me permettrez de leur redire, à l’occasion de ce débat, ma reconnaissance et la vôtre pour l’engagement qui est le leur. C’est un engagement difficile, qui réclame sang-froid, endurance, abnégation, courage aussi, toutes qualités qu’ils ont eu l’occasion de démontrer à maintes reprises, au cours de cette première année émaillée parfois d’interventions musclées – mais nos soldats ont toujours gardé le contrôle de la situation et singulièrement de l’usage de leurs armes. C’est en tout cas, aujourd’hui plus que jamais, un engagement essentiel de nos forces ; j’ai pleine confiance dans nos armées pour remplir cette mission spécifique.
Le Président de la République a rappelé l’impérieux devoir du Gouvernement d’assurer la protection de la Nation et de nos concitoyens. Je veux dire devant vous que la défense, avec ce cadre renouvelé, continuera donc à jouer tout son rôle dans cette mission vitale pour notre territoire et pour la sécurité du pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe écologiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Olivier Audibert Troin, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, les attentats qui ont frappé la France en 2015 représentent une véritable rupture modifiant le contexte sécuritaire dans notre pays.
L’affirmation de cette menace terroriste nous oblige à repenser la fonction stratégique de protection et à actualiser le contrat opérationnel correspondant, ainsi que les modalités de l’engagement des armées sur le territoire national, devenu le premier théâtre d’opération.
Dans le Livre blancde 2013, le déploiement de 10 000 hommes sur le territoire national n’avait été envisagé que pour une période courte, dans une optique d’aide et de secours à la population, essentiellement d’ailleurs en cas de catastrophe naturelle, et non de protection contre le terrorisme.
Face à la modification substantielle de la menace pesant sur notre sol, le groupe Les Républicains, au nom duquel je m’exprime aujourd’hui, a plusieurs fois appelé de ses voeux un vrai débat devant la représentation nationale sur l’emploi de nos forces armées sur le territoire national. Ce débat se limite aujourd’hui à la simple présentation d’un rapport au Parlement, sans vote et en l’absence du ministre de l’intérieur : nous le regrettons vivement.
D’autant, monsieur le ministre, que ce qui saute aux yeux à la lecture de ce rapport, c’est ce goût très prononcé que semble éprouver le rédacteur à éviter toute aspérité, tout ce qui aurait pu apparaître comme un coin entre le ministère de l’intérieur et le ministère de la défense.
Il faut lire la première version du rapport, qui comptait des développements plus longs sur l’histoire des armées sur le territoire national, notamment en matière de maintien de l’ordre ; puis la seconde version, qui renvoyait ces développements en annexe ; et enfin, la version définitive, qui les a carrément oubliés.
Et ce qui devait arriver arriva : un rapport certes circonstancié, mais au bout du compte bien mièvre en matière de propositions, dont bon nombre restent classifiées.
Disons-le tout de go, face à la radicalité des nouvelles menaces, nous attendions du Gouvernement un dispositif beaucoup plus offensif, sécurisé tant juridiquement que budgétairement et surtout, laissant apparaître la valeur ajoutée de nos armées pour la protection de nos populations, dès lors que le rôle d’acteur majeur lui a été reconnu en la matière.
Quelle valeur ajoutée les forces armées apportent-elles dans ce dispositif de protection des Français ?
Complémentaires des forces de sécurité intérieure, entièrement professionnalisées depuis vingt ans, les armées présentent des spécificités et qualités intrinsèques, acquises sur différents théâtres extérieurs, qu’elles peuvent employer au service de la protection de nos concitoyens sur le territoire national.
Le continuum annoncé de la menace, de l’extérieur vers l’intérieur, nous impose un continuum de la réponse, qui doit être apportée par le même soldat, ayant capitalisé une expérience opérationnelle en opération extérieure – ou OPEX – et la restituant, en l’adaptant, sur le territoire national.
Et c’est certainement ici le point le plus sensible du débat, car en parlant de continuum, en parlant d’état de guerre, l’on importe bien à l’intérieur de nos frontières le concept de conflit armé, mais dépouillé de l’outil juridique qui fait la force et qui protège individuellement le soldat en OPEX.
Par le régime de la légitime défense qui s’applique à lui, malgré l’extension prévue à l’article 19 du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le cadre d’emploi de la force est donc différent en OPEX et en opération intérieure ou OPINT.
En plaçant nos forces armées sous le régime de la réquisition sur le territoire national, en affirmant que nos forces armées n’interviennent « qu’en relais et en appui » des forces de sécurité intérieure, peut-on vraiment parler de continuum ?
En limitant le renseignement à « la surveillance d’objectifs ou d’activités susceptibles de constituer une menace » ou à la collecte « d’informations d’ambiance sur le terrain », peut-on vraiment parler de continuum, quand on sait l’importance du renseignement et la maîtrise de celui-ci par nos militaires en OPEX ?
Quand on évoque l’intervention des forces armées en cas d’attaque terroriste « en appui des forces de sécurité intérieure », peut-on là encore parler de continuum ?
Vous nous direz, monsieur le ministre : « Tout cela, ce sont des mots. » Mais les mots, les qualifications juridiques ont leur importance. En écartant toute hypothèse de création d’une force nationale spécifique, vous créez dans la durée un système hybride et par la rédaction même de ce rapport, vous entretenez le doute d’une force supplétive aux forces de sécurité intérieure.
Je sais pertinemment que vous ne souhaitez pas cela et que des marges de progression existent encore afin de mieux intégrer forces de sécurité intérieure et forces armées sur le territoire national.
Ainsi, l’expression des réquisitions ou demandes de concours s’effectue en termes « d’effets à obtenir » et non en « désignation de moyens spécifiques ».
De la même façon, l’association préalable des autorités militaires dans le processus d’établissement des réquisitions est une avancée. Mais l’approche concernant la coordination de la planification et la conduite des missions entre les armées et les forces de sécurité intérieure reste très insuffisante.
Il est très surprenant que la coordination entre l’armée et la gendarmerie soit nettement plus efficiente en Guyane, dans le cadre de l’opération Harpie, qu’elle ne l’est en métropole après les attaques terroristes que nous avons subies. Pourquoi ne pas avoir recours, comme en Guyane, à un centre d’opération commun ?
Un tel centre d’opération pourrait a minima travailler à la planification à froid de la réponse aux crises, et a maxima devenir un véritable centre de crise interministériel, à l’image de la cellule Cobra au Royaume-Uni.
En n’abordant pas de front ce vaste chantier préservant à la fois libertés publiques et sécurité de nos concitoyens, vous prêtez le flanc à la critique d’un professionnalisme de nos armées trop peu exploité, et donc d’une valeur ajoutée apportée par nos soldats bien en deçà de leurs capacités réelles et intrinsèques.
Par la création de ce système hybride dans la durée, vous qui souhaitiez ne pas faire de distinguo entre soldats d’OPEX et soldats d’OPINT, vous laissez, comme l’a dit Jean-Pierre Raffarin hier, « nos militaires […] guettés par le piège d’être des supplétifs destinés à soulager les forces de sécurité intérieure ».
Nos armées disposent d’une identité et d’un savoir-faire spécifiques. Il serait réducteur et contre-productif de les considérer comme une force de l’ordre supplémentaire qui viendrait simplement s’ajouter à la police et à la gendarmerie.
Il faut donc laisser, monsieur le ministre, à la force opérationnelle terrestre, une bonne marge d’initiative pour conserver sa liberté d’action, réduire la prévisibilité de ses déploiements, diversifier ses modes d’action et préserver son caractère dissuasif.
Bien sûr, l’intérêt majeur du recours au contrat de protection des armées tient à la capacité de réaction immédiate que constitue ce réservoir de forces à la disposition de l’État, à sa souplesse d’emploi et à sa modularité.
Le soldat en armes bénéficie en outre d’une image capable de rassurer la population : une forte visibilité confère aux soldats une vertu dissuasive complémentaire de celle des forces de sécurité intérieure. C’est tout cela qui nous engage auprès de nos soldats tant en matière d’effectifs, d’équipements, de conditions d’exercice de la mission que de protection personnelle.
S’agissant des effectifs, l’actualisation de la loi de programmation militaire, en ouvrant 11 000 postes supplémentaires dans la Force opérationnelle terrestre – ou FOT – d’ici décembre 2016, est cohérente avec l’engagement de 7 000 à 10 000 hommes sur le territoire national.
Mais l’engagement des armées sur le territoire national atteint un niveau d’ores et déjà supérieur à ce qui est prévu par leur contrat opérationnel.
En 2015, certaines unités ont fait jusqu’à six rotations en mission Sentinelle au détriment de la préparation opérationnelle, dont le niveau n’atteindra que 60 % de celui observé avant le 13 novembre. Cette situation nous place en situation de risque de rupture capacitaire et de risque de rupture morale pour nos soldats. Projetés dans l’urgence, dans des conditions de rusticité inacceptables, notamment en termes de logement, nos soldats ont été aux deux tiers affectés à des missions de garde statique.
J’ajoute qu’avec les ventes envisagées de l’îlot Saint-Germain et du Val-de-Grâce, la problématique de l’hébergement se pose avec acuité. De ce point de vue, il est surprenant que le rapport reste silencieux sur ce point.
De la même façon, avec la mobilisation de 6 500 hommes en région parisienne, ce rapport reste tout aussi silencieux sur la protection de l’ensemble du territoire national, et particulièrement de la ruralité, qui apparaît désormais comme le maillon faible du dispositif.
Lors de notre déplacement au fort de Vincennes, nous avons pu constater l’acceptation de la mission par les militaires qui l’effectuent, mais aussi un phénomène de lassitude dû à la fréquence des engagements, à leur absence prolongée de leur zone de garnison, à la réduction du temps consacré à la préparation opérationnelle.
Par ailleurs, sur les 28 100 réservistes de nos armées, 10 000 ont vocation à participer à la fonction de protection. Ils en représentent un pilier fondamental. Nous pensons qu’un appui plus sensible de la réserve de la gendarmerie nationale est nécessaire.
Nous soutenons le passage à 40 000 du nombre de nos réservistes. Mais tout cela doit bien évidemment être inscrit dans le marbre de la loi. Comme je l’ai fait dans cet hémicycle il y a quelques mois lors des questions au Gouvernement, nous vous demandons à nouveau, monsieur le ministre, l’actualisation de la loi de programmation militaire intégrant les 700 millions du coût de la non-déflation, les 170 millions du coût de Sentinelle et le coût de la réserve supplémentaire.
S’agissant des équipements, la question des moyens de nos armées doit être posée. Celles-ci sont face à un redoutable défi : il convient d’optimiser leurs moyens d’action sur le territoire national, où les actions vont se multiplier, tout en conservant les moyens d’intervenir à l’extérieur du territoire national.
Sur le territoire national, l’enjeu consiste à adapter davantage les matériels à la mission Sentinelle : à titre d’exemple, l’acquisition de quelques centaines de VBMR légers – véhicules blindés multi-rôles – est jugée nécessaire.
L’exigence d’interopérabilité avec les forces de sécurité intérieure suppose également diverses acquisitions, notamment de systèmes d’information et de communication. Le retour d’expérience des attentats du 13 novembre a mis en évidence l’intérêt opérationnel à ce que les armées disposent de leur propre réseau tactique de communications : pour être réactif, il faudrait superposer un réseau propre au réseau d’Automatisation des communications radioélectriques opérationnelles de la police nationale, dit ACROPOL.
Le rapport est très peu ambitieux sur ce dernier point. En effet, on pourrait nettement aller plus loin dans la coordination et l’interopérabilité entre les armées et les forces de sécurité intérieure.
Enfin, concernant la protection statutaire des militaires en OPINT, à partir du moment où le discours ambiant tend à généraliser la notion de continuum des OPEX au sein du territoire national, il est logique de rechercher de nouvelles évolutions en matière de protection statutaire des militaires engagés sur le territoire national offrant une couverture plus large que celle des activités de service. Vous venez de parler à l’instant des indemnités de sujétion spéciale : c’est en effet une piste.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la réalité du monde tel qu’il est nous a rattrapés. Nos dispositifs, notre doctrine doivent évoluer, s’adapter, anticiper.
En choisissant l’art de la synthèse pesée au trébuchet entre intérieur et défense, le rapport présenté aujourd’hui ne pouvait qu’être incomplet.
La reconnaissance de la valeur et du professionnalisme de nos armées aurait dû se traduire concrètement par une plus grande autonomie d’action pour nos soldats…
… sous autorité civile car, au bout du bout, c’est bien de la sécurité de la France et des Français qu’il s’agit.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mme Catherine Vautrin remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, voilà quatre mois, la France était touchée en plein coeur par les attentats les plus meurtriers de notre histoire.
Le Groupe de l’Union des démocrates et indépendants tient une nouvelle fois à rendre hommage aux 130 victimes, aux blessés, à leurs proches et, plus largement, à toutes les victimes de tous les attentats. Nous tenons également à exprimer toute notre gratitude aux forces de l’ordre et de sécurité civile, pour leur courage et leur professionnalisme sans faille.
Ces événements tragiques nous ont rappelé de la pire des manières que nous devons plus que jamais faire face à une menace durable et qu’il est vital d’adapter nos moyens de défense et de sécurité.
En effet, le continuum sécurité-défense est de plus en plus prégnant et mes différents déplacements en OPEX m’ont permis de mieux cerner que c’est en Afghanistan, au Mali, au Niger, au Tchad, au Liban ou encore en République Centrafricaine que se joue aussi et surtout notre sécurité.
C’est pour cela que les députés du Groupe UDI ont soutenu sans réserve le Président de la République et le Gouvernement chaque fois que l’intérêt de la France était en jeu, dans un esprit de responsabilité et d’union nationale.
Cela fut le cas pour le Mali et la Centrafrique, cela fut également le cas pour le lancement de l’opération Chammal en Irak ainsi que pour les frappes aériennes en Syrie. Ce sera le cas pour le traitement que nous appelons de nos voeux de la crise libyenne.
L’engagement de la France dans ces pays est un impératif pour combattre le terrorisme et la barbarie qui menacent nos valeurs et la sécurité de nos concitoyens.
En effet, plus il y aura de zones « grises » de non-droit, bases actives du terrorisme et de la criminalité internationale, plus le risque sera élevé en France et en Europe. Nous devons donc combattre notre ennemi tant à l’étranger que sur notre propre sol. L’opération Sentinelle, à ce titre, est un élément important de la lutte contre le terrorisme.
Le groupe UDI prend acte de la transmission du rapport sur l’emploi des forces sur le territoire national remis au Parlement conformément à l’article 7 de la loi de programmation militaire actualisée pour les années 2015 à 2019, à la suite d’une demande formulée par nos collègues sénateurs et que nous avions soutenue.
Lors de l’actualisation de cette même LPM, nous avions demandé que les opérations extérieures et intérieures en cours fassent l’objet d’un débat en séance plénière au Parlement deux fois par an. Nous espérons que cette proposition sera entendue par le Gouvernement, car il est à nos yeux essentiel que la représentation nationale tout entière, ainsi que l’ensemble de nos concitoyens, soient régulièrement informés sur les tenants et aboutissants des actions menées par la France sur les théâtres d’opérations extérieures, mais également sur notre territoire national.
Mes chers collègues, il est logique que les forces armées puissent intervenir ponctuellement sur le territoire national afin de rassurer et de protéger la population face à une menace terroriste d’ampleur telle que nous la connaissons actuellement.
Toutefois, dans un cadre juridique de légitime défense contraint, nos militaires assurent actuellement un rôle qui ne relève pas de leur mission première – la défense –, leurs missions se substituant de fait à celles de la police et de la gendarmerie, voire d’entreprises privées de services de sécurité et de défense.
C’est pourquoi l’installation dans la durée d’un dispositif tel que l’opération Sentinelle nous interpelle.
Comme le souligne le rapport du Gouvernement, « extraordinaire » dans son principe, cet emploi sur le territoire national doit demeurer « extraordinaire » dans le temps.
En effet, nos armées sont au maximum de leurs possibilités : 34 000 hommes sont actuellement engagés, dont près de 11 000 en France métropolitaine, mais également dans 25 opérations extérieures. C’est un niveau jamais atteint depuis la fin de la guerre d’Algérie.
Dès 2013, le groupe UDI avait fait part de ses inquiétudes et de ses réserves. Nous nous étions en conséquence opposés aux budgets successifs ainsi qu’à la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, mettant en garde le Gouvernement sur le manque de moyens, mais également sur les conséquences dramatiques des baisses d’effectifs prévues : 23 500 postes supplémentaires devaient être supprimés, s’ajoutant aux 54 000 postes supprimés dans la précédente LPM.
Si cette trajectoire avait été maintenue, les effectifs de la défense auraient diminué d’un quart en dix ans, entre 2009 et 2019. En 2014, le ministère de la défense, à lui seul, a assumé près de 60 % des suppressions d’emplois d’État. En 2015, il était prévu que ce ratio augmente encore jusqu’à 66 %.
Pour le Groupe UDI, il était inconcevable de demander à la défense de réaliser tant d’efforts – bien plus que les autres ministères et administrations civiles – dans un contexte où la menace n’a jamais été aussi élevée.
Nous avons donc salué la prise de conscience du Gouvernement, si tardive fût-elle, monsieur le ministre, quant à la nécessité de mettre un terme aux suppressions de postes dans le domaine de la défense.
Toutefois, les récents recrutements ne soulageront pas une partie des tensions dans nos armées avant l’été, puisque les nouveaux militaires recrutés devront ensuite être formés.
Le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, a d’ailleurs rappelé en début d’année que l’armée française était – je reprends son expression – « au taquet », le lancement de l’opération Sentinelle ayant aggravé cette situation, puisque près de 11 000 militaires sont à présent déployés de manière continue sur le territoire national.
Ce sont 70 000 militaires qui ont été engagés en 2015, certaines unités jusqu’à six fois. Cette situation est exceptionnelle et joue malheureusement sur les temps de repos, mais également sur les temps de préparation opérationnelle de nos militaires, parfois diminués de 60 %. Néanmoins, nous saluons ici leur professionnalisme et leur dévouement.
Des questions se posent, en particulier en ce qui concerne l’état catastrophique, voire indigne et scandaleux de certains hébergements, notamment en région parisienne.
Si la rusticité est une caractéristique de nos forces armées et se conçoit en opérations extérieures, comme j’ai personnellement pu en être témoin l’été dernier au nord du Niger près de la passe de Salvador, une telle situation est inacceptable en ce qui concerne des effectifs déployés sur le territoire national.
En effet, 85 % des militaires engagés dans l’opération Sentinelle sont hébergés sur des sites appartenant au ministère de la défense dans lesquels des emprises militaires ont été aménagées en urgence pour répondre aux besoins.
Toutefois, un an après le lancement de l’opération, comme le souligne le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale Louis Gautier, « ce qui a été conçu et accepté dans l’urgence après les attentats de janvier 2015 ne doit pas devenir la norme ».
Nous déplorons que les militaires subissent des modes de vie très dégradés par rapport à ceux que connaissent les policiers, les CRS ou les gendarmes mobiles déployés dans des conditions comparables. Aucun fonctionnaire de l’administration civile ne tolérerait de telles conditions d’hébergement et de travail.
Par ailleurs, nous soutenons la volonté du Gouvernement d’accroître le rôle de la réserve, comme nous l’avions demandé ici même à de multiples reprises. Cette initiative est essentielle, mais nous devons aujourd’hui aller plus loin.
Sans vouloir ressusciter la Défense opérationnelle du territoire rendue caduque par la suspension de la conscription, il est nécessaire que notre pays se dote d’une véritable garde nationale, dont l’ossature devrait s’appuyer sur les 28 000 réservistes actuels et les 40 000 annoncés d’ici 2019, pour lesquels l’augmentation des moyens – que vous nous avez promise, monsieur le ministre – est particulièrement bienvenue et attendue de longue date.
Le plus rapidement possible, cette garde nationale devrait prendre le relais des effectifs classiques de nos armées engagées dans les opérations Vigipirate et Sentinelle afin d’alléger les tensions pesant sur nos armées. Elle pourrait également être utile, par exemple, dans le domaine de la cybersécurité, en donnant un cadre juridique à de jeunes Français connectés qui veulent servir leur pays, comme pour des appuis ponctuels au service de santé des armées.
Cette garde nationale ne doit cependant pas être un corps inspiré de l’histoire ou d’expériences étrangères, mais un modèle issu de nos propres pratiques, de notre « ADN sécuritaire ».
Elle devra notamment se constituer autour de la réserve de la gendarmerie nationale, à la militarité réaffirmée, eu égard à sa cohérence opérationnelle et territoriale, à sa forte et longue tradition et à sa mise en application sur le terrain du continuum sécurité-défense.
Mes chers collègues, alors que le monde dans lequel nous vivons est chaque jour plus instable et dangereux, nous devons non seulement donner des moyens supplémentaires à notre défense, mais également susciter une prise de conscience collective.
Des dizaines de milliers de citoyens civils acceptant de consacrer du temps au service de la France et de la sécurité de tous, voilà ce qui reste la meilleure des réponses à toutes celles et à tous ceux qui veulent nous terroriser !
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Jean-Pierre Maggi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, chers collègues, le contrat opérationnel défini dans les lois de programmation militaire de 2008 et de 2013 prévoyait le déploiement de 10 000 soldats pour une durée non précisée afin de répondre au scénario d’une crise majeure dans le pays pouvant se combiner avec une crise extérieure. Les attaques de janvier 2015 en constituaient dramatiquement le premier acte.
Dans la foulée, le Président de la République activait ce contrat opérationnel avec la mobilisation en quelques jours de 10 000 militaires dans le cadre de l’opération Sentinelle. Prolongement des dispositifs permanents dans les milieux maritime et aérien, Sentinelle s’inscrit en cohérence avec les opérations extérieures de contre-terrorisme dans la bande sahélo-saharienne ou au Levant. Elle est exécutée par les mêmes soldats, aviateurs et marins, qui en constituent le réservoir de forces unique.
En avril 2015, l’actualisation de la LPM était décidée en Conseil de défense – présidé par le Président de la République – puis adoptée par le Parlement en juillet.
Elle consacre le nouveau contrat opérationnel des armées sur le territoire national, prévoyant une capacité permanente de mobilisation de 7 000 hommes dans la durée et jusqu’à 10 000 hommes pour un mois.
C’est grâce à ce plafond d’effectifs qu’une mobilisation d’hommes a été activée le soir tragique du 13 novembre et le lendemain, avec une efficacité exceptionnelle.
Au total, ce sont 70 000 militaires qui ont déjà été engagés dans Sentinelle en 2015, certaines unités jusqu’à six fois dans l’année, avec une moyenne de 7 500 soldats déployés depuis le début de l’opération, pour atteindre les 10 000 aujourd’hui.
L’engagement des armées sur le territoire national en appui aux forces de sécurité intérieure vise en premier lieu à répondre à un niveau de menace inédit et durable provoqué et entretenu par des groupes terroristes lourdement armés.
Ce danger est sans précédent et appelle des réponses complètes qui passent par un lien particulièrement fort entre une défense se projetant en opérations extérieures au plus près des sources de la menace, et la sécurité intérieure face à une menace ayant la même origine. Face à une telle situation, notre sécurité nationale repose donc plus que jamais sur une articulation très serrée entre sécurité intérieure et défense extérieure.
Ainsi, ces forces interviennent sur réquisition et sous l’autorité du ministre de l’intérieur, qui a en charge la direction de l’ensemble des opérations de sécurité intérieure.
Ces militaires assurent alors des missions de garde statique, des patrouilles mixtes, la surveillance de zones ou de lieux potentiellement menacés, et ils soutiennent aussi, en zone nord notamment, la police de l’air et des frontières. Dans ce contexte, en fonction de la menace, nos forces armées doivent agir de manière cohérente pour contribuer à protéger notre territoire ; elles doivent conserver leur spécificité, tout en entretenant une relation forte avec le ministère de l’intérieur.
C’est dans ce contexte spécifique de contre-terrorisme que doit s’inscrire la redéfinition de la stratégie de défense et de sécurité nationale sur terre, dans les airs et en mer. Car la menace a changé d’échelle, et le niveau d’engagement des armées, impliquées durablement dans de véritables opérations militaires, s’est très rapidement modifié. Ce sont donc les opérations de sécurité intérieure, la coordination entre civils et militaires et les modes d’engagement de nos armées qu’il nous faut repenser.
C’est en application de l’article 7 de la loi de programmation militaire actualisée que le ministère de la défense a élaboré un rapport, dons nous discutons aujourd’hui. Ce rapport précise la nouvelle doctrine de l’emploi des armées sur le territoire national, en définissant tout d’abord la mission de protection de la population confiée à nos armées. En effet, la doctrine d’emploi prend en considération les menaces nouvelles auxquelles nous sommes confrontés : un terrorisme militarisé entièrement nouveau ; une porosité très élevée entre la menace extérieure et la menace intérieure ; des actions d’une violence extrême, enfin, qui reproduisent sur notre territoire des scènes et des actes de guerre.
Ce rapport valorise également une doctrine d’emploi qui prend en compte les caractéristiques spécifiques de l’armée professionnelle, qu’il s’agisse de ses capacités de planification, de réaction et de surprise ; de sa capacité de dissuasion grâce à la maîtrise d’armes de guerre, face à un terrorisme qui en use désormais tant ; de ses facultés d’intégration des moyens terrestres, aériens et maritimes ; de l’apport de moyens spécialisés, enfin, comme les forces spéciales ou les moyens de protection et d’intervention contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.
Ce rapport a le mérite de mettre en évidence que ce sont bien des opérations de plein exercice qui sont confiées aux armées sur le territoire national. Nous dépassons dès lors largement le plan Vigipirate. Comme vous le rappeliez récemment, monsieur le ministre, et nous y souscrivons, « nos armées ne constituent pas un réservoir d’unités supplétives, dans lequel puiser pour combler ici ou là les manques d’effectifs d’un dispositif de sécurité intérieure, mais un ensemble professionnel doté d’une identité et de qualités propres, qui doit être employé en tant que tel ».
Par conséquent, des trois missions de l’armée que sont la dissuasion, l’intervention et la protection, c’est, en termes de sécurité intérieure, celle de la protection du territoire qui se trouve être renouvelée et qui s’exerce dans les milieux terrestre, aérien et maritime, ou en cyberdéfense. En raison des développements de la menace, la fonction stratégique de protection est donc devenue plus structurante. Dès lors, ce rapport préconise que cette mission s’appuie, à l’avenir, sur des moyens renforcés.
Cela doit passer, en premier lieu, par une augmentation des effectifs : tel est l’objet des recrutements prévus par la loi de programmation actualisée, qui doivent faire passer l’effectif de la force opérationnelle terrestre de 66 000 à 77 000 hommes à l’été 2016. Il convient, ensuite, de donner à nos forces des moyens renforcés, grâce à des capacités et des équipements spécifiques, dont il faut poursuivre l’acquisition. Il est par ailleurs préconisé de rénover la politique des réserves. La loi de programmation militaire actualisée prévoit en effet le passage de 28 000 à 40 000 réservistes. Or nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 300 réservistes quotidiennement engagés sur les 7 000 militaires déployés. Cette force doit donc monter en puissance rapidement.
Ce rapport appelle enfin à un « effort nécessaire sur le soutien ». En effet, l’opération Sentinelle étant amenée à durer, il est nécessaire de poursuivre les actions entreprises pour améliorer les conditions de vie et d’accueil des militaires, en région parisienne tout particulièrement, car la qualité de l’hébergement et du logement est encore problématique, y compris dans les bâtiments militaires.
Nos militaires méritent d’être encouragés et soutenus. Aussi, nous saluons la création de l’indemnité pour sujétion spéciale d’alerte opérationnelle, qui a été attribuée à titre rétroactif aux militaires mobilisés dès janvier 2015, à laquelle s’ajoute l’indemnité pour services en campagne.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste partage donc le contenu de ce rapport, qui devrait permettre d’adapter les ressources du ministère de la défense à ses nouvelles missions en faveur de la sécurité de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, le débat que nous entamons sur les conditions d’emploi des forces armées sur le territoire national est une nécessité, même si le document qui nous sert de base de discussion, et qui annonce des évolutions dans la doctrine militaire, n’est pas soumis au vote. C’est un débat nécessaire, en raison de la situation et des dangers que doit affronter notre pays. Nécessaire, aussi, car il est sain, dans toute démocratie, que les autorités civiles, et le Parlement en particulier, débattent de la chose militaire. Nécessaire, enfin, dans le cas où la doctrine tendrait à évoluer – car je crois que nous vivons un moment où un certain nombre de repères tendent à se déplacer, non sans provoquer quelques inquiétudes.
Le dispositif Sentinelle, mis en oeuvre à partir de mars 2015, constitue un déploiement militaire sans précédent sur le territoire national depuis la guerre d’Algérie. Vous l’avez indiqué, monsieur le ministre : ce sont 70 000 militaires, en appui des forces de sécurité intérieure, notamment de la gendarmerie, qui ont été engagés dans l’opération Sentinelle en 2015, et certaines unités ont cumulé jusqu’à six déploiements dans l’année. Aujourd’hui, il y a plus de militaires engagés sur le territoire national qu’en OPEX.
Depuis les attentats de janvier 2015, 7 000 à 10 000 soldats français ont été mobilisés autour des 830 points sensibles du territoire dans le cadre de cette opération, notamment devant des écoles, des lieux de culte, des sites touristiques, des représentations diplomatiques et consulaires et des organes de presse. Or cette mobilisation, décidée au lendemain des attentats par le Président de la République, chef des armées, est encore appelée à être prolongée dans la durée, puisque, selon vos propres termes, monsieur le ministre, le dispositif sera maintenu « tant que nécessaire ». L’état de nécessité est-il sans limites dans le temps ? Comme bon nombre de mes collègues – l’un d’eux l’a exprimé clairement tout à l’heure à cette tribune – je crois qu’à l’instar de l’état d’urgence, ce déploiement ne peut être que provisoire et exceptionnel.
En décidant de maintenir l’opération Sentinelle, nous avons changé de paradigme, puisque nous sommes passés d’un renfort militaire ponctuel à une stratégie de déploiement dans la durée sur le territoire national. Des questions, dès lors, surgissent : ce déploiement militaire a-t-il vocation à perdurer au-delà de l’état d’urgence et à accompagner, par exemple, la tenue de l’Euro 2016 ? « Tant que nécessaire » – pour reprendre les termes que vous avez employés hier au Sénat et aujourd’hui encore à cette tribune – ne saurait être une réponse satisfaisante pour le Parlement.
Face à une menace multiforme et imprévisible, le dispositif Sentinelle rassure et protège une partie de la population. Il n’a pas eu, malheureusement, d’effet dissuasif sur les terroristes, pas plus que Vigipirate et ses mesures de vigilance spécifiques, en application depuis 1995. Nul ne conteste le fait qu’il faille protéger les nombreux lieux sensibles, mais on peut légitiment s’interroger sur la pertinence des modes opératoires choisis. Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, qu’une partie de l’armée se plaint d’être mal employée dans des gardes statiques de sites sensibles, très consommatrices de ressources et dont l’efficacité opérationnelle parfois interroge.
Alors que la lutte contre le terrorisme se mène sur notre sol, mais également au-delà de nos frontières, ces militaires ne seraient-ils pas plus utiles ailleurs, sur le terrain des opérations, par exemple ? Un renforcement des moyens de la police et de la gendarmerie permettrait de recentrer nos soldats sur leur coeur de métier, ce qui serait on ne peut plus utile.
Par ailleurs, le dispositif Sentinelle suscite des tensions et soulève également des questions quant à l’entraînement et à la gestion de nos forces. Les conditions d’hébergement et le volume horaire effectué semblent toucher au moral des troupes. Déployés en Île-de-France principalement, et notamment à Paris, les militaires semblent moins bien lotis qu’en opération extérieure, selon des témoignages de soldats publiés ici et là dans la presse. Avec des patrouilles qui peuvent durer dix-huit heures et un hébergement sommaire, comment ne pas s’interroger sur les capacités de réaction et de riposte des soldats en cas de menace ? D’autant plus que le niveau de mobilisation, passé à 64 jours – et vous affichez même un objectif de 90 jours – pèse sur le temps d’entraînement de nos soldats.
Si l’opération Sentinelle doit se prolonger, il faut au moins garantir un hébergement décent à nos soldats, et mieux aménager leur emploi du temps pour que les entraînements nécessaires puissent être effectués. La bonne qualité des infrastructures est souvent ressentie comme une marque de considération de l’État envers le soldat, comme envers sa mission.
Monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission de la défense, le 16 février 2016 – et vous l’avez répété aujourd’hui à cette tribune – vous avez indiqué que le cadre juridique n’avait pas besoin d’évoluer, que l’armée continuerait d’intervenir sur réquisition des autorités civiles, sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, et ne se verrait pas confier des pouvoirs de police judiciaire. C’est heureux dans un État de droit, même en état d’urgence – je tenais à vous le dire.
Mais le rapport qui nous sert de base de discussion a été rédigé par votre ministère, et lui seul, sans la participation du ministère de l’intérieur – vous le revendiquez, d’ailleurs – alors que les militaires ont obtenu de pouvoir mener, sous l’autorité des préfets, des missions de manière autonome. À celles déjà confiées à l’armée sur le sol national, de sécurité aérienne et maritime, viennent s’en ajouter quatre autres : la protection terrestre, la cyberdéfense, une permanence sanitaire par la mobilisation du service de santé des armées et une fonction logistique.
Le maintien de l’ordre ne fait pas partie des missions de l’armée – vous le répétez sans cesse. Les armées ne doivent pas être engagées dans des opérations de maintien, ni de rétablissement de l’ordre public, telles que le contrôle de manifestations, de foules ou d’émeutes sur la voie publique, hors les états d’exception prévus par la Constitution ou la loi. Le rapport indique qu’en dehors de l’état de siège, la participation des armées à la préservation de l’ordre public s’opère dans le cadre de réquisitions, en application des dispositions du code de la défense.
Ces dispositions prévoient qu’aucune force armée, à l’exception de la gendarmerie, ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civile sans une réquisition légale, et que le ministre de l’intérieur peut recevoir du ministre de la défense, notamment pour le maintien de l’ordre public, l’appui éventuel de forces militaires. Or vous avez indiqué à plusieurs reprises, je le répète, que les armées ne seront pas engagées dans des opérations de maintien, ni de rétablissement de l’ordre public. Je voudrais donc savoir s’il s’agit là de la doctrine gouvernementale. La question se pose en effet de savoir si cette position est celle de l’ensemble du Gouvernement et si elle est partagée par le ministère de l’intérieur.
Permettez-moi d’aborder à présent un sujet qui suscite de fortes inquiétudes. Vous avez d’ores et déjà indiqué qu’il fallait modifier le code de la défense et l’homogénéiser avec les dispositions relatives à la légitime défense figurant dans le projet de loi sur la procédure pénale, renforçant la lutte contre le crime organisé. Une fois la loi adoptée, l’usage des armes, limité jusque-là à la légitime défense, serait ainsi étendu, comme pour les policiers et les gendarmes, à « l’état de nécessité », lors de la poursuite d’un individu ayant déjà commis un ou plusieurs homicides. Vous n’êtes pas sans savoir que ce point heurte un certain nombre de parlementaires et d’organisations de la société civile.
Autoriser les soldats à ouvrir le feu sur des cibles terroristes au milieu d’une foule n’est pas, à l’origine, leur métier, puisque les militaires opèrent habituellement en zone de guerre. En somme, la question qui nous intéresse est de savoir si le recours à l’armée est le moyen le mieux adapté pour lutter contre le terrorisme sur le sol national. Les contraintes ne sont évidemment pas les mêmes que sur un terrain d’opérations. C’est probablement la raison pour laquelle, dans l’actualisation de la loi de programmation militaire pour la période 2014-2019, le Gouvernement prévoit un appel renforcé à la réserve, notamment en matière de protection du territoire national, fondé sur un accroissement des jours d’activité et une augmentation du nombre de réservistes. J’aimerais avoir davantage d’éléments sur ce point.
Dans un article de la Revue Défense Nationale paru au mois de janvier, le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, reconnaît les limites de l’opération Sentinelle de sécurité intérieure, tout en souhaitant que l’action militaire ait davantage d’autonomie vis-à-vis des autorités administratives civiles. Il ajoute que l’armée de terre ne veut ni devenir « une force de sécurité intérieure démarquée », ni être « reléguée au statut d’auxiliaire et de supplétif ».
J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez apporter des réponses à nos interrogations et éclairer les changements que vous souhaitez apporter à l’opération Sentinelle, que vous avez décidé de prolonger.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, ce débat sur les conditions d’emploi des forces armées sur le territoire national est singulier, tout comme l’est la présence du ministre de la défense pour répondre à cette exigence de protection de la population.
La sécurité intérieure du pays est normalement du ressort du ministre de l’intérieur, qui dispose des forces de police, de la DCRI et des forces de gendarmerie mises à sa disposition. Comme le précise le rapport, c’est bien le ministère de l’intérieur qui est « responsable de la préparation et de l’exécution des politiques de sécurité intérieure et de sécurité civile qui concourent à la défense et à la sécurité nationale. »
Le déclenchement de l’opération Sentinelle est donc une inflexion majeure à ce principe, d’autant que vous-même, monsieur le ministre, avez qualifié dans votre introduction cet engagement de « durable ».
Je voudrais tout d’abord rappeler que, selon nous, l’emploi permanent de la force militaire sur le territoire national pour des missions de police, de quadrillage ou de maintien de l’ordre ne saurait devenir une norme. Le retour dans le dernier Livre blanc de l’expression « ennemi intérieur » doit être considéré par tous les démocrates comme une boîte de Pandore productrice de stigmatisations et de discriminations. Nous refusons l’idée que la France serait aujourd’hui en guerre sur son propre territoire. Le déclarer serait le meilleur cadeau que nous pourrions faire aux terroristes. Cela signifierait également que ce n’est plus l’état d’urgence qui doit être appliqué, mais l’état de siège et la loi martiale, ce que nous récusons, bien entendu.
La lutte contre la menace, nous devons la mener par des moyens de police et de justice renforcés qualitativement et quantitativement. L’émotion légitime de nos compatriotes ne doit pas servir à mettre en péril des principes fondamentaux de notre démocratie. Comme le disait très justement Jaurès : « La défense est l’affaire de tous les citoyens ». Cette parole doit rester d’actualité.
En ce qui concerne le plan mis en oeuvre depuis plus d’un an, il ne s’agirait plus, à l’inverse du plan Vigipirate, d’« apporter un complément d’effectifs aux forces de sécurité intérieure », mais de « garantir, dans tous les milieux, la capacité de conduire le volet militaire des opérations de sécurité intérieure pour assurer la résilience de la nation. » En réalité, ce plan Sentinelle reste une banalisation de l’emploi des forces de quatrième catégorie à des opérations de sécurité publique. L’armée ne doit être mobilisée sur le territoire national qu’en cas de nécessité impérieuse, sans devenir un moyen de confort pour la police et la gendarmerie, sous le prétexte d’un coût moindre des militaires par rapport aux CRS et aux gendarmes. Notre armée, déjà fortement sollicitée par les multiples opérations extérieures menées par la France, ne saurait être employée sans limite pour des missions de police administrative.
Opposés au terme psychiatrique de résilience, nous préférons, pour notre part, parler de la résistance de toute la nation, une résistance qui se construit également dans la capacité du peuple à retrouver une vie quotidienne normale, pleine et apaisée, tout en étant debout et conscient des dangers du monde actuel.
Le fait que l’armée soit amenée à intervenir sur le territoire national aujourd’hui est un signe terriblement accusateur des effets dévastateurs de la révision générale des politiques publiques sur les forces de sécurité intérieure, qui a été mise en oeuvre par l’ancienne majorité et n’a été désapprouvée qu’à demi-mot par le gouvernement actuel. Ce n’est qu’en réponse aux attentats de novembre que le Président de la République a décidé de « faire primer le pacte de sécurité sur le pacte de stabilité », en gelant les suppressions de postes pourtant initialement prévues dans la loi de programmation militaire.
Depuis de nombreuses années, nos forces de sécurité sont, en effet, soumises à l’austérité. Considérant que le temps long est nécessaire pour la formation d’un militaire ou d’un gendarme, il nous faut reconnaître que la situation d’aujourd’hui n’est que le reflet des choix économiques désastreux d’hier.
Toutes les directions de la police nationale ont été affectées par cette saignée des effectifs : police de l’air et des frontières, police urbaine, CRS. Et ne parlons pas de la difficile mise en place de la nouvelle DCRI et des querelles de sommet qu’elle a pu engendrer ! La gendarmerie, pour sa part, s’est vu confier de nouvelles missions à effectifs constants, avec une diminution drastique de ses escadrons mobiles. Au total, cette saignée aura supprimé 58 000 postes dans l’armée sur les deux derniers quinquennats. Certes, des choix sont à faire, mais la situation budgétaire ne semble pas tout contraindre, comme le prouvent les 13,8 % d’augmentation du budget du nucléaire récemment votés. Le juge antiterroriste Marc Trévidic l’a clairement souligné : « Dans la lutte contre le terrorisme, une cause majeure explique les insuffisances des forces de l’ordre, c’est le manque de moyens humains et matériels».
Le rapport qui fait l’objet du débat d’aujourd’hui comporte également une partie sur l’évolution des menaces visant le territoire national. Alors que la menace terroriste est caractérisée et disséquée sous plusieurs angles, il manque à notre avis une partie importante sur l’origine de cette violence. Certes, selon certains points de vue, « expliquer le djihadisme, c’est déjà vouloir un peu l’excuser. ». Pour notre groupe, plus que jamais, il faut au contraire analyser les causes du terrorisme.
La meilleure des protections, c’est l’éradication des causes qui ont fait grandir Daech, organisation terroriste pour laquelle le fracas des armes, les injustices et la misère ne font qu’entretenir un ressentiment dont se nourrissent les recruteurs. Il convient donc de questionner nos choix politiques et diplomatiques pour protéger au mieux le territoire national et la population. Daech, nous le savons, est un monstre hérité de l’intervention anglo-américaine en Irak en 2003, laquelle a créé le chaos via une guerre interconfessionnelle affectant l’ensemble de la région. Les puissances occidentales, avec leurs alliés régionaux, ont persisté à vouloir construire par la force leur hégémonie sur cette région qui représente pour eux un enjeu majeur, en matière d’énergie notamment.
Hillary Clinton, aujourd’hui candidate à la présidence des États-Unis d’Amérique, n’y est pas allée par quatre chemins, lorsqu’elle a qualifié Daech de « créature des États-Unis ». À travers ce prisme d’analyse, les choix de la diplomatie française concernant notamment la réintégration de notre pays dans l’organisation militaire de l’OTAN sont graves de conséquences.
Ces choix nous mettent en porte-à-faux avec les opinions arabes en retirant à la France sa position originale dans la crise orientale. Avec ses choix et ses guerres, la France est devenue une cible prioritaire pour les fanatiques en mal de crimes odieux. Renier ce constat, c’est se priver de trouver une solution durable au problème et ne rajouter que de la guerre à la guerre.
Tout en étant conscients que la disparition de Daech ne pourra être effective sans solution politique et diplomatique, les députés du Front de gauche ne rejettent pas par principe toute intervention militaire, dans des cadres bien définis et sous mandat de l’ONU. S’agissant en revanche de l’opportunité de l’emploi de forces armées sur le territoire national, je souhaiterais alerter sur les dangers que l’opération Sentinelle fait peser sur les militaires eux-mêmes. Sentinelle, c’est une mission de défense opérationnelle du territoire, DOT, en opposition totale avec la doctrine d’emploi de la projection des forces, qui a justifié la création de l’armée de métier. Ce dispositif est lourd de conséquences sur les formations et sur les compétences techniques et opérationnelles correspondant au coeur de métier de l’armée. Des troupes de montagne, de cavalerie, du génie ou de parachutistes se retrouvent aujourd’hui à déambuler dans les grandes villes.
Selon le rapport présenté par le Gouvernement, « la posture de protection terrestre repose sur un ensemble de savoir-faire et de compétences détenus par l’armée de terre et utilisés pour les opérations extérieures comme pour les opérations intérieures. » Les formations doivent toutefois être adaptées : intervenir en OPEX et sécuriser de grands lieux publics comme les gares, ce n’est pas la même chose. La vie familiale des soldats est également affectée par la suppression régulière des permissions et des absences récurrentes du domicile, qui éprouvent le moral des troupes et de leurs familles. Nos soldats étant gagnés par la lassitude et logés dans des conditions parfois précaires, l’épuisement à venir risque d’être préjudiciable à la capacité opérationnelle de nos hommes.
De plus, si la « forte visibilité des militaires frappe autant l’opinion publique que l’adversaire » par les uniformes et les armes de guerres portés, cette visibilité en fait également des cibles potentielles pour les terroristes, sans que l’efficacité de l’opération dans la lutte antiterroriste soit prouvée.
Quant à la réserve dite d’emploi, que je qualifierai de réserve « Manpower », nous la jugeons inadaptée aux missions de défense opérationnelle du territoire. Les unités de réserve de régiment professionnel ne sont pas mobilisables dans les faits. Leurs effectifs sont d’ailleurs dérisoires. Actuellement, ce sont à peine 260 réservistes qui sont mobilisés sur le terrain. Le bataillon de réserve d’Île-de-France, dont l’effectif est faible, n’a jamais pu être activé, alors qu’il avait été précisément conçu pour répondre à ce type de menace. Les causes sont connues. Le statut du réserviste ne garantit aucune réelle protection en matière de sécurité d’emploi. Il faut, monsieur le ministre, avant toute réforme, assurer la sécurité professionnelle du réserviste et améliorer notoirement sa couverture sociale. Les réservistes doivent bénéficier d’une meilleure reconnaissance de la nation. Les conditions de l’obtention de la retraite IRCANTEC doivent être simplifiées et connues de tous les réservistes opérationnels.
Employer les forces armées pour protéger le territoire national et la population de manière durable, c’est céder à une surenchère sécuritaire inefficace et dangereuse pour nos soldats. Cela ne peut perdurer. Ce qui doit primer, c’est le pacte social et de solidarité, seul à même de panser les plaies de la République et de nous protéger. Alors que l’armée patrouille depuis plus d’un an sur le territoire national à la suite du lancement de l’opération Sentinelle, reconnaissez, reconnaissons que le bilan est mitigé. Cette opération n’a pas pu empêcher les attentats de novembre, car la menace terroriste est aujourd’hui diffuse et sporadique, et peut surgir à tout moment.
Il faut désormais être conscient que la sécurité totale n’existe pas et ne peut exister, a fortiori dans un monde instable où les guerres extérieures se multiplient. Dans ce cadre, l’équation proposant de limiter nos libertés contre la sécurité n’est qu’une illusion. « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux », disait Benjamin Franklin.
Je conclus, madame la présidente.
Cela ne s’oppose pas à la nécessité d’un plan de recrutement massif dans tous les corps de défense. Il faut également donner des moyens nouveaux aux services spécialisés du renseignement et permettre à la justice et à l’administration pénitentiaire de disposer de moyens sérieux pour faire face à leurs missions. En choisissant en priorité l’affichage sécuritaire, le Gouvernement fait l’impasse sur des questions pourtant essentielles.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Christophe Léonard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Léonard est le dernier orateur inscrit dans le débat.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, en application de l’article 7 de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la loi de programmation militaire – LPM - pour les années 2015 à 2019, il appartient aux représentants du peuple que nous sommes de débattre sur les conditions d’emploi des forces armées lorsqu’elles interviennent sur le territoire national pour protéger la population. Cette loi de programmation militaire actualisée, dois-je le rappeler ici, est la conséquence directe des attentats terroristes subis sur notre sol en 2015, même si l’article 6 de la LPM initiale, votée en décembre 2013, prévoyait expressément une adaptation possible ultérieure en fonction des menaces tant extérieures qu’intérieures.
À l’initiative du Président de la République, chef des armées, et après validation du Conseil de défense d’avril 2015, le Parlement a donc décidé une augmentation du budget de la défense de 3,8 milliards d’euros sur la période 2015-2019 – 2,8 milliards consacrés aux emplois, 500 millions à l’entretien programmé des matériels et 500 autres millions à des opérations d’armements –, le renforcement des effectifs dans le domaine du renseignement et de la cyberdéfense d’au moins 2 000 personnes et l’adoption d’un nouveau contrat « protection » permettant notamment le déploiement, dans la durée, de 7 000 hommes sur le territoire national, ce chiffre pouvant monter jusqu’à 10 000 hommes.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale d’avril 2013 avait à cet égard reconnu la fonction « protection » comme un élément fondamental d’un « triptyque dissuasion - intervention - protection » devant « structurer l’action de nos armées » et « conférant à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable ». Dès 2010, une instruction ministérielle précisait même les modalités de mise en oeuvre de ce contrat opérationnel de protection, en fixant sa procédure et en définissant quatre « scénarios génériques d’engagement » : « une attaque terroriste majeure », une pandémie massive, une catastrophe naturelle ou une « crise d’ordre public ».
Toutefois, force est de constater que ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est la parade à « des modes d’action terroristes de plus en plus militarisés et professionnalisés », sans oublier de possibles menaces toxiques, chimiques et cyber. À ce stade de mon propos, je souhaite souligner le professionnalisme de nos armées et de nos soldats, comme de toutes nos forces de sécurités civiles et militaires engagées dans la protection de notre pays, et saluer tout particulièrement – je vous prie de bien vouloir excuser ce prisme local – les femmes et les hommes du 3ème régiment du génie de Charleville-Mézières, régulièrement engagés non seulement en opération Sentinelle au fort de Vincennes, mais aussi au Mali, en Centrafrique et en Guyane, hier en Afghanistan, et aujourd’hui représentés dans les tribunes de notre hémicycle.
Chers collègues, l’utilisation de nos armées sur le territoire national n’est pas un élément nouveau. Elles ont toujours eu une mission de protection du territoire, tournée hier contre une invasion étrangère, aujourd’hui vers le continuum entre sécurité extérieure et sécurité intérieure.
Toutefois, l’offensive terroriste que nous connaissons aujourd’hui nous oblige à actualiser ce rôle que d’aucuns avaient jugé un peu théorique. Il ne s’agit plus, en effet, d’apporter un complément d’effectifs relativement modeste aux forces de sécurité intérieure sur le modèle du plan gouvernemental Vigipirate, mais de garantir, dans tous les milieux, la capacité de conduire le volet militaire des opérations de sécurité intérieure impliquant plusieurs milliers d’hommes à l’identique des interventions extérieures.
C’est pourquoi votre rapport annonce, en complément de la posture permanente de sauvegarde maritime et de la posture permanente de sûreté aérienne, la création de deux nouvelles postures – la posture de protection terrestre et la posture cyber –, ainsi que de deux dispositifs du même ordre, qui ne sont pas appelés « postures » mais « capacités permanentes », concernant le soutien sanitaire et le soutien pétrolier.
Cette nouvelle posture de protection terrestre est caractérisée par son adaptabilité : elle sera « continue dans le temps, mais discontinue en volume et dans l’espace ». Sa chaîne de commandement militaire sera, à tous les niveaux, mise « au service de l’autorité civile en charge de la sécurité intérieure ». Quant à son contenu militaire, il reposera sur « un ensemble de savoir-faire et de compétences détenus par l’armée de terre et utilisés pour les opérations extérieures comme pour les opérations intérieures ». Les forces armées répondront à des réquisitions préfectorales exprimées en « effets à obtenir », alors que, dans le cadre actuel de l’opération Sentinelle, l’énoncé des réquisitions porte trop souvent sur les « moyens à employer ».
Cette nouvelle posture de protection terrestre comprend notamment des missions de sécurité, conduites en autonomie ou conjointement avec les forces de sécurité intérieure. Ces missions consisteront notamment à surveiller ou contrôler une zone, à protéger des sites « en privilégiant au maximum une approche zonale », c’est-à-dire dynamique, à escorter des convois, à contribuer à la surveillance des objectifs ou activités susceptibles de constituer une menace, à collecter des informations d’ambiance sur le terrain, et à intervenir, en cas d’attaque terroriste, en appui des forces de sécurité intérieure.
Votre rapport définit précisément le périmètre des missions dévolues à nos armées sur le territoire national et décline à cet effet six types de missions de sécurité.
Premièrement, les missions de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Parmi ces missions figurent la présence dissuasive et rassurante pour la population, le contrôle et la surveillance de zones et d’axes de communication, la protection de grands événements, la protection des structures essentielles de l’État et de points d’importance vitale, et la « capacité à rétablir un rapport de forces favorable pour sauver des vies humaines », en complément des forces de sécurité intérieure spécialisées – le RAID, la BRI et le GIGN – en cas d’attentats majeurs ou de prises d’otages massives.
Les cinq autres types de missions de sécurité sont la contribution à la lutte contre le crime organisé dans deux secteurs – les opérations anti-drogue en mer et la lutte contre l’orpaillage illégal –, la défense des intérêts économiques et des accès aux ressources stratégiques, la sauvegarde maritime, la sûreté aérienne et la sécurité civile en cas de sinistres et de catastrophes.
Votre rapport précise également les neuf principes généraux d’engagement des armées sur le territoire national : la demande de l’autorité civile ; la compétence du ministre de la défense pour prendre les dispositions nécessaires afin de répondre à ces demandes ; l’expression des réquisitions ou des demandes de concours en termes « d’effets à obtenir » et, autant que possible, bornées dans l’espace et dans le temps ; l’association préalable des autorités militaires dans le processus d’établissement des réquisitions ; le maintien d’une marge d’initiative et de manoeuvre pour les armées dans leurs modes d’action, pour réduire la prévisibilité des déploiements, diversifier la tactique et assurer le caractère dissuasif du déploiement ; l’information régulière de l’autorité civile et le contrôle par cette dernière de la mission ; l’emploi des armées visant « la plus grande cohérence possible avec leurs spécificités propres ».
Compte tenu de l’effet dissuasif de la forte visibilité des militaires, de leur capacité de planification, de leur autonomie, de leur mobilité territoriale, de leur réactivité, de leur capacité à mettre en oeuvre la force armée dans toutes ses composantes, de leur « capacité de cyberdéfense intégrée » et des moyens spécialisés rares dont ils disposent – équipements NRBC, moyens aériens –, l’emploi des militaires pour la protection intérieure de notre territoire n’est plus aujourd’hui, ou presque, un sujet de débats.
De fait, la clarté du cadre d’emploi de nos militaires concourt, autant que les moyens qui leur sont affectés, à l’efficacité de leur déploiement sur le territoire national. C’est pourquoi les règles d’engagement des armes à feu, quand cette décision relève de la seule responsabilité des forces de sécurité intérieure, sans déborder ni sur le domaine judiciaire ni sur le maintien de l’ordre, devaient être sécurisées juridiquement. C’est ce que nous avons fait dans le cadre de l’article 19 du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, voté en première lecture par notre assemblée le 8 mars dernier. Il s’agit là d’un élément notable.
Néanmoins, en tant que membre de la commission de la défense et des forces armées, je souhaite, monsieur le ministre, vous faire part de quelques remarques.
Votre rapport reste très prudent concernant le renseignement : même le terme est évité ! Si le rapport ouvre la voie à un meilleur partage des « informations à fins opérationnelles » avec les autorités civiles et à l’emploi de certaines capacités de renseignement des armées, le sujet est assez peu approfondi. Il devra l’être davantage dans un proche avenir.
Si les ministères de l’intérieur et de la défense ont pu s’accorder sur le texte du rapport, c’est peut-être au prix d’une coordination insuffisante de la planification et de la conduite des missions entre les armées et les forces de sécurité intérieure. Pourtant, les retours d’expérience des attentats du 13 novembre et de l’assaut de Saint-Denis montrent qu’il peut y avoir des marges de progrès. Ainsi, en Guyane, la coordination nettement plus poussée qu’en métropole entre la gendarmerie et l’opération Harpie, qui ont mis en place des centres d’opérations communs, donne entière satisfaction.
Par ailleurs, votre rapport reste silencieux quant au possible recours au commandement des opérations spéciales en cas de débordement ou de saturation des forces de sécurité intérieure spécialisées, dans l’hypothèse d’attaques multiples et coordonnées sur notre sol.
De même que l’on entraîne nos soldats aux interventions interarmées, il m’apparaît indispensable de nous entraîner dorénavant à l’interservice entre les armées, les forces de sécurité intérieure et les services d’incendie et de secours aux personnes. Par conséquent, des lieux spécifiques doivent être mis en place rapidement sur le territoire national pour permettre l’entraînement de nos hommes. Votre rapport n’aborde pas franchement cette perspective.
La nécessité de moyens et de matériels nouveaux est, somme toute, également regardée avec une focale relativement large. À cet égard, la multifonctionnalité des drones est dorénavant incontournable dans notre arsenal de protection : elle doit être approfondie.
De même que les infrastructures d’accueil de nos soldats doivent être redimensionnées dans une perspective de long terme, la recherche de capacités d’accueil des populations civiles doit être expertisée. Pensons à ce qui s’est passé hier en Belgique !
En outre, l’acceptabilité de la présence militaire au coin des rues de nos villes ne saurait être surestimée, en particulier dans l’hypothèse de dégâts civils collatéraux, malheureusement toujours possibles. C’est pourquoi la réversibilité des effectifs mobilisés à un moment donné, en fonction des besoins opérationnels réels, doit être aussi abordée.
Enfin, les conséquences de l’engagement de tous les instants de nos personnels, en termes de vie de famille et de vie personnelle, sont insuffisamment compensées financièrement par les régimes indemnitaires de sujétions en vigueur. En effet, ces éléments de rémunération compensatoire sont fiscalisés dans le cadre des opérations intérieures quand ils ne le sont pas pour les opérations extérieures, ce qui est loin d’être neutre pour les revenus des ménages concernés !
Pour conclure, monsieur le ministre, je dirai simplement que votre rapport constitue un élément d’approfondissement utile et indispensable concernant l’emploi de nos forces armées dans la protection de notre pays. Il s’inscrit dans la volonté du Gouvernement de préserver notre souveraineté nationale, mais aussi et surtout la force de la parole de la France dans le monde. Pour autant, au regard de nos exigences démocratiques et républicaines, votre rapport ne pourra que conduire notre assemblée à débattre prochainement d’une nouvelle actualisation de la loi de programmation militaire en cours d’exécution.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Madame la présidente, je ne dispose que de cinq minutes. Mon intervention devrait donc être un peu plus courte que les précédentes, et j’essaierai de respecter mon temps de parole.
L’ensemble des groupes se sont exprimés devant nous. Leurs interventions, ainsi que celle de M. le ministre de la défense, étaient particulièrement complètes. La commission de la défense a particulièrement travaillé sur ce sujet, depuis presque un an, dans le cadre d’auditions, de missions d’information – je pense notamment à celle d’Olivier Audibert Troin et de Christophe Léonard, qui se sont exprimés sur ce sujet – et de visites sur le terrain, en particulier concernant l’opération Sentinelle. Je peux ici témoigner que les conditions d’hébergement de nos militaires se sont considérablement améliorées – j’insiste sur le mot « considérablement » –, particulièrement à Paris. Il y avait urgence. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : les conditions d’hébergement sont bonnes, et même très bonnes.
Monsieur le ministre, vous avez atteint vos objectifs : dans 85 à 90 % des cas, les conditions d’hébergement sont satisfaisantes.
À l’occasion de ce débat, je voudrais insister sur les conditions du succès de la participation des militaires à la sécurité des Français.
La première tient à leur cadre d’emploi. Des grands principes fort justement posés dans le rapport présenté par le Gouvernement, je retiens avant tout que les militaires ne sont ni des supplétifs, ni des concurrents des forces de police et de gendarmerie. Sur le territoire national, les armées constituent d’abord et avant tout une réserve d’intervention de la nation, dans les mains du Président de la République. Contrairement à ce que j’ai pu entendre encore tout à l’heure, cette réserve n’est pas liée à l’état d’urgence : elle fait suite aux décisions du Conseil de défense. Nous veillerons toujours à la bonne utilisation des forces armées et au respect de leurs spécificités. C’est déjà le cas, bien sûr, pour l’action de l’État en mer – l’AEM – et la protection de notre espace aérien. Le Parlement doit évidemment en assurer le contrôle.
Cette réussite passe aussi par plusieurs points : le respect de la chaîne de commandement militaire, l’utilisation de modes d’action spécifiquement militaires, en privilégiant la recherche d’un effet à obtenir plutôt que le respect d’une obligation de moyens – là aussi, nous avons évolué –, ainsi que la souplesse d’ensemble. À cet égard, des leçons utiles peuvent être tirées du dispositif d’alerte et des capacités mis en place pour faire face aux urgences opérationnelles à l’extérieur. Grâce à votre action constante, monsieur le ministre, mais aussi à celle du ministre de l’intérieur, des progrès ont déjà été constatés en la matière, notamment au sujet des gardes statiques. Il faudra sans doute persévérer en poursuivant un dialogue constructif au niveau interministériel et entre les différents corps de l’État intervenant dans ce domaine – police, gendarmerie et armée dans leur ensemble –, comme c’est le cas aujourd’hui pour nos services de renseignement.
Deuxième condition d’un succès dans la durée : les effectifs et les moyens. Il n’est un secret pour personne que les tensions restent fortes, au sein de l’armée de terre, dans l’attente de l’arrivée de nouvelles recrues entraînées et formées. Le Président de la République a annoncé, à Versailles, la fin des réductions d’effectifs qui devaient encore avoir lieu d’ici 2019, soit plus de 9 000 postes. Cette décision importante conforte la stratégie d’inflexion de notre effort de défense engagée depuis le conseil de défense d’avril 2015. Il est bon de rappeler qu’il s’agit d’une inflexion absolument historique, puisque 28 000 postes auront été préservés dans le cadre de la loi de programmation militaire actuelle. Cela ne s’était jamais vu depuis plus de cinquante ans !
C’est plutôt une avancée historique… Merci, monsieur Fromion, de l’avoir rappelé !
Sourires.
C’est vous, monsieur Fromion, qui aviez décidé de supprimer des postes !
Il aurait été préférable, monsieur Fromion, que la majorité précédente ne décide pas de supprimer des postes. Cela nous aurait sans doute évité d’être dans cette situation aujourd’hui !
Aujourd’hui, les décisions prises par le Président de la République supposent d’indispensables ajustements de programmation budgétaire. Cela a déjà été dit par beaucoup d’entre vous, de même qu’hier au Sénat. Je partage cet avis. La décision de préserver à nouveau des postes exige des efforts accrus en termes de recrutement, d’entraînement et d’équipement, sans oublier la nécessaire amélioration des infrastructures – j’en ai déjà un peu parlé. Sur ce dernier point, beaucoup de choses ont été faites, et les efforts doivent se poursuivre afin d’offrir à nos soldats des conditions décentes d’hébergement.
Je n’oublie pas d’évoquer la rénovation de la politique d’emploi des réserves au profit de la fonction « protection ». Monsieur le ministre, vous avez pris un certain nombre de décisions, que je partage.
Permettez-moi de conclure en évoquant la question des moyens et des effectifs. L’inflexion de notre effort de défense doit désormais s’inscrire dans la durée, si nous souhaitons éviter l’usure capacitaire des hommes et des équipements, tout en atteignant la barre des 2 % du PIB comme nous nous y étions engagés dans le cadre du traité de Lisbonne.
La troisième condition de réussite est mentionnée dans le rapport du Gouvernement, mais je souhaite y revenir : il s’agit de la mise en place d’une véritable capacité de gestion interministérielle en matière de sécurité intérieure, dans ce continuum des forces de sécurité nationales déjà évoqué dans les deux derniers Livres bancs. Nous y travaillerons au sein de la commission de la défense, puisque j’ai demandé au ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve, de s’exprimer devant notre commission afin que nous puissions prolonger avec lui ce débat sur l’emploi des forces armées sur le territoire national.
Je vous remercie, monsieur le ministre, et je veux encore dire à nos forces, à nos soldats, que nous admirons leur abnégation, leur courage et leur professionnalisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Avant de répondre aux différents intervenants, je tiens d’abord à les remercier de la qualité de leurs propos. Chaque intervention, indépendamment des positions des uns et des autres, a été une forme de soutien à nos armées, fortement sollicitées en ces temps de menaces et de risques. Je suis donc particulièrement heureux de ce que j’ai entendu et je voudrais, à mon tour, saluer le professionnalisme et l’engagement sans faille de nos armées dans leurs différentes missions et, singulièrement, l’opération Sentinelle, mission nouvelle pour eux, au coeur de la population. Les Français, vous l’avez rappelé, font preuve de considération et de respect à leur égard, lorsqu’elles sont en patrouille ou qu’elles assurent la protection de tel ou tel bâtiment. Il fallait que ce fût dit. Cela a été le cas, et j’en prends acte avec beaucoup de satisfaction.
Sommes-nous en guerre, oui ou non ? Devons-nous considérer que nous le sommes ? La réponse à cette question nécessiterait de longs débats, sans doute passionnants. Je me bornerai à une contribution plus modeste, en apportant deux éléments de réflexion à cette question majeure, qui éclaire du reste des choix que je suis parfois amené à faire.
Sans ambiguïté, la menace terroriste est aujourd’hui une menace militarisée, et c’est une nouvelle donne. Il me semble avoir été le premier à désigner Daech comme étant une armée terroriste, dotée à la fois d’une capacité de maîtrise d’un territoire et d’une capacité de projection à l’extérieur. C’est une menace militarisée de par sa virulence idéologique sans égale, démultipliée par un usage très maîtrisé d’internet. C’est une menace militarisée de par la diversité de sa capacité militaire, passant du combat urbain au combat classique et au terrorisme sous toutes ses formes.
Bref, avec un arsenal des modes d’action tout à fait révélateur, l’irruption d’un terrorisme purement destructif dans ses buts et ses ambitions, militarisé dans ses moyens, ancré sur un territoire, disposant d’une assise financière sans précédent et capable de se projeter sur d’autres territoires comme le montrent les événements récents, et ceux que nous avons vécus, il s’agit là d’une rupture majeure. Nous sommes bel et bien devant une menace militarisée.
Il y a un continuum, monsieur Audibert Troin, même si nous ne sommes pas sur le même territoire, chaque territoire ayant son histoire, sa géographie, sa population.
Permettez-moi de citer, même si c’est lui faire un peu de publicité, au demeurant méritée, le récent ouvrage de Pierre Servent, expert de la chose militaire, dont le titre – Extension du domaine de la guerre – est très révélateur. Propre à alimenter notre réflexion, ce livre montre que la guerre n’obéit plus aux partitions classiques : État contre État, armée contre armée, étendard contre étendard. Nous devons donc modifier notre logiciel concernant la guerre, car la donne a changé. Cette réflexion quelque peu théorique éclaire d’autres choix que j’ai été conduit à faire et que le Président de la République a annoncés lors de son discours au Congrès.
Cela dit, je vais revenir sur quelques questions que je n’ai peut-être pas suffisamment développées dans mon propos liminaire. Je le répète, il s’agit d’un rapport du Gouvernement, certes instruit par le ministre de la défense, mais à la préparation duquel le ministre de l’intérieur et celui de la justice ont été pleinement associés. L’accord est total entre nous sur quelques « lignes rouges ». Je veux redire clairement, notamment à l’intention de M. Coronado, qu’il n’est pas question d’un éventuel engagement des forces armées dans des opérations de maintien de l’ordre. Je l’ai dit à plusieurs reprises, je le redis afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Il n’y a pas, et il n’y aura pas, d’intervention des forces armées dans des dispositifs de police judiciaire. Et il n’y a pas de dispositif spécifique de règles d’usage des armes au-delà de ce qui a été mis en oeuvre dans le cadre de la réforme de la procédure pénale, y compris pour ce qui concerne le « périple meurtrier ». Il me paraissait essentiel d’évoquer ces trois « lignes rouges ».
Nous nous en tiendrons là, et à l’intention de ceux qui auraient quelques doutes – M. Audibert Troin l’a évoqué subtilement au début de son propos –, je tiens à dire qu’il y a une totale identité de vues et de méthode entre Bernard Cazeneuve et moi-même.
Certes, c’est la première fois qu’un débat est organisé sur l’engagement de nos forces armées sur le territoire intérieur. Mais, monsieur Chassaigne, la défense opérationnelle du territoire existe depuis longtemps, et la présence des forces armées pour garantir la sécurité du territoire est actée dans le Livre blanc depuis le début de l’histoire du Livre blanc, donc depuis1972. Elle a été actée dans les Livres blancs de 2008 et de 2013 quasiment dans les mêmes termes. Ce qui a changé depuis, c’est l’actualisation de la loi de programmation militaire, qui a défini le nouveau contrat de protection avec des effectifs supplémentaires.
MM. Coronado, Folliot et Chassaigne ont posé la question de la fin du dispositif. Il n’y a pas de lien entre l’état d’urgence et l’opération Sentinelle. La fin de l’état d’urgence ne signifie pas la fin de l’opération Sentinelle. Du reste, celle-ci existait avant l’instauration de l’état d’urgence, puisqu’elle a été engagée au début de l’année 2015.
Concernant les dispositifs anciens, à savoir le dispositif de sauvegarde maritime et le dispositif de sécurité aérienne, que j’ai évoqués assez longuement, ils ont vocation à perdurer. Ils seront poursuivis, dans le cadre d’une vigilance accrue, avec les moyens spécifiques que j’ai évoqués tout à l’heure.
La posture de cyberdéfense, qui est aussi un élément du dispositif de protection, plus récente mais tout à fait essentielle, ne peut que se développer. S’agissant de l’engagement terrestre, je l’ai dit en filigrane à l’instant, le dispositif est la conséquence directe d’une menace militarisée. Il durera donc autant que la situation l’exigera. C’est du reste en ce sens que les dispositions budgétaires et relatives aux effectifs ont été prises. Il n’y a pas d’ambiguïté sur la position du Gouvernement à cet égard.
Même si cela n’a pas été dit clairement, j’ai cru entendre que les forces armées seraient des forces supplétives des policiers et des gendarmes : tel n’est pas du tout le cas. Cela ne correspond d’ailleurs pas à l’esprit du rapport que j’ai présenté, même si au point de départ, au mois de novembre, lorsque l’on a ajouté aux 7 000 soldats en activité dans le cadre de l’opération Sentinelle, 3 000 effectifs supplémentaires, il a fallu agir dans l’urgence et l’efficacité. Depuis cette date, dans l’organisation de nos responsabilités respectives et de l’engagement des armées dans l’opération Sentinelle, la clarification s’est faite progressivement.
Monsieur Audibert Troin, monsieur Léonard, s’agissant des réquisitions, on parle de plus en plus d’effets à atteindre, d’objectifs assignés, de zones à contrôler, et plus seulement de répartitions d’effectifs, ce qui était le cas au départ. Cela est de moins en moins vrai. Le rapport montre qu’il est nécessaire de bien identifier et de bien spécifier les vocations particulières de nos armées – j’en ai fait l’inventaire dans mon propos liminaire.
Certains ont évoqué le rapport statique-dynamique : trois quarts des sites en Île-de-France sont aujourd’hui pris en compte par des patrouilles, ce qui permet une sécurisation plus importante de l’ensemble des sites. On est ainsi passé de 800 à 1 400 sites surveillés par les patrouilles. Le passage du statique au dynamique est aussi une préoccupation du ministère de l’intérieur, et ce ratio est en constante évolution. Nous avons en outre engagé des expérimentations de complémentarité spécifiques.
Vous avez évoqué d’éventuelles difficultés de communication entre police, gendarmerie et forces armées. Le dispositif ACROPOL sera complété par un nouveau dispositif, ce qui permettra une excellente coordination entre ces trois acteurs.
Je rappelle que le commandement des soldats demeure le commandement militaire centralisé qui remonte au CEMA, chef d’État-major des armées, via les officiers généraux de zones de défense. Je rappelle également, peut-être ne l’ai-je pas suffisamment dit, que les unités interviennent dans le cadre de schémas tactiques élaborés et dirigés par les cadres de contact avec, désormais, une organisation en trois secteurs – je pense à l’Île-de-France – avec des états-majors tactiques qui proviennent des unités opérationnelles. Il y a un chef de corps, de groupement tactique sur chacune des zones, ce qui permet l’élaboration de schémas tactiques d’une plus grande pertinence. Nous en sommes désormais à un niveau de qualité dans l’organisation tout à fait satisfaisant.
L’emploi des forces armées se fera de plus en plus en fonction des qualités que j’ai évoquées : capacité à surprendre, contrôle des zones, maîtrise de l’ouverture du feu et armement de guerre, mobilité, capacité de projection. Ces qualités s’expliquent par le fait qu’il s’agit de la même armée, qui est à la fois en opération extérieure et en opération intérieure.
S’agissant de la préparation opérationnelle, de l’entraînement et de la planification, il est prévu, pour les unités projetées en opération Sentinelle, une préparation spécifique permettant à ces forces de remplir leurs missions avec efficacité. On l’a vu lors des incidents qui ont pu se produire, où la maîtrise du feu a été particulièrement réussie. Je pense notamment à ce qui s’est passé à Valence.
Nous nous inscrivons dans une démarche de respect de nos armées – dont la qualité n’est plus à prouver – dans le cadre du dispositif Sentinelle, lequel est sous la responsabilité du ministère de l’intérieur, mais dont le commandement demeure le commandement militaire en opération, sur les bases que j’ai indiquées tout à l’heure.
Les quatre principes de base de la présence de nos forces pour la protection du territoire – rassurer, dissuader, protéger et intervenir – sont jusqu’à présent respectés et reconnus par la population.
Pour ce qui est de l’hébergement, évoqué par plusieurs d’entre vous, il est vrai que les conditions étaient précaires lorsque le dispositif a été mis en oeuvre dans l’urgence, comme j’ai pu le constater par moi-même en me rendant sur place à plusieurs reprises : la situation était aussi précaire que lorsque nos premiers soldats sont arrivés à l’aéroport M’Poko de Bangui. De fait, nos troupes sont en opérations.
Progressivement, toutefois la qualité de l’hébergement s’est améliorée. Les maires et les communes ont été particulièrement attentifs et coopérants à cet égard et les insuffisances en matière d’hébergement ont été observées principalement en Île-de-France et dans la région parisienne.
Pour répondre à M. Léonard ou à Mme la présidente de la commission, je précise qu’en comptant ce que nous avons engagé en 2015, nous engagerons, entre 2015 et 2019, plus de 40 millions d’euros pour le renforcement de la qualité d’hébergement sur les lieux où nos militaires doivent demeurer durant plusieurs semaines. Les conditions se sont améliorées et, même si des efforts restent à faire, les progrès ont été considérables.
Monsieur Léonard, le renseignement est en effet un outil essentiel de notre sécurité et les ministères de l’intérieur et de la défense ont renforcé leurs moyens dans ce domaine à la suite des attentats. Cette question a fait l’objet de discussions dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire.
Il n’y a aucune ambiguïté sur le fait que, sur le territoire national, la collecte du renseignement est placée sous la responsabilité du ministre de l’intérieur. Cependant, sur réquisition de ce dernier, les armées peuvent, comme l’indique le rapport, proposer des capacités spécifiques de surveillance et d’observation en appui des opérations – observation aérienne, drones, surveillance de zone par des moyens optiques ou électroniques. N’imaginez pas que cette réquisition fasse suite à des ordres courts et brutaux ! Elle procède au contraire de discussions préalables, qui permettent d’aboutir à ces résultats.
Je n’ai donc pas de blocage sur ce point, même si je tiens à rappeler avec force qu’il ne faut pas confondre ce renseignement à fins opérationnelles avec le renseignement à fins judiciaires, lequel ne peut venir des forces armées.
La même observation vaut du reste pour l’usage des forces spéciales, comme je l’ai évoqué dans mon propos initial, et même si le rapport ne l’indique pas aussi nettement. L’éventualité d’une mobilisation peut se présenter à titre tout à fait exceptionnel, mais il faut souhaiter que cela ne soit pas le cas.
Nous entretenons une coordination très serrée entre le ministère de l’intérieur et le ministère de la défense, tant au niveau des cabinets qu’entre le centre de planification et de conduite des opérations – CPCO – et le haut fonctionnaire de défense du ministère de l’intérieur. Des articulations très étroites sont en place entre les préfets de zone et les officiers généraux de zone de défense. Jusqu’à présent, cette coordination a permis des progrès considérables dans la confiance, le respect et la performance. Je ne vois pas, pour l’heure, de nécessité d’ajouter un nouvel outil, car les outils existants fonctionnent au mieux.
Bien que je ne souscrive pas – tant s’en faut – à tous les propos de M. Chassaigne, je suis néanmoins sensible à ses observations relatives à la réserve, évoquée également par M. Folliot. Il s’agit en effet d’une priorité, certes difficile à mettre en oeuvre, mais indispensable. Passer de 28 000 à 40 000 réservistes est un enjeu et je forme le voeu que nous y parvenions même s’il faut pour cela déplacer des montagnes.
Cela suppose de communiquer davantage sur l’attractivité de la réserve et rencontrer davantage les organisations patronales et professionnelles pour faire valoir les droits des réservistes et les rendre mobilisables plus régulièrement. Il faut aussi valoriser les réservistes dans leur parcours de formation et faire en sorte que la formation acquise dans la réserve entre dans les parcours de formation professionnelle.
Il faut aussi s’adresser à des publics plus jeunes et diversifier les compétences des réservistes.
Des progrès ont été réalisés. Aujourd’hui, 400 réservistes sont mobilisés quotidiennement dans le cadre des opérations Sentinelle. C’est un progrès et je veux parvenir à 1 000 sur les 7 000 plus 3 000 si l’ensemble du contrat opérationnel et mobilisé. Nous y parviendrons – et ce, monsieur Folliot, par la territorialisation. En effet, je n’ai pas l’intention de commencer par créer une garde nationale pour me demander ensuite comment procéder. En revanche, une territorialisation de la réserve ramène à des formes particulières de défense opérationnelle du territoire – et pourquoi ne pas l’appeler « garde nationale » ? Le mouvement est engagé et j’espère pouvoir le poursuivre jusqu’à ce terme : lorsque nous disposerons de 40 000 réservistes, cela changera beaucoup la donne. Il faut, pour cela, augmenter le budget – et c’est le cas : le budget alloué aux réserves passera de 70 millions d’euros en 2014 à près de 100 millions en 2016, pour atteindre 125 millions en 2018. Cette progression lui permettra de suivre l’ensemble du dispositif.
Pour ce qui concerne les effectifs, évitons de polémiquer sur les chiffres. La force opérationnelle terrestre – FOT – est passée de 66 000 à 77 000 personnels en deux étapes, en 2015 et 2016. À partir de la mi-2016, nous nous trouverons dans une situation plus sereine pour remplir le contrat opérationnel, actuellement très exigeant pour nos forces, comme vous l’avez relevé à juste titre. Il faut d’abord recruter et former. Lorsque l’ensemble du dispositif sera en place, fin 2016, la situation sera très nouvelle.
Il faut en même temps assurer la préparation opérationnelle, dont certains d’entre vous ont relevé que le nombre de jours avait été réduit. C’est vrai, car c’était une nécessité – on ne pouvait pas faire autrement –, mais nous allons redresser la situation pour revenir à une durée de quatre-vingt-dix jours de préparation opérationnelle des unités, qui semble indispensable pour assurer la capacité de nos forces.
Faut-il, enfin, une actualisation de l’actualisation ? Il faut, en tout état de cause, remettre en perspective le calendrier des années 2017 à 2019, dès lors que le Président de la République a décidé, dans son discours au Congrès, de renoncer à la déflation de 10 000 personnels sur cette période. Cette remise en perspective peut prendre aussi bien la forme d’un texte de loi que celle d’une modification intervenant dans le cadre du débat budgétaire – la décision n’est pas prise. Ce qui est certain, c’est qu’il conviendra de situer cette nouvelle donne dans une perspective triennale.
Mesdames et messieurs les députés, peut-être ai-je oublié certains points, mais je me suis efforcé de répondre à l’essentiel de vos questions, au terme de ce débat que j’ai jugé, pour ma part, très constructif et très serein.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (nos 3442, 3564 rectifié).
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 4 ter.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, l’article 4 est important, car il retravaille, refond, réorganise et reformule un élément qui figure dans le code de la propriété intellectuelle et est soutenu par la directive européenne intervenue après Nagoya. La question posée est de savoir qui paie quoi et qui bénéficie de quoi en cas d’utilisation de ressources provenant de ce qu’on appelle désormais la « biodiversité » et qui était jusqu’à présent désigné – et l’est encore – comme le « monde du vivant ».
Un grand nombre des molécules que nous utilisons dans le domaine de la santé proviennent en effet de la nature et en ont été extraites par des processus biologiques ou par des processus à caractère chimique. Bien souvent, en effet, les scientifiques ont fait abstraction d’une molécule identifiée dans la nature pour la reconstituer par voie chimique ou biochimique. Ainsi, l’aspirine, ou acide acétylsalicylique, produite aujourd’hui par voie chimique, provient historiquement d’un extrait biologique connu depuis longtemps dans la pharmacopée comme l’extrait de saule, obtenu par décoction et par différentes autres méthodes.
J’ai déposé trois amendements visant à éviter le risque que toute avancée réalisée à partir d’une substance identifiée par voie biologique, dans sa totalité ou dans ses composantes, y compris génétiques, puisse être copiée par voie chimique ou biochimique à l’international, pour des raisons économiques.
C’est là une vraie question, car la plupart des molécules peuvent être développées aussi bien sur le territoire national que partout ailleurs dans le monde. Notre pays est en effet riverain de nombreux autres, et donc de nombreux écosystèmes.
Cet amendement tend à supprimer à supprimer l’article 4 ter. En effet, les modifications apportées à l’article 4 bis rendent superflue la limitation de la portée de la protection conférée par le droit des brevets. Par ailleurs, la rédaction proposée manque de clarté et se trouve en contradiction avec les dispositions d’un article du code de la propriété intellectuelle et de la directive européenne.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 222 .
La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 619 .
L’argumentation est la même : le débat que nous avons eu sur l’article 4 bis me semble répondre à ces préoccupations, et même un peu plus. Cet amendement est ainsi défendu.
La parole est à Mme Catherine Quéré, pour soutenir l’amendement no 706 .
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission.
L’objectif de l’article 4 ter n’est pas d’interdire, comme l’article 4 bis, la brevetabilité des produits exclusivement obtenus par des procédés essentiellement biologiques, des végétaux et des animaux, mais simplement l’extension de la protection de brevets sur des produits ou informations génétiques obtenus par des procédés techniques ou microbiologiques brevetables à des produits ou informations génétiques exclusivement obtenus par des procédés essentiellement biologiques non brevetables. Nous sommes là en parfait accord avec le code de la propriété intellectuelle et cela permet à nos agriculteurs, lorsqu’ils ont identifié certaines propriétés de leurs produits, de ne pas être soumis à un brevet et d’être dans l’impossibilité de cultiver ces produits.
Je souhaitais ajouter que les procédés essentiellement biologiques définis au 2° de l’article L. 611-19 ne concernent que les végétaux et les animaux, ce qui n’inclut pas les micro-organismes. La production d’antibiotiques, de vaccins ou autres produits pharmaceutiques issus de micro-organismes n’est donc en aucun cas menacée par cet article, contrairement à ce qui a été affirmé tout à l’heure. La commission a par conséquent émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, pour donner l’avis du Gouvernement.
La rédaction issue de la commission du développement durable constitue un bon point d’équilibre entre protection de l’innovation et libre accès aux ressources génétiques. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.
Article 4
La commission a supprimé l’article 4 quater.
Je suis saisie de trois amendements, nos 214 , 445 et 218 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune et tendant à le rétablir dans une nouvelle rédaction.
Les amendements nos 214 et 445 sont identiques.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 214 .
La commission du développement durable a supprimé l’article 4 quater introduit par le Sénat au motif que sa rédaction aurait privé les variétés hybrides d’un certificat d’obtention végétale. L’amendement que je propose vise à le rétablir dans une rédaction différente qui permet de contourner cette difficulté en établissant une distinction entre les semences destinées à un usage professionnel et celles qui sont destinées à des non-professionnels et ne font pas l’objet d’une exploitation commerciale. Sont concernées en particulier les variétés anciennes du domaine public, qui sont généralement destinées à des non-professionnels mais qui ne remplissent pas le critère d’homogénéité génétique requis pour inscrire les variétés commerciales au catalogue officiel. Ces variétés sont, pour la plupart, interdites à la vente.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 445 .
Dans la discussion commune, la parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 218 rectifié .
Je ne pensais pas que ces amendements seraient en discussion commune ; je pensais qu’on mettrait aux voix le premier avant de discuter le second, étant entendu que la règle dite de l’entonnoir s’applique et que ces amendements ne sont pas exclusifs l’un de l’autre.
Cette disposition aurait pu trouver sa place dans le texte à côté de la précédente. Il s’agit en effet d’interdire l’appropriation illégitime de ressources génétiques appartenant au domaine public.
Bien que je sois à titre personnel favorable à cet amendement, la commission l’a repoussé.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?
Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques nos 214 et 445 . Il demande en revanche le retrait de l’amendement no 218 rectifié .
Les amendements identiques nos 214 et 445 sont adoptés, et l’article 4 quater est ainsi rétabli. En conséquence, l’amendement no 218 rectifié tombe.
Article 4
L’article 4 quinquies avait été introduit au Sénat par un amendement auquel le Gouvernement avait donné un avis favorable. Il s’agissait de ne pas limiter l’échange de semences ou de plants n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale aux seuls agriculteurs membres d’un groupement d’intérêt économique et environnemental. Je propose par cet amendement de rétablir le texte du Sénat.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 533 .
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 822 .
Ces amendements visent à rétablir l’article 4 quinquies, supprimé en commission, qui avait pour objet d’étendre à l’ensemble des exploitations agricoles les droits d’échange de semences ou de plants n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale, ce qui correspond notamment aux semences dites paysannes. Ce droit de libre échange est aujourd’hui réservé aux exploitations membres de GIEE pour lesquelles ces échanges relèvent d’une activité d’entraide agricole telle que définie à l’article L. 325-1 du code rural et de la pêche maritime.
Ces amendements contribuent donc à accroître le libre accès aux semences dites traditionnelles non soumises à des droits de propriété, à faciliter leur diffusion et à maintenir ainsi la biodiversité cultivée. Le Gouvernement y est par conséquent favorable.
Nous en venons aux amendements à l’article 5 A.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement de suppression no 535.
Je propose par cet amendement de supprimer l’article, car il définit, dans la partie législative du code de l’environnement, le rôle du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, qui relève actuellement de la partie réglementaire du code.
Il convient de souligner que ce nouvel article ne poursuit pas la même logique d’association du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage que le reste du projet de loi, puisque ce dernier prévoit que le CNCFS constitue une commission permanente « chasse » du Conseil national de la biodiversité. Le CNCFS se prononcerait sur l’ensemble des textes relatifs à la chasse et à la protection de la nature lorsqu’ils ont une incidence directe ou indirecte sur l’exercice de la chasse. Ces missions apparaissent trop étendues. Sa fonction consultative s’exercerait auprès des ministres chargés de la chasse et de l’agriculture, alors que l’article 7 ter du projet de loi place l’ONCFS, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, sous la tutelle des ministres chargées de l’écologie et de l’agriculture.
Cet amendement tend à supprimer l’article 5 A dont l’objet est d’inscrire dans la loi l’existence du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage. Le Gouvernement a pris l’engagement de ne pas remettre en cause cette disposition introduite par le Sénat de manière à consacrer une instance spécifique pour débattre des questions intéressant directement l’exercice de la chasse. Je suis, de plus, favorable à un autre amendement de la rapporteure qui vise à préciser dans la partie législative les missions du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage sur la base de ses attributions actuelles. Je demande donc le retrait de cet amendement.
L’amendement no 535 n’est pas adopté.
Le présent amendement vise à reprendre la définition actuelle des missions du CNCFS, puisqu’il n’apparaît pas nécessaire de les élargir, comme le propose cet article.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 796 .
Il est nécessaire de préciser dans cet article quels textes doivent faire l’objet d’une consultation du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage. Il semble plus logique que le CNCFS n’exerce de fonction consultative qu’auprès du seul ministère chargé de la chasse. Par ailleurs, il convient de définir plus précisément les sujets sur lesquels le CNCFS peut apporter son avis.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 823 .
Il est prévu dans l’article que le CNCFS exerce une fonction consultative auprès des ministres chargés respectivement de la chasse et de l’agriculture. Cet amendement a pour objet de limiter cette fonction consultative auprès du seul ministère en charge de la chasse.
Parce qu’ils diffèrent de celui que j’ai présenté, ces amendements ont reçu un avis défavorable de la commission.
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements en discussion commune ?
Avis défavorable.
Ces amendements n’ont pas lieu d’être. Les missions propres de la CNCFS et de l’ONCFS par rapport au Comité national de la biodiversité sont clairement établies, et on ne voit pas pourquoi il faudrait les réformer. On a vraiment le sentiment que l’insertion de ces dispositions dans cet article-là vise à reprendre des prérogatives existantes et opérantes pour en limiter la portée. Le ministre de tutelle a toute latitude pour s’exprimer, expliquer ce qu’il entend faire sur ces sujets. Très sincèrement, je ne vois pas du tout quelle est l’utilité de ces amendements.
Ce débat est intéressant. Il montre que l’idée d’une grande agence de la biodiversité est née de la volonté politique de regrouper tous les organismes d’expertise, mais que ces derniers n’ont pas été interrogés sur la façon dont ils voyaient les choses.
L’Office national de la chasse et de la faune sauvage a donné son avis sur ce sujet. Cela a fait l’objet de vifs débats. Vouloir réduire le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage à un rôle consultatif sur les sujets liés à la chasse alors que celui-ci assume une mission d’expertise généralisée dans tout le domaine de la biodiversité risque d’exacerber l’opposition des chasseurs alors qu’il n’y a aucune raison de le faire. J’insiste donc sur la nécessité d’en rester au texte de l’article tel qu’il a été astucieusement introduit par le Sénat.
Je ne vois pas l’intérêt de ces amendements, qui tendent finalement à limiter le champ d’action de l’ONCFS. L’Agence française de la biodiversité, dont nous saluons la création, et l’ONCFS sont côte à côte, l’un et l’autre ont tout lieu d’exister, et les ministères consultent qui ils souhaitent quand ils le souhaitent sur les sujets pour lesquels ils ont besoin d’une expertise.
Il est donc inutile de limiter le champ de l’ONCFS, sauf à vouloir en faire un organisme étriqué.
J’ai l’impression qu’il y a des confusions : je viens d’entendre parler de l’ONCFS, alors qu’il est question ici du CNCFS. Il faut garder raison ; cela me fait un drôle d’effet d’entendre des gens comme le collègue qui vient de s’exprimer confondre les deux instances.
Ces amendements visent simplement à reprendre dans la loi les missions du CNCFS, donc je ne vois pas en quoi cela peut vous gêner, chers collègues. Ces dispositions étaient de niveau réglementaire, elles entreront dans le domaine de la loi. Vous devriez donc en être satisfaits.
Pour ma part, je ne comprends pas la position de Mme la rapporteure ; j’aimerais donc l’interroger.
L’avancée du Sénat est en réalité pleine de bon sens : il s’agit de permettre au Conseil national d’être consulté sur l’ensemble des textes relatifs à la chasse et à la protection de la nature. Je ne vois pas en quoi cela vous dérange, madame la rapporteure, ni pourquoi vous voulez revenir à une version plus étroite et plus étriquée, pour reprendre le terme utilisé par l’un de nos collègues. Je m’oppose donc fermement à ces amendements et souhaite qu’on en reste à la rédaction du Sénat, qui est pleine de bon sens.
Il peut toujours paraître intéressant de préciser les choses, et ce genre de précisions ne permettra pas de mettre un terme aux débats que nous avons pu avoir sur l’opportunité de l’intégration d’un organisme dans un autre, d’autant qu’il s’agit non pas de l’ONCFS mais du CNCFS.
Pour ma part, je regrette qu’on limite le registre de consultation. Si un avis s’avère nécessaire, par exemple sur les problèmes sanitaires que connaît très bien Mme la rapporteure, qui concernent à la fois la faune sauvage, les animaux cynégétiques voire la faune protégée ou la faune domestique, on consultera le conseil national de la chasse par la bande car le sujet ne fera pas partie de ses attributions même si on aimerait bien avoir son avis. Je trouve ce choix restrictif un peu dommage et superfétatoire, d’autant plus que tout cela est à la main de l’exécutif.
Replaçons le débat là où il doit se situer. Nous parlons ici du conseil national de la chasse et de la faune sauvage, pas de l’ONCFS. Surtout ne les mélangeons pas, ce qui serait absolument contre-productif ! Le conseil national de la chasse et de la faune sauvage est une commission consultative qui existe déjà. Placée auprès du ministre chargé de la chasse, elle émet des avis. Ce que propose le projet de loi et qui me semble tout à fait intéressant, c’est de lui donner une valeur législative et non simplement réglementaire comme c’est le cas actuellement, sans modifier ses fonctions actuelles. M. Caullet a certes raison mais prévoir une consultation obligatoire sur un grand nombre de sujets risque d’engorger le système.
L’amendement proposé par Mme la rapporteure décrit les fonctions du conseil et prévoit sa consultation très régulière, parfois bien au-delà de ses compétences car il peut être consulté facultativement sur tous les sujets à propos desquels le ministre juge qu’il doit l’être. Je souhaite vraiment que nos débats soient apaisés et constructifs. Le conseil fonctionne bien avec les fonctions qui lui sont attribuées actuellement. Gardons-les donc, en leur conférant une valeur législative, et cet organisme fonctionnera très bien ! Je ne voudrais pas que s’installe le sentiment d’une sorte de théorie du complot, si j’ose dire, qui ne repose sur rien !
L’amendement no 915 n’est pas adopté.
L’article 5 A est adopté.
Je ferai entendre une petite musique un peu différente dans ce débat, d’ailleurs confortée à l’instant par notre collègue David Douillet. Je pensais qu’en engageant une grande réflexion sur la biodiversité, nous tâcherions de revenir sur des maux anciens qui ont littéralement pétrifié tout débat sur cette cause si importante. D’abord s’est abattue sur nous, dans les années 1990 et 2000, une cataracte de directives européennes dont la France a largement été l’initiatrice. Tout cela a été transcrit en droit français sur ordonnance présidentielle, sans débat, en indiquant seulement le titre des textes, ce contre quoi je me suis insurgé à plusieurs reprises. Il en résulte actuellement un maelström dans lequel il est absolument impossible de discerner quelque chose.
Lorsque les choses vont trop mal, on a la souplesse de tuer quelques loups supplémentaires. Lorsque les choses vont beaucoup plus mal, on accuse la Commission européenne en parlant de chasser le commissaire européen. Tout cela finit dans l’indifférence générale qui produit dans nos campagnes des effets désastreux, notamment le vote pour le Front national. Les commissions consultatives telles que le conseil national de la chasse sont selon moi le degré zéro de la démocratie car elles ont un rôle purement consultatif. Tout est déjà mis au carré d’avance, elles ne servent qu’à faire croire qu’on se concerte. Or la biodiversité est un bien commun, et même l’un des plus précieux. Il devrait donc être défendu en priorité par ceux qui ont l’honneur de vivre dans des territoires qu’ils aiment au point d’avoir choisi d’y vivre et ils sont pour l’heure complètement exclus de ces instances.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 480 rectifié .
Cet amendement prévoit de replacer l’expertise du comité national de la biodiversité au coeur de la fabrique de la loi. La rédaction actuelle prévoit sa consultation par le Gouvernement sur tout sujet relatif à la biodiversité ou ayant sur elle un effet notable. L’amendement comporte deux propositions. Tout d’abord, il nous semble pertinent de rendre obligatoire la consultation du CNB par le Gouvernement dès lors qu’il présente un projet de loi relatif à la biodiversité. Afin d’éviter une multiplication des saisines et donc un engorgement de ses services, nous proposons de limiter sa consultation aux projets de loi ou textes réglementaires concernant à titre principal la biodiversité. Cette restriction évitera qu’il soit saisi à tout propos.
L’amendement no 480 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 479 .
Nous avons eu un débat intéressant sur cet amendement en commission. L’article 5 dont nous discutons actuellement crée le comité national de la biodiversité, qui est destiné à être une instance d’information, d’échange et de consultation sur la biodiversité. Il apportera aux débats sur ce sujet une expertise non négligeable. L’article 5 prévoit très justement sa saisine par le Gouvernement sur des sujets relatifs à la biodiversité. Il lui confère également une faculté d’auto-saisine. Cependant, lors de l’examen du texte en commission du développement durable, un amendement déposé par Mme la rapporteure a supprimé le pouvoir de saisine des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Nous estimons que cette capacité de saisine doit leur revenir de plein droit lors de l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi concernant à titre principal la biodiversité.
Elle demeure facultative et ne concerne que les textes législatifs dont l’objet central est la biodiversité. Les commissions ne pourront donc pas saisir le CNB à tout propos. Je me souviens précisément que vous avez indiqué en commission, madame la rapporteure, que le comité national de la biodiversité pourra être invité aux débats, mais entre l’inviter, le saisir et le faire travailler, il y a une grande différence ! Si le Parlement, dans le cadre du partage des textes avec le Gouvernement, veut vraiment s’engager lui-même dans un travail d’expertise et de production de textes, il est nécessaire qu’il puisse s’appuyer sur des organismes d’expertise. Nous avons là l’occasion de faire en sorte qu’il le puisse et je ne doute pas que le Parlement la saisira.
L’amendement no 479 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 556 .
L’amendement no 556 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 557 .
L’amendement no 557 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 112 .
L’amendement no 112 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 558 .
L’amendement no 558 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 5, amendé, est adopté.
A la demande de Mme la rapporteure, la séance est suspendue, pour cinq minutes exactement !
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.
Madame la présidente, il s’agit d’un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 1. Cela fait un certain temps que ce texte est en discussion. Nous avons siégé pendant 27 heures en commission avant que ce projet de loi ne vienne en séance publique, mardi. Un autre texte a été ajouté à l’ordre du jour de cette première séance, ce qui fait que nous n’avons repris nos débats qu’à 18 heures 30. Une vingtaine de minutes plus tard, une suspension de séance de cinq minutes a été demandée – elle a duré un quart d’heure. Cela n’est pas sérieux ! Soit il s’agit d’un texte important, et la biodiversité mérite que nous y travaillions, soit vous voulez faire du cinéma, mais alors, faites-le sans nous ! Ce rappel au règlement était nécessaire.
J’en prends acte. Chacun va revenir sereinement au débat et nous pourrons avancer dans le travail qui est le nôtre.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 559 .
L’amendement no 559 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 6, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 914 .
L’amendement no 914 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 562 .
L’amendement no 562 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 774 , repoussé par la commission, accepté par le Gouvernement est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 923 .
Le présent amendement vise à supprimer, dans l’article 13 de la loi NOTRe, la disposition prévoyant qu’une « ordonnance procède également aux coordinations permettant l’évolution des schémas sectoriels et notamment du schéma régional de cohérence écologique prévu à l’article L. 371-3 dudit code, rendues nécessaires par leur absorption dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. »
Les dispositions de la loi NOTRe et les réflexions actuelles concernant les modalités de substitution du SRCE, qui est la traduction de la trame verte et bleue, par le SRADDET, laissent craindre une régression du droit de l’environnement.
En effet, le SRCE est pris en compte par les documents de planification et les projets de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, ce qui n’est pas le cas pour le SRADDET. Par ailleurs, les projets d’infrastructures linéaires de transport de l’État prennent en compte les SRCE. Cependant, aux termes de la loi NOTRe, c’est le SRADDET qui prend en compte les projets d’infrastructures de transport et les activités économiques. Enfin, toutes les parties prenantes ne sont pas associées à l’élaboration du SRADDET.
Pour prévenir ces risques de régression du droit de l’environnement, cet amendement propose de ne pas inclure le SRCE dans le SRADDET dans l’immédiat, afin de prendre le temps de réfléchir à des modalités de substitution qui garantiraient le maintien du niveau d’ambition voulu pour la politique des trames verte et bleue. Je rappelle que la cartographie des trames dans le SRCE n’est pas du tout la même que dans le SRADDET, les régimes d’opposabilité et de compatibilité diffèrent également. Nous craignons que les SRCE, inclus dans le SRADDET, perdent leur force.
Je partage les inquiétudes de Mme la rapporteure. Il est nécessaire de revoir cette disposition. Une ordonnance, en cours de rédaction, précisera cela de manière plus complète que ne le ferait cet amendement. J’en demande donc le retrait.
Je voudrais que Mme la secrétaire d’État m’assure que le travail fait autour des trames verte et bleue et du SRCE sera inclus dans l’ordonnance, car je crains que le SRCE, outil très important pour la préservation des continuités et des réservoirs de biodiversité, ne perde de son efficacité. Forte de cette assurance, je retirerai mon amendement.
J’y veillerai particulièrement, madame la rapporteure.
Cet amendement et la réponse de Mme la secrétaire d’État posent deux problèmes de fond. Le Parlement vient de voter la loi NOTRe, portée par une majorité. Quelques mois après, c’est une autre majorité qui remet en cause le contenu de la loi.
C’est la même majorité !
La loi NOTRe donne compétence aux régions pour écrire le schéma de développement économique, d’innovation et d’internationalisation avant le 31 décembre 2016, et un SRADDET l’année suivante.
Pour obtenir le retrait de l’amendement, Mme la secrétaire d’État apporte des garanties à Mme la rapporteure, ce qui est son droit. Elle explique que l’on imposera aux régions de reprendre pour le futur SRADDET ce qui a déjà été écrit dans les SRCE. Il s’agit donc clairement d’une remise en cause de la compétence « aménagement du territoire » et de l’écriture du SRADDET, transférées il y a seulement quelques semaines aux régions. Cela pose problème. Nous serons, nous aussi, appelés à vous demander un certain nombre de garanties dans le cadre de la rédaction de cette ordonnance, afin que les régions ne se trouvent pas ficelées dans l’écriture du SRADDET.
L’amendement no 923 est retiré.
Les débats de la COP21 l’ont montré, l’eau est un facteur de production essentiel en agriculture. Or, à l’avenir, le changement climatique entraînera des épisodes de sécheresse.
Actuellement, la création de réserves d’eau à usage agricole est d’ores et déjà soumise à la réglementation « Eau », et notamment au régime des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou déclaration.
Il est inutile que s’ajoute une réglementation s’appliquant aux carrières, d’autant plus, que les réserves d’eau à usage agricole ont des conditions d’implantation et d’exploitation différentes. La profession agricole doit pouvoir créer des réserves d’eau, qui ne sont pas soumises à la réglementation des carrières.
Dans un souci de simplification et de souplesse, cet amendement vise donc à préciser que les dispositions de l’article L. 515-3 du code de l’environnement ne sont pas applicables à la création de réserves d’eau à usage agricole.
Cet amendement a pour objet d’exclure la création de réserves d’eau à usage agricole du champ des schémas régionaux de carrières. D’abord, il est difficile de trouver le lien entre cet amendement et la reconquête de la biodiversité. Ensuite, cette disposition permettrait d’organiser des détournements de procédures pour certaines carrières, qu’on appellerait retenues d’eau, et qui échapperaient ainsi aux dispositions des schémas des carrières, qui peuvent porter sur leur autorisation d’exploiter au titre des installations classées pour la protection de l’environnement.
Or il est essentiel que ces activités soient dûment encadrées pour assurer une exploitation limitant les nuisances et les aménagements nécessaires à la fin de la période d’exploitation, dans le respect de ces schémas.
Toutefois, dans le cas de la création de véritables retenues d’eau, le Gouvernement a engagé une réforme de modernisation des autorisations au titre de la loi sur l’eau, afin de réduire les délais, de regrouper les procédures environnementales et de mieux les articuler avec les autorisations d’urbanisme, que les travaux d’affouillement préalables peuvent rendre nécessaires. Avis défavorable.
Madame la secrétaire d’État, vous avez forcé le trait ! Il ne s’agit pas de construire de nouveaux barrages sur tout le territoire. Nous parlons bien, et uniquement, de réserves d’eau à usage agricole !
L’amendement no 78 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 565 .
L’amendement no 565 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 560 .
L’amendement no 560 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 7, amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement de suppression no 368.
Les espaces naturels sensibles doivent rester dans le champ de compétence des départements. Or, cet article prévoit d’engager une réflexion autour de leur éventuelle transmission à la région, ce qui ne nous semble pas utile.
Avis défavorable. La commission ne souhaite pas que cet article soit supprimé mais elle propose que l’objet du rapport demandé à l’article 7 ter A soit recentré sur les recettes de la part départementale de la taxe d’aménagement destinée à financer les espaces naturels sensibles. Ce sera l’objet de l’amendement no 570 .
L’amendement no 368 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 570 .
L’amendement no 570 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 7 ter A, amendé, est adopté.
Je tiens à soutenir fermement cet article qui rééquilibre au sein du conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage – ONCFS – les représentants des chasseurs, jusqu’alors insuffisamment représentés. Rétablir cet équilibre logique et légitime, c’est reconnaître que le secteur de la chasse participe à la biodiversité et contribue, en régulant la faune sauvage, à maintenir un certain équilibre biologique des territoires.
Les sénateurs, toutes sensibilités politiques confondues, ont défendu une vision de la biodiversité qui prend en compte le rôle essentiel des chasseurs dans la préservation des territoires ruraux.
Selon la dernière étude du BIPE, la chasse française représente 3,6 milliards de flux financiers par an dans nos campagnes, emploie plus de 30 000 personnes, dynamise plus de 4 000 associations locales de chasse et représente plus de 75 millions d’heures de bénévolat par an au service de la biodiversité dans les territoires ruraux.
Ne l’oublions pas, c’est la redevance que paient chaque année 1 million de chasseurs qui permet à plus de 3 000 professionnels d’agir au quotidien dans les départements au service de la biodiversité et de la chasse, par l’intermédiaire des fédérations départementales et de l’Office national.
Pour toutes ces raisons, il est impératif de maintenir cet article dans le texte final et de repousser l’amendement visant à le supprimer.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 571 .
Cet amendement tend à supprimer cet article. Nous en avons déjà débattu en commission. En première lecture, suite à la consultation de l’ONCFS et des chasseurs, j’avais défendu, sur la proposition du directeur de l’ONCFS, un amendement visant à ouvrir la composition du conseil d’administration de l’ONCFS aux collectivités locales.
Or, le Sénat a adopté un amendement complètement différent et j’en déduis que nous avons très certainement été manipulés, ce qui est fort désagréable. Aujourd’hui, les chasseurs se retrouvent encore plus représentés qu’ils ne l’étaient auparavant, sans certitude sur les prochaines évolutions.
Je propose par conséquent de revenir aux dispositions actuelles qui devraient convenir aux chasseurs puisqu’ils sont représentés à parité avec les autres. L’ONCFS, qui a toujours fonctionné ainsi, ne s’en trouve pas plus mal. Nul besoin de renforcer encore davantage la représentation des chasseurs puisque l’équilibre est déjà acquis.
Après réflexion, nous avons réalisé que la composition actuelle du conseil d’administration de l’ONCFS était très satisfaisante. Avis favorable.
Sur l’amendement no 571 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Martial Saddier.
De longs débats ont eu lieu en commission. Les modifications qui en ont résulté et qui attestent de l’importance de notre travail ne remettent pas en cause les équilibres.
Lorsqu’une personnalité est désignée par une instance, elle a beau s’adonner à un certain loisir en parallèle, elle n’a pas pour mission de défendre son loisir, mais de porter le message de l’instance où elle siège.
Enfin, nous devons prendre conscience que le monde tel qu’il évolue, le monde de la chasse comme celui de la pêche, et plus généralement le monde du loisir, est de plus en plus confronté à de potentiels conflits d’usage au sein des collectivités territoriales. C’est particulièrement vrai pour la chasse. Nous avons tous été amenés, en tant qu’élus locaux, à nous asseoir autour d’une même table pour régler des conflits de cohabitation ou d’usage entre différentes activités, au sein d’un même territoire, aussi bien dans le monde rural qu’urbain ou périurbain. C’est dans cet esprit-là qu’est née la proposition de la commission, qui ne nous semblait pas scandaleuse et ne remettait pas en cause les équilibres. C’est pourquoi nous nous opposerons la suppression de cet article.
Je partage les propos de MM. Saddier et Morel-A-L’Huissier. Les chasseurs paient et c’est bien grâce à eux si l’ONCFS existe encore aujourd’hui.
Leurs cotisations couvrent en effet plus de 70 % des revenus de l’ONCFS. Au-delà des propos de Mme la rapporteure et des propositions du directeur de cette instance, le monde de la chasse tient pour très grave la suppression de cet article en ce qu’elle pourrait remettre en cause l’équilibre du conseil d’administration. Bien évidemment, ce n’est pas pour rien que nous réagissons si vivement à cet amendement. Nous ne sommes pas en train de perdre notre temps, ce débat est important ! Après en avoir discuté en commission, nous avons décidé de conserver cet article. Et voilà que nous subissons une nouvelle attaque destinée à affaiblir encore davantage l’ONCFS. C’est oublier que les chasseurs sont des experts de la biodiversité. Ils la préservent en permanence, et leurs pratiques sont essentielles à la préservation de la faune et de la flore. Les fragiliser relève de l’inconscience.
En effet, ce débat a déjà eu lieu en commission. L’ONCFS a souhaité que les collectivités, les communes et les intercommunalités, soient représentées au sein du conseil d’administration, dans le cadre de l’aménagement du territoire et du nécessaire dialogue avec les élus.
Il a donc été décidé d’ajouter trois élus. Dès lors, les chasseurs, initialement à parité avec toutes les associations environnementales qui y siégeaient, devenaient minoritaires. Le Sénat a voulu rétablir la parité tout en maintenant la représentation des collectivités territoriales, ce qui l’a nécessairement conduit à augmenter le nombre de membres. C’est cet équilibre que nous voulons préserver.
Monsieur Douillet, l’ONCFS est un établissement public qui reçoit environ 37 millions d’euros de l’État, ne l’oublions pas. Jusqu’à présent, l’ONCFS ne s’est jamais plaint de la composition de son conseil d’administration, qui fonctionne bien, réalise un très bon travail et s’intéresse de près à la préservation de la biodiversité. Je ne vois pas en quoi le retour au droit actuellement en vigueur vous pose problème, sauf à avoir voulu nous manipuler en imposant la présence de trois élus locaux qui auraient été choisis de préférence parmi les chasseurs, pour en augmenter encore la représentation !
Nous ne sommes pas dupes, surtout pas moi. Il faut arrêter de nous mener en bateau !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 53 Nombre de suffrages exprimés: 49 Majorité absolue: 25 Pour l’adoption: 14 contre: 35 (L’amendement no 571 n’est pas adopté.)
L’article 7 ter est adopté.
L’Agence française pour la biodiversité est une innovation majeure de la loi et un outil très attendu, qui répond à un engagement du Président de la République, lors de la conférence environnementale de 2014. Elle s’inscrit également dans la continuité du Grenelle de l’environnement.
Pourquoi créer une agence française pour la biodiversité ?
Tout d’abord, il y a urgence à agir en matière de biodiversité, nous en sommes tous conscients. La création de l’agence fait également écho à une forte demande sociale liée à un besoin de nature. Elle est porteuse de création d’emplois verts, d’innovation et de développement économique et territorial. Elle est porteuse de sens, d’une vision positive pour la transition écologique de nos territoires.
Cette agence sera le lieu de l’excellence, de la recherche et des actions volontaristes, en lien étroit avec tous les territoires. Elle améliorera la lisibilité de la stratégie française et décloisonnera les politiques de l’eau et de la biodiversité, afin de mettre au service de tous les acteurs un instrument unique et intégré en appui de leur action.
L’Agence sera un opérateur ensemblier en appui à l’action de tous les acteurs de la biodiversité. Ses missions couvriront l’appui technique, le conseil, l’expertise, la mobilisation des moyens en faveur de la biodiversité terrestre, marine et aquatique, la gestion des aires protégées, l’appui aux missions de police de l’eau, la formation initiale et continue, la référence et la représentation dans les instances européennes et internationales.
Pour que cette agence puisse être opérationnelle immédiatement après la promulgation de la loi, Ségolène Royal a installé, dès octobre 2014, une mission de préfiguration. Un processus de concertation approfondi avec les acteurs, au-delà du débat parlementaire, sur la place et le rôle de la future Agence, a dirigé l’élaboration de cette nouvelle entité.
Parce que 80 % de la biodiversité se trouve dans les outre-mer, un travail approfondi a été mené avec les élus de ces territoires sous l’animation de MM. Serge Letchimy et Victorin Lurel.
L’objectif est aujourd’hui de mettre en place l’Agence au 1er janvier 2017. Elle regroupera l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, le groupement d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées et l’établissement public Parcs nationaux de France.
Elle privilégiera une logique de réseaux avec des organismes intégrés, des organismes rattachés et d’autres avec lesquels elle passera des conventions de partenariat. Ce sera, sans souci d’exhaustivité, le cas avec le Muséum national d’histoire naturelle, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, ou le Centre d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.
J’ai bien entendu que certains d’entre vous auraient souhaité que l’ONCFS soit intégré à l’Agence, au même titre que l’Office national de Peau et des milieux aquatiques, mais j’ai la conviction qu’une bonne contractualisation des relations de cet office avec l’Agence ainsi que le rapprochement des équipes dans l’action sur le terrain permettront de dépasser les blocages institutionnels et créeront une dynamique plus positive et beaucoup plus économe en temps.
Les attentes sont nombreuses sur les collaborations entre l’Agence et vos territoires. Au Sénat, par amendement du Gouvernement, a été introduite la possibilité de créer entre l’AFB et les régions, des délégations territoriales qui puissent inscrire leur action dans la durée. C’est important pour doter les territoires d’une agence de moyens qui créée des synergies. Votre commission en a validé le principe même si nous devrons encore, lors de l’examen, réfléchir à la formulation exacte de ces entités partenariales, et assurer la bonne prise en compte des spécificités ultra-marines.
Le titre que nous examinons prévoit un conseil d’administration transitoire composée des quatre conseils d’administration des établissements qui rejoignent l’AFB. Il sera mis en place dès la publication de la loi. Le texte prévoit également un conseil d’administration définitif qui entrera en fonction un an après.
L’Agence sera accompagnée de la création d’un statut commun pour les personnels contractuels de l’AFB, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres et aux parcs nationaux.
Je souhaite, lors de cet examen, que nous soutenions la création de cet outil ambitieux et novateur, qui sera le vecteur de la politique de la biodiversité que notre pays veut mettre en oeuvre. Des équilibres ont été définis au cours des lectures parlementaires et de la préfiguration de cet organisme. Je vous invite à les conforter.
Comme l’a souligné Mme la secrétaire d’État, c’est un outil formidable que nous allons créer. Il répond à l’ambition légitime d’un pays comme le nôtre, présent dans beaucoup de parties du monde, dans toutes les mers et sous tous les climats. Nous sommes le deuxième pays au monde en termes de linéaire de côtes, mais également en termes de climats, de sols et de biodiversité.
Si la création de l’Agence est un enjeu pour la visibilité politique, institutionnelle et internationale de la France, elle est également un enjeu au niveau territorial, en métropole comme dans les outre-mer.
L’AFB apportera « un appui scientifique, technique et financier », est-il indiqué. Reste à savoir ce que sera concrètement son concours si celui-ci n’est pas financier.
La question se pose également de la répartition entre ce qui relèvera du niveau national et ce qui relèvera du niveau territorial. C’est un point essentiel.
Je citerai enfin les précisions que l’article apporte sur l’action de l’Agence : « Elle soutient et évalue les actions des personnes publiques et privées qui contribuent à la réalisation des objectifs qu’elle poursuit. Elle contribue à la mise en réseau des initiatives de ces opérateurs et au développement des filières économiques de la biodiversité. » Il est important de souligner ce rôle de développement. C’est là une valeur profonde : l’Agence ne sera pas un frein mais un outil de promotion, d’accompagnement pertinent et efficace de ce que peut produire la biodiversité en matière de richesse économique pour l’ensemble de nos territoires, dans la préservation de l’intérêt bien compris non seulement de notre pays, mais de l’humanité tout entière.
Je souhaite poser quelques questions car tout n’est pas très clair dans la création de cette agence et j’espère que nos débats permettront d’y voir un peu plus.
Tout d’abord, qu’en est-il de l’ancrage territorial du futur établissement public ? Le Gouvernement affirmait hier que la nouvelle agence serait au service des territoires, mais comment cela se pourra-t-il sans véritable ancrage territorial ? La mission essentielle de l’Agence doit être de travailler en partenariat avec les acteurs de terrain, parmi lesquels, bien sûr, les agriculteurs et les chasseurs, mais aussi les collectivités territoriales.
Ensuite, la création de l’AFB entraînera la fusion de différents organismes publics : l’ONEMA, Parcs nationaux de France, le groupement d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées. Qu’en sera-t-il exactement du transfert des compétences et des ressources ? Assistera-t-on à un effort de rationalisation de la dépense publique ?
Enfin, je m’étonne de ce que l’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par des espèces animales protégées ne figure pas parmi les missions de l’Agence.
Nous en arrivons à un temps fort de la discussion de ce texte. La création de l’Agence française pour la biodiversité est en effet un acte fondateur. Cet article a déjà été largement été débattu, mais il convient certainement d’en affiner encore, ce soir, la rédaction.
Celle-ci répond déjà aux préoccupations de chacun tant sur le plan de la composition de l’Agence, notamment en ce qui concerne la représentation des départements et des communautés d’outre-mer, que sur celui de ses objectifs.
Rassembler au sein d’une institution unique l’ensemble des opérateurs de la biodiversité apparaît comme une évidence. Il nous faudra veiller à ne pas déstabiliser un équilibre que nous avons enfin trouvé. Les territoires nous attendent sur ce point. Un jour, on le sait aussi, l’Agence pourra s’élargir en englobant d’autres institutions et d’autres établissements.
À nous, donc, de faire preuve de vigilance, aussi bien au sujet de cet article qu’au moment de l’examen des textes financiers et budgétaires, afin que cette agence puisse travailler.
Je veux le répéter à l’occasion de cet article important : ce projet de loi arrive après de nombreux textes qui ont, je crois, rétabli en partie l’équilibre de la consommation des espaces, notamment les espaces riches en biodiversité. Après les lois Grenelle 1 et 2, après la loi ALUR – accès au logement et urbanisme rénové –, après la loi de modernisation agricole, ce texte intervient alors que les dispositions législatives des dix dernières années prennent tout leur effet dans nos territoires.
Et puis, comme on a comparé la France à d’autres pays en commission et encore il y a quelques instants dans l’hémicycle, je voudrais aussi rappeler que notre législation environnementale est une des plus puissantes et des plus avancées au monde.
Étant membre de la majorité et du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, il vous appartient – et vous le faites – d’assumer le contenu de ce texte. Quant à nous, il nous revient de poser différentes questions et de faire vivre le débat parlementaire. Or, depuis deux ans, nous n’avons eu de cesse d’interroger le Gouvernement, sans obtenir de réponse à ce jour.
Tout d’abord, prélever 175 millions d’euros sur les agences de l’eau pour financer en 2015 la préfiguration de la mise en place de l’Agence, nous trouvons que cela fait cher, incontestablement !
Au surplus, le financement à terme de l’Agence reste un sujet obscur sur lequel vous ne vous êtes pas expliquée. Nous retrouvons ce qui s’est produit pour la loi NOTRe : on fait voter la loi, quitte à voir après comment on trouvera le financement. On voit le résultat aujourd’hui, avec le débat entre les EPCI, les départements et les régions.
De même, n’ayant toujours pas obtenu d’éclaircissements concernant la relation entre les territoires et la structure centrale, nous craignons une centralisation excessive de la future Agence. Vous parlez de « déclinaison » impliquant des délégations territoriales… La ficelle est un peu grosse ! Nous nous retrouverons sur ce sujet et je veux que mes propos figurent bien au Journal officiel : nous pensons que le Gouvernement fera endosser aux nouvelles régions le poids de la mise en place de ces délégations régionales et territoriales,…
…et ce, encore une fois, sans aucun débat quant au financement.
Depuis deux ans, nous n’avons aucune réponse à ces questions qui, vous en conviendrez, ont le mérite d’être constantes et sur la forme et sur le fond. Aussi comprendrez-vous les inquiétudes que nous inspirent cet article 9 et son application.
La création de l’Agence française pour la biodiversité, annoncée en septembre 2012, est une très belle idée, mais à condition que l’on y consacre les moyens nécessaires. Ma question sera donc brève : pouvez-vous nous assurer, madame la secrétaire d’État, que l’on mettra un coup d’arrêt aux coupes budgétaires dans le domaine de l’écologie et, singulièrement, dans celui de la biodiversité, s’agissant en particulier des moyens humains supprimés dans tous les établissements publics appelés à fusionner ?
Mme Batho vient d’indiquer que l’idée de cette création est bonne et qu’elle remonte à 2012. Le programme que vous nous présentez aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, est intéressant, alléchant même, mais il soulève quelques questions simples.
Une agence, c’est un corps qui intervient avec de vraies missions et de vrais moyens. Elle doit forcément être évaluée et contrôlée au regard de ces missions, en l’occurrence dans un domaine particulièrement difficile qui relève aussi de la police. Or nous connaissons depuis longtemps certains de ses agents : ils dépendaient, me semble-t-il, des fédérations de pêcheurs ; nous les avons côtoyés, nous les connaissons.
À cet égard, je ne suis pas sûr que la préfiguration de l’Agence prenne en compte un aspect qui me tient beaucoup à coeur en tant que parlementaire : celui de l’immobilier utilisé. En effet, personne ne veut bouger. Je crois savoir que des ministres – vous-même, peut-être ? – ont indiqué qu’il était hors de question de quitter telle ou telle adresse. Ces adresses, du reste, sont souvent inconnues du grand public. Faites une recherche, par exemple, pour l’ONEMA, vous verrez si vous parvenez à retrouver l’ensemble de ses installations ! Nous avons modestement proposé, au nom du Conseil de l’immobilier de l’État, de regagner les agences de bassin, sur lesquelles, là aussi, il y aurait beaucoup à dire pour ce qui est de la non-maîtrise de l’immobilier. Il faut un immobilier de la qualité, certes, mais pas démesuré. Les normes que l’État s’est données s’appliquent aussi à l’ensemble des activités liées à l’environnement.
Bref, nous sommes plusieurs ici à être attentifs à la façon dont les choses se passeront. Car on n’a pas attendu cette agence pour se préoccuper de biodiversité. Il existe des associations méprisées actuellement par les pouvoirs publics. Je pense en particulier aux centres permanents d’initiatives pour l’environnement, les CPIE, en faveur desquels j’interviendrai.
Les CPIE effectuent un travail de pédagogie non seulement auprès des élèves et des étudiants, mais aussi dans les territoires ruraux, où ils cultivent effectivement l’environnement, le développement durable et la biodiversité.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 777 .
Tout en me félicitant de la création de l’Agence, j’aimerais, compte tenu de sa genèse, que son appellation fasse aussi mention de l’eau et des milieux aquatiques.
Ce n’est pas qu’une question de principe, c’est aussi une réalité. La mobilisation de l’Agence française pour la biodiversité au titre de la politique de l’eau mérite d’être fortement souligné, d’autant que cette instance est créée à partir de l’ONEMA et financée notamment, on l’a dit, par les redevances des agences de l’eau. Les attentes qualitatives en matière d’eau sont essentielles. Les missions de l’AFB, tout comme l’origine de ses ressources humaines, de ses compétences et de son financement, justifient cet amendement, qui tend à insérer les mots : « , l’eau et les milieux aquatiques » à l’alinéa 3 et, en conséquence, à plusieurs autres alinéas.
L’amendement no 777 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 573 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 604 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous en venons à l’amendement no 574 de la rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel…
L’amendement no 574 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 576 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 330 est retiré.
L’amendement tend à rédiger ainsi la deuxième phrase de l’alinéa 16 : « Les régions et l’Agence française pour la biodiversité peuvent mettre en place conjointement des organismes de partenariat pérenne et y associer notamment les départements au titre de leur compétence en matière d’espaces naturels sensibles. » En conséquence, ledit alinéa ne ferait plus mention de « délégations » mais d’« organismes ».
En effet, ce partenariat, qui peut prendre plusieurs formes juridiques, est mis en place dans des conditions élaborées conjointement par la région et l’AFB. Les acteurs intervenants dans le champ de compétence de l’AFB peuvent être associés à la démarche d’élaboration de cet organisme, tout particulièrement les départements au titre de leur compétence en matière d’espaces naturels sensibles. ces délégations, quelle que soit leur forme juridique, sont nommées « agences régionales de la biodiversité ». Il s’agit d’inscrire dans la loi que les organismes de partenariat ont bien en commun la déclinaison régionale des compétences de l’AFB.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour soutenir l’amendement no 327 .
Au nom de la transparence, qui est importante dans cet hémicycle, je vais vous dire au nom de qui j’interviens : je défends un amendement qui m’a été suggéré par l’Association des régions de France, dont je me fais ainsi, tout comme Gérard Menuel, le relais.
Je préfère l’amendement no 327 à tous les autres. Il s’agit de donner la possibilité aux régions de créer, avec l’Agence française pour la biodiversité, des délégations territoriales. Je préfère la dénomination de délégations territoriales à celle d’organismes de partenariat pérenne, car je ne vois pas ce que recouvre cette notion. La création de délégations territoriales, elle, me paraît correspondre aux résultats des travaux de Serge Letchimy et de Victorin Lurel.
J’ai déposé cet amendement de repli car je craignais le caractère obligatoire du dispositif et la création de nouvelles superstructures. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut limiter les strates. Cet amendement, à l’instar de celui que nous a présenté le président de la commission, laisse l’initiative aux régions sur la base du volontariat. Ce repli intelligent rejoint les préconisations contenues dans les travaux cités par M. Chanteguet et dans ceux du Sénat.
La commission est défavorable à l’amendement no 449 .
Elle est en revanche favorable à celui de M. Chanteguet, le no 327, non seulement parce qu’il consacre les délégations territoriales mais aussi parce que, au nom de la libre administration des collectivités territoriales, il nous paraît plus judicieux.
Nous avions eu cette discussion en commission et nous avions dû rechercher un compromis en vue de l’examen en séance publique.
L’amendement de M. Chanteguet semble être un bon compromis. Les amendements suivants de M. Saddier et de M. Menuel lui ressemblent beaucoup, à part une légère différence. En effet, ils laissent entendre qu’une collectivité, la région, peut contraindre cette autre collectivité qu’est le département. La rédaction de l’amendement de M. Chanteguet me semble meilleure et c’est pourquoi la commission y est favorable.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Un peu de calme, s’il vous plaît !
La parole est à Mme Laurence Abeille.
Il s’agit en fait d’une question. Plusieurs régions sont déjà dotées, sous des statuts quelque peu différents, d’une agence régionale de la biodiversité. C’est le cas de l’Île-de-France, par exemple, avec Natureparif. Si la disposition qui est proposée, à laquelle je suis plutôt favorable, est adoptée, comment s’inscriront ces agences dans le nouveau dispositif ?
Nous avons bien compris, mon collègue Menuel et moi-même, que l’amendement du président était forcément meilleur que le nôtre. Dont acte.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Sourires.
Tout à fait ! Je ne désespère pas, madame la présidente… Je veux simplement préciser ma pensée : on nous oppose que notre amendement sous-entend que nous voulons contraindre les départements. Pour que cela figure dans le compte rendu, je tiens à dire qu’à aucun moment, nous n’avons souhaité contraindre les départements à s’associer à une délégation territoriale. Mais j’en donne acte au président de la commission.
L’amendement no 449 est retiré.
L’amendement présenté par le président Chanteguet est extrêmement pertinent et reste fidèle à l’esprit du travail qui a été réalisé.
Je voudrais dire un mot à M. Saddier sur la relation de dépendance entre l’État et les collectivités à l’occasion de la mise en place des délégations. Il est très différent de mettre en place une délégation et un organisme qui serait supporté exclusivement par la collectivité régionale ou départementale. Je suppose, cher collègue, que cela met fin à votre suspicion quant au fait que les collectivités régionales auraient à supporter la mise en place de la délégation.
Prévoir une délégation territoriale par département dans les régions d’outre-mer est un point très important pour nous. Il faut toutefois distinguer les compétences de l’État, notamment les compétences de police, et les compétences des collectivités. Cet amendement vise à apporter cette précision.
Avis favorable.
L’amendement no 862 est adopté.
Je suis saisie de l’amendement rédactionnel, no 579, de Mme Geneviève Gaillard.
L’amendement no 579 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement tend à insérer, après l’alinéa 21, un alinéa qui prévoit que dans le cadre de ses missions de soutien et de conduite de travaux de recherche, l’Agence française pour la biodiversité dirige la rédaction d’un rapport gouvernemental sur l’impact des totaux admissibles de capture, les TAC, sur la biodiversité maritime française et sur le secteur économique de la pêche.
La seconde partie de ce rapport est consacrée à l’étude et à la mise en place de quotas pluriannuels. La protection et la gestion pérenne des ressources maritimes ne peuvent se faire au détriment du secteur économique de la pêche ou sans prendre en compte leur impact sur ce secteur.
L’absence de vision à court et long terme du système actuel, basé sur l’annualité, est fortement préjudiciable aux artisans pêcheurs qui se retrouvent ainsi soumis à la « roulette bruxelloise » des quotas de pêche. Les TAC annuels ne correspondent pas à la réalité du travail des marins pêcheurs, soumis aux aléas climatiques et aux variations des ressources disponibles et de la demande. La pluriannualisation des quotas permettrait une plus grande flexibilité et une meilleure adéquation avec le secteur économique de la pêche.
Cette nouvelle mission ne relève pas de la compétence de l’Agence puisqu’elle est d’ores et déjà assurée par les instances scientifiques que sont l’Ifremer et le Conseil international pour l’exploration de la mer. Avis défavorable.
Même avis.
Ce n’est pas du tout la même chose. La proposition que nous vous faisons aurait une portée beaucoup plus importante vis-à-vis des marins pêcheurs, dont le nombre est passé de 40 000 à 20 000. La politique commune de la pêche a permis de porter à deux tiers le taux des espèces produisant le rendement maximum durable. Les pêcheurs ont donc consenti de gros efforts au cours des dernières années. Il y ont consenti sans que nous ayons besoin d’instaurer un régime policier mais en concertation avec les différents gouvernements qui se sont succédé, et c’est en travaillant en confiance avec ces gouvernements qu’ils ont pu parvenir à ce résultat. Il me paraîtrait normal de leur donner un gage de confiance en adoptant cet amendement.
Il faut bien réfléchir à l’amendement que nous propose notre collègue. En tant qu’élue de Montpellier, je peux parler de Sète, qui est la deuxième flotte française de pêche de Méditerranée. On y détruit encore des bateaux, comme cela avait été imposé il y a une dizaine d’années, parce que les quotas n’ont pas été atteints. Pourtant, la délégation Ifremer est en plein développement et fait un travail de qualité.
La qualité du travail de l’Ifremer n’est pas du tout en cause, mais il ne me paraît pas inintéressant que l’Agence s’occupe de ces questions et regarde ce qui se passe. Nous avons un problème, en France, vis-à-vis de la pêche : nous ne la regardons pas de la bonne manière. Il serait pertinent que l’Agence intervienne et c’est pourquoi je voterai cet amendement.
Je voudrais à mon tour soutenir cet amendement, non pour le rapport que doit établir l’Agence pour la biodiversité mais pour l’instauration de quotas pluriannuels préconisée par Gilles Lurton. Cela répondrait à la demande récurrente des pêcheurs, soucieux d’assurer à leur entreprise une bonne visibilité. Actuellement les quotas de pêche et les taxes sont négociés à Bruxelles chaque année, mais cela devrait changer dans les années qui viennent.
Si ce n’est pas l’Ifremer ou toute autre instance, le Conseil supérieur d’orientation des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire pourrait être chargé de cette mission, et non l’Agence française pour la biodiversité.
Il ne faudrait pas que la loi sur la biodiversité concentre tous les problèmes économiques, comme ici celui de la pêche, même si ce texte vise à préserver et à reconquérir la biodiversité, qui comprend naturellement les milieux marins.
Je comprends les préoccupations qui se sont exprimées, mais après la chasse et la pêche à la ligne, nous abordons maintenant la question de l’industrie de la pêche.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il ne faut pas mélanger les sujets et essayer d’introduire dans le véhicule législatif qu’est ce projet de loi sur la biodiversité des éléments qui n’ont vraiment rien à y faire.
Vos questions, qui sont liées à l’économie, ont reçu une réponse claire : les outils permettant d’évaluer les quotas et les stocks de poissons existent. Ce texte n’a pas vocation à traiter de ces sujets.
Il serait intéressant que tout le monde ici lise les alinéas 20 et 21 de l’article 9 qui précisent les missions de l’Agence. Voici le contenu de l’alinéa 20 : « Conduite et soutien de programmes d’études et de prospective, contribution à l’identification des besoins de connaissances et d’actions de conservation ou de restauration ». Quant à l’alinéa 21, il prévoit la mission de « Conduite et soutien de programmes de recherche, en lien avec la Fondation française pour la recherche et la biodiversité ».
L’Agence prendra naturellement langue avec tous les organismes que j’ai cités tout à l’heure. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter la mission que vous proposez aux missions de l’Agence.
L’amendement no 870 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l’amendement no 454 .
L’alinéa 23 de l’article 9 du projet de loi prévoit de confier la coordination technique des conservatoires botaniques nationaux à l’AFB. Cet amendement vise à supprimer cette disposition. Il fait miroir avec un autre amendement que j’ai déposé à l’article 16 et qui vise à rétablir la reconnaissance législative de la Fédération des conservatoires botaniques nationaux.
Dans le cas où la fédération serait maintenue, il semble logique que la fonction de coordination des CBN lui reste attribuée, et ne soit pas dévolue à l’AFB, dont je salue néanmoins la création, compte tenu non seulement de ses missions ambitieuses mais du lien qu’elle tisse entre les milieux terrestre et marin.
Avis défavorable. Nous avons longuement réfléchi à ce type d’amendement, qui pose une question de fond : crée-t-on l’Agence française pour la biodiversité en maintenant tout ce qui existe aujourd’hui ou essaie-t-on de rationaliser l’existant à travers l’Agence ?
Si chacun veut garder son pré carré, on n’y arrivera jamais. C’est la raison pour laquelle la commission n’a pas adopté l’amendement.
L’Agence doit rassembler. Nous devons faire en sorte de rationaliser toutes ses missions. Il me semble important de le souligner.
Avis défavorable. L’amendement propose de supprimer la référence à la coordination technique des conservatoires botaniques nationaux au sein de missions de l’AFB, au motif que leur fédération doit pouvoir continuer à jouer ce rôle. Il est coordonné avec l’amendement no 398 tendant à rétablir cette fédération.
Si je suis favorable à ce que ladite fédération perdure et joue un rôle de premier plan dans la représentation de son réseau, il me paraît important que l’AFB assure une fonction d’animation technique, compte tenu de son expertise. Je ne doute pas que l’Agence saura exercer cette mission de manière intelligente, en partenariat étroit avec ces conservatoires et leur fédération.
Merci, madame la secrétaire d’État, d’avoir réaffirmé le rôle de la fédération des conservatoires botaniques nationaux, dont l’excellence est reconnue. Ces établissements exercent des missions de coordination, d’animation et de représentation. Il faut veiller à ce que, en regroupant leurs missions dans l’Agence française pour la biodiversité, on ne compromette pas un système qui fonctionne, d’autant que, si l’on a bien compris, l’AFB est là moins pour piloter que pour appuyer les acteurs. Veillons à ne pas perdre l’expertise de la fédération.
Je reste dans l’expectative face à cette évolution, mais je le répète : ne renonçons pas à ce qui marche.
Les conservatoires botaniques jouent un rôle territorialisé et permettent un partenariat avec les collectivités locales, les syndicats ou les associations, qui font intervenir beaucoup d’acteurs locaux. C’est un système qu’il faut préserver.
L’amendement no 454 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 572 .
L’amendement no 572 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures deux.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly