Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné en nouvelle lecture, le projet de loi, adopté par le Sénat en deuxième lecture, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 3748) (Mme Geneviève Gaillard, rapporteure).
Nous examinons, en nouvelle lecture, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, à la suite de l'échec de la commission mixte paritaire (CMP), le 25 mai dernier, et de la demande exprimée en ce sens par le Gouvernement en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution. Nous repartons du texte adopté par le Sénat en deuxième lecture.
Le projet de loi est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale les mardi 21, mercredi 22 et jeudi 23 juin. Il est prévu que le Sénat l'examine les 11, 12 et 13 juillet, afin que l'Assemblée nationale puisse en être saisie en lecture définitive avant la fin de la session extraordinaire de juillet.
À l'issue du délai de dépôt, jeudi 9 juin dernier, le secrétariat de la commission avait enregistré 204 amendements. Parmi ceux-ci, trois amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution : le CD138 de M. David Douillet, le CD144 de M. Philipe Plisson et le CD4 de M. Jean-Yves Caullet. Trois autres amendements n'ont pas pu être retenus en vertu de la « règle de l'entonnoir », car ils créaient des articles additionnels ou portaient sur des thèmes sans rapport avec le texte : le CD179 de Mme Brigitte Allain, les CD122 et CD123 de M. Philippe Gomes. Les intéressés ont été prévenus par message électronique. Compte tenu des amendements retirés par leurs auteurs ou considérés comme des doublons, il nous reste 187 amendements à examiner.
Nous sommes très heureux de vous retrouver aujourd'hui, Monsieur le président. J'aurais été triste que vous ne soyez pas présent pour l'examen de ce texte en nouvelle lecture, car je connais votre attachement à la préservation et à la reconquête de la biodiversité : c'est un sujet qui vous passionne depuis des années et que nous avons suivi ensemble depuis longtemps.
La CMP a échoué essentiellement en raison des désaccords à propos de l'inscription du principe de non-régression dans le code de l'environnement, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir. Nous sommes, les uns et les autres, attachés à ces grands principes.
Le Sénat a accompli un travail très important. Il a apporté un certain nombre d'améliorations au texte, que nous souhaitons conserver. A contrario, dans d'autres cas, il a manifesté une certaine incompréhension des mesures que l'assemblée avait adoptées. Au cours des travaux en commission et en séance publique, nous allons essayer d'expliquer les objectifs de toutes les mesures que nous proposons.
Cinquante-huit articles sont encore en discussion dans le cadre de la navette. Un certain nombre d'amendements ont été retirés en application de l'article 40 de la Constitution, d'autres en raison de la règle de l'entonnoir, qui s'applique à chaque lecture. En vertu de cette règle, nous allons de nouveau clore le débat sur un certain nombre d'articles. Nous aurons l'occasion de débattre de tous ces points aujourd'hui en commission et la semaine prochaine en séance publique.
Nous nous retrouvons un lundi après-midi, à 16 h 30, pour recommencer le processus qui amènera l'Assemblée nationale à adopter ce texte en dernière lecture. Décidément, le calendrier de cet examen restera dans les annales des législatures : les délais ont été particulièrement longs, entre les travaux en commission et dans l'hémicycle, ainsi qu'entre les différentes étapes de la navette, avec une lecture définitive prévue dans la deuxième moitié du mois de juillet. Manifestement, la majorité ne souhaite guère que ce texte soit débattu en plein soleil – peut-être est-ce lié au climat de ce printemps !
Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est effectivement parce que la CMP a échoué, ainsi que Mme la rapporteure l'a rappelé. Mon collègue David Douillet – qui a siégé au sein de la CMP – et moi-même regrettons cet échec, dont la faute revient non pas à l'opposition, mais à la majorité, qui n'a pas saisi la main tendue et a fermé la porte à tout compromis. Lors de la CMP, les représentants du groupe Les Républicains ont fait savoir qu'ils étaient tout à fait enclins à trouver une porte de sortie. Nous avions d'ailleurs contribué activement – certes dans notre rôle d'opposants – aux débats en première lecture, tant en commission que dans l'hémicycle, et le travail important – je reprends le terme employé par Mme la rapporteure – et excellent du Sénat avait permis d'aboutir à des solutions équilibrées et intelligentes.
Nous espérons que, pour la fin de l'examen de ce texte, le calendrier sera un peu moins bousculé et qu'il sera annoncé suffisamment à l'avance, pour la bonne organisation de nos travaux.
Je suis content de vous retrouver en forme, Monsieur le président.
Ce projet de loi a connu un cheminement parlementaire particulièrement tortueux, on ne peut qu'en convenir. Compte tenu de l'échec de la CMP, nous sommes de nouveau réunis, pour tenter de trouver un accord sur les cinquante-huit articles restant en discussion. J'espère que nous pourrons rapprocher nos points de vue sur la problématique du préjudice écologique, sur l'objectif d'absence de perte nette de biodiversité, sur les dispositions relatives aux parcs naturels régionaux, sur les opérations de restauration des continuités écologiques des cours d'eau ou encore sur l'interdiction de l'utilisation de produits phytosanitaires contenant des néonicotinoïdes, point névralgique de nos débats.
Nous ne sommes pas tous d'accord à propos des néonicotinoides. Pour nous, ce n'est pas « les abeilles contre les céréales et les arbres fruitiers » : cela doit être non pas l'un ou l'autre, mais les deux. Bien sûr, nous pourrions nous réjouir d'une interdiction des néonicotinoides, mais elle ne doit pas non plus pénaliser nos agriculteurs et nos viticulteurs. Avant d'envisager une telle interdiction, nous devons trouver, au préalable, des moyens de substitution. À défaut, cela risque d'être non pas mieux, mais pire. En outre, pourquoi ne serait-il pas possible que cette interdiction soit sélective en fonction de la nature des cultures ? Telle est la position du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.
Néanmoins, n'oublions pas qu' « une perte de la biodiversité est une menace pour l'humanité », ainsi que l'a déclaré Thierry Gauquelin, professeur à l'université d'Aix-Marseille. Pour nous, la problématique est de concilier le développement économique et le respect des écosystèmes, de concilier le soutien indispensable aux acteurs de la ruralité que sont les agriculteurs, les éleveurs et les chasseurs avec les exigences environnementales – cela a constitué un point important de nos précédents débats.
Nous avions abordé ce projet de loi en disant qu'il fallait éviter de jeter de l'huile sur le feu entre les différents acteurs socioprofessionnels concernés, entre les différents acteurs à part entière de la biodiversité – je pense évidemment aux chasseurs et aux paysans que j'ai déjà mentionnés.
Nous avons connu des conflits ouverts et durs. J'espère que nous nous dirigeons vers des compromis propres à apaiser les tensions. Montrons que, au-delà des aspects idéologiques et des engagements personnels, nous sommes capables de rechercher le consensus. Chacun semble avoir mis de l'eau dans son vin et, si personne n'est totalement satisfait ou si quelques-uns sont déçus – ce que nous pouvons comprendre –, nous sommes tous conscients que nous n'avancerons pas, en France, si nous ne cessons pas de nous diviser et d'alimenter la discorde, sur ce sujet comme sur d'autres.
Pour cet examen en commission, nous vous proposerons des amendements sur les chemins ruraux. Nous devons les défendre et les préserver, parce qu'ils participent de l'attractivité de nos territoires ruraux et sont une composante de nos traditions. De plus, ils concourent à la préservation des continuités écologiques. Il faut considérer que l'agriculture non seulement ne fait pas obstacle à ces continuités, mais qu'elle en constitue l'un des rouages essentiels. Nous devons donc maximiser les chances pour que ces chemins ruraux soient entretenus, notamment en donnant les moyens d'assurer cet entretien aux associations dont l'objectif est la défense desdits chemins. Tout cela doit se faire non pas contre les agriculteurs, mais en liaison avec eux. Les chambres régionales d'agriculture y sont d'ailleurs assez favorables. Rappelons néanmoins que 60 % des chemins ruraux ne posent pas de problème.
Nous défendrons d'autres amendements, notamment sur le pastoralisme. N'oublions pas, dans nos débats, l'importance de nos prairies.
Plus globalement, nous souhaitons que l'examen de ce texte en nouvelle lecture soit l'occasion de trouver des compromis équilibrés. Sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, nous pouvons trouver des solutions habiles qui transcendent les clivages partisans. Nous avons tout à gagner à un débat serein et constructif. C'est d'ailleurs ce que nos concitoyens attendent de nous.
Ainsi que l'a écrit Jean de La Fontaine, « Nous ne croyons le mal que quand il est venu. » Cette morale doit inspirer tout particulièrement nos travaux en commission aujourd'hui.
Je suis très heureuse, moi aussi, de vous retrouver ce soir, Monsieur le président.
Le parcours parlementaire de ce texte, dont nous commençons la troisième lecture, a été très long. Cependant, le débat parlementaire a permis d'aborder plusieurs sujets très intéressants qui n'étaient pas traités dans le texte initial, le plus souvent à la faveur d'amendements défendus par des députés ou des sénateurs. Je pense notamment à la question du préjudice écologique, mais aussi à celle des pesticides contenant des néonicotinoïdes. Cela montre que le travail parlementaire est essentiel dans le processus d'élaboration de la loi. Je regrette d'ailleurs que les parlementaires se voient refuser la possibilité de travailler de la même manière sur d'autres textes. Nos débats sont importants et utiles pour faire évoluer les textes. Ceux qui nous écoutent et, plus largement, la société, qui s'interrogent parfois sur notre rôle, peuvent ainsi voir ce que nous faisons. S'agissant de ce texte, un certain nombre de questions n'auraient peut-être pas été soulevées en l'absence de débat parlementaire.
Monsieur Martial Saddier, la CMP, que j'ai présidée, a échoué en raison de désaccords sur le principe de non-régression en droit de l'environnement, ainsi que l'a rappelé Mme la rapporteure. Voyant que nous n'avions pas pu franchir ce premier obstacle, j'ai constaté l'échec de la CMP, sachant que la liste des points de dissensus entre les textes votés respectivement par l'Assemblée nationale et par le Sénat était particulièrement longue. En entrant dans la salle de réunion, aucun membre de la CMP, j'en suis convaincu, ne pensait que nous pourrions aller jusqu'au bout de cette course d'obstacles.
Je me permets un clin d'oeil à David Douillet : dès le début de la discussion en CMP, j'ai constaté des divergences de point de vue entre les députés Les Républicains et les sénateurs Les Républicains. Dès lors, je ne vois pas comment nous aurions pu arriver à un accord en CMP.
La Commission en vient à l'examen des articles du projet de loi.
TITRE Ier PRINCIPES FONDAMENTAUX
Article 1er (article L. 110-1 du code de l'environnement) : Actualisation de la définition du patrimoine commun de la nation
La Commission est saisie des amendements identiques CD148 de la rapporteure, CD45 de Mme Viviane Le Dissez et CD197 de Mme Laurence Abeille.
Il s'agit de préciser que les paysages qui font partie du patrimoine commun de la nation sont à la fois les paysages diurnes et nocturnes. Nous avons déjà discuté de ce sujet : les paysages diurnes et nocturnes sont différents et méritent, les uns comme les autres, d'être protégés.
J'abonde dans le même sens : il est important de préciser qu'il s'agit des paysages diurnes et nocturnes, car la biodiversité n'est pas la même la nuit et le jour, ni en fonction de l'éclairage. Certaines espèces disparaissent précisément parce que l'on éclaire trop la nuit.
L'éclairage artificiel étant devenu très important, il est essentiel de rétablir la précision « diurnes et nocturnes » afin de préserver la biodiversité.
La Commission adopte les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques CD149 de la rapporteure et CD46 de Mme Viviane Le Dissez.
Il s'agit de remplacer « les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent » par « les êtres vivants et la biodiversité ». Comme vous le savez, certains êtres vivants ne sont ni des animaux ni des végétaux. Il est nécessaire d'embrasser large.
La Commission adopte les amendements.
Elle en vient aux amendements identiques CD150 de la rapporteure et CD47 de Mme Viviane Le Dissez.
Il s'agit d'ajouter les sols dans la liste des éléments qui concourent à la constitution du patrimoine commun de la nation. Nous reviendrons ainsi à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
Rappelons que 2015 a été déclarée « année internationale des sols » par l'Organisation des Nations unies (ONU). À l'échelle mondiale, 33 % des sols sont touchés par l'érosion.
La Commission adopte les amendements.
Puis elle adopte l'article 1er ainsi modifié.
Article 2 (article L. 110-1 du code de l'environnement) : Actualisation des grands principes du code de l'environnement et consécration de nouveaux principes
La Commission est saisie de l'amendement CD7 de M. Martial Saddier.
S'agissant de la séquence « éviter, réduire, compenser », nous proposons de revenir à la formulation adoptée par le Sénat en première lecture, qui nous paraît une meilleure synthèse.
Avis défavorable. Cette rédaction n'est pas conforme à notre volonté de faire prévaloir une vision large en la matière.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CD48 de Mme Viviane Le Dissez, CD151 de la rapporteure et CD195 de Mme Laurence Abeille.
L'article 2 précise que le principe d'action préventive et de correction implique d'abord d' « éviter les atteintes significatives à la biodiversité ». Notre amendement vise à supprimer l'adjectif « significatives », car il restreint la portée du texte.
Même argumentation : le terme « significatives » restreindrait beaucoup la portée du texte, ce qui serait dommage, surtout s'agissant de l'article 2.
Il ne semble ni nécessaire ni justifié de préciser que les atteintes à la biodiversité qu'il s'agit d'éviter doivent être « significatives ». D'une part, cette précision n'existe pas pour les autres aspects environnementaux. D'autre part, elle serait source de fragilité du point de vue juridique : le terme « significatif » n'ayant pas, en soi, de portée normative, il reviendrait aux tribunaux de l'apprécier au cas par cas.
La Commission adopte les amendements.
Elle en vient à l'amendement CD21 de M. Martial Saddier.
Vous allez un peu vite, Monsieur Martial Saddier, en évoquant uniquement un problème de rédaction, car il y a, vous le savez, une divergence de fond extrêmement importante entre votre vision de la biodiversité et la nôtre : les « services écosystémiques » auxquels vous souhaitez faire référence renvoient aux services que la biodiversité rend à l'homme, alors que les « fonctions écologiques », actuellement mentionnées dans le texte, désignent, de manière bien plus large, l'ensemble des fonctions que remplit la biodiversité au service non seulement de l'homme, mais aussi de la biosphère et de la planète. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CD194 de Mme Laurence Abeille.
Il s'agit de préciser que la compensation « vise un objectif d'absence de perte quantitative et qualitative et, lorsque c'est possible, un gain net de biodiversité ». Avec cet amendement, nous reprendrions l'objectif d'absence de perte, voire de gain net de biodiversité, qui figure déjà dans plusieurs textes. En particulier, la doctrine nationale sur la séquence « éviter, réduire, compenser » préconise l'adoption de mesures compensatoires permettant d'atteindre un état « au moins équivalent » à l'état initial du milieu affecté et, si possible, d'obtenir un « gain net » de biodiversité.
Je vous invite à retirer votre amendement au profit de mon amendement suivant, le CD153. Je propose en effet une rédaction plus simple, plus concise et plus claire : « Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette, voire tendre vers un gain de biodiversité. » Il va de soi que la perte peut être quantitative ou qualitative.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CD153 de la rapporteure et CD49 de Mme Viviane Le Dissez.
Nous avons beaucoup discuté en première lecture, notamment en commission, de l'objectif d'absence de perte nette, voire de gain net de biodiversité. Il s'agit d'un point très important. Sans reprendre tous les débats, nous appelons de nouveau l'attention sur le fait que cette disposition sera très difficile à mettre en oeuvre.
Je rappelle que ce texte vise à la préservation et à la reconquête de la biodiversité. Il ne m'apparaît donc nullement ridicule d'y inscrire un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, ni de prévoir que l'on doit tendre vers un gain net de biodiversité.
La Commission adopte les amendements.
Elle en vient à l'amendement CD22 de M. Martial Saddier.
Ainsi que nous l'avons déjà longuement expliqué en première lecture, en introduisant le principe de solidarité écologique, vous créez de l'incertitude juridique pour les porteurs de projets, notamment en ce qui concerne les contraintes que ce principe leur impose. Nous proposons donc de supprimer l'alinéa 11, qui énonce ce principe.
Nous avons en effet longuement discuté de ce point. Je rappelle que l'article 2 traite des grands principes. Or, la solidarité écologique est un principe important, qui remonte à la création des parcs et figure dans la stratégie nationale pour la biodiversité.
Mon amendement suivant, le CD154, vise à supprimer le terme « directement », de manière à étendre le champ d'application du principe de solidarité écologique à l'ensemble des territoires concernés. Cela peut dissiper des interrogations d'ordre juridique.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie des amendements identiques CD50 de Mme Viviane Le Dissez et CD154 de la rapporteure.
Le principe de solidarité écologique est tout à fait conforme à la philosophie du texte. Quant au terme « directement », ainsi que vient de l'indiquer Mme la rapporteure, il ne semble guère approprié, notamment dans la mesure où il n'existe pas nécessairement de frontières au sein des écosystèmes.
La Commission adopte les amendements.
Elle en vient à l'amendement CD193 Mme Laurence Abeille.
Nous proposons de supprimer l'alinéa 12, qui introduit un nouveau principe : celui de l'utilisation durable. Tel qu'il est défini, ce principe n'est pas une règle de portée générale de nature à guider l'action publique. Il indique simplement que certains usages peuvent être favorables à la biodiversité, ce que sous-entend déjà l'objectif de développement durable explicité au III de l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Non seulement l'alinéa 12 est redondant, mais il peut être considéré comme dangereux au regard des objectifs que nous poursuivons.
Nous avons longuement discuté de ce point en deuxième lecture. Je comprends votre préoccupation, mais, selon moi, ce « principe de l'utilisation durable, selon lequel la pratique des usages peut être un instrument qui contribue à la biodiversité », ne pose pas de problème majeur. Je vous invite à retirer votre amendement.
Je le maintiens, car je ne vois pas ce que fait la notion d'utilisation durable parmi les principes fondamentaux énoncés à l'article 2. Elle affaiblit la portée du texte : elle est au mieux inutile, au pire contraire aux objectifs que nous visons collectivement en matière de préservation et de reconquête de la biodiversité.
Le Sénat avait introduit, en premier lecture, « le principe de la conservation par l'utilisation durable, selon lequel la pratique des usages est un instrument au service de la conservation de la biodiversité ». Nous avons déjà fortement atténué la portée de ce principe en adoptant la présente rédaction en deuxième lecture. Je propose d'en rester à cette formulation.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, l'amendement CD196 de Mme Laurence Abeille et les amendements identiques CD156 de la rapporteure et CD52 de Mme Viviane Le Dissez.
L'amendement CD196 vise à réintroduire dans le texte le principe de non-régression, principe juridique essentiel déjà reconnu dans plusieurs pays anglo-saxons.
Mon amendement CD156 contient en plus la précision suivante : « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Nous devons en effet être capables de nous adapter en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques, qui peut avoir un impact sur l'application du principe de non-régression. Avis défavorable à l'amendement CD196.
Nous avons longuement évoqué le principe de non-régression lors de la CMP. C'est même le sujet sur lequel l'échec de la CMP a été constaté, alors qu'un accord se dégageait au fil de la discussion avec les sénateurs Les Républicains, Monsieur le président. Nous voulions continuer et l'intelligence prévalait. (Murmures)
Notre position est toujours la même : le principe de non-régression fige excessivement les choses. Il nous paraît absurde de ne pas pouvoir revenir sur des décisions prises en matière de protection de l'environnement, des écosystèmes, de la faune ou de la flore, alors même que nos connaissances peuvent évoluer. De plus, avec ce principe, nous nous heurtons à une nouvelle notion de droit qui ne nous paraît guère intelligible, ni même audible. Prenons l'exemple d'une espèce protégée qui proliférerait et deviendrait invasive au détriment d'autres espèces, lesquelles seraient, dès lors, menacées de disparition. Si nous ne pouvons pas revenir sur le classement de ladite espèce comme espèce protégée, alors qu'elle est devenue nuisible, nous allons à l'encontre des objectifs de ce texte destiné à préserver la biodiversité.
Nous ne comprenons pas du tout le fondement du principe de non-régression. Nous ne voulons donc pas qu'il soit inscrit dans la loi.
Mon propos s'inscrit dans le prolongement de ceux que vient de tenir David Douillet. D'abord, soyons toujours très prudents lorsqu'on compare la loi française à des droits étrangers. La France est un grand pays, au territoire – métropolitain et ultramarin – extrêmement vaste, sur lequel la loi s'applique uniformément. Le principe de non-régression existe surtout dans des pays qui n'ont rien à voir avec le nôtre, ou alors il n'est décliné que localement, ou sur un sujet très particulier, par exemple la mer. En vertu de notre Constitution, les dispositions que nous examinons s'appliqueront sur l'ensemble du territoire, métropolitain et ultramarin.
Indépendamment de la question de la biodiversité, l'introduction de ce principe de non-régression dans notre droit serait vraiment une grande première, difficilement compatible avec l'évolution de notre société. Les progrès de la science et des techniques entraînent, en permanence, des évolutions dans tous les domaines. L'affirmation d'un principe de non-régression est tout aussi inappropriée, à mes yeux, que le serait celle d'un principe de non-progression. Nous ne comprenons pas.
Je crains un profond malentendu. L'objet du projet de loi soumis à notre examen est bien la « reconquête » de la biodiversité. Il s'agit d'aller vers une diversité plus riche, à rebours du mouvement constaté ces dernières années, qui serait plutôt un mouvement d'effondrement. Il est donc urgent de reconquérir la biodiversité. Monsieur David Douillet, vous vous inquiétez de la possibilité qu'une espèce devienne invasive, mais, dans ce cas, elle menace la diversité, et il faut évidemment agir.
Avec le principe de non-régression s'instaure un cliquet : nous avons le droit d'avancer, non de reculer. Une certaine pédagogie est nécessaire, j'en conviens, mais si nous voulons être offensifs, il nous faut maintenir ce principe de non-régression dans la loi.
On ne peut, a priori, que souscrire à ce principe. Nous sommes tous ici pour défendre la biodiversité. Ce refus proclamé de toute régression devrait nous réunir, d'autant que la biodiversité est aujourd'hui en danger. Elle a déjà beaucoup régressé : toutes les activités humaines, bien souvent, la mettent à mal, l'agressent.
J'éprouve cependant quelque difficulté à voir comment ce principe pourra demain s'appliquer à toutes les activités économiques, en particulier industrielles, mais aussi agricoles – et si nous l'inscrivons dans la loi, c'est bien pour qu'il soit opposable. Nous savons bien quelles difficultés suscite, depuis des mois, le vote d'une disposition contre les néonicotinoïdes. Les postures et les voeux pieux sont toujours possibles et ne peuvent que faire plaisir, mais, en l'état, la disposition présentée ne me paraît pas applicable.
Comme Mme Suzanne Tallard, à entendre les propos que M. David Douillet répète en boucle depuis la première lecture, je crains un malentendu, ou, du moins, une incompréhension. Ce ne sont pas les espèces qui sont concernées, cher collègue, c'est le droit de l'environnement en général. Si une espèce doit être l'objet de prélèvements, cela reste possible. Nous édictons un principe – d'ailleurs lié aux droits de l'homme – dans le cadre de la reconquête de la biodiversité ; cela n'a rien à voir avec ce que vous dites.
Bien sûr, si elle devient nuisible ! Le principe ne porte pas sur les espèces. En qualité de chasseur – car j'ai bien compris d'où venaient les amendements –, vous pourrez…
Oui, bien sûr…
Quoi qu'il en soit, les règles applicables aux prélèvements ne changent en rien. C'est le droit de l'environnement qui ne doit pas reculer : il s'agit de protéger le droit de l'environnement en général et la biodiversité en particulier.
Effectivement, si des espèces sont menacées, il faudra faire en sorte qu'elles ne disparaissent pas. Une espèce de moins, c'est moins de biodiversité ; nous ne souhaitons pas voir disparaître les espèces.
J'ai vraiment peur que ce principe ne soit mal compris et mal interprété par ceux qui vont faire appliquer les règles. Vous savez à quelle inertie peut se heurter la nécessaire déclassification d'une espèce qui devient invasive. Et, à force d'inertie, il se peut finalement – c'est déjà arrivé – que des espèces disparaissent ! Voilà ce que nous redoutons. Prenons garde : les principes édictés ne doivent pas être comme une épée de Damoclès au-dessus de certaines espèces.
Ce point mérite que l'on s'y arrête. Nos amis du groupe de l'Union des démocrates et indépendants, que vous pourrez juger plus sages que le groupe Les Républicains, ont déposé deux amendements qui expriment une inquiétude partagée et dont nous regrettons qu'ils ne soient pas défendus cet après-midi. Par l'amendement CD113, ils demandaient que le Gouvernement remette, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur le principe de non-régression. Par l'amendement de repli CD114, ils proposaient que le principe de non-régression ne soit d'abord inscrit dans le code de l'environnement qu'à titre expérimental, pour une durée de trois ans, avant de l'être définitivement. Ce ne sont donc pas que les députés du groupe Les Républicains qui s'inquiètent – les propos tenus à l'instant par notre collègue Philippe Plisson le confirment aussi. Souvent, les parlementaires votent sans analyses ni études d'impact en amont des dispositifs, et d'autres s'arrachent ensuite les cheveux, au quotidien, pour les appliquer ! Je ne fais pas là de l'idéologie, j'exprime une inquiétude.
Je prendrai, Madame la rapporteure, un exemple tiré de mon expérience de parlementaire à qui le Premier ministre de l'époque avait confié une mission sur la surmortalité des abeilles et des apoïdes sauvages, à l'époque où le frelon asiatique arrivait, en France et sur le continent européen, par l'Aquitaine. Malheureusement, il va coloniser toute l'Union européenne, et l'histoire retiendra qu'il est arrivé par la France. Eh bien, j'ai entendu des gens bien-pensants et « bien-sachants », bien plus intelligents que moi, m'expliquer que l'arrivée du frelon asiatique était une chance pour la biodiversité ! (Murmures) Avec ce principe de non-régression, pourra-t-on prendre des dispositions non plus pour éliminer le frelon asiatique – c'est trop tard, il est quasiment impossible d'éradiquer une espèce invasive – mais pour contenir son expansion et protéger les apoïdes sauvages et les abeilles ? Permettez-nous de nous poser de vraies questions sur ce point précis.
Oui, cher collègue, nous pourrons prendre ces mesures. C'est l'exemple même d'une situation dans laquelle des mesures peuvent être prises.
On prend souvent l'exemple du frelon asiatique, mais il régresse dans un certain nombre d'endroits. La biodiversité joue donc son rôle, si j'ose dire, c'est-à-dire qu'un équilibre se rétablit. Il ne faut peut-être pas toujours se focaliser sur ces sujets. Par ailleurs, d'autres espèces, comme ces fameuses perruches venues en masse d'Angleterre, posent également de graves problèmes d'équilibre entre les espèces.
En l'occurrence, nous examinons le principe de non-régression, un des grands principes de ce projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. Et nous n'inventons rien : il existe dans le droit d'autres pays, sans poser problème, bien au contraire. Son absence, dans un texte visant à la reconquête de la biodiversité, serait un non-sens. L'objectif est de limiter au maximum cette actuelle sixième extinction des espèces. À l'heure où notre environnement est gravement dégradé, il me paraît très important d'inscrire ce principe dans notre droit.
La Commission rejette l'amendement CD196.
Puis elle adopte les amendements identiques CD156 et CD52.
Elle en vient ensuite à l'amendement CD23 de M. Martial Saddier.
Cet amendement vise à rétablir quelque stabilité dans l'élaboration des rapports annuels de développement durable des collectivités. Cet exercice assez nouveau est déjà assez complexe. Stabilisons le dispositif pour le rendre plus lisible et plus solide.
Je suis défavorable à cet amendement. Il vise à modifier la rédaction du III de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, issue de la loi relative à la transition énergétique, qui porte sur les modes de recherche du développement durable : nous reviendrions au terme « finalités », au détriment de celui d'« engagement », et il serait fait mention de « réponse » plutôt que de « recherche ». Il s'agirait également d'ajouter la protection de l'atmosphère comme nouvel engagement dans l'alinéa relatif au climat et de substituer « une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables, dont l'économie circulaire » à l'engagement « La transition vers une économie circulaire ».
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 ainsi modifié.
Article 2 bis (articles 1386-19, 1386-19-1, 1386-19-2, 1386-20, 1386-22, 1386-23, 1386-24, 2226-1 [nouveaux] du code civil, articles 1246 à 1252 [nouveaux] du code civil dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-131, articles L. 152-1 et L. 164-2 du code de l'environnement) : Inscription de la réparation du préjudice écologique dans le code civil
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CD157 rectifié de la rapporteure, CD53 de Mme Viviane Le Dissez et CD75 de M. Noël Mamère.
Il s'agit là d'un des apports importants du Sénat, qui a adopté un amendement relatif au préjudice écologique. Nous l'avons retravaillé en deuxième lecture car il ne nous paraissait pas suffisamment clair, mais le Sénat a modifié un certain nombre de points du texte issu de notre travail.
Nous proposons une ouverture large de l'action en justice.
Il ne serait pas prévu, comme le souhaitait le Sénat au cours de sa deuxième lecture, de condition relative au coût manifestement disproportionné de la réparation pour la condamnation au versement de dommages et intérêts – autrement, toute réparation serait impossible.
L'attribution des dommages et intérêts serait fléchée vers la seule réparation du préjudice, et ces derniers seraient attribués au demandeur ou, s'il ne peut prendre les mesures utiles, à l'État ou à toute personne qu'il a désignée.
Les dépenses exposées par toute personne pour prévenir la réalisation imminente d'un dommage ou en éviter l'aggravation constitueraient un préjudice réparable, sans mention d'une condition tenant au fait qu'elles ont été raisonnablement engagées.
Le dispositif de sursis à statuer, figurant dans les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, ne serait pas repris, comme le Sénat le souhaitait.
Le délai de prescription serait ramené à dix ans sans délai butoir, comme l'a proposé le Sénat. En matière de dommages causés à l'environnement au sens de la loi sur la responsabilité environnementale, le délai de prescription de trente ans actuellement applicable serait ramené à dix ans, sans délai butoir, mais commencerait à courir à la date à laquelle le titulaire de l'action a connu la manifestation du dommage et non, comme le prévoit le texte actuel, à la date du fait générateur.
Les nouvelles dispositions seraient applicables à la réparation de préjudices dont le fait générateur est antérieur à la publication de la loi. Cela me semble important.
Il est proposé, dans un II, de renuméroter les nouveaux articles du code civil compte tenu de l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Nous proposons donc quelques modifications du texte réécrit par le Sénat après la deuxième lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale. Nous souhaitons un dispositif le plus efficace possible, qui permette à la justice d'aller plus vite et de faire son travail le mieux possible.
Mme la rapporteure a bien précisé de quoi il s'agit. Nous aurions certainement pu parvenir à un accord en commission mixte paritaire avec le Sénat sur une telle base. Il s'agit de réparer le préjudice écologique, comme nous proposons – dans nos amendements respectifs – de le souligner par un titre.
Je veux que notre position soit bien comprise et gravée dans le marbre des comptes rendus des débats parlementaires qui traversent les âges et survivent à nos propres mandats, nous permettant de nous retourner sur le passé et de voir si nous avions raison ou tort. Nous verrons ce qu'il en est à propos des espèces invasives et du frelon asiatique, mais nous voulons rappeler, alors que l'article 2 vient d'être adopté et que nous nous apprêtons à nous prononcer sur l'article 2 bis, que demain seront peut-être inscrites, dans la loi, les notions d'absence de perte nette – ou de gain – de biodiversité, de non-régression et de préjudice écologique.
David Douillet et moi-même, au fil d'une vingtaine d'interventions, n'avons pas voulu exprimer une opposition idéologique pure et dure à ces trois principes, mais vous conviendrez qu'ils sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'ensemble de la vie des Françaises et des Français. Comme cette notion de biodiversité s'applique à chaque mètre carré du territoire national, en métropole ou outre-mer, demain, les Françaises et les Français devront concilier ces trois notions dans leur vie quotidienne. Depuis le début, nous n'avons cessé, en l'absence d'étude d'impact, en l'absence de réponses précises, sans évaluation de la possible incidence concrète de ces trois grands principes, de souligner que nous légiférions dans la précipitation.
Sans opposition stérile sur fond, nous exprimons une nouvelle fois nos inquiétudes dans la perspective de l'application pratique et concrète, sur le terrain, de ce texte. Bien évidemment, nous espérons que cela servira la biodiversité, mais nous nous interrogeons sur les conséquences, sur la vie des Françaises et des Français de ces trois grands principes, qui pourront, au terme de nos travaux, être inscrits dans la loi.
Il faut aussi avoir le courage d'avancer. Je crois d'ailleurs vous avoir entendu, par le passé, défendre la protection de la biodiversité avec beaucoup plus de perspicacité, Monsieur Martial Saddier ! Vous pourrez aussi être fier d'avoir participé à l'élaboration de cette loi lorsqu'elle sera votée, avec ces principes de non-régression, d'absence de perte nette de biodiversité et le préjudice écologique. Ce sont là de grandes avancées.
On ne peut pas à la fois se plaindre de la régression de la biodiversité et dire que toutes ces dispositions perturberont trop la vie des Français et qu'il ne faut rien faire. Regardons les choses en face. Nous devons être capables de dire aux Français que la préservation de la biodiversité nous demandera quelques efforts supplémentaires. Je tiens déjà, moi-même, depuis fort longtemps, ce discours, dans ma circonscription, et mes concitoyens le comprennent parfaitement ; ils souhaitent même aller plus avant. Interprété intelligemment, un texte comme celui-ci ne devrait pas empêcher toute activité économique, toute activité de nos concitoyens, toute activité des artisans, toute activité des agriculteurs. Nous ne sommes pas fous, et nous souhaitons que tout le monde y trouve son compte.
Je suis obligé de défendre mon petit camarade Martial Saddier, car vous êtes méchante avec lui, Madame la rapporteure ! (Rires.) Je ne peux pas vous laisser dire qu'il ne défend pas, ou plus, ou qu'il défend mal, la biodiversité.
Il ne dit pas qu'il ne faut pas faire, il dit qu'il s'agit de bien faire. Or ces nouveaux principes nous paraissent extrêmement rudes et traduisent une précipitation. Les amendements défendus par certains sénateurs auraient pu être acceptés ou rediscutés et nous aurions pu envisager, par exemple, la non-régression avec un peu plus de sagesse, grâce à des périodes de test.
En réalité, le problème est qu'une administration va appliquer ce texte à la lettre, et même aller au-delà. À l'intérieur de cette même administration, certaines personnes ont des positions idéologiques extrêmes. Je n'en dirai pas plus, mais nous y avons été confrontés : rappelez-vous quelles situations cette circulaire Olin sur les chemins avait pu créer !
Prenons donc le temps de bien faire, n'allons pas au pas de charge, ou alors nous nous exposons à des conséquences graves dans tous les domaines.
Cher collègue David Douillet, vous n'avez peut-être pas vu les dégâts de la perte de biodiversité sur les hommes et sur l'environnement. Il faut – M. Martial Saddier l'a dit –, penser à l'Hexagone, mais aussi aux outre-mers, en première ligne en ce qui concerne les trois principes qui fondent ce texte. En fait de précipitation, nous n'allons pas assez vite pour reconquérir la biodiversité, pour éviter la perte nette de biodiversité, pour légiférer et protéger l'environnement et les hommes qui y vivent, pour réparer les préjudices écologiques que nous avons subis et que nous subissons.
Le projet de loi que nous examinons offrira précisément des perspectives de développement à tous nos territoires et nous permettra de décliner par des textes un autre paradigme. La COP21 ouvre une ère dans laquelle nous devons très clairement nous inscrire par nos actes. Pour le législateur, les actes, ce sont des textes comme celui-ci. Le travail parlementaire est au rendez-vous, et je suis très heureuse d'y participer ; cela n'a pas été simple, ce ne sera peut-être pas simple, mais il y a une vraie volonté de tous. Nous pouvons jouer un rôle d'éclaireur dans ce monde où la biodiversité doit avoir sa place, parce que nous sommes la biodiversité.
Cher Martial Saddier, je repensais à la Charte de l'environnement ; vous étiez rapporteur pour avis du projet de loi constitutionnelle. Nous avons alors fait un pas important, et je sais que vous en êtes fier. De même, demain, certains, ici présents, seront fiers de l'adoption de ce principe de non-régression du droit de l'environnement.
Il y a vraiment un malentendu. Ce principe de réparation du préjudice écologique obligera les futurs projets à plus d'intelligence, de subtilité, de respect de nos territoires, que ce soit en métropole ou outre-mer, et c'est une nécessité. Ne croyons pas que nos concitoyens soient ignorants de cette affaire. Au contraire, ils sont demandeurs. Pour une fois, nous ne serons pas à la remorque de leurs souhaits !
Très bien ! J'en profite pour rendre hommage au travail du Sénat, particulièrement du sénateur Bruno Retailleau.
Maintenez-vous les amendements CD53 et CD75, ou les retirez-vous au profit de celui de la rapporteure, Mesdames Le Dissez et Abeille ?
L'amendement CD53 est retiré.
La Commission adopte l'amendement CD157 rectifié.
En conséquence, l'article 2 bis est ainsi rédigé et les amendements CD75, CD76, CD8, CD115, CD11, CD12, CD116, CD9, CD77, CD19 et CD117 tombent.
Article 3 ter (articles L. 371-3, L. 411-1-A [nouveau], L. 411-3, L. 411-5 [supprimé], titre Ier du Livre III [supprimé] du code de l'environnement) : Contribution des maîtres d'ouvrage à l'inventaire national du patrimoine naturel par le versement des données brutes de biodiversité et diffusion des données
La Commission se saisit de l'amendement CD28 de M. Lionel Tardy.
Je saisis l'occasion pour prolonger notre discussion à propos de l'article précédent, l'adoption de l'amendement CD157 rectifié ayant fait tomber une dizaine d'amendements importants.
Tout d'abord, je vous remercie, Monsieur le président, Madame la rapporteure, d'avoir salué mon travail sur la Charte de l'environnement ; je l'assume et, effectivement, j'en suis fier. Si vous ajoutez à cela mes travaux sur l'agriculture biologique et la surmortalité des abeilles, au moins, on ne pourra m'accuser d'être un affreux député insensible aux questions de l'environnement et à l'écologie ! Elles nécessitent cependant une certaine pédagogie et il faut pouvoir répondre à certaines questions en amont ; c'est dans cet esprit que nous proposions, par l'amendement CD8, qui est tombé, de substituer à l'alinéa 5 de l'article 2 bis le mot « grave » au qualificatif « anormal ». De même, notre amendement CD19 visait à répondre à certaines interrogations que pouvait susciter le délai de prescription retenu.
Cela étant, vous pouvez considérer que l'amendement CD29, relatif à l'open data et écrit par M. Lionel Tardy, spécialiste de toutes ces questions, est défendu.
Monsieur Martial Saddier, je n'ai pas dit que vous ne vous intéressiez pas à l'environnement et à la biodiversité : je vous ai simplement connu plus pugnace et plus offensif.
Avis défavorable sur l'amendement. Le format librement réutilisable fait peser une contrainte sur l'État et ce sont les données, et non le format, qui doivent être réutilisables.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CD29 de M. Lionel Tardy.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3 ter sans modification.
Article 4 (articles L. 110-3 et L. 414-9 du code de l'environnement) : Élaboration des stratégies nationale et régionales pour la biodiversité
La Commission est saisie de l'amendement CD 158 de la rapporteure.
Il est important de ne pas oublier les organisations de protection de l'environnement car elles apportent des services et des connaissances qui peuvent servir de base à l'élaboration des plans nationaux d'action en faveur des espèces menacées.
Ce débat a déjà eu lieu en séance publique.
Nous réaffirmons haut et fort que les associations environnementales n'offrent pas toute l'objectivité que l'on doit avoir quand il s'agit d'apprécier la nécessité de protéger telle ou telle espèce. Inclure certaines associations environnementales qui ont, dès le départ, des partis pris ne me paraît pas juste.
Je partage les propos de David Douillet.
Madame la rapporteure, la notion de protection de l'environnement sous-entend-elle qu'il s'agit d'associations agréées ?
Effectivement, ce débat a déjà eu lieu en première lecture.
Personne ne nie que les organisations de protection de l'environnement jouent un rôle très important dans la protection de la biodiversité. Parfois, elles ont cependant des positions qui ne sont pas suffisamment nuancées. Ne choisir que les associations de protection de l'environnement exclut donc un certain nombre d'autres partenaires, ce qui n'est pas une bonne chose.
Ne faudrait-il pas préciser qu'il s'agit des associations de protection de l'environnement reconnues d'utilité publique ?
Ce n'est pas la bonne formule, car cela s'applique aux fondations qui n'ont pas du tout le même rôle.
Je remercie Mme la rapporteure de proposer d'insérer, à l'article 4, les organisations de protection de l'environnement, ce qui permettra d'engager un dialogue avec elles.
Monsieur David Douillet, vos doutes me semblent exagérés.
Nous sommes dans la section où l'on participe à l'inventaire du patrimoine naturel.
Lors des nombreuses auditions auxquelles j'ai assisté avec notre rapporteure, je me souviens que les associations de naturalistes, qui effectuent un travail de fourmi sur tout le territoire, se demandaient comment elles allaient être reconnues. Avec cet amendement, nous avons un moyen de procéder à cette reconnaissance.
Je vous rappelle que les plans nationaux d'action pour la conservation ou le rétablissement des espèces sont élaborés et, après consultation du public, mis en oeuvre sur la base de données fournie par les instituts scientifiques compétents. Je souhaite que nous ajoutions les associations de protection de l'environnement, notamment agréées. Comme vient de le dire Mme Viviane Le Dissez, on sait que les associations de naturalistes sont très compétentes et qu'elles ont toujours participé, avec les instituts scientifiques, à l'élaboration de ces plans. Il s'agit d'ouvrir plus largement le champ à des gens qui sont plus souvent sur le terrain que les scientifiques, les uns et les autres apportant leur contribution pour élaborer les plans.
On a bien senti que le Sénat craignait que des associations se créent sur un sujet particulier. Mais parler d'associations agréées de protection de l'environnement ne pose pas de problème puisque cela implique de respecter des règles très précises. Dans un domaine comme celui-ci, il importe de ne pas les exclure.
Il serait plus prudent d'adopter l'amendement tel qu'il est rédigé. Assurons-nous avant l'examen du texte en séance publique, qu'une modification ne va pas exclure des organisations de protection de l'environnement qui n'auraient pas cet agrément alors qu'elles pourraient s'avérer utiles pour élaborer ces plans.
J'ai proposé d'insérer les mots « et des organisations de protection de l'environnement » parce que cela inclut, par exemple, les fédérations, dont les fédérations de chasseurs et de pêcheurs. Je serais surprise que vous refusiez que les fédérations de chasseurs et de pêcheurs soient partie prenante. (Sourires)
Les associations de chasseurs et de pêcheurs ainsi que leurs fédérations sont agréées protection de l'environnement. La modification proposée me semble sage.
Madame la rapporteure, peut-être pourriez-vous tenir compte de la proposition de Martial Saddier et David Douillet ?
Je préfère vérifier que des fédérations ou des associations de naturalistes qui jouent un rôle important dans l'élaboration des plans, ne seront pas exclues par l'introduction de cette précision.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de précision CD159 de la rapporteure.
Après quoi, elle adopte l'article 4 ainsi modifié.
Article 4 ter (articles L. 613-2-2 et L. 613-2-3 du code de la propriété intellectuelle) : Limitation de la protection conférée par un brevet relatif à un produit contenant une information génétique et de la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée de propriétés déterminées
La Commission est saisie de l'amendement CD1 de M. Dino Cinieri.
Défavorable.
Il est exclu de supprimer cet article qui constitue un complément indispensable à l'article 4 bis. Les commissions du développement durable de l'Assemblée nationale et du Sénat l'avaient d'ailleurs maintenu.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CD160 de la rapporteure.
Par cet amendement, je vous propose de revenir à la rédaction de l'article 4 ter adoptée, en deuxième lecture, par les commissions du développement durable de l'Assemblée nationale et du Sénat, et d'apporter une amélioration rédactionnelle. Cette rédaction est plus étendue et juridiquement plus sûre que celle proposée en l'état actuel du texte.
Il est en effet nécessaire de mieux encadrer, à la fois, à l'article L. 613-2-2, la protection conférée par un brevet relatif à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique, et à l'article L. 613-2-3, la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l'invention, de propriétés déterminées.
Dans les deux cas, la protection ne pourrait s'étendre aux matières biologiques exclusivement obtenues par des procédés essentiellement biologiques, ne descendant donc pas de la matière biologique protégée.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 4 ter est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements CD176 et CD175 de Mme Brigitte Allain tombent.
Article 4 quater (article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime) : Échanges de semences à destination d'utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale
La Commission examine l'amendement CD26 de M. Martial Saddier.
Là encore, il ne s'agit pas de faire un procès d'intention. Mais, si l'article 4 quater procède d'une bonne idée de départ, il pourrait, finalement, porter préjudice à la filière semencière française qui, compte tenu du poids de l'agriculture française, est l'une des plus importantes au monde – nous avons en effet la chance d'avoir des entreprises qui sont au premier ou au deuxième rang mondial en matière de production de semences. Cette filière est en outre irréprochable depuis des décennies en matière de traçabilité et de qualité des semences qu'elle met sur le marché.
L'article 4 quater vise à autoriser des échanges de matériels de reproduction des végétaux d'espèces cultivées à des fins de recherche. Or, la réglementation actuelle répond déjà à ces objectifs. Le projet de nouveau règlement Semences, qui correspond peu ou prou à cet article 4 quater, a été rejeté par le Parlement européen. Suite à ce rejet, le comité permanent des semences européen s'est réuni pour essayer de trouver une porte de sortie.
Nous pensons donc que la France doit jouer pleinement son rôle au sein des instances européennes, ce qu'elle ne fait pas assez, pour que le futur règlement qui sera adopté tienne compte de la spécificité française. Ce sera préférable à cet article 4 quater qui, à nos yeux, sera extrêmement préjudiciable à la filière semencière.
Je suis défavorable à cet amendement. La rédaction de l'article 4 quater, telle qu'elle résulte des travaux du Sénat, nous convient. La ministre nous a expliqué que la législation n'était pas très claire mais que cette écriture était satisfaisante. Cela permet en outre d'éviter les risques que vous avez évoqués.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CD177 de Mme Brigitte Allain.
Cet amendement autorise la diffusion de semences et de plants issus de la biodiversité, rendue indisponible dans le commerce de semences et de plants destinés aux professionnels par le catalogue des variétés.
La version complétée de cet article permet de reconnaître les actions des collectifs de jardiniers, celles d'amateurs ainsi que la contribution des artisans semenciers au maintien et au renouvellement de la biodiversité cultivée. Il s'agit en particulier de permettre la réintroduction dans les parcs et jardins des variétés de grande diversité génétique qui, pour cette raison, ne peuvent pas actuellement être inscrites au catalogue officiel.
Dans le cas particulier des artisans semenciers, il est important de préciser que ces derniers occupent un marché de niche qui ne peut être comparé au marché général standard semencier à destination des professionnels agricoles. De plus, les artisans semenciers sont soumis aux mêmes règles sanitaires dans la production de leurs semences. Limiter ces échanges aux seuls matériels de multiplication des végétaux et semences du domaine public exclura « les ventes classiques à grande échelle » qui concernent avant tout des variétés et autres matériels protégés par des droits de propriété intellectuelle et auxquelles le Gouvernement ne souhaite pas, à juste titre, accorder cette dérogation à l'obligation d'inscription au catalogue.
Cet article complété reste bien conforme au décret n° 81-605 sur la répression des fraudes en ce qui concerne le commerce des semences et plants. Ce décret instaure l'obligation de respect des normes de certification et d'inscription de la variété au catalogue pour pouvoir commercialiser des semences ou des plants. Mais cette autorisation préalable à toute commercialisation ne concerne que « la vente, la détention en vue de la vente, l'offre de vente et toute cession, toute fourniture ou tout transfert, en vue d'une exploitation commerciale, de semences ou de plants, que ce soit contre rémunération ou non ».
Vous le voyez, les enjeux sont importants. J'espère donc que vous voudrez bien adopter cet amendement.
Bien qu'il vise les cessions à titre onéreux, l'amendement fait référence aux semences du domaine public, ce qui nous paraît très restrictif, alors qu'actuellement toutes les semences, qu'elles soient ou non du domaine public, sont concernées.
Avis défavorable donc.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CD162 de la rapporteure.
Le présent amendement vise à effectuer les coordinations nécessaires avec les articles L. 661-9 à L. 661-12 du code rural et de la pêche maritime.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 4 quater ainsi modifié.
TITRE II GOUVERNANCE DE LA BIODIVERSITÉ
Article 7 (articles L. 213-13, L. 213-13-1, L. 213-14, L. 213-14-1, L. 213-14-2, L. 371-3 et L. 515-3 du code de l'environnement, article 10 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) : Substitution des comités régionaux de la biodiversité aux comités régionaux « trames verte et bleue »
La Commission examine l'amendement CD163 de la rapporteure.
Cet amendement vise à revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale s'agissant de la prise en compte, par le schéma régional des carrières, de l'ensemble des dispositions du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).
Nous avons déjà abordé longuement ce sujet en séance publique. Il est extrêmement important de remplacer les mots : « les dispositions relatives à la protection et à la restauration de la biodiversité du » par le mot : « le ».
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 7 ainsi modifié.
Article 7 ter A : Demande de rapport relatif à l'opportunité du transfert aux régions de la compétence départementale sur les espaces naturels sensibles
La Commission examine les amendements identiques CD164 de la rapporteure et CD54 de Mme Viviane Le Dissez.
Il est proposé de rétablir cet article dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale en deuxième lecture, afin de demander au Gouvernement de remettre un rapport sur les recettes de la part départementale de la taxe d'aménagement destinée à financer les espaces naturels sensibles et sur les dépenses auxquelles celle-ci a été affectée depuis sa création.
Cet amendement reflète l'absence de volet financier de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Nous n'avons cessé de répéter dans l'hémicycle que si les régions devenaient dorénavant chefs de file en matière d'économie, d'innovation, de recherche, de transport et d'écologie, aucune réflexion financière n'avait cependant été engagée. On voit, ici ou là, que des amendements proposent d'analyser ce gap financier qui s'élève à plusieurs centaines de millions d'euros. Nous sommes impatients de connaître la suite.
Les chiffres que nous possédons aujourd'hui nous conduisent à penser que les fonds mobilisés dans le cadre de la taxe d'aménagement, ancienne taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS), au profit des conseils départementaux, sont de l'ordre de 400 ou 500 millions d'euros. Demander au Gouvernement un rapport afin de connaître les recettes de la part départementale de la taxe d'aménagement et les dépenses auxquelles elle a été affectée est une proposition plutôt pertinente.
La Commission adopte les amendements.
L'article 7 ter A est ainsi rétabli.
La séance est suspendue de dix-huit heures dix à dix-huit heures quinze.
TITRE III AGENCE FRANÇAISE POUR LA BIODIVERSITÉ
Article 9 (articles L. 131-8 à L. 131-13 [nouveaux] du code de l'environnement) : Création de l'Agence française pour la biodiversité : définition, missions, gouvernance et ressources
La Commission examine l'amendement CD165 de la rapporteure.
Le présent amendement vise à supprimer, comme l'avait fait l'Assemblée nationale en deuxième lecture, la mission d'évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces animales protégées, cette mission ne devant pas relever des compétences de l'Agence française pour la biodiversité mais plutôt de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CD10 de M. Martial Saddier.
Derrière cet amendement et le précédent se cachent des flux financiers. L'Assemblée nationale a la sale manie de discuter d'un texte et de renvoyer les flux financiers au projet de loi de finances, ce qui implique que ce ne sont ni les mêmes députés, ni surtout les mêmes ministres qui en discutent.
Nous craignons que l'amendement précédent ne charge la barque financière des fédérations de chasse puisqu'elles auront pour mission d'évaluer les dégâts causés par les espèces protégées de gibier.
Quant à l'amendement CD10, il vise à réaffirmer que les prélèvements sur l'eau doivent servir à préserver la qualité de l'eau. Nous n'avons eu de cesse de le souligner. Au fond, derrière la mise en place de l'Agence nationale de la biodiversité, se cache aussi la volonté de capter un certain nombre de flux financiers ou de faire porter des dépenses financières sur des organismes qui ne les assumaient pas jusqu'à présent. Une fois de plus, l'État se désengage.
Je suis défavorable à cet amendement que nous avions déjà précédemment rejeté.
Certes, les ressources perçues pour la gestion de l'eau doivent être affectées à l'eau, mais dans une certaine limite car la qualité de l'eau est liée également à des milieux autres que les milieux aquatiques.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission examine l'amendement CD24 de M. Martial Saddier.
Il s'agit avec cet amendement de ne pas reproduire en matière de biodiversité les erreurs commises dans la loi portant réforme ferroviaire. Lors de l'examen de cette dernière, nous n'avions eu de cesse de dénoncer le mélange des genres. Nous avions raison puisque, aujourd'hui, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières se plaint du rôle de juge et partie.
Sur ce texte, nous n'aurons eu de cesse de nous inquiéter du fait que l'Agence française de la biodiversité (AFB), demain, sera juge et partie en matière de police. N'attendons pas que le Conseil d'État ou une question prioritaire de constitutionnalité vienne censurer ces dispositions. Faisons notre travail correctement. Assurons-nous dès à présent que l'AFB ne peut pas être juge et partie.
J'émets un avis défavorable car cet amendement vise à supprimer la contribution de l'AFB à l'exercice des missions de police, missions que vous souhaitez confier dans les amendements suivants à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
Le projet de loi transfère à l'AFB les missions de police administrative qui étaient jusqu'alors exercées par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA). Cette configuration est sans doute appelée à évoluer dans le futur à partir des réflexions sur la police de l'environnement. Mais nous préférons aujourd'hui nous en tenir à l'équilibre qui a été trouvé.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CD140 de M. David Douillet et CD143 de M. Philippe Plisson.
Cet amendement propose de regrouper, au sein de l'ONCFS, l'ensemble des missions et des moyens dédiés aux polices judiciaires de l'eau et de la nature. Cet établissement est, en effet, aujourd'hui à l'origine de plus de la moitié des procédures judiciaires en la matière. Parallèlement, les missions de police administrative sont confiées exclusivement à l'AFB.
Je reprends l'exemple que j'avais cité dans l'hémicycle : le contrôle ou le démantèlement des filières de braconnage peuvent mettre aux prises avec des individus extrêmement dangereux. Il n'est pas souhaitable de laisser ces affaires entre les mains d'agents inexpérimentés. Ceux qui se livrent au braconnage sont armés, et souvent lourdement – on ne parle pas de cannes à pêche mais d'armes plus puissantes que des armes de guerre. (Murmures) Ce n'est pas de la rigolade. Dans certains cas, la situation peut dégénérer facilement. L'appui d'autres forces de sécurité est souvent nécessaire pour appréhender ces hors-la-loi dans nos forêts. Dans un souci de sécurité, il faut laisser les professionnels – ce que sont les agents de l'ONCFS – se charger de ces missions.
Dans ce débat que nous refaisons une nouvelle fois, certains adoptent des postures de principe irrationnelles et inefficaces. (Murmures)
Les partisans de l'intégration de l'ONCFS dans l'AFB sont aussi ceux qui s'opposent à la rationalisation des actions en faveur de la biodiversité, qui commande de distinguer les compétences.
Je peux vous parler d'expérience puisque je vis à côté d'un des plus grands estuaires d'Europe. Je connais bien les problématiques de police de la chasse et de l'eau. L'ONEMA compte deux agents pour tout l'estuaire de la Gironde. Faute de moyens, il ne fait rien. Il est donc possible de se livrer au braconnage sans être inquiété. Or, sur le même territoire, l'ONCFS est structuré, doté de moyens et d'agents qui interviennent au titre de la police de la chasse.
Confier respectivement la police administrative à l'AFB et la police judiciaire à l'ONCFS irait dans le sens de la cohérence et des synergies que vous souhaitez. Or, vous vous y refusez : l'ONEMA conserve des compétences qu'il n'est pas en mesure d'exercer. Au minimum, donnez-lui les moyens de le faire. L'intégration de l'ONEMA, qui, je le rappelle, a été proche de la faillite, dans l'AFB arrange tout le monde. Demain, l'AFB mettra-t-elle les agents et les moyens nécessaires pour remplir son rôle ou laissera-t-elle les braconniers sévir ?
Il est un peu facile de présenter les choses en ces termes. Vous pourriez aussi plaider pour l'intégration de l'ONCFS dans l'AFB.
Il faut laisser du temps au temps. On peut envisager des arrangements entre l'ONCFS et l'ONEMA, comme cela se passe dans certains territoires. L'ONEMA compte des personnels très compétents. Je refuse de penser que seul l'ONCFS serait capable d'exercer de telles missions.
Cela ne change rien, cela n'enlève rien ni aux agents de l'ONCFS, ni à ceux de l'ONEMA. Je ne comprends pas pourquoi vous vous acharnez à faire de la police le pré carré de l'ONCFS. Nous y sommes défavorables, nous l'avons dit à plusieurs reprises.
La Commission rejette successivement les amendements.
La Commission en vient aux amendements identiques CD166 de la rapporteure et CD55 de Mme Viviane Le Dissez.
Cet amendement vise à supprimer la disposition, introduite au Sénat en deuxième lecture, tendant à placer les unités de travail communes de l'AFB qui contribuent à l'exercice des missions de police de l'eau et de l'environnement sous l'autorité d'un directeur de la police désigné conjointement par les directeurs des établissements concernés. Cette disposition nous paraît surréaliste.
Si la police environnementale était réorganisée à la suite du rapport que nous avons déjà évoqué, cette disposition pourrait être justifiée. Tant que la police de l'environnement reste en l'état, cette mesure est inopportune.
La Commission adopte ces amendements.
La Commission examine les amendements identiques CD139 de M. David Douillet et CD155 de M. Philippe Plisson.
L'argumentation est la même que pour l'amendement précédent. J'insiste toutefois sur cette manie de défaire systématiquement ce qui fonctionne bien, sans garantie aucune sur l'efficacité du futur système.
Ces sujets sont graves ; la vie d'hommes est en jeu dans certains cas.
Je n'ai pas dit que les employés de l'ONEMA n'étaient pas compétents mais ils ne sont pas suffisamment formés aujourd'hui. Peut-être le seront-ils à l'avenir.
La lutte contre le braconnage est primordiale dans certains massifs. Dans les Yvelines, dans la forêt de Rambouillet, des massacres de cervidés, perpétrés par des mafias à la recherche de trophées, ont nécessité l'intervention de la gendarmerie et la compétence des agents de l'ONCFS pour mettre hors d'état de nuire les tueurs.
Je ne cherche pas à vous embêter, je dis les choses.
Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Le regroupement de l'ensemble des pouvoirs de police judiciaire au bénéfice de l'ONCFS est indispensable. La position doctrinaire que vous défendez prive de l'efficacité nécessaire pour protéger la biodiversité.
La rédaction de cet amendement ne répond pas à votre volonté de confier les missions de police judiciaire à l'ONCFS, puisque l'article 40 vous empêche de créer la charge budgétaire correspondante.
Je vous cite l'alinéa 29 que vous souhaitez modifier : « les agents affectés à l'Agence française pour la biodiversité chargés de missions de police de l'eau et de l'environnement apportent leur concours au représentant de l'État dans le département et au représentant de l'État en mer pour exercer des contrôles en matière de police administrative dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre VII du livre Ier. Ils exercent leurs missions de police judiciaire dans leur domaine de compétence sous l'autorité du procureur de la République, dans les conditions prévues aux articles L. 172-1 et L. 172-2 ». Cet alinéa n'enlève rien à l'ONCFS.
Je ne saisis pas très bien où vous voulez en venir, si ce n'est créer un service de police judiciaire au sein de l'ONCFS, ce qui est en l'état impossible puisque vous modifieriez l'équilibre financier de cet organisme.
Je souhaite évoquer le cas des territoires de montagne dans lesquels les interventions dans le cadre de la police de l'environnement exigent des compétences en alpinisme et dans le maniement des armes à feu dans une topographie pour le moins hostile.
Vous allez aussi loin que vous le pouvez dans la centralisation mais nous ne sommes pas dupes de ce qui se cache derrière.
Le braconnage existe malheureusement sur l'ensemble des territoires de chasse. La nature humaine est ainsi : partout où se trouvent des espaces animales à protéger, cette menace est présente. Je veux à mon tour défendre la spécificité et la qualité du personnel qui intervient en mettant sa vie en danger – les gens qui tirent avec des armes trafiquées, la nuit, sur des animaux pour en faire le commerce ne sont pas des enfants de choeur. Nous avons besoin de véritables professionnels formés à ces situations.
Je m'associe aux vives inquiétudes qu'ont exprimées les collègues qui m'ont précédé. Madame la rapporteure, lorsque des parlementaires de toutes sensibilités tiennent le même discours, peut-être mériterait-il d'être entendu.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ces amendements.
La Commission est saisie de l'amendement CD167 de la rapporteure.
Cet amendement vise à clarifier la rédaction de l'alinéa 38 qui prête à confusion. Il y est précisé que les représentants des bassins écosystémiques ultramarins qui devraient siéger au sein du conseil d'administration peuvent être une personnalité qualifiée membre du premier collège ou un membre du deuxième, du troisième ou du quatrième collège. Ces représentants pourraient ainsi être membres de l'un ou l'autre des collèges.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle passe à l'amendement CD168 de la rapporteure.
Cet amendement tend à créer un comité d'orientation réunissant des représentants des différentes parties concernées par les milieux d'eau douce, qui serait placé auprès du conseil d'administration de l'agence.
Cet amendement est très important. Dès lors que ce comité peut recevoir des compétences par délégation du conseil d'administration, il serait utile de préciser sa composition et les modalités de désignation de ses membres.
Les modalités de désignation des membres de ce comité d'orientation, comme des autres comités déjà prévus, ne sont pas fixées par la loi. Il nous paraît important de créer un comité dédié à l'eau douce.
On peut accepter qu'une structure délègue à un comité d'orientation si ce comité est composé de personnalités issues de ladite structure. Il en va différemment s'il est ouvert à des personnalités extérieures. Ce point mérite tout de même d'être précisé par un texte réglementaire, à tout le moins d'être éclairci d'ici à la séance.
Comme pour les autres comités d'orientation, la composition est déterminée par un décret, ainsi que le prévoit l'article L. 131-13 du code de l'environnement, créé par le projet de loi. Cet article n'apparaît plus dans le texte dont vous disposez puisqu'il n'a pas été modifié par le Sénat.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 9 ainsi modifié.
Article 12
La Commission est saisie de l'amendement CD172 de la rapporteure.
Cet amendement rappelle pour coordination l'article 12, adopté dans les mêmes termes en première lecture, puisque l'article 17 ne prévoit plus d'entrée en vigueur du titre III dont fait partie l'article 12. Il convient de préciser l'entrée en vigueur des dispositions de ce dernier, en faisant référence aux dates prévues à l'article 17.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 12 est ainsi rédigé.
Article 14 : Dispositions transitoires : représentation des personnels au conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité
La Commission adopte l'article 14 sans modification.
Article 15 : Élection des représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'Agence française pour la biodiversité
La Commission examine l'amendement CD169 de la rapporteure.
En lisant entre les lignes cet article, il apparaît que l'agence ne sera en place, dans les faits, que deux ans et demi après la promulgation de la loi.
L'article 15 concerne l'élection des délégués du personnel qui ne peut intervenir qu'après la création de l'agence.
On peut être parlementaire et savoir lire. Cet amendement montre bien que l'ensemble des instances de l'AFB ne seront désignées que deux ans et demi après la promulgation.
Dans un premier temps, les représentants du personnel seront ceux des structures que l'AFB réunit. La configuration définitive ne sera connue que deux ans et demi après la promulgation.
Cet article porte sur la représentation du personnel au sein des comités d'hygiène et de sécurité. Il me semble utile de prendre le temps nécessaire pour réunir des personnes venant d'horizons très divers. Si nous ne l'avions pas fait, vous nous auriez reproché d'aller trop vite.
La Commission adopte l'amendement.
L'article 15 est ainsi rédigé.
Article 15 bis (articles L. 213-8-1, L. 213-9-2, L. 213-9-3 du code de l'environnement) : Extension du périmètre d'intervention des agences de l'eau
La Commission en vient à l'amendement CD18 de M. Martial Saddier.
Bien avant la mise en place de l'AFB, le Gouvernement a opéré une ponction sans précédent sur le budget des agences de l'eau de 175 millions d'euros, soit 10 % du budget de ces agences pour les années 2015, 2 016 et 2 017.
L'argent était jusqu'à présent prélevé sur le mètre cube d'eau vendu. Depuis cinquante ans, il était fléché vers les programmes des agences dédiés à l'eau douce. Cette imputation sans précédent va notamment remettre en cause le respect des objectifs de bon état des masses d'eau alors que l'eau potable est un enjeu pour les siècles à venir.
Nous condamnons ce choix, comme d'ailleurs l'ensemble des agences, et nous attendons du Gouvernement qu'il nous donne des garanties sur le maintien du financement des programmes.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie des amendements identiques CD170 de la rapporteure et CD56 de Mme Viviane Le Dissez.
Il est proposé de revenir à la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale en deuxième lecture. La mention de la biodiversité terrestre parmi les possibles contributions des agences de l'eau me paraît justifiée.
La Commission adopte ces amendements.
Puis elle adopte l'article 15 bis ainsi modifié.
TITRE III BIS GOUVERNANCE DE LA POLITIQUE DE L'EAU
Article 17 ter (article L. 213-8 du code de l'environnement) : Modification de la composition des comités de bassin
La Commission examine les amendements identiques CD171 de la rapporteure et CD57 de Mme Viviane Le Dissez.
Cet amendement propose de retenir la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale en deuxième lecture afin de maintenir la réforme prévue lors du prochain renouvellement des membres des comités de bassin.
Nous avons beaucoup discuté de cette réforme qui fait notamment suite au rapport de la Cour des comptes. Nous tenons à maintenir la modification que nous avions introduite.
Cette réforme prévoit notamment que l'un des collèges du comité de bassin est composé de représentants des usagers non économiques. Cette mesure était attendue.
La Commission adopte ces amendements.
Puis elle adopte l'article 17 ter ainsi modifié.
Article 17 quinquies (articles L. 213-8-3 et L. 213-8-4 [nouveau] du code de l'environnement) : Création d'une commission des aides au sein des agences de l'eau et d'un régime d'incompatibilités de fonctions pour les membres des conseils d'administration
La Commission adopte l'article 17 quinquies sans modification.
TITRE IV ACCÈS AUX RESSOURCES GÉNÉTIQUES ET PARTAGE JUSTE ET ÉQUITABLE DES AVANTAGES
Article 18 (articles L. 412-2-1 à L. 412-18 [nouveaux] du code de l'environnement) : Accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, partage des avantages en découlant, traçabilité et contrôle de l'utilisation
La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CD110 de la rapporteure et CD174 rectifié de Mme Danielle Auroi.
Cet amendement vise à rétablir des dispositions adoptées par notre commission en deuxième lecture, précisant les modalités d'entrée en vigueur des nouvelles procédures d'accès et de partage des avantages (APA).
Je suis heureuse que la rapporteure propose également le rétablissement des dispositions qui ont été supprimées par le Sénat contre l'avis de la ministre et du rapporteur, ce qui avait pour effet d'anéantir la portée du dispositif de l'APA.
Il s'agit de prévoir que les procédures d'APA pour les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles associées seront applicables, dans le cas de collections préalablement constituées, à toute utilisation ultérieure à la publication de la loi à des fins commerciales.
En outre, l'argument de la rétroactivité qui est souvent avancé par les détracteurs du dispositif n'est pas recevable. La loi française ne peut pas être rétroactive. Les dispositions de l'article 18 respectent ce principe.
Madame Laurence Abeille, acceptez-vous de retirer votre amendement ? Dans le cas contraire, il tombera si celui de la rapporteure est adopté.
Mon amendement fait référence à « toute activité de recherche et de développement avec un objectif direct de développement commercial » tandis que le vôtre évoque « toute activité de recherche et de développement commercial ». Je vous propose de retenir le mien.
La Commission adopte l'amendement CD110.
En conséquence, l'amendement CD174 rectifié tombe.
Puis la Commission adopte l'amendement rédactionnel CD70 de la rapporteure.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CD106 de la rapporteure.
En proposant le retour à la rédaction adoptée par l'Assemblée natonale, qui prévoyait trois risques différents et non un seul, l'amendement permet de prendre plus largement en considération les rsiques pouvant être invoqués pour refuser une autorisation.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CD17 de M. Martial Saddier.
Je ne vous ferai pas l'offense d'expliciter la différence entre chiffre d'affaires et bénéfice net, mais tout de même ! Comme le Brésil, la France serait bien inspirée de limiter la contribution à 1 % du bénéfice net au lieu de la faire porter sur le chiffre d'affaires ; c'est ce que propose l'amendement. Revenons à la sagesse. À taxer inconsidérément, comme vous le faites une nouvelle fois, vous obtiendrez que les chefs d'entreprise iront faire dans d'autres pays ce qu'ils faisaient jusqu'alors en France.
Puis-je rappeler qu'au cours de la navette l'amendement a été refusé aussi bien par le Sénat que par l'Assemblée nationale ? Il est plus simple et plus clair de prendre pour référence le chiffre d'affaires perçu grâce aux produits ou aux procédés obtenus à partir des ressources génétiques faisant l'objet de l'autorisation. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CD3 de M. Dino Cinieri.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie des amendements identiques CD105 de la rapporteure, CD111 de Mme Viviane Le Dissez et CD173 de Mme Danielle Auroi.
Il s'agit par l'amendement CD105 d'en revenir au texte adopté par l'Assemblée nationale, qui fixait à 5 % du chiffre d'affaires mondial réalisé grâce aux produits ou procédés obtenus à partir des ressources génétiques le pourcentage maximal de la contribution susceptible d'être versée. Je souligne qu'il ne s'agit pas d'une taxe et que ce taux est un plafond. Le montant de la compensation financière pourra donc y être inférieur ; il sera défini au cas par cas, contrat par contrat.
L'amendement CD111 a le même objet. Messieurs de l'opposition, si l'un de ces produits génère un chiffre d'affaires considérable et par ricochet des dividendes très importants, il est logique de prévoir une contribution équivalente à 5 % de ce chiffre d'affaires, c'est-à-dire le taux plafond. La rétribution doit être à la mesure de ce que l'exploitation de ces ressources rapporte. Rien ne justifie vos réticences. D'autre part, parce qu'il est beaucoup plus facile d'établir le chiffre d'affaires que le bénéfice net, la visibilité du dispositif est bien meilleure. Enfin, je sais que les entreprises concernées ne sont opposées ni au taux plafond de 5 %, ni à ce que l'assiette du calcul soit le chiffre d'affaires réalisé grâce à la vente du produit concerné.
L'amendement CD173 est rédigé dans la même optique. Les contributions financières seront librement négociées avant d'être fixées par contrat. Comme il a été dit, le pourcentage indiqué est un taux plafond qu'il est juste de fixer à 5 % du chiffre d'affaires réalisé grâce à la vente du produit concerné, mais la rétribution pourra être inférieure.
Ce débat marque un clivage politique patent depuis le début de la législature entre ceux qui proposent chaque semaine une nouvelle taxe et ceux qui, comme nous, n'y sont pas favorables. Vous pouvez choisir la dénomination que vous préférez, ce n'en est pas moins une taxe. De plus, étant donné l'ensemble des contraintes que vous voulez imposer aux sociétés, l'État pourra proposer à celles qui veulent entreprendre quelque chose des contrats « incitatifs », pour dire les choses poliment. J'aimerais savoir quelles entreprises se disent d'accord avec ce dispositif car, dans le contexte international, celles qui parviennent à un résultat net supérieur à 5 % plusieurs exercices d'affilée ne sont pas très nombreuses. Nous réitérons nos préoccupations, sur le fond et sur la forme.
Le Président de la République dit que « ça va mieux », une affirmation qui laisse dubitatif. De même, depuis deux ans, il nous dit que son Gouvernement ne lèvera plus ni nouveaux impôts ni nouvelles taxes ; mais l'on voit bien, lors de l'examen de chaque texte, que sa parole est mise à mal par sa propre majorité.
Je vous invite, Monsieur Martial Saddier, à vous reporter à la page 20 du projet de loi dans sa rédaction issue du Sénat. Vous y lirez que le partage des avantages peut se faire de six manières. Je vous les rappelle : « a) L'enrichissement ou la préservation de la biodiversité […] ; « b) La préservation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques par la création, le cas échéant, de bases de données sur les connaissances traditionnelles […] ; « c) La contribution, au niveau local, à la création d'emplois pour la population et au développement de filières associées […] ; « d) La collaboration, la coopération ou la contribution à des activités de recherche, d'éducation, de formation, de sensibilisation du public et des professionnels locaux […] ; « d bis) Le maintien, la conservation, la gestion, la fourniture ou la restauration de services écosystémiques sur un territoire donné ». Enfin, en e), vient « le versement de contributions financières. »
En d'autres termes, la compensation financière n'est qu'une modalité possible du partage des avantages. Elle ne s'applique pas d'office à toutes les entreprises ; il est donc faux de dire que c'est une taxe nouvelle.
Pour avoir été chef d'entreprise, je sais que, parfois, 5 % du chiffre d'affaires ne représentent même pas la marge ; c'est le cas dans les secteurs hyperconcurrentiels, le textile par exemple. Imposer à nos entreprises une nouvelle contribution, quels que soient son nom et ses modalités, c'est les lester d'un boulet supplémentaire, en oubliant qu'elles doivent affronter une concurrence internationale très dure. Leur terrain de jeu, ce n'est pas l'Hexagone : c'est la terre entière. Ces amendements démontrent une nouvelle fois que vous ne comprenez rien à l'économie.
Nous examinons un texte qui nous permettra de traduire dans notre droit le protocole de Nagoya pour réparer des injustices et tenter de faire cesser la bio-piraterie et le pillage des ressources et des savoir-faire des territoires d'outremer. Nous pouvons nous enorgueillir de cette démarche. Le moins que l'on en puisse dire est que ce que nous venons d'entendre n'est pas à la hauteur de l'enjeu.
Vous caricaturez à loisir, messieurs, et c'est désolant. Alors que nous examinons un texte relatif à la biodiversité, vous ne parlez que d'économie mais en taisant le fait que des entreprises tirent parti d'espèces végétales et des connaissances traditionnelles qui leur sont attachées pour en dégager des bénéfices substantiels. Rétablissons la justice en redonnant une partie du chiffre d'affaires ainsi gagné aux populations concernées de manière à financer un développement vertueux. Je vous rappelle enfin que l'alinéa 78 de l'article est ainsi rédigé : « En dessous d'un seuil fixé par le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 412-17, aucune contribution financière n'est demandée. » Comme cela a déjà été dit, la négociation se fera contrat par contrat.
J'ai quelques raisons de penser que nos connaissances en économie valent celles de M. David Douillet. S'il sait lire, il verra explicitement écrit, à la page 20 déjà citée, que « les actions mentionnées aux a) à d) sont examinées en priorité ». Les entreprises choisiront donc, en fonction de leur politique économique, les modalités de partage des avantages qui leur paraissent les plus satisfaisantes et négocieront un contrat en ce sens. La possibilité de versement de contributions financières est volontairement prévue en dernier ; c'est tout sauf une taxe.
Lors de l'examen du texte en deuxième lecture, un débat avait eu lieu sur l'ordre dans lequel les modalités de partage des avantages seraient présentées. Nous avions indiqué refuser la marchandisation des ressources génétiques dont nous sommes tous garants de la préservation, et pour cette raison refusé une relation purement pécuniaire. Nous avions aussi dit la nécessité de rétribuer les populations qui avaient préservé cette biodiversité pendant des millénaires. Voilà ce qui explique le classement de a) à e) : d'abord le transfert de connaissances puis l'accompagnement du développement de ces territoires. Ensuite, si les entreprises ne jouent pas le jeu, viennent piller ces ressources et refusent le co-développement, elles seront assujetties à une contribution financière.
Chef d'entreprise moi-même, je pense que les entrepreneurs peuvent entendre que le partage le plus équitable possible des ressources financières découlant de l'utilisation des ressources génétiques est une mesure juste.
À vous entendre, on a le sentiment que l'entreprise est systématiquement méchante, agressive, voleuse… (Murmures)
Quand, comme c'est le cas pour la majorité d'entre elles, les entreprises ont une politique de long terme, elles se gardent de scier la branche sur laquelle elles sont assises, et elles partagent les avantages. Arrêtons de les diaboliser en les dépeignant telles qu'elles ne sont pas alors qu'elles structurent notre société et que la majorité des chefs d'entreprise sont des gens très bien. Finissons-en avec cette vision punitive !
Monsieur David Douillet, nous ne sommes pas dans la défense et illustration des entreprises mais dans la transcription dans notre droit du protocole de Nagoya.
Il est temps de clore ce débat, ce que je ferai en rappelant le libellé, très éloquent, de la section 3 du Titre IV : « Accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et partage des avantages découlant de leur utilisation ».
La Commission adopte les amendements identiques CD105, CD111 et CD 173.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CD71 et CD72 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 18 ainsi modifié.
Article 23 (articles L. 1413-8 et L. 3115-6 [nouveau] du code de la santé publique) : Dispositif d'accès et de partage pour les ressources microbiologiques
La Commission adopte l'article 23 sans modification. .
TITRE V ESPACE NATURELS ET PROTECTION DES ESPÈCES
Article 27 A (section X du chapitre III du titre III de la première partie du Livre premier et article 564 quater B [nouveaux] du code général des impôts) : Taxe additionnelle sur l'huile de palme
La Commission est saisie des amendements identiques CD107 de la rapporteure et CD58 de Mme Viviane Le Dissez et de l'amendement CD185 de la rapporteure, qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'article introduit par le Sénat lors de son examen en première lecture visait à accroître la taxation de l'huile de palme, mais de manière très exagérée. Une réflexion plus poussée s'imposait. J'ai proposé un amendement tendant à aligner la taxe sur celle de l'huile d'olive, de toutes les huiles alimentaires la plus taxée. Puis, en séance publique, nous avons réfléchi ensemble à la meilleure manière de procéder, car si la production d'huile de palme en quantité pour l'exportation a pour conséquence une grave déforestation, des travaux visent à la certification de celle qui est issue de modes de production durables. Aussi notre Assemblée a-t-elle adopté d'une part le principe d'un échelonnement de l'augmentation de la taxe, d'autre part celui de l'exemption pour l'huile de palme produite dans des conditions acceptables.
Le Gouvernement et les ONG travaillent avec les pays producteurs à une labellisation sérieuse pour éviter de défavoriser les petits producteurs qui s'efforcent à une production vertueuse. Pour cette raison, l'amendement CD107 tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture et supprimé par le Sénat, en réintroduisant la progressivité de la taxe, fixée à 30 euros par tonne en 2017, 50 euros en 2018, 70 euros en 2019 et 90 euros en 2020. Nous donnons ainsi un signe fort : ne pas empêcher les populations concernées de produire tout en incitant à bien agir les pays qui seraient tentés de procéder à une déforestation massive.
L'amendement CD58 a le même objet. Il est important d'aligner la taxation de l'huile de palme sur celle de l'huile d'olive. L'échelonnement est une bonne chose en ce qu'il incite les pays producteurs à changer les modes de culture.
J'observe que le sujet a été introduit dans le débat par le Parlement, comme nombre d'autres sujets importants dont nous avons à traiter. La culture de palmiers à huile porte gravement atteinte à l'environnement : elle entraîne la déforestation de forêts primaires et l'appauvrissement de la biodiversité avec la création des zones de monoculture industrielle. De plus, la consommation de cette huile n'est pas sans impact sur la santé humaine.
Aussi, après réflexion, je ne suis pas favorable à l'exemption proposée. Il y a deux raisons à cela. La première est que la certification n'est pas assez convaincante. Certaines huiles de palme sont certifiées « durables » par la Table ronde pour l'huile de palme durable (RSPO), organisme privé, en fonction de critères sociaux et environnementaux. Même si la teneur de la certification a été considérablement améliorée par l'adoption, le mois dernier, de nouveaux critères d'éligibilité dits RSPO Next, je considère que la certification n'est pas encore au point.
La deuxième raison de mon avis contraire aux dérogations est que si l'on veut taxer la production d'huile de palme, il faut le faire de manière cohérente. En 2014, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a censuré la disposition contenue dans la loi de financement de la sécurité sociale instituant une contribution perçue sur les boissons dites énergisantes en arguant d'une inégalité de traitement sans rapport avec l'objet de l'imposition : la taxe ne s'appliquait pas aux boissons contenant le même taux de caféine mais qui ne se présentaient pas comme boissons « énergisantes ». De même, exempter de la taxe des huiles de palme qui répondraient à des critères de durabilité environnementale pourrait avoir pour conséquence le rejet pour inconstitutionnalité du dispositif dans son ensemble. Voilà pourquoi l'amendement CD185 propose de rétablir l'article dans la rédaction de l'Assemblée nationale sans prévoir d'exemption au paiement de la taxe.
Je partage l'analyse de fond de Mme Laurence Abeille sur la nécessité de contrôler avec vigilance le mode de production de l'huile de palme, qui a été facteur de scandales retentissants dans le passé, avec des atteintes flagrantes à l'environnement. Cependant, je juge la proposition de Mme la rapporteure plus équilibrée.
Les pratiques se sont grandement améliorées ; si la production respecte l'environnement et les droits des populations concernées, je ne vois pas comment nous pourrions sanctionner brutalement et unilatéralement tous les producteurs alors que le commerce de l'huile de palme contribue puissamment à l'économie de pays entiers. Exempter de la contribution les productions dont la durabilité environnementale est prouvée est une idée judicieuse. Les pays où sont les plantations ont déjà fait de grands efforts ; pour les inciter à les poursuivre, je serais favorable au report de deux ou trois ans de l'instauration de la taxe ; ainsi, les pays considérés ne seraient pas mis devant le fait accompli et ils auraient le temps de s'adapter à des méthodes encore plus acceptables.
Cette fois, la majorité ne nie pas qu'il s'agit bel et bien d'une taxe nouvelle, et que la taxe soit progressive ne la rend pas moins injuste. En l'instituant, vous allez frapper de plein fouet des dizaines de milliers de familles rien qu'en Indonésie, un pays qui a accompli des efforts considérables pour améliorer ses moyens de production. Certes, tout n'y est pas encore parfait, mais peut-on dire que tout le soit en France ? Nous devons cesser de nous poser en donneur de leçons universel et en revenir à plus d'humilité. Vous parlez, au nom de la France, à un grand pays ami qui fait de grands efforts en matière de développement. Nos relations bilatérales se trouveront fort mal de l'instauration d'une taxe injuste et aveugle. Vous savez que ce débat a provoqué un incident diplomatique ; au moment de décider de cette taxe, avez-vous mesuré ce que votre décision pourrait provoquer en retour au détriment des fabricants français ? Étant donné l'émotion suscitée par ce dispositif en Indonésie et ailleurs, il y a fort à parier que les autorités des pays producteurs n'en resteront pas là.
Une nouvelle fois, démonstration est faite que le texte contient des dispositions sous-tendues par une certaine idéologie, qui nous sont présentées sans étude d'impact. Je suis d'accord, comme notre collègue Bertrand Pancher, sur le principe sous-jacent, mais je considère que les relations entre la France et les grands pays producteurs d'huile de palme doivent être régies par l'écoute et le dialogue – en un mot, la diplomatie. Elles ne peuvent en aucun cas dépendre d'une taxe qui frappera aveuglément des familles démunies et qui ont déjà fait d'énormes progrès agronomiques.
Le fait qu'en première lecture, le Sénat ait prévu que le taux de la taxe additionnelle atteindrait 900 euros à partir de 2020 était assez choquant. Depuis, nous avons beaucoup travaillé en recevant de nombreuses personnes, notamment les représentants des grands pays producteurs d'huile de palme, mais aussi les ONG présentes sur le terrain et chargées des certifications. Nous sommes bien conscients du fait que les populations pauvres des pays concernés ont besoin d'huile de palme pour leur consommation personnelle, ce qui implique qu'elles puissent cultiver les palmiers dans de bonnes conditions ; par ailleurs, les certifications actuellement délivrées comprennent des engagements très clairs en matière de durabilité, notamment celui de ne pas déforester.
Certes, l'alignement du taux de la taxe additionnelle sur l'huile de palme sur celui de l'huile actuellement la plus taxée, c'est-à-dire l'huile d'olive, aboutit à la mise en place d'un taux relativement élevé, mais s'il y a une question à se poser, c'est bien celle consistant à se demander pourquoi l'huile d'olive est beaucoup plus taxée que l'huile de palme. Certes, le système de taxation actuel remonte à de nombreuses années, mais en tout état de cause, nous avons trouvé un accord qui va nous permettre de faire avancer les choses et nous ne devons pas laisser échapper cette occasion de le faire, c'est pourquoi je propose de rétablir le texte de l'article 27A adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
La Commission adopte les amendements CD107 et CD58.
En conséquence, l'amendement CD185 tombe.
L'article 27A est ainsi rédigé.
Chapitre Ier Institutions locales en faveur de la biodiversité
Section 1 Parcs naturels régionaux
Article 27 (article L. 333-1 du code de l'environnement) : Modalités de création et de renouvellement du classement d'un parc naturel régional
La Commission adopte l'article 27 sans modification.
Mes chers collègues, je vous propose de reprendre nos travaux ce soir à vingt et une heures.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du lundi 13 juin 2016 à 16 h 30
Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. David Douillet, Mme Geneviève Gaillard, M. Jacques Krabal, Mme Viviane Le Dissez, M. Philippe Martin, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, M. Martial Saddier, Mme Suzanne Tallard
Excusés. - M. Julien Aubert, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, Mme Florence Delaunay, M. Julien Dive, M. Christian Jacob, M. Napole Polutélé
Assistait également à la réunion. - M. Yves Goasdoué