La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ma question s’adresse à M. le ministre des finances, et j’y associe ma collègue Danielle Auroi. Monsieur le ministre, la situation du peuple grec est aujourd’hui dramatique : le taux de chômage reste supérieur à 25 % et la moitié des jeunes sont touchés. Pour ceux qui ont encore un emploi, le salaire moyen a diminué de 20 % en quatre ans.
La politique européenne mise en oeuvre vis-à-vis de la Grèce est un échec : un échec du point de vue social, et c’est terrible, mais aussi un échec du point de vue de la dette elle-même, car elle ne donne pas l’espoir au peuple grec de sortir de cette situation. La dette grecque est en effet passée de 120 à 175 % du PIB depuis le début du plan d’aide.
Face à cette situation, la parole du peuple grec doit être entendue. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas sous-estimer l’épuisement de la population grecque face aux mesures imposées par la Troïka.
Le problème n’est pas simple et vous ne trouverez pas chez les écologistes de « y’a qu’à, faut qu’on », ne serait-ce que parce que nous n’oublions pas que la Grèce est débitrice de 43 milliards d’euros vis-à-vis de la France. Mais il faut regarder la réalité en face. Le prix Nobel d’économie Jean Tirole nous le rappelait la semaine dernière, la Grèce ne pourra pas rembourser l’ensemble de sa dette car, pour cela, il faudrait qu’elle dégage un excédent budgétaire de l’ordre de 4 % pendant des années.
Les positions défendues par l’Eurogroupe, ces derniers jours, sont de ce point de vue incompréhensibles. Vouloir imposer à la Grèce le prolongement du programme actuel, sans tenir compte de l’expression démocratique du peuple grec, est une position intenable. Le blocage idéologique n’est pas, contrairement à ce qu’évoquait Pierre Moscovici, du côté de la Grèce, mais bien du côté de l’Eurogroupe.
Monsieur le ministre, nous vous le demandons, la France soutiendra-t-elle la demande du gouvernement grec de négocier un nouveau programme d’aide ?
La France s’engage-t-elle à tout faire pour assouplir la position de l’Eurogroupe et pour trouver un compromis acceptable permettant à la Grèce de rester dans la zone euro ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la députée Eva Sas, la position de la France, dans les jours et les heures qui viennent, est très simple : nous ferons tout pour qu’un accord intervienne entre la Grèce et les institutions européennes. Nous ferons tout, d’abord parce que c’est l’intérêt de la Grèce : si nous imaginons dans quelques jours la fin du processus et des accords entre la Grèce, l’Union européenne, la Banque centrale européenne ou le Fonds monétaire international, alors nous entrons dans un territoire totalement inconnu où les risques sont considérables, pour le peuple grec d’abord.
Ensuite, si jamais on s’orientait vers une sortie de la Grèce de l’euro, ce serait un échec politique grave pour nous, les Européens, qui voulons nous élargir et non pas nous rétrécir, qui voulons faire en sorte que tous les peuples qui ont choisi d’être dans l’Europe et dans l’euro trouvent leur place, leur pleine place, dans le respect, comme vous l’avez dit vous-même, des choix qui ont été faits par le peuple grec.
C’est le premier principe sur lequel je m’appuie dans toutes les discussions qui ont lieu aujourd’hui : nous devons respecter le choix du peuple grec. Ce n’est pas le même gouvernement, ce n’est pas la même majorité…
…ce n’est pas le même programme, et on doit évidemment prendre en compte ces choix-là : c’est le principe même du respect de la démocratie.
Cela étant, vous le savez bien, et c’est ce que nous disent les autorités grecques d’aujourd’hui : la place de la Grèce est dans l’Europe, compte tenu des accords, des mécanismes qui régissent la place d’un pays, quelque pays que ce soit, au sein de l’Europe. Il faut donc trouver la solution qui permette à la Grèce d’avoir toute sa place dans l’Europe et à l’Europe de tenir compte des choix qui ont été faits par le peuple grec.
C’est cela qui nous guide, et je veux aboutir rapidement à un accord pour éviter toute situation catastrophique. Tout comme vous, je veux que nous ayons le temps, la Grèce et nous, de discuter d’un nouveau programme.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, dans trois jours s’ouvrira à Paris la plus belle vitrine du savoir-faire de l’agriculture française. Mais ce salon de l’agriculture se déroulera sous tension, dans un contexte marqué par une chute des cours des productions animales et végétales.
La raison en est une conjugaison de situations économiques difficiles et de contraintes environnementales que ne supportent plus nos agriculteurs.
C’est le cas par exemple des producteurs de porcs, les Bretons bien sûr, mais aussi les Normands et également ceux de mon département, la Mayenne, qui en compte 600. Tous souffrent et sont à bout. Au-delà des éleveurs, c’est toute la filière qui est touchée en amont, notamment les abattoirs, le tout sur fond d’embargo russe et de guerre des prix dans la grande distribution.
Le cours du porc chute. Le prix au kilo est de 30 à 40 centimes en dessous du coût de revient et le manque à gagner approche les 25 euros par porc sortant de son élevage.
Ces lourdes pertes ne permettent plus aux éleveurs de faire face. Nombre d’entre eux sont engagés dans des procédures de redressement. Beaucoup se retrouvent dans une situation financière et humaine catastrophique.
Les responsables de la filière réclament des mesures de soutien d’urgence : des aides au stockage privé en Europe, des reports d’annuités, des allégements de cotisations sociales, des prêts de trésorerie. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour redonner de l’espoir à nos éleveurs et sauver les milliers d’emplois qui en découlent ?
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, vous avez évoqué la question de l’environnement et celle de la situation des prix agricoles. Je vous demande d’éviter de lier les deux. Vous l’avez dit très justement : la question des prix est une question de marché, liée à une production de céréales bien plus importante que celle que l’on avait pu connaître les années précédentes, et s’agissant du porc, à une conjonction de plusieurs facteurs ayant entraîné une crise profonde. Il faut y répondre par des mesures conjoncturelles, et vous avez listé un certain nombre d’entre elles.
Hier nous avons rencontré la Fédération nationale porcine. Nous allons mettre en place dans toutes les préfectures une cellule d’urgence, qui va traiter les questions que vous avez évoquées : allégements, reports de cotisations de la Mutualité sociale agricole, reports et allégements sur les remboursements et les frais financiers, allègement ou suppression des taxes sur le foncier non bâti parce qu’il fallait régler ces problèmes, mobilisation de l’ensemble des institutions financières pour obtenir des allégements sur les frais financiers.
Nous avons acté l’ensemble de ces dispositions hier avec les représentants de la profession. Cela fera l’objet d’une mise en oeuvre. Dès cet après-midi, il y aura en Bretagne une réunion avec l’ensemble des représentants de la grande distribution, car chacun doit prendre conscience que le prix est un enjeu aujourd’hui et qu’on ne peut pas continuer dans la déflation.
J’ajoute que dès le début du mois d’avril, l’étiquetage des viandes fraîches porcines mentionnera l’origine française de la production. Nous avons demandé à la grande distribution de favoriser l’achat de produits français. Aujourd’hui, la viande porcine française est disponible ; il faut maintenant qu’elle soit sur les étals.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, nous avons tous la volonté d’une France rassemblée lorsque la République est menacée. Nous avons tous la volonté d’une Europe solidaire lorsque la Grèce nous sollicite. Nous avons tous envie d’un monde responsable lorsque nous avons l’impérieuse obligation de sauver la planète d’un désastre climatique annoncé.
Se rassembler, ce n’est pas se compromettre ; se rassembler, c’est trouver des accords et faire des compromis.
Nous venons, monsieur le Premier ministre, de passer de très nombreuses heures à débattre, à coproduire, comme rarement, en commission et dans l’hémicycle, avec des propositions concrètes pour la croissance et l’activité …
…des solutions nouvelles pour l’autonomie des jeunes ; pour permettre aux salariés de peser dans les négociations, et pas seulement le dimanche ; pour éviter les délocalisations et favoriser la création d’entreprise ; pour redonner du pouvoir d’achat en faisant baisser certains tarifs
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
; pour élargir la panoplie des solutions pour se déplacer à bas prix ; pour en finir avec le travail à bas coût dans le bâtiment et dans les transports routiers ; pour tirer le rideau sur les retraites chapeau ; pour remettre de la concurrence dans le secteur de la distribution,
Mêmes mouvements
seul moyen de donner plus de chance aux producteurs de trouver des débouchés et aux consommateurs d’avoir de vrais choix.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Oui, monsieur le Premier ministre, des solutions pour créer plus d’emplois en lançant aussi de nouveaux grands chantiers et en redonnant du souffle à la construction de logements, oui, chers collègues c’est tout ça la loi Macron !
Alors, monsieur le Premier ministre, ce n’est pas la première fois que nos débats n’attendent pas d’avoir la réponse pour répondre à la question, ni que le contexte prend le pas sur le texte.
Votre décision d’application de l’article 49-3, qui ne relève d’ailleurs pas de l’exception, est la solution pour continuer le chemin vers l’adoption de cette loi, qui a été votée ligne à ligne dans l’hémicycle. Tous ceux qui l’attendent, tous ceux qui ont travaillé honnêtement pour améliorer ce texte, tous ceux qui en ont voté article après article vous en remercient.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. -Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président Brottes, la suite, pour vous répondre concrètement, c’est que le texte présenté par Emmanuel Macron sera adopté. C’est ainsi que fonctionne notre Constitution. Ce texte va poursuivre son chemin au Sénat et reviendra à l’Assemblée nationale. Et j’ai une conviction, c’est ce que texte entrera ce printemps dans les faits,…
…parce qu’il est utile et nécessaire pour notre pays.
Je veux à mon tour saluer le travail du Parlement.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
En effet tous les articles de ce texte ont été adoptés par l’Assemblée nationale. Plus de mille amendements ont été adoptés, grâce au travail fait en commission comme dans l’hémicycle. C’est une véritable coproduction parlementaire – vous avez eu raison d’utiliser ce mot – entre le Gouvernement et le Parlement.
Et ceux qui crient au coup de force se trompent profondément. Le 49-3 a souvent été utilisé, notamment par la droite, pour interrompre un texte alors qu’il y avait du monde dans la rue.
Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.
Là, le texte a été adopté…
(« Menteur ! » sur les bancs du groupe UMP.)
… mais je ne pouvais pas prendre le moindre risque sur le vote de ce texte…
…parce que se sont conjugués immobilisme, conservatisme, irresponsabilité, infantilisme.
Ma responsabilité, celle du Gouvernement et de l’immense majorité de députés socialistes, c’était de faire en sorte que ce texte soit adopté pour qu’il entre dans les faits…
…parce que c’est un coup de jeune pour notre économie, parce que c’est nécessaire pour débloquer les trop nombreux blocages qu’il y a dans ce pays, parce qu’il faut aller de l’avant.
La suite, monsieur le président Brottes, c’est de poursuivre sur la voie des réformes.
Il n’y a pas d’idées dans l’opposition, et nous le verrons demain. Il n’y a pas de majorité de rechange.
Demain nous verrons à nouveau l’addition de l’immobilisme, du conservatisme, de ceux qui n’ont pas compris dans quel monde on vit et la nécessité pour la France de se mettre au bon niveau pour la compétitivité de ses entreprises. Mais c’est aussi au nom de la justice que nous allons poursuivre les réformes, réformes nécessaires, et nous en parlerons la semaine prochaine avec les partenaires sociaux : réformes pour les entreprises, réformes pour notre économie.
Dans quelques jours, nous ferons des annonces importantes pour l’école, pour faire vivre les valeurs de la République …
… pour nos quartiers, pour la jeunesse. On peut crier quand on n’a aucune idée…
… Mais le Gouvernement et son chef tiennent bon, ils avancent, pas pour eux, mais pour le pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.
Projet de loi Macron
Monsieur le Premier ministre, à cet instant, il est assez plaisant de vous entendre défendre un projet de loi auquel personne ne comprend plus rien.
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Il est assez plaisant de vous entendre essayer d’expliquer les 295 articles d’un texte que personne ne peut résumer simplement et brièvement.
Il est assez plaisant de vous entendre expliquer que, grâce à ce foisonnement qui relève de la brocante du dimanche après-midi, la France pourra tirer quelque profit que ce soit en matière de croissance et d’activité.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le Premier ministre, vous avez bien fait, hier, d’engager la responsabilité du Gouvernement : cet épisode témoigne qu’il s’agit d’abord de votre échec.
Si ce texte n’a pas été adopté normalement – vous avez décidé d’engager cette procédure du 49-3 d’une manière inintelligible –, c’est que votre méthode n’était pas la bonne.
Vous ne pouvez pas faire croire aux Français qu’il y aura moins de chômeurs parce que des cars rouleront à la place de trains qui ne rouleront plus,
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP
vous ne ferez pas croire aux Français qu’il y aura moins de chômeurs parce que les postiers feront passer le permis de conduire,
Mêmes mouvements
vous ne ferez pas croire aux Français qu’il y aura moins de chômeurs parce que les Allemands achèteront notre industrie de l’armement,
Mêmes mouvements
vous ne ferez pas croire aux Français qu’en vendant les bijoux de famille des aéroports, le nombre de demandeurs d’emploi diminuera !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Finalement, en décidant d’appeler ce texte « projet pour la croissance et l’activité », titre qui n’a que peu à voir avec son contenu, vous entretenez une tromperie qui, hier, a éclaté à la face du pays.
La réalité, c’est que vous ne réussissez pas à convaincre votre propre majorité. Vous ne réussissez pas à convaincre votre propre parti. Vous ne réussissez pas à convaincre que la France ne doit pas entrer dans une vague de marchandisations qui ne correspond pas à sa tradition.
Nous résistons quant à nous à tout cela et nous faisons bien.
Monsieur le Premier ministre, plutôt que de vous limiter au 49-3, vous devriez tirer de votre propre incapacité à réformer le pays bien d’autres conséquences, dont celle de la pertinence de votre présence à la tête du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
Brouhaha sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Poisson, je sais que vous avez participé activement au débat…
Monsieur Jacob, vous êtes un expert en la matière !
Je réponds à M. Poisson.
Monsieur Poisson, vous avez donc participé à ces débats et j’imagine que vous avez ainsi pleinement accompli votre travail de parlementaire, parce que vous considériez que ce texte était important et que chacun avait son mot à dire à son propos.
Je remarque d’ailleurs qu’un certain nombre de parlementaires de l’opposition souhaitaient voter ce texte.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Cela est vrai chez les centristes, mais j’ai compris que bien des consignes avaient été données jusqu’à hier encore pour qu’aucune échappée ne se produise du côté de l’UMP.
Cela illustre bien la difficulté dans laquelle vous vous trouvez.
Lorsqu’il s’agit de réformer, d’avancer, de libérer les énergies dans notre économie, quand il s’agit, oui, de lui donner de la force, y compris à travers des privatisations partielles ou des ouvertures de capital, vous êtes incapables de vous mobiliser en faveur de l’intérêt général parce que vous vous bornez à la confrontation et à une opposition systématique.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Telle est, malheureusement, la réalité !
Face à cela, oui, la majorité a débattu, mais le 49-3 nous permet d’avancer parce que, dans le contexte économique que nous connaissons et dans un climat si tendu, les Français attendent que le Gouvernement avance, progresse et ne perde pas de temps afin de réaliser les réformes nécessaires.
Alors, monsieur Poisson, malgré vos derniers propos, soyez certain que je suis pleinement à ma place en tant que chef du Gouvernement ! Je suis en effet convaincu que l’action que nous menons est attendue par les Français et que c’est celle dont le pays a besoin !
Vous pouvez compter sur moi et sur ma détermination pour continuer les réformes, malgré vous, malgré tous les conservatismes, malgré tous les immobilismes, que l’on retrouve sur de nombreux bancs ! Mais il y a une majorité, il n’y a pas de majorité alternative et nous continuerons à agir ainsi !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Ma question s’adresse à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, je suis très fière de vous poser cette question parce que je suis issue de la Drôme, département et terroir que vous connaissez bien.
Monsieur le ministre, notre agriculture constitue dans toute sa diversité un atout très fort pour notre pays sur le plan économique, social et environnemental.
Les savoir-faire de nos agriculteurs sont reconnus à travers le monde et permettent d’exporter 30 % de la production nationale, contribuant à hauteur de 9 milliards au redressement de notre balance commerciale.
Ces bons chiffres ne doivent pas pour autant occulter les défis croissants que doivent relever les différents secteurs agricoles.
En effet, ils doivent faire face à une concurrence internationale importante et répondre simultanément aux demandes légitimes de nos concitoyens en matière de protection de l’environnement et de santé.
Compte tenu des difficultés exprimées par la profession, le Gouvernement a initié à l’automne dernier un travail de co-construction pour soutenir les exploitations françaises.
Quatre grands chantiers ont ainsi été engagés : l’adaptation du droit du travail aux caractéristiques de l’activité agricole, le rééquilibrage des relations commerciales entre les producteurs et la grande distribution, la simplification de la réglementation environnementale et, enfin, le soutien à la recherche et à l’innovation.
Il s’agit d’appréhender les obstacles à l’activité des professionnels de façon pragmatique, dans le respect du droit du travail et des objectifs de protection de l’environnement.
D’ailleurs, dans la continuité de ce travail, vous participerez vendredi avec le Président de la République au forum international intitulé « Agriculture et changement climatique ».
Monsieur le ministre, à la veille de l’ouverture officielle du Salon international de l’agriculture, pouvez-vous nous faire part du travail que vous avez d’ores et déjà réalisé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le président, madame la députée, vous avez posé une question sur le travail qui a été engagé.
Hier, au cours d’une rencontre avec le Premier ministre, le président de la FNSEA a salué le fait qu’il s’agit d’un travail interministériel portant sur les questions liées au travail et à l’apprentissage.
Nous avons formulé des propositions concrètes, avec le ministre du travail, afin de favoriser l’apprentissage dans le domaine de l’agriculture, qui représente potentiellement entre 15 000 et 20 000 emplois.
Des mesures de simplification ont été proposées et seront appliquées dès le 1er mai.
Nous avons également évoqué l’ensemble des questions relatives à l’environnement sans renoncer, évidemment, aux objectifs environnementaux.
Je rappelle que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a été votée au mois de septembre 2014 et qu’elle a largement rassemblé les parlementaires, sur tous les bancs, de la gauche jusqu’au centre.
Elle fixe des objectifs en termes d’agro-écologie, propose des mesures de simplification en ce qui concerne les installations classées et améliore les conditions du contrôle en agriculture.
Tel est également l’objet du rapport de Frédérique Massat qui a été présenté hier à M. le Premier ministre.
Nous sommes aussi animés par un objectif d’équilibre dans les relations commerciales. Un comité de suivi a été mis en place avec la grande distribution. Le Pacte de responsabilité profitera, lui aussi, à l’agriculture et à l’industrie agroalimentaire, à hauteur de 1,8 milliard en 2016. Il s’agit d’un effort extrêmement important et nécessaire compte tenu des conditions dans lesquelles l’activité agricole s’exerce aujourd’hui à l’échelle européenne et mondiale.
Voilà ce qui est engagé, sans oublier la recherche et l’innovation.
Enfin, nous proposerons un projet réunissant l’INRA, l’IRSTEA, le CIRAD et le CEA pour ouvrir de grandes perspectives dans l’agro-équipement et le bio-contrôle.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, nous avons bien compris les efforts que vous devez faire pour tenter de rassembler votre majorité, mais je veux citer des propos que vous avez tenus en 2008 : « Seuls les textes très particuliers, tels le projet de loi de finances ou le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, doivent pouvoir être adoptés par la voie de l’article 49, alinéa 3 ». Ce sont les termes d’un amendement que vous aviez déposé lorsque vous étiez parlementaire.
« Eh oui ! sur quelques bancs du groupe UMP.
Pourtant, vous avez décidé de passer en force pour l’adoption de la loi Macron, à laquelle nous avons consacré près de deux cents heures de travail, deux cents heures durant lesquelles nous n’avons cessé de vous alerter. Si nous avons été écoutés, nous n’avons pas du tout été compris !
Ce texte fourre-tout stigmatise certaines professions, les professions réglementées par exemple. Et le texte final est pire que le texte initial sur les conditions d’installation des notaires et sur leurs tarifs, sur les avocats, les tribunaux de commerce et les prud’hommes. Autant de professions qui relèvent d’ailleurs de la compétence de Mme la ministre de la justice, absente de tous nos débats. Nous aurions pourtant eu besoin de son avis ! La colère de ces professions, comme celle des professions de santé, monte dans le pays. Et aujourd’hui, vous leur montrez à quel point elles ont raison, à quel point les Français ne peuvent plus rien attendre de vous !
Monsieur le Premier ministre, ce passage en force est révélateur. Révélateur de votre incapacité à trouver une majorité pour gouverner notre pays. Révélateur de l’incapacité de votre gouvernement à engager les véritables réformes de structure dont notre pays a besoin pour la relance de l’emploi, la compétitivité de nos entreprises, l’augmentation du pouvoir d’achat et la garantie des retraites.
Alors, monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas qu’il est temps d’écouter les Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député Lurton, je tenais d’abord à vous remercier d’avoir été présent tout au long, non seulement de l’examen du texte en commission spéciale, mais aussi des débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle. Vous avez débattu, défendu des amendements, et aussi été entendu, contrairement à ce que vous pouvez dire.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Au nom de quoi commentez-vous le travail des députés ? Vous n’êtes pas parlementaire !
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président Jacob, vous aurez tout le temps de dire ce que vous pensez demain.
Près de mille amendements ont été adoptés, dont plusieurs dizaines venant de vos rangs. La vision que vous donnez de notre débat est donc caricaturale.
S’agissant des professions réglementées, que vous évoquez, vous savez comme moi que nous avons amélioré le texte
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
et introduit une réforme qui aidera les plus jeunes à s’installer, qui assurera la transparence des tarifs, lesquels seront révisés tous les cinq ans, et qui permettra, enfin, aux professionnels de s’organiser.
Mêmes mouvements.
Laissez-moi vous dire, monsieur le député, que la bonne réforme, ce n’est pas l’immobilisme. Non, ce n’est pas l’immobilisme ! Nous avons amélioré ce texte, nous y avons apporté des modifications, après avoir reçu et écouté ces professionnels.
Mêmes mouvements.
J’ai reçu des centaines, et même des milliers de lettres de jeunes professionnels qui souhaitent, qui attendent cette réforme.
Nous la faisons pour eux, et le reste de la réforme, nous la ferons pour eux ! Au fond, monsieur le député, la seule réponse que je voudrais vous faire, à vous qui avez participé à ce débat, c’est que, face à la grande coalition du déni, celle qui considère qu’il n’y a rien à faire, celle qui considère que nous ne devrions pas bouger, eh bien oui, nous avons raison d’agir !
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est vers votre majorité qu’il faut vous tourner !
Monsieur le député, je voulais vous le dire : les Françaises et les Français attendent cette loi ! Regardez l’opinion, demandez à vos concitoyens : ils attendent ces mesures. Non pas les grandes réformes qui n’existent pas, mais des mesures concrètes, pour les jeunes et pour les Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de la défense, vous revenez d’Égypte, où vous avez signé officiellement, au nom du Président de la République et de la France, trois contrats majeurs avec un pays ami. C’est évidemment une bonne nouvelle pour notre économie, mais aussi pour nos ingénieurs et nos techniciens, car c’est l’excellence française qui est récompensée.
Ce serait une erreur d’engager une polémique sur la nature du régime égyptien. Cette attitude, en effet, ne serait pas à la hauteur des enjeux auxquels est confrontée l’Égypte, comme la France, l’Europe et tout le Moyen-Orient. Le principal de ces enjeux est le cantonnement des mouvements terroristes, qui ont étendu leur emprise de l’Afrique de l’Ouest jusqu’à la Somalie, mais aussi de la Libye jusqu’aux portes de Bagdad.
Monsieur le ministre, personne n’a rien à gagner aux faux débats. Les équipements de haute technologie acquis par l’Égypte ont un seul objectif : renforcer la capacité de ce pays à intervenir contre un ennemi totalitaire et barbare, qui s’enracine en Libye, comme l’actualité nous l’a hélas rappelé. C’est donc bien dans un dessein partagé de retour à une paix durable dans la région que s’inscrit ce dialogue stratégique.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : quelles sont les prochaines étapes de la stratégie nationale en la matière ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Madame la présidente de la commission de la défense, le contrat qui a été signé lundi entre la France et l’Égypte est d’abord le succès de l’industrie française.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.
C’est d’abord le succès de l’industrie de défense de la France. C’est d’abord le succès de l’industrie aéronautique de la France. C’est aussi la qualité de nos technologies, celle de nos bureaux d’études, le savoir-faire de nos ingénieurs, de nos techniciens, et des salariés de l’ensemble de nos entreprises industrielles liées à la défense.
Mais c’est aussi une question de méthode.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.
Si ce contrat a été conclu, et s’il l’a été rapidement, c’est parce que les principaux acteurs ont travaillé en équipe.
Qu’il s’agisse des industriels, qui auraient pu avoir des intérêts contradictoires, et qui ont fait passer l’intérêt commun en premier, qu’il s’agisse des armées – je pense en particulier à l’État-major de la marine et de l’armée de l’air –, qu’il s’agisse des plus hautes autorités de l’État – le Président de la République et le Premier ministre – qui ont suivi ce dossier de bout en bout, qu’il s’agisse des ministères, celui des affaires étrangères et celui des finances, tous ont agi ensemble pour aboutir à ce résultat C’est le résultat de l’équipe France à l’exportation.
Vous avez bien voulu rappeler que l’Égypte est par ailleurs confrontée à de graves difficultés. Nous avons le même adversaire, madame la présidente, et ce n’est pas un hasard si c’est Daech qui a frappé l’Égypte lundi dernier en assassinant vingt et un Coptes égyptiens. Nous avons, avec l’Égypte, un partenariat stratégique qui s’ouvre demain. Nous en sommes à la première étape.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.
La parole est à M. Rémi Delatte, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, alors que depuis de nombreuses semaines, vous balayez d’un revers de main nos interpellations et nos avertissements quant aux dispositions prévues dans le projet de loi sur la santé, c’est aujourd’hui à un front uni des professions médicales et paramédicales ainsi que des établissements de santé publics et privés que devez faire front.
Tous sont mobilisés et demandent à rediscuter, notamment sur la généralisation du tiers payant, la refonte du service public hospitalier, la réforme de la médecine du travail ou les pouvoirs accrus des agences régionales de santé dans le cadre de la création du service territorial de santé.
À n’en point douter, ils seront nombreux, très nombreux, à exprimer leur colère et plus encore, leur inquiétude, pour interpeller votre Gouvernement lors de la grande journée de mobilisation générale, le 15 mars prochain. Monsieur le Premier ministre, il est encore temps, écoutez-les !
Par ailleurs, vous nous parlez de ce texte depuis longtemps, et on apprend cette semaine que son examen à l’Assemblée, initialement prévu en janvier, puis en février, vient d’être de nouveau repoussé, en mars cette fois. Quel respect pour la représentation nationale !
Sachant que votre Gouvernement vient d’engager un simili de concertation, qui pourrait aboutir à de profondes modifications du texte, les députés se trouveront donc privés du temps nécessaire pour l’étudier. Non monsieur le Premier ministre, vous ne pourrez pas systématiquement passer en force !
Au fond, ce texte est mal abouti, il ne convainc personne ! Il est temps d’en tirer toutes les conséquences. C’est pourquoi, monsieur le Premier ministre, le groupe UMP demande le retrait pur et simple de ce projet de loi qui est clairement à la dérive.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le député Rémi Delatte, en matière de santé, les Français n’attendent pas de l’immobilisme. Ils attendent que l’on aille de l’avant vers un système plus juste qui réponde mieux à leurs préoccupations.
Contrairement à ce que vous dites, les constats sont partagés. Notre système de santé fait preuve à la fois d’excellence et de certaines insuffisances qui expliquent la montée des inégalités au cours des années passées. C’est pour cela que le projet de loi tend à moderniser notre système de santé, en mettant en avant la prévention du tabagisme par exemple, ou en favorisant les dépistages. Est-ce à cela que vous voulez renoncer ?
Notre projet de loi propose de moderniser et d’améliorer l’organisation des soins de proximité autour du médecin traitant, avec la création du médecin traitant de l’enfant ou avec la création d’un numéro de téléphone de garde unique sur tout le territoire national.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Le projet de loi propose aussi cette mesure contestée, qui fait l’objet de discussions, le tiers payant. Il doit permettre d’accéder plus facilement aux soins.
La modernisation se fait aussi en renforçant ce que l’on appelle la démocratie sanitaire, c’est-à-dire les droits des patients. Oui, les patients aussi doivent être pris en considération, avec par exemple la mise en place de l’action de groupe en matière de santé.
La concertation est engagée avec les professionnels de santé, et des amendements tireront toutes les conséquences des avancées que nous réalisons de manière apaisée.
Monsieur le député, le Gouvernement est résolu à aller de l’avant pour plus de justice, lutter contre les inégalités et répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de santé.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Armand Jung, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la garde des sceaux, depuis plusieurs mois, un climat malsain, délétère, s’installe de plus en plus dans notre pays. L’antisémitisme et le racisme viennent gangrener la conception du vivre-ensemble à laquelle nous sommes tous attachés.
Particulièrement touchée, la communauté juive de France est visée, menacée, prise à partie, comme si certains voulaient effacer de la mémoire collective l’apport des juifs de France à notre histoire commune.
Vous l’avez rappelé ici même, monsieur le Premier ministre : en attaquant un juif, on s’attaque à toute la France.
Dimanche, en Alsace, dans le Bas-Rhin, c’est plus de la moitié des tombes d’un cimetière israélite qui ont été profanées, avec acharnement, jusqu’à détruire le monument en mémoire des victimes de la Shoah.
À Sarre-Union hier, le Président de la République, entouré de plusieurs de nos collègues dont vous-même, monsieur le président, a tenu à rappeler fermement que : « Lorsque l’on s’attaque aux morts, on s’attaque aux vivants. »
« Profaner, c’est insulter toutes les religions et c’est profaner la République », a-t-il ajouté. Ainsi, nous condamnons avec la même fermeté les dégradations au cimetière chrétien découvertes hier soir à Tracy-sur-Mer, dans le Calvados.
C’est pourquoi, madame la garde des sceaux, je vous demande d’indiquer à la représentation nationale quels moyens sont et seront mis en oeuvre pour endiguer cette vague d’antisémitisme, de racisme et de haine. L’indignation collective bien entendu, la sanction évidemment, mais quelles stratégies éducatives et pédagogiques mettre en oeuvre pour combattre ces fléaux qui rongent notre pays ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Monsieur le député Armand Jung, la profanation du cimetière de Sarre-Union nous saisit encore d’émotion et nous pensons à la douleur des familles, de celles ceux qui ont aimé ces morts. Nous sommes aussi frappés d’indignation face à l’insensibilité que révèlent ces actes. Nous sommes révulsés par cette haine si dévastatrice.
Dans le même temps, nous éprouvons une profonde tristesse à voir les valeurs, l’éthique, le sens et le prix de la vie, tout ce qui est essentiel et qui nous liait, se défaire sous nos yeux. Que ce soit à Sarre-Union, à Tracy-sur-Mer ou sur le quai de la ligne 9 du métro parisien, pour ne prendre que les plus récents exemples, ces actes racistes ou antisémites, de haine de l’autre, sont une véritable plaie béante sur nos consciences et constituent une profonde blessure pour la République.
Le Président de la République a décidé de faire de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme une grande cause nationale en cette année 2015, et cela nous conduit à amplifier ce que nous avons déjà entrepris. La circulaire de juin 2012, alors que nous venions d’arriver aux responsabilités, indiquait au parquet que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme est une priorité de politique pénale. Depuis, nous avons mis en place le réseau de magistrats référents sur tout le territoire, la formation a été renforcée depuis juin 2013, les bilans ont été tirés en 2013 et 2014, et deux circulaires, en août 2014 et en janvier 2015, ont été publiées. Nous allons vous proposer sous peu de faire du racisme et de l’antisémitisme des circonstances aggravantes dans de multiples infractions. Nous proposerons également, de façon imminente, une plate-forme dédiée aux victimes du racisme, de l’antisémitisme insupportable, et des discriminations. Et nous allons présenter un projet d’action de groupe qui permettra à ces victimes d’agir ensemble.
Il nous faut retisser le lien social, il nous faut revigorer la République, il nous faut retracer ensemble le destin commun.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
La parole est à M. Antoine Herth, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l’agriculture, à quelques jours de l’ouverture du salon international de l’agriculture, nos agriculteurs n’ont pas le coeur à la fête. Les céréaliers n’ont plus de trésorerie pour préfinancer les semences et les engrais de la prochaine campagne. Les éleveurs de porcs ont le sentiment d’être pris en otages – ils le disent eux-mêmes – par la politique étrangère. Les producteurs laitiers sont face à une grande distribution qui leur demande de baisser leurs prix de vente de 15 %. Les producteurs de fruits et légumes doivent eux-mêmes céder leur marchandise pour quelques centimes. Quant aux éleveurs de moutons, ils se demandent s’ils ont encore un avenir face à la prolifération du loup.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Au lieu de prendre le taureau par les cornes, j’ai l’impression que vous vous enfermez dans des questions d’intendance.
Votre plan Écophyto 2 accouche d’une nouvelle taxe, aggravant les charges qui pèsent sur le monde agricole sans apporter, d’ailleurs, de réponse aux producteurs de cerises ou de fraises qui attendent une solution pour lutter contre la mouche asiatique – vous le savez.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Le compte pénibilité donne des maux de tête aux employeurs. Quant à la future politique agricole commune, tout le monde attend vos arbitrages et personne n’y comprend plus rien.
La vérité, c’est que vos choix idéologiques sont mauvais dès le départ. Vous vouliez faire le bonheur des éleveurs aux dépens des céréaliers : vous n’avez fait qu’aggraver une crise généralisée de toutes les productions. À présent, le Président de la République vous demande d’alléger les contraintes de la directive « nitrates ». Pas sûr que cela suffise pour redonner le moral dans nos campagnes.
Monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous renverser la table et apporter de vraies réponses aux agriculteurs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le député, je vous ai connu, lors du débat sur la loi d’avenir pour l’agriculture, beaucoup plus consensuel et travaillant dans un esprit de collaboration.
Exclamations sur divers bancs.
Je ne renverserai pas la table, parce que je suis attaché aux grandes tablées et que je pense que les moments passés autour d’une table sont des moments de partage.
Cependant, il vaut mieux avoir un projet et une idéologie que de ne pas en avoir du tout, ce qui était le cas de votre groupe lorsque nous avons débattu de la question essentielle qui est celle de l’agriculture.
La réforme de la politique agricole commune a été négociée et sera mise en oeuvre avec difficulté. Permettez-moi de vous rappeler que, pendant six mois, l’administration française a travaillé pour éviter que nos agriculteurs subissent un apurement des aides de la précédente PAC, que la précédente majorité avait mise en oeuvre.
La Commission européenne nous a réclamé 1,1 milliard d’euros. Je ne l’ai pas dit car j’assume la responsabilité de la continuité de l’État, mais je pourrais vous renvoyer quelques compliments.
Quant au choix de la stratégie, j’ai parfaitement mesuré la crise que traverse le monde agricole. Nous apportons des réponses au jour le jour, au cas par cas, pour essayer de sortir de la crise conjoncturelle dans laquelle nous sommes.
Monsieur le député, vous savez qu’il s’agit aussi d’une crise de marché, d’une crise de conjoncture globale à l’échelle internationale. Vous parliez des céréales. Je vous rappelle qu’à certains moments, les prix étaient extrêmement élevés.
L’an dernier, ils ont baissé parce que la production mondiale a augmenté par rapport à la demande. À chaque fois, nous trouvons les équilibres. La question de la volatilité des prix dépasse les choix que nous pouvons faire ici.
S’agissant des problèmes et des discussions actuels relatifs à la mise en oeuvre de la politique agricole commune, je vous rappelle le travail que nous avons fait sur les apurements. Aujourd’hui, nous nous engageons à faire en sorte que les déclarations remplies par les agriculteurs leur permettent de toucher les aides de la PAC en 2015. L’enjeu est bien d’aider les agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre des outre-mer, si la crise du logement est générale, elle atteint des sommets à La Réunion où le décalage ne cesse de croître entre la nécessité de construire 6 000 logements sociaux par an et la production réelle qui est en chute libre.
Les conséquences pour les familles sont connues. Elles sont dramatiques et elles s’aggravent. Dans son dernier rapport annuel, la fondation Abbé-Pierre vient de faire état d’un tableau douloureux du mal-logement.
Cette situation n’est pas non plus sans effet sur le secteur du BTP, surtout quand il se trouve, comme à La Réunion, de plus en plus lié à la commande publique, qui représente désormais 80 % de son activité. De fait, ce secteur a déjà perdu des milliers d’emplois. Quant aux entreprises, leur nombre a presque diminué de moitié. Après six années de dégradation continue, 2015 s’annonce comme l’année de tous les dangers.
Une menace imminente pèse sur l’ensemble de la filière construction. Elle ne sera pas conjurée par le projet de la nouvelle route du littoral, dont le budget colossal, auquel émargent surtout des multinationales, n’irriguera vraisemblablement guère l’économie locale.
Une inversion de ces perspectives inquiétantes dans le BTP passe nécessairement par une réponse adéquate à la forte demande de logements sociaux, mais aussi de logements intermédiaires. Les obstacles fonciers, juridiques et financiers qui contrarient la mise en place d’un cercle vertueux entre le grand chantier du logement et le secteur du bâtiment sont identifiés.
La question est de savoir quels moyens le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour que la relance de la construction, dont il a fait une de ses priorités, se traduise aussi à La Réunion par une augmentation rapide du nombre de logements livrés et réhabilités.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la députée, votre question me donne l’occasion de réaffirmer la volonté du Gouvernement de progresser sur la question majeure du logement, qui est à la fois un besoin pour les populations et un facteur d’emploi pour les entreprises.
Je me suis rendue récemment à La Réunion, où j’ai reçu les professionnels du BTP. J’ai bien compris leurs préoccupations.
Depuis 2012, nous réalisons des efforts considérables pour améliorer la situation. La dotation de la ligne budgétaire unique a augmenté de 10 %. Nous avons aussi fait en sorte de préserver et de moderniser les dispositifs de défiscalisation. Nous venons tout juste d’obtenir de Bruxelles le feu vert pour mettre en place une aide d’État que nous avons eu du mal à faire entériner.
Le logement privé s’est effondré à La Réunion. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, nous avons pu obtenir que le plafond de défiscalisation applicable au logement intermédiaire soit porté à 18 000 euros.
Vous savez aussi qu’en la matière, il faut harmoniser la politique de l’État avec celle des collectivités territoriales. Or, en raison des élections municipales, un certain nombre de projets sont demeurés en attente. En outre, la décision de la région Réunion de se retirer du fonds régional d’aménagement foncier et urbain, le FRAFU, ne va malheureusement pas dans la bonne direction.
Pour autant, nous travaillons avec Mme Pinel à un plan efficace permettant de rassembler toutes les bonnes volontés. Par ailleurs, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, va désormais mettre une priorité sur La Réunion dans les nouveaux contrats, ce qui nous permettra d’avancer significativement.
La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de la défense, l’actualité est très riche, ces derniers temps, pour notre industrie navale de défense et je souhaiterais à ce sujet vous poser plusieurs questions.
La première concerne la vente à l’Égypte de la frégate multimissions Normandie. Ce bateau, qui est le deuxième construit de sa classe par DCNS, a été mis à l’eau en septembre 2013 et a quitté Lorient le 15 mai 2014 pour Toulon. Après une phase intense d’évaluation à la mer et la mise à l’épreuve à plus de cinquante reprises de son système de combat, il est reparti pour Lorient et devait assurer, à Brest, la remontée en puissance des capacités de lutte anti-sous-marine sur la façade atlantique.
Sa vente à l’Égypte aura des impacts humains importants et nécessitera une réorganisation de nos capacités de défense navale.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire qui va encaisser le chèque de nos amis égyptiens : le ministère de la défense, Bercy ou DCNS ? En outre, comment allez-vous gérer cette situation nouvelle pour notre dispositif de sécurité maritime ?
Par ailleurs, la saga du BPC Vladivostok et de son sister ship le Sebastopol continue. Le premier a vu le départ des 400 marins russes qui s’étaient entraînés à son utilisation ; il est aujourd’hui à quai, sans vie.
Le second est toujours en construction à Saint-Nazaire, ce qui assure pour le moment de l’emploi aux salariés de DCNS.
Une nouvelle fois, vous avez confirmé, après le sommet de Minsk, que les conditions n’étaient toujours pas réunies pour sa livraison à la Russie.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous la conclusion de ce dossier ? Avez-vous un plan B ? Êtes-vous prêt à payer des pénalités pour non-respect du contrat, lesquelles peuvent s’élever jusqu’à 55 millions d’euros, sachant que de toute manière, en cas de non-livraison, la France devra rembourser les 890 millions d’euros déjà payés par la Russie, sans parler d’éventuels dommages et intérêts que réclamerait Moscou ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
S’agissant de votre première question, monsieur le député Vitel, relative à l’achat par l’Égypte d’une frégate multimissions, je vous précise, mais cela ne vous a pas échappé, que la signature a eu lieu entre le ministre de la défense égyptien et le président-directeur général de DCNS. Il n’est donc pas difficile de déduire quel est le destinataire du paiement.
Nous étions en situation de transférer la frégate Normandie, deuxième frégate du cycle des FREMM prévu dans la loi de programmation militaire à l’Égypte, sous réserve d’une accélération par DCNS du processus de fabrication des dix autres frégates qui doivent être affectées à la Marine nationale. Tel sera le cas. Il n’y aura donc pas rupture, mais accélération, et donc renforcement de l’emploi, ce qui répond à votre principale préoccupation, monsieur le député.
Concernant le bâtiment de projection et de commandement, commandé par une entreprise russe à DCNS, le Président de la République a, en novembre 2014, décidé de surseoir jusqu’à nouvel ordre à la demande d’autorisation nécessaire à l’exportation de ce bâtiment à la Fédération de Russie. Il considérait à l’époque que la situation à l’est de l’Ukraine ne permettait pas la livraison de ce navire à la Russie. Cette situation est la même aujourd’hui.
Notre priorité va donc à la stabilisation de la situation sécuritaire en Ukraine, ce qui passe par le respect du cessez-le-feu par l’ensemble des parties et le développement d’un projet politique qui permette de sortir de la crise.
Nous en sommes là, monsieur le député. Jusqu’à nouvel ordre, la livraison n’est pas à l’ordre du jour.
La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Chacun sait que durant les dernières années, la priorité donnée au tout-TGV et au développement du réseau ferroviaire a conduit à une dégradation de l’état du réseau existant.
Le gestionnaire des voies, en divers endroits du réseau, en est même venu à mettre en place des limitations de vitesse pour maintenir des conditions de circulation acceptables et en toute sécurité. Les habitants de ma circonscription des Côtes-d’Armor y sont d’ailleurs confrontés, sur la ligne qui relie Dinan à Dol-de-Bretagne.
Le recours à cette solution, malheureusement indispensable faute de moyens, va à contre-courant de la nécessité d’encourager le développement des trains du quotidien et le désenclavement des territoires ruraux.
Mais ce besoin de maintenance du réseau existant doit prendre en compte le doublement du volume de travaux annuels à réaliser entre 2007 et 2017 par le nouveau groupe public ferroviaire. Cette charge est la conséquence du lancement de quatre chantiers de lignes à grande vitesse à la fois, sans se soucier de la soutenabilité financière ni des besoins en ressources humaines. Nous en payons le prix aujourd’hui, dans tous les sens du terme.
Dès votre arrivée, vous avez demandé que la maintenance du réseau soit la priorité stratégique du nouveau groupe public.
Sur le terrain, SNCF Réseau a réussi jusqu’à présent à décliner cette priorité, sans que le calendrier en soit affecté. Mais il semble que ses efforts ne suffisent plus.
Ainsi, depuis quelques mois, de nombreux projets de développement du réseau ferroviaire, sont mis en sommeil par SNCF Réseau pour répondre au besoin de maintenance du réseau existant.
Je souhaite que vous nous précisiez la politique du Gouvernement en matière de sécurité ferroviaire et de projets de développement du réseau ferroviaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Vous avez raison, madame la députée, sur le diagnostic et sur les causes. Le choix, il y a quelques années, de lancer quatre lignes LGV en même temps s’est fait au détriment, il faut le dire très clairement, de l’entretien des infrastructures existantes.
Aujourd’hui, la fiabilité du réseau en pâtit. Or la sécurité ne saurait être remise en cause. La maintenance, vous le savez, ne se voit pas. Elle ne s’inaugure pas. Pourtant, c’est le défaut de maintenance qui explique les incidents du quotidien. La maintenance est l’hygiène de vie du réseau ferroviaire et il nous faut passer du curatif au préventif. C’est pour répondre à ce défi que SNCF Réseau a informé un certain nombre d’élus que des travaux de construction et d’amélioration des gares allaient être différés de deux ans.
Je veux tenir ici le discours de la responsabilité politique. On ne peut pas s’engager à tout faire en même temps. La priorité doit aller à la maintenance.
Nous ne pouvons pas continuer à regarder le réseau se dégrader et les transports venir altérer la vie quotidienne de ceux qui les utilisent pour aller travailler.
J’en appelle à la responsabilité de chacun, à la responsabilité des élus et certains ont déjà été informés, à la responsabilité de la SNCF à qui j’ai donné des instructions très précises. Dès ce soir, et tous les six mois dorénavant, je réunirai un comité de suivi. Le Gouvernement fait un choix et l’annonce. Ce choix est celui de la priorité à la maintenance et aux trains du quotidien.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, le paysage universitaire de nos départements français d’Amérique a changé, l’Université des Antilles et de la Guyane, ou UAG, laissant place à deux universités, l’une en Guyane et l’autre regroupant les pôles de la Martinique et de la Guadeloupe.
Le démantèlement de l’UAG, quelles qu’en soient les raisons, marque un échec, d’autant que, dans les régions continentales de la France, le processus de regroupement d’universités autour de grandes universités à rayonnement international s’achève. Je ne pense pourtant pas que les grandes questions stratégiques qui faisaient la pertinence de l’UAG ne seraient plus d’actualité.
Ce positionnement stratégique sur lequel s’appuyait notre Université et qui, malheureusement, est passé au second plan ces derniers mois, mettait un accent bénéfique sur la pluralité de ses territoires d’implantation en matière tant culturelle que de biodiversité. Cela doit demeurer au coeur de l’identité universitaire de nos départements, en synergie avec les organismes de recherche présents sur chacun des territoires.
Cette pluralité culturelle, aux côtés de la richesse de la biodiversité, est notre bien commun, notre force, et c’est l’un des rôles de l’Université que d’étudier et d’organiser la mise en valeur de ces ressources endogènes et de proposer des solutions pérennes pour mieux concilier activités humaines et préservation de la biodiversité dans une démarche bien comprise de développement durable.
La collaboration étroite sur ces questions communes à nos régions doit donc demeurer, et même être renforcée. Elle est vitale pour nos territoires marqués par un chômage des jeunes endémique et nous attendons bien plus de notre université.
Nous nous sommes évertués, ces derniers mois, à régler les questions juridiques et administratives liées à la création de l’université de la Guyane et à la transformation de l’UAG en Université des Antilles. Il nous faut dès à présent organiser la collaboration entre ces deux établissements.
Je plaide donc pour la mise en place d’outils spécifiques pour favoriser ces échanges tant au niveau des chercheurs et enseignants qu’à celui des étudiants.
Madame la ministre, quels accompagnements, spécifiques, prévoyez-vous pour encourager les échanges indispensables entre ces deux nouvelles universités de la Guyane et de la Guadeloupe et Martinique, et pour respecter les engagements pris auprès de tous les organismes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député Ary Chalus, comme vous l’avez rappelé, la création d’une université en Guyane avait été rendue nécessaire par de fortes tensions entre le pôle des Antilles et le pôle de Guyane. Je ne reviendrai pas sur les raisons, sur lesquelles j’ai déjà eu l’occasion de m’expliquer, et me contenterai de dire qu’aujourd’hui, nous n’en sommes plus là et que nous sommes en train de préparer l’avenir de ces deux pôles.
Cet avenir, nous le construisons ensemble et l’évolution que j’évoquais ne doit pas être considérée comme une malchance ou un échec, comme vous le formulez, mais au contraire comme une formidable opportunité, parce qu’elle permettra à chacun de ces pôles de travailler davantage au développement territorial et de s’inscrire davantage dans son environnement spécifique.
Pour ce qui concerne les Antilles, cela va permettre à l’université des Antilles – une université pour la Martinique et la Guadeloupe – de travailler davantage avec les Caraïbes, qui sont un milieu très important en matière d’exploration marine et de biodiversité. Cela va permettre également à l’université de Guyane de travailler davantage sur deux secteurs très porteurs : la biodiversité, domaine dans lequel cette université a déjà déposé, au titre des investissements d’avenir, un dossier d’innovation stratégique industrielle – ou ISI – pour le développement territorial, et l’espace, avec un investissement très important qui sera réalisé à Kourou grâce à la décision que nous avons obtenue à Luxembourg pour le lancement d’Ariane VI.
Pour autant, les coopérations existant depuis 1982 entre ces deux pôles vont non seulement subsister, mais se développer dans des domaines très porteurs pour l’environnement, l’agriculture et la biodiversité. Au niveau administratif, les transferts se sont faits dans les meilleures conditions.
Vous le voyez donc, les conditions du partenariat, du développement territorial et de tout ce qui va tirer ces territoires vers le haut sont réunies grâce à l’université et à la recherche.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l’intérieur, le 12 décembre dernier, l’Assemblée de Corse adoptait à une large majorité le principe d’une collectivité unique regroupant la collectivité territoriale de Corse et les deux départements de l’île.
Alors que les évolutions statutaires et institutionnelles de la Corse se sont toujours faites dans le cadre de projets de loi spécifiques à la Corse, vous avez décidé d’agir par le biais d’un amendement à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – la loi NOTRe –, assorti d’ici quelques mois d’ordonnances précisant certaines modalités. C’est inédit.
En 2003, les Corses étaient consultés par voie référendaire pour la première fois et l’impératif de la consultation populaire a été décidé unanimement par l’assemblée de Corse, qui l’a introduit dans sa délibération.
Malgré cela, vous considérez que le recours à l’amendement dans la loi NOTRe compromet l’organisation d’un référendum. Pourtant, l’article 72-1 de la Constitution dispose que « Lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. »
Vous proposez l’entrée en vigueur du nouveau statut d’ici deux ans, écourtant considérablement les mandats des conseillers départementaux et territoriaux qui seront élus cette année sans connaître la date exacte de publication des ordonnances et les modalités pratiques de la fusion – je pense là aux personnels, aux administrations, aux patrimoines et aux dettes de ces collectivités.
La perspective d’une fusion précipitée aura de lourdes conséquences sur la commande publique…
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le député Camille de Rocca Serra, depuis plus de deux ans maintenant, le Gouvernement a engagé un dialogue serein, fructueux et apaisé avec l’ensemble des élus de Corse, saluant au passage les immenses progrès réalisés en termes de sécurité et de justice et la fin de la violence, qui était tellement lourde à porter pour les Corses. Avec les ministres de l’intérieur Manuel Valls, puis Bernard Cazeneuve, des moyens ont été développés et nous avons pu parvenir à cette sérénité du débat.
L’Assemblée de Corse a délibéré et propose la création de cette assemblée unique. Comme M. Cazeneuve et moi-même vous l’avons dit a le 6 février, devant l’ensemble des élus, nous nous trouvons face à une alternative : soit nous prenons le temps d’organiser un processus référendaire, auquel cas, comme nous vous l’avons expliqué, il ne faut pas espérer la création de cette nouvelle collectivité au 1er janvier 2018, soit nous déposons un amendement à la loi NOTRe, seul véhicule législatif qui nous reste avant l’été prochain, et en débattons à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, ce qui nous permettrait d’installer cette collectivité territoriale pour cette date.
En fin de débat, monsieur de Rocca Serra, nous avons bien dit que c’était aux élus de Corse de se prononcer sur la méthode. Il était cependant important de déposer cet amendement en temps et heure car, si ce choix est fait, il faudra encore disposer d’un véhicule législatif. Les voies sont maintenant ouvertes, sur le fond du discours apaisé que nous avons échangé avec vous et l’ensemble des parlementaires. Nous savons que nous pouvons réussir, mais l’alternative existe : à l’assemblée de s’en saisir le plus vite possible.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 676 à l’article premier.
Par l’insertion des mots : « La connaissance de son histoire », cet amendement a pour objet de confier à la région la mission de concourir à la connaissance de l’histoire régionale. Dans le monde actuel, il est difficile, notamment pour les jeunes, de se situer dans le temps et dans l’espace. Il me semble essentiel que la région contribue à faire redécouvrir à chacun la proximité et la cohérence régionale. L’intégration par la région ne s’oppose pas à l’intégration par la nation ; au contraire, elle en est une condition préalable. L’objet de notre amendement est de confier ce rôle à la région.
La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
La commission a repoussé cet amendement, pour deux raisons en particulier. Premièrement, M. Le Fur l’a évoqué, la transmission de l’histoire de notre pays et des événements qui ont contribué à forger ses valeurs est une mission essentielle ; à ce titre, elle doit être confiée à l’Éducation nationale et à nos enseignants, dans tous nos collèges et lycées. L’apprentissage de l’histoire permet aussi d’ancrer dans les esprits la citoyenneté, condition du vivre-ensemble.
Lors des questions au Gouvernement, la garde des sceaux a eu tout à l’heure l’occasion d’évoquer les profanations qui ont malheureusement eu lieu à plusieurs reprises dans des cimetières ; elle a rappelé à quel point elles constituaient des blessures, des plaies béantes, pour la République. Nous devons tous être mobilisés pour combattre ces atteintes à nos valeurs et à notre identité.
La deuxième raison tient davantage à la nature du texte que nous examinons. En commission des lois, nous avons donné à la région une compétence en matière de culture – dont disposent également les autres collectivités –, mais également en matière de promotion des langues et des identités régionales, sur l’initiative de Paul Molac. Ajouter à ces missions la connaissance de l’histoire régionale ou la valorisation du patrimoine – puisque tel est l’objet d’un amendement qui viendra en discussion ultérieurement – revient à préciser de manière trop détaillée ces compétences. À force de vouloir préciser la nature et l’objet exacts des compétences exercées par chaque collectivité, celles-ci risquent d’être interprétées a contrario : les collectivités risquent d’être jugées compétentes seulement pour les domaines mentionnés, non pour la politique culturelle dans son ensemble. Nous considérons que l’histoire relève de la culture. Par conséquent, l’objet de cet amendement est inutile. Avis défavorable.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.
Même avis pour les mêmes raisons.
Monsieur le rapporteur, vous nous apportez la réponse jacobine classique ; S’agissant de l’enseignement de l’histoire, il s’agit de préserver le monopole de l’État, ce qui conduit à des aberrations : des jeunes ne connaissent pas l’histoire de leur commune, de leur territoire, de leur région. Ils apprennent une histoire globale, abstraite, souvent théorique, qui les amène peut-être à s’ouvrir sur le monde, mais en ignorant la proximité immédiate.
J’ai une conception inverse des choses : c’est par la proximité, par la connaissance de la réalité des choses, que l’on accède à l’universalité. Cette intégration par la proximité, se situer dans le temps et dans l’espace, est un élément constitutif de la citoyenneté et ne s’y oppose en aucun cas. Voilà pourquoi je maintiens mon amendement.
Pour aller dans le sens des propos de Marc Le Fur, je prendrai l’exemple de la place de l’histoire des « Malgré-nous » dans les programmes, qui a d’ailleurs déjà fait l’objet d’une discussion avec la ministre de l’éducation nationale. C’est un sujet essentiel, qui a une résonance particulière du moins sur le plan de l’histoire régionale. Ce fait historique n’est pas mentionné dans les programmes, alors que d’autres bien plus récents le sont. Cette question méritant une attention toute particulière, il serait bon que la collectivité régionale puisse contribuer au développement de la connaissance sur l’histoire régionale.
Et l’on constate que ce phénomène, ce fait historique, est absent alors que d’autres, bien plus récents, figurent dans les manuels. Cette question mérite une attention toute particulière : nous considérons qu’il serait intéressant que la collectivité régionale puisse prendre part au développement et à la connaissance de l’histoire régionale.
N’étant pas suspect, je pense, de jacobinisme, j’avoue ne pas comprendre, j’y insiste, le bien-fondé de cet amendement. En quoi peut-on présupposer que l’histoire ne fait partie de la culture ? L’amendement revient en effet à peu près à nier ce lien : or, à partir du moment où la région détient une compétence culturelle, il va vraiment de soi qu’elle s’implique sur quantité de manifestations, tant du point de vue de la conception que de la promotion, liées à l’histoire. Il peut s’agir de l’histoire avec un « grand H » mais aussi parfois d’histoires au pluriel, avec un « petit h ».
Mais que je sache, quand une région soutient un musée, une manifestation, ou la promotion de tel ou tel monument, ou quand la région Pays de la Loire s’implique sur le site de l’Abbaye de Fontevraud, je n’ai pas le sentiment, encore une fois, que l’histoire soit exclue de la culture. Je ne comprends donc pas cet amendement, car soit il relève d’une conception de la culture qui pour le coup devient trop étroitement « historisée » dans un sens purement localiste, soit il est complètement tautologique. Mais je ne vois pas en quoi, à partir du moment où les régions ont une responsabilité dans le domaine culturel, elles s’excluraient des questions historiques, y compris locales. Il faut, surtout si l’on est décentralisateur, laisser aux régions leur capacité d’initiative qui existe et qui s’exprime déjà à travers le choix des points d’appui de l’histoire qui se trouvent dans leurs territoires.
L’amendement no 676 n’est pas adopté.
Je comprends parfaitement le propos de notre collègue Piron : si on intègre l’histoire dans la culture et qu’on donne aux régions cette autorisation, cela me convient. Mais les choses vont parfois mieux en les disant, et vous aurez bien noté, cher collègue Piron, que la réponse de notre rapporteur n’usait pas du même argument : elle était beaucoup plus jacobine dans sa logique. En effet, il a refusé l’ajout de la connaissance de l’histoire régionale au sein des missions culturelles de la région, au motif que l’histoire relèverait d’un monopole centralisé et étatique.
Cet amendement a un objet dans le droit fil du précédent : il consiste à dire que la préservation et la valorisation du patrimoine sont des compétences particulières des régions. Je crois que le mot patrimoine doit être explicité, puisque nous ne sommes plus dans le cadre d’une compétence générale des régions : cela a été confirmé hier soir, et je le regrette. Il faut donc être précis : je prends l’exemple d’un patrimoine appartenant à des communes qui bénéficient à ce titre du soutien de l’État, et, aujourd’hui des régions et des départements. Ce soutien sera-t-il encore possible demain ? Au titre de la préservation et de la valorisation du patrimoine, et en dépit de la disparition de la compétence générale, les régions – mon interrogation vaut aussi, d’ailleurs, pour les départements – pourront-elles continuer à aider la restauration, la valorisation ou l’ouverture d’éléments de patrimoine ? C’est pour que les choses soient clarifiées que j’ai déposé cet amendement.
Je veux rassurer, en un mot, M. Le Fur : cela sera le cas. Pour le reste, pour les mêmes raisons que j’ai évoquées lors de l’examen de l’amendement précédent sur l’histoire régionale, j’indique que la commission a également émis un avis défavorable sur celui-ci.
Comme le rapporteur et M. Piron, si je comprends leur philosophie, le sens juridique de ces amendements m’échappe, je l’avoue, totalement. Qui peut le plus peut le moins : la notion de culture « avec un grand C » comprend et embrasse, monsieur Le Fur, le patrimoine et l’histoire ainsi que leurs problématiques. Nous sommes tous d’accord pour que tous les enfants apprennent et puissent aimer davantage l’histoire de leur région. Nous le sommes, mais juridiquement je ne vois pas ce qu’apporte votre proposition. Faites confiance à l’analyse juridique du rapporteur, qui a beaucoup travaillé sur ce texte, ainsi qu’à l’analyse politique, au sens noble du terme, de M. Piron, et retirez votre amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais j’aurais souhaité qu’elle soit plus explicite. En dépit de la disparition de la compétence générale, les régions pourront-elles continuer à aider la préservation et la valorisation d’un patrimoine qui ne leur appartient pas ? Je pense par exemple au patrimoine des communes. Ces actions des régions s’exerceront bien dans le cadre dans le cadre de leurs compétences ?
Si vous pouviez nous le confirmer, je retirerai, dans cette hypothèse, mon amendement.
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui avait organisé l’affectation d’un certain nombre de compétences aux régions, avait précisé qu’en matière de gestion du patrimoine, les régions étaient compétentes pour ce qui concerne leur patrimoine au sens domanial, ainsi que pour la valorisation du reste des éléments de ce patrimoine.
Je confirme ce que vient de dire le rapporteur. La région Bretagne, comme les autres, pourra évidemment continuer à aider financièrement tout ce qui relève du patrimoine, de la culture et de l’histoire locales, comme, par exemple, telle ou telle association souhaitant favoriser la pratique de la langue bretonne.
Oui.
Et, monsieur Le Fur, évidemment, des monuments historiques.
Je souhaite faire une seule remarque : effectivement, les régions disposent de cette compétence, mais, en réalité, la limitation de leurs capacités financières a pour conséquence qu’aujourd’hui, de fait, elles interviennent de moins en moins en matière de patrimoine. Et ce n’est pas avec les mesures qui s’annoncent en matière de dotations budgétaires qu’elles pourront réellement l’exercer.
L’amendement no 677 est retiré.
Cet amendement devrait faire l’objet d’un consensus à peu près général. Les régions ont la pleine capacité de promouvoir et de valoriser l’attractivité de leurs territoires. Il s’agit de leur permettre de jouer ce rôle, qu’elles jouent déjà, d’ailleurs, de VRP du développement économique de leur propre région. Elles le jouent à l’égard de partenaires nationaux, européens et extra-européens. À partir du moment où nous ne nous situons plus dans le cadre d’une compétence générale, il faut très clairement évoquer les compétences que les collectivités régionales peuvent exercer. Je souhaite que ce point soit explicitement évoqué : tel est l’objet de mon amendement.
La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement no 540 .
Je défends en effet, au nom de la commission des affaires économiques, exactement le même amendement qui vise à permettre aux régions d’assurer la promotion de l’attractivité économique de leur territoire.
La commission des lois demande, et pour deux raisons, le retrait de ces deux amendements. Tout d’abord, ils sont pleinement satisfaits, à la fois par la rédaction actuelle du code général des collectivités territoriales, qui donne compétence aux régions pour promouvoir le développement économique du territoire, et par les articles 2 et 3 du projet de loi. L’article 2 prévoit, et il s’agit d’une disposition adoptée en commission, que « La région est la collectivité territoriale responsable, sur son territoire, de la définition des orientations en matière de développement économique. »
En outre, l’article 3, qui définit le schéma régional de développement économique et d’internationalisation des entreprises, précise que, parmi les priorités de ce schéma, l’attractivité du territoire régional doit être précisée et poursuivie. Monsieur Le Fur, la disposition que vous proposez, comme celle qui l’est par M. Peiro au nom de la commission des affaires économiques, est satisfaite et serait superflue. La commission demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, son avis serait défavorable.
Comme tout à l’heure, je partage évidemment l’avis du rapporteur. Monsieur Le Fur, nous sommes touchés par la sollicitude que vous nous témoignez en soutenant notre texte et en voulant le renforcer et l’expliciter. Vous avez raison, c’est un très bon texte.
Sourires.
Or ce texte est normatif. Votre proposition ne l’est pas beaucoup : elle relève plutôt d’un soutien politique, dont, je le répète, nous sommes très touchés. Or dans notre texte figurent toutes les dispositions que vous souhaitez : faites-nous confiance. Vous verrez : les régions auront la pleine capacité de développer l’économie sur leur territoire. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Je me permets d’insister sur l’importance de cet amendement. Dans la mesure où, comme nous le verrons à l’article 2, le chef de filât ou la supériorité hiérarchique de la région ne sont pas suffisamment clairement affirmées, je pense qu’il est essentiel, pour l’identification des régions à l’international, que la région impose sa façon de dérouler le tapis rouge vis-à-vis des investisseurs extérieurs, qu’ils soient européens ou même, lorsqu’ils changent de région, nationaux.
Nous sommes tout de même en train de débattre de cette identification, dans le cadre d’une compétition très ouverte, aujourd’hui, entre ces collectivités. Elle est donc essentielle et l’amendement, tel qu’il est rédigé, impose la suprématie de la région lorsqu’elle prévoit les modalités d’accueil sur son territoire des investisseurs et, éventuellement, des ressources humaines ainsi que des talents.
Monsieur le ministre, vous devriez être troublé par le fait que cet amendement ait été déposé dans les mêmes termes à la fois par la majorité et par l’opposition.
Cela signifie qu’il demeure des ambiguïtés que cet amendement entend lever. Elles ne portent pas tant sur la question de l’attractivité économique des territoires, termes qui figurent, en effet, à l’article 2, que sur l’expression « ont la pleine capacité de promouvoir ». Véritablement, si cet amendement était adopté, la loi confierait à la région la pleine capacité d’organiser le développement économique. Voilà l’enjeu de cet amendement.
Je maintiens tout à fait cet amendement. Je crois, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous pourriez parfaitement, le concernant, émettre un avis favorable. Il ne s’agit pas de s’opposer à votre logique, mais de dire qu’à partir du moment où la compétence générale des régions a disparu, il faut se prémunir contre les risques de contrôle de légalité ou de contentieux qui pourraient peser sur un certain nombre d’initiatives régionales.
Or, pour promouvoir l’emploi dans nos régions, il faut se battre, aller chercher des investisseurs ailleurs et faire jouer les réseaux existants. Je suis issu d’une région à forte identité d’où est originaire une diaspora qui, un peu partout dans le monde, est prête à faire jouer cette solidarité pour concourir au développement de sa région natale. Il faut que ce type d’initiatives régionales soit explicitement possible. Nous tenons donc à cet amendement, et nous considérons que ne pas l’adopter serait jeter une forme de suspicion sur ces initiatives. À partir du moment où la clause de compétence générale est supprimée, vous comprenez bien qu’il faut être très explicite sur les compétences que les régions peuvent exercer.
J’entends bien les arguments de mes collègues du groupe UMP. Je dois vous avouer que, quand j’entends dire que la région doit imposer sa façon de concevoir l’attractivité du territoire, je commence par me dire qu’au sein de la région existent aussi d’autres collectivités. Mais ne rentrons pas dans ce débat, car nous aurons l’occasion de l’ouvrir lors de l’examen de ce projet de loi.
Je crois que ces arguments partent d’un bon sentiment : vouloir assurer la promotion des territoires. Tout le monde est d’accord sur cet objectif. Mais les explications du rapporteur me paraissent suffisamment claires. Pour ma part, au nom de la commission des affaires économiques, j’estime donc que cet amendement est satisfait et je le retire.
L’amendement no 540 est retiré.
L’amendement no 30 n’est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 888 .
Le Sénat a adopté l’article 1er, qui prévoit, à l’alinéa 9, que les propositions de modification législative et réglementaire concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement des régions puissent ne s’appliquer qu’à certaines d’entre elles et pas à toutes.
Cette diversification du droit selon les régions pourrait conduire à demander des statuts particuliers pour quelques unes ou pour la plupart des régions. C’est certes le cas en Corse, mais il s’agit d’une collectivité qui dispose déjà d’un statut particulier et qui se trouve confrontée à des enjeux spécifiques.
Par son caractère général et l’absence de justification au cas par cas par un motif d’intérêt général, une telle diversification du droit présenterait, au sein d’une même catégorie de collectivités territoriales, un risque constitutionnel majeur au regard du principe d’égalité.
Le Gouvernement souhaite donc revenir à une rédaction prévoyant que les propositions de modification ou d’adaptation des dispositions légales ou réglementaires formulées par les régions concernent les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des régions françaises et non d’une ou de plusieurs régions.
Pardonnez-moi d’exprimer mon désaccord à l’égard de cet amendement du Gouvernement.
Ce que nous souhaitons au contraire, monsieur le secrétaire d’État, c’est une adaptation, parce que les régions sont diverses, les problèmes sont divers, l’appétence à la décentralisation est également très diverse. Avec votre nouvelle carte, vous allez nécessairement introduire encore plus de différences entre les régions. Certaines d’entre elles devront focaliser l’essentiel de leur énergie à se fédérer, je pense en particulier à ce grand est, si divers, et d’autres, qui existent déjà et ont une forte identité, aspireront à faire autre chose. L’un des éléments de la modernité, c’est précisément l’adaptation. Vidal de la Blache disait que la France était diverse, que les paysages étaient divers. Traduisons cela dans notre droit, sans excès peut-être, mais en ouvrant une possibilité.
Ce que vous proposez, c’est finalement une grande régression. L’idée que nous avons longtemps développée dans des mandats préalables, c’est l’expérimentation, donc l’adaptation à des situations locales de notre droit, et vous y mettez un terme.
Pour une fois que le Sénat avait fait une petite ouverture vers la diversité des situations juridiques, vous refermez la porte. Chacun doit pouvoir jouer de l’excellence dans le domaine qu’il a choisi. L’interdire serait, me semble-t-il, une erreur.
Quel beau sujet et quel vrai sujet de fond. Il ne s’agit de rien de moins que du principe qui consiste à confondre, et depuis si longtemps, égalité et uniformité, égalité et identité, en croyant que l’uniformité des réponses conviendra à la diversité des situations territoriales.
Combien de parlementaires et de ministres ai-je entendu dans cet hémicycle, reconnaître que nos territoires sont différents et même très différents ! Vous écrivez dans l’exposé sommaire de votre amendement, monsieur le secrétaire d’État, que certes la Corse a un statut particulier, mais qu’il s’agit d’une collectivité confrontée à des enjeux spécifiques. Pensez-vous que les régions n’aient pas chacune des enjeux spécifiques ? Pensez-vous que la région Rhônes-Alpes n’ait pas à répondre à des enjeux spécifiques par rapport à Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, la région Bretagne par rapport à l’Île-de-France ? Au nom de quelle égalité, confondue avec l’unité et l’uniformité, pourriez-vous refuser des réponses diversifiées ? Je précise qu’à l’alinéa 9, il s’agit d’adaptations.
C’est un débat fondamental sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. C’est clair. Ou nous partons du postulat jacobin et nous considérons que c’est un dogme intangible, ou nous acceptons d’entrer enfin dans un système permettant de donner des réponses diversifiées à des situations diverses parce que l’égalité dont il s’agit, ce n’est pas celle des territoires, c’est l’égalité des chances sur les territoires, et ce n’est pas la même chose.
M. Piron l’a très bien expliqué, il y a un monde entre l’égalité et l’équité et, les régions étant différentes, avec des besoins différents, elles ont besoin d’une adaptation différente.
Il serait bon de regarder les pays qui nous entourent. Si, par hasard, ils regardaient nos débats, je pense qu’ils seraient fortement amusés…
…que l’on revienne à un principe napoléonien dont on sait comment et avec quel type de régime il a été mis en place, en déclarant ce système intangible.
Je m’inscris évidemment totalement en faux par rapport à une telle idée. Tous les pays qui nous entourent sont peu ou prou des États fédéraux. Les régions peuvent non seulement prévoir des adaptations mais carrément faire certaines lois dans les compétences qui sont les leurs.
Le pouvoir réglementaire tel qu’il a été donné à la Corse ne s’est jamais appliqué tout simplement parce que la procédure est inapplicable.
Pour une fois, le Sénat avait eu un beau geste, qui nous permettrait d’aller vers des standards européens. Pour l’instant, seul le préfet peut adapter les lois. Un tel pouvoir est donné à l’administration, pas aux élus.
L’alinéa 9 me paraît donc être donc une excellente chose et je voterai évidemment contre l’amendement.
Je veux apporter le soutien de notre groupe au Gouvernement (Exclamations)… sur cet amendement.
Rires.
Sourires.
C’est effectivement un sujet très important et cet amendement est le bienvenu, avec le verrou qu’il apporte à l’alinéa 9…
…pour éviter une explosion des demandes de statut particulier, en contradiction avec le principe d’égalité.
Nous sommes tous convaincus, je crois, que l’unité de la République ne passe pas par l’uniformité, et nous avons souligné à plusieurs reprises la nécessité de pouvoir s’adapter à ce que sont les diversités territoriales et de les reconnaître.
Je voudrais souligner deux ouvertures majeures que contient la réforme territoriale à cet égard.
La première se trouve à l’article 2 de la loi MAPTAM, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Nous sommes dans un triptyque et il est donc nécessaire de faire en permanence le lien entre les différents textes. La délégation de compétence prévue à l’article 2, pour les régions comme pour les autres collectivités territoriales, est une avancée majeure, beaucoup plus puissante que l’expérimentation elle-même, qui, peut-être dans un esprit jacobin, implique la généralisation. Avec la délégation de compétences, une ou plusieurs régions peuvent exercer une compétence pour le compte de l’État pour l’adapter aux réalités locales.
La seconde, c’est le pouvoir réglementaire des régions, qui est encadré mais qui permettra des avancées importantes en matière d’adaptation du droit.
Il y a un autre élément fort dans ce texte, et cela fait partie des objectifs que nous avons soulignés ensemble et auxquels, je crois, chacun souscrit, c’est le besoin de clarification, de lisibilité, ce qui plaide pour que nous adoptions cet amendement du Gouvernement de façon à maintenir le principe de l’unité, quelles que soient les régions.
Je suis, comme la plupart d’entre vous, convaincu que l’unité de la République n’exige plus forcément que les territoires soient gérés de façon uniforme.
On peut très bien, c’est vrai, gérer différemment le nord et le sud du pays, l’est et l’ouest, sans remettre en cause ni l’unité ni l’indivisibilité de notre République.
En même temps, une République, c’est une constitution, et la Constitution est très claire. L’article 72, dans son troisième alinéa, prévoit que, dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales « disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Nous sommes tous d’accord, et, Mme Appéré vient de le rappeler, le pouvoir réglementaire des régions sera renforcé.
Ce pouvoir est distinct de la possibilité pour les collectivités territoriales d’exercer un pouvoir réglementaire inhérent à l’organisation et au fonctionnement de leurs services. Le Conseil d’État, dans un avis du 15 novembre 2012, a fortement encadré ce pouvoir, même s’il a reconnu que l’attribution d’un pouvoir réglementaire aux collectivités locales n’était pas par elle-même contraire au principe d’égalité : « Il appartient à chaque texte législatif régissant les compétences des collectivités locales de préciser les règles dont l’édiction est confiée aux collectivités pour l’exercice de cette compétence. » Mais le pouvoir réglementaire des collectivités locales ne saurait remettre en cause le pouvoir réglementaire du Premier ministre : Les règles fixées localement par les collectivités locales doivent respecter le cadre général fixé non seulement par la loi elle-même mais également par ses décrets d’application.
Nous sommes tenus par ce cadre juridique, rappelé par le Conseil d’État,…
…mais libre évidemment aux parlementaires que vous êtes, demain ou après-demain, de réviser la Constitution.
D’abord, monsieur le secrétaire d’État, la Constitution dit également que l’organisation de la République est décentralisée. C’est une disposition de principe, dès le début.
Je ne comprends pas bien l’amendement du Gouvernement. Dans le texte du Sénat, il ne s’agit que de propositions. N’importe quel conseil régional pourra présenter une proposition qui le concerne et en faire une règle générale pour tous les autres. Ce n’est donc pas opérant de toute façon.
Je suis par ailleurs assez surpris que cet amendement prévoie la suppression d’une, de plusieurs ou de l’ensemble des régions. Selon vous et selon le rapporteur, cette disposition doit s’appliquer à toutes les régions. Or vous supprimez la référence à l’ensemble des régions. C’est totalement contradictoire.
Les dispositions qui sont proposées ne sont pas du tout anticonstitutionnelles, monsieur le secrétaire d’État, et je partage le point de vue de Patrick Devedjian.
Sur le fond, si nous avons bien compris, le souhait du Gouvernement, c’est qu’il y ait des régions puissantes, qui puissent peser à l’échelon européen. Comment peut-on alors vouloir les brider en leur interdisant de présenter des propositions pour être efficaces sur le terrain ? N’y allons pas avec une main tremblante. Puisque nous souhaitons des régions fortes, ne restons pas au milieu du gué…
…et donnons à nos régions la possibilité d’être plus efficaces en étant plus près du terrain et donc, vraisemblablement, plus près des préoccupations de leurs concitoyens.
Monsieur le secrétaire d’État, votre texte fait peur à plusieurs d’entre nous, pour deux raisons principales.
La première, c’est que, pour fonctionner, la décentralisation aurait besoin d’un pouvoir central fort, et tous les signes montrent depuis plusieurs années que le pouvoir central est faible. Nous voyons bien en particulier que la régionalisation entraîne des transferts de compétences, sans aucune possibilité de discuter de la fiscalité. Vos alliés des anciennes régions voulaient absolument pouvoir lever une multitude d’impôts, on ne sait pas s’ils pourront le faire.
La seconde, c’est qu’elle est dans l’idéologie dominante bruxelloise de destruction de l’unité de la nation, avec une Europe constituée d’une administration bruxelloise et de régions autonomes.
Mais votre argumentaire est totalement contradictoire et absurde. Si la Constitution limite les pouvoirs législatifs des régions, je ne vois pas pourquoi l’alinéa 9 ne devrait pas tout simplement être supprimé, selon votre raisonnement. Si vous étiez cohérents, vous écouteriez les collègues qui défendent cette capacité pour les régions, pour tout ou partie d’entre elles, d’ailleurs, car vous faites des régions gigantesques qu’aucune raison historique, ethnographique ou sociologique ne lie mais que, dans le même temps, vous voulez les empêcher de progresser. Vous êtes totalement incohérents avec vous-mêmes.
Soit vous supprimez l’amendement du Gouvernement et maintenez le texte tel qu’il était et vous êtes cohérents, soit vous êtes totalement incohérents et vous maintenez votre amendement qui déstructure complètement l’alinéa 9, puisque, comme vous l’avez bien expliqué, monsieur le ministre, la Constitution ne nous permet pas de craindre, de la part des régions, des mouvements législatifs profonds. Revenez au minimum à la cohérence, faites votre choix et assumez-le pour une fois devant les Françaises et les Français !
Je retire cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
L’amendement no 888 est retiré.
Actuellement, il est prévu que les résolutions votées par les conseils régionaux pour modifier ou adapter une loi, un projet de loi ou une proposition de loi ne seront envoyées qu’au Premier ministre et à l’autorité préfectorale. Dès lors que les demandes de modification peuvent porter sur une loi en cours d’élaboration, il me semble nécessaire que les présidents des deux assemblées en soient également directement informés pour que ces demandes ne restent pas sur un bureau. Si j’ai bonne mémoire, sur les cinquante-deux demandes que les Corses ont faites, deux réponses seulement ont été obtenues, quand les cinquante autres demandes se sont perdues sur un bureau quelconque.
S’agissant du pouvoir réglementaire local d’adaptation, nous avons eu un débat en commission des lois. Tout à l’heure, M. Piron avait raison de souligner que c’était un débat important et M. Vallini a eu raison, quant à lui, de rappeler l’avis du Conseil d’État qui encadre la possibilité de doter les collectivités d’un pouvoir réglementaire. Le Conseil d’État souligne également dans ses préconisations combien il peut être dangereux – je le dis ici pour n’avoir pas à le redire plus tard – de multiplier les sources de pouvoirs réglementaires et son fractionnement.
Pour en venir à l’amendement de M. Molac, la commission a donné un avis défavorable pour une raison en particulier. Les demandes d’adaptation peuvent concerner tant le domaine législatif que le domaine réglementaire. Dans la mesure où le domaine réglementaire peut être concerné, et que certaines adaptations ne relèvent que de lui, la saisie qui est proposée dans cet amendement des présidents des assemblées parlementaires nous paraît inutile. Nous pensons qu’il est plus logique que ce soit le Premier ministre, au titre du pouvoir réglementaire dont il dispose par la Constitution, qui en soit saisi avec la capacité, le cas échéant, de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée.
Sagesse.
Je voudrais revenir sur l’amendement no 888 , parce que je voudrais bien savoir pourquoi le Gouvernement l’a retiré.
Pour une fois que mon groupe vous apportait un soutien net sur une proposition,
Rires
Rires.
Cet amendement nous avait été proposé par les services, à cause du risque d’inconstitutionnalité.
C’était la base de mon argumentation. J’ai dit que j’étais aussi girondin que les uns et les autres, et peut-être un peu plus que M. Dolez. Ce risque constitutionnel, aux yeux de nos services, existe toujours. Nous avons le temps d’ici à la deuxième lecture de voir ce qu’il en est et de demander des études plus précises. Sur le fond, vos arguments étaient pertinents et je regrette beaucoup de décevoir M. Dolez. Pour une fois, c’est vrai que le groupe GDR soutenait le Gouvernement, mais il a fallu se rendre à l’évidence. Prenons un peu de temps – c’est aussi l’intérêt des deux lectures – pour savoir ce qu’il en est précisément.
Si nous pouvons réellement aller dans ce sens-là, le Gouvernement y est évidemment très favorable.
L’amendement no 102 ne me dérange pas plus que cela. Je voudrais que chacun mesure la portée – je dis cela avec un peu d’ironie – de ces alinéas 9 et 10 qui nous sont proposés par le Gouvernement, où il est écrit qu’« un conseil régional ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement d’une, de plusieurs ou de l’ensemble des régions. » Cela veut dire que le conseil régional peut envoyer un courrier pour proposer des suggestions, mais le club de boules aussi ! Il n’y a aucune réalité concrète.
S’il était écrit que, quand un conseil régional envoie une suggestion, elle est inscrite à l’ordre du jour, au moins de la commission, pour être examinée, cela voudrait dire quelque chose. Mais ici, c’est de la pure apparence ! Ne nous laissez pas croire que c’est un pouvoir ! Tout le monde peut envoyer un courrier au Premier ministre ou à qui de droit. M. Molac nous dit que ce courrier peut aussi être envoyé aux présidents des assemblées. J’imagine que La Poste ne censurerait pas un envoi de ce même courrier à l’Assemblée et au Sénat !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous nous faites faire du vélo d’appartement, en nous laissant croire que nous escaladons le Tourmalet.
Sourires.
On nous fait passer des choses quelconques pour des montagnes ! Ce n’est rien du tout et cela doit être considéré comme tel. Si M. Molac veut ajouter un petit rien du tout à un autre rien du tout, je suis pour !
C’est vrai que la Bretagne est une grande terre de vélo, mais tout de même !
Sourires.
Si c’est seulement un problème de formulation, je peux compléter mon amendement en écrivant qu’elles sont également adressées aux présidents des deux assemblées « lorsque cela concerne le domaine législatif ». De cette façon, tout le monde sera content, si le problème est seulement rédactionnel.
Cet amendement me dérange et il n’est, me semble-t-il, pas du tout anodin. Il y est question de subordonner le travail législatif à une forme d’injonction des conseils régionaux.
Ce n’est pas ça !
Autrement dit, si un problème surgit, les régions le soulèvent et le législateur s’en saisit pour lui donner ou non une suite. Mais cela relève de sa responsabilité. En tout état de cause, il ne me semble pas opportun de donner une suite favorable à cet amendement.
Le Gouvernement a donné un avis de sagesse et le rapporteur s’est opposé à cet amendement au motif que la disposition transmise pourrait être à caractère réglementaire. Cet argument est assez curieux ! Le Parlement devrait donc se désintéresser du règlement ? Les dispositions réglementaires n’intéressent pas les députés, monsieur Dussopt ? C’est très intéressant ! Je connais bien la distinction faite par les articles 34 et 37 de la Constitution, mais il n’empêche que les dispositions réglementaires doivent être conformes à la loi et que, par conséquent, elles intéressent le Parlement, lequel, d’ailleurs, nomme des rapporteurs d’application pour suivre la mise en oeuvre des lois qu’il vote. Les dispositions réglementaires intéressent donc aussi le Parlement, monsieur le rapporteur.
Monsieur Devedjian, vous nous avez fait le reproche en commission que, à vos yeux, la loi était bavarde s’agissant de ces dispositions – et je le dis aussi à Paul Molac, que je sais attaché à cette capacité d’adaptation réglementaire. Or, vous ne voulez rien d’autre qu’introduire dans une loi sur l’organisation des collectivités locales le droit de pétition qui est reconnu dans notre pays depuis le XVIIe siècle.
Rien n’empêche une collectivité locale, lorsqu’elle a délibéré et saisi le Premier ministre, d’adresser une copie aux présidents des assemblées. Il est inutile de l’inscrire dans la loi. C’est dans cet état d’esprit que je considère que cette disposition est superflue et que je donne un avis défavorable à l’amendement.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Comme beaucoup d’amendements importants sont à venir, j’espère que nous allons pouvoir clore cette discussion. Le rapporteur a raison : ces dispositions pourraient être d’ordre réglementaire. Nous pourrions faire une instruction précisant le moment auquel l’assemblée régionale peut prévenir un président d’assemblée qu’elle aurait intérêt à adapter tel ou tel droit. Elle rappellerait au président de l’assemblée ou aux parlementaires que la dernière disposition de la loi peut être une possibilité d’adaptation, ce qui sera le cas lorsque la loi sera promulguée, comme vous le savez parfaitement. Cela ne relève pas de la loi, et nous en sommes d’accord. Cela étant, l’intention de M. Molac est louable, mais je pense qu’elle est satisfaite.
Nous laissons ce sujet à la sagesse du Parlement. En effet, nous avons longuement eu au Sénat le même débat sur le fameux pouvoir d’adaptation des lois par les conseils régionaux, en ayant particulièrement soin de l’encadrer.
Marc Le Fur hurle dans son coin pour nous apporter quelques arguments supplémentaires... M. Le Fur réclame à cor et à cri le pouvoir d’adaptation des assemblées régionales, depuis longtemps dans la presse, et il a enfin obtenu satisfaction grâce à ce Gouvernement ! Toutefois, comme nous l’avons expliqué, ce pouvoir réglementaire ne peut être à l’ordre du jour d’une assemblée que le jour où la loi le lui permet. Après ce long débat au Sénat, que nous pouvons recommencer ici, un groupe s’est demandé ce qu’il se passait si une loi était déjà en cours de discussion : était-il possible d’envoyer un message, très officiellement, par le biais des parlementaires, au président de l’Assemblée, pour souligner l’intérêt qu’il y aurait à adapter cette loi sur tel ou tel point ? C’est tout. Ce n’est donc pas la peine que nous y passions des heures. Nous pourrons, comme le dit si bien M. Dussopt, prévenir l’Assemblée nationale et le Sénat que telle ou telle région est intéressée par une adaptation de la disposition contenue dans tel alinéa, sous-alinéa ou sous-sous-alinéa, parce que c’est un sujet extrêmement important pour elle.
Je suis un peu étonné. Dans une société normale et civile, où l’on peut supposer l’existence de rapports humains, les lois sont faites pour être courtes. Or là, nous soutenons un amendement qui va encore alourdir la loi de mots supplémentaires et superfétatoires. Je comprends l’intention, mais je ne vois pas l’intérêt de rajouter ces mots inutiles.
C’est ce que M. Dussopt vient d’expliquer à M. Devedjian !
Deuxièmement, madame et monsieur les ministres, à ce moment-là, votre loi qui consiste à transférer des charges fiscales sur les collectivités territoriales va coûter beaucoup d’argent aux Françaises et aux Français qui vont voir leurs impôts locaux flamber. Il faudrait ajouter à l’amendement de notre excellent collègue que le président ou la présidente de la Cour des comptes est aussi saisi, et pourquoi pas également le président du CESER, même si ce type de chambre ne sert à rien…
…et qu’un certain Charles avait parfaitement raison de vouloir le supprimer.
L’amendement no 102 n’est pas adopté.
L’amendement vise à faire connaître les effets des suggestions soumises par les régions au pouvoir central. Si elles peuvent rester sans réponse, nous considérons qu’il faut imposer la nécessité de leur examen. Cette solution n’est peut-être pas la meilleure, mais en tout état de cause, si on ne rend pas obligatoire l’examen de la suggestion faite par la région, autant dire que n’importe qui peut pétitionner. Comme vous le disiez, ce pouvoir existe depuis longtemps, sans s’être jamais réellement traduit par quoi que ce soit. Je souhaite que la suggestion faite par les régions – et plus encore si elle relève de l’ensemble des régions – ait une traduction et que les diverses commissions de nos assemblées puissent s’atteler à leur examen, que cela aboutisse ou non. Il ne faut pas que ce soit une suggestion parmi d’autres.
Je crois, monsieur Le Fur, que vous ne défendez pas le bon amendement. Il est inscrit dans votre amendement que le silence de l’administration vaut acception ; or, cela n’est pas la même chose que l’inscription à l’ordre du jour des commissions du Parlement. Il paraît inconcevable à la commission des lois que le pouvoir réglementaire qui relève du Premier ministre, selon l’article 20 de la Constitution, puisse voir une partie de son application assujettie à une règle du silence valant acceptation.
Le silence vaut acceptation peut avoir force de règle dans un certain nombre de domaines, mais pas pour le pouvoir réglementaire, et encore moins pour l’article 20 de la Constitution. L’avis est évidemment défavorable.
Même avis.
Je me permets d’insister à mon tour sur l’importance de cet amendement car c’est le seul qui permettrait enfin de rendre efficace la disposition voté par la commission en obligeant l’État à donner suite, et en plus rapidement, aux propositions des conseils régionaux. Comme l’a dit notre excellent collègue Nicolas Dhuicq tout à l’heure, si on veut vraiment aller au bout de ce que cet article propose, il faut absolument être favorable à cet amendement.
L’amendement no 49 n’est pas adopté.
J’ai le regret de constater que cet amendement va dans le même sens que le précédent.
Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP.
Il est le fruit du retour d’expérience de la compétence qui a été attribuée à la Corse, compétence qui ne s’est jamais concrétisée, faute de réponse de la part du Gouvernement aux propositions de la collectivité territoriale. Par conséquent, si un délai maximal n’est pas légalement prévu, le droit de prendre, au niveau régional, des mesures d’application de la loi restera lettre morte. D’où une double idée : préciser le pouvoir réglementaire régional, qui peut s’exercer dès lors que la loi ne renvoie pas à un décret en Conseil d’État – le pouvoir réglementaire du Gouvernement et le pouvoir législatif ne pouvant ainsi être mis en cause – ; ne pas recommencer ce qui s’est passé en Corse, avec plus de cinquante demandes et aucune réponse du Gouvernement. C’est une question de simple efficacité administrative. Je ne partage pas l’avis d’Olivier Dussopt sur l’amendement précédent car en droit public, le silence vaut acceptation de la part de l’administration dans tous les domaines.
M. Rousset a parfaitement expliqué ce qu’il en est, et je vais retirer mon amendement au bénéfice du sien, mieux rédigé puisqu’il y a adjoint un second alinéa fort utile. Faisons-nous, oui ou non, confiance aux régions ?
Absolument !
On connaîtra la réponse à partir d’un certain nombre de votes.
N’exagérons pas l’importance du pouvoir réglementaire. Ainsi, cela n’a pas posé de problème à la République que 36 000 maires de France en aient un.
De même, le conseil général, sur des points très précis – je pense aux routes départementales – a un pouvoir réglementaire. Celui des régions est de la même veine, mais nous considérons que doit lui être associée l’idée qu’elles peuvent avoir des appétences diverses selon leurs priorités et leurs spécificités, et revendiquer un peu plus de compétences dans certains domaines que dans d’autres. Le temps du rectiligne, des angles droits, des strates hiérarchiques est révolu, nous sommes entrés dans un monde de réseaux, d’échanges, où tout ce qui peut être décidé au plus près de l’homme, de la famille ou du local doit l’être. Seul ce qui relève du national, compte tenu des effets de seuil, doit remonter au niveau de l’État. Je suis partisan du principe de la subsidiarité.
je retire donc mon amendement -au profit de celui de M. Rousset, à condition qu’il ne soit pas retiré. S’il l’était, je le reprendrais.
L’amendement no 47 est retiré.
Il s’agit de donner aux régions un vrai pouvoir réglementaire, ou au moins des prérogatives embryonnaires en ce domaine du fait que la rédaction du projet de loi en limite strictement le champ – « en cas de non-renvoi au pouvoir réglementaire de l’État ou en complément de celui-ci », avec toujours le contrôle de légalité a posteriori du préfet. J’entendais notre collègue Annie Genevard dire que les régions allaient dès lors imposer leurs mesures d’adaptation au Parlement : c’est de la science-fiction.
Outre l’excellent argumentaire que j’ai entendu de la part de notre collègue Alain Rousset, je me range à la qualité de la rédaction et de l’exposé sommaire de son amendement, et m’y rallie.
L’amendement no 874 est retiré.
L’amendement no 113 est retiré.
Je maintiens l’argumentation que j’ai déjà développée : on ne peut pas aller aussi loin en matière d’adaptation du fait de l’encadrement par le Conseil d’État.
De plus, le silence ne peut valoir acceptation pour l’édiction d’une norme nouvelle.
Par ailleurs, j’ajoute que cet amendement pose un autre problème : il reviendrait à faire obligation au Sénat et à l’Assemblée d’examiner les demandes d’adaptation et donc à donner aux régions la capacité de décider de l’ordre du jour du Parlement en cas de silence de l’administration. Ce serait ni acceptable ni même constitutionnel. L’avis est donc défavorable.
Aux excellents arguments de M. le rapporteur, j’en ajouterai deux autres. Au préalable, je suis ravie de voir des députés de l’ancienne majorité s’inquiéter fortement des dispositions proposées à l’article 1er alors que, pendant dix ans, la collectivité territoriale de Corse, la seule jusqu’ici à pouvoir le faire, a adressé des propositions en bonne et due forme aux différents gouvernements, et elle n’a jamais reçu ni réponse ni accusé de réception réponse.
Or la procédure suivie par cette collectivité était parfaitement prévue par le droit en vigueur dont vous demandez, monsieur Rousset, l’application à l’ensemble des régions, et vous avez raison. Nous, nous avons changé les choses puisque le Gouvernement a pris l’engagement non seulement de faire une circulaire à chaque demande mais aussi que la réponse soit publiée au Journal officiel. Nous avons déjà repris les quarante-deux propositions que les gouvernements de l’ancienne majorité avaient complètement oubliées et, petit à petit, nous sommes en train de les évaluer, la collectivité territoriale de Corse devant par ailleurs nous en faire d’autres. J’annonce qu’une de ses propositions sur le règlement de la circulation des voiliers dans les parcs marins, par le biais d’une demande d’adaptation du droit des redevances, va être examinée par le Parlement sous forme d’un amendement gouvernemental.
Par conséquent, non seulement nous, on accuse réception, publie une circulaire et informe le Parlement mais, en plus, on fera une réponse réglementaire à chaque fois que possible et une réponse législative par voie d’amendement si nécessaire.
C’est pourquoi je pense, monsieur Rousset, que votre amendement est satisfait.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Il suffit pour le démontrer de relire la loi – ce que Mme Pecresse adore faire en vitesse. La collectivité territoriale de Corse est actuellement la seule à disposer d’une telle prérogative.
On a vu comment cette disposition pouvait avoir été mal traitée et comment elle sera désormais bien traitée parce que, en plus, le Parlement sera vigilant. Je demande donc le retrait. À défaut, l’avis serait défavorable car ajouter du réglementaire aux circulaires, en passant par les instructions ministérielles, ne relève pas du domaine de la loi.
J’interviens pour défendre l’amendement de M. Rousset. Le sujet du débat est intéressant : doit-on, au-delà de la décentralisation actuelle, donner un peu plus d’autonomie aux régions, à l’instar de ce qui a été fait pour la Corse ? C’est, semble-t-il, le choix du Gouvernement, et l’amendement propose qu’il y ait obligation de réponse de la part du Gouvernement dans le domaine réglementaire. J’entends l’argument de l’inconstitutionnalité possible, mais j’ai cru comprendre, madame la ministre, que votre collègue Thierry Mandon avait dorénavant posé comme principe que le silence de l’administration valait acceptation.
Pour des décisions administratives, pas pour des dispositions législatives !
Pourquoi serait-ce valable lorsqu’il s’agit du pouvoir réglementaire de l’État et inacceptable en cas d’une demande d’adaptation réglementaire adressée au même État par un conseil régional ? La raison d’un tel traitement différencié m’échappe.
Cet amendement soulève tout de même beaucoup de difficultés d’ordre juridique et constitutionnel.
Première remarque : le premier alinéa n’ajouterait rien à l’état du droit, en l’occurrence à l’article 72, alinéa 3, de la Constitution portant sur le pouvoir réglementaire des collectivités locales, tel qu’il a été de surcroît précisé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. À certains égards, il serait même regrettable que cet amendement soit interprété comme allant en deçà car il n’évoque, lui, que les régions. Or toutes les collectivités territoriales jouissent d’un pouvoir réglementaire d’adaptation des lois dans leur champ de compétences. L’amendement fournirait alors une lecture a contrario problématique.
Quant aux second alinéa, il va bien au-delà de ce que permet la Constitution en liant carrément la compétence non seulement de l’administration mais aussi du Parlement, ce qui méconnaîtrait tout à la fois les dispositions constitutionnelles sur l’initiative de la loi et sur l’unité du pouvoir normatif.
Mais si, mon cher collègue, puisque cet alinéa prévoit qu’ « à défaut de réponse dans un délai de douze mois, le silence de l’État vaut acceptation et le Parlement se saisit de la loi d’adaptation » – ce qui n’est guère compréhensible puisqu’il s’agirait de dispositions réglementaires. En plus, il serait dès lors autorisé à méconnaître la séparation établie par les articles 34 et 37 de la Constitution.
Pour ma part, j’y vois un amendement d’appel à une révision constitutionnelle,…
Très juste !
Je maintiens bien sûr cet amendement, et ce pour de multiples raisons.
Tout d’abord,j’ai bien noté les remarques de mon collègue Sébastien Denaja et je propose de retirer les mots suivants : « et le Parlement se saisit de la loi d’adaptation. »
J’ajoute deux choses en réponse au rapporteur. Premièrement, il est bine indiqué que c’est « sous réserve du pouvoir réglementaire du Premier ministre », que la région est compétente. Le pouvoir du Parlement n’est donc pas contesté. C’est bien une fois que la loi est passée que le Gouvernement se saisit ou non de la question de l’adaptation de la loi. Je rappelle d’ailleurs que ce pouvoir d’adaptation par voie réglementaire existe déjà depuis la loi Raffarin pour les régimes d’aide aux entreprises,…
… auparavant définis de manière uniforme, par décret, sur tout le territoire.
Il existe donc un précédent, qui a, je crois, bien fonctionné : les services locaux n’en ont pas profité pour en rajouter sur la complexité déjà due aux règlements européens.
Deuxièmement, le problème, madame la ministre, est qu’un simple engagement politique du Gouvernement ne peut suffire à contenter les régions. Si le Gouvernement actuel a mieux réagi que d’autres aux propositions de la Corse, qu’est-ce qui donne, en l’état du texte, la garantie que demain, la loi sera mieux appliquée ? Rien !
Troisièmement, nous ne sommes pas en train de remettre en question la République !
Il s’agit simplement d’éviter que la loi entre dans des détails inutiles et que l’on puisse, territoire par territoire, l’adapter et l’appliquer plus rapidement. N’avons-nous pas tous, à un moment ou à un autre, déploré que l’on vote des lois qui ne sont pas appliquées faute de décret ou de directive d’application ? Avec cet amendement, nous proposons un dispositif qui vise à la simplification et à l’efficacité.
Je reste persuadé qu’il s’agit d’un bon amendement. Si l’on veut donner un tour concret aux « suggestions » – nommons-les ainsi – des régions, il faut qu’il y ait, d’une manière ou d’une autre, une obligation procédurale de les examiner. Reste ensuite à définir les voies et moyens. Or la meilleure des obligations procédurales est la fixation d’un délai – d’autant que cela va devenir la norme avec le texte de loi de votre collègue Thierry Mandon.
D’autre part, nous nous trouvons dans une situation quelque peu paradoxale. En effet, cet amendement n’est pas présenté par n’importe qui, mais par notre collègue président de l’Association des régions de France. (« Ah ! » sur divers bancs.) D’ailleurs, l’immense majorité des régions le soutient, quelle que soit la sensibilité politique de leur président.
Sourires.
Il serait pour le moins paradoxal que la majorité rejette un amendement soutenu par une association, non seulement représentative des régions, mais de la même sensibilité politique qu’elle !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Troisièmement, je considère qu’il est indispensable d’adopter cet amendement vu l’évolution de notre système politique. Comme le cumul des mandats va disparaître, il n’existera plus dans nos assemblées d’équivalents de M. Rousset, c’est-à-dire des présidents en exercice d’une région ou d’un département. Si l’on ne met pas en oeuvre une coopération législative – ce qui est ici proposé –, de fait l’Assemblée ignorera complètement les régions,…
…ce qui soulèvera de réelles difficultés et renforcera encore la logique jacobine.
Lorsqu’il y aura totale étanchéité entre les personnels politiques, qu’il reste au moins la possibilité de faire des suggestions !
Pardonnez-moi d’avoir été si long, madame la ministre,
Exclamations et rires
Madame la présidente, bien sûr. Mais le reste ne saurait tarder – en tout cas, je vous le souhaite - pour vous-même, sinon pour la France !
Rires.
Comme vous vous en doutez peut-être, je suis très favorable à l’amendement présenté par Alain Rousset, même si je pense que l’on peut en améliorer la rédaction. Je suis ainsi rassurée que l’auteur veuille supprimer la mention : « le Parlement se saisit de la loi d’adaptation » : en effet, il s’agit là d’un pouvoir réglementaire issu de la loi. Le Parlement n’a pas à avoir peur du pouvoir réglementaire des régions, car cela permettra de faire des règlements plus simples, mieux adaptés à la réalité des territoires et plus proches du quotidien des citoyens – étant entendu que nos territoires diffèrent les uns des autres.
Pour ma part, je serais encore plus radicale. Pourquoi préciser que la région est compétente « en complément du pouvoir réglementaire de l’État » ? Cela laisse à penser qu’il s’agit de rajouter une couche de réglementation et d’administration. Or tel n’est pas notre objectif ; celui-ci est au contraire de mettre en place une réglementation allégée parce que régionale, là où un ministère, cherchant à couvrir tous les cas de figure dans tous les territoires de la République, produirait un décret d’application hyper-lourd et hyper-compliqué. Si l’on rédige un décret d’application qui ne s’applique qu’à un seul territoire, on peut aller au plus simple ; cela se fait en liaison avec les acteurs, et c’est bien plus facile. Pour avoir dirigé de grandes administrations étatiques, je peux vous dire que quelquefois, dans les décrets d’application, on ne retrouvait pas beaucoup l’esprit de la loi !
Exclamations sur divers bancs.
Sourires.
Comme cela a été dit à l’Association des régions de France, le Gouvernement est favorable au pouvoir réglementaire des régions.
Monsieur Devedjian, merci de me laisser parler, comme je vous ai laissé le faire !
Il s’agit pour nous d’une étape importante, et même essentielle, et c’est pourquoi nous défendons avec enthousiasme cette disposition.
Or la majorité UMP du Sénat s’y est opposée fermement en évoquant l’unité de la République, et autres arguments habituels.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Elle a donc été rejetée par le Sénat.
Nous avons jugé important de pouvoir y donner suite à l’Assemblée nationale. Un excellent amendement ayant été déposé, par M. Piron je crois, le Gouvernement a décidé, plutôt que de présenter un nouvel amendement, d’accepter celui qui réintroduit ladite disposition. Le problème, c’est que je ne sais pas à quel stade de la discussion il sera présenté.
Je serais par conséquent favorable à ce que l’on adopte, dans un premier temps, le premier alinéa de l’amendement de M. Rousset, qui rétablit ce que le Sénat a supprimé.
En revanche, s’agissant du délai de douze mois, il ne s’agit plus du tout d’une application du droit actuel. Il ne s’agit pas d’une demande de permis de construire, où un défaut de réponse au bout de deux mois vaut autorisation ! Il faudrait pratiquement tout réécrire en s’en tenant à une disposition simple : le pouvoir réglementaire est possible, il est prévu par la loi que la région puisse faire une adaptation, celle-ci étant publiée au Journal officiel ; c’est ce à quoi nous nous sommes engagés depuis le début.
Le deuxième alinéa fait donc problème. Ainsi, la fin de la première phrase : « À défaut de réponse dans un délai de douze mois, le silence de l’État vaut acceptation et le Parlement se saisit de la loi d’adaptation. »
Soit. Mais je poursuis : « En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie aux régions concernées les motifs de ce refus » ; depuis le début, ça va de soi !
Pourquoi donc ?
Ne me faites pas répéter ce que j’ai déjà dit ! Pendant dix ans, des gouvernements successifs ont écrit puis adapté un texte qui n’a jamais été appliqué. En arrivant au ministère, je suis allée récupérer – non sans mal ! – les quarante-deux propositions de la collectivité territoriale que l’on avait décidé de renvoyer à plus tard, sans même assurer de suivi. Nous avons procédé à une réorganisation de l’ensemble de la procédure : expédition des demandes, traitement par le secrétariat général du Gouvernement, saisine du Premier ministre. La nouvelle procédure, que nous avons instituée il y a environ deux ans, oblige le Gouvernement à répondre à l’Assemblée et à publier ses avis.
Un défaut de réponse dans un délai de douze mois qui permettrait au Parlement de se saisir de la loi d’adaptation, qu’est-ce que cela signifierait ? Ce n’est pas simple !
Alors, voici ce que je vous propose : je vous laisse faire, car j’ai bien compris que vous y teniez, mais il faut impérativement qu’entre les deux lectures, la rédaction du texte soit précisée. Je ne sais pas ce qu’en pense le rapporteur, mais il me semble qu’autant le premier alinéa ne soulève aucune difficulté, autant le second suppose un minimum de réécriture.
Mais il y avait aussi cet amendement de M. Piron que j’ai mentionné – il s’agirait du no 876, me dit-on – dont nous trouvions la rédaction préférable. Serait-il possible d’y jeter un coup d’oeil et de nous mettre d’accord sur une rectification en ce sens de celui de M. Rousset ?
Madame la ministre, l’amendement no 874 et les amendements identiques de M. Le Fur et de M. Molac ont été retirés au bénéfice de celui de M. Rousset.
Il existait un amendement no 876 auquel le Gouvernement souhaitait donner un avis favorable, mais il a, semble-t-il, été rejeté en commission.
Je demande une suspension de séance de trois minutes pour regarder cela de plus près et proposer une nouvelle rédaction à M. Rousset.
L’amendement no 876 aussi a été retiré, madame la ministre. Mais la suspension est de droit.
La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.
Je m’excuse auprès du rapporteur et de la commission des lois de cette difficulté que nous rencontrons en séance. La merveilleuse beauté de nos nouvelles règles fait aussi leur inconvénient : ce n’est pas le texte du Gouvernement qui est discuté en séance.
Or, à la suite d’engagements pris, le texte initial du Gouvernement disposait que « le pouvoir réglementaire de la région s’exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi ». Cela, par quoi nous réaffirmions le pouvoir réglementaire des régions, a été retiré du texte par la majorité sénatoriale et, effectivement, je n’y ai pas été assez attentive lors de l’examen du texte par la commission des lois de votre assemblée.
Le Conseil d’État note bien que le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales ne saurait remettre en cause le pouvoir réglementaire du Premier ministre. Les règles fixées localement par les collectivités territoriales doivent donc respecter le cadre général fixé non seulement par la loi elle-même mais également par ses décrets d’application. Nous souhaitons donc que M. Rousset retire son amendement et le Gouvernement en déposera un nouveau, qui correspondra bien à l’esprit de la loi et qui ne fera que rappeler de quelle façon les choses se passent. Je souhaite que soit bien indiqué, en première lecture, que le pouvoir réglementaire de la région s’exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi – j’ai rappelé la teneur de l’avis du Conseil d’État à cet égard. Et le Gouvernement s’engage à regarder si la rédaction du texte peut être améliorée entre les deux lectures.
Voilà pourquoi je demande donc à M. Rousset de retirer son amendement au bénéfice de celui du Gouvernement, puisque c’est celui de M. Piron, que je reprends.
Pour que les choses soient un petit peu plus claires, madame la ministre, il faudrait que vous déposiez cet amendement. Pour l’instant, je ne l’ai pas. Peut-il être déposé immédiatement, pour qu’on comprenne un peu ?
Et, puisque vous aviez demandé la parole avant la suspension de séance, monsieur Piron, je vous la donne.
Je serais ravi que le Gouvernement reprenne en effet l’amendement no 874 , que j’avais déposé, et que j’ai peut-être retiré un peu hâtivement, dans l’enthousiasme qui présidait à ce débat. La reprise de cet amendement par le Gouvernement me convient parfaitement – je n’ai pas de vanité d’auteur ; l’important, c’est que le fond demeure.
Non, madame la présidente. En revanche, si le Règlement de l’Assemblée l’autorise, nous pouvons procéder de la façon suivante. Il s’agirait de voter sur un premier amendement dont l’objet serait d’insérer le premier des deux alinéas qui figurent dans le dispositif de l’actuel amendement no 692 : « Sous réserve du pouvoir réglementaire du Premier ministre prévu à l’article 21 de la Constitution, la région est compétente pour adopter les mesures d’application des lois concernant l’exercice de ses compétences en cas de non renvoi au pouvoir réglementaire de l’État ou en complément de celui-ci. » Le deuxième amendement reprendrait le deuxième paragraphe, amputé des mots « et le Parlement se saisit de la loi d’adaptation », parce que ça n’a effectivement rien à voir comme l’a fait observer un collègue.
Je propose donc qu’il y ait deux amendements au lieu de cet amendement no 692 , si le Règlement de l’Assemblée nationale le permet. S’il ne le permet pas, je maintiens la totalité de l’amendement.
Quel est donc votre amendement ? Quelle modification apportez-vous au texte du premier alinéa ?
Le prmeeir amendement aurait pour objet d’insérer le premier des deux paragraphes que tend à insérer l’amendement no 692 : « Sous réserve du pouvoir réglementaire du Premier ministre prévu à l’article 21 de la Constitution, la région est compétente pour adopter les mesures d’application des lois concernant l’exercice de ses compétences en cas de non renvoi au pouvoir réglementaire de l’État ou en complément de celui-ci. »
Vous voudriez donc maintenir tel quel le premier paragraphe. S’agissant du second, j’avais bien enregistré que vous souhaitiez supprimer « et le Parlement se saisit de la loi d’adaptation », de sorte que votre amendement devient l’amendement no 692 rectifié .
Le souhait que vous exprimez maintenant, c’est que votre amendement soit soumis au vote en deux parties. Or le premier correspond exactement à l’amendement déposé par le Gouvernement.
Le Gouvernement peut à tout moment déposer cet amendement. D’ailleurs, l’amendement me parvient à l’instant.
Malheureusement, je constate, madame la ministre, qu’il ne correspond pas à la lettre, à l’amendement no 874 que M. Piron vient de retirer : il demande le rétablissement d’une rédaction particulière à l’alinéa 15, madame la ministre, et non après l’alinéa 10.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.
Sourires.
Il faut commencer par voter sur l’amendement de notre collègue Rousset dans son ensemble. S’il le retirait, il serait repris, donc il ne le retire pas, ce dont je lui sais gré. Et si nous n’adoptions pas cet amendement, alors, nous voterions sur l’amendement Rousset dans sa première partie uniquement. Ce serait en quelque sorte le lot de consolation pour faire semblant. Mais, moi, je ne veux pas faire semblant ! Je demande donc que l’on vote sur l’ensemble de l’amendement, de façon à donner…
Pardon, monsieur Le Fur, mais je n’entends pas de rappel au règlement dans votre propos.
Il y en a un dans la première partie de mon propos, madame la présidente !
Monsieur Le Fur, la demande de M. Rousset était de faire un vote sur chacune des deux parties de l’amendement, ce qui n’a pas été accepté.
La parole est à Mme Nathalie Appéré.
Je demande une suspension de séance au nom du groupe SRC, madame la présidente.
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.
La séance est reprise.
Nous en sommes toujours à l’amendement no 692 rectifié de M. Rousset. Je rappelle qu’il est rectifié par la suppression des mots « et le Parlement se saisit de la loi d’adaptation » et que la commission et le Gouvernement ont tous deux émis un avis défavorable.
La parole est à M. Michel Piron.
J’ai retiré, mais de manière conditionnelle, l’amendement no 874 . Peut-être ne me suis-je pas expliqué assez clairement sur mes intentions : si je l’ai retiré, c’est parce qu’il était lié à l’amendement de M. Rousset. Je voudrais savoir si je peux, tant que je ne connais pas le sort qui sera réservé à l’amendement de M. Rousset, maintenir cet amendement no 874 .
Je répète que je ne l’ai retiré que de manière conditionnelle. Si l’amendement de M. Rousset venait à être adopté, il est évident que je retirerais le mien.
De toute façon l’adoption de l’amendement de M. Rousset aurait fait tomber le vôtre – si vous ne l’aviez retiré !
Mais non, puisque vous l’avez retiré ! Un amendement retiré ne peut pas revenir comme cela dans la discussion !
Monsieur Le Fur, je n’entends même pas M. Piron ! Si vous pouviez me laisser l’écouter, cela m’arrangerait !
Je disais que si l’amendement de M. Rousset était adopté, je retirerais le mien.
Cela ne marche pas comme cela, monsieur Piron ! Les auteurs des trois amendements identiques nos 47 , 113 et 874 ont retiré leurs amendements, sous réserve que celui de M. Rousset ne soit pas retiré. Puisque M. Rousset a confirmé qu’il maintenait son amendement – il l’a rectifié, non pas retiré –, le vôtre est considéré comme retiré. Quoi qu’il arrive, je ne peux pas le remettre en discussion, car il a été retiré il y a une heure.
L’amendement no 874 de M. Piron était identique à l’amendement no 47 de M. Le Fur, et à mon amendement no 113 . Nous avons retiré ces amendements car nous considérons que celui de M. Rousset est meilleur, parce qu’il propose en plus un mode opératoire.
J’ai bien écouté vos propos, madame la ministre : je suis très content que notre Gouvernement soit vertueux. Mais l’Histoire montre que les gouvernements ne le sont pas toujours ! Ainsi, il vaut mieux prévoir des garde-fous, pour que le train reste bien sur les rails, si je puis dire. C’est pour cela que je considère que l’amendement de M. Rousset est un bon amendement.
Le Gouvernement fait preuve d’une volonté louable de coélaborer ce texte avec notre assemblée. Néanmoins, nous sommes actuellement plongés dans une certaine confusion – temporaire, je l’espère. Tous ces amendements sont assez différents, en réalité. L’amendement que Mme la ministre a lu tout à l’heure traduit la position du Gouvernement ; il est sensiblement différent des amendements proposés par MM. Rousset et Piron. En réalité, ces derniers amendements procèdent à une inversion du pouvoir réglementaire.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Aux termes de ces amendements, dans le silence de la loi, les régions détiendraient de fait un pouvoir réglementaire pour l’application des lois concernant l’exercice de leurs compétences. Cela veut donc dire que la loi devra le préciser systématiquement. Le Gouvernement a présenté tout à l’heure un dispositif contraire, dans lequel la loi prévoit explicitement les champs dans lesquels le pouvoir réglementaire peut être délégué.
Étant donné la difficulté de statuer dans ces conditions, sans que l’ensemble de ces amendements soient en discussion, il me paraît nécessaire de réserver cette question, et de la reprendre le cas échéant lors de la seconde lecture.
Par précaution, et pour que la commission puisse vraiment se saisir de ces éléments – car ce débat est important – il me paraît plus prudent de rejeter, à ce stade, ces amendements.
Sur l’amendement no 692 rectifié , je suis saisie par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je ne veux pas reprendre ce débat qui dure depuis une heure déjà, et que nous avons même poursuivi pendant la suspension de séance ; je dirai quelques mots néanmoins de peur que notre assemblée passe à côté de certains éléments. À l’instar de Mme Appéré, qui s’exprimait au nom du groupe socialiste, la commission des lois a considéré que l’amendement présenté par M. Rousset, de même que les amendements identiques retirés par MM. Molac, Le Fur et Piron, inversent la logique du pouvoir réglementaire d’adaptation au niveau local.
Vous avez le droit d’avoir un autre avis, mais depuis une heure, le débat n’a pas permis de trouver un consensus : souffrez donc que je rappelle la position de la commission – position, je le répète, identique à celle du groupe socialiste, exprimée par la voix de Mme Appéré. Nous considérons que le pouvoir réglementaire d’adaptation des collectivités territoriales doit s’exercer, conformément à l’interprétation de la Constitution donnée par le Conseil d’État, lorsque la loi prévoit que les collectivités territoriales peuvent l’exercer. L’amendement de M. Rousset propose une rédaction qui inverserait cette logique.
Aux termes de cet amendement, il faudrait que la loi prévoie explicitement l’exercice d’un pouvoir réglementaire par l’État, faute de quoi les collectivités régionales en disposeraient de droit. Cela ne nous paraît pas cohérent avec les positions que nous défendons depuis le début de l’examen de ce projet de loi, ni avec celles que nous avons défendues dans le cadre de la loi MAPTAM.
C’est pourquoi, je le répète, la commission des lois a donné un avis défavorable à ces amendements. Je ne répéterai pas ce qu’a dit Mme Appéré, car nous partageons les mêmes arguments.
M. le rapporteur s’est exprimé très clairement. Ma lecture de ce problème est exactement la même que la sienne.
Il a été question du silence de la loi. Je rappelle que le silence peut valoir acceptation de l’application d’une norme existante, mais qu’en aucun cas le silence ne peut induire l’introduction de normes nouvelles dans notre droit positif.
Je tire de cette lecture identique à celle de la commission les mêmes conclusions que celle-ci : je demande donc à nouveau à Alain Rousset de retirer son amendement – puisqu’il ne s’agit plus, à présent, que de celui-là.
Par ailleurs, le Gouvernement a déposé un amendement sur cette question, que nous examinerons dans quelques instants. Certes, il ne satisfait pas entièrement les auteurs des amendements précédents, mais il permettra d’aller plus loin, après qu’une analyse juridique fine des tenants et des aboutissants de ce problème aura été réalisée. Nous partageons, en réalité, votre souci. Pour l’heure, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à l’amendement de M. Rousset. Je vous demande donc, monsieur le député, de le retirer.
Comme je l’ai dit, un amendement du Gouvernement portant sur cette question viendra en discussion dans quelques instants. Nous nous engageons de plus à examiner, entre les deux lectures, comment préciser les dispositions relatives au pouvoir réglementaire des régions – ce qui est notre objectif commun.
Madame la ministre, vous avez évoqué à l’instant votre amendement no 2062 rectifié . Je le lis, parce qu’à force de s’écouter, on finit par ne plus s’entendre sur le contenu du texte : « Le pouvoir réglementaire de la région s’exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi. » Pardon, madame la ministre, mais si j’étais rapporteur, je dirais que c’est superfétatoire !
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.
Ou alors je dirais, comme l’a très bien dit le rapporteur tout à l’heure en réponse à nos orateurs, que voilà une loi bavarde ! Par définition, il n’y a pas besoin de cet amendement du Gouvernement, puisque même si on e l’écrivait pas, il existerait de fait ! Franchement, dans ce débat,…
…cela fait une heure que j’observe et que j’écoute les uns et les autres, et c’est invraisemblable !
On est en plein jacobinisme, total, intégral : alors assumez-le ! Je croyais qu’on travaillait sur l’acte III de la décentralisation !
C’est hallucinant ! En plus, nous sommes à fronts renversés : c’est incroyable sur un plan politique ! Je signale juste à mes collègues du groupe socialiste que l’auteur de cet amendement n’est autre que leur président de l’Association des régions de France, sachant qu’actuellement, vingt et un présidents de région sur vingt-deux sont socialistes ! Cela risque de changer un peu, mais c’est quand même ainsi !
Vous n’êtes même pas à l’écoute des propositions qui émanent de vos propres bancs !
Pour notre part, nous ne sommes pas dans ce schéma-là : nous regardons uniquement le contenu de l’amendement, et nous disons que l’amendement de notre collègue Rousset va dans le bon sens.
Cet amendement n’est pas du tout superfétatoire. Franchement, il devrait être adopté dans le consensus, de façon unanime et sans problème !
Je considère que ce débat est largement transpartisan : on le sait depuis longtemps, ce n’est pas un débat droite-gauche, c’est un vrai débat entre les décentralisateurs et ceux qui continent d’avoir des crispations réglementaires nationales.
Permettez-moi d’être un peu technique : quand on me dit qu’il s’agit d’une inversion de la hiérarchie réglementaire, pardonnez-moi, mais soyons précis ! Premier point : respecte t-on le pouvoir réglementaire du Premier ministre ? Oui, c’est écrit : « Sous réserve du pouvoir réglementaire du Premier ministre (…) ».
Deuxième point : respecte t-on le pouvoir réglementaire d’application des lois ? Parfaitement, puisque ce pouvoir réglementaire ne s’exercerait que dans le cadre des compétences régionales ; mieux encore, il ne s’exercerait qu’au cas où la loi ne renvoie pas au décret. C’est extrêmement clair dans le texte de l’amendement : « en cas de non-renvoi au pouvoir réglementaire de l’État ! »
Il s’agit donc, non d’une inversion de la hiérarchie, mais tout de considérer qu’au niveau de la circulaire ou de l’arrêté, les régions peuvent éventuellement penser aussi justement que l’État central : c’est aussi simple que cela !
Voilà l’enjeu. L’enjeu n’est ni la loi, ni le décret : il est de l’ordre des textes inférieurs. C’est vraiment de l’adaptation sur le terrain.
Franchement, je n’arrive pas à comprendre qu’on ne soit pas capable de faire confiance aux régions pour exercer un pouvoir d’adaptation uniquement dans ce champ.
Madame la ministre, je vais essayer de vous toucher au coeur. Hier, je vous ai accusée, peut-être à tort, peut-être un peu rapidement, d’avoir rédigé et présenté une loi qui ne changerait rigoureusement rien, parce que tout le monde allait pouvoir continuer à tout faire comme avant et que finalement, on ne donnerait aucun véritable pouvoir supplémentaire aux régions.
Vous m’avez répondu : « Présentez des amendements, soutenez des amendements, et je vous écouterai, je vous soutiendrai. C’est vrai qu’il n’y a pas d’accord sur ces bancs, parce qu’il y a des départementalistes, des régionalistes, des jacobins, des décentralisateurs ; mais si vous présentez des amendements qui permettent de clarifier les choses et d’aller plus loin, je les soutiendrai. »
J’en viens donc à votre amendement : « Le pouvoir réglementaire de la région s’exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi. » – vous allez inscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil d’État ? On la connaît, la jurisprudence du Conseil d’État !
Aujourd’hui, c’est déjà le cas. Le problème n’est pas là ! Le problème, c’est que l’on vous demande, par la loi, d’aller un peu plus loin, dans le respect du pouvoir réglementaire de l’État, en donnant aux régions, dans le domaine de leurs compétences, un pouvoir réglementaire supplémentaire, qui se substituerait à celui de l’État dès lors que, pendant un an – l’amendement d’Alain Rousset est de ce point de vue bien rédigé –, l’État n’aurait pas décidé de reprendre la main, de s’opposer aux décisions de la région et de prendre lui-même les décisions réglementaires.
Il y a de vrais garde-fous dans cet amendement. Aussi, faites une petite tentative, pour que cette loi change au moins quelque chose !
Je me permets de relever quelques éléments que l’excellent président Leroy a fort justement cités. Je ne peux m’empêcher une fois de plus, madame la ministre, de penser à propos de ce texte à La ferme des animaux : vous venez de faire la deuxième révision de la Constitution de La ferme des animaux. Première Constitution : « Tous les animaux sont égaux. » Deuxième révision, par les animaux eux-mêmes : « …mais certains le sont plus que d’autres. »
Je ne vois pas l’intérêt de votre amendement no 2062 rectifié . Nous avons un gouvernement quantique, qui change de position en permanence, qu’on a du mal à suivre, qui recourt à l’article 49 alinéa 3, qui fait sauter des lois, au moment même où une guerre civile se déroule à quelques milliers de kilomètres à l’est, sur le continent européen,…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
…alors que les Français ne peuvent plus payer leurs impôts, à un moment où la violence du réel revient dans le monde – et ce gouvernement fait du George Orwell ! Je ne comprends pas bien votre logique !
Si nous faisons confiance à l’amendement du président Rousset et que nous considérons qu’il y a des garde-fous suffisants pour tenter l’expérimentation des régions – même si, pour ma part, je suis très réservé sur cette expérimentation, non pas pour aujourd’hui, mais pour dans vingt ans, face à la dégradation du gouvernement de la République française et du niveau général dans ce pays –, alors il faut le voter.
En votant l’amendement du président Rousset, nous faisons confiance aux Françaises et aux Français pour élire dans nos régions des représentants qui soient capables de parler tantôt l’anglais dans le texte, tantôt d’autres langues étrangères, mais surtout d’avancer !
Monsieur Rousset, retirez-vous votre amendement, puisque vous avez de nouveau été invité à le retirer ?
Je maintiens l’amendement, avec la modification qu’un de mes collègues m’a suggérée, à savoir la suppression des mots « et le Parlement se saisit de la loi d’adaptation. » parce qu’ils n’ont pas lieu d’être, pour plusieurs raisons. D’abord, quelle est l’avancée ? Elle est extrêmement minime : nous allons simplement être sûrs d’obtenir une réponse. Les régions obtiendront une réponse : c’est le seul progrès !
Pour le reste, il n’y a pas d’inversion, il suffit de lire le texte : « Sous réserve du pouvoir réglementaire du Premier ministre… ». Il y a trois cliquets ; il faut donc faire confiance aux régions. Ce texte apporte un progrès : j’appelle donc tous mes collègues dans l’hémicycle à voter cet amendement.
Applaudissements sur divers bancs des groupes RRDP, UMP et UDI.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 59 Nombre de suffrages exprimés: 58 Majorité absolue: 30 Pour l’adoption: 32 contre: 26 (L’amendement no 692 rectifié est adopté et l’amendement no 2062 rectifié tombe.)
La parole est à M. Jean Jacques Vlody, pour soutenir l’amendement no 1420 .
Le débat que nous venons d’avoir dans cet hémicycle est particulièrement passionnant, et celui que je veux introduire va dans le même sens, puisqu’il s’agit de transmettre le pouvoir réglementaire aux régions, et en particulier aux régions d’outre-mer.
Je voudrais étendre le débat sur la décentralisation, le jacobinisme, la régionalisation, voire sur le fédéralisme, qui est évoqué ici, à la réalité du territoire des outre-mer, et en particulier de la Réunion.
Le territoire dont je parle n’est pas celui de Rhône-Alpes, de Midi-Pyrénées, de la Manche, du Nord ou de la Bretagne : pour s’y rendre – ce que je vais faire dans quelques minutes ; vous voudrez bien m’excuser si je ne peux rester pour soutenir l’amendement suivant, car j’ai un avion à prendre –, il faut traverser deux continents, une mer et les trois quarts d’un océan.
En effet ! J’irai en avion plutôt qu’à la nage !
Qu’est-ce qui pourrait donc interdire d’adapter le règlement issu d’une loi nationale sur ce territoire qui n’a rien à voir avec la continuité du territoire de l’Hexagone ? Tel est le sens de cet amendement : conférer aux régions d’outre-mer le pouvoir réglementaire dans le cadre d’une loi décidée sur le plan national.
Je connais par avance l’argument des services de l’État, du rapporteur ou du Gouvernement, à savoir qu’il existe une possibilité qu’une telle loi soit anticonstitutionnelle. J’y réponds par anticipation. La Réunion est effectivement le seul territoire cité par l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution – qui prévoit que la disposition permettant d’habiliter les départements et régions d’outre-mer à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières ne lui est pas applicable. Mais les alinéas 1 et 2 de l’article 73 permettent l’adaptation réglementaire de la loi : seule l’habilitation est exclue. Autrement dit, pour être simple, il ne nous est pas permis d’écrire in extenso une loi et l’ensemble de ses règlements, alors que c’est autorisé pour les autres régions d’outre-mer.
En revanche, il nous est possible, dans le cadre d’une loi nationale, d’adapter des règlements pour se conformer à une réalité toute simple, à savoir, pour ne citer qu’un seul exemple, la réalité climatologique. On impose en effet à ce territoire, soumis à un climat tropical, des normes dans l’agriculture – mon ami Dominique Potier a récemment évoqué ce sujet dans un rapport sur l’agriculture – qui n’ont de sens que pour un climat tempéré : expliquez-moi la logique !
Voilà donc le sens de cet amendement, qui traite du pouvoir réglementaire des régions dans le cadre de leurs compétences pour les régions d’outre-mer.
M. Vlody a déposé deux amendements, no s 1420 et 1450 . Sur le premier amendement, il le sait, je donnerai un avis défavorable ; sur le second, qu’il ne pourra présenter lui-même, puisqu’il a un avion à prendre pour la Réunion, ce que nous comprenons tous, je donnerai un avis favorable, non par conviction personnelle, mais par cohérence avec le vote auquel vient de procéder notre assemblée.
Concernant l’amendement qu’il vient de défendre, la principale difficulté tient au fait qu’en 2003, à l’occasion de la révision constitutionnelle, les élus de la Réunion se sont prononcés en faveur du principe d’identité législative.
C’est le sénateur Jean-Paul Virapoullé qui, le 6 novembre 2002, donc avant la révision constitutionnelle de 2003, déclarait : « Voilà qui inspire la prudence à la Réunion. Nous sommes favorables à la départementalisation adaptée, à des mesures dans le domaine réglementaire de nos compétences, mais nous demandons à la représentation nationale de faire droit à notre souhait de prudence. Nous ne voulons pas ouvrir une brèche dans le domaine législatif hors de nos compétences. Nous préférons la stabilité institutionnelle et la sécurité juridique, parce que ce sont deux fondements essentiels au décollage économique de notre département et à la paix sociale. »
Suivant cette argumentation, les élus de la Réunion avaient voté le principe de l’identité législative avec la métropole. C’est ce principe qui explique que la Réunion ne soit pas, dans la Constitution, traitée dans les mêmes alinéas que les autres départements d’outre-mer, d’où le problème de constitutionnalité qui nous a conduits à donner un avis défavorable à cet amendement.
Même avis que la commission.
Ne serait-ce que pour le rayonnement de la France outre-mer, et par cohérence, j’invite l’ensemble de mes collègues à adopter cet amendement.
Il est en effet parfaitement cohérent avec ce que nous venons de voter, et l’argumentaire de notre collègue Vlody me semble parfaitement recevable si nous avons une once de cohérence interne !
S’agissant de l’argument relatif à l’irrecevabilité de cet amendement, il est exact que l’amendement Virapoullé nous pose problème. Il enferme en effet la Réunion dans la non-possibilité d’adapter, mais, je le répète, dans le cadre de l’habilitation.
Dans le cadre national, au regard de ce qui vient de se passer juste avant, ce pouvoir réglementaire peut naturellement être transféré aux régions d’outre-mer dans le cadre des lois qui sont définies nationalement.
Il ne s’agit donc pas de ce que l’on appelle chez nous des « lois pays », mais bien des lois nationales, dont les normes et règlements seront adaptés aux réalités locales, et notamment au climat et à l’environnement.
L’amendement no 1420 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à permettre aux régions d’expérimenter dans le cadre des compétences qui sont les leurs. Il s’agit de mettre en oeuvre une promesse du Président de la République, qui avait annoncé en octobre 2012, aux États généraux de la démocratie territoriale, que le droit à l’expérimentation serait « élargi et assoupli ».
La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement no 1663 .
La question est de savoir si, oui ou non, on va jusqu’au bout de la logique de la réforme. À partir du moment où l’on décide de créer de nouvelles régions dotées de nouvelles compétences, on doit leur reconnaître un pouvoir d’expérimentation. Il ne s’agit pas là d’une démarche partisane, mais de bon sens.
La commission a donné un avis défavorable à ces amendements. En effet, ils visent à reconnaître aux régions, pendant une durée de cinq ans, un pouvoir réglementaire pratiquement total dans le champ de leurs compétences. Par cohérence avec son avis défavorable sur les amendements précédents, la commission ne peut qu’être défavorable à une disposition qui va encore plus loin.
Même avis.
Je soutiens ces amendements, qui à mes yeux ne présentent pas de difficulté. En effet, il y est précisé qu’il s’agit d’habiliter les régions « à fixer des règles spécifiques dans toutes les matières pour lesquelles elles sont compétentes. »
La vraie rupture, c’est la suppression de la clause de compétence générale des régions. Dès lors, la crainte de voir un pouvoir réglementaire décentralisé cannibaliser l’ensemble des sujets n’a plus d’objet : le pouvoir réglementaire des régions s’exercera dans le cadre de compétences définies.
C’est le même débat que précédemment, et la cohérence nous commande d’adopter la même position. L’expérimentation est une chance : c’est en expérimentant différentes solutions que nous parviendrons à résoudre les difficultés dans lesquelles nous sommes. Voilà pourquoi ces propositions sont tout à fait positives.
Il est étonnant de voir, monsieur le rapporteur, à l’occasion d’un amendement dont le sujet n’est pas exactement le même que celui d’Alain Rousset, que vous ne croyez pas à l’esprit du projet de loi : cela pose quand même un problème de fond.
Quant à vous, madame la ministre, vous ne pouvez pas vous contenter de prononcer un avis défavorable sans expliquer votre position, notamment au regard des déclarations du Président de la République.
Marc Le Fur l’a dit à l’instant : dès lors qu’il n’y a plus de compétence générale, on peut se demander ce que vous voulez pour ces nouvelles entités. S’agit-il de rogner d’emblée leurs pouvoirs ? Dans ce cas, il faut l’assumer. Nous avons besoin d’entendre vos explications sur ce point.
Je vais peut-être surprendre, mais je pense que cette proposition va largement au-delà de ce que nous venons d’adopter. Je le répète : en adoptant l’amendement de M. Rousset, nous n’avons nullement inversé la hiérarchie des normes. Nous avons laissé toute sa place, non seulement à la loi nationale, mais aussi au décret, mais nous sommes bien entrés dans le champ de textes d’application infra-décrétale.
L’argument d’autorité ne me suffit pas, cher collègue.
Étant donné ce qu’est l’architecture des pouvoirs territoriaux, qui est loin d’être satisfaisante, avec des régions très différentes, y compris dans leur périmètre, je n’irai pas jusque-là. Je craindrais en effet une inflation réglementaire qui ne ferait qu’ajouter de la confusion à l’incertitude.
Voilà pourquoi je m’abstiendrai sur ces amendements, qui me semblent remettre en cause un certain nombre de principes généraux. Je suis certes un décentralisateur, mais être décentralisateur ne signifie pas être partisan d’un État faible : c’est être partisan d’un État qui se recentre sur l’essentiel.
Cela fait deux heures que nous débattons de cette question sans arriver à trouver le bon tempo. Il est vrai que ce texte, qui arrive bien tard, chamboule les esprits et demande une réflexion approfondie.
S’agissant de ces amendements, je rejoins les intervenants précédents. En l’absence de clause de compétence générale, si la loi ne reconnaît pas aux nouvelles régions le droit à l’expérimentation, je me demande bien ce qu’elles vont pouvoir faire et ce que la loi va changer à l’état du droit antérieur.
Je voterai donc ces amendements. Si nous nous n’approuvons pas ces dispositions, je me demande qu’elle peut être la raison d’être de nos débats.
Je n’ai pas cosigné l’amendement de Xavier Bertrand, parce que je partage le souci de Michel Piron. Pour ma part, j’aimerais que le pouvoir d’expérimentation réglementaire reconnu aux régions soit un pouvoir d’alléger et de simplifier la réglementation dans le cadre des compétences qui sont les leurs.
C’est pourquoi je ne voterai pas ces amendements. En revanche, je vous proposerai en deuxième lecture un amendement permettant aux régions, par la voie de l’expérimentation et pendant une durée de cinq ans, de simplifier la réglementation dans les domaines dans lesquels elles sont compétentes.
Mais si, j’ai répondu !
Monsieur Bertrand, la mise en cause est facile, mais j’ai déjà répondu. Je ne suis pas opposée par principe à tout assouplissement du droit à l’expérimentation, mais cet amendement présente des risques constitutionnels extrêmement sérieux.
C’est l’alinéa 4 de l’article 72 de la Constitution, qui a été voté par la majorité à laquelle vous apparteniez, qui pose problème et risque de poser problème jusqu’à la fin de nos débats. En effet, cet alinéa prévoit que l’expérimentation permettant aux collectivités territoriales de déroger aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent leurs compétences doit avoir un objet limité. On ne peut donc pas l’étendre à l’ensemble des compétences régionales.
C’est vous qui avez introduit cette disposition dans la Constitution. À l’époque, je m’y étais opposée.
J’avais alors attiré votre attention sur le fait que cette disposition, telle qu’elle était rédigée, supprimait pratiquement tout droit à l’expérimentation. Qui plus est, vous avez ajouté qu’au cas où une expérimentation faisait l’objet d’une évaluation positive, elle serait imposée à l’ensemble des régions de France. Voilà le texte que vous aviez défendu. Et si depuis le début de nos débats, y compris en commission des lois, il m’est arrivé de parler de « délégation expérimentale de compétences », c’est précisément pour échapper à ce cadre extrêmement rigide de l’article 72 de la Constitution.
Tel est le fait générateur du refus opposé par le Gouvernement à un certain nombre de vos amendements. L’ayant déjà expliqué, je ne vois pas l’utilité de me répéter à chaque amendement.
Cet amendement prévoit la transmission au Parlement d’un rapport sur les évolutions dont nous venons de débattre. Étant donné que nous sommes ici dans l’innovation, il ne me semble pas illogique que le Parlement en soit tenu précisément informé.
Vous nous dites, madame la ministre, que les excellentes propositions de notre collègue Xavier Bertrand ne sont pas constitutionnelles. La Constitution énonce pourtant dès son article 1er que l’organisation de la République est décentralisée. Cela a-t-il un sens, oui ou non ? Ne sommes-nous pas également tenus de respecter cette disposition qui a été introduite à notre initiative dans la Constitution ? Vous n’y étiez pas très favorable à l’époque, ayant toujours eu du mal avec tout ce qui est décentralisé.
Ce que nous souhaitons, c’est qu’il soit tenu compte de cette dimension décentralisatrice, qui a été très clairement voulue par le constituant : sachons en tirer les conséquences.
Contrairement à mon collègue Le Fur, je ne doute pas, pour ma part, de la volonté décentralisatrice de ce gouvernement. L’amendement qui vient d’être adopté, un peu « au forceps » certes, grâce au vote de députés de différents groupes, notamment du groupe socialiste, va d’ailleurs dans le bon sens.
Le présent amendement vise à ce que le Gouvernement établisse un bilan des demandes de modification ou d’adaptation législatives et réglementaires. Il s’agit d’être informé, non seulement de ces demandes, mais également des réponses qui leur auront été apportées. Le but est de s’assurer que le pouvoir réglementaire des régions s’exerce réellement.
Comme vous le savez, monsieur Molac, il est de jurisprudence constante à la commission des lois de refuser les amendements demandant des rapports, même lorsqu’on les appelle « bilan public », comme le fait M. Molac. La commission est donc défavorable aux deux amendements.
Même avis.
Ces excellents amendements visent à permettre à notre pays de se nourrir des évolutions, des expériences locales. Il s’agit de consacrer la possibilité pour tout le territoire de tirer profit des bonnes pratiques.
De toute façon, une certaine forme de particularisme local est d’ores et déjà consacrée : les métropoles de droit commun coexisteront avec des métropoles à statut particulier, comme la métropole lyonnaise ou celle d’Aix-Marseille, ou encore des « eurométropoles », et certaines métropoles compteront des conseils départementaux. Autant que ces particularités soient connues de tous. C’est l’objectif de ce rapport annuel.
Nous sommes à un moment majeur : c’est certainement la dernière fois qu’un texte supposé de décentralisation est débattu par des parlementaires qui ont une expérience de la gestion locale. Ce ne sera plus le cas lorsque s’appliquera l’interdiction du cumul des mandats, mesure sur laquelle nous ne reviendrons pas – je ne me fais guère d’illusion là-dessus. Certes, les futurs parlementaires seront issus d’un territoire, mais ils seront dépourvus d’une expérience directe de gestion des collectivités territoriales. Ils devront donc être tenus informés de ces réalités, dans un cadre organisé. La nécessité d’un tel rapport me paraît donc incontestable.
La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1719 .
Cet amendement de cohérence étend aux régions d’outre-mer une modification que nous avons apportée hier soir aux compétences des régions métropolitaines.
L’amendement no 1719 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 1450 , accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 849 rectifié et 1427 rectifié .
La parole est à Mme Estelle Grelier, pour soutenir l’amendement no 849 rectifié .
J’imagine, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que cet amendement recueillera l’adhésion de tous.
Il vise en effet à redire l’attachement que nous portons au Haut conseil des territoires, qui a fait l’objet, vous le savez, d’une négociation difficile lors de l’examen de la loi MAPTAM en commission mixte paritaire.
Il est nécessaire de promouvoir un cadre de dialogue constructif entre les pouvoirs publics locaux et nationaux.
Plutôt que de multiplier les groupes de travail et les lieux d’échange informels alors même que nous parlons simplification des normes, réduction des dotations ou discussion sur les échéances contractuelles, je tiens à redire ici notre attachement au Haut conseil des territoires.
C’est un point important, madame la ministre, et nous avons un peu de suite dans les idées.
Nous avions en effet appuyé ce dispositif dans le cadre de la loi MAPTAM, et nous voulons redire combien il nous semble important et particulièrement d’actualité.
La parole est à M. Olivier Audibert Troin, pour soutenir l’amendement no 1427 rectifié .
À l’instar de Mme Grelier, nous considérons que nous devons, aujourd’hui plus encore qu’hier, écouter les élus locaux.
M. Le Fur l’a démontré tout à l’heure : oui, dans quelque temps, cet hémicycle ne comportera plus d’élus locaux. Or, il convient plus que tout d’améliorer encore le dialogue entre les pouvoirs publics nationaux et ces derniers.
Tel est le sens de cet amendement, qui tend donc à réintroduire le Haut conseil des territoires en tant que véritable lieu de dialogue et d’échanges entre pouvoirs publics nationaux et locaux.
La commission n’a pas examiné ces amendements, mais je me souviens que lors de l’examen de la loi MAPTAM – qu’Estelle Grelier a eu raison d’évoquer – c’est le rapporteur que j’étais alors qui les avait présentés.
Ils avaient été adoptés, puis supprimés en CMP en raison de l’opposition des sénateurs.
Même si la commission n’a pas examiné le texte de ces amendements, vous comprenez donc qu’il m’est difficile d’être défavorable à l’adoption de dispositions que j’avais proposées à notre Assemblée voilà un peu moins d’un an.
J’avais quant à moi beaucoup appuyé l’excellente idée du rapporteur.
Or, les sénateurs – et la majorité sénatoriale actuelle l’a largement confirmé – refusent l’existence d’un Haut conseil des territoires. Ils estiment en effet que c’est leur travail.
Sourires
Pour répondre à cette malheureuse position du Sénat, le Premier ministre a donc proposé, pour l’application de la loi MAPTAM, la création d’une instance, le Dialogue national des territoires – DNT…
… que nous avons réunie une première fois la semaine dernière, qui correspond à la demande des élus et dont le projet était inscrit dans le rapport Malvy-Lambert.
Nous avons donné satisfaction aux associations d’élus en créant non le HCT, donc, mais le DNT. L’ensemble des associations d’élus étaient d’ailleurs représentées la semaine dernière.
Votre amendement est donc satisfait sur le fond, même si sur la forme, vous avez raison, le nom de l’instance a changé.
Il ne peut qu’être favorable à l’idée, mais il est défavorable à l’appellation choisie par les auteurs de ces amendements, puisqu’il en a inventé une nouvelle !
En effet, madame la ministre, mais j’ai besoin de l’avis du Gouvernement sur les amendements.
Avis défavorable.
Je vous remercie, madame la ministre.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
Une fois de plus, nous mesurons combien le fonctionnement gouvernemental est incohérent depuis quelques mois au moins.
Mais c’est l’UMP qui a fait cela !
Par démagogie, vous avez voulu mentir aux Français en interdisant soi-disant le cumul. En réalité, vous organisez le cumul de quelques-uns et vous l’interdisez aux autres.
De facto, vous interdirez la présence de maires, de présidents de conseils généraux et régionaux au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Or, les Françaises et les Français doivent bien savoir que c’est le président ou la présidente d’un conseil municipal, général ou régional qui bénéficie de l’ensemble des informations et de la vision stratégique globale.
Vous avez commencé par faire disparaître ces élus du Parlement, alors qu’ils sont souvent des professionnels de la politique et qu’ils connaissent les différentes interactions entre les échelons de collectivités territoriales.
Mais comme vous vous rendez bien compte que, par démagogie, il convient tout de même de faire semblant d’entendre la voix des territoires, il faut que des collègues socialistes et d’autres déposent à nouveau un amendement pour recréer un « machin supplémentaire », ce fameux Haut conseil que vous baptisez Dialogue.
Il eût été beaucoup plus simple, madame la ministre, que le Gouvernement établisse la possibilité de détenir un mandat local – quel qu’il soit – et un mandat national, afin que la démocratie et la République continuent à vivre, avec la présence de maires et de présidents de départements et de régions au cours de nos débats.
Comme le dit notre collègue Marc Le Fur, excellent et néanmoins breton – comme vous, madame la ministre –, dans trois ans, vous allez déstructurer la représentation nationale : nos deux hémicycles n’accueilleront plus d’élus ayant exercé des responsabilités – quelles qu’elles soient –à un haut niveau dans les collectivités.
Bref, nous allons voter pour un « machin » parce que vous avez décapité la République.
Mme Grelier et M. le rapporteur ont fait part de la constance de leur position.
Je tiens à mon tour à rappeler que, lors des débats sur la loi MAPTAM, le groupe SRC était très favorable à la création du Haut conseil des territoires, considérant que nous avons besoin d’un dialogue permanent entre l’État et les élus locaux, et que nombre de nos objectifs nécessitent à la fois le concours de l’État et des collectivités territoriales.
Le Haut conseil des territoires peut être un lieu d’intelligence collective pour redresser notre pays et en assurer la cohésion sociale. Nous sommes donc favorables à son existence, et soucieux que le dialogue puisse s’établir dans des cadres formalisés par la loi.
Je regrette votre avis défavorable, madame la ministre, et plus particulièrement sa motivation – à savoir l’annonce, par le Premier ministre, de la création d’un Dialogue national des territoires.
Ces amendements vont pourtant beaucoup plus loin, et ne se limitent pas à une annonce. En effet, ils précisent la formation, la composition, le fonctionnement et la périodicité des réunions de ce Haut conseil des territoires.
Puisque nos intentions – celle du Premier ministre, la vôtre et la nôtre – sont les mêmes, à savoir favoriser un dialogue permanent entre les élus locaux et les pouvoirs publics nationaux, vous pourriez faire un pas vers nous, madame la ministre, car la copie est prête. Il n’y a plus qu’à !
Vous nous parlez en effet, madame la ministre, du Dialogue national des territoires, qui a été constitué afin de favoriser la concertation avec les associations d’élus, lesquelles ont répondu à l’appel.
Il ne s’agit cependant pas pour nous d’un substitut au Haut conseil des territoires : nous avons besoin d’un lieu d’échanges formalisé, un lieu d’intelligence collective, globalisée, pour reprendre la formule de Mme Appéré, dans lequel les associations d’élus se retrouveraient davantage que dans ce Dialogue des territoires.
J’ai cosigné l’amendement, avec Estelle Grelier et d’autres collègues, car je souhaite que ce Haut conseil voie le jour. Nous en avions largement discuté au moment de l’examen du projet de loi MAPTAM, et une large majorité, s’était prononcée en sa faveur à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas parce que le Sénat n’y a pas été favorable que nous devons faire de même ici.
Je maintiens donc ma position : le Haut conseil des territoires doit remplacer le Dialogue national des territoires.
Je comprends parfaitement vos motivations, puisque j’avais soutenu la création du Haut conseil des territoires.
Nous avons reçu encore récemment la nouvelle majorité du Sénat. Je me réjouis de constater que l’opposition d’ici est en total désaccord avec la majorité de la chambre haute. C’est plutôt une bonne nouvelle…
.. qui témoigne d’une grande indépendance d’esprit.
C’est la lecture du rapport Malvy-Lambert qui nous avait éclairés sur le Haut conseil des territoires – nous en avons largement discuté dans le cadre de la loi MAPTAM. Que je sache, M. Lambert n’est pas au Gouvernement : il ne s’agit pas simplement d’une position gouvernementale.
Je ne peux donner un avis favorable à l’adoption de ces amendements. Malgré l’absence de ce Haut conseil des territoires, il était en effet nécessaire d’accélérer les discussions avec les collectivités territoriales.
Si ce Haut conseil avait existé tel que vous l’aviez proposé, nous aurions sans doute rencontré beaucoup moins de problèmes sur la semaine de quatre jours et demi et sur un certain nombre de normes…
Si vous nous aviez écoutés, vous auriez eu beaucoup moins de problèmes !
… mais nous avons essuyé un refus absolu et très violent.
Nous avons donc créé une nouvelle instance, non par la loi – votre analyse est parfaitement juste –, mais par un gouvernement qui a pris acte d’un refus – j’ai envie de dire de la part de la totalité du Sénat, mais, actuellement, il s’agit de la majorité sénatoriale.
Je pense que vous allez voter ces amendements, auxquels je suis quant à moi défavorable, puisque j’ai déjà réuni le Dialogue national des territoires et que je ne vois pas très bien quelle serait la logique qui présiderait à la création du Haut conseil – le Premier ministre aurait dès lors raison de pointer une absence de continuité dans l’action du Gouvernement.
Nous verrons bien ce que fera le Sénat et s’il maintient son opposition farouche à ce que cette instance s’appelle Haut conseil des territoires.
Une observation et quelques questions, madame la présidente.
Madame la ministre, nous savons tous ici ce qui fait défaut : un Sénat qui soit véritablement le représentant des grandes assemblées territoriales.
Cela relève il est vrai de la Constitution, mais nous n’en constatons pas moins que c’est d’abord cela qui nous manque.
Je suis favorable au bicamérisme, mais à condition qu’il ne soit pas seulement formel, mais aussi de fond, autrement dit qu’il n’ait ni le même rôle, ni la même représentativité que l’Assemblée nationale. Nous en sommes loin, c’est ainsi, et je n’ignore pas qu’un changement passerait inévitablement par une modification constitutionnelle.
J’en viens à mes questions, madame la ministre.
Je vous avoue que ma capacité d’émerveillement demeure encore très grande, mais je viens d’entendre un alignement sémantique qui me trouble profondément : le Dialogue national des territoires…
Depuis quand le dialogue doit-il relever de la loi car, si j’ai bien compris, le dialogue rentre désormais dans le champ législatif ?
Ensuite, qu’est-ce qu’un dialogue national ? Peut-être ce dernier terme relève-t-il du décret, pour reprendre le fil de notre raisonnement ?
Enfin, « des territoires »… J’avoue que j’ai bien du mal à me retrouver face à cette bouillie conceptuelle, dont je perçois mal le contenu.
Pourriez-vous nous faire l’exégèse de cette admirable appellation ?
Je veux bien que M. Piron ironise, mais il le fait à l’endroit de M. Lambert, qui a absolument tenu à ce que ce gros travail, le rapport que vous avez lu de la première à la dernière lettre, débouche sur la création du Dialogue national des territoires.
Et nous avons tenu à respecter le travail de MM. Lambert et Malvy. Voilà.
Madame la présidente, madame la ministre – pardonnez-moi de ne pas vous avoir citée tout à l’heure –, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avançons, mais notre débat est tout de même assez laborieux, et nous voyons les abîmes qui séparent les interrogations de nos concitoyens face à ce que nous sommes en train de faire réellement.
Nous avons déjà du mal, nous, à nous y retrouver. Imaginez ceux qui voteront dans quelques semaines pour les conseils départementaux, dont nous allons parler …
… et ceux qui voteront aux élections régionales, quand on voit à quel stade nous en sommes !
Je l’ai dit, mais peut-être que ce que je dis n’a pas beaucoup d’importance – peu importe, d’ailleurs, puisque je n’étais pas le seul à le dire : il existe un problème important dont ce débat ne permettra pas de sortir, et pas pour des raisons constitutionnelles, mais pour des raisons de bon sens.
Le Président François Mitterrand avait présenté aux Français en 1981 le principe de la décentralisation. Qu’a-t-il fait dans la foulée avec M. Defferre ? Il a lancé immédiatement ce chantier.
Nous, nous sommes dans le deuxième tiers de notre mandat et, alors que la crise est plus aiguë que jamais et que la guerre éclate de nouveau un peu partout, nous sommes en train de nous demander s’il faut, ou non, organiser le Dialogue national des territoires ! Nous sommes complètement à contre-courant, nous ne sommes absolument pas suivis par l’opinion, qui ne comprend rien à ce que nous faisons, et nous allons inviter nos concitoyens à voter, alors qu’ils ne votent déjà plus qu’à 50 %, et que les 50 % qui le font expriment un vote extrême et désespéré.
Je crois que c’est un mauvais coup que nous portons, à notre pays, d’abord, mais aussi à son organisation, en continuant dans cette voie. J’aimerais savoir ce sur quoi nous allons bien pouvoir déboucher, partis comme nous sommes ! Je sais très bien que je ne fais pas avancer la cause, mais j’ai quand même, en tant que député, non seulement le droit, mais aussi le devoir, de m’interroger sur le sérieux de nos travaux.
Au risque de décevoir une nouvelle fois Mme Lebranchu, je pense que ce Haut conseil est en réalité un doublon du Sénat.
…et, contrairement à ce que vous pensez, madame la ministre, je respecte infiniment le Sénat…
C’est très bien.
…qui constitue aujourd’hui un contre-pouvoir démocratique.
Je ne comprends pas pourquoi on veut créer une énième assemblée à consulter. Je rappelle qu’il existe déjà un Comité des finances locales, qui a le pouvoir d’examiner toutes les incidences financières des décisions sur les collectivités, et un Conseil national d’évaluation des normes qui examine, du point de vue des collectivités locales, l’impact de toutes les normes. Et vous voulez refaire un comité Théodule !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Madame Descamps-Crosnier, nous avons bien compris que, parce que vous avez perdu la majorité au Sénat, vous vouliez avoir un comité à vous, dans lequel vous serez enfin majoritaires. Mais méfiez-vous : si vous perdez les régions et les départements, vous ne serez plus majoritaires dans ce Haut conseil non plus. Alors, ne le créez pas : vous nous ferez faire une économie.
Les amendements identiques nos 849 rectifié et 1427 rectifié sont adoptés.
Ma logique est très décentralisatrice. Il n’empêche que certains domaines exigent tout de même un peu de contrôle.
J’ai été surpris, dans l’affaire des emprunts toxiques, d’une particularité du contrôle de légalité. Chacun connaît le contrôle de légalité et sait qu’il est très pointilleux, par exemple lorsqu’un élu promeut un fonctionnaire et lui accorde quelques points d’indice supplémentaires. En revanche, la crise des emprunts toxiques a montré qu’il n’y a pour ainsi dire aucun contrôle de légalité sur les emprunts que contractent les collectivités, d’où les difficultés que nous avons connues – difficultés qui résultent d’abord des décisions des élus, bien évidemment, mais qui auraient pu être atténuées si un contrôle de légalité plus conséquent s’était exercé sur les emprunts toxiques.
Je prendrai l’exemple du conseil général des Côtes-d’Armor, qui a souscrit des emprunts calés sur le franc suisse…
…et qui, après avoir payé des taux d’intérêt annuels de 16 %, en est maintenant à 24 %. Quand cela va-t-il s’arrêter ?
On pourrait évoquer aussi la ville de Lamballe, qui a souscrit des emprunts analogues – je cite les cas que je connais, mais on pourrait en trouver quantité d’autres. L’État pourrait avoir un rôle à jouer en ce domaine : au lieu d’exercer un contrôle pointilleux sur des choses mineures, nous pourrions autoriser un véritable contrôle de légalité sur les emprunts.
Si nous saisissions l’occasion que nous donne ce projet de loi pour progresser dans ce domaine, nous ferions oeuvre utile, d’autant plus ce sujet redevient d’actualité, avec l’évolution à la hausse du franc suisse, qui ne vous a pas échappé. Or l’une des particularités de la plupart des emprunts toxiques est qu’ils sont calés sur des devises étrangères et, pour beaucoup d’entre eux, sur le franc suisse.
La commission n’a pas examiné cet amendement, car il a été déposé au titre de l’article 88. Mon avis est néanmoins défavorable, pour des raisons que M. Le Fur a pour ainsi dire exposées lui-même. Depuis tout à l’heure, il nous explique qu’il faut décentraliser, faire confiance aux régions, et donc aux collectivités, et il propose à présent d’introduire une forme de tutelle de la chambre régionale des comptes sur les régions et les collectivités.
Si l’on veut aller au bout de la logique, pourquoi s’en tenir aux régions ? Par ailleurs, comment définir le caractère excessif du risque pris par les collectivités, en l’absence de critères précis ou de renvoi à une procédure réglementaire ? Enfin, dans le cas où la chambre régionale des comptes jugerait le niveau de risque excessif, vous demandez qu’elle puisse proposer des mesures et qu’elle demande à l’organe délibérant une nouvelle délibération. Cela ressemble furieusement à une tutelle…
…et, parce que ce texte est un texte de décentralisation, mon avis est défavorable.
Monsieur Le Fur, les années 2005 et 2006 ont été des années noires, et si ces collectivités ont emprunté, c’est parce qu’un organisme auquel participait l’État, Dexia, les a entraînées sur ce type d’emprunts.
Tout le monde n’a pas suivi : chez moi, il n’y a pas eu d’emprunts toxiques !
Ce que je voulais dire, c’est que de nombreuses communes ont contracté des emprunts toxiques. Nous avons malheureusement dû éponger les pertes de Dexia, ce qui a été compliqué, et un compte vient d’être ouvert pour aider les collectivités locales.
Ce que je regrette, c’est qu’en 2005 et en 2006, le ministère de l’économie et des finances ne se soit pas rendu compte par lui-même – sans avoir besoin d’un rapport du Parlement – de ce qui était en train de se passer, et qu’il ait fallu attendre 2009 pour que la question soit posée. Ce n’est malheureusement pas un rapport de l’Assemblée nationale qui aurait empêché cela…
Je ne demande pas un rapport, madame la ministre ! Relisez mon amendement !
…car tous ces emprunts ont été cosignés, et même proposés, par un organisme qui dépendait de l’État. Avis défavorable.
Je voudrais faire quelques remarques pour éclairer ceux de nos concitoyens qui suivent nos débats. La question n’est pas seulement celle des emprunts toxiques. J’habite une région où le conseil régional n’a fonctionné qu’avec des emprunts à terme. Pour les jeunes qui nous écoutent, cela veut dire que la région ne paie que les intérêts, et que ce sont les générations futures qui vont rembourser le capital.
Je pense qu’au moment où l’on veut soi-disant créer du dialogue et favoriser la démocratie participative, il est très important que les citoyens qui sont des contribuables, c’est-à-dire moins de la moitié des Françaises et des Français, soient informés, grâce à cet excellent amendement, de la manière dont les élus dépensent leurs impôts. Ce qui est en jeu, ce ne sont pas seulement les emprunts toxiques, mais aussi la gestion de l’argent public par les élus.
Dès lors que l’Assemblée nationale et le Sénat ne compteront bientôt plus de maires, plus de présidents de conseil général, plus de présidents de conseil régional, il serait quand même important que les impétrants qui vont peupler ces deux chambres soient informés du mode de gestion des collectivités territoriales. C’est une question de fond : si l’impôt n’existait pas, nous ne serions pas ici. Ce n’est donc pas uniquement la question des emprunts toxiques qui est posée. Ce qui est en jeu, c’est aussi la possibilité, pour le contribuable français, pour le citoyen français, de comparer les modes de gestion de ces collectivités territoriales.
Je le répète : nous ne parlons pas seulement des emprunts toxiques ! La question que nous posons n’est pas anecdotique : c’est une question de fond. Vous parlez sans cesse de dialogue et de participation : ce serait quand même la moindre des choses que vous adoptiez cet amendement.
Madame la ministre, cet amendement vise précisément à éviter les difficultés qu’un certain nombre de nos collectivités ont connues, le cas le plus extrême étant celui de la Seine-Saint-Denis.
Il y a beaucoup de causes à cela, à commencer par les erreurs des élus – osons le dire. Cela étant dit, il ne me semble pas inutile qu’un minimum de contrôle de légalité s’exerce en la matière. Aujourd’hui, il y a des contrôles de légalité sur tout : toutes les décisions des collectivités y sont soumises. Une seule y échappe : le recours à l’emprunt. C’est tout de même le paradoxe le plus absolu !
Le contrôle de légalité n’a rien à voir avec une tutelle, monsieur le rapporteur, puisque c’est le système de droit commun résultant des évolutions législatives intervenues en 1982 et 1983 que je préconise. Ce contrôle de légalité, tout à fait classique, serait précieux.
Je trouve le contrôle de légalité déplacé lorsqu’il s’applique à des domaines anecdotiques, à des détails, à des apparences, mais je déplore qu’il n’existe pas, parce qu’il n’a pas les moyens juridiques d’exister, sur des sujets aussi importants que l’emprunt – l’emprunt toxique, certes, mais aussi l’excès d’emprunt. Nous sommes dans un pays qui peut être confronté à ce genre de problème, et la présence de l’État pourrait être utile en ce domaine. Elle est parfois déplacée, mais là, pour le coup, après les crises majeures que nous avons connues, et qui sont réveillées par l’évolution du franc suisse, je suis très surpris que nous n’envisagions même pas un dispositif qui permette de prévenir de telles difficultés.
Je ne comprends pas ce qui motive l’avis négatif du rapporteur. Je sors d’un contrôle de la chambre régionale des comptes : j’ai donc assez précisément en tête les préconisations émises. La chambre régionale des comptes n’exerce aucune tutelle lorsqu’elle émet un avis sur le niveau d’endettement, le niveau de dépenses par habitant ou le volume des investissements : elle est dans son rôle. Il n’y a là ni tutelle, ni inféodation.
Absolument : c’est son travail.
Trois mots seulement, madame la présidente.
Le premier, pour dire que la fin de l’intervention de M. Le Fur a apporté des arguments à ma démonstration, puisqu’il a dit qu’au-delà de la question des emprunts toxiques, la chambre régionale pourrait évaluer si le niveau de l’emprunt classique était excessif. Cela s’apparente donc à un contrôle d’opportunité.
Deuxièmement, madame Genevard, l’amendement de M. Le Fur dispose que la chambre régionale des comptes fait des propositions et demande – c’est un impératif – à la collectivité de prendre une nouvelle délibération. Vous conviendrez avec moi que ce n’est pas le cas, lorsque nous avons des préconisations à la suite d’un rapport.
Troisièmement – et je pense que cela fera consensus – l’article 30 du projet de loi, tel que nous l’avons adopté en commission, prévoit une disposition nouvelle : lorsqu’une collectivité fait l’objet d’une étude, ou en tout cas d’un audit ou d’une inspection par une chambre régionale des comptes – nous avons tous eu à en connaître dans nos mandats locaux – elle est tenue, dans l’année qui suit la remise des rapports et la publicité faite à ces rapports, d’expliquer quels outils elle a mis en oeuvre pour répondre aux préconisations. Mais nous n’allons pas jusqu’à la solution préconisée par M. Le Fur, qui voulait que la chambre demande, de manière impérative, une nouvelle délibération immédiatement après cette préconisation.
Madame Genevard, vous serez satisfaite par l’article 30, j’en suis convaincu. Mais nous n’y introduirons ni le contrôle d’opportunité, ni l’obligation d’une nouvelle délibération proposés par l’amendement de M. Le Fur.
Je voudrais vraiment appuyer cet amendement. Nous sommes plusieurs ici à diriger ou à avoir dirigé une collectivité locale, et nous avons tous subi des contrôles de la chambre régionale des comptes. Si l’on y regarde bien, ces contrôles comportent plusieurs phases, et la rédaction proposée par Marc Le Fur est pertinente, car elle tient compte de ce fait.
Nous avons tous reçu des rapports contenant des détails à n’en plus finir, mais oubliant l’essentiel, notamment tous ces emprunts qui, contractés pendant plusieurs années, sont venus contaminer les finances de certaines communes ou grandes collectivités. L’action de la chambre régionale des comptes comporte plusieurs phases, je l’ai dit : nous avons parlé du contrôle, mais elle a aussi un rôle de conseil. Or, à l’heure actuelle, elle ne donne aucun conseil en matière d’emprunt. Il serait bon qu’elle le fasse, et c’est pourquoi il importe de soutenir cet amendement.
Pas plus que mes collègues, je ne comprends l’émoi que suscite cet amendement. Il s’agit, ni plus ni moins, de compléter les documents budgétaires, voire la M14, et de les renseigner plus finement, de façon à ce que le contrôle soit complet et que l’on ait une forme d’assistance globale au profit des collectivités. Il n’y a pas à s’émouvoir : ce n’est pas une tutelle, seulement une modernisation et une adaptation aux événements qui ont déjà eu lieu.
Je suis un peu étonné de la teneur de ce débat. M. le rapporteur a raison : nous verrons cela à l’article 30, mais il n’y aura pas d’obligation pour la collectivité territoriale – car l’autonomie des collectivités est inscrite dans la Constitution – de répondre par une délibération immédiate. Nous en rediscuterons à l’article 30.
L’amendement no 20 n’est pas adopté.
Je reviens à mon propos initial, mais je ne suis pas le seul à avoir énoncé cette réalité : nous sommes dans une loi dite de décentralisation qui ne décentralise rien, strictement rien, puisqu’elle ne fait passer aucune compétence de l’État à l’échelon local.
On déplace les compétences d’un échelon local à un autre, mais on ne décentralise rien de l’État vers les collectivités.
Il est un domaine dans lequel les régions ont maintenant acquis une certaine expertise et tiennent un certain nombre de manettes, c’est celui de la jeunesse et de la formation initiale et continue. Dans cette perspective, nous tenons une occasion de décentraliser qui permettrait de gagner en efficacité en allouant à la même autorité locale un certain nombre de responsabilités, celles qui touchent aux stages et à l’organisation de l’apprentissage.
Chacun peut en prendre conscience, et je pense que vous en êtes conscients au sein de votre majorité, vous avez échoué sur la question de l’apprentissage dans des proportions qui sont maintenant incontestées. Vous avez dû revenir en arrière et les lois que vous avez votées sur les stages ont eu pour effet de décourager nos entreprises d’accueillir des stagiaires. Aujourd’hui je ne cesse de recevoir dans ma permanence des jeunes qui recherchent des stages – et je suis convaincu de ne pas être le seul – et qui s’entendent dire que ce qui se faisait hier ne se fait plus maintenant, car les contraintes sont trop lourdes.
Nous avons l’occasion de remettre les choses à plat, de simplifier, d’allouer à la région ce type de compétence, ce qui permettrait une plus grande efficacité. Nous répondrions à un objectif politique – la décentralisation – qui est absent de votre texte, ainsi qu’à un objectif concret : permettre à des jeunes d’avoir plus de chances de bénéficier de stages ou plus facilement accès à l’apprentissage.
Les questions liées à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ont fait l’objet de la loi du 5 mars 2014. Initialement, et j’invite chaque orateur à un travail de mémoire, le projet de loi de décentralisation avant d’être scindé en trois blocs inégaux par leurs taille, mais tous aussi intéressants les uns que les autres, incluait les questions de formation. Une opportunité a été offerte par le calendrier parlementaire de travailler sur l’emploi, la démocratie sociale et la formation, lors de l’examen du projet de loi dit Sapin, qui a organisé la décentralisation d’un certain nombre d’outils. Nous considérons que l’équilibre trouvé avec cette loi il y a moins d’un an ne doit pas être remis en cause par ce texte. C’est la raison pour laquelle l’avis de la commission est défavorable.
Les dispositions de la loi Sapin sont mises en oeuvre depuis le 1er janvier. Il était utile d’utiliser ce texte pour cette grande mesure de décentralisation. Nous avons également décentralisé les fonds structurels.
Monsieur Le Fur, vous avez satisfaction. La loi MAPTAM a créé l’article L. 1111-8-1 du code général des collectivités territoriales, qui permet déjà à l’État de déléguer par convention à une collectivité territoriale ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui en fait la demande l’exercice de certaines de ses compétences, à l’exception de celles qui sont purement régaliennes. C’est donc déjà possible, et point n’est besoin d’ajouter un autre article.
Votre amendement est satisfait : ce n’est pas la peine de répéter cela dans la loi.
Je soutiens activement cet amendement de notre collègue Le Fur. Franchement, ce qui va sans dire va mieux en le disant, même s’il s’agit de deux textes différents. Tout le monde a échoué sur la question de l’apprentissage, ce n’est pas seulement une majorité ou une autre, il faut être honnête et le dire très clairement : nous avons tous collectivement échoué sur l’apprentissage, cela fait trente ans que nous ne sommes pas bons sur cette question. Or c’est un problème majeur.
L’amendement prévoit que cette compétence « peut être déléguée par l’État à la région ». Ce n’est pas comminatoire : cet amendement permet d’ouvrir une expérimentation. Je sais que nous sommes tous d’accord sur ce point : nous n’expérimentons pas assez dans ce pays. Or ce type d’expérimentation est vraiment utile, particulièrement sur l’apprentissage.
Je ne vois donc franchement pas de difficulté à ce que l’on vote cet amendement. Vous dites qu’il est satisfait par les dispositions d’un autre texte, cela demande tout de même vérification – et les navettes servent aussi à cela. C’est l’expérience qui me pousse à être prudent, madame la ministre, car sous tous les gouvernements, on répond aux parlementaires que l’amendement est satisfait, celui-ci est retiré, mais on a ensuite de mauvaises surprises. Je ne vous fais pas de procès, mais vous avez dit tout à l’heure que vous repreniez l’amendement Piron, alors que ce n’était pas du tout la même rédaction. Souffrez donc que l’on soit un peu prudent. C’est amendement ne pose pas de problème, il devrait pouvoir être adopté sans difficulté.
Je n’ai pas cosigné cet amendement, et je le regrette amèrement. Je veux donc profiter de cette occasion pour le défendre avec ferveur. Madame la ministre, la question des stages des jeunes et de l’apprentissage est vraiment d’une brûlante actualité. Au vu du taux de chômage des jeunes que nous connaissons aujourd’hui, il n’est pas possible de balayer d’un revers de main cet amendement qui prévoit quelque chose de tout à fait intéressant.
Pour illustrer mon propos, je vais vous donner un exemple. Je suis élue d’une région frontalière. Dans ma ville, un lycée dispense des formations d’excellence en matière d’horlogerie et de bijouterie. Les jeunes qui suivent ces formations pourraient utilement faire des stages ou être en apprentissage de l’autre côté de la frontière. C’est une spécificité régionale, c’est sans doute le cas également en Haute-Savoie. Aujourd’hui, nous butons sur des obstacles réglementaires que nous n’arrivons pas à lever. Si la région pouvait se saisir de ces questions, ce serait utile pour les jeunes et permettrait de le faire. L’expérimentation prend là tout son sens.
J’ai une volonté décentralisatrice, mais j’ai du mal à comprendre cet amendement. Il y est fait mention de l’organisation de l’apprentissage, mais le terme est un peu flou, car on peut y mettre plusieurs choses.
On peut imaginer qu’il est question de la définition de l’apprentissage, qui est une forme de contrat de travail avec une formation. Mais je n’ai pas l’impression que vous proposiez que le contrat ne soit pas le même sur tout le territoire national.
Le deuxième sujet, sur lequel nous avons eu des difficultés que je reconnais, est celui du financement. Cela relève en grande partie de dispositions fiscales, et c’est pourquoi nous avons fait des allers-retours sur la taxe d’apprentissage que nous voulions améliorer, puisque la moitié de son produit ne va pas à l’apprentissage. C’est très complexe, et je vous ferai grâce ici du schéma du financement de l’apprentissage, qui est tout de même d’une rare complexité. Ça ne peut donc pas être l’objet de votre amendement.
Enfin, si l’amendement porte sur le reste de l’organisation, je n’en comprends pas l’intérêt, les régions en ayant déjà en grande partie la charge. Les CFA, la carte des formations et l’ouverture des sections sont organisés par les régions depuis un moment. J’ai donc du mal à comprendre ce que vous souhaitez modifier.
De la même manière, sur la réalisation des stages dans un cursus professionnel, une proposition de loi a été adoptée, que nous sommes en train de la mettre en oeuvre. Quelques difficultés se posent encore, il faudra certainement apporter des améliorations, mais je ne propose pas que selon les régions, le dispositif soit différent.
Quant à l’exemple de notre collègue Annie Genevard, elle m’avait fait part de cette difficulté lorsque nous avions débattu de la loi sur la formation il y a presque un an. Mais il y a une difficulté dans la difficulté, que je tiens à rappeler, c’est que le pays frontalier en question est la Suisse, qui n’est pas membre de l’Union européenne.
Je rappelle cela parce que nous avions échangé sur ce dossier à l’époque. Il existe des difficultés liées au fait qu’il ne s’agit pas de l’Union européenne ; avec d’autres États de l’Union européenne, je pense que nous pourrions faire plus de choses.
J’interviens à mon tour sur cet excellent amendement que je regrette aussi de ne pas avoir signé, pour insister sur le fait qu’il s’agit d’une expérimentation. Je vous rappelle, et la ministre l’a évoqué tout à l’heure, que la gestion des fonds FEDER est issue de l’expérimentation qui a été conduite pendant quelques années en Alsace. Vous avez bien conclu que cette expérimentation était positive, celle-ci pourrait l’être tout autant.
À mon tour, je bats ma coulpe pour ne pas avoir cosigné cet amendement. Madame la ministre, je suis convaincu que si cet amendement avait été proposé par un membre de votre majorité, vous l’auriez accepté. D’abord parce qu’il s’agit d’une expérimentation pour une durée de trois ans ; ensuite, parce qu’aucun gouvernement n’a réussi en matière d’apprentissage – même s’il faut bien dire que vous avez un peu moins réussi que nous.
Concernant l’apprentissage, il faut absolument assouplir les règles. J’entendais notre collègue nous dire que c’était déjà de la compétence des régions. Certes, mais les règles, elles, sont du domaine législatif, et il faut aller au plus près du terrain et de la réalité économique pour pouvoir assouplir et expérimenter les règles.
Je suis issu de la première région touristique de France. À l’évidence, les règles relatives aux conditions de réalisation des stages en matière touristique sont certainement bien différentes, et pourraient être plus performantes en région si nous pouvions les modifier, ce qui n’est pas le cas, car c’est du domaine de la loi.
Je vous demande donc, madame la ministre, d’aller vers cette expérimentation, qui nous permettrait d’avoir des résultats beaucoup plus tangibles qu’aujourd’hui en matière d’apprentissage.
Rappelons tout d’abord à notre collègue Jean-Patrick Gille que la Suisse, qui ne fait pas partie de l’Union européenne, a signé une convention bilatérale qui lui permet de travailler avec l’Union européenne et la France. Je crois que la Suisse est très bien placée pour plusieurs centaines de milliers de frontaliers dans notre pays.
Je suis aussi très étonné, madame la ministre, que vous donniez un avis défavorable à cet amendement. Ce gouvernement et cette majorité ont fait l’article de régions plus grandes, pour qu’elles se rapprochent du modèle européen, qu’elles soient plus efficaces, plus proches, et pour atteignent à une meilleure efficacité économique, dont notre pays a tant besoin. Malgré tout, chaque fois que nous débattons d’un amendement qui va dans le sens de ce que vous avez voulu lors du découpage des régions, le Gouvernement et la majorité y sont défavorables. C’est à n’y plus rien comprendre.
Nous connaissons tous des jeunes qui cherchent un stage sans trouver, et des entreprises qui offrent des emplois ou qui voient un savoir-faire disparaître avec les départs en retraite sans trouver de jeunes pour occuper ces postes. Pourtant, nous comptons des millions de chômeurs, et vous n’arrivez désespérément pas à inverser la courbe du chômage. Rapprocher l’apprentissage des réalités économiques offre donc une opportunité extraordinaire de mieux coller à la situation sur le terrain.
Je terminerai en donnant deux exemples. Nous n’arrivons pas aujourd’hui à adapter la formation des jeunes à la pluridisciplinarité de la montagne et ses métiers spécifiques. De même, dans l’industrie de la mécatronique ou du décolletage de la vallée de l’Arve, plusieurs centaines d’emplois sont offerts et nous n’avons pas de jeunes pour les occuper. Faites donc confiance aux territoires : donnez la possibilité aux régions d’adapter l’apprentissage.
Si l’apprentissage et les stages marchaient, je n’aurais pas lancé ce débat ! Mais ça ne marche pas, et c’est toute une génération de jeunes qui est en cause. Alors, quand ça ne marche pas, on se pose des questions, on se dit qu’il y a peut-être d’autres formules.
Monsieur Gille a soulevé une bonne question : quelle est l’incidence concrète de cet amendement ? Moi, je rêve d’une région qui sache convaincre les maîtres d’apprentissage, aller les voir un par un, et leur dire que tout est cohérent, puisque la région a aussi la maîtrise de l’autorité économique.
Et cela peut aller plus loin. Dès lors qu’il y a un pouvoir réglementaire alloué aux régions, comme nous en avons au moins partiellement décidé, cela veut dire que les conditions de stage et d’apprentissage peuvent être aussi définies au niveau régional. Ce sont différentes étapes de la réflexion, qui correspondent à différents niveaux d’ambition.
En tout état de cause, nous sommes dans la situation où le poisson pourrit par la tête, c’est-à-dire que notre niveau central ne marche pas et ne sait pas faire.
Dans ce cas, il faut se dire que des solutions existent peut-être à la périphérie.
Je crois qu’il y a des solutions, et je ne demande qu’à les expérimenter. Mon amendement ne comporte pas de décisions : il s’agit d’une expérimentation, les régions doivent être volontaires et l’accord de l’État est nécessaire.
Dès lors que l’apprentissage ne fonctionne pas au niveau national, essayons de confier cette compétence aux régions ! Nous aurons eu le mérite d’essayer. Ce qui est en jeu, c’est la formation de nos jeunes, donc leur emploi de demain et leur citoyenneté d’après-demain.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je veux simplement rassurer nos collègues qui battent leur coulpe de ne pas avoir signé cet amendement : ils n’auront pas à faire pénitence très longtemps. Rien ne s’oppose aujourd’hui à ce qu’une région demande à bénéficier d’une délégation de compétence, au titre de l’article 1er de la loi MAPTAM.
Tout le monde est conscient du fait que le système d’apprentissage ne fonctionne pas forcément aujourd’hui et qu’il faut faciliter et adapter certaines choses. Tout ce qui va dans le sens de la simplification est bon à prendre – c’est une évidence. Rien n’empêche les régions d’exercer, dans le cadre de la loi MAPTAM, les compétences visées par l’amendement no 610 . Ce dernier est donc tout à fait satisfait par le droit actuel.
La parole est à Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur Le Fur, il y a déjà une confusion dans l’expression : vous parlez à la fois de stages et d’apprentissage.
Je suppose que vous faites cette confusion entre les stages et l’apprentissage à dessein.
Permettez-moi de m’exprimer, monsieur Le Fur !
Je ne comprends pas très bien votre amendement. En effet, les régions avaient et ont encore plus aujourd’hui toute compétence en matière d’apprentissage. Vous dites qu’une expérimentation serait nécessaire : je ne vois pas très bien en quoi cette expérimentation changerait la situation actuelle, puisque les régions peuvent déjà exercer cette compétence.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’apprentissage, vous oubliez un élément très important. Pour qu’il y ait apprentissage, il faut bien sûr un jeune – vous avez raison –, mais il faut aussi un chef d’entreprise.
C’est sur cet aspect qu’il faut travailler aujourd’hui : je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point, et je pense qu’on vous présentera tout à l’heure une autre disposition prévoyant la possibilité de donner aux régions une délégation afin de favoriser cette rencontre entre un jeune et une entreprise – n’est-ce pas, monsieur Gille ? Aujourd’hui, il faut bien le dire, la culture des entreprises françaises n’est pas axée sur l’apprentissage.
J’y viens, monsieur Saddier. La majorité précédente avait prévu de former 500 000 apprentis, et vous savez parfaitement que vous n’y êtes pas arrivés.
Vous aviez pourtant adopté des mesures incitatives très importantes, qui n’ont pas abouti.
Dans ce domaine, nous devons travailler ensemble, au niveau national comme au niveau régional. Ce n’est pas le président de l’Association des régions de France, ici présent, qui dira le contraire.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
L’amendement no 610 n’est pas adopté.
Une fois de plus, dans ce texte qui parle de décentralisation, on ne décentralise rien : on ne transfère aucune compétence de l’État vers les collectivités territoriales. Par cet amendement, je vous donne une occasion de le faire, puisque je propose le transfert aux régions, à titre expérimental, de la compétence de l’attribution des aides à la pierre.
Cette compétence peut actuellement faire l’objet d’une délégation, dont bénéficient un certain nombre de communautés de communes ou d’agglomération. Objectivement, cette délégation a permis la mise en oeuvre d’une véritable politique du logement dans ces intercommunalités. La précédente majorité a donc pris une décision intéressante, dont bon nombre d’élus locaux se sont saisis, toutes sensibilités confondues.
Toutefois, une partie du territoire régional n’est pas couverte par cette délégation. En effet, les délégations sont accordées à des communautés de communes d’une certaine taille, ce que l’on peut comprendre. Qui s’occupe d’attribuer les aides à la pierre dans les zones où les intercommunalités n’exercent pas cette compétence ? Les départements auraient pu le faire mais, souvent, ils ne l’ont pas fait. L’État exerce donc cette compétence en direct mais ne s’y investit plus vraiment.
Je suggère donc que les régions puissent bénéficier d’une délégation de la compétence d’attribution des aides à la pierre dans les zones où les intercommunalités ne l’exercent pas, c’est-à-dire dans la partie essentiellement rurale de notre territoire. En effet, il me semble que l’une des principales missions de la région est d’assurer l’aménagement du territoire, l’équilibre du territoire. Les aides ne doivent pas aller uniquement vers la métropole, mais aussi vers les secteurs ruraux. Pour garantir cet équilibre du territoire, il ne me semble pas déplacé que la région exerce la compétence d’attribution des aides à la pierre.
En l’occurrence, cette proposition n’est pas très innovante, puisque la même délégation a déjà été accordée à un certain nombre de communautés de communes. L’idée est de permettre que cette compétence puisse aussi être déléguée aux régions. Cela assurerait une véritable cohérence territoriale.
Nous n’allons pas refaire le débat que nous venons d’avoir sur l’apprentissage. L’amendement est satisfait : le code de la construction et de l’habitation prévoit d’ores et déjà que les aides à la pierre peuvent faire l’objet d’une délégation. Comme M. Le Fur l’a dit, ce sont le plus souvent des EPCI ou des départements qui assument cette compétence. Cet équilibre nous semble devoir être préservé.
Sur la forme, monsieur Le Fur, votre amendement n’est pas recevable, puisque les références qu’il cite renvoient en réalité à des dispositions du code de la construction et de l’habitation qui ne concernent que les sociétés d’habitat participatif. Je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait votre intention. Avis défavorable.
Même avis. Nous voulons supprimer les doublons ; or cet amendement créerait un doublon monumental.
L’amendement no 591 n’est pas adopté.
Il s’agit là aussi d’un amendement d’appel, mais les appels ne sont apparemment pas entendus. Ce projet de loi, qui se voulait décentralisateur, ne procède à aucune décentralisation. Je suggère que les régions puissent jouer un rôle plus important en se voyant déléguer, à titre expérimental, l’organisation et la gestion des groupements d’établissements de l’Éducation nationale, les GRETA.
On nous dit que les régions exercent une vraie compétence, cohérente, dans le domaine de la formation initiale et de la formation continue. Je suggère que cette compétence s’étende aux GRETA. Cette proposition émane des personnels de GRETA que j’ai rencontrés : pour eux, l’État est lointain et le monde de l’éducation nationale n’est pas passionné par les GRETA. Je veux bien admettre que ceux-ci puissent être différents d’un territoire à l’autre – je ne fais de procès à quiconque –, mais il n’empêche que les GRETA se situent dans le coeur de métier des régions : il me semble donc assez cohérent que les régions, si elles le souhaitent – tout cela est à titre expérimental –, puissent s’investir sur ces sujets.
Défavorable. Les régions ont compétence pour la formation professionnelle, et non pour la formation initiale. Or les GRETA relèvent du secteur de la formation initiale. Par ailleurs, leur statut a été révisé par la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l’école de la République. C’est donc aussi par souci de stabilité que la commission a donné à cet amendement un avis défavorable.
En guise de clin d’oeil, je veux vous faire remarquer qu’hier, Mme Pécresse a reproché au Gouvernement de vouloir confier trop de nouvelles compétences aux régions. Je constate ce soir qu’un certain nombre de membres de son groupe, et non des moindres,…
Sourires.
…souhaitent que d’autres compétences leur soient encore déléguées, ce qui allongerait certainement le texte qu’elle aurait à nous lire la prochaine fois.
Défavorable. Au-delà de ce que vient de dire le rapporteur, la compétence est délégable, sur demande de la région à l’État.
Monsieur Le Fur, je suis ravie de votre nouvelle prise de position ! Il y a quelques années, nous nous sommes battus pour que les régions aient le droit de confier des formations aux GRETA ou à l’AFPA, afin d’assurer l’existence de ces établissements publics de façon pérenne et construite, et non au fil des marchés qui leur étaient attribués. Alors que j’avais fait cette proposition, avec Olivier Dussopt et quelques autres, j’avais été largement battue : on nous avait alors répondu que toute commande devait être soumise aux règles des marchés publics et aux procédures d’appels d’offres. Je suis donc ravie que vous reveniez à nos positions !
Ce qu’a dit le rapporteur est juste ; par ailleurs, la compétence est déjà délégable.
Je suis un peu surpris par cet amendement, qui n’a pas vraiment de sens. Comme l’a dit Mme la ministre, la formation ne fonctionne pas comme cela !
À moins que le président Rousset ne le démente dans les prochaines minutes, plus aucune région n’investit dans la gestion d’un organisme de formation. La formation continue n’est pas organisée comme cela.
Monsieur Le Fur, vous disiez tout à l’heure que les régions devaient prendre en charge l’organisation des stages. C’est déjà le cas : elles les organisent dans le cadre d’appels d’offres. Il y a une dizaine d’années, en raison du contexte européen, elles ont compris qu’elles devaient respecter les règles de la commande publique – elles ont peut-être exagéré, comme le disait Mme la ministre, mais tout le monde est maintenant organisé de cette façon. Puisque les régions se sont inscrites dans cette logique d’appels d’offres, elles ont veillé à ne plus assurer la gestion des organismes de formation. Cela a été tout le problème – j’oserais presque dire « le drame » – de l’AFPA, qui est organisée dans un cadre national, alors que la commande publique est désormais gérée par les régions. Le sujet n’est donc pas simple !
En revanche, les GRETA sont des groupements d’établissements scolaires : la région s’occupe donc des locaux, mais elle ne peut pas être partie prenante de l’organisation et de la gestion de ces groupements. Cela poserait de graves difficultés.
Je ne veux pas décevoir mon collègue Marc Le Fur, mais ce que vient de dire M. Gille est malheureusement vrai. Ce n’est pas l’appétit qui nous manque mais, puisque nous devons désormais procéder par appels d’offres, conformément au droit européen et au droit français, nous ne pouvons pas être à la fois juges et parties. Nous sommes un peu coincés.
La situation de l’AFPA pose un vrai problème, parce que son patrimoine n’a pas été transféré aux régions. Il est d’ailleurs dans un état dramatique, ce qui complexifie le fonctionnement de l’AFPA, malgré la qualité de la formation.
Je nous invite tous à réfléchir à un modèle de relation entre les organismes de formation et les conseils régionaux qui n’est pas encore totalement au point aujourd’hui. J’espère que le Gouvernement, la ministre et Monique Iborra, en qualité de rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pourront nous y aider. Dans le cadre des services d’intérêt économique général, les SIEG, nous avons la possibilité de passer des commandes directes pour les populations très éloignées de l’emploi, sans procéder par appels d’offres,…
…sous la forme d’une subvention, effectivement. Toutefois, aujourd’hui, la responsabilité de la gestion des GRETA nous poserait une difficulté, parce que nous ne pourrions pas leur attribuer les marchés de formation professionnelle. Il s’agit d’une contradiction à laquelle nous nous trouvons confrontés aujourd’hui.
Je remercie le président Rousset et notre collègue Gille pour leurs éclaircissements. J’admets tout à fait que la réglementation européenne impose de lancer des appels d’offres. Cependant, la logique régionale me semble assez étroite, puisque les GRETA utilisent les locaux et les matériels des lycées professionnels : il existe donc un lien assez facile avec la région.
Plutôt que l’argument du rapporteur sur la distinction entre formation continue et formation initiale, que j’ai du mal à entendre, je retiens donc l’argument de la ministre, qui nous a expliqué que cela pouvait se faire, si j’ai bien compris…
Cela peut se faire !
J’aimerais que vous nous communiquiez des exemples – pas nécessairement maintenant –, de façon à ce que nous puissions éventuellement nous en inspirer, puisque cela peut se faire.
On vous expliquera !
Sur la foi de ces explications, je retire mon amendement. Mais cela n’enlève rien à mon ambition pour la région en matière de formation. Les GRETA, structures de la deuxième chance en quelque sorte, peuvent être extrêmement utiles. Quant à leurs personnels, je sais, pour les avoir rencontrés, qu’ils sont motivés, déterminés et soucieux de collaborer étroitement avec les régions.
L’amendement no 594 est retiré.
Le présent amendement vise à permettre la création, à titre expérimental, d’une collectivité territoriale unique, fusionnant, à leur demande, les conseils généraux et le conseil régional d’une région. Cette nouvelle collectivité fusionnerait les compétences et les budgets. Il existe des régions dont la légitimité est plus forte que celle des départements qui les composent. Certes, ce type de région serait dérogatoire au cadre général. Mais vous le savez, nous sommes favorables aux expérimentations.
Dans le cadre de très grandes régions, cela serait difficilement concevable. Mais dans des régions constituées de quatre ou cinq départements, voire deux – je pense à la Corse…
… ou la Bretagne – cela serait envisageable. J’ajoute que c’est une demande de la région Bretagne.
Voir resurgir un débat qui a occupé notre Assemblée pendant de très longues heures, voire de très longues semaines, ne manque pas de sel. Nous avions pourtant tranché la question au moment de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions. Par cohérence avec la position qu’elle avait exprimée à ce moment-là, la commission a émis un avis défavorable.
Je devine que M. Molac, car je commence à le connaître, va établir un parallèle avec la Corse. Je lui rappelle que la délimitation des régions, validée par le Conseil constitutionnel, portait sur les régions métropolitaines et que le problème de la Corse n’avait pas été abordé dans ce cadre.
Même avis.
À titre personnel, je voterai l’amendement de notre collègue Molac. Je souhaite donc qu’il ne soit pas retiré. Je ne doute d’ailleurs pas que le président de la commission des lois Jean-Jacques Urvoas le votera également, dans la mesure où lui-même soutient une telle proposition – très peu, il est vrai, dans cet hémicycle, et c’est regrettable.
Lors de nos débats sur la délimitation des régions…
…la Bretagne a été l’une des rares régions pour laquelle il ne s’est absolument rien passé. Cela a été le statu quo absolu : ni Bretagne à cinq départements, ni Bretagne fusionnée avec les Pays de Loire.
À tout le moins, on pourrait donc réfléchir à la mise en oeuvre d’une assemblée unique de Bretagne. Une telle proposition est largement partagée et soutenue. Elle a du reste beaucoup de sens, dans la mesure où à l’instar de la Corse ou de l’Alsace, la Bretagne est une région à forte identité. Je déplore que l’on n’ait pas travaillé sur ce thème, alors que le consensus existe ici pour oeuvrer en faveur d’une action efficace, lisible et, si possible, respectueuse des deniers publics.
Nous sommes favorables à cet amendement, car il procède du même état d’esprit que la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 instaurant le conseiller territorial…
…et dont la vocation in fine était de fusionner régions et départements.
…vous comprendrez, madame la ministre, que j’apporte mon soutien à l’amendement de M. Molac, lequel me rappelle furieusement feu notre idée de collectivité territoriale unique, qui aurait mieux fait de voir le jour –car on ne nous aurait pas imposé alors cette grande région que nous ne voulions pas.
Pour ma part, je voterai également l’amendement de M. Molac, ne serait-ce que par cohérence. Je rappelle que le débat a eu lieu au cours de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions. Lorsque nous évoquions cette question, vous nous renvoyiez, madame la ministre, à la loi NOTRe que nous examinons aujourd’hui !
J’y étais, cher collègue Fourage, et je vous invite à relire les comptes rendus publiés au Journal officiel si vous n’étiez pas présent dans l’hémicycle à ce moment-là de la discussion. Beaucoup de collègues qui l’étaient le sont également ce soir.
Ce qui a été dit sur le conseiller territorial est tout à fait juste. Pour ce qui me concerne, je ne défends aucun particularisme régional. Je vote l’amendement sans arrière-pensée, qu’il s’agisse de la Bretagne, des Pays de la Loire ou de je ne sais quelle autre région.
Je ne suis d’ailleurs pas concerné à titre personnel.
Je rappelle au passage qu’il n’existe pas de mandat impératif d’un point de vue constitutionnel.
Que dit l’amendement ? Comme souvent dans cet hémicycle on part dans de grandes discussions sans même avoir lu les textes ! Or l’amendement est très clair : il ne parle ni de la Bretagne, ni des Pays de la Loire ; il a simplement pour objet d’offrir la possibilité de fusionner région et départements. Cela paraît être le bon sens même. Il s’agit d’aller le plus loin possible dans la décentralisation, à titre expérimental de surcroît.
Je suis un farouche partisan de l’expérimentation à l’instar de Pierre Méhaignerie qui, à une époque un peu lointaine désormais, se battait avec force dans cet hémicycle pour défendre l’idée d’un droit à l’expérimentation. Il ne s’agit ici nullement de particularisme régional ou territorial.
Je n’ai pas abusé de mon temps de parole, madame la présidente.
Si l’on n’évoque pas la fusion des régions et des départements dans le cadre de la nouvelle organisation territoriale de la République, expliquez-moi dans quel objet juridique non identifié on pourra le faire !
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Sourires.
Je suis navré d’imposer le même débat, mille fois entendu, à nos collègues qui ont participé aux discussions relatives au périmètre des régions. Je suis évidemment d’accord avec la finalité de l’amendement de Paul Molac.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Cela étant, le dernier alinéa de son amendement pose un problème d’ordre constitutionnel. Il est en effet difficile de créer une collectivité unique par décret, fût-il pris en Conseil d’État, monsieur le député – vous le savez aussi bien que moi. Cela relève de la loi.
Quand bien même nous voterions cet amendement, au-delà du plaisir que nous en éprouverions dans l’instant, je crains que celui-ci ne soit très fugace.
J’en approuve la philosophie et à cet égard, je veux interpeller le Gouvernement. À l’article 13 du présent projet, le Gouvernement déposera un amendement visant à créer une collectivité unique en Corse. Madame la ministre, sans particularisme régional évidemment,…
Parce que je suis corse, maintenant ?
Sourires.
…si nous prenions, au cours de la navette parlementaire, l’initiative de présenter un amendement inspiré de celui que vous déposez s’agissant de la collectivité unique de la Corse, quelle serait alors votre disponibilité d’esprit…
…pour faire prospérer un tel amendement en faveur d’une collectivité unique en Bretagne ? Le conseil régional de Bretagne qui, à l’image de la collectivité corse, a délibéré et souhaité un engagement pour les années qui viennent, 2015 semblant prématuré. Mon collègue Paul Molac et d’autres savent que cette affaire demande un peu plus de temps.
Bref, madame la ministre, quel serait votre sentiment si quelques-uns d’entre nous prenaient l’initiative, dans le respect des prérogatives du Gouvernement, de s’inspirer de votre texte pour proposer, lors de la navette parlementaire, une collectivité unique en Bretagne ?
Après l’article 13, cher président Urvoas, et vous aurez là un motif de satisfaction, je vous proposerai – sans être passée par la commission des lois il est vrai – la création d’une collectivité unique en Corse. S’agissant de la méthode, monsieur le président, il suffit qu’une assemblée régionale – la Lorraine ne peut plus le faire en raison de la taille de la région –, celle de la région Nord-Pas-de-Calais Picardie, par exemple, en fasse la demande lors de sa première réunion. Il faudra ensuite saisir le Parlement. Cela risque d’être plus long pour cette région que pour la Bretagne, par exemple.
Pour créer une collectivité unique, qui de fait a un statut particulier, nous sommes obligés de passer devant le Parlement. Une délibération suffit. La collectivité territoriale de Corse – CTC – a délibéré. Un certain nombre d’élus, parlementaires ou non, étaient favorables à une délibération concordante entre l’assemblée régionale et les deux assemblées départementales. Compte tenu du vote, tel qu’il est intervenu, il nous a semblé que nous pouvions accepter cette proposition, et vous en déciderez tout à l’heure.
Faisant référence à cette proposition, l’un de vos collègues…
… a émis tout à l’heure quelques réserves. Selon lui, le Parlement ne peut accepter d’entrée de jeu ce que vous proposez tous. Il penche donc pour la solution du référendum. Pour notre part, nous estimons qu’une assemblée qui délibère dans de bonnes conditions peut être entendue par le Gouvernement. C’est pourquoi nous privilégions la loi.
Si une autre assemblée délibère avant l’adoption du texte, cela risque de poser des problèmes si nous ne décidons rien maintenant. Plus tard, lorsque d’autres assemblées délibéreront, vous pourrez donner suite à ces demandes, sous forme de proposition ou de projet de loi.
Le risque final est le suivant : les départements existant dans la Constitution, il faudrait réviser celle-ci si toutes les régions demandaient à fusionner avec les départements.
Je tiens à vous exposer toutes les données du problème, monsieur Le Fur.
S’il en restait une, cela ne serait pas nécessaire. De toute façon, pour l’instant, il n’est pas question de réviser la Constitution.
Le Gouvernement est à l’écoute. La preuve en est qu’il répond à la demande d’une assemblée. Je conclurai en citant le Premier ministre qui, à ces questions, répondait que toute expérimentation était bonne à prendre. En tout état de cause, nous savons que d’autres régions feront de telles demandes.
Sur le vote de l’amendement no 915 , je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. François de Rugy.
Notre objectif est clair : créer un mouvement, ouvrir une voie sur le mode du volontariat. Il ne s’agit pas d’imposer un modèle unique de fusion entre départements et régions partout en France, surtout compte tenu de la création de méga-régions à laquelle nous ne souscrivions pas.
S’agissant de la Corse, je note au passage que l’on revient sur un référendum. Preuve en est que rien n’est définitif eu égard au débat qui a eu lieu sur l’Alsace il y a quelques mois.
Une telle proposition peut en effet concerner la Bretagne, mais il n’est pas question de rouvrir le débat sur la délimitation des régions. Malheureusement pour la Bretagne, cela ne permettrait en effet pas d’inclure la Loire-Atlantique dans cette collectivité unique.
Mais l’amendement offre la possibilité de lancer un mouvement auquel la Loire-Atlantique serait très fière de se joindre, et qui peut être intéressant pour d’autres collectivités. Le président Urvoas a raison : s’il faut proposer des amendements en ce sens, faisons-le. Mais le plus important est de proposer des solutions différenciées selon les territoires.
N’imposons pas un modèle unique. Le conseiller territorial était un modèle unique qui ne fusionnait rien, alors que ce qui est proposé ici est, au contraire, pragmatique et fondé sur la volonté exprimée sur les territoires.
Je rappellerai deux grands principes sur lesquels les associations d’élus se sont toujours accordées : l’expérimentation et le volontariat. Or cet amendement répond à ces principes.
Après vos annonces d’un article qui répondrait favorablement à la situation de la Corse, je formule le voeu, sans être moi-même conseiller général ni conseiller régional, et en étant élu d’une région qui n’est pas près de fusionner l’ensemble de ses départements, que la proposition que vous formulez pour la Corse puisse un jour être ouverte à toutes les régions de France.
Monsieur le président de la commission des lois, vous nous avez expliqué votre position juridique. Au-delà de la joie fugace du vote de cet amendement, que vous évoquiez, nous pourrions, en le votant, disposer d’un véritable marqueur pour la deuxième lecture du texte et nous accorder sur ce point.
Par ailleurs, madame la ministre, dès lors que le Gouvernement doit déposer, après l’article 13, un amendement spécifiquement consacré à la Corse, pourquoi ne pas essayer de le généraliser ?
Je suis d’autant plus favorable à cet amendement que j’ai déposé le même, mais le mien est inscrit à l’article 13, du fait d’un positionnement différent – mais peu importe. Nous le voterons donc.
En Bretagne, nous sommes prêts à appliquer ce dispositif, car notre région a une identité forte et que les communautés de communes ont pris de plus en plus de place, de telle sorte que celle des départements est plus limitée, si ce n’est marginale.
Je reste pour ma part partisan de la formule du décret car, dès lors que, comme le propose l’amendement, « la fusion est décidée par décret en Conseil d’État », le présent est impératif, et l’application immédiate dès qu’il y a délibération concordante des départements concernés et de la région.
D’autre part, les délais sont plus courts,…
…car les conseils généraux seront renouvelés très prochainement : dès lors que des bureaux seront installés dans la durée, nous aurons plus de mal à convaincre leurs titulaires d’évoluer vers une structure commune. C’est pourquoi notre idée du conseiller territorial était très intelligente, car il s’agissait des mêmes personnes.
Je crains le piège que vous nous tendez. Attendez la loi suivante, le métro suivant – le problème, c’est le dernier métro !
Pour toutes ces raisons, je souhaiterais que nous adoptions l’amendement tel qu’il est rédigé. Pour la Bretagne, il suffirait de cinq délibérations : celle de la région est acquise, et celles des départements peuvent l’être dans la foulée des élections départementales, c’est-à-dire très vite.
Au nom de tous ceux qui, depuis longtemps, militent pour plus de réalité régionale, nous devons donc adopter cet amendement.
Je ne veux pas prolonger un débat qui mériterait de longs développements et qu’à l’évidence, nous reprendrons le moment venu. Je tiens cependant à souligner que Mme la ministre ouvre une porte bien plus grande que celle que nous avions imaginée. Le Big-Bang territorial, le séisme institutionnel que nous ne cessons de dénoncer, avec les grandes régions, les métropoles et les grandes intercommunalités, risque, si j’ai bien compris, d’aller encore plus loin que cela n’avait été annoncé initialement. Je voulais le dire avec gravité, même si nous allons poursuivre le débat.
En deuxième lieu, et c’est tout aussi grave, Mme la ministre vient de nous confirmer qu’une telle évolution, telle qu’elle la propose, pourra évidemment, selon elle, se faire sans recourir à la consultation du peuple et sans référendum. Madame la ministre, c’est une annonce extrêmement grave – et je pèse mes mots – pour l’avenir de la République.
Pour que les choses soient très claires, je rappelle que nous ne sommes pas en campagne pour les élections régionales – auxquelles nous ne faisons même aucune référence –,…
…mais bien au Parlement. L’article 72 de la Constitution dispose que la création d’une collectivité unique suppose une loi. Vous ne pouvez donc pas demander cette création par décret. C’est juridiquement absurde, d’autant que le Président de la République et le Premier ministre ont consulté l’ensemble des groupes parlementaires pour savoir s’il était possible d’envisager une révision constitutionnelle, et que cette idée a été violemment et bruyamment rejetée.
Compte tenu de cette Constitution, à laquelle nous tenons et à laquelle vous tenez aussi, on ne peut créer une collectivité unique par décret : il faut le demander, après quoi on passe au Parlement. C’est ce que nous allons faire pour la Corse. Monsieur Dolez, vous pouvez avoir cet avis…
… mais la Constitution prévoit bien que cela puisse se faire par la loi. Je tenais à cette précision. Heureusement que la Constitution s’impose à tous les parlementaires au moment de leur vote !
Je conteste juridiquement votre argumentation, madame la ministre. En effet, seule la loi peut créer une nature de collectivité unique, mais pas une collectivité : la nature de collectivité unique, nous la créons par cet article, mais la Bretagne réunie, avec ses cinq départements, ce n’est pas la loi qui la crée. La meilleure preuve,…
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 47 Nombre de suffrages exprimés: 45 Majorité absolue: 23 Pour l’adoption: 19 contre: 26 (L’amendement no 915 n’est pas adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly