La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt-deux heures.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures et quarante-quatre minutes pour le groupe SRC, dont 236 amendements restent en discussion ; vingt-deux minutes pour le groupe UMP, dont 334 amendements restent en discussion ; deux heures et cinq minutes pour le groupe UDI, dont 60 amendements restent en discussion ; deux heures et six minutes pour le groupe RRDP, dont 46 amendements restent en discussion ; une heure et onze minutes pour le groupe écologiste, dont 63 restent en discussion ; une heure et cinq minutes pour le groupe GDR, dont 46 amendements restent en discussion et trois minutes pour les députés non inscrits.
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 50.
Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, l’État, quand il cède ses participations, ne prend plus à sa charge l’éventuel écart entre la valeur réelle des actions et leur prix de vente aux salariés. L’article 50 rétablit les opérations réservées aux salariés des sociétés du secteur public que cette ordonnance avait supprimées.
Nous regrettons que cet article limite aux seuls salariés présents au moment de la cession, ou aux anciens salariés justifiant d’un contrat ou d’une activité d’au moins cinq ans et adhérents à un plan d’épargne entreprise, la possibilité d’acquérir 10 % des actions cédées, d’autant que ces limitations demeurent si la société fait état de son portage pendant un an.
La parole est à Mme Clotilde Valter, rapporteure thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
L’amendement no 603 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Clotilde Valter, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 1795 .
L’amendement no 1795 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Clotilde Valter, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 1794 .
L’amendement no 1794 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 50, amendé, est adopté.
L’amendement no 604 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Les articles 51 et 52 sont successivement adoptés.
Les sciences économiques se doivent d’être riches de leur diversité. Le prix de l’académie de Suède – dit prix Nobel – attribué l’année dernière à un économiste français illustre la qualité de la recherche française dans le domaine de l’économie industrielle, très ancrée dans les mathématiques. Mais les sciences économiques doivent aussi vivre loin de la modélisation et de la théorie pure pour s’ancrer dans la société, et faire le lien avec les autres sciences sociales plus qu’avec les mathématiques.
Or depuis plusieurs années, l’économie dominante a petit à petit occupé tout l’espace de la recherche universitaire française, faisant presque disparaître des pans entiers de l’analyse économique. Cela doit faire réagir l’ensemble de la communauté scientifique et au-delà, de la société.
Cette crainte a d’ailleurs été soulevée par de nombreux économistes de renom dont les contributions aux sciences économiques sont reconnues de toutes et tous, tel Bernard Maris. Cette recherche, par nature interdisciplinaire, est essentielle à l’appréhension des mécanismes économiques ainsi qu’à la compréhension de la crise économique, sociale et environnementale dont nous subissons les ravages.
Or l’organisation de la section 05 « Sciences économiques » du Conseil national des universités ne permet pas de garantir une pluralité suffisante dans les approches étudiées. En effet, la part des économistes hétérodoxes dans le recrutement, qui s’élevait à 18 % du total entre 2000 et 2004, a chuté à 5 % entre 2005 et 2011.
Les députés écologistes sont conscients que la création d’une telle section « Économie et Société » n’est pas de nature législative. C’est pourquoi ils demandent au Gouvernement de prendre des engagements sur la base d’une étude sérieuse de ce sujet d’importance pour nourrir le débat et l’innovation économique et sociale.
Des annonces contradictoires ont été faites ces dernières semaines. La ministre Najat Vallaud-Belkacem avait annoncé la création de cette section, mais elle y a ensuite renoncé, semble-t-il face aux pressions d’économistes dits orthodoxes défenseurs d’une unique section de sciences économiques. Les écologistes demandent donc au Gouvernement de reconsidérer cette question afin de permettre à une recherche économique pluraliste et multidisciplinaire d’exister en France.
Nous présentons donc deux amendements. L’amendement no 1347 vous propose la création de cette section, et l’amendement no 1346 est un amendement de repli afin de demander un rapport au Gouvernement si malheureusement nous n’obtenions pas satisfaction.
Avis défavorable. Je suis confuse pour Mme Pompili, mais il s’agit à notre avis de cavaliers législatifs.
Avis défavorable aux deux amendements.
L’amendement no 1347 n’est pas adopté.
L’amendement no 1346 n’est pas adopté.
L’article 53 est adopté.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 2567 .
Dans le cadre de la transposition de la directive européenne du 16 février 2011 concernant la lutte contre certains retards de paiement, une obligation a été créée pour le débiteur de verser à son créancier une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros.
Or de nombreuses petites entreprises se retrouvent condamnées à demander cette somme à leurs clients en cas de retard de paiement, ou peuvent être redressées par le fisc. Nous proposons de revenir à l’esprit de la directive et de prévoir non une obligation, mais une simple possibilité de demander ces 40 euros aux clients qui auraient par mégarde payé une facture avec retard.
La commission a émis un avis défavorable, mais nous souhaitons que le ministre puisse s’exprimer sur le sujet. La directive ne pose pas une obligation à la charge du créancier. Son article 6 prévoit : « Les États membres veillent à ce que, lorsque des intérêts pour retard de paiement sont exigibles dans des transactions commerciales conformément à l’article 3 ou à l’article 4, le créancier soit en droit d’obtenir du débiteur, comme minimum, le paiement d’un montant forfaitaire de 40 EUR. » En conséquence, le créancier a un droit à recevoir cette indemnité sans même avoir à la réclamer.
Mais il ne s’agit en aucun cas pour le créancier d’une obligation de recouvrer cette indemnité. La seule obligation du créancier est de mentionner cette indemnité dans les conditions générales de vente et sur les factures. C’est toutefois un point sur lequel des explications et des éclaircissements de la part du ministre seraient bienvenues.
Je veux en effet apporter les clarifications que demande Mme Rabault. Votre amendement, tel qu’il est rédigé, aurait pour conséquence de rendre facultatif le versement par un débiteur, en cas de retard de paiement, d’une indemnité de 40 euros à son créancier. Selon votre interprétation, en effet, cette indemnité serait obligatoire en l’état du droit et son absence de facturation par le créancier l’exposerait à une amende pour dissimulation de résultat.
Si la directive 20117UE du 16 février 2011 prévoit en son article 6 que « Les États membres veillent à ce que, lorsque des intérêts pour retard de paiement sont exigibles dans des transactions commerciales conformément à l’article 3 ou à l’article 4, le créancier soit en droit d’obtenir du débiteur, comme minimum, le paiement d’un montant forfaitaire de 40 EUR. », elle ne contraint pas, néanmoins, les États membres à obliger le créancier à recouvrer une indemnité de 40 euros en cas de retard de paiement du débiteur.
À cet égard, il serait faux de considérer que l’article L. 441-6 du code de commerce a créé une telle obligation de recouvrement. Le code oblige seulement le créancier à inscrire sur la facture adressée au débiteur une indemnité forfaitaire due en cas de retard de paiement, mais nullement à la recouvrer.
Si le versement de l’indemnité avait été obligatoire pour le créancier, le fait d’y renoncer systématiquement aurait pu, en théorie, constituer un acte anormal de gestion. Je suppose, madame Rabault, que c’est contre une telle interprétation que vous voulez vous prémunir par cet amendement. Mais je veux ici vous confirmer tout à fait officiellement qu’aucune disposition fiscale ne saurait la justifier. Les comptables ou les juridictions commettent une erreur lorsqu’ils traitent comme un acte anormal de gestion le non-recouvrement de cette indemnité. En effet, celle-ci n’étant pas obligatoire pour le créancier, il n’y a pas dans ce cas de dissimulation de résultat. L’administration fiscale a d’ailleurs confirmé cette doctrine.
L’expérience vécue dans de nombreuses entreprises montre que cette règle n’était pas suffisamment claire, et je vous remercie donc de m’avoir donné, grâce à cet amendement, l’occasion de mettre les choses au point. Cela fait, je vous suggère de le retirer.
Il est vrai que certaines entreprises, pour avoir négligé de réclamer une indemnité de 40 euros un client ayant payé sa facture avec retard, ont fait l’objet d’un redressement de la part du Trésor public, celui-ci considérant qu’elles commettaient, ce faisant, une dissimulation de résultat. Elles étaient donc condamnées à payer une amende faute de facturer ces 40 euros supplémentaires.
Les propos de M. le ministre sont toutefois extrêmement clairs. Il reste à diffuser le message dans toutes les instances du ministère des finances, notamment dans les structures de la Direction générale des finances publiques, afin de clarifier la situation pour l’ensemble des entreprises. Les plus concernées étaient les plus petites, des PME qui ne comprenaient pas pourquoi elles se voyaient redressées, en quelque sorte, de 40 euros qu’elles n’avaient pas facturés à leurs clients, considérant qu’elles n’avaient pas à le faire pour quelques jours de retard.
Je retire cet amendement, madame la présidente, en remerciant M. le ministre pour la clarification qu’il vient d’apporter.
L’amendement no 2567 est retiré.
La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement no 1673 .
Cet amendement, qui a déjà été discuté en commission spéciale, est plutôt un amendement d’appel. Il convient de réfléchir à l’expérimentation d’un dispositif de cofinancement fondé sur le principe « un euro public pour un euro privé ». Ce dispositif, qui s’ajouterait à ceux qui existent déjà, permettrait de tester un nouvel outil de détection des projets innovants mais constituerait également un nouveau levier pour l’innovation dite « de rupture », technologique ou autre.
La démarche est plutôt centrée sur les écosystèmes régionaux. Les entrepreneurs, en particulier les jeunes, sont généralement plus à l’aise avec leurs pairs : en effet, les créateurs et les entrepreneurs expérimentés, notamment dans le domaine du numérique, sont souvent considérés par les très jeunes créateurs et fondateurs de start-up innovantes comme des interlocuteurs naturels, privilégiés, connaissant la réalité du terrain et des difficultés de financement. Ces entrepreneurs reconnus pourraient, de fait, jouer un rôle dans l’orientation des investissements en devenant des détecteurs, des relais stratégiques et des leviers de promotion des initiatives.
Pour les écosystèmes candidats, un comité de pilotage composé de représentants des agences, des opérateurs de l’État, des collectivités et des institutions publiques concernées validerait un certain nombre d’investissements, sur proposition des référents privés, dans les domaines de l’innovation dite « de rupture ».
Cette expérimentation, qui ferait l’objet d’une évaluation, serait l’occasion de tester quelque chose d’un peu différent, avec un effet de levier financier permettant une accélération des financements.
Favorable. Mme Erhel nous soumet une proposition intéressante, qui mérite d’être reprise. Nous souhaiterions que M. le ministre puisse en faire son miel
Sourires
Nous avons en effet déjà eu l’occasion de débattre de cet amendement en commission spéciale. Il est important de prévoir un co-investissement entre l’État, ses agences, ses opérateurs et des investisseurs privés dans certains domaines, en particulier celui de l’innovation, comme Mme Erhel l’a souligné.
Néanmoins, nous veillons à ce que ce principe de co-investissement ne devienne pas une règle systématique pour la Banque publique d’investissement. En effet, une telle règle pourrait parfois conduire la BPI à ne pas investir dans certains dossiers où l’investisseur public aurait sa place mais où les investisseurs privés seraient absents, en raison de rendements potentiels ou de prises de risques différents. Il faut donc être vigilant et bien distinguer la nature des opérations. Vous l’avez d’ailleurs très bien fait, madame Erhel, dans votre exposé sommaire où vous évoquez surtout des opérations d’investissement.
Dans de nombreuses opérations, la BPI a commencé à mettre en oeuvre cette pratique. Nous sommes vigilants sur ce point, aussi bien au conseil stratégique de la banque que dans l’accompagnement des projets. C’est, d’ailleurs, la logique des fonds pour le financement de l’innovation de BPI, mais aussi du véhicule de co-investissement avec les business angels qui sera lancé d’ici le printemps, dans le cadre duquel la BPI investira un euro pour chaque euro apporté par des business angels en France. C’est exactement l’esprit du dispositif que vous proposez.
Je vous invite néanmoins à retirer votre amendement. En effet, nous souhaitons intégrer votre préoccupation non seulement dans le cadre de la poursuite de la définition de la stratégie de BPI, mais aussi dans le cadre du travail parlementaire conduit par M. le député Grandguillaume. Le rapport parlementaire sur Bpifrance me semble être le lieu adapté pour déterminer exactement dans quels domaines, sur quels fonds et sur quels leviers nous souhaitons appliquer ce principe de co-investissement. Si nous définissons bien le périmètre du dispositif, nous pourrons aller plus loin et nous engager au-delà d’une expérimentation – c’est en tout cas mon souhait et l’engagement que je veux prendre devant vous.
Madame Erhel, je vous invite donc à retirer votre amendement, en contrepartie d’un engagement du Gouvernement, tout particulièrement de ma part, d’aller dans la direction que vous proposez dans des domaines que nous aurons définis, en particulier pour le financement de l’innovation et des start-up. Ainsi, la BPI pourra mener une politique systématique de co-investissement de manière pérenne.
Je vais retirer mon amendement. Au-delà des questions de financement, le principe du co-investissement et des investisseurs référents privés permettrait aussi de bénéficier d’une plus grande souplesse et d’être plus rapides dans la détection des projets à soutenir.
L’amendement no 1673 est retiré.
Les articles 53 bis et 53 ter sont successivement adoptés.
La parole est à M. Jean-Jacques Bridey, pour soutenir l’amendement no 57 portant article additionnel après l’article 53 ter.
Le 27 avril 1965, l’État a confié à la société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de la région parisienne, la SEMMARIS, la mission d’aménager et de gérer le marché de Rungis ainsi que toutes les installations se rapportant directement à l’activité de ce dernier. Le terme de cette mission est actuellement fixé au 31 décembre 2034. Or, à ce jour, la SEMMARIS est confrontée à l’incidence de l’échéance de la concession sur les investissements réalisés, dont les amortissements sont susceptibles de dépasser la durée de trente ans, soit une durée supérieure à la durée résiduelle de la mission confiée.
Le marché d’intérêt national de Rungis représente 8,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, 1 200 entreprises et 12 000 salariés qui y travaillent tous les jours et surtout toutes les nuits. Il s’agit du premier marché de gros du monde en produits alimentaires frais. Le marché de Rungis est envié partout dans le monde, à tel point que les responsables de la SEMMARIS vont vendre leur concept en Chine, en Grande-Bretagne et ailleurs.
Néanmoins, des investissements importants sont nécessaires pour procéder aux restructurations lourdes indispensables à la sécurité sanitaire et physique, à la pérennité et au développement de ce marché. Leur réalisation est empêchée par le terme du mandat de la SEMMARIS, incompatible avec la durée d’amortissement de ces investissements.
Aux investissements portés par la société d’économie mixte, de l’ordre de 150 à 200 millions d’euros, il faut ajouter les investissements qui seront réalisés par les grossistes, de l’ordre d’une centaine de millions d’euros.
Notons que la situation financière du marché et de la SEMMARIS est florissante.
La prolongation du mandat de la SEMMARIS que je propose permettrait de remettre à plat les investissements engagés et d’amortir les futurs investissements sur une durée en rapport avec les travaux à réaliser. Elle permettrait également aux grossistes qui occupent le domaine public d’amortir leurs investissements propres. Au vu des enjeux importants en termes d’activité, de maintien du petit commerce et d’emploi, je vous invite à adopter cet amendement visant à fixer le terme du mandat de la SEMMARIS au 31 décembre 2050.
Même avis.
Le groupe UMP soutiendra cet amendement, pour une raison que M. Bridey n’a pas mentionnée – ce n’est pas un reproche.
Il est vrai que les opérateurs de la SEMMARIS attendent la prolongation du mandat de cette société d’économie mixte car ils ont besoin, comme notre collègue l’a parfaitement expliqué, d’une forme de pérennité et de visibilité de long terme afin de réaliser des investissements très importants pour l’approvisionnement de nos marchés intérieurs, mais également pour l’exportation.
J’ai eu des contacts directs avec nos collègues élus de cette partie du territoire, et je peux témoigner du fait qu’ils sont unanimes, quelle que soit leur couleur politique, à souhaiter que cette prolongation soit effectivement décidée, pour toutes les raisons que nous venons d’exposer. Il s’agit vraiment d’une démarche d’intérêt national, à laquelle nous devons nous associer. C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons activement cet excellent amendement de M. Bridey.
Je salue mon collègue Jean-Jacques Bridey, député du Val-de-Marne, dont je soutiens l’amendement. Ce renouvellement de concession pourrait être l’occasion de discuter du contenu de ce contrat et des objectifs assignés au marché d’intérêt national de Rungis – l’un des plus grands du monde – en matière de promotion des circuits courts, des circuits locaux et de l’agriculture biologique dans la région capitale. Ma collègue Brigitte Allain, qui s’est vu confier une mission d’information parlementaire sur ces sujets d’alimentation et de circuits courts, pourrait très utilement contribuer à une telle réflexion. Les marchés d’intérêt national doivent jouer un rôle extrêmement important dans la réorganisation des filières et dans la promotion des circuits courts. Cela dit, nous sommes favorables à cet amendement.
L’amendement no 57 est adopté.
La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement no 1290 tendant à supprimer l’article 54.
Comme nous l’avons déjà dit en commission spéciale, l’article 54 pose un problème quant au rôle qu’il entend confier à l’Autorité de sûreté nucléaire. Cette autorité indépendante doit être au-dessus de tout soupçon, parce qu’elle joue un rôle majeur en matière de sûreté nucléaire : elle donne aux opérateurs des consignes dont elle doit garantir le respect.
Notre interrogation est double.
Tout d’abord, en prévoyant que l’Autorité de sûreté nucléaire travaille avec ses homologues des autres États, l’alinéa 2 semble entériner une situation déjà existante. Pourquoi inscrire dans la loi quelque chose qui existe déjà, qui fonctionne déjà sans qu’il y ait besoin de légiférer ? Qu’est-ce qui justifie ce souci de donner, tout à coup, une base juridique au travail commun de l’Autorité de sûreté nucléaire et de ses homologues ?
Cela nous préoccupe d’autant plus que cet alinéa prévoit également la possibilité d’échanges financiers entre les différentes autorités de sûreté. Comme je l’ai indiqué en commission spéciale, ces autorités sont parfois amenées à se noter mutuellement, à valider le niveau de sûreté de leurs homologues. Si les autorités de sûreté commencent à échanger de l’argent, ne risque-t-on pas de voir diminuer leur niveau d’indépendance et de provoquer des situations qui pourraient faire l’objet de soupçons ?
Un deuxième élément nous préoccupe encore davantage. On veut transformer l’Autorité de sûreté nucléaire en une sorte d’agence de notation, une espèce de Standard
Avis défavorable. L’amendement présenté par M. Baupin a été repoussé en commission spéciale après de longs débats. Nous avons du reste amendé le texte initial du Gouvernement en commission spéciale afin d’en améliorer la rédaction. Avec cette nouvelle version du texte, ni l’indépendance, ni l’impartialité de l’Autorité de sûreté nucléaire ne peuvent être mises en cause.
Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu en commission spéciale, lequel a permis de clarifier plusieurs points, notamment le volet financier. Nous avons supprimé la deuxième partie…
Certes, je vous l’accorde, mais cela ne fait pour autant de l’Autorité de sûreté nucléaire un Standard
Je n’ai pas eu de réponse à ma première question. Pour quelles raisons faut-il inscrire dans la loi le fait que l’Autorité de sûreté nucléaire travaille avec ses pairs, alors que tel est déjà le cas ? Il y a peut-être un élément juridique qui m’échappe.
En revanche, il ne m’a pas échappé, monsieur le ministre, qu’il existait une vraie volonté d’exporter du nucléaire ! Vous connaissez notre avis sur le sujet.
S’agissant de l’Arabie Saoudite, votre réponse n’a pas été d’une clarté absolue quant aux motivations réelles de ce pays.
Pour ce qui concerne le projet Atmea, je vous remercie d’avoir reconnu que la zone dans laquelle il est envisagé de construire ces réacteurs est une zone à risque sismique. Lorsque nous l’avions fait remarquer, on a prétendu qu’il n’en était rien. Je note, monsieur le ministre, que vous, vous en êtes conscient. Dès lors, est-il vraiment pertinent de construire quatre réacteurs nucléaires dans un tel secteur ?
Au demeurant, il est déjà prévu que l’Autorité de la sûreté nucléaire donne un avis sur le projet Atmea retenu par les Turcs, nul besoin de la loi. Un avis préalable serait requis dans le cas où des réacteurs seraient en compétition les uns avec les autres, mais tel n’est pas le cas en l’espèce.
Pour ma part, je n’ai aucune suspicion à l’égard de l’Autorité de sûreté. Loin de moi l’idée de dire que certains seraient malhonnêtes. Non, j’ai une pleine confiance en l’honnêteté des membres de l’Autorité. Mais je ne veux pas que l’on mette le doigt dans un engrenage qui pourrait devenir dangereux.
Si j’ai établi une comparaison avec les agences de notation, c’est parce que, selon moi, la mission de l’Autorité de sûreté nucléaire ne consiste pas seulement à déterminer si un équipement est sûr. Si on lui posait la question, l’ASN ne se contenterait pas de dire que l’équipement que l’on veut vendre est sûr, mais se préoccuperait également du contexte de sûreté, de l’organisation de sûreté dans les pays concernés.
Lorsqu’il présidait l’Autorité de sûreté nucléaire, André-Claude Lacoste insistait beaucoup sur la doctrine de la France consistant à ne pas vendre de réacteur nucléaire dans un pays dont l’organisation en matière de sûreté n’est pas aussi sûre que chez nous. Quand on sait ce qui s’est passé au Japon, quand on voit les conséquences sur le territoire japonais de l’absence de transparence du système de sûreté dans ce pays, on peut considérer que la question est cruciale. Je présenterai d’ailleurs un amendement à ce sujet.
Vous ne m’avez pas convaincu, monsieur le ministre, car vous avez en fait répondu à côté. Nous ne disons pas que la France ne doit pas exporter de centrales nucléaires – même si un amendement en ce sens correspondrait de fait à notre position –, mais seulement que, dans la mesure où la France veut le faire, il faut, quoi qu’on en pense, encadrer ces exportations.
Je croyais pourtant avoir répondu à l’objet de l’amendement, monsieur Baupin. L’Autorité de sûreté nucléaire a donné un avis préalable sur le projet Atmea. Ce n’est pas une véritable analyse car il y a un vide juridique. Nous prenons cette disposition législative car, après avoir consulté l’Autorité de sûreté et nos services, il est apparu, lorsque nous avons voulu demander un avis formel à l’ASN, que la loi ne le permettait pas de façon claire. L’Autorité a rendu une forme d’avis préalable dont le statut est aujourd’hui mal couvert par la loi.
L’article 54 fixe donc un cadre permettant à l’Autorité de sûreté de donner un avis plein et entier sur de tels projets.
L’amendement no 1290 n’est pas adopté.
Nous proposons de substituer au mot « examiner » les mots « rendre un avis sur ». L’Autorité de la sûreté nucléaire ne peut se contenter d’examiner, mais doit rendre un avis.
Avis défavorable. Nous en avions discuté en commission spéciale. L’Autorité de sûreté nucléaire ne peut se prononcer que sur des matériels installés en France, à condition équivalente. Elle ne peut donc pas rendre un avis dans tous les cas.
Même avis.
C’est à ne plus rien y comprendre, monsieur le ministre ! D’un côté, Mme la rapporteure nous dit qu’on ne peut donner un avis que sur une installation située en France. De l’autre, M. le ministre explique que l’article 54 vise l’Atmea, lequel ne sera pas construit en France. En tout cas, rien n’est prévu en ce sens dans un avenir proche et les premiers réacteurs de ce type seront réalisés en Turquie. Expliquez-nous pourquoi vous refusez notre amendement qui évoque précisément la possibilité de « rendre un avis » !
On m’a fait remarquer que je parlais trop, j’essaie donc d’être discipliné !
Sourires.
Je vais répondre, monsieur le député.
Comme vous le savez, l’Autorité de sûreté nucléaire effectue plusieurs types d’acte : elle peut procéder à une étude informelle, faire une analyse préliminaire, rendre un avis ou prendre une décision. Mais si votre amendement était adopté, on ne retiendrait que l’avis. Le mot « examiner », au contraire, a un sens plus large et permet de couvrir l’intégralité de la palette. Il correspond donc mieux à notre volonté de pouvoir choisir entre plusieurs formes d’analyses – hormis la décision, car l’intervention de l’ASN ne saurait constituer un préalable à ce genre d’investissement.
D’où l’avis défavorable ou l’invitation au retrait de l’amendement.
Sourires.
L’amendement no 1291 est retiré.
Sourires.
Le second amendement est un amendement de repli. Mais la question qui sous-tend les deux amendements est de savoir si l’on peut demander à l’Autorité de sûreté nucléaire de se prononcer sur la sûreté d’un équipement sans prendre en compte l’organisation de sûreté et de sécurité dans le pays d’accueil.
Il suffit de regarder les évaluations complémentaires de sûreté réalisées par l’Autorité de sûreté nucléaire à la suite de l’accident de Fukushima, s’agissant par exemple des appoints en eau ou en électricité supplémentaires, de l’organisation globale du contrôle commande ou de la résistance à la survenance d’un accident – il convient qu’il existe un deuxième lieu de contrôle de la centrale au cas où le premier serait inaccessible. Quand on voit la façon dont travaille l’Autorité de sûreté nucléaire, lui demander de donner son avis sur un réacteur sans prendre en considération l’organisation de la sécurité et de la sûreté dans le pays d’accueil ne paraît guère pertinent, voire est illogique. D’où notre proposition, qui me paraît aller de soi. Si l’on veut « plaquer » quelque chose qui est totalement déconnecté du système local, il est nécessaire d’aménager un minimum l’organisation locale de la sûreté nucléaire pour garantir une exploitation sûre ; et si ce n’est pas possible, vous n’allez pas le faire. Une décision favorable ne pourra être prise que s’il existe une organisation adéquate.
Avis défavorable sur les deux. Là encore, nous avons déjà eu cette discussion en commission : on voit mal comment une autorité de sûreté française pourrait se prononcer sur le dispositif de sécurité d’un pays étranger ! Je suis désolée, mais les conditions d’intervention de l’ASN sont fixées avec précision.
Au préalable, et pour clarifier mon propos, monsieur Baupin, je vous renvoie à l’article L. 592-28 du code de l’environnement, qui fixe le cadre de l’intervention de l’ASN à l’international et illustre l’insuffisance de la base légale actuelle. Il prévoit en effet que « l’Autorité de sûreté nucléaire adresse au Gouvernement ses propositions pour la définition de la position française dans les négociations internationales dans les domaines de sa compétence ». C’est la seule disposition qui existe : il n’y a pas d’approche projet par projet ; d’où notre souhait de clarifier les choses.
S’agissant des amendements en discussion, je comprends votre préoccupation. Toutefois, la coopération avec lesdits États se fait sur une base volontaire. Donner à l’ASN la possibilité d’examiner et de faire l’étude préalable d’un projet conçu par des entreprises françaises mais destiné à l’exportation, c’est parfaitement possible ; mais il n’est pas possible, sur la base de notre loi, d’examiner l’organisation de la sûreté nucléaire du pays d’accueil : cela implique une coopération volontaire dudit État.
Les amendements proposés visent à permettre à l’ASN de donner un avis sur l’organisation de la sûreté nucléaire d’un pays étranger, même si l’autorité de sûreté dudit pays ne le demande pas. Or il existe un cadre international de coopération, qui a été défini par l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, et qui prévoit que l’organisation de la sûreté nucléaire d’un pays peut être examinée par l’ensemble des autorités de sûreté nucléaire : ce n’est pas à l’ASN seule, ni même à la loi française d’en décider.
On peut néanmoins tenter d’améliorer ce cadre international, et tel est notre souhait. Cela passe par une plus grande exigence vis-à-vis de nous-mêmes, puisque, comme le Conseil politique nucléaire n’a cessé de le rappeler depuis l’été 2012, les centrales et l’ensemble des équipements nucléaires qui sont vendus à l’international répondent aux normes françaises.
Toutefois, cela ne faisait pas l’objet d’un contrôle systématique. Cet article ouvre cette possibilité, et donne un cadre d’action. Voilà dans quel sens nous allons.
Dans certaines régions se fait jour une concurrence internationale, avec des installations nucléaires qui ne répondent pas aux mêmes normes que les nôtres. Notre crédibilité, en tant que puissance exportatrice de nucléaire, dépend donc de l’existence d’une autorité indépendante qui puisse examiner ces équipements, faire des études préliminaires, rendre des avis et garantir que les équipements répondent aux normes que nous avons fixées. C’est fondamental. On ne peut pas aujourd’hui imposer l’ingérence de notre autorité indépendante dans d’autres systèmes, mais je pense qu’il s’agit d’un premier pas dans cette direction.
Avis défavorable sur les deux amendements.
Dans ce cas, comment expliquer que des conventions internationales prévoient le contrôle par les pairs, c’est-à-dire des uns par les autres ? Or cela existe : il n’y a pas, en la matière, d’ingérence.
Bien sûr, la sûreté intrinsèque de l’équipement est importante ; mais le contexte dans lequel on le vend l’est tout autant. Prenons l’exemple du Japon : quand André-Claude Lacoste déclarait que les contrôles effectués dans le cadre des revues par les pairs montraient un dysfonctionnement de l’organisation de la sûreté japonaise, il avait parfaitement raison ; on en a vu les conséquences. On peut toujours discuter de la sûreté des centrales elles-mêmes, mais ce n’était pas tant cela qui était en cause que l’organisation elle-même. Et André-Claude Lacoste ajoutait que la France ne concevait pas de vendre des centrales nucléaires dans un pays qui n’aurait pas un système de sûreté aussi performant que le nôtre. Alors, de deux choses l’une : soit il disait cela pour la gloriole ; soit il faut l’appliquer. Ou alors c’est que l’on a décidé de mettre la barre moins haut, ce qui serait pour le moins inquiétant !
Vous dites vouloir soutenir les entreprises françaises à l’export. Mais supposons qu’un constructeur vende une centrale nucléaire dans un pays dont le système de sûreté ne serait pas assez performant et qu’un accident survienne : on imagine facilement les conséquences que cela aurait sur le pays, sa population et l’environnement, mais pour l’entreprise qui a vendu cette centrale sans avoir la garantie qu’il existait des conditions de sûreté suffisantes pour la faire fonctionner dans de bonnes conditions, les conséquences seraient également dramatiques. Il est donc de l’intérêt de l’entreprise aussi que l’évaluation de l’ASN tienne compte des conditions de sûreté et de sécurité.
La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.
Ne mélangeons pas les rôles, monsieur Baupin. L’AIEA est une organisation internationale dont la mission est certes plutôt de contrôler la prolifération nucléaire, mais qui fonctionne très bien. Nous avons pu vérifier, au cours des visites que nous avons effectuées ensemble, qu’il existait partout des caméras de surveillance de l’Agence – de surcroît plombées pour que personne n’y touche –, qui permettent de détecter les mouvements d’uranium. Admettez que cela rend des services remarquables !
On a la chance en France de disposer d’un autre organisme : l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN. Rien n’empêche de lui demander d’examiner comment sont organisés et régulés les secteurs de l’énergie, et notamment l’énergie nucléaire, dans tous les pays du monde. Cela pourrait être une façon d’engranger des informations susceptibles de répondre à vos préoccupations – qui sont légitimes. Mais un tel travail ne relève pas nécessairement, me semble-t-il, de l’Autorité de sûreté. L’IRSN existe, et il réalise un travail considérable, y compris à l’international.
Il s’agit de mon ultime amendement sur cet article. Il vise à demander, plutôt que d’informer le Gouvernement, que l’Autorité de sûreté nucléaire rende publiques les conclusions de son examen. Le travail de l’ASN sur la sûreté a en effet vocation à être transparent.
Avis favorable, en apportant toutefois une précision.
L’article 54 prévoit que l’ASN puisse examiner les options de sûreté d’un projet destiné à l’exportation, de manière à valoriser l’expertise française en matière de sûreté. La rédaction actuelle ne mentionne pas explicitement que les résultats de cet examen seront rendus publics, mais la pratique de l’ASN est de le faire, une fois expurgées les données commerciales et industrielles sensibles. Je suis donc favorable à votre amendement, tout en précisant que la publication de ces analyses par l’ASN devra respecter les dispositions de confidentialité industrielle et commerciale en vigueur, afin de ne pas désavantager nos industriels par rapport à leurs concurrents, qui ne sont pas nécessairement astreints à des exigences identiques.
L’amendement no 1292 est adopté.
L’article 54, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1318 .
Les éco-organismes ont accumulé une vaste base de connaissances sur la conception des matériaux et emballages en lien avec la prévention et la recyclabilité. Cette connaissance doit être mise ouvertement à la disposition du public pour favoriser son exploitation par le plus grand nombre. Un tel échange d’informations permettrait l’émergence de nombreuses entreprises proposant des services autour de la gestion de déchets, de leur réutilisation ou réemploi, favoriserait les flux de déchetsressources inter-entreprises, améliorerait la recyclabilité des produits et, in fine, serait bénéfique tant à l’économie qu’à l’environnement, dans une logique d’économie circulaire.
J’espère que vous accepterez cet amendement, qui nous tient à coeur.
Même avis.
L’amendement no 1318 est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 88 .
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, chers collègues,…
Sourires.
…le présent amendement s’inscrit dans la droite ligne de la loi Bataille de 1991 et de la loi Loos de 2006, deux lois qui ont été votées à l’unanimité par chacune des chambres du Parlement de la République, par les députés comme par les sénateurs.
Ces lois faisaient sortir la question des déchets nucléaires de l’opacité et de l’ignorance, sinon de l’oubli. La loi Bataille avait confié à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, des missions très claires : recenser les déchets et les classifier ; la loi Loos lui avait demandé de commencer à les mettre en sécurité, afin d’éviter qu’ils ne soient « oubliés », comme le furent par le passé de nombreux déchets, dont on entend parler de temps à autre.
Après bien des discussions, études, contre-études, débats publics, et après les ultimes débats citoyens d’il y a deux ans, des décisions ont été prises et des plans proposés. Cet amendement en reprend plusieurs.
D’abord, il vise à définir la notion de réversibilité, pourtant inscrite dans la loi, mais dont le grand public souhaite manifestement la clarification. Il s’agit de prévoir la possibilité d’aller rechercher des colis stockés en couche géologique profonde. Le système de stockage devra donc démontrer sa capacité à être réversible. C’est pourquoi, avant que la phase industrielle ne débute, une première phase pourrait être prévue afin de réaliser un pilote industriel qui servirait à tester les techniques et technologies retenues par l’ANDRA et à mesurer la capacité de celle-ci à récupérer les colis, si d’aventure d’autres solutions, comme la transmutation, étaient mises au point par la recherche fondamentale.
L’amendement propose aussi de réviser le calendrier.
J’assistais, il y a quelques jours, à une réunion de la commission locale d’information et de suivi – CLIS – à Tréveray, dans la Meuse, à quelques kilomètres de Bure-Saudron. La commission nationale d’évaluation venait une nouvelle fois présenter le dossier et répondre aux questions des membres de la CLIS et à celles du grand public, invité à dialoguer.
De tels dialogues sont tout à fait particuliers : on y entend les mêmes arguments depuis une quinzaine d’années, et ils se terminent souvent soit par les tambours du Bronx, soit par des jets d’avions – en papier, je vous rassure ; pour l’instant il ne s’agit pas de drones. C’est pourquoi je trouve que notre assemblée, comme, demain, le Sénat, devrait se saisir de la proposition que je fais et voter cet amendement, de façon à tracer quelques perspectives et rappeler qu’en définitive, avec le stockage en couche géologique profonde dans l’argile de la Meuse, c’est tout simplement une mise en sécurité de ces déchets de haute ou moyenne activité, mais surtout à vie longue, qui a été choisie.
Cela durera au moins un siècle. Il convient donc de mesurer ce que représente un tel stockage dans des alvéoles situées à 400 mètres de profondeur. C’est un vaste chantier. Et si j’ai choisi, monsieur le ministre, avec d’autres collègues, de présenter un amendement sur votre projet de loi, c’est parce que l’intitulé de ce dernier fait référence à la croissance et à l’emploi.
Oui, aujourd’hui, c’est « croissance et activité ». J’espère que la durée de l’échange qui vient d’avoir lieu ne sera pas imputée sur mon temps de parole !
Sourires.
Merci, madame la présidente. Cela dit, cet échange était très instructif.
Il s’agit donc de responsabilité. Et je revendique d’avoir été des quatre parlementaires de mon département, qui ont ensemble analysé cette loi, autour de Mme la préfète, et pris la décision de présenter la candidature du département.
Monsieur le ministre, je ne sais pas où vous étiez à cette époque-là,…
Sourires.
…mais vous aurez remarqué qu’un seul site a été proposé et accepté. C’est que d’autres n’ont pas eu le même courage, le courage de ce geste de solidarité assumée.
Mon cher collègue, vous en pensez ce que vous voulez, mais j’assume. Et j’indique que nous avons ici, au Parlement, une responsabilité à prendre. Elle est simple : il s’agit de lancer un pilote industriel, de revisiter une loi qui a aujourd’hui neuf ans et de lui donner ainsi un nouveau au souffle au moment où pourrait s’ouvrir ce grand chantier.
J’insiste sur ce fait car j’ai déjà fait quelques propositions, monsieur le président Brottes, qui n’ont pas toujours recueilli l’assentiment. Aujourd’hui, il est temps de prendre en compte les conclusions du débat citoyen, quelles que soient les critiques que j’ai pu personnellement exprimer à leur égard. Quant à la responsabilité de l’ANDRA, elle est de lancer ce vaste chantier, mais c’est à vous, mes chers collègues, d’en décider.
Il s’agit, monsieur le député d’une question sensible. Par ailleurs, l’échéance fixée n’est pas 2015, mais 2016, vous le savez.
C’est pourquoi je vous propose de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur le député, vous avez rappelé le courage et l’esprit de responsabilité dont la Meuse a fait preuve dans le contexte de l’application de la loi de 2006. Je veux vous assurer que le Gouvernement a conscience des engagements pris et que son intention n’est pas d’abandonner ce territoire.
Le débat que nous avons ce soir me donne l’occasion d’exprimer ma reconnaissance à l’égard des élus et des habitants concernés et de leur rendre hommage.
Comme vous le savez, il était dans les intentions du Gouvernement de consacrer à ce sujet un article du projet de loi. Cependant, quel que soit le degré d’avancement du débat public et malgré les études qui ont été rendues, il convient d’être réaliste : la question ne fait pas l’objet d’un plein consensus au sein de la majorité – et je manie ici l’euphémisme.
Sourires.
C’est ce qui nous a conduits à retirer l’article en question.
Nous connaissons toutefois l’échéance, et nous la respecterons, mais, comme l’a dit Mme la rapporteure thématique, nous disposons encore d’un peu de temps, d’autant que les travaux commenceront dans presque dix ans. Il est donc possible de s’organiser.
Je prends toutefois mes responsabilités. Même si j’ai proposé au Premier ministre de retirer l’article relatif au centre industriel de stockage géologique, je veux vous dire que le Gouvernement n’abandonnera pas la Meuse ni ses élus, qui ont fait preuve de courage et d’esprit de responsabilité.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer cet amendement, non sans avoir pris le temps de vous rendre hommage. Ce qui doit être fait le sera, en temps et en heure, en bon ordre.
Il y a neuf ans, j’étais également présent dans l’hémicycle, et comme M. Dumont, j’ai voté ce texte qui nous permettait d’adopter une perspective sur ce sujet – un sujet certes compliqué, mais qui ne peut que rassembler les partisans et les adversaires du nucléaire, parce que quoi que l’on pense des déchets nucléaires, ils existent.
Il faut donc bien traiter la question, même si on peut se demander si la formule choisie est la bonne et s’il est possible de l’améliorer – et de fait, nous avons eu ce débat dans le cadre de la commission d’enquête sur les coûts du nucléaire –, s’il faut ou non prévoir une phase pilote, et selon quelles modalités, etc.
Toujours est-il que l’échéance que nous avions fixée à l’époque – et notre collègue Dumont le sait – est bien l’année 2016. Il n’y a pas de raisons de devancer l’appel, même si je comprends que les élus concernés en viennent parfois à s’interroger, alors même que leur territoire a été le seul candidat et qu’ils ont su se montrer proactifs dans ce dossier. N’oublions pas que les engagements pris à l’égard de ce territoire ont été plusieurs fois menacés. Ainsi, à l’occasion de l’examen de certaines lois de finances, nous avons mené bataille contre l’abandon de dispositions fiscales visant à les financer – il est vrai que cela se passait sous une autre majorité. J’étais alors à vos côtés, monsieur Dumont, pour faire en sorte qu’on n’oublie pas un engagement collectif qui concerne, au-delà d’une filière, l’ensemble du pays.
Le ministre vous a répondu, cher collègue, avec gravité, et il a eu raison de le faire. Il n’est pas utile de devancer l’appel, mais nous ne devons jamais oublier que ce sujet reste devant nous.
Ainsi, la notion de réversibilité, sur laquelle nous avons travaillé avec Denis Baupin dans le cadre de la commission d’enquête, peut recevoir plusieurs définitions. Le législateur a donc le devoir de préciser ce qu’il entend derrière ce mot. Les conséquences de son choix, en termes de travaux et de coût, peuvent en effet s’avérer très différentes. Sur ce plan, il est nécessaire d’avancer, mais pour le reste, il ne me paraît pas indispensable de brûler les étapes.
Je considère donc plutôt que votre amendement est un de ces amendements d’appel que vous déposez régulièrement, tels de petits cailloux, afin de marquer la mémoire collective. Vous avez raison de le faire, et je suis solidaire de cette démarche.
Tout d’abord, contrairement à ce que notre collègue Dumont a prétendu, les lois en question n’ont pas été votées à l’unanimité. Elles ont pu être approuvées par la gauche et la droite, mais les écologistes, eux, s’y sont opposés – ce que Christian Bataille a d’ailleurs reconnu.
Il n’y avait pas de parlementaires écologistes à l’époque ! Peut-être Mme Rivasi, en 2006…
Eh oui, il y avait des députés écologistes ! Certains veulent peut-être en chasser le souvenir, mais il y en avait, et ils n’ont pas voté les lois dont nous parlons.
Ensuite, pour abonder dans le sens de l’intervention de François Brottes, en effet, les déchets nucléaires sont là. Depuis quarante ans, on en produit, et depuis quarante ans on nous promet de trouver une solution à ce problème. Mais on n’a jamais trouvé la moindre solution. La seule « solution », entre guillemets, que l’on nous propose aujourd’hui, c’est de creuser un grand trou,…
…d’enfouir tout ça dans la croûte terrestre et de reboucher le tout. Voilà ce que l’on appelle le progrès au XXIe siècle !
D’ailleurs, tant qu’à user ainsi des déchets nucléaires, pourquoi ne pas adopter la même attitude à l’égard de toutes nos saloperies ? Pourquoi ne pas le faire pour les déchets chimiques, par exemple ?
Que va penser le reste du monde en voyant le pays des droits de l’homme creuser dans la croûte terrestre pour se débarrasser de ses saloperies ? Quel exemple donnons-nous sur le plan éthique ? Cela en dit long sur l’irresponsabilité qui caractérise les partisans de ce projet.
Il est vrai qu’il faut un certain courage, de la part des habitants de Bure en Champagne,…
Oui, mais ce sera en Champagne, bientôt. Il me paraît important de noter que la Champagne va devenir la poubelle nucléaire de la France.
Vous préférez enfouir les déchets à Paris ? Dans les catacombes, peut-être ?
De nombreuses questions demeurent quant à ce projet. Ce n’est pas par hasard si la directrice générale de l’ANDRA, quand je l’ai interrogée dans le cadre de la commission d’enquête évoquée par François Brottes, a jugé qu’il n’était pas encore mûr.
Premièrement, on ne sait pas combien Cigéo va coûter : 14 milliards d’euros selon EDF, Areva et le CEA, mais 28 milliards selon l’ANDRA, qui doit construire le projet.
C’est comme l’ampleur d’une manifestation, selon qu’elle est appréciée par la police ou par les organisateurs !
Exactement. Et encore, je n’évoque que les chiffres officiels. Ceux qui circulent dans les couloirs sont encore bien plus élevés.
Deuxièmement, on ne sait pas encore ce qu’on va mettre dans ce centre de stockage. Ce n’est pas nous qui le disons, mais l’Autorité de sûreté nucléaire ! Avant même d’examiner le dossier et de donner un avis sur la sûreté de l’installation, celle-ci a en effet estimé que dresser un inventaire était la première chose à faire. Il y a quelques jours, l’ASN a d’ailleurs adressé une mise en demeure à Areva à propos de déchets actuellement stockés à La Hague dans l’attente de leur transfert vers Bure en Champagne. Cela fait des années, en effet, que l’Autorité demande leur reconditionnement, en vain. Or il s’agit de déchets bitumineux parmi les plus dangereux !
Troisièmement, des questions se posent au sujet de la sécurité du site, laquelle devra être assurée pendant les 150 ans que durera son ouverture. Il est prévu une installation nucléaire de base en surface et une autre en sous-sol. Quid de l’hydrogène dégagé par les déchets contenus dans les alvéoles ? Comment ventiler suffisamment ? Que se passera-t-il en cas d’incendie ? Toutes ces questions demeurent en suspens. Au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, on a pu entendre des membres de la Commission nationale d’évaluation sur les déchets nucléaires – je parle de spécialistes, de scientifiques bien plus compétents que moi sur ces sujets –…
…admettre que si, un jour, une fumée qui sort de ce trou, cela pourrait inquiéter les riverains ! Je vous renvoie aux comptes rendus de l’OPECST. Nous sommes donc face à tous ces choix.
Quatrièmement, il convient de déterminer qui prendra la décision finale. Jusqu’à présent, le Parlement a pris toutes les décisions, et je pense que cela doit continuer ainsi – sur ce point, je suis d’accord avec mon collègue Dumont. Si, un jour ou l’autre, le projet est lancé – nous n’y sommes pas favorables, mais on sait quelles sont les majorités, et nous sommes des démocrates –, c’est le Parlement qui devra décider, au vu des résultats de la phase pilote, si l’on va jusqu’au bout.
Vient enfin la question de la réversibilité, dont François Brottes a eu raison de rappeler qu’elle soulevait des enjeux importants, sur le plan technique, mais aussi éthique. Au cours des 150 ans que durera la phase d’installation des déchets, sera-t-il ou non possible de les récupérer ? L’ASN pose sur ce point des questions très claires. Comment faut-il sceller chacune des alvéoles si on veut pouvoir aller rechercher les déchets nucléaires et les ramener en surface ? Quels équipements sont nécessaires ? À ces questions, nous n’avons aujourd’hui pas de réponse. Elles sont pourtant importantes, que l’on soit pour ou contre le nucléaire, pour ou contre Cigéo.
Voilà pourquoi nous ne pensons pas que la décision doit être prise au détour d’un amendement. Avant l’échéance qui a été rappelée, le Gouvernement pourra déposer un projet de loi sur le sujet, dont nous débattrons. Nous ne serons pas forcément d’accord avec les dispositions proposées, mais nous aurons ainsi l’occasion d’examiner l’ensemble des questions que je viens de rappeler, de sorte que la représentation nationale puisse prendre, le moment venu, une décision en connaissance de cause.
Je me permets au passage de rappeler, que selon une conclusion de la commission d’enquête sur les coûts du nucléaire, adoptée par la majorité de celle-ci, le stockage en subsurface doit être étudié de la même façon que l’enfouissement en grande profondeur. Cette piste, envisagée dans le cadre de la première loi sur les déchets nucléaires, a en effet été abandonnée depuis, bien qu’elle nous paraisse mériter d’être suivie : s’il apparaît finalement impossible d’assurer dans des conditions de sûreté acceptables l’enfouissement des déchets en grande profondeur, nous devons disposer d’une autre solution.
Tout d’abord, j’insiste sur le fait qu’il s’agit d’un stockage, et pas d’un enfouissement.
Ces deux termes ne veulent pas dire la même chose. Quand on est opposé au projet, on parle d’enfouissement ; quand on a une démarche scientifique et technologique visant la sécurité, on parle de stockage réversible. Je vous fais remarquer que cet amendement comporte une définition de la réversibilité, qui a été revisitée depuis la loi Loos. Elle a été discutée, voire contestée : dans ma circonscription même, dans le département de la Meuse, des personnes militent contre ce laboratoire. J’insiste sur ce point : l’installation de Bure, en Meuse – Saudron étant située en Haute-Marne – est un laboratoire.
Pourquoi se pencher sur ce problème aujourd’hui ? Parce que cela nous permettrait d’indiquer clairement l’objectif à l’ensemble des entreprises de la filière électronucléaire – entre autres. Cet objectif est de créer un pilote industriel, capable de tester, d’évaluer, de mesurer un certain nombre d’éléments. Ces mesures permettront, ensuite, de répondre aux questions posées notre collègue Baupin. Plus tard, peut-être, à la suite d’un débat dans cet hémicycle, l’Assemblée décidera-t-elle d’ouvrir le chantier définitif.
Le pilote industriel est apparu comme un élément clé dans toutes les discussions auxquelles nous avons participé ; nous l’avons donc pris en compte.
La filière électronucléaire, à laquelle j’ai fait référence, n’est pas la seule productrice de déchets nucléaires : il y a aussi l’industrie, la santé… Ces secteurs produisent beaucoup de déchets, qui peuvent être aussi dangereux les uns que les autres, sauf que leur durée d’activité est différente, et que leur activité est plus ou moins importante. Je ne suis pas un scientifique, seulement un professeur de l’enseignement technique – ce qui est déjà pas mal. Mais je peux quand même vous assurer qu’une évaluation doit être réalisée à partir de résultats, de mesures, et non seulement d’hypothèses !
Les hasards de la vie ont fait qu’en quelques mois, nombre de dirigeants des entreprises de la filière ont changé, soit qu’ils aient pris leur retraite, soit qu’ils aient changé de poste, ou, malheureusement, qu’ils soient décédés. Permettez-moi cependant de faire référence à l’une de ces dirigeants d’entreprise, Anne Lauvergeon, qui est venue plusieurs fois dans la Meuse. Elle se refusait à développer une technologie low-cost en ce qui concerne l’électronucléaire, et à vendre des produits qui n’étaient pas sûrs. Je tiens à rappeler ce fait, parce que c’est la seule fois qu’un chef d’entreprise de cette filière l’a exposé devant plusieurs dizaines de députés, représentant toutes les tendances de cette assemblée.
Je sais, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas directement chargé de l’énergie. Malgré cela, je dois vous dire qu’à mon sens, il est nécessaire que le Comité de haut niveau se réunisse, afin que ces nouveaux chefs d’entreprise – dont certains connaissent bien la Meuse grâce à leur cursus professionnel, notamment au sein des cabinets ministériels – sachent ce que nous souhaitons pour notre département. Contrairement à ce que j’ai entendu ici ou là, ce département mérite le respect. On peut ne pas être d’accord avec les décisions du conseil départemental, mais chacun, en conscience, doit s’y arrêter.
J’ai entendu, ici ou là, formuler des hypothèses telles que : « il faut laisser les déchets là où ils sont produits ». Dans cinquante ans, cent ans, je ne sais pas ce qu’ils deviendront. Je suis, en effet, un adepte du stockage réversible en couche géologique profonde. Mes chers collègues, ce soir, je ne retirerai pas cet amendement.
Oui, madame la présidente, je le maintiens.
Je l’ai déjà présenté un certain nombre de fois, à l’occasion de l’examen d’autres textes. Je vous rappelle cela en toute camaraderie, monsieur le président de la commission spéciale ! J’ai donc retiré cet amendement à plusieurs reprises. J’ai fait confiance au Gouvernement, et ma confiance n’a pas été trahie : il a pris, en tant que de besoin, les mesures d’accompagnement nécessaires. Ce soir, cependant, je ressens comme une tension. Je ne pense pas, monsieur le ministre, qu’il s’agisse d’une question de majorité politique. Au contraire, c’est une question tout à fait transversale.
Certes, contrairement à ce que j’ai dit tout à l’heure, les textes concernés n’ont peut-être pas été adoptés à l’unanimité. Certaines personnes n’étaient peut-être pas présentes, comme notre collègue Noël Mamère – je l’avais oublié : j’espère qu’il ne m’en voudra pas – ou encore Michèle Rivasi.
Quoi qu’il en soit, j’ai participé au vote de ces deux textes, et je peux vous garantir que je n’ai pas vu un doigt se lever pour voter contre.
Madame la présidente, je ne retire pas cet amendement. Je souhaite envoyer un signal au Sénat pour que notre Parlement donne le feu vert à ce projet, afin que l’on ne vienne pas nous dire, dans quelques mois ou dans quelques années, que l’on ne dispose pas de mesures, car les essais n’ont pas été faits. Les essais doivent se faire pour que le Parlement soit complètement éclairé.
Tout d’abord, monsieur Dumont, pour les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure, je ne voterai pas votre amendement.
Ensuite, je tiens à réagir aux propos tenus par Denis Baupin, qui pourtant est d’habitude un homme mesuré. Dire à ce territoire qu’il serait une « poubelle nucléaire », c’est très désobligeant à la fois pour ce territoire, et pour le centre de stockage !
Faisons très attention, mes chers collègues, quand nous manipulons de tels mots ! Il est déjà difficile d’implanter des centres de déchets ultimes, quand il s’agit de déchets hospitaliers ou industriels. Lorsque l’on préconise l’économie circulaire, et le traitement sur place des déchets liés au bâtiment, on rencontre aussi des réticences. Chacun doit donc se montrer responsable.
La filière nucléaire française a inventé le MOX, combustible qui permet de diminuer la part des déchets – je sais, chers collègues du groupe écologiste, que vous y êtes opposés. Nous essayons de réfléchir au mode de stockage et de traitement des déchets. Tout le monde n’est pas d’accord : il y a les tenants de l’entreposage en subsurface, et ceux du stockage en couche profonde ; mais ce n’est pas une raison pour nous envoyer à la figure des formules telles que celle que vous avez employée, monsieur Baupin ! Vous savez, cela peut avoir un effet boomerang pour beaucoup d’autres sujets.
Que l’on soit pour ou contre, ces déchets existent : il faut donc faire des propositions constructives pour les traiter. Celle dont parle M. Dumont a mûri longuement, mais n’est pas aboutie : nous en convenons. C’est pourquoi, à mon avis, il faut respecter l’échéance de 2016. Je comprends malgré cela la position de notre collègue Jean-Louis Dumont, qui craint que cette échéance ne soit pas respectée. Faites-nous confiance, mon cher collègue, 2016 ne sera pas 2015 !
La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à vingt-trois heures trente.
Je m’adresse tout particulièrement à M. le ministre et au président Brottes pour leur dire que j’ai décidé de retirer mon amendement.
L’amendement no 88 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 2310 rectifié et 2424 rectifié .
La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 2310 rectifié .
Sur l’initiative de M. Caresche, la commission spéciale a adopté un amendement visant à développer de manière égale les filières de biocarburant d’origine animale et végétale. Malheureusement, une petite imperfection rédactionnelle, liée aussi à la complexité du système d’incitation fiscale dans ce domaine, a laissé craindre le développement des importations de résidus d’autres origines, ce qui aurait pu déstabiliser les filières en cours de structuration. Le présent amendement, qui est identique à celui de M. Caresche, vise à corriger cette imprécision et à pallier ce risque, afin d’atteindre l’objectif visé par l’amendement initial.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement no 2424 rectifié .
Le sujet a longuement été débattu, y compris avec le Gouvernement. Le présent amendement est une étape qu’il faut absolument franchir, mais il devra à l’avenir encore évoluer, compte tenu de la complexité du dispositif fiscal.
Avis favorable, car cet amendement permet de maintenir nos objectifs à la fois en matière de biocarburants de première génération chers aux agriculteurs et en matière de valorisation des déchets, résidus et graisses animales, ce qui faisait l’objet de l’amendement initial de M. Caresche. L’amendement adopté en commission prévoyait de supprimer le plafonnement à 0,7 % pour les biocarburants avancés, ce qui pouvait conduire à un déséquilibre entre les types de biocarburants. Le présent amendement vise à corriger ce mécanisme.
Une réflexion de fond doit avoir lieu d’ici à l’examen au Sénat, car la rédaction de cet amendement est sans doute perfectible. Pour autant, l’objectif étant de favoriser ces deux filières, sans que le développement de l’une se fasse aux dépens de l’autre, le Gouvernement y est favorable.
J’avoue que je suis troublé par ces amendements identiques de MM. Caullet et Caresche. Je m’interroge sur leur signification et sur leur conséquence sur le sort de l’amendement déposé en commission spéciale par M. Caresche, lequel m’apparaissait une évidence. Cette évidence avait d’ailleurs été soulignée à de nombreuses reprises par M. Le Fur et moi-même, par le biais de nombreux amendements déposés dans le cadre de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, du projet de loi de finances pour 2014, du projet de loi de finances pour 2015 et des différents textes financiers examinés dans cette période. À chaque fois, les ministres concernés ont répondu, après nous avoir donné raison, qu’il fallait réfléchir à une solution acceptable par tous. La réflexion est si longue que nous n’en sortons jamais.
Il s’agit d’augmenter le taux d’huile animale utilisée pour la fabrication de biocarburants. L’amendement, adopté à l’unanimité en commission spéciale – faut-il le rappeler ? –, visait à faire sortir du domaine de la loi la fixation des contingents d’huile animale et d’huile végétale entrant dans la composition des biocarburants, pour la faire dépendre du domaine réglementaire, en la renvoyant à un arrêté du Gouvernement. Vous auriez donc ainsi, monsieur le ministre, toute latitude pour les fixer.
Je tiens aussi à rappeler qu’une telle augmentation des huiles animales faciliterait la destruction des carcasses animales de notre industrie agroalimentaire, notamment de la filière viande en Bretagne. Actuellement, ces carcasses sont brûlées – Mme la rapporteure thématique l’a reconnu en commission spéciale. Leur utilisation accrue favoriserait une économie circulaire : les carcasses, jusqu’à présent brûlées, serviraient ainsi à la fabrication de biocarburants. En résumé, je n’y vois pour ma part que des avantages ; l’unanimité de la commission spéciale, après un avis favorable de Mme la rapporteure thématique, avait conforté M. Caresche sur ce point.
Que signifie donc ce nouvel amendement ? Remet-il en cause ce que nous avons adopté à l’unanimité en commission spéciale ? Si tel était le cas, je m’interrogerais sur l’utilité du travail de la commission spéciale. Je crains par ailleurs que ces amendements ne soient totalement inopérants, car les nouvelles mesures introduites n’auraient aucune conséquence sur les importations et ne créeraient aucun débouché interne supplémentaire pour la filière des esters méthyliques d’huiles animales, les EMHA.
Pire, par ces amendements, des objectifs clairement distincts entre huile végétale et huile animale seraient inscrits dans la loi, et le dispositif du double comptage mis en place par l’Union européenne pour favoriser l’introduction d’EMHA dans les biocarburants serait supprimé dans les faits. Ces mesures déstabiliseraient donc davantage le marché dans le secteur, au détriment des huiles animales. Monsieur le ministre, pourquoi revenir sur une bonne décision, adoptée à l’unanimité en commission spéciale ?
En réponse à M. Lurton, j’indique que j’aurais moi aussi préféré que cet équilibre relève du domaine réglementaire et qu’il soit défini par arrêté. Néanmoins, on nous a mis en garde – et il faut entendre cet argument – contre le risque de développement des importations avant la publication de l’arrêté, les pétroliers pouvant avoir recours à des huiles d’importation beaucoup moins chères. Le Gouvernement a donc souhaité que le dispositif soit sécurisé juridiquement.
Je remercie le ministre d’avoir confirmé son engagement tout en nous invitant à travailler à nouveau sur la rédaction de cet amendement. Par ailleurs, même si l’amendement n’est pas tout à fait satisfaisant, car il continue de mentionner deux cibles distinctes, il devrait favoriser le développement des huiles d’origine animale.
Monsieur Lurton, nous partageons tous l’objectif de valoriser les produits d’origine animale. La directive européenne à laquelle le texte fait référence prévoit trois sources d’incorporation possible : animale, végétale, et autres résidus. Ces autres résidus peuvent être également importés. La rédaction actuelle de l’amendement réserve une part importante aux déchets et résidus d’origine animale et végétale, ce qui offre un vrai débouché à la filière naissante des huiles animales notamment ; c’est un premier progrès. Il s’agit d’éviter que les autres résidus ne deviennent la seule source d’incorporation, au détriment des filières végétale et animale, qui sont en train de se développer, notamment en Bretagne.
Je pense qu’il y a d’autres raisons à ces modifications et qu’elles sont très regrettables. Les filières ont investi de façon très importante dans la construction d’usines pour pouvoir réutiliser ces huiles animales issues des carcasses, notamment de l’industrie agroalimentaire de Bretagne. Nous les bloquons complètement dans leur développement, au risque de mettre en péril leur activité. Je vous rappelle que les premiers amendements sur ce sujet remontent à l’examen du projet de loi pour l’avenir de l’agriculture. Depuis, malgré les engagements du Gouvernement, nous n’avons pas avancé d’un iota.
Il ne s’agit pas d’un recul par rapport à l’amendement adopté en commission spéciale, ni d’un retour au statu quo ante. Nous gardons l’un des apports de cet amendement, tout en le corrigeant pour éviter les effets pervers sur une autre filière, qui a aussi investi. Soyons collectivement responsables : il faut éviter d’établir des règles trop restrictives, voire trop protectionnistes – disons-le clairement –, qui ne seraient pas conformes à nos engagements européens et internationaux et nous exposeraient à une condamnation.
Par ailleurs, encourager une filière qui a investi, comme vous l’avez très bien dit, monsieur Lurton, ne doit pas se faire au détriment d’une autre qui a également investi. Or, le dispositif prévu par l’amendement adopté en commission spéciale conduisait à cette situation déséquilibrée. Les amendements déposés par MM. Caresche et Caullet permettent de le rectifier. Au demeurant, reconnaissez qu’ils constituent une nouvelle avancée pour les filières de la graisse animale, car leur statut est maintenu !
Certes, ces amendements peuvent être améliorés et je suis tout à fait prêt à approfondir le travail avant l’examen du projet de loi par le Sénat, mais il ne s’agit ni d’un recul, ni d’une réflexion qui s’éternise, puisque le Gouvernement est favorable à ces amendements. Je comprends votre préoccupation, mais il faut veiller à préserver l’équilibre entre les filières.
Les amendements identiques nos 2310 rectifié et 2424 rectifié sont adoptés.
L’article 54 bis, amendé, est adopté.
Article 54
L’article 54 ter est adopté.
Article 54
L’article 54 quater pose le principe d’un accès régulé transitoire, pour certains procédés de fabrication hyper-électro-intensifs, au coût de revient de l’hydroélectricité, dans l’attente du renouvellement des concessions. Le présent amendement a pour objet de compléter l’article 54 quater. Il vise à accroître l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité. Il tend également à prévenir, conformément aux objectifs fixés par la Commission européenne, les fuites de carbone en provenance des mêmes industriels, en conformité avec les objectifs climatiques de l’Union européenne – je crois que le sous-amendement de M. Baupin vise à compléter cette disposition. Il vise enfin à préciser les objectifs, les bénéficiaires, le champ d’application du dispositif et le volume maximal concerné.
Depuis l’adoption de ce dispositif en commission spéciale, notre attention a été appelée sur la possibilité qu’il ne soit pas sécurisé sur le plan juridique. L’adoption de cet amendement permettrait de le rendre juridiquement plus solide.
La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir le sous-amendement no 3282 .
Nous avons également débattu de ce sujet en commission spéciale. Nous sommes favorables aux aides pour certains procédés de fabrication hyper-électro-intensifs car, quelle que soit notre volonté de lutter contre la surconsommation énergétique, nous n’avons aucun intérêt à ce que les entreprises intensives en énergie soient obligées de s’expatrier. Cela n’apporterait rien en matière de consommation énergétique et nous perdrions des emplois.
Pour autant, elles ne doivent pas être exonérées de l’obligation de faire des efforts pour maîtriser leur consommation énergétique, à condition que ceux-ci soient économiquement supportables. Le présent sous-amendement vise donc à intégrer aux critères proposés par Mme Laclais un critère concernant la maîtrise de la consommation d’énergie, qui devra faire l’objet d’un rapport annuel des entreprises, de façon à s’inscrire dans une démarche vertueuse.
L’amendement de Mme Laclais porte sur la question des électro-intensifs, qui est un vrai sujet pour notre industrie ainsi qu’une question de fond qui doit être incontestablement traitée. Simplement, nous pensons que ce sujet doit encore faire l’objet d’un travail approfondi avant tout vote. Nous souhaitons donc, à ce stade, le retrait de cet amendement, afin que le travail parlementaire se poursuive et éventuellement permette l’intégration ultérieure des dispositions concernées dans le projet de loi au cours de son examen.
En effet, l’article 54 quater, qui avait été adopté en commission spéciale, a permis – vous y avez, madame Laclais, contribué et je vous en remercie –, d’avancer dans ce sens et d’apporter une réponse aux électro-intensifs et pas simplement aux hyper-électro-intensifs. Je pense que c’est un premier pas et nous continuerons à travailler dans ce sens.
Avec votre amendement, vous venez préciser la manière dont le dispositif pourrait fonctionner mais, là aussi, la rédaction devra immanquablement évoluer pour préciser ledit dispositif, et notamment les volumes en jeu, les modalités d’affectation, la rémunération des concessionnaires et le rôle des fournisseurs alternatifs. À cet égard, je dois dire que le sous-amendement déposé par M. le député Baupin va dans le bon sens et que le Gouvernement y serait favorable.
Mais, comme je le disais, nous souhaitons continuer à travailler en vue de la lecture au Sénat.
Par ailleurs est en cours, en ce moment-même, l’examen au Sénat du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui comporte des dispositions complémentaires de celles que vous avez votées en commission spéciale et qui constituent l’article 54 quater. Afin d’une part de clarifier le dispositif tel qu’il ressortira de la discussion au Sénat, et d’autre part d’améliorer la rédaction adoptée par la commission spéciale, tout en prenant en compte la préoccupation qui inspire votre amendement comme, je tiens ici à le dire, le sous-amendement, je vous invite plutôt au retrait. Il faut en effet nous ayons une vision stabilisée de l’ensemble du dispositif pour que nous soyons pleinement cohérents entre ces deux textes de loi.
Chacune des étapes d’examen de la loi, qu’il s’agisse, d’ailleurs du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ou du projet pour la croissance et l’activité pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, nous permet d’avancer sur un sujet sur lequel nous sommes regardés et attendus. Nous devons avoir en tête quelques dates-butoirs, en particulier celle du 1er janvier 2016. Il est nécessaire que les industriels puissent être fixés au plus tôt : chaque avancée constitue pour eux une opportunité de travailler en amont.
Vous m’avez invité, monsieur le ministre, « plutôt » à le retirer, je serais donc tentée, moi, « plutôt » de le maintenir.
Sourires.
La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.
Madame Laclais a raison : il existe ici ce qui s’appelle une « jurisprudence Brottes » qui consiste à dire qu’il vaut mieux tenir que courir. Elle n’a pas utilisé le terme, mais je l’emploie avant qu’elle ne le fasse.
Pour avoir été, il y a longtemps, l’instigateur de cette idée qu’on devrait adosser à l’Agence régionale de l’environnement et des nouvelles énergies, l’AREN, l’hydraulique dit au « fil de l’eau », parce qu’il s’agit de production en base, je ne peux que me rallier aux principes figurant dans cet amendement. Je crois d’ailleurs que nous avons un peu co-écrit l’amendement qui a été adopté en commission spéciale et qui permet en effet d’ouvrir plus qu’une porte. Il revient en effet à reconnaître de manière unanime, et je remercie l’ensemble des groupes de l’avoir compris, que la question des électro-intensifs constitue un sujet majeur.
Le Gouvernement s’est, depuis quelques mois déjà, rallié à cette préoccupation. Pour être aussi, par ailleurs, président de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, je crois savoir que le Gouvernement est en ce moment-même en train de déposer au Sénat tout une série d’amendements qui précisent le cadre permettant à certaines entreprises – il ne s’agit pas seulement des hyper-électro-intensifs – d’être éligibles à la notion d’électro-intensivité. Il ne faut pas oublier qu’il existe dans ce pays des entreprises qui ne sont pas hyper-électro-intensives, mais qui sont très sensibles, en termes de compétitivité, à la question du coût de l’énergie. Se limiter à l’hyper-électro-intensivité est un peu restrictif.
Ensuite, nous avons réussi à actionner deux leviers, et en premier lieu celui du droit à la reconnaissance de l’interruptibilité et de sa rémunération, qui a été inséré dans un premier temps dans le projet de loi relatif à la transition énergétique et qu’on a confirmé ici. Il va être conforté au Sénat. Le deuxième levier, également inséré dans le même projet de loi, et qui va être conforté au Sénat par le Gouvernement, porte sur les tarifs de transport. Nous allons pouvoir, comme le font les Allemands, réduire significativement le coût du transport de l’électricité pour les électro-intensifs. Voilà deux leviers qui devraient nous amener, compte tenu des tableaux que j’ai pu visualiser, à retrouver les prix dont bénéficient les industriels en vertu des contrats en cours, qui arrivent bientôt à échéance.
La question se pose de l’opportunité d’actionner un troisième levier : celui de l’accès à l’énergie hydraulique. Or il me semble que nous avons besoin, sur ce point, d’un temps de réflexion complémentaire, car cette énergie regroupe trois fonctions : la première porte sur la pointe, parce qu’on peut appeler ce qui est stocké pour neutraliser les effets de la pointe, mais il y a aussi une fonction de stockage, fonctionnant de pair avec la première, et une fonction dite « au fil de l’eau ». Cette dernière correspond, par exemple, à ce qui se passe sur le Rhône : on ne peut pas considérer que les coûts de production et le bénéfice de l’ensemble du système par rapport aux industriels puissent être identiques. Je pense que, quand on parle d’un bénéfice de l’hydroélectricité pour les électro-intensifs, il faut que nous arrivions à hiérarchiser les fonctions qu’assure l’électricité, ce que ne fait pas encore l’amendement en discussion.
Mais je conçois parfaitement qu’il continue à préciser les choses, bien que nous n’ayons pas encore abouti. Il y a donc deux écoles : soit nous allons au terme du processus sur ces questions dans le projet de loi relatif à la transition énergétique, ce qui est en train d’être fait, soit nous posons ici une pierre, mais dont nous ne saurons pas tout à fait tirer parti puisque le même projet de loi va, de toute façon, être adopté définitivement avant celui que nous examinons en ce moment. Pour cette raison, je crois que la demande de retrait formulée par la rapporteure thématique ainsi que par le ministre n’était pas, madame la députée, une demande de retraite.
Sourires.
D’autant que c’est votre amendement qui a ouvert cette porte, et chacun vous en sait gré. Je pense donc qu’effectivement, pour la clarté du travail effectué sur ces questions, ce retrait serait préférable. Encore une fois, je me félicite que le Gouvernement, au sein de plusieurs ministères, ce qui n’est pas toujours commode, ait pris en compte cette réflexion et souhaité avancer de façon interministérielle et extrêmement concrète. Tout le monde a ici conscience de l’échéance que vous avez évoquée et des fins de contrats d’un certain nombre d’industriels qui aujourd’hui sont encore compétitifs, mais qui risqueraient de ne plus l’être si on laissait passer l’échéance que vous avez évoquée.
J’entends tout ce qui nous est dit et qui est extrêmement intéressant. Je crois que nous pouvons consacrer quelques minutes de notre débat à une question aussi importante, ne serait-ce que pour rassurer celles et ceux qui nous écoutent ou nous écouteront. Il me semble que, monsieur le président de la commission spéciale, dans vos propos qui sont très rassurants, vous faites un choix entre un dispositif qui pourrait être porté par le projet de relatif à la transition énergétique et un autre qui pourrait l’être par le projet de loi pour la croissance et l’activité pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Or, à mes yeux, ces deux dispositifs sont complémentaires ou, en tout cas, se complètent. Je crois que ce qui est effectivement proposé dans le projet de relatif à la transition énergétique comporte un avantage. J’ai pris connaissance des amendements déposés par le Gouvernement au Sénat, qui sont au nombre deux : le premier ne soulève aucune difficulté, et l’autre ouvre plus largement le dispositif, comme vous l’avez dit. Je me réjouirais que les deux dispositifs puissent être adoptés et passent le cap des discussions avec la Commission européenne. Il me semble que ce qui est proposé ici est complémentaire et ne s’oppose pas au dispositif que je viens d’évoquer.
Je ne veux pas donner le sentiment que mon amendement irait à l’encontre des souhaits du Gouvernement, de la rapporteure thématique et du président de la commission spéciale, d’autant que, vous l’avez rappelé, et je m’en souviens avec reconnaissance, c’est une co-écriture qui a abouti à ce résultat en commission spéciale.
Je suis déçue qu’on ne puisse pas, ce soir, avancer un tout petit peu plus. Je le dis franchement, car je crois que nous aurions apporté une pierre à l’édifice et permis une avancée pour l’ensemble des industriels qui nous attendent. J’en suis vraiment désolée. Je préférerais cependant maintenir mon amendement.
Le sous-amendement no 3282 est adopté.
L’article 54 quater, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 789 rectifié .
Cet amendement vise à garantir une meilleure protection des débiteurs par une meilleure information et à leur permettre de mieux mesurer les engagements qu’ils prennent. Il s’agit, en effet, de renforcer l’information de la personne qui avalise un chèque, un billet à ordre ou une lettre de change. L’aval constitue une garantie personnelle relativement importante, puisqu’elle comporte un engagement sur les biens personnels de la personne concernée.
Contrairement au cautionnement, et alors que leurs effets sont identiques, l’absence de formalisme de l’aval le rend pratique d’utilisation, mais expose le donneur d’aval à un défaut d’information sur la nature exacte et les effets de son engagement. Il est constant qu’au moment où il signe un bon, le donneur d’aval n’est pas totalement informé des conséquences de son acte, notamment sur son patrimoine personnel, surtout lorsqu’il s’agit d’un chef d’entreprise qui s’engage sur une somme due par sa société. Il en résulte une difficulté.
Il est donc proposé de renforcer l’information du donneur d’aval lorsqu’il avalise un chèque, en l’obligeant à formaliser la rédaction de l’aval, qui comporterait une mention obligatoire explicite lui permettant de bien mesurer la garantie prise sur ses revenus et sur ses biens personnels. Cette mention permettra d’attirer son attention sur le fait qu’il engage ses biens propres et son patrimoine par sa signature. Tel est l’objet de cet amendement entraînant une modification de plusieurs articles du code de commerce.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique de la commission spéciale.
C’est un amendement qui introduit une disposition très pragmatique et qui renforcera l’information des entrepreneurs. L’avis de la commission est donc bien sûr favorable.
Sagesse.
L’amendement no 789 rectifié est adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 74 rectifié .
L’article 55 du projet de loi vise à apporter une réponse aux entreprises qui se mettent en sommeil. La rédaction du deuxième alinéa fait référence à une « cessation totale d’activité temporaire ». Or il s’agit d’apporter une réponse aux entreprises qui ne se mettent justement pas dans une situation de cessation totale d’activité, mais en situation de cessation temporaire.
Il ne s’agit pas de faire ici état d’activités temporaires, qui relèvent d’activités comme l’intérim. Je propose donc que soit retenue la notion de « cessation temporaire d’activité », et non de « cessation d’activité temporaire », ce qui est une notion tout à fait différente. La première me semble s’inscrire davantage dans l’esprit du texte.
Nous avons effectivement eu le débat en commission. Cet amendement apportera une précision nécessaire. L’avis de la commission est donc favorable.
Sagesse.
L’amendement no 74 rectifié est adopté.
L’article 55, amendé, est adopté.
Article 55
L’article 55 bis est adopté.
Article 55
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2832 .
L’amendement no 2832 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2831 .
L’amendement no 2831 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2833 .
L’amendement no 2833 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2834 .
L’amendement no 2834 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 55 ter, amendé, est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2837 rectifié .
L’amendement no 2837 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 56, amendé, est adopté.
Les gros travaux intéressant la structure d’un immeuble et les travaux de mise aux normes réglementaires sont, conformément à la loi, à la charge des bailleurs.
Cette volonté du législateur doit demeurer, mais elle pose un certain nombre de problèmes dans le secteur médico-social, qui fait l’objet de nombreux contrôles par les autorités administratives. En effet, les gestionnaires commerciaux des établissements médico-sociaux sont responsables vis-à-vis des personnes accueillies et, à ce titre, certains d’entre eux entendent conserver la parfaite maîtrise des travaux sur le site d’exploitation.
Cet amendement propose donc qu’à l’initiative du locataire titulaire d’une autorisation d’exploitation d’un établissement médico-social, il puisse être dérogé aux règles régissant la répartition de la charge des travaux prévues par la loi.
Cet amendement a été repoussé par la commission. Il va dans le bon sens, mais sa rédaction pose encore des problèmes et il faudrait continuer à travailler la question avec le Gouvernement.
L’amendement no 3055 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Les amendements, nos 2844 , 2843 rectifié , 2842 , 2841 et 2840 rectifié sont des amendements de précision, monsieur le rapporteur ?
Les amendements nos 2844 , 2843 rectifié , 2842 , 2841 et 2840 rectifié , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
L’article 56 bis, amendé, est adopté.
L’article 57 est adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1834 .
Cet amendement, qui concerne la commande publique, tend à imposer aux payeurs de respecter les délais dans lesquels ils doivent payer les fournisseurs.
Chacun connaît le circuit. Une commune, ou une collectivité, commande des travaux. Ensuite, il y a un mandatement et, parfois, le trésorier ne respecte pas les délais de paiement. On inflige alors à la commune des pénalités, et c’est à elle de faire la preuve qu’elle n’est pas responsable du retard.
Puisque vous voulez simplifier, fluidifier les relations entre la collectivité qui passe une commande publique et les entreprises qui ont réalisé les travaux et doivent être payées, monsieur le ministre, nous souhaitons simplement écrire dans ce texte que les payeurs doivent être tenus de respecter les délais de paiement mentionnés dans les contrats de la commande publique, ce qui nous paraît être une mesure de bon sens.
Cet amendement, qui vise à imposer aux comptables publics de respecter les délais de paiement prévus dans les contrats de la commande publique, a été repoussé par la commission.
L’objectif est louable, mais la rédaction est assez large et, en fin de compte, alors que le fait est généré par la collectivité territoriale, vous rejetez la faute sur le comptable public, qui n’est tenu à exercer qu’un contrôle de légalité.
Défavorable.
Je vais le retirer, madame la présidente, puisque j’en ai présenté un autre, qui est plus précis.
L’amendement no 1834 est retiré.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1832 .
J’ai bien écouté ce que vient de dire le rapporteur. J’en avais tenu compte en amont parce que j’avais imaginé quelle pourrait être sa remarque.
Nous proposons donc d’écrire noir sur blanc que, « lorsque les intérêts moratoires, l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et le cas échéant, l’indemnité complémentaire pour frais de recouvrement sont imputables, en tout ou partie, à un comptable public, celui-ci les verse au créancier ».
Il n’est pas inutile de rappeler le circuit. Il y a une commande publique, puis le mandatement par la collectivité. Si un retard est constaté, c’est le pouvoir adjudicateur qui paie, c’est-à-dire la collectivité. Dans un premier temps, qu’elle soit responsable ou pas, c’est elle qui paie. Dans un second temps, si elle arrive à prouver que le comptable n’a pas fait le travail dans le temps imparti, il y a une action récursoire et le comptable public reverse les sommes correspondantes à collectivité. Ne trouvez-vous pas que c’est un peu compliqué ?
On pourrait faire plus simple, monsieur le ministre, et constater que le délai n’a pas été respecté par le comptable public. Les comptables publics, vous le savez tous, ont des indemnités particulières données par chacune des collectivités, les syndicats, les maisons de retraite, les comités de communes, les communes, parce qu’ils engagent leur responsabilité. Elles viennent en complément de leur rémunération et sont versées selon une échelle choisie par les collectivités, allant de 0 à 100 % en fonction de la qualité du travail, de leurs relations.
Puisqu’il est ainsi admis qu’ils engagent leur responsabilité, il me paraît logique, que, si la faute leur est imputée, ce soient eux qui s’acquittent des pénalités et non la collectivité ; si, pour les petits marchés, cela ne représente pas un montant très important, ce n’est pas le cas pour les très gros marchés, et je vois que le rapporteur est sensible à mon argument. Au moment où les dotations des collectivités territoriales baissent, chacun doit assumer ses responsabilités.
Il y a encore un problème de rédaction, puisque l’amendement que vous proposez reviendrait à mettre à la charge du comptable public le remboursement de la totalité des intérêts moratoires dus…
…alors même que, pour une partie d’entre eux, ce pourrait être la collectivité et non le comptable public qui serait responsable.
La commission est défavorable à cet amendement.
Je partage l’avis du rapporteur.
C’est un point important. En matière de commande publique, le principe d’unicité de l’acheteur public vis-à-vis de ses fournisseurs est bien établi et doit être défendu, parce que c’est un gage de simplicité et la condition pour assurer la lisibilité de la relation contractuelle pour les fournisseurs.
La disposition que vous proposez, même si l’objectif est louable, ferait supporter aux fournisseurs une complexité administrative supplémentaire, parce que vous décomposez en quelque sorte la responsabilité alors que l’action récursoire, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, permet, d’une part, de payer rapidement, en une seule fois, le fournisseur et, d’autre part, de préserver les intérêts d’une collectivité locale vertueuse, qui se retournera vers l’État.
Comme nous partageons néanmoins l’objectif qui est le vôtre, nous comptons promouvoir les bonnes pratiques, sur la base du volontariat, dans la réforme relative au bas de bilan que nous sommes en train de préparer, ce qui ira dans votre sens, mais je ne suis pas favorable à une systématisation par la loi.
Je vous invite donc à retirer votre amendement, mais l’objectif que vous poursuivez, nous essaierons de l’atteindre.
Je vous entends, monsieur le ministre, mais, quand on est maire d’une commune, on a chaque année le même problème le 1er janvier, parce qu’il y a la fameuse journée complémentaire. À une époque, c’était le 31 décembre, ce qui n’est plus toujours le cas. On me demande parfois de la faire le 20 décembre. Le délai de quarante-cinq jours pour payer peut quelquefois passer à cinquante-quatre, cinquante-trois ou cinquante-deux jours.
Je crois que la proposition que je vous faisais était équilibrée. Le rapporteur a omis de le relever, mais je tenais compte du fait que les frais pouvaient être imputables « tout ou partie » à un comptable public. Vous pouvez donc très bien distinguer entre ce qui incombe à celui qui a fait le mandatement et ce qui incombe à celui qui paie.
J’ai entendu votre réponse, il faudrait que vous m’assuriez que vous allez envoyer une petite directive à toutes les trésoreries, à tous les services de la direction générale des finances publiques, pour que cela se traduise dans les faits dans l’ensemble des départements. Je crains que vous n’ayez quelques difficultés d’application dans les petites trésoreries qui n’emploient que trois ou quatre personnes. Là, vous verrez qu’avec la journée complémentaire et les marchés importants passés en fin d’année, faire appliquer la règle des quarante-cinq jours sera un peu compliqué.
En tout cas, il ne s’agit pas de pénaliser l’entreprise. À partir du moment où le mandatement est fait dans les délais, je ne vois pas où est la difficulté, je ne vois pas comment il peut y avoir des problèmes, en tout cas pour les entreprises à qui sont destinés ces crédits.
L’amendement no 1832 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement no 2364 .
Cet amendement tend à rappeler le rôle que doit jouer la commande publique dans l’encouragement de l’innovation, tant au plan national qu’à l’échelon européen, en introduisant comme critère d’attribution d’un marché public le développement de l’innovation de rupture.
Il s’inscrit dans la continuité des travaux de la mission que j’avais menée sur l’économie numériques : cela faisait partie des propositions que nous avions émises. C’est dans la lignée, également, des initiatives lancées par le Gouvernement afin de rendre la commande publique plus efficace.
Cette disposition permet aussi à la commande publique de s’imposer comme prescriptrice dans l’émergence de nouveaux acteurs capables d’inventer des modèles, de repenser un marché et d’anticiper surtout les prochaines vagues d’innovation.
Nous avons précisé cette fois-ci ce que nous entendions par innovation de rupture, « l’innovation à l’origine de tout concept, produit ou service nécessitant l’application de nouvelles règles, de valeurs et de modèles économiques qui bouleversent les marchés existants ».
Évidemment, l’innovation de rupture n’est pas uniquement technologique. Elle peut être aussi marketing, design, sociale, mais dans la continuité des travaux que nous avons menés sur la promotion de l’innovation et sur la détection des projets, je crois vraiment que la commande publique a un grand rôle à jouer en étant prescriptrice et en encourageant l’innovation.
Même si cela n’est pas dans l’amendement, nous pourrions aller plus loin, en affectant un pourcentage. Beaucoup de réflexions sont menées sur ce sujet. Nous devons nous projeter vers les prochaines vagues d’innovation et, surtout, ne pas passer à côté des progrès technologiques qui nous sont proposés par les start-up.
Ce sujet est important. Toutefois, cet amendement est un amendement d’appel pour engager le débat sur la priorité que pourrait constituer l’innovation de rupture, mais il ne s’insère dans aucun texte en vigueur et n’a donc pas pour vocation de modifier un dispositif quelconque. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable. En revanche, nous invitons le Gouvernement à prendre en compte cette problématique dans le cadre de toutes ses politiques. Il est important d’anticiper et non pas de subir ; l’innovation peut créer des richesses durables, et, partant, des emplois.
Le Gouvernement partage l’objectif de votre amendement, madame Erhel. Dans le cadre de la transposition de la directive européenne relative aux marchés publics qui est en cours et qui fait l’objet d’une consultation, le Gouvernement procède à la refonte des textes relatifs à la commande publique. Il tiendra compte de cet objectif. Les deux directives de février 2014 ne prévoient pas de dispositions propres à l’innovation de rupture et il ne sera pas possible d’imposer par la norme légale ou réglementaire un tel critère d’attribution, parce que ce ne serait pas conforme aux contraintes communautaires. En revanche, les acheteurs publics peuvent prendre en compte le critère de l’innovation, lorsque cela est lié à l’objet du marché.
Nous voulons favoriser cette pratique, mais pour autant le caractère normatif que vous souhaitez lui donner dans votre amendement ne nous apparaît pas possible. À cet égard, la direction des affaires juridiques du ministère a mis à disposition des acheteurs un guide pratique de l’achat innovant qui permet d’aller dans ce sens. Je peux vous confirmer que dans le travail de refonte des textes relatifs à la commande publique, nous sommes en train de favoriser les PME et l’allotissement pour améliorer les pratiques, mais aussi l’innovation de rupture. Cependant, il ne nous paraît pas possible juridiquement d’aller aussi loin que ce que vous souhaitez. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement, en vous confirmant le souhait du Gouvernement d’aller aussi loin que possible dans le respect des directives en place.
Monsieur le ministre, je ne veux pas vous mettre dans une situation d’inconfort, comme vous le dites souvent, mais je suis persuadée que nous devons être plus innovants et entreprenants sur ces thématiques, car il y va de la prise en compte de tous les efforts d’innovation. Je souhaite que, même si vous me dites que la notion d’innovation de rupture ne peut pas être intégrée dans la commande publique en tant que telle, il y ait une réflexion approfondie sur cette notion-là, sans quoi nous allons en rester à des thématiques assez larges, alors que notre pays a tout intérêt à être prescripteur en la matière. Je retire mon amendement.
L’amendement no 2364 est retiré.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l’amendement no 2990 .
La question des délais de paiement est cruciale pour les TPE et les PME de notre pays. Le non-respect des obligations légales en la matière est encore trop important aujourd’hui. Cela est particulièrement problématique lorsque le débiteur est une personne publique, en raison des règles de droit et de la force économique qui lui est propre. De nombreux efforts ont été faits, conduits notamment par les services de Bercy, et un Observatoire des délais de paiement suit de près la situation au niveau national. Néanmoins, dans son dernier rapport, il pousse un cri d’alarme, puisqu’il signale que les indemnités légales en cas de retard de paiement sont insuffisamment appliquées par les pouvoirs publics et que les délais de paiement de certaines personnes publiques, très au-dessus des délais légaux, tendent à s’aggraver. Aussi le délai global de paiement des 10 % de régions les moins vertueuses est-il passé, entre 2012 et 2013, de cinquante-trois à quatre-vingts jours.
Cette situation est particulièrement difficile pour les territoires qui sont constitués d’un tissu économique essentiellement composé de TPE et de PME, comme c’est le cas dans nos régions ultra-périphériques où ces entreprises représentent entre 80 et 90 % de ce tissu. Cela les fragilise encore plus. Depuis 2013, une instruction a effectivement été donnée aux préfets d’inscrire systématiquement les indemnités de retard à la demande des créanciers. Un refus de leur part ouvrirait la possibilité d’un recours en annulation devant les juridictions administratives. Néanmoins, force est de constater que le problème n’est toujours pas réglé. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous proposons, par cet amendement, de renforcer le dispositif dans le cas des retards de paiement des collectivités locales, en imposant au comptable public et à l’État d’inscrire des indemnités légales relatives au retard de paiement afin d’en assurer la responsabilité pécuniaire.
Cette question est importante, mais nous en revenons au débat précédent. En effet, cela reviendrait à imputer au comptable public la responsabilité du retard. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
C’est, de fait, le même débat que celui que nous avons eu sur les amendements du président Vigier tout à l’heure. J’entends bien votre souci, et vous avez noté les efforts qui ont été faits en ce sens. Nous ne considérons pas qu’ils soient suffisants ni qu’ils purgent le débat. Pour autant, faire porter la seule responsabilité sur le comptable public, comme le propose votre amendement, conduirait à déresponsabiliser, ainsi que le rapporteur l’a rappelé à deux reprises, les collectivités et les décideurs publics ou le représentant de l’État. Pour cette raison technique, nous ne pouvons avoir un avis favorable, mais je m’engage à ce que des efforts continuent d’être faits, en particulier sur tous les cas remontés vers nos ministères, lesquels veilleront à rectifier les situations. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L’amendement no 2990 est retiré.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement no 2052 .
Sagesse.
L’amendement no 2052 est adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1965 .
Il s’agit de supprimer l’article 58 qui vise à plafonner les frais mis à la charge des professionnels en cas de publicité d’une mesure de sanction ou d’injonction. Les mesures de sanction ou d’injonction, qu’elles soient punitives ou préventives, sont par essence conçues pour être dissuasives et réguler les comportements à venir des professionnels. Nous pensons qu’il convient de supprimer l’article afin de conserver toute leur portée aux mesures de sanction.
Les sanctions pécuniaires encourues par les contrevenants sont suffisamment importantes et dissuasives. Celles qui sont mentionnées à cet article sont comprises entre 1 500 et 15 000 euros pour une personne physique, et entre 7 500 et 375 000 euros pour une personne morale. L’objectif de l’article est de prévoir que les frais de publication de la sanction sont bien à la charge des contrevenants, ce qui n’est pas expressément mentionné dans la loi actuelle, et que le montant de ces frais ne peut excéder le montant de la sanction principale. Il est logique que le montant d’une sanction complémentaire n’excède pas celui de la sanction principale. La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement no 1965 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement n° 2867 .
La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation étend aux très petites entreprises n’excédant pas cinq salariés l’application des dispositions du code de la consommation protégeant les consommateurs lors de la conclusion d’un contrat en dehors d’un établissement commercial, sans viser, cependant, les sanctions pénales applicables en cas d’infraction. Le présent amendement a pour objet de réparer cette omission et de garantir une application effective des règles encadrant les contrats conclus hors établissement par les petits professionnels.
L’amendement no 2867 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2383 .
L’amendement no 2383 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2863 .
C’est un amendement de cohérence entre les droits reconnus aux personnes protégées par la réglementation économique contre les clauses illicites, interdites ou abusives dans les contrats proposés par des professionnels, et le champ d’action de l’autorité.
L’amendement no 2863 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2866 .
Afin de sécuriser les contrôles et les sanctions prononcées en matière d’affichage des prix des agents immobiliers, cet amendement propose d’abroger les sanctions contraventionnelles prévues à l’article 17-2 de la loi Hoguet en cas de violation de son article 6-1. Cela permettra de supprimer tout risque de cumul entre sanctions pénales et sanctions administratives. Il s’agit d’une mesure de simplification pour les professionnels concernés qui, en cas de défaut d’affichage de leurs honoraires, n’encourront plus qu’un seul type de sanctions, les amendes administratives.
Nous avons déjà eu ce débat en commission. Autant pour des raisons d’égalité entre les professions que de sécurité pour les consommateurs, il est préférable de supprimer l’amende pénale spécifique aux agents immobiliers. S’il y a eu un avis défavorable de la commission, à titre personnel, j’émets un avis favorable.
Favorable.
J’arrive à point nommé, car je n’avais vu ce dispositif. Nous avons longuement discuté de la loi Hoguet et des sanctions afférentes aux agents immobiliers dans le cadre de la discussion sur la loi ALUR. C’est pourquoi je m’étonne que, quelques mois après avoir légiféré sur le sujet, notamment sur la manière dont on pouvait encadrer cette profession, et après avoir réformé cette loi importante qu’est la loi de 1970, nous puissions revenir sur des dispositions qui avaient été largement débattues dans cette assemblée.
Il est important que nous conservions une certaine constance au fil de nos débats. La réforme de la loi Hoguet nous a beaucoup occupés avant que ne se dessine un consensus avec les professionnels de l’immobilier, dont les instances représentatives les plus importantes et les plus reconnues souhaitaient aller vers une moralisation de la profession. Je ne voudrais pas nous voir baisser la garde sur ce sujet.
Il ne s’agit pas du seul point que nous serions conduits à changer dans des lois examinées et votées par le Parlement il y a quelques mois, notamment dans la loi ALUR. Il s’agit d’une excellente disposition de simplification qui rétablit de l’égalité, du pragmatisme et du bon sens. Elle mériterait d’être adoptée, et le groupe UMP votera cet amendement.
Le groupe écologiste est tout à fait d’accord avec Daniel Goldberg et donc tout à fait opposé à cet amendement qui remettrait en cause des dispositifs dont avons longuement débattu lors de l’examen du projet de loi ALUR. Concernant les professionnels de l’immobilier, on a essayé d’établir toute la transparence possible, et je pense qu’il faut continuer. Raison de plus pour ne surtout pas le voter.
Monsieur Goldberg, vous avez raison : la loi ALUR a conduit à introduire dans la loi du 2 janvier 1970 un article 6-1 qui impose, sous certaines conditions, l’affichage des honoraires de l’agent immobilier dans les transactions de vente ou de location. La loi a assorti cette obligation d’une contravention de cinquième classe, soit 1 500 euros d’amende. Or au titre d’un texte d’application du code de la consommation, l’arrêté du 29 juin 1990, qui réglemente également l’affichage des honoraires des professionnels de l’immobilier, le contrevenant est dorénavant passible d’une amende administrative de 3 000 euros maximum depuis la promulgation de la loi du 17 mars 2014. Cet amendement traite d’un vrai sujet et le Gouvernement a donné un avis favorable parce qu’il y a actuellement cumul de sanctions pénales et de sanctions administratives.
La clarification apportée par cet amendement vient mettre en cohérence, sans rien changer aux équilibres de la loi ALUR, plusieurs textes dont la superposition a conduit à un cumul qui nous paraît en l’espèce disproportionné. Nous ne renonçons en rien à la volonté de moralisation et de transparence. Je suis d’accord avec vous : il faut faire preuve de continuité.
L’amendement no 2866 est adopté.
L’article 58, amendé, est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 58.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 2599 .
L’amendement no 2599 est l’un des trois amendements que Karine Berger et moi-même avons déposés, et qui visent à corriger une spécificité très française : le cumul des mandats d’administrateur. Cela conduit à retrouver, au sein des conseils d’administration d’un certain nombre de grandes entreprises, des administrateurs communs aux unes et aux autres. Contrairement à la plupart des autres pays, nous avons de ce fait une diversité assez réduite dans les conseils d’administration et dans les conseils de surveillance de ces entreprises. Aujourd’hui, on ne peut exercer simultanément plus de cinq mandats d’administrateurs ; l’amendement vise à passer de cinq à quatre, et à deux si l’intéressé est directeur général ou membre du directoire – soit trois au total en comptabilisant le mandat social susmentionné.
L’amendement no 2784 prévoit que le directeur général a droit à deux mandats d’administrateurs, et à trois s’il ne l’est plus.
Enfin, l’amendement no 2568 est une version un petit peu plus light puisqu’il vise à maintenir le plafond actuel des cinq mandats, mais en réduisant à trois le nombre de mandats possibles lorsqu’on occupe des fonctions de directeur général dans un grand groupe. Je précise que le cumul s’entend hors filiale.
Il s’agit de réduire une spécificité qui conduit à une certaine consanguinité dans les conseils d’administration ou de surveillance, en vue d’une plus grande diversité.
Nous avons eu un débat très enrichissant sur ces questions, suite au travail accompli notamment par nos collègues Valérie Rabault et Karine Berger. Il est vrai que les trois amendements présentent différents niveaux d’adaptation des mandats sociaux exécutifs à la limitation du cumul. L’amendement no 2568 paraît beaucoup plus équilibré que les deux autres, tout en limitant, lui aussi, les mandats et par conséquent le risque de conflit d’intérêts. C’est pourquoi l’avis est favorable à cet amendement et défavorable aux amendements nos 2599 et 2784 .
Même avis. Sur l’amendement no 2599 , qui vise en effet à limiter à quatre le cumul de mandats sociaux, et à trois pour les dirigeants de grandes sociétés, je partage votre constat et votre objectif, madame la députée. La consanguinité est surtout perceptible dans les grands groupes cotés. Mais, par ailleurs, notre débat en commission nous a permis de voir que certains dirigeants avaient, par le cumul, la possibilité d’être un apport pour les PME. En l’espèce, il ne me paraît pas justifié d’appliquer la même contrainte aux dirigeants de grandes entreprises et aux dirigeants de PME, au regard de la différence de taille mais aussi de la différence de charge pour celles et ceux qui détiennent les mandats. Un distinguo doit être fait. De plus, une telle mesure risquerait d’avoir des conséquences défavorables pour les PME et les ETI car les dirigeants exécutifs contraints d’abandonner une partie de leurs mandats auraient tendance à renoncer en priorité à ceux qu’ils détiennent dans ces entreprises, ce qui priverait ces dernières d’une expertise et d’une expérience précieuses pour leur développement. Je vous invite donc à retirer cet amendement ainsi que, et pour les mêmes raisons, l’amendement no 2784 . À défaut, l’avis serait défavorable.
En revanche, j’émets un avis favorable à l’amendement no 2568 . Je vous indique que je compte dans les prochaines semaines, avec Michel Sapin, proposer une doctrine de recrutement des administrateurs pour le compte de l’État qui, dans l’esprit de vos amendements, favorise une plus grande diversité. Je pense comme vous que ce serait en effet positif pour l’ensemble de la gouvernance de nos grandes entreprises, publiques ou privées.
L’amendement no 2568 est adopté.
L’article 58 bis est adopté.
Article 58
Ce nouvel article met en place une nouvelle obligation puisqu’il prévoit qu’« une information spéciale concernant la variété des profils professionnels au sein du conseil d’administration est présentée régulièrement à l’assemblée générale constitutive, au moins tous les cinq ans ». Cette disposition alourdit les charges administratives des sociétés alors que le Gouvernement comme la majorité affirment vouloir créer « un choc de simplification ». L’article 58 ter ne nous paraît pas apporter quelque chose d’intéressant. C’est pourquoi M. Poisson et moi-même vous proposons de le supprimer. De plus, il n’a pas de lien avec l’objet du projet de loi, qu’il s’agisse de croissance ou d’activité.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 2350 .
Je souscris totalement à la présentation de Véronique Louwagie. Pourquoi apporter de nouvelles complexités ? Il y a déjà l’obligation, lorsqu’un administrateur est nommé, de faire porter à la connaissance des autres les activités professionnelles qu’il a exercées au cours des cinq dernières années. Cet article nous paraît donc complètement redondant et superfétatoire. Faisons simple.
Il ne nous semble pas que la charge supplémentaire entraînée par ce nouvel article soit importante…
…et cette disposition accroîtra la variété des profils professionnels au sein des conseils d’administration des grandes entreprises. Je souligne que cette obligation sera complémentaire, et non redondante, avec l’obligation, déjà existante, d’adresser au conseil d’administration – ou au conseil de surveillance – les références professionnelles des candidats. La nouvelle disposition ne concernera pas les membres de ces organes déjà en poste. Par conséquent, on ne va pas aboutir à un choc de complexification. Il faut raison garder. L’amendement adopté en commission va dans le bon sens et complète ce qui existe déjà.
Même avis que la commission, en ajoutant qu’un amendement no 2600 rectifié , que va défendre Mme Rabault, précise le champ de cette obligation et, à mon avis, répond aux interrogations exprimées par Mme Louwagie et par M. Vigier.
J’ai bien entendu vos arguments, monsieur le rapporteur thématique, monsieur le ministre, mais vous avez en tout cas reconnu, monsieur Grandguillaume, qu’il s’agissait d’une nouvelle obligation. Certes, elle n’est pas importante ni fréquente puisqu’elle ne reviendrait que tous les cinq ans, mais c’est à force d’ajouter toujours de nouvelles petites obligations que l’on finit par alourdir considérablement la charge des entreprises. Il serait important d’arrêter car elles ont en ce moment une overdose de réglementations de tous ordres, qu’il s’agisse de normes sociales ou environnementales. Je me suis rendue cet après-midi dans une entreprise pas très loin de chez moi, et j’ai pu vraiment constater qu’il y a overdose. Cela rejaillit aujourd’hui sur toutes les difficultés économiques que les entreprises peuvent connaître, et aussi sur la classe politique qu’elles en rendent responsable. Les entreprises en ont assez. Je crois qu’il nous faut absolument les entendre. Or, monsieur le rapporteur thématique, monsieur le ministre, vous ne les entendez pas. C’est fortement regrettable !
Monsieur le ministre, vous êtes l’ami des entreprises. Entendez ce message : trop d’info tue l’info. On peut dire que ce ne serait pas grand-chose, mais c’est toujours une demande de plus à satisfaire. Adopter ces amendements identiques ne coûterait rien à la nation, et ne serait-ce pas faire passer un petit message indiquant qu’on est capable de simplifier un petit peu ? Dans les amendements que je défendrai tout à l’heure, j’évoquerai le nombre de formulaires que chaque entreprise doit remplir tous les ans.
Franchement, c’est assez décourageant ! La suppression de cet article ne priverait nullement les administrateurs d’informations, car celles-ci sont cumulatives et les outils informatiques permettent de les numériser : lorsqu’un nouvel administrateur est nommé, il doit satisfaire aux exigences et transmettre tous les éléments nécessaires.
Un petit effort, monsieur le ministre : vous seriez sur la voie de la simplification en donnant un avis favorable.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 2600 rectifié .
L’amendement no 2600 rectifié , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’article 58 ter, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement no 1259 .
L’optimisation et la fraude fiscales causent aujourd’hui un dommage considérable au budget de l’État, et donc à l’ensemble de nos concitoyens, car elles se traduisent par moins d’argent pour le service public et pour l’investissement. Malheureusement, l’actualité récente nous montre encore à quel point les dérives et pratiques de fraude sont répandues, pour des sommes considérables, au détriment du budget de l’État et de la solidarité entre les citoyens et contribuables. Ce sont les plus riches qui disposent des moyens de contourner les règles, le contrôle et la transparence.
La transparence et l’information font partie des outils nécessaires pour éviter ces pratiques scandaleuses et préjudiciables à tous, surtout aux contribuables les moins aisés. Ces pratiques représentent également pour l’entreprise des dangers en termes d’image, car les consommateurs choisissent aujourd’hui leurs produits de manière plus responsable, ou des dangers juridiques, notamment en matière d’abus de droit.
L’information des conseils d’administration des entreprises fait partie de la politique à mener pour éviter les abus et il est donc nécessaire que ces conseils soient annuellement informés de ces risques, afin de prévenir l’optimisation fiscale. Tel est l’objet de cet amendement.
L’amendement présente tout d’abord une difficulté de rédaction : il n’est pas utile de faire référence au conseil d’administration mentionné à l’article précité, car l’amendement modifie précisément cet article du code du commerce.
Il est par ailleurs difficile de mentionner les risques liés à l’optimisation fiscale car si, par définition, la fraude est illégale, l’optimisation est quant à elle légale et il convient donc d’opérer cette distinction. Par conséquent, avis défavorable.
Défavorable.
L’amendement no 1259 n’est pas adopté.
L’article 58 quater est en quelque sorte l’un des fruits défendus de la commission spéciale. Tel qu’il a été défendu et adopté par la commission – provisoirement, je l’espère, car je souhaite qu’il ne le soit pas par notre Assemblée –, il aurait pour conséquence de permettre à toute entreprise de ne pas rendre publics ses comptes sociaux. Cet article a jeté beaucoup de trouble dans notre majorité et, me semble-t-il, au-delà. En effet, depuis des années, nous combattons l’opacité dans la vie économique et c’est pour nous, monsieur le ministre, et sans doute aussi pour vous, une vraie question de cohérence. Dans l’intervention que vous avez faite pour présenter cette loi, vous déclariez que « justice et transparence permettent de lutter contre la défiance ». Or, c’est précisément là que nous nous trouvons.
Je ne suis pas sûr que la commission spéciale, qui a travaillé sur ce texte durant quelques dizaines d’heures dans des conditions difficiles, ait pris la mesure exacte de la portée de cet article. En effet, dans la vie économique et dans la vie des entreprises, la transparence est une question d’ordre public. Pour les fournisseurs, les clients, les investisseurs ou les créanciers, ainsi que pour les salariés, même s’il existe pour l’information de ces derniers des dispositions particulières permettant au comité d’entreprise de consulter les comptes sociaux – pour toutes ces catégories de parties prenantes de la vie économique, le vote de cet article marquerait la fin de la transparence sur les comptes sociaux.
Cette disposition paraît tout à fait inconcevable et elle est du reste contraire à une directive européenne dont nous avions tiré les conséquences, sur la proposition du gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault, en simplifiant la vie des micro-entreprises, celles-ci étant en effet autorisées à ne pas publier leurs comptes. Lorsqu’il s’agit cependant de grandes entreprises ou des ETI que nous évoquions tout à l’heure, une telle mesure serait déconcertante.
Enfin, alors qu’il existe un mouvement international de transparence, absolument essentiel pour des causes qui nous sont communes, comme la lutte contre la fraude fiscale, on proposerait à l’Assemblée nationale française, la semaine même où éclate l’affaire SwissLeaks, de renoncer à la publication des comptes sociaux des entreprises ? Ce serait un contre-emploi et contre-sens historique.
Nous sommes à un moment où la lutte contre les paradis fiscaux doit se poursuivre et s’amplifier. Nous avons obtenu, lors de l’examen de la loi bancaire – c’était un peu compliqué, nous nous en souvenons – une certaine transparence sur les filiales des banques françaises dans les paradis fiscaux. Il y a là un mouvement de fond, qu’il faut poursuivre. Et on viendrait soudainement l’interrompre ? Ce serait un très mauvais signal que cet article 58 quater survive à cette soirée. Ce serait même, pour la transparence de la vie économique et la lutte contre l’opacité, un grand bond en arrière. Je suis persuadé que la majorité ne souhaitera pas être complice d’une telle décision.
Issu des travaux de la commission spéciale, l’article dont nous discutons, qui avait reçu un avis défavorable, et du rapporteur, et de M. le ministre, entend permettre aux sociétés, quelle que soit leur taille, de ne plus rendre publics leurs comptes annuels. À l’heure actuelle, seules les micro-entreprises le peuvent. Or, il est proposé ici d’étendre cette possibilité à toutes les entreprises, qu’elles soient petites, de taille moyenne ou conséquentes. En clair : avec vous, la France, c’est l’île Maurice – sans le soleil !
Au regard du droit communautaire, tout d’abord, il semble que ce qui est ici proposé soit contraire aux normes européennes, notamment à la directive comptable de 2013. Un tel argument juridique exige déjà à lui seul le retrait de cette disposition, mais de nombreux arguments économiques ou sociaux viennent par ailleurs balayer la possible adoption de cette disposition.
Mes chers collègues, la transparence est un principe fondamental du bon fonctionnement de l’économie, qui contribue à son efficacité car il permet d’établir des relations saines entre les différents acteurs. Ce principe est fondamental pour les entreprises, quelle que soit leur taille.
Pour une entreprise à haut potentiel de développement, il est important de divulguer ses comptes à des tiers, notamment à des investisseurs. Pour les entreprises de taille supérieure, il importe d’avoir accès à ces informations financières pour s’assurer de la bonne santé de leurs partenaires. Enfin, pour les grandes entreprises, qui ont un poids important dans notre économie, il est nécessaire que l’ensemble des parties prenantes puissent connaître leurs revenus d’activité, ainsi que leurs bénéfices.
Or, ce que propose cet article, c’est de tirer purement et simplement un trait sur ces possibilités.
Par ailleurs, la transparence des données comptables revêt une utilité importante d’un point de vue social – je pense en particulier aux syndicalistes et aux représentants du personnel. L’accès à l’information comptable permet de connaître la politique sociale menée par une entreprise, par exemple en matière de rémunération. La transparence permet notamment de savoir comment la valeur ajoutée est répartie dans l’entreprise, et ainsi d’identifier les entreprises qui pratiquent le gel des salaires et celles qui mènent une politique salariale ambitieuse.
Enfin et surtout, compte tenu de l’actualité – riche dans ce domaine de la lutte contre l’évasion fiscale –, la mesure proposée irait à rencontre des avancées réalisées ici ou là car, rappelons-le, la transparence est capitale dans la lutte contre l’évasion fiscale. De fait, cet article va fondamentalement en sens inverse du large mouvement qui tend à renforcer la publicité de l’information. Il serait donc inconcevable qu’il soit adopté.
La sagesse exige une suppression en bonne et due forme de cette disposition du projet de loi. Pour ces raisons, les députés du Front de gauche voteront contre ce texte et soutiendront les amendements de suppression qui ont été déposés.
M. Paul a raison : nous étions partis d’une bonne intention, qui était de protéger les fournisseurs face à la grande distribution. De fait, j’ai connu dans ma vie professionnelle nombre de cas où la grande distribution surveillait à tel point les fournisseurs, pour réduire leurs marges, qu’elle se procurait aussi leurs comptes. Or, la situation à laquelle nous en arrivons ici est pire : c’est la grande distribution elle-même qui n’aurait pas à publier ses comptes. Nous nous sommes donc tout simplement trompés et il convient de faire droit à la demande de suppression de cet article.
Compte tenu des débats auxquels vient de donner lieu cet article, j’invite mes collègues à se référer aux débats tenus en commission. Les arguments ont été évoqués : il s’agissait d’un amendement d’appel destiné à ouvrir le débat dans le cadre de la directive. La rédaction adoptée dépasse certes les intentions, mais la question n’a pas été assez approfondie en commission.
Je comprends donc parfaitement les amendements de suppression, mais je rappelle aussi qu’un amendement qui sera examiné après celui-ci vient précisément garantir l’harmonisation avec la directive. Peut-être tombe-t-il, cependant, si nous adoptons l’amendement de suppression.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.
Comme cela a été noté et en réponse aux amendements de suppression, je confirme que j’avais émis un avis défavorable à l’amendement proposé en commission, compte tenu d’abord de l’objectif recherché et, surtout, du champ couvert par cet amendement, qui me semble en effet produire un résultat disproportionné. M. Caullet vient de rappeler très justement l’esprit des débats qui se sont tenus en commission spéciale et je rappelle pour ma part que cet amendement a, pour autant qu’il m’en souvienne, été adopté par une large majorité.
Il s’agit de trouver un compromis entre, d’une part, la volonté commune de transparence de la vie des affaires et, d’autre part, la protection que certains acteurs recherchent notamment face à une concurrence étrangère déloyale.
Or, la rédaction actuelle ne correspond pas à cet objectif, ni à un bon équilibre. Vous avez en effet raison et plusieurs intervenants ont relevé ce soir que, si nous en restions à cette rédaction, nous irions beaucoup trop loin et provoquerions une régression dans la transparence de la vie économique. Je vous en donne acte.
L’amendement no 2640 déposé par plusieurs d’entre vous vient préciser cette rédaction en concentrant l’article 58 quater sur les petites entreprises, rendant ainsi sa rédaction compatible avec le droit européen, en conformité avec le sens de nos débats. La directive du 26 juin 2013, en cours de précision, prévoit la publicité des états financiers des entreprises, avec certaines exceptions, parmi lesquelles la confidentialité des comptes des micro-entreprises – c’est-à-dire de moins de dix salariés –, prévue à l’article 36 de la directive, au paragraphe 1D, transposée à l’article L. 232-25 du code de commerce, ouverte aux États membres à condition que les comptes soient déposés au registre du commerce et des sociétés.
Parmi les options utilisées à ce stade de la transposition par certains autres États membres figure l’option de confidentialité du compte de résultat des petites entreprises – celles comptant moins de cinquante salariés – ouverte par l’article 31 de la directive. C’est donc dans ce champ que l’on peut trouver un compromis satisfaisant qui, sans marquer un recul en matière de transparence, permet de prendre en compte la protection de l’information pour certaines entreprises tout en préservant l’essentiel de la transparence de notre vie financière.
Au bénéfice de l’amendement no 2640 , sur lequel j’aurai un avis favorable, je souhaite qu’on ne supprime pas le présent article, avec cet aménagement qui me paraît significatif. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à un amendement de suppression pour laisser place à l’amendement no 2640 , sur lequel j’aurai un avis favorable, cet avis étant strictement limité au périmètre de cet amendement : je préfère le dire tout de suite parce que d’autres amendements suivront qui visent à élargir à nouveau ce périmètre, et sur lesquels j’aurai un avis défavorable.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La séance est levée.
La séance est levée, le vendredi 13 février 2015, à une heure.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly