COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 17 juin 2015
Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission et de M. François Brottes, Président de la commission des Affaires économiques
La séance est ouverte à 9 h 35
Réunion interparlementaire sur la politique commerciale de l'Union européenne et les négociations en cours avec les États-Unis (TTIP), le Canada (CETA) et au sein de l'OMC (cycle de Doha) avec la participation de M. Matthias Fekl, Secrétaire d'État chargé du Commerce extérieur, de la promotion du Tourisme et des Français de l'étranger
Première table ronde :
Accords commerciaux, quels risques et comment les conjurer ?
C'est la troisième fois depuis le début de la législature que se tient à l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre commission, une réunion interparlementaire thématique : après le financement du cinéma en 2013, puis le parquet européen en septembre dernier, nous nous intéressons aujourd'hui à la politique commerciale de l'Union européenne. C'est un honneur pour moi de recevoir les représentants de 24 parlements pour cette rencontre que la commission des Affaires européennes a organisé en lien avec la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale.
Le sujet qui nous réunit aujourd'hui est d'une actualité brûlante et je ne parle pas seulement de l'ajournement, dans les conditions que l'on sait, du débat sur le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP) au Parlement européen. La politique commerciale de l'Union européenne est en effet à la croisée des chemins. Engagée dans de nombreuses négociations bilatérales – avec les États-Unis, le Japon – et multilatérales – l'accord sur le commerce des services (TiSA) –, la Commission européenne négocie seule, sur la base d'un mandat du Conseil, des traités dont les enjeux sont considérables pour chacun de nos États et pour l'Union européenne.
Or, ces négociations suscitent une forte inquiétude. Dans toute l'Europe, nombreux sont les citoyens et les parlements nationaux à s'être saisis de la question et à exiger une meilleure information sur le contenu des négociations et une plus grande transparence. Votre présence ici est une nouvelle preuve de votre implication et je m'en réjouis. En effet, si la Commission européenne négocie seule, n'oublions pas qu'en autorisant la ratification de ces traités, ce sont les parlements nationaux qui en porteront la responsabilité devant les peuples européens qu'ils représentent.
C'est pourquoi nous avons souhaité convier tant les représentants des commissions chargées des affaires européennes que ceux des commissions spécialisées – commissions du commerce, de l'économie ou des affaires étrangères selon les pays. C'est en effet par le partage de nos expériences et de nos réflexions que nous parviendrons à une juste compréhension de la politique commerciale de l'Union européenne et de ses enjeux.
Deux tables rondes nous occuperont successivement. La première porte sur les risques de cette politique commerciale et les moyens de les conjurer.
Pour ma part, j'insisterai brièvement sur deux d'entre eux. Le premier, ce sont les risques que ces négociations font peser sur nos préférences collectives, en matière de sécurité alimentaire notamment ; le second, c'est bien sûr le mécanisme de règlement des différends entre les États et les investisseurs dans le TTIP mais aussi dans l'accord commercial entre l'Union européenne et le Canada (CETA) et la menace qu'il représente sur le droit à réguler des États.
Avant de passer la parole à François Brottes et à Jean Bizet, je vous remercie encore une fois tous de votre présence.
Je souhaite à mon tour la bienvenue au sein de l'Assemblée nationale aux représentants élus de vingt-quatre pays de l'Union européenne, qui ont accepté notre invitation pour débattre des grands enjeux de la politique commerciale européenne.
Ces temps d'échanges interparlementaires sont essentiels. Les parlements nationaux sont parfois les mieux placés pour renforcer l'Union européenne, il ne faudrait pas que les États ou la Commission européenne l'oublient. Ces échanges permettent de dégager des idées, des positions, voire des volontés communes. Ils sont aussi l'occasion d'exposer nos différences de perspective ou nos divergences d'intérêts, surtout sur un sujet aussi sensible que les accords commerciaux. Mais dans les deux cas, ces débats nous rapprochent : ils sont une invitation à ôter les oeillères nationales avec lesquelles nous avons parfois pris l'habitude de réfléchir mais aussi à prendre conscience que, parfois, nos rivalités commerciales fragilisent l'Europe face à des concurrents qui assoient leur pouvoir économique sur des pays qui sont de véritables continents.
Les travaux d'aujourd'hui seront un prolongement utile des discussions en cours au Parlement européen – je pense à la proposition de résolution issue de la commission du commerce international, contenant des recommandations à la Commission concernant les négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement. Ce PTCI, ou plutôt TTIP, est au coeur des préoccupations de la commission des affaires économiques que je préside, et qui est aujourd'hui représentée par une vingtaine de commissaires de tous bords politiques.
Les questions économiques sont en effet cruciales dans ce genre de négociations, au confluent des enjeux européens et internationaux qui retiennent l'attention de la commission des affaires européennes.
Précisément, nos discussions vont porter sur les risques que comportent les accords commerciaux. Des gains de croissance et d'emploi sont à attendre d'accords comme le TTIP ou le CETA, mais quels risques sommes-nous prêts à prendre pour bénéficier de ce surcroît de richesse ?
Je tiens ainsi à rappeler que, dans les négociations commerciales, la France a mis en avant des lignes rouges, sur la protection des consommateurs, sur la santé, sur la protection des données personnelles, sur le maintien des standards de l'OMC sur les services, en particulier des services publics, ou encore sur la protection des indications géographiques protégées et des appellations d'origine contrôlée. Quant au mécanisme de règlement des différends (ISDS), je voudrais rappeler que, par sa résolution du 15 juin 2013 sur le TTIP, l'Assemblée nationale a souhaité que soit exclu du mandat de négociation le recours à un mécanisme spécifique de règlement des différends entre les investisseurs et les États afin de préserver le droit souverain des États. Je ne doute pas que les débats animés au Parlement européen sur cette question, qui concerne également l'accord avec le Canada, trouveront un écho particulier dans nos échanges ce matin.
L'accès aux marchés publics américains ne se fera donc pas à n'importe quel prix ; ce sont aussi nos choix de société, notre sécurité alimentaire et nos normes environnementales que nous devons protéger. Mais dans le même temps, il est utile de mesurer que l'absence d'accord est parfois la pire des solutions. Il est trop facile de se donner bonne conscience en refusant de voir cette réalité dans une économie dont nous devons tous admettre qu'elle est totalement mondialisée.
Je me réjouis de la tenue de cette réunion interparlementaire sur la politique commerciale de l'Union européenne. Permettez-moi de féliciter Danielle Auroi d'en avoir pris l'initiative et François Brottes de la soutenir dans cette démarche. Je salue l'ensemble de nos collègues européens qui ont fait le déplacement. C'est un plaisir de les retrouver aujourd'hui et de pouvoir échanger sur un sujet crucial pour nos économies qui touche aussi directement la vie quotidienne de nos concitoyens.
C'est pourquoi il me semble essentiel que la négociation des accords commerciaux ne reste pas une simple affaire de spécialistes. Les enjeux qu'ils représentent doivent être clairement identifiés et présentés à l'opinion publique. Ils doivent pouvoir faire l'objet de débats ouverts dans le cadre démocratique qui est le nôtre.
Le traité de Lisbonne a donné au Parlement européen le pouvoir d'approuver les accords internationaux. Cela doit lui permettre de faire entendre sa voix dans la phase de négociation. Mais les parlements nationaux doivent aussi jouer un rôle essentiel. Ils doivent autoriser la ratification des accords qui ont un caractère mixte. Ils doivent s'engager pendant la période de négociation pour exprimer leurs priorités et répondre aux attentes des citoyens. C'est pourquoi au Sénat nous avons mis en place un groupe de suivi du traité transatlantique.
Ce traité focalise en effet l'attention. Il suscite des attentes de la part des milieux économiques mais aussi des craintes auxquelles il est impératif de répondre. Les enjeux pour l'Europe sont nombreux et variés. Je me bornerais à mentionner la réciprocité dans l'ouverture des marchés publics ou encore la protection des indications géographiques. L'Union européenne se doit d'agir comme puissance en défendant ses intérêts stratégiques au-delà même des accords commerciaux. Deux questions me paraissent illustrer clairement cet enjeu, même si elles n'entrent pas dans le champ de la négociation : l'extraterritorialité des lois américaines qui pose un problème de principe et met en cause la sécurité juridique des entreprises européennes ; la gouvernance mondiale de l'internet pour laquelle l'Union doit impérativement être offensive et affirmer ses priorités.
Il faut se départir des a priori sur le traité tout en conservant un regard critique. Notre objectif doit être de négocier un bon traité. C'est important sur le plan politique mais aussi pour le développement économique – l'Europe compte aujourd'hui 24 millions de chômeurs.
Pour minimiser les risques, nous devons sauvegarder les préférences collectives des citoyens – en matière de santé, d'environnement, de sécurité alimentaire – qui sont des valeurs fondamentales de l'Union européenne. Certains secteurs doivent être exclus du périmètre du traité – les services publics, l'eau, la culture, la sécurité sociale – tandis que d'autres doivent à l'évidence en faire partie – l'énergie, les matières premières, les marchés publics, dont l'accès est aujourd'hui interdit aux entreprises européennes.
J'approuve les propositions de l'Assemblée nationale sur le sujet très important du règlement des différends : il n'est pas acceptable de privatiser les divergences entre investisseurs et États. Les juridictions nationales et européennes doivent être respectées.
Un bon accord suppose de la transparence et un contrôle démocratique. Nous avons enregistré des progrès en matière d'information sur certains points des négociations.
L'engagement et la collaboration – pas seulement du Parlement européen mais aussi des parlements nationaux – sont essentiels. Si la nature mixte de l'accord est reconnue, celui-ci devra être ratifié par tous les parlements nationaux, ce qui justifie pleinement la collaboration entre ces derniers et les institutions européennes.
Je me fais le relais de la position commune des groupes majoritaires du parlement espagnol. L'accord est jugé positif et de nature à améliorer la croissance économique, à condition d'éviter certains écueils et de ne pas franchir certaines limites.
Cela suppose de réunir plusieurs conditions : une transparence maximale qui a manqué jusqu'à présent – tous les documents principaux doivent être publiés le plus tôt possible – ; il faut convaincre les citoyens que cet accord est porteur de croissance durable et équitable mais aussi d'emplois ; il faut également préserver la protection sociale et les normes environnementales ainsi que les droits des travailleurs et des consommateurs ; intégrer un chapitre sur le droit du travail et instaurer un mécanisme de résolution des litiges afin d'éviter le dumping social ; supprimer le mécanisme de règlement des différends en matière d'investissements ; éviter toute privatisation des services publics ; réglementer la protection des données personnelles et la vie privée au sein de l'Union européenne avant l'entrée en vigueur du traité ; inclure un chapitre sur la coopération réglementaire dans les services et les marchés financiers pour garantir les droits des consommateurs et des usagers ; porter un message commun contre l'évasion et la fraude fiscales ; introduire un chapitre spécifique sur les PME et les micro-entreprises ; garantir la protection de la diversité culturelle et de services audiovisuels selon le principe de neutralité technologique.
Je tiens à synthétiser les auditions que notre parlement organise actuellement sur le traité transatlantique.
Trois réflexions liminaires, d'abord. Le TTIP n'a pas vocation à créer une zone de libre-échange de plus ; il va bien plus loin : ses promoteurs, Karl De Gucht et Hillary Clinton l'ont d'ailleurs qualifié respectivement de « marché intérieur transatlantique » et d'« OTAN économique ».
La négociation est asymétrique. Pour la première fois, l'Union européenne négocie avec beaucoup plus fort qu'elle.
Sur le plan institutionnel, la négociation commerciale, par définition secrète, n'est pas l'outil adéquat pour créer un grand marché, pas plus d'ailleurs qu'une procédure de négociation entre conseils ou agences de réglementation. La réglementation demeure la tâche du législateur.
Trois motifs d'inquiétude, ensuite : le premier d'entre eux tient aux effets sur la croissance, il ressort de nos auditions que la croissance sera modeste, divergente, et inégalitaire.
Deuxième inquiétude, le choc des modèles sociaux : les États-Unis et l'Union européenne seront mis en concurrence sous la pression des multinationales, qui décideront de leur lieu d'implantation et d'éventuelles relocalisations. L'arbitrage se fera sur l'emploi et les salaires.
Troisième motif d'inquiétude, les risques systémiques et géopolitiques. L'OMC est paralysée alors qu'elle est plus que jamais nécessaire. Le TTIP porte en germe une logique de fragmentation de l'économie globale en blocs rivaux.
L'endiguement normatif de la Chine par le transpacific partnership divise l'Asie, partagée entre la Chine, pour des raisons économiques, et les États-Unis, pour la sécurité. Il s'agit d'une erreur stratégique fondamentale de la part des États-Unis, à laquelle l'Union européenne se prête avec une légèreté irresponsable.
L'Union européenne choisira-t-elle la confrontation des blocs ou assumera-t-elle sa double vocation atlantique et eurasienne ?
Compte tenu de l'asymétrie de la négociation bilatérale sur le TTIP, les élus seront placés face à un choix de conscience : la souveraineté de nos pays doit-elle être transférée au profit de l'Union européenne, des États-Unis des multinationales américaines ?
Au vu de ces divers éléments, je plaide pour l'abandon du modèle du bilatéralisme asymétrique du TTIP au profit de la voie multilatérale, sur le modèle du TiSA pour organiser le commerce international.
J'invite les délégations qui ne se sont pas encore manifestées à s'inscrire. C'est un moment important. Nous avons envie de savoir ce que pensent les uns et les autres.
Tout projet de traité commercial comporte des risques et des opportunités. En la matière, nos concurrents d'Amérique latine et d'Asie ont réalisé des progrès rapides qui se sont traduits en avantages concurrentiels. En Europe, à trop vouloir nous protéger, nous risquons d'aller à l'encontre de nos intérêts.
Il est essentiel de trouver les moyens de financer nos PME. Nous devons combattre le dumping social, fiscal et environnemental tout en maintenant la protection des données personnelles et des consommateurs. Les normes environnementales et de sécurité alimentaire ne doivent pas être compromises car elles font partie des valeurs européennes.
Je remercie l'Assemblée nationale d'avoir pris l'initiative de cette réunion. Les parlements nationaux doivent faire partie intégrante de la structure institutionnelle de l'Union européenne. Compte tenu du cadre envisagé pour le TTIP, nous considérons qu'il s'agit d'un accord mixte, qui doit être soumis à la ratification des parlements nationaux.
Au vu de l'importance des négociations en cours, les commissions compétentes de l'Assemblée nationale hongroise se sont saisies du TTIP auquel un débat a été consacré en séance plénière le 26 février dernier.
La Hongrie soutient les négociations qui offrent selon elle une opportunité unique. Ces dernières revêtent une importance cruciale, qui dépasse les aspects commerciaux et dont les conséquences sont lourdes.
Le contenu du TTIP est bien plus important que la durée des négociations tant certains sujets peuvent heurter certaines sensibilités économiques et politiques en Hongrie. La protection des consommateurs, les normes environnementales, la protection de l'agriculture exempte d'OGM doivent être sauvegardées.
Je suis sûr qu'une solution satisfaisante tenant compte des différentes sensibilités pourra être trouvée. C'est la condition du soutien des responsables politiques et de l'opinion au TTIP.
L'opinion publique reste inquiète de la mise en place de l'ISDS. Nous sommes également sceptiques sur le besoin d'un tel instrument car les systèmes juridiques des deux parties offrent les garanties nécessaires aux investisseurs.
Le commerce est essentiel pour la croissance et l'emploi. C'est grâce à son ouverture au commerce et aux investissements que l'Irlande a construit son économie. Nous poursuivons notre redressement économique. Nous soutenons l'agenda commercial ambitieux de l'Union européenne mais nous sommes aussi conscients des risques.
L'ISDS est un sujet d'inquiétude pour tous les États membres. Il faut lever cette hypothèque pour profiter pleinement du TTIP. Je suis très consciente des risques du TTIP, y compris en matière de destruction d'emplois, et de ses effets sur les PME. La proposition d'un chapitre dans le traité consacré à ces entreprises qui sont la colonne vertébrale de notre économie est bienvenue. Entre 2008 et 2010, elles ont contribué à hauteur de 80 % aux créations d'emplois en Europe. S'agissant de la convergence des normes, il ne faut accepter aucun affaiblissement de la sécurité et de la qualité dans le secteur agricole et alimentaire. Le boeuf aux hormones ou les OGM sont des lignes rouges pour le parlement irlandais qui suit très activement les négociations sur le TTIP.
Le parlement soutient la qualification mixte de l'accord ouvrant droit à sa ratification par les parlements nationaux. L'accès aux documents de la négociation facilitera la conclusion d'un accord ambitieux et positif en impliquant les parlements nationaux et les autres acteurs. Dans les négociations, une attention accrue doit être portée, au-delà des aspects commerciaux, au développement durable et à la croissance, à la promotion des valeurs européennes, de la démocratie et de l'État de droit, à l'emploi ainsi qu'au respect des droits de l'homme. Nous devons également veiller à nous adresser plus largement à la population.
Nous sommes confrontés à la diversité et à l'ambition des objectifs poursuivis par cet accord entre l'Union européenne et les États-Unis.
Nous sommes préoccupés par le sort des petites et moyennes entreprises qui seront démunies face aux très grandes entreprises, au risque de fausser la concurrence dans l'Union européenne. Il faut placer les entreprises sur un pied d'égalité et leur imposer les mêmes règles, notamment les normes environnementales. Il est impossible pour les plus petites entreprises et les plus petits États d'être compétitifs, ce qui n'est pas sans conséquence en termes d'emplois. L'emploi est absorbé par les multinationales, avec pour conséquence une baisse de la croissance.
Dans mon pays, nous nous inquiétons du devenir des indications géographiques. Certains produits méditerranéens ne peuvent pas bénéficier de la protection de l'appellation contrôlée. Nous devons donc favoriser la croissance et une égalité dans les règles qui régissent le commerce international, indépendamment des règles politiques et de la concurrence.
Je suis rapporteure sur le traité transatlantique au Sénat roumain. Celui-ci ne s'est pas encore prononcé et les avis sont très partagés. Il me semble que mes collègues de tous les groupes politiques font preuve d'un optimisme presque irrationnel sur les bénéfices attendus du traité. Pour ma part, je suis une sceptique très rationnelle. Cette situation résulte de ce que, dans mon pays, depuis longtemps, les choix géopolitiques sont très clairs et forts tandis que l'analyse économique est plus faible.
À titre personnel, en tant que pro-européenne convaincue, il me semble qu'on discute beaucoup des détails, certes importants mais qui peuvent être négociés. En revanche, on évoque rarement les fondements de ce traité – la nécessité et la fonction d'un marché intérieur transatlantique. Deux questions – pour quoi et pour qui – restent sans réponse claire.
Je partage les arguments développés par mon collègue belge. Ce traité n'est pas négocié entre égaux.
Nous devons réfléchir profondément sur l'avenir de l'Europe avant de prendre des décisions. Je redoute que beaucoup aient accepté l'idée que l'Europe a fait son devoir et qu'elle doit mourir désormais. Je ne le veux pas.
Je vous remercie pour votre invitation et je salue l'excellente idée que constitue ce dialogue interparlementaire.
Dans mon pays, l'opinion publique et le gouvernement ont adopté une attitude très critique vis-à-vis du traité pour les raisons déjà évoquées. Les deux chambres du parlement ont pris position ; le Sénat autrichien a même lancé un appel au gouvernement.
Nous voulons favoriser le commerce entre les peuples et entre les États mais à quelles conditions ? Que sommes-nous prêts à concéder ou à diluer en matière de progrès sociaux ?
Grâce à la France, que je remercie, la culture et les médias sont heureusement exclus du champ des négociations.
Nous n'avons pas besoin de cour d'arbitrage privée, les États-Unis et l'Europe n'en ont pas besoin – l'exemple du groupe Vattenfall ayant engagé une procédure d'arbitrage contre l'Allemagne devrait nous alerter.
S'agissant du dumping fiscal, il ne faut pas se voiler la face, il existe à l'intérieur de l'Union européenne.
D'autres sujets nous tiennent à coeur : le génie génétique, le non-recours à l'énergie nucléaire, l'absence d'OGM. Le principe d'absence d'OGM et d'agriculture sans OGM sera dilué avec ce traité.
Cet accord doit être mixte, transparent et discuté dans tous les parlements.
Nous partageons les préoccupations qui viennent d'être exprimées. Nous suivons de près l'évolution de ce dossier.
Nous souhaitons que les accords commerciaux soient bons pour les marchés européens mais surtout bons pour les hommes et les femmes qui y vivent et y travaillent.
Nous avons fixé plus ou moins les mêmes lignes rouges que celles figurant dans la résolution de l'Assemblée nationale. Nous nous inquiétons des standards en matière de santé, d'environnement, de protection des données, etc. Nous défendons la même position sur le règlement des différends. À cet égard, nous nous interrogeons sur l'opportunité de rouvrir les négociations sur le traité avec le Canada au nom du parallélisme des formes. Le même modèle pour protéger les investissements et régler les différends devrait prévaloir.
Nous regrettons que la précédente Commission ait très mal géré ce dossier mais nous saluons l'offensive de transparence de la nouvelle commissaire, Mme Malmström, malheureusement un peu tardive. Il sera difficile de convaincre la population que l'accord peut être une chance.
Nous nous battons pour que le caractère mixte de l'accord soit reconnu, comme pour l'accord avec la Corée du Sud. Nous espérons une décision du Conseil en ce sens.
Nous avons organisé deux réunions avec la société civile et les commissaires européens compétents au sein du parlement pendant une journée : malheureusement, la société civile arrive dans ces débats avec une idée fixe et repart avec le même, sans accepter le moindre argument de la part de la Commission. Nous devons en avoir conscience.
Nous nous souvenons de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne en 1995. Certains redoutaient son impact négatif sur plusieurs secteurs, l'agriculture notamment, mais ses effets ont été largement positifs. C'est la raison pour laquelle le TTIP ne nous inspire pas d'inquiétudes.
Nous portons un regard très positif sur le TTIP ; nous sommes favorables à sa signature. Par expérience, nous savons que les accords commerciaux apportent des progrès économiques et favorisent l'unité géopolitique et la sécurité. Nous encourageons donc l'Europe de l'Ouest à renforcer l'unité géopolitique et à saisir l'opportunité que représente le TTIP.
Permettez-moi de vous remercier de nous accueillir pour cette réunion importante. Nous vivons dans une époque de troubles et d'opportunités dans laquelle l'Union européenne doit faire la preuve de son importance alors qu'elle a toujours été un acteur majeur jusqu'à présent.
La Roumanie soutient la signature du TTIP dans lequel elle voit une occasion majeure de développer les échanges et les investissements.
Nous avons conscience des défis posés par cet accord très complexe. À la fin de la route, nous pouvons aboutir à un accord juste et transparent reflétant les intérêts des deux parties ainsi que de tous les États membres.
La dimension géostratégique de la négociation doit bien sûr être prise en compte. Les deux partenaires doivent pouvoir établir des normes internationales afin d'être en capacité d'influencer l'approche des défis à venir.
Nous sommes conscients des difficultés liées à l'arbitrage. Ce mécanisme pourrait avoir pour effet d'empêcher les gouvernements européens de légiférer dans l'intérêt général. Les investisseurs privés pourraient attaquer les États membres devant des instances d'arbitrage secrètes. Nous souhaitons un débat sérieux, ouvert et transparent sur cette question.
Il est souhaitable qu'aux différentes étapes de la négociation, les propositions relatives à l'ISDS ou les domaines dans lesquels la coopération peut être plus difficile comme l'énergie soient évaluées.
Nous soutenons les négociations à condition qu'elles soient justes et transparentes.
Notre pays soutient fortement le traité transatlantique.
Pour ceux qui ont participé à la COSAC à Riga, ce que nous entendons ce matin a un air de déjà-vu. Mme Malmström avait alors parfaitement répondu à toutes vos questions et critiques. Il semble que personne ne l'ait écoutée. Chacun adopte des postures politiques contre le traité. Ce que la commissaire peut dire ou les arguments qui figurent sur le site internet de la Commission européenne sur le traité sont sans effet.
L'ISDS n'est pas nouveau. C'est l'Allemagne qui a inventé ce concept, elle a signé des centaines de traité de protection des investissements, tout comme d'autres pays européens. La Lettonie a signé un traité de cette nature avec les États-Unis en 1995, qui fonctionne parfaitement.
Quel est le degré de transparence dans les traités de protection des investissements actuels ? L'ISDS est beaucoup plus transparent et plus moderne. Il correspond davantage à notre époque. Soyons plus critiques avec nous-mêmes lorsque nous critiquons le TTIP ! Soyons objectifs !
Pour la Lettonie, ce traité est d'un intérêt vital en matière d'énergie. Il permettra d'acheter du gaz aux États-Unis.
Le monde change très vite – nous le ressentons dans les États baltes. L'Occident prend du retard. Nous avons besoin de ce traité. Soyons constructifs dans nos critiques !
Je représente le Bundesrat au sein duquel la majorité est différente de celle du Bundestag puisqu'elle réunit socialistes et écologistes. Nous avons beaucoup discuté du traité dans une attitude constructive et solidaire. Notre position est plutôt favorable : nous reconnaissons les opportunités – l'accès aux marchés, la réduction des barrières tarifaires – sans fermer les yeux sur les risques et les dangers potentiels.
Nous avons alerté le gouvernement sur les risques dans plusieurs domaines : l'environnement, la protection des données et des consommateurs ainsi que le mécanisme de règlement des différends. Le parlement doit conserver la possibilité de légiférer. Nous défendons la nature mixte de l'accord : les parlements ont leur mot à dire. La transparence commande une information très large des parlements.
La position du parlement reflète les débats de la société civile : on assiste à un léger glissement, même dans le débat public, puisqu'on ne se préoccupe plus seulement des problèmes de sécurité alimentaire mais aussi du règlement des différends. Notre vice-chancelier a fait connaître la position de l'Allemagne sur la base de laquelle nous essayons de discuter avec la Commission, en particulier sur le mécanisme d'arbitrage et ses modalités.
La coopération interparlementaire est cruciale pour prévenir les risques que nous évoquons et pour contrôler le processus.
Le manque de transparence est l'un des écueils à éviter. À cet égard, il faut tirer les leçons du traité ACTA et des manifestations auquel il a donné lieu, qui étaient fondées sur les mêmes controverses.
L'accord ne doit pas affaiblir les normes européennes, en particulier en matière d'OGM, de droit de la propriété intellectuelle ou de sécurité alimentaire.
Je préfère parler des opportunités qu'offre le traité mais je ne néglige pas les risques qu'il comporte pour autant.
Je vous remercie pour ce débat. Hier, nous avons organisé une audition pour faire le point avec le gouvernement.
La conscience des problèmes posés par le traité s'aiguise. Je soutiens l'exigence de transparence et de publication des documents de négociation.
Ce projet de traité présente des risques mais il offre aussi des chances. L'étude d'impact réalisé par le gouvernement portugais envisage un gain de 0,7 point de PIB pour l'économie portugaise. Le traité recueille l'appui des plus grands partis.
Toutefois, la non-reconnaissance des indications géographiques dans les accords avec la Chine et les États-Unis nous préoccupe. En matière d'énergie, il faut préciser les conditions d'exportation du gaz. La localisation et la circulation des données doivent faire partie de la négociation. S'agissant de l'ISDS, nous appuyons l'idée d'un tribunal permanent et multilatéral pour asseoir la légitimité des décisions.
Nous défendons la nature mixte de l'accord afin que les parlements soient appelés à se prononcer. Mais à quelle date cette saisine interviendra-t-elle et quelles en seront les conséquences ? La Commission n'a pas apporté de réponse claire à ces questions.
L'Estonie a toujours adopté une approche libérale en matière de commerce international. Elle avait supprimé les barrières tarifaires avant de devenir membre de l'Union européenne. Elle a signé un accord de protection des investissements avec les États-Unis en 1997 qui n'a pas soulevé de difficulté.
Le gouvernement est favorable à un accord de libre-échange avec les États-Unis incluant l'ISDS qui ne remet pas en cause les droits des pays membres de l'Union à édicter des normes ; la Commission européenne a beaucoup travaillé la rédaction de cette clause afin de satisfaire les demandes des États membres. Je partage l'avis exprimé par mon collègue letton : sommes-nous prêts à entendre les arguments qui nous sont présentés ? Mme Malmström a fait beaucoup d'efforts en faveur d'une plus grande transparence des négociations.
Un membre du Parlement européen m'a indiqué que sur les 700 membres de l'institution, seule une vingtaine avaient pris le temps de consulter les documents se rapportant à la négociation. J'espère que davantage de membres s'y sont intéressés et ont lu les documents.
Chat échaudé craint l'eau froide, a fortiori l'eau chaude. Or, il y a beaucoup d'eau chaude dans le TTIP.
Nous devons préciser la ligne de partage entre régulation et dérégulation. On affirme que le TTIP va apporter des régulations positives en matière de protection douanière mais on sait que les barrières sont pratiquement inexistantes aujourd'hui. En revanche, la dérégulation porte sur la protection sociale, la santé, l'environnement. Tout ce qui va dans le sens de la dérégulation dans ces matières suscite une méfiance bien légitime de la part de la population.
Le traité instaure une forme de justice parallèle dont les règles diffèrent de celles que nous avons tenté d'élaborer – cela a pris du temps – pour nos institutions judiciaires, au premier rang desquels l'indépendance et la séparation des pouvoirs.
Mme Malmström s'attelle à améliorer la transparence. On a le sentiment malgré tout que la Commission n'a pas pris la mesure de l'état de l'opinion – de la société civile mais aussi des partenaires sociaux. La mobilisation syndicale dans mon pays est très importante.
Nous défendons la mixité de l'accord pour des raisons de politique européenne mais aussi de politique interne. Huit parlements dont les majorités sont différentes devront ratifier l'accord ; certains d'entre eux sont très réservés à l'égard du processus en cours.
Les normes environnementales et sanitaires imposées aux sociétés dans l'Union européenne et aux États-Unis doivent avoir un dénominateur commun. Parmi les mesures qui nous préoccupent, figurent les normes sur les appellations d'origine contrôlée, problème auquel d'autres pays européens sont confrontés.
La République est menacée car le droit des peuples et de leurs représentants à changer leur conception de la politique économique n'est pas reconnu sur un pied d'égalité.
Ce ne sont pas les mêmes règles sociales qui prévalent dans l'Union européenne et aux États-Unis, faute de décisions de la part de l'Organisation internationale du travail. Cela nuit aux intérêts des travailleurs et des PME.
Le Parlement européen doit désapprouver cet accord. Le nivellement par le bas qu'il porte en germes n'est pas souhaitable ; il ne faut pas favoriser des intérêts qui seraient contraires à ceux des peuples d'Europe.
Je vous présente la position de la chambre des députés. Elle a adopté une résolution en octobre engageant le gouvernement et évaluant l'intérêt du TTIP pour l'Italie. Tout en soulignant l'importance du traité, ce document insiste sur la transparence qui doit présider aux négociations.
La résolution attire l'attention du gouvernement sur trois points à faire valoir à la Commission européenne : s'agissant de l'ISDS, si ce mécanisme est nécessaire, il ne doit jamais prévaloir sur le droit communautaire et le droit national en matière de santé, d'environnement ou de travail. Nous soutenons la commissaire Malmström dans ses efforts pour revoir le mécanisme et développer les possibilités d'appel. Les indications géographiques doivent figurer dans le traité, qui doit également mettre en valeur le rôle des PME.
Si les négociations doivent être conclues avant 2016, le plus important reste d'obtenir les meilleurs résultats dans ces négociations.
Le débat sur le TTIP dans mon pays est très vif. La majorité du parlement est favorable au traité car les Pays-Bas sont un pays ouvert qui bénéficie des échanges. Nous sommes convaincus que l'histoire et les valeurs des Pays-Bas et de l'Union européenne s'imbriquent avec celles des États-Unis et du Canada. Nous avons beaucoup plus de points communs avec eux qu'avec bien d'autres pays du monde.
Notre époque est porteuse de chances mais aussi de menaces.
Les accords commerciaux sont un facteur de progrès mais les normes sociales, environnementales et de sécurité alimentaire ne doivent pas être remises en cause. L'organisme de coopération réglementaire n'est acceptable que si les entreprises et les ONG ont les mêmes droits de vote et que le processus de décision est transparent.
S'agissant de l'ISDS, un mécanisme public est préférable à un mécanisme privé. Son développement prendra du temps mais les exemples passés permettent d'espérer un fonctionnement très satisfaisant.
Le projet de TTIP a notamment pour objet d'abaisser les normes. Or, les normes ne sont pas seulement techniques, elles traduisent souvent de véritables choix de vie et de société. Comment par exemple protéger nos indications géographiques protégées ? Alors que l'agriculture française en compte plus de 600, Mme Malmström a fait savoir qu'elle serait contente d'en faire reconnaître 42. Quant au problème des OGM, il reste entier, de même que la reconnaissance de l'agriculture biologique. Quid de nos services publics qui font partie de la négociation sur le TiSA ?
Le choix des domaines et des critères pour l'harmonisation des normes pose question.
L'instauration de tribunaux d'arbitrage fait partie du mandat de négociation donné à la Commission. Or, la mise en place de l'ISDS est un très mauvais coup porté à la démocratie.
On parle beaucoup moins de la création d'un organe de coopération réglementaire dont l'objet serait d'harmoniser les normes en amont, ce qui équivaudrait à lui conférer un droit de regard sur les directives et lois à venir. Ce travail pourrait se révéler antinomique avec des évolutions indispensables comme la diminution des gaz à effet de serre, la transition énergétique ou la protection de l'environnement.
Les dispositions pour lutter contre les paradis fiscaux et harmoniser la législation fiscale manquent cruellement.
Dans ces conditions, ne faut-il pas envisager de revoir le mandat de négociation afin de s'assurer que des mesures suffisantes seront prises pour se protéger de tout dumping environnemental, fiscal ou social ?
Le traité est un sujet de préoccupation. Les associations et les élus de nos territoires se posent de nombreuses questions auxquelles il est difficile de répondre à ce stade des négociations.
La protection de nos normes sociales, sanitaires et environnementales est une nécessité cardinale. Nous devons également être attentifs à la préservation de la capacité d'action des collectivités territoriales. L'ouverture partielle des marchés publics des collectivités peut poser problème, notamment aux entreprises locales qui sont moins compétitives du fait de certaines réglementations sociales et environnementales auxquelles nous sommes attachés. Il en va de même des politiques de soutien aux entreprises que l'État et les collectivités mettent en place pour soutenir le développement local et garantir un indispensable service public.
Il est essentiel d'intégrer l'échelon de gouvernance local en informant les collectivités et en leur permettant de faire part de leur expertise. Elles se trouvent en première ligne face aux citoyens et elles seront également affectées par le traité.
Comment peut-on intégrer les collectivités et leur expertise mais aussi s'assurer qu'elles conservent leur rôle fondamental dans leur territoire et ainsi éviter que leur action ne soit entravée ?
Je passe la parole à Constance Le Grip, députée européenne, afin qu'elle nous dise comment le Parlement européen perçoit la réflexion des parlements nationaux.
Je ne reviens pas sur les détails du dernier épisode que vous connaissez – le report du débat et du vote sur le rapport du président de la commission du commerce international. Les palinodies, volte-face et autres tactiques peuvent incontestablement, si nous n'y prenons garde, nuire à la crédibilité du Parlement européen. Aux dernières nouvelles, la commission devrait se réunir le 29 juin pour examiner les 116 amendements déposés sur ce rapport ; ensuite, nous espérons un débat en plénière, vraisemblablement à la rentrée.
Le Parlement européen est très attaché à user de toutes les prérogatives nouvelles qui lui sont conférées par le traité de Lisbonne en matière de politique commerciale. Dans sa mission de contrôle, il est très soucieux de la transparence. Il est évidemment très demandeur des positions des parlements nationaux avec lesquels une coopération fructueuse doit s'établir.
Si le Parlement européen doit être très impliqué dans l'accompagnement des commissaires européens négociateurs, il tient aussi à rester force de proposition. Notre rôle est de continuer à apporter des idées nouvelles, je pense en particulier au mécanisme d'arbitrage. Cela fait partie de la responsabilité du Parlement européen que d'être créatif et inventif.
Nous allons continuer à affirmer avec force – dès lors que nous nous serons mis d'accord pour voter un rapport en ce sens – nos lignes rouges dans cette négociation, parmi lesquelles la sécurité alimentaire ou la réciprocité dans l'accès aux marchés publics.
Je vous remercie pour votre invitation qui confirme que la coopération parlementaire est un domaine fécond et plein d'avenir.
En matière d'énergie, dès lors que les États-Unis sont ouverts à l'exportation, essentiellement de gaz naturel liquéfié, voire de pétrole, nous sommes face à une modification majeure de la géopolitique de l'Union européenne puisque la Russie n'est plus son seul partenaire énergétique. Je crois qu'il faut en prendre largement la mesure.
Il faut que nous soyons particulièrement fermes en matière de gouvernance européenne de l'internet car nous assistons à une « uberisation » de l'économie, qui sera la grande aventure du vingt et unième siècle. Il serait dommage de rater cette opportunité.
Pascal Lamy a pu parler de « traité commercial bilatéral de nouvelle génération » car les barrières douanières n'en sont plus l'objectif premier.
Nous devons privilégier une approche de précaution dès lors que nos préférences collectives et nos singularités européennes sont en jeu. Il s'agit d'aller vers une équivalence des normes plus que vers une harmonisation.
Je suis très ouvert sur le TTIP, à condition de ne pas en faire n'importe quoi et de conserver un équilibre Pour les filières qui risquent d'être mises à mal, le classement en « produits agricoles et industriels » sensibles est une opportunité dont il ne faudra pas se priver éventuellement.
Nous cherchons le chemin entre la vigilance et l'enthousiasme débordant. J'ai le sentiment qu'on est un peu timoré ce matin sur ce sujet.
De nombreux collègues ont parlé avec enthousiasme de l'intensification des échanges commerciaux entre l'Union européenne et les États-Unis. Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de développer le commerce entre ces deux blocs. Les divergences ne portent pas sur ce point. Nous sommes majoritairement favorables au commerce et nous savons les avantages que l'Europe peut en retirer. Mais cela n'empêche pas les doutes et les préoccupations.
Les domaines appelés à être sous la juridiction du TTIP sont énormes. Des pans entiers seront ainsi soustraits non seulement au système juridique national mais aussi à la sphère politique.
Nous ne parlons pas seulement d'abaisser les barrières douanières mais d'établir un modèle de régulation économique à vocation globale. Ce cadre normatif protégé par son propre mode de règlement des différends pourrait entrer en collision avec les décisions judiciaires ou les politiques nationales.
Le problème tient à la conciliation entre la protection des investisseurs vis-à-vis des risques inhérents à leur activité et l'intérêt général tel que l'interprètent les États européens et l'Union européenne elle-même. Cet équilibre à trouver est au coeur de nos interrogations, bien plus que notre enthousiasme ou notre scepticisme à l'égard des avantages tirés de l'intensification des liens commerciaux.
Je suis frappé de l'image qu'a l'opinion des discussions sur ce traité.
Il faut évidemment être prudent et fixer des lignes rouges, tant pour les parlements nationaux que pour le Parlement européen. Mais dans le même temps, il faut défendre l'intérêt de ce traité et souligner son importance. Il suscite de la méfiance des deux côtés de l'Atlantique, comme en témoignent les inquiétudes manifestées par le Congrès américain. Nous devons être positifs tout en insistant sur le respect des normes sanitaires, sociales et environnementales. Nous ne partons pas en position d'infériorité ; nous sommes capables d'imposer nos normes.
Lors des élections européennes, le traité a été agité tel un chiffon rouge comme s'il avait déjà été signé. On a fait peur aux populations. Il faut faire attention aux effets dans l'opinion et souligner sur tout ce que nous avons à y gagner. Les lignes rouges sont autant de sujets sur lesquels nous ne céderons pas, l'opinion doit être rassurée sur ce point.
Il faut insister sur l'accroissement des relations commerciales et sur la hausse du PIB des pays européens qui doit s'ensuivre, si les négociations sont bien menées, ce dont je ne doute pas.
À l'instar de mon collègue portugais, je considère que le sujet de la négociation n'est plus tellement tarifaire puisque nous observons une baisse généralisée des tarifs douaniers. Il faut toutefois rester vigilant sur les pics tarifaires et les contingents d'importation. En matière agricole, il suffit de peu de chose pour déstabiliser complètement des filières sur le continent européen.
Pierre Lequiller l'a dit, ce débat est à la fois très technique et très politique, rationnel et irrationnel dans l'opinion publique.
Il est une question sur laquelle je ne parviens pas à former mon jugement : celle des normes futures. L'ensemble Europe-États-Unis fera jeu égal avec la Chine dans les vingt années qui viennent en termes de capacité d'emprise sur le commerce mondial.
Ne serait-il pas intelligent de songer à unifier les normes européennes et américaines dans ce laps de temps afin de ne pas être prisonnier des normes élaborées par la Chine qui s'imposeront à nous compte tenu de la tectonique des plaques géopolitiques ? Si l'Europe et les États-Unis restent chacun de leur côté, ils ont du souci à se faire. Il nous faut trouver un accord gagnant-gagnant avec les Américains. Je suis d'accord pour dire toutefois qu'il n'est pas question d'abdiquer notre vision européenne sur l'autel de ce traité de libre-échange.
Je vais tenter de faire une brève synthèse de nos échanges.
Ce qui me frappe d'abord, c'est que la majorité d'entre nous expriment deux inquiétudes fortes : la première concerne l'ISDS. S'il est vrai que des tribunaux de cette nature ont existé, il faut rappeler qu'ils visaient des États non démocratiques, ce qui n'est pas le cas des États-Unis. Cette question nous intrigue et nous inquiète, comme nos concitoyens. Je note également que les lignes rouges que vous avez marquées se recoupent largement.
Seconde inquiétude, si la nature mixte de l'accord n'est pas reconnue, si chaque parlement national n'a pas son mot à dire, il y aura trahison du mandat. Je vous encourage à envoyer ce message aux gouvernements et à la Commission européenne.
Deuxième table ronde :
Accords commerciaux, une chance, pour qui et à quelles conditions ?
Cette seconde table nous permettra de mettre en perspective les accords commerciaux, souvent présentés comme une chance pour des économies en crise. L'étude d'impact communiquée par la Commission européenne à propos du projet de partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement – le TTIP – conclut ainsi que l'accord serait source d'un surplus de croissance créatrice de millions d'emplois, une conclusion qui vaut aussi pour les autres accords commerciaux en cours de négociation. Mais d'autres études, pour certaines publiées par des universités américaines, aboutissent à des conclusions beaucoup plus réservées. Nous pouvons nous interroger légitimement sur la pertinence d'études qui pour certaines se contredisent, et nous avons le sentiment d'être dans le brouillard. Aussi me semble-t-il important que nous débattions de l'impact exact des accords commerciaux afin d'apprécier leur intérêt pour l'Union européenne et leurs conséquences pour nos partenaires, singulièrement les pays en développement. En effet, les conséquences sociales et environnementales de l'ouverture des marchés agricoles de ces pays et la libéralisation des investissements, dans les secteurs minier et énergétique en particulier, peuvent être positives mais aussi dramatiques. La Commission européenne ne doit-elle pas s'assurer que la politique commerciale de l'Union est cohérente avec sa politique de développement ? Nous, parlementaires nationaux, devons dire notre mot à ce sujet.
Outre que l'étude d'impact n'est pas une science exacte, l'exercice n'apporte généralement pas les réponses que l'on en attend, la question traitée étant mal posée. De plus, ces études ont souvent pour effet d'entraver une dynamique si le thème étudié est abordé sur un mode strictement défensif par qui ne souhaite pas avancer. Être offensif permet au contraire de dépasser les réticences éventuelles. Dans le domaine dont nous traitons aujourd'hui, mieux vaut affronter la situation qu'en rester au statu quo : sans accord, les barrières non-tarifaires érigées sous n'importe quel prétexte se multiplieront, ce qui ne sera pas toujours à l'avantage d'une Union européenne dont les portes et les fenêtres sont, comme chacun le sait, grandes ouvertes.
J'ai dit au cours de la première table ronde les atouts que pouvait présenter le projet de traité et les craintes qu'il suscite. Les atouts sont que l'on assisterait à une modification géopolitique en Europe en matière énergétique si les États-Unis acceptent d'exporter leur gaz naturel liquéfié, et que des normes nouvelles prenant en compte nos singularités pourraient s'imposer au monde. Mais, en parallèle à ces négociations, on ne peut laisser perdurer l'extra-territorialité de la législation américaine non plus que la maîtrise de l'Internet par un seul continent.
On ne peut en effet ignorer que les études d'impact sont souvent rédigées dans un but idéologique, pour étayer les conclusions auxquelles elles aboutissent. Pour parvenir à un partenariat transatlantique équilibré, trois difficultés doivent être aplanies – car si nous voulons un accord et si nous devons déployer toutes nos forces pour l'atteindre, il ne saurait être question de l'accepter mécaniquement, à n'importe quel prix.
Il convient pour commencer d'harmoniser les politiques de la concurrence. L'Union européenne et les États-Unis ont en cette matière des approches différentes. Je citerai l'exemple des télécommunications, un secteur crucial pour l'économie : les entreprises européennes « historiques » sont en concurrence avec les sociétés américaines dites « over the top (OTT) » et le déséquilibre des règles qui les gouvernent est flagrant, qu'il s'agisse du respect de la vie privée, du respect des règles de la propriété intellectuelle, du respect des dispositions anti-trust ou du respect des obligations fiscales. Sans doute l'Union européenne devra-t-elle apprendre des États-Unis les avantages de la concentration dans ce secteur pour développer les réseaux de nouvelle génération, mais les États-Unis doivent pour leur part se demander qui sont aujourd'hui les véritables monopoles – les sociétés de télécommunications historiques hyper-régulées, ou les OTT entièrement dérégulées ? –, et si la notion de « neutralité du Net » a encore un sens, alors que M. Bizet a parlé à juste titre d'« uberisation » de l'économie. D'autre part, il n'est pas d'harmonisation solide possible des politiques de la concurrence si la liberté de circulation des capitaux ne repose pas sur un système financier parfaitement fiable ; il convient à cette fin de définir une réglementation commune, fondée sur l'accord de Bâle et approfondie.
En matière d'énergie, les négociations progresseront de manière constructive s'il est acquis que le gaz et l'électricité peuvent circuler sans entrave – ce qui doit nous obliger aussi à améliorer les infrastructures européennes communes.
Enfin, s'agissant du projet de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et État – Investor State Dispute Settlement (ISDS –, j'approuve la proposition de médiation de Mme Cecilia Malmström, commissaire européenne au commerce, mais je comprends moins bien le point de vue exprimé dans cette enceinte par nos amis estoniens et lettons. On ne peut accepter l'idée d'une justice duelle, publique pour la masse et privée pour quelques privilégiés ; non seulement un tel dispositif heurte les consciences de qui a été nourri des principes du droit romain mais il entraînerait le risque de graves distorsions de concurrence.
En conclusion, nous devons rechercher un partenariat transatlantique, mais si l'accord ne se fait pas sur ces différents chapitres, il faudra les retirer du texte et signer un accord de portée plus restreinte mais à la teneur plus satisfaisante.
Les accords commerciaux contribuent incontestablement à faire croître le PIB et à créer des emplois ; je pense que ce sera le cas du TTIP en cours de négociation, que nous soutenons. La disparition de droits de douane, de nombreux règlements et de doublons dans les procédures qui, en renchérissant les coûts, les empêchent souvent de commercer avec les États-Unis, sera bénéfique aux PME. La suppression des barrières tarifaires et non tarifaires aura un rôle catalyseur. Cela signifie évidemment de soutenir puissamment les PME pour leur permettre de renforcer leurs capacités d'expansion à l'international en s'adaptant à la concurrence ; le TTIP doit donc contenir un chapitre spécifique à leur sujet. Les accords commerciaux sont une opportunité pour les entreprises, les travailleurs et les consommateurs dans toute l'Union européenne ainsi que pour l'image de l'espace transatlantique. Alors que les citoyens européens ne se sentent pas vraiment concernés par la politique, il nous revient à nous, parlementaires nationaux, de relayer plus activement leurs inquiétudes, de leur fournir des informations précises sur ce qui est en jeu et d'apaiser des peurs infondées. Ces accords ont de meilleures chances d'être menés à bonne fin si les négociations sont plus transparentes et si les Parlements nationaux ont un accès plus ouvert aux positions défendues par les deux parties.
La Hongrie soutient la négociation du TTIP. Nous voyons dans cet accord une opportunité unique, de grande portée géopolitique. Je me félicite donc que la nouvelle commissaire européenne au commerce se soit déclarée favorable à la fois à des discussions ouvertes et franches et à davantage de transparence sur le déroulement des négociations. C'est la première fois qu'une négociation de ce type est aussi transparente, mais il est vrai que des progrès supplémentaires sont nécessaires, notamment de la part des États-Unis.
Lors du débat sur le TTIP qui s'est déroulé en séance publique à la Diète hongroise en février dernier, un large consensus s'est formé pour considérer que le contenu de l'accord devait primer la rapidité de sa conclusion puisqu'il est de l'intérêt des deux parties que le texte puisse être appliqué. Les membres de la Diète se sont aussi accordés sur le fait que le traité ne devrait pas avoir pour effet de mettre à mal les dispositions nationales : il devra en particulier garantir que l'agriculture européenne demeurera exempte d'OGM. Considérant la très vaste portée du projet de traité, la Diète a enfin jugé indispensable que le futur accord soit ratifié par les Parlements nationaux, qui devront, dans le même esprit, porter une attention soutenue à la finalisation de l'accord CETA avec le Canada .
Pour nous, le TTIP est globalement un accord « gagnant-gagnant » dont les effets seront indubitablement bénéfiques et pour l'Union européenne et pour les États-Unis. Nous tendons donc à partager les conclusions de l'étude menée par le Centre for Economic Policy Research (CEPR), tout en tenant compte des considérations autres que strictement économiques dont plusieurs orateurs ont fait état. Savoir qui, des États-Unis et l'Union européenne, bénéficiera le plus de cet accord est important mais pas essentiel aussi longtemps que l'Union dans son ensemble en tirera profit. La Pologne, spécifiquement, retirera du TTIP divers avantages, mais certains secteurs de son économie seront confrontés à des défis très difficiles à relever, nous le savons ; cela vaut en particulier pour notre industrie chimique, en raison du prix peu compétitif de notre énergie.
Dans un autre domaine, les nouvelles pistes proposées pour l'ISDS sont très prometteuses et nous sommes convaincus qu'une solution satisfaisante pourra être trouvée ; comme l'a souligné notre collègue letton Atis Lejins, si le dispositif d'arbitrage est correctement défini, il sera sans danger. Selon moi, le traité peut être une bonne arme pour affronter les défis actuels et futurs que la Chine pose et posera à l'Europe. Il a, en outre, un aspect géopolitique certain : le partenariat transatlantique peut renforcer l'Alliance atlantique. C'est un élément essentiel étant donné les menaces qui pèsent en ce moment sur la sécurité des pays d'Europe centrale et orientale. (L'orateur poursuit en français) Enfin, je remercie les délégations, dont la délégation française, d'avoir formulé des exclusions et défini les lignes rouges à ne pas franchir dans plusieurs domaines, dont la culture et les media. Nous, Polonais, avons de la sorte le sentiment que nous serons bien protégés des dangers possibles et que les effets bénéfiques du partenariat transatlantique auquel on parviendra seront majorés cependant que ses risques auront été atténués. En bref, il faut garder à l'esprit l'objectif d'ensemble, améliorer le projet de TTIP et se battre pour les détails.
Comme les autres « petites » économies, l'économie irlandaise dépend fortement des accords commerciaux. Nous appuyons donc le projet de traité de libre-échange, dont nous estimons qu'il aura des effets favorables pour les PME. Mais nous savons que la société civile européenne et nombre de parlementaires craignent que tout accord passé avec les États-Unis ne soit à sens unique. Aussi la commission des affaires de l'Union européenne de la Chambre des représentants d'Irlande a-t-elle organisé, il y a un an, une série d'auditions d'experts au sujet du projet de partenariat transatlantique. Au terme de ces auditions, un rapport a été rédigé que notre commission a transmis aux institutions européennes sous la forme d'une contribution politique relative au TTIP. Ce texte fait état d'inquiétudes persistantes sur des sujets variés : le mécanisme d'arbitrage privé, la réalité de l'augmentation du PIB et les conséquences du traité sur l'emploi en Europe, la crainte que l'accord n'entraîne une baisse des normes sanitaires et environnementales européennes avec l'introduction d'OGM et de boeuf aux hormones sur le territoire de l'Union, le manque de transparence des négociations et l'insuffisance du dialogue entre la Commission européenne et les Parlements nationaux.
Après la publication de ce rapport, notre Gouvernement a fait procéder à une étude indépendante qui conclut également que le TTIP aura pour effet l'augmentation du PIB, des emplois et du niveau des salaires en Irlande. Des experts des institutions européennes nous ont exposé des pistes prometteuses pour régler la question de l'ISDS. Mme Cecilia Malström a récemment prononcé devant nous une allocution relative au rôle des Parlements nationaux dans la négociation de ce qui devra être un accord mixte. Nous approuvons la volonté de plus grande transparence affirmée par la Commission européenne ; elle doit se traduire dans les faits car elle est indispensable pour convaincre nos concitoyens que le TTIP est négocié dans leur intérêt. L'Union européenne a une bonne équipe de négociateurs ; nous devons leur faire confiance. Comme notre collègue letton, nous soutenons le projet d'accord mais nous continuerons d'exercer une critique constructive pour aboutir au meilleur texte qui soit pour nos concitoyens.
Les accords commerciaux que signe l'Union européenne doivent viser à lui ouvrir de nouveaux marchés pour les services et les investissements en réduisant les coûts, la bureaucratie et les taxes et accises. On cherche à renforcer la sécurité des investissements, mais il faut également mieux protéger les droits des peuples européens et nos intérêts communs. Nous en attendons aussi une plus forte activité économique et de plus grandes possibilités de choix, tout en préservant l'influence européenne dans le monde, en matière de commerce mais aussi de valeurs. Les accords commerciaux doivent toujours être fondés sur les intérêts mutuels et sur la protection de certains secteurs sensibles. Pour l'Union européenne, cela signifie tenir compte de ses intérêts en matière d'agriculture et de transport maritime, du nécessaire respect des indications géographiques et du sort de ses PME.
Pour ce qui est spécifiquement du projet de TTIP, la négociation en cours suscite diverses préoccupations : la transparence fait défaut ; la réglementation européenne et les protections qu'elle instaure risquent d'être affaiblies ; la possible instauration d'une instance privée d'arbitrage des différends nous inquiète tous. En rester au projet d'accord tel qu'il est rédigé aujourd'hui menacerait les intérêts européens dans plusieurs domaines et minerait les règles qui régissent nos marchés et nos investissements. Nous devons à la fois préserver nos acquis et permettre que les entreprises européennes aient une compétitivité suffisante.
Le projet de TTIP a également été l'objet de débats au sein de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés roumaine. Nous considérons que l'Union européenne et les États-Unis sont des partenaires stratégiques et que le traité redynamisera les échanges transatlantiques dans leur ensemble, comme c'est éminemment souhaitable. Le premier argument mis en avant par les tenants du TTIP, y compris dans cette salle, est le coût que représenterait pour l'Union européenne le fait de ne pas adopter un tel accord. Des membres de la Commission européenne nous ont assuré que le TTIP participe de la stratégie communautaire visant à redynamiser l'économie européenne, l'ouverture des marchés et le développement du commerce qui en résultera permettant de créer des emplois. Ils nous ont aussi assuré que rien dans l'accord n'affaiblira la réglementation européenne relative aux droits des individus ou de l'environnement, ni maintenant, ni à l'avenir. Ils ont aussi mentionné les avantages connexes dont il a été fait état ici. Tous ces facteurs incitent à espérer l'aboutissement heureux des négociations qui sont, il faut le reconnaître, plus transparentes que ne l'ont jamais été les négociations d'accords bilatéraux dans l'histoire de l'Union européenne. D'autre part, les inquiétudes relatives au mécanisme d'arbitrage devraient être apaisées par la promesse d'une révision complète de ce chapitre de l'accord, qui garantira plus de transparence, sera assorti d'un code de conduite pour les arbitres, et mentionnera expressément que les Gouvernements ont le droit de légiférer dans l'intérêt général.
La Roumanie soutiendra des négociations respectant l'impératif de transparence ainsi que les intérêts des deux parties et ceux de tous les pays membres de l'Union européenne. Les conséquences positives potentielles du TTIP excèdent ses seuls effets économiques : elles sont aussi d'ordre géopolitique. C'est pourquoi les négociations en cours ne doivent pas échouer. Comme l'a souligné notre collègue polonais, il s'agit d'un traité « gagnant-gagnant » qui offrira des opportunités nouvelles aux deux parties signataires, l'Union européenne et les États-Unis. Mais la Roumanie, tout en appuyant le TTIP, tient à ce qu'il reflète les intérêts de tous les États membres de l'Union.
Quelques points nous tiennent particulièrement à coeur. En premier lieu, je l'ai dit, les parlementaires autrichiens veulent que le TTIP soit un accord mixte. Si ce n'était pas le cas, nous serions loin d'une situation « gagnant-gagnant » : il n'y aura que des perdants. Alors que le nombre de signataires de l'initiative citoyenne européenne Stop TTIP est déjà de 1,6 million au moins, nous tiendrions pour un échec que les négociations se déroulent sans que les Parlements nationaux y participent, et il serait très difficile aux opinions publiques des États membres d'accepter le texte. Nous considérons aussi que l'on ne peut accepter l'entrée en vigueur du TTIP pour une période dite transitoire, sans quoi l'examen du texte par les Parlements nationaux tiendrait de la farce : cela signifierait que l'on a fait confiance au législateur européen et que les Parlements nationaux sont ravalés au rang de chambres d'enregistrement.
Les Parlements nationaux doivent être réellement impliqués dans l'élaboration du texte – et nous avons la même exigence pour le traité CETA entre l'Union européenne et le Canada, car nous sommes contre la libéralisation en matière de services publics locaux. Nous voulons que les communes et les collectivités locales conservent leurs compétences en matière de services publics et nous sommes opposés à une trop forte pression en faveur de la libéralisation de ces services. On a vu les conséquences, dans les pays des Balkans occidentaux, du processus de stabilisation et d'association mis en oeuvre par l'Union européenne : ces pays ayant été contraints de libéraliser leurs secteurs bancaire et de télécommunication sans que l'équivalent d'un Plan Marshall ait été appliqué pour les aider, les salaires ont été divisés par deux et leur jeunesse n'a plus de perspectives. En réalité, nous avons tout cassé. C'est ce qu'il faut éviter en négociant le TTIP, et c'est pourquoi les décisions politiques que ce projet d'accord commercial sous-tend doivent être discutées avec les Parlements nationaux.
J'ignore si les Parlements ici représentés ont fait des études d'impact préalables à l'octroi du mandat de négociation à la Commission européenne, mais je puis vous dire que le Parlement belge a donné mandat sans savoir quel pouvait être l'impact, positif ou négatif, d'un tel traité sur notre économie. Il se trouve qu'en Belgique, les PME, qui représentent 85 % de notre tissu économique, sont fermement opposées à ce projet de traité ; j'aimerais savoir quelle est la position des PME dans vos pays respectifs. Les États baltes sont extraordinairement dépendants des énergies fossiles venant de Russie, c'est un fait économique et géopolitique, et l'Union européenne doit s'en soucier. Mais importer massivement du pétrole ou du gaz obtenu par fracturation hydraulique aux États-Unis, ce que le traité transatlantique pourrait permettre, n'est-ce pas remplacer un malheur par un autre ? Une politique européenne ambitieuse d'efficacité énergétique et de promotion des énergies renouvelables axée spécifiquement vers les pays de l'Union qui sont dépendants géo-stratégiquement et économiquement de la Russie ne serait-elle pas une meilleure réponse ? Enfin, il a été question de la protection des données personnelles à l'heure numérique ; considérant qu'il n'existe plus aucune multinationale de l'Internet européenne, comment défendrons-nous notre modèle de protection des données alors que Google, Microsoft et Facebook sont américains ? La question n'est pas seulement économique, elle est aussi philosophique.
Pour l'instant, le Bundestag n'a pris de décision ni à propos du TTIP ni à propos du CETA, mais il n'est pas de semaine sans que ces questions soient abordées. L'opposition a demandé de manière répétée que l'on sorte des négociations, ce que nous avons refusé ; cela ne signifie pas que la majorité du Bundestag serait sans réserve en faveur de ces traités. Un débat très critique se poursuit, comme au sein de la société allemande et entre les PME, dont les positions sont très divergentes.
Deux études d'impact fouillées seront nécessaires. La première devra porter sur les conséquences macro-économiques de l'accord et sur l'équilibre à l'intérieur de l'Union européenne, où les niveaux de compétitivité des États membres diffèrent ; la seconde devra concerner nos relations commerciales avec les pays tiers. Par ailleurs, il faudrait éviter de négocier ces deux traités dans la perspective d'en faire des instruments contre d'autres régions du monde. Enfin, si l'on veut élaborer des normes pour le commerce international, il faut procéder de manière ordonnée, puisqu'il faudra ensuite respecter ces obligations. Ce disant, je fais allusion, comme mon collègue autrichien, à la libéralisation : pour l'instant, le mandat de négociation comprend un volet « libéralisation », ce qui est difficilement compatible avec l'idée européenne du service public et de l'État social. Il ne suffit pas de dire que nous voulons préserver nos normes sociales et environnementales, il faut aller plus loin, car si les marchés sont ouverts, le danger de dumping s'aggravera sous la pression concurrentielle des entreprises américaines et canadiennes. Il est impératif de définir un schéma de concurrence loyale dont les règles s'imposeront à tous. Ainsi du droit du travail : comment commercer équitablement avec une région qui n'a pas ratifié les normes minimales de l'Organisation internationale du travail ? Les droits des travailleurs, des salariés, des citoyens doivent être préservés au même niveau au moins que ceux des investisseurs dont on parle tant.
Le Luxembourg, petit pays qui s'est toujours montré très ouvert au commerce, juge que l'Union européenne doit participer à la négociation de ce traité et non laisser les choses se faire sans ou contre l'Europe. Malheureusement, la négociation du TTIP est très mal partie. La société civile luxembourgeoise dans son ensemble lui est opposée, depuis les associations de défense de l'environnement jusqu'aux syndicats de toutes sensibilités, droite comprise, en passant par l'Union des consommateurs. Cela signifie que l'on ne peut définir un accord comme « gagnant-gagnant » par nature : il faut aussi se demander qui se sent gagnant et qui se sent perdant.
Quels sont les bénéficiaires du TTIP ? Au cours des débats qui ont eu lieu à la Chambre de commerce du Luxembourg, quelques entreprises dont des PME ont dit que l'accord pourrait leur permettre d'augmenter leurs exportations. Mais nombreux sont ceux que le projet de partenariat transatlantique effraye, et la prévision avancée par le CEPR selon laquelle le traité permettrait une hausse de 0,4 % du PIB européen est mise en doute par beaucoup d'autres institutions. L'agriculture européenne ne peut pas concurrencer celle des États-Unis. D'autre part, les pays en développement pourront-ils encore intervenir dans les négociations ? Surtout, l'Union européenne aura-t-elle encore, à l'avenir, des choix politiques possibles, qu'il s'agisse des OGM, de l'utilisation de l'énergie nucléaire ou du principe de précaution ? L'Union pourra-t-elle toujours prendre des décisions politiques si on lui oppose des impératifs prétendument scientifiques ? Le Luxembourg est l'un des pays où les critiques de ce projet sont les plus vives et nous partageons le point de vue exprimé par notre collègue autrichien Stefan Schennach : l'accord doit impérativement être un accord mixte. La chose politique sera la très grande perdante de ces négociations si le texte ne passe pas par les Parlements nationaux.
Selon moi, et je pense que c'est aussi l'avis des principaux partis politiques portugais, le TTIP est une chance pour l'Union européenne puisque l'étude d'impact réalisée par le CEPR montre que l'accord pourrait faire progresser le PIB européen. Je n'ignore pas que les conclusions des études d'impact dépendent des présupposés qui ont guidé leur élaboration, mais c'est l'étude dont nous disposons. Le texte donne aussi à l'Europe la chance de pouvoir définir des normes. Dans un contexte de mondialisation des échanges, il convient de garder à l'esprit l'enjeu géopolitique global du partenariat transatlantique, à savoir la préservation des valeurs de liberté et de démocratie qui ne régissent pas d'autres pays tels que la Russie ou la Chine. Sur ce plan, l'échec des négociations serait très négatif, et il entraînerait les États-Unis à donner la priorité aux partenariats transpacifiques. Cela étant, l'accord ne saurait être conclu à tout prix ; il doit être subordonné au respect de conditions importantes, qu'il s'agisse des données personnelles ou de l'octroi de visas de courte durée aux petits investisseurs étrangers. Il importe enfin de définir à quel moment de la négociation les Parlements nationaux seront appelés à se prononcer sur ce qui doit être un accord mixte.
La Chambre des députés italienne s'est interrogée sur les avantages du traité et sur le point de savoir quels en seraient les bénéficiaires. Pour répondre à ces deux questions, il faut partir des données objectives et non, comme c'est trop souvent le cas dans le débat public à ce sujet, de considérations énoncées comme des évidences. Les estimations de la Commission européenne concordent avec d'autres études indépendantes pour évaluer à environ 0,5 % l'augmentation du PIB de l'Union européenne qu'induirait le TTIP, soit 119 milliards d'euros par an, ce qui stimulerait évidemment la croissance et l'emploi dans tous les États membres, dont l'Italie. En bénéficieraient de nombreuses entreprises européennes innovantes, dont les exportations sont actuellement pénalisées par les droits de douane élevés et des barrières non-tarifaires dans de très nombreux secteurs tels que la mécanique, la mode, l'industrie du transport et les produits agro-alimentaires de haute qualité. Je rappelle à titre d'exemple que, pour l'instant, l'importation et la commercialisation de pommes et de divers fromages est interdite sur le marché américain et que les importations de boissons et de produits laitiers sont frappées de très lourds droits de douane.
Il faut aussi tenir compte de ce que les accords commerciaux auraient un effet décisif sur l'internationalisation des entreprises européennes, ce qui est l'un des premiers objectifs du plan en faveur de la ré-industrialisation adopté par le Conseil européen. Actuellement, de 70 à 80 pour cent du volume des exportations européennes sont réalisés par 10 pour cent à peine des entreprises exportatrices. Cela dit les difficultés qu'éprouvent nos PME et TPE à pénétrer les marchés internationaux et signale qu'il faudra, dans le traité, leur porter une attention particulière, tout comme il faudra impérativement préserver les indications géographiques. Sur le fond, les accords commerciaux sont un passage obligé, et urgent, de la relance de l'industrie européenne, qui suppose que l'on parvienne à augmenter non seulement le volume des exportations mais le nombre d'entreprises exportatrices.
Outre cela, il nous faut réfléchir aux effets économiques et politiques des traités transpacifiques qui seront signés en l'absence d'accord de partenariat transatlantique.
En conclusion, le TTIP et les autres accords commerciaux internationaux stimuleraient de manière décisive les productions européennes à haute valeur ajoutée et permettraient à nos entreprises de se positionner dans les secteurs marchands les plus rentables et les plus innovants. C'est pourquoi le Gouvernement et le Parlement italiens ont affirmé en plusieurs occasions leur ferme appui aux négociations en cours, qu'ils espèrent voir aboutir mi-2016.
Lorsque les discussions relatives au TTIP ont commencé, il y a deux ans, plusieurs d'entre nous avons alerté sur les menaces à la démocratie que représentait l'inflexion vers la déréglementation. Le Gouvernement grec considère que chaque gouvernement a le droit, non négociable, de décider des lois concernant l'économie et le commerce international. Outre qu'en Grèce 96 % des entreprises sont des TPE familiales que l'on ne peut en aucune manière comparer aux PME des États d'Europe du Nord, la Grèce, sous programme d'aide internationale depuis cinq ans, est dans une situation très difficile, et une multitude de petites entreprises grecques ont disparu. Dans ce contexte, comment celles qui ont survécu pourront-elles faire face à la concurrence des grands groupes internationaux ?
J'observe d'autre part que la reconnaissance de toutes les indications géographiques européennes par les États-Unis – sujet majeur pour la protection de la feta – n'est pas acquise. Nous avons eu le même problème lors de la négociation du traité CETA signé entre l'Union européenne et le Canada. C'est une attitude extrêmement agressive, d'autant que lorsque le ministre de l'économie grec a demandé à prendre connaissance, à l'ambassade des États-Unis à Athènes, des documents américains relatifs à cette question, il s'est vu opposer une fin de non-recevoir.
Bon nombre d'économistes considèrent que les partenariats transatlantiques sont bénéfiques pour l'Union européenne, mais ils s'interrogent sur l'évolution des relations commerciales intra-européennes que ces traités pourraient entraîner. Étant donnée la disparité des économies des pays membres, le fait que les relations commerciales se développent entre l'Union européenne et les États-Unis pourrait, si l'on en croit plusieurs études, avoir pour conséquence qu'elles diminuent entre les États de l'Union, dont l'intégration commerciale régresserait donc. Ces évolutions doivent être envisagées et leur impact analysé. Face à des États-Unis qui ont une vision claire de leurs intérêts économiques stratégiques se trouve une Union européenne rassemblant 28 États sans union politique. Comment les instances politiques européennes peuvent-elles favoriser la politique industrielle et commerciale commune qui a trop longtemps été un passager clandestin de la politique communautaire ? Il faut valoriser ce qui fait l'excellence européenne : les labels, les appellations, les réseaux d'entreprises, les relations avec les grandes institutions de recherche. Des initiatives en ce sens doivent émaner de l'Union européenne et des États membres.
Enfin, comment déléguer la protection des données personnelles à un État qui n'apporte pas de garantie suffisante à ce sujet ? Nous devons exiger une réponse claire à cette question essentielle. La commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale française suit ces questions avec attention. Lors de notre dernier déplacement à Washington, nous avons pris connaissance des projets de loi en cours de discussion aux États-Unis à ce sujet. Mais, même si ces dispositions étaient adoptées, elles devraient être complétées dans le TTIP, car il y a aux États-Unis une forte réticence à accepter la limitation de l'exploitation des données personnelles par les services de renseignement ou les grandes entreprises privées. Pour que la négociation avance sur ce point, l'Union européenne et chaque pays membre devraient demander davantage de précisions.
J'ai le sentiment que nous avons oublié les leçons de la crise et le fait que la responsabilité en est très majoritairement imputable aux marchés déréglementés et non aux États. La suppression des barrières non tarifaires signifie la suppression de tous les mécanismes d'intervention à la disposition des États. Il ne s'agit pas seulement de l'Union européenne mais aussi de chaque État membre et de sa capacité d'intervenir dans sa propre économie. De plus, le grand problème actuel n'est pas celui de l'investissement ou de la production mais celui de la distribution des revenus. Comment espérer vendre davantage sans renforcer la demande ? Avec le libre-échange, les inégalités vont monter en flèche, et avec elles l'euroscepticisme. Nous sommes 500 millions d'Européens face à 350 millions d'Américains ; l'avantage, en termes de marché, est donc pour les États-Unis, puisque la demande est plus grande en Europe. D'autre part, les États-Unis ont pour seule monnaie le dollar tandis que l'Union européenne a huit devises et que l'euro connaît déjà des problèmes sans solution. Comment, dans ces conditions, introduire un mécanisme d'échange ?
J'entends que l'on se lamente parce que tous les grands groupes du secteur numérique sont américains ; ne faudrait-il pas se demander pourquoi aucun n'est européen ? Que nous arrive-t-il donc ? Les États-Unis sont un pays dynamique, jeune et qui avance ; nous, nous sommes prêts à construire les murailles à l'intérieur desquelles nous pourrons continuer à ressasser notre glorieux passé en oubliant que le monde change rapidement sous nos yeux. La société chinoise Huawei progresse à toute vitesse en Suède, dans les pays baltes et ailleurs en Europe ; pourquoi est-ce une société chinoise et non une société européenne ? Les États-Unis peuvent effectivement vendre leur gaz aux pays asiatiques, qui sont prêts à le payer un prix élevé, mais l'avantage que nous avons, c'est que la côte Est des États-Unis est plus proche de l'Europe que leur côte Ouest l'est de l'Asie et qu'ils résolvent leur seul problème écologique avec la fracturation hydraulique. La Lettonie sera moins dépendante du gaz russe quand sa consommation d'énergie sera plus efficiente, mais cela prendra très longtemps et, entre temps, nous avons besoin du gaz américain. Enfin, les exportations de nos PME vers les États-Unis vont doubler – et je ne parle là que des exportations directes : nos exportations indirectes seront encore plus importantes puisque nous fabriquons des pièces détachées pour les constructeurs automobile allemands.
Si vives sont les critiques de l'étude d'impact qui nous a été fournie que nous, Parlements nationaux, devons exiger collectivement de la Commission européenne la réalisation d'études d'impact supplémentaires et de meilleure qualité. L'étude en question, en prévoyant une modeste augmentation de 0,5 % du PIB européen dix ans après l'entrée en vigueur du TTIP, pèche par optimisme, parce qu'elle est fondée sur le postulat d'un accord très large ; or nous savons maintenant que certains secteurs économiques en seront exclus. De plus, l'étude est erronée car elle ne tient pas compte de l'effet du partenariat transpacifique, en raison duquel il sera beaucoup plus difficile aux entreprises européennes, singulièrement aux plus petites d'entre elles, de gagner des parts du marché américain. Cette étude n'est donc pas fiable. D'autres sont d'autant plus indispensables que, selon le professeur américain Jeronim Capaldo, les gains prévus avant la signature de l'ALENA, traité de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada, sont sans rapport avec la réalité mesurée après quelques années d'application de ce traité. Analysant les conséquences prévisibles du TTIP, le Pr Capaldo évalue à 600 000 les pertes d'emplois possibles en Europe. Rien d'étonnant à cela puisque, dans le même temps, les syndicats américains estiment à un million le nombre d'emplois perdus aux États-Unis en raison des traités transpacifiques. Le professeur Capaldo estime en particulier que, dans le pire des scénarios, l'entrée en vigueur du TTIP fera perdre 60 000 emplois à la Belgique, probablement parce que notre tissu économique est à 85 % composé de PME qui ne retireront pas grand-chose de cet accord.
Nous devons impérativement disposer d'une étude d'impact sérieuse avant que le projet d'accord soit soumis aux Parlements nationaux, de manière que les peuples d'Europe puissent se prononcer sur la base des intérêts communs de l'Union et aussi sur le fondement des intérêts nationaux. Je propose donc formellement que nous demandions à la Commission européenne la réalisation de nouvelles études d'impact.
Nous sommes plutôt optimistes sur l'impact du TTIP – selon certaines études, le Portugal serait le deuxième pays qui en bénéficierait le plus. Toutefois, des préoccupations demeurent qui recoupent celles qui se sont exprimées au Parlement européen. Le principal est de réglementer le commerce et les investissements internationaux par l'introduction de normes adoptées démocratiquement. Nous souhaitons que l'on parvienne par ce biais à préserver les traditions européennes en matière de relations sociales eu sein des entreprises et de contrat social et que, d'une manière générale, le traité garantisse le maintien des valeurs sociales qui nous sont chères. Mais il est difficile d'expliquer aux Portugais qu'il leur faudrait s'inquiéter de l'évolution possible du droit du travail quand les normes auxquelles ils sont soumis en ce moment sont historiquement basses en raison de la pression qu'exercent sur nous nos partenaires européens. En réalité, nos collègues nous ont imposé un modèle de société dont ils ne veulent pas pour eux-mêmes, si bien que quand il s'agit de libéralisation des licenciements et de négociations dans l'entreprise, nous préférons en discuter avec nos amis américains qu'avec certains pays membres de l'Union européenne.
Enfin, je ne vois pas de grandes implications géopolitiques à ce partenariat commercial, puisque les États-Unis s'efforcent de signer des accords très semblables avec d'autres régions du monde, Asie comprise. L'impact du TTIP, qui représentera environ un pour cent du PIB américain, ne doit être exagéré ni fantasmé : ce traité ne renforcera pas particulièrement notre proximité avec nos amis et alliés américains, ni ne changera significativement la protection de nos intérêts communs dans les affaires du monde.
Je remercie les deux présidents d'avoir organisé cette réunion interparlementaire. C'est une bonne manière pour les Parlements nationaux de reprendre en main la construction de politique européenne. Que nous soyons citoyens d'Europe ou d'outre-Atlantique, nous avons tous intérêt à ce que ces règles du commerce et de la concurrence soient soumises au respect des droits humains et respectueuses de nos biens communs : la planète, les sols, l'air, les eaux et océans, la biodiversité, nos cultures. Toute dynamique doit être fondée sur les principes du développement durable, garants de la lutte contre les dérèglements climatiques, de la sécurité sociale et de la paix.
Je prendrai pour exemples le développement des circuits courts, des produits de terroirs et des identifications géographiques. Cela témoigne de la volonté des citoyens de s'alimenter en favorisant l'approvisionnement local provenant de PME et d'une agriculture paysanne agro-écologique. Les normes sanitaires et environnementales doivent garantir un développement territorial dans le respect de la biodiversité, et chaque peuple doit pouvoir rester souverain dans ses choix pour la santé, les patrimoines culturels et la biodiversité.
Aussi est-il indispensable que nous, parlementaires d'Europe, soyons exigeants pour préserver les règles non tarifaires relatives à l'agriculture, à l'écologie et à la santé et pour protéger nos patrimoines culturels, et que nous poursuivions la lutte contre les inégalités sociales et géo-climatiques.
Le 26 septembre dernier était signée à Ottawa l'entente finale sur le texte de l'accord économique et commercial global dit CETA. Lors de la négociation du texte, l'Union européenne a obtenu des avancées, pour l'exportation de fromage ou encore pour la reconnaissance des normes européennes de production et de qualité telles que les indications géographiques, système dont le Canada est le premier de nos grands partenaires commerciaux à reconnaître le principe. En contrepartie, l'Union européenne a autorisé l'importation d'un quota annuel supplémentaire de viande de boeuf canadienne qui s'ajoute au contingent existant, pérennisé, et permis l'importation d'un contingent annuel de 75 000 tonnes de porc canadien, malgré la classification de ces marchandises en « produit sensible ». Alors que ces filières, en France, sont complétement déstabilisées par les conséquences de l'embargo russe et de la guerre des prix, nous nous inquiétons à l'idée que des mesures similaires soient adoptées dans l'accord de libre-échange en cours de négociation avec les États-Unis. Nombre d'exploitations agricoles ne pourraient survivre à une telle concurrence. Je demanderai au ministre si la France est suffisamment mobilisée pour éviter l'ouverture de quotas trop importants.
Il est très difficile de dire aujourd'hui ce que l'Union européenne peut gagner au partenariat transatlantique, et l'on a beau parler de lignes rouges, elles demeurent imprécises. Il revient donc aux Parlements nationaux de débattre et de faire des propositions. Mais encore doivent-ils pour cela disposer des études d'impact sérieuses qui leur serviront de base rationnelle d'appréciation. C'est difficile, et il est sans doute nécessaire de formuler plusieurs hypothèses sur ce que pourrait être le futur TTIP.
Il a beaucoup été dit qu'il est indispensable de préserver les normes de qualité, sociales et environnementales européennes. Or, le mandat de négociation donné à la Commission européenne prévoit que les firmes privées puissent attaquer les États si elles estiment leurs intérêts menacés par des législations ou des règlements relatifs aux investissements – c'est l'article 23 du mandat de négociation – ou par des normes sociales et environnementales nationales – c'est l'article 32 du même mandat.
La question ayant été largement évoquée, je ne reviens pas sur la question de savoir si l'agriculture devrait être exclue des négociations. Je souligne en revanche que l'ouverture des marchés publics ne doit pas signifier la fin de clauses environnementales et que nos entreprises locales ne doivent pas être défavorisées. J'observe que dans ma circonscription les TPE et les PME sont réservées à l'idée du TTIP.
Il est fondamental que des champions européens de l'Internet et des nouvelles technologies se constituent. Mais les États-Unis pourront encore se protéger de cette concurrence en invoquant la sécurité nationale, comme ils le font actuellement. D'autre part, la constitution de champions européens est-elle compatible avec nos propres règles anti-monopolistiques ?
Le hiatus entre les États-Unis et l'Union européenne ne sera pas facile à combler. Il convient de revoir le mandat de négociation donné à la Commission européenne.
Enfin, je pense comme notre collègue belge que substituer l'énergie issue de la fracturation hydraulique à une énergie fossile ne va pas dans le sens de la lutte contre le changement climatique. Nous devons exercer une vigilance permanente pour éviter que cet éventuel traité n'entraîne à répéter les erreurs passées au lieu d'être créateur d'innovations.
Mesdames, messieurs les parlementaires, je suis ravie d'accueillir M. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.
Monsieur le secrétaire d'État, tous les parlements partagent la même inquiétude s'agissant de l'ISDS. Nous voulons un accord mixte pour que les parlements nationaux aient leur mot à dire. Il y a également beaucoup d'interrogations en ce qui concerne la protection de l'agriculture, des PME-PMI, des données, en particulier numériques – je ne vous ferai pas une liste à la Prévert car elle serait très longue.
Madame la présidente Auroi, monsieur le président Brottes, je tiens à vous remercier de m'avoir convié à vos travaux. Je suis navré de ne pas avoir pu assister à l'ensemble des échanges de ce matin, mais je sais que cette matinée a été riche en échanges, en débats et en propositions.
Mesdames, messieurs les parlementaires, je suis très heureux de pouvoir intervenir aujourd'hui devant vous. Je salue la tenue, à Paris, de cette réunion interparlementaire. Je constate que les délégations étrangères et amies sont nombreuses et variées. Vingt-deux États membres de l'Union, vingt-neuf parlements sont représentés ici aujourd'hui, en comptant la France. Je suis persuadé que les échanges que vous avez eus sur les chances et les risques des accords commerciaux de l'Union européenne ont été riches et pertinents. À votre demande, je m'intéresserai plus particulièrement aux négociations transatlantiques.
La réalité du commerce européen est un tout. Les deux tiers du commerce international de la France se font avec l'Union européenne qui est un acteur majeur, dans tous les sens du terme, du commerce international puisqu'elle pèse plus d'un tiers des échanges commerciaux mondiaux. L'Union européenne doit être à la hauteur de la réalité de son poids dans l'économie mondiale. La stratégie commerciale est l'un des aspects de la stratégie économique qu'il nous faut avoir pour l'Union européenne, stratégie de croissance, stratégie d'investissement, stratégie de développement durable, pour faire valoir et défendre notre modèle de société, notre modèle économique, partout dans le monde.
Il est indispensable que tous les partenaires de l'Europe se saisissent de ces sujets de politique commerciale. Je sais que c'est votre cas, que c'est le cas de nombre de vos collègues. Ces sujets ont besoin d'une validation démocratique. Sans les parlements, aucune avancée ne peut intervenir.
En France, comme dans nombre de vos pays d'ailleurs, le débat relatif aux négociations transatlantiques est très vif. Les parlementaires sont très régulièrement interpellés sur le sujet, comme ils me l'ont encore récemment confirmé lors de mon audition ici même. Le niveau d'information et d'implication des chambres doit être à la hauteur des interrogations des citoyens. Vous avez le droit de savoir, d'être informés. Or pour des raisons diverses, ce n'est pas toujours suffisamment le cas.
Les citoyens ont compris que les accords commerciaux de l'Union européenne sont importants et qu'ils auront un impact pour eux. Je rappelle, à cet égard, que la position de la France converge avec celle de l'ensemble des États membres de l'Union européenne. Le futur traité transatlantique, comme le traité avec le Canada, le CETA, sont des accords mixtes qui devront être ratifiés au niveau national, selon les procédures propres à chaque pays. En France, il s'agira d'une ratification devant le Parlement.
Votre information est cruciale pour garantir des débats de qualité et permettre au Parlement de prendre des décisions éclairées. En France, le comité de suivi stratégique de la politique commerciale, qui avait été créé par mon prédécesseur, Mme Bricq, a été réformé à mon initiative. Il associe désormais dans un collège des parlementaires nationaux et européens et, dans un autre collège, la société civile, c'est-à-dire les syndicats, des ONG et des représentants des fédérations professionnelles. C'est un lieu d'information, de travail, de débats, dans lequel tous les sujets peuvent être abordés. Des groupes de travail ont récemment été mis en place. J'ai fixé comme principe que tout groupe de travail qui était demandé, sur quelque thème que ce soit, serait mis en place avec des responsables de l'administration, et, bien sûr, avec moi-même, et nous apporterons toutes les réponses sur les différents sujets. Aucun sujet ne doit être tabou, aucun sujet ne doit rester dans l'ombre et rester sans réponse. Ces groupes de travail sont aussi souvent l'occasion de faire le point sur les sujets qui posent problème.
L'objectif est de laisser les membres du comité complètement libres de choisir les thèmes, charge à nous ensuite de faire le point sur le fond et d'expliquer les positions françaises. Je serai d'ailleurs très intéressé de savoir de quelle manière les gouvernements, les parlements dialoguent dans les différents pays. Je sais que beaucoup de choses ont été mises en place ailleurs.
En ce qui concerne les négociations transatlantiques, je souhaiterais souligner qu'après neuf sessions de négociations et avant que ne s'ouvre la dixième, les discussions n'ont pas abouti aujourd'hui à des résultats significatifs. Les signaux envoyés par les négociateurs américains sur les intérêts fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent guère susciter d'impression de changement. Nous pensons notamment à l'ouverture des marchés publics à tous les niveaux, à celle du marché des services financiers, à la levée de plusieurs réglementations qui relèvent de la distorsion commerciale plutôt que de la défense des consommateurs, ou encore à la promotion des indications géographiques, etc. Ce sont là des aspects essentiels pour pouvoir envisager un progrès dans les négociations, car la base de toute négociation, quand on négocie avec des partenaires, avec des amis, c'est la réciprocité et que chacun puisse défendre ses intérêts.
Nous attendons aussi le vote du projet de Trade Promotion Authority (TPA) qui devra donner un mandat clair aux négociateurs américains. Ce texte attendu depuis longtemps suscite outre-Atlantique, vous le savez, des controverses et des débats très vifs au Congrès.
Parmi les intérêts de l'Union européenne, la question des barrières non tarifaires mérite elle aussi toute notre attention. Dans la mesure où les droits de douane sont réduits entre l'Union européenne et les États-Unis, les gains d'un accord sont à trouver secteur par secteur dans la disparition des barrières non tarifaires. Les gouvernements européens et la Commission doivent être très clairs sur ce sujet. Les contrôles en double et les incohérences réglementaires doivent disparaître. C'est tout simplement un enjeu de simplification.
En revanche, il est inacceptable de toucher à ce que l'on appelle les préférences collectives, les choix collectifs, que ce soit en matière alimentaire, de santé, énergétique, de services publics, de respect de la diversité culturelle et dans bien d'autres domaines encore. Nous devons dire oui à la simplification, mais résolument non au nivellement des normes par le bas. Vous le savez, les marchés publics européens sont très largement ouverts – plus de 95 % – alors que les entreprises européennes n'ont accès aux marchés publics américains qu'à hauteur de 47 %. Le Buy American Act (BAA) reste un obstacle particulièrement dissuasif pour nos entreprises.
Enfin, je suis certain que chacun d'entre vous un lien particulier avec un territoire. Comme moi, vous savez combien nos concitoyens sont attachés aux services publics. Nous sommes tous régulièrement interpellés sur cette question. Conformément à la position qu'elle a toujours défendue, l'Union européenne a pour ligne de négociation de préserver sa capacité à créer et à maintenir des services publics, notamment en insérant dans le traité TiSA une réserve transversale garantissant la capacité à maintenir et à créer des services publics. Nous devons collectivement nous assurer que cette position sera bien tenue et fermement défendue.
Vous l'aurez compris, le gouvernement français est convaincu que le contenu doit être prioritaire sur le calendrier dans les négociations transatlantiques. On n'entre pas dans une négociation en fixant d'emblée un terme pour son aboutissement. Ce qui est important, c'est d'avoir des accords positifs, bons pour l'Union européenne et pour les partenaires, certainement pas de vouloir aboutir à tout prix et précipitamment.
C'est vrai aussi sur la question de l'arbitrage. Il en a été beaucoup question ce matin, et c'est normal car ce sujet fait l'objet de très vives préoccupations. Vous le savez, la France est attachée à la protection des investissements. C'est d'ailleurs le cas de tous nos pays. La protection de la propriété et le droit à un traitement juste et équitable en cas d'expropriation correspondent d'ailleurs à l'un des principes fondamentaux de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C'est la raison pour laquelle la France a conclu quatre-vingt-seize accords bilatéraux, en vigueur, destinés à protéger les investissements. Pour autant, cette exigence ne doit pas se traduire par une marginalisation des États dans l'exercice de leur droit à réguler. On le sait, l'arbitrage qui a été inventé pour protéger les entreprises contre les décisions arbitraires a connu progressivement des dérives très importantes, qui conduisent notamment des entreprises multinationales à attaquer des choix souverains, des choix démocratiques, des choix validés par vous, parlementaires, devant les tribunaux d'arbitrage. Il n'est pas acceptable qu'une entreprise fabriquant des cigarettes puisse attaquer un État qui a décidé de rendre le paquet de cigarettes anonyme. Il n'est pas acceptable qu'une entreprise spécialisée dans l'énergie puisse attaquer un État qui a décidé de mettre fin à l'énergie nucléaire. Je pourrais citer d'autres exemples encore.
Il faut donc, et c'est un enjeu fondamental pour les années à venir, rétablir l'État dans ses droits. J'ai engagé, à l'issue de la consultation par la Commission européenne, un travail très important avec l'Allemagne et d'autres États européens, pour aboutir à des propositions. Je l'ai dit à plusieurs reprises, la France n'acceptera jamais que des tribunaux privés puissent remettre en cause les choix démocratiques et que le contribuable soit condamné à payer des décisions qu'il a prises en tant que citoyen. C'est pourquoi la France a adressé à la Commission, le 2 juin, des propositions pour répondre à toutes les critiques qui ont été faites, à juste titre, à l'arbitrage tel qu'il existe aujourd'hui sur les conflits d'intérêts, sur la transparence, sur le droit applicable, sur la déontologie des personnes amenées à statuer. La France a proposé, après un travail européen très important, la mise en place d'une cour internationale, d'abord européenne, qui sera élargie ensuite au niveau multilatéral pour que les règles soient claires, pour que ceux qui les appliquent soient incontestables dans leur légitimité. Cette future cour, si elle voit le jour comme nous le souhaitons, sera une pierre angulaire apportée à l'édifice du multilatéralisme auquel nous sommes aujourd'hui très attachés. Vous le savez, l'ISDS est aujourd'hui, à juste titre, l'une des pierres d'achoppement des négociations.
Je suis à votre disposition maintenant pour répondre à vos questions. Je vous remercie pour votre implication, pour vos travaux qui sont indispensables à la validation démocratique des négociations commerciales européennes et internationales.
(Interprétation) L'Europe, c'est vrai, ne peut pas avoir une politique protectrice uniquement. Nous sommes pour une économie ouverte et libre, mais bien évidemment sous conditions.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le secrétaire d'État : il ne s'agit pas ici de fixer une date butoir pour la fin des négociations. Le contenu est primordial. Je crois que nos amis outre-Atlantique doivent comprendre qu'il n'est pas possible que, dans le domaine des télécommunications par exemple, les Européens investissent des milliards d'euros et que les entreprises numériques américaines ne payent pas un seul euro de taxes et profitent de notre espace. C'est la même chose pour les compagnies aériennes. En effet, vous savez très bien que les compagnies aériennes européennes ne peuvent pas effectuer des liaisons entre Washington et Dallas. Nous ne pouvons donc pas parler d'un accord commercial avec nos amis américains sans mettre sur la table certains exemples manifestes de protectionnisme.
Monsieur le secrétaire d'État, même si nous ne faisons pas tous preuve du même enthousiasme, nous sommes très attentifs aux négociations en cours. Notre commission des affaires européennes a déjà eu l'occasion de vous auditionner sur ce sujet.
Il ressort de nos travaux de ce matin que nous sommes nombreux à penser que les études d'impact sont soit trop parcellaires soit insuffisantes, voire parfois erronées et que les risques sont grands pour nos PME et TPE à l'issue de ce traité.
Des études d'impact plus approfondies sont-elles envisagées qui puissent à la fois analyser les effets du traité entre les pays de l'Union européenne mais aussi entre l'Union européenne et les partenaires économiques que nous avons aujourd'hui en Europe ?
Monsieur le secrétaire d'État, je sais que vous êtes disponible pour venir discuter avec les parlementaires sur ce sujet, mais un problème de démocratie se pose dans la façon dont est négocié cet accord. D'abord, il suscite de vives inquiétudes parmi la population, qui n'a pas l'impression d'être associée à ces négociations. Ensuite, je trouve que les parlements ne sont pas suffisamment associés. Notre commission des affaires européennes avait voté à l'unanimité une résolution demandant que le mandat de négociation n'inclue pas l'arbitrage. Or cette résolution n'a pas été respectée par le gouvernement français, puisque le mandat de négociation inclut l'arbitrage. Que comptez-vous faire pour que nous soyons entendus lorsque nous adoptons des résolutions à l'unanimité ?
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai l'impression que nous ne pouvons pas parler de protectionnisme si nos économies sont saines. Très souvent, l'Union européenne a conclu des accords avec des pays tiers sans tenir compte du coût que cela entraîne pour les États membres signataires dans des domaines très précis. J'en veux pour preuve l'accord entre l'Union européenne et le Cambodge, qui comprend des clauses en ce qui concerne le riz. Dans notre pays, nous produisons un riz de qualité. Nous avons reçu du riz cambodgien qui coûte 20 centimes le kilogramme alors que le coût de production d'un kilogramme de riz est de 24 centimes pour un producteur grec. Vous comprenez que de tels accords ont des conséquences dramatiques. Dans ce cas-là, nous devons vraiment protéger les petites entreprises et les agriculteurs qui produisent des produits européens de qualité. Comment les rassurer et comment leur garantir une protection minimale ?
Nous ne sommes pas pour une économie fermée ni pour le protectionnisme. Mais comment tenir compte des intérêts des producteurs européens quand nous adoptons un texte législatif ? Il faut écouter les producteurs.
Monsieur le secrétaire d'État, comme vous pouvez le constater, les questionnements ne sont pas très différents d'un pays à l'autre.
Tout à fait, monsieur le président, et c'est rassurant. Cela prouve qu'il y a des convergences et des intérêts communs à défendre en Europe.
Je rejoins tout à fait le diagnostic de M. Neofytou, notamment s'agissant des compagnies aériennes. On pourrait ajouter l'exemple des producteurs de pommes, qui doivent faire contrôler leur production à plusieurs reprises avant de pouvoir exporter.
Nous avons déjà eu l'occasion de parler ici des études d'impact. Pour ma part, j'ai toujours été prudent quant aux études d'impact : je n'en ai jamais repris une à mon compte. Il est évidemment grotesque, en tout cas non scientifique, de prétendre dire à l'euro près quel sera le gain de pouvoir d'achat par foyer européen. En revanche, je considère que vous avez, en tant que parlementaires, un rôle très important à jouer en matière d'évaluation des politiques publiques et d'anticipation. Tous les travaux que vous réalisez en la matière sont importants. De mon côté, je suis en contact avec des scientifiques pour voir si nous pouvons faire des études complémentaires, avec toute la prudence qui s'impose. Il faut d'abord réhabiliter la diversité dans le débat économique. Une seule école de pensée économique a aujourd'hui trop d'emprise : les modèles sont très contestables et aboutissent à des choses qui ne sont pas du tout sérieuses. Toutes les études complémentaires qui pourront être faites, que ce soit en France ou ailleurs dans l'Union européenne, doivent être versées au débat. Nous avons besoin d'un débat de politique économique sur ce sujet.
Madame Guittet, lors de la finalisation du mandat de négociation, mon prédécesseur, Mme Bricq, avait clairement émis les réserves de la France sur la question de l'arbitrage, parce que c'est ce qu'avait demandé le Parlement. C'était aussi la position du gouvernement français. Nous considérons que nous pouvons parfaitement continuer à négocier sans mécanismes d'arbitrage au niveau transatlantique. La proposition française de création d'une cour internationale d'arbitrage a vocation à régler toutes les objections qui sont faites aux règlements des différends et à concerner progressivement toutes les négociations commerciales internationales. Une centaine de traités concerne notre pays, et il y a aujourd'hui 3 000 accords dans le monde qui comportent des mécanismes divers de règlement des différends, qui parfois aussi soulèvent des objections. Il faut donc être dans la projection, dans l'anticipation, dans la construction de règles qui seront applicables au commerce mondial tel qu'il se dessine aujourd'hui. Pour mieux travailler ensemble, le comité de suivi stratégique a été réformé. De nombreux parlementaires présents aujourd'hui en font partie. Monsieur le président Brottes, je suis à votre disposition pour venir devant votre commission aussi souvent que vous le souhaiterez. Vous aviez d'ailleurs suggéré un rythme très régulier d'auditions qui, à mon avis, est tout à fait positif.
Madame Ammanatidou, je vous rejoins sur les limites du protectionnisme, qui n'apporte pas de réponse en tant que tel, mais aussi sur le besoin d'édicter des règles de protection. La France défend, dans tous les conseils du commerce de l'Union européenne, le principe de réciprocité. Nous avons besoin de réciprocité dans les échanges. Cela vaut pour les marchés publics – et j'ai donné l'exemple des États-Unis –, pour les normes sociales, etc. Ce principe doit, beaucoup plus qu'aujourd'hui, guider la stratégie de négociation de l'Union européenne et être un principe fort au niveau international. Nous regrettons l'essoufflement du multilatéralisme tel qu'on le constate aujourd'hui à l'OMC. Le FMI a dénoncé, dans un rapport récent, les risques de fragmentation de l'espace commercial mondial par la juxtaposition de négociations bilatérales, de pays à pays ou d'ensemble régional à ensemble régional. Nous avons besoin de revenir progressivement autour de la table des négociations multilatérales. La réunion ministérielle de l'OMC à Nairobi au mois de décembre prochain sera un moment important. C'est la meilleure manière d'aboutir à des protections au niveau mondial.
Nous défendons de manière très offensive les indications géographiques dans toutes les négociations. Avec le ministre français de l'agriculture, M. Le Foll, nous avons appelé cela « la diplomatie des terroirs », précisément parce que la défense de notre agriculture passe par des stratégies très offensives dans les négociations commerciales internationales.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour votre présence, qui nous permet de connaître très clairement la position de la France. La réunion d'aujourd'hui nous permet également d'avoir une vision non officielle de la position des différents pays et parlements.
La délégation italienne a exprimé très nettement tout à l'heure la position du parlement italien sur le TTIP. Avant votre arrivée, nous avons eu, avec nos collègues, un débat très intéressant.
Nous considérons qu'il est essentiel de revoir le mécanisme de l'ISDS, c'est-à-dire le règlement des différends. Le concept d'indication géographique est très important, de même que les règles spécifiques pour les petites et moyennes entreprises à l'intérieur du traité.
Nous savons que, dans le cadre des négociations actuelles, des discussions ont lieu sur les marchés publics, sur le Buy American Act et sur les indications géographiques. Ce sont des sujets très importants sur lesquels il y a encore une certaine différence d'opinion entre l'Europe et les États-Unis.
Nous sommes d'accord avec vous : nous ne voulons pas un traité coûte que coûte. Nous voulons un bon accord, un accord positif, favorable pour nos pays, pour nos citoyens, pour notre économie. Nous considérons que le temps n'est pas quelque chose de neutre. Il faut profiter de l'actuelle fenêtre d'opportunité pour conclure ce traité entre maintenant et la fin de 2016.
S'agissant de la possibilité d'avoir peut-être des traités transpacifiques et pas des traités transatlantiques nous sommes très préoccupés, et nous avons raison de l'être. Il faudra peut-être réfléchir sur ce point, essayer d'accélérer les parties de la négociation sur lesquelles nous sommes déjà d'accord et intervenir sur les autres.
(Interprétation) Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour vos informations très larges et vos points de vue très généraux. Il me semble que je vais répéter presque exactement ce qu'a dit notre collègue italien… Bien sûr, nous comprenons tous que le contenu est plus important que le calendrier. Notre collègue letton a très bien expliqué pourquoi nous sommes si favorables au TTIP. D'après notre expérience, nous savons que, dans les négociations, le mieux est parfois l'ennemi du bien. Quelles sont vos attentes en matière de calendrier ?
Nous disons souvent que la politique devrait remettre le citoyen au centre des préoccupations. Le fossé énorme entre les citoyens et la politique européenne devrait surtout être comblé d'urgence. Or il faut avouer que la logique inhérente aux larges négociations commerciales provoque justement le contraire : le fossé se creuse encore davantage, l'incompréhension des citoyens face à la politique et la frustration risquent de s'accroître.
Ce phénomène d'éloignement croissant entre citoyens et décideurs n'est pas le seul à nuire à la démocratie. Les négociations pilotées par la Commission européenne ont tendance à marginaliser dangereusement non seulement de larges catégories d'acteurs de la société mais aussi des représentants élus. Les négociations sont menées de plus en plus par des experts, sans véritable contrôle par les politiciens élus qui ne peuvent donc que difficilement pénétrer la complexité des dossiers. Nous, élus nationaux, sommes contraints à avaliser ou à refuser les accords négociés en secret par des experts.
On sait bien que le TTIP est l'accord commercial le plus transparent qu'on ait eu ces derniers temps. Néanmoins des problèmes de transparence demeurent. J'aimerais connaître la position de M. le secrétaire d'État sur le traité CETA. Quelle sera son influence sur la procédure de négociation du TTIP ?
En parlant de l'ISDS, vous avez fait référence à Vattenfall qui a intenté un procès à l'État allemand pour avoir fermé les centrales nucléaires. Cela n'a rien à voir avec l'ISDS : c'est simplement un mécanisme de protection des investisseurs européens.
La présidence lettone, qui va bientôt prendre fin, avait fixé comme priorité absolue la compétitivité des biens et services européens pour qu'ils puissent être vendus et compétitifs sur le marché mondial. Comme vous le savez, aujourd'hui on a très peu entendu parler de compétitivité. Tout le monde avait peur de partir à la conquête de nouveaux territoires. Il faut voir comment le TTIP pourrait augmenter notre productivité. Les plus grandes sociétés informatiques sont américaines. Pourquoi ne sont-elles pas européennes ? Les Chinois et les Indiens arrivent. Pourquoi pas les Européens ?
Monsieur le secrétaire d'État, j'apprécie beaucoup la position française sur l'ISDS. Mon inquiétude porte sur le Conseil de coopération réglementaire. Si j'ai bien compris les propositions qui sont sur la table, chaque nouvelle initiative européenne devrait obtenir le feu vert. Cela peut concerner des domaines très sensibles comme la protection de la santé, la protection de l'environnement. Quelle est la position de la France concernant ce Conseil de coopération réglementaire ?
Nous sommes tous d'accord ici pour dire qu'il doit s'agir d'un accord mixte. Lorsque l'on pose la question à la Commission européenne, la réponse est toujours apportée sous l'angle juridique.
Je rappelle que tous les parlements ont ratifié l'accord avec la Corée du Sud, et qu'il s'agissait d'un accord mixte. S'agissant des accords avec le Pérou et la Colombie, la Commission avait proposé initialement que cet accord soit ratifié uniquement par le Parlement européen. C'est le Conseil qui a décidé de faire de ces accords des accords mixtes, qui ont été ratifiés par nos parlements nationaux. Il ne faut donc pas voir cette question d'un point de vue juridique : c'est une question politique. Ce sont nos gouvernements qui vont décider. J'espère qu'une majorité se dégagera au Conseil pour que cet accord, une fois qu'il sera conclu, soit discuté dans les parlements nationaux.
Je tiens à rappeler ce que notre collègue autrichien a dit ce matin : il ne faut pas que l'accord entre en vigueur provisoirement après ratification par le Parlement européen. Si l'on décide que les parlements nationaux ont leur mot à dire, il faut que cet accord entre en vigueur après ratification par le Parlement européen et tous les parlements nationaux. Le Gouvernement français fait-il partie de ceux qui, au Conseil, cherchent à trouver une majorité pour que cet accord soit mixte ?
Monsieur le secrétaire d'État, je retiens de vos propos la nécessité d'avoir un débat sur les cultures économiques dans le cadre de la préparation de cet accord.
J'ai eu l'occasion d'assister à plusieurs débats sur cette question, et notamment d'entendre Mme la commissaire Malmström qui insistait sur le potentiel de croissance que constitue ce traité.
Je souhaiterais revenir sur la méthode. Il y a aussi des négociations entre les États-Unis et les pays d'Asie dans le cadre de l'accord de partenariat transpacifique. Savez-vous si ces négociations sont abordées sur les mêmes bases que le TTIP ? Ce serait intéressant en termes de comparatif.
Y a-t-il un risque que des entreprises américaines installées au Canada – je pense à Burger King qui a racheté le canadien Tim Hortons – puissent utiliser le traité pour bénéficier des clauses avant que le TTIP ne soit négocié grâce aux accords ALENA entre les États-Unis, le Canada et le Mexique ?
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour votre présence et votre écoute. J'ai apprécié tout particulièrement l'intérêt que vous avez manifesté pour les négociations multilatérales – c'est rare.
S'agissant des tribunaux d'arbitrage, n'est-il pas nécessaire de revoir le mandat de négociation qui a été donné à la Commission européenne ? Que pensez-vous de l'organe de coopération réglementaire prévu qui siégerait de façon permanente et dont l'objet serait d'harmoniser les normes, les réglementations, en amont des législations ?
Au niveau de l'Union européenne, nos services publics à la française sont en quelque sorte intégrés dans ce que l'on appelle les services d'intérêts généraux. Où en est-on en ce qui concerne les négociations du TiSA en matière de services publics ? Je n'ai pas encore bien compris comment ce qui serait acté dans le cadre de ce traité serait intégré dans le TTIP.
Enfin, s'agissant de la sécurité des objets et produits mis sur le marché, les approches sont très différentes aux États-Unis et en Europe. En Europe, on essaie d'abord de prouver que les objets et produits ne sont pas dangereux pour la santé etc. avant de les mettre sur le marché. En revanche, aux États-Unis, on les met d'abord sur le marché et on les retire s'ils se révèlent dangereux. Comment peut-on avancer avec des approches aussi différentes ?
Plusieurs d'entre vous ont dit que l'accord TTIP sera positif. Peut-être. On verra. Je suis incapable aujourd'hui de vous dire si ce sera un bon ou mauvais accord, puisqu'il n'y a pas encore d'accord : nous en sommes au stade des négociations. D'ici là, l'Union européenne et chacun de nos pays ont intérêt à être au maximum offensifs dans les discussions.
Dans une négociation, la maîtrise du temps est importante. Aujourd'hui, il est très difficile de se prononcer sur le calendrier alors que le mandat de négociation n'a pas été confié aux négociateurs américains. Il est extrêmement difficile de faire des pronostics alors que, aussi absurde que cela puisse paraître, ceux qui négocient depuis le début au nom de la puissance américaine n'ont pas été habilités par le Congrès pour le faire. Il y a encore, à l'évidence, des préalables très importants. Je respecte tout à fait les exigences et les enjeux de la procédure américaine, mais il est impossible pour un État européen de s'engager sur une date butoir alors que les négociations ne sont pas engagées avec un mandat précis. Je le répète, le fond est plus important que le calendrier. Il est important que, sur les différents sujets que vous avez évoqués et que j'ai cités tout à l'heure, les choses puissent avancer de manière beaucoup plus significative qu'actuellement.
S'agissant de la transparence et la démocratie, je crois avoir déjà répondu.
Sur le fond, nous pensons que le CETA est un bon accord parce que les marchés publics canadiens sont très ouverts, que le Canada est allé très loin dans ce qu'il a accepté et parce que les différents niveaux d'administration publique, à la fois national et infranational – les provinces, les communes – sont tous liés par l'accord. À l'évidence, c'est un standard très important, y compris dans les négociations avec les États-Unis. Si des avancées doivent être obtenues sur les marchés publics américains, il devra s'agir de vraies avancées et non de proclamations officielles. On est très loin aujourd'hui du traité avec le Canada en ce qui concerne les discussions transatlantiques actuelles. De même, le Canada a reconnu de manière très importante les indications géographiques européennes. Quarante-deux nouvelles indications géographiques pour la France s'ajoutent aux indications géographiques qui avaient été reconnues dans les vins et spiritueux au début des années 2000. Beaucoup de vos pays ont obtenu des reconnaissances importantes dans ce domaine. Là aussi, le standard est très élevé pour les négociations en cours. Nous avons, s'agissant du traité avec le Canada, un problème qui concerne là aussi l'arbitrage – c'est le chapitre 33. Nous n'appelons pas à une réouverture des négociations puisque, sur le fond, l'accord nous semble bon, mais des évolutions devront prendre en compte la proposition française qui a été faite sur les règlements des différends qui a vocation à s'appliquer progressivement à tous les futurs accords de l'Union européenne.
Vous avez cité l'exemple de Vattenfall. Bien évidemment, cela n'a rien à voir avec l'ISDS américain puisqu'il n'existe pas aujourd'hui, mais cela a à voir avec l'ISDS puisque c'est un mécanisme d'arbitrage bilatéral qui a été négocié entre la Suède et l'Allemagne et qui permet aujourd'hui cette procédure. Nous sommes au coeur de la dérive de l'arbitrage, qui n'est plus simplement une protection des entreprises contre des décisions arbitraires, mais une attaque frontale contre des choix politiques souverains et démocratiques. C'est inacceptable. D'où le travail engagé sur ce point.
En revanche, je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il y a des enjeux de compétitivité très importants. C'est vrai dans notre pays où le Gouvernement mène une politique de réformes très ambitieuse, comme l'illustre l'actualité récente. Un travail très important a été réalisé au Parlement pour redresser l'économie, la faire monter en gamme, la rendre plus compétitive à l'international. Je le constate à chacun de mes déplacements : à chaque fois que la France est dans la montée en gamme et dans la qualité, elle remporte des marchés. Ses savoir-faire remportent l'adhésion partout dans le monde. Cet enjeu est très important. Il est vrai en partie à travers les négociations internationales et à travers les réformes que chaque pays doit mener.
J'en viens au Conseil de coopération réglementaire, sujet très important, comparable d'un point de vue politique, voire philosophique, à la question de l'arbitrage. Les mêmes questions se posent en matière de souveraineté, de respect de la démocratie. La France ne souhaite en aucun cas qu'il puisse y avoir dans ce traité un organe avec un pouvoir de décision, un pouvoir réglementaire ou un pouvoir législatif de quelque manière que ce soit. Qu'il puisse y avoir des concertations sur telle ou telle norme technique à ajuster : soit. Mais qu'il puisse y avoir le moindre pouvoir de décision, c'est inacceptable surtout lorsque l'on sait que certains voudraient que ce ne soit pas réciproque, que ce soit applicable à la partie européenne mais pas forcément à l'autre. Sur ce point, notre position est tout à fait claire.
La France, comme tous les États membres de l'Union européenne, considère qu'il s'agit d'accords mixtes. C'est aussi l'analyse du Conseil de l'Union européenne. Tous les États que vous représentez ont la même opinion. C'est un sujet fondamental qui nécessite une ratification au niveau national.
Le lien entre le traité transpacifique (TPP) et le traité transatlantique rejoint notre préoccupation en ce qui concerne la fragmentation de l'espace commercial mondial. Il nous semble que les différents États qui négocient le TPP ont davantage accès aux informations sur la négociation que ce n'est le cas en ce qui concerne le traité transatlantique. C'est un premier point de différence très important. Nous avons souvent l'occasion de le plaider. Cela prouve que l'on peut aller plus loin dans la transparence qui doit être octroyée. Il est probable que les choses aillent plus vite s'agissant de la négociation transpacifique, qui est beaucoup plus avancée et entre maintenant dans une phase décisive. Mais le risque de fragmentation et de concurrence entre les différentes négociations est très important et plaide en faveur du retour au multilatéralisme le plus rapidement possible.
Faut-il revoir le mandat de négociation ? Cela ne me semble pas indispensable. La proposition française, qui répond à toutes les objections et à tous les problèmes qui sont soulevés actuellement sur le règlement des différends, peut très bien être négociée par la Commission européenne dans le cadre du mandat tel qu'il existe aujourd'hui. En tout cas, c'est ce que nous souhaitons parce que c'est une proposition d'avenir et une proposition pour l'avenir.
La défense des services publics est un combat constant de la France et de nombreux pays européens. Vous savez que les services publics sont expressément exclus du champ des négociations transatlantiques. S'agissant du TiSA, les services publics sont protégés par une réserve qui est appliquée au principe du traitement national. Là aussi, c'est une constante de la position française mais aussi des négociateurs européens sur ces sujets.
Je vous remercie de m'avoir invité à cette réunion qui, je n'en doute pas, sera suivie par beaucoup d'autres travaux de votre part.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie, au nom de tous mes collègues, pour votre disponibilité et votre franchise. Vous avez répondu très clairement aux questions qui vous ont été posées. (Applaudissements.)
La séance est levée à 13 h 20