La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles et commencé d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 6.
Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, les articles 5 et 6 constituent des avancées majeures de ce texte visant à rétablir plus de justice et d’équité dans le système de retraites. Les facteurs de pénibilité ont été identifiés en 2010, mais aucune disposition n’avait vu le jour et aucune conclusion n’avait été tirée, au-delà de ce constat d’injustice flagrante, dans la réforme des retraites de 2010. J’ai bien noté, à l’alinéa 6 de l’article 6, que ce dispositif s’applique aux salariés des employeurs privés et publics de droit privé, ce qui exclut de fait les fonctionnaires. Ceux-ci bénéficient effectivement de carrières actives.
Quand on parle de justice, la droite invoque le régime des fonctionnaires, censés bénéficier de conditions trop avantageuses. Les catégories actives sont souvent la cible de cette accusation. La réalité est différente, comme le rapport Moreau l’a démontré : si les modalités de calcul sont établies sur des paramètres différents, les retraites sont en fait comparables.
Comme vous l’avez dit, madame la ministre, la ministre de la fonction publique Marylise Lebranchu a établi un agenda social et fixé trois grandes orientations : parcours professionnels, carrière et rémunérations ; améliorations des conditions de vie au travail ; mise en oeuvre du dialogue social. C’est un ensemble qui est mis sur la table des discussions. La prévention de la pénibilité et la qualité de vie au travail figurent parmi les sujets inscrits à l’ordre du jour de cet agenda social. Faisons confiance à la méthode choisie et au dialogue social avec les partenaires sociaux pour faire évoluer la prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique. L’idée du compte personnel de prévention de la pénibilité pourrait faire son chemin.
Tout agent public n’est pas fonctionnaire. Je voudrais attirer l’attention sur les contractuels de droit public, dont M. Chassaigne a parlé tout à l’heure, par exemple les agents travaillant auprès de personnes âgées dans des établissements d’accueil. Ils ne sont pas toujours titulaires de la fonction publique et ne le deviendront pas obligatoirement. La situation de pénibilité de ces agents devra être prise en compte sur un compte personnel de prévention.
La situation de la retraite des fonctionnaires n’est pas plus favorable que celle du privé. En effet, 1,65 million d’agents, soit un agent public sur cinq, perçoivent une rémunération proche du SMIC. La moyenne des pensions à la CNRACL est de 1 022 euros par mois, ce qui est très faible pour des agents ayant assuré un service public pendant leur vie active, souvent dans des conditions de pénibilité non reconnues.
Le dialogue engagé par Mme Lebranchu permettra de progresser dans la prévention de la pénibilité dans la fonction publique. Cessez, sur les bancs de droite, d’opposer les catégories professionnelles publiques et privées qui oeuvrent toutes, chacune dans leur fonction, au service de la France !
C’est pourtant ce que nous vous avons entendu faire en commission et durant les deux jours et deux nuits précédents !
L’introduction de la notion de pénibilité, qui remonte aux lois de 2003 et de 2010, est très importante : c’est une grande avancée en termes de justice, d’équité et d’égalité, qui s’inscrit dans le sens de l’histoire. Comme vient de le dire Mme Le Houerou, il ne faut pas opposer les différentes catégories de salariés mais au contraire les rassembler, les réunir. Et puisqu’il a beaucoup été question de convergence, je veux dire qu’il aurait été bon que l’égalité s’applique à tout le monde. Or, où est l’égalité quand un exploitant agricole, qui a exercé toute sa vie un métier pénible, se voit exclu du dispositif relatif à la pénibilité ? Où est l’égalité quand un artisan, plombier ou maçon, se voit lui aussi refuser la prise en compte de la difficulté de son travail ?
Les agriculteurs, cela a été démontré, travaillent en moyenne 2 500 heures par an, contre 1 650 heures pour les salariés. Tout à l’heure, Mme la ministre a dit qu’il fallait tenir compte de la pénibilité subie par les salariés du privé parce qu’ils sont soumis à des contraintes d’horaires imposées par le patronat, mais il me semble que les artisans, qu’il s’agisse des boulangers, des maçons ou d’autres professionnels, sont soumis aux mêmes contraintes en matière d’horaires et de pénibilité.
Je souhaite, pour ma part, que la réforme s’élargisse afin que tout le monde puisse être traité sur un pied d’égalité. Le critère de pénibilité doit être étendu à toutes les professions où il a vocation à l’être, dans le secteur privé comme dans le public. Il est anormal qu’une infirmière du secteur privé voie sa pénibilité prise en compte et pas une infirmière du secteur public. Je le répète, il ne faut pas opposer les différentes catégories de personnes qui travaillent, mais les rassembler.
Si, au premier abord, cet article 6, qui vise à instaurer un compte pénibilité permettant aux salariés de partir plus tôt en retraite, peut séduire, il est à craindre qu’il ne nous mène en fait au-devant de grandes difficultés. La première consiste à définir ce qu’est une tâche pénible. Le législateur liste dix facteurs : manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques dangereux, activités exercées en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif, mais à partir de quel seuil un salarié pourra-t-il obtenir un point ?
Du côté des entreprises, recenser les tâches pénibles effectuées par chaque salarié est un véritable casse-tête. Des fiches d’exposition, recensant les risques auxquels est exposé chaque salarié, existent déjà, mais la création du compte suppose que toutes les entreprises, de toutes tailles, pour tous les salariés exposés, les tiennent parfaitement à jour. Or, en l’état actuel, elles ne sont remplies que par un peu plus d’une TPE sur deux. De mon point de vue, ce dispositif sera donc ingérable, en particulier pour les PME et les PMI.
Le compte pénibilité pourrait même être contreproductif, en incitant un salarié à rester dans un métier pénible pour accumuler un maximum de points et partir à la retraite plus tôt au lieu de changer de poste. Un salarié au compte bien rempli pourrait même rencontrer des difficultés à trouver un travail si sa fiche n’est pas confidentielle. Comme je l’ai dit en commission, les seniors risquent de ne pas y trouver leur compte quand ils auront besoin de retrouver un emploi.
À l’ensemble de ces problèmes s’ajoute la question du coût du dispositif. Selon le Gouvernement et le rapport Moreau sur les retraites, 20 % à 25 % des salariés pourraient en profiter à terme. La facture, réglée par les entreprises, pourrait atteindre 2,5 milliards d’euros par an en 2040. Alors que les entrepreneurs réclament plus de simplifications administratives, ce dispositif ajoutera encore à la complexité existante et augmentera le coût du travail.
Enfin, comme l’ont fait M. Chassaigne et Mme Le Houerou avant moi, je m’interroge sur la situation des fonctionnaires non titulaires.
Je me pose plusieurs questions au sujet de cet article 6 relatif au compte personnel de prévention de la pénibilité. Premièrement, le Gouvernement va recourir une fois de plus aux décrets, en particulier en ce qui concerne les modalités d’utilisation des points, ce qui empêche la représentation nationale de les connaître à l’avance. Deuxièmement, il est indiqué que les CARSAT peuvent contrôler la réalité des points. Dans la mesure où l’inspection du travail effectue déjà des contrôles, les entreprises ne risquent-elles pas d’être contrôlées deux fois sur le même sujet, ou presque ? Troisièmement, en ce qui concerne le financement, les recettes – les « sources du fonds » dans le texte – ne correspondent pas du tout aux dépenses. D’où va provenir la différence ? Quatrièmement enfin, comme je l’ai dit lundi soir lors de la discussion générale, la mise en oeuvre du dispositif risque d’être difficile pour les PME, PMI et TPE – c’est d’ores et déjà le cas s’agissant des fiches de suivi instaurées par la loi de 2010.
Poser la question de la pénibilité de manière transparente, comme c’est le cas, et en lien avec les organisations de salariés, est bien sûr un premier pas intéressant. Cependant, la question appelle quelques remarques. La revendication bien légitime des salariés exposés – nous en connaissons tous – est surtout de pouvoir partir en retraite plus tôt. Dans cette optique, la remise de huit trimestres prévue par le texte me paraît insuffisante. C’est simple : dans le meilleur des cas, celles et ceux qui auront réussi à cumuler assez de points ne pourront partir qu’à 60 ans, ce qui ne constitue même pas une avancée par rapport à ce qui existait lors de la grande loi de 1982. Les études montrent pourtant qu’une grande partie des salariés ayant effectué des travaux pénibles sont usés dès l’âge de 55 ans.
Par ailleurs, nous avons noté quelques oublis majeurs concernant les salariés actuellement en situation de pénibilité. L’entrée en vigueur du compte personnel de prévention de la pénibilité étant prévue pour 2015, les premiers départs anticipés auront lieu en 2040 au plus tôt, si je ne m’abuse. Comment la situation des salariés en situation de pénibilité va-t-elle être réglée d’ici là ? Vont-ils bénéficier d’une rétroactivité leur permettant, par exemple de comptabiliser un certain nombre de trimestres plus rapidement ? Un dispositif de rattrapage est prévu pour les salariés âgés d’au moins 52 ans, du fait qu’ils disposent d’un temps d’activité beaucoup trop limité pour cumuler suffisamment de points.
La demande des salariés exposés aux travaux pénibles est très simple : ils souhaitent, à l’instar de celles des organisations syndicales qui pensent que le progrès social et le progrès économique vont de pair, un départ à 55 ans pour l’ensemble d’entre eux. C’est une mesure, je le rappelle, qui était défendue par toutes les forces de gauche – mais c’était au siècle dernier !
Puisqu’il a été question des dispositifs de 2003 et de 2010, je voudrais vous livrer deux chiffres : 96 000 personnes ont déjà bénéficié des dispositifs existants, ce qui représente 17,8 % des départs à la retraite. Ces chiffres, qui, émanant de la CNAV, sont absolument incontestables, m’ont semblé intéressants pour établir un rapprochement avec les propos tenus par Jean-Marc Germain hier soir.
Comme nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, l’UDI est favorable à l’idée d’aller plus loin dans la prise en compte de la pénibilité, notamment du point de vue de la santé au travail. Néanmoins, comme un certain nombre de décrets d’application sont prévus, je crois qu’il faut être attentifs à un certain nombre de questions que nous avons fait remonter depuis le début de l’après-midi sur ce sujet.
Il serait notamment important à nos yeux que les partenaires sociaux définissent des solutions pour les cessations anticipées d’activité, en tenant compte des spécificités de chaque branche. Nous souhaiterions par ailleurs que l’on unifie l’ensemble du dispositif existant pour les carrières actives. J’appelle en particulier votre attention sur le sort des infirmières qui, lorsqu’elles relèvent de la catégorie B, sont en catégorie active et peuvent bénéficier des dispositions relatives à la pénibilité, alors qu’elles en perdent le bénéfice dès lors qu’elles appartiennent à la catégorie A. C’est une difficulté qu’il faudra résoudre, car ces femmes – car pour l’essentiel ce sont des femmes – seront privées du dispositif.
Nous avons beaucoup parlé des PME et des TPE, mais nous n’avons encore obtenu de réponse ni de Michel Sapin ni de vous-même, madame la ministre. J’appelle votre attention sur le fait que ce dispositif va poser des problèmes d’application dans ces entreprises. Les décrets devraient, me semble-t-il, en tenir compte : n’oublions pas les difficultés survenues lors de l’application des trente-cinq heures ! Quant à l’utilisation des points, il serait souhaitable, je le répète, de ne pas avoir à attendre cinq ans, c’est-à-dire d’avoir obtenu vingt points, pour pouvoir envisager de suivre une formation afin d’être mieux adapté à un poste. Enfin, et alors que, madame la ministre, vous avez affirmé que c’était un honneur pour vous que de faire avancer ce dossier, je regrette que vous n’ayez pas fait figurer la pénibilité parmi les principes fondamentaux énumérés à l’article 1er, principes qui pourtant, à vos yeux, doivent présider à la réforme de l’organisation de nos retraites.
Selon l’Institut national de recherche et de sécurité, la pénibilité désigne « une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé ». Les dispositions de l’article 6 permettront, à compter de 2015, de créer un compte personnel de prévention de la pénibilité au profit des salariés exerçant des métiers difficiles, pour leur permettre de partir plus tôt à la retraite : environ 3,3 millions de salariés du privé, en majorité des hommes de moins de 25 ans, sont concernés. Ce compte sera financé par les entreprises.
Ce dispositif, suggéré par le rapport Moreau, va ainsi permettre aux travailleurs exposés à des risques professionnels de cumuler des points afin de racheter des trimestres, financer le manque à gagner d’un passage à temps partiel en fin de carrière ou suivre une formation pour se reconvertir. Chaque trimestre d’exposition donnera droit à un point, deux points en cas d’exposition à plusieurs facteurs. Dix points ouvriront droit à un trimestre. Le nombre total de points sera plafonné à cent, sachant que les vingt premiers points seront obligatoirement consacrés à une formation.
Il n’est de pire inégalité que celle réservant à certaines catégories de salariés une retraite plus courte, en raison d’une espérance de vie inférieure à la moyenne. C’est pourquoi il était inacceptable de ne pas tenir compte de cette inégalité majeure dans notre système de retraite par répartition.
Il ne s’agit évidemment pas de pénaliser les entreprises, ni d’inciter les salariés à occuper des emplois pénibles. Les conditions de travail doivent sans cesse être améliorées mais il faut enfin prendre en compte l’ensemble des salariés travaillant dans des conditions difficiles. Cet article témoigne de notre volonté de passer d’une logique restrictive de réparation médicale, telle qu’elle figurait dans la loi de 2010, à une logique plus équilibrée de prévention et de réparation. J’insiste sur le caractère fondamental de cette évolution.
La création du compte personnel de prévention de la pénibilité est, en ce sens, une conquête qui marquera durablement le paysage social, tant en matière de réparation que de prévention de la pénibilité.
Cet article 6 est au coeur du sujet de la pénibilité. Il institue le compte personnel de prévention de la pénibilité et détermine ses modalités de gestion et de financement. La prise en compte de cette pénibilité constitue une réelle avancée pour des millions de salariés, même si nous déplorons la portée très limitée du texte en l’état actuel. C’est donc dans un esprit constructif que nous présentons nos propositions, afin d’améliorer ce dispositif.
Nous parlons de salariés usés, incapables d’effectuer des gestes élémentaires comme se déplacer ou manger. Nous parlons d’épuisement total, de vies de famille sacrifiées. Et nous parlons de drames, de cancers et de facteurs de mort prématurée, comme l’amiante ou, aux Antilles, le chlordécone. C’est pourquoi nous regrettons la limitation du nombre de points : une fois le plafond de cent points atteint, que se passera-t-il pour les salariés qui continueront, malgré eux, à être exposés ? C’est une injustice majeure.
Autre limitation injustifiée et injuste : le comptage des points. Même s’ils sont exposés à plus de deux facteurs, les salariés ne bénéficieront pas de plus de deux points par trimestre. L’utilisation du compte fait également l’objet d’une limitation. Or, il est essentiel que les salariés puissent utiliser les points pour trois actions cumulées. Un salarié exposé pendant vingt ans, utilisant son compte pour une formation, doit également avoir droit à un départ anticipé car la baisse de son espérance de vie demeure une réalité incontournable. Il est anormal que les vingt premiers points ne soient mobilisables que pour une formation. En effet, il convient de rappeler que la formation professionnelle et le reclassement relèvent de la responsabilité de l’employeur. Par ailleurs, les formations, après 50 ans, sont très rares : les salariés exposés et usés vont grossir, bien évidemment, le rang des chômeurs âgés.
Sur l’article 6, nous considérons pleinement justifié le fait que seuls les employeurs contribuent au Fonds chargé du financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité. En année pleine, après une montée en charge progressive, le dispositif est évalué à 2,5 milliards d’euros. On peut considérer comme une bonne mesure le fait que toutes les entreprises cotisent à ce fonds de pénibilité, non pas parce que le travail est toujours pénible, mais parce que le monde du travail ne fonctionne pas en vase clos.
Des voix s’élèvent pour déplorer que les employeurs financent la prise en compte de la pénibilité. Il faudrait donc exposer les salariés à une double peine : non seulement ils subiraient la pénibilité, mais ils devraient de surcroît financer sa prise en charge ! C’est inacceptable. Il est de la responsabilité de l’employeur, mais surtout de son intérêt, de protéger la santé des salariés. Interrogeons-nous sur l’énorme coût social induit par l’usure des salariés exposés à des travaux pénibles : ne vaut-il pas mieux, pour les employeurs, disposer de salariés mieux formés, mieux informés, en meilleure santé physique, psychique – on y revient mais aussi financière, plus motivés et donc plus productifs ?
Nous pouvons légitimement douter du montant annoncé au titre du financement. Les 2,5 milliards d’euros en année pleine, à partir de 2040, nous semblent une estimation a minima. Mme la ministre estimait elle-même, en mai 2012, le financement de la pénibilité à 5 milliards d’euros à l’horizon 2017. Par ailleurs, si cette somme peut sembler suffisante en apparence, compte tenu de la portée limitée des réparations pour les salariés exposés, nous aurons besoin de renforcer l’abondement du fonds afin d’améliorer le texte. Il est en effet indispensable que les salariés exposés puissent partir à la retraite dès 55 ans. C’est d’ailleurs tout le sens de nos propositions alternatives de financement que, malheureusement, vous vous évertuez à repousser envers et contre tout bon sens
Alors que nos collègues ont avant tout souligné les difficultés qu’il suscite, je voudrais d’abord souligner l’avancée majeure que constitue cet article et ce nouveau dispositif, qui participe activement à la rénovation du système de retraites et même à une nouvelle approche de l’organisation du temps de travail. En effet, ce compte de pénibilité par points concilie, comme cela a été dit, prévention et réparation de la pénibilité, sur la base de dix critères qui ont été adoptés, il faut le rappeler, par l’ensemble des partenaires sociaux.
L’efficience du dispositif s’appuie sur sa simplicité et sa lisibilité. Il offre la possibilité à chaque salarié d’acquérir un maximum de cent points qui lui ouvriront droit à des trimestres cotisés lui permettant d’avancer son départ à la retraite de deux ans, à une formation pour se reconvertir dans un emploi moins pénible ou encore à un maintien de sa rémunération en cas de passage à un temps partiel choisi. Prenons un exemple : Mme Y a été exposée pendant dix ans à des températures extrêmes, du bruit et du travail de nuit et a ainsi acquis 80 points : elle peut en utiliser 40 pour financer, vers l’âge de 40 ans, un an de formation et une reconversion vers un autre emploi ; puis elle pourra utiliser les 40 points restants pour partir en retraite un an plus tôt ou pour passer en temps partiel.
Le compte individuel de pénibilité induit une organisation nouvelle du temps de travail tout au long de la vie. Il donne au salarié la possibilité d’entamer une reconversion par la formation et de choisir une sortie progressive ou anticipée de la vie professionnelle. L’insistance portée sur la formation s’appuiera sur le compte personnel de formation, qui a été institué par la loi mais dont les modalités seront définies par le futur projet de loi relatif à la formation professionnelle. Mes chers collègues, j’en profite pour vous inviter à un colloque que j’organise mercredi matin, salle Victor-Hugo, sur ce sujet.
Sourires et exclamations.
Plus sérieusement, s’agissant des salariés qui bénéficieront d’un compte de pénibilité, la durée de cotisation deviendra le critère prépondérant puisque, si nos amendements sont adoptés, la loi va faire disparaître à leur profit la borne de l’âge. En creux, si nous n’instituons pas à proprement parler un compte par points, nous posons les prémices d’un décompte par points de la validation des trimestres : il s’agit là à mes yeux de l’amorce d’une petite révolution, qui permettra au salarié de reprendre la main sur l’organisation du temps de l’ensemble de sa vie professionnelle.
Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 6.
Je suis saisi de plusieurs amendements de suppression.
La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement no 143 .
Nombre des orateurs du groupe UMP ont mis en avant les problèmes suscités par la mise en place du compte personnel de pénibilité. Un problème de financement, tout d’abord, puisque ce dispositif devrait coûter plus de 2,5 milliards d’euros en 2014 alors que les deux nouvelles cotisations employeurs auront un rendement bien inférieur.
Sourires.
À ce problème s’ajoute celui de la hausse du coût du travail : d’ici à 2020, les entreprises auront été mises à contribution à hauteur de 2,2 milliards d’euros au titre de la hausse des cotisations et de 500 millions d’euros, au minimum, au titre de la pénibilité. Il y a également un problème d’application, puisque la création de ce compte risque d’alourdir considérablement les charges administratives des entreprises, notamment des TPE et PME, comme cela a été rappelé par Jean-Louis Costes il y a quelques instants. À cela s’ajoute un risque de multiplication des contentieux, puisque la loi ne pourra empêcher les différences d’appréciation entre employeurs et salariés. Enfin, ce dispositif viendra se greffer sur ceux qui avaient été mis en place dès 2003, notamment le principe des carrières longues et le dispositif d’incapacité.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article, non pas parce que nous serions opposés à la prise en compte de la pénibilité – nous considérons également qu’il faut aller plus loin – mais parce que ce dispositif nous paraît d’application trop complexe.
Cet amendement vise également à supprimer le compte personnel de prévention de la pénibilité.
Il faut tout d’abord rappeler que la réforme proposée ne contient aucune mesure d’économie structurelle hormis l’allongement de la durée de cotisations, qui ne produira ses effets qu’après 2020. Pour préserver notre système de retraite, le Gouvernement fait le seul choix de l’augmentation des prélèvements : hausse des cotisations vieillesse et nouvelles contributions pour financer le compte pénibilité. Cet accroissement de charges est de nature à aggraver la situation économique de notre pays, en particulier des entreprises de proximité.
Sur la question du coût de cette mesure, aucune étude d’impact n’a véritablement été effectuée, ni quant au financement ni quant aux modalités pratiques.
Enfin, ainsi que nous le soulignons depuis la discussion générale, au-delà du coût, ce compte personnel de prévention de la pénibilité va nécessairement générer une charge administrative supplémentaire, alors même que les entreprises, notamment les TPE et les PME, sont déjà confrontées à un environnement administratif des plus complexes et des plus pénalisants. Ce nouveau dispositif risque d’être une source de contentieux pour les plus petites entreprises, qui sont peu outillées pour ce type de démarche administrative.
En outre, cette charge administrative supplémentaire serait en contradiction avec les promesses gouvernementales de suppression de 80 % des coûts des entreprises liés à la complexité administrative d’ici à la fin de l’année 2016 dans le cadre du « choc de simplification ».
La parole est à M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements.
Il est bien entendu défavorable, puisque vous entendez supprimer ce qui constitue le coeur même de la réforme, le compte personnel de prévention de la pénibilité.
Vous avez bien supprimé hier un article qui était au coeur de la réforme !
J’avoue que j’ai quelque difficulté à comprendre votre position. Vous commencez tous votre propos en reconnaissant la nécessité de prendre en compte la pénibilité, puis M. Vigier évoque la santé au travail, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, tandis que M. Robinet affirme qu’il faut aller plus loin. Nous avons du mal à comprendre si vous êtes pour ou contre.
Cela mériterait que vous soyez un peu plus précis au cours du débat, nous ne vous suivons pas très bien.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé pour donner l’avis du Gouvernement.
Défavorable.
J’ai ici entre les mains un accord relatif à la prévention de la pénibilité conclu par une entreprise de plus de 1 000 salariés de ma circonscription. Inutile de vous dire que pour arriver à cet accord, il a fallu de longs mois.
Cet accord, long de vingt-trois pages, détaille ce que vous exposez comme un principe dans l’article 6 : les cotations retenues pour chaque critère de pénibilité. Je vais vous remettre ce document, car il est très intéressant et que je n’aurai pas le temps de vous détailler son contenu. Vous pourrez ainsi constater qu’il est extrêmement compliqué d’établir ces cotations et de déterminer le nombre de points en fonction des facteurs de pénibilité.
Vous reprenez les dix critères qui sont proposés, vous évoquez des seuils… Moi, voici ce que je peux lire : on distingue selon que l’exposition est rare, occasionnelle, fréquente ou permanente, selon qu’elle est inférieure à un jour, entre un jour et deux jours, entre deux jours et quatre jours ou supérieure à quatre jours, selon que la température se situe entre 15°C et 20°C, entre 20°C et 24°C,… Je pourrais poursuivre cette lecture longtemps, mais vous voyez bien que les cotations sont extrêmement difficiles à mettre en oeuvre. Ne dites donc pas que nous ne sommes pas préoccupés par la prise en compte de la pénibilité !
Ce que nous voulons vous faire comprendre, c’est que ce sera très difficile à mettre en oeuvre et que ce sera source de conflits entre l’employeur et le salarié, qui seront face à face en permanence. C’est tout ce que nous souhaitons vous expliquer au travers de tous nos amendements. Ne faites pas croire qu’il est si simple que cela d’établir des cotations : voilà des mois et des mois que certaines entreprises tentent de le faire, et c’est extrêmement difficile.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 2846 .
Comme l’a très bien expliqué ma collègue à l’instant, nous ne sommes pas opposés à la prise en compte de la pénibilité, ni aux critères, ni à chercher la meilleure façon de les appliquer dans l’entreprise. Ainsi que je l’ai déjà dit, un certain nombre de choses ont été lancées dans les entreprises à la suite de la publication d’un rapport sur la médecine du travail et je tiens d’ailleurs à votre disposition l’ensemble des mesures qui avaient été reprises dans ce document. Certaines entreprises ont déjà passé des accords sur la pénibilité et établi des critères, ce qui a fait apparaître la complexité de la question.
Madame la ministre, au cours des différentes interventions sur l’article, nous avons été un certain nombre à vous interroger sur la façon dont ce dispositif sera appliqué dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Il me paraît important que vous apportiez des précisions à ce sujet, car de nombreux éléments seront fixés par voie réglementaire. En effet, et c’est un peu la raison d’être de cet amendement, il me semble difficile de leur appliquer ce principe de la même façon qu’aux autres entreprises. J’appelle à nouveau votre attention sur ce sujet, car il vaut mieux s’interroger aujourd’hui plutôt que de se rendre compte dans un an ou dans cinq ans qu’un tel dispositif était inapplicable.
J’ai écouté ce que Jean-Patrick Gille disait tout à l’heure avec force conviction. Prenons une entreprise de dix salariés, par exemple une entreprise de serrurerie, au sein de laquelle une personne, qui a une compétence particulière, a été exposée à des critères de pénibilité pendant dix ans. Elle part en formation pendant une année : très bien. Mais s’il n’y a pas de poste pour elle lorsqu’elle revient dans l’entreprise, aucun poste correspondant à son nouveau métier, que se passe-t-il ? Doit-elle quitter l’entreprise ? Nous ne sommes plus à l’échelle macroéconomique ici, mais à l’échelle de la chirurgie fine, celle dans laquelle il faut trouver le bon créneau, le bon poste. Comment fera-t-on ?
Entendons-nous bien : ce n’est pas que vos mesures ne vont pas dans le bon sens. Je souhaite simplement éviter qu’il y ait des espoirs déçus et que l’application dans les PME-PMI du système des critères de pénibilité n’entraîne des difficultés au quotidien. Dans une entreprise de 500 salariés, ce sera relativement simple, mais dans une entreprise de 5, 10 ou 15 salariés, ce sera complexe et cela demandera une adaptation individuelle. Cet amendement vise donc à ce que les dispositions réglementaires prévoient des dispositifs différents pour les PME et PMI.
L’amendement no 2846 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Le présent amendement est relativement similaire au précédent. Il vise à exonérer les petites et très petites entreprises de cette nouvelle obligation, qui risque d’être très compliquée à mettre en oeuvre. Elles vont en effet être confrontées à deux risques importants : celui qui est lié au surcoût financier, puisque le projet de loi prévoit qu’il sera à la charge intégrale des entreprises, et celui qui est lié à la complexité administrative, puisqu’il faudra établir des fiches de prévention des expositions pour tous les salariés, ouvrir un compte personnel de prévention de la pénibilité pour ceux qui atteindront les nouveaux seuils d’exposition fixés par décret, et enfin alimenter ce compte par des points selon un système différencié en fonction du moment de la carrière du salarié. Il est donc nécessaire que les petites et très petites entreprises soient exonérées de ces nouvelles obligations.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement identique no 108 .
Défavorable : on ne peut pas admettre que le dispositif de protection s’applique à ceux qui travaillent dans des entreprises de plus de cinquante salariés mais pas aux autres. Tous les salariés exposés aux mêmes risques, aux mêmes facteurs de pénibilité doivent pouvoir prétendre à une même protection. Il est donc normal, et cela correspond à l’esprit même de ce texte, que le compte soit non pas collectif mais individuel.
Défavorable.
Le rapporteur s’est exprimé, mon cher collègue.
Il est sûrement plus difficile d’appliquer ce dispositif au sein des petites entreprises, car elles ont moins de moyen pour le faire, nous pouvons le reconnaître.
Madame Le Callennec, par rapport au document que vous nous avez présenté il y a quelques instants, le dispositif simplifie les choses. En effet, le mode de fonctionnement est assez binaire. Les fiches de prévention des expositions existent déjà, tant dans les grandes entreprises que dans les petites et le décret permettra simplement de préciser certains points – taux, durée et autres. Ensuite, ce sera blanc ou noir : si un facteur est présent, si un critère est rempli, le compte sera crédité d’un point, ou deux points s’il y a plusieurs critères. Ce dispositif simplifie donc considérablement la prise en compte de la pénibilité et s’appliquera de la même manière dans toutes les entreprises. Je ne peux pas vous laisser affirmer le contraire.
J’en viens aux propos de Philippe Vigier sur la formation, sur la situation d’une personne qui aurait suivi une formation et acquis une nouvelle compétence et qui ne trouverait pas de poste lorsqu’elle revient dans l’entreprise. Je rappelle qu’il existe déjà un dispositif, qu’on appelle le congé individuel de formation et dont près de 40 000 personnes bénéficient chaque année, qui fonctionne exactement de la même façon : le salarié décide de partir en qualification et lorsqu’il revient dans l’entreprise, il est confronté à cette question. Il n’y a donc rien de nouveau.
Excusez-moi d’insister, mais je me mets à la place des salariés qui se posent des questions en nous écoutant. À l’alinéa 6, il est écrit que les salariés « peuvent acquérir des droits au titre d’un compte personnel de prévention de la pénibilité ». À l’alinéa 8, que « Le compte personnel de prévention de la pénibilité est ouvert dès lors qu’un salarié a acquis des droits. » L’alinéa 9 parle de « L’exposition effective d’un travailleur à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels […] au-delà des seuils d’exposition définis par décret ». L’alinéa 10 renvoie quant à lui à ce fameux décret. Bref, l’alinéa 6 prévoit que les salariés peuvent acquérir des droits mais pour le reste, en l’absence du décret, il est très difficile de déterminer quels salariés seront concernés par ce compte pénibilité.
Mais les décrets sont justement prévus pour cela, madame, pour apporter des précisions qui ne figurent pas dans la loi !
Je serai bref, monsieur le président. Jean-Patrick Gille est venu prêter main-forte au rapporteur et j’aimerais reprendre son exemple, celui de ce salarié qui dispose de 40 points, ce qui correspond à une exposition de dix ans à des facteurs de pénibilité, et qui part en formation pendant un an. Lorsqu’il revient dans l’entreprise, il n’y a malheureusement pas de poste disponible pour lui. Que se passe-t-il alors ? Il reprend le poste qu’il occupait auparavant et se trouve piégé dans une trappe à pénibilité ! C’est tout ce que je souhaitais vous expliquer. Vous ne pouvez pas dire le contraire.
J’insiste donc, en particulier auprès du ministre du travail, qui vient d’arriver, pour qu’on pense aux PME…
Bien sûr, qu’on va y penser !
Monsieur le ministre, avant votre arrivée j’ai évoqué les entreprises de moins de cinquante salariés, pour lesquelles il faut non pas appliquer un raisonnement macroéconomique mais plutôt faire du sur-mesure, travailler par accord de branche.
Il faut que ce soit mal pour tout le monde, afin que personne n’obtienne rien !
À défaut, on aboutira à un traitement différencié des salariés, à des injustices, car la situation sera très bien réglée dans certaines entreprises mais moins bien dans d’autres. Comme vous le voyez, nous allons plutôt dans le sens d’une meilleure protection pour les salariés. Écoutez donc ces arguments-là qui, je le crois, sont fondés.
L’amendement no 109 n’est pas adopté.
Cet amendement a été cosigné par M. Hetzel et Mme Louwagie. Comme je l’ai déjà expliqué, il est bien préférable de s’en remettre aux branches professionnelles qu’à un décret, qui est parfois très loin des réalités et qui met souvent un certain temps à être publié.
Cet amendement propose donc de confier aux partenaires sociaux des branches concernées le soin de négocier les modalités de prise en compte de la pénibilité. Pourquoi ? Pour des raisons parfaitement logiques. Il convient de tenir compte des facteurs de pénibilité spécifiques aux différentes branches et du retour d’expérience des branches concernées – si les branches existent, c’est justement pour cela – qui ont déjà mis en oeuvre, parfois depuis très longtemps, des mesures de prévention et de compensation. Il convient également d’harmoniser et de rationaliser les dispositifs conventionnels préexistants avec le nouveau dispositif pour permettre notamment aux partenaires sociaux de branche d’intégrer les compensations existantes dans leur réflexion.
L’amendement no 116 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement reprend les arguments exposés par Dominique Tian. S’il est certains cas où les facteurs de risque professionnels peuvent faire l’objet d’un seuil homogène, nous estimons qu’il en est d’autres où ils mériteraient d’être appréciés au regard des spécificités de chaque secteur. C’est le cas notamment pour l’exposition aux températures extrêmes, qui ne peut être fixée de façon identique pour l’ensemble des activités, puisque cela reviendrait à négliger la situation géographique, mais aussi par exemple pour les conditions de conservation de la matière première qui doit être manipulée par les travailleurs.
Cet amendement propose donc de confier aux partenaires sociaux de branche le soin de négocier les seuils, et notamment le niveau, la fréquence et la durée minimale de l’exposition aux facteurs de pénibilité. De telles décisions ne sauraient être prises par décret.
Défavorable.
Vous avez dit tout à l’heure qu’il faudrait du temps pour publier ces décrets, et que vous consulteriez à nouveau les partenaires sociaux. C’est bien ce que j’ai entendu ? C’est bien ainsi que l’on rédige des décrets ? J’essaie de comprendre et d’apprendre…
Dès lors, je me demande en quoi cet amendement peut ne pas vous convenir. Il propose de faire intervenir les branches : or, que je sache, dans les branches, il y a les partenaires sociaux ! Bref, qui va rédiger ces décrets ?
Ces décrets vont quand même un peu changer la vie des entreprises ! Qui va tenir la plume ?
On voit bien que nos collègues de l’opposition essaient, dans un certain nombre d’amendements, d’opposer la concertation avec les partenaires sociaux, d’une part, et le mouvement que nous créons d’autre part
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
par la loi et les décrets afin de créer un nouveau droit pour les salariés, qui constituera un vrai progrès social
Puisqu’il est question ici par extension de l’article 5, je voudrais rappeler que jusqu’à présent, le code du travail définit des seuils limites pour un certain nombre de facteurs de risque – pour l’exposition au bruit par exemple, il est fixé à 85 décibels. En la matière, le Gouvernement a engagé une démarche très intéressante. Nous allons mener, sur presque un an, une concertation avec les partenaires sociaux, mais aussi avec tous les acteurs concernés sur le terrain et dans les entreprises par la prévention des risques professionnels : les médecins du travail, mais aussi certains organismes qui oeuvrent à l’amélioration des conditions de travail, comme l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, ou les ARACT dans les régions. Nous définirons avec eux des seuils d’exposition pour chacun des dix facteurs de pénibilité, en prenant en compte la durée, la fréquence et l’intensité de cette exposition.
Mais nous souhaitons aussi qu’au-delà de cette concertation, une harmonisation ait lieu au niveau national, par décret. Des salariés exposés aux mêmes facteurs de risque ne comprendraient pas de ne pas avoir les mêmes seuils d’exposition selon la région où ils se trouvent. Il faut une concertation avec les partenaires sociaux, mais il faut aussi, à un moment donné, un mouvement plus général pour assurer l’égalité face aux facteurs de risque sur l’ensemble du territoire. Il ne faut pas opposer ces deux démarches.
Monsieur Juanico, il ne faut pas que vous croyiez que l’opposition, et en particulier l’UDI…
…cherche à inventer des contraintes pour entraver l’application du dispositif. Nous essayons seulement d’être un peu pragmatiques.
Vous connaissez les entreprises comme moi, nous les observons au quotidien. Prenons deux entreprises de vingt salariés qui n’ont pas le même équipement, le même matériel, les mêmes machines. Les conditions de travail et les facteurs de pénibilité n’y seront pas les mêmes !
C’est évident.
Il faut donc passer par un accord de branches parce que, a priori, les branches connaissent mieux ce qui peut se passer sur le terrain…
Mais non !
…que le ministère, qui ne peut que définir un cadre général par décret. Entendez ce message !
Au moment des 35 heures, je me rappelle avoir lu et entendu que tout était formidable et qu’on allait pouvoir plaquer le modèle partout. On s’est aperçu ensuite qu’on ne pouvait pas le faire ! Alors ne nous faites pas dire que nous sommes opposés à la pénibilité : nous avons expliqué toutes les raisons pour lesquelles il fallait aller plus loin, et nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion d’autres amendements. Mais entendez ce message : on ne peut pas tout appliquer de façon identique sur l’ensemble du territoire.
Monsieur Vigier, j’ai le sentiment que vous raisonnez par métier. Or, le facteur de risque n’est pas lié à un métier. Il s’agit d’une exposition, qui peut concerner des métiers différents. La même maladie professionnelle peut se retrouver dans des tas de métiers, sur tout le territoire. On est donc dans la même logique.
Les mêmes facteurs de risque peuvent concerner des métiers différents. La branche n’est donc pas le meilleur cadre pour traiter le problème. Il y a des branches riches et des branches pauvres, qui n’auront pas la même réponse à apporter.
La difficulté de définir des critères de pénibilité universels et simples par décrets nous semble difficile en général, c’est ce que nous ne cessons de dire, amendement après amendement, et presque impossible pour certains facteurs de pénibilité comme la température, que j’ai déjà évoquée, mais aussi les postures pénibles ou les manutentions. Il convient donc, à la demande des partenaires sociaux, de laisser les branches et les entreprises définir les situations de travail qui doivent être considérées comme pénibles et les seuils de pénibilité.
Nous demandons tout simplement d’associer les partenaires sociaux à ce travail. M. Juanico nous dit que les partenaires sociaux seront concernés et consultés, mais il serait préférable que cela soit écrit dans la loi. Il faut associer ces partenaires sociaux à la mise en place du dispositif proposé : ceci permettrait en outre d’assurer une transition avec les accords signés à la suite de la loi de 2010.
Défavorable.
Vous nous dites qu’il est difficile de définir des critères. Permettez-moi de reprendre l’exemple de cette entreprise agroalimentaire de plus de 1 000 salariés qui a conclu un accord sur la pénibilité. En matière de bruit, la pénibilité y est définie comme une combinaison de l’intensité et du temps d’exposition, avec des valeurs légales à ne pas dépasser. Ici, la limite est fixée à 87 décibels – ce n’est pas ce que vous nous avez indiqué tout à l’heure – pour huit heures d’exposition, et à 140 décibels en crête. Mais attention : une heure à 89 décibels est aussi dangereuse que huit heures à 80 décibels…
Je rappelle qu’il s’agit d’un accord d’entreprise, passé avec les partenaires sociaux de l’entreprise. On y trouve un tableau, qui met en parallèle la durée d’exposition au bruit – tant d’heures par jour – et l’intensité de cette exposition : inférieure ou égale à 80 décibels, comprise entre 80 et 85, entre 85 et 87, supérieure ou égale à 87, sans compter les crêtes, supérieures ou égales à 135, ou à 137…. Tout ceci pour dire, monsieur le ministre, que je ne vois pas comment vous allez réussir, au niveau national, à vous entendre sur un décret qui conviendra à toutes les entreprises de France, dans toutes les branches d’activité et dans toutes les entreprises.
L’amendement no 21 n’est pas adopté.
L’amendement no 144 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, 1609 à 1623 .
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 1622 .
Cet amendement tend à préciser les contours du décret qui fixera les modalités d’inscription des points sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Nous n’osons imaginer que le nombre maximal de points pouvant être acquis par un salarié et le nombre de points auquel ouvrent droit des expositions simultanées à plusieurs facteurs de risque ne soient pas fixés avec les institutions représentatives du personnel. Il faut naturellement que les IRP soient actrices de cette discussion.
À cette fin, nous proposons que les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et à défaut les délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés ne disposant pas d’un CHST, soient impliqués dans la procédure d’élaboration de la fiche déclarative d’exposition des salariés. Les CHSCT jouent un rôle majeur dans les entreprises, et nous constatons combien il reste d’efforts à faire dans les PME de moins de cinquante salariés où ils n’existent pas la plupart du temps.
L’une des quatre lois Auroux, la loi du 23 décembre 1982 – cela rappellera des souvenirs à quelques-uns d’entre vous – a consacré l’unification de l’approche « hygiène et sécurité » et de l’amélioration des conditions de travail. La jonction de ces deux approches s’est accompagnée d’un renforcement du rôle des CHSCT. Ils sont aujourd’hui des institutions représentatives du personnel, au même titre que les comités d’établissement, et jouent dans l’entreprise un rôle majeur de prévention par leur connaissance des processus de fabrication, des méthodes de travail et de l’exposition aux risques professionnels. Si le législateur a souhaité renforcer leurs pouvoirs depuis le milieu du XXe siècle, c’est bien au regard de la qualité du travail des CHS, devenus CHSCT. Les syndicats investissent beaucoup dans la formation de leurs élus aux CHSCT, qui sont dans l’entreprise des acteurs majeurs. Il nous semble donc qu’ils ne peuvent qu’être associés à la définition et à la reconnaissance de la pénibilité au sein de l’entreprise. Tel est le sens de notre amendement.
La commission a émis un avis défavorable, monsieur Sansu, parce que nous avons d’ores et déjà associé les CHSCT et les délégués du personnel à la mise en place du compte personnel de pénibilité. Votre amendement est donc satisfait.
Défavorable.
L’amendement no 1622 est retiré.
Cet amendement vise à ce que le décret fixant les règles d’attribution des points résultant des seuils d’exposition aux facteurs de pénibilité précise quelle période minimale autorise l’attribution de points au salarié exposé.
Il convient de bien préciser que ce n’est pas l’exercice d’un métier qui occasionne l’attribution de points, mais bien une durée d’exposition, afin d’éviter que certains métiers soient stigmatisés. Je prends toujours l’exemple des métiers du bâtiment : lorsqu’on rencontre des salariés ou des chefs d’entreprise du secteur, ils nous demandent d’arrêter de dire que leur métier est pénible ! Ils se plaignent d’avoir déjà du mal à recruter à trouver de la main-d’oeuvre…
S’il y a bien un secteur d’activité qui a fait d’énormes progrès concernant la prévention, la santé au travail et la pénibilité, c’est bien le bâtiment.
Ils ont de grandes difficultés à recruter, notamment des jeunes, et ils nous disent clairement et simplement que si l’on continue à affirmer que c’est un métier pénible, ils y arriveront de moins en moins. Ce sont des métiers physiques, certes, mais pas pénibles.
L’enjeu de cet amendement consiste surtout à ne pas stigmatiser certains métiers, et donc à ne pas pénaliser l’embauche de travailleurs dans les secteurs concernés.
Puisque vous ne voulez pas que les branches professionnelles interviennent et que vous avez choisi la voie du décret, nous proposons donc, comme Arnaud Robinet vient de l’expliquer, de définir une période minimale d’exposition. C’est extrêmement important.
Il convient d’indiquer que la période minimale autorise l’attribution de points au salarié exposé. Ce n’est pas l’exercice d’un métier qui occasionne l’attribution de points, je le répète, mais la durée d’exposition.
Je crois que vous avez intérêt, madame la ministre, à introduire cette subtilité dans le décret. Vous avez essuyé aujourd’hui un revers cuisant s’agissant des salles de shoot.
Le Conseil d’État a indiqué que votre décret était très mal rédigé. Pour éviter que vos décrets à venir connaissent le même sort funeste, peut-être faudrait-il tenir compte des indications de l’UMP.
Défavorable.
Nous sommes passés un peu vite sur cette question de la stigmatisation de certains métiers. Nous avons bien dit que ce n’étaient pas les métiers qui étaient pénibles, mais l’exposition dans la durée. Il faut donc faire très attention au vocabulaire que nous employons en évoquant le secteur du bâtiment par exemple, comme tout à l’heure, mais aussi l’industrie en général. Attention à l’image qu’on en donne.
Il y a un ministre du Gouvernement qui s’emploie à valoriser l’industrie, qui explique aux jeunes générations qu’il y a du travail et des perspectives dans l’industrie française. À côté de cela, imaginez-vous que lorsqu’un jeune vient d’être embauché dans une entreprise du bâtiment ou de l’industrie agroalimentaire, la première chose que l’on lui donne, c’est son compte pénibilité ?
Avouez qu’il va falloir veiller à l’image de certains métiers dans lesquels les industriels, et vous êtes les premiers à le dire, font pourtant des efforts et essaient d’améliorer les conditions de travail.
Sinon, tout un pan de nos entreprises ne trouvera plus de salariés demain. Remarquez, du coup, elles n’auront même plus à se forcer pour améliorer les conditions de travail ! Bref, attention aux images que nous renvoyons.
Le présent projet de loi s’appuie sur un outil déjà disponible, les fiches de prévention de la pénibilité, prévues par la loi de 2010. Elles avaient à l’origine pour finalité d’améliorer la prévention de la pénibilité dans les entreprises mais il est proposé aujourd’hui de les rendre opposables, non plus au titre de la prévention mais au titre d’un droit général à compensation.
Cet amendement tend à ce que la déclaration des expositions conditionnant l’attribution de points au salarié ne soit pas d’une part source de nouvelles complexités dans la gestion des entreprises, surtout les petites, et d’autre part un facteur de contestation par les salariés des attributions de points. Dans un souci de simplification et de faisabilité pour les entreprises, il est donc proposé d’intégrer la déclaration des expositions dans le cadre existant des déclarations sociales. En effet, ces procédures sont en voie de simplification.
La commission a émis un avis défavorable. L’article 5 prévoit déjà qu’un décret fixera les modalités de renseignement de la fiche par l’employeur. Nous avons pris soin de nous appuyer sur la fiche déjà existante d’exposition aux risques professionnels, créée en 2010, pour simplifier la tâche des entreprises.
Tout est donc en ordre, nous allons essayer de faire le plus simplement possible.
Défavorable.
Le présent projet de loi s’appuie sur un outil déjà disponible, la fiche de prévention de la pénibilité, prévue par la loi de 2010. Ces fiches avaient pour finalité d’améliorer la prévention de la pénibilité dans les entreprises. Il est proposé de les rendre désormais opposables, non plus au titre de la prévention mais au titre d’un droit général à compensation.
Cet amendement propose que la déclaration des expositions conditionnant l’attribution de points au salarié ne soit pas d’une part source de nouvelles complexités de gestion pour les entreprises, surtout pour les TPE-PME, et d’autre part un facteur de contestation par les salariés des attributions de points.
Dans un souci de simplification et de faisabilité pour les entreprises, il est proposé d’intégrer la déclaration des expositions dans le cadre existant des déclarations sociales. En effet, ces procédures sont en voie de simplification. Il convient donc d’intégrer les éléments nécessaires au dispositif pénibilité dans la DSN. Beaucoup d’explications ont été données sur ce point auparavant.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement identique no 2849 .
M. Jacquat a bien fait de rappeler, je le dis pour M. Issindou, que la loi de 2010 contenait des avancées en matière de pénibilité, puisqu’elle créait la fiche de prévention.
Mais ce n’est pas grave. Ce qui nous paraît essentiel, c’est d’assurer une bonne information, une transparence totale pour les salariés. Il faut donc que cette fiche intègre très simplement la déclaration des expositions aux facteurs de pénibilité qui conditionnent l’attribution des points, de manière à ce que chaque salarié sache précisément combien de points lui seront attribués en fonction du travail qui lui sera confié. Ainsi, dans sa fiche personnelle, il pourra voir si l’application des points se fait correctement. Cela permettra d’éviter toute contestation, afin que de part et d’autre, pour l’employeur et l’employé, les choses soient limpides. Vous savez, les bons contrats sont ceux que l’on signe à deux et dans lesquels les choses sont très claires !
Défavorable.
Monsieur le rapporteur, vous avouez donc que les fiches individuelles existent déjà !
Imaginez le cas d’une entreprise qui a déjà signé des accords. Les fiches sont remplies, il existe un système de cotation. Or, vous nous proposez maintenant un système par points. Comment traduire les cotations existantes en points ? Que faire pour les salariés qui ont déjà commencé à remplir leurs fiches individuelles et qui en sont, par exemple, à 40 points ? Comment articuler l’existant, puisque vous avez reconnu que quelque chose existe, et ce que vous venez d’inventer ?
J’imagine que les têtes bien faites qui ont réfléchi à la question se sont appuyées sur ce qui existe pour en arriver à ce système par points. Quelles sont leurs conclusions ? Quels ont été les freins de mise en oeuvre car cela a dû être compliqué à mettre en oeuvre dans l’entreprise ? Repart-on de zéro ? Les salariés qui ont déjà des fiches peuvent-ils les réutiliser ou repartir à zéro ? Ce sont des questions que les gens vont vous poser.
Mme Le Callennec pose des questions importantes et je suis surpris que le rapporteur ne se donne même pas la peine de nous apporter quelques données. On n’entend pas non plus la ministre, c’est un peu dommage. Nous posons des questions simples – et nous ne faisons pas que nous répéter, monsieur Issindou. La loi de 2010 existe, des fiches et des comptes pénibilité sont en place dans certains endroits. Comment se fera l’articulation avec votre dispositif ? Est-ce un drame de poser cette question-là ? Ne jamais rien répondre de plus que « défavorable » ne fait pas beaucoup avancer le débat.
J’ai aussi posé une autre question : peut-on informer, de la manière la plus transparente possible, des critères d’attribution des points et de l’exposition aux critères de pénibilité dans l’entreprise ? Je ne suis pas persuadé que cela se fera de façon limpide partout. Acceptez donc que l’on vous pose ces questions simples, et répondez-nous. Sinon nous aurons compris que ce que nous vous disons ne vous intéresse définitivement pas. Nous souhaitons faire avancer le débat, pas vous.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur Vigier, vous m’avez cherché, vous allez me trouver !
Sourires.
Vous venez de décrire précisément la contradiction dans laquelle vous vous êtes mis précédemment en ne prévoyant pas un cadre national. La négociation avait échoué, mais vous n’en avez tiré aucune conséquence sur le plan national. Vous avez laissé la possibilité, par branche ou par entreprise, de mettre en place des accords qui permettent de comptabiliser la pénibilité, mais sans pouvoir en tirer de véritables conséquences. Vous êtes en train de décrire l’impasse dans laquelle vous vous êtes vous-même enfermés.
Nous, nous sommes en train de sortir de cette impasse. Oui, la question que vous posez est juste mais la première conclusion que vous devriez en tirer est que nous avons raison de prévoir un cadre national ! Et vous avez tort lorsque vous nous reprochez sans cesse de renvoyer à un décret : la Constitution de la Ve République est ainsi faite ! Vous avez encore plus tort lorsque vous proposez, au lieu du cadre national, de repartir vers les accords de branche. Vous venez de démontrer l’impasse dans laquelle ce dispositif vous a mis, nous en sortons avec le cadre national.
Il est bien entendu que cela ne s’appliquera pas de la même manière partout. Mais il faut d’abord un cadre. Sans cela, nous n’y arriverons pas. Ensuite, par décret, avec des concertations et des négociations dans les branches, nous pourrons peaufiner, entrer dans le détail, faire le sur-mesure qui est nécessaire.
Monsieur Vigier, vous avez démontré l’impasse dans laquelle vous vous êtes enfermés, vous avez démontré que nous avons raison d’agir ainsi, mais en même temps vous avez posé une vraie question : que se passera-t-il pour les cas où, en l’absence de tout cadre national, des accords de branche ont déjà donné lieu à des relevés de pénibilité ? Aujourd’hui, monsieur Vigier, la fiche de pénibilité existe. Et après ? Que se passe-t-il ?
Rien, sauf si la branche elle-même est allée suffisamment loin dans le détail de la négociation pour en tirer des conclusions, auquel cas c’est évidemment les dispositions qu’elle a prévues qui s’appliquent.
Et ensuite ? C’est le dispositif que nous mettons en place qui va prendre le relais ! Pour l’instant, je n’ai pas vérifié dans le détail au cas par cas, mais dans la plupart des situations, il y a une comptabilisation sans conséquence. Avec nous, cette comptabilisation aura une conséquence, parce que nous avons fixé le cadre. C’est pour cela qu’il faut un cadre, vous le voyez bien !
Voilà pourquoi vous tournez en rond depuis des dizaines de minutes en disant qu’il ne faut pas de cadre, qu’il faut renvoyer à autre chose. Vous avez démontré l’impasse dans laquelle vous étiez. Nous sortons de l’impasse, vous devriez nous en remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L’amendement no 118 n’est pas adopté.
J’en rappelle le contenu, il tend à rédiger l’alinéa 12 en inscrivant, après le mot « employeur », la phrase : « informe le salarié de la déclaration le concernant mentionnée à l’alinéa précédent. »
Défavorable.
Je souhaite revenir sur ce que nous a dit le ministre. Oui, il existait un cadre, et certaines entreprises ont signé des accords. Je suppose que vous l’avez demandé, dans votre circonscription, et j’imagine que vous connaissez précisément la liste des entreprises qui ont signé de tels accords à ce jour.
Et bien, il serait intéressant d’aller voir ce que ces 4 800 entreprises ont prévu.
Je reprends l’accord conclu par l’entreprise que j’ai prise pour exemple. Je vous ai parlé des seuils. Ensuite, il y a un article 5 qui porte sur le bien-être au travail. L’article 6 s’intitule « poursuite ou développement des actions préexistantes ». Ces actions sont listées : formation à l’échauffement, pratique de l’échauffement sur le temps de travail, formation affûtage, formation affilage. L’article 7 dresse la liste des actions mises en place : réduire les poly-expositions, adapter et aménager le poste de travail, améliorer les conditions de travail, développer les compétences et les qualifications, aménager les fins de carrière, maintenir en activité les salariés exposés aux facteurs. Et la liste continue : une page entière est consacrée aux actions liées à l’adaptation et l’aménagement du temps de travail. Il n’a pas été nécessaire d’avoir le compte personnel pénibilité dans les entreprises pour commencer à travailler sur le sujet !
Certes, et il faut le généraliser. Mais c’est un peu plus compliqué à mettre en place que vous n’avez l’air de le dire.
L’accord prévoit ensuite la création de la commission pénibilité, dans laquelle on retrouve tous les acteurs que vous évoquez les uns après les autres : le CHSCT, le médecin du travail… Tout est là ! Et je suppose que c’est le cas dans les autres accords déjà signés. Ensuite, on passe aux actions liées au développement des compétences et des qualifications… Bref, je m’appuie sur cet exemple pour vous dire que le cadre existe, comme l’a rappelé le ministre.
Non, il n’existe pas de cadre national !
Ensuite, et c’est cela qui est important, c’est entreprise par entreprise que les chefs d’entreprise vont négocier avec les partenaires sociaux, les représentants du personnel et les salariés. C’est cela, un véritable accord, mais cela prend des mois et des mois et il ne faut pas imaginer faire quelque chose qui s’appliquera partout de la même manière dans toutes les entreprises.
Et si l’accord a été travaillé au plus près du terrain, avec ceux qui sont directement concernés, il aura beaucoup plus de poids que s’il est fait au niveau national par décret.
J’ai écouté le ministre avec beaucoup d’attention. Je connais son engagement et sa façon d’arrondir les angles, j’ai eu de longs débats avec lui sur beaucoup de sujets et je connais donc parfaitement sa rhétorique. Il ne m’empêchera pas d’exprimer mes opinions ! (Sourires.)
M. Sapin n’était pas là lorsque j’ai expliqué tout à l’heure pourquoi je voulais qu’il y ait deux traitements différenciés. Je souhaite qu’il y ait un cadre global et général qui s’applique aux grandes entreprises, à partir de cinquante salariés. Relisez mes amendements, c’est ce que j’ai défendu ! Ensuite, nous verrons comment cela se déclinera – et ce ne sera pas simple au quotidien. Cependant, dans les petites entreprises, comme l’a très bien expliqué Isabelle Le Callennec, vous rencontrerez un certain nombre de difficultés. L’application de vos mesures ne se fera pas de la même façon.
Aussi, faites en sorte que les salariés des PME et TPE bénéficient à peu près de façon équivalente du nouveau dispositif ! En effet, il y a de la concurrence entre les petites entreprises. Les salariés sauront que les critères de pénibilité ne seront pas tout à fait les mêmes d’une entreprise à une autre.
Vous allez créer en quelque sorte des trappes à pénibilité, car certaines entreprises seront stigmatisées par rapport à d’autres. Sur le terrain, plaquer vos mesures indistinctement jusqu’aux plus petites entreprises ne fonctionnera pas, monsieur le ministre ! Vous avez beaucoup de pouvoir de conviction, mais vous ne m’avez pas convaincu. Ce n’est ni la première ni la dernière fois, et nous en reparlerons !
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 2848 .
L’amendement no 2848 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement vise à rendre destinataires d’une copie de la fiche individuelle de prévention de la pénibilité non seulement les CHSCT, ce qui est déjà prévu à l’article 5, j’en suis bien conscient, mais aussi les délégués du personnel, ce que ne prévoit pas l’article 5.
Il y a en fait un petit souci relatif à l’élaboration des fiches déclaratives des expositions des salariés. La demande que j’avais formulée tout à l’heure dans l’amendement no 1622 n’a pas été satisfaite. Je pense que M. le rapporteur a profité de ma candeur bien connue dans cet hémicycle.
Sourires.
L’alinéa 12 de l’article 5 prévoit qu’un bilan est remis au CHSCT et aux délégués du personnel, pas que les fiches sont élaborées en lien avec eux. Bien entendu, l’amendement no 802 est satisfait et je vais donc le retirer, mais je tiens à redire que ce n’est pas la même chose pour ce qui est de l’amendement no 1622 .
L’amendement no 802 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements, nos 2966 et 2843 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 2966 .
Cet amendement veut laisser la possibilité de consacrer l’ensemble des points du compte personnel de prévention de la pénibilité à trois usages : formation, départ anticipé ou temps partiel. La possibilité pour les salariés exerçant des métiers pénibles de suivre une formation-reconversion est une priorité et une avancée certaine. Toutefois, en l’état, le projet de réforme impose d’utiliser les vingt premiers points du compte, soit les droits acquis au titre des cinq premières années d’exposition à un facteur de pénibilité, uniquement pour la formation. Or, certains salariés peuvent préférer utiliser ces points pour un départ anticipé ou un temps partiel. Le présent amendement leur laisse donc la liberté de choix entre les différentes possibilités.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 2843 rectifié .
J’aurais tout à fait pu signer ces propos : nous avons exactement les mêmes arguments, basés sur la liberté. Comme je le disais tout à l’heure à propos du très bon exemple de Jean-Patrick Gille, il est très intéressant de consacrer 40 points à une formation. Mais pourquoi ne pas laisser aux salariés qui ont accumulé 60 ou 80 points le libre usage de ces derniers ?
La seule différence entre mon amendement et celui de notre collègue écologiste est qu’à mon sens, à partir d’un certain nombre de points – à fixer par décret, on peut en discuter – les points supplémentaires devraient être utilisés pour la formation et l’adaptation à de nouveaux métiers. Mais vous avez raison, madame Allain : il faut laisser la liberté aux salariés, au moins jusqu’à un certain plafond de points que nous fixons à 80, de choisir une activité à temps partiel ou une cessation anticipée d’activité s’ils le souhaitent. Il conviendrait également de renvoyer ce point à un accord de branche.
La commission a émis un avis défavorable. En effet, les vingt premiers points acquis sur le compte personnel de pénibilité doivent être consacrés à la formation : c’est essentiel, c’est l’esprit même de ce texte ! Nous souhaitons donner aux salariés la possibilité de se reconvertir pour sortir de cette situation de pénibilité. Nous ne voulons pas créer de trappe à pénibilité. C’est pourquoi les vingt premiers points sont sanctuarisés et réservés à la formation, cela va de soi.
Nous avons tout de même souhaité introduire un élément de souplesse en commission, nous y viendrons plus tard, en prévoyant qu’à compter de 52 ans, l’utilisation des points sera libre. En effet, on peut estimer qu’à partir de cet âge, la formation devient un peu moins nécessaire et que l’on peut laisser au salarié un peu plus de liberté. Cependant, les vingt premiers points cumulés doivent servir à la formation : c’est le fondement même de ce projet de loi, sans quoi on crée des trappes à pénibilité. C’est ce que nous avons absolument voulu éviter.
Avis défavorable, monsieur le président.
Monsieur Vigier, je ne comprends absolument plus votre position.
Cela fait des jours, depuis nos travaux en commission, que vous nous expliquez qu’il est absolument invraisemblable de mettre en place un dispositif relatif à la pénibilité lié à la retraite, que l’on ne peut absolument pas confondre la prévention et la réparation…
…et que la pénibilité relève de la prévention et non de la retraite.
Et maintenant, vous nous demandez de ne pas pousser les feux sur la prévention, l’adaptation et la formation !
On voit bien que certains salariés peuvent être tentés de dire que oui, leur travail est difficile et pénible, mais qu’ils pourront gagner des trimestres en fin de carrière, qu’il faut tenir bon et serrer les dents et qu’ils obtiendront réparation à la fin. Ils peuvent penser ainsi alors même qu’ils auraient des perspectives pour changer de métier ou de branche d’activité s’ils acceptaient de se former.
C’est la raison pour laquelle nous pensons que le salarié doit être incité à se former, pour ne pas rester dans ce que le rapporteur a appelé une « trappe à pénibilité ». Il faut l’encourager à se tourner vers la prévention. Sa liberté existe : s’il ne veut pas utiliser ses vingt premiers points pour se former, il ne le fera pas et il pourra utiliser les points qu’il acquerra par ailleurs pour bénéficier d’un temps partiel ou d’une retraite anticipée. Cependant, on ne peut pas demander davantage de prévention et d’accompagnement des salariés et ne pas accepter en même temps que le Gouvernement encadre la façon dont le dispositif pourra être utilisé.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas dire que nous n’avons pas souhaité discuter du sujet de la pénibilité ! Je vous rappelle, mais vous ne voulez pas m’entendre, que j’avais proposé par voie d’amendement que cette notion figure à l’article 1er, parmi les principes fondamentaux de cette réforme ! Vous avez balayé cet amendement.
Reprenez mes propos en commission, ce sont exactement les mêmes, et je constate d’ailleurs que notre collègue du groupe écologiste est sur la même voie. Ce que nous voulons, c’est la liberté d’utilisation des points. En quoi cela vous gêne-t-il ? Lisez bien mon amendement : il prévoit une obligation de formation à partir d’un certain seuil, que je propos à 80 points. Ce qui n’empêche pas de suivre une formation dès ses tout premiers points ! Vous obligez à utiliser les vingt premiers points pour la formation, nous préconisons plus de souplesse d’utilisation des points. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.
Il faut être précis, pour les salariés. L’alinéa 17 prévoit la « prise en charge de tout ou partie des frais d’une action de formation professionnelle continue en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de pénibilité ». Des négociations sont en cours au niveau des partenaires sociaux pour mettre en place le compte personnel de formation tout au long de la vie, avec des droits rechargeables.
Comment allez-vous articuler le travail effectué aujourd’hui avec les partenaires sociaux et la mise en place de ce compte pénibilité ?
Par ailleurs, le texte évoque l’objectif pour les salariés d’accéder à « un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de pénibilité ». S’agit-il d’un emploi au sein de leur entreprise ou à l’extérieur ? Qui paie cette formation ? Surtout, l’objectif normal d’une formation est d’accéder à un nouvel emploi, un nouveau poste, un nouveau métier. Encore une fois, un salarié qui voudra se former dans la perspective d’accéder à un autre emploi à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise devra être assuré d’obtenir cette issue. À mon sens, laisser aux salariés la liberté d’utiliser les points acquis sur le compte pénibilité que vous créez est quand même la moindre des libertés individuelles !
Sourires sur les bancs du groupe SRC.
M. le rapporteur nous a convaincus : dès lors qu’il est prévu de ne pas obliger à se servir de ces points pour de la formation à partir de l’âge de 52 ans, nous retirons notre amendement.
L’amendement no 2966 est retiré.
L’amendement no 2843 rectifié n’est pas adopté.
La section 2 de cet article prévoit les différentes utilisations possibles des points portés au compte personnel de prévention de la pénibilité. Sont indiquées aux alinéas 17 à 19 les trois utilisations prévues : soit une action de formation professionnelle continue, soit une réduction de la durée du travail, soit le financement d’une majoration de durée d’assurance vieillesse et d’un départ en retraite avant l’âge légal – ou plus exactement avant l’âge réel de 66 ans.
Il est important d’affirmer que ces trois utilisations doivent faire l’objet d’un décompte différent et ne peuvent se substituer l’une à l’autre. L’impossibilité pour un salarié de cumuler les utilisations est une injustice majeure. Prenons le cas d’un salarié exposé pendant vingt ans à un facteur de pénibilité : il aura accumulé 80 points, dont 20 seront déjà réservés à une formation dans l’optique d’une reconversion. Pourquoi l’obliger à utiliser ses points à cet effet ? Sans compter que la logique « coeur de métier » développée par la majorité des entreprises ne permettra pas forcément, automatiquement, comme par magie, une reconversion à un métier non pénible ou même moins pénible au sein de cette entreprise.
En commission, le rapporteur avait fait observer qu’un tel amendement consisterait à tripler les points portés au compte. Mais les chiffres sont têtus : un salarié exposé ne pourra obtenir que deux ans de préretraite, alors même que son espérance de vie est réduite de six ans en moyenne. D’autre part, un flou majeur persiste : les points consommés pourront-ils être regagnés en cas de reprise d’un travail tout aussi pénible ?
Il est indispensable que les salariés puissent mobiliser leurs points pour une des trois utilisations prévues, sans préjuger des autres utilisations possibles. Tel est l’objet de cet amendement.
Avis défavorable. En réalité, monsieur Nilor, vous proposez un déplafonnement des points acquis au titre de la pénibilité. Nous n’y sommes pas favorables, d’abord parce que cette mesure aurait des conséquences financières non négligeables, puisque l’on pourrait avoir beaucoup plus de 100 points, ensuite parce que nous tenons à ce que le compte pénibilité ne se transforme pas en un système qui pousse à s’exposer à des situations pénibles. Le dispositif n’est borné que par le souci d’éviter cet aléa moral.
Défavorable.
Pardonnez-moi, monsieur le ministre : je ne voudrais pas donner le sentiment de vous harceler,…
Sourires.
Ah !
Comment allez-vous articuler ce compte pénibilité avec le compte personnel de formation tout au long de la vie qui est en cours de négociation entre l’État, les régions et les partenaires sociaux ?
Sourires.
Les comptes vont-ils être cumulés ? Comment cela se passera-t-il ? Mais vous ne vous posez peut-être pas ces questions…
Elle nous prend pour plus bêtes qu’on est !
Une fois que les lois seront votées et les décrets publiés, comment cela se passera-t-il ? Les salariés, les ouvriers, les employés, les chefs d’entreprise veulent avoir des réponses concrètes.
N’étant pas spécialiste de la question, ni membre de la commission saisie au fond, je suis les débats et j’essaie de comprendre. Après avoir entendu différentes interventions, je vois qu’un problème se pose. Quelles sont, aujourd’hui, les possibilités de formation pour un salarié qui, dans le cadre de son travail, est soumis à la pénibilité ? N’existe-t-il pas déjà dans le cadre de la formation professionnelle la possibilité d’être formé ? Et dans ce cas, qui finance ?
Sur quels crédits ? Est-ce qu’utiliser une partie des points pour la formation ne revient pas au final, je caricature peut-être un peu, à faire payer le salarié lui-même ?
J’attends des explications. Je répète ma question. N’est-ce pas le salarié lui-même qui, grâce aux points qu’il aura acquis, financera une formation au détriment d’un départ anticipé à la retraite ? La réponse est sans doute assez technique, mais nous avons besoin de sortir de l’ambiguïté et du manque de clarté.
Je vais essayer de répondre aux interrogations de chacun, en complément de ce qui a déjà été dit par Mme la ministre et le rapporteur sur cette question.
Mettons-nous bien d’accord sur un point : la caractéristique, l’originalité de ce compte consistent à ne pas se transformer en droit de partir à la retraite plus tôt.
C’est une bonne chose. Ce principe ne doit pas être appliqué à ceux qui ont plus de 52 ans, pour qui la seule possibilité est ce qu’on appelle la « réparation ». Mais il s’agit de l’appliquer à l’ensemble des autres salariés, en particulier aux plus jeunes, à ceux qui entrent sur le marché du travail. Pensons à ceux-là. Dès lors qu’il n’est pas possible de diminuer la pénibilité autant que l’on voudrait et qu’il reste une forme de pénibilité incompressible, notre objectif à tous, me semble-t-il, est de faire en sorte que les salariés puissent en sortir d’une façon ou d’une autre, avant qu’ils ne soient atteints de manière irrémédiable. Pour en sortir, il faut la plupart du temps de la formation.
Les salariés disposaient-ils aujourd’hui de cette possibilité de formation ? D’un certain point de vue oui, mais uniquement dans le cadre des droits actuels à la formation. Est-ce suffisant ? La réponse est non. Nous rajoutons une couche supplémentaire de droits au titre de la pénibilité. Aujourd’hui, ils disposent des mêmes droits que les autres. Or, il me semble qu’ils ont droit à un peu plus que ceux qui ne subissent pas la pénibilité pour pouvoir en sortir. Le compte pénibilité comporte donc un plus.
Comment s’articule-t-il avec le compte personnel de formation ? Il est très important que ces deux comptes soient personnels, car cela permet l’articulation entre les deux. Si vous relisez, et je ne doute pas que vous l’ayez fait, le document d’orientation que j’ai envoyé aux partenaires sociaux pour lancer la négociation sur la réforme de la formation professionnelle, vous verrez que j’ai demandé aux partenaires sociaux de négocier, y compris sur l’articulation entre le compte personnel de formation et le compte personnel de pénibilité, pour la partie formation du compte pénibilité.
Les détenteurs de deux comptes, le compte personnel de formation et le compte personnel de pénibilité, pourront les cumuler pour avoir des formations supérieures. Le salarié ne prend pas sur ses droits, monsieur Chassaigne, ce sont des droits en plus – en plus de droits qui ont été créés par un compte que vous connaissez très bien, monsieur Chassaigne, le compte personnel de formation créé par l’ANI le 11 janvier dernier et par la loi de sécurisation de l’emploi !
Je l’ai un peu cherché !
Sourires.
Sourires.
Avant la suspension, dans une de ces grandes envolées lyriques où vous excellez, vous avez présenté le texte sur la pénibilité comme étant une avancée historique extraordinaire.
Vous l’avez fait avec une fougue et une ferveur qui nous ont tétanisés.
Rien ne vous tétanise !
Cette grande avancée historique, je voudrais la mettre en rapport avec un texte plus ancien, la loi du 30 décembre 1975 qui avait été votée sur proposition d’un gouvernement conservateur sous la présidence de M. Giscard d’Estaing.
Aux termes de cette loi, tout travailleur qui avait exercé une activité pénible durant cinq ans pendant une période de référence de vingt ans pouvait partir en retraite au maximum cinq ans plus tôt que l’âge légal en percevant une pension égale à celle dont il aurait bénéficié à cet âge légal. La loi précisait les activités concernées : travail posté, à la chaîne, en continu ou semi-continu, de nuit, exposé au froid, à la chaleur, aux intempéries, aux produits toxiques. C’était en 1975. Cette loi a ensuite été supprimée en 1983
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
quand la retraite a été portée à 60 ans puisqu’elle s’appliquait à une retraite à 65 ans. Mais aujourd’hui, alors que la retraite n’est plus à 60 ans, de grâce, ne présentez pas cette loi comme une avancée extraordinaire ! On est très en retrait par rapport à 1975.
L’amendement no 409 n’est pas adopté.
Je vais mettre aux voix l’article 6… (Exclamations sur tous les bancs.)
Pardon ! Je vous prie de m’excuser… Mais au moins, je vois que vous suivez !
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 120 .
Auparavant, l’on pouvait être dispensé de formation à partir de l’âge de 55 ans. Vous l’avez ramené à 52 ans. N’est-ce pas une incitation très forte en fait à ne pas se former afin de partir à la retraite plus tôt, une incitation à prendre en quelque sorte une préretraite ? Je pose la question sans esprit polémique.
L’amendement no 120 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Le Gouvernement présente cet amendement après que le président de la commission des finances a déclaré irrecevables des amendements qui avaient été présentés à l’issue des travaux de la commission. Et si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement suivant, no 3055.
Ces amendements reprennent des dispositions adoptées à la demande des députés socialistes en particulier. Si ces amendements n’étaient pas adoptés, le texte n’aurait pas grand sens.
L’amendement no 3095 revient sur la condition d’âge minimal pour utiliser ses points pour un temps partiel. Le texte initial du Gouvernement prévoyait qu’à partir de 57 ans, un salarié qui avait accumulé des points pouvait, à compter de 2015, ne pas s’en servir pour de la formation mais les transformer en retraite anticipée ou en travail à temps partiel. En commission, les députés ont estimé que cet âge n’était pas suffisamment bas et qu’il fallait permettre une période de transition plus longue, ce dont le Gouvernement a convenu bien volontiers. Nous proposons donc de le ramener, comme vous l’aviez souhaité, à 52 ans. L’amendement permet donc d’abaisser à 52 ans le seuil à partir duquel les salariés pourront utiliser comme ils l’entendent les points acquis.
L’amendement no 3055 prévoit la liquidation des points acquis en majoration de durée d’assurance à compter de 55 ans au lieu de 59. Il s’agit de permettre aux assurés de liquider leurs points en retraite dès 55 ans. C’est là encore la reprise d’une modification souhaitée par les parlementaires.
Le Gouvernement présente là deux excellents amendements. De ce point de vue, monsieur le président, il y avait quelque avantage à ne pas adopter trop précocement l’article 6 ! (Sourires.)
Ces dispositions sont le fruit d’échanges nombreux et nourris avec le Gouvernement. Il s’agit de permettre aux salariés qui vont arriver à la retraite dans les prochaines années de bénéficier pleinement du compte pénibilité et des possibilités de départ anticipé. Notre groupe soutient évidemment ces amendements.
Je suis confuse. J’ai fait une erreur dans la présentation des amendements.
En fait, j’ai présenté un amendement qui viendra ultérieurement. Je vous présente mes excuses.
L’amendement no 3095 ne renvoyait pas à la condition d’âge pour pouvoir utiliser ses points. Il reprend des dispositions introduites en commission et permet l’utilisation des points en travail à temps partiel tout au long de la vie. C’est donc une avancée tout à fait significative. C’est pour cela que le Gouvernement l’avait soutenu, je vous remercie de l’avoir souligné, monsieur Paul. Au fond, c’est une façon de donner de la liberté de choix tout au long de la vie.
Tout au long de la vie. Dès lors qu’un salarié a acquis des points, il peut les utiliser mais cela n’enlève rien au fait que les vingt points destinés à la formation restent sanctuarisés. Ce n’est pas le premier point qui peut être utilisé pour du travail à temps partiel.
Je réponds par anticipation à votre observation, monsieur Vigier. Un salarié peut utiliser des points pour le temps partiel à n’importe quel moment de sa vie et pas uniquement, comme le prévoyait le projet initial du Gouvernement, dans les dernières années de sa carrière, pour une retraite anticipée progressive.
Sans esprit polémique, madame la ministre, je vous demande à quel âge on pourrait partir à la retraite.
À cinquante-sept ans ou à cinquante-neuf ans ? Nous avons beau calculer, nous ne savons toujours pas.
Madame la ministre, votre présentation m’avait troublé, mais maintenant que vous avez précisé qu’il s’agissait d’une erreur, tout me paraît clair.
En revanche s’agissant de l’amendement no 3055 , il y a une contradiction : le texte de l’amendement indique cinquante-cinq ans et l’exposé sommaire fait référence à d’autres âges. Peut-être y a-t-il des asthénies nocturnes dans les rangs de l’UMP – sait-on jamais ? – mais nous ne comprenons pas. Je précise que c’est une opposition constructive, et non pas négative.
Madame la ministre, je vous ai bien écoutée et j’espère avoir compris. De zéro à vingt, les points restent intangibles : ils sont consacrés à la formation. Au-delà de vingt points, quel que soit l’âge, le salarié peut utiliser ces points pour un temps partiel. C’est une avancée.
Mais prenons l’exemple d’un salarié qui aurait dix points, qui correspondent à deux ans et demi d’exposition à un facteur de pénibilité – ce qui est déjà long. Pourquoi ne pourrait-il pas se mettre à temps partiel pendant six mois et revenir à un temps plein ?
Je pose la question dans la continuité de mon amendement de tout à l’heure, qui loin d’être un piège, voulait poser le principe de la liberté d’utilisation dès les premiers points. Vous avez fait une part du chemin. J’en prends acte. Mais je pense que nous aurions pu aller jusqu’au bout du chemin. C’est exactement ce qu’indiquait ma collègue tout à l’heure.
Si j’ai bien compris, le salarié qui aurait ses vingt premiers points, est obligé de les utiliser pour la formation. S’il choisit d’utiliser les points qu’il a au-delà du vingtième point pour du temps partiel, doit-il le faire dans un temps imparti ou devra-t-il travailler plus longtemps pour obtenir une meilleure retraite ?
Prenons le cas d’une personne de quarante-cinq ans. Mettons qu’elle ait déjà utilisé ses vingt premiers points pour de la formation et qu’elle décide d’utiliser ses points restants pour du temps partiel. Jusqu’à quel âge pourra-t-elle le faire ? Et pourra-t-elle reprendre un temps plein après son temps partiel ?
J’aimerais revenir sur ce sujet important, même si je pense que vous avez compris. Les points donnent droit à des trimestres, lesquels peuvent être des trimestres de formation, des trimestres de temps partiel ou des trimestres de retraite anticipée. Si vous avez dix points, vous avez droit à un trimestre de formation, de temps partiel ou de retraite anticipée.
Faisons l’hypothèse que vous avez éclusé vos points de formation et qu’il vous reste un trimestre à prendre si vous le souhaitez. Eh bien, vous pouvez l’utiliser pour un trimestre de temps partiel, parce que vous estimez que c’est le bon moment pour le faire ; ou bien vous pouvez garder vos points pour les créditer plus tard au titre de la retraite anticipée, si vous avez quarante-cinq ans, comme vous l’évoquiez, et que l’âge de la retraite n’est pas encore venu. Vous avez un choix, en quelque sorte.
Mais ce n’est pas un temps partiel pendant vingt ans, si c’était l’objet de votre question.
L’amendement no 3095 est adopté.
L’amendement no 3055 est adopté.
Cet amendement présenté par Arnaud Robinet et moi-même reprend les préconisations du rapport Moreau sur l’utilisation des points : « Les équivalences points-périodes seraient déterminées de façon à encourager l’utilisation de ces points d’abord pour financer des périodes de formation, ensuite des périodes de temps partiel de fin de carrière, enfin le rachat de trimestres pour le départ en retraite. »
En revanche, tel qu’il est rédigé, le dispositif occasionnera un appel d’air de départs anticipés car, si l’on exclut le minimum des vingt points fléchés obligatoirement vers une action de formation, le reste des points disponibles conduira mécaniquement à des départs anticipés.
Cet amendement propose donc d’encadrer davantage l’utilisation de ces points. Le décret devra donc prévoir que ces points servent en priorité à la prévention de la pénibilité, via des actions de formation permettant au salarié d’obtenir un poste qui ne soit plus exposé à des facteurs de pénibilité, puis des aménagements de carrière, si l’action précédente n’a pas été suffisante pour mettre fin à l’exposition.
Enfin, cet amendement propose de réserver les possibilités de départ anticipé aux seuls cas de salariés qui auraient été exposés à certains facteurs de pénibilité ayant occasionné un vieillissement précoce médicalement constaté.
Il nous semble qu’en l’état actuel de la rédaction, le dispositif occasionnera un appel d’air de départs anticipés car si l’on exclut le minimum des vingt points fléchés vers une action de formation, le reste des points disponibles conduira mécaniquement à des départs anticipés. Vous recréez ainsi le système des préretraites.
Par ailleurs, vous n’avez toujours pas répondu à ma question sur l’âge de départ : cinquante-sept ans ou cinquante-neuf ans ? Nous n’arrivons pas à nous y retrouver dans les calculs.
Défavorable également.
Permettez-moi de relire l’alinéa 22 de l’article 6 : « Un décret en Conseil d’État fixe les modalités suivant lesquelles le salarié est informé des possibilités d’utilisation du compte et détermine les conditions d’utilisation des points inscrits au compte. Il fixe le barème de points spécifique à chaque utilisation du compte. Il précise les conditions et limites dans lesquelles les points acquis ne peuvent être affectés qu’à l’utilisation mentionnée au 1° du I du présent article. »
Mettons-nous cinq minutes à la place d’un salarié, d’un chef d’entreprise, d’un responsable du personnel : quand ils lisent un tel texte, ils essaient de comprendre.
Ils comprendront quand le décret paraîtra !
C’est incroyable : ici, on écrit la loi, pas les décrets !
Est-ce que vous demandiez aux précédents gouvernements d’examiner les décrets avant même la promulgation des lois ?
C’est très grave ce que vous dites. Vous renvoyez aux décrets la façon dont le dispositif sera appliqué. Ce serait un minimum que la représentation nationale soit à peu près informée de ce que vous entendez y mettre.
Et ce sont des gaullistes qui parlent comme ça !
Sourires.
Le décret ne vaut pas explication. Le Gouvernement nous doit des explications simples, que nous lui demandons avec bonne foi car on n’y comprend rien. Et je n’ai pas l’impression que de l’autre côté de l’hémicycle, on comprenne tellement mieux que nous. Avant de se référer aux décrets, que les ministres nous répondent et nous disent où l’on va.
Nous venons de vous expliquer où l’on allait !
Monsieur Tian, voulez-vous que je revienne sur le décret relatif à la loi de 2010 dont nous parlions l’autre jour avec M. Jacquat ? Votre projet de loi comprenait une disposition relative à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui laissait le soin à un décret de déterminer les pénalités appliquées aux entreprises en cas de non-respect. Eh bien, ce décret, nous l’avons attendu un an et demi et il a complètement transformé le sens de la loi, M. Jacquat l’a reconnu lui-même.
L’amendement no 25 n’est pas adopté.
L’amendement no 121 n’est pas adopté.
Je ne serai pas longue puisqu’il s’agit de l’amendement que j’ai présenté à tort tout à l’heure. Néanmoins, pour que les choses soient parfaitement claires, je tiens à préciser certains éléments qui figureront dans le décret.
Le texte prévoit deux dispositifs transitoires à partir d’un certain seuil d’âge.
Le premier dispositif est déclenché à partir de cinquante-deux ans au lieu de cinquante-sept ans comme le prévoyait initialement le Gouvernement. C’est l’âge à partir duquel un salarié est soustrait à l’obligation d’utiliser ses points pour la formation.
Le deuxième dispositif transitoire n’interviendra pas à partir de cinquante-deux ans mais selon un seuil d’âge défini par décret, dont je précise qu’il sera de cinquante-neuf ans et demi. Il marque l’âge à partir duquel les points acquis seront doublés. Tout salarié qui, à partir de 2015, accumulera des points sur son compte ou commencera d’en acquérir, verra ses points multipliés par deux afin qu’il puisse bénéficier du compte avant son départ à la retraite, deux ans et demi après. Sans cela, les salariés approcheraient de l’âge légal tout en acquérant des points dont ils ne pourraient rien faire. Un point donnera automatiquement lieu à deux points. Ainsi, arrivé à soixante-deux ans, le salarié aura acquis dix points qui lui permettront, par exemple, de bénéficier d’un trimestre de retraite anticipée.
Je tenais à faire cette explication par souci de transparence, par anticipation, pour qu’il soit bien clair que dans le décret figureront deux âges différents à partir desquels se mettront en place des dispositifs transitoires différents.
Je remercie Mme la ministre pour ses explications qui viennent me conforter, alors que je me posais quelques questions tout à l’heure.
Quant à Mme Coutelle, elle a dit la pure vérité.
Simplement, je me souviens en tant que rapporteur du texte que nous avions eu d’énormes difficultés dans les négociations à descendre de 300 salariés à 50 salariés. C’est la raison pour laquelle je suis toujours prudent en matière de décret. C’était renvoyé à un décret ; mais quand celui-ci est sorti, il prévoyait l’inverse de ce que nous avions voté. Vous comprenez donc mon appréhension concernant les décrets !
Croyez-en mon expérience de parlementaire : on a tous avalé des couleuvres, même de son propre gouvernement !
Sourires.
Je soulignerai très rapidement l’importance de l’amendement que le Gouvernement vient de nous présenter, et que nous avions porté en commission des affaires sociales la semaine dernière.
Le fait de ramener de cinquante-sept à cinquante-deux ans l’âge auquel les salariés seront dispensés d’utiliser leurs vingt premiers points en formation est un élément extrêmement important, notamment pour le maintien dans l’emploi des salariés seniors.
La DARES, dans ses enquêtes, montre que 68 % des seniors exposés à au moins une pénibilité dans leur emploi sont en dehors du marché du travail, contre 75 % des salariés seniors qui eux ne sont pas du tout exposés à la pénibilité ou à des facteurs de risques professionnels.
Par conséquent, cette mesure, par la réduction du temps de travail, et notamment le temps partiel dès 52 ans, permettra de maintenir beaucoup plus de salariés seniors dans l’emploi : c’est un objectif primordial et essentiel de notre politique de l’emploi.
L’amendement no 3096 est adopté.
La parole est à M. Michel Issindou pour soutenir l’amendement no 2916 .
L’amendement no 2916 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement no 2996 .
Cet amendement vise à supprimer le dispositif permettant aux employeurs de refuser le passage à temps partiel d’un employé ayant accumulé suffisamment de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité.
Cet alinéa a été modifié en commission : le refus pour raisons économiques a été remplacé par une limitation dans le temps du refus. Mais la saisine a posteriori de la recevabilité financière a supprimé ces nouvelles dispositions ; le résultat est catastrophique puisque l’employeur peut refuser d’accéder à la demande de son salarié sans aucune contrainte. Il est vraiment indispensable de supprimer cette possibilité.
J’ai bien noté que M. Sebaoun et le Gouvernement ont également déposé des amendements sur cet alinéa : je ne pense pas que la motivation pour raisons économiques soit une bonne chose, a fortiori sans encadrement ; un délai de deux ans non plus ! Nous demandons donc la suppression de cet alinéa et de ce dispositif contre-productif.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je souhaiterais présenter en même temps l’amendement no 3097 du Gouvernement, auquel il a été fait allusion, puisqu’il répond en partie à l’amendement de Mme Massonneau.
Pour les raisons qui viennent d’être explicitées, je demanderais donc à Mme Massonneau de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement, déposé à la suite de l’irrecevabilité financière prononcée par la commission des finances à l’encontre du texte adopté par la commission des affaires sociales.
Le passage à temps partiel constitue une modalité extrêmement importante de la mise en oeuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité ; nous en avons déjà parlé.
Il peut permettre à un salarié d’aménager sa fin de carrière, ou un autre moment clé de celle-ci, en bénéficiant grâce au compte pénibilité d’un complément de revenus.
Dans la quasi-totalité des cas, ce passage à temps partiel s’organisera sans difficulté dans l’entreprise. On ne peut toutefois exclure, en particulier dans le cas de très petites entreprises – et nous sommes tous préoccupés par la situation de ces très petites entreprises –, que dans certaines situations ce passage soit délicat, voire impossible, sans mettre en difficulté l’activité économique de l’entreprise.
Le texte adopté en commission permettait à l’employeur de refuser le passage à temps partiel sans restriction de motif, mais avec une restriction dans le temps.
Cette formule limitait excessivement les droits des salariés dans la mobilisation du compte pénibilité : ils auraient pu se voir refuser le passage à temps partiel pour tout motif allégué par l’employeur.
L’amendement du Gouvernement propose donc une formulation différente, offrant davantage d’espace au droit du salarié de recourir à la formule du temps partiel. L’employeur ne pourra le refuser qu’en démontrant, dans une décision motivée, que ce recours n’est pas possible compte tenu de l’activité économique de l’entreprise.
Je comprends ce que M. le ministre vient de me dire, mais j’ai également lu l’amendement de M. Sebaoun, qui retient une période de deux ans. Or ce délai me gêne : je trouve qu’il est bien trop important. Il ne me paraît en effet pas possible de faire attendre deux années supplémentaires quelqu’un qui a accumulé de nombreux trimestres de pénibilité. Je maintiens donc mon amendement.
L’amendement no 2996 n’est pas adopté.
L’amendement no 3097 est adopté.
Le projet de loi prévoit que l’employeur pourra refuser deux années de suite le passage à temps partiel d’un salarié exposé à la pénibilité, qui désire utiliser ses points acquis afin de réduire son temps de travail.
Ces deux refus successifs auront pour conséquence de le faire attendre deux ans, délai beaucoup trop long pour un salarié développant une fatigue, des douleurs physiques, voire une maladie professionnelle liée à la pénibilité. Or, en l’état du texte, l’employeur peut justifier son refus au seul motif de l’activité économique de l’entreprise : ce motif est trop vague et laisse toute latitude à l’employeur pour agir selon son bon vouloir.
Nous considérons que le passage à temps partiel devrait être de droit pour le salarié, car deux ans à attendre, lorsque l’on développe des douleurs lombaires par exemple, sont un délai inacceptable.
À tout le moins, cet amendement propose que le motif du refus de l’employeur soit vérifié par le comité d’entreprise et la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – la DIRRECTE – afin de limiter les motifs fallacieux et d’affirmer un équilibre entre la demande de l’employeur et le caractère réel et sérieux du refus au motif de l’activité économique de l’entreprise.
L’avis de la commission est défavorable. Il me semble toutefois, monsieur Azerot, que l’amendement no 3097 du Gouvernement que nous venons d’adopter permet au salarié qui le souhaite de passer à temps partiel sans qu’il soit nécessaire d’introduire une procédure administrative trop lourde.
La procédure proposée par le Gouvernement devrait donc vous satisfaire. Avis défavorable.
L’amendement no 1441 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement de nature juridique, qui apporte une précision au texte tel qu’il a été adopté par la commission des affaires sociales. En effet, ce sont les caisses qui informeront annuellement les salariés du nombre de points qu’ils ont acquis au cours de l’année écoulée ou des années écoulées.
La commission a souhaité que, sur ce document d’information, soient indiquées aux salariés les possibilités de recours. Or, pour le Gouvernement, à ce stade du processus, il s’agit d’une information et non d’une décision faisant grief au sens juridique du terme. Le salarié pourra bien entendu contester ultérieurement la décision prise par la caisse après un recours préalable devant l’employeur et l’avis d’une commission ad hoc.
Nous souhaitons donc supprimer à l’alinéa 39 la mention « en indiquant les possibilités de recours », car cela induit en erreur sur la nature des documents qui sont envoyés : il ne s’agit que d’une information, et non d’une décision. Il paraît donc plus sûr, sur le plan juridique, et plus clair pour le salarié, que les deux types de documents soient distingués.
Je souhaiterais juste une précision pour bien comprendre. Le compte se remplit, le salarié est informé régulièrement de l’état de son compte, c’est bien l’entreprise qui remplit les informations envoyées à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, la CARSAT, une fois par an. Mais le rôle de la CARSAT n’est-il pas de vérifier ce qui figure sur le compte pénibilité ? Personne ne vérifie, en fait ?
L’un dit l’employeur, l’autre le salarié ! Quand on vous dit que cela risque de créer des conflits…
L’employeur envoie les informations à la CARSAT, qui les adresse ensuite au salarié.
J’avais une question, mais à la suite de celle posée par Mme Le Callennec, j’en ai désormais deux ! Si j’ai bien lu, le texte prévoit que les CARSAT peuvent contrôler la réalité de l’exposition des salariés aux facteurs de risques et modifier le nombre de points accordés dans les trois ans suivant les déclarations de l’employeur. C’est bien cela ? Bien.
J’ai donc une question à vous poser, madame la ministre, pour éclairer ma lanterne, non pour polémiquer. L’amendement que vous venez de nous présenter me fait penser à l’article 6 bis, créé par un amendement du rapporteur. Cet article prévoit d’inscrire dans le code de la Sécurité sociale que les éventuels contentieux sur le compte pénibilité relèvent du contentieux général de la Sécurité sociale. Je voulais donc savoir si c’était la même chose, ou si l’on parlait de deux choses différentes – non, je ne suis pas sujet à de la fatigue nocturne !
Sourires.
Je me pose tout de même des questions : de quoi s’agit-il ? Si la commission a ajouté cette information sur les recours, c’est pour que les salariés soient informés sur les recours qui leur sont ouverts. L’employeur fait sa fiche annuelle, la transmet à la Caisse nationale d’assurance vieillesse ou à l’organisme compétent…
À la CARSAT, en effet. Cette caisse informe ensuite le salarié, tant sur le nombre de points que sur les modalités de recours dont il dispose – non pas à l’égard de la CARSAT, mais à l’égard de l’employeur pour contester les points dont il a crédité son compte.
C’est relativement complexe à mettre en oeuvre ; il me paraît donc important qu’un salarié soit informé qu’il dispose d’un recours. Cela ne constitue pas une incitation particulière à l’exercer, mais une simple information qu’une prescription court et que la décision prise est susceptible d’un recours. Il n’y a donc pas de décision à proprement parler de la caisse, qui se contente de créditer un compte.
Je vais répondre aux deux interventions parce qu’elles se complètent parfaitement. Il ne s’agit évidemment pas de contester au salarié ni la possibilité ni le droit d’engager un recours, mais il y a deux démarches différentes et c’est très exactement à cela que faisait référence Denis Jacquat.
À ce stade, la caisse qui crédite les points envoie une information. L’alinéa suivant prévoit la procédure selon laquelle le salarié va pouvoir contester, non auprès de la caisse mais d’abord auprès de l’employeur.
Si les organismes gestionnaires indiquent au travailleur les possibilités de recours, cela veut dire qu’il peut engager un recours éventuellement contre la caisse. Or il ne s’agit pas à ce stade de faire de la caisse l’auteur d’une décision qui fait grief. Il y a donc bien deux procédures : la caisse informe, et si le salarié considère qu’il a été lésé, pour dire les choses très simplement, il peut engager une procédure, d’abord vis-à-vis de son employeur, ensuite en suivant toutes les étapes prévues dans le texte de loi, notamment auprès du tribunal des affaires sociales.
Vous l’avez déjà eue à plusieurs reprises sur cet amendement et Mme Le Callennec et M. Jacquat se sont exprimés. Nous pouvons donc passer au vote sur l’amendement no 3103 .
L’amendement no 3103 est adopté.
Monsieur le président, je défendrai également, si vous en êtes d’accord, les amendements identiques suivants nos 458 à 472.
Je vous en prie, mon cher collègue. Vous êtes donc signataire de l’amendement no 460 .
Ces amendements concernent la dernière phrase de l’alinéa 42 de l’article 6, qui dans sa rédaction actuelle comporte selon nous un risque évident pour les salariés.
En effet, en portant à trois ans le délai de prescription des éventuelles réparations dans la comptabilité des points portés au compte individuel d’un salarié, le risque nous semble grand que pour certains d’entre eux la reconnaissance d’éventuelles erreurs dans le calcul de la pénibilité soit impossible. Nous estimons que ce délai de trois ans est insuffisant au regard de la mission de contrôle, d’évaluation, d’analyse des éléments transmis par les organismes agréés et de mise en place de redressements relatifs aux points inscrits au compte individuel. Cette mission mérite un délai beaucoup plus large.
Notre amendement no 956 vise à porter ce délai à dix ans, ce qui à notre sens garantirait un contrôle complet et permettrait que les mesures de redressement soient effectuées dans des conditions favorables aux salariés.
Cela dit, nous sommes conscients de la capacité d’écoute de notre rapporteur – dont on connaît aussi la rigidité.
Non, je n’ai pas dit la psychorigidité, en saluant sa capacité d’écoute et sa rigueur.
Rires.
C’est la raison pour laquelle nous avons préparé immédiatement un amendement de repli pour porter le délai à cinq ans. Je vous remercie pour votre écoute, monsieur le rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement no 956 qui vise à porter ce délai à dix ans. Au vu des propos que vous venez de tenir à mon sujet, vous mériteriez que je ne fasse aucune ouverture, monsieur Dolez ! Mais comme je vous aime bien, je pense que votre amendement de repli no 460 est tout à fait acceptable. Dix ans, c’est long ; trois ans, c’est court ; cinq ans, c’est entre les deux, en tout cas plus près de trois que de dix !
Si je gomme vos propos sur ma psychorigidité, je vais me laisser entraîner par la sympathie que j’ai à votre endroit…
…et surtout par cette rédaction qui me semble tout à fait juste et qui mérite un avis favorable du rapporteur. C’est un cadeau nocturne ! Mais je ne sais pas encore si le Gouvernement me suivra.
Tout le monde a bien compris, je crois, même à cette heure-ci, qu’il s’agit en l’occurrence des délais qui sont accordés par la loi à la CARSAT pour mettre en oeuvre les procédures de redressement qui seraient nécessaires à la suite d’une contestation qui serait justifiée. C’est sur ce point que vous proposez de passer de trois à dix ans. Devant la très grande rigidité du rapporteur, qui pourtant a fait preuve à l’instant même de souplesse en acceptant votre amendement de repli, le Gouvernement fera preuve de la même souplesse légèrement rigide en acceptant cet amendement !
Sourires.
Tout à l’heure, le Gouvernement a présenté en séance un amendement plutôt étrange puisque l’exposé sommaire précise que l’information du travailleur n’est pas susceptible de recours. On se demande pourquoi elle n’est pas susceptible de recours notamment contre la CNAV et la CARSAT. Quand on connaît malheureusement la faillite du RSI, on se dit qu’heureusement que la règle n’était pas applicable en l’occurrence. En effet, au vu du nombre de personnes qui se sont retrouvées persécutées par des redressements injustifiés du RSI, on se serait retrouvés dans une situation incroyable. Je ne m’explique pas pourquoi le Gouvernement indique que le travailleur ne pourra pas engager un recours contre la CNAV ou la CARSAT car l’employeur, mais aussi la CNAV peuvent très bien se tromper. Le texte précise que la CNAV enregistre au fur et à mesure les points du salarié et que la CARSAT effectue les vérifications auprès des entreprises. Or il est arrivé que des caisses se trompent. Pourquoi s’interdire un recours par un employé ou un travailleur ? Voilà un dispositif qui nous paraît complètement abusif.
Ce qui me gêne aussi, c’est qu’il est écrit que l’information du travailleur par les organismes gestionnaires relatifs aux points acquis l’année écoulée n’est, par nature, pas susceptible de recours. Pourquoi « par nature » n’aurions-nous pas le droit de nous retourner contre une caisse qui aurait fait des erreurs de calcul ?
Je voudrais faire remarquer que l’alinéa 42 de l’article 6 comprend deux fois le mot « décret ».
Il est indiqué que, dans des conditions définies par décret, les organismes gestionnaires peuvent – et j’insiste sur ce mot – procéder à des contrôles – en l’occurrence, il s’agit de la CARSAT – de l’effectivité et de l’ampleur de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que de l’exhaustivité des données déclarées, sur pièce et sur place, ou faire procéder à ces contrôles par des organismes habilités dans des conditions définies, je vous le donne en mille, par décret. Avez-vous prévu des moyens supplémentaires pour les CARSAT, afin qu’elles puissent effectuer ce genre de contrôles ? Car ils vous seront forcément demandés.
Dans la mesure où le rapporteur a fait preuve d’une grande souplesse sur l’amendement suivant, je le retire.
L’amendement no 956 est retiré.
L’amendement no 460 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 1014 à 1028 .
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement no 1017 .
La discussion montre les limites des dispositions contenues dans cet article sur les conditions de l’appréciation de la pénibilité. Nous avons déjà eu l’occasion de dire qu’il était nécessaire que cette question soit abordée dans toute sa dimension sociale. C’est pourquoi nous ne comprenons pas pourquoi les représentants des salariés sont exclus de ce dispositif, alors qu’ils sont les mieux à même d’apprécier la pénibilité du travail. Ce sont quand même les salariés qui sont en première ligne sur ces sujets.
Il nous semble, en l’état actuel du texte, qu’il n’est pas possible de tenir éloignées les institutions représentatives du personnel des dispositions contenues notamment dans l’alinéa 42. En effet, cet alinéa prévoit que les organismes gestionnaires peuvent, dans des conditions définies par décret, procéder ou faire procéder à des contrôles. Ceux-ci tendent à une modification des éléments constitutifs de la détermination de votre système par points individualisés.
Pourquoi exclure de cette capacité les comités d’hygiène, de sécurité et de conditions du travail, et lorsqu’ils n’existent pas, c’est-à-dire dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les délégués du personnel ? En matière d’évaluation et de reconnaissance de la pénibilité, de mesure de l’ampleur de l’exposition aux facteurs de risques professionnels, qui peut être mieux placé que les CHSCT ? Il faut que ceux-ci disposent de la faculté d’être à l’origine des contrôles dans les mêmes conditions que celles définies à l’alinéa 42.
Renforcer le rôle des CHSCT, dont la fonction même est l’étude des postes de travail, la prévention du risque, l’amélioration des conditions de travail, est une nécessité absolue en matière de contrôle de la pénibilité. C’est en ce sens que nous vous proposons cet amendement visant à insérer un nouvel alinéa après l’alinéa 42.
Défavorable.
L’amendement no 1017 n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 2842 .
La section 3 de l’article 6 traite de la gestion des comptes personnels de prévention de la pénibilité, du contrôle et des réclamations. Je souhaite appeler votre attention sur les petites et moyennes entreprises, sans bien entendu les exclure des pénalités qu’elles pourraient se voir appliquer en cas de non-transmission exacte de l’état du compte de pénibilité de chaque salarié. Toutefois, il serait souhaitable que la pénalité prévue à l’alinéa 42 soit allégée uniquement pour les petites entreprises, afin qu’elles ne subissent pas une surcharge complémentaire, car ce sont ces entreprises qui sont les moins structurées et qui ont le plus de difficultés administratives au quotidien.
La commission a émis un avis défavorable, tout en comprenant l’intention de M. Vigier qui est de ne pas accabler une PME qui aurait mal renseigné la fiche « pénibilité ». Cependant, le texte plafonne la pénalité et prévoit que le directeur de la caisse peut la moduler au regard de la taille de l’entreprise, de sa situation, de la bonne foi ou non de l’employeur. On voit donc qu’il y a des garde-fous et des garanties. De plus, cette pénalité est susceptible de recours devant le tribunal de la sécurité sociale.
La précision que vous proposez n’est donc pas nécessaire. Laissons, à travers les textes existants, la capacité à ceux qui auront à juger de la pénalité ou non de le faire librement. Ce n’est pas la peine de le fixer par la loi, comme vous le souhaitez.
Défavorable.
Nous avons eu ce débat en commission. Dans la loi, vous avez fixé un pourcentage. Il n’y a pas de raison que vous inscriviez 50 % et que je ne puisse proposer 15 % : allons à 30 % si vous voulez.
Ce que nous avons dit en commission et qui est parfaitement vrai, c’est que si vous laissez le dispositif à la libre appréciation du directeur et que l’entreprise fait un recours, il y a là une nouvelle source de complexité pour elle. Essayons de simplifier les choses. Mieux vaudrait encadrer les possibilités dans la loi. Vous pourriez même, au delà du pourcentage, prévoir une durée.
Merci, monsieur le rapporteur, d’avoir précisé qu’il pouvait y avoir une distinction entre la mauvaise foi et la bonne foi, c’est important. J’ai tout de même une question : en cas de pénalité, quel compte sera alimenté ?
L’amendement no 2842 n’est pas adopté.
Il vise à rétablir l’article tel qu’il avait été adopté en commission. Il s’agit de permettre que les frais d’expertise auxquels sont exposés les tribunaux des affaires de sécurité sociale puissent être financés par le fonds chargé du financement des droits liés au compte pénibilité. Si tel n’était pas le cas, les dépenses incomberaient à la CNAV, ce qui n’est pas l’objectif.
Mme Le Callennec n’a pas eu de réponse. Comme nous parlons du fonds de prévention, sera-t-il alimenté par les pénalités dont elle parlait il y a quelques instants ?
Rappel au règlement, sur la base de l’article 58 alinéa 1er : notre collègue Isabelle Le Callennec a posé un certain nombre de questions, en particulier au ministre Sapin, sur le fonds pénibilité, sur l’usage des 20 millions d’euros, sur l’affectation des pénalités payées par les entreprises. Denis Jacquat a posé les même questions et nous attendons toujours les réponses. Il serait intéressant que le ou la ministre puisse répondre à la question, même pour nous dire que nous aurons la réponse en 2014 ou par décret… (Sourires.)
Au moins, ayez l’amabilité de répondre à notre collègue.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Pourquoi allez-vous chercher désagréablement les ministres, quand ils sont tout prêts à vous répondre ?… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
D’abord, soyons clairs. Nous parlons de deux fonds différents.
Je le dis pour vérifier que tout le monde a bien compris et pour éviter toute confusion dans les fonds. Nous ne parlons pas du fonds qui est en cours de création, nous parlons du fonds qui existait jusqu’à présent et sur lequel vous m’avez posé des questions, madame Le Callennec, que j’ai entendues, au moins indirectement.
Je sais donc que vous êtes attachée au dispositif du fonds national de soutien relatif à la pénibilité qui a été introduit par la loi du 9 novembre 2010. Il se trouve que c’était à la suite d’un amendement du président Méhaignerie, et je comprends donc tout particulièrement l’attachement que vous pouvez avoir à la fois au fonds, à l’amendement et au président Méhaignerie.
Sourires.
Il convient de rappeler que ce fonds, doté de 20 millions d’euros, avait été créé à titre expérimental pour une durée de trois ans. Ce fonds a donc vocation à s’éteindre au 31 décembre 2013. Il était destiné à contribuer, sous forme de subventions, au financement de travaux ou d’actions d’expertise, d’ingénierie, de tutorat ou encore de formation pour lutter contre la pénibilité dans les entreprises éligibles.
La montée en charge du dispositif a été plutôt lente, avec pour l’exercice 2012 vingt-cinq dossiers déposés par des entreprises auprès des CARSAT, soit seulement 76 400 euros dépensés. Jusque là, il n’y a pas trop de problèmes pour les caisses de la CARSAT.
Un bilan est prévu et sera présenté en 2015, quand tous les dossiers auront été soldés. Et ce ne sera pas par décret, évidemment, que cette information vous sera donnée en 2015. Ce fonds ne sera pas pérennisé. Le compte personnel de prévention de la pénibilité, dont nous parlons maintenant, et le renforcement de la négociation sont des leviers de beaucoup plus grande ampleur pour prévenir la pénibilité dans l’entreprise : c’est le sens du projet de loi du Gouvernement dont nous sommes en train de parler.
Vous n’auriez pas dû demander : voici le bilan de votre réforme, 76 400 euros !
L’amendement no 3098 est adopté.
Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 1060 à 1074.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 1060.
Il vise à modifier l’alinéa 45 de l’article 6 pour autoriser le salarié à saisir directement l’organisme gestionnaire en cas de différend avec son employeur.
Compte tenu du rapport de subordination, le salarié risque en effet d’être souvent en difficulté, en particulier dans les petites et moyennes entreprises ou dans les très petites entreprises, où la représentation syndicale est faible et parfois nulle.
Ce salarié sera donc en difficulté pour porter la contestation, directement et en préalable, devant son employeur. C’est donc pour éviter cet écueil dissuasif que nous souhaitons ajouter dans la loi la possibilité d’une saisine directe de l’organisme gestionnaire par le salarié en cas de différend avec son employeur ou sur l’effectivité, ou sur l’ampleur, ou sur l’effectivité et l’ampleur de son exposition aux facteurs de pénibilité.
Avis défavorable. La saisine préalable de l’employeur doit permettre d’éviter de passer par un mécanisme pré-contentieux puis contentieux. Cela ne signifie pas que le salarié n’aura pas la possibilité de saisir la caisse en cas de refus ou de désaccord avec l’employeur.
Défavorable.
Tout à l’heure, vous avez voté un amendement pour le moins étrange, et je rejoins Mme Fraysse, puisqu’il interdit de mettre en cause la caisse, la CNAV par exemple, ou la CARSAT, en leur demandant des explications. S’il n’y a pas eu transmission du dossier par l’entreprise, ou si la caisse n’a pas fait son travail de contrôle, le salarié est lésé. Je comprends encore moins l’amendement du Gouvernement qui, en quelque sorte, n’oblige absolument pas les caisses à se justifier. Il est normal aussi que le salarié puisse directement se renseigner auprès de la caisse pour savoir si les calculs sont justes. C’est pourquoi je ne comprends toujours pas l’amendement du Gouvernement.
La réponse qui m’est faite ne me satisfait pas. J’entends bien que l’intervention directe auprès de l’employeur vise à essayer de trouver un terrain d’entente, pour surmonter le différend. Je comprends et je partage cet objectif, mais moi je vous parle d’un autre cas : celui dans lequel le salarié n’osera pas, ne pourra pas interpeller son employeur et ne s’y risquera pas. Dans ce cas-là, il n’y aura pas de contentieux, je vous en donne acte : le salarié restera à son poste. C’est pour surmonter cette difficulté que nous déposons cet amendement.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 3099 rectifié.
Peut-être Mme Fraysse trouvera-t-elle une partie de la réponse dans cet amendement du Gouvernement, puisqu’il s’agit précisément de proposer que le salarié puisse être assisté ou représenté par une personne de son choix appartenant à l’entreprise pour l’accompagner dans ses démarches, qu’il s’agisse d’un simple salarié, d’un délégué du personnel ou d’un délégué syndical.
Cet ajout dans le texte est une reprise des dispositions de droit commun qui figurent dans le code du travail et qui doivent pouvoir être appliquées à la procédure que nous mettons en place.
L’amendement no 3099 rectifié, accepté par la commission, est adopté.
Cette situation est incompréhensible. Vous avez le droit à titre individuel d’interroger une caisse de retraite : vous le faites assez régulièrement.
Vous avez le droit d’interroger la sécurité sociale, vous avez le droit d’interroger tous les organismes qui gèrent vos intérêts. Pourquoi interdisez-vous à un salarié de questionner la CNAV ou la CARSAT sur ses propres points ? Pourquoi l’obligez-vous à passer par l’employeur systématiquement, avec les risques que cela comporte ? C’est à mon avis intenable au plan juridique. S’agissant des salariés, c’est une grave restriction de leurs libertés !
Je suis saisi d’un amendement no 2990 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 3104.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement.
Cet amendement vise à mettre en place la procédure de contestation pour l’employé en cas de refus du passage à temps partiel par son employeur.
Il n’est pas impossible qu’un employeur abuse de sa possibilité de refuser, d’autant qu’il dispose de deux ans et que son refus doit être motivé sans autre explication concrète dans la rédaction actuelle. Il est donc nécessaire de prévoir les modalités de recours pour l’employé, ce que fait cet amendement.
La parole est M. Michel Issoudun, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 3104, à l’amendement no 2990.
Sourires.
Je vous pardonne ! Véronique Massonneau, qui est là-haut très loin, pour une fois va m’adorer, car sous réserve de l’adoption du sous-amendement, je pense qu’elle pourra être satisfaite.
Si vous acceptez le sous-amendement, qui tend à rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 : « le conseil de prud’hommes dans les conditions mentionnées au titre Ier du livre IV de la première partie », je serai enclin, avec toute l’indulgence que me reconnaissait M. Dolez…
Et la souplesse !
Avis favorable à l’amendement ainsi maçonné par M. Issoudun !
Rires.
Le sous-amendement no 3104 est adopté.
L’amendement no 2990, sous-amendé, est adopté.
L’amendement no 124, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 3100 rectifié.
Cet amendement se situe dans le prolongement de celui que j’ai présenté il y a un instant sur les possibilités données à un salarié qui contesterait ou souhaiterait contester les points dont il a été crédité. En l’occurrence, il précise les conditions dans lesquelles celui-ci pourrait être assisté ou représenté.
Un décret sera nécessaire parce que la loi aura besoin d’être précisée. C’est ce que nous prévoyons.
L’amendement no 3100 rectifié, accepté par la commission, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1135 à 1149 et 125, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1135 à 1149 sont identiques.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 1137.
Compte tenu de la souplesse et de l’ouverture dont notre rapporteur a fait preuve tout à l’heure s’agissant de l’alinéa 42 et de l’allongement du délai de prescription, nous nous autorisons à lui faire une nouvelle proposition à l’alinéa 50 afin de porter à dix ans le délai de prescription de l’action du travailleur en réparation des erreurs de l’employeur dans l’attribution de ses points de pénibilité. En effet les salariés éprouveront des difficultés à déceler ces erreurs ou ces manquements dans la prise en compte de la pénibilité en raison de la mise à l’écart des représentants du personnel.
Il est clair que le salarié devra se livrer à un véritable parcours du combattant puisque, en l’état de la rédaction du texte, il sera en particulier obligé d’aller porter cette contestation devant son employeur avant de pouvoir saisir tout organisme.
Nous comptons sur vous, monsieur le rapporteur !
Il faut simplifier, normaliser, de manière à ce que la loi soit la plus lisible possible. Le droit commun de la prescription étant fixé à deux ans, pourquoi proposer de temps en temps trois ans, voire cinq ou dix ans ? Non ! En principe, ce délai est de deux ans. Restons-en là pour que cela soit plus clair.
Avis défavorable puisque le délai est déjà passé de deux à trois ans en commission. Ma mansuétude s’arrêtera là, monsieur Dolez.
Sourires.
Avis défavorable.
L’amendement no 1137 n’est pas adopté.
L’amendement no 125 n’est pas adopté.
Il s’agit de préciser que les trimestres de majoration de durée d’assurances dont un salarié peut bénéficier au titre de la pénibilité sont attribués au seul régime général.
Il s’agit là encore de rétablir des dispositions qui avaient été introduites dans le texte pendant les travaux de la commission.
Le choix proposé par cette dernière est doublement cohérent. Tout d’abord, parce que la CNAV est gestionnaire du compte, il est de bonne gestion qu’elle seule gère également les majorations de durée et perçoive les financements qui sont liés. Ensuite, ce choix évite des coordinations complexes entre les régimes.
Évidemment, c’est un choix de gestion et uniquement un choix de gestion qui est sans impact sur les droits de l’assuré. Je vous rappelle que les droits acquis au titre du compte pénibilité valent pour tous les régimes et donc qu’un polypensionné qui pourra grâce à ses points pénibilité partir deux ans plus tôt, par exemple, liquidera l’ensemble de ses pensions dès soixante ans.
L’amendement no 3101 est adopté.
C’est un amendement de cohérence.
L’amendement no 3102, accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 2845.
Lors de l’annonce de ce projet de loi de réforme des retraites, on a expliqué que pour trouver des financements il convenait de faire cotiser les salariés et les entreprises.
Il serait d’ailleurs de bon aloi que les ministres nous disent si oui ou non une compensation sera prévue pour ces dernières. Je rappelle que le Président de la République et le Premier ministre se sont formellement engagés à faire une pause fiscale.
Sourires.
Une pause fiscale, cela signifie quelque chose. S’il y a de nouvelles cotisations, cela implique que le principe même de la pause fiscale est rompu.
Les comptes pénibilité seront donc mis en place, les ministres ayant dit tout à l’heure que leur abondement serait à la seule charge des entreprises. Je voudrais savoir très précisément à partir de quels critères et selon quels taux ? Un barème est-il prévu en fonction des strates des entreprises ?
Quoi qu’il arrive, si la réponse de tout à l’heure se confirme selon laquelle, donc, le financement serait à la charge des entreprises, nous aurions là un deuxième coup de canif porté contre la pause fiscale de 2014.
Avis défavorable assorti d’un peu de perplexité car, si je comprends bien, vous proposez quant à vous d’augmenter une autre fiscalité, celle du tabac, en faisant financer le compte pénibilité par ces droits-là. Je ne vois pas bien où se trouve la cohérence.
En tout cas, avis défavorable.
Comment procède-t-on pour gager ? À chaque fois, à chaque loi de finances, compte tenu de l’article 40, c’est comme cela que ça se passe. Pardonnez-moi mais il s’agit là de l’exercice imposé à tous les parlementaires. Ne nous dites pas que vous le découvrez, ce n’est pas vrai.
En revanche, j’aurais souhaité que vous me répondiez s’agissant de la pause fiscale. L’engagement du Premier ministre et du Président de la République en matière de pause fiscale, ce n’est pas rien.
Le crédit d’impôt compétitivité emploi a été mis en place afin de stimuler la compétitivité des entreprises. Très bien ! Mais lorsque l’on constate que l’on rajoute taxes sur taxes, je m’inquiète que les bénéfices de ce crédit d’impôt, qui sont réels, ne soient diminués même si, comme vous le savez très bien, le CICE ne concerne que 28 % des emplois industriels et que donc 70 % d’entre eux y échappent !
Une fois de plus, j’attire votre attention. Il n’est pas question de dire qu’il ne faut rien faire en matière de pénibilité, tant s’en faut, et nos interventions répétées l’ont montré. Mais nous sommes attentifs à un engagement du Président de la République. C’est le pacte de confiance ! Oui ou non, lorsque le Président de la République et le Premier ministre prennent la parole pour dire qu’il y aura une stabilité fiscale, celle-ci sera-t-elle au rendez-vous ?
Nous vous l’avons dit à plusieurs reprises : votre texte peut paraître généreux mais, parfois, il n’est pas financé. En voilà un autre exemple.
Les recettes du fonds pénibilité sont constituées par une cotisation dont tous les employeurs devront s’acquitter, par une cotisation additionnelle payée par les employeurs ayant exposé au moins un ou deux de leurs salariés à la pénibilité et, enfin, par toute autre recette autorisée par les lois et règlements.
Les calculs ont été faits : le coût de ce fonds s’élèvera à 500 millions en 2020 et 2,5 milliards en 2040. Le rendement sera quant à lui de 500 millions en 2020 et de 800 millions en 2040. Le compte n’y est donc pas.
Juste un mot. J’essaie de comprendre.
J’entends bien que le fonds sera créé mais il ne sera pas abondé par les cotisations avant sa création effective au 1er janvier 2015.
Excusez-moi mais la pause fiscale n’a rien à voir avec ce que vous dites…
J’ai bien entendu ce que vient de dire notre collègue. Ce sera donc en 2015, très bien. La question fiscale, pardonnez-moi, se pose bien. Lorsque le Premier ministre a reçu les délégations syndicales à Matignon, il a annoncé la neutralité fiscale pour les entreprises sur le perron.
J’aimerais que l’on puisse nous répondre à ce propos et dire si oui ou non il y a bien neutralité. Si tel n’est pas le cas, cela signifie que votre pause fiscale est définitivement enterrée.
L’amendement no 2845 n’est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 1180 à 1194.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 1180.
L’amendement no 1180, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 2917, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 1391 à 1405.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 1391.
L’amendement no 1391, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 6, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 247 rectifié à 261 rectifié .
La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour soutenir l’amendement no 247 rectifié .
Cet amendement vise à étendre le critère de la pénibilité aux exploitants agricoles et travailleurs agricoles non salariés outre-mer en raison de leurs expositions prolongées aux pesticides et, notamment, au chlordécone.
L’amendement no 247 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour soutenir l’amendement no 773 .
Cet amendement fait suite à mon intervention lors de la discussion générale sur l’article 6 et vise à demander au Gouvernement un rapport portant sur la possibilité d’élargir la mise en place d’un compte pénibilité aux travailleurs indépendants et aux non salariés agricoles.
L’amendement no 773 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, pour soutenir l’amendement no 1543 rectifié .
Je vais remettre un peu d’ordre dans les fameux rapports que j’avais demandés
Sourires
En l’occurrence, il est proposé que le Gouvernement remette au Parlement, dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, un rapport analysant la prise en compte, par le code du travail, des facteurs de pénibilité propres aux postes majoritairement occupés par des femmes. Je vais vous dire pourquoi, madame le ministre, monsieur le rapporteur.
Le Conseil économique, social et environnemental a rédigé en 2010 un rapport sur les femmes et la santé au travail selon lequel les normes ergonomiques et le mode opératoire sont établis par référence à l’homme moyen, même si le poste est occupé par une femme.
Les dix facteurs de pénibilité figurant dans les fiches de pénibilité ne tiennent pas compte de l’adaptation à l’occupation des postes.
Tout à l’heure, il a été question des abattoirs. Je vais maintenant vous parler de l’imprimerie, sans vouloir rallonger nos débats. L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, a ainsi découvert que dans une imprimerie, les femmes se plaignaient plus que les hommes de douleurs musculaires. Ils ont compris pourquoi.
Les femmes étaient en effet affectées sur cinq postes différents et elles y restaient à vie, répétant ainsi les mêmes gestes. Les hommes, quant à eux, évoluaient bien plus rapidement et changeaient donc de poste plus souvent au cours de leur carrière – et de salaire aussi sans doute… En quittant ces postes, ils souffraient moins de troubles musculo-squelettiques.
Dans une même imprimerie, dans un même secteur de production, la répartition des postes et la durée de maintien induisent donc une pénibilité différente. Nous devons donc faire preuve d’une attention particulière.
J’ai l’air d’insister mais ce n’est que depuis 2010-2012 que l’on s’intéresse à ce sujet.
Je vous le répète, madame la ministre, l’étude d’impact sur la pénibilité ne fait état que des tranches d’âge et non des sexes. M. Juanico disait que les personnes les plus jeunes étaient les plus touchées mais nous ne savons pas qui, parmi eux, des garçons ou des filles.
Telle est la demande que nous faisons et que réitère la délégation aux droits des femmes.
Je souhaiterais que Mme Coutelle retire son amendement, sinon je devrai y rendre un avis défavorable. En effet ce rapport s’ajouterait à un autre, prévu par l’article 5 bis dont nous avons déjà discuté tout à l’heure, même si le débat n’était pas très clair. Toutes les informations que vous demandez et qui pourraient faire l’objet d’un rapport figurent déjà dans celui de l’article 5 bis. Je ne conteste pas l’intérêt des observations et des analyses que vous demandez, encore moins la distinction des facteurs de risques professionnels en fonction du genre qui est l’une des préoccupations du Gouvernement. Je tiens à vous en assurer, mais ces éléments doivent figurer dans le rapport de l’article 5 bis.
La multiplication des rapports sur des sujets proches ne témoignerait pas d’une bonne et lisible politique. Puisque je viens de vous donner les assurances que vous souhaitiez, il me semble que vous pourriez retirer votre amendement.
Je voudrais revenir sur le principe de ces rapports que l’on ne cesse de demander. Au-delà du fait, comme le relevait M. Vigier, que nous sommes soumis à des exercices obligés puisqu’un certain nombre d’amendements tombent sous le couperet de l’article 40 et qu’à ce titre il ne serait pas possible, par exemple, de revenir à une retraite à taux plein à 65 ans, nous voulons dénoncer toutes les zones d’ombre, les faits passés sous silence, que l’on ignore et qui sont ignorés autour du travail des femmes, qu’il s’agisse de leur travail, rémunéré ou non, mais aussi de leurs activités, en particulier familiales, qui peuvent avoir des répercussions sur leur métier. La pénibilité dont souffrent les femmes n’est pas forcément limitée au travail, même si elle lui est très directement liée, et elle est fortement sexuée puisqu’elle reste souvent l’apanage des femmes. Cette pénibilité est souvent invisible et nous devons penser à nous en saisir, ce qui explique nos régulières interpellations.
Nous devons également tout faire pour la prévenir afin de ne pas aggraver la santé des femmes et de ne pas laisser perdurer des situations injustes.
Nombre de pénibilités sont liées au temps partiel qui, dans 82 % des cas, est exercé par des femmes : 30 % des femmes travaillent à temps partiel contre 6 % des hommes. Or, le temps partiel est très souvent pénible en ce qu’il n’est pas toujours compatible avec la vie familiale, contrairement à ce que l’on entend. L’on prétend souvent que le travail à temps partiel convient particulièrement aux femmes qui trouvent ainsi le temps de s’occuper de leurs enfants – comme si elles étaient les seules à devoir s’en charger. Or, de nombreux métiers typiquement féminins, comme le ménage, s’exercent sur des créneaux horaires qui empêchent les mères de préparer leur petit déjeuner ou de les amener à l’école.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Si les conditions du travail à temps partiel sont si pénibles, c’est aussi parce qu’il est souvent exercé à des horaires sous tension particulière, où il est demandé un investissement particulièrement pesant, comme dans les supermarchés.
Je n’insisterai pas sur les pénibilités liées à des métiers exercés quasi exclusivement par des femmes. Je conclurai sur le fait que, même lorsque les femmes exercent le même métier que les hommes ou sont exposées aux mêmes pénibilités, comme le travail de nuit, les effets en sont différents. Dans la grande majorité des cas, une femme qui travaille de nuit doit encore, une fois revenue chez elle, préparer le petit déjeuner de ses enfants, rester avec eux et les accompagner à l’école
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
alors qu’un homme, on respecte son sommeil ! Il va se coucher et sa femme s’occupe de tout le reste !
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.
Ce que dit Mme Romagnan est parfaitement vrai. Madame la ministre, je voudrais bien vous satisfaire en retirant mon amendement mais il y a juste un petit souci. Si je me suis précipitée dans un premier temps, c’est que j’avais bien compris que vous ne souhaitiez pas multiplier les rapports. J’avais donc essayé d’intégrer ma demande à celui de l’article 5 bis. À le lire plus attentivement, je me suis rendu compte que vous ne demandiez de rapport qu’avant le 31 décembre 2020. Ce n’est donc que dans sept ans que nous saurons si ce compte pénibilité aura pris en considération l’ergonomie, les postes de travail et la difficulté de posture que les femmes subissent, pas forcément sur des métiers féminins. Je ne parle pas d’ailleurs de métier féminin mais de métier majoritairement occupé par des femmes. Nous avons besoin d’une analyse dans un délai plus proche que sept ans pour savoir si les mesures que nous prenons amélioreront vraiment les conditions des femmes.
Le délai de six mois que prévoit votre amendement n’a pas beaucoup de sens : il est trop court pour que nous puissions obtenir des informations intéressantes, vous l’avez vous-même reconnu. Ne pourrions-nous pas plutôt, en deuxième lecture, avancer la date, pour le rapport de l’article 5 bis, de 2020 à 2017 ou 2016 ? Si cette proposition vous satisfaisait, peut-être pourriez-vous alors retirer votre amendement.
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.
L’amendement no 1543 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour soutenir l’amendement no 2888 .
Cet amendement tend à ce qu’un rapport du Gouvernement soit transmis au Parlement, avant le 15 juillet 2014, sur les conditions dans lesquelles les personnels contractuels de droit public qui occupent des emplois exposés à des facteurs de risques professionnels pourraient bénéficier d’un dispositif de prévention et de compensation de la pénibilité.
Les fonctionnaires ont un régime propre de reconnaissance de la pénibilité, le service actif, dont sont exclus les personnels non titulaires de droit public – appelés aussi « contractuels ». Or, le dispositif du compte personnel de prévention de la pénibilité proposé par ce texte est uniquement destiné aux salariés des employeurs de droit privé et au personnel des personnes publiques employé dans des conditions de droit privé.
Il convient d’examiner les conditions de prise en compte de la situation des personnels contractuels de droit public qui occupent des emplois exposés à des facteurs de risques professionnels pour qu’ils puissent bénéficier d’un dispositif de prévention et de compensation de la pénibilité.
Avis défavorable même si la question est intéressante. Le Gouvernement engagera très prochainement une large concertation au sein de la fonction publique sur les conditions de travail et de départ à la retraite, mais aussi sur la prise en compte de la pénibilité, qui passe principalement aujourd’hui par la catégorie active.
L’application ou non du dispositif de la pénibilité aux contractuels de droit public dépendra de cette réflexion plus globale, de sorte qu’un rapport spécifique sur le sujet ne me paraît pas nécessaire. Laissons la négociation se poursuivre. Je vous propose de retirer votre amendement.
Je comprends parfaitement la préoccupation de Mme Le Houerou et le Gouvernement entend très bien les interrogations sur le champ d’application de ce compte. Rappelons qu’il ne concerne pas la fonction publique ni les contractuels de droit public mais qu’il est « réservé » aux salariés de droit privé. Je l’ai expliqué en commission, c’est le choix qui a prévalu. Au fond, ce n’est pas le lieu d’activité qui compte mais la nature du contrat ou du statut de la personne, salariée ou employée.
La question s’est posée des conditions dans lesquelles les fonctionnaires des trois fonctions publiques pourraient se voir appliquer certaines dispositions du présent texte, notamment celles relatives au compte pénibilité. Mais cette discussion relève d’une concertation plus large, plus générale, déjà engagée par le ministère de la fonction publique. L’on ne peut donc pas répondre à votre question sur les contractuels de droit public avant d’avoir une perspective sur la future situation des trois fonctions publiques. Je ne suis pas aujourd’hui en mesure de vous dire à quel rythme, selon quel calendrier se dérouleront ces concertations qui relèvent du ministère de la fonction publique. S’il a commencé à rencontrer les organisations syndicales, nous n’en sommes tout de même qu’au début du processus.
La remise d’un rapport avant le 15 juillet 2014 risque d’être une coquille vide si la concertation n’a pas suffisamment avancé. Cela étant, je comprends parfaitement vos préoccupations et je préférerais que vous retiriez votre amendement, faute de quoi nous risquerions d’être conduits à rédiger un rapport de peu de substance.
Au nom de mes camarades, je retire cet amendement et je fais confiance à notre ministre de la fonction publique.
L’amendement no 2888 est retiré.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement no 3013 .
Si nous nous félicitons de ce compte personnel de prévention de la pénibilité, force est de constater qu’il ne concernera qu’une partie des générations actuellement dans l’emploi ou en recherche. Le « stock » actuel ne sera concerné qu’à la marge avec les modalités de doublement de points pour les travailleurs de plus de 57 ans.
Pourtant le rapport Moreau préconisait une prise en charge avec des critères progressifs de ce stock, notamment en vue de reconstituer des carrières. Il nous semble indispensable de répondre à ces personnes. Un travailleur ayant déjà quinze ou vingt ans de poste exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité mais qui ne sera âgé que de 51 ans au 1er janvier 2015 ne pourra pas comptabiliser des points de pénibilité pour cette période passée. Certains facteurs comme le travail de nuit ou l’exposition à des produits cancérigènes sont faciles à prouver et permettraient une reconstitution de carrière qu’il faudrait faire valoir pour bénéficier de points pénibilité.
Cet amendement tend par conséquent à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport qui mette en exergue la faisabilité d’un tel dispositif et ses modalités de financement.
L’amendement no 3013 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je voudrais juste poser une question : cet article s’inscrivant dans le code de la sécurité sociale, les éventuels contentieux sur le compte pénibilité relèvent-ils du contentieux général de la sécurité sociale ?
Nous avons, avec ces articles 6 et 6 bis, ouvert des droits permettant d’abonder un compte pénibilité, dont l’utilisation a été précisée autant que possible mais le sera surtout par voie de décret. Nous avons abordé les questions de la gestion, du contrôle, de la réglementation et du financement de ce compte. Puis le Gouvernement nous a parlé de prévention, une notion que nous n’avons pas retrouvée dans le texte. Il aurait donc été utile, pour faire la preuve de votre attachement à cette notion, de prendre en compte toutes les entreprises qui consentent de réels efforts pour améliorer les conditions de travail, en minorant par exemple leur cotisation. Hélas, vous souhaitez plutôt les pénaliser que les encourager et les sensibiliser à la nécessité d’améliorer les conditions de travail dans l’entreprise.
L’article 6 bis est adopté.
Je vais poser le même type de questions que lors des articles précédents afin d’y voir plus clair, même si je constate que nous progressons. L’article 7 prévoit-il, oui ou non, l’alimentation du compte personnel de formation par des points inscrits sur le compte pénibilité ?
Un mot tout d’abord sur le volet relatif à la compensation et sur les articles du projet qui concernent la pénibilité au travail : la grande différence entre ce projet et le texte de 2010 adopté par l’actuelle opposition, c’est que la prise en compte de la pénibilité sera désormais possible sur la base des effets différés sur la santé de conditions de travail pénibles, et non pas sur un seul constat médical immédiat. C’est très important, car si les facteurs de risques professionnels ne sont naturellement pas les seuls facteurs de détérioration de la santé des individus, ils peuvent néanmoins, selon la DARES, expliquer un tiers du différentiel d’espérance de vie. Ainsi, en ouvrant la possibilité aux salariés, grâce au compte personnel de prévention de la pénibilité, de partir deux ans plus tôt, le Gouvernement et la majorité sont parfaitement cohérents avec le diagnostic de la DARES quant à l’impact de la pénibilité sur l’espérance de vie.
En matière de prévention, c’est la prévention de l’usure professionnelle précoce qui est essentielle, dès les premiers pas dans la vie professionnelle. Cette question touche à l’organisation du travail, à la prévention des risques professionnels ou encore à la diminution des polyexpositions. Or, je l’ai dit, les jeunes sont les plus exposés – plus de 20% des jeunes de moins de 24 ans – à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels tels que le travail de nuit, le travail posté, les contraintes posturales ou encore les horaires décalés.
Qu’il s’agisse des travaux de la DARES ou de ceux de Serge Volkoff et d’Annie Jolivet, auxquels je tiens à rendre hommage car ils ont abondamment alimenté notre réflexion…
… ou encore qu’il s’agisse des travaux conduits ici même en 2008 dans le cadre de la mission sur la pénibilité au travail, avec notre collègue Jean Mallot, alors député.
Sourires.
En bref, toutes ces études montrent que les maladies professionnelles se déclarent souvent avant l’âge de cinquante ans, notamment les troubles musculo-squelettiques tels que les pathologies dites des tissus mous – tendinites ou encore syndrome du canal carpien, par exemple. Dès lors, le volet relatif à la formation visé à l’article 7 est primordial pour prévenir utilement l’usure professionnelle dès le plus jeune âge, au besoin par une réorientation ou une reconversion.
Cet amendement de coordination avec notre position sur l’article 6 vise à supprimer l’article 7.
Même avis. Je confirme par la même occasion à M. Jacquat que l’alimentation du compte personnel de formation se fait bien par le compte pénibilité.
L’amendement no 145 n’est pas adopté.
L’article 7 est adopté.
Les explications de Mme la ministre sur la pénibilité sont fort utiles. L’article 8 porte sur les accords en faveur de la prévention de la pénibilité. Pour mémoire, on évoque souvent la réforme de 2010 qui a instauré des paramètres de pénibilité, et notamment l’obligation pour les entreprises de 50 salariés et plus d’être couvertes par des accords sur la pénibilité lorsque plus de la moitié des salariés sont exposés à des facteurs de risques. L’exposition des salariés à ces facteurs de risque est-elle désormais définie en fonction de seuils fixés par décret ? En outre, le recours au plan d’action ne pourra-t-il avoir lieu qu’en cas de désaccord attesté par un procès-verbal, à l’issue de la négociation conduite en vue d’un accord conventionnel ?
Cet article 8 modifie les dispositions de la loi de 2010 instituant une obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés ou appartenant à un groupe de plus de 50 salariés d’être couvertes par un accord ou par un plan d’action de prévention de la pénibilité. Nous sommes naturellement favorables à ces modifications, et notamment au primat donné à la négociation par rapport à la mise en place unilatérale d’un plan d’action par l’employeur : c’est un progrès. Nous proposerons d’ailleurs un amendement visant à ce que l’employeur ne puisse pas se soustraire à la négociation d’un accord d’entreprise. De même, la signature d’un accord de branche ne permet pas toujours de bien prendre en compte la prévention de la pénibilité dans certaines entreprises dont l’employeur refuse de respecter ses obligations. Nous en connaissons certains cas emblématiques, par exemple dans de grandes entreprises de travaux publics.
Je ferai toutefois deux objections. Tout d’abord, comment traitons-nous les entreprises de moins de 50 salariés ? En effet, les salariés des TPE et des PME concernées subissent aujourd’hui une forme d’inégalité de ce point de vue. Ensuite, quelles seront les dispositions prises pour les entreprises qui ont moins de 50 % de salariés exposés à des travaux pénibles ? En effet, aucun accord ou plan d’action ne serait en l’état possible pour des dizaines de milliers de salariés exposés au sein d’entreprises dans cette situation, et pour qui l’entreprise demeurera en quelque sorte une zone de non-droit en matière de prévention de la pénibilité. Là encore, nous déposerons un amendement pour répondre à cette question.
La loi de 2010 prévoit que les entreprises de 50 salariés et plus ou appartenant à un groupe d’au moins 50 salariés, et dont 50 % au moins des salariés sont exposés à des travaux pénibles, ont obligation d’élaborer un accord négocié ou, à défaut, un plan d’action mis en place par l’employeur. En pratique, on constate que très peu d’entreprises respectent cette disposition qui, finalement, n’est pas appliquée, comme le montre l’exemple déjà cité de Colas.
L’article 8 améliore indiscutablement le dispositif précédent en donnant la priorité à un accord négocié. Cependant, tout désaccord ne sera attesté que par un simple procès-verbal, ce qui permettra à l’employeur de se soustraire à ces négociations pour mettre en place un plan d’action unilatéral. C’est pourquoi nous proposons par cet amendement d’appliquer une pénalité aux entreprises ne disposant pas d’un accord de prévention de la pénibilité. Nous voulons par là inciter fortement les entreprises à élaborer un accord négocié avec les représentants des salariés. Il va de soi qu’un accord de ce type est toujours beaucoup plus complet qu’un plan d’action décidé unilatéralement par l’employeur. Cela étant, afin de ne pas pénaliser les employeurs et de tenir compte des efforts qu’ils auront consentis, nous proposons que ces pénalités soient modulables, sur le modèle de ce qui est prévu en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ou encore d’emploi des personnes handicapées. En clair, nous proposons d’améliorer encore le dispositif prévu par l’article 8.
Avis défavorable. Le projet de loi en l’état vise déjà à favoriser la signature d’accords plutôt que de plans d’action. Il importe de laisser une certaine souplesse aux entreprises. Même si elles ne vont pas toujours assez vite ou assez loin, beaucoup d’entreprises signent des accords, et nous devons les encourager à poursuivre en ce sens.
Même avis.
L’amendement no 488 n’est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 2747 rectifié à 2761 rectifié .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 2748 rectifié .
Cet amendement fait également référence aux sanctions applicables en cas de manquement aux obligations de l’employeur en matière de prévention de la pénibilité. Il ne s’agit pas de mettre en oeuvre des intentions punitives, mais plutôt de faire preuve de volontarisme politique par une mesure d’incitation forte des employeurs, car nous pensons que ce problème doit être traité à la racine, c’est-à-dire par la prévention. Ces sanctions avaient d’ailleurs été prévues par les décrets d’application de la réforme de 2010, mais elles en sont restées au stade du voeu pieux. À notre connaissance, aucune sanction n’a été prise alors même que plus de la moitié des entreprises en France ne respectent pas leurs obligations.
En pratique, cette pénalité est appliquée au terme d’une procédure ayant pour origine une mise en demeure de l’inspecteur du travail, puis d’une décision de la Direccte. Le montant de cette sanction est de 1% au maximum de la masse salariale. Cependant, comme pour le plan d’action handicap ou en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, les contrôles de l’inspection du travail sont rares, la mansuétude des pouvoirs publics frappante et, in fine, les sanctions inexistantes ou presque. Cette situation est en grande partie due au fait que la France ne dispose que d’un inspecteur du travail pour 3000 entreprises ; sans moyens humains et matériels, ils peuvent difficilement obtenir des résultats probants.
Par cet amendement, nous proposons donc de porter la pénalité due par les employeurs qui ne seraient pas couverts par un accord ou par un plan d’action de 1 à 10 %. Hélas, encore faudrait-il avoir un service public à la hauteur pour faire appliquer cette décision.
Avis défavorable : porter la pénalité à 10 % des rémunérations est excessif.
Même avis.
L’amendement no 2748 rectifié n’est pas adopté.
Cet amendement vise à encourager la négociation collective puisqu’il propose d’établir une distinction entre le plan d’action et l’accord en prévoyant que la durée du plan d’action est d’un an, tandis qu’elle resterait de trois ans pour les accords. Cette disposition permettrait d’organiser une négociation chaque année lorsqu’un plan d’action aura été mis en place dans une entreprise.
Avis défavorable : je ne suis pas persuadé qu’une renégociation annuelle sur la pénibilité favorise vraiment une politique de prévention cohérente, consensuelle et inscrite dans la durée, ni qu’elle soit dans l’intérêt des salariés. Mieux vaut conserver le rythme triennal.
Même avis.
L’amendement no 550 n’est pas adopté.
Afin de garantir l’effectivité de la prévention de la pénibilité, nous proposons d’instaurer une évaluation des résultats des accords ou des plans d’actions. S’il s’avère, au vu de ces résultats, que les engagements pris par les entreprises n’ont pas été respectés, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi devra prononcer une pénalité dans les conditions définies à l’article L. 4163-2 du code du travail.
L’exposition à des facteurs de pénibilité se traduit par des accidents du travail et des maladies professionnelles qui peuvent s’accompagner d’incapacités provisoires ou permanentes si les victimes restent atteintes de séquelles. Une prévention de la pénibilité efficace est donc fondamentale, nous en sommes tous d’accord.
Rappelons quelques chiffres.
Au plan national, le nombre de maladies professionnelles avec arrêt a augmenté de 59 % de 2003 à 2011, chiffre donné dans l’annexe 1 du PLFSS – Programme de qualité et d’efficience « accidents du travail - maladies professionnelles » du PLFSS pour 2013.
Si les maladies professionnelles ne représentent que 9 % des « sinistres », elles représentent 33 % du coût total du risque et leur part croît régulièrement.
L’augmentation des maladies professionnelles par secteurs professionnels est, dans certains cas, tout à fait inquiétante : quatre secteurs ont un taux d’augmentation des maladies professionnelles supérieur à 10 % ; sept ont un taux d’augmentation des incapacités permanentes supérieur à 10 %. En 2011, 10,7 millions de journées ont été perdues du fait d’arrêts de travail liés à des maladies professionnelles, en augmentation de 10,2 % par rapport à 2010. Ne croyons pas que l’augmentation de la durée de cotisation n’y est pour rien…
Par cet amendement, nous voulons inciter les entreprises à mettre en place une véritable politique de prévention de la pénibilité. Bien sûr, toute politique publique, pour être correctement évaluée, nécessite les moyens humains correspondants, dans des services qui vont bien.
Défavorable. L’accord ou le plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité a une durée de trois ans. Il doit comporter des rubriques obligatoires qui fixent les objectifs, des indicateurs de suivi et des thèmes obligatoires. L’administration ne contrôle pas en opportunité le contenu détaillé.
Défavorable.
L’amendement no 771 n’est pas adopté.
L’article 8 est adopté.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
La séance est levée.
La séance est levée, le vendredi 11 octobre, à une heure.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron