Séance en hémicycle du 28 octobre 2014 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, à la veille de l’avis que doit rendre la Commission européenne sur le budget de votre gouvernement, vous avez annoncé le déblocage de 3,6 milliards d’euros supplémentaires. Alors que l’Assemblée nationale a voté la semaine dernière le volet recettes du projet de loi de finances et que vous prétendiez être au maximum des économies possibles, voilà que, sur l’injonction de Bruxelles, vous sortez du chapeau de nouvelles ressources pour, péniblement, réduire un peu le déficit. Quelle pantalonnade, et quel manque de respect pour le Parlement français !

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, la situation budgétaire de la France est très grave et la réponse que vous proposez n’est pas du tout à la hauteur, d’abord parce que ces 3,6 milliards ne sont en aucun cas des économies supplémentaires. Ils proviennent de la baisse de la charge de la dette, qui était tout à fait prévisible, et de la lutte contre la fraude fiscale, vieille recette que vous ressortez à tout bout de champ depuis deux ans, dès que vous êtes aux abois.

En fait, ce que vous demande la Commission européenne, c’est de faire des réformes structurelles, de réduire le déficit structurel, de réaliser des économies structurelles. Or il n’y a pas l’once d’un début de réforme structurelle dans votre budget, et ces 3,6 milliards sont encore une fois de plus des recettes conjoncturelles.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On sait d’ores et déjà que les taux d’intérêt vont remonter à la fin de 2015 et qu’un point de plus représente 6 milliards de dépenses supplémentaires.

Vous prétendiez ici même, il y a quelques semaines, en répondant à Philippe Gosselin, que le budget français se faisait au Parlement français et non à Bruxelles et, aujourd’hui, comme prévu, vous proposez votre maigre plan B pour faire passer la pilule.

Il y a une seule vraie question : quand allez-vous sortir un plan C qui soit un véritable programme de réformes structurelles, indispensables aujourd’hui au redressement de notre pays ?

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Je vous remercie, monsieur le député, d’être attentif aux échanges épistolaires entre Paris et Bruxelles et de faire ainsi une bonne publicité à nos services postaux pour leur qualité.

Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Le budget de la France, vous le savez, se vote ici et seulement ici. Il se discute ici, il s’amende ici et, si vous voulez le refuser, ce qui, je le soulignais il n’y a pas longtemps, est parfaitement votre droit, il est refusé ici et nulle part ailleurs.

Toutes les propositions, toutes les précisions dont nous avons fait état dans notre discussion, légitime, dans notre dialogue, légitime, comme en ont tous les autres pays de la zone euro, avec la Commission se discuteront ici et seulement ici. Vous serez informés et vous aurez peut-être un autre avis que le jugement un peu global et grossier que vous venez de porter sur les mesures en question.

Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Le Gouvernement dit et redit qu’il y a deux piliers dans sa politique budgétaire pour 2015 et au-delà.

Le premier pilier, c’est le pacte de responsabilité et de solidarité, avec toutes ses mesures, et ce pacte, qu’il s’agisse du soutien aux entreprises ou du soutien aux ménages, sera mis en oeuvre intégralement.

Second pilier, nous avons décidé, pour la première fois depuis des années et des années, de mettre en oeuvre un programme difficile mais nécessaire d’économies budgétaires, de 21 milliards, économies que vous refusez de voter sans jamais nous dire lesquelles vous souhaiteriez en plus. Ces économies, nous les ferons, nous nous y tenons, 21 milliards, mais pas plus parce que la France a aussi besoin d’un budget qui stimule son économie et sa société.

Le reste, c’est le dialogue nécessaire, confiant, que nous avons avec la Commission parce que nous ne pouvons pas avoir la même monnaie sans discuter les uns avec les autres de l’exercice de nos budgets.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le Premier ministre, samedi dernier, sur le lieu-dit du Testet, dans le Tarn, dans la circonscription de Jacques Valax, un jeune homme de vingt et un ans, Rémi Fraisse, a trouvé la mort lors de violents affrontements entre des manifestants et les forces de l’ordre. Je tiens à présenter ici les condoléances de mon groupe politique, et au-delà, je le pense, de toute la représentation nationale, à sa famille et à ses proches. Nous devons faire la lumière sur les circonstances de ce drame. La justice mène l’enquête sur les conditions du décès de Rémi Fraisse, et j’espère que nous comprendrons très vite ce qui s’est passé cette nuit-là afin que les responsabilités soient établies.

Ce drame ne doit pas être accepté, ni banalisé, mais il ne doit pas être utilisé non plus. Nous sommes dans un État de droit : cela implique que la loi soit respectée et que la justice puisse faire son travail librement et rapidement. Nous avons une exigence de vérité et de transparence dans les faits, nous avons une exigence de justice.

Dans un État de droit, chacun doit respecter toutes les règles qui organisent la démocratie. Lorsqu’un projet a passé les stades de la concertation, des décisions, voire des recours, la violence n’est à aucun moment la réponse à apporter à une situation qui ne conviendrait pas à quelques-uns. Ce n’est pas ici que nous déterminerons les faits ni les responsabilités. Ce n’est pas à nous de pointer du doigt, d’attiser les tensions ou de raviver les clivages. J’en appelle donc à la responsabilité de chacun, et à la compassion de tous.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire ici comment l’État compte agir pour élucider au plus vite la mort de ce jeune manifestant ? Pouvez-vous nous confirmer la volonté de l’État d’apporter toutes les réponses à ce drame ?

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, et sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Le Roux, la mort de Rémi Fraisse, jeune homme de vingt et un ans, sur le site de Sivens, est tragique. Ce qui s’impose en premier lieu à tous, vous l’avez rappelé, c’est la compassion pour la douleur de sa famille ; c’est la solidarité. Nous témoignons tous notre solidarité à cette famille. Comme vous le savez, le Président de la République a eu tôt ce matin le père de Rémi Fraisse au téléphone, pour lui adresser ce même message.

Vérité, vous l’avez dit, transparence, dignité et responsabilité : voici les messages que je souhaite à mon tour faire passer. Il me semble que nous devrions nous accorder sur ces principes simples. Quand la mort survient dans de telles circonstances, les principes de l’État de droit commandent que l’on recherche la vérité. La justice a été saisie. Elle a désormais besoin, faut-il le rappeler ? de sérénité pour accomplir les actes d’enquête et d’expertise qui sont indispensables. Je ne doute pas un seul instant qu’elle se prononcera en toute indépendance.

Monsieur Le Roux, l’État s’engage on ne peut plus clairement à ce que la lumière soit faite. Rien ne doit être caché : c’est la position du Gouvernement, et plus particulièrement celle de M. le ministre de l’intérieur, à qui je rends hommage pour son action et son sang-froid. Je n’accepte pas, et je ne le ferai jamais, les mises en cause et les accusations qui ont été proférées en-dehors de cet hémicycle à l’encontre du ministre de l’intérieur, qui a toute ma solidarité.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP et sur quelques bancs du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Quant aux forces de l’ordre, je tiens à rappeler qu’elles font un travail très difficile et sont souvent confrontées à une violence extrême. C’est une réalité. Je le dis à la représentation nationale : je n’accepterai pas que l’on mette en cause, avant même que l’enquête soit conclue, l’action des policiers et des gendarmes, qui ont compté de nombreux blessés dans leurs rangs.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, UDI et UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

La France est un pays démocratique, un État de droit où le droit de manifester, de s’opposer, est garanti – c’est la moindre des choses. Mais je n’accepterai pas les violences : ce qui s’est passé à Gaillac, ce qui s’est passé à Albi, ce qui s’est passé dans votre ville, monsieur le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, à Nantes, est tout aussi inacceptable. Il n’y a pas de place, dans notre République, dans notre démocratie, pour les casseurs. Là aussi, justice doit être faite !

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, UDI et UMP et quelques bancs du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Enfin, il est de mon devoir de chef du gouvernement d’en appeler à l’apaisement. Vous l’avez fait, vous aussi, monsieur le président Le Roux. Face à un tel drame, chacun doit faire preuve de responsabilité et de dignité. C’est la seule attitude possible. Quand on est un responsable politique, quand on est un élu, on ne peut pas faire de déclarations à l’emporte-pièce.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, RRDP, UDI et UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

On ne peut pas désigner des responsables alors même que la justice n’a pas terminé son travail.

La mort d’un homme dépasse tous les clivages, toutes les oppositions. J’appelle à la tempérance et à la décence, par respect pour ce jeune homme et pour sa famille. C’est ainsi que nous serons utiles, et que face à ce drame, nous rassemblerons tous les Français.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, plusieurs bancs des groupes UMP et UDI et quelques bancs du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, ceci est la cinquième ou sixième question, et j’espère la dernière, que je pose à propos de la SNCM. Il y a quatre mois presque jour pour jour, je vous disais ici que seul le redressement judiciaire et une restructuration forte des effectifs pouvaient sauver ce qui peut encore l’être de la SNCM.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe UMP

Il n’y a rien à restructurer !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quatre mois ont passé. Ils ont fait perdre à l’entreprise des dizaines de millions d’euros tandis qu’une grève catastrophique en a coûté des centaines à l’économie de la Corse. Il a fallu ce gâchis pour amener enfin l’État à dire ce que les actionnaires majoritaires répètent depuis un an, et votre serviteur depuis un temps si long qu’il serait inconvenant de le rappeler.

Après tant d’années d’une direction de l’entreprise incompétente, irresponsable et suspecte – suspecte ! – le nouveau président de la SNCM propose un plan de restructuration qui sauverait la moitié des emplois et garantirait l’équilibre de l’exploitation. Un repreneur s’est déclaré et plusieurs autres ont manifesté leur intérêt. Mais la sauvegarde de l’entreprise n’est possible qu’à deux conditions.

Primo, la négociation en cours avec l’Union européenne doit autoriser la transmission de la délégation de service public, faute de quoi il n’y aura plus de repreneur et la liquidation s’imposera. Secundo, l’État doit adopter une attitude de fermeté pour garantir la liberté de circulation dans les ports de Marseille et de Corse, afin d’éviter qu’un conflit ne dégénère en blocage, fasse fuir tout repreneur et porte un nouveau coup à l’économie de la Corse, ce qui obligerait encore l’État à indemniser lourdement les conséquences de sa faiblesse.

Monsieur le Premier ministre, où en êtes-vous de la négociation à Bruxelles ? Avez-vous mis en place un dispositif de protection de l’ordre public propre à garantir la liberté de circulation dans les ports de Marseille et de Corse ?

Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe UDI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche

Monsieur le député, à l’issue du mouvement de grève du début de l’été, un relevé de décisions a été signé par les parties prenantes : société, actionnaires et organisations syndicales. L’État a respecté ses engagements en versant 30 millions d’euros pour assurer la trésorerie de la SNCM. Aujourd’hui même se tient à Marseille une réunion sur la mission confiée au médiateur Gilles Bélier. Le 4 septembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé la condamnation au remboursement de 200 millions d’euros pour les aides versées entre 2002 et 2006, au moment de la privatisation. L’État est également condamné à récupérer 220 millions d’euros pour les aides versées au titre de la délégation de service public.

Nul ne peut ignorer cette réalité, ni oublier que cette entreprise a connu neuf exercices déficitaires sur les dix dernières années ! Le tribunal de commerce a désigné deux mandataires conciliateurs. Leur mission est en cours. L’ensemble de ces contraintes rend fortement probable une procédure de redressement judiciaire dans un proche avenir. Dans cette hypothèse, l’objectif du Gouvernement est de sauver un maximum d’emplois grâce au maintien de la délégation de service public lors de la transmission au repreneur. Les discussions avec la Commission européenne sont engagées depuis plusieurs semaines. Nous sommes entièrement mobilisés pour les faire aboutir, mais rien n’est acquis à ce jour.

Naturellement, le Gouvernement est attentif au maintien de la circulation portuaire, et travaille à ce dispositif. J’ajoute toutefois que chacun, actionnaires, salariés et collectivités territoriales, doit être mobilisé pour la réussite d’une reprise avec maintien de la délégation de service public, et la sauvegarde d’un maximum d’emplois.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, terrible drame que la mort du jeune Rémi Fraisse alors qu’il défendait ses convictions face au projet de construction du barrage de Sivens. Aucun projet d’aménagement, quelle que soit sa vocation, ne peut justifier de telles violences et la mort d’un jeune adulte. Vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre : toute la lumière doit être faite sur les causes de ce drame.

Mais il est consternant qu’il ait fallu, après des mois de mobilisation, la mort de ce jeune homme pour prendre enfin en considération les motifs d’opposition à ce projet. Ce drame aurait pu être évité en privilégiant le dialogue plutôt que l’usage de la force. Il est tout aussi consternant d’apprendre, seulement après le début des travaux, les conclusions d’un rapport d’expertise qui remet clairement en cause la pertinence de ce projet au regard de son objectif de soutien à l’agriculture intensive.

Monsieur le Premier ministre, cette situation est d’abord le fruit des carences de l’État dans le débat public et dans l’évaluation des projets agricoles. Aujourd’hui même, neuf militants de la Confédération paysanne sont poursuivis pour avoir manifesté leur opposition au projet industriel de la ferme des « Mille vaches ». Ce projet, lui aussi, est la concrétisation d’un modèle agricole capitaliste ultra-productiviste. Là encore, des militants syndicaux n’ont fait que défendre des convictions, que nous partageons depuis toujours, en refusant un modèle agricole qui se construit au détriment de l’agriculture paysanne et au détriment de la transition écologique.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, ces deux mobilisations sont l’expression d’un même problème : celui de l’industrialisation de l’agriculture, soutenu par les politiques de libéralisation européennes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Qu’entendez-vous faire pour remettre en cause tous les projets qui symbolisent avant tout l’échec de la réorientation de notre modèle agricole ?

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit le Premier ministre à propos des événements que vous évoquez s’agissant du barrage de Sivens. Mais vous avez, dans votre question, abordé un sujet de fond : quel sens donner à l’agriculture aujourd’hui ? Vous avez été l’un de ceux qui ont le plus participé à la construction de la loi d’avenir pour l’agriculture. Vous savez que celle-ci fixe des objectifs agro-écologiques pour l’ensemble de l’agriculture et, pas plus tard qu’hier, j’ai remis les trophées de l’agriculture durable à des exploitations agricoles dont une correspond à la fois en termes d’organisation – c’est un groupement agricole d’exploitation en commun, autrement dit un GAEC – et en termes d’objectifs – l’agro-écologie – au modèle que nous devons promouvoir. On ne peut résumer la conception globale de l’agriculture à ce qui se passe dans deux endroits.

Je vous rappelle aussi que la réforme de la politique agricole commune a été négociée, y compris les objectifs de verdissement de cette politique, la reconnaissance de l’organisation collective des agriculteurs au travers des GAEC, la mise en place, après un long débat, de paiements majorés pour les cinquante-deux premiers hectares,…

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

… justement pour assurer à notre agriculture un élément essentiel : elle doit rester avec des agriculteurs, avec des paysans. Par conséquent, si le débat est possible et dans le cadre du respect du droit, le projet que nous devons soutenir est celui qui a été négocié à l’échelle européenne et que nous avons discuté lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture. On ne peut pas confondre ce que nous allons continuer à faire avec des sujets particuliers même si, j’en suis parfaitement conscient, ils sont importants et nécessitent, eux aussi, des débats et des corrections à apporter. Il faut voir l’ensemble de la question et pas uniquement des aspects liés à l’actualité.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, depuis que vous êtes au pouvoir, les Français supportent le pire matraquage fiscal jamais connu.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 ne fait pas l’unanimité, même dans vos rangs. Il ne réduit pas le déficit de la Sécurité sociale… Il l’augmente ! Les mesures punitives prises contre les professionnels de santé, contre les cliniques, les laboratoires, les pharmaciens, le médicament, n’apportent pas de solution aux déficits. Par contre, votre ministre de la santé et des affaires sociales s’attaque, pour la troisième fois, aux finances des familles en faisant une économie de 700 millions sur le dos des enfants de notre pays malgré l’engagement du candidat Hollande devant l’Union nationale des associations familiales.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe UMP

C’est un menteur !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous auriez pu faire un milliard d’euros d’économies en réduisant, par exemple, l’aide médicale, aujourd’hui entièrement gratuite, pour les étrangers en situation irrégulière

Exclamations sur les bancs du groupe SRC

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

et en vous attaquant à la fraude sociale qui nous coûte près de 20 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Des mesures avaient été mises en place en 2011 : il fallait les poursuivre !

Vous voulez nous donner des leçons de justice sociale, mais de nombreuses prestations familiales participent déjà de la justice sociale car elles sont versées en fonction des revenus. C’est le cas de la prestation d’accueil du jeune enfant, modulée en fonction des revenus, du complément du libre choix d’activité – que vous avez baissé –, du quotient familial – que votre majorité a baissé à trois reprises –, du congé parental – que vous avez diminué –, de la majoration de retraite pour les parents ayant eu trois enfants – dorénavant fiscalisée. Quant au complément du libre choix du mode de garde, vous l’avez baissé.

Le principe d’universalité des allocations familiales est un principe de solidarité que vous faites voler en éclats ! Vous ne dites pas toute la vérité aux Français : les sommes retirées aux ménages des classes moyennes dont le revenu est supérieur à 6 000 euros par mois ne seront pas redistribuées aux autres ménages. En contradiction avec l’unité nationale, vous créez une France d’enfants de riches contre une France d’enfants de pauvres.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous ne fondez votre politique familiale que sur l’argent. Depuis bientôt trois ans, vous et les vôtres cassez tout ce qui marchait bien en France. En fait, vous faites une politique pour une gauche idéologique et non une politique pour l’intérêt de la France et des Français.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes attaqué à l’universalité des allocations familiales ; dites-nous si vous avez l’intention de mettre en place le remboursement des frais de santé à proportion des revenus !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Madame Claude Greff, c’est avec votre légendaire sens de la nuance et de la subtilité que vous avez posé cette question.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Je ne sais pas de quelle France vous parlez, vous qui passez votre temps à opposer les Français les uns aux autres, à stigmatiser les uns pour mieux mettre en valeur les autres.

Nous, nous mettons en place une politique familiale juste qui permet de moduler les allocations familiales en fonction du revenu. Vous ne ferez croire à personne que les 10 % de familles qui ont des revenus supérieurs à 6 000 euros par mois font partie des catégories modestes ou même moyennes.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Nous, nous mettons en place une politique familiale qui valorise les crèches et je tiens à vous dire, madame la députée, que nous n’avons pas de leçons à recevoir de la part d’une parlementaire qui a déposé une proposition de loi visant à créer un revenu pour les mères au foyer et les femmes qui restent chez elles.

Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Notre projet de loi, lui, est un texte de progrès social.

En votant contre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, vous allez voter contre la suppression des franchises pour un million de Français qui sont en dessous du seuil de pauvreté

« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

En votant cotre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, vous allez voter contre l’instauration du tiers payant pour les Français les plus modestes.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

En votant contre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, vous allez voter contre l’installation de médecins spécialistes dans les déserts médicaux, contre l’amélioration du dépistage des personnes porteuses du SIDA, contre la garantie d’accès aux médicaments innovants.

Il y a deux projets, madame la députée : celui du progrès social est chez nous.

Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et RRDP et sur quelques bancs du groupe écologiste. – Huées et exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, en démocratie, rien, aucune cause, aucune idée, aucun projet ne saurait justifier la mort d’un jeune homme, fût-il un manifestant, à une heure très tardive, lors d’affrontements d’une extrême violence contre les forces de l’ordre – auxquelles nous voulons rendre hommage. Nous avons bien sûr une pensée émue pour sa famille.

Alors que certains, dans votre majorité, les écologistes pour ne pas les nommer, ont choisi d’instrumentaliser ce terrible drame,

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

nous, à l’UDI, nous pensons qu’il faut maintenant promouvoir l’apaisement et le sens des responsabilités. C’est à la justice de faire son travail d’enquête puis de trancher.

Pour autant, en démocratie, rien, aucune cause, aucune idée, aucun projet ne saurait justifier les débordements, exactions et violences constatés ces dernières semaines et ces derniers jours à Sivens, mais aussi, entre autres, à Albi et à Gaillac. Ces scènes d’émeutes et de violences ont particulièrement choqué et meurtri la population.

Mais ce qui a le plus scandalisé, c’est de voir ce dimanche le monument aux morts de Gaillac vandalisé et les drapeaux français brûlés. Monsieur le Premier ministre, où va-t-on ? Peut-on laisser impunément saccager les symboles de notre mémoire collective et de la République ?

Sur le fond, même si le rapport des deux inspecteurs généraux du ministère souligne quelques manquements dans les études préalables, quelques approximations dans l’identification des besoins et quelques incertitudes s’agissant des financements, le projet du conseil général ne peut et ne doit être remis en cause. Il est en effet utile et nécessaire pour les populations et pour les agriculteurs concernés, d’autant que toutes les études montrent que le Sud-Ouest, du fait de l’augmentation constante de sa population, va connaître des besoins grandissants en eau, qui ne pourront pas être couverts par les retenues actuelles.

Ce projet a été validé par toutes les enquêtes et commissions imaginables et les nombreux recours déposés par les opposants ont tous été rejetés par la justice. S’il ne se concrétisait pas, cela voudrait dire qu’une minorité agissante, déterminée, voire violente pourrait à l’avenir bloquer tous les projets d’intérêt général dans le pays.

Monsieur le Premier ministre, que compte faire le Gouvernement ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI, sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, je voudrais répondre simplement et avec une profonde sincérité à votre question.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Cela vaut mieux !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Dans la continuité du Premier ministre, j’aurai d’abord une pensée pour le jeune Rémi Fraisse, qui a perdu la vie à l’occasion des événements qui se sont déroulés dans la nuit de samedi à dimanche. Quand on a la responsabilité qui est la mienne dans un gouvernement et qu’on est confronté à de tels événements, on ressent au plus profond de soi-même une blessure et une immense compassion pour les parents et les amis, qui sont aujourd’hui dans un incommensurable chagrin. Cette peine et ce chagrin nous obligent. Ils nous imposent un devoir moral : celui de la vérité.

Le Premier ministre a rappelé à l’instant que le Gouvernement était déterminé à faire en sorte que toute la lumière advienne sur ces faits. Je vous confirme que, dans la responsabilité qui est la mienne, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, je ferai tout, absolument tout, pour que l’on sache.

Des expertises seront rendues au terme des travaux conduits par la police scientifique et technique, à la suite desquelles je demanderai à ce qu’on engage une inspection administrative afin de déterminer la chaîne de commandement au moment de l’engagement de la force et de compléter le travail de la justice, pour corriger ce qui doit l’être.

Je voudrais aussi insister sur le travail réalisé par les forces de l’ordre. Quand on est contre la violence, on est contre toutes les formes de violence. On ne considère pas que certains devraient la subir de façon légitime : on est contre toutes les formes de violence. Je signale que 56 policiers ont été blessés et 81 procédures judiciaires ouvertes.

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Dans le contexte actuel, le sens des responsabilités doit l’emporter, la mesure aussi. C’est la meilleure manière de respecter la mémoire de celui qui a perdu la vie ce week-end.

Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, RRDP, UMP et UDI et sur quelques bancs du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, les communes sont confrontées à une situation financière intenable. D’un côté, le Gouvernement réduit de façon drastique leurs moyens en diminuant massivement leurs dotations ; dans le même temps, l’État leur impose de nouvelles contraintes qui pèsent sur leurs budgets. C’est le cas de la réforme des rythmes scolaires, que le Gouvernement a imposée aux communes contre leur avis et contre l’avis d’une très grande majorité d’enseignants et de parents d’élèves.

Cette année, l’État a apporté une aide aux communes de 50 euros par enfant, portée à 90 euros pour les communes en situation difficile. Non seulement cette aide ne couvre que très partiellement le coût réel de la réforme, évalué par l’Association des maires de France à 150 à 200 euros par enfant, mais, pire encore, le Gouvernement va supprimer l’an prochain la totalité des aides pour plus de 16 000 communes, qui devront assumer désormais seules la totalité de la charge financière de la réforme.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Seules quelques communes en nombre très limité continueront à recevoir une aide, que vous allez d’ailleurs réduire de 55 % l’année prochaine.

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Vous le savez, monsieur le Premier ministre, cet abandon suscite de nombreuses inquiétudes chez les maires, quelle que soit leur sensibilité politique.

Allez-vous enfin entendre la contestation qui émane de toutes les communes de France et dont les maires se font l’écho ? Allez-vous enfin respecter les engagements que vous aviez pris ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Allez-vous enfin, dans l’intérêt des enfants et au nom de l’égalité de traitement entre les communes, qui devait être l’un des principes de votre réforme, assumer le coût de la réforme des rythmes scolaires, en prolongeant le fonds d’aide aux communes et en le réajustant afin qu’il en couvre le coût réel ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d’état chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Najat Vallaud-Belkacem, retenue à Marseille par le dialogue euro-méditerranéen « 5 plus 5 ».

Je vous rappelle, monsieur le député Herbillon, que le fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires dans le premier degré, le FARRS,…

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe de l’UMP

Le FARRS est une farce !

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d’état chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

…a été mis en place dès 2013 afin d’aider les communes à organiser des activités périscolaires.

Cette aide a été élargie lors de cette rentrée scolaire à toutes les communes, y compris celles qui ont mis en place des organisations expérimentales, permises par un décret du prédécesseur de Mme Najat Vallaud-Belkacem. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le député, toutes les communes pourront recevoir pour l’année scolaire 2014-2015 une aide de l’État de 50 euros par élève, et, pour celles qui sont le plus en difficulté, une aide complémentaire de 40 euros par élève.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d’état chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Ce sont des moyens importants qui ont été dégagés par l’État : de l’ordre de 400 millions pour la seule année scolaire 2014-2015 et, en tout, 850 millions pour la période 2013-2017.

Ces crédits viennent en complément de l’aide versée par les caisses d’allocations familiales, d’un montant de 54 euros par élève.

Par ailleurs, l’engagement pris par le Premier ministre de prolonger le fonds d’amorçage durant l’année scolaire 2015-2016 sera tenu, tout comme celui de verser une part de l’aide au cours du premier trimestre. Les décrets ont été publiés ce dimanche au Journal officiel. Les communes vont donc percevoir l’aide pour ce premier trimestre : 16 000 ont déjà rendu leur dossier, et j’invite les autres à le faire au plus vite.

Avec le projet de loi de finances pour 2015, l’effort de l’État se poursuit : 200 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour venir abonder le fonds d’amorçage en 2016, en soutien aux communes les plus en difficulté.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d’état chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Le débat a été utile. Le Gouvernement a entendu les difficultés signalées et nous poursuivrons le dialogue sur le terrain avec les élus, les associations et les familles, au bénéfice de la réussite des élèves.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

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Monsieur le Premier ministre, c’est avec une grande émotion que je m’adresse à vous, au nom du groupe écologiste. Je veux tout d’abord rendre hommage à Rémi Fraisse, jeune homme pacifique, ami de la nature, engagé dans une grande association de protection de l’environnement, qui est mort ce week-end en marge du rassemblement contre le projet de barrage de Sivens, rendre hommage à ce qu’il fut, et rendre hommage à son combat qui est respectable et doit être respecté par tous. À sa famille, je présente nos plus sincères condoléances en ces temps de deuil.

Monsieur le Premier ministre, vous le savez, nous avons toujours récusé et condamné les actions violentes. En matière de maintien de l’ordre, la doctrine constante de l’État est de tout faire pour éviter les blessés et, plus encore, les morts, et nous savons que les forces de police et de gendarmerie ont à coeur d’agir dans le cadre de cette doctrine républicaine. En ce sens, et quelles que soient les conclusions de l’enquête judiciaire en cours, ce drame marque malheureusement un échec de l’État. Il vous appartiendra, monsieur le Premier ministre, d’en tirer les conséquences, toutes les conséquences.

Mais, au-delà de l’émotion qui nous étreint, et qui a enfin trouvé une expression officielle ce matin, dans une intervention du Président de la République, nous devons nous interroger sur le contexte de ce drame. Dans notre pays, comme c’est le cas d’ailleurs dans beaucoup de pays d’Europe, des mobilisations citoyennes surgissent contre des projets à l’utilité contestable, qui reposent sur un mode de développement destructeur de nos ressources et inadapté aux besoins d’aujourd’hui. Il y a quelques semaines, avant ce drame, la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, avait commandé un rapport d’experts qui est venu confirmer point par point les arguments des opposants.

Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons aujourd’hui solennellement que l’État prenne là aussi ses responsabilités, toutes ses responsabilités.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président François de Rugy, j’entends évidemment votre question, vos remarques et le ton, aussi, de votre question. Oui, nous vivons dans un État de droit, et, l’État de droit, il s’applique. Il s’applique quand il s’agit des procédures judiciaires en cours, et la seule chose que nous devons faire c’est nous mettre au service de la justice – le ministre de l’intérieur l’a rappelé il y a un instant – et tout faire pour connaître la vérité.Aucun d’entre nous, ici ou ailleurs, ne peut tirer des conclusions hâtives, sans même parler, monsieur le député, de mettre en cause l’État, même si, face à la mort de ce jeune garçon Rémi Fraisse, il y a forcément un échec. Cet échec, c’est celui de la société, face à cette violence que je condamnais tout à l’heure. Attendons donc les conclusions de la justice.

Comme tout projet d’investissement public ayant des incidences dans le domaine de l’environnement, le projet de barrage de Sivens est conduit depuis le début dans le respect des procédures prévues par le code de l’environnement. Toutes les procédures ont eu lieu. Les élus ont pris leurs responsabilités. Un dialogue nourri a eu lieu avec les chambres d’agriculture sur un projet qui concerne à la fois les agriculteurs et une ville comme celle de Montauban. C’est d’ailleurs à la demande de l’État, plus précisément du ministère chargé de l’environnement et donc de Mme la ministre Ségolène Royal, qu’un rapport d’expertise a été fait sur ce projet. En toute transparence, il a été remis à toutes les parties et rendu public.

Ces conclusions, vous les connaissez, sont au nombre de cinq. Elles visent à renforcer le volet environnemental ; elles ne demandent pas l’arrêt du projet ; elles ne demandent pas, non plus, le statu quo ; elles préconisent certaines évolutions. Il appartient maintenant au maître d’ouvrage, à savoir le président du conseil général du Tarn, qui est aussi sénateur, de se prononcer sur le sujet. Là aussi, respectons les procédures.

Enfin, monsieur le président de Rugy, oui, il y a des projets qui suscitent des contestations. Celles-ci sont pacifiques, font partie de notre débat démocratique, on peut le comprendre. En même temps, si nous voulons avancer dans ce pays, si nous voulons faire en sorte que les citoyens reprennent confiance dans l’action publique, si nous voulons réformer, si nous considérons que le progrès est une donnée essentielle de notre société, nous ne pouvons pas accepter – et je suis convaincu que nous nous retrouvons là-dessus – la moindre violence.

Un gouvernement qui considère que l’État de droit, que les lois de la République sont indispensables ne peut pas céder non plus à la violence. Ce gouvernement ne cédera donc en aucun cas à ce type de contestations et à la violence. Nous entendons parfaitement les contestations et les remarques que vous pouvez faire, mais, aujourd’hui plus que jamais, je dois ici affirmer que, dans un État de droit, on ne cède en aucun cas à la violence.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UDI.

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La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le Premier ministre, le 2 juillet dernier, par une simple circulaire vous avez supprimé les bourses au mérite mises en place par Valérie Pécresse en 2009. Ces bourses étaient attribuées aux élèves boursiers ayant obtenu la mention « Très bien » au bac. Elles étaient devenues le symbole de la méritocratie républicaine et une incitation à toujours faire mieux et à tendre vers l’excellence quelle que soit l’origine sociale. Vous les avez supprimées dès cette rentrée, alors que les bénéficiaires comptaient sur elles pour financer leurs études.

À Vesoul, ville dont je suis le maire, nous avons décidé, une fois de plus, de compenser votre désengagement en créant une bourse municipale afin d’aider ces jeunes bénéficiaires de bourse parce que, nous, nous croyons au mérite, à l’effort et à la récompense de l’effort. Les jeunes, avec leur association « Touche pas à ma bourse, je la mérite » ne se sont pas laissé faire. Ils ont courageusement attaqué cette circulaire et ont obtenu gain de cause. Le juge a suspendu cette suppression autoritaire et précipitée. Alors, monsieur le Premier ministre ne vous obstinez pas ! Revenez sur cette décision idéologique, rétablissez la bourse au mérite ! Oui l’excellence mérite récompense ! Refusons la médiocrité pour tous !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d’état chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Réflexion un peu machiste, non ?

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d’état chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Nous portons une réforme des bourses qui répond aux difficultés sociales d’un nombre croissant d’étudiants. C’est le sujet majeur. Un effort budgétaire considérable de 458 millions d’euros a été consenti pour aider les étudiants sur critères sociaux et cela a été l’objet d’une concertation avec toutes les organisations étudiantes, un effort sans précédent de 458 millions d’euros pour aider les étudiants les plus en difficulté et les étudiants les plus modestes de la classe moyenne qui, pour la première fois, vont pouvoir bénéficier d’une aide de 1 000 euros sur dix mois, ce qui leur évitera de travailler et ainsi de mettre en péril leurs études ; 135 000 étudiants sont concernés.

Il a été décidé, c’est vrai, de mettre fin progressivement aux bourses au mérite.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d’état chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Pourquoi ? Parce que le nombre de mentions très bien avait été multiplié par cinq, mais le nombre d’élèves boursiers ayant le baccalauréat avec une mention très bien n’avait pas bénéficié d’un effet de levier. Parce que l’échec s’inscrit beaucoup plus tôt, le déterminisme social en France, qui est le plus élevé de tous les pays de l’OCDE, intervenant dès le CP, et si vous vous intéressez à l’éducation, mesdames, messieurs les députés, vous devriez le savoir.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d’état chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

C’est dès le CP que se décide l’avenir scolaire d’un enfant, et c’est un scandale, car c’est un motif de désespérance. Nous avons donc mis en place 60 000 postes pour aider les élèves dès les premières années d’école, quel que soit le territoire, quelle que soit la classe sociale, pour que chacun ait toutes les chances de réussir, à l’instar de ceux qui ont réussi leur baccalauréat avec la mention très bien.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s’adresse à Mme la ministre de la décentralisation et concerne la relance de l’investissement local. C’est un sujet essentiel dans la période que nous traversons. N’oublions pas que les collectivités locales réalisent 70 % de l’investissement dans notre pays.

Cette question que je vous adresse aujourd’hui est un cri de détresse qui remonte directement de mon territoire. La commande privée y est faible, du fait de la crise industrielle et de la faiblesse du pouvoir d’achat. Cela produit un effet cumulatif avec la baisse constatée de la commande publique, estimée à plus de 7 % en 2014. Bien sûr, compte tenu de la situation laissée par nos prédécesseurs, l’équation est difficile car nous devons redresser les comptes publics.

Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Taisez-vous donc, vous devriez avoir honte de la situation que vous avez laissée !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Bien sûr, il faut soutenir l’entreprise. Et, disons-le, soutenir l’entreprise c’est soutenir un collectif : l’outil de production, les hommes et les femmes qui y travaillent et évidemment l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourtant, les économies que nous devons réaliser pour faire face à ces impératifs ne doivent pas se faire au détriment des territoires les plus fragiles, notamment dans la ruralité, et affecter leurs investissements.

Sur ces territoires-là, il faut soutenir la multitude de petits projets qui mobilisent nos forces vives – agriculteurs, petites entreprises, notamment celles du bâtiment et des travaux publics – projets qui donneront, je l’espère, de grands résultats. Je me félicite d’ailleurs des travaux de Christine Pires Beaune et du groupe socialiste sur ce sujet.

Madame la ministre, mon interrogation est double. Quels mécanismes de solidarité peut-on espérer à destination des territoires ruraux comme le mien, sachant qu’il y a non pas une, mais des ruralités ? Par ailleurs, …

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Merci monsieur Bricout. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Je vous remercie de cette question, monsieur le député. Il est vrai que l’équation est difficile. Nous devons à la fois réaliser 11 milliards d’économie sur trois ans et être solidaire des communes et des cantons ruraux mais aussi des communes suburbaines.

Il faut garder en tête, dans ce débat déjà bien entamé par M. Eckert, Mme Pires Beaune, M. Pupponi et d’autres vendredi dernier, qu’il y a dans notre pays des communes assez riches, des communes pauvres, des cantons plus riches et des cantons beaucoup plus pauvres. Nous avons décidé de renforcer la péréquation parce que c’était le seul geste de solidarité que nous pouvions faire, mais il est d’ampleur.

Mais ce n’est pas tout : avec l’accord du secrétaire d’État chargé du budget et du ministre des finances et des comptes publics, il a été aussi décidé d’augmenter le Fonds de compensation de la TVA à hauteur de 25 millions cette année et de plusieurs autres millions dans les années suivantes. C’est une façon d’inciter à investir, car les remboursements seront plus importants. Enfin, il a été aussi décidé d’augmenter la dotation de solidarité rurale, de même que la dotation de solidarité urbaine.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Ainsi, dans un objectif d’équité, nous allons augmenter le Fonds de compensation de la TVA car c’est le seul vecteur d’investissement pour les collectivités territoriales. Parallèlement, comme vous nous l’avez proposé, monsieur le député, nous travaillerons ensemble avant la fin de l’année sur la possibilité d’accorder des dotations particulières aux conseils départementaux pour financer un certain nombre d’investissements dans le domaine de l’accompagnement des enfants, du logement ou des équipements sportifs ou culturels par exemple. Je vous remercie de ce travail.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Éric Straumann, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, votre réponse du 14 octobre dernier à Patrick Hetzel sur la fusion des régions a, selon un titre de la presse régionale, attisé le feu en Alsace. De nombreux Alsaciens se sont sentis réellement humiliés par vos propos inutilement blessants.

Si j’en crois le journal Le Monde, vous avez réuni hier soir à Matignon des ministres et des parlementaires socialistes pour un dernier calage. Il a été décidé que la carte votée par l’Assemblée nationale ne doit pas évoluer. Pensez-vous sincèrement que la République puisse imposer une réforme contre la volonté de toute une région, une réforme refusée par 96 % des conseillers régionaux et départementaux, toutes tendances politiques confondues, avec un découpage rejeté par le maire de Strasbourg lui-même ?

Nous sommes dans une situation ubuesque, qui va durablement désorganiser le pays. Les conseillers départementaux, qui vont être élus dans quatre mois, ne connaissent pas encore les compétences du conseil départemental. Ils feront campagne sur leur bonne mine, car il est impossible dans ce contexte de proposer un programme. Et les conseillers régionaux qui devraient être élus en 2015 ne connaissent évidemment rien de leurs futures prérogatives et encore moins de l’étendue de leur circonscription électorale.

La fin de l’année approchant dans ce climat général de confusion et de précipitation, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, éclairer les Français en nous donnant notamment des indications précises quant au calendrier électoral de 2015 ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, vous avez exprimé, comme vous l’avez d’ailleurs fait à l’occasion du débat sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, votre attachement profond à l’identité de l’Alsace.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Effectivement. C’est un sujet ancien dans notre pays, éclairé par exemple par les travaux de l’historien Jean-Marie Mayeur, qui parlait au sujet de l’Alsace d’une « région mémoire ». C’est aussi un sujet récurrent, puisque le contrôleur général des finances du roi, en 1701, disait déjà dans une missive à l’intendant du roi qu’il ne fallait jamais toucher aux « usages de l’Alsace » !

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

C’est dire à quel point la tradition de valorisation et de respect de l’identité alsacienne dans laquelle vous vous inscrivez est longue. Mais le Gouvernement n’a aucunement l’intention de remettre en cause cette identité ! Il est engagé dans une démarche qui consiste à réformer les régions pour leur donner plus de force. Comme vous le savez, la carte issue de l’Assemblée nationale concernant la grande région Est a été votée à la fois par des députés de droite et de gauche.

Nous entamerons tout à l’heure avec le Premier ministre un débat au Sénat sur ce sujet : en effet, le Sénat a proposé des amendements visant à séparer l’Alsace de cette grande région. Comme le Premier ministre a eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, ce débat doit se déployer pleinement au sein de la représentation nationale.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Nous devons le laisser aller à son terme, de manière à arrêter ensemble la carte traduisant le meilleur compromis possible. Tel est l’état d’esprit du Premier ministre et celui avec lequel je vais aborder le débat de tout à l’heure.

Dernier point : le sujet fondamental, pour l’Alsace, est celui du statut de Strasbourg. Strasbourg, capitale européenne dont on ne peut pas considérer qu’elle est suffisamment grande pour être la capitale de l’Europe, pourrait voir ses atouts confortés si elle était la capitale d’une petite région.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Monsieur le ministre, soyons honnêtes, nous nous trouvons dans une situation d’échec. Vous dressiez vous-même ce constat, vendredi dernier, après l’annonce, au mois de septembre, d’une nouvelle hausse du chômage.

Pis, vous n’annoncez aucune amélioration avant la fin de l’année 2015, alors même que le chômage brise chaque jour des vies et des familles entières.

Pourtant, le 9 septembre 2012, le Président de la République promettait d’inverser la courbe du chômage en une année seulement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En vous raccrochant à votre boîte à outils, aux seuls contrats de génération et aux emplois d’avenir, vous n’avez pas lancé de véritable bataille pour l’emploi.

Mois après mois, votre échec n’en est que plus retentissant, car la hausse sans précédent du chômage n’est que la conséquence de la politique que vous menez. Nous vous avions, pourtant, fait des propositions.

Mais vous avez refusé de revenir sur la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui a porté un coup terrible au pouvoir d’achat de plus de neuf millions de Français.

Vous avez asphyxié la France d’impôts et mis l’économie à l’arrêt en vous attaquant à des secteurs vitaux pour l’emploi comme les services à la personne ou le bâtiment.

Où sont le choc de simplification, le choc de compétitivité et la grande réforme fiscale annoncée ? Vous devez adresser des messages à celles et ceux qui sont exclus du monde du travail comme à ceux qui peuvent développer l’activité.

Au groupe UDI, nous croyons aux ressources humaines de notre pays, comme nous croyons à la formation, à l’apprentissage ainsi qu’aux talents de nos chefs d’entreprise.

Alors oui, monsieur le ministre, êtes en échec. Dites-nous ce que vous comptez enfin faire pour engager une vraie bataille pour l’emploi.

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.

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La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, quel constat pouvons-nous faire ?

Depuis 1975, le produit intérieur brut de notre pays, c’est-à-dire sa richesse, a été multiplié par deux. Durant la même période, le nombre de chômeurs a, lui, été multiplié par quatre. Tout le monde y a pris sa part.

Le taux maximum de chômage – 10,8 % de la population active – a été atteint en 1996 ; il est aujourd’hui de 9,7 %. Et mon prédécesseur, en 1993, a fait baisser ce taux de 9,8 % à 9,7 %.

Face à cela, que faisons-nous ?

 « Rien ! »sur plusieurs bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Nous agissons sur deux fronts. Sur celui des entreprises d’abord, car il fallait leur redonner de la compétitivité, avec le crédit d’impôt compétitivité emploi qui nous a permis de redistribuer aux entreprises pour qu’elles reconstituent leurs marges afin de pouvoir embaucher, investir et développer l’apprentissage. Près de deux points de PIB vont ainsi être redistribués aux entreprises, parce que ce sont elles qui créent de l’emploi. J’ai également mobilisé les branches, notamment les industries métallurgiques et chimiques. Et, hier, les banques ont pris des engagements.

Nous agissons, ensuite, sur le front de l’emploi, à travers tous les dispositifs que nous avons mis en place. Grâce aux emplois d’avenir, nous avons ainsi pu limiter, voire faire diminuer très légèrement, le chômage des plus jeunes.

Il faut, vous l’avez dit, agir dans tous les domaines, qu’il s’agisse de l’apprentissage, de la formation ou de l’investissement. C’est ce que nous faisons tous ensemble : la lutte contre le chômage est une grande cause nationale.

Depuis quarante ans, le chômage ravage notre pays. Vous devriez prendre part, avec nous, à la lutte contre ce fléau.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC

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La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le ministre Macron, votre politique économique de réforme pour la relance consiste-t-elle, d’abord, à trouver des boucs émissaires ?

J’en veux pour preuve votre charge contre les pharmaciens et les notaires. Les premiers concourent directement à la sécurité médicale de Français : avec les génériques, ils font gagner – madame Touraine le sait – 2 milliards d’euros à la sécurité sociale.

Contrairement aux grandes surfaces qui s’installent en périphérie, ce sont des commerces de proximité situés en centre-ville. Les officines couvrent tout le territoire.

Les notaires assurent la sécurité juridique des Français qu’ils conseillent, eux, gratuitement.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ils assurent un service public sur tout le territoire et collectent gratuitement 22 milliards d’euros pour l’État. Une paille !

Ce n’est pas leur monopole qui coûte cher, ce sont les taxes de l’État. Partout en Europe où ce système a été prétendument libéralisé, les honoraires se sont envolés, comme aux Pays-Bas où ils ont connu une hausse de plus de 30 %.

La Chine et le Vietnam s’apprêtent à adopter notre système de notariat. Les litiges naissant à la suite d’actes notariés représentent, en France, quatre pour mille, contre 30 % en Angleterre.

Alors, monsieur le ministre, n’écoutez pas vos amis banquiers à la cervelle lavée à la mode des méthodes anglo-saxonnes !

Vous voulez faire des réformes. Je vais vous en susurrer quelques unes à l’oreille. Réformez la durée du temps de travail ! Réformez la fiscalité spoliatrice qui fait fuir les Français à l’étranger pour y créer des emplois ! Dites à vos amis et camarades gauchistes qu’ils relisent Marx, qui est lui un apologiste du grand capital !

Alors, monsieur le ministre, quand allez-vous cesser de casser ce qui marche ?

Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.

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La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Vous avez parfaitement raison, monsieur le député, d’exprimer des inquiétudes.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Je les ai prises en compte dès ma prise de fonction, puisqu’en ce qui concerne aussi bien les pharmaciens que les notaires, le projet caricatural qui aurait pu être celui du Gouvernement, et contre lequel vous vous exprimez, n’a pas été retenu. En effet, ce n’est pas ce que nous faisons.

J’ai eu l’occasion, la semaine dernière, d’échanger avec plusieurs députés, dans le cadre de la mission d’information que préside Mme Cécile Untermaier, comme je l’avait fait avec Richard Ferrand, que le Gouvernement a chargé d’un rapport sur le sujet.

J’ai pu constater qu’il pouvait y avoir, avec des parlementaires de droite et de gauche, un dialogue constructif pour l’avenir du pays, en vue de réformer ces professions réglementées.

Mais je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le député, que nous allons supprimer l’exclusivité des actes authentiques ou de la vente de médicaments en officine, parce que, nous l’avons dit, nous ne le ferons pas. Une communication faite en conseil des ministres l’a indiqué.

Je ne peux pas vous laisser dire non plus, parce que ce n’est pas le cas, qu’il s’agit d’un projet de dérégulation ou de libéralisation ou d’un projet allant à l’encontre du maillage territorial.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Cette réforme est conduite, depuis le début, monsieur le député, dans un esprit d’efficacité et de concertation(Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP), …

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

…qui consiste à réformer ces différentes professions avec les professionnels et avec les parlementaires.

Je ne peux pas davantage accepter votre argument qui consiste à dire que la France ne peux se réformer qu’en privant les plus faibles de droits ou en cassant certains droits.

Oui, une réforme des professions réglementées est possible. Les notaires, la population du notariat, l’accès à celui-ci peuvent aujourd’hui se moderniser.

Pour ne citer qu’un seul exemple, on peut faire mieux avec des moyens plus modernes et plus républicains. Nous poursuivrons ce projet, loin de la caricature que vous venez d’en faire, monsieur le député.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.

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La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. L’Assemblée nationale doit se prononcer aujourd’hui sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. Sa préparation comme sa discussion ont fait l’objet d’un travail collectif et fructueux entre le Gouvernement et la majorité parlementaire, qui partagent les mêmes objectifs et la même ambition. En voici quelques preuves : le budget de l’assurance maladie augmente de 2 % par an depuis 2012 et la part des dépenses de soins à charge des ménages a été réduite, ce qui n’a pas empêché de diviser par deux le déficit de la Sécurité sociale ! Non, le modèle français ne se suicide pas, il ne meurt pas, il ne se rend pas.

Au contraire, il sait évoluer pour satisfaire les nouveaux besoins en matière de soins ou de protection, répondre aux exigences de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, qui est la meilleure garante du dynamisme de notre natalité, et s’adapter au changement des modèles familiaux tout en répondant à la nécessité de pérenniser son propre financement, en agissant dans le présent tout en assurant les droits des générations à venir. Nous sommes fiers de nous inscrire dans une action qui ouvre de nouveaux droits, comme la suppression de certaines franchises ou l’extension du tiers-payant, qui réorganise notre système de soins dans tout le territoire, bref dans une action de réforme des outils visant à améliorer l’accès aux soins, la justice sociale, le service public et le soutien à toutes les familles.

Pouvez-vous rappeler, madame la ministre, comment prend forme l’ambition que nous partageons en matière de protection sociale dans le PLFSS pour 2015 ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

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Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Je vous remercie au nom du Gouvernement, madame la députée Marie-Françoise Clergeau, du caractère constructif des échanges que nous avons eus, avec vous-même comme avec l’ensemble du groupe socialiste et la majorité. Dans les moments difficiles que traverse notre pays, nous avons besoin d’engagement et de cohérence afin de renforcer notre socle social. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale comprend des droits nouveaux et montre à nos concitoyens que nous adaptons notre système social afin qu’il réponde toujours mieux à leurs attentes et à leurs besoins.

Grâce à vous et au travail que nous avons mené ensemble, nous supprimerons les franchises pour les Français les plus modestes dans le cadre de la politique résolue d’accès aux droits et aux soins que nous menons depuis deux ans. Grâce à vous et au travail que nous menons, nous engagerons la première étape de la mise en place du tiers payant grâce auquel nos concitoyens accéderont à des soins sans consentir d’avance financière. Grâce au PLFSS, nous mettrons en place un « plan crèche » très ambitieux grâce auquel les femmes et les hommes souhaitant être à la fois parents et professionnellement actifs pourront faire garder leurs enfants. Nous mettrons en place des mécanismes qui amélioreront le dépistage de maladies comme le sida en allant au-devant des malades dans notre pays.

Grâce au PLFSS et à l’effort collectif de la majorité, nous répondrons aux attentes de nos concitoyens tout en affirmant fortement qu’en ces temps difficiles l’exigence sociale reste plus que jamais de mise. C’est à cela qu’ensemble nous travaillons !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Joaquim Pueyo, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, depuis plusieurs mois, la grande distribution se livre à une bataille commerciale sans merci, dût-elle pousser des fournisseurs et producteurs locaux à la faillite. Les négociations annuelles de prix avec la grande distribution viennent de commencer et s’achèveront en février. Que certains distributeurs offrent des prix toujours plus bas afin de répondre aux exigences de pouvoir d’achat, on peut le comprendre, mais non l’accepter si la filière agricole doit en souffrir. En effet, les baisses de prix accordées aux consommateurs sont trop souvent compensées par une baisse du prix d’achat aux producteurs, ce qui menace de nombreuses exploitations et donc des milliers d’emplois. L’agroalimentaire réalise un chiffre d’affaires de 160 milliards d’euros et emploie 492 000 salariés, ce qui en fait un fleuron industriel français.

La guerre des prix menace particulièrement les milieux ruraux. Dans le département de l’Orne, ses conséquences sont parfois dramatiques pour les producteurs laitiers ou les éleveurs bovins et ses contrecoups bien connus menacent l’équilibre des territoires, l’emploi et la qualité de la filière agroalimentaire. L’entrée dans une spirale déflationniste, caractérisée par une baisse de la consommation puis de la production et finalement des licenciements serait dramatique pour l’ensemble des acteurs. Voulons-nous des prix toujours plus bas, au risque de sacrifier à la fois le secteur agricole et la filière agroalimentaire française ?

Il importe également de rester vigilant en matière de concentration des centrales d’achat.

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À ce propos, je me réjouis que M. le ministre de l’économie ait annoncé la saisine de l’Autorité de la concurrence. Il ne s’agit pas de stigmatiser la grande distribution ni d’en faire un bouc émissaire mais de trouver un compromis préservant l’emploi et protégeant le consommateur, en termes de pouvoir d’achat mais aussi de qualité des produits, dans l’esprit de la loi d’avenir pour l’agriculture. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de prévenir les dérives de pratiques commerciales aux conséquences désastreuses pour l’emploi et le tissu socio-économique des territoires ruraux ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

La semaine dernière, Emmanuel Macron, Carole Delga et moi-même avons réuni l’ensemble des acteurs de la filière avec ceux de la grande distribution afin de discuter du sujet que vous évoquez, monsieur le député. En une période de déflation comme celle que nous vivons actuellement, peut-on accepter que s’engagent des négociations commerciales qui accentueront la baisse des prix, sans aucune conséquence d’ailleurs, comme cela est désormais clair, sur les chiffres d’affaires des grands distributeurs ?

La discussion a d’abord permis la confrontation des points de vue ainsi qu’un changement d’état d’esprit dans ces négociations. Puis Emmanuel Macron, Carole Delga et moi-même avons annoncé un certain nombre de choses, à commencer par la saisine de l’Autorité de la concurrence que vous avez évoquée et qui fait suite aux regroupements de centrales d’achat récemment constatés.

La loi consommation ou « loi Hamon » doit être respectée et appliquée dans ses moindres détails, en particulier s’agissant de l’ouverture de nouvelles négociations en cas de modification des coûts de production. Il faut par ailleurs travailler selon des axes stratégiques, en particulier la nécessité que la grande distribution valorise bien davantage la production française. Un cahier des charges prévoyant un identifiant a été arrêté avec « Viandes de France » et la négociation en cours porte sur ce sujet. Elle porte aussi, je m’y suis engagé, sur la restauration collective, qui représente près de dix millions de repas par an. Un vade-mecum sera élaboré et transmis aux services compétents afin que le secteur de la restauration collective achète et valorise dans le cadre des marchés publics la production de produits français, en particulier les collectivités locales. Tels sont les enjeux, l’objectif et le cadre dans lequel nous nous inscrivons.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.

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L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (nos 2252, 2303, 2298).

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Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le groupe UMP votera contre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Nos collègues Bernard Accoyer et Jean-Pierre Barbier ont eu l’occasion de développer, dans leurs motions de rejet et de renvoi, les raisons qui nous conduisent à ce vote.

Lors de la discussion générale et des débats de la semaine passée, je vous ai interpellé à de nombreuses reprises sur l’absence de sincérité budgétaire et sur le caractère en trompe-l’oeil de votre projet de loi qui s’élève à 480 milliards d’euros, avec un déficit prévisionnel de 13,5 milliards d’euros. Pour quelles raisons ?

D’abord, pour le constat de votre amateurisme, tout au long des débats. De nombreux amendements, sous-amendements et même articles sont sortis de votre chapeau et n’avaient été examinés ni en commission ni par les rapporteurs.

Le constat de la scène de théâtre offerte par les deux parties de la majorité gouvernementale. Elle opposait le parti socialiste frondeur et le parti socialiste canal historique, alors que vous avez réduit les membres de l’opposition à de simples spectateurs.

Le constat, aussi, de l’échec de la lutte contre le chômage, avoué par le ministre de l’emploi lui-même, contrariant donc vos pronostics sur les recettes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Le constat du tacle administré par Bruxelles sur la construction budgétaire de notre pays, avec un déficit non maîtrisé et un retour à l’équilibre reporté à 2018 ou 2019.

Le constat troublant d’un Institut de formation des associations de malades, créé au sein de l’établissement public des Hautes études de santé publique dirigé par un membre du cabinet de la ministre. Cela est resté sans réponse.

Le constat de vos explications inaudibles et peu crédibles sur les économies de 9,6 milliards d’euros. Même le quotidien Le Monde était à la recherche de milliards égarés. « Bravo ! » sur les rangs du groupe UMP.)

Le constat, enfin, d’une supercherie, ponctionnant le secteur du bâtiment et des travaux publics d’1,5 milliard d’euros, destinés depuis quarante ans aux congés payés d’1,5 million de salariés. Vous mettez à mort les caisses des congés payés.

De plus, vous encouragez la décroissance du secteur industriel pharmaceutique en instituant pour la première fois un taux K négatif. Mais il est vrai que vous n’aimez pas l’entreprise !

Vous aggravez encore les dépenses en instituant le tiers payant et en supprimant les franchises après des études d’impact aléatoires. Encore un détricotage du passé !

Vos choix idéologiques restent très marqués par la recherche de boucs émissaires, surtout en attaquant une politique familiale qui a fait ses preuves depuis vingt ans.

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En modulant les allocations familiales en fonction des revenus, vous plumez les familles moyennes de 700 millions d’euros, après les avoir déjà ponctionnées de 3 milliards d’euros depuis deux ans.

Monsieur le secrétaire d’État, c’est un hold-up budgétaire, contraire à la promesse du Président de la République lui-même. C’est que vous n’aimez pas les familles car vous donnez un coup de poignard au pacte républicain de l’universalité des prestations sociales.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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En revanche, vous privilégiez la fonction publique en ne revenant pas sur la suppression du jour de carence pour environ 400 millions d’euros, et acceptez que l’aide médicale d’État destinée aux clandestins, aux étrangers en situation irrégulière coûte 800 millions d’euros ! Nos concitoyens jugeront cette injustice.

L’UMP fait le choix d’une autre politique, qui allie rigueur et réformes structurelles s’agissant de l’hôpital, des retraites, du fonctionnement de la protection sociale.

Plutôt que de l’applaudir, écoutez donc Jean Tirole, lauréat du prix Nobel d’économie, très inquiet de la timidité des réformes en France. Écoutez la Cour des comptes, écoutez le Haut conseil des finances publiques !

Votre projet de loi est non seulement sans ambition, mais aussi flou et plein d’acrobaties budgétaires.

Vous l’aurez donc compris : le groupe UMP ne le votera pas.

Applaudissements sur les bancs des groupe UMP et UDI.

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La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous connaissons tous l’attachement de nos concitoyens au système de protection sociale.

En 2013, 71 % de nos compatriotes estimaient pourtant que l’argent public consacré chaque année à la politique de protection sociale et de santé était utilisé de manière inefficace. Dans le même temps, 48 % d’entre eux doutaient de la capacité de notre protection sociale à améliorer la santé publique et 49 %, de sa capacité à alléger les charges liées à la présence d’enfants dans les familles. Cette dernière préoccupation prend une résonance particulière dans le débat actuel.

Les dispositions de ce projet de loi ne peuvent qu’entretenir les craintes de nos concitoyens. Quand 83 % d’entre eux, il y a quelques jours encore, placent la santé au premier rang de leurs préoccupations quotidiennes, notre conviction est que les pouvoirs publics doivent avancer des propositions d’envergure pour conforter notre protection sociale.

Or, à des attentes fortes, vous opposez des demi-mesures, sans cohérence d’ensemble, le plus souvent injustes et contre-productives. J’en veux pour preuve, par exemple, l’assujettissement des dividendes aux charges sociales. Cette disposition, qui touche de plein fouet les très petites, petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, constitue un frein supplémentaire à la prise de risque, à l’investissement et au développement sur le long terme des entreprises.

Applaudissements sur les rangs du groupe UDI.

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Dans le même temps, la situation budgétaire de la Sécurité sociale ne fait que confirmer la dérive ininterrompue des comptes sociaux. Les objectifs de réduction des déficits pour 2014 ne seront sans doute pas atteints. Le retour à l’équilibre en 2017 est compromis, tandis que les mesures d’économies pour 2015 sont très relatives, hormis pour les familles.

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Parce qu’après les retraités, les entreprises et les ménages, ce sont aujourd’hui les familles qui sont sommées d’endosser le fardeau, alors même que ce projet de loi ne comporte aucune réforme de structure sérieuse, de nature à assurer la pérennité de notre système de protection sociale.

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Ce projet de loi passe ainsi à côté d’une réforme du financement de notre protection sociale, alors que les recettes de celle-ci pèsent principalement, et donc trop, sur le travail.

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Vous vous refusez obstinément à l’introduction d’une TVA de compétitivité, dont les recettes seraient également réparties entre les baisses de charges patronales et salariales.

Ce projet de loi passe aussi à côté d’une véritable réforme de l’offre de soins, qui donne une impulsion forte au développement de la chirurgie ambulatoire et à la lutte contre les déserts médicaux. Nous attendons toujours une stratégie lisible d’une organisation territoriale de l’offre hospitalière, qui assure l’accès aux soins de nos concitoyens, favorise la complémentarité entre les établissements de santé et garantit la qualité, la sécurité et la pertinence des soins.

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Ce PLFSS passe enfin à côté d’une réforme des régimes spéciaux de protection sociale et de retraites par une extinction progressive de ces régimes qui mette enfin sur un pied d’égalité l’ensemble de nos concitoyens.

Au lieu de cela, vous portez un coup rude à notre politique familiale. L’universalité des allocations, c’est le principe fondateur, le marqueur de notre politique familiale. Il illustre le soutien de l’ensemble de la collectivité aux familles, quels que soient leurs revenus, parce que celles-ci concourent au lien entre les générations, qui est la clé de voûte de notre protection sociale.

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Savez-vous, mes chers collègues, qui déclarait en 2012 : « Je suis très attaché à l’universalité des allocations familiales ; elles ne seront donc pas soumises à conditions de ressources » ?

C’est vous, ou plutôt votre candidat à l’élection présidentielle.

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Savez-vous qui déclarait le 8 octobre dernier : « La modulation des allocations familiales est une technique pour faire des économies, un principe qui n’a pas été retenu » ?

C’est encore vous, ou plutôt le Président de la République issu de vos rangs.

Et qui s’apprête aujourd’hui à moduler les allocations familiales ?

C’est toujours vous, en revenant sur les engagements pris devant les Français et en bricolant à la va-vite un dispositif qui laisse perplexes partenaires sociaux et associations familiales, voire certains élus jusqu’au sein de votre majorité.

Y aura-t-il justement, dans cet hémicycle, une majorité pour sacrifier un pilier de notre politique familiale, au moyen d’une « technique pour faire des économies » ?

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Le groupe UDI estime qu’il y a bien des mesures à prendre, des réformes à engager, des dispositifs à expérimenter qui permettraient d’éviter un tel écueil.

C’est donc convaincus que d’autres chemins existent pour assurer l’avenir de notre Sécurité sociale que nous ne vous suivrons pas sur celui, dangereux et sans issue, que vous avez choisi.

En conséquence, le groupe UDI votera contre ce projet de budget.

Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.

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La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste.

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Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, au cours des deux dernières années, le groupe écologiste a soutenu la réduction des déficits et la maîtrise des dépenses, parce que cela semblait juste et nécessaire, dès lors que le niveau des prestations sociales était maintenu.

Mais avec le pacte de responsabilité, la logique a changé. Le Gouvernement s’est engagé dans une politique de relance qui s’est traduite par des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises, sans contreparties ni conditions. Au total, cela représente 6,3 milliards d’euros de pertes de recettes pour la protection sociale. Nous contestons ces mesures, que nous ne croyons ni efficaces ni justes.

Certes, il y a dans ce PLFSS des points que nous approuvons, comme l’instauration du tiers payant et la suppression des franchises pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé – ACS.

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Nous vous avons proposé d’aller plus loin et d’étendre ces mesures aux retraités modestes en dessous de 1200 euros, en attendant la généralisation du tiers payant et la suppression totale des franchises que nous appelons de nos voeux. Vous n’avez pas jugé bon d’abroger cette disposition instaurée par la droite et que vous aviez combattue.

Votre volonté d’assurer l’accès à un nouveau médicament contre l’hépatite C est un bon choix. Mais il faudra aller plus loin pour modérer les appétits d’une industrie pharmaceutique déjà fortement soutenue par le CICE ou le crédit d’impôt recherche.

Nous avons présenté des amendements pour sortir de la politique du tout médicament en renforçant les génériques et en évaluant mieux le service thérapeutique rendu, au plan sanitaire comme au plan économique. Le Gouvernement s’est engagé à travailler sur cette question.

Nous suivrons votre action, tout comme nous serons attentifs à l’organisation d’états généraux de la vaccination qui sont réclamés sur tous les bancs. Le débat sur le libre choix thérapeutique ou sur les adjuvants ne fait que commencer.

Les écologistes saluent aussi les dispositions de l’article 59, qui reconnaît des droits aux conjoints des chefs d’exploitation agricole ; c’est un bon signe, en attendant une revalorisation de leurs retraites.

Les moyens dévolus à l’indemnisation des victimes de l’amiante sont à peu près stables, mais nous regrettons de ne pas avoir été entendus sur la nécessité de rétablir la contribution des entreprises responsables, notamment pour tenir compte des nouvelles victimes des métiers du désamiantage.

À juste titre, c’est la politique familiale qui a donné lieu aux débats les plus agités. Il faut dire que les premières mesures annoncées avaient déclenché un tollé sur tous les bancs. Vous avez reculé et opté pour une solution de moindre mal : moduler les allocations familiales en fonction des revenus.

Ce sujet n’est pas un tabou pour nous, nous l’avons dit, mais les conditions dans lesquelles il a été abordé ne sont pas acceptables : c’est par un amendement découvert en séance que vous avez décidé de mettre fin à ce consensus national. Cela aurait mérité à tout le moins un débat sérieux, où nous aurions par exemple posé la question des allocations familiales dès le premier enfant, ou encore celle du quotient familial.

De même, vous avez annoncé une réforme par voie réglementaire du congé parental, qui, sous prétexte d’une égalité hommes-femmes que nous approuvons, amputera d’un an ce droit, faute d’une revalorisation de l’allocation réellement incitative pour le deuxième parent. En fait, ces mesures ne sont qu’un coup de rabot déguisé en modernisation de la politique familiale.

Enfin, il ne faut pas oublier l’essentiel : nous vivons une crise sanitaire sans précédent, celle des maladies chroniques, qui grève nos comptes publics. Seule une politique de prévention et de santé environnementale saura répondre à ce défi. Malheureusement, cette approche est absente du PLFSS et n’est que très timidement abordée dans le projet de loi de santé publique que vous avez présenté en conseil des ministres.

Au final, ce PLFSS comporte quelques petits pas positifs, mais surtout des mesures improvisées et impopulaires, de bien petites économies pour de gros dégâts politiques. Il est temps de sortir de cette vision purement budgétaire pour tracer les perspectives d’une politique de transformation écologique et sociale.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.

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La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le groupe des radicaux de gauche et apparentés apprécie d’avoir été entendu en ce qui concerne la politique familiale.

Murmures sur les bancs du groupe UMP.

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En effet, nous avions demandé qu’il n’y ait pas de report de la majoration des allocations familiales de quatorze à seize ans, que la prime à la naissance soit maintenue pour tous les enfants, quel que soit leur rang, et enfin qu’elle soit versée à la naissance de l’enfant, avec la première prestation liée à cette dernière. Nous sommes donc satisfaits de ces mesures, que nous réclamions.

C’est conformément à la demande du président de notre groupe et d’autres députés que le Gouvernement, par la voix de Mme la secrétaire d’État Laurence Rossignol, a finalement renoncé lors des débats à toutes les mesures que nous estimions pénalisantes pour les familles ; nous saluons son écoute attentive à ce sujet.

Toujours dans un esprit de justice sociale, nous nous réjouissons de la suppression des franchises médicales pour les patients qui bénéficient de l’aide à la complémentaire santé, comme le groupe RRDP l’avait proposé…

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… par un amendement tombé sous le coup de l’article 40, mais repris par le Gouvernement, puis un amendement sollicitant la remise d’un rapport au Parlement sur ce sujet. Nous nous félicitons que ces propositions aient reçu un écho favorable, permettant de jeter les bases d’un débat. Il s’agit là d’un marqueur fort d’une politique sociale plus juste, qui viendra renforcer notre pacte de solidarité alors même que nous nous étions fortement opposés en 2007, ici même, à l’instauration de ces franchises que nous considérions comme de véritables taxes sur la maladie. Rappelons que cette mesure, prise sous le gouvernement Fillon, a constitué une attaque très sérieuse de notre système de solidarité mettant à la charge des malades eux-mêmes le financement de leur protection sociale. Nous nous réjouissons donc qu’un gouvernement de gauche fasse le choix politique de revenir dessus, en tout cas pour partie.

En ce qui concerne le médicament, nous sommes partisans d’une industrie française du médicament performante, s’appuyant sur notre marché intérieur pour améliorer l’emploi, la recherche, en liaison avec la recherche publique, l’obtention de brevets français, qui recule d’année en année, et nos exportations.

Nous avons insisté sur plusieurs points précis concernant notamment l’article 10, relatif aux critères de répartition de la clause de sauvegarde entre laboratoires pharmaceutiques. Pour la majorité de notre groupe, il paraissait normal, suite à la politique menée par le Gouvernement et souhaitée sur les bancs de l’Assemblée, que ce soient les laboratoires pharmaceutiques dont le chiffre d’affaires a crû plus vite que le taux de progression prévu par les pouvoirs publics qui soient les plus mis à contribution par le biais de la clause de sauvegarde. Nous sommes donc satisfaits que notre proposition ait été adoptée.

Pour nous, radicaux de gauche, une politique de santé ne se borne pas à la gestion des crises sanitaires et à la surveillance des dépenses par l’instauration de nouvelles taxes s’appliquant par exemple, pour la troisième année consécutive, à l’industrie pharmaceutique. Nous devons faire preuve de courage afin de nous orienter vers une refondation nouvelle, puisque les paramètres classiques de la santé ont changé. Votre Stratégie nationale de santé, madame la ministre, est une première pierre à cet édifice qui reste à construire. Nous attendons donc avec impatience de débattre de la future loi santé dans notre hémicycle.

Nous avons également insisté sur les points relatifs à la santé contenus dans l’article 33, afin de permettre des partenariats renforcés, dans le cadre d’une convention, avec les associations investies dans le champ de la prévention et du dépistage, mais aussi des synergies autour de l’accompagnement et de l’orientation dans le soin.

Enfin, notre groupe a défendu plusieurs amendements, qui ont été adoptés, concernant le régime social des indépendants – RSI – et le renforcement des sanctions pénales existantes à l’encontre de mouvements et de personnes appelant à se désaffilier de la Sécurité sociale. Afin de lutter contre ces mouvements qui souhaiteraient mettre en cause l’universalité de notre Sécurité sociale, nous avons également proposé de simplifier les règles d’affiliation des travailleurs indépendants.

Concernant la modulation des allocations familiales, notre groupe est partagé. Certains d’entre nous estiment que cela remet en cause le principe des allocations universelles. Comme nous l’avons dit lors de la discussion générale, si le débat est ouvert, veillons à ne pas confondre politique familiale et politique sociale, et à ce que la mise sous conditions de ressources de certains revenus de transfert n’ouvre pas la voie à d’autres champs d’application.

Mais parce que ce texte comporte de bonnes mesures, parce qu’il permettra notamment la suppression des franchises médicales pour un million de Français vivant en dessous du seuil de pauvreté, l’instauration du tiers payant pour les Français les plus modestes, parce qu’il favorisera l’installation de médecins spécialistes dans les déserts médicaux et facilitera le dépistage des personnes porteuses du virus du sida, parce qu’il garantira l’accès aux médicaments innovants, les députés du groupe des radicaux de gauche et apparentés voteront en première lecture, à la quasi-unanimité, ce PLFSS pour 2015.

Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.

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Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, lors des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015, le Gouvernement a confirmé sa volonté de faire coûte que coûte des économies, quitte à porter atteinte à notre modèle social d’accès aux soins et de protection sociale.

Si le déficit de la Sécurité sociale est préoccupant, avec 15 milliards d’euros, on peut s’étonner qu’aucune mesure structurelle pour améliorer durablement les comptes de la Sécurité sociale ne figure dans ce texte.

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C’est pourtant ce que ma collègue Jacqueline Fraysse, dont je salue l’excellent travail, n’a eu de cesse de proposer dans cet hémicycle.

Au contraire, toutes les mesures proposées visent à réduire les moyens consacrés à la protection sociale, et ceci au prétexte de la nécessité de faire des économies, pour mieux masquer la réalité.

Car la réalité est que ces économies sont imposées pour financer le Pacte de responsabilité, lequel, pour la seule année 2015, représente 6 milliards d’euros d’exonérations de cotisations offertes aux entreprises, et ce sans contrepartie.

Alors, oui, des économies sont possibles, comme par exemple sur le prix de certains médicaments, oui, les dépenses de la Sécurité sociale doivent obéir au principe d’efficience, car on ne gâche pas l’argent public, mais à condition qu’aucune mesure n’entrave l’accès aux soins ou ne vienne pénaliser les familles.

Quand vous prévoyez de gagner 370 millions d’euros en un an grâce au développement de l’ambulatoire, tout en privant les hôpitaux publics, déjà surendettés, de 520 millions de ressources, quand vous projetez de réaliser 1,15 milliard d’économies grâce à ce que vous appelez « la pertinence et le bon usage des soins », on peut légitimement s’interroger sur l’incidence de ces économies sur la qualité des soins.

Enfin, quand vous décidez de réduire de 800 millions d’euros les prestations aux familles en choisissant de placer sous conditions de ressources les allocations familiales, vous allez loin dans le cynisme. D’abord, parce que c’est un mensonge flagrant de faire croire à nos concitoyens qu’il s’agit d’une mesure de justice sociale. En effet, il faut être clair : ce qui ne sera plus versé aux familles ne viendra pas aider les plus modestes, car ces 800 millions d’économies doivent financer le Pacte de responsabilité.

Si vous voulez réellement prendre des mesures de justice sociale permettant une juste redistribution des richesses, alors osez la grande réforme fiscale que vous nous aviez promise !

De plus, la décision de moduler les allocations familiales en fonction des revenus porte atteinte aux principes mêmes de la Sécurité sociale,

Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.

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qui reposent sur deux aspects essentiels : la solidarité et l’universalité.

Les allocations familiales sont universelles, précisément parce qu’elles sont attribuées à toutes les familles, quels que soient leurs revenus. En rompant avec l’universalité de ces allocations, vous voulez les transformer en un mécanisme d’assistanat pour les plus modestes.

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Or, en ces temps de crise, il est de notre responsabilité de conforter la solidarité entre les citoyens, plutôt que de prendre des mesures qui, comme celle-ci, les divisent.

S’il faut réaliser des économies pour faire face au déficit de la Sécurité sociale tout en préservant l’excellence de notre modèle social, pourquoi ne pas avoir cherché aussi, et en priorité, de nouvelles recettes ? Car elles existent. Pourquoi avoir refusé nos amendements, défendus par Jacqueline Fraysse, qui permettaient de dégager 110 milliards de recettes nouvelles ? L’un visait à réduire, à tout le moins, les exonérations de cotisations sociales patronales, qui coûtent plusieurs milliards d’euros par an et n’ont pas fait la preuve de leur efficacité ; l’autre avait pour objet de faire contribuer les revenus financiers des entreprises au même niveau que les salaires.

Pour un gouvernement qui s’est engagé à combattre les dérives de la financiarisation pour redistribuer plus équitablement les richesses, ces choix ne cessent de nous étonner. Quant à la fraude aux cotisations sociales par les entreprises, évaluée par la Cour des comptes à un montant compris entre 20 et 25 milliards d’euros, qui excède, à lui seul, le déficit de la Sécurité sociale : pourquoi votre ambition se limite-t-elle à n’en récupérer que 76 millions en 2015 ?

Finalement, ce qui n’est pas acceptable, c’est que tous vos choix favorisent le patronat au détriment du peuple, toutes catégories confondues. Madame la ministre, il est évident que, dans ces conditions, notre groupe ne peut que se prononcer contre ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

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La parole est à Mme Martine Pinville, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale que nous allons adopter aujourd’hui pérennise notre système de protection sociale, prépare l’avenir et pose les bases d’une modernisation de notre système de santé.

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La semaine dernière, lors de l’examen en séance de ce PLFSS, nous avons pu débattre largement de l’ensemble de ses mesures. Je tenais d’ailleurs à saluer la qualité d’ensemble de nos débats. Par ce PLFSS, nous maîtrisons durablement les déficits que nous avons déjà considérablement réduits grâce aux deux précédents.

En portant l’effort sur les réformes de structure, nous avons amélioré la prise en charge de tous les assurés sociaux et ce, sans déremboursement supplémentaire ni suppression de prestation. Et je tiens à rappeler, si besoin était, les contraintes budgétaires qui sont les nôtres et qui nous imposent le plus grand sérieux dans l’établissement de nos textes financiers.

Ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 contient de nombreuses mesures qui vont dans le bon sens, en particulier dans celui de l’accès aux soins. Je pourrais ainsi évoquer les dispositions destinées à préserver les hôpitaux de proximité, qui offriront un meilleur accès aux soins dans tous les territoires, ou l’élargissement des mesures incitatives pour lutter contre les déserts médicaux, ainsi que l’amélioration de l’accueil pré ou post-hospitalier, avec les hôtels hospitaliers.

Je concentrerai mon propos sur deux marqueurs de ce PLFSS pour 2015, deux mesures qui démontrent notre volonté d’aller vers toujours plus de justice sociale : l’instauration du tiers payant intégral pour tous les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé et la modulation des allocations familiales…

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Une mesure scandaleuse !

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…qui nous permettra de maintenir notre politique familiale.

Ce PLFSS met donc en place le tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé. On sait que le fait d’avancer les frais met en difficulté nombre de nos concitoyens, et cela ne doit pas être un frein à l’accès aux soins pour les Français les plus modestes. Cette mesure marque la volonté politique qui est la nôtre et que nous mettons en oeuvre depuis deux ans, celle de refuser toute mesure de transfert de charges vers les patients. De fait, il n’y a eu ni déremboursement, ni forfait, ni franchise supplémentaire.

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Ainsi, la part des dépenses de soins restant à la charge des ménages a diminué depuis 2012, passant de 9,2 % à 8,8 %, alors qu’elle avait explosé au cours du dernier quinquennat.

De plus, nous avons décidé de supprimer toutes les franchises médicales pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé.

Autre mesure de justice : la modulation des allocations familiales que nous allons adopter aujourd’hui.

Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.

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Dans un contexte économique difficile, l’effort demandé à la branche famille pour 2015 sera modulé selon les capacités financières de chaque famille. Elle ne remet donc pas en cause le principe d’universalité des allocations familiales.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Quel mensonge !

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Ne nous y trompons pas, universalité ne signifie pas pour autant uniformité.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Clergeau, rapporteure

Parfaitement !

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En aucun cas, cette modulation ne touchera les familles modestes, ce qui était notre objectif.

Je veux saluer ici le fruit d’un travail réalisé par les députés du groupe SRC avec le Gouvernement, avec vous, madame la ministre des affaires sociales, madame la secrétaire d’État, messieurs les ministres, et je vous en remercie. Notre volonté commune a permis d’aboutir à cette réforme que, pour certains, nous appelions de nos voeux depuis longtemps.

Ainsi, avec mes collègues du groupe SRC, nous voterons avec conviction, et sans états d’âme, ce PLFSS 2015

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP

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S’il vous plaît ! Calmez-vous, monsieur Chrétien !

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…courageux dans sa recherche de la maîtrise des déficits et tourné vers plus de justice sociale, en renforçant la protection des plus modestes d’entre nous.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 566 Nombre de suffrages exprimés: 515 Majorité absolue: 258 Pour l’adoption: 270 contre: 245 (Le projet de loi est adopté.)

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Marc Le Fur.

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L’ordre du jour appelle la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

La conférence des présidents a décidé que l’examen en séance des missions de la seconde partie du projet de loi de finances se déroulera en quatre phases : intervention du Gouvernement pour une durée de cinq minutes ; intervention des porte-parole des groupes pour cinq minutes chacun ; séquence de questions-réponses d’une durée de deux minutes par question et par réponse ; mise aux voix des crédits des missions et des éventuels articles rattachés.

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Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la justice (no 2260, annexe 31, avis no 2267, tomes VI à IX).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, je n’ai que cinq minutes pour m’exprimer, puisque dans cet exercice particulier le temps de parole du Gouvernement est limité ; je tâcherai néanmoins de les rendre utiles.

Puisque les rapporteurs pour avis présenteront les thématiques qu’ils ont choisies, j’aurai l’occasion de répondre plus précisément ensuite aux questions qui me seront posées. Je donnerai donc les éléments permettant de comprendre la cohérence de ce budget, qui demeure prioritaire et qui se structure autour de quatre axes.

Tout d’abord, ce budget est prioritaire car il augmente encore de 2,3 % cette année et que notre capacité de création d’emplois est maintenue à raison de 1 500 emplois pour le triennal. S’y ajouteront 350 emplois relevant des 534 emplois de résorption de l’administration pénitentiaire, où des emplois nouveaux avaient été inscrits dans les lois de finances du précédent quinquennat mais n’avaient pas été créés. Nous allons donc créer 1 834 emplois sur le triennal, dont 600 dès 2015, parmi lesquels 500 correspondent aux créations d’emplois annuelles et 100 à la résorption dans l’administration pénitentiaire. Je précise que pour 2014, 200 emplois avaient déjà été créés à cette fin.

Les quatre axes autour desquels ce budget est organisé traduisent la volonté du Gouvernement de rendre effectives et efficaces les réformes qu’il vous a présentées et que vous avez adoptées. Le premier axe correspond à la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, mais également à d’autres textes de loi, notamment celui relatif à l’hospitalisation sans consentement. Le deuxième grand axe de structuration concerne la réforme de la justice civile, dite réforme « Justice du XXIe siècle », au service des citoyens. Le troisième répond à la volonté de renforcer l’accès au droit et à la justice avec une amorce de la réforme de l’aide juridictionnelle. Le quatrième axe concerne la nécessité de reconnaître les compétences et le dévouement des personnels de justice mais aussi de moderniser nos méthodes d’action.

Je reviendrai pour commencer très brièvement sur la loi de prévention de la récidive. Nous avons exprimé notre souci de rendre efficaces les sanctions pénales, de travailler à l’insertion et à la réinsertion, tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé. Pour cela, nous renforçons le corps des conseillers d’insertion et de probation en augmentant ses effectifs de 25 % en trois ans, nous poursuivons la création de postes de magistrats – une quarantaine pour la mise en oeuvre de ce texte de loi – et des postes de greffiers qui leur seront associés. La quarantaine de postes créés correspond à la seule année 2015, puisque l’effort se poursuivra l’année suivante avec dix-sept postes de magistrats et de nouveaux postes de greffiers. Nous augmentons en outre les moyens de fonctionnement de ces services d’insertion et de probation.

Concernant notre politique d’aide aux victimes, nous avions souhaité introduire deux dispositions dans ce même texte de loi : la première visait à créer un prélèvement sur le revenu des condamnés, la seconde avait pour objet l’instauration d’une sur-amende au bénéfice des victimes ; le Conseil constitutionnel a supprimé cette dernière du texte de loi. Nous travaillons avec vous, et je vous remercie d’y contribuer aussi ardemment, à trouver une solution alternative. En tout état de cause, nous avons déjà fourni un effort appréciable, puisque nous augmentons le budget de l’aide aux victimes de 22 % encore cette année. Il était en 2012 de 10,2 millions d’euros ; nous l’avons immédiatement augmenté de 26 % pour le porter à 12,8 millions d’euros, puis de 9 % l’année suivante pour passer à 13,8 millions d’euros. Cette année, nous ajoutons donc 3 millions d’euros et il passe à 16,085 millions d’euros.

Dans le texte de la loi du 15 août figurent également des dispositions relatives à la justice restaurative, en faveur des victimes. Nous avons aussi engagé depuis janvier 2014 une expérimentation de la directive européenne Victimes, qui n’est pas encore transposée dans notre droit ; nous procéderons à son évaluation en fin d’année.

Travailler sur l’efficacité de la sanction pénale s’applique non seulement au milieu ouvert mais aussi au milieu fermé. Concernant la détention, donc, nous poursuivons notre programme de construction de 6 500 places de prison. Nous avons pour ce triennal des autorisations d’engagement pour 3 200 places supplémentaires, de façon à améliorer à la fois les conditions de travail et les conditions de détention, la priorité étant donnée aux établissements vétustes et aux outre-mer, lesquels ont été très largement et pendant longtemps négligées ; je citerai si besoin tout à l’heure les lieux situés dans l’Hexagone.

S’agissant de la réforme « Justice du XXIe siècle » », ses ambitions sont connues, nous les avons affichées : une justice plus proche, plus efficace et plus protectrice. Nous y mettons les moyens : plus de greffiers, des expérimentations lancées pour un accueil unique des justiciables, pour l’équipe autour du magistrat du parquet, ainsi que pour le conseil de juridiction, qui permettra de rassembler les partenaires de la juridiction dans la définition des politiques transversales d’accès au droit et à la justice, de médiation et de conciliation, par exemple.

Je vous disais que nous faisons un effort particulier pour reconnaître les mérites des personnes qui font vivre tous les jours le service public de la justice. Nous consacrons en effet 19 millions d’euros à la revalorisation et à l’amélioration de la grille des personnels de catégorie C ainsi que du statut et des indemnités des personnels pénitentiaires, notamment les brigadiers, les surveillants et les directeurs des services pénitentiaires. Et nous faisons un effort particulier pour les greffiers et les greffiers en chef, lequel s’étendra à partir du second semestre 2015.

Le budget de la Protection judiciaire de la jeunesse, quant à lui, est à peu près stable, mais je tiens à préciser que cela représente un effort de notre part. Cette administration avait en effet beaucoup perdu sur le précédent quinquennat ; 632 emplois en trois ans.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Dès la première année, en 2013, nous avons créé 205 emplois puis 74 l’année suivante. Au cours du prochain triennal, 160 emplois seront créés, dont 56 emplois dès 2015 pour les centres éducatifs fermés et le milieu ouvert. Surtout, nous avons résorbé de façon drastique les créances vis-à-vis du service associatif habilité, car l’État avait pris l’habitude de vivre à crédit sur les associations. Nous avions ainsi trouvé 35 millions de créances que nous avons ramenés à 6 millions d’euros.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Une dernière phrase, si vous le permettez, monsieur le président. Pour ce qui est de la modernisation de nos méthodes de travail, nous faisons un effort particulier en matière de logiciels applicatifs. Je vous donnerai des détails à ce sujet tout à l’heure si cela vous intéresse ; cela concerna l’activité tant pénale que civile, ainsi que le casier judiciaire et la gestion des détenus.

En clair, la mission « Justice » est structurée autour des quatre axes que j’ai cités au début de mon propos. Ils visent à rendre vraiment effectives et efficaces les politiques publiques définies par l’État dans le domaine de la justice, à reconnaître le mérite des personnels travaillant dans le service public de la justice. Ces politiques publiques ont donc pour objet de mettre des moyens au service des citoyens, au service des justiciables, au service des victimes et, bien entendu, au service des personnels de la justice.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Madame la garde des sceaux, ce budget que vous qualifiez de prioritaire augmente, certes, mais il ne rattrape pas pour autant le retard pris au plan européen, puisque la France, selon le récent rapport du Conseil de l’Europe, se classe au trente-septième rang des quarante-cinq pays, derrière la Géorgie et la Turquie.

Par ailleurs, si ces crédits auraient pu être tout juste acceptables à périmètre constant, ils ne peuvent être qualifiés que d’indigents compte tenu du surplus de charges que vous avez introduit par la loi du 15 août 2014. Le Conseil d’État vous a pourtant reproché l’insuffisance de l’étude d’impact qui accompagnait ce texte, pointant particulièrement la question cruciale du renforcement des moyens dans les juridictions d’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation – SPIP. Vous n’avez pas tenu compte de cette observation, puisque vous vous appuyez dans le bleu budgétaire sur cette étude d’impact erronée.

Vous inquiétez, outre les forces de sécurité, qui doutent – c’est un euphémisme – de plus en plus de l’efficacité de la réponse pénale, l’ensemble du monde judiciaire, des magistrats du siège aux conseillers d’insertion et de probation, en passant par les procureurs eux-mêmes. Alors que les parquets doivent déjà résorber leurs retards, la contrainte pénale ajoutera des audiences supplémentaires. Les juges d’application vont devoir examiner les dossiers de tous les condamnés arrivés aux deux tiers de leur peine. Pour traiter ce flux, il faudrait, d’après mes calculs, au moins doubler les commissions d’application des peines !

Les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation verront, quant à eux, leur tâche quadrupler. Comment pourront-ils en plus surveiller les personnes sous bracelet électronique et celles qui seront condamnées à des sursis avec mise à l’épreuve, pour des délits bien plus graves que ceux que vise la contrainte pénale ?

Comment garantirez-vous le suivi des condamnés qui, grâce à votre loi du 15 août 2014, se trouveront libérés prématurément ? Ce sera d’autant plus difficile que le recrutement des 1 000 conseillers de probation se fera sur trois années alors que la contrainte pénale sera, elle, pleinement effective dès cette année. Il est vrai que vous atteindrez ainsi votre objectif assumé de ne plus faire de la prison la sanction de référence, dans le droit fil de votre circulaire pénale du 19 septembre 2012 et du rapport Raimbourg, qui ne proposait rien de moins que l’application du numerus clausus en prison.

L’emprisonnement devenant l’exception, on pourrait presque s’étonner que vous prorogiez le moratoire sur l’encellulement individuel après l’avoir tant vilipendé quand vous étiez dans l’opposition. La réduction de moitié du nombre de places de prison annoncé l’an dernier – de 6 500 promises en 2014 à 2 881 prévues d’ici à 2017 – ne vous permet cependant pas d’éviter la surpopulation carcérale. Vous n’avez en fait aucun autre choix.

Vous avez affirmé en commission élargie que les propositions de notre rapporteur pour avis pour les crédits relatifs à l’administration pénitentiaire, Guillaume Larrivé, pour lutter contre l’islamisme radical en prison étaient déjà quasiment effectives. Cela nous a beaucoup surpris, car ce n’est pas du tout notre analyse. Qu’en est-il par exemple de la création d’unités spécialisées permettant d’isoler et de déradicaliser les djihadistes à leur retour en évitant leur dispersion sur tout le territoire, ou encore de la légalisation du téléphone portable en prison voulue par le Contrôleur des lieux de privation de liberté ? Voilà deux questions auxquelles vous devez apporter des réponses.

Avec la réforme de l’audition libre, vous avez encore aggravé la lourdeur procédurale qui affecte les forces de l’ordre. Les procédures peuvent représenter désormais jusqu’aux deux tiers du temps consacré au dossier contre un tiers à l’enquête, et même 40 % du temps de travail des officiers de police judiciaire. La disparition de l’indicateur du taux de réponse pénale dans le bleu budgétaire, qu’a évoquée voilà quelques jours notre collègue Étienne Blanc, traduirait-elle le renoncement de votre ministère à fournir ces données, dont ne disposent même pas les zones de sécurité prioritaires, et un aveu d’échec de l’interconnexion du logiciel Cassiopée avec les logiciels de la police et de la gendarmerie ?

Enfin, une question à 8 milliards, excusez du peu : dans quelle réforme du notariat vous engagez-vous ? Alors que vous peinez déjà à régler l’aide juridictionnelle, avec quels moyens entendez-vous indemniser les professionnels ?

Une seconde question, cette fois à 4 milliards : êtes-vous favorable à la création d’une grande profession de l’exécution rassemblant huissiers, administrateurs et mandataires judiciaires ? Comment indemniseriez-vous ceux qui y perdraient ?

Il est certain que ce budget ne donne pas à vos services les moyens d’appliquer votre propre loi, celle du 15 août 2014, alors même que les effectifs recrutés sont, depuis 2012, constamment inférieurs au plafond voté en loi de finances, un « mystère », pour reprendre vos propres termes, qui fait douter davantage encore de vos engagements.

Ce budget diminue également de moitié le nombre de places de prison à créer, annoncé pourtant l’an dernier, tout en prorogeant – comble du cynisme ! – le moratoire sur l’encellulement individuel, jusque-là très critiqué par les vôtres. Il ne relève pas non plus l’immense défi posé par la radicalisation en prison. Enfin, il est dans le déni de réalité quant au coût de la réforme des professions réglementées. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas ce budget.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec une augmentation de 1,7 % et la création de 635 emplois dès 2015, la mission « Justice » est présentée, cette année encore, comme une priorité gouvernementale. Nous prenons acte de cette hausse des moyens alloués à une mission aussi importante que celle de la justice. Pour autant, les orientations fixées par ce budget sont loin de nous satisfaire.

En premier lieu, les annonces ne suffisent pas ; elles doivent se traduire dans les faits. Or, ainsi que le souligne le rapport spécial, depuis 2013, les dotations de personnel ne sont pas en adéquation avec les créations d’emplois annoncées. L’immobilier pénitentiaire a subi de fortes annulations de crédits en 2013 et en 2014. En outre, les dotations budgétaires, en particulier celles pour les frais de justice, les moyens de fonctionnement des juridictions et l’aide juridictionnelle, ne couvrent pas les besoins.

Cette année encore, après de multiples hésitations sur la démodulation de la rétribution des avocats, à laquelle vous avez fini par renoncer, madame la garde des sceaux, le financement de l’aide juridictionnelle n’est pas assuré. On peut en outre s’étonner que l’article 56 prévoie de porter le droit de timbre dû par les parties à l’instance d’appel de 150 à 225 euros, alors même que la précédente loi de finances a supprimé le droit de timbre de 35 euros, au nom de l’accès au droit !

L’un des principaux objectifs affichés de ce budget concerne la mise en oeuvre de la réforme pénale. Au-delà de son opposition à ce texte, le groupe UDI avait souligné le caractère irréalisable de cette réforme, en l’absence de moyens suffisants pour la justice. Le projet de loi de finances ne fait que conforter nos inquiétudes. En dépit de l’augmentation substantielle, de 5,2 % par rapport à 2014, des crédits de paiement du programme « Administration pénitentiaire », la création de 300 postes d’agents pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation en 2015, en complément des 400 agents recrutés en 2014, sera nettement insuffisante, étant donné les moyens considérables qu’exige la mise en oeuvre de cette réforme.

De plus, alors que l’exécution des peines doit demeurer l’une des priorités, ce budget ne répond pas plus que le précédent au réel besoin d’augmentation du nombre de places de prison. Il faut assurer à nos concitoyens la sécurité qu’ils sont en droit d’attendre et aux détenus une amélioration de leurs conditions de détention.

La surpopulation carcérale demeure particulièrement préoccupante. Selon le rapport spécial, au 1er juillet 2014, le nombre de personnes détenues était de 68 000 environ pour une capacité opérationnelle de 57 000 places. Outre-mer, la situation est encore plus alarmante. Avec la création de 2 881 places nettes entre 2015 et 2017, l’objectif annoncé de 63 500 places ne sera pas atteint. Sous la précédente législature, la loi de programmation relative à l’exécution des peines prévoyait de porter notre parc carcéral à 80 000 places, soit 24 000 places supplémentaires à l’horizon 2017. L’actuel gouvernement a considérablement réduit ce chiffre.

En outre, la hausse globale du budget attribué à la justice ne suffit pas à masquer les diminutions que subissent notamment les crédits des frais de justice et ceux la protection judiciaire de la jeunesse, programme sacrifié de cette mission avec une baisse de 0,7 % de ses crédits de paiement.

À l’évidence, ce budget ne permet pas de répondre aux enjeux de la justice de demain que sont l’amélioration de l’exécution des peines, avec la diminution des peines de prison en attente d’exécution, la réduction des délais de traitement, dont l’allongement constant est préjudiciable au bon fonctionnement de la justice, la lutte contre la surpopulation carcérale, la baisse de la délinquance des mineurs, l’aide aux victimes et la réinsertion. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera contre les crédits de la mission « Justice ».

Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si après les hausses de 2013 et de 2014, le budget de la justice progresse à nouveau en 2015 de 2,3 %, il n’échappe pas pour autant aux logiques d’austérité et les moyens alloués à la justice restent notoirement insuffisants.

Le dernier rapport d’évaluation du fonctionnement des systèmes judiciaires européens de la commission européenne pour l’efficacité de la justice du Conseil de l’Europe, publié le 9 octobre, rappelle que la France ne consacre que 1,9 % de son budget à la justice, pour une moyenne de 2,2 % dans le reste de l’Europe. C’est pourquoi, comme l’an dernier, notre groupe porte une appréciation nuancée sur ce budget pour 2015.

Nous regrettons d’abord que, pour la troisième année consécutive, le budget de l’administration pénitentiaire soit supérieur à celui de la justice judiciaire. Sur les 528 emplois créés sur ce programme, les 100 postes de surveillant et les 128 créations nettes d’emplois pour les ouvertures ou extensions d’établissement pénitentiaire ne seront toutefois pas suffisants pour combler le manque de personnels et améliorer des conditions de travail particulièrement difficiles.

Nous regrettons en outre que la part des partenariats public- privé augmente toujours en 2015 et continue d’hypothéquer l’avenir. Ainsi, selon certaines estimations, le montant que le ministère de la justice devra consacrer à ces partenariats en 2018 atteindra plus de 300 millions d’euros, alors que la Cour des comptes s’inquiétait dès 2011 de ce coût démesuré, qu’elle estimait alors à 207 millions d’euros.

Le budget affecté à la protection judiciaire de la jeunesse est de nouveau en baisse : avec 5 millions d’euros en moins, il passe sous le seuil des 780 millions d’euros de crédits de paiement. Pour ce qui est des services judiciaires, les 94 créations d’emplois, effectuées grâce à une création nette de 49 postes et au redéploiement de 45 emplois apparaissent, là encore, largement insuffisantes.

S’agissant de l’aide juridictionnelle, le projet de loi de finances pour 2015 ouvre certes de nouvelles pistes pour un financement pérenne et prévoit la création à cet effet d’un fonds géré par le Conseil national des barreaux, coMme le souhaite la profession. Mais ces mesures, pour intéressantes qu’elles soient, ne constituent que des réponses incomplètes pour combler les besoins de financement des mesures nouvelles, amortir la hausse tendancielle du budget de l’aide juridictionnelle et assurer, enfin, une juste rétribution des avocats.

Après ces insuffisances et ces inquiétudes, je souhaiterais souligner les avancées que nous jugeons significatives. Nous nous réjouissons d’abord que la France reste l’un des seuls pays prévoyant encore la gratuité de l’action en justice. Cette exception avait connu une interruption avec l’instauration en 2011 d’une contribution pour l’aide juridique de 35 euros, heureusement supprimée en 2014, ainsi que nous l’avions demandé dès le début de la législature.

Par ailleurs, l’entrée en vigueur de la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales témoigne de la volonté nouvelle de donner du sens à la peine, prévenir la récidive et réinsérer les personnes condamnées.

Comme vous l’avez vous-même rappelé en commission élargie, madame la garde des sceaux, l’année 2015 sera aussi l’année de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, symboles d’une véritable justice des mineurs régressive, suppression que nous appelons de nos voeux et qui s’inscrira dans le cadre de la refonte de l’ordonnance de 1945, attendue de longue date.

De même, plusieurs avancées budgétaires méritent d’être soulignées : les crédits de paiement affectés à l’ouverture de nouvelles unités de vie familiale ou bien encore la revalorisation statutaire et indemnitaire dont bénéficieront les personnels administratifs et techniques de catégorie C, ainsi que les greffiers.

Enfin, nous ne pouvons que souscrire à la mise en place, d’ici à la fin de 2015, dans tous les tribunaux de grande instance, d’un bureau d’aide aux victimes pour accueillir, soutenir et orienter toutes les victimes.

Si notre appréciation sur le budget de la justice pour 2015 est nuancée, elle est néanmoins globalement positive. Au-delà des inquiétudes exprimées sur l’insuffisance des moyens alloués, nous partageons l’état d’esprit qui anime ce budget. Nous soutenons la politique qui est menée et nous apprécions, madame la garde des sceaux, le volontarisme dont vous faites preuve – en attestent la loi sur la prévention de la récidive et les réformes à venir sur la justice des mineurs. Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche voteront ce budget.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.

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La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans le cadre du PLF 2015 et du cadre budgétaire contraint de redressement des comptes publics – avec un objectif de 19 milliards d’euros d’économies pour l’État – le groupe RRDP tient à saluer l’effort consenti à l’endroit du ministère de la justice, qui plus est afin de soutenir une noble cause, l’amélioration de l’accès au droit pour le justiciable.

Il convient de noter l’augmentation de 100 millions d’euros du budget du ministère de la justice pour 2015, avec une évolution de 77 millions pour la période 2014-2017, de même que la création de 1 834 postes équivalent temps plein sur la période 2014-2017.

Cette augmentation des crédits alloués au ministère de la justice participe de l’objectif de la réforme « Justice du XXIesiècle », dite parfois J 21, mise en oeuvre par la garde des sceaux : une justice plus proche et plus protectrice des droits des justiciables. Garantir un égal accès, dans des délais raisonnables et à des coûts acceptables à l’ensemble des justiciables est un objectif essentiel, qui doit être encouragé. En ce sens, le groupe RRDP s’associe à la volonté du Gouvernement d’accroître les crédits alloués au ministère de la justice.

L’amélioration des conditions de travail du personnel de justice est une mesure efficace. L’évolution statutaire des greffiers et l’adaptation des cadres d’emplois afin de correspondre aux besoins des juridictions constituent une initiative pertinente, qui permettra d’accélérer les délais de jugement et ainsi à notre pays d’être en conformité avec les exigences des juridictions européennes sur le sujet.

Il convient de saluer aussi l’augmentation des moyens alloués à l’administration pénitentiaire, avec un relèvement du plafond d’autorisations d’emplois entre 2014 et 2015 de 946 postes équivalent temps plein – ETP. Dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, la création de 528 ETP supplémentaires est importante pour engager une politique efficace de prévention de la récidive. Ces moyens répondent aux engagements pris par la garde des sceaux en faveur de la réinsertion et de sanctions alternatives à l’incarcération. En ce sens, l’augmentation des moyens consacrés aux actions en faveur de la réinsertion ainsi que celle des effectifs doivent être encouragées.

Toutefois, la diminution des crédits alloués à la protection judiciaire de la jeunesse est inquiétante, d’autant que le mouvement est enclenché depuis la loi de finances pour 2013. Or, l’investissement dans des structures destinées aux jeunes est nécessaire pour prévenir la délinquance des mineurs et éviter la récidive. Avec une réduction de 6,3 millions d’euros en crédits de paiement pour ses dépenses d’investissement et de 4,3 millions pour ses dépenses de fonctionnement, la PJJ est mise exagérément à contribution.

Nous nous interrogeons sur la question des crédits alloués aux interceptions téléphoniques judiciaires. Si les crédits de paiement pour l’action no 2 du programme « Justice judiciaire » concernant la conduite de la politique pénale et le jugement des affaires pénales ont diminué de 13,5 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2014, le détail des dépenses couvertes par cette action ne fait plus mention des dépenses liées aux interceptions téléphoniques. Quid des dépenses affectées aux écoutes judiciaires ?

Enfin, il est important de souligner le respect des engagements pris par la garde des sceaux lors de l’examen du budget de la justice pour 2013 : la taxe de 35 euros, due par les particuliers saisissant la justice, a été, à juste titre supprimée, car elle était attentatoire au principe de libre et égal accès des citoyens à la justice. Pour toutes ces raisons, le groupe des radicaux de gauche votera les crédits de la mission « Justice ».

Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

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Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame et messieurs les rapporteurs, après des années de coupes budgétaires et de stigmatisation, le ministère dont vous avez la charge, madame la ministre, est l’une des priorités de ce gouvernement. Le fonctionnement de la justice s’en trouve amélioré, même si de grandes difficultés perdurent.

Pour rappel, le budget de la mission « Justice » pour 2013 était en augmentation de 4,2 %, avec 500 emplois créés ; la hausse en 2014 a été de 1,7 %, avec 555 emplois créés. La hausse sera équivalente en 2015, mais l’augmentation du budget se limite, pour l’essentiel, au budget de l’administration pénitentiaire.

Des points sombres demeurent. Tout d’abord, il n’y a pas d’amélioration notable des délais moyens de jugement des affaires, ce qui affecte la relation que nos concitoyens entretiennent avec la justice. Ensuite – vous en avez conscience, comme la représentation nationale dans son ensemble –, la surpopulation carcérale reste l’un des problèmes majeurs de votre ministère, malgré l’augmentation continue du nombre de places – environ 10 000 en à peine dix ans. Une part importante des créations de postes y est d’ailleurs consacrée.

Cette surpopulation a des conséquences lourdes sur la vie des détenus : promiscuité, violence, difficultés de suivi et un taux de suicide carcéral parmi les plus élevés d’Europe. Le fort taux de détention que connaît notre pays et cette surpopulation carcérale ne sont pas étrangers à ce taux de suicide : pas moins de 15,5 suicides pour 10 000 détenus en 2000 contre une moyenne de 6,7 pour l’ensemble des quarante-sept pays membres du Conseil de l’Europe.

La surpopulation carcérale se traduit par des cellules bondées et des matelas posés à même le sol. La situation est encore plus insupportable lors des grandes vagues de chaleur dans les quartiers de certains établissements au cours de l’été.

Outre-mer, où les taux d’occupation dépassent les 200 %, la situation est particulièrement dramatique. La surpopulation carcérale porte atteinte aux droits fondamentaux des détenus et rend impossible la mise en place d’un suivi effectif des personnes incarcérées.

Pour faire face à une situation budgétaire tendue, le Gouvernement propose de reporter trois mesures importantes, notamment l’abrogation des juridictions de proximité et la collégialité de l’instruction. Pour cette dernière, le projet de loi de finances pour 2014 avait prévu dix postes supplémentaires, ce qui était largement insuffisant. Aucune création de poste n’est carrément prévue cette année. Enfin, le Gouvernement propose par voie d’amendement de proroger le moratoire sur l’encellulement individuel en maison d’arrêt, lequel est ainsi reporté pour la quatrième fois en quinze ans, après la loi du 15 juin 2000, celle du 12 juin 2003 relative à la lutte contre la violence routière et la loi pénitentiaire du 25 novembre 2009, qui prévoyait un ultime report de cinq ans jusqu’en 2014.

Comme le souligne le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, plus l’encellulement individuel est reporté, moins cette mesure devient crédible. Rappelons que le principe de l’encellulement individuel en maison d’arrêt est inscrit dans notre droit depuis une loi de 1875. Il est donc temps de changer de stratégie et de mettre en oeuvre des alternatives à l’incarcération dans le droit fil de la réforme pénale que nous avons adoptée avec l’instauration de la contrainte pénale.

À ce sujet, je salue la création, comme l’an dernier, de 300 nouveaux postes de conseillers d’insertion et de probation. C’est un effort réel qui représente un rattrapage indispensable et un élément fondamental pour la réussite de la réforme pénale.

Plutôt que de reporter pour la quatrième fois l’encellulement individuel, nous vous suggérons de reprendre la proposition du contrôleur général qui visait à appliquer progressivement cette mesure en établissant des priorités et en prenant par exemple en compte l’état de fragilité de certains détenus. C’est le sens du sous-amendement que je défendrai dans la discussion.

Par ailleurs, le Gouvernement devrait faire preuve de davantage de transparence en nous communiquant davantage de chiffres. J’ai ainsi demandé en commission élargie que la représentation nationale soit informée du nombre de cellules et de leur ventilation en fonction de leur taille et du nombre de places. Il est également dommage que ne nous soient pas communiqués chaque mois le nombre de détenus en surnombre, prison par prison, ni le nombre de détenus dormant sur un matelas à même le sol.

Le taux global d’occupation masque le fait que certaines prisons ne sont pas en état de surpopulation. Par ailleurs, selon le chercheur Pierre-Victor Tournier, 1046 détenus dormaient sur un matelas à même le sol au 1er octobre, soit davantage encore que les autres années à la même époque. Que compte faire le ministère pour mettre fin à cette situation ? Enfin, loin des fantasmes et des déclarations inutilement alarmistes dont certains se sont fait une spécialité concernant l’endoctrinement en milieu pénitentiaire, je m’étonne que le projet de loi de finances pour 2015, contrairement aux deux années passées, ne prévoie aucun poste d’aumônier musulman supplémentaire alors que le déficit d’aumôniers musulmans est problématique, l’islam étant le deuxième culte dans notre pays.

Notre vigilance, madame la ministre, reste entière, surtout dans un contexte où le budget de l’État est très contraint. Il n’en est pas moins vrai, comme l’a rappelé notre collègue Marc Dolez, que nous avons conscience à la fois des progrès accomplis et des changements politiques à apporter pour sortir du tout-carcéral et du tout-répressif, mais aussi de la priorité que représente la justice pour ce Gouvernement. C’est pourquoi, pour la troisième année consécutive, le groupe écologiste votera votre budget.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le budget de la mission « Justice » pour 2015 augmente par rapport à l’année précédente, pour la troisième année consécutive, répondant ainsi à l’engagement de notre Président de la République d’élever la justice au rang d’objectif prioritaire du quinquennat.

La majorité des programmes de la mission « Justice » bénéficient de cette augmentation. Les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » affectés à l’action « Aide aux victimes » augmentent. Ils permettront de généraliser les bureaux d’aide aux victimes au sein des tribunaux de grande instance, ce qui est nécessaire à l’accompagnement psychologique et matériel des victimes. Il en est de même de l’aide juridictionnelle. Cette revalorisation était indispensable : elle vise à garantir l’exercice réel d’un droit fondamental, l’accès à la justice des plus pauvres, de ceux qui rencontrent de multiples difficultés, tout en permettant de revaloriser l’indemnité versée aux avocats dans le cadre de leur intervention au titre de cette aide. Il faudra poursuivre dans cette voie en 2016 mais je tiens d’ores et déjà à remercier Jean-Yves Le Bouillonnec pour le travail qu’il a accompli.

La hausse des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » permettra de créer des postes équivalent temps plein nécessaires pour appliquer les réformes en cours.

Le programme « Administration pénitentiaire » profite, quant à lui, d’une forte augmentation de ses crédits pour 2015 afin de tirer les conséquences de la réforme pénale que nous avons votée. Les services encadrant les outils de réinsertion doivent logiquement être renforcés. C’est ce que fait le budget 2015 en permettant que de nombreux personnels soient engagés, tant dans les prisons qu’au sein des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Bien que le programme « Justice judiciaire » diminue quelque peu, le nombre d’équivalents temps plein dans la justice judiciaire progresse légèrement. Les greffiers en sont les premiers bénéficiaires, avec de surcroît une revalorisation de leur point d’indice, ce dont il faut se féliciter. Remarquons d’ailleurs que l’été dernier, à Châlon-sur-Saône, le mouvement qu’ils avaient engagé pour faire valoir leurs légitimes revendications ne les a pas empêchés d’assurer la continuité du service public. Les frais de justice qui participent au fonctionnement même de notre service public augmentent aussi pour 2015. C’est important de le souligner.

Quant aux magistrats, leur nombre, aujourd’hui insuffisant dans nos territoires, devrait augmenter légèrement. Reste toutefois toujours posée la question de la vacance constatée de nombreux postes et les moyens à adopter pour y remédier.

Ce budget va dans le bon sens. Nous avons conscience du travail qu’il nous reste à accomplir mais c’est un budget de reconstruction après dix ans de réductions budgétaires qui avaient conduit la France en 2010 à ne se classer en ce domaine qu’au trente-septième rang sur quarante-trois États européens.

Notre groupe votera ce budget.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.

Nous commençons par les questions du groupe UMP.

La parole est à M. Yannick Moreau.

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Ma question concerne le financement de la justice des mineurs, en particulier sa mise en oeuvre à l’aune du projet de loi annoncé pour 2015. Les mineurs d’aujourd’hui représentent à eux seuls 18,8 % de la délinquance et 50 % des personnes mises en cause dans les faits de violences aux personnes et de vols violents. Ils sont de plus en plus précoces et nombreux à réitérer leurs actes – plus de la moitié, 53 %, comptabilisant sept infractions par personne.

Alors que la réponse pénale pèche par sa lenteur avec un délai moyen de dix-huit mois entre les faits et le jugement et que l’évolution de cette délinquance appelle une réforme de l’ordonnance de 1945, le projet de loi que vous devriez présenter au premier semestre 2015 prévoit de supprimer la sanction en instaurant la césure du procès comme un principe de la justice des mineurs. Nous confirmez-vous vos intentions évoquées par la directrice de la Protection judiciaire de la jeunesse d’établir l’impunité pour les délinquants de moins de 13 ans, de rendre automatique la césure du procès et donc hypothétique la peine, d’étendre la justice des mineurs aux majeurs, et de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs créés en 2011 afin de juger les mineurs âgés de plus de 16 ans auteurs de délits graves commis en situation de récidive et punis d’au moins trois ans de prison ? Allez-vous prendre ces mesures alors que les violences aux personnes occasionnées par des mineurs ont augmenté de 48 % ces dix dernières années ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Quel roman, monsieur le député, mais surtout, quel mauvais roman ! Bien évidemment, vous citez des chiffres complètement faux. Peu importe que vous l’ayez fait de bonne foi ou non, le résultat est le même. Puisque vous abordez le sujet, je vous confirme que la Chancellerie travaille depuis plusieurs mois à la révision de l’ordonnance de 1945, rendue incohérente par l’introduction de trente-sept modifications, ce qui est dénoncé par les professionnels eux-mêmes, confrontés à de réelles difficultés pour l’appliquer. Ils réclament tous plus de lisibilité, plus de cohérence et surtout plus d’efficacité.

Figurez-vous, monsieur le député,que la césure du procès pénal permettra que l’audience se tienne rapidement et qu’une décision soit prise avec célérité. Je vous rappelle par par ailleurs que les budgets successifs que nous vous avons soumis ont permis de créer, pour la Protection judiciaire de la jeunesse, dès la première année, 205 postes d’éducateurs de façon que tout auteur d’un acte de délinquance soit pris en charge très rapidement. Vous-mêmes aviez fait adopter une loi rendant impérative une prise en charge dans les cinq jours mais n’aviez pris aucune disposition pour rendre cette disposition effective puisque vous supprimiez dans le même temps, en trois ans, 632 emplois à la Protection judiciaire de la jeunesse. Nous, nous faisons l’inverse : nous recrutons et nous travaillons efficacement. La césure du procès ne signifie nullement impunité mais au contraire efficacité.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Elle permettra d’assurer la célérité d’une audience tout en prenant le temps nécessaire pour définir la culpabilité, prendre en compte la victime, décider des mesures d’accompagnement à son profit et prononcer la sanction.

Si vous interrogez les professionnels, ils vous diront exactement le contraire de tout ce que vous avez affirmé. Nous sommes soucieux de cela : un texte de loi clair, limpide, cohérent, efficace, lisible. Et comme nous aimons les résultats et que nous faisons le pari de l’efficacité, nous avons prévu que ce dispositif soit évalué avant de revenir devant la représentation nationale montrer la différence entre vos politiques et les nôtres.

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Sans esprit polémique, madame la garde des sceaux, la réforme pénale que vous avez fait voter est entrée en vigueur dans la précipitation, sur fond d’inquiétude quant à l’absence de moyens, à telle enseigne que le syndicat des cadres de la sécurité intérieure a manifesté devant le palais de justice de Paris contre ce texte. Cette loi, avec notamment ces deux dispositions majeures que sont la contrainte pénale et la transaction pénale, a transformé la police judiciaire en service de probation et les policiers en agents d’exécution des peines. C’est un transfert de charge de la justice sur la police sans budget ni moyens nouveaux.

De son côté, l’Union syndicale des magistrats, qui n’avait jamais montré d’hostilité à ce texte, a elle-même dénoncé une usine à gaz et s’est demandée si les auteurs de cette loi étaient déjà allés en juridiction. Vous avez promis, madame la garde des sceaux, de créer 1 000 postes dans les services d’insertion et de probation jusqu’en 2016. À ma connaissance, un peu moins de 400 conseillers sont actuellement en formation et seulement 300 seront opérationnels en 2015.

Tous les maillons de la chaîne pénale sont plus que sceptiques. En effet, le nombre de contraintes pénales pourrait s’élever entre 8 000 et 20 000 par an, d’après vos estimations. La sécurité des Français est en jeu, madame la garde des sceaux, même si votre collègue de l’intérieur a tenté de rassurer les forces de sécurité sur la mise en application de votre loi.

Quelles garanties budgétaires pouvez-vous assurer pour la mise en oeuvre effective de la réforme pénale ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le député, je suis surprise par la façon dont vous traitez les décisions de la représentation nationale. Il se trouve en effet que les deux dispositions que vous avez citées ont été introduites par l’Assemblée nationale et confirmées au Sénat. Le Gouvernement respecte infiniment la représentation nationale et s’incline devant le choix des parlementaires. Nous reconnaissons volontiers que le travail accompli par Dominique Raimbourg, vice-président de la commission des lois, ainsi que par l’ensemble des commissaires aux lois et des députés qui se sont mobilisés sur le sujet, est d’excellente qualité et qu’il a ajouté force et cohérence au projet de loi.

Quant aux moyens, ils sont sans commune mesure avec ceux que vous avez votés pendant dix ans. Faute de moyens, vous étiez d’ailleurs contraints de voter sans cesse de nouveaux textes de loi pour finir, à la fin du deuxième quinquennat, par en voter un dernier qui portait une injonction totalement contradictoire par rapport à la centaine de dispositions que vous aviez prises visant à réformer le code pénal et le code de procédure pénale.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous faisons le contraire : nous tirons les conséquences des textes précédemment votés, y compris par l’ancienne majorité, en proposant les moyens d’en assurer l’effectivité. Pour ce qui concerne la mise en oeuvre de la loi du 15 août, vous savez qu’un certain nombre de dispositions sont entrées en vigueur le 1er octobre 2014 mais que d’autres, que vous critiquez, n’entreront en vigueur qu’en janvier 2015, justement parce que nous avons voulu nous assurer que tout serait en place afin d’assurer l’efficacité des dispositions de ce texte.

Pour le reste, monsieur le député, vous semblez ne pas entendre ceux des syndicats de police qui savent en quoi consiste leur rôle de contrôle des obligations en cas d’infraction avérée en milieu ouvert. En la matière, tous les moyens requis sont mis en place. La loi du 15 août 2014 innove en prévoyant que le Gouvernement présente dans deux ans un rapport d’évaluation sur la mise en oeuvre de ses dispositions. Je ne doute pas que vous serez alors ravi de vous exprimer pour juger de leur efficacité !

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La parole est maintenant à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe SRC.

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Ma question, madame la garde des sceaux, porte sur la construction de prisons. Parmi les multiples critiques qui vous sont adressées, il vous est reproché de ne pas vous intéresser à la prison – et même de vous en désintéresser. C’est assez étrange, car le budget de la justice prévoit des constructions de prisons. Pouvez-vous donc nous détailler les constructions envisagées ?

Cette question des prisons est au coeur d’une polémique avec l’opposition, dans laquelle il vous est reproché d’avoir abandonné le projet de constructions qui aurait permis de propulser notre parc pénitentiaire à un total de 80 000 places. Lorsque ce projet a été présenté, nous avions dit de ces 24 000 places supplémentaires qu’elles étaient des « places fantômes ». En effet, elles devaient être construites grâce à un argent que nous ne possédions pas et payées par des loyers dont nous n’avions pas le premier sou et, de surcroît, elles étaient destinées à des détenus qui n’existaient pas à l’époque à laquelle le projet a été conçu, soit deux mois avant l’élection présidentielle.

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Pouvez-vous faire justice de l’accusation selon laquelle vous auriez abandonné ce projet ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Vos propos, monsieur le député, sont une succession de vérités…

Rires.

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Souhaitez-vous que nous vous laissions entre vous ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

… avérées et vérifiées par tous ! Il est vrai que ce projet avait été adopté en avril 2012, peu de temps avant la fin du précédent quinquennat.

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Vous l’avez déjà dit ! Nous ne sommes pas sourds !

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Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous ne cessez de répéter vos accusations ; il nous faut donc répéter la vérité.

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On écoute la réponse de la garde des sceaux, chers collègues !

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Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce programme de 80 000 places devait coûter 3,5 milliards d’euros ; pas un euro n’était pourtant prévu. Ni le Gouvernement ni la majorité actuelle ne font de la politique de cette manière. Au contraire, nous menons une politique de clarté, de transparence et de vérité. Lorsque nous devons renoncer à des programmes, nous expliquons les raisons qui nous y ont poussés. Nous traitons le budget de l’État et les documents publics qui y sont liés – et qui constituent une référence pour les citoyens – avec le plus grand respect. C’est pourquoi nous n’inscrivons aucune dépense qui ne soit financée par une recette équivalente.

Je saisis cette occasion pour répondre aux reproches pour le moins subjectifs qui me sont faits sur la question des effectifs, dont M. Goujon prétendait qu’elle était entourée de « mystère ».

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce mystère, nous l’avons percé : dans les lois de finances du précédent quinquennat, vous aviez inscrit dans l’administration pénitentiaire 534 postes que vous n’avez jamais créés ! En plus des 500 postes supplémentaires que nous créons chaque année, nous avons, quant à nous, décidé de combler en trois ans ces 534 postes manquants…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

… afin de renforcer les équipes dans les coursives et de faire en sorte que les conditions de travail en milieu carcéral soient plus satisfaisantes, plus efficaces et plus respectueuses du personnel.

Nous construisons donc des places. Nous avons annoncé et financé un programme de 6 500 places supplémentaires, dont la construction est en cours, cependant que nous allons fermer des places vétustes. En outre, monsieur Fenech, je vous informe que nous inscrivons pour les trois prochaines année 1 milliard d’euros en autorisations d’engagements afin de financer 3 200 places supplémentaires nettes, compte tenu de la fermeture des places vétustes. J’insiste : ces places supplémentaires sont intégralement financées ! Je comprends que cela représente pour certains un véritable choc culturel.

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Le mystère n’est toujours pas résolu pour les années 2012 et 2013 !

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La parole est à M. Gilbert Collard, au titre des députés non inscrits.

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Je ne doute pas, madame le garde des sceaux, que vous me répondrez avec la même satisfaction verbale qui chaque fois vous anime : « clarté », « transparence », « vérité »… Nous ne pouvons qu’être saisis par la poésie de votre rythme et de votre verbe.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

N’en jetez plus !

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J’aurai beau en jeter davantage, rien ne satisfera jamais votre insatiable ego !

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Allons ! Vous trouvez cela méchant ? Comme si nous n’avions pas tous ici le même ego ! Je reconnais, madame le ministre, que nous avons peut-être le même ego, mais il y aura bien du chemin à parcourir avant que je le comble autant que vous !

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J’en viens à ma question. Il est évident que notre justice est lente, nos tribunaux engorgés et nos prisons surpeuplées. À Laval, une juridiction n’avait même plus de timbres pour poster ses courriers. Or, je constate dans le « bleu » budgétaire de la justice que le nombre de magistrats en juridiction passe de 9 174 en 2014 à 9 125 en 2015. Redevons sérieux : il s’agit de chiffres – et d’une baisse de 49 emplois. Les effectifs du personnel des juridictions, quant à eux, passent de 31 640 en 2014 à 31 641 en 2015, soit un fonctionnaire de plus, tous corps et tribunaux confondus ! En page 43 du document précité, on apprend que quarante magistrats seront affectés à la mise en oeuvre de la loi relative à la prévention de la récidive.

En toute franchise, nos palais de justice sont voués à devenir des masures ! Je n’ai rien contre un budget a priori, mais comment espérez-vous lutter contre la surpopulation carcérale, les retards de décision et l’encombrement des juridictions avec un budget pareil ? Voilà ma question, qui est directe sans être méchante. J’ose espérer que vous me répondrez chiffres en main et de manière aussi directe – et attention à mon ego !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

J’aurai les plus grandes peines à trouver quelque chose de commun avec vous, monsieur le député.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous m’offrez cependant l’occasion de faire le point sur les effectifs de nos juridictions, ainsi que dans l’administration de la Protection judiciaire de la jeunesse et dans l’administration pénitentiaire.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

J’y viens justement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Sans doute a-t-il du mal ; c’est sans importance. Sur les trois dernières années, nous avons créé 500 emplois par an.

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Tournez-vous au moins vers moi pour me répondre ! Je vous ai parlé correctement !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

En 2012, nous avons trouvé une situation où, selon les estimations que nous avons faites avec l’aide du ministère des finances et du budget, 1 400 départs en retraite étaient à prévoir pendant le quinquennat. Puisqu’ils n’avaient été ni anticipés, ni préparés, nous déployons donc un effort soutenu de créations de postes. Depuis le début du quinquennat, nous avons créé 500 postes par an – effort que nous poursuivrons sur le triennat. Compte tenu des postes qui n’ont pas été ouverts sous le quinquennat précédent,…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

… il est naturellement arrivé que des magistrats parvenus à l’âge de la retraite quittent leurs fonctions, ce qui explique pourquoi le solde des effectifs était chaque année négatif. À partir de 2015, le solde redeviendra positif grâce à l’effort soutenu que nous avons consenti : dès 2013, nous avons ouvert environ 300 postes par an. Le temps de formation des magistrats étant de 31 mois, les départs qui n’avaient pas été anticipés demeurent supérieurs aux entrées jusqu’en 2015, date à laquelle, je le répète, le solde redeviendra positif.

En clair, il n’y a donc aucune comparaison possible entre le précédent quinquennat d’une part, au cours duquel la priorité accordée à la réduction générale des politiques publiques a conduit à supprimer des postes dans toutes les administrations et dans tous les ministères et à ne pas remplacer un départ en retraite sur deux et, d’autre part, ce Gouvernement – et le ministère de la justice en particulier, qui crée 500 emplois par an, en plus des 500 postes créés cette année pour résorber des postes manquants dans l’administration pénitentiaire.

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J’appelle les crédits de la mission « Justice », inscrits à l’état B.

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La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l’amendement no 116 .

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Cet amendement vise à modifier les autorisations d’engagement et les crédits de paiement inscrits. Je propose de retirer les 35 millions d’euros affectés aux salaires et charges des magistrats de la Chancellerie, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, les magistrats ont pour mission de juger, et non de devenir des bureaucrates. Ensuite, il me paraît incompatible avec l’idée d’indépendance qu’un magistrat puisse dans un temps exercer dans un ministère et, dans un autre temps, quand les conditions politiques ne sont plus les mêmes, exercer dans une juridiction.

Je souhaite que cette somme de 35 millions d’euros soit affectée aux magistrats qui siègent dans les juridictions – autrement dit, aux magistrats qui font leur métier de juge et qui ne s’apparentent pas à des magistrats politiques – car ils ont besoin d’aide. Quant au solde, il devrait être affecté aux surveillants de prison.

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La commission des finances n’a pas examiné cet amendement qui vise à transférer 35 millions d’euros de crédits de personnel du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » vers le programme « Justice judiciaire » d’une part et le programme « Administration pénitentiaire » de l’autre – à parts égales, soit 17,5 millions dans chaque cas. Cette ponction représenterait 26,6 % des crédits de rémunération du titre 2 du programme-soutien, pour 520 emplois en moyenne. Cette modification nous est apparue brutale et déraisonnable ; à titre personnel, j’y suis donc défavorable.

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Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis. Il me semble utile de rappeler que les magistrats qui travaillent en administration centrale ne font pas de politique : les administrations de l’État sont composées de fonctionnaires qui exercent leurs tâches avec compétence, professionnalisme et rigueur. Les magistrats qui exercent dans l’administration – soit à la direction des affaires criminelles et des grâces, soit à la direction des affaires civiles et du sceau – contribuent à la grande qualité et à la tenue rédactionnelle des textes de loi qui vous sont présentés. Contrairement à ce qui est indiqué dans cet amendement, le budget qui sert à les rémunérer n’est pas de 35 millions d’euros, mais de 25 millions. Et contrairement à ce qu’a prétendu M. le député, les créations d’emploi concerneront les juridictions et non l’administration – bien au contraire, puisque le nombre d’emplois y sera réduit.

Les magistrats des juridictions travaillent avec le plus grand sérieux. De même, certains magistrats sont détachés dans diverses instances, y compris les institutions européennes, où ils font rayonner le droit et où ils contribuent à propager l’esprit de justice et l’état de droit dans la société et à en inspirer tout une série de décisions.

Pour toutes ces raisons, et parce qu’il faut réhabiliter le travail de très grande qualité que fournissent les magistrats, qu’ils exercent en juridiction, dans l’administration ou dans d’autres structures, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

L’amendement no 116 n’est pas adopté.

Les crédits de la mission « Justice » sont adoptés.

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J’appelle maintenant l’article 56, rattaché à la mission »Justice ».

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Je suis saisi de deux amendements, nos 47 et 48 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour les soutenir.

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Ces deux amendements visent à ce que ne soit ni augmenté ni prolongé le droit de timbre dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel.

Ce droit, instauré en 2011 pour financer la fusion des professions d’avoué et d’avocat, devait initialement être perçu jusqu’en 2018. Une première prolongation a été prévue dans le projet de loi de finances pour 2013 par le biais d’un amendement déposé tardivement. L’article 56 prolonge la perception de ce droit jusqu’en 2026 et augmente le montant du timbre en le faisant passer de 150 à 225 euros.

Le droit de timbre en appel constitue une charge lourde pour les justiciables et un frein dans l’accès à la justice. Il est d’autant plus injuste qu’il est versé tant par l’appelant que par l’intimé, même si ce dernier a obtenu gain de cause en première instance.

En 2012, dans sa réponse au Syndicat de la magistrature, le candidat François Hollande indiquait qu’il faudrait supprimer le droit de timbre en première instance et en appel une fois le budget de l’aide juridictionnelle abondé. C’est ce que prévoit l’article 19 du présent projet de loi de finances.

J’ajoute que le droit de timbre en première instance a été abrogé dans le projet de loi de finances pour 2014. Dès lors, il n’y a pas lieu d’augmenter et de prolonger ce droit pour l’appel.

L’amendement no 47 vise à supprimer l’article 56.

Quant à l’amendement no 48 , de repli, il ne tend à supprimer que l’augmentation du montant du droit de timbre.

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Ces amendements n’ont pas été examinés par la commission des finances. Je m’exprimerai donc à titre personnel.

Sur le fond, le droit de timbre pose un véritable problème politique. En effet, le Président de la République et la Chancellerie ont affirmé qu’il constituait une véritable entrave pour les justiciables voulant accéder à un service judiciaire qui ne leur coûte rien.

Cela étant dit, l’engagement a été pris, tant par le précédent que par l’actuel gouvernement, d’indemniser les avoués ayant perdu leur charge du fait de la fusion de leur profession avec celle d’avocat. Il est évident que les avoués doivent être indemnisés et cette indemnisation s’appuie sur le droit de timbre. À titre personnel, je suis défavorable à ces amendements, dans la mesure où le droit de timbre assure le respect d’un engagement de l’État.

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La parole est à M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’accès au droit et à la justice et l’aide aux victimes.

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Le Gouvernement propose d’augmenter le montant du droit de timbre et d’en prolonger de trois ans la durée de perception pour répondre au déséquilibre du Fonds d’indemnisation de la profession des avoués – FIDA – créé par la loi du 25 janvier 2011 et dont les besoins ont considérablement augmenté.

Voici quelle était la conclusion du rapport rédigé par le sénateur Patrice Gélard sur la réforme portant suppression de la profession d’avoué : « Les incertitudes qui planent sur la réforme sont encore nombreuses : incertitude financière, la recette envisagée pour la financer étant manifestement sous-calibrée ».

Deux options étaient alors possibles. La première consistait à augmenter le droit de timbre sans allonger la durée de perception, mais elle avait un inconvénient majeur : elle aurait exigé une augmentation très significative du droit, le portant à 280 euros. Cette option a donc été écartée.

La seconde option consistait à allonger la durée de détention du droit sans en augmenter le montant. L’inconvénient était qu’il aurait fallu prolonger le droit de timbre jusqu’en 2031 au moins, ce qui aurait généré d’importants frais financiers dus au paiement d’intérêts à la Caisse des dépôts et consignations qui gère le Fonds et a consenti les avances nécessaires pour indemniser les avoués. Le coût pour les finances de l’État aurait été de 35 millions d’euros. Cette option a, elle aussi, été écartée.

C’est une solution médiane qui a été retenue : elle consiste à combiner l’augmentation du droit de timbre et l’allongement de trois ans de sa durée de perception.

Enfin, comme je l’ai indiqué en commission la semaine dernière, le montant de ce droit de timbre est bien inférieur au coût moyen du recours à un avoué, qui était souvent bien supérieur à 900 euros. Cela représente donc une économie pour les personnes qui relèvent appel des décisions de première instance.

Cette solution médiane n’empêchera pas le recours des justiciables aux procédures d’appel, bien au contraire, et permettra d’indemniser les avoués sans peser trop lourdement sur les finances de l’État. Donc, avis défavorable aux amendements.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Les arguments ont, pour l’essentiel, été développés par les rapporteurs.

Dans un premier temps, j’étais réticente à l’idée d’augmenter le montant du droit de timbre, mais nous avons étudié la question de très près.

Ce droit permet d’alimenter le FIDA et de rembourser à la Caisse des dépôts et consignations le prêt qu’elle a consenti à l’État pour indemniser les avoués.

Il se trouve que le gouvernement précédent avait décidé de supprimer la profession d’avoué sans procéder à l’indemnisation. L’accumulation de contentieux judiciaires qui n’ont pas été maîtrisés a priori a généré un besoin quant au montant global de l’indemnisation des avoués et a conduit à la création de ce timbre.

Face à cette contrainte, nous n’avions donc pas d’autre choix. Je rappelle, d’une part, que les personnes qui relèvent de l’aide juridictionnelle sont dispensées de ce timbre et ne sont donc pas concernées ; d’autre part, que si une augmentation de 50 % peut paraître importante, elle n’en est pas moins marginale par rapport aux frais qui doivent être honorés en cas d’appel – le montant des honoraires versés se situe dans une fourchette entre 3 600 et 8 000 euros. Il ne faut pas oublier non plus que les frais d’avoué s’élevaient en moyenne à 900 euros, comme l’a rappelé M. le rapporteur pour avis.

Enfin, la durée de perception de ce droit est limitée puisqu’elle devrait s’achever en 2023.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

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La suppression du métier d’avoué n’avait pas été préparée budgétairement par l’ancienne majorité, mais nous avions l’habitude de voir celle-ci engager des projets sans en prévoir le financement.

Cela dit, à l’instar de ce qui se passe pour l’encellulement individuel, on peut craindre que cette prolongation n’en annonce d’autres. Tenant compte des engagements qui avaient été pris, j’ai donc proposé ces amendements, mais puisque Mme la ministre nous dit que la prolongation prendra réellement fin à la date indiquée, j’accepte de les retirer.

Les amendements nos 47 et 48 sont retirés.

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La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 150 .

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Madame la ministre, lorsque vous étiez dans l’opposition, vous aviez critiqué l’augmentation de 35 euros de la contribution destinée à financer l’aide juridictionnelle. Mais aujourd’hui vous faites beaucoup plus, sinon pire, en portant à 225 euros le droit de timbre pour interjeter appel. Où sont passés les discours généreux sur l’entrave au droit fondamental d’accès à la justice que constitue le droit de timbre ?

Sans compter que le seuil de ressources fixé pour bénéficier de l’exonération fiscale est quasiment équivalent au seuil de pauvreté – 956 euros par mois pour un célibataire, soit beaucoup moins que le SMIC.

Vous avez par ailleurs déjà allongé la durée de perception de ce timbre en la portant à 2023 dans le projet de loi de finances pour 2013, et vous vous apprêtez à la reporter en 2026.

Comme l’a indiqué le rapporteur spécial Étienne Blanc, le droit de timbre visait à absorber le coût de l’indemnisation des avoués, mais il ne doit pas constituer un financement pérenne du budget de la justice, or nous avons l’impression d’aller dans cette voie.

Par cet amendement raisonnable, de compromis, proposé par notre collègue Guy Geoffroy, nous ne demandons pas la suppression de l’article 56 car nous sommes conscients de la nécessité d’assurer le financement du FIDA, mais nous souhaitons que vous conteniez la hausse prévue et que vous vous engagiez solennellement à supprimer ce droit de timbre lorsque l’indemnisation des avoués sera effectuée.

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Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances, mais il fait montre de modération puisqu’il vise à porter le montant du droit de timbre à 185 euros, au lieu de 225. Je ne doute pas que Mme la garde des sceaux appréciera cet esprit de modération dont ont fait preuve les signataires de l’amendement…

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Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Si inhabituel !

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Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Suis-je censée être tétanisée par cet inhabituel esprit de modération, monsieur le député ? C’est vous qui faites procès…

J’émets un avis défavorable à cet amendement. Monsieur le député, le gouvernement précédent, et ce n’est pas lui faire querelle, a décidé la suppression de la profession d’avoué sans prévoir d’indemnisation ; il ne l’a donc pas budgétée. Depuis, chaque année, il manque au moins 20 millions d’euros pour faire droit aux indemnisations prononcées par les juridictions. Et pour l’année 2014, ce sont 30 millions d’euros qui manquent.

Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Nous avons pris la décision de prolonger la durée de perception du droit de timbre de trois ans pour les besoins du FIDA et de l’aide juridictionnelle. Tel est l’engagement du Gouvernement et la réalité des dispositions budgétaires. Vous ne pouvez pas comparer ce droit avec la contribution de 35 euros qui entravait effectivement l’accès au droit et à la justice et que nous avons eu à coeur de supprimer, dans un souci de justice sociale, après avoir mesuré dans plusieurs juridictions une baisse objective du nombre des recours à la justice depuis son instauration.

Ce droit de timbre, qui intervient en appel, est d’une autre nature et je vous rappelle que 225 euros ne sont rien comparés au montant des honoraires réglés pour introduire une procédure d’appel, qui vont de 3 600 à 8 000 euros. Ce que nous faisons est parfaitement mesuré et n’entrave en rien l’accès à la justice.

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La parole est à M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis.

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La réforme a supprimé 430 avoués. Certains ont été indemnisés, d’autres, qui arrivaient en fin de carrière, n’ont pas repris d’activité, et d’autres encore ont retrouvé la profession d’avocat qu’ils avaient pour certains abandonnée ou exercée pendant un temps. Mais j’aimerais que nous ayons une pensée pour les 1 800 salariés, dont un grand nombre sont restés sur le carreau. Nous avions évoqué en son temps la possibilité d’intégrer certains d’entre eux dans les effectifs de la magistrature, en particulier dans les services des greffes. Cette question mérite d’être étudiée à nouveau. Avis défavorable.

L’amendement no 150 n’est pas adopté.

L’article 56 est adopté.

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La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 174 .

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Cet amendement vise à différer l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007 prévoyant la collégialité systématique de l’instruction, qui devait intervenir le 1er janvier 2014.

Les professionnels, les juges d’instruction nous ont expliqué que ce caractère systématique compliquerait les procédures et qu’il n’y avait pas lieu d’avoir une décision collégiale en toutes circonstances pour tous les actes et pour toutes les décisions. Nous avons donc préparé un autre texte précisant les conditions dans lesquelles la collégialité intervient, évoquant les droits de la partie civile, du parquet, et contenant toute une série de dispositions. Ce texte a été présenté en conseil des ministres et transmis à l’Assemblée nationale.

L’année dernière, lors du débat budgétaire, nous nous sommes rendu compte qu’il ne pouvait pas être inscrit à l’ordre du jour avant la fin de l’année. Pour éviter que la loi de 2007 ne s’applique en janvier 2014, nous avions proposé un amendement différant son application d’un an, espérant que, dans ce délai, qu’à l’époque, j’avoue, je croyais large, vous auriez le temps d’inscrire le nouveau texte à l’ordre du jour et d’en débattre.

Ce ne fut pas le cas et nous sommes donc aujourd’hui dans la même situation. Nous vous demandons donc de différer encore l’application de la loi de 2007, et, cette fois, de deux ans, en espérant que le texte qui est déjà à l’Assemblée nationale sera inscrit à l’ordre du jour. Sinon, la collégialité devra être systématique en janvier 2015, ce qui nécessite environ 300 magistrats supplémentaires.

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Cet amendement n’a pas été examiné par la commission mais, en l’état actuel des choses, nécessité fait loi. Vous ne pouvez pas mettre en oeuvre cette réforme rendant la collégialité systématique au regard du nombre de magistrats que cela nécessiterait et des modifications très profondes du fonctionnement d’un certain nombre de nos tribunaux que cela entraînerait, ne serait-ce que dans l’organisation des services et pour l’accueil au sein des tribunaux.

C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je suis favorable à cet amendement.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis.

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Un tel dispositif est bien entendu nécessaire.

La collégialité de l’instruction, je vous le rappelle, est née des conclusions du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau. J’ai relu il y a quelques jours le livre de M. Houillon et de M. Vallini. Le garde des sceaux, vous vous en souvenez, monsieur Fenech, avait alors accueilli avec froideur, c’est le moins que l’on puisse dire, le rapport de la commission d’enquête. À cette occasion, nous avions tous rappelé que c’était un enjeu important et que l’État devait avoir une stratégie. Nous n’y sommes pas parvenus. Il y a déjà eu deux reports successifs lors de la précédente législature.

Nous invitons donc la présidence de l’Assemblée à inscrire ce texte à l’ordre du jour même si, nous le savons, il faut peut-être tenir compte des conclusions du rapport de Jacques Beaume, qui porte sur une partie du problème, et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui risque de poser d’autres questions.

Bref, nécessité fait loi, mais nous devons sans nul doute avancer et je demande à la présidence de l’Assemblée ainsi qu’au président de la commission des lois de réfléchir à l’enjeu et de faire venir ce texte en débat.

L’amendement no 174 est adopté.

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Je suis saisi d’un amendement no 173 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement no 207 .

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement.

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Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Je demande encore un moratoire, sur un sujet qui nous préoccupe tous, l’encellulement individuel, disposition qui est dans notre droit depuis la fin du XIXe siècle. Certes, l’esprit n’était pas le même, mais le principe est inscrit dans notre droit et, à trois reprises déjà, cette obligation a été reportée parce que l’État n’était pas en mesure de la respecter. Je rappelle que cela concerne les maisons d’arrêt, où il y a un problème de surpopulation carcérale, parce que, dans les établissements pour peine, nous pratiquons déjà l’encellulement individuel.

La loi pénitentiaire de 2009 avait prévu un moratoire de cinq années pour l’entrée en vigueur du principe de l’encellulement individuel. Nous parviendrons donc à l’échéance en novembre 2014, dans quelques semaines. Or nous ne sommes pas en mesure de satisfaire à cette obligation. Nous travaillons depuis pratiquement un an pour voir comment nous pourrions faire, mais, objectivement, ce n’est pas à notre portée.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a suggéré une mise en oeuvre progressive, en identifiant notamment des publics prioritaires, des personnes ayant des problèmes de santé, des difficultés de communication, dues à une surdité par exemple, ou présentant des fragilités psychologiques. Nous sommes déjà vigilants mais il n’est pas possible aujourd’hui d’identifier de façon objective les personnes présentant de tels troubles.

Nous vous proposons donc de différer l’application de ce principe d’encellulement à décembre 2017. Ce ne serait pas un simple moratoire comme cela a été fait antérieurement, car le Gouvernement aurait l’obligation de présenter au Parlement à la fin de 2017 un état budgétaire et opérationnel des progrès en matière d’encellulement individuel.

Ce sont des sujets sur lesquels nous discutons depuis des années. Nous avions évidemment vu arriver l’échéance et nous nous en sommes préoccupés. Nous avons eu des échanges avec quelques-uns d’entre vous et, en particulier, bien sûr, le président de la commission des lois. Nous réfléchissons d’abord aux éléments que le Gouvernement sera obligé de présenter au Parlement, l’état des lieux et les progrès.

Il y a aussi la question centrale qui est de savoir si l’encellulement individuel est le seul paramètre. Pour toutes les nouvelles constructions, nous imposons 90 % d’encellulement individuel ; nous n’accumulons donc pas les difficultés. Néanmoins, est-ce un paramètre absolu ou ne devons-nous pas plutôt travailler sur les conditions de détention, la dignité de la détention, les règles pénitentiaires européennes, les diverses définitions données et la mise en pratique ?

Le Gouvernement vous présente donc cet amendement mais je sais que vous allez continuer à réfléchir et vous envisagez peut-être des solutions permettant d’être opérationnels plus vite.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir le sous-amendement no 207 .

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Je ne peux m’empêcher de sourire en entendant que le Gouvernement sera obligé de présenter au Parlement une information financière et budgétaire avant le 31 décembre 2017. Je veux bien croire que Mme la garde des sceaux souhaite que nous nous retrouvions tous ici à cette date pour évoquer la situation de l’encellulement individuel. Il faudra tout de même d’ici là convaincre un certain nombre d’électeurs de nous reconduire, ce qui n’est pas gagné.

Sourires sur divers bancs. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Par votre amendement, madame la ministre, vous souhaitez un nouveau report. Vous l’avez rappelé, il y en a déjà eu trois. Personne, évidemment, ne vous met en accusation puisque nous sommes incapables de mettre en place l’encellulement individuel.

C’est pourquoi j’ai déposé un sous-amendement d’ouverture, pragmatique, tenant compte de l’avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui, le 24 mars 2014, avait fait une proposition qui me paraît intéressante, à savoir établir des publics prioritaires. Les catégories de personnes pourraient être fixées par décret afin de permettre une mise en place progressive jusqu’en 2017 de l’encellulement individuel.

Ce report progressif doit s’accompagner d’une politique active de lutte contre l’inflation carcérale. La prison, et vous avez commencé à agir en ce sens, doit cesser d’être la peine de référence et des alternatives plus efficaces et moins coûteuses doivent être encouragées et mises en place.

C’est le sens de ce sous-amendement. L’on ne se contente pas d’acter un report, et donc une forme d’échec de l’exécutif ; nous souhaitons que, progressivement, l’on s’achemine vers cet engagement qui a trop tardé à se concrétiser.

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Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?

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À titre personnel, je suis favorable à l’amendement du Gouvernement et défavorable au sous-amendement de M. Coronado, mais je voudrais attirer votre attention, madame la garde des sceaux, sur le fait que l’exécution du budget de 2013 et les éléments dont nous disposons sur le budget de 2014 démontrent que l’immobilier pénitentiaire sert aujourd’hui de variable d’ajustement.

En 2013, la consommation des autorisations d’engagement sur le titre 5 des dépenses d’investissement de l’administration pénitentiaire s’est élevée à 190,6 millions d’euros pour 306,4 millions d’euros en loi de finances initiale – soit une diminution de 37,8 % – et celle des crédits de paiement à 303,7 millions d’euros pour 368,9 millions en loi de finances initiale, soit une diminution de 17,7 %.

La Cour des comptes ne dit ni plus ni moins que cela. Elle considère que « les annulations et les redéploiements de crédits du titre 5 au profit des dépenses de fonctionnement manifestent un renoncement aux projets à moyen et long terme, au profit de préoccupations de gestion plus immédiates ». Ce sont notamment les frais de justice. « La Cour estime que le ministère de la justice ne peut durablement sacrifier les crédits d’investissement sans compromettre à terme la mise en oeuvre de ses missions. »

Quand j’ai lu ces phrases, j’ai pensé évidemment à l’encellulement individuel, qui passe par des investissements lourds de réhabilitation ou de construction de prisons nouvelles.

Pour me résumer, nous constatons une mutation de l’investissement vers le fonctionnement. Je pense que vous nous donnerez des explications – nous les connaissons un peu depuis deux ans. Sur l’encellulement individuel, cela a évidemment des conséquences. Ce défaut d’investissement vous incitera sans doute à tenir le même discours l’année prochaine.

Cela dit, nécessité fait loi, madame la garde des sceaux, et votre amendement doit être adopté. Vous ne pouvez pas mettre en oeuvre une politique d’encellulement individuel au regard du nombre de places et de l’organisation des établissements pénitentiaires.

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La parole est à M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’administration pénitentiaire.

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La commission des lois n’a pas été saisi de cet amendement du Gouvernement, non plus que des autres d’ailleurs, puisqu’ils ont présentés de manière presque subreptice en séance. À titre personnel, je suis défavorable à un tel amendement.

S’agissant du nombre de places d’incarcération, vous faites face à deux difficultés majeures en forme de paradoxe, madame la garde des sceaux. Je tiens à les rappeler, chiffres à l’appui. D’une part, vous reconnaissez, dans le bleu budgétaire, que le nombre de détenus est appelé à diminuer dans les années à venir sous l’effet direct de la loi dite « Taubira » votée en août 2014. Voici les chiffres – comme ce sont ceux du bleu, je suppose que, pour une fois, ils ne seront pas contestés par le Gouvernement – : le nombre de personnes incarcérées était au 1er juillet 2014 de 68 100, et le Gouvernement prévoit qu’il baisse à 66 800 en moyenne en 2015, 66 500 en 2016, 66 200 en 2017, soit une diminution de 2,7 % en trois ans. Mais, parallèlement et paradoxalement, la capacité d’accueil du parc pénitentiaire restera très en deçà des besoins puisque vous ne prévoyez pas de la porter au-delà de 60 397 places en 2017. Cela veut dire que cette année-là, il devrait y avoir 66 200 détenus pour 60 397 places. Le principe de l’encellulement individuel, aux termes mêmes de vos prévisions, ne pourra donc pas être respecté à la fin de l’année 2017. Dès lors, cet amendement est absurde au plan opérationnel et donc au plan juridique. Il est l’aveu de votre impuissance à augmenter la capacité d’accueil du parc pénitentiaire.

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La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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C’est un débat que nous continuons législature après législature. Il ne s’agit pas d’une question que nous traitons dans l’urgence puisque, depuis 1875 – excusez du peu ! –, le principe de l’encellulement individuel figure dans la loi. On pourrait même remonter à la monarchie de juillet étant donné que la taille des cellules – neuf mètres carrés – a été fixée en 1841. Il faut aussi rappeler – la garde des sceaux y a fait allusion – qu’à l’époque, la question de l’encellulement individuel n’avait pas du tout la même signification qu’aujourd’hui.

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Cette disposition était d’ailleurs complétée par deux autres : l’obligation pour les condamnés à porter des cagoules et la mise en place d’alvéoles dans les églises de façon à interdire le contact avec autrui. Le but était que l’isolement permette l’introspection, seul chemin vers la rédemption. Nous nous en sommes un peu éloignés.

Aujourd’hui, le droit à l’encellulement individuel relève de la dignité humaine. Mais il est un fait avéré : depuis 139 ans, aucun garde des sceaux n’a vraiment appliqué le principe de l’encellulement individuel. La dernière fois que cette assemblée en avait longuement débattu, c’était avec Élisabeth Guigou, en 2000. À l’époque, il y avait pourtant 17 000 détenus de moins ! Je me souviens aussi de Mme Alliot-Marie qui, quand elle était garde des sceaux, avait pris avec force l’engagement qu’en 2014, avec 16 500 places construites, l’encellulement individuel pourrait être appliqué, et qu’on s’en approchait déjà – la garde des sceaux actuelle, sur les bancs à l’époque comme moi, doit s’en rappeler. Soyons donc clairs entre nous : il est peu probable que nous puissions tenir cet engagement en 2017.

Mais que propose-t-on pour demain ? Acceptons-nous de repousser l’application du principe à 2017, et puis on verra le 31 décembre, lors de notre réveillon avec Sergio Coronado, si nous l’appliquons ou pas ?

Sourires.

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Il faut oser la vérité : le contrôleur général des lieux de privation de liberté, on l’a rappelé, a publié un avis, le 23 avril 2014, dans lequel il ouvre des perspectives en proposant de renouer avec une dynamique vers l’encellulement individuel.

Il faut aussi, vous l’avez très justement dit, madame la garde des sceaux, se référer aux règles pénitentiaires européennes avec grande précision, notamment les règles 18.5 et 18.6. La première traite de l’encellulement individuel la nuit – car être à deux dans une cellule, ce n’est pas très grave si ce n’est que la nuit, mais cela devient compliqué si on y passe vingt-trois heures sur vingt-quatre. La seconde règle pénitentiaire européenne – la règle 18.6 – prescrit qu’une cellule ne doit être partagée que si elle adaptée à un usage collectif, ce qui est le cas dans les nouveaux établissements. J’étais la semaine dernière dans la nouvelle prison qui a été ouverte en juillet, à Orléans-Sarran, et je me rends vendredi à la prison de Béthune.

Il y a donc deux problèmes, et c’est pourquoi je ne suis pas favorable à l’amendement du Gouvernement, dont je souhaite le retrait. Je suggère que nous consacrions les trois semaines qui viennent à essayer de trouver une autre solution. On pourrait y travailler sous la responsabilité d’un membre du bureau de la commission des lois qui connaît bien ces questions pour avoir fait des propositions à ce sujet, dans le cadre d’une mission d’information, au début du quinquennat.

À cet égard, je note que les chiffres donnés à l’instant par le rapporteur pour avis, M. Larrivé, souffrent d’une petite indélicatesse : il a évoqué la totalité des détenus alors que, Mme la garde des sceaux l’a très justement précisé, nous parlons des détenus des maisons d’arrêt. Il y a en maisons d’arrêt, aujourd’hui, non pas 66 500 détenus, ce qui est la masse globale au 1er octobre, mais 44 700. On sait que le taux d’occupation en maisons d’arrêt pour hommes ne cesse de se dégrader : il est passé de 124 % en 2011 à 134 % en 2014. Mais la direction de l’administration pénitentiaire, malgré toute la compétence qui est la sienne et bien qu’elle soit extrêmement active, ne peut pas nous donner le taux d’encellulement individuel. Les chiffres que Dominique Raimbourg a publiés au début de la législature sont intéressants, mais ils ne sont pas corroborés par ceux du Sénat qui avait fait un travail comparable.

Il faut donc savoir combien il y a de cellules individuelles et quel est leur taux d’occupation. C’est une circulaire de 1998 qui fixe la surface – neuf mètres carrés pour une cellule individuelle, douze mètres carrés pour une collective. Et puis combien de prisons vont être construites, et pour combien de places ? Bref, il faut faire la clarté sur les chiffres. Approfondissons notre réflexion à partir des règles pénitentiaires européennes et puis décidons, avant que l’État ne soit condamné, comment faire. On peut envisager un moratoire, mais en tout cas pas avant d’avoir procédé à un examen au fond. Plutôt que d’adopter cet amendement, travaillons pendant trois semaines. Je prends l’engagement que la commission des lois est prête à y consacrer du temps.

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Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis et M

Patrick Mennucci. Très bien !

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Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

M. le président de la commission des lois a fait la démonstration qu’il fallait. Monsieur le rapporteur spécial, il n’y a pas de glissement des dépenses d’investissement vers les dépenses de fonctionnement : les règles de la compatibilité publique l’interdissent. En matière d’investissement, le ministère a un très faible retard sur son programme de construction de 6 500 places de prison. Il y a en effet un glissement dans le calendrier, mais nous ne prenons des crédits d’investissement pour réaliser des dépenses de fonctionnement. Nous lisons aussi très attentivement le rapport de la Cour des comptes. Ensuite, je rappelle qu’il y a un milliard d’autorisations d’engagement pour 3 200 places nettes supplémentaires sur ce triennal.

Monsieur Larrivé, M. le président de la commission des lois vous a répondu en rectifiant votre erreur. Votre démonstration avait l’apparence de la rigueur, mais elle était en fait plus artistique que scientifique puisque vous avez travaillé sur la totalité de la population carcérale alors que ce n’est pas l’enjeu. Je rappelle qu’en matière d’établissement de peines, nous pratiquons déjà l’encellulement individuel.

Cela dit, j’entends la proposition de M. le président de la commission des lois. Le Gouvernement y adhère et c’est très volontiers qu’il travaillera sur cette question dans les toutes prochaines semaines avec les parlementaires afin de pouvoir prendre des dispositions permettant d’éviter tout contentieux. Je retire donc l’amendement.

L’amendement no 173 rectifié est retiré.

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La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 175 .

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Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Mesdames, messieurs les députés, nous travaillons ensemble depuis des années et je pense que quand le Parlement adopte une disposition, il faut la mettre en oeuvre. Je suis donc toujours extrêmement gênée lorsqu’il y a nécessité de la reporter. En l’espèce, un premier report de la suppression des juridictions de proximité a été effectué à l’initiative du Sénat ; aujourd’hui, il reste encore un certain nombre de mesures à prendre pour plus d’efficacité. Dans le cadre de la réforme de la justice civile dite « J21 - Justice du XXIe siècle », les expérimentations ayant commencé début octobre à partir des mesures que nous avons mises en place, nous réorganisons les périmètres de contentieux et donc l’accès à la justice. Il s’agit d’améliorer la proximité géographique et l’accessibilité à la justice, y compris pour des contentieux spécialisés.

La différence par rapport au premier report, c’est que celui-ci s’inscrirait dans cette réforme du XXIe siècle. Ainsi, nous envisageons d’organiser les tribunaux de grande instance autour de cinq pôles. Les juridictions de proximité sont destinées à être absorbées, mais sans pénaliser les tribunaux d’instance parce que là est le risque si nous ne différons pas leur suppression : un engorgement des tribunaux d’instance. Nous allons ainsi éviter une période de frottement. Ce report permettra que, dans quelques mois, compte tenu de ce que le Parlement aura voté pour cette réforme de la justice en plus de toutes les dispositions réglementaires que nous mettons déjà en place, le problème ne se pose plus.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis.

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La commission n’a pas examiné l’amendement, mais je voulais attirer l’attention de Mme la garde des sceaux sur les circonstances dans lesquelles tout cela s’est déroulé depuis 2002.

On se souvient de la création des juges de proximité cette année-là, avec un sentiment d’incongruité largement partagé sur tous les bancs de cet hémicycle, même si la réforme avait été votée par une majorité un peu contrainte – je regarde M. Fenech. Tout le monde se demandait ce qu’était ce truc. Trois ans après, en 2005, on a donné la possibilité à ces juges de proximité de monter dans les tribunaux correctionnels pour compléter les juridictions. De ce fait, on a complètement saboté ce qui aurait pu se révéler finalement intéressant : à côté des juges directeurs et des juges d’instance, avoir des gens qui exercent une mission de proximité. Mais le dispositif n’avait pour seul but que de permettre de tenir le coup malgré l’absence de recrutements et une mise à distance par rapport aux magistrats. On a reporté la suppression des juges de proximité à plusieurs reprises, et j’ai été le rapporteur du texte qui l’a reportée à nouveau, en 2012.

J’attire votre attention, madame la garde des sceaux, sur le fait qu’une grande partie des juges de proximité ne siègent pas dans les tribunaux d’instance. Ils sont dans les tribunaux correctionnels depuis un certain temps, appréhendés par les chefs de juridiction qui ont besoin de régler leurs problèmes d’intendance. Je vous assure que si la chancellerie vérifie où ils travaillent, elle constatera qu’ils ne sont que pour une infime partie dans les tribunaux d’instance. Je soulève ce point car il faut bien entendu, à l’occasion de la réforme pour la justice du XXIe siècle, justifier le report de la suppression des juges de proximité, faute de pouvoir faire autrement. Mais le problème de la justice de proximité restera entier si l’on ne traite pas le vrai sujet : assurer la présence d’un juge susceptible de trancher les conflits les plus simples de la vie quotidienne de nos concitoyens, comme cela se pratiquait avant 1958.

L’amendement no 175 est adopté.

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La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 203 rectifié .

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Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Que voilà une belle cause ! C’est pour moi un privilège que de présenter cet amendement, qui constitue une réparation, un acte de justice, et aussi de respect et d’estime, à l’égard des mineurs qui ont fait grève en 1948 et en 1952.

Cette grève, qui avait été votée à plus de 90 %, visait à protester contre le démantèlement de leur statut et la baisse de leur salaire. Elle avait été réprimée par les forces armées sur décision du gouvernement d’alors. Des milliers de mineurs furent blessés ; il y eut même des morts. Près d’un millier furent condamnés à la prison pour entrave à l’industrie et au travail. La plupart furent licenciés. Ils en perdirent leur logement, qui était attaché à leur fonction de mineur, fonction dont nous savons bien qu’elle était extrêmement éprouvante, puisqu’elle les tenait dans le ventre de la terre toute la journée, du lever du jour à la tombée de la nuit.

Ils furent donc, pour certains, blessés ou tués, et puis emprisonnés, licenciés, expulsés de leur logement et enfin poursuivis, car lorsqu’ils retrouvaient un emploi, il arrivait fréquemment que l’ancienne direction des mines contacte leur nouvel employeur pour les faire licencier. Ils eurent une vie de détresse, et leurs familles aussi. Ils nous laissent un modèle de dignité, de force morale et de courage. Ce sont des personnes qui ont livré bataille pour leurs droits de travailleurs et aussi pour nos droits et nos libertés, car, il importe de le rappeler, beaucoup parmi eux s’étaient auparavant engagés dans la Résistance.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

C’est donc à ces personnes que l’outrage a été fait. Des actes de réparation ont été engagés : en 1981 d’abord, puis en 1984, et enfin de façon moins importante en 2005. Il a été reconnu qu’une injustice avait été commise et il a notamment été prévu que les périodes de chômage involontaire seraient prises en compte dans le calcul des droits à la retraite et des indemnités.

Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est en premier lieu d’inscrire dans la loi le caractère discriminatoire et abusif des actes commis à l’encontre de ces mineurs. C’est un acte symbolique : la reconnaissance de l’injustice commise par la force publique, c’est-à-dire par la puissance publique, à leur encontre.

L’amendement tend en outre à octroyer aux personnes concernées – nous en avons identifié trente et une pour l’instant – ou, en cas de décès, à leurs ayants droit, une allocation forfaitaire de 30 000 euros, ainsi qu’une allocation spécifique de 5 000 euros pour leurs enfants. Ceux-ci n’ont pu en effet bénéficier du dispositif des bourses des mines qui existait à l’époque. Il convient d’ailleurs de rappeler que ces grèves ont donné lieu à un très beau mouvement de solidarité puisque, bien qu’elles aient concerné les seules mines du Nord et du Pas-de-Calais, les mineurs et leurs familles ont été accueillis dans des familles à Paris et dans d’autres régions. Mais les enfants des mineurs donc ont été pénalisés, et nous prévoyons par cet amendement de leur attribuer une allocation spécifique de 5 000 euros en plus de l’allocation forfaitaire de 30 000 euros pour les mineurs licenciés. Enfin, ils auront la possibilité de faire valoir, sur la base d’éléments précis, les préjudices qu’ils auront subis concernant les prestations de chauffage et de logement.

Une autre question extrêmement sensible et douloureuse était le rétablissement de ces mineurs dans leurs grades militaires et leurs distinctions, dont ils avaient été déchus. J’ai donc sollicité le ministre de la défense, qui y a consenti. Cette disposition est elle aussi incluse dans l’amendement.

Je veux pour finir saluer les parlementaires qui se sont fortement engagés sur cette question, sur laquelle nous travaillons depuis maintenant près d’un an. Merci donc à Guy Delcourt, Nicolas Bays et Marc Dolez, qui ont été à nos côtés pour faire avancer cette belle cause.

Pardon si mon propos n’a pas toujours été cohérent, mais l’émotion que j’éprouve est très forte. C’est l’occasion pour moi de m’incliner devant le courage et la force morale de ces hommes et de ces femmes, leurs compagnes, et de remédier aux préjudices subis par leurs enfants. Il était nécessaire d’essayer de réparer cette injustice, même si elle est en soi irréparable. Ces trois gestes, l’allocation forfaitaire, l’allocation spécifique et le rétablissement dans les grades, honorent, je le crois, la puissance publique. En tout cas, ils honorent le gouvernement auquel j’appartiens, et j’en suis particulièrement fière.

Le ministère de la justice y prendra sa part, puisque nous contribuerons dans un premier temps à hauteur de 700 000 euros à abonder le budget de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, ce qui permettra de procéder à des réparations certes symboliques, mais qui disent l’estime, le respect et la gratitude de notre génération et du Gouvernement.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

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Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Avec simplicité et humilité, je veux m’associer à ce que vient de dire la garde des sceaux.

J’ai été durant trente et un ans le maire d’une commune minière de 2 000 habitants. Ce fut la première mine de fer à fermer en Lorraine – il n’y en a plus aujourd’hui. En 1963, les mineurs, dont une partie de ma famille et de celle de mon épouse, ont occupé le fond de la mine pendant soixante-dix-neuf jours. Quand on sait ce que c’était de vivre au fond de la mine ! Ils ont mené ce combat en étant eux aussi soutenu par un mouvement de solidarité venant de l’ensemble du bassin minier de fer de Lorraine, et même au-delà.

Je voulais par conséquent m’associer à l’émotion et à la fierté exprimées par la garde des sceaux : il s’agit d’une marque de reconnaissance envers une profession dont on ne dira jamais assez ce qu’elle a donné, au prix bien souvent de sa vie, puisque les maladies professionnelles, que ce soit la silicose, la sidérose ou les différents cancers, ont malheureusement emporté beaucoup de mineurs prématurément.

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Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances. À titre personnel, j’y émettrai un avis défavorable.

On l’a compris, il s’agit par cet amendement, qui n’est d’ailleurs associé à aucune ouverture ni annulation de crédit, de réparer ce qui s’est passé en 1948, sous l’autorité du gouvernement d’Henri Queuille, dans lequel siégeaient François Mitterrand, secrétaire d’État à la présidence du Conseil,…

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…Paul Ramadier, de la SFIO, Max Lejeune, de la SFIO, Christian Pineau, de la SFIO, Robert Lacoste, de la SFIO et Daniel Mayer, de la SFIO.

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Voulez-vous que l’on rappelle que la droite a voté contre l’abolition de l’esclavage ?

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Bien évidemment, il est politiquement un peu gênant et, sur le plan mémoriel, un peu compliqué de le rappeler, mais la réalité est que c’est sous l’autorité de Jules Moch et d’Henri Queuille que ces événements se sont produits.

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Aujourd’hui, votre gouvernement, de la même connotation politique, cherche à apporter une réparation. Je reconnais qu’il s’agit là d’une observation très politique, mais je tenais à la formuler.

D’autre part, cet amendement crée une inégalité face à une autre situation que vous n’avez pas voulu aborder, mais qu’il me paraît tout aussi important de rappeler.

Du 27 mai au 9 juin 1941, il y eut, dans les bassins miniers du Pas-de-Calais, une grève contre l’occupant allemand. Le 3 juin 1941, c’est l’ensemble du bassin minier du Pas-de-Calais qui était touché. Sur 143 000 mineurs recensés, 100 000 allaient cesser le travail. C’était une grève générale, encouragée par les femmes, qui organisèrent des cortèges à l’entrée des fosses pour en bloquer l’accès et, surtout, incitèrent les non-grévistes à s’associer au mouvement.

Le bilan de cette grève, qui est l’honneur des mineurs du Pas-de-Calais, fut extrêmement lourd : 450 personnes furent arrêtées par les forces allemandes, parmi lesquelles 244 furent déportées en Allemagne, où 130 trouvèrent la mort, pour la plupart d’entre elles fusillées, ou à la suite des privations. Cette grève patriotique fut un des actes les plus significatifs de résistance contre l’occupant : l’économie de guerre allemande fut frappée, et très durement, puisque 500 000 tonnes de charbon furent perdues.

La question que je pose, en tant que rapporteur et quoique je m’exprime, je le répète, à titre personnel, est la suivante : quels avantages et quelle reconnaissance la République a-t-elle donnés aux familles des mineurs grévistes de 1941 ?

J’ai bien entendu votre argumentation, qui était très politique, mais il en existe une autre, madame la ministre : on peut aussi envisager les choses sous l’angle de l’équité et de l’égalité de traitement, surtout s’agissant d’affaires aussi lourdes et aussi graves.

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Compte tenu de son manque d’équité et de l’inégalité introduite par les dispositions qu’il contient, à titre personnel, je le répète, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis.

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La commission des lois n’a pas examiné cet amendement, auquel je donnerai, en ce qui me concerne, un avis très favorable. En effet, cher collègue rapporteur spécial, dans cet hémicycle, chaque fois qu’individuellement, on s’élève, on fait aussi s’élever la démocratie.

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Je le fais aussi au nom des rédacteurs de la loi du 4 août 1981 portant amnistie à l’égard de ces mineurs. Une deuxième loi de 1984 leur avait permis de recouvrer une partie des prestations sociales dont ils avaient été privés. Je voulais le rappeler, comme ça, et m’associer à la quasi-totalité de nos collègues qui, aux côtés de la garde des sceaux, pensent qu’il n’est jamais trop tard pour rendre justice. Non, il n’est jamais trop tard pour rendre justice !

Je veux aussi indiquer, s’agissant des valeurs, qu’une juridiction, la cour d’appel de Versailles, a statué et a d’ailleurs fait droit à la demande. L’arrêt a été cassé compte tenu de la complexité des règles de prescription, mais c’est en référence à ce qu’indiquait la décision de la cour qu’il a été procédé aux évaluations.

Allez, chers collègues : élevons-nous ! Il n’est jamais trop tard pour que la justice passe.

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J’avoue être quelque peu circonspect au sujet de cet amendement. Nous sommes en effet en train d’examiner le projet de loi de finances initiale pour 2015.

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Or il ne s’agit pas là d’une question financière, tout le monde l’a bien compris, même si « accessoirement » cet amendement a des conséquences financières. Il s’agit d’une question de fond : rendre un hommage nécessaire et bienvenu aux mineurs d’une façon générale, et en particulier à ceux des grèves de 1948 et 1952, en oubliant, comme l’a souligné le rapporteur spécial, ceux de 1941.

Cette façon de séparer le bon grain de l’ivraie me gêne, d’autant que des lois d’amnistie ont déjà été votées, cela a été rappelé il y a quelques instants, l’une en 1981, l’autre en 1984. Des dispositions ont également été votées en 2005, qui vont dans le même sens.

Indirectement, il s’agit donc d’une loi mémorielle. Or il me semblait qu’en d’autres temps ces lois mémorielles étaient discutées, débattues, parfois combattues parce qu’elles avaient pour effet de réécrire, d’une certaine façon, l’histoire de façon officielle. Je m’interroge aussi sur l’obligation qui est faite, au détour de cette loi de finances, aux programmes scolaires d’accorder une place substantielle à ces événements. Là aussi, c’est une façon, pour la représentation nationale, d’écrire une histoire officielle de la République. J’avoue que cela me gêne quelque peu. Du reste, le même type de reproche a déjà été formulé sur les bancs de l’actuelle majorité, mais à d’autres époques.

Je m’interroge enfin sur l’aspect financier des choses, puisque nous sommes au coeur d’un projet de loi de finances. Je m’interroge sur ces 700 000 euros qui seront pris « dans un premier temps », comme l’a dit Mme la ministre – on ne sait donc pas jusqu’où exactement ira la somme – sur le programme 101 « Accès au droit et à la justice » qui, disons-le honnêtement, est déjà tout à fait insuffisant et ne répond pas aux attentes.

J’ai donc vraiment l’impression d’une démarche assez politique. Je ne veux pas faire de mauvais procès, de procès d’intention, mais vous devinez quel autre terme pourrait être employé. C’est une démarche politique donc, assez partisane du reste. Il était assez piquant d’entendre Étienne Blanc rappeler les noms de Jules Moch, d’Henri Queuille et de tant d’autres, dont certains ont été Président de la République entre 1981 et 1995, mais, au-delà de cet hommage appuyé que cette majorité veut rendre, je crois qu’une loi de finances n’est vraiment pas le lieu de cette disposition.

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Au nom de notre groupe, madame la garde des sceaux, je veux vous remercier très chaleureusement de l’initiative que vous prenez aujourd’hui. Grâce à cet amendement, la République marquera officiellement et définitivement la reconnaissance qu’elle doit à ces mineurs grévistes de 1948 et de 1952.

Vous avez parlé tout à l’heure avec beaucoup de justesse et d’émotion de la situation qui fut la leur et des bouleversements que leur vie a connus. Être licencié, cela voulait dire être privé de maison, de chauffage, de médecin, d’école. Comme vous l’avez dit très justement aussi, cela voulait aussi dire être en quelque sorte banni de ce bassin minier, puisque les houillères empêchaient ces hommes de retrouver du travail.

Soixante-cinq ans plus tard, trente-trois après la loi d’amnistie de 1981, votre initiative est très, très heureuse. Cette disposition doit beaucoup à votre volontarisme, que j’ai voulu souligner tout à l’heure dans mon explication de vote. Chacun a bien compris que c’est aussi, au-delà de la réparation qui est due, au-delà des indemnisations et des allocations qui seront versées, une question de dignité qu’il faut permettre à ces hommes et à leurs familles, à leurs enfants, de retrouver.

Cette démarche, madame la garde des sceaux, je vous le dis très sincèrement, est à l’honneur de votre gouvernement.

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Madame la garde des sceaux, c’est avec beaucoup d’émotion que Guy Delcourt, moi-même et l’ensemble des députés du groupe SRC allons voter cet amendement. Nous tenions à remercier le Président de la République, le Gouvernement, et surtout vous, madame la garde des sceaux, d’avoir entendu et compris les revendications de ceux qui, injustement licenciés en 1948, ont passé une vie, toute une vie, à se battre pour que leurs droits soient reconnus.

Ces mineurs, pour beaucoup d’anciens résistants à qui on n’avait confié qu’un seul objectif, après la guerre : produire, produire pour reconstruire la France, s’étaient mis en grève contre la toute-puissance des houillères. Ils ne sont plus qu’une poignée aujourd’hui, de nobles vieillards à l’aune de leur vie, et il est dommage que certains collègues ici ne comprennent pas le message que vous souhaitez envoyer.

On ne peut ici voter cet amendement sans avoir une pensée pour l’un d’entre eux, que mes collègues connaissent, Norbert Gilmez qui, passé l’âge de quatre-vingts ans, continue toujours à faire le tour de nos permanences, son épais dossier sous le bras, porté par la justesse de son combat.

C’est un beau message que vous leur envoyez, madame la garde des sceaux : de l’humanité au coeur d’un projet de loi de finances, et surtout une dignité rendue – ils attendent cela depuis soixante-cinq ans.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.

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Je dois dire que je suis très étonné des arguments qui ont été avancés par notre rapporteur spécial de la commission des finances. Mais au fond, de tels sujets permettent de temps en temps de se remémorer les différences politiques qu’il y a entre nous.

Je suis donc stupéfait de cette intervention parce qu’au fond, madame la garde des sceaux, ce que vous nous proposez, à la demande de nos collègues du Pas-de-Calais, dont j’ai d’ailleurs senti l’émotion en les écoutant, c’est d’être capables, soixante ans plus tard, de reconnaître l’injustice faite à ces hommes et ces familles.

Face à cela, j’entends deux arguments que je considère comme fallacieux.

Le premier, c’est que nous serions, nous, socialistes, en train de réparer les errements, les erreurs d’hommes qui ont été ministres, particulièrement Jules Moch, bien connu pour son rôle dans cette affaire. Eh bien, je vous le dis : si c’est le cas, c’est notre honneur. Cela fait longtemps que le sujet est connu, et débattu, et aujourd’hui nous montrons que nous sommes capables non seulement d’en parler mais surtout d’agir pour alléger la souffrance de ces hommes à la fin de leur vie, dont Nicolas Bays vient de parler. Je vous le dis, je crois que plutôt que de nous montrer du doigt pour cela, vous feriez mieux de vous demander vous-mêmes s’il n’y aurait pas d’autres sujets historiques à propos desquels vous seriez prêts à dire un certain nombre de choses. Sans vouloir ouvrir un débat, je pense notamment aux événements du 17 octobre 1961, dont je ne vous ai guère entendu parler sinon pour formuler des critiques au moment où le Président de la République a officiellement reconnu les faits, en 2012.

Le deuxième argument complètement fallacieux est que nous créerions une inégalité entre ces mineurs et d’autres, ou les mêmes d’ailleurs, qui, en 1941, se sont opposés à l’occupant nazi. Mais, monsieur le député, que je sache, dans cet hémicycle, nous pouvons réparer, si c’est possible, les fautes, les erreurs d’un gouvernement français, mais je ne savais pas que nous devions endosser aussi la responsabilité des actions de l’occupant nazi ! Nous nous sommes déjà exprimés clairement sur le régime de Vichy, mais il n’est pas en cause en l’espèce. Je ne comprends donc pas du tout votre argument, à moins qu’il ne s’agisse, et je le regretterais, que de vous arc-bouter sur une position idéologique.

À la vérité, il me semble que tant d’années après les événements, nous pouvons tous regarder l’histoire avec un peu plus de détachement, en faisant preuve d’un peu plus de compréhension à l’égard de ce que vivaient ces hommes, de leurs difficultés, qu’a rappelées Mme la garde des sceaux, de leur vie, de leur travail. Je regrette aujourd’hui que la représentation nationale ne soit pas unanime pour voter cette disposition qui l’honorera si elle est effectivement adoptée.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.

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Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le député Gosselin, vous demandez ce que cette disposition fait dans un projet de loi de finances, car le sujet de fond serait la cause de ces mineurs et ne serait qu’accessoirement financier. Mais, monsieur le député, tout est accessoirement financier ! Lorsque, dans les juridictions, nous veillons à ce que les délais de jugement soient réduits, à ce que les jugements soient clairs, lisibles et compréhensibles, à ce que l’accès à la justice soit possible dans les faits, l’objet, c’est le souci que nous avons d’un service public à la portée des citoyens et des justiciables. Accessoirement, c’est financier, parce que ça coûte des magistrats, des greffiers, des frais de fonctionnement ! Ça coûte !

Je ne comprends donc pas cette scission que vous faites. Il n’y a pas de sujet financier à l’état pur, il y a des conséquences financières de choix politiques, de choix moraux, de choix de vie en société. Il est évident que ces mesures que nous proposons entraînent des dispositions financières : pour le versement des allocations, nous devons augmenter les dépenses de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, et le ministère de la justice y contribue pour sa part. C’est pour cela que nous faisons un prélèvement sur les crédits du programme 101.

Vous vous dites surpris, en vous fondant sur la démonstration de M. le député Étienne Blanc, que l’on sépare là le bon grain de l’ivraie. Pardon de vous le dire, mais il n’y a là que du bon grain ! Il n’y a que du bon grain !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Et, monsieur le député Étienne Blanc, pardonnez-moi des mots qui sont peut-être durs, mais vos propos le justifient : votre querelle, monsieur le député, pardon, mais elle est bien misérable ! Il se trouve que ceux qui ont fait grève en 1941 – ceux qui n’ont pas été déportés, ceux qui n’ont pas été exterminés – et ceux qui ont fait grève en 1948, c’étaient souvent les mêmes !

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Et si nous les rétablissons dans leurs distinctions et leurs grades, c’est justement parce que c’étaient les mêmes ! Je n’irai pas plus loin dans cette querelle, parce que cette cause est de celles qui brillent d’un tel éclat, par la beauté de celles et ceux qui sont concernés, que cette misérable querelle n’est pas en mesure de le ternir.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ne vous méprenez pas, madame la garde des sceaux, il n’y a pas de querelle, il y a simplement une interrogation sur la façon de procéder. Je crois qu’on peut distinguer le fond et la forme. Je m’interroge, je suis circonspect quant à la manière de procéder du Gouvernement. Cet amendement a été déposé il y a quelques heures seulement. Nous le découvrons quasiment en séance, je le dis très honnêtement. Et je répète que son aspect financier n’est qu’accessoire. Je n’emploie pas le terme au sens de dérisoire, vous avez très bien compris mes propos ! Je veux simplement dire que ce n’est pas son effet principal. L’effet principal, c’est la reconnaissance que vous souhaitez accorder à ces mineurs de 1948 et de 1952.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C’est une démarche politique, je le disais tout à l’heure. J’ai volontairement pris soin de ne pas employer un autre terme, et vous comprenez le sens de mes propos, mais je maintiens que je suis très circonspect quant à cette façon de procéder – au détour d’un projet de loi de finances, pour reconnaître une cause que vous prétendez pourtant être aussi noble, aussi généreuse, aussi brillante ! Loin de moi l’idée de contester à tout prix cette cause.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Simplement, je trouve que la façon de procéder n’est pas à la hauteur de l’importance que vous prétendez lui donner.

L’amendement no 203 rectifié est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la justice.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 :

Crédits relatifs à l’aide au développement.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures quinze.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly