La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de quatre heures et cinquante-six minutes pour le groupe SRC, dont 204 amendements sont en discussion ; dix minutes pour le groupe UMP, dont 314 amendements sont en discussion ; deux heures et cinq minutes pour le groupe UDI, dont 57 amendements sont en discussion ; deux heures et quatre minutes pour le groupe RRDP, dont 43 amendements sont en discussion ; quarante-six minutes pour le groupe écologiste, dont 52 amendements sont en discussion ; une heure et deux minutes pour le groupe GDR, dont 46 amendements sont en discussion, et trois minutes pour les députés non inscrits.
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no 234 à l’article 58 quater.
Je suis saisie de trois amendements identiques de suppression de l’article, nos 234, 2601 et 2638.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 234 .
Cet amendement vis e à supprimer l’article 58 quater, qui va à l’encontre des engagements récents de la France pour une transparence accrue des banques et des grandes entreprises.
Nous comprenons la volonté des entreprises de se protéger de la concurrence et de se prémunir contre la violation du secret des affaires. Cette question est d’ailleurs l’objet de l’article 64 ter du projet de loi dont l’introduction, trop rapide, nous conduira, je l’espère, à un retrait, afin de mener sereinement la discussion sur ce sujet.
Cependant, ne pas publier les comptes annuels reviendrait à limiter la connaissance des activités de l’entreprise à un petit groupe d’initiés alors que, comme l’a rappelé monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, la transparence est évidemment nécessaire si nous souhaitons développer de nouvelles sources de financement comme le financement participatif.
Elle est aussi nécessaire pour lutter efficacement contre la fraude et l’optimisation fiscale des entreprises. Malheureusement, l’actualité récente nous montre combien les dérives et pratiques de fraude sont répandues. Celles-ci impliquent des sommes considérables, au détriment du budget de l’État et de la solidarité entre les citoyens et les contribuables. Ce sont toujours les plus riches qui disposent des moyens de contourner les règles relatives au contrôle et à la transparence.
La transparence et l’information font partie des outils nécessaires pour éviter ces pratiques scandaleuses et préjudiciables à tous, et surtout aux contribuables les moins aisés. C’est pourquoi il convient de supprimer l’article 58 quater. Je demanderai un scrutin public sur cet amendement.
La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement no 2601 .
Aux éléments qui viennent d’être donnés j’ajouterai une question essentielle, d’ailleurs évoquée par le ministre en commission spéciale, celle de l’évaluation du risque des entreprises dans notre mécanisme financier. Qu’il s’agisse du scoring des banques ou des assurances-crédit, l’évaluation de la politique de crédit dans notre pays repose essentiellement sur la transparence des données des entreprises. Remettre celle-ci en cause revient, de fait, à interdire à de multiples entreprises françaises de recourir au crédit pour financer tant leur haut de bilan, que leur bas de bilan.
Le Gouvernement semble favorable à une nouvelle version de l’article. Il importe surtout de trouver une solution afin que le crédit ne soit pas stoppé par une démarche impossible en pratique, même si sa philosophie est compréhensible.
La discussion que nous avons eue hier soir portait sur un thème essentiel, la lutte contre l’opacité dans la vie économique. Chacun a rappelé, – et vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le ministre – que l’accès aux informations des comptes sociaux était l’un des piliers de la fiabilité de celle-ci.
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que la France ne doit pas laisser s’installer une opacité sur la situation économique des entreprises, car cela relèverait de l’inconscience. Chacun se souvient de grandes affaires qui ont défrayé la chronique mondiale, et qui ont pour noms Enron, Arthur Andersen ou WorldCom. Il faut donc supprimer cet article. Tel est le sens de l’amendement que je défends avec, je tiens à le souligner, plusieurs dizaines de parlementaires du groupe majoritaire.
Adopter l’article 58 quater serait un signal détestable adressé à la fois aux entreprises et à tous ceux qui, en France et en Europe, luttent pour davantage de transparence en matière économique, qu’il s’agisse des organisations non gouvernementales luttant contre les paradis fiscaux, ou de tout le mouvement engagé, notamment en France, par notre majorité pour lutter contre la fraude fiscale. Toute mesure qui ajouterait, ne fût-ce qu’une couche supplémentaire d’opacité à la situation des entreprises et de l’information économique serait, comme nous l’avons dit hier soir, un grand bond en arrière. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter ces amendements de suppression de l’article 58 quater.
C’est un sujet important que nous avons commencé à discuter hier soir. Il convient d’abord de préciser que l’amendement no 2640 rectifié , que nous examinerons bientôt, vise à réécrire l’article 58 quater, notamment en limitant la simplification aux très petites entreprises.
Cet article exclut de son champ les organismes de crédit et d’assurance. Il ne porte donc pas atteinte à la transparence, notamment à celle des activités bancaires : l’administration et le juge continueraient à avoir accès à l’ensemble des documents comptables. La lutte contre la fraude fiscale ne serait donc pas affectée.
Par ailleurs, conformément à la directive comptable du 26 juin 2013, seules les petites entreprises seront concernées. Elles pourront demander la non-publicité de leur compte de résultat uniquement, à l’exclusion de leur bilan. En effet, seul le compte de résultat peut ne pas être rendu public, alors que le bilan, lui, reste public. Une précision importante s’impose : dans tous les cas, les financeurs conservent l’accès à ces documents.
L’amendement no 2640 rectifié de Mme Laclais va dans le bon sens. C’est pourquoi la commission est défavorable à ces amendements de suppression.
J’ai eu l’occasion de commencer à m’exprimer hier sur ce sujet. Partagent les réserves qui avaient été exprimées sur le texte initial, j’avais émis, en commission spéciale, un avis défavorable à l’amendement qui avait alors été proposé et voté. À mon sens, la rédaction actuelle de l’article n’est donc pas acceptable. En effet, le fait que toutes les entreprises soient concernées aurait pour conséquence, d’une part, de réduire la transparence financière de notre économie, et, d’autre part, de mettre en péril le financement de ces entreprises.
Deux options sont possibles. La première consiste à supprimer l’article, comme les auteurs des amendements le proposent. La seconde consiste à trouver un équilibre entre la transparence souhaitée par tous et la volonté de nombreuses entreprises de protéger des informations sensibles. C’est ce que proposent Mme Laclais, M. Caresche et certains de leurs collègues avec l’amendement no 2640 rectifié qui tend à réécrire l’article en profondeur.
Il s’agit d’offrir la possibilité de ne pas rendre public leur compte de résultat aux petites entreprises définies selon trois critères : un bilan inférieur à 4 millions d’euros, un chiffre d’affaires net total de moins de 8 millions d’euros ou un effectif inférieur à 50 salariés. Si au moins deux de ces critères sont dépassés l’entreprise n’aura pas une telle possibilité et ce sera la transparence totale. En outre, c’est le compte de résultat qui serait concerné par la non-publication, pas le bilan et l’ensemble de ses annexes, qui seraient bien évidemment rendus publics, comme c’est le cas aujourd’hui. Sur ce point, l’option est proportionnée.
Certaines précisions d’importance s’imposent néanmoins. D’abord, tous les financeurs ont accès à l’ensemble des documents comptables, y compris le compte de résultat. S’agissant de la préoccupation exprimée par Mme Berger et Mme Abeille, que je partage, nous ne serions donc pas dans une situation contraire à celle que nous avons soutenue concernant le crowdfunding. Au contraire, aucune restriction ne serait opposée aux financeurs, les scoreurs, selon l’anglicisme consacré : tous les acteurs du financement de l’économie auraient un accès libre et entier à l’ensemble de ces informations. Mais la possibilité serait offerte aux entreprises satisfaisant les critères énoncés de ne pas rendre public leur compte de résultat, car c’est lui qui permet aux concurrents de reconstituer la marge. Tel est le problème que l’amendement initial visait à résoudre.
Vous avez sans doute raison. C’étaient du moins celles que j’avais entendue et que je considérais comme acceptables, bien qu’ayant prononcé un avis défavorable.
Je vous rappelle qu’aujourd’hui, un tiers des entreprises ne déposent pas leurs documents comptables, souvent en arguant de la confidentialité des informations.
Je préfère donc que nous définissions le cadre où s’applique une obligation pleine et entière de dépôt et que nous laissions aux entreprises situées sous certains seuils la possibilité de ne pas rendre public le seul compte de résultat, qui est une information extrêmement sensible. Celui-ci restera cependant disponible et accessible à tous les financeurs et à tous les acteurs du financement.
Je souhaite ainsi que l’on ne supprime pas l’article afin de pouvoir le réécrire selon les termes de l’amendement no 2640 rectifié . Si ces amendements de suppression ne sont pas retirés le Gouvernement y sera donc défavorable.
Je veux rassurer certains de nos collègues. Comme cela a été dit très clairement lors du débat en commission spéciale, il s’agit évidemment non pas de favoriser l’évasion fiscale, mais de traiter un problème bien réel. Afin de protéger leur activité, de nombreuses entreprises préfèrent en effet ne pas publier leurs comptes et payer une amende pour ne pas livrer certaines informations à la concurrence. Il existe d’ailleurs des officines dont l’activité est de rechercher des informations permettant de fournir un avantage concurrentiel à leurs clients !
L’amendement présenté et adopté en commission était un peu radical, et surtout contraire au droit communautaire. L’amendement no 2640 rectifié , plus ciblé, répond aux préoccupations qui ont été exprimées. Bien qu’ayant, si j’ai bien compris, la faveur des rapporteurs et du Gouvernement, il tomberait si les amendements de suppression de l’article étaient adoptés. Il est donc souhaitable que ceux-ci soient retirés.
Je souhaiterais que M. le rapporteur général et M. le ministre apportent des précisions sur deux points. Si le compte de résultat pourra rester confidentiel, le bilan devra être publié. Or certaines opérations comptables ne figurent pas dans le compte de résultat, mais impactent directement le haut de bilan – elles ne passent pas par la case « compte de résultat », mais directement par la case « capital ». Ainsi, vous acceptez qu’une partie de la création de richesse de l’entreprise ne soit pas rendue publique, alors que celle qui figure uniquement dans la partie haute de bilan sera publiée. Cela crée une distorsion importante au regard de l’égalité de l’information.
Par ailleurs, et comme l’a dit Karine Berger, les petites entreprises françaises, que vise l’amendement no 2640 rectifié , ont une particularité : les prêts qu’elles s’octroient entre elles, via le compte fournisseur, constituent une partie extrêmement importante de leur bilan. Or, comment voulez-vous qu’un fournisseur accepte de consentir une facilité de trésorerie, en octroyant un délai de paiement, s’il ne peut avoir accès aux comptes financiers de l’entreprise ?
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale.
Pour éclairer l’assemblée, je voudrais revenir sur les débats qui ont eu lieu en commission. Les députés du groupe SRC signataires de l’amendement no SPE818 ont indiqué que les entreprises étrangères qui ne connaissaient pas les mêmes contraintes disposaient d’un avantage concurrentiel sur les entreprises françaises. Mme Laclais a ainsi expliqué : « Il s’agit de ne pas donner à la concurrence des munitions pour mettre en difficulté les entreprises françaises dans un monde ouvert. Les sociétés françaises peuvent être fragilisées par certains modes de fonctionnement que nous ne pouvons pas ignorer. »
Du fait de l’argumentaire de Mme Laclais, l’amendement a trouvé un écho favorable lors du débat qui a suivi. Mais après que le ministre a exprimé ses réticences en suggérant qu’il fallait se caler sur la directive européenne – ce qui est proposé dans l’amendement no 2640 rectifié –, le rapporteur Laurent Grandguillaume a conclu : « Cet amendement mérite un temps de rédaction supplémentaire pour éviter un champ d’application trop large. »
Nonobstant l’avis défavorable du ministre et du rapporteur, et les réticences que j’ai exprimées, la commission a adopté l’amendement. Nous avons expliqué en quoi cet article était inadéquat. Il doit, dans le droit-fil des travaux de la commission, être réécrit avec le double objectif de mettre nos entreprises à armes égales avec leurs concurrentes et de respecter le droit européen – ni au-delà, ni en deçà. Dans un rapport de négociation commerciale, on ne doit pas être toujours obligé de se mettre en position de faiblesse !
Mme Rabault dit que les fournisseurs ne pourront pas accéder aux informations de l’entreprise, mais ils pourront toujours les demander ! Si l’entreprise est dans un rapport de confiance et qu’elle n’a rien à cacher, elle les fournira. Quand une entreprise ne se plie pas à une demande de ce type, elle n’inspire pas la confiance et le partenariat ne s’établit pas. Le fait que certaines informations ne soient pas ouvertes à tous les vents ne signifie pas que l’on est dans la cachotterie.
Comme l’a indiqué Laurent Grandguillaume en commission, une nouvelle rédaction est nécessaire. Or, si l’Assemblée adopte les amendements de suppression de l’article, celui-ci ne pourra être modifié par l’amendement no 2640 rectifié , de sorte que l’on passera du péché par excès à un angélisme qui pourrait se révéler fatal à nos entreprises.
La publicité des documents comptables permet aux tiers et aux parties prenantes d’être parfaitement informés. Lorsque vous évoquez les parties prenantes, vous parlez essentiellement des concurrents, rarement des salariés de l’entreprise. Pour ces derniers, le compte de résultat est le moyen d’analyser le rapport de forces et de savoir où va la valeur ajoutée – vers l’autofinancement, les dividendes ou les salaires. Il est donc important que le compte de résultat leur soit accessible.
Par ailleurs, je suis d’accord avec Valérie Rabault, le financement des entreprises dépend en grande partie des délais de paiement accordés par les fournisseurs, qui permettent de limiter le besoin de fonds de roulement. Je souhaiterais donc savoir qui sont les financeurs dont vous parlez.
Nous discutons de la modification d’une ordonnance du 30 janvier 2014. Le Parlement s’est dessaisi de son pouvoir de législateur au profit du Gouvernement, lequel a choisi d’exempter uniquement les micro-entreprises de l’obligation de publier les comptes. Cela montre que légiférer par ordonnance n’est pas forcément la meilleure des méthodes.
Par ailleurs, pourquoi devrions-nous aujourd’hui changer de paradigme pour passer d’une exemption d’obligation pour les micro-entreprises de moins de 10 salariés à une exemption d’obligation pour les petites entreprises de moins de 50 salariés ? Vu l’émoi que crée ce débat, il serait sage de profiter de la navette parlementaire et de prendre le temps de définir une doctrine, plutôt que de passer d’un amendement adopté par la commission spéciale contre l’avis du Gouvernement à un amendement rectifié. Nous pourrions ainsi délivrer un message clair, que la France se doit de porter – eu égard aux derniers développements de l’affaire Swiss Leaks – celui de la transparence dans les relations entre affaires.
C’est ce que demandent les consommateurs et un certain nombre d’entrepreneurs.
Mesdames, messieurs les députés, avant que vous ne preniez part au vote, je souhaiterais répondre aux questions fort légitimes que vous avez posées. Tout d’abord, je précise que le dépôt des comptes reste obligatoire pour toutes les catégories d’entreprises. L’amendement no 2640 rectifié prévoit seulement de modifier le caractère public du compte de résultat.
Je ne comprends pas à l’égard de qui cela constitue une distorsion, madame Rabault. Les fournisseurs pourront toujours demander le compte de résultat ; il sera prévu par voie réglementaire que les financeurs aient accès à tous les documents de l’entreprise ; l’administration fiscale n’est pas concernée. S’il y a distorsion, c’est bien celle qui existe aujourd’hui entre les 31 % d’entreprises qui n’ont pas rendu publics leurs comptes en 2011 et les autres !
En outre, la confidentialité du compte de résultat n’est qu’une faculté offerte aux entreprises de moins de 50 salariés. Il semble tout à fait évident, madame Guittet, que pour que l’entreprise obtienne de son fournisseur un financement, elle devra, si celui-ci lui en fait la demande, lui fournir son compte de résultat.
Il ne sera pas impossible d’accéder à cette information, puisqu’elle est déposée au greffe. Je suis même convaincu que certaines entreprises de moins de 50 salariés déposeront plus facilement leurs comptes parce qu’elles auront la garantie que leur compte de résultat ne sera pas connu de la terre entière. En outre, elles pourront choisir de rendre publique cette information à l’endroit de qui elles veulent. Enfin, il est prévu, par voie réglementaire, de garantir à tous les financeurs le droit d’accéder à cette information.
Autant je partage les préoccupations qui se sont exprimées sur l’article initial, qui est inapplicable, autant j’estime que l’amendement no 2640 rectifié est opportun. Cet amendement fournit une réponse à la question du financement ; il n’introduit pas de distorsion, puisque la confidentialité porte sur une information limitée, elle-même déposée au greffe et accessible aux financeurs et à l’administration fiscale.
Quant aux salariés, ils auront accès au bilan, à ses annexes et, dans le cadre du comité d’entreprise, à des informations beaucoup plus détaillées que celles rendues publiques par le greffe. Je partage votre préoccupation, madame Guittet, mais selon vous, comment font les salariés des 31 % des entreprises qui, aujourd’hui, ne déposent pas leurs comptes ?
C’est en tout cas la situation que nous connaissons aujourd’hui.
Les entreprises n’ont qu’à déposer leurs comptes, sous peine de sanctions !
Vous avez raison de souligner ce point. Les sanctions dépendent du pouvoir judiciaire et leur application est variable selon les territoires.
Enfin, l’ordonnance prise en janvier 2014 concernait les micro-entreprises et portait, au-delà de l’ordonnancement comptable, sur beaucoup d’autres sujets, selon la logique de simplification suivie par le Gouvernement. L’amendement no 2640 rectifié ne la modifie en rien. Il la consolide, en étendant certaines dispositions aux petites entreprises. Voilà ce que je voulais rappeler et qui témoigne par ailleurs de ma sensibilité sur le sujet.
Il est procédé au scrutin.
La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir l’amendement no 2640 rectifié .
Cet amendement vient d’être défendu par M. le ministre et par nos rapporteurs. Je tiens à les en remercier car ils ont bien rappelé les termes du débat qui s’est tenu en commission spéciale. Évidemment, chacun reconnaît la pertinence des objectifs poursuivis, ce que le rapporteur thématique avait déjà souligné en commission spéciale. M. le ministre nous avait demandé de réécrire l’amendement adopté en commission pour qu’il soit conforme au cadre communautaire, ce que nous avons fait. L’amendement no 2640 rectifié vise ainsi à répondre aux impératifs de la directive européenne et à permettre à nos entreprises de se trouver au même niveau que d’autres, déjà soumises à cette législation dans huit États européens.
Cet amendement devrait satisfaire ceux qui avaient débattu de cette question afin de résoudre un problème concurrentiel. M. le ministre l’a rappelé, dans la mesure où il faut répondre à au moins deux des trois critères, les éléments sont suffisamment cadrés pour ne pas laisser supposer ce que j’ai pu entendre et qui s’est révélé parfois très désobligeant pour certains de nos collègues.
Je suis très heureux que l’on revienne, avec sagesse, à la position exprimée en commission spéciale car le champ d’application de la mesure était trop large. Le travail réalisé par Mme Laclais et d’autres députés ont permis de le réduire, conformément à ce que nous avions demandé. Cet amendement permettra de sécuriser les entreprises tout en respectant la directive européenne. Favoriser les TPE ne peut qu’aller dans le bon sens puisque ces entreprises durables, inscrites sur nos territoires, ne sont pas délocalisables. Avis favorable à cet amendement qui répond à ces trois objectifs.
L’amendement no 2640 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’amendement no 237 tombe.
L’article 58 quater, amendé, est adopté.
Je suis saisie de deux amendements en discussion commune, nos 2936 et 2605.
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement no 2936 .
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 2605 .
La parole est à M. Philippe Gomes, pour soutenir l’amendement no 2354 .
La révélation d’informations est facilitée par la technologie numérique qui fait désormais partie intégrante du fonctionnement des administrations publiques, de l’activité des entreprises et du mode de vie des citoyens.
Cet amendement du groupe UDI vise à aligner le montant de l’amende réprimant la révélation d’une information secrète dont la connaissance a eu lieu dans le cadre d’une mission de contrôle sur celui de l’amende pénalisant l’atteinte à la vie privée d’autrui. Cette révélation sera sanctionnée à titre dissuasif par un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
Avis défavorable, car l’amendement vise à augmenter le montant de l’amende sanctionnant la révélation d’une information couverte par le secret professionnel lorsqu’elle est obtenue dans le cadre d’une mission de contrôle. L’amende serait portée à 45 000 euros, ce qui correspond au montant de celle sanctionnant l’atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui. Or, la révélation d’une information couverte par le secret professionnel est déjà punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, ce qui est suffisamment dissuasif.
L’amendement no 2354 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 2357 vise à limiter les enquêtes statistiques à destination des entreprises qui peuvent présenter un caractère obligatoire en vertu de la loi du 7 juin 1951 relative à l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.
Les enquêtes statistiques obligatoires en vertu de cette législation se sont multipliées, ce qui se traduit par des tâches et des coûts supplémentaires à la charge des entreprises, lesquels sont parfois difficiles à supporter.
Des sanctions administratives prenant la forme d’amende ainsi que des sanctions pénales sont prévues en cas de défaut de réponse aux enquêtes ou en cas de réponse sciemment inexacte.
Dès lors, l’amendement de notre groupe vise à limiter quantitativement les enquêtes statistiques obligatoires pour les entreprises, dans l’esprit de la démarche engagée par le Gouvernement lors de la création du Conseil de la simplification des entreprises, au travers notamment de la trente-septième mesure, sur les cinquante présentées le 30 octobre dernier : alléger les obligations des TPE.
Nous proposons concrètement que soient prises trois mesures : limiter les enquêtes à une fois par an pour les entreprises de moins de dix salariés, demander à l’Institut national de la statistique et des études économiques de remettre chaque année un bilan des coûts engendrés par les enquêtes statistiques et définir chaque année le nombre d’enquêtes auxquelles une entreprise est soumise en fonction du nombre de salariés et du bilan de l’INSEE pour les entreprises de plus de neuf salariés. Tel est le sens de l’amendement no 2357 .
L’amendement no 2363 est un amendement de repli pour que le bilan puisse être réalisé par l’Institut national de la statistique et des études économiques.
Ces amendements vont dans le bon sens puisqu’ils visent à alléger les obligations des entreprises et répondent aux objectifs que s’est assigné le Conseil de simplification au travers des mesures no 37 et 38. Nous avons régulièrement abordé ce sujet avec Guillaume Poitrinal qui avait défendu cette évolution par rapport au nombre important de statistiques demandées aux entreprises dans notre pays. Nous remplissons régulièrement de nombreux formulaires pour transmettre les mêmes informations.
Cependant, si l’objectif est bon, nous avons besoin de temps pour travailler avec l’INSEE sur ce sujet. Peut-être que d’ici à la fin de l’examen du texte, les éléments dont disposera l’INSEE et les échanges qui auront eu lieu avec l’exécutif seront suffisants mais je ne pense pas qu’il soit opportun d’adopter ces amendements dès maintenant. Donc, avis défavorable.
Même avis, d’autant plus qu’il n’est pas possible de faire obligation à l’INSEE de contrôler des structures comme la Banque de France ou la BPI sur lesquelles elle n’a pas autorité. Nous partageons l’objectif de ces amendements, ce qui a conduit le Conseil de simplification à aller dans ce sens. Vous allez cependant un peu trop loin et les contraintes que vous faites peser sur l’INSEE ne sont pas soutenables. Je vous propose de retirer ces amendements en sachant que nous nous engageons à continuer le travail en ce sens. Des premiers éléments sont déjà consolidés mais nous ne pouvons pas aller jusque-là par le truchement de la loi.
La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale.
Nous pouvons nous réjouir de la probable suppression de cet article, non pas que les dispositions qu’il contient ne sont pas utiles, au contraire, mais le Gouvernement a fait le choix, et nous l’en remercions, d’inscrire dans la loi les mesures qui auraient dû être prises par voie d’ordonnance. C’était l’une des demandes du rapporteur général et du rapporteur thématique.
Je me demande cependant si les dispositions que nous allons voter tout à l’heure pourront s’appliquer dans un certain nombre de cas. Je voudrais vous rapporter le témoignage de fournisseurs qui, s’ils veulent avoir un espoir d’être payés pour les prestations fournies les quatre ou six derniers mois, doivent accepter de consentir une remise de 30 % ! Je ne citerai pas l’entreprise – secret des affaires oblige ! – mais je vais préciser ma préoccupation.
Lorsque l’on bénéficie d’une licence en téléphonie mobile, bien rare que d’autres ne peuvent pas utiliser, que l’on se trouve en quasi-monopole, par exemple sur l’île de la Réunion – je ne vise personne –, que l’on reprend une entreprise et que l’on menace les fournisseurs de les renvoyer s’ils n’acceptent pas certaines conditions, je considère que nous avons affaire à un abus de position dominante. Le fournisseur, en effet, ne peut pas proposer ses prestations à un autre client, puisqu’il n’y en a pas d’autre.
Quand une surface de distribution bénéficie d’un permis de construire et ne veut plus référencer tel ou tel fournisseur, l’abus de position dominante est caractérisé car les zones où peuvent s’implanter ces surfaces étant délimitées par un périmètre précis, aucune autre ne peut s’y installer également.
Lorsque le libre marché s’applique aux clients mais pas aux fournisseurs, l’exercice de ces métiers bénéficie d’une sorte de protection dans la mesure où le contingentement interdit à d’autres de s’installer. Nous recevons beaucoup de témoignages de cette situation inacceptable. Les prestataires sont obligés de réviser leurs prix, ce qui peut poser problème au regard des engagements qu’ils ont pris et des charges qu’ils assument pour réaliser la prestation envisagée. Comment dès lors s’étonner qu’il y ait des dépôts de bilan ?
Quant aux délais de paiement, sujet cher à Chantal Guittet, on dépasse souvent les 120 jours, c’est-à-dire que l’on ne respecte pas la loi. Encore une fois, c’est le pot de fer contre le pot de terre. Le fournisseur n’ose pas dénoncer la situation, car il risque de perdre définitivement son client. On aura beau inscrire plein de choses dans la loi, cela ne servira à rien si une entité n’est pas là pour dénoncer ces comportements intolérables dans un pays de droit. Monsieur le ministre, toutes les dispositions prochaines permettront-elles à l’Autorité de la concurrence, voire à d’autres, de régler cette question ?
Les articles 59 et suivants visent à renforcer les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence, notamment en matière de concentration économique. Le groupe UMP a déposé des amendements de suppression de chacun de ces articles. La raison en est simple : on ne saurait d’un côté afficher une volonté de libérer l’activité tout en introduisant, de l’autre, des mesures de contrainte importantes sur les entreprises.
Nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez la raison d’être de chacun de ces articles et les conséquences concrètes qu’ils entraîneront pour les entreprises et l’activité économique. Que vont-elles y gagner ? Telle est bien l’ambition que vous affichez, en effet : simplifier la vie des entreprises et leur donner un bol d’air. Or, nous ne comprenons pas comment ces mesures pourraient aller dans ce sens.
Plus généralement, ces articles nous préoccupent parce qu’ils prévoient un renforcement sans précédent des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence. Celle-ci est présente tout au long du texte – en matière de transports, de commerce ou encore de professions juridiques. Il va de soi que nous ne faisons pas de l’intervention de l’Autorité de la concurrence en tant que telle un casus belli, mais nous vous reprochons son omniprésence si manifeste dans ce texte. Nous avons en effet l’impression que vous instaurez lentement mais sûrement, dans tous les secteurs, une économie de plus en plus administrée – à l’inverse du discours public que vous tenez par ailleurs.
En outre, l’existence d’une « super-autorité indépendante » – pardonnez-moi l’expression – aux pouvoirs quasi exorbitants pose la véritable question du contrôle du contrôleur. Par définition, une autorité indépendante ne rend compte ni devant la représentation nationale ni même devant le Premier ministre.
Permettez-moi de m’arrêter plus précisément sur l’article 59 ter, ce qui m’évitera d’y revenir tout à l’heure. Adopté à l’initiative du Gouvernement en commission spéciale, cet article vise à permettre à l’Autorité de la concurrence de se procurer, auprès des opérateurs téléphoniques, les factures détaillées des usagers – autrement dit, les fameuses « fadettes ». Le Gouvernement a justifié ce nouveau pouvoir d’intrusion dans la vie privée des personnes par une autorité administrative indépendante au motif que d’autres autorités administratives chargées de la répression des infractions économiques en disposent déjà – et, à l’appui de votre argumentation, vous avez cité l’administration fiscale et douanière, l’Autorité des marchés financiers, et la célèbre Hadopi.
Or, cette possibilité n’est pas aussi générale et absolue que le Gouvernement dans son ensemble et vous-même en particulier, monsieur le ministre, avez voulu le dire. En effet, les agents des finances publiques et des douanes sont tenus au respect de la règle générale et absolue du secret professionnel édictée par le code pénal à l’égard des personnes auxquelles des renseignements confidentiels sont confiés à l’occasion de l’exercice de leur profession, ce qui n’est le cas ni des membres de l’Autorité de la concurrence ni des membres de ses services permanents ou temporaires.
Ensuite, s’agissant de l’Hadopi, seuls certains de ses agents, dûment et spécifiquement assermentés par son président, y sont autorisés ; la limitation est donc là aussi plus importante.
Quant à l’Autorité des marchés financiers, enfin, elle ne dispose pas en réalité de ce pouvoir : l’article L.621-10 du code monétaire et financier permet à ses enquêteurs et contrôleurs de faire usage d’une fausse identité pour recueillir des preuves sur internet lorsque les personnes visées par une instruction fournissent leurs services en ligne. Vous conviendrez que c’est bien différent de l’argumentation que vous avez formulée.
Sauf erreur de ma part, le dispositif prévu par l’article 59 ter ne comporte aucun verrou. En premier lieu, l’Autorité de la concurrence pourra faire usage de son pouvoir au cours d’une enquête simple, et non pas en cas d’infraction particulièrement grave. Par ailleurs, aux termes de l’article 450-1 du code de commerce, les agents des services d’instruction habilités par le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence, des fonctionnaires habilités par le ministre de l’économie mais aussi des agents de l’Autorité de la concurrence d’un autre État membre de l’Union européenne seraient susceptibles d’y recourir. Enfin, ces derniers n’encourent aucune sanction particulière en cas de divulgation de ces informations.
De ce point de vue, cet article porte une atteinte manifestement disproportionnée à la vie privée des personnes, en dehors de toute intervention du juge et, de ce fait, sans garantie des droits – et sans que l’objectif poursuivi d’harmonisation des pouvoirs ne puisse nous convaincre.
Lorsque l’on connaît, en matière de sécurité publique, l’obsession de la gauche en général et de votre gouvernement en particulier à interdire toute atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles, on ne comprendrait pas qu’elle ne souscrive pas à la suppression de cet article, qui contreviendrait largement à certaines libertés publiques fondamentales.
Je suis saisie de trois amendements identiques de suppression, nos 2815, 613 et 672.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 2815 .
Il est défendu.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 672 .
Article 59
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 673 .
L’amendement no 673 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2360 .
L’amendement no 2360 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2339 .
Cet amendement tend à modifier le texte initial concernant le délai de trois mois au terme duquel la dérogation à l’effet suspensif de la notification d’une concentration est caduque d’office à défaut du dépôt d’un dossier complet. Il vise à faire courir ce délai à compter de la réalisation effective de l’opération, et non de l’octroi de la dérogation.
L’amendement no 2339 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisie de deux amendements, nos 2362 rectifié et 2365 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour les soutenir.
Les amendements nos 2362 rectifié et 2365 , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2348 .
Dans sa rédaction actuelle, le texte limite les cas dans lesquels l’Autorité de la concurrence communique son projet de décision en matière de contrôle des concentrations aux seules décisions qu’elle souhaite assortir d’injonctions ou de prescriptions. Or, les entreprises soumises au contrôle des concentrations, quelle que soit l’issue que l’Autorité réserve à leur projet, doivent être systématiquement informées des projets de décisions les concernant et disposer d’un délai raisonnable pour y répondre, comme c’est le cas aujourd’hui.
Cet amendement vise donc à supprimer l’alinéa 13 de l’article afin de conserver la rédaction actuelle de l’article L.430-7 du code de commerce.
L’amendement no 2348 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 614 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 59 bis, amendé, est adopté.
Article 59
Je suis saisie de deux amendements identiques de suppression, nos 615 et 676.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 615 .
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 676 .
Il est rédactionnel.
L’amendement no 2809 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2368 .
L’amendement no 2368 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 59 ter, amendé, est adopté.
Je suis saisie de deux amendements, nos 1445 et 1446 rectifié , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour les soutenir.
Ce projet de loi renforcera considérablement l’Autorité de la concurrence, qui acquiert de nombreux pouvoirs nouveaux : la formulation d’un avis sur les organisateurs des épreuves théoriques du permis de conduire à l’article 9, la possibilité d’être consultée en matière d’urbanisme commercial à l’article 10, des pouvoirs plus nombreux en cas de position dominante à l’article 11, la formulation d’un avis avant toute modification de tarifs réglementés à l’article 12, l’établissement d’une carte pour la libre installation des offices de certaines professions juridiques réglementées aux articles 13 bis et 17 bis, la possibilité d’accéder simplement aux factures détaillées à l’article 59 ter, ou encore l’instauration d’une véritable procédure de transaction à l’article 59 quinquies.
Toutes choses étant égales par ailleurs, il est important, avec l’entrée en vigueur de ces nouveaux pouvoirs, d’élargir et de diversifier la composition de l’Autorité, afin de l’ouvrir notamment aux représentants de la société civile. Actuellement, l’ensemble de ses membres est nommé pour une durée de cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre de l’économie. Le collège est composé de six magistrats, de cinq personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique ou en matière de concurrence et de consommation, et de cinq personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de la distribution, de l’artisanat, des services ou des professions libérales.
Cet amendement vise à inclure deux représentants d’association dans le collège. L’un serait issu d’une association de consommateurs agréés tel que prévu à l’article L.411-1 du code de la consommation, et l’autre d’une association de protection de l’environnement agréée tel que prévu à l’article L.141-1 du code de l’environnement.
L’apport de ces représentants associatifs permettrait de consolider l’indépendance de l’Autorité et d’enrichir ses avis. La connaissance environnementale est particulièrement nécessaire en matière d’urbanisme commercial, et celle des consommateurs l’est tout autant concernant le permis de conduire, l’urbanisme commercial, les cas de position dominante ou encore les professions réglementées.
Le dernier alinéa de l’amendement vise à prévoir que les deux représentants supplémentaires ne percevront aucune indemnité, afin de ne pas entrer en contradiction avec l’article 40 de la Constitution sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires.
S’agissant de la participation d’un représentant d’associations de protection de l’environnement, il n’entre pas dans le champ de compétences de l’Autorité de se prononcer sur l’impact environnemental des pratiques commerciales. Quant à celle d’un représentant d’associations de défense des consommateurs, le collège comprend déjà dix membres issus de la sphère économique ou reconnus pour leurs connaissances en la matière. En outre, je précise que les associations de consommateurs peuvent d’ores et déjà solliciter les avis de l’Autorité de la concurrence et porter des cas d’abus à son attention.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
Même avis.
Les amendements nos 1445 et 1446 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 674 .
L’amendement no 674 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements, nos 2347 rectifié , 2369 et 2393 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour les soutenir.
Les amendements nos 2347 rectifié , 2369 et 2393 , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
L’article 59 quater, amendé, est adopté.
Article 59
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 675 .
Même avis.
L’amendement no 675 n’est pas adopté.
Favorable.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2336 .
Tel qu’il est rédigé, l’article conduit à supprimer l’obligation d’établir un rapport à l’égard de toutes les parties mises en cause dès lors que l’une d’elles a eu recours à la procédure de clémence. Dans la mesure où les parties qui n’ont pas demandé la clémence continuent à contester les griefs, il convient de maintenir à leur égard les exigences normales qui s’attachent à la procédure contradictoire.
C’est pourquoi nous proposons par cet amendement de maintenir l’établissement obligatoire d’un rapport pour les parties n’ayant pas sollicité la clémence.
Favorable.
Je voudrais revenir sur deux ou trois points qui ont été soulevés tout à l’heure par le président Brottes et M. Hetzel.
Il nous est en effet apparu nécessaire de préciser les modalités d’intervention de l’Autorité de la concurrence afin de combler les vides qui existent en la matière et de mettre fin à quelques incertitudes.
Monsieur le député Hetzel, l’article L. 450-3 du code de commerce stipule que les agents « peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou toute justification nécessaires au contrôle ». Mais cette possibilité qui leur est donnée ne permet pas aux agents de couvrir certaines situations. L’analyse de nos services et les échanges que nous avons pu avoir avec eux nous ont conduits à identifier le fait que dans certains cas la jurisprudence n’était pas suffisamment claire. Nous avons donc décidé de couvrir ces cas au moyen dudit article. C’est ce qui justifie la disposition sur les fadettes.
Quant à l’obligation de respect du secret professionnel, elle est rappelée dans l’article 26 de la loi du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires. Pour les agents non fonctionnaires, de l’Autorité de la concurrence comme des autres structures, cette obligation figure dans l’article 1-1 du décret no 86-83 du 17 janvier 1986 applicable aux agents contractuels de l’État.
Cette obligation est également rappelée au I. de l’article L. 462-9 du code de commerce et dans la charte de déontologie publiée sur le site internet de l’Autorité de la concurrence.
Le manquement à ces obligations est sanctionné par l’article 226-13 du code pénal ainsi que par des sanctions disciplinaires. Je tenais à vous apporter ces précisions importantes.
Je rappelle par ailleurs que l’Autorité de la concurrence agit, comme toute autorité administrative indépendante, sous un contrôle défini par la loi, en particulier celui du Parlement – celles et ceux d’entre vous qui auditionnent les responsables de ces autorités peuvent en témoigner.
Monsieur le président Brottes, vous vous interrogez sur la façon de mieux traiter l’abus de position dominante. Le débat a eu lieu en commission spéciale, où il a été question d’étendre l’application du texte en vigueur. Les différents cas de figure que vous évoquez sont couverts par les dispositions relatives aux pratiques commerciales restrictives, en particulier par l’article L. 442 du code de commerce. À cet égard, vous avez, dans un article précédemment voté, augmenté les amendes sanctionnant de telles pratiques. Cet article permet en outre au ministre de l’économie de procéder à des assignations : quarante sont en cours, dont celles qui ont conduit il y a quelques mois à sanctionner des entreprises comme Booking.com. D’autres assignations sont dans leur phase finale.
Il me semble donc, monsieur le député, que l’organisation juridique et le dispositif existant permettent de satisfaire les préoccupations que vous avez exprimées.
J’en viens à deux points plus spécifiques.
Tout d’abord, en ce qui concerne les délais de paiement, je veux redire devant la représentation nationale que la loi Hamon prévoit des amendes administratives, dans le cas d’un non-respect des délais de paiement, à hauteur de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale. Ce dispositif est entré en vigueur à l’automne dernier. J’ai demandé à la DGCCRF de faire preuve d’une fermeté particulière en augmentant les contrôles, les sanctions civiles et pénales n’ayant pas jusqu’alors été opérationnelles.
Vous avez eu raison, monsieur le député, de rappeler le problème des délais de paiement. Mais, grâce au nouveau dispositif qui a été voté, la mobilisation de nos services est pleine et entière.
Vous avez ensuite soulevé, en creux, le problème de certains opérateurs télécoms, en particulier SFR-Numericable à La Réunion. Cette affaire illustre pleinement les prérogatives de l’Autorité de la concurrence puisque celle-ci s’est autosaisie en début d’année d’une situation qui, à La Réunion comme à Mayotte, a conduit à des positions dominantes manifestes puisque l’opérateur y occupe entre 66 et 90 % des parts de marché.
Il a été demandé à l’opérateur, dans le cadre du règlement de l’acquisition SFR, de se séparer de l’un des réseaux ainsi consolidés. Cette opération doit intervenir dans les meilleurs délais. Sous le contrôle et en lien direct avec l’Autorité de la concurrence, des échanges sont en cours pour réaliser dans les meilleurs délais la cession de l’un des réseaux afin de redynamiser le marché.
Nous sommes bien dans le cadre d’une autosaisine de l’Autorité de la concurrence dans le respect des accords qui ont conduit à autoriser l’opération SFR-Numericable. L’Autorité de la concurrence ainsi que le ministère de l’économie seront très vigilants pour veiller au respect de l’intérêt des consommateurs et des accords passés.
Je réitère l’engagement du Gouvernement dans cette affaire. Vous avez eu raison, monsieur le député, d’appeler notre attention sur une opération aussi sensible et sur la situation dans laquelle se trouvent certains de nos concitoyens.
L’amendement no 2336 est adopté.
L’article 59 quinquies, amendé, est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2382 .
Favorable.
L’amendement no 2382 est adopté.
L’article 60 A, amendé, est adopté.
Également défavorable.
L’amendement no 616 n’est pas adopté.
L’article 60 est adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement no 2709 portant article additionnel après l’article 60.
Cet amendement vise à améliorer la présence française à l’étranger pour assurer la promotion et l’accueil des petites et moyennes entreprises qui souhaitent s’ouvrir à l’export.
Il nous est très difficile aujourd’hui, a fortiori du fait des contractions budgétaires, de faire un choix et de décider où la présence française est la plus nécessaire. On peut en effet la concentrer dans les pays où se trouvent les missions Ubifrance, ceux dans lesquels le flux est le plus important ou qui importent le plus de produits français – l’Allemagne, les États-Unis, la Chine. Mais on peut également considérer que dans la mesure où nous avons l’habitude de travailler dans ces pays, il serait plus utile de concentrer notre présence dans ceux où il y a le plus de risques, par exemple les pays émergents ou les futurs pays émergents.
Nous ne pouvons pas être présents partout et les structures comme Ubifrance ne peuvent disposer de bureaux dans tous les pays.
Dans le cadre d’une mission que j’ai conduite avec mon collègue Patrice Prat au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, nous avions demandé au ministre en charge du commerce extérieur quelle était la doctrine de l’État en matière de présence à l’étranger.
Cet amendement vise, à l’instar de ce que font un certain nombre de pays, à développer, en complément de l’offre publique, des délégations de service public auprès d’entreprises françaises et de cabinets de conseil présents à l’étranger afin d’assurer la présence de la France dans tous les pays présentant des opportunités en termes d’export ou d’investissements.
Grâce à un maillage territorial suffisamment dense dans les pays émergents, en dehors des capitales économiques, ces délégations de service public permettraient de couvrir différents secteurs d’activité, industriels ou technologiques.
Nous proposons donc de mettre en place, en complément de l’offre publique, une offre privée d’accompagnement des entreprises à l’international mieux répartie et plus dense dans le monde entier.
C’est un sujet que vous connaissez bien, monsieur Fromantin, et sur lequel vous avez apporté de nombreuses contributions.
Rares sont les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger qui sont capables de se substituer au réseau public – c’est le cas en Allemagne et à Hong Kong – car une quinzaine d’entre elles seulement disposent d’une véritable structure organisée en mesure d’appuyer les entreprises et d’une activité commerciale en mesure de contribuer de manière notable à leurs ressources. La plupart de ces chambres sont binationales.
J’émettrai un avis favorable à l’amendement no 2666 que nous examinerons tout à l’heure, mais avis défavorable à l’amendement no 2709 .
Défavorable.
L’exposé des motifs de l’amendement évoque l’agence britannique UK Trade International qui octroie des subventions aux chambres de commerce. Pour autant, l’amendement ne concerne pas les chambres de commerce ; il vise à suivre l’exemple de pays comme l’Allemagne. Les autorités allemandes agréent en effet plusieurs centaines de cabinets de conseil allemands installés dans tous les pays du monde pour accueillir des entreprises allemandes et accompagner leurs projets.
Mon amendement ne s’adresse pas au monde consulaire, il concerne l’aide aux entreprises françaises d’une manière générale. Vous le savez certainement, notamment par le truchement des conseils du commerce extérieur, il existe un grand nombre de cabinets français dispersés dans le monde entier. Leur délivrer un agrément public pour leur permettre d’accueillir des entreprises me semble être une extension pertinente du dispositif public.
Je partage votre objectif, monsieur Fromantin, mais je rappelle que l’ordonnance no 2014-1555 du 22 décembre 2014 portant fusion d’Ubifrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux, – AFII – prévoit dans son article 2 que « Business France peut conclure, avec l’accord de ses tutelles, des contrats permettant de confier la gestion d’une partie ou de la totalité de ses missions à des tiers ». Le terme de contrat englobe également des contrats de type DSP.
L’objectif que vous poursuivez est satisfait par cette ordonnance. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Je retire l’amendement en prenant bien en compte ce qui vient d’être dit. Il y a les textes et il y a l’impulsion politique. J’espère donc, monsieur le ministre, que la disposition prise dans le cadre de la nouvelle entité n’est pas un simple engagement de forme et qu’elle pourrait être demain un véritable engagement politique de profiter davantage de l’ensemble de ce réseau français à l’échelle internationale qui est susceptible de constituer une force d’appui très efficace pour nos PME.
L’amendement no 2709 est retiré.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2654 .
L’amendement no 2654 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement no 2556 .
Cet amendement porte sur le calcul de la part française dans l’activation des dispositifs de garantie. Il s’agit d’un sujet très intéressant, celui de la valeur ajoutée. En effet, la part française est actuellement exprimée en pourcentage du montant d’un contrat, qui n’est pas nécessairement révélateur de la valeur ajoutée qui en résulte pour notre pays ni de son intérêt en termes d’emploi. Un très gros contrat peut comporter une part française très importante, mais une valeur ajoutée extrêmement faible. Inversement, une faible part française dans un petit contrat peut induire une valeur ajoutée très élevée.
Plusieurs d’entre nous ont probablement lu le rapport rédigé par Pascal Lamy à la fin de son mandat de directeur général de l’Organisation mondiale du commerce selon lequel la comptabilisation de nos flux d’import-export privilégie le volume au détriment de la valeur ajoutée alors que la capacité d’un pays à se développer se mesure à sa contribution à l’échelle de valeur par la valeur ajoutée. Cet amendement relatif à la part française vise donc à ne pas raisonner systématiquement en termes de pourcentage pour le calcul de la part française afin de ne pas handicaper des projets d’exportation dont la part française est faible mais la valeur ajoutée élevée au profit de projets à la part française forte mais à la contribution à la valeur ajoutée moins élevée. Il s’agit de calculer la part française avec souplesse afin d’améliorer la prise en compte de la valeur ajoutée dans nos exportations.
L’amendement va dans le bon sens et clarifie un point très important. L’avis est donc favorable.
Favorable.
L’amendement no 2556 est adopté.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement no 2666 .
Cet amendement vise à simplifier les règles de délégation entre l’État et la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur – Coface – pour les demandes d’un montant supérieur à 50 000 euros. Aujourd’hui, les appels de garantie de la Coface passent au préalable par l’administration du Trésor avant de lui être présentés. Le passage par deux entités allonge les délais qui excèdent cinquante jours. L’amendement vise donc à simplifier le traitement des garanties de l’État afin de faciliter son engagement au profit des entreprises.
L’amendement no 2666 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 617 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’article 61, amendé, est adopté.
Article 61
L’article 61 bis est adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1309 .
Le Parlement s’est déjà prononcé défavorablement sur le sujet il y a quelques mois et nous souhaitons qu’il fasse de même aujourd’hui. Dès lors que le sport professionnel génère par lui-même des revenus extrêmement importants, rien ne justifie une accentuation de la pression des annonceurs sur cette activité. En outre, les enseignes publicitaires géantes défigurent les oeuvres architecturales que constituent les grands stades et incitent à la société de consommation, en particulier pour les plus jeunes. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 62.
Défavorable. La mesure prévue à l’article 62 permettra au contraire aux collectivités territoriales, qui connaissent un contexte difficile, d’avoir des ressources nouvelles pour financer les rénovations nécessaires à l’accueil des manifestations.
Défavorable.
L’amendement no 1309 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1736 .
Défavorable.
Je maintiens l’amendement. Je voudrais insister sur les questions de l’affichage et de la consommation d’énergie. Les grands bâtiments parisiens, comme ceux d’autres capitales et grandes villes européennes, accueillent des affichages gigantesques qui les défigurent. Par ailleurs, les panneaux lumineux consomment de l’énergie et je ne comprends pas qu’on les autorise et les encourage à l’heure des économies d’énergie. Ils fleurissent partout et causent en outre une pollution lumineuse nocturne.
Il faut distinguer l’interdiction de l’encadrement. L’article 62 a pour objet non pas de faire la promotion de la publicité lumineuse, mais au contraire de lui appliquer un régime identique à celui qui est aujourd’hui applicable à la publicité conventionnelle sur panneau d’affichage. Voilà pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
L’amendement no 1736 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à abaisser le seuil de capacité d’accueil des équipements sportifs dont les dispositifs publicitaires pourront déroger aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 581-9 du code de l’environnement à 15 000 places. Actuellement, la mesure ne bénéficie qu’à douze stades, tous implantés dans de grandes agglomérations. Il faut dire en deux mots de quoi il s’agit, car ce sujet est très important pour le monde sportif.
Dans le cadre des manifestations découlant de l’accueil des grandes compétitions, l’Euro 2016 en particulier, on prévoit d’accorder aux douze stades dont la capacité excède 30 000 personnes une dérogation aux dispositifs actuels. Cette mesure a deux conséquences. Elle donne à douze stades en France un avantage très important sur les autres et exclut tous les stades de rugby sauf le seul dont la capacité excède 30 000 personnes, soit dit pour les amateurs de rugby ! Ainsi, la disposition envisagée élimine à peu près toutes les communes importantes de France : Bayonne, Clermont-Ferrand, La Rochelle, Montpellier, Toulon, Toulouse, Béziers, Dax, Mont-de-Marsan, Tarbes, Grenoble et le stade parisien Jean Bouin.
Ses conséquences sur le football seront extrêmement graves car de nombreux stades seront exclus : Angers, Arles-Avignon, Bastia, Brest, Châteauroux, Dijon, Évian, Guingamp, Laval, Lorient, Nîmes, Tours, Auxerre, Caen, Le Havre, Metz, Nancy, Reims, Sochaux, Toulouse, Troyes et Valenciennes, le tout au profit de douze villes qui bénéficieront d’un avantage énorme ! Le championnat de football en sera cassé en deux ! Des stades qui bénéficient déjà de grandes capacités financières recevront un apport particulièrement important en la matière !
On comprendrait à la rigueur une telle mesure si elle était limitée dans le temps, mais elle ne l’est pas jusqu’à l’arrivée de l’Euro 2016. Afin d’assurer un véritable équilibre entre les villes de France, il est donc indispensable de ramener le seuil de capacité d’accueil des établissements sportifs qui pourront bénéficier de la dérogation de 30 000 à 15 000 places. Il en va de l’équité sportive dont on parle beaucoup. Le PSG reçoit demain Caen, ville que j’apprécie particulièrement. Éviter de créer un déséquilibre entre ces deux équipes, dont j’espère qu’elles domineront à l’avenir le football français, serait un symbole très fort !
Sourires.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 1695 .
Notre collègue Tourret a raison. On ne peut pas régler uniquement sur l’Euro annoncé le niveau capacitaire des stades susceptibles d’accueillir telle ou telle publicité. L’intérêt du sport commande de donner aux clubs développant la pratique sportive tout au long de l’année, par-delà les événements ponctuels, tous les moyens pour ce faire. La perspective d’un événement ne peut justifier à elle seule une différence de traitement entre les grands clubs et ceux qui pour être plus modestes n’en irriguent pas moins le territoire, forment des jeunes et font vivre le sport un peu partout en France. Un tel traitement différencié me semble injustifié, même si je connais les réticences du Gouvernement, surtout s’il ne tient qu’à l’Euro 2016 car il faudra encadrer les générations de 2017, 2018, 2019 et leur donner le goût de la pratique sportive. C’est pourquoi il me semble que l’amendement de notre collègue Tourret doit être retenu. J’y suis en tout cas, à titre personnel, très favorable.
La commission a rejeté cet amendement auquel le Gouvernement était défavorable. Néanmoins, un travail mené avec notre collègue Tourret a démontré le défaut d’équité, voire l’injustice, résultant de l’absence de prise en compte de certaines situations. À l’issue de ce travail mené en commun, il me semble que l’amendement no 2793 va dans le bon sens, celui de l’équité. Donc, avis favorable.
Défavorable.
L’article 62, amendé, est adopté.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 1152 .
Même avis.
Je tiens à signaler à nouveau à la représentation nationale et au Gouvernement qu’en l’état actuel des choses, le président de la métropole de Lyon, qui exercera sans doute une compétence particulière sur le futur stade – ce dernier devant être situé dans son périmètre – n’est pas concerné par l’article 62, que nous venons de voter. En effet, je le répète, la métropole de Lyon n’est pas un établissement public de coopération intercommunale ; elle jouit d’un statut particulier, qui a été arrêté dans la loi « métropoles » votée au début de cette année.
Cela vous regarde davantage que nous, mais si vous ne voulez pas vous fâcher avec le sénateur-maire de Lyon, je pense qu’il faudra trouver le moyen de rectifier cela d’une manière ou d’une autre, faute de quoi quelques empêchements opérationnels risquent de survenir dans cette partie du territoire. Je me permets de vous en faire part.
L’amendement no 1152 n’est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements, nos 1153 rectifié et 2885 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 1153 rectifié .
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2885 .
Cet amendement a pour objet de compléter l’article L. 3335-4 du code de la santé publique en indiquant que la vente et la distribution de boissons appartenant au groupe 2 seront autorisées dans les stades et enceintes sportives lors de manifestations sportives nationales professionnelles ou internationales.
Je voudrais donner quelques explications sur ce sujet, qui a fait couler beaucoup d’encre. Autoriser la vente de l’alcool relevant du groupe 2 – c’est-à-dire composé de 1,2 à 3 degrés d’alcool – rétablirait une égalité avec la plupart des autres pays européens qui autorisent la vente de la bière présentant un degré d’alcool inférieur à 3 dans les enceintes sportives : c’est le cas du Portugal, des Pays-Bas, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Belgique et du Royaume-Uni.
Cette situation crée une distorsion de concurrence avec les clubs européens – dont le modèle économique est souvent mis en avant, en particulier celui des clubs allemands – mais qui, quant à eux, ont la possibilité de faire de leurs enceintes sportives de véritables lieux de convivialité.
L’interdiction de la vente de l’alcool contrevient à la volonté largement partagée de voir le modèle de développement du sport professionnel évoluer vers une capacité accrue de ce dernier à générer des ressources propres, via une exploitation optimisée des enceintes sportives.
Cet amendement tend donc à la fois à favoriser le développement de l’économie des clubs au bénéfice des collectivités territoriales, dont on sait que les ressources diminuent d’année en année, tout en améliorant la sécurité dans les enceintes sportives. Il pourra en outre s’accompagner de messages de prévention aujourd’hui absents des stades et des enceintes sportives.
J’ajoute que la grande bourgeoisie dispose de places réservées dans la plupart des stades de football et consomme allègrement whisky et autres alcools très forts. Parallèlement, on interdirait au bas peuple de consommer une simple bière ! Cela me semble être totalement contraire à l’éthique sportive.
Sourires.
Cette question soulève des enjeux de santé publique et de prévention. À ce titre, il me semble préférable de poursuivre les efforts qui ont été engagés en la matière.
En revanche, il faut abolir les privilèges…
…auxquels notre collègue a fait référence et faire en sorte que chacun soit soumis à la même règle, à la loi qui s’applique à tous, sans distinction. Je suis défavorable à ces amendements, qui ne vont pas dans le sens des politiques menées en matière de santé publique, pour ne citer que celles-ci. Chacun doit se voir appliquer la loi et être soumis aux mêmes règles, quelle que soit sa catégorie sociale.
Défavorable.
Vous l’aurez compris, il s’agit d’amendements d’ « appel » destinés à mettre en lumière le fait, comme l’a dit Alain Tourret, qu’il y a là un vrai sujet qui mérite d’être traité. Pour ma part, je suis sensible aux arguments qui ont été avancés ; il est important que le Gouvernement continue à agir en ce sens et que l’on parvienne à convaincre la ministre de la santé. Je retire mon amendement no 1153 rectifié .
L’amendement no 1153 rectifié est retiré.
Oui, mais je souhaite qu’une véritable discussion puisse s’engager. J’ai tout de même de l’accord du secrétaire d’État aux sports et du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports sur cette proposition.
J’espère qu’ils sauront convaincre la ministre de la santé et que l’on parviendra à une harmonisation européenne en la matière.
L’amendement no 2885 est retiré.
Cet amendement vise à clarifier le statut de la publicité à l’intérieur des stades. Aujourd’hui assimilée à de la publicité télévisée, cette dernière se voit interdire un certain nombre d’applications liées à la distribution et à la promotion. Or, il ne s’agit pas d’une forme de publicité propre à la télévision, puisqu’elle est également dirigée vers les spectateurs. Aussi cet amendement vise-t-il à ce que l’on ne qualifie pas systématiquement la publicité à l’intérieur des stades de publicité télévisée, afin que cette communication de proximité bénéficie des mesures ordinaires régissant la promotion et la publicité, sans qu’on lui applique les contraintes propres à la télévision.
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2870 .
Je souhaite, par le présent amendement, trancher la question de savoir si les panneaux publicitaires présents dans les enceintes sportives et les marques figurant sur les maillots des joueurs sont de la publicité télévisée, voire du placement de produits. Cette question n’a, sur le plan juridique, jamais réellement reçu de réponse. L’incertitude qui en résulte sur l’application des réglementations contraignantes liées à la publicité télévisée est néfaste pour le sport.
Le présent amendement vise à régler définitivement cette question et à sécuriser les revenus publicitaires et de sponsoring des clubs sportifs et des organisateurs de manifestations sportives. Il est donc, me semble-t-il, très attendu par le ministère des sports.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 1150 .
En matière de publicité, nous avons bien avancé au cours de ce débat, mais sur cette question particulière et ces amendements, j’émets un avis défavorable.
Même avis.
L’amendement no 2433 est retiré.
L’amendement no 2870 est retiré.
L’amendement no 1150 est retiré.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement no 2413 .
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2871 .
Même avis.
L’amendement no 1151 est retiré.
L’amendement no 2413 est retiré.
L’amendement no 2871 est retiré.
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2862 .
Cet amendement a pour objet de prolonger le dispositif mis en place par la loi de modernisation de l’économie, qui permet d’accorder des dérogations au régime général des délais de paiement pour les cinq secteurs économiques caractérisés par une saisonnalité des ventes exceptionnelle. Le renouvellement triennal de cette mesure permettrait d’assurer une sécurité juridique et une stabilité économique tout en fixant des limites pour éviter les abus.
Il s’agit effectivement d’un sujet important. De fait, les secteurs auxquels vous faites référence ont besoin de visibilité sur cette question. La commission s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Monsieur le député, la loi du 22 mars 2012 avait en effet donné la possibilité à cinq secteurs économiques de conclure des accords pour leur permettre, pendant une durée de trois ans, de pratiquer des délais de paiement plus longs que les plafonds légaux qui avaient été instaurés par la loi de modernisation de l’économie. L’activité des secteurs concernés présente une saisonnalité particulièrement marquée. Le meilleur exemple est sans doute celui du jouet, dans lequel les entreprises réalisent les deux tiers de leur chiffre d’affaires en novembre et décembre.
Au terme de cette période transitoire, certains secteurs ne sont toujours pas en mesure de respecter les délais légaux et mettent en avant les risques que courraient les entreprises si elles devaient les respecter. La pérennisation de la dérogation permettra de prendre acte de la spécificité de ces secteurs et de l’inscrire dans la loi. C’est pourquoi la commission spéciale a adopté l’amendement du Gouvernement no 2945, à l’article 11 quinquies, qui a précisé la rédaction de la commission spéciale.
Le Gouvernement partage l’objectif poursuivi par votre amendement, mais ce dernier est satisfait par l’article 11 quinquies. C’est pourquoi je vous invite à le retirer.
L’amendement no 2862 est retiré.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1310 .
Cet amendement a trait également à la question de la publicité dans les stades. Quand on voit la qualité architecturale des grands stades – je pense par exemple au stade de France et à Zublena, son auteur –, on peut se dire qu’il est invraisemblable de dépenser autant d’argent pour des bâtiments magnifiques puis de les laisser défigurer par de grands affichages publicitaires.
L’article 63 est un article de coordination, autrement dit technique. Avis défavorable à l’amendement.
Même avis.
L’amendement no 1310 n’est pas adopté.
L’article 63 est adopté.
Devant la prolifération des documents publicitaires distribués dans les boîtes aux lettres, le ministère de l’écologie a mis en place un autocollant « stop pub » que les personnes souhaitant ne pas recevoir ces publicités pourront apposer surs leur boîtes aux lettres. Je rappelle que ce sont 850 000 tonnes de papier publicitaire qui sont ainsi distribuées chaque année.
L’utilisation de ce message crée certaines difficultés, notamment pour la distribution de la propagande électorale non officielle et des journaux des parlementaires et des élus des collectivités territoriales pendant la durée de leur mandat. Je considère pour ma part que ces journaux constituent de l’information et non pas de la publicité. C’est pourquoi je propose, par cet amendement, d’exclure du champ du « stop pub » tout ce qui concerne la communication des parlementaires et des élus locaux.
Cet amendement va dans le bon sens en ce qu’il a pour objet de contribuer à l’information de nos concitoyens. Je vous inviterai toutefois à le retirer au profit de l’amendement suivant, no 2445, qui, tout en allant dans le même sens que le vôtre, est plus complet, plus précis et permettra de résoudre le problème bien réel que vous soulignez.
Même avis.
Je ne vais pas le retirer car l’amendement suivant ne prend en compte que la communication prise en charge par l’institution dont relèvent ces élus et aucunement tout ce qui a trait à la propagande électorale non officielle, qui suscite des difficultés dans les périodes de campagne électorale. Au contraire, l’amendement que je vous propose inclut tout à la fois la propagande électorale et la communication des élus prise en charge par l’institution dont ils relèvent. Mon amendement est plus complet que le suivant, qui ne mettra pas fin à la difficulté que nous rencontrons.
Nous sommes actuellement en période électorale, comme très souvent. À ce titre, il me paraît curieux de proposer de favoriser ceux qui sont déjà élus et qui se représentent au détriment des candidats. Il serait plus acceptable de considérer de la même manière la propagande électorale des élus sortants et celle des candidats.
Sur le fond, l’argument soulevé par Mme Abeille et M. Lurton est très valable. L’amendement no 3026 présente cependant la difficulté suivante : il me semble que le code des postes et des communications électroniques n’est pas le bon support juridique pour la disposition proposée.
Cela n’a rien à voir, monsieur le député Poisson, ce qui ne vous a sans doute pas échappé. Sans doute est-ce une forme de manifestation d’affection de votre part de venir le dire de bon matin…
Sourires.
Vous avez peut-être croisé des véhicules d’auto-école en venant…
…mais cela ne saurait justifier cette intervention intempestive.
Le support juridique n’étant pas le bon, l’avis du Gouvernement sera défavorable. En revanche, je propose de donner un avis favorable à l’amendement suivant et m’engage à le corriger au Sénat afin de le purger de la discrimination que vous avez portée à notre attention entre les élus et l’ensemble des candidats, monsieur Lurton. Votre remarque était tout à fait juste.
Dans ces conditions, j’accepte de retirer mon amendement, madame la présidente. Je serai toutefois très vigilant sur la discussion de l’amendement suivant au Sénat.
L’amendement no 3026 est retiré.
La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 2445 .
Sur le fond, cet amendement a été présenté par la discussion qui vient d’avoir lieu au sujet du précédent, en particulier par les arguments de notre collègue Gilles Lurton.
Il faut toutefois bien garder à l’esprit, monsieur le ministre, que la communication des élus en période électorale est particulièrement encadrée, et que ces derniers ne peuvent user des moyens de leur choix. Dans la réflexion sur ce sujet, il faut donc trouver le juste équilibre entre ces deux écueils : une discrimination, d’une part, et, d’autre part, une double contrainte qui viendrait perturber la communication normale de l’élu d’une institution, qui n’est d’ailleurs pas forcément candidat, car cela peut arriver.
Favorable.
J’aimerais ajouter une remarque. Il faudra en effet veiller à ce que les élus ne soient pas les seuls à pouvoir communiquer en période électorale, car dans ce cas il y aurait une forme de reconduction automatique, ce qui n’est pas du tout l’esprit de la démocratie ; notre collègue a raison sur ce point.
Je vais voter cet amendement, mais je m’interroge sur sa formulation : recevoir de l’information constitue autant un droit qu’un devoir. Avoir le droit est une chose, mais si l’on veut pouvoir s’exprimer comme un citoyen informé et responsable, on ne peut pas refuser de recevoir quoi que ce soit dans sa boîte aux lettres. De ce point de vue, écrire « ont le droit » me paraît un peu limitatif au regard de l’enjeu. C’est néanmoins un excellent amendement, bien entendu.
L’amendement no 2445 est adopté.
La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente.
Nous en venons directement aux amendements à l’article 64.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 890 .
L’amendement no 890 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 2602 .
Cet amendement vise à rendre le rapport annuel sur les retraites chapeaux accessible à tous les citoyens, conformément à la volonté exprimée dans cet hémicycle de rendre les données publiques ouvertes. Il n’est pas question ici de rendre public les données personnelles des bénéficiaires potentiels de retraites chapeaux, mais de permettre aux chercheurs et au grand public d’être informés sur cette question.
L’amendement no 2602 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’article 64, amendé, est adopté.
Article 64
La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement no 1357 rectifié .
Après les amendements votés en commission, qui visent à inscrire dans la loi une stricte corrélation entre retraite chapeau et performances de l’entreprise, et qui ont été soutenus notamment par Laurent Grandguillaume, ainsi que l’amendement de Valérie Rabault qui vient d’être voté et qui vise à rendre cette pratique plus transparente, cet amendement, tenant compte de la vive indignation que les dérives auxquelles elles donnent lieu suscite chez les élus comme chez nos concitoyens, vise à mieux encadrer les modalités de versement de ces retraites chapeaux.
Il s’agit d’abord de durcir les conditions d’ouverture de ce régime de retraite, notamment en le conditionnant à la performance de la société et à une approbation annuelle par le conseil d’administration – cette dernière condition permettant en outre de renforcer l’information de nos concitoyens. L’amendement prévoit par ailleurs de plafonner la vitesse d’acquisition des droits à une retraite chapeau à un taux de remplacement de 3 % par an. Il prévoit enfin qu’un décret précisera le contenu des obligations d’information des sociétés, celui-ci devant notamment inclure, conformément à une préconisation de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales, le régime juridique, le rythme d’acquisition des droits, les modalités de financement ou encore une comparaison avec les autres régimes de l’entreprise.
Je voudrais saluer l’attention avec laquelle le Gouvernement a accueilli nos propositions, au point qu’on peut parler d’une véritable coconstruction. C’est elle qui nous permet de dépasser le stade de l’indignation dont on se contentait depuis des années, quelle que soit la majorité, pour proposer ces avancées substantielles, voire historiques, en matière de retraite chapeau. Après le dernier scandale auquel cette pratique a donné lieu – je ne donnerai pas de nom : il ne s’agit pas ici de se livrer à des attaques ad hominem –, Le Gouvernement s’est engagé devant la représentation nationale, par votre voix, monsieur le ministre à durcir, conformément aux préconisations de l’IGF – je veux saluer l’excellent travail réalisé par ces fonctionnaires – les conditions d’acquisition de ces droits de retraite.
À côté des engagements juridiques et légaux, il y a aussi les engagements moraux, et je veux saluer l’action du Gouvernement dans ce domaine. Depuis 2012 en effet, et contrairement à ce qui se passait jusque-là, les représentants de l’État aux conseils d’administration des grandes entreprises n’ont validé aucune des retraites chapeaux qui ont scandalisé nos concitoyennes et nos concitoyens.
Tel est l’esprit et le contenu de cet amendement, cosigné par mon collègue Laurent Grandguillaume notamment.
Il est favorable, et je voudrais saluer à mon tour le travail collectif et le courage du ministre sur ce sujet, d’autant qu’il nous a fallu attendre longtemps avant d’être écoutés sur cette question.
Il s’agit là d’une mesure de régulation, visant à favoriser le travail, l’effort et le mérite, et non l’esprit de rente. Il s’agit de parer aux excès auxquels a pu donner lieu ce dispositif des retraites chapeaux, qui bénéficie à plus de 300 000 personnes, pour des montants moyens de 5 000 euros.
Les mesures déjà adoptées et le présent amendement, dû à l’initiative de notre excellent collègue Razzy Hammadi, vont permettre la mise en place d’un cadre de régulation, tenant compte notamment de la situation de l’entreprise et de la dépendance économique, afin de prévenir les abus que nous avons pu connaître par le passé. Ce sont là des mesures qui vont dans le bon sens.
J’émettrai évidemment un avis favorable, en remerciant les députés Grandguillaume et Hammadi pour le travail collectivement accompli.
Complétant la proposition de la commission spéciale, qui prévoit déjà de conditionner l’octroi de ces retraites supplémentaires non contributives, dites « retraites chapeaux » à des critères de performance, par un plafonnement du rythme d’acquisition des droits, cet amendement s’inscrit en effet dans le travail de moralisation et de normalisation de ce dispositif.
L’intérêt général commande indubitablement de limiter par la loi le rythme d’accumulation de ces droits et de prévenir ainsi l’octroi de rentes obtenues en très peu de temps et pour des montants qui auraient pu être injustifiés.
Votre proposition est totalement conforme aux objectifs du Gouvernement et je vous en remercie.
L’amendement no 1357 rectifié est adopté et l’article 64 bis est ainsi rédigé.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1258 portant article additionnel après l’article 64 bis.
Cet amendement a déjà été défendu par Mme Berger dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.
Il instaure une obligation de déclaration de certains montages à la charge des conseils d’entreprise. Il viendrait utilement compléter la législation visant à mettre fin à l’optimisation fiscale car cette obligation de déclaration permettrait à l’administration de mieux appréhender les montages qui pourraient mener à l’optimisation fiscale.
Une telle déclaration est l’objectif de l’action no 12 du programme de l’OCDE contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices.
Cet amendement propose d’introduire une obligation de déclaration à l’administration fiscale de prestations de conseils fiscaux afin de mieux lutter contre l’évasion fiscale et de prévenir les abus de droit, intention louable tant il est important de lutter contre ces phénomènes.
Cette proposition a déjà été défendue par la voie d’un amendement au projet de loi de finances pour 2015, qui a été rejeté en séance publique. En raison de sa rédaction, floue et comportant des formules insuffisamment précises, telles que « implique une entité », « institution établie », etc., le dispositif proposé encourt la censure du juge constitutionnel pour incompétence négative.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
Même avis.
Vous nous dites que l’intention de l’amendement louable : dois-je comprendre que vous êtes disposé à envisager sa réécriture pour la suite du débat ?
Cela n’est pas possible dans le cadre de cette lecture. Cet amendement ayant déjà été rejeté cet automne, il était depuis loisible de le retravailler : or cela n’a pas été fait. Nous devons prendre tout le temps nécessaire pour trouver la rédaction la meilleure si nous voulons éviter de voter un dispositif encourant la censure au Conseil constitutionnel. Nous ne ferions sinon que perdre du temps sans résoudre le problème.
En tout état de cause, on pourra toujours proposer une nouvelle rédaction lors de la prochaine lecture de ce texte par notre assemblée.
L’amendement no 1258 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1257 .
Cet amendement vise également à prévenir la fraude et l’optimisation fiscale, qui coûtent chaque année de soixante à quatre-vingt milliards d’euros à la France.
L’optimisation fiscale est le fait de grandes entreprises, mais aussi de cabinets de conseil réalisant des montages complexes, afin de permettre à des particuliers ou à de petites et moyennes entreprises de placer leur argent dans des paradis fiscaux. Ceux-ci sont sollicités via Internet, voire par démarchage téléphonique, et se voient proposer des solutions pour payer moins d’impôts. Je suis moi-même assez souvent l’objet de telles sollicitations.
De même que nous avons, grâce à la loi de lutte contre la fraude, durci les sanctions envers les fraudeurs, nous devons durcir les sanctions envers la publicité qui incite à la fraude. C’est l’objet de cet amendement.
Cet amendement vise à punir l’incitation à la fraude fiscale de la même peine que celle sanctionnant l’incitation à attenter à la vie ou à commettre des vols ou des destructions, soit cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Il vise pour ce faire à compléter l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
D’ores et déjà, sur le fondement de l’article 1742 du code général des impôts, les complices de délits de fraude fiscale peuvent être punis comme leurs auteurs. Cette disposition permet de sanctionner les personnes qui ont directement participé à la préparation de l’infraction, tels que les hommes de paille, mais aussi des professionnels du droit, tels que notaires, experts-comptables ou avocats fiscalistes. Parallèlement, l’article 121-7 du code pénal définissant la notion de complicité permet d’atteindre les objectifs visés par le présent amendement.
J’émets donc un avis défavorable.
L’amendement no 1257 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, premier alinéa du règlement.
Notre groupe demande l’application de l’article 55, alinéa 6 du règlement, prévoyant l’attribution à chaque groupe d’un temps supplémentaire, en raison du dépôt de l’amendement no 3258 de la commission spéciale après l’expiration du délai opposable aux députés.
J’indique d’ores et déjà, madame la présidente, que notre groupe formulera la même demande à l’occasion de l’examen des articles 64 quater à 64 octies, chacun d’eux faisant l’objet d’un amendement de la commission spéciale déposé dans les mêmes conditions.
La commission ayant effectivement déposé une série d’amendements après l’expiration du délai, un temps supplémentaire est attribué à chaque groupe et aux députés non inscrits en application de l’article 55, alinéa 6 du règlement. Je rappelle que ce temps est de dix minutes pour les groupes et de deux minutes pour les députés non-inscrits pour la discussion des articles que vous avez mentionnés.
Au commencement… (« …Était le verbe ! » sur les bancs du groupe SRC.) … c’est-à-dire en juin 2014, une proposition de loi issue des travaux de la commission des lois avait été déposée par Bruno Le Roux, au nom du groupe SRC, et Jean-Jacques Urvoas, en sa qualité de président de la commission des lois.
Le 18 décembre 2014, le président Jean-Jacques Urvoas, sur les ondes d’une radio loin d’être confidentielle bien que périphérique, exposait son souhait que sa proposition relative au secret des affaires soit introduite dans le texte que nous examinons aujourd’hui. Outre qu’une telle solution avait l’avantage d’éluder la difficulté de trouver une niche parlementaire, il estimait par ailleurs qu’il était légitime qu’un projet de loi pour la croissance et l’activité prenne en compte les préoccupations qui avaient motivé cette proposition de loi.
J’ai été naturellement conduit – ce que j’assume pleinement – à porter seul, d’ailleurs, sous forme d’amendements l’intégralité de cette proposition de loi validée par le groupe auquel j’appartiens.
De quoi s’agissait-il ?
L’article 64 ter instaure un dispositif de protection du secret des affaires au plan civil et pénal. L’ensemble de ces dispositions insérées au code de commerce résulte à la fois d’un constat – le caractère non effectif du droit existant en matière de protection du secret des affaires – et d’une nécessité – puisque les entreprises sont actuellement confrontées à un contexte de concurrence internationale et à des tentatives de prédations économiques récurrentes, ce qui ne manque pas de les affaiblir.
Cet article, je veux le rappeler très solennellement ici, préserve par ailleurs expressément tant la liberté d’expression ou d’information que la révélation d’un acte illégal de sorte que l’on ne peut accepter le reproche d’avoir agi « en catimini » : ces dispositifs sont connus et accessibles sur le site Internet de l’Assemblée nationale depuis le mois de juillet 2014 et c’est au mois de décembre que le président Urvoas a fait connaître son intention en même temps d’ailleurs qu’il répondait à d’autres interrogations de la presse.
Que serait la liberté d’information et de quel pouvoir disposeraient les lanceurs d’alerte si ces derniers mettaient plus de six mois à s’apercevoir d’un embryon de scandale que nous susciterions en adoptant certaines dispositions ? Mais enfin…
Nous avions donc pris soin de souligner expressément la protection dont doivent évidemment bénéficier toutes celles et tous ceux qui ont le devoir d’informer nos concitoyens etou de révéler un acte illégal.
J’ajoute que la discussion parlementaire pouvait contribuer à améliorer la rédaction du texte issu de la commission afin de renforcer plus encore la protection des sources des journalistes et l’action des lanceurs d’alerte.
J’avais d’ailleurs déposé une série d’amendements en ce sens à l’issue de la commission spéciale, comme l’ont également fait des collègues du groupe écolo, afin de doublement « border » – « ceinture et bretelle », passez-moi cette expression familière ! – la protection de la liberté d’informer et la capacité d’action des lanceurs d’alerte.
Mais, nous devons en prendre acte, cette démarche a suscité des émois…
Sourires
…et de la colère de la part de nombre d’acteurs de la presse et de plusieurs associations, y compris de la part de personnes qui ont eu l’occasion de dénoncer des scandales : elles avaient le sentiment qu’elles n’auraient pu jouer leur rôle si ces dispositions avaient été prises.
Par exemple, je puis vous faire part de l’émotion sincère de Mme Frachon, médecin brestoise, comme vous le savez, avec qui je me suis très longuement entretenu et à qui nous devons la révélation du scandale du Médiator. Elle estimait en effet que de telles dispositions l’auraient « conduite en prison » – je la cite – ou l’auraient inhibée au point de ne pas pouvoir mener ce travail d’intérêt public qu’elle a accompli en dénonçant ce scandale.
Puisque d’aucuns avaient le sentiment que nous aurions pu agir en catimini – je viens de montrer que ce reproche n’est pas acceptable et que nous aurions procédé trop rapidement sur cette question du secret des affaires mais trop lentement sur la protection du secret des sources – et moins vite encore sur celle des lanceurs d’alerte – il m’a paru plus sage – je me suis évidemment entretenu avec Jean-Jacques Urvoas – de déposer six amendements de suppression visant, je tiens à le dire, des dispositifs qui avaient été acceptés par la commission spéciale et, de mémoire, par des collègues siégeant sur tous les bancs.
En effet, monsieur Poisson, j’ai relu le rapport et vous avez raison de le souligner.
Mais enfin, tous et toutes avaient accepté ces principes.
Pour autant, on ne peut considérer qu’il ne faut rien faire en matière de secret des affaires – ce serait à nouveau faire preuve d’angélisme.
Par ailleurs, le Président de la République s’est engagé…
…pour faire évoluer la question du secret des sources.
Il me semble donc sage de supprimer purement et simplement les six articles de ce texte relatifs au secret des affaires pour que la commission des lois ou les meilleurs connaisseurs de ces questions, parmi nos collègues, puissent rédiger une proposition en quelque sorte « tripodique »…
…que j’appelle de mes voeux et qui serait à la fois protectrice du secret des affaires, du secret des sources et des capacités d’action des lanceurs d’alerte.
Si nous faisions part de cette intention, si tout le travail de concertation et de dialogue était mené en amont, nous pourrions réaliser un triple progrès, et dans le domaine des affaires, et dans le domaine démocratique.
C’est pourquoi six amendements, sur six articles successifs, proposent de supprimer les dispositifs validés en commission spéciale.
Je formule le voeu que, si nous reculons, c’est uniquement pour mieux sauter !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Cher monsieur le rapporteur, si je reprends à la volée quelques adjectifs que l’on entend dans cet hémicycle, ce dispositif promet d’être « tripodique », « disrupteur » et inconfortable. Ce sera donc intéressant…
Vous venez un peu de nous présenter ce que le grand humoriste français qu’était Pierre Dac, dont nous commémorons l’anniversaire de la disparition, appelait la défense élastique : l’important, c’est de donner l’impression que l’on avance en faisant marche arrière !
Monsieur le rapporteur, nous sommes très embarrassés sur cette question dont, comme vous l’avez rappelé, nous avons beaucoup discuté en commission.
Nous avons formulé des réserves que vous avez mentionnées et que nous avons nous-mêmes rappelées mais je constate avec regret que cet excellent travail accompli en commission – dont la formulation finale ne nous convenait pas totalement mais qui comprenait des avancées intéressantes – est en passe de s’effondrer puisque je gage que vos amendements de suppression seront adoptés : dans quelques instants, tous les dispositifs des articles 64 ter jusqu’à 64 octies n’existeront plus.
C’est fort regrettable car, comme vous l’avez dit très justement, le problème demeure entier. Il est dommage que le Parlement ne soit pas aujourd’hui en situation de donner un signal très net en avançant sur cette question alors que nos entreprises en ont besoin.
Une directive européenne est certes en cours de rédaction mais il ne faut pas s’abriter derrière elle – je suis en relation avec nos collègues députés européens, comme vous l’êtes sans doute avec ceux de vos formations politiques, et c’est en l’occurrence notre collègue Constance Le Grip, que je salue, qui est en charge du rapport pour la Commission européenne.
De surcroît, il n’est pas interdit de prendre des initiatives au sein des parlements nationaux et la France, sur une telle question, s’honorerait d’en prendre une qui soit significative.
Monsieur le ministre, lors de vos voeux à la presse, vous avez assuré vouloir améliorer la rédaction de la commission – en reprenant en fait sous forme d’amendements ce que vous annonciez publiquement – et voilà que le rapporteur arrive en disant une chose assez curieuse.
Il a certes raison de considérer que nul n’a agi en catimini.
C’est la pure et simple vérité.
Il juge en revanche que nous ferions preuve de précipitation, or, ce n’est pas vrai. De ce point de vue-là, monsieur le rapporteur, je vous soutiendrais moins : compte tenu des sujets qu’il brasse, je trouve que l’examen de ce texte est globalement un peu trop rapide.
Cela étant dit, les amendements visent les points suivants : l’entreprise détermine les informations qui relèvent du secret des affaires, renforcement de la protection des lanceurs d’alertes, pas d’opposabilité de la protection du secret des affaires aux procédures en matière pénale ou à l’égard des autorités administratives, enfin, renforcement de la protection des journalistes amenés à diffuser des informations par ailleurs protégées.
Tout cela avait des mérites, quelles que soient les réserves : avant la navette parlementaire, la France commençait ainsi à se doter d’un outil qui manque aux entreprises françaises ce qui, tout le monde le sait, les fragilise grandement dans la compétition internationale.
Ces dispositions devaient être sans doute améliorées mais elles permettaient de lancer la discussion.
J’ai plusieurs observations et questions de fond qui, néanmoins, se perdront sans doute puisque les amendements de suppression seront vraisemblablement adoptés.
Je tiens à saluer notre ancien collègue Bernard Carayon, l’un des meilleurs spécialistes français du secret et du renseignement économiques, qui avait déposé au mois de janvier 2012 une proposition que l’Assemblée a adoptée…
…mais qui n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour du Sénat, ce que l’on peut regretter. J’observe d’ailleurs que la majorité sénatoriale ayant changé, peut-être pourrait-on s’appuyer sur ses travaux pour avancer, l’expertise de notre collègue étant reconnue.
J’ai lu les comptes rendus des débats d’alors où il appert que nos collègues Jean-Michel Clément et Jean-Jacques Urvoas s’étaient abstenus, comme le groupe socialiste, mais plutôt de manière bienveillante et non négative, autant qu’il m’en souvienne et si la tonalité des débats nous renseigne correctement.
Nous savons, comme le savent aussi ceux qui parmi nous ont suivi les travaux de l’Institut des hautes études sur la justice, que les entreprises ont besoin de la protection du secret des affaires. Nos communes respectives reçoivent très fréquemment des alertes sur ces questions de protection de l’information.
Le besoin est donc réel et il doit être encadré : que les lanceurs d’alerte soient protégés et que les administrations ayant le pouvoir de saisir des documents ou de s’y opposer soient mieux listées, très bien ! Cette discussion aurait dû et pu avoir lieu, or, ce ne sera pas complètement le cas et, en tout état de cause, elle ne débouchera pas sur un texte, ce qui est très regrettable.
Au bout du compte, je regrette que, dans une logique – j’emploie une formule qui excède un peu ma pensée – de respect institutionnel et du travail de la commission, le rapporteur supprime lui-même certains éléments de son propre travail. Cela ne relève pas d’un bon fonctionnement du Parlement alors que, malgré les réserves exprimées, nous étions tous prêts à faire preuve de la pédagogie qui s’impose auprès de tous les intéressés pour signaler que tout ce que vous avez dit est juste, monsieur le rapporteur – nous le partageons d’ailleurs, à quelques nuances près.
Nous aurions donc pu travailler tous ensemble et c’est extrêmement dommage que vous preniez cette initiative de suppression systématique du dispositif dans son ensemble.
Voilà quelle est la position de notre groupe, madame la présidente.
Nous serons attentifs aux propos qui seront tenus sur ces sujets.
Être dubitatif et être gêné, c’est être en vie : j’espère pour vous tous et… pour votre serviteur qu’il en sera de même pendant encore de longues décennies.
Je suis effectivement gêné et je prolongerai d’une certaine manière la réflexion de notre collègue Poisson, qui est aussi vice-président de la commission des lois.
Un travail avait été accompli qui ne date pas d’hier : je me permets d’appeler votre attention sur le fait que c’est en 2003, pour la première fois, que notre collègue Carayon a examiné ces questions dans un rapport qu’il a sans cesse défendu jusqu’en 2012, où il a déposé un texte qui a été adopté.
Nous avions quant à nous émis un grand nombre de réserves parce qu’il empruntait exclusivement la voie pénale mais nous avions estimé que cette question devait être examinée.
Je considérais que le travail réalisé par le président de la commission des lois Jean-Jacques Urvoas, Bruno Le Roux et les commissaires conduisait à un équilibre pertinent en revisitant les lois pénale et civile et en réglant cet enjeu considérable qu’est l’introduction du secret des affaires dans notre dispositif législatif alors qu’en droit français, il n’existe pas, ce qui fragilise nos acteurs économiques.
En effet, en cas de déloyauté ou d’un abus de situation, on ne peut recourir qu’à la plainte pour vol et recel ou à la protection des brevets, dispositifs relevant du droit commun et parfaitement insuffisants pour protéger le patrimoine ainsi que le savoir-faire économique de nos entreprises qui, en fait, ne sont pas légalement protégées.
Nous avons tort de ne pas mettre en place le dispositif législatif dont nous avons besoin.
Je le dis avec d’autant plus de regrets, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, que le dispositif qui avait été introduit dans la loi était éminemment équilibré. Toutes les questions qui se sont posées après l’adoption de cette série d’articles en commission spéciale trouvent leur réponse dans le texte. Nous avions, au sein de la commission des lois, dont c’est le travail, posé la question et réglé le problème de la protection des sources. Nous avions également traité la question de la liberté de la presse, puisque, à l’article 64 septies, nous avions rangé le secret des affaires au nombre des secrets professionnels protégés, au profit des journalistes.
Je comprends les craintes qui se sont exprimées, même s’il me semble qu’elles avaient été très largement purgées par le dispositif législatif adopté en commission spéciale, dont chacun, du reste, avait convenu qu’il pouvait encore évoluer.
Et le nombre d’amendements déposés en séance publique montre que des ajustements pouvaient encore être faits.
Je vous le dis très sincèrement : je suis ennuyé que l’on n’aille pas au bout du dispositif. Je peux comprendre les craintes qui s’expriment, et il est sans nul doute à l’honneur de notre démocratie et de notre représentation nationale de prendre toutes les précautions, et même davantage, quand il s’agit de protéger, aussi bien la liberté de la presse que la liberté des sources. Je m’incline devant cette exigence et cette prudence, que traduit, me semble-t-il, la position de notre rapporteur général.
Néanmoins, je ne voudrais pas que, pour des raisons que je crois infondées, nous abandonnions l’objectif fondamental de protection de nos entreprises : parce qu’elles ne bénéficient d’aucune protection légale, leurs données sont pillées, sans que les coupables soient jamais sanctionnés.
Le pire de tout, en la matière, c’est la technique qu’utilisent les grandes sociétés internationales et qui consiste, comme on dit, à aller à la pêche. Ces sociétés ouvrent un contentieux contre une entreprise française ou européenne et l’obligent, dans le cadre du droit anglo-saxon, à déposer l’intégralité des pièces, c’est-à-dire l’intégralité des documents qu’elles veulent connaître pour lui livrer une concurrence qui n’a plus rien de loyale. Ce sont là des problèmes de fond. Je suis très ennuyé que nos entreprises soient dépourvues d’instruments législatifs leur permettant de se prémunir contre de tels procédés. Mais je regrette aussi qu’elles soient incapables d’agir, en droit français, sur notre territoire et devant nos juridictions, indépendamment des règles du droit commun, qui sont insuffisantes en la matière.
Monsieur le rapporteur général, je me rangerai bien entendu à votre amendement de suppression, car je sais combien, sur de tels sujets, il importe d’apporter un soutien franc et massif à ceux qui s’engagent à faire évoluer les choses.
Je reconnais que la protection du secret des sources et celle du secret professionnel des journalistes sont un enjeu emblématique et fondamental de notre démocratie. Je m’incline donc devant cette exigence, mais je supplie ceux qui vont prendre en charge cette question, de la faire aboutir dans l’intérêt bien compris de nos entreprises et de nos activités.
Il nous faut, en effet, essayer de remettre un peu d’ordre dans les esprits, après l’adoption en commission spéciale d’un article qui constitue pour ainsi dire – le rapporteur général l’a reconnu – une loi à lui tout seul.
Je ne donne pas raison à M. Poisson lorsqu’il sous-entend que tout ce qui a été adopté en commission spéciale devrait mécaniquement être adopté par l’Assemblée nationale. Si tel était le cas, il faudrait modifier à la fois la Constitution et le règlement de notre Assemblée. Nous sommes ici pour écrire la loi, et lorsque la commission s’est trompée, il faut avoir le courage de le dire et d’expliquer pourquoi –, tel est l’objet de l’amendement de suppression déposé par M. le rapporteur général.
Cet article a soulevé une intense émotion, non seulement au sein de l’Assemblée, mais aussi parmi les professionnels concernés, qui ont considéré que leur liberté d’agir, d’enquêter et de s’exprimer était remise en cause par cet article. Je donnerai raison à notre collègue Richard Ferrand sur un point : il est vrai qu’il n’y a pas eu d’improvisation, et tout cela a été préparé de longue date.
Ce qui ne veut pas dire, en revanche, qu’il y a eu de la concertation, et c’est l’un des reproches que les professions concernées, à commencer par la presse économique et financière, ont fait à cet article 64 ter. Les choses ne se sont certes pas faites en catimini, mais il n’y a pas eu de concertation sur un sujet qui met pourtant en jeu, que vous le vouliez ou non, des libertés fondamentales, à commencer par la liberté de la presse, et même ce que l’on pourrait appeler le « droit de savoir », qui mériterait de prendre place dans le bloc de constitutionnalité. Excusez du peu !
Cette loi sur le secret des affaires, amenée par voie d’amendements sur un texte dont ce n’était pas l’objet, pose des problèmes.
Ce n’est pas totalement réglé, puisqu’on veut manifestement y revenir.
Personne ici n’a le monopole du patriotisme économique. Nous sommes tous convaincus qu’il faut lutter contre les faits de vol ou d’espionnage d’informations utiles aux entreprises. Mais ce n’est pas l’objet de cet article. Il est question ici de la possibilité de mener des enquêtes, de lancer des alertes, voire, dans certaines conditions, d’exercer une activité syndicale. C’est sur ces questions, monsieur le président de la commission spéciale, qu’il faut selon moi forger un peu nos principes, s’ils ne résistent pas toujours à la tentation de mal écrire la loi.
Les journalistes d’investigation ou d’information économique et financière, les lanceurs d’alerte, les militants syndicaux sont utiles à ce pays et à la défense de nos libertés.
Je souhaiterais donc, cher François Brottes, que l’on ne revienne pas trop tôt sur ces questions, sauf à avoir fait un travail de fond – la commission des lois peut s’en ressaisir – afin de ne pas causer des dégâts considérables à l’esprit démocratique. C’est ce qui est en jeu dans cet article.
Je salue le fait que, plusieurs semaines après qu’Aurélie Filippetti et moi-même avons déposé un amendement de suppression de cet article, le rapporteur général vienne aujourd’hui à la rescousse et propose à son tour de le supprimer. Mais enfin, il était grand temps ! Car nous n’étions plus dans la coproduction législative : nous étions dans la codestruction de la liberté de la presse ! Et c’était une erreur.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Cela peut vous émouvoir, mais c’était une erreur, et je suis heureux que l’on revienne sur cet article.
Je dis que c’était une erreur : tout le monde peut en commettre. Et cela a été voté.
Faut-il considérer, monsieur le rapporteur général, que tous ceux qui ont réagi à cet article, collectivement ou individuellement, n’ont rien compris aux garanties que vous vouliez apporter ?
Dans cette affaire, il ne s’agit pas seulement de révéler des infractions, mais des informations d’intérêt public : ce n’est pas la même chose ! Vous aviez prévu une garantie pour le cas où une infraction serait révélée, mais ce n’est pas le sujet : ce n’est pas d’infractions dont on parle. Tous les exemples cités par ceux qui n’ont manifestement rien compris à cet excellent texte concernent des lanceurs d’alerte ou des journalistes d’investigation qui n’ont fait que leur travail. Ce sont parfois des infractions qu’ils révèlent, mais le plus souvent, ce sont des informations d’intérêt public.
Je nous invite donc, chers collègues de la majorité, à éviter de nous remettre trop rapidement dans un mauvais pas. Il y a sans doute des choses à faire en matière de prévention et de répression du vol d’informations stratégiques ou d’espionnage économique, et je crois que nous serons unanimes sur ce point, au-delà même du groupe majoritaire. Mais, très franchement, il était grand temps de revenir sur le texte, tel qu’il a été voté en commission spéciale. Je salue donc, monsieur le rapporteur général, l’amendement que vous avez proposé, et je le voterai. Il est d’ailleurs identique à celui que nous avions déposé, et il a un seul objet : supprimer cet article.
Je voudrais rebondir sur ce que disait tout à l’heure notre collègue Jean-Frédéric Poisson : je trouve, comme lui, que le débat de ce matin est très surprenant. Comme il l’a rappelé, Bernard Carayon avait, dès 2011, fait adopter par cette assemblée une proposition de loi relative au secret des affaires.
En commission spéciale, le Gouvernement a fait des propositions et notre travail a été très constructif : il s’est agi d’une véritable coconstruction, que vous aviez d’ailleurs saluée, monsieur le ministre. Et patatras ! Voilà que ce matin, nous débattons d’un amendement proposé par le rapporteur général, qui revient sur le travail très approfondi réalisé en commission. Objectivement, cela n’est pas très sérieux, et je suis surpris, monsieur le rapporteur général, de la manière dont vous procédez à la déconstruction de la coconstruction. C’est à n’y plus rien comprendre ! Je tiens en tout cas à saluer la plasticité et l’élasticité de votre argumentation.
Tout cela n’est pas très sérieux, et il me semble que le débat parlementaire mériterait mieux. Je suis surpris de la manière dont les choses sont en train de se passer car, je le répète, je pensais que nous étions arrivés à un large consensus au terme de l’examen en commission. Or ce matin, il en est tout autrement. Cela montre bien que cette décision n’est due qu’à de petits arbitrages strictement politiciens.
Tout cela n’est pas à la hauteur des enjeux. Il y avait là un vrai sujet, dont il s’agissait de s’emparer. Il semble, monsieur le ministre, que votre majorité soit toujours davantage plurielle. Surtout, ce texte est en train de se vider des rares éléments positifs qu’il comportait, ce qui est fort dommage.
Cela ne figurait pas dans le projet de loi !
Je tiens moi aussi à vous remercier, monsieur le rapporteur général, d’avoir bien voulu prendre en compte nos observations en déposant un amendement de suppression de l’article 64 ter.
Je pense, cher Jean-Yves Le Bouillonnec, que le débat aurait été plus apaisé si la loi relative à la protection des sources des journalistes, que l’on attend depuis plus de deux ans maintenant, avait vu le jour. Si tel était le cas, le débat aurait également été plus apaisé au sein de la profession journalistique. Mais il se trouve que ce texte de loi, en préparation à la Chancellerie depuis deux ans, n’a toujours pas pu être discuté dans l’hémicycle.
En 2008, lors de l’examen de la loi relative aux archives, l’extension du domaine du secret défense, qui pouvait risquer de pénaliser les journalistes, mais aussi les historiens qui font leur travail d’information au bénéfice de l’ensemble de nos concitoyens, avait suscité critiques et inquiétudes. On a discuté, en 2010, de la loi sur la protection des sources des journalistes, dont nous avions dit qu’elle était largement insuffisante, et qu’elle comportait notamment des zones de grande incertitude, qui se sont malheureusement avérées par la suite dans différentes affaires.
On le voit bien aujourd’hui : on ne doit toucher à la loi de 1881 sur la liberté de la presse qu’avec la plus extrême prudence. Or les dispositions relatives au secret des affaires faisaient peser un risque sur cette notion de droit à l’information et de protection des sources des journalistes. C’est la raison pour laquelle l’ensemble de la profession journalistique s’en est ému.
Je souhaite que nous puissions continuer à travailler ensemble sur ces questions, mais il faut que nous améliorions, dans le même temps, la loi sur la protection des sources des journalistes, qui est extrêmement attendue par l’ensemble de la profession. On a constaté, la semaine dernière encore, avec les révélations faites par Le Monde et d’autres journaux, combien il importe que les journalistes d’investigation puissent faire leur travail au bénéfice de l’ensemble de la communauté nationale.
Monsieur le rapporteur, je vais soutenir votre amendement de suppression. La procédure de discovery était une des pratiques visées au moment où vous avez co-construit – pour reprendre les termes employés tout à l’heure – ce dispositif en commission spéciale. Je suis très heureux qu’il soit supprimé car il mérite d’être retravaillé en profondeur.
En effet, le bureau new-yorkais de la French-American Bar association, qui rassemble nombre d’avocats et juristes des barreaux américains et français, m’a informé qu’en voulant protéger nos entreprises françaises, nous étions en train de les fragiliser. La procédure du discovery, qui précède le procès, est une phase majeure du contentieux aux États-Unis au cours de laquelle les parties s’échangent toutes les informations susceptibles de faciliter l’établissement des preuves. Il existe déjà un certain nombre d’éléments de protection dans la pratique du discovery aux États-Unis, notamment dans les échanges avec les avocats des entreprises. L’exposé des motifs de cet article, en citant spécifiquement le discovery, a évidemment créé beaucoup d’émoi parmi les autorités américaines.
Le risque était que les juges américains voient d’un très mauvais oeil que d’un côté, les entreprises françaises bénéficient des procédures américaines, puisque nos entreprises en bénéficient souvent, mais que de l’autre côté, elles n’acceptent pas de s’y soumettre.
Avec un tel texte, beaucoup d’acteurs se trouvaient dans une situation délicate : revenus en France, ils étaient sous la menace des sanctions extrêmement dures prévues dans le texte initial, et de l’autre côté, s’ils appliquaient le discovery et ne tenaient pas compte de notre texte, ils subiraient des sanctions en France, et dans l’autre cas ce serait aux États-Unis. C’était une forme de double peine qui faisait courir un risque majeur pour nos entreprises, et notamment un certain nombre de nos filiales.
Même si je partage la volonté de protéger notre secret des affaires, sujet majeur pour nos entreprises, il est essentiel de retravailler l’équilibre du dispositif. Je voterai donc l’amendement du rapporteur car cet article fragilisait les acteurs que nous voulions protéger.
En France, on ne légifère pas sur la presse, sur le secret des services et sur le secret des sources sans l’accord de la presse qui s’est arrogée, depuis toujours, la place éminente de défenseure principale de la liberté.
C’est un peu une valse à trois temps que nous venons de vivre. Dans un premier temps, le Gouvernement saisit la commission. Dans un deuxième temps, la commission vote à la quasi-unanimité la proposition faite par le Gouvernement. Dans un troisième temps, sous la pression des lobbies, le Gouvernement est amené à se mettre d’accord avec le rapporteur pour retirer le texte.
Tout cela, finalement, est un peu malheureux. Mais c’est la preuve du rapport de forces qui existe. Encore une fois, le quatrième pouvoir, celui de la presse, est plus fort que le deuxième pouvoir, le législatif.
J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’ensemble des intervenants qui ont eu du mal à trouver les mots pour déclarer qu’ils étaient satisfaits de ce que je propose aujourd’hui, à savoir la suppression.
Sourires.
Je voudrais apporter quelques éclairages. J’appelle l’attention de l’ensemble des collègues sur le fait que nous avons analysé les amendements que je portais dans un contexte dramatique pour notre pays, alors que la liberté d’expression venait d’être horriblement remise en cause. Nous sommes dans la vie, nous ne sommes pas simplement en chambre, et ce contexte a pu donner le sentiment que non seulement la liberté de penser et de s’exprimer venait d’être atteinte, mais que le législateur s’y mettait aussi, à sa manière. Cela a renforcé l’émotion et l’incompréhension d’un certain nombre d’acteurs de notre vie démocratique. Il faut donc se souvenir du contexte dans lequel tout cela est intervenu.
Je ne ferai le procès de personne pour savoir qui, sur ces bancs, défendrait plutôt les syndicalistes, les journalistes ou les lanceurs d’alerte, tandis que d’autres voudraient défendre le monde des affaires. Un peu de nuance ne nuirait pas lorsque l’on veut produire des arguments, voire les teinter d’une forme de défiance qui est toujours désagréable à entendre. Nous sommes tous attachés à tous ces éléments.
La vérité, au fond, est que nous allons collectivement faire le choix d’avoir des regrets plutôt que des remords.
Je crois que nous allons voter ces amendements de suppression avec, pour certains, des regrets. Mais cela nous évitera de faire un travail incomplet, contesté, sur lequel la concertation n’a certainement pas été suffisamment approfondie, et nous permettra d’essayer de faire mieux.
M. Hetzel a cru bon de souligner la plasticité de mes arguments, je lui en sais gré, d’autant qu’il se livre à une rude concurrence puisque lui-même vient de déposer un amendement de suppression de l’article 64 ter. Nous partageons manifestement cet art commun de la gymnastique parlementaire, et je vous accepte bien volontiers à mes côtés.
Si, vous êtes signataire de l’amendement de suppression no 791. Mais je ne vous en fais pas reproche, puisque nous nous rejoignons dans un même élan !
C’est à juste titre que Mme Filippetti a insisté sur la protection des sources des journalistes. Précisément, avant que vous ne nous rejoigniez, je disais à quel point il était important que l’on puisse mener, dans un mouvement convergent, le travail sur le secret des affaires, sur la protection des sources et sur la protection de l’action des lanceurs d’alerte. C’est par ce travail convergent, en concertation, que l’on atteindra l’objectif recherché par l’article que je vous demande maintenant de supprimer, pourvu que nous fassions ce travail en commun sur l’ensemble des domaines précités.
Mais je ne crois pas qu’il faille lambiner ! Il faut, parce que c’est utile, aller vite sur la protection de nos entreprises, sur la protection des sources et sur la protection de l’action des lanceurs d’alerte. À défaut régnera toujours le sentiment que nous voulons privilégier tel ou tel secteur, tel ou tel aspect de notre activité, ce qui se fera au détriment de la compréhension, et au détriment de tous.
Voilà les précisions que je voulais apporter. Monsieur Tourret, au fond, si la liberté de la presse est parfois plus puissante que le pouvoir législatif, c’est que la démocratie ne se porte pas si mal et qu’il nous incombe de retrouver la même légitimité que celle que les médias ont su conquérir, avec toutes les vertus et tous les vices que cela produit.
Le groupe SRC votera évidemment les amendements proposés par le rapporteur, avec le sentiment très net que ce travail n’a pas été vain. Nous ne revenons pas au point de départ. Nous avons pu, grâce au débat qui s’est tenu en commission, hors de l’hémicycle et dans l’hémicycle, appeler l’attention de tous les milieux intéressés sur la nécessité de coordonner la protection de nos entreprises, de la liberté de la presse, des lanceurs d’alerte et du droit syndical.
Personne n’a ici le monopole de ces grandes valeurs, nous les partageons et je crois que c’est très heureux. Nous partageons aussi la bonne foi, en tout temps et à toute heure, et également parfois un certain goût de la caricature qu’il est bon de rappeler. Notre travail n’a pas été vain, nous ne revenons pas au point de départ, nous avons un acquis, c’est que le corps social est désormais convaincu de la nécessité d’avancer de façon positive dans ces domaines extrêmement importants, et je ne doute pas que nous aurons l’occasion de le faire tant les compétences des uns et des autres se sont exprimées sur ces sujets importants.
Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 64 ter. Je suis saisie de quatre amendements de suppression, nos 3258, 791, 2983 et 3271.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 3258 .
Avis favorable sur les amendements de suppression.
Article 64
Je suis saisie de deux amendements de suppression, nos 3259 et 3272.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 3259 .
Il est défendu, en cohérence avec la suppression de l’article 64 quater.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 3272 .
Article 64
Article 64
Article 64
Avis favorable.
Pour être lavé de l’indignité qui planait sur une intervention dans cet hémicycle, je voudrais simplement rappeler les dispositions que prévoyait l’article 64 septies. Je veux le faire parce que j’ai été indigné que l’on puisse nous suspecter d’avoir voulu, à l’occasion de l’élaboration de ce dispositif, porter atteinte au droit de la presse, dont chacun d’entre nous est le défenseur.
L’article 64 septies plaçait le secret des affaires au niveau du secret professionnel dans l’article 35 de la loi de 1881, qui est consacré aux dispositifs qui protègent les journalistes contre toute procédure d’imputation ou de diffamation.
Les auteurs du dispositif initial avaient envisagé de placer le secret des affaires au même niveau que le secret professionnel, donnant ainsi aux journalistes la possibilité de se défendre dans les conditions prévues par l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881, qu’ils connaissent bien. Je tenais à le souligner, car je ne voudrais pas qu’on ait l’impression que certains aient voulu égratigner ce qu’ils défendent pourtant, comme vous tous ici.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Article 64
Avec l’article 65 et les suivants, nous abordons les questions relatives à l’institution et à la compétence des tribunaux de commerce. Vous l’avez confirmé en commission spéciale, monsieur le ministre : le Gouvernement souhaite désigner plusieurs tribunaux de commerce spécialisés dans les affaires les plus importantes et les plus sensibles.
Au préalable, je souhaite rappeler que, malgré tout ce que nous avons pu entendre pendant ces derniers mois, les 134 tribunaux de commerce de notre pays fonctionnent bien et sont un vecteur essentiel permettant de trouver les solutions les meilleures pour les entreprises en difficulté et leurs salariés.
Les juges consulaires sont tous bénévoles, élus par leurs pairs. Ils consentent à d’importants efforts de formation. Leur expérience de l’entreprise et de l’économie est prouvée. Leur proximité avec le terrain est aussi très importante : ils sont en lien avec la vie quotidienne de leurs territoires, ils connaissent l’histoire des entreprises qui le maillent et les conditions économiques et sociales dans lesquelles elles se développent. Cette connaissance du terrain et le lien entretenu par les juges avec les élus et les différents acteurs du territoire jouent un rôle très important, d’autant que les discussions peuvent parfois être difficiles.
Les articles 65 et suivants ne traitent que d’une toute petite partie de la réforme qui devait être réalisée. Par la voix de Mme Taubira, le Gouvernement avait annoncé un grand projet de loi sur la justice du XXIe siècle, qui devait réformer les juridictions en profondeur. Cette annonce est restée lettre morte. Or les tribunaux de commerce ont besoin d’une réforme globale, qui pose non seulement la question de la spécialisation, mais également celle de la formation des juges, du fonctionnement et de la rénovation de la carte territoriale. Les tribunaux de commerce n’ont pas besoin d’une réforme décousue dans des textes épars.
Monsieur le ministre, les juges consulaires nous ont dit qu’ils n’étaient pas systématiquement opposés à une évolution de leur juridiction. Cependant, ils préconisent la saisine obligatoire, par le président du tribunal, du premier président de la cour d’appel qui, lui, peut choisir de délocaliser les affaires relevant du comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, présidé par le Premier ministre, à savoir les affaires concernant au moins 400 salariés, et non pas 100, 150, 200 ou 250 salariés, comme le rapporteur thématique l’a préconisé en commission spéciale.
Vous estimez en effet que retenir le seuil de 400 salariés conduirait à restreindre considérablement la compétence des tribunaux de commerce spécialisés, auxquels vous souhaitez confier les affaires les plus importantes et les plus sensibles. Vous estimez que retenir ce seuil de 400 salariés reviendrait finalement à ne pas leur confier plus de quelques dizaines d’affaires par an, ce qui ne serait pas suffisant, selon vous, pour développer une véritable compétence.
Pour ce qui nous concerne, nous considérons que votre refus de fixer ce seuil à 400 salariés est une marque de défiance à l’égard des juges des tribunaux de commerce, qui accomplissent pourtant leur travail avec professionnalisme. Vous ne pouvez pas généraliser à l’ensemble de nos 134 tribunaux de commerce la situation de quelques tribunaux dans lesquels vous auriez détecté des problèmes de conflits d’intérêts ou d’incompétence.
En commission spéciale, monsieur le ministre, vous avez reconnu et même salué la compétence et le dévouement des juges consulaires. Au terme de l’examen de ce projet de loi, il vous appartiendra vraisemblablement de fixer ce seuil de référence par décret, à la lumière de nos discussions.
Je vous invite, monsieur le ministre, à venir rencontrer les juges consulaires de nos territoires pour mieux appréhender le rôle économique essentiel qu’ils jouent dans notre pays.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 491 tendant à supprimer l’article 65.
Je défendrai en même temps l’ensemble des amendements de suppression des articles 65 à 68, qui visent à créer des tribunaux de commerce spécialisés.
Monsieur le ministre, dans un territoire industriel connaissant beaucoup de difficultés et subissant de nombreuses restructurations, j’apprécie le travail effectué par les tribunaux de commerce, quelle que soit la taille de l’entreprise concernée. Leur proximité, leur professionnalisme et leur connaissance du terrain et du tissu économique sont des gages de réussite.
Encore récemment, hélas, j’ai eu à connaître du cas d’une très grosse entreprise qui a rencontré de nouveaux problèmes, suite à des arrêts de transport, et a été reprise. On voit très bien que l’éloignement du tribunal de commerce peut devenir un obstacle dans la recherche d’une solution.
Aux articles 69 et 69 bis, nous aborderons la question des administrateurs et mandataires judiciaires et de notre capacité à disposer de professionnels de proximité. Lorsque le mandataire ou l’administrateur judiciaire n’est pas situé dans la même ville que l’entreprise, mais 300 ou 400 kilomètres plus loin, il est beaucoup plus difficile de trouver des solutions économiques permettant de revitaliser ou de donner une nouvelle chance à l’entreprise concernée. C’est pourquoi nous demandons la suppression de ces articles.
Nous abordons le cas des entreprises en difficulté. Une entreprise en difficulté, ce n’est pas une entreprise qui va mourir, mais une entreprise qui a droit à une deuxième chance.
C’est très important, et c’est ce que nous devons avoir en tête.
Une entreprise en difficulté, ce sont des actionnaires qui souffrent, des salariés qui souffrent et des créanciers qui vont perdre leurs créances.
Nous devons garder en tête ces trois éléments.
Actuellement, ce sont les tribunaux de commerce qui ont à statuer, aussi bien dans la phase préliminaire que dans la phase de redressement judiciaire. Je suis tout à fait d’accord avec le fait que la justice consulaire est une justice de qualité, rendue par des hommes compétents qui accomplissent leur tâche bénévolement. Grâce leur soit rendue par la représentation nationale !
Pourquoi, cependant, avons-nous décidé de nous orienter vers des tribunaux de commerce spécialisés dans un certain nombre de cas ? D’abord, parce que nous avons repris les conclusions de l’étude réalisée par nos excellents collègues Marcel Bonnot et Cécile Untermaier. Leur proposition, consensuelle, consistait à créer des tribunaux de commerce spécialisés.
En effet, mes chers collègues, on compte actuellement 63 000 défaillances d’entreprises par an. En 2013, 55 524 jugements d’ouverture d’une procédure collective ont été prononcés, dont 15 631 redressements judiciaires et environ 35 000 liquidations. Nous devons garder en tête ces chiffres, qui sont très importants.
C’est un décret en Conseil d’État qui fixera le seuil au-delà duquel les affaires seront traitées par des tribunaux de commerce spécialisés. Si on retient un seuil de 100 salariés, 185 entreprises seront concernées chaque année en France, au vu des chiffres que je viens de citer. Quel que soit le seuil retenu – 100, 250 ou 400 salariés –, la saisine d’un tribunal de commerce spécialisé concernera donc un nombre de cas très limité au regard des 63 000 défaillances d’entreprises annuelles.
On ne peut pas considérer de la même façon le dépôt de bilan d’un coiffeur qui emploie un apprenti et celui d’une entreprise de 100, 200, 250, 400 ou 600 salariés. Cela n’a rien à voir !
D’une part, les petits tribunaux de commerce ne sont pas outillés pour traiter les défaillances de grosses entreprises. Un grand tribunal de commerce dispose d’un greffe important et de magistrats consulaires nombreux. Si une grande entreprise connaît des difficultés dans le ressort d’un petit tribunal de commerce, l’affaire prendra forcément très rapidement une dimension qui dépassera les moyens du tribunal.
D’autre part, il existe des spécialisations extrêmement difficiles. Selon que le dépôt de bilan concerne une entreprise de 100 salariés ou une entreprise 400 salariés, l’affaire prend une dimension très différente. La tâche du tribunal consiste à trouver un repreneur, sans quoi la procédure ne servirait à rien. Or chacun peut comprendre que la recherche d’un repreneur est beaucoup plus complexe dans un petit tribunal que dans un tribunal qui en a l’habitude. Voilà pourquoi nous avons pensé que la constitution de tribunaux de commerce spécialisés était une excellente idée.
Nous devons aussi nous interroger sur la taille de l’entreprise à partir de laquelle on aura recours à un tribunal de commerce spécialisé. Nous n’avons pas voulu inscrire de chiffres dans la loi, préférant renvoyer ce point à un décret en Conseil d’État, mais cela ne nous empêche pas d’y réfléchir ! Il existe une forme de consensus pour fixer le seuil à un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros ou, alternativement, à un nombre de salariés compris entre 150 et 250. Il incombera au Gouvernement de faire ces choix, après avoir mené toutes les consultations que nous avons prévues. Mais vous avez bien compris, mes chers collègues, que nous ne retirons rien à personne,…
…puisque la saisine d’un tribunal de commerce spécialisé ne concernera qu’un faible nombre de cas. Est-ce pour autant qu’il faut fixer le seuil à 400 personnes, pour reprendre le chiffre du CIRI ?
Je ne le crois pas, car le nombre d’affaires concernées serait alors très inférieur à cinquante par an.
Or la France compte environ trente cours d’appel. Si la nouvelle procédure ne concerne que cinquante affaires par an, alors chaque tribunal de commerce spécialisé n’aura la possibilité que de traiter, au maximum, une seule affaire par an. Prenons un exemple médical. Si vous devez vous faire opérer, je vous déconseille de choisir un chirurgien qui n’opère qu’une fois par an, même si c’est le meilleur ; prenez plutôt un chirurgien moins bon, mais qui a l’habitude d’opérer.
Chers collègues de l’opposition, vous ne voulez retenir que les entreprises les plus importantes – celles de plus de 400 salariés – en prévoyant un nombre de tribunaux de commerce compétents le plus élevé possible. Il faut bien admettre que ces deux souhaits sont contradictoires et qu’ils ne permettraient pas de garantir l’efficacité de la justice. Voilà pourquoi j’estime qu’il est nécessaire de retenir le principe d’une juridiction de commerce spécialisée.
On peut maintenant se demander sur quel périmètre, dans le ressort de quelles cours d’appel seront compétents ces tribunaux de commerce spécialisés. Plusieurs possibilités ont été envisagées, mais nous n’avons pas voulu nous lancer dans l’élaboration d’une nouvelle carte judiciaire – ce sera l’objet de la réforme « Justice du XXIe siècle ». Nous indiquerons tout à l’heure plusieurs possibilités, donnant à chaque tribunal de commerce spécialisé une compétence dans le ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, afin de garantir que chacune de ces juridictions puisse connaître d’un nombre d’affaires suffisamment important, mais aussi que la justice soit assez spécialisée pour permettre à ces magistrats, qui ont l’habitude de traiter les dossiers, de répondre à l’attente des salariés, des créanciers et des porteurs du capital des entreprises.
Voilà pourquoi je m’opposerai aux amendements de suppression de ces articles.
La qualité du travail des juges et des tribunaux de commerce est indéniable, je tiens à le rappeler.
Le Gouvernement s’est engagé à conduire une réforme générale des tribunaux de commerce en proposant une cartographie adaptée dans le cadre de la réforme « Justice du 21e siècle » dont la discussion aura lieu dans les prochains mois.
Il est ici question de la spécialisation de quelques tribunaux pour certaines affaires – et je ne reprendrai pas les excellents arguments du rapporteur thématique auxquels je souscris totalement. Cela conduit pour quelques affaires dont la technicité et l’enjeu national le justifient à spécialiser certaines juridictions, répondant ainsi à la proposition no 27 du rapport du 24 avril 2013 de Mme Untermaier et de M. Bonnot relative à la justice commerciale.
Dans plusieurs cas, nous avons eu à connaître, je l’ai évoqué en commission spéciale, qu’il s’agisse de Villeneuve Pet Food ou de Mory Ducros de situations qui auraient justifié de passer par un tribunal de commerce spécialisé compte tenu de la complexité de l’affaire.
Les tribunaux de commerce spécialisés auront l’expérience nécessaire pour accompagner les entreprises en difficulté, leur proposer des solutions adaptées et, le cas échéant, leur retrouver un repreneur. Ces tâches complexes nécessitent une expertise très poussée.
Permettez-moi de citer quelques chiffres. Dans son rapport publié le 11 février 2015, la Cour des comptes a relevé que la moitié des juridictions commerciales n’atteignent pas les quatre cents contentieux par an.
Ces quatre cents contentieux couvrent toutes les demandes : contentieux de paiement entre commerçants, injonctions de payer, questions d’exécutions contractuelles. Les procédures collectives sont quant à elles assez minoritaires. La Cour des comptes a rappelé la nécessité d’aller vers une spécialisation s’agissant des affaires les plus complexes.
Dans un référé du 13 mai 2013, la même Cour des comptes a souligné que dans soixante des cent-trente-six tribunaux de commerce, chaque juge traite moins de quinze contentieux par an. Ces quinze contentieux couvrent toutes les demandes : contentieux de paiement entre commerçants, injonctions de payer, questions d’exécution contractuelle et quelques procédures collectives. Pour ces juges, cela ne représente même pas une procédure collective par mois.
La Cour des comptes à laquelle vous vous êtes, les uns et les autres, à juste titre souvent référés, propose une spécialisation pour les dossiers les plus importants avec au plus un tribunal spécialisé par cour d’appel et au mieux un tribunal spécialisé pour plusieurs cours. Elle propose également une double nomination systématique d’administrateurs judiciaires et de mandataires judiciaires pour les procédures importantes et une double nomination possible pour les autres dossiers, c’est ce que nous proposons dans le texte.
Notre réflexion s’inscrit dans un travail parlementaire de long terme et s’inspire des constats que la Cour des comptes fait depuis plusieurs années.
S’agissant des seuils, le seuil du comité interministériel de restructuration industrielle – CIRI – qui a été mentionné ne serait pas adapté. On parle de quelques dizaines d’affaires par an, pour les entreprises de plus de 400 salariés. Cela ne permettrait pas aux tribunaux de commerce spécialisés d’acquérir la technicité qui va de pair avec cette réforme. Avec les seuils qui sont envisagés, de l’ordre de 150 salariés ou de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, cela représente 139 redressements judiciaires, 44 sauvegardes et 46 liquidations sur 61 000 redressements et liquidations judiciaires d’entreprises en 2013. Et je ne parle pas du reste des affaires traitées par ces juridictions.
Au regard des enjeux dont nous parlons, et en complément des indications de votre rapporteur thématique, je répète qu’il ne s’agit que de définir – sur environ 150 affaires par an rapportées à un volume de plus de 61 000 affaires –, la spécialisation de certaines juridictions lesquelles, selon les modalités que nous avons définies et précisées en commission spéciale, pourront traiter de manière plus adaptée ces contentieux.
Cela ne met nullement en cause la qualité des tribunaux de commerce qui a été reconnue par tous. Cela ne leur enlève que très marginalement les affaires les plus sensibles. Le Gouvernement et le rapporteur ont eu des échanges avec les différents juges et leurs représentants et le dialogue a conduit à rassurer les uns et les autres.
Ces clarifications étant faites, j’émettrai un avis défavorable, donc sur cet amendement de suppression.
Que cela soit clair : nous n’avons jamais dit que nous étions opposés aux tribunaux de commerce spécialisés. Nous y sommes mêmes favorables.
Je comprends fort bien que pour des affaires particulièrement compliquées, il faille une spécialisation supplémentaire. Encore que pour des affaires délicates, les tribunaux de commerce existants ont été parfaitement à la hauteur de la situation.
Je pense notamment à l’affaire Doux en Bretagne, pour laquelle il n’y a eu aucun appel des décisions du tribunal de commerce. Vous vous prononcez pour un seuil de 150 ou de 200 salariés au motif que si nous allions au-delà, il n’y aurait que très peu d’affaires jugées par les tribunaux de commerce spécialisés. Mais avons-nous besoin d’un tribunal spécialisé par cour d’appel ?
Pour ma part, je n’en suis pas convaincu. Il vaudrait peut-être mieux réduire le nombre de juridictions spécialisées que vous avez prévues. Je rappelle que le conseil d’administration de l’ensemble des tribunaux de commerce, qui s’est réuni à Paris, a proposé le chiffre de 400.
J’entends vos arguments, monsieur le ministre : eu égard à la technicité des entreprises et lorsqu’il y a un enjeu national, il faut une cour spécialisée. D’une part, vous dites qu’il faut une cour spécialisée parce qu’il y a très peu d’affaires concernées, et d’autre part, vous rappelez que dans les tribunaux de commerce existants, il y a déjà très peu d’affaires. C’est un peu contradictoire. Un tel constat ne peut mener qu’à la remise en cause des tribunaux de commerce locaux, de proximité, parce qu’il n’y a pas suffisamment d’activité pour justifier leur existence.
Vous connaissez les chiffres mieux que moi, monsieur le ministre. Sur le nombre total d’affaires, il y a très peu d’affaires concernant les entreprises de plus de 250 salariés, c’est exact. Mais il y a énormément d’affaires, plus de 70 %, qui concernent des entreprises individuelles avec au plus un ou deux salariés.
Nous risquons de mettre en cause la proximité et la possibilité de redressements. Le rapporteur thématique a fort bien rappelé qu’une entreprise qui traverse une période difficile, n’est pas forcément condamnée. Il faut trouver une solution afin de ne pas « déshabiller » les tribunaux de commerce qui font un travail efficace et remarquable. Dans la plupart des cas, ils réussissent à trouver des solutions.
Lorsque vous avez une entreprise de 100 ou de 50 personnes, il faut aussi s’occuper des co-traitants et des sous-traitants. Il y a derrière les entreprises un ensemble de ramifications qui risquent d’entraîner d’autres défaillances. C’est la proximité qui permet de répondre à cela. En tout état de cause, le seuil de 100 paraît tout à fait insuffisant.
Le sujet dont nous parlons a largement été évoqué dans le cadre de la mission Untermaier-Bonnot. Permettez-moi de faire quelques remarques. La matière commerciale a beaucoup évolué. On est parti de tribunaux de commerce qui traitaient de litiges entre commerçants pour passer à des litiges touchant au droit des affaires, et en arriver à des sujets à la fois économiques et financiers d’une grande complexité.
Une telle évolution devait naturellement s’accompagner d’une évolution du côté des magistrats. Je rappelle que ces magistrats sont toujours bénévoles et à mon tour, je souhaite leur rendre hommage. Acquérir une expérience suppose d’avoir à traiter un certain nombre d’affaires. Or leur nombre diminue. Faute de pratique, les magistrats risqueront de s’occuper de sujets qu’ils connaissent plus ou moins bien.
S’agissant des procédures collectives, il ne faut pas s’arrêter à la question de savoir comment intervenir à un instant T. Lorsqu’une entreprise est en difficulté, se pose une multitude de questions juridiques qu’il s’agisse des relations contractuelles entre les créanciers, le débiteur, les questions de garanties, de période suspecte. La complexité d’une affaire n’est pas seulement de savoir comment il faut intervenir à un instant T sur le sort de l’entreprise. Elle tient aussi à la multiplicité des questions juridiques. À cet égard, il faut reconnaître la compétence des magistrats.
La volonté d’aller dans le sens d’une spécialisation de certains tribunaux de commerce va dans le bon sens. Cela existe déjà en matière commerciale dans d’autres domaines tels les brevets, les marques par exemple.
Nous aurions tout à gagner de l’existence de cours spécialisées dans certains domaines en termes de meilleure efficacité de notre justice car il y va aussi de la sécurité juridique des affaires, et plus largement de l’économie française. Une affaire qui disparaît, c’est une perte pour le pays tout entier. Il est donc temps de s’engager dans la voie de cette spécialisation, notamment dans le cadre de la réforme « Justice du XXIe siècle ». S’agissant de l’ordre public économique, les tribunaux et les cours spécialisées nous y aideront. Je suis donc totalement en phase avec une telle proposition.
L’amendement no 491 n’est pas adopté.
L’article 65 est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly