Séance en hémicycle du 27 juin 2014 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • adulte
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  • médiation
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  • secrétaire d’État
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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

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L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant (nos 1856, 1925).

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Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’article 17.

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Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 17.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, sans vouloir faire de provocation, j’ai l’impression que nous retrouvons avec l’article 17 les hauteurs béantes favorites de l’ère brejnevienne, pour faire référence à un excellent ouvrage que j’avais cité lors d’une séance précédente.

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L’article 17, dont les 2° et 3° me semblent superfétatoires – le 1° suffirait –, aborde la question de la médiation familiale. Quelles que soient les explications que vous m’avez données tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, je crains encore une fois que nous substituions à ce qui devrait être le déroulement normal d’une vie entre adultes des tentatives perpétuelles d’intervention extérieure, alors même que les magistrats, les psychologues et les médecins spécialistes existent déjà. J’ai toujours l’impression que l’on veut systématiquement maintenir en vie quelque chose qui n’est plus, et que nous légiférons, comme d’habitude, dans le domaine de la fiction. C’est pourquoi cet article 17 nous semble totalement superfétatoire.

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Nous continuons nos échanges sur la méditation familiale et, avec l’article 17, nous nous rendons compte qu’il peut y avoir une appréciation différente sur la manière d’engager cette médiation. Lorsqu’on veut trop formaliser les choses, on se heurte parfois à des contraintes, voire à des impasses.

Le fait d’enjoindre aux parents de recourir à une médiation pose un vrai problème : comment concilier injonction et médiation ? On peut comprendre qu’il faille parfois forcer un peu les choses, parce que le premier pas n’est pas évident,…

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…ou parce qu’on se rend compte que chacun veut rester sur ses positions. Il est donc normal de ne pas laisser pourrir une situation : la loi doit alors donner au juge la possibilité de forcer les parents à recourir à une médiation. Cela dit, l’injonction va sans doute trop loin : on peut craindre que la médiation soit engagée sous la contrainte, ou qu’elle soit considérée comme une corvée. Alors que la volonté des parties devrait être à la base de toute procédure de médiation, celle-ci risque d’être perçue comme une contrainte, comme un passage obligé.

S’agissant de la médiation familiale, nous pouvons nous retrouver sur les intentions, mais nous divergeons sur la manière de les décliner. À partir du moment où vous figez les choses, où vous voulez les faire passer sous les fourches caudines de la loi, la mise en oeuvre de ces principes devient beaucoup plus compliquée. C’est pourquoi cet article 17 suscite de nombreuses interrogations.

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Madame la rapporteure, je me félicite de l’adoption en commission de votre amendement visant à exclure la possibilité d’une médiation lorsque des violences ont été commises par l’un des parents contre l’autre parent ou contre l’enfant.

Les violences faites aux femmes sont des violences spécifiques, marquées, dans l’immense majorité des cas, par des phénomènes d’emprise qui faussent le consentement de la victime. Ces violences sont commises au sein du couple, donc dans un contexte compliqué où se mêlent des affects contradictoires. Autant dire qu’une procédure de divorce ne contribue pas à apaiser le comportement de l’auteur des violences. Si, dans ce cas particulier, nous laissions ouverte la possibilité d’une médiation, la victime serait sur un pied d’égalité avec la personne qui la tourmente, ce qui ne semble pas souhaitable. Elle serait alors soumise à l’équivalent d’un chantage affectif ; on lui enjoindrait de composer avec son conjoint violent, alors que tout notre droit positif tend heureusement à l’aider à s’en détacher. Dans ces cas-là, le divorce est plutôt dans l’intérêt de chacun, en particulier de l’enfant.

La médiation n’est jamais souhaitable en cas de violences faites au conjoint ou à l’enfant. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cet article tel qu’il a été adopté par la commission.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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Dans le cadre de la fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale, l’article 17 donne au juge des affaires familiales la possibilité d’enjoindre aux parents de participer à des séances de médiation familiale. Je veux à mon tour relever les avancées adoptées par la commission, qui a tenu à préciser que cette possibilité donnée au juge ne pouvait porter que sur une ou deux séances, au maximum – j’y reviendrai. Comme vient de le rappeler Mme Fabre, la commission a également adopté un amendement visant à écarter toute possibilité d’injonction de participer à des séances de médiation lorsque des violences ont été commises par l’un des parents sur la personne de l’autre parent ou de l’enfant. Globalement, nous ne sommes pas opposés à la médiation familiale, qui nous semble importante et utile.

Cependant, cette procédure a un coût : l’imposer à des familles qui n’ont pas forcément les moyens ne serait pas une bonne manière de les aider, mais sans doute une source de coûts et de dépenses supplémentaires.

Par ailleurs, l’efficacité de cet article semble limitée. En effet, il est proposé de donner au juge des affaires familiales la possibilité d’enjoindre aux parents de participer à une ou deux séances de médiation familiale : les résultats peuvent-ils apparaître au bout d’un laps de temps aussi court ? Cette mesure semble donc plutôt inutile. Aucun résultat ne peut être attendu : quel est l’intérêt de voter un nouvel article de loi s’il ne résout pas les problèmes rencontrés ?

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Les amendements nos 137 et 138 n’étant pas défendus, je vais mettre aux voix l’article 17…

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Rappel au règlement, monsieur le président : nous attendons des réponses aux questions que nous avons posées !

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Monsieur Breton, c’est au Gouvernement de décider s’il veut répondre : vous ne pouvez pas faire un rappel au règlement sur cette question.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour un vrai rappel au règlement.

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Je profite du fait que le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement nous ait rejoints pour souligner que nous avons exprimé une série d’interrogations sur l’article 17. Vous avez pu constater qu’il ne s’agissait pas du tout d’oppositions, mais de réelles interrogations. Nous souhaiterions donc que la secrétaire d’État chargée de la famille ou la rapporteure puisse nous éclairer sur le fonctionnement de ces mécanismes de médiation familiale. Dans le cas contraire, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement se rendra compte que le dialogue est obtus.

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Cher collègue, je vous rappelle que le règlement ne prévoit pas la possibilité d’inciter les membres du Gouvernement à intervenir. Ceux-ci s’expriment quand ils le souhaitent.

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Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

N’avez-vous pas expliqué que vous étiez opposé aux injonctions, monsieur Breton ?

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Nous avons sans doute besoin d’une médiation !

Sourires.

L’article 17 est adopté.

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Je souhaite aborder deux questions soulevées par ce type d’article.

Dans l’article précédent, nous faisons référence à un consensus. Dans certaines disciplines sont organisées des conférences de consensus. Le souci, c’est que ces conférences recherchent souvent le plus petit dénominateur commun : à terme, elles empêchent toute possibilité créative ou inventive. Le système du consensus ne permet pas forcément l’expérimentation ou le progrès.

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Nous évoquons là des questions ayant trait, fondamentalement, à la vie humaine et à la capacité pour des adultes de vivre ou de ne pas vivre ensemble.

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Souffrez, mon cher collègue, que l’opposition puisse s’exprimer. Ce n’est pas de l’arrogance : vous êtes parlementaire, et vous savez donc qu’il y a une majorité et une opposition. L’opposition fait son travail : elle s’exprime, elle défend ses points de vue et son éthique. J’ai toujours respecté mes collègues quand ils étaient dans l’opposition.

Ma deuxième question concerne, en quelque sorte, l’injonction thérapeutique. Celle-ci ne fonctionne pas, car nous parlons d’un domaine infiniment psychologique, celui d’un rapport défaillant entre deux adultes. Dans ma discipline, enjoindre à une personne de prendre rendez-vous avec M. Machin ou Mme Untel ne fonctionne pas. Ainsi, nous sommes en train de mettre en place un mode de fonctionnement qui fait entrer le corps social dans un domaine privé qui ne le regarde pas, si ce n’est quand doivent intervenir la justice – ce qui est, en l’occurrence, déjà le cas – ou la médecine, en cas de besoin. Nous sommes dans une sorte d’entre-deux qui pénètre la vie intime des couples et qui me semble, à terme, illusoire. Je le répète : cette mesure est d’essence totalitaire, non pas dans ses intentions, mais dans ses effets.

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L’article 18 prolonge l’article 17 : il donne au juge la même compétence dans le cadre des instances portant sur les modifications à apporter à une convention homologuée ou aux décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale. Dans ce cas, aujourd’hui, le code civil ne prévoit pas de recours à la médiation : le juge ne peut ni proposer cette procédure au couple, ni enjoindre à ce couple de participer à une réunion d’information ou, plus généralement, de s’informer sur les tenants et aboutissants de la médiation. Pourtant, plus que lors de la décision initiale prise au moment de la séparation du couple, la médiation peut être utile dans le cadre de l’application des décisions ou de la convention homologuée : au fur et à mesure que les enfants grandissent, il faut souvent revoir ces décisions, adapter les pensions alimentaires, modifier le temps d’accueil chez l’un ou l’autre des parents. Plus que lors de l’établissement de la convention, la médiation peut, davantage que le juge, jouer un rôle important à ces moments.

L’article 17 permet d’amener les parties à s’engager dans un processus de médiation afin de trouver un mode de résolution de leurs désaccords ou de leurs conflits. S’engager, monsieur Dhuicq, cela ne veut pas dire aboutir.

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De fait, la médiation ne consiste pas à laisser au médiateur la responsabilité de décider pour les parents : c’est le rôle du juge, lorsqu’il y a un désaccord total et que la médiation se solde par un échec, ou qu’elle n’est pas la solution – je pense notamment aux cas de violences intrafamiliales. Il ne s’agit pas pour le médiateur de prendre la décision à la place du couple, mais de travailler afin que le couple renoue le dialogue…

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J’ai compris ! Mais cela ne fonctionne pas.

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…et prenne une décision qui soit bénéfique pour l’enfant. Rappelez-vous les premiers articles de cette proposition de loi, qui disposent que l’exercice conjoint de l’autorité parentale passe par des décisions prises par les deux parents, que le couple soit séparé ou qu’il mène une vie commune. Tel est l’objet de l’article 17 – pardon, de l’article 18.

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Je réitère les interrogations que j’avais exprimées lors de la discussion de l’article 17 sur les contradictions potentielles entre médiation et injonction, entre un mécanisme qui nécessite un acte de volonté – même s’il ne fonctionne pas tout seul – et le dispositif prévu, qui pourrait être trop rigide.

Mais je veux poser une autre question, qui anticipe l’examen de l’amendement no 606  : ce dernier, qui sera présenté tout à l’heure par notre rapporteure, vise à compléter l’alinéa 2 par les mots : « sauf si des violences ont été commises par l’un des parents sur la personne de l’autre parent ou sur la personne de l’enfant », reprenant ainsi la formulation utilisée à l’article 17. Quel élément pourra prouver que ces violences ont été commises ? Les situations sont parfois compliquées : il peut y avoir des ressentis différents ou des choses cachées. Je sollicite donc un éclairage particulier de notre rapporteure sur la preuve de ces violences : passe-t-elle par un jugement, par une déclaration, par le dépôt d’une plainte ? Il est important que le mécanisme mis en place soit bien encadré, afin d’éviter que la procédure de médiation familiale soit engagée sur de mauvaises bases.

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L’article 18 pose le même problème que l’article 17 : il est donc inutile, à tel point que M. Binet s’est appliqué tout à l’heure à défendre l’article 17, alors que nous avions déjà entamé l’examen de l’article 18.

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Non, j’ai défendu l’article 18 : je me suis juste trompé de numéro !

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On l’avait compris.

Le recours à la médiation familiale peut être intéressant comme mode de règlement des conflits. Cependant, le procédé de l’injonction nous semble trop contraignant, d’autant que la charge financière de la médiation pèse sur les époux ou sur les parents concernés. La médiation a un coût et l’imposer à des familles qui n’ont pas forcément les moyens ne me semble pas une bonne manière de les aider, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure. Quel est donc l’intérêt de rédiger un nouvel article de loi, s’il ne résout pas les problèmes existants ?

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La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 606 .

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Cet amendement va répondre à la question qu’a posée M. Reiss. Concernant la médiation, nous ne faisons qu’offrir au juge la possibilité de proposer une ou deux séances. Évidemment, tous les conflits ne peuvent se résoudre en une séance. Toutefois, puisque la médiation repose sur un accord, on peut espérer qu’en donnant au juge le moyen d’être un peu insistant, cet accord soit trouvé. Dans le cas contraire, il convient d’abandonner l’idée de médiation, qui relève bien de la liberté du juge. Ce sont les médiateurs et les juges que nous avons auditionnés qui nous ont demandé de leur donner cette possibilité d’inciter et de contraindre les parents à participer à une séance de médiation. Sous l’impulsion de la délégation aux droits des femmes, pour rassurer tout le monde, nous avons posé des garde-fous, en excluant l’éventualité de la médiation en cas de violences.

Nous avons tout d’abord inscrit le principe de la médiation à l’article 16. Si nous avons prévu, à l’article 17, la possibilité pour le juge d’enjoindre aux parents de participer à une médiation, c’est, je le répète, à la demande des magistrats, qui nous ont indiqué que des parents reviennent parfois trois ou quatre fois devant le juge pour changer la date des vacances scolaires alors que, s’ils acceptaient de se parler, ils pourraient résoudre ce type de problèmes.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, pour donner l’avis du Gouvernement.

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Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Messieurs les députés de l’opposition, comme le disait ma grand-mère, j’ai parfois l’impression que vous cherchez les problèmes sous vos pieds.

Sourires.

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Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Nous voici arrivés aux articles 16, 17 et 18 sur la médiation familiale lesquels, depuis le début de l’examen de cette proposition de loi, étaient censés susciter un consensus quasi immédiat. M. Mariton qui était présent ce matin nous a même proposé de retirer les quinze articles précédents pour ne voter que sur ces trois-là. Et, même si je comprends vos interrogations sur certains détails, nous devrions trouver un accord autour de cet article, de son ambition et des moyens qu’il propose.

Le juge va en effet pouvoir enjoindre aux parents de participer à une ou deux séances de médiation, parce qu’il faut parfois pousser les gens pour qu’ils se parlent et qu’ils puissent élaborer ensemble des projets ou dédramatiser un certain nombre de sujets tenant exclusivement à l’exercice de l’autorité parentale. Une à deux séances de médiation peuvent suffire à évaluer s’il existe bien une volonté et une possibilité de se parler, sans enfermer des récalcitrants au dialogue dans un cadre dont ils ne veulent pas. D’après les évaluations qui ont été faites à partir des expériences menées dans plusieurs tribunaux, à Arras et à Bordeaux notamment, et les travaux du juge Juston, une ou deux séances de médiation peuvent être efficaces. Ce recul nous permet d’être optimistes sur la capacité de cette injonction à débloquer des situations. Vous pouvez donc sereinement envisager de voter cet article.

Concernant l’amendement no 606 , vous souleviez, je le comprends, la question de la souplesse de la formulation. Nous aurions en effet pu ajouter : « en cas d’ordonnance de protection » ou « en cas de condamnation ». Seulement, la question de la médiation se pose après la séparation et avant le divorce : il peut donc y avoir des actions qui sont en cours. C’est pourquoi, il reviendra à la femme – c’est elle qui est le plus souvent victime – de dire au juge qu’elle a été victime de violences et celui-ci évaluera, indépendamment d’une condamnation ou d’une ordonnance de protection, si la violence, qui peut aussi être psychologique, est de nature à empêcher la médiation.

Il envisagera également si, dans une situation de violence, imposer une médiation ne risquerait pas de remettre la victime dans une situation de fragilité et de vulnérabilité par rapport à l’auteur des violences. Nous donnons au juge une grande marge d’appréciation. Peu importe que l’on ne fasse pas appel à la condamnation ou à l’ordonnance de protection, car cela n’entraîne aucune autre condamnation : en cas de violence, le juge rejette la médiation.

Je suis donc favorable à cet amendement qui complétera utilement l’article 18, lequel est au centre du projet, puisque c’est le dialogue entre les parents autour de l’enfant qui structure toute cette proposition de loi. Je vous invite à nous retrouver derrière cet amendement.

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Madame la ministre, mes interrogations sont encore plus profondes que celles de mes collègues. Quelle est cette société où les adultes sont devenus si immatures que, pour chaque acte de la vie ou chaque conflit, il faut une négociation ou l’intervention d’un tiers ? Jusqu’où irons-nous au service de ces adultes infantilisés ? Allons-nous créer de plus en plus de médiation dans tous les sens et dépenser des sommes considérables pour maintenir ce qui n’est plus et résoudre des conflits qui peuvent l’être d’une autre manière ?

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Il existe un texte de loi, des magistrats et des professionnels de santé, si cela est nécessaire. Je ne sais pas ce qu’est le travail d’un médiateur, je ne sais pas quelles sont ses compétences et j’ai l’impression que l’on dépense inutilement de l’argent public, alors que les Français ont d’autres préoccupations. Certes, vous êtes animés de bonnes intentions, mais qui veut faire l’ange fait la bête ! Nous sommes en train d’empêcher les adultes de ce pays de devenir des adultes libres et responsables. À chaque fois qu’ils vont être confrontés à une difficulté, allons-nous avoir recours à la médiation ? Quel est ce monde où systématiquement les adultes ne seront pas responsabilisés ni confrontés à leur propre finitude ? La raison essentielle pour laquelle vous défendez la médiation, c’est que vous avez détruit le système familial sur lequel la société était fondée. Ce système autorisait l’existence de personnes hors de lui-même, et cela avec un aspect proprement révolutionnaire. Celui qui n’est pas dans la norme est utile à la société, parce que c’est lui qui lui permet de bouger et de questionner la majorité. Nous sommes dans une dérive dont on ne se rend pas compte et qui est totalement délirante.

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Et vous, avez-vous pensé à votre propre finitude ?

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Madame la secrétaire d’État, nous continuons notre travail ! Nous obtenons des réponses sur cet article et menons un échange : il est dommage que nous n’ayons pu le faire sur les quinze premiers. J’entends la difficulté de la rédaction pour déterminer le critère de violence et pour empêcher l’injonction de médiation familiale dans les cas de violences. Cela dit, la rédaction telle qu’elle nous est proposée aujourd’hui ne prévoit pas d’appréciation du juge. Il est indiqué « sauf si des violences ont été commises ». Le juge ne peut que constater que des violences ont été commises. Nous aurions pu écrire « ont pu être commises », par exemple, or là, le juge devra dire s’il y a ou non eu des violences.

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Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Non !

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Marie-Anne Chapdelaine et , rapporteure

Non !

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La rédaction est assurément difficile. Ne pourrions-nous pas continuer à travailler sur ce point ambigu pendant la navette ? Il sera en effet demandé au juge de constater que des violences ont été commises, mais pas d’apprécier si cela a été le cas,…

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Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Vous vous trompez !

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…car il faudrait en ce cas une autre formule. Je suis prêt à vous entendre sur ce point, madame la secrétaire d’État.

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J’ai l’impression que nous ne parlons pas des mêmes choses. Pour nous, la médiation ne vise pas à tout régler des problèmes d’un couple. Nous souhaitons simplement que ce temps de médiation soit consacré à une réflexion autour de la parentalité après la séparation. Certes, monsieur Dhuicq, ce stade peut être évité. Mais n’avez-vous pas l’habitude de voir ces victimes dont vous nous parlez, qui sont si souvent les enfants, devoir un jour consulter pour des traumatismes faisant suite à la séparation ? La médiation vise à rappeler aux parents qu’ils resteront parents et qu’ils ne divorceront pas de leurs enfants.

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Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Il y a effectivement un léger malentendu. Le juge va évaluer dans un premier temps s’il enjoint au couple de prendre part à une ou deux séances de médiation ou non. Parmi les éléments qui lui permettront de se forger un jugement et de prendre sa décision, il y aura les faits de violence commis antérieurement que l’un des parents pourra faire valoir. Le juge ne dira pas qu’il y a eu violence, mais il entendra l’un des parents le dire et déduira de ce propos s’il peut ou non prononcer une injonction pour la médiation. Ce n’est qu’un élément dans la décision du juge, mais cela n’aura aucune conséquence sur la détermination de faits de violence, au regard du droit pénal.

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Monsieur Dhuicq, je ne crois pas que l’intervention d’un médiateur puisse être jugée intrusive, dans la mesure où l’intervention d’un tiers dans le règlement des conflits est un principe de raison dans les relations humaines.

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Cela vaut dans les conflits internationaux ou dans les relations entre les entreprises, pour favoriser le dialogue. Il ne peut pas y avoir de construction sociale apaisée qui ne repose sur un dialogue et un débat argumentés, avec des points de vue, des intérêts, mais aussi des représentations symboliques des uns et des autres, qui pèsent très fortement, a fortiori dans la vie des familles, où sont en jeu des enfants, des biens et toute une représentation de soi ainsi qu’une projection commune. Lorsque cela n’est pas régulé, de la violence peut surgir. L’amendement de Mme la rapporteure cherche précisément à prémunir les victimes contre cette violence. De manière générale, on ne peut pas renvoyer la question à la seule interprétation par un juge, sans débat préalable, ni même à une vision médicalisée des problèmes sociaux.

J’entends bien ce que vous dites, monsieur Dhuicq : qu’il y a la justice et la médecine. Nous n’allons pas engager les rapports de couples et les rapports entre individus dans une vision psychiatrique de la société : le dialogue est aussi utile. Faire reposer les solutions potentielles des conflits entre individus sur la raison et sur la compréhension mutuelle de ce qui est en jeu, y compris de la part de pouvoir au sein des familles, cela passe nécessairement par une verbalisation. Après des années de travail avec des corps de métiers très différents – des éducateurs, des éducateurs spécialisés, des accompagnateurs ou même des avocats –, je peux vous assurer que ce sont autant de métiers qui jouent pleinement leur rôle de médiateur et qui ont une grande utilité dans des conflits ô combien modernes.

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S’agissant de l’appréciation du juge, madame la secrétaire d’État, l’exposé sommaire indique que l’amendement vise à écarter « [… ] toute possibilité d’injonction de participer à des séances de médiation [… ] ». Cela veut dire que la compétence du juge sera liée, celui-ci ne pouvant engager le mécanisme de la médiation, alors qu’il ne suffit pas qu’une personne dise que des violences ont été commises pour que ce soit effectivement le cas. J’entends bien que la rédaction de cet amendement n’est pas aisée, mais elle n’est pas satisfaisante en l’état parce que le juge n’aura aucun pouvoir d’appréciation. On peut l’améliorer – vous savez que sur ces questions, l’on peut travailler de manière constructive.

L’amendement no 606 est adopté.

L’article 18, amendé, est adopté.

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Je suis saisi d’un amendement, no 617 , portant article additionnel après l’article 18.

La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le soutenir.

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Je rejoins l’avis exprimé par divers collègues : l’intervention d’un tiers dans un conflit permet toujours de faire avancer les choses, et c’est pareil pour la médiation. Alors qu’au Québec, entre 2001 et 2006, 22 % des couples ont eu recours à des services de médiation, aboutissant dans 82 % des cas à une entente, on n’excédait malheureusement pas en France 3,6 % de recours à la médiation en 2009. Pourtant, il y a consensus sur le fait que ces phases de dialogue contribuent à pacifier les conflits entre les ex-conjoints et donc aident à résoudre des difficultés parfois extrêmement douloureuses, surtout pour les enfants.

Pour favoriser cette solution, plusieurs pays ont non seulement eu recours à des campagnes de communication importantes, mais aussi et surtout fait montre de volontarisme dans leurs politiques. Ainsi, ont été mis en place des réseaux de formation ou encore un accompagnement financer de la médiation. Le seul reproche que je peux faire à ce texte, c’est qu’on a trop peu d’éléments sur cet aspect financier du dispositif, qui me paraît pourtant essentiel : en effet, on voit bien qu’aujourd’hui la formation des médiateurs est insuffisante…

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Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Mais non ! Leur formation est suffisante !

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…et qu’ils sont trop peu nombreux. Ce dernier aspect est, lui aussi, très important, comme le rapport Juston le rappelle dans ses conclusions.

Le rapport Juston démontre également l’impact des conflits familiaux dans le domaine judiciaire au vu du nombre de procédures, mais aussi dans les domaines économique et social : arrêts de travail, dépressions et pertes d’emploi pour les parents, échecs scolaires, maladies et délinquance pour les enfants. C’est pourquoi il préconise un investissement fort dans la prévention et donc dans la médiation.

Aussi cet amendement propose-t-il que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le fonctionnement de la médiation, ce qui permettra d’assurer la continuité dans l’application de cette loi et d’amorcer un travail sur le développement de la médiation familiale en France.

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Madame la députée, il ne faut pas m’en vouloir… mais je rappelle qu’à la commission des lois s’applique la jurisprudence Urvoas : « Jamais de rapport ! » (Sourires.)

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Ma réponse peut vous paraître lapidaire, mais je note aussi que nous disposons déjà de plusieurs rapports sur le sujet – je pense non seulement au rapport Juston, mais aussi au rapport Durand. L’avis est par conséquent défavorable.

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Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Madame Pompili, je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à la formation des médiateurs familiaux, mais je vous rappelle que celle-ci est de 600 heures, l’équivalent de deux ans de formation. On ne peut pas dire qu’elle soit insuffisante. Qu’il reste d’autres questions à creuser concernant l’exercice de cette profession, c’est vrai : la capacité pour d’autres professions d’accéder à ce métier – j’en ai longuement parlé avec l’organisation professionnelle des médiateurs – et la densité qui varie selon les zones géographiques. Mais, encore une fois, je peux vous affirmer que c’est une bonne formation.

En ce qui concerne le rapport que vous demandez, je précise que les services de la chancellerie, les miens et les CAF, qui interviennent dans le financement de la médiation pour aider les familles à proportion de leurs ressources, suivent et évaluent ses effets. Les trois expérimentations en cours font déjà l’objet d’une évaluation. Nous allons continuer à suivre l’évolution du dispositif, ne serait-ce justifié que par l’engagement financier des CAF.

Indépendamment de la jurisprudence Urvoas – à laquelle je me plie car je respecte le Parlement –, je crois qu’il n’est donc pas utile d’inscrire dans la loi la remise d’un rapport sur le sujet. Avis défavorable.

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Cette proposition de rapport soulève pour moi deux questions.

La première, c’est qu’à chaque fois que l’on vote une loi, on demande un rapport. Il y a donc une inflation de documents papier – tout à fait contradictoire d’ailleurs avec le développement durable, sujet cher à quelques-uns.

Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

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Personne ne lit les rapports, ils sont beaucoup trop nombreux et je pense que le président Urvoas a pris une décision tout à fait sage.

Deuxièmement, je constate un glissement sémantique tout de même intéressant dans l’exposé sommaire : l’emploi du mot « prévention ». Loin de moi l’idée de vouloir psychologiser ou même psychiatriser les choses, on en fait beaucoup trop dans ce domaine, mais je rappelle qu’il y a un pays, très à l’ouest du nôtre, qui s’est mis en tête de prévenir certains comportements ou la survenue de certaines pathologies, de sorte qu’on a aujourd’hui une flopée de jeunes Américains mis sous traitement de manière totalement inadaptée. C’est pourquoi l’emploi du terme « prévention » m’inquiète. Avant même que la blessure ne soit survenue, vous voulez soigner le malade ; avant même que le conflit ne survienne dans un couple, vous voulez l’empêcher. Je ne sais pas en quoi consisterait cette prévention, mais une telle perspective m’inquiète terriblement…

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Étiez-vous en désaccord avec le président Sarkozy sur le dépistage des enfants de moins de trois ans ?

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…parce que cela me rappelle certains ouvrages de science-fiction.

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Pour une fois, je vais être en contradiction avec mon collègue Dhuicq. Je suis favorable à cet amendement parce que autant je me méfie des rapports – on en promet souvent faute de prendre une décision, pour faire plaisir à tel député, et je rejoins la position du président de la commission des lois sur leur inutilité en ce cas –, autant ici c’est différent puisqu’il serait intéressant d’avoir un retour quand l’on décide de conforter un système aujourd’hui quelque peu balbutiant. Il ne s’agit pas d’éluder une question par la demande d’un rapport mais, bien au contraire, de se l’approprier complètement.

De plus, je me retrouve tout à fait dans les interrogations soulevées dans le troisième paragraphe de l’exposé sommaire, lequel indique toutes les conséquences des conflits familiaux en termes judiciaires, avec l’augmentation du nombre de procédures, mais aussi en termes économiques et sociaux, qu’il s’agisse des arrêts de travail, des dépressions, des pertes d’emploi, du coût très élevé supporté par les enfants à travers l’échec scolaire, les maladies, les problèmes psychologiques, la délinquance. Ces sujets sont réels et il est important de prendre en compte toutes ces conséquences, sur lesquelles nous devons travailler en amont quand la structure familiale est mise à mal parce qu’on sait qu’il vaut mieux des situations familiales stables. Nous divergerons sans aucun doute sur un autre sujet – je vois ma collègue Pompili qui s’apprête à exprimer son désaccord –, mais au vu du troisième paragraphe et parce qu’il me semble important de demander un rapport pour avoir un retour sur les mesures mises en oeuvre pour un mécanisme que l’on veut conforter, je voterai à titre personnel pour cet amendement.

L’amendement no 617 n’est pas adopté.

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Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 19.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

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Me vient à l’esprit un cas tout à fait concret : je pense à des personnes qui ne sont pas mariées, dans un conflit extrêmement lourd à gérer, la mère demandant à l’enfant de venir avec elle rencontrer son avocat, et le père faisant en conséquence de même… Cet article, motivé par de bonnes intentions, aura à terme des effets redoutables. Il s’inscrit, lui aussi, dans une vision qui consiste à prendre les enfants pour des adultes qu’ils ne sont pas encore et à empêcher les adultes de prendre leurs responsabilités de parents, une vision qui consiste à mettre au même niveau l’enfant et l’adulte.

C’est une position extrêmement angoissante pour les enfants. Certes, il y a des domaines dans lesquels ils peuvent recevoir une explication de leurs parents, en fonction de leur âge et de leur capacité. À propos des non-dits, je recommande à tout le monde, pour se distraire un peu, la lecture de Tintin et les secrets de famille, par Serge Tisseron, c’est la meilleure explication sur ce sujet et très amusant ; vous pouvez compléter avec Roy Lewis et son livre Pourquoi j’ai mangé mon père, excellente lecture. Mais je trouve que ce type d’articles crée un véritable danger en mettant les enfants dans une position qui n’est pas la leur. Les enfants ne sont pas des adultes. Qu’ils soient entendus si nécessaire, oui ; mais on va ici trop loin, les mettant dans une position qui sera très difficile à terme pour eux. Cet article s’inscrit tout à fait dans l’esprit de ce projet de loi et de notre société qui met les enfants dans une position qui n’est pas la leur.

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Vous avez raison d’une certaine façon, monsieur Dhuicq : les enfants ne doivent pas être partie au conflit de leurs parents. Durant nos auditions, je pense notamment à celles que Marie-Anne Chapdelaine a menées dans le cadre d’un groupe de travail qu’elle a animé pendant plusieurs mois, nous avons entendu plusieurs propositions en faveur du droit des enfants de seize ans révolus de saisir directement le juge aux affaires familiales sur les décisions les concernant. Nous les avons refusées parce que nous considérons que le mineur, quel que soit son âge, n’est pas partie au conflit de ses parents.

En revanche, il est souvent l’objet du conflit, et l’objet des décisions du juge aux affaires familiales, et il est de ce fait parfois nécessaire que le magistrat puisse l’entendre, quel que soit son âge. Ce dernier point est la nouveauté de l’article 19. Aujourd’hui, l’article 388-1 du code civil, qui prescrit les conditions du recueil de la parole de l’enfant dans des procédures le concernant, prévoit que celui peut être entendu par le juge lorsqu’il est « capable de discernement ». Qu’est-ce que la capacité de discernement ? À cette question, les juges répondent différemment ; y compris au sein du même tribunal de grande d’instance, les réponses varient : certains fixent comme critère l’entrée au collège, d’autres l’âge de treize ans – critère prévu d’ailleurs dans le code civil pour d’autres situations, par exemple pour le consentement à l’adoption. Il faut harmoniser tout cela.

La défenseure des enfants a proposé à de multiples reprises, et nous l’a réitéré en audition, la présomption de discernement dès lors que l’enfant demande à être entendu. Nous n’avons pas fait ce choix, mais nous partageons complètement cette opinion sur le fond, qui a été relayée par nombre des personnes auditionnées, y compris par beaucoup de professionnels du droit. C’est pourquoi notre commission propose à cet article la suppression du critère de capacité de discernement. C’est une disposition extrêmement importante car le juge pourra ainsi entendre directement l’enfant, ou le faire entendre s’il est trop jeune ou s’il l’estime nécessaire pour une autre raison. Il recueillera sa parole selon son degré de maturité et pourra refuser d’entendre l’enfant si tel n’est pas son intérêt – par exemple, si celui-ci veut être entendu sur un conflit qui ne concerne que ses parents.

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On sait que le droit actuel en matière de prise en compte de la parole de l’enfant prévoit que le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge ou par une personne désigné par lui. L’article 19 prévoit l’audition des mineurs en fonction de leur niveau de maturité. Mais reconnaissez que la notion de maturité n’a pas, elle non plus, de définition précise et qu’elle pourrait être interprétée différemment selon les magistrats, auxquels il sera toujours loisible d’appliquer un critère d’âge comme aujourd’hui.

D’ailleurs, la notion de discernement est utilisée dans les conventions internationales sur les droits de l’enfant : pourquoi vouloir s’en affranchir ? Bien sûr, les juges l’interprètent au cas par cas, mais cela n’en demeure pas moins un terme faisant l’objet d’un consensus.

L’article 19 est donc source de confusions en raison de ses interprétations possibles.

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L’argumentation de M. Binet ne nous a pas tout à fait convaincus. Alors que l’article 388-1 du code civil fait effectivement de la capacité de discernement du mineur une condition préalable à son audition par le juge, la rédaction proposée par l’article 19 prévoit qu’il doit désormais être entendu selon des modalités adaptées à son degré de maturité, sans que l’exposé des motifs de la proposition de loi ne nous indique les effets juridiques d’une telle modification. M. Breton a parfaitement raison de dire que cette notion de degré de maturité n’est pas clairement définie. De notre point de vue, cette disposition est donc inutile – à moins de considérer que les juges n’entendent pas les mineurs selon des modalités adaptées à leur degré de maturité.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 17 et 308 .

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 17 .

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 308 .

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Nous proposons la suppression de l’alinéa 2 de l’article 19, afin de conserver, dans le texte de l’article 388-1 du code civil, la mention : « capable de discernement ». En effet, cette précision assure la conformité du droit français avec la Convention internationale des droits de l’enfant, dont l’article 12 stipule : « Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. »

« À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. »

On le voit, si la Convention prévoit la prise en compte du degré de maturité et de l’âge de l’enfant pour déterminer les conditions de l’audition, la décision d’y procéder, elle, doit être arrêtée en fonction de ses capacités de discernement. Les dispositions de l’article 19 sont donc contraires au droit international. En outre, en laissant la place à de nouvelles interprétations, elles ne règlent aucun problème.

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Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

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Avis défavorable. Les conventions internationales octroient un certain nombre de droits aux enfants capables de discernement. Nous, nous allons plus loin, en affirmant que tout enfant souhaitant être entendu doit l’être.

En application des dispositions actuelles du code civil, certains enfants seront entendus dès sept ans, et d’autres à onze ou à treize ans. Nous voulons donc permettre au juge d’entendre tout enfant qui en fait la demande, mais comme une telle règle peut être plus compliquée à appliquer pour des enfants de quatre ans, par exemple, nous prévoyons des modalités adaptées.

Nous avons ainsi assisté, à Caen, à une expérience dans laquelle des médiateurs recueillaient la parole de l’enfant avant de la transmettre au juge. L’intermédiaire pourrait également faire partie du corps médical – un pédopsychiatre, par exemple. Quoi qu’il en soit, nous donnons ainsi au juge la possibilité de se faire assister.

Mais les juges nous l’ont dit : dans certaines circonstances, il est préférable de ne pas entendre l’enfant. C’est pourquoi l’alinéa 8 prévoit la possibilité d’y renoncer.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Personne ne nie que l’audition d’un enfant dans le cadre d’une procédure le concernant – par exemple au sujet de sa résidence ou de l’exercice de l’autorité parentale – pose un problème complexe. Ce que l’on observe, c’est que la rédaction actuelle du code civil n’incite pas particulièrement les juges aux affaires familiales à entendre les enfants. La parole de l’enfant n’est donc pas systématiquement, ni même majoritairement sollicitée ou prise en compte : il existe une réticence, une peur, une crainte de manquer des outils adéquats. C’est pourquoi l’article 19 prévoit de montrer d’un cran en passant d’une simple faculté à un devoir. En outre, il se réfère au degré de maturité de l’enfant plutôt qu’à son discernement, une notion certes utilisée dans la Convention des droits de l’enfant, mais compliquée à interpréter.

L’audition est effectuée selon des modalités adaptées au degré de maturité de l’enfant, ce qui signifie que le juge peut faire appel à un médiateur – un psychologue, par exemple – susceptible d’offrir à l’enfant un cadre d’expression.

De toute façon, nous aurons à nouveau ce débat l’année prochaine, lorsque sera évaluée la façon dont la France respecte la Convention internationale des droits de l’enfant. Nous nous apercevrons alors que notre pays n’est pas très bien noté en ce domaine, et que nous restons réticents à entendre les enfants.

À titre personnel, et même si la position de la rapporteure et de la chancellerie me convient, je trouve qu’un enfant d’au moins douze ans devrait pouvoir saisir le juge si, à l’issue d’une procédure de séparation, il souhaite résider avec l’un de ses parents plutôt qu’avec l’autre. Bien sûr, nous n’en sommes pas là, et disant cela, je m’écarte de l’objet de l’amendement. Mais j’estime que nous restons extrêmement timorés sur ce sujet. Nous sommes en effet influencés par la Déclaration des droits de l’homme et par les Lumières, qui déniaient aux femmes, aux enfants et aux fous la faculté de raison. C’est un héritage dont nous avons du mal à nous émanciper.

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Il existe justement une différence entre « discernement » et « maturité ». Dans la notion de discernement se trouve l’idée que l’enfant, le préadolescent ou l’adolescent concerné a la capacité de séparer les choses, de les organiser, de les trier. Il peut faire la part entre ce qui lui appartient en propre et ce qui appartient aux adultes qui l’entourent. Le terme de maturité, lui, renvoie à une conception tout à fait différente.

De plus, j’entends déjà Mme la secrétaire d’État fixer des limites d’âge, ce qui me paraît extrêmement dangereux : c’est oublier – comme a l’habitude de le faire le système scolaire français – que chaque enfant peut avoir un rythme de croissance totalement différent.

Je ne suis d’ailleurs pas sûr que tous les adultes, dans cette salle, fassent toujours preuve de maturité : cela dépend de l’heure, des circonstances ou de leur consommation d’alcool, par exemple. Les séances de questions au Gouvernement peuvent ainsi donner aux enfants des exemples de l’immaturité dont font parfois preuve les adultes.

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Pas seulement lors de ces séances : cela peut arriver en d’autres occasions !

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Il me semble donc plus sage de recourir au terme « discernement », et c’est pourquoi je suis favorable à la suppression de l’alinéa 2 de l’article 19.

En ce qui concerne la parole de l’enfant, elle pose évidemment un problème technique majeur. En effet, avant un certain âge, et dans ses rapports avec l’adulte, l’enfant n’a pas accès à la verbalisation pour exprimer ses sentiments et sa vision des choses. Et d’un point de vue psychique, il est totalement dépendant de ses parents, et en particulier de sa mère, qu’on le veuille ou non – du moins dans un premier temps. C’est un nouvel exemple de la volonté absurde de faire que le culturel prenne le pas sur la nature.

L’expression « discernement », beaucoup plus précise, laisse au magistrat la liberté d’apprécier le degré de développement de l’enfant et de décider de l’entendre si le besoin s’en fait sentir.

Les amendements identiques nos 17 et 308 ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 18 et 310 .

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement no 18 .

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On a pu reprocher au juge de n’apprécier le discernement qu’en fonction de l’âge de l’enfant – Mme la rapporteure y a fait allusion. En réalité, avec la notion de « maturité », on risque de se heurter au même écueil. Nous proposons donc de préciser que l’enfant est entendu selon des modalités adaptées non seulement à son degré de maturité, mais aussi à son âge. Ce serait un moyen d’affirmer plus clairement que le seul critère de l’âge de l’enfant ne suffit pas à déterminer son degré de maturité.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 310 .

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Je m’interroge sur les propos de Mme la secrétaire d’État, qui souhaiterait voir reconnaître le droit de l’enfant de s’exprimer au sujet de situations qui le concernent.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

J’admets toutefois que c’est compliqué !

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Nous avons également la responsabilité de les protéger, parce qu’ils peuvent être soumis à des pressions.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

C’est vrai !

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Nous ne sommes pas, en effet, dans un monde idéal où il suffit de donner la parole à l’enfant pour qu’il puisse s’exprimer librement.

Or selon moi, et tel qu’il est prévu, le dispositif de l’article 19 ne protège pas suffisamment l’enfant. La notion de « discernement », elle, offre cette protection, car elle permet au juge de vérifier la sincérité de la démarche de l’enfant.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

La plupart du temps, il ne l’entend pas !

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Quant au degré de maturité, il n’est prévu de l’apprécier que pour définir les modalités de l’audition, et non son opportunité, puisque selon vous, l’enfant doit être systématiquement entendu. Or le fait même d’effectuer cette audition peut être une source de perturbation pour l’enfant. Il n’est pourtant prévu aucun mécanisme susceptible – à titre exceptionnel, je le précise – de l’empêcher.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Ne pas être entendu peut aussi être une source de perturbation pour l’enfant !

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Tout à fait. Il faut donc peser le pour et le contre et ne pas espérer que cette nouvelle rédaction va changer les choses. Au contraire, j’ai peur qu’en voulant voir l’enfant plus adulte qu’il ne l’est, …

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…on ne l’expose à des pressions de la part d’un parent. Et entre la liberté de l’enfant et sa protection, j’aurais tendance à privilégier cette dernière. Mais c’est un choix qui relève d’une conviction personnelle.

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Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

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Avis défavorable car, comme je l’ai déjà dit, nous avons pris le pari d’entendre la parole de l’enfant. Cela étant, vos réticences font écho à nos propres réflexions. C’est pour cette raison que nous avons consulté des professionnels de l’enfance – dont Marie Derain, adjointe défenseure des enfants auprès du Défenseur des droits – et que nous avons pris certaines garanties. Ainsi, le juge peut refuser d’entendre l’enfant s’il estime que c’est dans son intérêt. De même, l’enfant peut refuser d’être entendu, mais dans ce cas, le juge doit apprécier le bien-fondé de ce refus. Enfin, afin que le juge ne soit pas submergé par les demandes d’auditions de la part d’enfants de tous âges, nous avons également pris la précaution de prévoir qu’ils puissent être entendus par d’autres personnes.

Nous avons donc fait un choix, conformément à ce que dit le droit international sur la parole de l’enfant, mais nous l’avons assorti de garanties.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Avis défavorable.

Les amendements identiques nos 18 et 310 ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 607 .

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Favorable.

L’amendement no 607 est adopté.

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La parole est à M. Erwann Binet, pour soutenir l’amendement no 565 .

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Cet amendement ne tend pas à modifier le droit positif, mais à élever au rang législatif une disposition d’ordre réglementaire, celle de l’article 388-12 du code de procédure civile, selon laquelle la parole de l’enfant fait l’objet d’un compte rendu.

Ce compte rendu doit être versé au dossier et soumis au respect du contradictoire, ce qui peut poser des problèmes.

Nous avons vu cela lors des auditions, nous l’avons entendu dire à de nombreuses reprises. Les pratiques des juges diffèrent, et on a entendu certains nous exposer que des magistrats tiraient de cette audition un procès-verbal. C’est extrêmement gênant, dans la mesure où les parents ont, de ce fait, connaissance de la moindre parole que les enfants peuvent prononcer sur la situation qu’ils vivent dans leur famille.

Le droit ne parle pas de procès-verbaux. Certains magistrats en rédigent pourtant, qui font office de comptes rendus d’audition. D’autres font des comptes rendus oraux.

Nous souhaitons donc, madame la secrétaire d’État, rappeler, sans changer les normes applicables mais en les élevant au rang législatif, que l’audition de l’enfant fait l’objet non d’un procès-verbal mais d’un compte rendu dont la rédaction et l’utilisation potentielle par les parents doivent être considérées avec la plus extrême attention.

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La commission demande le retrait de cet amendement.

Il existe tout un régime de l’audition de l’enfant, qui l’objet d’un titre entier du code de procédure civil, riche de douze articles. Il ne me paraît donc pas opportun de dépecer ce régime cohérent et auquel sa nature réglementaire confère une indéniable souplesse. Il peut ainsi faire l’objet d’adaptations lorsque la pratique en fait apparaître le besoin. Je ne crois donc pas opportun de retirer tel ou tel article du champ réglementaire pour le faire entrer dans la loi.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Monsieur le député, je vais juste vous lire l’article 338-12 du code de procédure civile : « Dans le respect de l’intérêt de l’enfant, il est fait un compte rendu de cette audition. Ce compte rendu est soumis au respect du contradictoire. » Vous avez donc totalement raison, et toute votre argumentation est fondée, mais ce que vous proposez par amendement figure déjà dans le code de procédure civile et s’applique déjà aux espèces que nous étudions. Je vous suggère donc de retirer cet amendement.

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Je le retire mais le problème est précisément que les magistrats entendent aujourd’hui ces règles de manière différente. Je pense, madame la secrétaire d’État, qu’il serait judicieux de leur rappeler, dans les circulaires que vous-même et peut-être Mme la garde des sceaux ne manquerez pas de publier pour appliquer ce texte, que l’audition fait l’objet d’un compte rendu et non pas d’un procès-verbal.

L’amendement no 565 est retiré.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 519 .

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Défavorable.

Le sujet que vous abordez, monsieur le député, est un sujet de droit pénal particulièrement grave et sérieux. C’est pourquoi il ne me paraît pas judicieux de le traiter au détour d’un simple amendement qui ne rentre dans le champ d’aucun des quatre chapitres de la présente proposition de loi. Je vous propose donc de le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

On ne peut effectivement traiter un tel sujet ainsi, par voie d’amendement, en fin de texte.

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Je remercie la rapporteure de reconnaître qu’une vraie question se pose, sur laquelle nous aurons à travailler. Je retire donc l’amendement.

L’amendement no 519 est retiré.

L’article 19, amendé, est adopté.

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La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement no 616 , portant article additionnel après l’article 19.

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Je défendrai conjointement les amendements nos 616 et 614 , si vous le voulez bien, monsieur le président.

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Tout à fait, chère collègue. Je suis effectivement également saisi d’un autre amendement portant article additionnel après l’article 19, no 614, que vous pouvez défendre en même temps que l’amendement no 616 .

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Ces amendements portent sur l’aspect droit des enfants de la proposition de loi, qu’il nous semble nécessaire de développer. Ils reprennent des propositions du groupe de travail sur les droits de l’enfant présidé par le magistrat Jean-Pierre Rosenczveig, qui avait rédigé un rapport en vue de la loi famille. Entre autres nombreuses propositions, le groupe de travail souhaitait que les enfants aient plus de droits dans les procédures qui les concernent.

Aujourd’hui, un enfant de treize ans peut aller en prison. Sa majorité sexuelle est fixée à quinze ans. Il peut travailler à seize ans, et même à quinze ans s’il est en apprentissage, voire quatorze dans certaines conditions. Il peut conduire un véhicule dès seize ans. Il est donc temps d’aligner le statut civil sur le statut pénal et de renforcer les droits de ceux qui, s’ils ne sont pas encore des majeurs, ne sont plus tout à fait des enfants. C’est pourquoi ces deux amendements, directement tirés du rapport Rosenczveig, ont pour objet de faire en sorte qu’un enfant de quinze ans puisse être mieux entendu dans les affaires qui le concernent, qui concernent sa garde.

Il est bien sûr toujours délicat, pour un mineur, de prendre part aux affaires qui concernent ses parents. Il nous faut éviter deux écueils. D’une part, il faut éviter l’instrumentalisation des enfants par les parents. D’autre part, il faut éviter de forcer un enfant à intervenir sur un sujet dont il veut se protéger ou dont il doit être protégé. C’est pourquoi nous proposons un seuil d’âge suffisamment élevé.

Il s’agirait, par l’amendement no 616 , de donner à ces enfants de plus de quinze ans la possibilité de saisir eux-mêmes le procureur, afin qu’ils puissent éventuellement saisir le juge pour statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, comme des tiers peuvent déjà le faire, qu’ils soient ou non parents. Le filtre du procureur nous semble une garantie importante.

Quant à l’amendement no 614 , il vise à ce que le juge des affaires familiales prenne en compte l’adhésion de l’enfant de plus de quinze ans aux modalités de sa prise en charge. Actuellement, le juge ne prend en compte que les sentiments exprimés par l’enfant, quel que soit son âge. C’est manifestement insuffisant pour les enfants les plus âgés, assez matures pour avoir un droit de veto. Un enfant de plus de quinze ans est capable d’exprimer son adhésion aux modalités de sa prise en charge et le juge doit pouvoir en tenir compte. Passé cet âge, sa maturité lui permet d’éviter son instrumentalisation par l’un de ses parents.

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Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

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C’est vrai, la problématique que vous soulevez, chère collègue, est sérieuse, et elle a fait l’objet de débats. Nous avons entendu les mêmes personnes et lu les mêmes rapports. Il semblait se dégager un consensus plutôt défavorable à ces propositions ; la commission a d’ailleurs émis un avis défavorable, précisément pour ne pas mettre l’enfant au coeur du conflit. L’enfant aurait pu se trouver dans une situation où le juge n’aurait pas donné droit à la demande qu’il aurait exprimée de vivre chez tel de ses parents parce que son intérêt ne le commandait pas. L’avis défavorable de la commission est donc motivé.

En outre, ces difficultés méritent à mon sens que nous approfondissions la réflexion, peut-être à l’occasion de la navette parlementaire.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

Je l’ai évoqué tout à l’heure, madame Pompili : nous aurons à débattre de ces sujets l’année prochaine, à l’occasion du rapport sur le respect de la convention internationale des droits de l’enfant par la France. Ce n’est pas déflorer ce rapport que de dire, déjà, que nous ne respectons pas un certain nombre de préconisations de cette convention.

En ce qui concerne les amendements que vous proposez, qui s’inspirent effectivement de l’excellent rapport du juge Jean-Pierre Rosenczveig, l’amendement no 614 , relatif à l’adhésion de l’enfant, me paraît encore plus discutable que l’amendement no 616 . Dans une procédure où deux parents sont en désaccord, il faut bien, à un moment donné, que quelqu’un arbitre. Je crains que l’adhésion de l’enfant soit aussi parfois un facteur de blocage. Ce que vous donnez à l’enfant avec cet amendement, c’est la décision. Or les choses sont plus compliquées.

L’amendement no 616 n’est pas adopté.

L’amendement no 614 n’est pas adopté.

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Je pense que la fin de ce texte, encore une fois, marque une dérive. Certes, nous avons quitté une période où l’enfant était considéré comme une pâte molle. L’ère victorienne avait porté cette conception à son paroxysme, avec ces bonnes familles qui, délibérément, faisaient élever leurs enfants par des gouvernantes pour qu’ils ne soient pas pollués par les liens affectifs qui auraient pu se nouer avec leurs parents. Certes, nous travaillons aujourd’hui de plus en plus sur les interactions précoces. Certes, nous cherchons à donner à l’enfant sa place, sa parole, et la possibilité de s’exprimer, mais je trouve, encore une fois, que l’ensemble des derniers articles, à force de vouloir bien faire, va, au contraire, complexifier les choses.

Un système qui permet à un professionnel, en son âme et conscience et en fonction de ses connaissances, de s’adapter à la situation et de prendre les décisions qui lui semblent justes, en acceptant que l’erreur est humaine, est infiniment préférable. On le voit bien avec l’ensemble des amendements que nous venons de discuter : inéluctablement, la question de la norme se pose, en l’occurrence la norme en âge, et avec cette question celle de la standardisation des décisions des tribunaux.

C’est d’ailleurs assez paradoxal. Nous avons soulevé face à Mme la garde des sceaux l’objection de l’inégalité de traitement de justiciables, en ce qui concerne les taux de condamnation et le quantum des peines, qui varient selon qu’ils comparaissent devant un tribunal ou devant un autre. En l’occurrence, c’est encore l’inverse. D’un côté, un discours, une idéologie dominante visent à affirmer la toute-puissance de la nature et à nier la dimension culturelle. De l’autre, quand il s’agit d’intervenir sur l’humain, vous tenez le raisonnement totalement inverse.

J’appelle modestement l’attention sur le fait qu’il est déraisonnable d’aller trop loin pour faire bien et de donner la parole à tout va à l’enfant.

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La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 612 .

L’amendement no 612 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

L’article 19 bis, amendé, est adopté.

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Je suis saisi d’un amendement no 631 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 734 .

La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement.

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Il s’agit ici de remédier à une fragilité juridique apparue après le vote de la loi dite du mariage pour tous. Effectivement, cet amendement porte sur les dispositions transitoires de cette loi. Un certain nombre de couples de personnes de même sexe se sont mariés à l’étranger avant le vote de cette loi dans des pays où c’était possible. Parfois, ils avaient ensuite conclu un PACS, leur mariage ne pouvant, à l’époque, être transposé dans nos registres d’état civil. À la suite de l’adoption de la loi, s’est posé pour eux le problème suivant : ils avaient conclu un PACS après un mariage qu’il souhaitait voir retranscrit. Il leur a parfois été demandé de dissoudre le PACS pour pouvoir ensuite retranscrire leur mariage. Or cette démarche pourrait être source d’incertitude juridique.

Cet amendement a donc pour objet de préciser les dispositions transitoires de la loi du 17 mai 2013. Les PACS seraient dissous de plein droit à compter de la transcription du mariage effectué à l’étranger. Voilà qui répondrait aux préoccupations de tous les couples concernés et, bien sûr, des associations qui les soutiennent.

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La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 734 .

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Votre amendement, monsieur le député, me semble en effet de nature à dissiper certaines incertitudes ou à supprimer certains motifs d’insécurité juridique liés à la succession dans le temps d’un mariage conclu par deux personnes de même sexe à l’étranger et d’un PACS en France. Prévoir que la transcription du mariage sur les registres d’état civil français dissout de plein droit ce PACS me paraît une clarification bienvenue qui devrait recueillir un large assentiment.

En revanche, la rédaction proposée me semble souffrir d’une incohérence, peut-être due à une erreur matérielle. Le sous-amendement no 734 vise donc à supprimer le membre de phrase « et produit effet à l’égard des tiers », qui me semble de trop.

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Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Favorable au sous-amendement, et à l’amendement qui aura été ainsi sous-amendé.

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Cet amendement, qui se justifie, sans aucun doute, compte tenu des situations et des imbroglios qui peuvent se rencontrer aujourd’hui montre bien la piètre qualité législative de la loi permettant le mariage des couples de personnes de même sexe. On avait eu l’occasion de le dénoncer.

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Vous aviez aussi dit qu’elle n’était pas constitutionnelle, et le Conseil constitutionnel vous a renvoyé dans vos buts !

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Attendez ! Nous aurons l’occasion au fil des semaines et des mois de voir qu’il s’agit d’une loi idéologique qui, d’un point de vue juridique, a été bâclée. On a demandé, à plusieurs reprises, tout au long de son examen, l’avis du Conseil d’État. Sans aucun doute, il aurait repéré ces problèmes, car lui a des compétences juridiques, beaucoup plus que les associations dont vous faisiez état, mon cher collègue, qui soutiennent effectivement ces revendications.

On aurait ainsi évité ces cas de figure. Il va falloir, maintenant, rattraper les insuffisances de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, qui est idéologique, mal rédigée, et ne tient absolument pas compte de la réalité.

Maintenant que nous nous retrouvons face à de telles situations, nous devons trouver des solutions. Pour ma part, je ne voterai pas contre cet amendement, car il répond à des problèmes objectifs ; simplement, nous avons là la preuve que la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe était une mauvaise loi. Non seulement ses fondements idéologiques étaient erronés, mais sa rédaction juridique est déficiente.

Le sous-amendement no 734 est adopté.

L’amendement no 631 , sous-amendé, est adopté.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 731 du Gouvernement, portant article additionnel après l’article 20.

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Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Cet amendement vise à rendre la présente loi applicable dans les îles Wallis et Futuna, à l’exception de son article 16, et en Polynésie française, à l’exception de ses articles 8 bis et 16. L’article 8 est applicable en Nouvelle-Calédonie.

La proposition de loi modifie principalement des dispositions du code civil ayant trait au droit de la famille. Sont ainsi concernées des dispositions relatives à l’état civil, à l’autorité parentale ou bien encore à la minorité. L’État est compétent pour légiférer dans ces matières en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. Certaines dispositions qui relèvent de l’état et de la capacité des personnes sont applicables de plein droit dans ces deux collectivités. D’autres dispositions nécessitent une mention expresse d’application.

Pour une meilleure lisibilité, le présent amendement ne distingue pas les deux types de dispositions et rend applicable en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna l’ensemble des dispositions ayant vocation à s’y appliquer. Les dispositions de la loi du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative relatives à la médiation judiciaire ne sont applicables ni dans les îles Wallis et Futuna, ni en Polynésie française. Celles relatives à l’exécution des décisions rendues en matière de déplacement illicite international d’enfants ne sont pas applicables en Polynésie française, la collectivité étant compétente en matière de procédure civile.

L’amendement no 731 , accepté par la commission, est adopté.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 85 et 713 .

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 85 .

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Pour ce qui concerne les demandes de rapport au Gouvernement, je suis plutôt d’accord avec la ligne défendue par Jean-Jacques Urvoas. Cependant il m’arrive parfois de pécher et de signer des amendements demandant des rapports.

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Nous avons entendu que la parole de l’enfant est appréciée de manière inégale selon les magistrats. Cet amendement vise précisément à obtenir l’étude d’impact qui aurait dû être réalisée préalablement à l’examen de la proposition de loi.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 713 .

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Nous arrivons à une série d’amendements qui visent à demander des rapports au Gouvernement. Comme je le disais tout à l’heure, les demandes de rapports sont inutiles quand elles ne servent qu’à botter en touche. Trop souvent, quand un problème se présente et que l’on ne sait pas comment le régler, on décide de créer une commission, de réaliser un rapport, etc. Pourtant certains rapports sont utiles, soit qu’ils fassent le point sur l’application d’une disposition – c’était le cas tout à l’heure pour la médiation familiale –, soit qu’ils pallient l’absence d’étude d’impact. Dans le cas de cette proposition de loi, il n’y a eu aucune étude d’impact, aucune concertation préalable.

Il est dommage que M. le président de la commission des lois, qui s’est montré très prolixe sur ce texte, ne puisse pas nous donner son opinion sur l’utilité des rapports que nous demandons. Je pense en effet qu’exceptionnellement, ces rapports pourraient être utiles pour étudier dès à présent les conditions d’application de cette proposition de loi, qui n’ont pas été anticipées. La rédaction de ce texte est un peu bâclée : comment sera-t-il appliqué ? C’est pour savoir cela que nous demandons, au moyen de cet amendement, « un rapport sur l’état d’application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par la présente loi. » Comme nous l’avons vu, plusieurs domaines sont concernés.

Cet amendement nous permettrait d’avoir enfin un éclairage sur les modifications du droit qui seront nécessaires si cette proposition de loi est adoptée.

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Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

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Je vous répondrai en rappelant la jurisprudence Urvoas : l’avis de la commission est défavorable.

Je ne peux pas vous laisser dire qu’il n’y a pas eu d’études préalables. Certes, puisque le présent texte est une proposition de loi, il n’a pas donné lieu à une étude d’impact, comme il y en a pour les projets de loi.

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En revanche, plusieurs rapports ont inspiré cette proposition de loi : le rapport Théry sur la filiation, les origines et la parentalité ; le rapport Gouttenoire, sur la protection de l’enfance et l’adoption ; le rapport Juston, sur la médiation familiale et les contrats de co-parentalité ; le rapport Rosenczveig, sur les droits des enfants.

Nous avons également auditionné un certain nombre de personnes. Vous auriez pu assister à ces auditions ! Vous me répondrez peut-être que vous n’étiez pas au courant, que vous n’avez pas eu l’information, à quoi je vous répondrai à mon tour que vous auriez pu vous informer auprès de vos collègues membres de la commission des lois qui, eux, étaient au courant.

Conformément à la jurisprudence Urvoas, je rejette cette demande de rapport. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos 85 et 713 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 86 et 714 .

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 86 .

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Cet amendement vise à appeler l’attention sur les conséquences de l’adoption de cette proposition de loi. Il demande un rapport sur les conditions d’application de ce texte.

Il y a quelques instants, nous avons eu un débat assez intéressant avec notre collègue écologiste François-Michel Lambert à propos des conséquences inattendues de l’adoption de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. On se rend compte que cette loi complique un peu la vie de quelques couples.

Cet amendement demande, en définitive, ce que l’on pourrait appeler une « étude de post-impact ».

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 714 .

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Cette proposition de loi n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact : Mme la rapporteure vient d’ailleurs de le confirmer. Il est important que la représentation nationale soit informée par un rapport portant sur les modalités d’application dans le temps des dispositions envisagées, sur les textes législatifs et réglementaires à abroger, et sur les mesures transitoires nécessaires.

Je suis tout à fait d’accord avec mon collègue Nicolas Dhuicq : l’amendement défendu tout à l’heure par François-Michel Lambert à propos des conséquences de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe montre bien les difficultés causées par l’absence d’étude d’impact.

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De grâce, ne commettons pas à nouveau la même erreur ! Nous n’en sommes qu’au stade de l’élaboration de la loi, nous avons le temps d’anticiper les difficultés à venir. Il nous faut demander au Gouvernement un rapport pour savoir comment cette loi sera appliquée, quels textes législatifs et réglementaires devront être modifiés, faute de quoi vous serez obligés, au cours de la discussion d’un prochain texte, de présenter un amendement pour pallier les carences de celui-ci ! Comme tout à l’heure, nous nous retrouverons devant le fait accompli : on nous dira que nous sommes obligés de le voter. Non, ce n’est pas la bonne manière de faire le droit !

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Je ne répéterai pas ce que j’ai dit tout à l’heure à propos des différents rapports ayant précédé cette proposition de loi. L’évaluation fait aussi partie des missions du Parlement. Il y a à l’Assemblée nationale un organe spécialisé, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, qui est chargé de cette tâche. Grâce à cette instance, il est possible d’évaluer une loi. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable à ces amendements.

Les amendements identiques nos 86 et 714 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 87 et 715 .

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 87 .

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Ça vous pouvez le dire ! C’est toujours la même logique !

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Il faut bien avoir une cohérence ! Vous avez, madame la secrétaire d’État, votre cohérence interne. Je ne partage pas l’idéologie de mes collègues écologistes, mais je dois reconnaître qu’eux aussi sont très cohérents dans leur démarche. Nous aussi avons des idées, des principes, une éthique à défendre. Nous considérons que cette proposition de loi est mauvaise : c’est pourquoi nous avons lutté contre elles avec les moyens que nous donne la procédure législative.

Nous demandons, à présent, une évaluation de l’ensemble des textes qu’il sera nécessaire de publier pour appliquer cette loi.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 715 .

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Il est vrai que tous ces amendements demandent des rapports, mais l’objet de ces rapports est à chaque fois différent. En l’occurrence, de quoi s’agit-il ? De remettre, avant le 1er janvier 2015, un rapport sur la liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires.

Nous proposons que ce rapport soit remis le 1er janvier 2015 ; nous aurions aussi bien pu fixer la date au 31 juillet 2014, car j’espère que cette liste est déjà prête ! Ou alors, il y a vraiment un problème de préparation et d’organisation des travaux législatifs, un problème de coordination entre la majorité – le groupe SRC, notamment – et le Gouvernement !

Pour éviter l’avis du Conseil d’État et l’étude d’impact, le choix a été fait de recourir à une proposition de loi. J’espère quand même que, dans un souci de responsabilité, vous avez examiné – au moins un peu – quel sera l’impact de ce texte ! Mme la rapporteure, ne soupirez pas : prévoir tous ces éléments fait partie de votre rôle. En tout cas, pour ma part, c’est ainsi que je conçois le rôle d’un rapporteur. Si j’étais rapporteur d’un texte aussi important, qui engage la vie des familles, la vie des enfants…

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…je m’en préoccuperais !

On ne peut pas légiférer ainsi, uniquement sous la pression d’arguments idéologiques, il faut avoir le sens des responsabilités. J’imagine que vous avez déjà dressé une liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires. Vous pourrez donc répondre à nos amendements sans vous borner à dire : « Avis défavorable, car le président de la commission des lois est opposé aux demandes de rapport ». Ce n’est pas lui qui fait la loi !

Répondez-nous plutôt : « Oui, la liste prévisionnelle des mesures d’application est prête » et, si elle n’est pas prête, répondez-nous : « Nous allons vous la préparer pour le 1er janvier 2015 », et approuvez cet amendement !

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Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

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Je vous ai déjà répondu plusieurs fois ! Vous nous accusez de ne pas avoir réalisé d’étude d’impact. Mais il s’agit d’une proposition de loi, or il n’y a généralement pas d’étude d’impact sur les propositions de loi.

Je vous ai déjà dit également que nous nous sommes appuyés sur plusieurs rapports. J’ai cité les quatre principaux, je ne les répéterai pas. L’un d’entre eux, le rapport Juston, du ministère de la famille, traitait de la coparentalité. Nous avons aussi auditionné un certain nombre de personnes ; ces auditions ont été publiques. Vous auriez pu vous procurer les informations nécessaires auprès des membres de la commission des lois – à tout le moins, auprès de ceux du groupe SRC, parce que les députés UMP présents à ces auditions n’étaient pas nombreux ! Ces travaux ont été largement repris dans la presse, et au-delà. Ne me faites donc pas à chaque fois le même procès !

Par ailleurs, si vraiment vous avez des inquiétudes – ce qui est légitime –, vous pouvez vous adresser au comité d’évaluation et de contrôle, qui peut se saisir de cette question. Tout cela est déjà prévu !

Je pourrais me contenter de reprendre la boutade de M. Dhuicq, et vous opposer la jurisprudence Urvoas. Plus sérieusement, je vous rappelle qu’il existe déjà une possibilité d’obtenir les informations que vous demandez. Ne rajoutons pas des dispositions inutiles à la loi ! Vous avez accusé cette loi d’être bavarde : cessons donc de bavarder, et allons à l’essentiel : c’est le comité d’évaluation et de contrôle qui pourra le faire.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

En fin de compte, j’ai été totalement convaincue par M. Dhuicq.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

On ne peut pas tout prévoir, ni tout anticiper. Il faut laisser sa place à l’inventivité de la vie, et à celle de la loi. L’avis du Gouvernement est donc défavorable !

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La parole est à M. Xavier Breton, pour une très brève intervention.

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Mme la secrétaire d’État nous oppose l’« inventivité de la loi ». En somme, elle nous répond : « Nous verrons bien ! » Encore une fois, cet amendement ne demande pas un rapport sur l’exécution de la loi, mais sur la liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires.

Je vous pose donc une question simple, qui s’adresse à Mme la rapporteure aussi bien qu’à Mme la secrétaire d’État : oui ou non, avez-vous établi une liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires ? Je comprends, étant donné votre rejet de cet amendement, que vous n’avez pas préparé une telle liste. Je pense que ce n’est pas la bonne manière d’assurer vos fonctions !

Les amendements identiques nos 87 et 715 ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 83 et 711 .

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 83 .

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En France, nous adorons les instances telles que les hauts comités, les hauts conseils, etc. Tous les Français veulent être président de quelque chose, à tel point, d’ailleurs, que les partis politiques se convertissent aux primaires, malgré le résultat désastreux sur le prestige symbolique de la fonction présidentielle qu’entraîne inéluctablement l’adoption de ce système.

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Si, cela a à voir avec ce texte !

Ce texte touche justement au domaine du Haut conseil de la famille. Nous pensons qu’il serait intéressant de consulter cette instance, même a posteriori, au sujet de cette proposition de loi.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 711 .

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Je suis tout à fait d’accord avec mon collègue Nicolas Dhuicq : le Haut conseil de la famille aurait dû être consulté sur ce texte qui concerne en premier lieu la famille. Cela n’a pas été fait.

On voit bien, encore une fois, le manque de préparation : il n’y a pas eu d’étude d’impact, et la concertation a été menée de manière sélective, sans même associer des organismes officiels tels que le Haut conseil de la famille, qui est placé auprès du Premier ministre. Cela montre bien les carences de ce texte.

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Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Les amendements identiques nos 83 et 711 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 82 et 710 .

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 82 .

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Nous avons beaucoup parlé de médiation au cours de l’examen de cette proposition de loi. Certains ont même proposé des rapports pour étendre le champ d’application de la médiation.

Alors que nos hôpitaux connaissent des restrictions budgétaires très douloureuses, cette proposition de loi crée des dépenses nouvelles superfétatoires compte tenu des besoins fondamentaux du pays. Nous souhaitons donc connaître son impact sur la Caisse nationale d’allocations familiales.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 710 .

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Nous aurions souhaité avoir un éclairage sur les conséquences bien réelles des différents volets de cette proposition de loi non seulement sur les familles, directement concernées, mais aussi sur les finances publiques. Dans une période de difficultés économiques et budgétaires, il est dommage de ne pas avoir évalué ces conséquences.

Les amendements identiques nos 82 et 710 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 84 et 712 .

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 84 .

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Lors des débats sur la loi dite pour « le mariage pour tous », nous avions indiqué que son adoption conduirait certains pays – et c’est leur droit – à refuser certains dossiers d’adoption. La présente proposition de loi aura également des conséquences sur l’adoption, qui devraient être évaluées par le Conseil supérieur de l’adoption. Nous appelons l’attention de Mme la secrétaire d’État sur la nécessité de remettre un rapport au Parlement sur cette question.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 712 .

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Nous souhaitons savoir si une étude particulière a été réalisée sur le sujet spécifique de l’adoption. Nous proposons donc qu’un rapport soit remis au Parlement sur les conséquences de cette proposition de loi sur l’adoption.

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Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

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Puisque nous avons rejeté le principe du rapport, nous n’allons pas demander au Conseil supérieur de l’adoption de remettre un rapport ! Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Avis défavorable, d’autant que cette proposition de loi ne concerne nullement l’adoption. Il n’y a donc aucune raison de saisir le Conseil supérieur de l’adoption, à moins que vous ne nous demandiez de distinguer les conséquences sur les enfants adoptés et celles sur les enfants non adoptés, ce qui me paraît assez compliqué. Cet amendement n’est donc pas à sa place dans cette proposition de loi.

Les amendements identiques nos 84 et 712 ne sont pas adoptés.

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Nous en venons aux amendements portant sur le titre.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 42 et 695 .

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 42 .

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L’amendement no 42 ne vous étonnera point, car il tend à insérer le terme « supérieur » dans l’expression « intérêt de l’enfant ». Il est paradoxal que vous prétendiez, dans certains articles, mettre l’enfant au coeur du dispositif, pour des motifs que nous avons d’ailleurs contestés, et que le terme « supérieur » disparaisse dans le titre. Il serait donc raisonnable d’ajouter, au moins dans le titre de la proposition de loi, le terme « supérieur » après le terme « intérêt », afin de faire savoir à l’ensemble des magistrats de ce pays et à nos compatriotes que l’Assemblée nationale a légiféré dans l’intérêt supérieur de l’enfant, en reconnaissant pleinement ses droits.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 695 .

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Il s’agit de notre dernière tentative pour transcrire dans ce texte la notion d’intérêt supérieur de l’enfant. Nous avons eu l’occasion d’en débattre dans des circonstances différentes : nous avions déjà demandé le rajout de la supériorité de l’intérêt de l’enfant lors de l’examen d’articles dans lesquels il n’était pas fait mention du mot « supérieur », ou qui comparaient l’intérêt de l’enfant à d’autres intérêts – ce matin, par exemple, nous avons discuté d’un article plaçant au même niveau l’intérêt des adultes et celui des enfants et nous avons souhaité remettre l’enfant au coeur de notre préoccupation.

Vous avez rejeté chacune de nos tentatives, au motif qu’une seule mention du mot supérieur imposerait d’adapter l’ensemble du droit, alors même que, comme l’a dit M. Geoffroy, nous aurions pu avoir recours à un amendement « balai » similaire à celui déposé lors de l’examen du projet de loi pour le mariage des couples de même sexe. Vous refusez de transcrire dans le droit cette notion d’intérêt supérieur de l’enfant. Dont acte.

Dès lors, modifions au moins le titre, qui n’a pas force juridique mais qui révèle une intention. Par exemple, la loi pour la refondation de l’école ne refonde en réalité rien du tout, ce n’est qu’une intention affichée par un ministre de passage ! Le mot « refondation » n’a aucune portée juridique.

Il serait donc symbolique que nous convergions sur cette reconnaissance de la supériorité de l’intérêt de l’enfant par rapport à tous les autres intérêts. Si vous persistez à refuser cette mention, y compris dans le titre, c’est que vous ne reconnaissez pas cette supériorité, que l’enfant est un acteur parmi d’autres, n’ayant pas droit à une protection spécifique. Nous vous invitons donc à saisir cette dernière perche.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Notre position n’est pas nouvelle, ne feignez donc pas la surprise ! Je répète que la proposition de loi ne contrevient nullement aux conventions internationales ratifiées.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

S’il y a un sujet qui a déjà été débattu de façon exhaustive, c’est bien celui-là. Avis défavorable.

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Ce débat, qui met un terme à notre dispute, est très révélateur, car il montre que cette proposition de loi s’inscrit dans une logique horizontale : elle met au même niveau les enfants et les adultes. En outre, elle fait intervenir une multitude de tiers et dilue l’autorité parentale et le terme même de parents. J’en veux pour preuve certains textes, dans lesquels les mots « père » et « mère » ne devaient plus apparaître.

Vous êtes donc dans une logique d’horizontalité : il ne faut plus de différences, ni de vie, à terme. Vous ne vous rendez pas compte que cette proposition de loi, qui est une véritable révolution anthropologique, aura des conséquences, dont certains se rendent bien compte, même s’ils ne sont pas tous présents dans l’hémicycle : elle compliquera la vie de l’ensemble des familles de France et, surtout, celle de nos enfants et de leurs descendants.

Les amendements identiques nos 42 et 695 ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour soutenir l’amendement no 610 .

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Cet amendement vise à intégrer dans le titre la notion de responsabilité parentale, car le terme « autorité » renvoie à d’autres temps, même si nous ne contestons pas l’utilité de l’autorité dans l’éducation des enfants. La responsabilité vaut pour toute la vie et induit une relation à l’enfant qui n’est pas celle d’un joug.

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Certes, il est important de rappeler que la notion de responsabilité renvoie aux droits et aux devoirs – il faudrait d’ailleurs mettre au singulier le terme de responsabilité, qui est au pluriel dans l’amendement proposé. Pour autant, la présente proposition de loi est connue sous le nom « autorité parentale et intérêt de l’enfant » ; il est un peu compliqué d’en modifier le titre.

Je propose donc à Mme Pochon de retirer son amendement.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Je ne vois aucun inconvénient à ce que cette proposition de loi fasse référence à l’autorité ou à la responsabilité parentale, à l’intérêt ou aux droits de l’enfant, encore qu’elle ne concerne pas les droits de l’enfant à proprement parler.

Pour autant, son nom, la loi « API », est bien connu et fait partie de son identité. C’est, en outre, un nom qui convient bien à une proposition de loi relative à la famille !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Je ne suis pas défavorable à cet amendement, mais je me demande s’il est opportun de changer à ce stade le nom de cette proposition de loi. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée nationale.

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Je retire mon amendement, contrainte et forcée. Je pense qu’il faudra, un jour, faire référence à la notion de responsabilité.

L’amendement no 610 est retiré.

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La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 597 .

L’amendement no 597 est retiré.

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Dans les explications de vote, la parole est à M. Erwann Binet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Cette proposition de loi n’est pas une révolution au regard de notre droit existant ; je pense notamment aux dispositions relatives à l’exercice de l’autorité parentale, que nous avons précisées, et à celles sur la délégation et le partage de l’autorité parentale.

Elle n’est pas non plus une révolution au regard des conditions dans lesquelles vivent aujourd’hui nos familles ; je fais notamment référence à la reconnaissance de l’existence du beau-parent, qui a suscité beaucoup de réactions sur les bancs de l’opposition, et qui fait pourtant partie du quotidien de 720 000 familles dans notre pays. Il faut en tenir compte. Le beau-parent n’existait pas dans le code civil.

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Il n’existe toujours pas, il n’apparaît nulle part dans le texte !

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Il n’existe toujours pas, il n’apparaît nulle part dans le texte !

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Le mandat d’éducation quotidienne, qui est un outil simple, modeste, facultatif, et qui n’est pas un statut, introduit dans le code civil l’existence du beau-parent, qui est déjà une réalité dans les familles de France.

Si cette proposition de loi n’est pas révolutionnaire, elle apporte néanmoins de nouvelles sécurités aux familles ; je pense au développement du rôle de la médiation pour renouer le dialogue en cas de conflits au sein d’un couple, ce qui est une très bonne chose. Je suis heureux que nous ayons pu parvenir à un accord sur ces dispositions. Certes, M. Dhuicq a exprimé son inquiétude, mais je pense qu’elle sera apaisée lorsqu’il observera la manière dont elles sont appliquées dans l’Aube et partout ailleurs en France.

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Je pense également à la modification des conditions de recueil de la parole de l’enfant par le juge, dans le cadre des décisions les concernant.

Avant d’en venir au vote, je salue le travail considérable de la rapporteure, qui, depuis plusieurs mois, s’est employée à rédiger ce texte.

Je remercie Mme la secrétaire d’État qui, à peine nommée, a hérité de ce texte et s’en est saisie très rapidement. Je salue également la tâche de Mme Bertinotti à qui vous avez succédé, madame la secrétaire d’État. C’est, pour le groupe SRC, une grande satisfaction que d’aboutir à l’adoption de cette proposition de loi qui renforce l’idée selon laquelle toutes les familles, quelle que soit leur forme, dès lors qu’elles respectent l’intérêt de l’enfant, peuvent, pour reprendre l’expression d’Irène Théry, cohabiter pacifiquement dans le code civil comme elles cohabitent pacifiquement dans la vie.

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La parole est à M. Xavier Breton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Nous voterons contre ce texte ; ce n’est pas une surprise. Nos débats n’ont fait que conforter nos interrogations et nos inquiétudes. Sur la forme, il n’y a eu, et vous l’avez reconnu, aucune étude d’impact juridique préalable à l’élaboration d’un texte qui concerne des sujets sensibles tels que le code civil et le droit de la famille. Vous avez agi sans mesurer les conséquences juridiques de votre proposition de loi. Nous ne pouvons qu’être vraiment inquiets de la manière dont vous procédez.

Par ailleurs, il vous a été difficile de faire examiner ce texte, qui vous a porté la guigne. Vous avez en effet dû vous y reprendre à trois fois pour le faire passer. Il est vrai que nous voulions débattre, poser des questions. Las, la plupart du temps, vous avez fait de l’obstruction : nous n’avons obtenu aucune réponse. Nous avons eu quelques occasions de dialoguer, mais elles ont été trop rares. Nous ne pouvons donc que constater que vous avez voulu faire passer ce texte en force, et nous le regrettons.

J’en viens, maintenant, au contenu même de cette proposition. Nous nous y opposons pour deux raisons. Vous avez, premièrement, « vendu » ce texte dans les médias en affirmant qu’il s’agissait de simplifier la vie des familles, notamment en reconnaissant le statut du beau-parent. Or, vous ne mentionnez pas une seule fois dans ce texte le mot « beau-parent ». Vous avez donc vendu du vent ! En réalité, vous avez mis en place des mécanismes qui, au lieu de simplifier la vie de ces familles, les compliqueront. Comme on l’a en effet constaté à de multiples reprises, de nombreuses dispositions sont contradictoires, ambiguës et floues. Cette proposition de loi ne répond donc absolument pas à l’objectif que vous affichiez.

Elle est, en effet, de nature idéologique. Nous savons, et notre collègue Binet vient de l’avouer,…

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…que, derrière ce texte, il y a le rapport Théry, la volonté de détruire la famille telle qu’elle existe aujourd’hui et d’imposer un nouveau modèle de pluriparentalité. C’est votre conception, et nous nous y opposons, car elle est marquée par une confusion s’agissant du rôle des adultes et des relations entre parents et enfants.

Cela nous ramène aux débats qui se tiennent depuis le texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, débats qui se sont déroulés sur fond d’interventions sur la GPA. Eh bien, nous avons appris aujourd’hui que le Gouvernement et les socialistes n’y étaient pas opposés, bien au contraire ! Ils sont, en effet, complices de la fraude à la GPA, puisqu’ils n’ont pas contesté la décision de la Cour européenne des droits de l’homme qui incite à la légaliser. Or, une fois que la GPA sera légalisée pour les enfants nés à l’étranger, on nous dira qu’il faut l’accepter chez nous pour ne pas créer d’inégalités. Tout cela est écrit et nous le dénonçons depuis fort longtemps.

Nous attendions, de la part de la majorité, un message beaucoup plus ferme sur la dignité humaine et sur les droits de la femme. Hélas, nous ne l’avons pas entendu. Telle est votre logique, votre conception de la vie humaine et de la famille !

La proposition de loi est adoptée.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Je me félicite de l’adoption de cette proposition de loi. Je ne doute pas que celle-ci sera encore critiquée. Au moins ne pourra-t-on pas nous reprocher de l’avoir fait examiner à la va-vite et d’avoir esquivé les discussions. L’Assemblée nationale a pris le temps de discuter de ce texte, et c’est bien ainsi. J’ai affirmé dès le début de son examen qu’il serait adopté par l’Assemblée nationale. C’est le cas et je me félicite de cette bonne nouvelle.

Je tiens à remercier les auteurs de la proposition de loi, à savoir les députés des groupes socialiste et écologiste, en particulier la rapporteure, Mme Chapdelaine, et M. Binet, dont le rôle fut également important. Ils ont, tous deux, construit ce texte avec Dominique Bertinotti, qui m’a précédée dans mes fonctions. Je remercie également la majorité qui a permis son adoption.

Cette proposition de loi est équilibrée, comme l’ont souligné les responsables des associations familiales. Elle part de la réalité de la vie des familles et vise à les accompagner au moment de la séparation, grâce à la médiation familiale, et après la séparation, qu’il s’agisse des décisions que les parents doivent prendre concernant leurs enfants, notamment leur place au domicile de leurs deux parents, ou des liens qui se construisent dans les familles recomposées, que le texte légitime.

J’ai regretté parfois le dogmatisme qui s’est exprimé au cours des débats. Nous ne partageons pas la même vision de la famille, messieurs les députés de l’opposition, ce que je peux comprendre. En revanche, nous devons partager la même observation de la réalité. Au moment où nous parlons, l’ensemble des acteurs de la société, notamment les intellectuels, observent les familles et leurs évolutions. Une fois n’est pas coutume, et sans porter atteinte à la laïcité de ce lieu, je citerai le quotidien La Croix, qui relatait, hier encore, que l’Église examinait en vue du synode les réalités des familles, traduisant ainsi « une volonté de rejoindre dans leurs souffrances toutes les situations familiales avec miséricorde [… ] »

J’emploierai quant à moi d’autres mots : nous observons avec bienveillance la vie des familles et nous cherchons à les accompagner. Inscrivez-vous, vous aussi, dans ce mouvement. Nous ne serons pas d’accord sur tout, mais au moins considérons les familles avec bienveillance !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et écologiste.

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Prochaine séance, lundi 30 juin 2014, à seize heures :

Discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative pour 2014.

La séance est levée.

La séance est levée à seize heures cinquante.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron