La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse au Premier ministre – il va arriver !
Ce matin, le conseil des ministres a approuvé le programme de stabilité, c'est-à-dire les prévisions de dépenses et de recettes publiques pour les années 2013 à 2017 que la France doit présenter à Bruxelles.
Monsieur le Premier ministre, depuis bientôt un an que vous êtes au pouvoir, nos comptes publics se dégradent dangereusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les dépenses publiques s'emballent car vous avez supprimé tous les verrous comme, par exemple, le non-remplacement d'une partie des fonctionnaires qui partent en retraite. Fin 2013, la France sera le pays le plus dépensier de toute l'Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons aussi battre le record historique des impôts et taxes, qui représenteront plus de 46 % du PIB. (« Dix ans ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Un peu de calme, s'il vous plaît, mes chers collègues : écoutez la question !
Les Français, les entreprises et les ménages sont victimes d'overdose fiscale. Dans ces conditions, la croissance s'effondre : nulle en 2012, proche de zéro en 2013. (« Dix ans ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
C'est dire, monsieur le Premier ministre, qu'il y a urgence à réviser nos comptes publics pour 20l3, car ils sont devenus irréalistes. Or vos deux ministres de l'économie et du budget viennent de nous indiquer qu'ils refusaient de soumettre au Parlement un collectif budgétaire pour ajuster nos comptes à la réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Un député du groupe UMP. Courage : fuyons !
Monsieur le Premier ministre, vous venez de demander à vos ministres de faire la transparence sur leur patrimoine. Voilà donc ma question : quand allez-vous faire la transparence sur les comptes de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Quand allez-vous soumettre à notre assemblée une loi de finances rectificative pour dire enfin aux Français et à leurs représentants la vérité sur nos comptes publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)
La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Écoutez le ministre en silence, s'il vous plaît ! Essayons d'avoir une séance normale !
Monsieur le président Gilles Carrez, je suis un peu surpris, à plus d'un titre, par votre question, surtout de la part du président de la commission des finances et d'un grand expert de ces questions.
Je suis surpris, en premier lieu, parce que vous semblez oublier ce qu'était la vérité de la situation de la France quand nous sommes arrivés aux responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP), notamment la dégradation des déficits et de la dette écrasante que vous nous avez léguée, et qui nous contraint à un effort de redressement sans précédent.
Je suis surpris parce que vous travestissez la vérité en affirmant que les déficits publics sont en train de dériver. Au contraire ! Quand nous avons trouvé le pays, les déficits publics filaient allègrement vers 5,5 % pour 2012. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C'est parce que nous avons fait voter une loi de finances rectificative qu'ils s'élèvent aujourd'hui à 4,8 %, avec des aléas dont vous êtes responsables.
Enfin, je suis surpris que vous nous demandiez de faire la vérité au regard du programme de stabilité, puisque c'est précisément ce que nous avons fait ce matin, avec Bernard Cazeneuve. Nous menons une politique sérieuse de consolidation budgétaire et de réduction des déficits, qui refuse l'austérité.
C'est tellement vrai qu'alors que l'Assemblée nationale a voté un projet de loi de programmation des finances publiques qui prévoyait un déficit de 3 % en 2013, nous ne tiendrons pas cet objectif compte tenu du recul de la croissance dans la zone euro. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous le savez ! C'est la raison pour laquelle nous laissons jouer les stabilisateurs automatiques.
Contrairement à ce que vous avez fait, nous voulons laisser sa chance à la croissance française. Nous refusons l'austérité, nous sommes dans le sérieux : c'est pourquoi le déficit sera de 3,7 % en 2013. Nul besoin d'un plan d'ajustement supplémentaire : nous sommes dans la constance, le sérieux et le soutien de la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je pense que tout le monde a compris que vous n'êtes pas d'accord. Je vous propose au moins de vous écouter, les uns et les autres, dans un peu plus de calme. Je vous assure que la retransmission des questions au Gouvernement à la télévision produit un effet incroyable. Essayons donc de retrouver notre calme !
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Après des années de dérive des finances publiques, la majorité de gauche est engagée dans une grande ambition de redressement de nos comptes. (Vives exclamations et rires sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Ceux qui se croient aujourd'hui autorisés à donner des leçons de bonne gestion ne pourront faire oublier à personne que sous le dernier gouvernement de l'UMP, en cinq ans, la dette publique a explosé de 600 milliards d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est cela qui est historique, monsieur Carrez, et sans précédent dans l'histoire de la France.
Alors oui, pour préserver l'indépendance financière de la France et pour redonner de la force à l'action publique, la gauche a fait le choix courageux du sérieux budgétaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce choix permet de définir un chemin vertueux et ambitieux. Pour nous, c'est clair, il ne peut y avoir ni austérité, ni laisser-aller. Il faut garantir le redressement des finances publiques tout en préparant le retour de la croissance.
Monsieur le ministre, en dépit d'un budget bricolé par vos prédécesseurs et grâce aux efforts engagés dès l'été, le déficit public pour 2012 a été de 4,8 % contre 6,7 % en moyenne au cours des trois années précédentes.
La prévision de croissance, alignée sur celle de la Commission européenne, conjuguée aux actions du Gouvernement pour renforcer la compétitivité et lutter contre le chômage, devrait permettre d'envisager de passer sous la barre des 3 % de déficit dès 2014. Nous en sommes certains, et nous sommes confiants à cet égard.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous présenter les grandes orientations de votre programme de stabilité, approuvé ce matin en conseil des ministres, et qui dessine un réalisme ambitieux pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, il est normal qu'il y ait un lien entre les députés de la majorité et le Gouvernement. Ce serait l'inverse que vous pourriez leur reprocher. Il est donc inutile de faire « Allô » !
La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
Madame la députée, vous m'interrogez sur la trajectoire des finances publiques dont il a été question ce matin à l'occasion de la présentation en commission des finances du programme de stabilité.
Je voudrais tout d'abord rappeler quelques chiffres. Entre 2007 et 2012, le déficit structurel de la France est passé de 2 à 3,9 %, soit une dégradation de 1,9 point. L'augmentation des dépenses publiques a été de 2,3 % entre 2002 et 2007, de 1,7 % sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes aujourd'hui à 0,7 %, ce qui signifie que nous avons diminué par quatre le taux de progression des dépenses publiques dans ce pays. L'an dernier, le budget de l'État a diminué de 300 millions et il diminuera de 1,5 milliard d'euros en 2014.
Nous devons poursuivre cette trajectoire de rétablissement de nos finances publiques, dans la continuité des résultats que nous avons déjà obtenus au terme de cet effort de maîtrise des dépenses.
En 2012, le déficit structurel a diminué de 1,2 %. Il diminuera de 1,8 % en 2013 et nous ferons un effort complémentaire de 1 % en 2014. C'est dire à quel point notre stratégie est différente de celle de ceux qui, pendant dix ans, ont enfoncé le pays dans les dettes, les déficits, l'affaiblissement de notre compétitivité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Notre objectif est de poursuivre cet effort de sérieux budgétaire dans les années qui viennent afin que le rétablissement de nos comptes soit une chance pour la croissance. Ce que nous ferons en privilégiant les économies sera aussi destiné à créer les conditions d'une croissance retrouvée pour les entreprises parce que ces efforts n'obéreront pas la croissance pour demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Finances publiques
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes aux responsabilités depuis près d'un an et vous ne cessez de parler de l'héritage. Aujourd'hui, nous vous demandons un droit d'inventaire.
Plusieurs députés du groupe SRC. Et vous, après dix ans ?
Vous aviez promis de renégocier le traité européen. Or c'est le même texte qui a été adopté, et vos ministres se répandent chaque jour dans la presse pour vous demander de changer de politique européenne.
Vous aviez promis qu'il n'y aurait pas de hausse d'impôts en 2014. Qu'en est-il ? Il manque 20 milliards d'euros pour boucler le budget 2014. Les Français vont encore payer 6 milliards d'impôts nouveaux. Vous aviez promis de ne pas attendre la croissance, mais de la stimuler, François Hollande parlait même de 1,7 % de croissance en 2013. Elle ne sera que de 0,1 %.
C'est-à-dire dix-sept fois moins. Même votre ami Didier Migaud n'y croit plus.
Vous aviez promis un déficit public de 3 % en 2013. Ce chiffre ne sera pas respecté et vous n'atteindrez pas l'équilibre des finances publiques en 2017. (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Vous aviez promis d'inverser la courbe du chômage d'ici à la fin de l'année. Qui peut vous croire,…
…alors que les décisions prises entraînent la destruction de centaines de milliers d'emploi dans le bâtiment, le logement, les services à la personne ?
Vous aviez promis une loi pour sauver les usines. Qui, aujourd'hui, à Florange, Petroplus, Heuliez, PSA croit encore en vous ?
Vous aviez promis de donner du pouvoir d'achat aux Français. Vous êtes responsable d'une baisse sans précédent du pouvoir d'achat, notamment avec la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires pour neuf millions de Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous aviez promis une France apaisée, elle est aujourd'hui divisée.
Vous aviez promis une République exemplaire, elle est aujourd'hui délétère. Les Français rejettent votre politique. Alors, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous reconnaître vos erreurs et changer de politique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Monsieur le député, vous nous interrogez, vous aussi, sur la trajectoire des finances publiques.
Vous le faites avec un esprit de nuance que je veux saluer (Sourires sur les bancs du groupe SRC), qui ne ressemble pas, d'ailleurs, à celui qu'est censée porter votre famille politique, dont j'ai cru comprendre qu'elle était parfaitement au centre. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.) Mais elle n'est pas au centre de la rigueur dans l'analyse de la situation budgétaire et économique.
Monsieur Vigier, vous qui vous préoccupez de la situation du chômage, je vous rappelle qu'au cours des cinq dernières années, vous avez soutenu un gouvernement qui a créé 700 000 chômeurs de plus. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Pendant cinq ans, vous avez soutenu un gouvernement qui a laissé la dette doubler (Mêmes mouvements), et les dépenses déraper de 2,3 % entre 2002 et 2007 et de 1,7 % entre 2007 et 2012. Eh bien, le gouvernement que vous avez en face de vous, c'est le gouvernement de la maîtrise des dépenses publiques. (Vives exclamations et rires sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Parce que l'évolution des dépenses publiques est de 0,7 % cette année, soit quatre fois moins que lorsque vous étiez en situation de responsabilité. (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La dépense de l'État a diminué de 300 millions d'euros cette année. Citez-moi une année, lorsque vous gouverniez, où la dépense publique a été maîtrisée à ce point ! (Mêmes mouvements.)
Le déficit structurel a diminué de 1,2 % l'an dernier et diminuera de 1,8 % cette année et de 1 % l'an prochain. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Pouvez-vous citer une année où vous auriez affiché un tel résultat lorsque vous étiez aux responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous sommes déterminés à créer les conditions du rétablissement des comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et ce ne sont pas vos opérations d'enfumage hebdomadaires qui nous empêcheront de le faire. À la fin du quinquennat, nous aurons réussi ce que vous n'avez pas réussi à faire, c'est-à-dire le redressement des comptes publics. (De nombreux députés du groupe SRC et écologiste se lèvent et applaudissent vivement. – Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré ce matin sur une grande station de la radio publique qu'il n'y avait « pas de taxe écologique prévue en 2014 ». Permettez-nous de nous interroger sur ce que nous pourrions prendre pour un revirement en matière de fiscalité écologique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
En effet, vous aviez vous-même déclaré, lors de la Conférence environnementale : « Il faut engager la réforme fiscale écologique sans tarder car pour la France, le constat est sévère. Nous sommes à l'avant-dernière place des pays de l'Union européenne ». C'est en effet un constat affligeant, qui démontre l'inaction de vos prédécesseurs.
Mme la ministre de l'environnement a affirmé, en novembre, que le Gouvernement proposerait des mesures dans le projet de loi de finances pour 2014, sur la base de la feuille de route de la Conférence environnementale. Elle a également précisé que les 3 milliards annoncés pour 2016 s'ajouteront à ces mesures.
Elle a en outre indiqué à plusieurs reprises que l'alignement progressif de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence était une question de santé publique et que cet alignement était, selon ses propres termes, « incontournable ». Et pour cause puisque, vous le savez, l'OMS estime à 42 000 par an le nombre de décès dus aux particules fines.
Les écologistes attendent depuis longtemps maintenant que l'on passe des grands discours aux actes concrets.
Alors, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous préciser les déclarations que vous avez faites ce matin et nous rassurer sur la volonté du Gouvernement d'enclencher, dès 2014, le rattrapage du retard que nous avons en matière de fiscalité écologique ? Pouvez-vous en particulier nous confirmer que dès 2014, des mesures seront prises s'agissant du diesel car la santé de nos concitoyens ne peut attendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Et des impôts !
Madame la députée, je veux vous préciser, avec son plein accord, que les propos du Premier ministre ce matin sont évidemment en ligne avec les déclarations du Président de la République selon lesquelles il n'y aura pas de hausse généralisée des impôts sur les ménages, en dehors de la refonte en 2014 des taux de TVA, déjà votée par cette assemblée. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)
Cela ne signifie pas – loin s'en faut – qu'il n'y aura pas de mesures de fiscalité écologique. Je puis au contraire vous indiquer qu'il y en aura dans le projet de loi de finances pour 2014, en particulier s'agissant des entreprises et de la réduction de certaines niches fiscales.
J'ajoute que, dans la refonte des taux de TVA, sur laquelle je suis prêt à écouter le Parlement, nous prendrons en compte cette dimension écologique dans le cadre, bien sûr, d'un rendement qui doit être inchangé.
Vous savez, en outre, que les effets combinés du crédit d'impôt compétitivité emploi et de la TVA ont fortement bénéficié aux secteurs du développement durable – à hauteur de 170 millions d'euros – , en particulier ceux de l'eau et des déchets.
Enfin, je veux vous indiquer que, dans le cadre du plan d'aide au logement, nous avons aussi pris en compte cette dimension. Je pense au crédit d'impôt en faveur du développement durable ou bien à tout ce qui concerne les crédits d'impôt liés aux prêts à taux zéro.
La fiscalité écologique est au coeur de la politique du Gouvernement. Et elle sera prise en compte dès le projet de loi de finances pour 2014, sans pour autant modifier le montant des prélèvements obligatoires. En outre, des travaux ont été confiés à un comité présidé par M. Christian de Perthuis, qui associe aussi bien le ministère des finances que le ministère du développement durable.
Croyez, madame la députée, à la volonté politique du Gouvernement tout entier d'aller dans le sens de la fiscalité écologique, et ce dès 2014. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.)
La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, le mensonge est la marque de fabrique du quinquennat de François Hollande. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Mensonge de François Hollande aux Français, les yeux dans les yeux, rappelez-vous : "Moi, Président de la République, je vous l'affirme, grâce aux mesures que nous prendrons la croissance sera de 1,7 % en 2013". (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La réalité ? La France est aujourd'hui en récession.
Mensonge de François Hollande aux Français, les yeux dans les yeux, rappelez-vous : "Moi, Président de la République, je ferai baisser le chômage dès la première année de mon élection". (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La réalité ? 300 000 chômeurs de plus en moins d'un an. Les salariés de Pétroplus, de Florange et de toutes les entreprises de France mesurent aujourd'hui le prix de votre cynisme électoral.
Mensonge de François Hollande aux Français, les yeux dans les yeux, rappelez-vous : "Moi, Président de la République, je ne diviserai plus jamais les Français". (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La réalité ? Des centaines de milliers de manifestants dont vous violez les consciences avec ce simulacre de mariage et l'adoption d'enfants mineurs par deux hommes ou deux femmes que vous voulez imposer à notre nation.
Mensonge de François Hollande aux Français, les yeux dans les yeux, rappelez-vous : "Moi, Président de la République, mes ministres seront irréprochables". (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La réalité ? M. Cahuzac passe aux aveux !
Avec ce dernier mensonge, monsieur le Premier ministre, vous avez perdu avec François Hollande le reste de votre crédibilité.
Lors de la constitution de votre gouvernement, vous avez proposé au Président de la République la nomination au ministère du budget de Jérôme Cahuzac, lequel a déclaré hier soir au sujet de François Hollande : "j'ignore quel était son degré de connaissance de cette affaire". (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
De deux choses l'une, soit vous n'étiez pas informés de ce délit et cela fait de vous et de François Hollande des hommes incapables de protéger et de défendre les intérêts de la France, soit vous étiez informés de la situation et vous avez alors manoeuvré afin de maintenir secret ce compte illicite de Jérôme Cahuzac.
Dans les deux cas, vous auriez déjà dû remettre votre démission. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il est encore temps aujourd'hui d'assumer vos responsabilités pour sauver votre majorité de ce naufrage et ce désastre moral.
Quand allez-vous dire la vérité aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le Premier ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, vous pouvez insinuer ce que vous voulez, cela ne sert à rien !
Je vous demande un minimum de respect pour le Président de la République,dans l'intérêt du fonctionnement de nos institutions et de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Vous insinuez, vous dénigrez, vous salissez : n'avez-vous rien d'autre à dire ? Vous croyez-vous digne ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Imaginez-vous un instant que Jérôme Cahuzac aurait été nommé membre du Gouvernement si le Président de la République ou moi-même avions eu la moindre information à son encontre ? Vous vous moquez du monde (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste) et vous insultez non seulement le Président de la République et le Gouvernement mais aussi les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur certains bancs du groupe GDR.)
Vous insinuez que nous aurions su.
Plusieurs députés du groupe UMP. Mais oui !
Mais si le mensonge dont vous avez été les témoins ici même a été avoué – insulte non seulement à la représentation nationale mais aussi aux Français –, si la vérité a éclaté, mesdames, messieurs les députés, c'est que la justice, après la presse, a fait son travail en toute indépendance. Il est là le changement, le vrai changement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur quelques bancs du groupe RRDP.)
Nous savons tous les pressions qui ont été exercées sur la presse dans le passé, c'est-à-dire il y a quelques mois. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Dans quelques semaines, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement adoptera un projet de loi visant à renforcer la protection des sources des journalistes. Nous verrons bien ce que vous serez capables de voter, mesdames, messieurs de l'opposition.
Et il y a une deuxième chose qui constitue un tournant. Vous l'avez oubliée, monsieur le député, et je vais vous la rappeler simplement. C'est qu'aujourd'hui, la justice dans notre pays fonctionne en toute indépendance. Lorsque le procureur de la République de Paris a décidé d'ouvrir une enquête préliminaire, il l'a fait sans demander d'autorisation à quiconque puisque, aujourd'hui, aucune instruction n'est donnée aux procureurs. C'est en toute indépendance qu'ils font leur travail au nom de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
C'est après avoir perquisitionné, après avoir auditionné, après avoir lancé des commissions rogatoires, que le procureur de la République, ayant fait expertiser l'enregistrement, a établi qu'il s'agissait bien de la voix de Jérôme Cahuzac. Ensuite, il n'a pas hésité un instant : il a ouvert une information judiciaire contre X – et non contre personne dénommée. Et aussitôt, le Président de la République et moi-même avons demandé à Jérôme Cahuzac de quitter ses fonctions car il était manifeste qu'il s'agissait de lui.
Le 8 janvier a débuté cette enquête préliminaire. Le 19 mars, Jérôme Cahuzac a quitté ses fonctions.
Faites donc une comparaison avec ce qui s'est passé dans la période précédente et vous verrez la différence ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur quelques bancs du groupe RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous verrez qu'aujourd'hui, la démocratie fonctionne, que la République est respectée et que la justice est indépendante.
Vous verrez aussi, mesdames et messieurs les députés de l'UMP, que le Parlement lui-même est respecté.
Nous n'avons aucune inquiétude. La commission d'enquête demandée par le président Borloo sera créée et chacun répondra et dira la vérité, comme nous l'avons fait jusqu'à présent. Oui, la démocratie parlementaire sera respectée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Quel contraste avec la période passée ! Je suis bien placé pour vous le dire. Avez-vous la mémoire courte, monsieur le député ? Moi, je n'ai pas la mémoire courte. Je sais ce que vous avez fait à chaque fois que le groupe socialiste demandait la création d'une commission d'enquête. Nous avons demandé une commission d'enquête sur l'affaire de Karachi, vous l'avez refusée ! Nous avons demandé une commission d'enquête sur les sondages de l'Élysée, vous l'avez refusée ! Nous avons demandé une commission d'enquête sur l'affaire Tapie, vous l'avez refusée ! (Mesdames et messieurs les députés des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent.)
Maintenant, le changement, c'est que les droits du Parlement sont respectés. Le changement, c'est aussi, mesdames, messieurs de l'UMP, que la justice s'est saisie et qu'elle pourra dire la vérité. (Mesdames et messieurs les députés des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent. – « Démission ! » sur quelques bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, M. Meunier a pu poser sa question dans le silence alors même que son contenu aurait pu être considéré comme relevant de l'article 73, alinéa 5 de notre règlement. Je vous demande aux uns et aux autres d'en prendre conscience et vous invite à écouter dans le silence les réponses qui sont faites. Nous ne pourrons pas continuer comme cela sinon.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, le 9 avril dernier, un trafic d'armes de guerre a été démantelé par les services de gendarmerie de la section de recherches de Versailles. Dès le lendemain, vous vous rendiez à l'aéroport de Roissy pour les féliciter de cette saisie importante.
Au-delà des chiffres, l'accès aux armes progresse de façon inquiétante. L'offre rencontre une demande croissante et révèle de nouveaux réseaux de diffusion, très structurés, qui ne sont plus le domaine réservé des organisations mafieuses traditionnelles mais gagnent, par effet de mimétisme, les quartiers sensibles.
La nature des armes mises en circulation transforme les usages criminels qui en sont faits et le profil des délinquants qui les utilisent. Ces armes de type militaire se retrouvent entre les mains de délinquants plus jeunes, dans des territoires fragilisés sur le plan économique et social. Elles mettent donc plus que jamais en péril la sécurité de nos concitoyens, ainsi que celle des forces de l'ordre, qui sont directement exposées et ne disposent pas toujours des moyens de protection adéquats.
L'Office central de lutte contre le crime organisé identifie deux voies d'entrées sur le territoire français : le sud de l'Europe via l'Italie, et le nord de la France via la Slovénie, l'Autriche et l'est de la France. Nous connaissons la provenance principale de ces armes, qui puise son stock dans le pillage des dépôts d'équipements des forces militaires ou de sécurité des pays des Balkans.
La représentation nationale salue unanimement le travail de fourmi, long, méthodique et minutieux et se félicite de l'efficacité de nos services. Or, la lutte contre ce phénomène requiert aussi une coordination des forces de police à l'échelle européenne, notamment dans le cadre d'EUROPOL et d'INTERPOL.
À ce titre, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rappeler quelle est votre action au sein du Gouvernement en matière de lutte contre les trafics d'armes, et nous éclairer sur la coopération internationale en vue de neutraliser les filières en amont de l'entrée des armes sur le territoire national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la députée, chaque année, près de 4 000 armes sont découvertes ou saisies en France.
Comme vous, je veux saluer le travail des enquêteurs, ainsi que je l'ai fait à Roissy la semaine dernière. Une quarantaine d'armes ont été saisies à Gonesse par la section de recherches de la gendarmerie de Versailles, dont une dizaine de fusils d'assaut.
Les armes, et notamment les armes de guerre, ne sont plus réservées au grand banditisme : elles sont présentes dans les quartiers, entre les mains de délinquants en tous genres, dont des trafiquants de stupéfiants.
Nous prenons bien évidemment toute la mesure de ce fléau. La lutte contre le trafic d'armes est au coeur de la politique que nous menons en matière de sécurité.
Ce type de saisie, vous le disiez, nécessite un travail de plusieurs mois, des investigations poussées, des filatures. Il faut du temps et de la patience pour remonter les filières. Ces armes, souvent en provenance des Balkans, circulent, traversent les frontières. C'est pourquoi le travail de coopération entre polices européennes est tout à fait essentiel. Les services français sont ainsi mobilisés pour collaborer pleinement avec INTERPOL et EUROPOL.
Sous la précédente législature, l'Assemblée nationale s'est saisie de cette question complexe, avec la création d'une mission d'information sur les violences par armes à feu, présidée par M. Bruno Le Roux, désormais président du groupe socialiste. Il s'en est suivi la loi du 6 mars 2012, votée à l'unanimité, pour renforcer le contrôle des armes. Nous devons progressivement faire monter en puissance cette politique.
Enfin, dans le cadre des zones de sécurité prioritaires, et pas seulement à Marseille, nous assistons à un véritable développement de ces trafics, ainsi que je vous le disais il y a un instant. Nous avons besoin, et c'est une priorité pour nous, de démanteler ces réseaux liés au trafic des stupéfiants, qui malheureusement tuent.
Vous pouvez donc compter sur notre totale détermination, car cela constitue pour nous une priorité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Le Gouvernement a examiné, mercredi dernier, le projet de loi de décentralisation et de réforme de l'action publique. Celui-ci est désormais scindé en trois, ajoutant de l'incohérence dans une démarche qui devrait pourtant faire cohésion.
Vous prévoyez de créer dès demain les métropoles, et également des métropoles à statut particulier, pour examiner dans un deuxième temps le rôle des régions, puis les solidarités et la démocratie locale.
En découpant ainsi ce projet de loi, vous repoussez le débat sur la volonté politique qui conduit la décentralisation, tout en imposant au plus vite des méga-métropoles. Vous faites donc passer l'exception avant la règle, et vous n'abrogez toujours pas la loi du 16 décembre 2010 que nous avons combattue ensemble !
Le référendum organisé il y a quinze jours en Alsace, comme celui de Corse en 2003, démontrent l'attachement des citoyens à leurs collectivités territoriales.
La métropole imposée dans les Bouches-du-Rhône n'est en rien justifiée par la situation de Marseille.
Elle trouve sa source, au contraire, dans la volonté libérale européenne de déstructurer les États, de réduire par force les dépenses publiques et de mettre fin au service public local.
C'est à ce point vrai que nous n'en connaissons pas les financements. Et pour cause ! Le seul souci est d'agrandir l'aire pour mutualiser la dette de Marseille.
Madame la ministre, 109 maires des Bouches-du-Rhône sur 119, dont certains sont présents dans cet hémicycle, sont opposés à cette construction métropolitaine centralisatrice.
Vous avez déclaré, lors de la présentation de votre projet de loi, que vous ne le faisiez pas à l'attention de l'Union des maires, mais dans l'intérêt des citoyens. Dans ce cas, veuillez accepter d'organiser un référendum à l'échelle de chaque EPCI !
Je vous demande, madame la ministre, de surseoir à ce projet dans son ensemble.
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le député, tout d'abord, le projet de loi a certes été présenté en trois parties, mais comme vous le savez, l'article 1er – à mon sens le plus important, comme l'a confirmé le Premier ministre – concerne la solidarité des territoires, les chefs de file et les compétences liées entre les régions et les autres territoires.
Concernant Marseille, vous avez eu l'amabilité, monsieur Charroux, de me faire visiter une partie de cette grande aire urbaine. Le Premier ministre, dès le 8 septembre, a décidé un plan global d'action pour faire face à de nombreux problèmes, sur lesquels je reviendrai.
L'État conduit Fos, l'aérodrome, l'aéroport, Gardanne, ITER, c'est-à-dire tous les grands outils qui font de cette grande aire urbaine un grand espoir pour la France. Ainsi que je vous l'ai déjà dit, monsieur Charroux, l'État ne peut pas continuer à porter ces outils – aux dépens d'autres en France, bien évidemment – si nous ne réussissons pas ensemble, le Gouvernement et les maires de cette grande aire métropolitaine qui va d'Aix à Marseille et de Martigues à Aubagne, à mettre en cohérence ce que demandent 1,8 million de citoyens : de meilleurs transports, du logement, du développement économique, de l'emploi.
Nous avons récemment perdu un marché sur Fos, et nous ne voulons pas que cela continue. Pourquoi perdons-nous des marchés, et donc des emplois, monsieur Charroux ? Pourquoi les salariés se plaignent-ils de leurs déplacements domicile-travail ? C'est parce que nous n'avons pas encore trouvé la bonne aire pour gérer ensemble ces grandes questions.
Si certaines intercommunalités travaillent ensemble, monsieur Charroux, avec des dotations supplémentaires de l'État, cela vaut le coup pour leurs populations et pour la France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Damien Meslot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, hier soir, à vingt-deux heures, quatre députés du groupe UMP, Alain Chrétien, Jean-Marie Sermier, Marcel Bonnot et moi-même, rentrions à nos bureaux à l'Assemblée nationale par le quai d'Orsay quand nous nous sommes vu interdire l'accès à l'Assemblée nationale par un cordon des CRS. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je me suis approché des fonctionnaires de police en montrant ma carte de député. Mais quelle ne fut pas ma surprise de recevoir un coup de bouclier pour toute réponse (Murmures sur les bancs du groupe SRC), puis de voir un deuxième fonctionnaire sortir une bombe lacrymogène à laquelle nous n'avons échappé que grâce à l'arrivée rapide des caméras de télévision. Le député Marc Le Fur a été également bousculé. (« Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Comment peut-on expliquer que des CRS qui bloquaient tous les accès à l'Assemblée nationale aient refusé à des députés du groupe UMP de rejoindre leurs bureaux ? Quelle disproportion entre un dispositif policier massif et extrêmement fébrile et le caractère très pacifique des manifestants qui chantaient La Marseillaise !
Bien évidemment, ce ne sont pas les fonctionnaires de police que je souhaite mettre en cause mais je ne peux que m'interroger sur les ordres qui ont été donnés.
Monsieur le ministre, avez-vous donné des consignes aussi strictes pour créer des incidents afin d'essayer de déconsidérer les manifestants de la Manif pour tous ?
Trouvez-vous normal que des députés de l'opposition soient molestés alors qu'ils retournent à leurs bureaux ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.) Est-ce comme cela que les choses doivent se passer dans une démocratie ?
Pour tout vous dire, je préférerais voir les policiers dans les rues de nos villes pour lutter contre la délinquance plutôt que dans les rues de Paris pour s'en prendre aux manifestants qui défendent la famille et ses valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, allez-vous nous présenter des excuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, j'ai reçu hier les organisateurs des manifestations et nous sommes convenus à la fois des conditions d'organisation de ces manifestations et des différents parcours pour que les choses puissent se passer de la manière la plus pacifique qui soit. En général, ces consignes ont été respectées hier. Toutefois, il y a eu trente-neuf interpellations puisque, après vingt-deux heures, certaines personnes n'ont respecté ni les consignes de dispersion, ni celles de la police.
Évidemment, je n'ai pas besoin de rappeler que les parlementaires comme les collaborateurs de l'Assemblée nationale peuvent avoir accès à l'Assemblée nationale en présentant leur carte.
Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n'est pas vrai !
Je veux simplement rappeler que le 12 avril dernier, au Sénat, il y a eu une volonté de rentrer dans l'enceinte de la Haute Assemblée. D'où les mesures de sécurité qui ont été prises. Je veux rappeler que, depuis le 12 avril, trente-cinq militants identitaires de l'extrême droite ont été interpellés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je veux rappeler qu'au moment où je vous parle, des parlementaires, de la majorité comme de l'opposition, parce qu'ils se sont engagés à voter le projet de loi, reçoivent des menaces de mort. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, vous qui parlez d'ordre, je suis étonné que vous critiquiez sans cesse les forces de l'ordre qui sont là pour assurer la sécurité des citoyens, la sécurité des institutions républicaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je peux vous dire une nouvelle fois que le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement non seulement préserveront la liberté de parole, la liberté de manifestation, bref ce qui est au coeur de notre pacte républicain, mais aussi l'ordre républicain. Je le redis aux députés de l'opposition : leur rôle c'est de faire en sorte que les choses se passent bien et que l'ordre républicain soit préservé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Kléber Mesquida, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre délégué chargé du budget, l'évasion fiscale est un fléau invisible, un système opaque qui fait des ravages en silence et fait s'enrichir des intermédiaires au détriment des États et donc des citoyens.
La lutte contre les paradis fiscaux est une priorité. C'est un combat pour la démocratie qui vise avant tout à restaurer l'égalité des contribuables devant l'impôt.
Selon un rapport du Sénat, le montant de l'évasion fiscale en France serait de l'ordre de 36 à 50 milliards d'euros. Autant de milliards soustraits au budget de l'État et donc aux Français.
Le 10 avril, le Président de la République a exprimé sa forte et pleine détermination à lutter contre les paradis fiscaux. Aujourd'hui, la France peut être le premier État à imposer ses obligations à ses banques, mesure réclamée depuis longtemps par les ONG.
Notre pays doit être force de propositions au niveau européen pour que tous les pays d'Europe pratiquent l'échange automatique d'informations, créant ainsi une vraie coopération fiscale et judiciaire entre les États.
Nous pourrions nous inspirer des États-Unis qui, par le dispositif FATCA, obligent les banques à signaler automatiquement à l'administration fiscale tout détenteur de comptes bancaires ou revenus à l'étranger.
Aussi, j'invite la droite, qui jusqu'à ce jour s'est opposée à toute disposition visant à plus de transparence, à nous rejoindre dans cette volonté de lutter contre ce fléau que constitue l'évasion fiscale et qui pénalise l'ensemble des Français.
Monsieur le ministre, au-delà de la volonté déclinée par le Président de la République, quelle stratégie le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour aboutir dans cette lutte salutaire contre les paradis fiscaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, vous insistez, à juste titre, sur la nécessité d'intensifier la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux.
Je veux rappeler quelques chiffres simples. Au cours de l'année 2012, les efforts réalisés par l'administration fiscale et le Gouvernement ont permis d'augmenter de 2 milliards les montants prélevés sur des contribuables qui n'avaient pas respecté un certain nombre de règles de droit et avaient choisi la fraude fiscale plutôt que le respect de leur obligation de citoyen.
Nous avons l'intention d'intensifier la lutte contre la fraude fiscale. Je voudrais vous indiquer quelques-unes des actions que nous allons engager dans la continuité de ce qu'a déjà fait le Gouvernement, à la faveur de la loi de séparation des activités bancaires. En effet, désormais l'ensemble des banques qui ont des activités à l'étranger, notamment dans les paradis fiscaux, seront obligées de les détailler et de les rendre publiques. De la même manière, une institution financière qui constatera des mouvements financiers opaques ou suspects sera obligée de les signaler à Tracfin.
Nous avons l'intention d'aller beaucoup plus loin en mettant désormais sur la liste des États et territoires non coopératifs des États avec lesquels nous avons parfois signé des conventions qui ne sont pas respectées. Il ne suffit pas de signer une convention pour ne plus figurer la liste des territoires et des États non coopératifs.
Nous avons également l'intention de prendre des initiatives très fortes au plan européen dans le cadre notamment de la directive sur l'épargne : harmonisation des taux de fiscalité, mise en place de conventions d'échanges d'informations à l'échelle de l'Union européenne qui permettront aux pays de l'Union européenne de se communiquer toutes les informations dont ils disposent concernant les comptes de déposants de l'Union sur leur territoire.
Enfin, comme vous l'avez signalé, il faut que l'Union européenne soit investie d'un mandat de signature de conventions de type FATCA avec l'ensemble des pays tiers de l'Union européenne qui permettront d'avoir toutes les informations dont nous avons besoin pour lutter efficacement contre la fraude fiscale. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jacques Lamblin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Avant de poser une question à Mme la garde des sceaux, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de rappeler à l'ordre Harlem Désir, chef des socialistes. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Cet individu n'a pas à amalgamer moralisation de la vie publique et limitation du cumul des mandats. Il n'y a rien d'immoral à être député-maire. J'en suis fier, comme le sont les deux cent cinquante députés-maires de cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Qu'il vous conseille en matière de moralisation de la vie publique, soit. On sait bien que les anciens braconniers sont les meilleurs gardes-chasse. En revanche, qu'il nous donne des leçons de morale, non. Dites-lui d'arrêter !
J'en viens à vous, madame la ministre.
Vous avez la mission de faire passer en force la loi sur le mariage homosexuel. Autrement dit, vous avez décidé, avec le Gouvernement, de balayer d'un revers de main les deux plus grandes manifestations du XXIe siècle en France, la plus grande des pétitions, une demande dans les règles de référendum et de grand débat national. Rien que cela ! Décidée à n'écouter personne, vous vous entêtez, et pour arriver à vos fins, vous rusez en permanence, éludant les questions gênantes.
Alors, aujourd'hui, devant la France attentive, pouvez-vous répondre enfin à deux questions ?
Première question : faut-il accorder, en France, aux couples homosexuels, le droit à la procréation médicalement assistée ?
Deuxième question : faut-il légaliser en France les mères porteuses ?
Madame la garde des sceaux, répondez à ces deux questions sans biaiser, sans ruser. Toute la France vous observe et vous écoute, comme elle écoutait naguère Jérôme Cahuzac. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, vous pratiquez un mélange des genres qui vous déshonore personnellement et je vous en tiens seul responsable. Je ne suis pas intimidée par le ton péremptoire de votre interpellation. Vous avez le droit d'être obstinément sourd. Nous avons bien compris que nous ne parviendrions pas à faire votre bonheur. Pendant quinze jours, vous nous avez dit de laisser le Parlement passer à d'autres sujets et vous êtes mécontent que le Gouvernement veille à l'achèvement de l'examen de ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Peut-être n'avez-vous pas suivi les débats, mais pendant deux semaines à l'Assemblée nationale, pendant huit jours au Sénat, ces questions sur la PMA et sur la GPA ont été posées de façon itérative, presque comme sur un disque rayé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je dois reconnaître, cependant, que les sénateurs ont été beaucoup plus mesurés. Ils ont entendu les réponses qui leur étaient faites et ils s'en sont satisfaits. Vous voulez toujours nous faire un débat sur le débat.
Sur l'assistance médicale à la procréation, le Premier ministre s'est déjà exprimé : ce sujet sera traité dans le texte sur la famille, après que le Gouvernement aura pris connaissance du rapport du Conseil consultatif national d'éthique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Sur la gestation pour autrui, monsieur le député, vous ne me ferez pas croire que vous ne connaissez pas le code civil et que vous ne savez pas qu'il énonce très précisément l'indisponibilité du corps humain : c'est un principe d'ordre public, c'est-à-dire sans exception possible. Que cela vous déplaise ou non, le Président de la République s'est prononcé : il n'y aura pas de texte pendant son quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes écologiste et GDR.)
La parole est à Mme Valérie Corre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Madame la ministre, les dernières semaines l'ont rappelé, la liberté de la presse est un pilier essentiel d'une société démocratique.
Pour garantir l'indépendance de la presse et sa qualité, il est indispensable que son activité soit assise sur une solidarité économique et sur un réseau de distribution viable.
Le fort recul des volumes de vente en kiosque, conséquence notamment des mutations technologiques qui affectent les médias à travers le monde et de l'attentisme du précédent gouvernement, ont menacé la survie de Presstalis.
En lien avec Michel Sapin, le ministre du travail, vous vous êtes saisie de ce dossier difficile pour tenter d'apporter des réponses durables aux difficultés de Presstalis, alors que 1 200 emplois étaient menacés et que les mouvements de grève s'amplifiaient.
Ainsi, vous avez confié le 8 février dernier une mission de médiation à Raymond Redding. Le dialogue social, la mobilisation des partenaires sociaux et des éditeurs de presse ont permis d'élaborer des accords permettant de protéger Presstalis et de garantir la poursuite de l'activité de distribution de la presse.
Les solutions proposées permettent de renforcer le plan industriel défini par l'accord du 5 octobre dernier.
Madame la ministre, sur ce dossier aussi, le Gouvernement a su se saisir courageusement d'une question sensible pour garantir le dialogue social et permettre l'implication des partenaires afin d'élaborer des solutions efficaces et durables.
Pouvez-vous nous indiquer quelles sont les conclusions de cette médiation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La situation de Presstalis, entreprise qui s'occupe de la distribution de la presse en France, vous le savez, est difficile.
Nous avons trouvé, en juillet dernier, une situation marquée par une dégradation de 25 %, sur les cinq dernières années, des volumes distribués. De manière extrêmement rapide, je me suis saisie de ce dossier pour mettre en place un projet industriel. Un accord a été signé le 5 octobre dernier, qui prévoyait un certain nombre de réorganisations au sein de l'entreprise Presstalis. C'est un enjeu majeur pour la diffusion de la presse et donc pour son pluralisme dans notre pays.
Mais cet accord du 5 octobre dernier prévoyait évidemment un certain nombre de mesures sociales, qui ont entraîné des difficultés dans la distribution de la presse au cours de l'hiver dernier. C'est pourquoi, avec Michel Sapin, nous avons confié, le 8 février dernier, une mission de médiation à Raymond Redding. Cette mission est un succès, et nous pouvons tous nous en féliciter. Nous avons pu éviter de nouveaux heurts sociaux majeurs, qui auraient compromis gravement à la fois la survie de Presstalis, celle de certains titres de presse et le dialogue social.
Nous avons agi avec le souci constant du dialogue social. L'entreprise Presstalis va pouvoir repartir sur de bons rails, avec un plan de réorganisation qui prévoit 500 départs, mais des départs volontaires, et des mesures d'âge pour les plus de cinquante-cinq ans. Il n'y aura donc aucun départ contraint.
De plus, la situation des kiosquiers sera elle aussi abordée avec finesse et précision, pour préserver cet échelon indispensable de la distribution de la presse. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Luc Reitzer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs jours, la nouvelle priorité de votre gouvernement semble être la prétendue « moralisation de la vie politique ». Notre priorité à nous, membres de l'opposition, c'est la France, la France et son agriculture, la France et ses entreprises, la France et ses familles.
En septembre dernier, vous affirmiez que « neuf contribuables sur dix ne [seraient] pas touchés par des augmentations d'impôts supplémentaires ». Tromperie, malheureusement !
Pour ses voeux, le Président de la République et le désormais célèbre ex-ministre du budget renchérissaient : « Promis, c'est fini, plus de hausses d'impôts ! »
Mensonge, malheureusement !
En 2014, chacun le sait, les prélèvements obligatoires atteindront le niveau record de plus de 46 % du produit intérieur brut. Du jamais vu. Et le pire, c'est que vous avez dans votre viseur, pour des raisons idéologiques, les familles.
Monsieur le Premier ministre, la baisse du plafond du quotient familial, c'est vous et votre majorité. Le rabotage des emplois familiaux, la baisse annoncée des allocations familiales, c'est vous et votre majorité. Or ce sont nos enfants qui garantissent la continuité et la pérennité de la nation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Remettre en cause l'universalité de ces aides serait un contresens historique car vous démantelez une politique sociale et familiale héritée du Conseil national de la Résistance qui a contribué à la croissance exceptionnelle de la France, notamment pendant les présidences du général de Gaulle et de Georges Pompidou.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous oui ou non revenir sur cette politique familiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, le Gouvernement est très attaché à la politique familiale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Mais nous n'agissons pas en pensant aux familles des années cinquante et 60 ; nous pensons aux familles du XXIe siècle. Notre volonté est de faire en sorte que toutes les familles trouvent un appui auprès des pouvoirs publics. C'est pourquoi nous affirmons très clairement et très fortement que pour que toutes les familles de France puissent aller de l'avant avec confiance, nous avons besoin de revoir notre politique familiale afin qu'elle réponde mieux aux attentes de nos concitoyens et en particulier aux attentes des femmes qui travaillent.
C'est pourquoi nous voulons conforter les familles des classes moyennes et des catégories populaires. Nous allons le faire en mettant en avant trois principes.
Le premier est la reconnaissance de toutes les familles et, contrairement à ce que vous avez avancé, monsieur le député, toutes les familles continueront de percevoir des allocations familiales qui ne seront pas imposables.
Le deuxième principe, que vous ne semblez pas partager, c'est celui de la justice. Il n'est pas juste que les familles les plus aisées perçoivent autant d'allocations familiales que les autres et nous l'assumons clairement : les familles les plus aisées doivent percevoir moins d'allocations. Dans le même temps, nous mettrons en place des mesures fortes en direction, en faveur, des familles monoparentales, c'est-à-dire principalement des femmes qui élèvent seules leurs enfants.
Enfin, le troisième principe est celui de l'accompagnement et du soutien aux femmes qui travaillent, en développant des places en crèche et en permettant à l'école d'accueillir les enfants de moins de trois ans.
Comme vous le voyez, monsieur le député, la justice est au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Nicolas Bays, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
J'associe notre collègue Jean-Pierre Dufau à cette question.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, les yeux du monde sont rivés sur le Mali où, dans le cadre de l'opération Serval, la France, ses partenaires africains et la communauté internationale protègent la liberté d'un peuple ami.
En Afrique centrale, un autre pays est le théâtre d'une instabilité préoccupante. Il s'agit de la République centrafricaine. À la fin du mois de mars, le président Bozizé a été renversé par un mouvement rebelle, la Séléka. Le chef des rebelles, Michel Djotodia exerce depuis lors les fonctions de président.
La situation à Bangui et en Centrafrique est aujourd'hui chaotique. Un climat d'insécurité s'est instauré alors que les pillages, les tirs et les exactions se multiplient, transposant dans la rue les rivalités politiques et militaires des derniers mois.
Monsieur le ministre, la France soutient l'initiative de la Communauté économique des États d'Afrique centrale, actuellement sous présidence tchadienne. Un sommet doit se tenir demain à N'Djaména et le président Déby organise des discussions pour définir les conditions d'une sortie de crise consensuelle permettant d'aplanir les conflits entre les différentes parties.
Ces démarches sont essentielles pour rétablir la sécurité en République centrafricaine et dans l'ensemble de la zone.
Mes chers collègues, nos ressortissants à Bangui y sont particulièrement sensibles. À travers la gestion de ce dossier, la majorité de gauche prouve une fois de plus qu'elle rompt avec une conception datée de la politique africaine. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, comment la France entend accroître la mobilisation de la communauté internationale pour bâtir une solution stable de nature à résoudre la crise qui secoue la République centrafricaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député Bays, vous posez une question totalement légitime. J'ai eu en fin de matinée, au téléphone, notre ambassadeur à Bangui.
Je puis ainsi vous faire part de l'état de la situation.
Sur le plan de la sécurité, la situation est extrêmement tendue et inquiétante. Nous Français – et mes services travaillent en liaison avec ceux du ministère de la défense –, disposons de deux compagnies sur place et d'une compagnie à Boali. Elles tiennent l'aéroport, ce qui est très important pour assurer la fluidité du trafic. Elles circulent en ville, assurent la sécurité des points de ravitaillement et, bien sûr, protègent l'ambassade. Quant aux forces multilatérales de la FOMAC, elles rencontrent des difficultés.
D'après les renseignements fournis par notre ambassadeur, on constate de nombreux pillages, de nombreux morts et une très grande inquiétude.
Sur le plan politique – et tout vient de là –, le chef d'État autoproclamé, M. Djotodia, a annoncé des mesures qui ne changent pas la réalité de la situation. Le Premier ministre essaie pour sa part de travailler autant qu'il le peut dans le bon sens.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le député, demain aura lieu à N'Djamena une réunion concernant l'ensemble de l'Afrique centrale. La France a déclaré qu'elle était évidemment disponible pour appuyer tout effort pour en revenir à la stabilité ; mais il faut mettre en place des autorités légitimement reconnues, ce qui n'est pas le cas du président actuel.
Sécurité, stabilité, liberté, voilà le triptyque sur lequel nous allons continuer de travailler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Alain Chrétien, député de Haute-Saône, s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.
Depuis des mois, l'élevage français périclite. Il a traversé des crises sanitaires et ses cours sont aujourd'hui trop bas pour permettre la rentabilité des exploitations agricoles. Pour autant, les éleveurs ont redoublé d'efforts au cours de ces dernières années. Ils ont considérablement amélioré leurs outils de production : bâtiments aux normes, fosses respectueuses de l'environnement, plans d'épandage précautionneux, d'autres investissements encore. Malgré toutes ces bonnes volontés individuelles, la hausse du prix des aliments, conjuguée à l'envolée du tarif des énergies, met en difficulté les exploitations laitières les plus performantes.
Monsieur le ministre, l'élevage se meurt. N'attendons pas d'autres drames pour agir. L'élevage, c'est un savoir-faire ; l'élevage, c'est une richesse ancestrale ; l'élevage, c'est une dynamique d'aménagement du territoire. Par votre inaction, ce sont des millions d'emplois directs et indirects que vous condamnez. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Les éleveurs laitiers ont besoin de vous, monsieur le ministre. Les territoires ruraux ont besoin de vous et il y a urgence. Ce ne sont pas 1 000 unités de méthanisation qui sauveront les pâturages français.
Par des mesures simples et rapides – améliorer, par exemple, les prix lors des négociations –, vous pouvez redonner espoir et confiance. Les éleveurs sont confrontés à la problématique du prix de vente du lait et ils demandent une augmentation de 30 euros pour 1 000 litres, ce qui correspond à une hausse de 2 centimes sur le litre de lait UHT.
L'organisation d'une table ronde sur ce sujet suscite un grand espoir chez les producteurs, mais il faut des mesures concrètes, et pas seulement de belles paroles, teintées de condescendance.
Monsieur le ministre, qu'allez-vous faire pour sauver l'élevage français ? Qu'allez-vous faire pour sauver des milliers d'exploitations agricoles ? Qu'allez-vous faire pour sauver les éleveurs ? Que faites-vous pour sauver leurs familles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Madame la députée, vous avez évoqué la situation de l'élevage, et ce faisant vous avez posé deux grandes questions, celle de la conjoncture et celle des objectifs à moyen et à long termes.
S'agissant des objectifs pour l'élevage à moyen et long termes, je vous rappelle qu'un débat va avoir lieu, consécutif à la réforme de la politique agricole commune, sur la répartition de l'ensemble des aides qui sont aujourd'hui à notre disposition, pour faire en sorte de compenser la faible rentabilité du capital investi dans l'élevage et de pallier les difficultés qu'il rencontre. Voilà pour les objectifs à moyen et à long termes. Nous aurons l'occasion d'en débattre ici, à l'Assemblée nationale.
Il y a ensuite la conjoncture, marquée en particulier, à cause des aléas climatiques, par la flambée du prix des céréales, qui a conduit à une hausse très significative du prix de l'alimentation pour l'élevage. Vous avez évoqué la table ronde que j'ai organisée : pour que les grands distributeurs et les transformateurs répondent à la demande des producteurs, il est nécessaire que le Gouvernement mette tout le monde autour d'une table et pousse pour que la négociation arrive à son terme. Un médiateur est nommé, que je verrai demain. Il faut que les propositions faites par certains soient effectivement appliquées aux producteurs de manière rapide, pour répondre à la conjoncture.
Par la suite, il faudra modifier des lois que vous avez votées, qu'il s'agisse de la loi de modernisation de l'économie ou de la loi de modernisation de l'agriculture.
Je vous signale qu'avec Benoît Hamon, nous serons obligés de les modifier pour intégrer, dans les obligations de négocier, la question de l'augmentation des coûts de production. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de l'agriculture, le département de l'Allier n'a jamais été aussi agricole que ces jours derniers. Comme tous les autres départements laitiers de France, il est naturellement touché par la baisse des courbes du lait. Mais l'ensemble de la ferme bourbonnaise s'inquiète aussi de deux dossiers au sujet desquels, monsieur le ministre, vous êtes saisi depuis plusieurs mois.
Tout d'abord Candia, à Saint-Yorre : c'est l'usine la plus performante du groupe laitier, et aussi la plus moderne. Malgré cela, elle fait partie, depuis novembre dernier, des unités que le groupe a décidé de fermer. Hier encore, en compagnie du préfet de l'Allier, nous avons évoqué, avec les salariés de Saint-Yorre, des projets de reprise. Monsieur le ministre, nous avons absolument besoin d'un engagement fort du Gouvernement pour sauver cette centaine d'emplois, même si je conçois que vos marges de manoeuvre ont des limites, dès lors qu'il s'agit du secteur privé.
Il est un domaine où votre marge de manoeuvre est totale, c'est l'enseignement agricole, et c'est le deuxième sujet que je veux aborder. Votre administration a décidé de fermer le lycée agricole de Lapalisse. Cette décision a été prise avant votre arrivée au ministère, mais puisque le projet d'établissement correspond à vos orientations – qu'il a en quelque sorte anticipées – ; puisque cet établissement est, de plus, le seul établissement public de proximité dans le sud du département ; puisque, enfin, les collectivités locales, en particulier la ville de Lapalisse et le conseil général de l'Allier, soutiennent ce lycée et son projet, je vous demande, monsieur le ministre, de reporter cette décision. Bref, nous avons besoin de vous. Puis-je, pouvons-nous, compter sur vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le député, vous avez évoqué deux sujets qui concernent votre département, dont vous m'aviez saisi, et dont j'ai été également été saisi en tant que ministre.
La question de Candia concerne un site à Vichy-Saint-Yorre, mais aussi un site dans le département de la Sarthe.
Vous l'avez dit, cette coopérative, qui est de droit privé, a fait un choix stratégique que j'ai contesté auprès de son président, et que j'ai essayé de faire modifier, pour maintenir ces sites en activité. Mais elle maintient sa décision de fermer trois sites, afin de restructurer sa production.
À partir de là, monsieur le député, plusieurs réunions ont eu lieu au ministère de l'agriculture avec, en particulier, les représentants de l'État que sont les préfets des départements de l'Allier et de la Sarthe, pour mettre en place un suivi, et surtout travailler, comme vous l'avez dit – et vous avez mon appui – à une revitalisation, et surtout un réinvestissement de ces sites, compte tenu du fait qu'il s'agit d'outils performants. Nous devrons travailler ensemble, et surtout avec la coopérative, pour qu'elle nous aide à trouver des repreneurs, afin de maintenir l'activité, l'objectif étant qu'il n'y ait aucun licenciement.
Vous avez ensuite évoqué, monsieur le député, l'établissement de Lapalisse. C'est un site, et pas un lycée, qui a été fermé, vous le savez. Un regroupement s'est opéré en 2010 entre les différents centres existants. Pour des raisons qui sont liées à la carte départementale de répartition des formations, il a été décidé, avec l'inspection d'académie, de regrouper sur le site de Moulins les formations qui concernaient 100 élèves sur ce site. Toutes les formations sont maintenues et tous les emplois qui y sont liés sont également préservés.
Je le répète : nous n'avons pas fermé de lycée. Ce que je veux, moi, c'est promouvoir l'enseignement agricole et développer l'enseignement, sûrement pas fermer des lycées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Usine Candia de Saint-Yorre et lycée agricole de Lapalisse
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral (nos 923, 924), et sur le projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et des conseillers départementaux (nos 877).
Au titre des explications de vote communes, la parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre, comme je vous l'ai dit hier soir, cette semaine est une semaine noire pour le Parlement.
Non seulement nous allons reprendre les travaux sur le mariage pour tous dans la précipitation, mais vous allez de plus imposer à la France une réforme des modes de scrutin départementaux dont personne ne veut, à part vous-même et le seul Parti socialiste.
Vous envisagez de redécouper sans limite l'ensemble des cantons de France et de vous livrer au plus grand tripatouillage électoral jamais organisé depuis le début de la Ve République. Vous organisez la mort annoncée de la représentation politique des territoires ruraux. Vous allez mettre à mal un équilibre territorial auquel la France – et l'ensemble de ses élus locaux – étaient particulièrement attachés.
Vous prétendez que ce fameux binôme de votre invention est la meilleure des solutions. Franchement, comment allez-vous expliquer à nos élus locaux et à notre pays qu'un mode de scrutin prétendument si bon a été repoussé trois fois de suite par le Sénat ? Lors de trois lectures du texte, la majorité de gauche du Sénat vous a dit qu'elle ne voulait pas de ce binôme, ni du redécoupage, ni du mode de scrutin par lequel un homme et une femme seront élus ensemble, alors qu'ils vont exercer séparément leur mandat sur le terrain. Bonjour le désordre territorial ! À qui vont s'adresser les élus locaux ?
Vous réduisez de 4 000 à 2 000 le nombre de cantons dans notre pays, et vous prétendez conserver le lien entre l'élu et le territoire !
Pendant tout ce débat, vous avez balayé d'un revers de main toutes nos propositions et vous n'avez recherché à aucun moment la convergence avec les courants de pensée qui fondent la démocratie française.
Dans un pays moderne, il n'est pas acceptable qu'un seul parti impose à tous les autres, et au pays tout entier, une telle réforme aux conséquences aussi lourdes.
Vous avez décidé de passer en force, et ce ne sont pas les quelques amendements que vous avez acceptés qui affecteront notre détermination à nous opposer totalement à ce texte.
S'il s'agissait d'une simple réforme électorale, on attendrait la prochaine étape pour en modifier les contours, ce ne serait pas si grave. Mais il s'agit de l'avenir du pays, de l'avenir de l'équilibre entre villes et campagnes ; car vous vous apprêtez à donner la responsabilité politique des conseils départementaux aux élus des villes en fondant le redécoupage sur la démographie. Qui va assurer demain la nécessaire péréquation, la solidarité territoriale ?
Nous attendions du Gouvernement une modernisation de la décentralisation, un nouvel élan, des réponses aux critiques que vous avez si souvent formulées sur le désengagement de l'État, une clarification des compétences. En bref, nous attendions que vous proposiez un nouveau chemin après avoir supprimé le conseiller territorial, qui était une proposition novatrice.
Nous attendions une réforme globale, vous nous répondez mode de scrutin. Vous préparez en réalité la mort des départements, à tel point que le président socialiste de l'Association des départements de France ne trouve pas de mots assez durs pour critiquer votre projet.
Vous avez décidé de changer les règles du jeu, et je vous répète que quand les Français s'apercevront ce que vous avez fait de leurs territoires, ils vous le feront payer chèrement.
Quand ils s'apercevront que vous allez charcuter tous les cantons, en dehors de toute limite, de toute circonscription, de toute cohérence territoriale, en balayant d'un revers de main deux siècles de notre histoire ; quand ils s'apercevront qu'ils auront quatre noms sur leurs bulletins de vote et qu'ils devront voter pour un hybride : un homme une femme élus ensemble et exerçant indépendamment l'un de l'autre leur mandat ; quand les zones rurales s'apercevront le destin que vous leur avez fait en donnant les clés des départements à la démographie, c'est-à-dire aux élus des villes ; ce jour-là, les Français vous demanderont ce qui a pu vous passer par la tête. Sachez qu'à l'UDI, nous serons là pour expliquer aux élus locaux et aux territoires de quelle façon vous avez conduit cette réforme.
Vous aurez beau redécouper toute la carte cantonale à votre guise, supprimer tous les cantons ruraux que vous voulez, jamais vous ne pourrez faire taire leurs électeurs.
Ce que nous reprochons au Gouvernement et à monsieur Hollande : c'est que tout au long de sa campagne, jamais il n'a évoqué ce fameux binôme et cette suppression des cantons que vous voulez maintenant imposer au pays.
Vous aurez des comptes à rendre à l'ensemble de la France sur ce que vous êtes en train de projeter comme mode de scrutin pour notre pays. Vous aurez des comptes à rendre au peuple.
C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons avec la plus grande fermeté à ce mode de scrutin. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, après trois mois de débats, le Sénat, constant dans son opposition au texte, nous renvoie in fine la responsabilité du vote de ce projet de loi.
C'est donc l'occasion pour notre groupe de résumer la position qui a été la sienne tout au long de l'examen de ce texte. Nos réticences, vous le savez, portent sur le caractère majoritaire du scrutin proposé.
Plus nous avons avancé dans la lecture de ce texte, plus ce caractère majoritaire a été affirmé. Tout d'abord, du fait de la modification du seuil d'accès au second tour de l'élection départementale. Dans le texte initial, ce seuil avait été fixé à 10 % des inscrits, comme cela avait toujours été le cas jusqu'en 2008. M. le ministre qualifia d'ailleurs ce seuil d'historique. Il s'agit du même seuil que pour les autres élections locales.
Mais face à l'émotion de la droite, qui avait modifié ce seuil sous la précédente législature de peur d'être dépassée, il a été décidé en deuxième lecture de revenir en arrière en le fixant à 12,5 %. La logique bipartisane a fonctionné à plein sur ce point.
Le caractère majoritaire s'est également renforcé suite à l'adoption d'un amendement relevant le seuil à partir duquel le scrutin de liste proportionnel s'appliquera aux communes. D'un seuil de 500 habitants, adopté à trois reprises par notre commission des lois et soutenu par l'Association des maires ruraux de France, nous passons désormais à un seuil de 1 000 habitants qui exclura 74 % des communes du scrutin de liste proportionnel, c'est-à-dire plus de 20 000 d'entre elles. Ce sont autant de communes dans lesquelles l'opposition n'aura pas de représentation structurée. La pratique trivialement qualifiée de tir aux pigeons, souvent faite au détriment des élus les plus actifs, aura encore de beaux jours devant elle. Et évidemment, il n'y aura pas de parité.
Enfin, le point le plus important est le scrutin binominal. C'est l'affirmation de la logique majoritaire. Notre groupe parlementaire a toujours milité en faveur du scrutin proportionnel. C'est donc avec constance et cohérence que nous défendons aujourd'hui encore ce mode de scrutin. Dans le cadre des élections départementales, le scrutin de liste proportionnel à deux tours aurait en effet permis d'adopter un mode de scrutin connu et reconnu des citoyens : ce scrutin a l'avantage d'être utilisé lors des élections municipales et régionales et a le mérite d'être totalement paritaire, avec alternance stricte entre hommes et femmes. L'ensemble des scrutins locaux aurait ainsi été organisé selon les mêmes modalités, ce qui ne peut être que bénéfique en termes de lisibilité et de mobilisation pour les électeurs.
Pour assurer la représentativité des territoires, ce mode de scrutin aurait pu être basé sur des listes de sections infra-départementales d'un nombre réduit. Ce découpage se serait appuyé sur les pays et les communautés de communes.
Au final, ce scrutin cumule bien toutes les qualités que nous pouvons attendre : représentation fidèle de l'opinion, ancrage territorial, mise en oeuvre de la parité, proximité et caractère gouvernable des assemblées délibérantes issues du suffrage universel. Ce n'est pas le choix qui a été fait et nous le regrettons.
Toutefois, ce projet comporte aussi des avancées. D'abord, la parité : le scrutin binominal permettra une entrée massive des femmes dans les assemblées départementales où leur représentation passera de 13 % à 50 %. Ensuite, le retour au scrutin proportionnel pour les élections régionales, contrairement à ce que prévoyait l'ancienne majorité, avec l'instauration du défunt conseiller territorial dont la disparition nous réjouit. Nous convenons également que la carte cantonale doit être remodelée tant les disparités de population sont parfois criantes.
En ce qui concerne l'élection des futurs conseillers communautaires, nous saluons l'adoption d'un dispositif de fléchage au moyen d'une liste intercommunale séparée de la liste communale sur le même bulletin de vote. Par cohérence, nous aurions dû aller plus loin dans cette logique visant à faire clairement émerger l'échelon intercommunal, en permettant un ordonnancement différent entre les deux listes, tout en maintenant évidemment la parité.
Au final, tout au long de l'examen de ce projet de loi, le groupe écologiste a fait preuve de cohérence et de constance en défendant les positions historiques de son courant politique. Malgré les avancées que comporte ce texte, notamment en termes de parité et de gouvernance au sein des intercommunalités, le caractère majoritaire du scrutin binominal nous empêche de l'approuver. C'est donc dans ce même souci de constance et de cohérence que nous nous abstiendrons une quatrième fois sur ce texte.
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, nous sommes effectivement à un moment décisif. Comment ne pas vous dire que nous sommes troublés ? Nous le sommes car de tous les départements, en particulier de ceux où nous sommes représentés, il remonte des messages exprimant le sentiment que le binôme ne correspond pas à la réalité du terrain.
Je comprends parfaitement que la représentation des femmes dans la vie politique soit une obligation, tout comme la proximité et le respect des équilibres démographiques dans les cantons. Il n'en reste pas moins que, compte tenu de ce que je viens de vous indiquer, nous nous sommes mis d'accord au sein de notre groupe pour exprimer la position suivante : il y aura une pluralité de vote avec une majorité de votes contre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI.)
Les deux scrutins publics sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, suivant un calendrier compliqué et au terme d'un parcours législatif laborieux, notre assemblée se prononce aujourd'hui, définitivement, sur le projet de loi relatif aux élections locales.
À l'issue de nos débats, nous regrettons vivement que la navette parlementaire n'ait permis aucune modification substantielle du texte.
En premier lieu, s'agissant de l'élection des futurs conseillers départementaux, nous restons résolument opposés à la création de ce curieux binôme qui aura pour première conséquence de renforcer le bipartisme. Le fait d'élire en même temps deux candidats dans un même canton – le nombre de cantons étant réduit de moitié – entraînera de façon quasi automatique un renforcement du bipartisme, c'est-à-dire un recul démocratique.
Ce mode d'élection assurera certes la parité à laquelle notre groupe est très attaché, mais il le fera au détriment du pluralisme et ne permettra pas une réelle représentation des territoires. Les cantons seront dorénavant d'une taille telle que l'on ne pourra plus parler de proximité ni de lien véritable avec les territoires.
Nous déplorons sur ce point que, tout au long des débats, les différentes propositions d'instauration d'un scrutin à la proportionnelle aient été repoussées. Il est en effet curieux et injustifiable que ce mode de scrutin ne soit pas retenu pour les élections départementales, alors qu'il est mis en oeuvre pour toutes les autres élections locales, c'est-à-dire les élections régionales et municipales. Cela l'est d'autant plus que ce mode de scrutin proportionnel est même envisagé, trop partiellement certes, pour les élections législatives.
Le scrutin départemental sera, au final, un anachronisme démocratique puisqu'il sera le seul à ne pas comprendre au moins une part de proportionnelle.
L'autre point de désaccord concerne le nouveau mode de désignation des délégués des communes. Désormais, ce ne seront plus les conseils municipaux qui seront représentés au sein des assemblées délibérantes des intercommunalités mais des conseillers élus au suffrage universel appelés, par conséquent, à gérer ces structures en toute indépendance.
Avec ce changement de statut, la nature même de la coopération intercommunale est transformée et le déplacement du pouvoir est confirmé. Le changement sémantique est d'ailleurs particulièrement révélateur du changement de statut des délégués des communes qui, n'émanant plus des conseils municipaux, n'auront donc plus de comptes à leur rendre. En réalité, la technique dite du fléchage ouvre la voie à un scrutin séparé dès 2020. Nous sommes fermement opposés à une telle évolution qui signifiera la mort programmée de la commune, structure de base de notre République.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que les députés du Front de gauche voteront, une nouvelle et dernière fois, contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Carlos Da Silva, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous nous apprêtons à voter pour la quatrième et dernière fois un projet de loi dont l'ambition dépasse le nombre d'heures considérable consacrées à débattre de son contenu. En conscience, nous pouvons être fiers et satisfaits du chemin parcouru et du travail accompli.
Je voudrais d'abord remercier M. le ministre, M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur pour le travail commun de qualité qui nous a portés jusqu'à aujourd'hui. Le contenu des textes que nous nous apprêtons à voter, c'est à nous toutes et tous, habités de la volonté de faire progresser la démocratie locale, que nous le devons.
Les textes soumis à nos suffrages contiennent un ensemble de dispositions qui font avancer la République.
C'est avant tout le scrutin binominal dont nous sommes fiers. Raillé par la droite la plus conservatrice, il constitue une petite révolution et un progrès de plus vers une représentativité plus juste. Étendre la stricte parité à l'ensemble des conseils départementaux, c'est historique. Nous en sommes immensément fiers. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ce texte, c'est aussi le redécoupage cantonal. Depuis trop longtemps, nos cantons ne respectaient plus l'un des principes fondateurs de notre République : l'égalité devant le suffrage. Nous devions y remédier ; nous l'avons fait. En divisant le nombre de cantons par deux pour laisser la place aux binômes paritaires, nous allons gommer les disparités locales et permettre qu'un élu représente sensiblement le même nombre de citoyens qu'un autre.
Bien sûr, nous allons aussi prendre en compte les spécificités locales. Ce groupe gère la majeure partie des territoires ruraux et, je le dis avec force, ces textes sont un hommage à la ruralité. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Ce texte, c'est aussi la clarification tant du calendrier électoral que des modes de scrutins locaux. En décalant d'un an les élections régionales et départementales, nous désengorgeons un calendrier obstrué et opaque qui entame la participation. En votant le renouvellement intégral tous les six ans des assemblées départementales, nous permettons en outre la constitution de programmes clairs, construits sur le long terme, et d'équipes qui pourront travailler dans la durée.
Ce texte, c'est aussi l'affirmation du fait intercommunal. Cet échelon territorial si important et pourtant encore mal connu et identifié, nous y invitons la démocratie par la distinction des listes municipales et intercommunales sur le bulletin de vote.
Notre majorité avait promis le changement. Quoique l'opposition puisse tenter, qu'elle exacerbe les tensions sociales ou instrumentalise des mouvements extrémistes, nous ne dévierons pas du cap que nous nous sommes fixé : redresser le pays économiquement et moralement bien sûr (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais aussi rénover nos pratiques politiques, redonner confiance à nos concitoyens et les laisser se réapproprier tous les étages de notre démocratie locale.
Ce texte, c'est tout cela et c'est pourquoi nous allons l'approuver avec fierté et ambition pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, notre pays entre en récession : la croissance était nulle ; elle devient négative.
Chaque jour, les Français s'appauvrissent et souffrent un peu plus des erreurs économiques et fiscales que vous avez faites. Il est urgent d'entreprendre une meilleure organisation de l'État, des régions, des départements et des communes, pour améliorer la compétitivité des territoires. Cette urgence, le Gouvernement de M. Ayrault n'en est pas conscient : le travail sur la décentralisation est reporté aux calendes grecques. Le Gouvernement n'a qu'une obsession : modifier au plus vite les règles du jeu électorales.
La vérité, monsieur le ministre de l'intérieur, c'est que le parti socialiste craint d'être durement sanctionné par les Français dans les urnes lors des élections de mars 2014. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est pourquoi vous voulez reporter les élections régionales et départementales en 2015.
Vous voulez redécouper à votre guise tous les cantons de tous les départements de France. Vous cherchez à organiser la prise de contrôle des conseils généraux par les territoires urbains au détriment des territoires ruraux dans l'espoir illusoire de consolider la position du parti au pouvoir.
Vous avez fait le choix de l'opacité partisane en refusant qu'une instance pluraliste, présidée par un parlementaire de l'opposition, donne son avis en toute transparence sur le redécoupage, et vous avez fait le choix de l'injustice territoriale en privant des millions de Français issus de communes rurales d'une juste représentation.
Alors, bien sûr, au nom de la défense de la démocratie locale, le Sénat a rejeté votre texte par trois fois et, ici même, à l'Assemblée nationale, votre majorité se réduit comme une peau de chagrin puisque seul le parti socialiste approuve cette contre-réforme. Face à l'opposition résolue et répétée du Sénat, face aux réticences exprimées bien au-delà des groupes UMP et UDI, le Gouvernement aurait dû retirer ce projet de loi dans l'intérêt général.
Monsieur le ministre, à l'heure où nos compatriotes expriment une profonde défiance à l'endroit des institutions de la République, vous avez tort d'alimenter le soupçon de petits arrangements partisans : vous alimentez la défiance à l'égard de notre démocratie. C'est pourquoi, le groupe UMP votera contre ce projet de loi de régression qui aggrave la crise démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je mets d'abord aux voix le projet de loi ordinaire.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 540
Nombre de suffrages exprimés 520
Majorité absolue 261
Pour l'adoption 273
contre 247
(Le projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Plusieurs députés UMP et UDI. Ce fut juste !
Je mets maintenant aux voix le projet de loi organique.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 538
Nombre de suffrages exprimés 518
Majorité absolue 260
Pour l'adoption 274
contre 244
(Le projet de loi organique est adopté.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, à l'issue des débats sur ces modes de scrutin, je voudrais remercier le rapporteur Pascal Popelin, le président de la commission des lois et évidemment tous les parlementaires qui les ont permis.
Au-delà des oppositions, nous avons modernisé nos départements et assuré la proximité, la diversité et la parité. Il n'y avait pas d'autre possibilité, sinon le statu quo de ceux qui refusent la parité, sinon la proportionnelle qui ne correspondait pas à la proximité.
Je veux remercier la fidélité et l'engagement du groupe socialiste. C'est lui qui permet de gouverner et de réformer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Votes sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (nos 920, 922).
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de vingt-cinq heures.
Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : SRC 7 heures 10, UMP 10 heures 55, UDI 2 heures 55, Écologiste 1 heure 20, RRDP 1 heure 20 et GDR 1 heure 20. Les députés non inscrits disposent de 30 minutes.
Chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée du temps du groupe de l'orateur. Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont qu'indicatifs.
Voilà que nous nous retrouvons pour la deuxième lecture de ce projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe.
Ce texte est légitime. Il tient sa raison d'être d'un engagement lucide et affirmé du Président de la République, qui puise à la fois dans la compréhension d'une dynamique sociale, d'une maturité collective, et dans un idéal d'égalité.
Ce texte a été élaboré par le Gouvernement, examiné par le Conseil d'État, pleinement débattu, amélioré par l'Assemblée nationale et enrichi par le Sénat. Il sera bientôt, je l'espère, voté. Il deviendra ainsi une loi de la République au terme d'une navette parlementaire qui aura permis aux points de vue divers de s'exprimer, dans le respect des droits de l'opposition. Ce sera sa force juridique et sa légitimité.
Mais nous constatons que, malgré cette force et cette légitimité, ce texte soulève une contestation chez certains de nos concitoyens, qui se disent hostiles à l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de personnes de même sexe et qui s'interrogent sur ses conséquences pour la famille. Bien entendu, lorsque ces interrogations relèvent de convictions sincères et s'expriment par des moyens démocratiques et non violents, nous y sommes extrêmement attentifs.
Nous voulons dire à ces personnes de bonne foi, qui ne conçoivent le mariage que dans la perspective de la constitution d'une famille avec des enfants à filiation biologique, que nous leur apportons des réponses et que ces réponses ne pourront pas être démenties, parce qu'elles figurent clairement dans le texte de la loi. Nous comprenons parfaitement que ces personnes restent attachées au modèle de la famille composée d'un père, d'une mère et d'enfants engendrés en son sein. Nous leur disons que cette loi ne touche pas à ce modèle de la famille et qu'elle ne leur enlève rien. Mais qu'elles sachent et comprennent aussi que ce modèle n'est pas le seul ! Parce qu'il n'y a pas une, mais plusieurs façons de se mettre ensemble ou de se séparer. Il y a plusieurs façons de bâtir ensemble, en couple ou autour d'enfants, un projet d'amour et de solidarité. Il ne revient pas à la puissance publique de dire ce qui est bien et ce qui est mieux.
Elle organise en égalité les effets d'ordre public pour tous, selon la forme choisie parmi les trois possibles offertes aux couples : l'union de fait, le pacte civil ou le mariage. Ouvrir donc l'institution du mariage aux personnes de même sexe revient simplement à reconnaître la pleine citoyenneté de celles et de ceux qui en étaient exclus. Cela revient également à assurer à des enfants qui existent la protection juridique qui leur est due.
Ce texte de loi généreux ne l'est pas seulement pour les couples homosexuels et les familles homoparentales. Il ouvre des droits pour l'ensemble des couples qui envisagent de se marier, en leur offrant par exemple un plus large choix quant au lieu de la célébration du mariage. Il apporte également des droits et des garanties au parent social. Car nul n'ignore qu'à côté de la famille que l'on dit traditionnelle, il existe aussi, traditionnellement et depuis aussi longtemps, des familles monoparentales, des familles recomposées et des couples homosexuels, dont la famille sera enfin reconnue.
Le Président de la République et le Gouvernement ont choisi de ne pas introduire de modification de la filiation dans ce texte. La filiation demeure donc le lien juridique qui unit un enfant à son père et ou à sa mère, et elle diffère selon le statut des parents. Il n'y a aucune modification ni dans la filiation biologique, ni dans la filiation adoptive régie par le titre VIII du code civil. Le juge prononce ainsi l'adoption après l'agrément délivré par le conseil général et sur la base de l'article 353 du code civil, qui établit très clairement qu'elle doit être conforme à l'intérêt de l'enfant. Cet article 353 ne connaît pas de modification non plus.
Dès lors, une question se pose à nous : comment se fait-il qu'avec une telle vérité, aussi précisément écrite, avec une telle rationalité dans nos explications, avec tout ce temps qui a été laissé à chacun pour prendre connaissance du contenu du texte – comment se fait-il que tant de personnes demeurent encore dépendantes des mystifications et des manipulations de l'imposture ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Mais si !
Nous émettons une hypothèse. Au-delà des dispositions juridiques, des réalités sociologiques, au-delà de cette indifférence à des amours que l'on croyait banalisées depuis qu'elles sont dans nos moeurs, en toute connaissance, au-delà d'une culture et d'habitudes de débat public, quel est le sujet qui, en fait, provoque un tel bouillonnement et un tel mécontentement ? Le sujet, ce n'est pas le texte, c'est la représentation de la famille que certains ont bâtie au cours de l'histoire de la société. Nous pouvons effectivement nous interroger sur cette représentation. Forcément, elle a été construite par imprégnation de l'histoire. Elle a donc une dimension à la fois partielle et subjective, qui demeure légitime mais n'en est pas moins forgée autour d'aspirations qui sont ancrées dans un idéal de la famille, dans un idéal du couple.
Nous concevons tout cela, et nous le respectons. Il y a des protestations tapageuses, mais il y en a aussi qui relèvent de troubles intimes, et nous nous préoccupons d'y apporter des réponses. Simplement, nous disons qu'avec le temps celles et ceux qui, aujourd'hui, n'osent pas entrer dans le texte pour être confrontés à sa vérité réussiront à se poser et, dans l'apaisement, ils la consentiront à ces autres, qui ne les privent de rien, et qui demeurent leurs frères et soeurs en citoyenneté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Nous pensons qu'avec le temps ils consentiront au partage de cette aspiration à la sécurité qui émane de l'engagement dans le mariage par sa stabilité, une sécurité pour le couple et pour les enfants. Car nul n'affirme son humanité au détriment d'autrui, nul ne peut ouvrir son avenir en brouillant celui des autres. (Mêmes mouvements.)
Mais ces préoccupations n'ont rien à voir avec les cracheurs de haine, avec ceux qui font acte de violence,…
…qui insultent des élus, des parlementaires, de quelque bord qu'ils soient. Ces préoccupations n'ont rien à voir avec ces factieux qui mettent en question les prérogatives mêmes de celles et ceux qui, dans les hémicycles, se font les porte-voix outrés d'un mouvement où la sédition grimpe sur le dos de l'inquiétude. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Cela n'a rien à voir avec la responsabilité de celles et ceux qui décident de ne plus séparer le bon grain de l'ivraie. Ils devraient bien prendre garde : ces embrassades sulfureuses finiront par les faire confondre avec ceux qui se livrent à des actes homophobes, ceux qui menacent, ceux qui agressent des citoyens, des élus, des journalistes.
C'est à cela qu'ils s'exposent en travestissant le texte,…
…en transformant le contenu de ce texte, en faisant de la surenchère. C'est à cela qu'ils s'exposent !
« Signe ce que tu éclaires, non ce que tu assombris », conseille pourtant René Char.
Nous le disons très clairement : le Gouvernement est déterminé à conduire l'examen de ce texte à son terme,…
…à le conduire à son terme, avec une belle majorité, y compris avec des membres de l'opposition, à l'Assemblée et au Sénat, que nous nous honorons de saluer.
Le Gouvernement le fera pour la liberté de chaque citoyen et de chaque citoyenne de vivre sous la protection des institutions, pour la liberté des citoyens de vivre égaux en droits et en devoirs, comme le promet le pacte républicain.
Pour avoir entendu quelques-uns d'entre vous, mesdames et messieurs de l'opposition, je suis persuadée, à travers ces paroles de sagesse, que vous ne serez pas si nombreux, cette fois, à fustiger, à commenter, à déplorer, à regretter des dispositions qui ne sont pas dans le texte. Je parle de…
…l'assistance médicale à la procréation. Je pense que vous serez encore moins nombreux à faire semblant de vous faire peur avec la gestation pour autrui,…
…malgré les dispositions absolues du code civil et les déclarations du Président de la République et du Premier ministre.
Nous pensons que des incompréhensions demeurent.
Nous allons évidemment nous employer à les lever.
Que des oppositions s'affirment, nous en convenons, et nous continuerons à entendre ceux qui les formulent et à les respecter.
Le code civil comporte des complexités, en particulier en ce qui concerne la filiation. Celle-ci peut reposer sur la présomption de paternité, lorsqu'il s'agit d'enfants biologiques issus de couples hétérosexuels mariés. Elle peut aussi reposer sur une fiction juridique encadrée : l'adoption plénière, qui efface les origines biologiques. Elle peut encore s'appuyer sur le secret et l'anonymat : c'est le cas avec l'assistance médicale à la procréation, qui dissimule la biologie et fait disparaître le donneur, lorsqu'il s'agit d'une assistance avec don de gamètes. Toutes ces situations concernent déjà les couples hétérosexuels.
Les personnes qui auront, de bonne foi, cru que ce texte comporte des dispositions qui n'y figurent pas finiront par demander des comptes à ceux qui recourent aux anathèmes, qui prétendent que ce texte n'est pas légitime, qu'il est un scandale démocratique, que c'est un putsch légal contre le peuple…
C'est vous qui le dites !
C'est vous – en tout cas, certains d'entre vous – qui l'avez dit, et qui avez dit que le Gouvernement mène une politique de chien crevé au fil de l'eau, tout cela agrémenté de prophéties sur la guerre civile et sur le sang qui devra être versé.
Nous disons que chacun devra prendre ses responsabilités au regard de la paix civile.
Celles et ceux qui attisent des passions mauvaises, que viennent parasiter ceux qui font oeuvre de fauteurs de troubles, trop heureux de défier la République et de nier la démocratie,…
…mais aussi celles et ceux qui consentent au débat, au désaccord, à la divergence, à la controverse, au travail parlementaire, à compter du moment où l'opposition et les tenants d'opinions diverses auront pu présenter leurs meilleurs arguments.
Je le disais : ce texte a été l'objet d'un travail sérieux, à l'Assemblée nationale, au Sénat. Les rapporteurs du Sénat, Jean-Pierre Michel, et de l'Assemblée nationale, Erwann Binet, ont travaillé en bonne intelligence,…
…dans le souci exigeant d'écrire le texte avec rigueur, pour qu'il soit utile aux citoyens, qu'il leur soit bénéfique.
Ils nous lèguent, en fait, un texte mieux écrit, plus précis, un texte attentif à certaines considérations qui, si elles méritent encore des discussions, ont été stabilisées par le Sénat – je pense au nom patronymique –,…
…parce que ce ne sont pas des réformes mineures ni secondaires, même si elles méritent d'être faites.
Aujourd'hui, au terme de 110 heures de débats à l'Assemblée nationale, qui avaient été précédées d'une cinquantaine d'heures d'auditions, au terme de plus de sept jours de débats au Sénat, également précédés d'excellentes auditions, l'article premier, qui ouvre le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe, a été adopté. Dix-huit articles ont été adoptés à l'identique au Sénat.
Il reste ici, à l'Assemblée nationale, à en examiner dix-sept. Je n'en doute pas, le travail parlementaire sera encore de qualité : les députés de la majorité et de l'opposition veilleront à exercer une vigilance qui permettra d'améliorer encore ce texte. Il tient, je le disais, sa légitimité politique de sa source. Il tient sa légitimité juridique de la qualité des échanges qui ont eu lieu dans les deux chambres parlementaires. Sa légitimité sociale lui sera conférée par celles et ceux qui attendent et qui, avec l'enthousiasme des impatients ou l'étonnement des incrédules, pourront célébrer prochainement des unions dans les mairies de France. Cela montrera que nous aurons accompli de la belle ouvrage, et nous serons plus nombreux pour chanter le temps des cerises : gais rossignols et merles moqueurs seront tous en fête, et nul n'aura peur des chagrins d'amour ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP – De nombreux membres de ces groupes se lèvent.)
La parole est à Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, que le Sénat a consolidé et que l'Assemblée examine maintenant en seconde lecture met toutes les familles sur un pied d'égalité. J'y insiste : toutes les familles.
Faut-il le répéter ? Cette loi n'enlèvera rien à personne, elle donnera à tous les mêmes droits et les mêmes devoirs. Faut-il le répéter ? Ce choix d'égalité, treize pays l'ont déjà fait avant nous et d'autres le feront après nous. Ils le feront car nos démocraties ne sont jamais aussi fortes et confiantes dans leur avenir que lorsqu'elles s'adressent à tous leurs concitoyens, à tous leurs enfants, à toutes leurs familles. Elles s'élèvent quand elles portent une vision généreuse de la famille, une vision qui inclut et non qui exclut.
Inclure et non exclure, c'est prendre en compte la réalité des familles dans leur grande diversité plutôt que de les figer dans un modèle unique. Inclure et non exclure, c'est reconnaître, dans nos mairies, sous le sceau de nos valeurs républicaines, tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle. Inclure et non exclure, c'est permettre à tous les couples de faire le même choix entre trois statuts différents : le concubinage, le PACS et le mariage. Inclure et non exclure, c'est donner à tous les enfants la même sécurisation juridique.
À une fillette de dix ans élevée par ses deux pères, Barack Obama écrit ceci : « Aucune famille ne ressemble à une autre. Nous célébrons cette diversité, et nous affirmons que peu importe que tu aies deux papas. Ce qui compte par-dessus tout, c'est l'amour que nous démontrons les uns pour les autres. Nos différences nous unissent.
« Toi et moi avons le bonheur de vivre dans un pays où nous naissons égaux quels que soient notre apparence extérieure, l'endroit où nous avons grandi et qui sont nos parents. »
Tournons-nous vers l'avenir pour que, demain, dans notre belle République, nos concitoyens homosexuels aient le droit d'exister sereinement dans une dignité retrouvée. L'homosexualité n'est ni de gauche ni de droite, ni de la ville ni de la campagne, ni d'une classe sociale pauvre ni d'une classe sociale ni d'une classe sociale aisée,…
…ni bobo, ni marginale. C'est tout simplement une orientation sexuelle que 90 % de nos concitoyens estiment être une façon comme une autre de vivre sa sexualité.
C'est un fait, et pas un choix. Comment ne pas vouloir l'égalité ? Que l'on soit homme ou femme, que l'on soit blanc ou noir, que l'on soit homosexuel ou hétérosexuel, ce sont des différences qui ne justifient en rien la moindre inégalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À l'équité, qui se contente de réduire les inégalités, eh bien, oui, nous, nous préférons l'égalité, qui vise à les supprimer.
Oui, je vous le dis : en votant cette loi, vous serez les meilleurs défenseurs de la famille, de celle qui, en son sein, sera capable, grâce à la République, de reconnaître toutes ses composantes, d'y apporter l'apaisement et, enfin, ce point final à l'exclusion de certains.
Je vous l'ai déjà dit, et vous le redis : avec cette loi, plus personne ne sera clandestin dans sa famille, clandestin dans la société, ni clandestin dans la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Les députés ont déjà consacré cent dix heures à ce projet de loi, et les sénateurs cinquante-deux heures, sans compter les nombreuses heures consacrées aux auditions. Comme vous avez pu le constater, il n'est pas un journal, pas une station de radio, pas une chaîne de télévision qui n'ait évoqué ce sujet ces six derniers mois. Il n'est pas un repas de famille, une discussion entre amis qui ne l'ait abordé. Alors oui, il est temps de conclure ce débat !
Tous les arguments ont pu être échangés. Au bout du compte, deux visions de la famille se confrontent : un modèle unique face à une pluralité de modèles familiaux. Il faut prendre en compte la réalité de la société et des choix de nos concitoyens : il n'est plus possible de rester indifférent à la révolution silencieuse des familles qui a eu lieu. Il n'est plus possible de revendiquer un idéal de famille qui n'existe déjà plus. D'ailleurs, a-t-il même jamais existé ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
François de Singly disait avec beaucoup de justesse au journal Le Monde : « ce qui est intéressant dans le fait que la définition de la famille soit floue, c'est que cette imprécision autorise son succès. L'universalité de la famille tient dans son absence de définition. »
L'absence de définition de la famille n'a jamais empêché la construction d'un cadre juridique. Simplement, ce cadre est par nature évolutif.
Cette loi permet donc une avancée : elle poursuit cette évolution permanente. Elle répond à la demande de nos concitoyens, qui veulent rentrer dans ce cadre juridique. Cette loi est une avancée pour tous. Voulons-nous, dans notre société, des familles égales et fraternelles ? Je vous invite aujourd'hui à répondre oui à cette question. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame et monsieur les ministres, chers collègues, il y a plusieurs semaines, à l'issue d'un long travail d'audition et d'examen en commission, nous avons débattu dans cet hémicycle durant près de cent dix heures, et avons adopté en première lecture, à une large majorité, le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe.
Nous avions préalablement, sous l'attention bienveillante du Gouvernement, enrichi le texte initial. Outre l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, nous avons permis aux époux de se marier dans la commune de leurs parents et nous avons facilité la possibilité pour les Français homosexuels vivant à l'étranger de se marier dans notre pays. Nous avons harmonisé les règles d'attribution du nom patronymique entre les filiations adoptives et les filiations par le sang.
Nous avons donné le droit à tous les Français pacsés ou mariés à une personne de même sexe de refuser une expatriation dans un pays incriminant l'homosexualité. Nous avons permis aux associations réunissant des familles homoparentales d'adhérer à l'Union nationale des associations familiales.
Nous avons ouvert au juge la possibilité de maintenir un lien entre l'enfant et le parent social pour les couples séparés. Enfin, par l'introduction de dispositions générales d'application, nous avons fait entrer les couples de personnes de même sexe et les familles homoparentales dans les dispositions du code civil et dans l'ensemble de notre droit.
Le Sénat a également adopté ce texte après plusieurs jours de travaux préparatoires et de discussion en séance publique. Je tiens d'abord à saluer le remarquable engagement du rapporteur au Sénat, M. Jean-Pierre Michel, et celui de la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, Mme Michelle Meunier. En s'appuyant sur le travail approfondi accompli par ces deux rapporteurs, les sénateurs ont à leur tour précisé et enrichi ce texte. Nous en sommes aujourd'hui saisis en deuxième lecture : il montre une très grande convergence de vues entre nos deux assemblées.
D'abord et avant tout, les sénateurs ont adopté dans les mêmes termes l'article 1er qui ouvre le mariage et conséquemment l'adoption à tous les couples. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous n'aurons donc pas à discuter à nouveau du principe du mariage et de l'adoption pour les couples de même sexe. Cette disposition essentielle constitue le coeur même du projet de loi : c'est elle qui a suscité le plus de débats entre nous en première lecture. Elle n'est plus soumise au débat parlementaire.
Au-delà de l'adoption conforme de l'article 1er et de quatre autres articles, nos deux assemblées se sont accordées sur la délimitation du champ de ce projet de loi. Rappelez-vous : lors des auditions, de nombreuses interrogations s'étaient fait jour. Nous avons notamment été interpellés sur l'état de notre droit en matière d'adoption. Il est souvent apparu qu'il fallait le réformer. Notre assemblée, tout comme le Sénat, a jugé plus judicieux de renvoyer ces questions à un projet de loi spécifique. De même, la question de l'accès à l'assistance médicale à la procréation pour les couples de femmes a été très largement évoquée au cours des travaux préparatoires et lors de nos échanges en séance publique. Là encore, l'Assemblée nationale et le Sénat ont exclu cette question du présent texte : elle sera examinée à l'automne prochain dans le cadre du futur projet de loi sur la famille.
Au-delà du principe de l'extension du droit au mariage, l'Assemblée nationale et le Sénat se sont donc accordés sur le périmètre du projet de loi.
Comme je l'ai rappelé, l'Assemblée avait enrichi le projet du Gouvernement. De nombreuses auditions avaient en effet attiré notre attention sur un certain nombre de difficultés. À chaque fois, le Sénat a donné crédit à notre Assemblée. Il a parfois précisé la rédaction du texte, par exemple pour ce qui concerne l'attribution du nom patronymique ou les critères d'éligibilité au statut d'association familiale, mais il a surtout confirmé nos orientations et renforcé la portée de la plupart d'entre elles.
Plusieurs députés du groupe UMP. Il a réécrit le texte !
C'est le cas lorsque le Sénat a choisi de remplacer l'essentiel des articles de coordination du projet de loi initial par une disposition générale d'application. Nous avions nous aussi fait ce choix, avec l'accord du Gouvernement. Le Sénat a certes modifié les termes et la place de cette disposition…
…mais, ce faisant, il a renforcé son sens et son objectif. C'est le cas également de la reconnaissance par le juge du parent social : le Sénat a renforcé le statut du parent social en lui donnant des droits supplémentaires. C'est le cas enfin de la possibilité donnée aux salariés de refuser une expatriation dans un pays incriminant l'homosexualité : nous en avions réservé le bénéfice aux couples mariés ou pacsés, le Sénat l'a étendue à tous les homosexuels.
Je constate qu'en modifiant dix-huit articles du projet de loi que nous avions adopté, nos collègues sénateurs ont confirmé et renforcé les intentions de l'Assemblée nationale en première lecture. En toute logique, votre commission a convenu que le texte issu du Sénat peut être adopté par notre assemblée sans modification.
En première lecture, nos échanges ont fait la part belle aux principes, aux théories juridiques, aux concepts, parfois aussi aux préjugés. Mais avant tout, nous avons réussi à incarner le débat, à laisser toute sa place à sa dimension humaine. Je souhaite, évidemment, qu'il en aille de même ces prochains jours, car dans cet hémicycle, comme dans notre République, il n'y a pas de place pour la violence et les propos stigmatisants.
Nous ne pouvons refuser l'égalité à ces couples, alors que la nature leur offre l'égalité devant l'amour. Nous ne pouvons refuser l'égalité des droits à leurs enfants alors que la société leur permet déjà, de fait, de fonder une famille.
L'égalité est une conquête. Toutes les avancées vers un renforcement des droits ont été acquises après d'âpres luttes, d'autant plus lorsqu'elles concernent des minorités. L'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe ne fait pas exception : ces dernières semaines ont été éprouvantes.
Comme beaucoup sur ces bancs, à droite comme à gauche, je déplore les provocations, les menaces, les entraves, les intimidations.
Pour ma part, être combattu par des catholiques intégristes, des membres du Bloc identitaire ou des jeunes nationalistes me conforte et me renforce dans mes convictions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Bien sûr, je ne fais pas d'amalgame. Comme vous tous, j'ai rencontré ici des opposants au texte. J'ai discuté et débattu avec la majorité d'entre eux, qui s'exprimaient de manière pacifique et républicaine. À ceux-là, je veux dire que nous les avons écoutés et entendus.
Mais ils doivent aussi comprendre que nos convictions sont profondes et sincères. Parce que ces familles doivent avoir des droits, parce que ces couples doivent être reconnus publiquement, nous irons jusqu'au bout !
La famille et le mariage sont des institutions solides. Interdire à une partie de la population d'accéder à ces institutions porte atteinte à leur caractère universel et conduit à les fragiliser. Nous ne dénaturons ni la famille, ni le mariage ; au contraire, nous les renforçons !
J'ai entendu certains d'entre nous appeler au boycott du Petit Larousse, dont l'édition 2014 comportera une définition du mot mariage adaptée aux évolutions modernes. Le dictionnaire Robert avait d'ailleurs anticipé cette évolution en 2000.
Le Petit Larousse n'a pas pris d'avance, chers collègues : il est même en retard ! Le Petit Larousse est en effet francophone. Il n'est pas uniquement français, il est aussi belge : or la Belgique permet le mariage des couples de même sexe depuis dix ans. Le Petit Larousse est aussi québécois, or le Québec permet le mariage des couples de même sexe depuis neuf ans. D'ailleurs ce combat n'est pas propre à la francophonie. Ces derniers mois, alors qu'en France, le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe poursuivait son cheminement dans la navette parlementaire, le parlement britannique et le parlement uruguayen ouvraient le mariage aux homosexuels. Le parlement néo-zélandais, quant à lui, l'a fait ce matin, avec une majorité conservatrice !
C'est maintenant au tour de la France : nous serons le quatorzième pays au monde à autoriser le mariage des couples homosexuels. Nous en sommes très fiers !
Ce projet de loi n'est pas révolutionnaire. Il ne fait qu'ouvrir une institution existante, le mariage, à des couples qui sont déjà connus et reconnus par la société. Mais il porte en lui quelque chose de révolutionnaire. En faisant entrer dans la norme ce qui était dans la marge, il donne plus de force et de vérité au principe d'égalité. Nous faisons en sorte que personne ne soit au-dessous de la loi : c'est l'honneur de notre pays, l'honneur de notre République, et ce doit être notre fierté à toutes et à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la Garde des Sceaux, chère Christiane, madame la ministre de la famille, chère Dominique, monsieur le ministre, cher Alain, monsieur le rapporteur, mes chers collègues… (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Nous voilà arrivés à la lecture ultime de ce texte dans notre assemblée. Ce n'est pas, comme on a pu le dire, un coup d'État législatif ou un déni de démocratie. À vrai dire, ce sont ces deux expressions qui m'ont convaincu de dire quelques mots. Je les ai trouvées si excessives et hors de propos que je me suis lancé un défi : celui de vous convaincre qu'elles sont erronées.
S'il vous plaît, cher collègue, vous n'allez pas échanger des propos avec l'orateur pendant toute son intervention. On ne va pas vous marier ! (Sourires.)
Pardonnez-moi d'énoncer une évidence : s'il y a une seconde lecture, c'est qu'il y a eu une première lecture.
Plusieurs députés du groupe UMP. Pas mal !
Tout d'abord, le travail en commission fut exemplaire. Nous avons disposé du double du temps prévu par la Constitution : j'en remercie à nouveau le Gouvernement. Douze semaines de travail ont ainsi été consacrées à des auditions, des rencontres, des études. Tout cela est consultable sur le site Internet de l'Assemblée nationale, et le restera : cela permet à chaque citoyen de se référer à ce qui a été dit au cours de l'examen du texte en première lecture. Nous avons publié – fait sans précédent ! – un rapport de près de mille pages, qui rassemble toutes les contributions collectives et individuelles présentées à la commission.
Il y eut ensuite l'examen du texte en séance publique. En cent dix heures de débats, 5 400 amendements, déposés sur 23 articles, ont été défendus. Je remercie encore une fois le Gouvernement d'avoir permis que tout cela se passe sans engager la procédure accélérée. Nous nous étions habitués, au cours de la législature précédente, à ce que les textes importants soient rapidement évacués de l'Assemblée nationale.
La majorité a voulu que la procédure accélérée ne soit pas engagée, et le Gouvernement l'a accepté. Cela nous permet d'aborder cette seconde lecture avec une très grande sérénité.
L'objectif d'une seconde lecture n'est pas de rejouer une deuxième première lecture. Nous ne sommes pas dans le film intitulé Un jour sans fin, dont le héros se réveille chaque matin pour revivre la même journée ! Le but d'une seconde lecture est tout simplement de rapprocher les points de vue entre l'Assemblée nationale et le Sénat, de rechercher les convergences pour parvenir à un texte satisfaisant pour les deux assemblées.
C'est d'ailleurs pour cela que le règlement de l'Assemblée nationale, tout comme la jurisprudence du Conseil constitutionnel, consacre le principe dit « de l'entonnoir », pour contraindre les parlementaires à se concentrer sur l'essentiel. Dans le cas d'espèce, comme vient de le dire M. le rapporteur, la convergence entre l'Assemblée nationale et le Sénat est manifeste.
L'essentiel de ce texte, le vrai débat sur ce texte, son coeur politique, ce sont les articles 1er et 3, lesquels ont été votés en termes identiques par les deux Assemblées. Ils ne font plus partie de nos débats. Le coeur politique étant adopté, il ne nous reste que des discussions techniques…
…que nous allons avoir. Il n'y a plus de sujet politique dans cette deuxième lecture. Il est donc parfaitement normal que le Gouvernement ait joui de sa prérogative constitutionnelle de fixation de l'ordre du jour.
Plusieurs députés du groupe UMP. Vous ne nous empêcherez pas de parler !
C'est d'autant plus logique que cela n'a pas du tout altéré le travail de la commission. Je dirai deux mots de son travail de lundi dernier. Elle a, d'abord, été convoquée dans les délais. En parfait respect des dispositions de l'article 40 du règlement de l'Assemblée nationale, les membres de la commission ont reçu, vendredi dernier, vers quinze heures trente, par courriel, comme d'habitude, la convocation à une réunion pour le lundi 15 avril à seize heures. Cette convocation indiquait que la date limite du dépôt des amendements était fixée au lundi 15 avril à onze heures, laissant ainsi au rapporteur le temps d'en prendre connaissance, entre onze heures et seize heures. Les parlementaires ont d'ailleurs largement utilisé cette prérogative…
Monsieur le député, je ne fais que rappeler ce que vous avez souligné en commission : « nous avons eu le temps de déposer des amendements ». La plus belle démonstration est numérique : l'ensemble des députés qui le souhaitait, et pas uniquement ceux de la commission des lois, a déposé 736 amendements avec, d'ailleurs, une inhabituelle célérité, puisque nombre de ces amendements ont été déposés par des collègues qui n'en étaient pas membres.
Plusieurs députés du groupe SRC. Voilà !
Cela montre donc bien que l'information a été très largement diffusée. Je souligne, à ce propos, qu'avec 736 amendements, nous avons dépassé notre record qui était celui de la première lecture, puisque la commission des lois avait, alors, discuté de 570 amendements. Chaque député présent a pu disposer du temps qu'il souhaitait, comme il est de tradition en commission des lois.
La parole n'a pas été bridée. Chacun a pu amplement développer son argumentation…
…et la totalité des amendements qui devait être présentée l'a été en commission des lois. Cela a permis, me semble-t-il, et j'ose espérer parler au nom de tous les membres de la commission, une réunion de bonne tenue, en conformité, là aussi, à notre tradition. Nous nous sommes réunis de seize à vingt heures et de vingt et une heures à vingt-trois heures trente, soit presque sept heures de travail. Là aussi, et pardonnez-moi de le souligner, c'est un record pour une deuxième lecture. En général, nous procédons beaucoup plus rapidement. Ces sept heures de discussion se sont déroulées dans un climat courtois, je le crois, et conforme à la tradition de la commission et, en tout état de cause, à la hauteur de l'enjeu.
L'essentiel du temps a été évidemment occupé par les députés de l'opposition. Je dis « évidemment » parce que, après avoir entendu le propos initial du rapporteur, les représentants des groupes de la majorité ont dit leur intention de voter en l'état, donc de voter conforme, comme nous le disons dans notre jargon parlementaire, le texte adopté par le Sénat. Aucun amendement émanant des députés SRC, Écologiste, RRDP ou GDR n'a été enregistré. Le Gouvernement a évidemment pu exprimer son point de vue. Cela nous a permis d'achever nos travaux à vingt-trois heures trente, et ainsi de publier très rapidement, là encore, le rapport, en deuxième lecture, d'Erwann Binet, un rapport dense de 200 pages. Je voudrais, à cette occasion, à nouveau saluer son travail, son investissement personnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Mon cher collègue, vous avez fait la démonstration qu'il n'était pas obligatoirement nécessaire d'être élu depuis très longtemps pour être un rapporteur de qualité et – qui sait ? en tout cas je vous le souhaite – un rapporteur de référence au sein de la commission des lois ! On me permettra aussi, en ma qualité de président, de saluer les fonctionnaires de la commission qui ont fait preuve d'une très grande disponibilité, de compétence et même de dévouement. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)
Chacun a pu, ensuite préparer convenablement cette séance publique, nous y sommes. Comme Jean-Luc Warsmann l'a rappelé dans son rapport de 2008, au moment de la révision constitutionnelle, la Constitution protège le gouvernement. Or c'est le Gouvernement qui a fixé à dix-sept heures, aujourd'hui, le début de cette séance. Et c'est pour que les députés, tous les députés, et pas seulement ceux de la commission des lois, puissent disposer d'un délai conséquent pour déposer des amendements que nous avons retenu dix-sept heures, c'est-à-dire l'heure de début de nos travaux, comme dernière limite pour leur enregistrement. Les parlementaires ont ainsi pu disposer de quarante heures pour amender ce texte. Ils ont largement profité de cette prérogative, puisqu'à dix-sept heures, nous avons enregistré 3 487 amendements. Le droit à l'amendement, droit fondamental des parlementaires, a été pleinement reconnu et respecté.
Maintenant, nous devons en finir. Chers collègues de l'opposition, et singulièrement ceux qui sont membres de la commission des lois, vous avez mené remarquablement un combat honorable. Ce combat a été de qualité. Je citerai, notamment, Jean-Frédéric Poisson et Philippe Gosselin. Vous vous êtes appuyés sur vos convictions. Mais vous savez que cette phase parlementaire se termine et doit se terminer. Vous savez que nous ne pouvons pas éternellement ressasser les mêmes arguments. Lors de la réunion de la commission des lois de lundi, il s'agissait de ceux du Sénat et de l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons pas ad vitam æternam parler de nouveau de la même chose. L'éternité c'est long !
On a le droit de s'opposer même si on n'est pas à la commission des lois !
L'éternité, c'est long, monsieur Ollier, surtout vers la fin… C'est la raison pour laquelle il nous revient d'examiner, maintenant, les derniers articles techniques en discussion et, enfin, de voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Christian Jacob.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes ici parce que tous les républicains, depuis la loi du 20 septembre 1792, ont imposé le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme. Nous sommes ici parce qu'aucune des lois civiles de la République n'est revenue sur ce qui reste la plus vieille coutume de l'humanité. Nous sommes ici parce que votre projet est un bouleversement de la définition du mariage.
Madame Bertinotti, dans votre intervention à cette tribune, faisant référence à nos convictions, vous avez parlé, tout à l'heure, d'un idéal de la famille qui n'existe plus. Je trouve ces propos totalement déplacés et inacceptables lorsqu'on a vos responsabilités, madame la ministre !
Vous êtes ministre de la République ! Vous n'avez pas à qualifier, ainsi, un idéal de famille qui n'existerait plus ! Peut-être reviendrez-vous sur vos propos à l'occasion des débats ! Nous serons heureux de vous entendre nous expliquer ce que sont les familles qui n'existent plus ! (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Vous voulez nous faire taire, mais nous ne nous tairons pas, madame la ministre ! En effet, les voix du groupe UMP sont celles des Françaises et des Français auxquels vous refusez la parole ! Vous avez décidé de vous attaquer à l'institution du mariage.
Vous avez décidé d'octroyer à des adultes un droit à l'enfant au mépris de ce qui devrait tous nous rassembler : le droit de l'enfant, notamment celui d'être élevé par un père et une mère ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous continuerons sans relâche à dénoncer ce qui se cache derrière votre projet. Vous ne voulez pas seulement le mariage et l'adoption, vous voulez aussi la PMA et la GPA, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises ! (« Mais non ! » et protestations sur les bancs du groupe SRC.) Votre président de groupe l'a rappelé ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Votre recul est purement tactique, car votre véritable objectif est d'autoriser la procréation médicalement assistée pour convenance personnelle.
Votre objectif est aussi d'autoriser la marchandisation du corps des femmes (Protestations sur les bancs du groupe SRC) …
…objectif partiellement atteint par la publication qui autorise la délivrance des certificats de nationalité française pour les enfants nés de GPA à l'étranger ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Cette circulaire existe !
Venons-en au triste spectacle que vous avez offert sur ce texte depuis son dépôt en conseil des ministres. Ce projet de loi a été élaboré dans des conditions particulièrement chaotiques et contestables. Son premier vice à peine caché, c'est l'absence d'étude d'impact. Vous avez été et êtes toujours incapables de mesurer les conséquences de ce texte tant sur le plan juridique que social !
Où est l'évaluation de l'impact affectif et éducatif sur les enfants ? Où est l'étude d'impact sur des pans entiers de notre droit de la filiation ? Où est l'étude d'impact sur la compatibilité de votre texte avec les conventions internationales qui lient la France avec les pays étrangers ? Quel est l'impact de ce texte sur l'accès à l'adoption internationale pour nos compatriotes ? Quel est l'impact de ce texte sur l'accès aux origines personnelles pour les enfants adoptés ? Vous avez délibérément organisé des inégalités et de graves discriminations entre les enfants.
Car, finalement, ce qui est, peut-être, le plus condamnable dans votre projet, c'est d'inscrire l'enfant dans une paternité artificielle, celui de lui dénier le droit de connaître ses origines, d'établir sa double filiation maternelle et paternelle ! Il n'y a pas le début d'une étude sérieuse, car, si vous l'aviez menée, vous auriez dû admettre que votre texte soulève des questions essentielles de constitutionnalité !
À ces carences, s'ajoute un mépris sans précédent d'organismes, pourtant respectés dans notre République. Vous vous êtes brutalement assis sur l'avis défavorable de la CNAF, sur l'avis extrêmement réservé du Conseil supérieur de l'adoption, sur l'avis hostile de l'Académie des sciences morales et politiques, sur l'avis du Conseil d'État que vous avez obstinément refusé de nous transmettre !
Quant au Comité national d'éthique, vous avez réglé la question en refusant de le consulter ! Vous saviez que cet avis serait cinglant et qu'un vrai débat national dans tout le pays vous aurait contraint à faire marche arrière. Enfin, nous n'avons pas oublié la volte-face du Président de la République qui a menti devant les maires de France en promettant une clause de conscience et qui s'est déjugé, sous la pression, quelques heures plus tard ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Le décor étant planté, vous vous êtes enfermés dans une stratégie jusqu'au-boutiste en faisant du Parlement le champ de votre aveuglement ! Ici, contrairement à tous les usages, vous avez refusé la création d'une commission spéciale. Vous avez rejeté notre appel au référendum, notre appel au peuple souverain ! Sur une question aussi fondamentale, seul le peuple français était en droit de se prononcer ! Vous n'auriez pas dû sous-estimer les obstacles constitutionnels qui se dressent devant ce projet de loi et que, seul, le peuple était fondé à lever ! C'est d'autant plus vrai que, dix mois après votre élection, une petite majorité de Français seulement vous fait encore confiance !
Plusieurs députés du groupe UMP. Exactement !
Vous avez refusé de recourir au référendum, car vous avez peur du peuple qui, personne n'en doute, aurait rejeté ce projet de loi ! Vous craignez à ce point le peuple que vous avez décidé d'en finir en une semaine, coûte que coûte, le plus vite possible ! Cette fuite en avant est désespérée !
Lundi matin, j'ai assisté à une conférence des présidents qui ne fut rien d'autre qu'un simulacre et une mascarade de démocratie !
Vous m'avez refusé un temps exceptionnel de débat au mépris même de notre règlement. Je vous rappelle l'article 49, alinéa 10 ! Nous aimons, ici, toutes et tous, cette belle maison ! Nous la servons avec le sens des responsabilités et le sens de l'intérêt général, mais nous n'aimons pas qu'elle soit maltraitée, humiliée et abaissée ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Je me souviendrai longtemps, monsieur le président de la commission des lois, de votre visage lorsque vous avez dû « avaler » le temps programmé, puis la convocation de votre commission dans des délais ne permettant pas de travailler sérieusement ! Mais ne vous y trompez pas, mes chers collègues, c'est l'affaire Cahuzac qui a justifié l'accélération de ce calendrier ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est vrai !
Oui, cette affaire est décidément une sombre affaire d'instrumentalisation ! On a d'abord vécu le leurre de la transparence pour faire oublier la responsabilité directe du chef de l'État qui a nommé M. Cahuzac comme membre de son gouvernement ! C'était de sa seule responsabilité ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Hors sujet !
Comme si cela ne suffisait pas, vous ouvrez un second rideau de fumée en inscrivant ce projet de loi avec cinq semaines d'avance sur l'ordre du jour prévisionnel de notre assemblée !
Votre panique est à la hauteur du discrédit qui frappe votre gouvernement et du rejet qu'inspire votre politique ! Vous n'aviez aucun droit à bousculer le calendrier !
Vous l'avez fait parce que vous n'avez pas changé depuis 1981 ! C'est toujours le même sectarisme de ceux qui pensent que l'opposition a juridiquement tort parce qu'elle est politiquement minoritaire !
Pourquoi cette panique ? Pourquoi ce passage en force ? Ce sont les seules questions qui se posent maintenant ! Vous passez en force parce que vous sentez que la colère gronde !
Vous sentez que le feu couve ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous vouliez éviter le rendez-vous avec le peuple le 26 mai, vous n'échapperez pas à ce rendez-vous. Vous êtes encore majoritaires dans l'hémicycle, mais vous êtes minoritaires dans le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Vous nous reprochez de souffler sur les braises, mais qui souffle sur les braises ?
De nombreux députés du groupe SRC. Vous !
De nombreux députés du groupe SRC. Vous !
De nombreux députés du groupe SRC. Vous !
Vous, madame la ministre, par les propos offensants que vous venez de tenir en accusant les députés de l'opposition d'inciter à la violence.
Nous sommes ici par la volonté du peuple (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) et souffrez que nous défendions nos convictions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, j'ai l'impression que vous tombez dans un piège. Laissez donc M. Jacob s'exprimer.
Je ne suis pas sûr que ce soit un vrai soutien, monsieur le président… (Sourires.)
Vous trouvez encore le temps, madame la ministre, de nous contraindre à siéger dans l'urgence pour adopter un texte qui n'est une priorité pour personne.
Le plus grave, c'est qu'à un moment où le Gouvernement est englué dans une crise morale sans précédent, vous continuiez à prendre le risque de diviser, de fracturer les Français.
Le Président de la République nous avait promis une présidence exemplaire. On sait maintenant ce qu'il en est avec le scandale Cahuzac. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il nous avait promis une présidence apaisée, la présidence d'un homme au-dessus de la mêlée. Force est de constater que François Hollande est entré dans la mêlée et qu'il donne lui-même les coups. Des centaines de milliers, des millions de Français ont attendu de lui une parole, un geste, qui n'est jamais venu.
Aucun Président de la République avant lui n'avait pris le risque de diviser les Français sur un sujet touchant si profondément l'unité de nos convictions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !
Aucun Président de la République n'avait, par aveuglement, creusé un tel gouffre entre les Français et lui.
Pour les trois à quatre jours qui viennent, nous savons à quoi nous en tenir. Nous allons subir une majorité muette, inerte, qui va accepter sans broncher un texte bricolé, qui, comme j'avais eu l'occasion de le souligner, se conduira en majorité godillot. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Cela vous avait fait réagir mais cela reflète bien l'attitude qui est la vôtre.
Vous allez refuser nos amendements, même ceux qui permettraient d'améliorer la rédaction de la loi, pour obtenir un vote conforme. Nous allons subir un gouvernement qui va réclamer des ordonnances. Mes chers collègues, si vous étiez si fiers de votre réforme, vous renonceriez à déposséder l'Assemblée de son pouvoir de légiférer, vous n'accepteriez pas que cette réforme se boucle à l'abri du regard du peuple.
Les Français ne vous pardonneront pas d'amputer le pouvoir de cette assemblée s'agissant d'une affaire qui, excusez du peu, concerne au moins quatorze codes différents.
Sur le plan juridique, le recours aux ordonnances doit se justifier par l'urgence. Où est l'urgence ? Je doute que le Conseil constitutionnel juge comme une urgence l'objectif de faire taire des millions de Français qui défilent dans les rues.
Jusqu'à la dernière seconde, nous serons fidèles à nos valeurs, à nos convictions profondes et, au terme des vingt-cinq heures de débat que, royalement, vous nous avez accordées,…
…ce ne sera pas, madame la ministre, la fin de l'histoire.
Notre opposition à ce texte est plus forte que jamais, parce qu'il touche à la conception que nous nous faisons de la famille, parce qu'il touche à la conception que nous avons de la défense du droit des enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Si ce texte venait à être promulgué après la décision du Conseil constitutionnel, la majorité de demain, vous devez le savoir, remettrait l'ouvrage sur le métier. Que vous le vouliez ou non, comme hier, comme aujourd'hui, une famille, demain, sera toujours constituée d'un père et d'une mère, et d'enfants s'ils ont le bonheur d'en avoir. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)
Je dirai quelques mots par courtoisie et respect pour le président Jacob et l'important groupe qu'il représente.
Nous avons évidemment entendu ses arguments et le ton mesuré avec lequel il les a exprimés, comme à son habitude.
Néanmoins, ils ne diffèrent pas sur le fond de ceux qui ont été évoqués très largement ici en première lecture.
Nous sommes convaincus pour notre part qu'il faut aller très vite pour adopter l'ensemble des articles, essentiellement techniques désormais. Je demande donc que soit rejetée la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Bruno Le Roux.
De façon très calme, très sereine, je dirai que, contrairement à Christian Jacob, nous sommes ici pour que le mariage ne concerne plus simplement un homme et une femme.
Vous avez fait référence à ce qu'était cette institution, monsieur Jacob. Nous assumons notre volonté de faire en sorte que, aux évolutions de la société, corresponde une évolution dans notre droit de ce qu'est l'institution du mariage. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici et, par votre première phrase, vous avez résumé toute la différence qu'il peut y avoir entre nous.
Nous avons effectué un travail considérable. Peu de textes sur les grandes questions de société ont fait l'objet d'un débat public aussi fort, aussi bien organisé, aussi à l'écoute de la société que celui que nous avons mené dans cette assemblée et lors des auditions.
Plusieurs députés du groupe UMP. N'importe quoi !
Le débat fut long. Il faut maintenant, je le dis très sereinement, lui trouver une conclusion.
Vous nous dites qu'il faut écouter…
…mais que faut-il écouter ?
Trois majorités se sont exprimées, avec deux légitimités différentes.
La première légitimité, ce sont les majorités qui se sont exprimées, une première d'abord lors d'un long débat dans cet hémicycle, une majorité forte, ayant même parfois emporté les clivages, et une seconde au Sénat. C'est la légitimité démocratique des représentants du peuple, qui, en conscience, après un long débat, ont approuvé une telle modification de notre code civil.
La seconde légitimité, c'est celle du peuple, qui a soutenu les engagements pris par le Président de la République lors de la campagne pour l'élection présidentielle et les élections législatives, aucune étude d'opinion n'étant venue contredire cette opinion. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est faux !
Non !
Nous ne sommes pas d'accord. Vous nous dites qu'il faut écouter mais, à ces différentes légitimités, au vote démocratique du Parlement, nous ne pouvons opposer la mobilisation de la rue, nous ne pouvons opposer la violence.
Je crains, mes chers collègues, qu'à ces légitimités, vous ne cherchiez à opposer la violence qui pourrait s'exprimer dans notre société (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP)…
Plusieurs députés du groupe UMP. Lamentable !
…et je veux marquer un désaccord très fort avec cette façon de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Oui, nous sommes ici pour essayer d'avoir non un nouveau débat mais une conclusion sur un texte à propos duquel nous ne partageons pas les mêmes idées, nous l'avons constaté.
Vous devriez savoir, mon cher collègue, que le public n'a pas le droit d'applaudir, heureusement.
Je n'entends que la légitimité du peuple qui s'exprime.
Vous qui, pendant dix ans, avez méprisé tout ce qui se passait dans la rue, ne l'écoutant pas une seule fois, même quand elle était majoritaire dans l'opinion, et je parle des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), vous n'allez pas nous faire le coup d'écouter une rue qui représente une France que l'on connaît. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)
Vous nous expliquiez, monsieur Jacob, que nous avions cinq mois d'avance sur ce texte, mais la réalité, c'est que vous avez quinze années de retard sur l'évolution de la société. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Vous prétendez que vous reviendrez demain sur ce vote, mais vous nous disiez la même chose il y a quinze ans lors du vote du PACS. Le PACS représentait une évolution et vous vous y référez aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Je veux le dire à ceux qui nous écoutent, nous assumons nos responsabilités dans l'évolution de notre société, nous voulons sécuriser par le droit ceux qui s'aiment et qui sont de même sexe.
Nous voulons tous, si nous le pouvons, célébrer demain de tels mariages, et ceux qui n'en ont pas la possibilité accepteront d'en être les témoins, le plus vite possible, quand nous aurons promulgué la loi.
Vous voulez rejeter ce texte, mais vous ne le referez plus jamais une fois qu'il aura passé le dernier obstacle de l'Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)…
Plusieurs députés du groupe UMP. Oh si !
…car cette grande avancée de société ne sera jamais remise en cause demain. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La force de la démocratie, c'est que ce que la loi fait, la loi puisse le défaire,…
Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !
…et il n'est pas très heureux, monsieur Le Roux, que vous prétendiez le contraire, récusant ainsi un principe essentiel de la démocratie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La motion défendue par M. Jacob doit être votée car, chacun le sait ici, et vos électeurs vous le disent sûrement jour après jour, la France a d'autres priorités. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Il faut donc en finir vite !
La France attend votre majorité, la France attend l'ensemble de notre assemblée sur l'économie, sur l'emploi.
Vouliez-vous masquer aujourd'hui le fait que le ministre de l'économie et le ministre du budget sont venus devant la commission des finances présenter un programme de stabilité conduisant tout droit à 20 milliards d'impôts supplémentaires en 2014 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Hors sujet !
Oui, la France a d'autres priorités, mais vous vous êtes enfermés dans ce projet et votre entêtement à lever un mouvement social puissant. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Ce mouvement social paisible, joyeux, convaincu, a retourné l'opinion des Français et vous avez tort, monsieur Le Roux, de ne pas tenir compte de l'enquête BVA publiée vendredi dernier dans Le Parisien Aujourd'hui en France. Alors qu'on leur demandait s'ils approuvaient le projet Taubira, 55 % des Français ont répondu non. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ils ne sont pas plus de 43 % à avoir répondu oui.
Alors, dans votre intérêt peut-être, et sûrement dans celui de la France, votez la motion présentée par M. Jacob et par notre groupe. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)
Le groupe UDI votera cette motion présentée par M. Jacob. « Où est-il, le groupe ? », « Vous êtes seul ! » et Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, on vous sent très en forme mais cela ne peut pas continuer comme ça !
Je constate qu'il y a de la fébrilité dans le débat. Si la sérénité était dans votre camp, comme l'a prétendu M. Le Roux, mes chers collègues, vous ne devriez pas réagir à mes propos.
Il y a un motif pour lequel la plupart d'entre nous se battent contre ce texte, c'est le droit de l'enfant, l'appréciation du concept d'égalité.
Notre combat mérite d'être mené jusqu'au bout, avec la même détermination qu'au cours de la première lecture. Ce qui nous importe à nous tous, c'est que l'enfant ait le droit à un père et à une mère, et cela vaut bien un combat. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, nous sommes en deuxième lecture et il y a, vous le savez, un certain nombre de désaccords entre vous. Vous n'allez pas crier à chaque fois que les uns ou les autres prennent la parole puisque vous connaissez les arguments, vous ne cessez de le dire. Essayons donc de nous écouter dans le calme.
En écoutant Christian Jacob, président du groupe UMP, j'ai eu le sentiment, en effet, que tout n'était que répétition.
Tout a été dit dans ce débat. Il n'y avait aucun argument nouveau. C'est d'ailleurs logique, et je ne vous en fais pas le reproche, chers collègues de l'opposition. C'est un simple constat. Nous pensons, au groupe écologiste, qu'il n'y a pas de raison que le débat s'éternise. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je parle calmement, sereinement, comme l'a fait le rapporteur.
Ce débat a été exceptionnellement long. Il est très rare qu'un sujet soit débattu à la fois au moment des élections (Mêmes mouvements)…
Nous pouvons tous en témoigner. Aux élections législatives, une grande partie de la campagne de mon adversaire de l'UMP portait sur ce sujet. Les électrices et les électeurs qui m'ont confié ce beau mandat de député l'ont donc fait en toute connaissance de cause. Nous sommes pleinement légitimes pour voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)
Et je trouve très choquant que des personnes remettent en cause la légitimité de l'Assemblée nationale. Qu'ils ne soient pas d'accord, qu'ils manifestent, c'est leur droit, mais qu'ils remettent en cause la légitimité du Parlement est particulièrement choquant. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Le Gouvernement a fait le choix de présenter son texte très en amont du débat parlementaire. Je ne me rappelle même plus si c'était au mois de septembre ou d'octobre que le texte est passé en conseil des ministres. Nous en avons ensuite débattu à l'Assemblée fin janvier. Pouvez-vous citer beaucoup de textes qui ont bénéficié d'un tel laps de temps entre la présentation en conseil des ministres et le débat à l'Assemblée nationale ?
À l'Assemblée, nous avons eu un débat exceptionnellement long de 110 heures, deux semaines non stop ! Ce n'est quasiment jamais arrivé.
Le texte est ensuite passé au Sénat, et là encore le choix a été de prévoir un laps de temps considérable entre la lecture dans chaque chambre.
Tout a été dit sur le sujet. L'expression politique et parlementaire est normale, y compris les motions de procédure et les amendements, mais l'obstruction est inutile : vous avez joué ce jeu-là en première lecture, ce ne sera pas opportun en seconde lecture.
Je tiens à dire un mot de l'expression citoyenne, car c'est un point important. L'expression citoyenne est normale. Le droit de manifester, nous l'avons, pour notre part, toujours défendu, mais j'ai le sentiment que, de votre côté, vous en découvrez, sinon l'existence, du moins l'exercice, avec ses avantages et ses inconvénients. Je respecte ce droit, mais les intimidations, les violences, en dehors du fait qu'elles sont inutiles, sont condamnables. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Tout à fait, monsieur Laffineur ! Quel que soit le sujet, je ne varie pas.
J'ai moi-même été victime d'une tentative d'intimidation. Je n'en ai pas fait tout un plat, je n'ai même pas porté plainte (Mêmes mouvements)…
…car je considère que la police a autre chose à faire que de s'occuper des débordements de quelques manifestants un peu agités. Cependant, quand M. Meslot a posé sa question au Gouvernement, cet après-midi – question légitime : on a le droit de poser les questions qu'on veut –, j'aurais aimé qu'il en profite pour condamner les actes d'intimidation et les violences commis contre notre collègue rapporteur, qui ne peut même plus participer à des débats sur ce sujet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Pas plus que vos interpellations ne feront cesser mon intervention, tous ces débordements, toutes ces intimidations, ces menaces, ces violences ne nous feront dévier de notre route.
Nous allons sans doute arriver à son terme cette semaine, et c'est très bien ainsi. Notre conviction n'a pas varié, notre légitimité non plus. La loi doit à présent être votée et, c'est ce qui nous importe, appliquée.
Certains, dans ce débat, ont opiniâtrement défendu le mariage et la famille. Eh bien, nous sommes fiers que, grâce au vote, très bientôt, et à l'application, dans quelques semaines ou quelques mois, de cette loi, des personnes pourront se marier et faire reconnaître, par ce statut, la famille qu'elles souhaitent construire.
Notre conviction, c'est qu'on ne reviendra pas sur cette loi. J'ai d'ailleurs noté que, dans son intervention, M. Jacob n'a pas parlé d'abrogation de la loi si l'opposition redevenait demain majoritaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je le note et je pense que c'est une bonne chose. Nous croyons même qu'il y aura consensus, dans quelques années, sur cette avancée dans l'égalité des droits.
Tout comme il y eut des débats très agités sur la pilule, l'avortement, le divorce même, avant cela, et plus récemment sur le PACS, que tout le monde défend aujourd'hui, nous sommes convaincus que tout le monde défendra demain la grande avancée qu'est cette loi sur le mariage pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, avoir avancé la lecture du texte est un geste politique fort qui était attendu, et nous en sommes fiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Enfin ! Enfin, nous allons pouvoir voter ce texte, après, je l'espère, nous être entendus les uns les autres.
Un député du groupe UMP. Aucune chance !
Hier, tandis que nous passions à la première lecture, c'était la Grande-Bretagne qui nous rejoignait.
Aujourd'hui, c'est la Nouvelle-Zélande qui vient d'adopter le même texte exactement que celui que nous proposons.
Un député du groupe UMP. Et alors, sommes-nous des moutons ? (Sourires.)
La loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe marquera la République, pour des décennies, car à l'évidence, comme en Espagne, jamais ce texte ne sera remis en question.
Un député du groupe UMP. On verra bien !
Cette loi met fin à une vieille discrimination. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Elle rend justice aux homosexuels qui, de tout temps, ont été victimes d'une homophobie blessante. Ce n'est que le 10 décembre 1981, rappelons-le, que la loi sanctionnant pénalement l'homosexualité a été abolie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)
Ce débat a été l'occasion d'opposer deux visions de la société. Chers collègues de droite, je respecte votre conception. Vous exprimez le passé, c'est votre droit (Rires sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR) ; vous exprimez une certaine forme de conservatisme, car vous êtes des conservateurs et vous l'assumez. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Nous autres, nous essayons d'exprimer la pensée rationnelle, celle de l'avenir (Mêmes mouvements), celle qui est portée par la jeunesse, celle qui croit aux principes d'égalité et d'humanité.
J'ai lu tous les amendements déposés par la droite : pour la première fois, vous avez cosigné des amendements communs avec le Front national ! (Huées sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Et ce sur un texte de société, un texte d'avenir, pas un texte technique ! C'est la première fois. Beaucoup serait à dire sur la dignité de tels amendements.
Nous souhaitons voter ce texte rapidement, afin que les premiers mariages puissent éventuellement avoir lieu dès l'été, et que nous ayons ainsi le sentiment d'avoir participé à un grand moment du progrès de l'humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)
Monsieur le président Jacob, nous avons eu, chacun l'a dit, un long débat en première lecture. Ce débat, ajouterai-je, a été, pendant les 110 heures que nous y avons consacré, éclairant et intéressant, car il a permis de distinguer les deux visions de la société qui existent dans cette assemblée : une vision qui ne veut pas voir évoluer la société, les rapports humains en son sein, et une autre vision qui admet que les choses bougent ; une vision qui réduit la famille à un homme et une femme – une femme pour procréer – et une autre qui considère que le ciment de la famille, c'est l'amour, le projet commun, et que cet amour et ce projet commun peuvent être portés par un couple homosexuel. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)
Ce sont également deux visions du droit de l'enfant. Ce droit de l'enfant, ce n'est pas le droit à un père et à une mère : c'est le droit au bien-être, à l'éducation, à l'amour (Mêmes mouvements), et ces droits peuvent être offerts par un couple homosexuel comme par un couple hétérosexuel.
Reconnaissons, chers collègues, qu'au-delà de cet hémicycle, ce débat a lieu depuis bien longtemps dans notre pays, dans la société. Depuis des années, les discriminations engendrées par l'inégalité des droits, les aspirations à une évolution de notre législation sont dites par des hommes et des femmes. C'est notre République qui est en retard par rapport à ces aspirations. Aujourd'hui, la République « se remet au carré » des droits nécessaires pour répondre aux attentes des hommes et des femmes vivant sur notre territoire.
L'Assemblée nationale va s'honorer, en cette fin de semaine, de voter une loi qui marquera une nouvelle avancée de civilisation, une nouvelle avancée humaine. Chaque fois que l'Assemblée a eu le courage d'aller au-delà de certaines opinions, comme pour l'abolition de la peine de mort ou l'IVG, elle a gagné de nombreuses consciences et fait avancer le « vivre ensemble » dans notre pays. C'est pourquoi nous voterons contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin sur la motion de rejet préalable :
Nombre de votants 358
Nombre de suffrages exprimés 358
Majorité absolue 180
Pour l'adoption 122
contre 236
(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Hervé Mariton.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, chers collègues, la France est en crise. Crise sociale : la situation de l'emploi. Crise politique : le discrédit, pour le moins, du Gouvernement. Alors, s'il vous plaît, n'ajoutez pas de la crise à la crise. Vous menacez par votre texte de fragiliser la famille, la filiation, et la France ne mérite pas cette crise sociale supplémentaire.
Crise sociale, crise politique, crise sociétale : voyez le mouvement qui s'est levé, plein d'une intense conviction ! Plus que jamais en ces temps difficiles, la famille, cellule de base de la société, est heureuse à nos concitoyens. Méfiez-vous : votre texte va la précariser, la fragiliser. Vous le savez, nous le savons, il est d'une particulière gravité, tout comme le moment auquel vous le proposez. Je l'ai redit tout à l'heure au président Le Roux : 55 % des Français le récusent.
Entendez qu'après les longs échanges de l'automne et ceux de l'hiver, les Français ont enfin tranché et donné leur verdict. Ils ont compris votre projet dans ses différentes dimensions : le mariage, l'adoption et la filiation. Au début existait une incohérence apparente, puisqu'une majorité de Français était favorable au mariage des personnes de même sexe, mais défavorable à l'adoption. Aujourd'hui nos concitoyens ont fait la synthèse et ils ont tout compris. Aussi leur demande-t-on s'ils sont favorables au projet porté par le Gouvernement que 55 % d'entre eux répondent par la négative.
En outre, ce texte est particulier, car si un texte très différent a franchi une première étape législative en Angleterre et au Pays de Galles – il n'a pas été examiné dans les deux chambres du Parlement –,...
…il y a, vous le savez – je l'ai dit en première lecture et le redis, car c'est essentiel dans notre débat –, une spécificité du mariage civil en France.
Si le mariage de personnes de même sexe ne soulève pas de telles contestations en Espagne, sans doute est-ce parce que pour la grande majorité des Espagnols, les choses ne se jouent pas en mairie et que le mariage civil en Espagne, comme dans beaucoup de pays en Europe et dans le monde, n'a pas la même signification qu'en France.
La force de la République est d'avoir inventé un sacré républicain, que vous voulez abattre. Le mariage civil constitue également un atout en France, puisqu'il peut figurer un moment très fort de l'intégration, quand des personnes de religions différentes ou d'origines différentes se marient à la mairie parce qu'elles en ont fait le choix – à supposer qu'elles l'eussent. En modifiant le mariage civil, vous le dévalorisez, car il n'aura plus le même sens demain. Il en est ainsi : vous affaiblissez ce moment puissant d'intégration que la République offrait jusqu'alors.
Permettez que l'on discute encore de ce texte, tant il est grave, tant le moment est particulier, tant le mariage civil est en France une institution forte que nous n'acceptons pas de voir défaire aussi rapidement que vous le souhaiteriez. J'ai dit – mais j'assume cette expression quand bien même elle a pu surprendre certains d'entre vous – que votre manière de faire, mesdames les ministres, était un coup d'État législatif. Regardez donc les débats : voyez cette extorsion de votes que vous avez organisée au Sénat !
Vous avez ensuite organisé la syncope du temps parlementaire, pour les raisons de calendrier évoquées par M. Christian Jacob, mais sans doute aussi parce que vous perdez, comme je l'ai démontré, le soutien des Français. La Conférence des présidents avait défini un calendrier il y a huit jours, où il n'y avait pas l'ombre de ce projet avant la dernière semaine du mois de mai au moins.
De plus, vous faites le choix des ordonnances. Que n'aurions-nous entendu si l'ancienne majorité avait fait ce choix ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Le Gouvernement veut décider seul, pour des raisons techniques nous dit-on. Mais, tout à l'heure, sur la chaîne parlementaire, nous débattions avec le rapporteur. Savez-vous quelle a été son expression pour décrire cette délégation de pouvoir ? Vous avez dit, monsieur Binet, qu'elle est « monstrueuse ».
Écoutez-vous ! Vous avez parlé de monstruosité, tant le champ des ordonnances est vaste. Il est illimité et regarde tous les domaines de la législation, sauf le code civil. Je pense que le Conseil constitutionnel saura sanctionner un champ de délégation aussi vaste, aussi « monstrueux », comme vous le dites,…
…aussi mal défini. Mais pourquoi choisissez-vous le recours aux ordonnances ? Le Gouvernement a proposé une première version du texte, laquelle a suscité un malaise qui s'est traduit dans l'article balai : il apparaissait que la majorité ne savait pas écrire son texte. Aujourd'hui, c'est une délégation par voie d'ordonnances. L'exécutif et la majorité montrent une difficulté immense à écrire un texte dont ils ignorent les conséquences. C'est une incohérence constitutionnelle, et vous persévérez ! Vous persévérez face à des manifestations de consciences, en voulant forcer la loi.
Tel Créon, madame la ministre, vous voulez opposer les lois civiles et la vision de l'homme, une vision humaniste de la politique que nous voulons exprimer et que je m'emploierai à vous rappeler. Il y a quelques semaines, nous assistions – moi respectueusement un rang derrière vous, madame la ministre – à une représentation d'Antigone. Que n'avez-vous été mieux inspirée, madame la garde des sceaux ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Assurément, notre vision humaniste récuse votre matérialisme ; elle récuse cet individualisme auquel vous vous résignez. Nous cherchons tout simplement un équilibre, conscients toutefois de la difficulté de notre exigence : un équilibre entre la nature et la culture, un équilibre entre la libre volonté et la responsabilité.
L'amour peut s'exprimer de différentes manières. Il est, telle la flèche de Cupidon, un don que Dieu ou la nature fait à l'homme, mais il est aussi, dans la tradition judaïque, un don que l'homme fait à Dieu ou à la nature. Cet équilibre de la culture et de la nature, nous devons constamment le rechercher, le préserver ; or vous l'abîmez dans votre projet.
Que voulons-nous proposer ? Nos arguments ont été renouvelés, car le texte a évolué de façon majeure entre la première et la deuxième lecture : sur des points techniques certes, mais également politiques – souffrez qu'on vous le dise, monsieur Urvoas.
Nous proposons une France généreuse,…
…nous proposons une France de coeur, une France de progrès, optimiste, confiante. Une France généreuse, qui reconnaît les différences,…
…qui propose d'inventer les meilleures solutions. Tel est notre projet du contrat d'union civile et de la reconnaissance du droit des tiers. Il respecte les différences et refuse cette violence à laquelle peut conduire le déni de la différence. Vous le savez, madame la ministre, c'est en pêchant de l'autre côté de la barque que l'on tire les meilleures réponses et les plus prospères. Or vous êtes restée dans le schéma enfermé et enfermant d'une réponse stéréotypée. Regardez aussi de l'autre côté !
Mais on n'arrête pas !
Cette France généreuse respecte le père, la mère, le mari et la femme. Vous avez tremblé lorsque, au début de ce débat, vous avez senti combien les Français ne voulaient pas de la suppression des mots de « père » et de « mère », de « mari » et de « femme » dans l'état civil.
Intelligemment, vous avez corrigé le tir. En première lecture, à l'Assemblée, vous avez, grâce à la fiction de l'article balai, tenté de limiter le nombre de fois où les mots de « père » et de « mère » disparaissaient de la loi de la République. Mais le Sénat est revenu à vos premières intentions. L'article 4, de nouveau en discussion, modifie les propos que tiendront les maires. La loi ne leur permettra plus de dire que l'autorité parentale appartient aux « père et mère ».
L'officier d'état civil qui, dans la version initiale de l'Assemblée, reconnaissait encore les personnes en tant que « mari » et « femme » ne le pourra plus, car l'article 4 modifie des dispositions symboliques extrêmement importantes du code civil. Vous n'aviez pas osé le faire en première lecture, car vous aviez compris quel était le danger politique. Mais le temps est passé par là et l'on avancera qu'on n'en a plus pour discuter, que tout cela n'est rien que technique et que, d'ailleurs, la plupart des collègues n'y comprennent rien, sauf que, au groupe UMP, comme nombre de Français, nous comprenons ce que cette nouvelle rédaction de l'article 4 signifie.
Nous proposons une France généreuse, une France de coeur, une France qui veut simplement l'égalité de tous ses enfants. Jean-Christophe Fromantin l'a très bien dit : l'égalité des enfants, c'est leur droit à avoir un père et une mère, c'est le droit, pour ceux qui subissent le contexte difficile de l'adoption, de ne pas être placés dans l'impossibilité d'avoir un père et une mère. Dans quelle situation placez-vous les responsables des services sociaux qui auront à arbitrer des choix d'adoption ? Seront-ce les quotas qui permettront de régler ces questions de coeur ? Comment décidera-t-on qu'un enfant sera adopté par un père et une mère ou par un couple formé par deux hommes ou deux femmes ?
L'égalité de tous les enfants, c'est le refus de la toute-puissance de l'individu dans une société atomisée, c'est le refus de l'individualisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cette France de coeur, mesdames les ministres, a aussi la volonté de protéger également les personnes. Lundi soir, en commission des lois, je pense avoir observé un certain malaise s'agissant de l'article 16 bis, même si je vous accorde que la rédaction du dispositif n'était pas simple.
En première lecture, j'avais déposé un amendement visant à permettre à un salarié de refuser une mutation dans un pays qui réprime l'homosexualité. Vous l'avez rejeté – sans doute parce qu'il émanait de l'opposition –, lui préférant un amendement qui restreignait cette protection aux personnes mariées ou pacsées. Au Sénat, le rapporteur, M. Jean-Pierre Michel, estimant qu'il y avait là un sujet digne d'intérêt, a souhaité reprendre ma démarche, ce qui est aimable, sauf qu'il réserve cette protection, au cas où les personnes peuvent la revendiquer « en raison de leur orientation sexuelle ».
Excusez-moi, mesdames les ministres, qu'est-ce qu'un droit payé au prix de l'obligation d'un coming-out ?
Vous aviez eu l'honnêteté de reconnaître, en première lecture, la construction invraisemblable que la commission avait choisie relativement au nom patronymique. Vous avez tenu vos engagements et avez rectifié cette décision au Sénat : nous vous en remercions. Ce sujet est particulièrement grave.
Certes, c'est un droit et non une obligation, mais pour revendiquer un droit, être obligé de faire état de son orientation sexuelle, c'est du jamais vu dans les lois de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il est scandaleux que, dans le cadre de la défense du droit des personnes, du respect de l'orientation sexuelle et de la liberté de chacun à la dire ou à la taire, la protection des personnes soit soumise à cette clause d'affichage de son orientation.
On aurait pu espérer que votre texte ait d'autres conséquences que le coming-out obligatoire. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Mon argument est technique, mais il signe l'approche invraisemblable de ce texte. Je crois que nombre d'entre vous ont compris le problème, mes chers collègues de la majorité, mais vous voulez un vote conforme pour que toute cette affaire soit ficelée rapidement. Pourtant, les navettes permettent, par exemple, de corriger des erreurs de ce type. Je ne fais pas procès à M. Michel d'avoir volontairement mal rédigé cet article, mais le texte voté au Sénat, que vous voulez accepter ne varietur, aura pour conséquence de protéger les personnes, ce qui est bien, mais au prix de l'obligation du coming-out, ce qui est absolument invraisemblable, scandaleux, inédit dans les lois de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous aurez le courage et l'intelligence de corriger cela par voie d'amendement, car si vous ne le faisiez pas, la conscience que vous faîtes vôtre dans ce débat aurait beaucoup à s'interroger : serait-ce alors votre part d'ombre ?
Nous, que voulons-nous ? Une France généreuse, une France de coeur, une France de progrès.
Une France de progrès disais-je, parce que nous voulons comprendre le progrès et sommes, là aussi, dans la recherche constante de l'articulation entre celui-ci et la raison. Chacun le sait : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. » C'est pourquoi nous refusons la procréation médicalement assistée. Le rapporteur a rappelé, mercredi dernier, son soutien à la procréation médicalement assistée, et je le remercie pour votre honnêteté intellectuelle. Nous comprenons bien que ce projet de loi est le début d'un enchaînement : la majorité d'entre vous veulent la PMA et certains, ainsi que des membres du Gouvernement, la GPA. Au reste, ce texte, s'il est promulgué, aura pour effet principal – incohérence constitutionnelle supplémentaire – de permettre la régularisation de situations créées à l'étranger et contraires à la loi française.
S'agissant de la PMA, le Président de la République a annoncé qu'il suivrait l'avis du comité d'éthique. L'idée de le saisir, quoique tardive, est bienvenue, mais lier automatiquement sa décision à l'avis d'un comité consultatif est une forme originale de la pratique républicaine.
Oui, nous le savons, le monde bouge, et les Français doivent s'épanouir dans ses vastes horizons. À cette fin, nos concitoyens et nous tous ensemble devons être à la fois conquérants et rassurants : conquérants dans le vaste monde, rassurants dans la proximité, rassurants par la place reconnue à la famille, à sa force et à la transmission.
Une France de progrès, disais-je, mais aussi une France optimiste, celle qui manifeste paisiblement, calmement, et qui est aujourd'hui majoritaire : 55 % des Français refusent votre projet. C'est la France du sourire et de la vie – le sourire désarmant de manifestants non violents –, une France qui veut transmettre, construire, aimer, une France qui veut apporter une réponse à tous ses enfants, quelle que soit leur orientation sexuelle – elle ne nous regarde d'ailleurs pas en tant qu'élus de la République –,…
…une France qui veut toujours inventer, vivre, une France qui veut que s'épanouisse la famille, une France confiante, tout à l'opposé de la défiance dont fait aujourd'hui l'objet le Gouvernement et la majorité.
Cette France confiante s'est vu refuser la demande de référendum. Peut-être avez-vous eu peur. Le groupe UMP a inscrit à l'ordre du jour du 25 avril l'examen du projet de loi sur le référendum d'initiative partagée et, comme nous avons l'esprit constructif, nous étions prêts à voter conforme le texte adopté par les sénateurs socialistes. Mais alors une énergie considérable se serait levée dans le pays, rassemblant près de cinq millions de signatures pour exiger un référendum afin de trouver d'autres voies législatives pour la famille et pour les couples de personnes de même sexe, afin d'inventer la solution dont notre pays est digne. Vous, vous vous êtes défiés des Français, vous avez refusé le référendum. Nous, nous leur faisons confiance.
Le président Jacob l'a rappelé en défendant notre motion de rejet préalable, je l'avais dit dans les explications de vote, le 12 février : oui, en 2017, nous réécrirons le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Notre engagement est clair : nous proposerons aux Français une vision plus optimiste, plus confiante et plus progressiste de la famille, une vision plus heureuse pour toutes et tous, quelle que soit leur orientation sexuelle – qui, je le redis, ne nous regarde pas –, pour que chacun soit heureux au mieux de sa vie. Nous le ferons dans le respect des personnes. Si, par malheur, votre texte est voté et promulgué, nous n'allons évidemment pas démarier des personnes mariées,…
…ni faire désadopter des personnes adoptées, mais, comme dans d'autres pays, d'autres États, la Californie par exemple, ce que la loi a fait, la loi peut le défaire, et ce que vous aurez introduit avec le mariage et l'adoption plénière par des couples de même sexe, nous le déferons. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, chiche, madame, et parce que nous avons confiance dans les Français, nous proposons de le faire par la voie du référendum. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Votre majorité se méfie du peuple français, nous, nous avons confiance en lui (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et nous demanderons aux Français quelle est leur vision, leur amour de la famille, leur amour des enfants de France, toutes et tous, sans exception, sans en considérer certains comme appartenant à des familles oubliées de l'histoire et d'autres comme reconnus uniquement par une déclaration, une case cochée sur une fiche !
Mesdames les ministres, mesdames, messieurs les députés de la majorité, reprenez votre texte, reprenez-le vite, et redonnez l'espoir aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, au début de votre intervention, j'avais commencé à noter les éléments que je voulais développer parce que je trouvais que vous déformiez la réalité.
Ainsi, vous parlez d'extorsion de votes au Sénat, mais le président du groupe UMP aurait pu demander un scrutin public. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? De même, vous évoquez « la syncope du temps parlementaire » : je vous renvoie à la prérogative constitutionnelle du Gouvernement en vertu de l'article 20. Vous employez aussi la formule « forcer la loi », alors qu'il n'y a pas eu de problème, bien au contraire. J'avais donc commencé à prendre des notes, mais il y a tant de mauvaise foi, tant d'arguments contradictoires, tellement de déformations, que je me suis dit que ce serait peine perdue, que je n'arriverais pas à vous convaincre, et que la seule chose que vous cherchiez, c'était de gagner du temps. Je propose donc le rejet de votre motion de renvoi en commission et que l'on passe à l'examen du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il n'y avait pas d'argument dans vos propos, monsieur Urvoas ! Quel mépris !
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Yann Galut, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur Mariton, oui, ce soir, nous allons donner espoir à l'ensemble des Français (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à tous ces couples qui attendent le mariage pour tous, à toutes celles et ceux qui attendent que nous votions ce projet de loi, après des heures et des heures de débats. La majorité votera donc ce texte,…
…d'égalité et de justice. Il est important de souligner que d'habitude, quand on manifeste dans la rue, c'est pour obtenir ou pour préserver des droits pour soi, alors qu'ici, les manifestants veulent empêcher d'autres personnes d'avoir des droits ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas admissible dans notre démocratie !
L'objectif de ce texte, c'est l'égalité, puisqu'il s'agit de donner à des milliers et des milliers de couples la même possibilité qu'aux autres. Voilà votre problème fondamental, mesdames, messieurs les députés de l'UMP : vous légitimez une discrimination que nous supprimons. Ce faisant, nous agissons comme des dizaines d'autres pays qui, semaine après semaine, mois après mois, rejoignent ce mouvement d'égalité générale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous vous trompez donc de débat. Notre France, c'est la France de l'amour, celle qui va permettre aux enfants de couples homosexuels d'être protégés, la France qui, fière de ses valeurs, offre les mêmes droits aux mêmes personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle.
Je comprends donc vos réticences. Vous combattez ce texte depuis des semaines et des semaines, et vous avez subi défaite après défaite : le Sénat, qui, selon vous, devait émettre un vote contraire au nôtre, a adopté le texte il y a quelques jours.
Ce soir, nous allons dans le sens de l'histoire, celui de l'égalité, notre combat. C'est le combat de la gauche, celui que nous portons en nous.
Mes chers collègues, je vous invite bien entendu à rejeter la motion de renvoi en commission. Dans ce climat qui n'est pas acceptable, où l'on voit des forces conservatrices de droite et d'extrême-droite se retrouver (Protestations sur les bancs du groupe UMP), non seulement à l'Assemblée nationale mais aussi dans la rue,…
…permettez-moi d'avoir une pensée pour ces enfants qui, rentrant de l'école, pleurent parce qu'on remet en cause leurs mamans, pour tous ces couples homosexuels qui ont peur qu'on leur retire leurs enfants. Nous voterons donc ce texte non seulement avec une grande fierté, mais aussi avec une grande détermination. Je vous invite donc une nouvelle fois, mes chers collègues, à rejeter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.
La motion qui a été défendue, avec beaucoup de sagacité, par Hervé Mariton,…
…– en effet, et même brillamment, vous avez raison, cher collègue – doit être votée. Oui, le renvoi en commission s'impose. Votre réponse, monsieur le président Urvoas, manquait singulièrement de corps. Répondre de façon aussi laconique aux demandes pressentes et précises d'Hervé Mariton démontre que vous traitez à la légère beaucoup de questions qui méritent des mises au point très précises.
Quant à l'intervention de notre collègue socialiste – qui nous habitue, c'est vrai, à ce genre de facéties –, je dirais, pour faire un mauvais de jeu de mots, qu'elle était un véritable « galutmatias » (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC). Certes, la France a d'autres priorités, il faut apaiser le pays au lieu de cliver, de diviser. Le coeur du projet, c'est-à-dire le mariage et l'adoption, a été voté, nous dit-on, par le Sénat. Je reviendrai sur les conditions un peu laborieuses et particulièrement décevantes de cette adoption. Mais le Sénat a sans doute ses raisons que l'Assemblée n'a pas à connaître.
Il est urgent de retravailler ce texte, qui est bien imparfait, et de le décortiquer à nouveau. L'amendement-balai censé régler un certain nombre de problèmes est passé à la trappe, et on nous propose un mécano aux pièces si éparses que le Gouvernement juge bon d'en garder le mode d'emploi en ayant recours aux ordonnances au titre de l'article 38. Cela montre bien son peu d'assurance vis-à-vis de son projet de loi et sa volonté de nous en dessaisir. Nous devons garder la main sur ce texte et à nouveau l'examiner en commission. En effet, que d'approximations : l'article 4 bis renvoie aux ordonnances pour remettre en forme au moins quatorze codes – excusez du peu ! –,…
…du code de la santé au code de la sécurité sociale, en passant par le code des pensions, par celui des pensions militaires et d'invalidité, j'en passe et des meilleures.
Vous voyez bien que rien n'est prêt. La majorité agit dans la plus grande impréparation.
Que dire de l'article 16 bis, qui aura pour effet d'obliger un certain nombre de salariés à un coming-out ? Est-ce cela, le respect de la vie privée : une rupture d'égalité entre les citoyens ? Le Gouvernement s'en est rendu compte – de même que la commission, je crois. Mais non : il faut avoir le doigt sur la couture du pantalon, et voter à tout prix ce texte conforme.
Les godillots de la majorité vont donc s'exécuter. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons une autre conception de la démocratie et des réformes de société. Celles-ci méritent des débats sereins ; or, actuellement, tout est fait pour attiser les passions et les haines, parce que le Gouvernement veut précipiter l'adoption d'un texte dont l'examen nécessite du temps.
Nous n'acceptons pas ce vote conforme. Nous dénonçons cette précipitation. Voilà pourquoi le groupe UMP votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l'Union des démocrates indépendants.
Notre collègue Mariton a posé une question intéressante : quelle est la France du progrès ?
La France du progrès est-elle la France qui suit les autres pays ? Vous avez, les uns et les autres, cité à plusieurs reprises les pays qui font avancer les débats dans ce domaine. La France doit-elle suivre les autres ? N'a-t-elle pas vécu de grandes heures quand elle a résisté et quand elle n'a pas fait comme les autres ?
La France du progrès est-elle la France qui consolide des valeurs sur lesquelles elle a construit cette humanité, et dont elle est fière ? Ou est-elle celle qui détruira ces valeurs pour s'aventurer sur des chemins et dans des mesures dont on ne connaît pas – notre collègue Hervé Mariton l'a rappelé – l'impact dans les années à venir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La France du progrès est-elle celle du rassemblement, de la sérénité et de la confiance, ou celle du clivage et de la défiance qui se dessinent depuis maintenant plusieurs semaines autour de ce débat ?
Chers collègues de la majorité, le progrès que vous évoquez ne se décrète pas en quelques semaines sur les bancs de l'Assemblée nationale. Le vrai progrès se partage : il arrive tout seul, sans qu'il y ait besoin d'invectives.
Les conditions du progrès et de la sérénité ne sont pas réunies aujourd'hui autour de ce débat.
C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons la motion de renvoi de commission défendue par notre collègue Mariton. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je crois pouvoir dire sans trop m'avancer qu'après deux mois et demi d'auditions, vingt-cinq heures de travail en commission, cent dix heures de débat dans cet hémicycle et cinquante heures de débat au Sénat, celles et ceux qui nous regardent, à la télévision ou dans les tribunes du public, doivent penser que les meilleures interventions sont les plus courtes. J'essaierai donc d'être bref, car dans ce débat, nous avons déjà identifié très largement les oppositions.
Ce qui m'étonne – mais cela ne m'a pas totalement surpris de la part de notre collègue Mariton –, c'est que l'opposition a toujours recours aux mêmes annonces de faillite, de décadence et de crise généralisée. Dans le mouvement d'opposition à l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, j'ai l'impression que ce type de discours a été la règle. L'argumentaire apocalyptique a toujours été l'un des fondements du discours homophobe.
Pour mémoire, je veux citer quelques propos tenus dans cet hémicycle à une époque pas si lointaine, qui pourraient vous faire réfléchir : « Contre l'intérêt général, vous avez cédé à la pression d'un groupuscule. L'engrenage est irréversible ; or, pardonnez-moi, cet engrenage-là est celui de la décadence. Il n'y a pas de honte, madame la garde des sceaux, à refuser la décadence ! » Ces propos sont ceux de Philippe Houillon.
Quant à celle qui reste la plus célèbre des opposantes au PACS, et que je ne nommerai pas, elle déclarait : « Inféconde par nature, l'homosexualité ne répond pas aux critères démographiques et éducatifs qui fondent les devoirs de l'État. Toutes les civilisations qui l'ont reconnue et justifiée comme un mode de vie normal ont connu la décadence. » Nous sommes donc en décadence !
Vous le savez, le PACS est devenu l'une des formes de conjugalité les plus prisées des couples hétérosexuels, qui composent aujourd'hui la majorité écrasante des couples pacsés. Vos annonces de faillite et de crise généralisée n'ont jamais été confirmées par les évolutions sociales. Cette fois, ce sera la même chose : une fois votée, cette loi rentrera dans les moeurs et sera considérée comme une avancée en termes d'égalité, et je m'en félicite.
Je rappelle également que la volonté des hommes et de leurs représentants est le fondement de la loi dans un État laïc. Il n'existe pas d'ordre symbolique ou de loi naturelle qui devrait s'imposer au législateur : voilà ce qui nous distingue dans la manière dont nous envisageons la vie en société et le contrat social.
Pour conclure, ce qui m'a profondément heurté dans l'intervention de notre collègue Mariton, c'est sa référence à l'article 16 bis. Nous en avons discuté en première lecture, et nous en avons de nouveau discuté en commission. Il est vrai que le Sénat a modifié la formulation de cet article et que, se référant aux travaux réalisés dans le cadre de la loi contre le harcèlement sexuel – texte que nous avions voté à l'unanimité dans cet hémicycle –, il a introduit la possibilité de faire valoir son orientation sexuelle pour s'opposer à une mutation professionnelle. Monsieur Mariton, vous interprétez cette avancée comme une obligation de coming-out.
Après vous avoir entendu, je comprends que vous tolérez les homosexuels, à condition qu'ils soient cachés, dans l'ombre, dans le placard. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Aujourd'hui, nous avons décidé de leur donner la pleine égalité : je m'en félicite. C'est pourquoi le groupe écologiste rejettera votre motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur Mariton, vous nous demandez donc de passer encore quelques centaines d'heures avec vous ?
Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !
Estimez-vous que c'est vraiment utile, au moment où la France connaît une crise économique aussi grave ? (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Ne voulez-vous pas discuter de la situation économique de la France ? Ne voulez-vous pas discuter de la situation sociale de la France, des chômeurs ? (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Par un renvoi en commission qui polluerait la situation, vous nous empêcheriez de traiter les véritables problèmes : celui des contrats d'avenir, celui des contrats de génération et celui de la situation budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez décidé de faire l'impasse sur ces sujets. Eh bien, non ! Nous, nous voulons discuter de la situation économique le plus vite possible, et opposer notre vision sociale-démocrate à votre vision conservatrice de la société. Nous voulons discuter ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous voulez discuter, mais vous ne voulez pas agir. Cela fait un an que nous attendons votre action !
Mes chers collègues, nous allons débattre pendant toute une nuit : gardez donc un peu de force !
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur Mariton, vous avez défendu une motion de renvoi en commission. Pour quoi faire ? Compte tenu du nombre d'amendements que vous avez déposés – plus de 500 – et de la façon dont vous les avez défendus en première lecture, nous avons vraiment pu aborder tous les détails et les enjeux les plus importants de cette loi.
Vous dites que vous voulez retravailler la loi – c'est votre deuxième argument. Mais, monsieur Mariton, vous avez expliqué en première lecture que vous étiez fondamentalement opposé à l'ouverture du mariage pour tous et toutes. Dans votre esprit, il ne s'agit donc pas de retravailler la loi, mais de faire obstacle à cette loi de progrès et d'égalité : voilà le véritable problème ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Chers collègues de l'opposition, vous affirmez que, si vous redevenez un jour majoritaires, vous reviendrez sur cette loi.
Je fais le pari qu'après le vote de cette loi, les premiers mariages apporteront tellement de joie qu'ils constitueront, au contraire, un signe de confiance et de bonheur,…
…et que vous ne pourrez jamais revenir sur cette loi, parce qu'elle appartiendra à tous les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)
Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin sur la motion de renvoi en commission :
Nombre de votants 301
Nombre de suffrages exprimés 301
Majorité absolue 151
Pour l'adoption 86
Contre 215
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
(Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Monsieur le président, mes chers collègues, je ne ferai pas à nouveau la démonstration que la démocratie parlementaire n'a pas été bafouée – bien au contraire – dans le cadre de l'examen de ce texte : le président de la commission l'a parfaitement expliqué.
Peut-être ne peut-on pas en dire autant de la République. À l'occasion des débats, celle-ci a été attaquée dans ses fondements. Elle a été attaquée, d'abord, par ceux qui voudraient dénier au Parlement le droit de légiférer. On ne l'a pas assez précisé : c'est le Conseil constitutionnel qui nous a renvoyés, dans sa décision consécutive à une question prioritaire de constitutionnalité de janvier 2011, à notre responsabilité de légiférer sur cette question. Les sages avaient alors estimé qu'il ne leur appartenait pas de se substituer au législateur quant à la prise en compte de la différence de situation, au regard du mariage, entre les couples de personnes de sexe opposé et les couples de personnes de même sexe. Ainsi, le Conseil constitutionnel nous a rappelés à notre compétence souveraine de législateur. Aujourd'hui, nous assumons pleinement cette compétence en proposant d'étendre à tous les couples la reconnaissance sociale et la protection juridique qu'offre le mariage.
La République a également été attaquée sur un deuxième aspect, peut-être plus fondamental encore. Certains, dans notre hémicycle même, estiment que l'égalité des droits ne serait pas une exigence.
La déclaration des droits de l'homme et du citoyen nous enseigne que la loi doit être la même pour tous ; ce principe exclut la forme de discrimination que constituerait un statut particulier. Bizarrement, cette idée d'un statut particulier séduit ceux qui la rejetaient hier – je veux dire il y a quatorze ans – lorsque nous mettions en place le pacte civil de solidarité,…
…dont l'opposition prédisait à l'époque qu'il allait affaiblir le mariage. Désormais, les mêmes tentent de plaider pour une union civile, qui n'est qu'un moyen de refuser le mariage des couples de personnes de même sexe.
À ceux qui y verraient une contradiction, je veux simplement préciser que le PACS était ouvert à tous les couples, hétérosexuels comme homosexuels, alors que votre union civile est le nouveau ghetto dans lequel vous voulez enfermer les couples homosexuels, pour les montrer du doigt.
Nous disons : « égalité » !
Nous disons : « mariage ouvert à tous les couples », qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels.
Enfin, la reconnaissance juridique des liens entre un enfant et les parents qui l'aiment et l'éduquent ne doit pas différer selon la configuration du couple.
Le principe d'égalité qui commande de ne pas traiter différemment les situations identiques est donc pleinement respecté.
En ce domaine, la France rattrape enfin son retard en s'inscrivant dans un mouvement historique et international de lutte contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle. L'homosexualité n'a été dépénalisée en France qu'en 1982 et retirée du registre des maladies mentales qu'en 1992. Il n'est jamais inutile de s'en souvenir car la marche vers l'égalité n'est pas engagée partout. Le regard porté sur l'homosexualité permet souvent de mesurer le degré de démocratie des États : soixante-dix pays dans le monde pénalisent encore aujourd'hui l'homosexualité de quelques mois de prison à la peine de mort, malheureusement, dans certains cas.
C'est pourquoi les opposants à cette réforme, s'ils méritent d'être écoutés et ils l'ont été, ne peuvent ignorer la portée de leurs propos au regard de ces situations internationales. Ils doivent mesurer le risque que leurs arguments dérivent ou dérapent. Débattre, discuter est sain et nécessaire, mais créer un climat d'affrontement, semer des graines d'intolérance et d'homophobie, c'est jouer avec le feu. L'homophobie peut prospérer sur des propos et des pensées qui n'avaient pas à l'origine de vocation homophobe.
Cette réforme va dans le sens de la non-discrimination, de l'ouverture, de la tolérance. C'est notre fierté de soutenir, mesdames les ministres, cette étape décisive dans la marche vers l'égalité, cette égalité que les couples homosexuels attendent dans la souffrance, pour beaucoup, depuis longtemps et pour laquelle ils se sont battus. Nous allons la voter pour honorer leur juste combat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, sans trop m'attarder, je voudrais insister sur les éléments de forme et de fond qui motivent notre opposition ferme et résolue au projet de mariage pour tous.
Sur la forme, je m'associe à l'étonnement très grand, non seulement de mes collègues, mais aussi de l'opinion publique, devant l'empressement du Gouvernement à faire revenir le texte devant l'Assemblée nationale. Pourquoi une telle précipitation ? Nous voilà avec un TGV, un texte à grande vitesse. Après un vote à main levée au Sénat vendredi, vote qui a dérouté beaucoup de personnes, le Gouvernement, sous la houlette de M. Vidalies, le ministre chargé des relations avec le Parlement, a annoncé que le texte reviendrait à l'Assemblée le mercredi 17 avril, soit aujourd'hui.
La conférence des présidents est convoquée pour le lundi matin ; les membres de la commission des lois apprennent dans le courant du vendredi après-midi qu'ils seront convoqués le lundi à seize heures. Il ne leur restait donc que le week-end pour travailler tant bien que mal sur un texte qui n'est pas encore officiellement sur le site de l'Assemblée nationale à ce moment-là. Une telle précipitation doit être dénoncée.
Sans doute le Gouvernement a-t-il la légitimité, de par la Constitution, pour décider d'accélérer l'examen d'un texte. Nous verrons le moment venu ce qu'en pense le Conseil constitutionnel. Dans les faits, cette procédure accélérée s'apparente à un véritable coup de force. Quelle nécessité y avait-il d'aller aussi vite ?
Peut-être, ou alors pour reprendre la main dans l'opinion et sauver une réforme dont les Français ne veulent plus ? Mais l'ont-ils jamais voulue ? Permettez-moi de citer, non sans un certain plaisir, le sondage BVA de vendredi dernier qui révèle que 55 % des sondés récusent ce texte et ne se retrouvent plus dans le projet du Gouvernement. S'agit-il de masquer l'affaire Cahuzac ou les incompétences économiques alors que la récession est annoncée par le FMI ? Je ne sais. Toujours est-il que les droits du Parlement et de l'opposition sont amoindris et peut-être même bafoués.
Certes, un parlementaire doit être disponible et être présent le plus souvent possible à l'Assemblée, mais quid de la gestion des agendas ? Quid de ces programmes bouleversés et sans cesse remis en cause ? Ce n'est rien, nous dit-on, car nous avons pu déposer quelques centaines d'amendements. Sans doute et nous avons essayé de faire au mieux. Mais que représentent vingt-cinq heures seulement de débat dans le cadre d'un temps programmé ? Il faudrait plutôt parler de temps guillotine ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le sable s'écoule inexorablement et la grande faucheuse des droits de l'opposition est là, qui nous attend. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je constate que ces mots vous étonnent et suscitent des commentaires. Mais au moins comprendrez-vous à quel point nous sommes scandalisés. Oui, chers collègues, la grande faucheuse des droits de l'opposition nous surveille aujourd'hui.
Cette deuxième lecture conduite dans la précipitation n'est pas à l'honneur du Gouvernement. Si l'on s'achemine vers l'adoption d'un texte conforme – cela transparaissait au demeurant en filigrane dans les propos tant du rapporteur que des ministres –, eh bien soit ! Mais nous porterons nos arguments jusqu'au bout. Dans ce temple de la République, si la messe est dite, nous n'en finirons pas aussi rapidement. Un sentiment de malaise règne parmi nos concitoyens. Les opposants se sentent méprisés. L'exaspération est à son comble.
Mes chers collègues, mesdames les ministres, je vous prends à témoin. Le Gouvernement porte une lourde responsabilité dans ce climat : le climat des affaires, avec l'affaire Cahuzac, le climat social qui se détériore. En agitant le chiffon rouge, vous jouez un jeu dangereux en divisant l'opinion publique. Je dénonce par avance toute violence, toute atteinte aux personnes et aux biens, y compris le harcèlement des ministres à leur domicile – ce n'est pas acceptable, il faut une distinction claire et nette entre la vie publique et la vie personnelle. Il n'empêche que par l'attitude de ses membres, le Gouvernement, dans son ensemble, excite – je dis bien : excite – la population (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et porte une lourde responsabilité.
Je dirai même qu'il y a deux poids, deux mesures. Quand des syndicalistes cassent leur outil de travail, on fait voter une loi d'amnistie par le Sénat.
Pourquoi des gens manifestant pacifiquement, revêtus du tee-shirt ou du sweater rose de la Manif pour tous, seraient-ils inquiétés au jardin du Luxembourg ?
Pourquoi soixante-sept personnes ont-elles été gardées à vue il y a quelques jours ? La nuit dernière, c'est notre collègue Damien Meslot qui a été empêché de regagner l'Assemblée.
Moi-même, j'ai été, avec Dominique Tian et Jean-Frédéric Poisson, pris à partie par les forces de l'ordre alors que nous allions saluer une démonstration sereine et pacifique d'étudiants qui faisaient un sit-in. Ils n'avaient ni barres de fer, ni canettes, ni clous, ni écrous, ni je ne sais quoi à jeter sur les forces de l'ordre. Trente-cinq d'entre eux ont été conduits au commissariat et relâchés à deux heures du matin. Ne trouvez-vous pas que cela revient à instrumentaliser les choses ?
Ne pensez-vous pas que le Gouvernement porte une responsabilité dans cette radicalisation ?
Les hauts gradés à qui nous demandions quelques comptes de ces agissements nous ont fait la réponse suivante : « Nous nous en excusons ; demandez à la Préfecture de Paris, au ministre de l'intérieur. » Telle est la situation de provocation dans laquelle nous nous trouvons.
Vous feriez mieux d'écouter ce mouvement qui prend de l'ampleur. Ne restez pas sourds aux grondements du peuple qui montent dans nos campagnes, dans nos villes, dans nos cités, dans nos banlieues ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Au plan strictement parlementaire, notre combat peut paraître vain en raison de ce temps guillotine qui muselle l'opposition. Nous continuerons néanmoins à donner de l'espoir à ceux qui sont à nos côtés. Oui, l'opinion publique se retourne, mesdames les ministres. À votre place, je serais attentif à cette situation. Depuis la parution du manifeste de Stéphane Hessel, notre capacité d'indignation à nous aussi a crû et s'est développée.
L'article 5 de la Constitution confie au Président de la République un rôle d'arbitre, sans doute pour qu'il veille au fonctionnement régulier de nos institutions. Alors qu'il joue ce rôle : qu'il suspende le projet, qu'il le retire même ! Il se grandirait en le faisant. Monsieur le Président, chiche ! Assurez la paix sociale, concentrez vos efforts sur la seule guerre qui vaille en ce moment : la guerre économique. C'est la bataille de l'emploi qu'il faut gagner et pas une autre !
Unissons-nous ! Tout ce qui nous unit nous grandit. En ce moment, j'ai l'impression que le Président cherche à nous rapetisser en nous séparant et en clivant davantage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Après la forme, j'en viens au fond. Le texte est loin d'être parfait. C'est du bricolage, un grand bricolage dont le Gouvernement fait aveu en ayant recours aux ordonnances. Je crains, mes chers collègues, que la boîte à outils du Président de la République ne suffise pas à rafistoler ce texte bancal.
Nous avons rappelé notre opposition à ce texte ; celle-ci s'est même renforcée ces dernières semaines. Je passe rapidement sur notre opposition initiale : l'effet dominos que nous redoutons, l'équation : mariage + adoption = PMA + GPA. Inéluctablement, disent certains, nous y aurons droit. Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, nous lutterons. Il n'y a pas un sens de l'histoire qui serait définitivement inscrit ; je n'ai pas cette vision marxiste des choses.
Oui, nous sommes contre la marchandisation des corps. Oui, nous sommes contre la réification, la chosification, tant des enfants que de l'utérus des femmes.
Oui, nous sommes contre cette révolution anthropologique, cette révolution culturelle. Nous ne voulons pas de ce « changement de civilisation » tel qu'il a été proposé par la garde des sceaux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Au-delà de ces arguments, je rappelle avec force qu'il faut mettre en perspective les éléments du débat. Il ne s'agit pas d'un élément isolé, d'une petite pièce d'un puzzle. C'est la réforme du droit de la famille qui se profile. C'est la recherche sur l'embryon. C'est l'euthanasie. C'est le gender. C'est l'ensemble de l'attaque contre les familles que nous devons dénoncer. Au final, c'est une vaste offensive ultralibérale pour ne pas dire libertaire, sans doute la plus importante depuis 1968, que je tiens à dénoncer aujourd'hui.
Un bon moment pour notre collègue Tourret, je n'en doute pas, mais les bons moments peuvent avoir une fin.
Après avoir rappelé notre opposition initiale, j'en viens aux nouveautés introduites par le Sénat. Le texte est bancal et n'est pas une simple application du projet politique que nous récusons. Déjà, en première lecture, nous avions patiemment démontré les incohérences du texte, avec l'article 4 et la suppression dans 160 occurrences des termes « père et mère » remplacés par le mot « parent ».
Le rapporteur avait tenté de bricoler un amendement visant à affubler le texte d'un article-balai, pratique quasiment sans précédent, du moins pour tel sujet de société.
Mais le Sénat a eu si peu confiance dans cet article-balai qu'il a décidé de le réécrire. Le recours aux ordonnances par le Gouvernement sonne comme la confirmation et l'aveu de la faiblesse du meccano dans son ensemble.
Encore un petit peu de temps nous dit-on, d'une certaine façon, dessaisissons le Parlement et demandons une loi d'habilitation très large, trop large, pour modifier – excusez du peu – quatorze codes en plus de code civil.
Nous sommes bien loin d'articles techniques. C'est l'ensemble du droit qui va se trouver détricoté. Mais rien d'anormal puisqu'il s'agit d'une réforme de civilisation !
Le recours aux ordonnances, conformément à l'article 38 de la Constitution, ne grandit pas le Gouvernement. Bien sûr, cette technique héritée des décrets-lois de la IIIe République rappelle de funestes souvenirs.
Qu'ajouter à la démonstration de mon collègue Hervé Mariton sur cet article 16 bis ? Oui, pour pouvoir être protégé, un salarié devra faire son coming-out. Ceux qui ne l'auront pas fait se trouveront discriminés. C'est ça le texte d'égalité que l'on nous promet ?
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous demandons avec force le retrait de ce texte bancal, bricolé et inachevé. Nous ne pouvons pas le voter en l'état.
Je terminerai par une citation, citation d'un homme sans doute important, qui déclarait en 2006 : « Quand il y a des milliers et des milliers de citoyens, jeunes ou moins jeunes, qui sont aussi mobilisés, à quoi sert d'attendre la prochaine manifestation », « il suffirait d'un mot, un seul, que le pouvoir hésite à prononcer : l'abrogation » – je dirai : le « retrait » – « c'est un gros mot pour la droite » – je dirai : « pour la gauche ». Et il terminait, plein de bon sens : « Quand on a fait une erreur, il faut savoir l'effacer ». Cet homme, c'est François Hollande. Il s'exprimait à propos du contrat premier embauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Gosselin, je tiens à rappeler, par égard pour la vérité historique, que cette guillotine doit son existence aux Guillotin du groupe UMP qui, lors de la dernière révision constitutionnelle, ont mis au point le temps législatif programmé.
Monsieur le président, puisque vous m'interpellez, permettez-moi de préciser que ce que nous contestons n'est pas tant la technique en elle-même – je ne nie pas que le temps programmé a été mis au point sous la législature précédente – que le recours qui y est fait aujourd'hui. Autrement dit, n'incriminons pas la technique, incriminons plutôt la volonté du Gouvernement de faire taire le Parlement et de guillotiner les droits de l'opposition.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 de notre règlement, monsieur le président.
Je précise, tout d'abord, que le temps programmé n'a jusqu'à présent été utilisé en deuxième lecture que lorsqu'il l'avait été en première lecture.
Par ailleurs, il est fait mention du fait que le temps programmé en deuxième lecture est moitié moindre que celui fixé pour la première lecture. Simplement, pour cela, il faut – convenez-en – que le temps programmé ait été utilisé en première lecture.
Si nous prenions comme référence la moitié du temps des débats de première lecture – 110 heures –, nous devrions disposer d'au moins 50 heures en deuxième lecture.
En outre, l'alinéa 10 de l'article 49 du règlement prévoit le droit pour tout président de groupe de notre assemblée d'obtenir un allongement exceptionnel de ce temps programmé. Or ce droit a été refusé par la conférence des présidents. Autrement dit, notre règlement a été bafoué sur ce point !
Comment prétendre que le temps maximum aurait dû être de cinquante heures en première lecture alors que c'est la conférence des présidents qui fixe la durée du débat ? Nulle part, il n'est précisé que le temps maximum est de cinquante heures. Comment préjuger qu'il doit être de cette durée. Il se trouve qu'il a été de 110 heures en première lecture, mais il aurait pu être de 140 heures ou de 150 heures.
Nous nous trouvons donc dans une situation où le règlement de notre assemblée a été bafoué par la conférence des présidents. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Jacob, je pensais bien qu'à un moment donné, ce point serait évoqué. Au nom de la présidence, laissez-moi vous apporter les précisions suivantes.
La conférence des présidents du 6 novembre 2012 a arrêté les barèmes du temps législatif programmé ainsi que les règles applicables pour sa mise en oeuvre. À cette occasion, elle a reconduit les modalités fixées par la conférence des présidents sous la XIIIe législature.
Celle-ci avait explicitement décidé, le 7 septembre 2010, que les temps attribués aux groupes seraient fixés, en deuxième lecture, à la moitié de ceux prévus en première lecture.
La référence aux temps prévus, et non à ceux effectivement attribués, traduit le fait que le temps législatif programmé peut être directement engagé au stade de la deuxième lecture, la réduction de moitié du temps étant en elle-même justifiée par la nature des débats à cette phase de la navette.
J'ajoute qu'il serait paradoxal qu'après avoir fait en sorte, en toute connaissance de cause, que le débat puisse se déployer en première lecture dans sa plénitude – plus de 110 heures de discussion et onze jours de séance – la conférence soit contrainte par ce choix et privée de la possibilité de réguler, de manière proportionnée, le débat en seconde lecture.
Dans ces conditions, la conférence pouvait légitimement se référer au temps maximum auquel un groupe aurait pu prétendre de droit si le temps législatif programmé avait été utilisé en première lecture, soit cinquante heures, pour fixer la durée du temps attribué aux groupes au stade de la deuxième lecture.
J'ajoute que parmi les interventions qui m'ont conduit à soutenir le recours au temps législatif programmé figurent les propos plusieurs fois répétés dans cet hémicycle par mon prédécesseur, Bernard Accoyer, qui a regretté que la majorité n'ait pas eu recours à la procédure du temps législatif programmé, qui aurait permis, selon lui, « d'avoir un vrai débat comme ce fut le cas lors de l'examen bioéthique ».
Monsieur le président, j'entends votre argumentation justifiant le fait que la procédure du temps programmé a été utilisée en deuxième lecture alors qu'elle ne l'avait pas été lors de la première.
En revanche, votre argumentation m'apparaît plus fragile, si je puis me permettre, s'agissant de l'estimation du temps des débats de première lecture à cinquante heures. À quel article de notre règlement faites-vous référence ? Cette durée de cinquante heures est celle qui peut être demandée par un président de groupe mais la conférence des présidents a toute liberté d'organiser le temps de parole. Si le temps programmé avait été appliqué en première lecture, nous aurions pu arriver à une position de consensus qui se serait située bien au-delà des cinquante heures. Vous ne pouvez donc pas préjuger du fait que ce temps aurait été de cinquante heures. Par conséquent, vous ne pouvez pas fixer le temps programmé en deuxième lecture à vingt-cinq heures.
Enfin, comment justifiez-vous votre refus d'appliquer l'alinéa 10 de l'article 49 qui prévoit que « de droit », un président de groupe peut obtenir un allongement exceptionnel de ce temps programmé ? Ce droit m'a été refusé et c'est ce que je conteste, monsieur le président.
Je le comprends bien, monsieur Jacob, mais je vous rappelle que le temps est fixé non par le règlement intérieur mais par la conférence des présidents. Compte tenu du nombre inférieur d'articles figurant dans le texte de deuxième lecture, elle a retenu, après avoir délibéré, une durée de vingt-cinq heures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, ayant participé à la conférence des présidents que vous évoquez, j'aimerais rappeler un point. La conférence des présidents fixe un temps, mais elle le fixe conformément au règlement de l'Assemblée nationale. La conférence des présidents ne peut pas sortir de ce règlement.
Outre le problème du temps programmé, se pose le problème du droit dont dispose tout président d'un groupe parlementaire de demander, une fois par session, une fois seulement, un temps complémentaire. Ce refus d'appliquer ce droit imprescriptible pose un problème juridique, que la présidence a, semble-t-il, sous-estimé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Borloo, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'accorder un temps exceptionnel de vingt-cinq heures pour la discussion en deuxième lecture. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe UDI a eu un long débat et ses membres se sont accordés pour regretter l'application du temps programmé et le changement de calendrier. Un sujet de société de cette ampleur, qualifié de projet de civilisation, ne méritait pas une telle fébrilité d'organisation. Cinq semaines supplémentaires auraient permis de laisser prospérer le débat.
C'est bien ce qui pose problème. Certains ont déjà cité les résultats de l'étude de BVA : 55 % des Français interrogés remettent en question le projet de loi, à la fois sur le fond et sur la forme. À ce stade de nos débats, la question que nous devons tous nous poser, car elle revient souvent dans les échanges que nous avons, est de savoir si ce texte a été bien compris. Est-il sincère ? N'est-il pas finalement l'expression d'un quiproquo ? Les Français savent-ils réellement à quoi il nous engage ?
Le premier quiproquo porte sur le temps.
Vous avez estimé, chers collègues de la majorité, que le temps était venu de conclure. Vous avez considéré qu'il fallait désormais aller vite, après une première lecture de 110 heures, et que le sujet de la durée des débats était désormais clos. Vous avez considéré que dans la mesure où cet engagement de François Hollande était tenu, grâce à sa majorité, il n'y avait finalement plus de débat. Circulez, y a rien à voir !
Traiter du temps de cette manière est une erreur. D'abord, je ne connais aucun Français qui ait adhéré à la totalité des propositions de François Hollande, en se disant qu'il cochait chacune des cases de son programme. Cette proportion de 55 % est d'ailleurs peut-être la preuve qu'il y a une majorité de Français qui n'a pas coché cette case-là. Les manifestations qui se déroulent depuis maintenant plusieurs semaines montrent à quel point l'opinion est marquée par un désaccord profond avec ce projet.
Il y a un véritable quiproquo sur le temps : l'accélération que vous réclamez n'est pas propice au temps de la réflexion que demande l'opinion. Or, en démocratie, le temps qui compte le plus, c'est ce temps de l'opinion. Nous la représentons et nous nous devons d'être à son écoute pour laisser le temps du débat prospérer. Les Français nous le rappellent au travers des manifestations, au travers du bruit croissant que provoque ce texte.
Le deuxième quiproquo porte sur le sens du mot « mariage ».
Derrière ce mot dont le sens semble partagé, les Français ont-ils compris qu'un nouveau débat s'ouvrait ? Si le but premier de votre projet sur le mariage pour tous est de donner la possibilité aux couples de même sexe de s'unir, il y a bien d'autres choses derrière.
Je pense à l'adoption plénière, et évidemment à la PMA. Vous avez dit que la PMA était hors sujet : elle l'était en effet en première lecture, dans la mesure où ce texte ne contient aucune mention de la PMA – je l'avais indiqué lors des explications de vote en première lecture.
Mais la jurisprudence européenne est riche, en la matière : à partir du moment où l'on ouvre le droit au mariage, quel sera notre pouvoir, quelle sera notre capacité à refuser la PMA ? En effet, le principe européen de l'égalité veut que, dès qu'un droit est accordé, l'on garantisse légitimement les conditions d'exercice de ce droit.
J'évoque un quiproquo, parce que je ne suis pas certain que les Français aient compris les prolongements de ce texte. Ils n'ont pas compris qu'en ouvrant la porte au mariage pour tous, et certains de mes collègues de l'UMP l'ont rappelé, on ouvre indiscutablement la voie à la PMA, et peut-être un jour également à la gestation pour autrui, malheureusement. Il est donc utile à ce stade de rappeler ce quiproquo et d'insister sur la notion d'adoption plénière.
Nombre de Français, nous avons tous pu le constater, n'ont retenu de l'adoption que la notion d'adoption simple. Or, l'adoption plénière, entraînant une rupture du lien filiatif, engage bien davantage, et je suis convaincu que beaucoup n'ont pas perçu la réelle portée de ce texte.
Enfin, il y a également quiproquo sur le principe d'égalité. C'est un vrai sujet, sur lequel nous avons débattu et continuerons à débattre, car vous devez admettre qu'il existe deux lectures différentes de cette notion d'égalité, souvent – et même toujours – défendues avec sincérité.
Votre lecture de l'égalité est bien entendu respectable et mérite l'écoute. Naturellement, nous aspirons à ce que l'égalité puisse prospérer dans notre pays, car il s'est construit sur cette valeur fondamentale. Mais admettez également que l'égalité revête un autre sens pour nous qui croyons qu'un père et une mère constituent un élément structurant, un élément d'équilibre, un élément fondamental dans l'éducation d'un enfant.
C'est bien cette égalité que nous voulons mettre en avant, qui peut-être fait l'objet d'un quiproquo. En effet, vous dites que l'égalité des adultes est le droit d'avoir un enfant, tandis que nous affirmons que l'égalité pour l'enfant est le droit d'avoir un père et une mère. Croyez-le bien, nous le disons avec la même sincérité, la même conviction, la même force que vous : pour un enfant, avoir un père et une mère est quelque chose de fondamental.
Voilà, chers collègues, les raisons qui me font douter aujourd'hui, et qui font douter nombre d'entre nous, sur le bien-fondé de l'accélération de l'adoption de ce texte. Beaucoup de choses n'ont pas encore été dites ni débattues, qui méritent d'être éclaircies.
Il est important, ainsi que le Président de la République lui-même l'a reconnu, que chacun suive sa conscience dans l'élaboration de ce texte, que vous avez qualifié de « grand projet ».
Constatant tous ces quiproquos, toutes ces incertitudes, tous ces doutes, toutes ces zones restées, quoi que vous en disiez, à l'écart du débat, nous ne pouvons que lier votre précipitation et votre refus d'accorder les cinq semaines de débats demandées à l'évolution de l'opinion, qui doute de plus en plus de ce texte.
Pour la qualité de nos débats, sur ce texte comme sur tous ceux dont nous avons à débattre, le groupe UDI, convaincu que le malentendu est extrêmement dangereux pour notre démocratie et qu'un texte n'a d'avenir que s'il est construit sur un socle solide, demande que l'examen de ce texte soit suspendu.
Nous devons en effet revenir à un véritable débat, afin que tous ces éléments de quiproquo soient éclaircis, en toute sérénité. L'on peut malheureusement constater aujourd'hui que la sérénité n'est pas acquise, et que ce texte mérite d'être revu. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Pour revenir sur le point évoqué tout à l'heure, je souhaite rappeler comment cela s'est passé en conférence des présidents.
Lorsque le président Le Roux a demandé le temps programmé, il a également souhaité que celui-ci soit fixé à vingt-cinq heures. J'ai donc demandé un temps exceptionnel, par application de l'article 49 alinéa 10 du règlement, qui dispose : « Une fois par session, un président de groupe peut obtenir, de droit, un allongement exceptionnel de cette durée dans une limite maximale fixée par la Conférence des présidents. » Pour pouvoir accorder un temps exceptionnel, il faut donc faire référence à un temps programmé déjà défini. En l'occurrence, ce temps était de vingt-cinq heures ; donc le temps exceptionnel devait nécessairement aller au-delà. C'est pourquoi j'ai demandé un temps de cinquante heures.
Si j'ai fait cette demande, c'est parce que le Gouvernement a décidé de légiférer par ordonnance, en modifiant de cette façon pas moins de quatorze codes. Il serait bon que le Gouvernement puisse s'expliquer sur ce sujet ; pour cela, nous avons besoin d'obtenir un temps exceptionnellement allongé, fixé au minimum à cinquante heures.
Je suis sûr du reste que le Conseil constitutionnel sera attentif à la bonne application de notre règlement. Le temps exceptionnel est accordé une fois par session, de droit, à un groupe ; or jamais mon groupe n'a présenté une telle demande depuis le début de cette session. Il est donc clair, monsieur le président, que nous n'avons pas respecté, voire que nous avons bafoué notre règlement ; je voulais à nouveau attirer l'attention de mes collègues sur ce point.
Mes chers collègues, vous avez bien compris qu'en conférence des présidents, deux interprétations divergentes de l'article 49 alinéa 10 se sont exprimées.
M. Jacob a formulé une demande, et la conférence des présidents a décidé, comme cela lui est permis par l'article 49 alinéa 10, que le temps exceptionnel était de cinquante heures en première lecture, et de la moitié en deuxième lecture.
Il existe donc deux interprétations différentes, et nous verrons, si vous saisissez le Conseil constitutionnel, quelle sera sa position sur cette question.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, au terme de plus de deux mois d'auditions, vingt-cinq heures de travaux en commission, cent dix heures de discussion en séance à l'Assemblée nationale, et d'environ cinquante heures de discussion au Sénat, le texte ouvrant le mariage aux couples de même sexe revient en deuxième lecture dans cet hémicycle.
Depuis sa présentation en Conseil des ministres, des manifestations de partisans et d'opposants se sont succédé,…
…des magazines et des journaux en ont fait leur une et ont multiplié les dossiers, toutes les chaînes de télévision y ont consacré de nombreuses émissions. Le débat a été vif, polémique ; il a même parfois dérapé.
Le climat s'est alourdi, et la parole homophobe s'est libérée, encouragée parfois par des déclarations irresponsables de certains élus. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette parole est une injure non seulement pour les gays et les lesbiennes, mais aussi pour celles et ceux qui considèrent que l'oeuvre d'égalité est un des fondements de la République.
La parole homophobe a toujours pour conséquence la violence, la violence symbolique bien sûr, mais également la violence physique. Des élus, de l'opposition comme de la majorité, ont été insultés, menacés, réveillés au petit matin à leur domicile, des photos de leurs enfants ont circulé sur la toile, une élue a eu sa voiture vandalisée, des couples gays ont été passés à tabac. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
L'intimidation et les menaces ont fait leur apparition dans ce débat. On a entendu des appels au sang et à l'insurrection. La France a été comparée à une dictature.
Pour le fils d'exilés que je suis, pour le député des Français établis en Amérique latine et dans les Caraïbes, où les régimes totalitaires ont fait couler tant de sang, ces qualificatifs sont pour le moins indécents !
Qu'y a-t-il de si terrible, de si dangereux, de si mortifère pour notre République et notre civilisation dans ce projet de loi ?
Dans ma circonscription, en Argentine, dans plusieurs États brésiliens et mexicains, et, il y a quelques jours, en Uruguay – des pays, où la religion demeure centrale et où le poids des églises est considérable –, l'ouverture du mariage aux couples de même sexe a eu lieu après des débats passionnés, des manifestations parfois ; mais, dans aucun de ces pays, l'adoption du texte ne s'est déroulée dans un tel climat.
Aux yeux de nombre de nos voisins, de celles et de ceux qui nous observent parfois à des milliers de kilomètres, il semble curieux, paradoxal et même inquiétant que dans le pays des droits de l'Homme, des citoyennes et des citoyens manifestent une opposition si vive, parfois violente,…
…contre un texte dont le seul objectif est, dans un même élan d'égalité, d'ouvrir le mariage aux couples de même sexe, mettant ainsi fin à une hiérarchie des sexualités.
Quatorze ans après le PACS, neuf ans après le mariage célébré dans la ville de Bègles par notre collègue Noël Mamère, dans une désapprobation quasi générale,…
…après l'Espagne, le Portugal, la Belgique, la Grande Bretagne, et la Nouvelle-Zélande aujourd'hui même – je les cite dans le désordre –, nous y sommes enfin.
Le PACS avait donné lieu à plus d'un an de débat, à une violente polémique, à des propos inqualifiables ; j'en ai rappelé certains. Aujourd'hui, nul ne conteste cette forme de conjugalité très prisée par les couples hétérosexuels, qui représentent l'écrasante majorité des couples pacsés.
La droite, sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, a même aligné le même régime fiscal des couples pacsés sur celui des couples mariés.
Et pourtant, lors de sa discussion, la reconnaissance pleine et entière des couples homosexuels avait des opposants sur l'ensemble de ces bancs, et même au Gouvernement. À l'époque déjà, la revendication en faveur de l'ouverture du mariage civil aux couples de même sexe avait ses défenseurs, des précurseurs dont certains sont aujourd'hui présents dans nos tribunes.
L'adoption du PACS, je l'ai rappelé lors de la discussion générale en première lecture, n'a été possible en 1999 qu'au prix de deux cantonnements : d'une part, le refus d'une articulation avec le droit de la famille, ce qui explique l'absence de tout débat et de toute proposition parlementaire concernant la reconnaissance du concubinage ; et, d'autre part, le maintien du PACS dans un rang second par rapport à l'institution du mariage. Le raisonnement était simple : la famille repose sur la filiation, qui doit protéger le mariage.
Les gays et les lesbiennes ont été tenus à l'écart d'une institution en pleine révolution, comme l'a rappelé la ministre de la famille. On se marie de moins en moins, de plus en plus tard. Aujourd'hui, 30 % des plus de cinquante ans sont célibataires, contre 8 % dans les années cinquante. On divorce de plus en plus : un mariage sur trois se dénoue par un divorce. Les naissances hors mariage se sont multipliées, de même que les familles dites « monoparentales », principalement féminines.
La famille, telle que nous l'avait léguée le XIXe siècle, celle qu'une partie de nos collègues de l'opposition semble invoquer pour s'opposer à l'accès au mariage aux couples de même sexe, vole en éclats. Elle a changé, s'est recomposée, s'est élargie à des beaux-parents, à des co-parents, à de nombreux grands-parents.
D'autres formes de famille se sont ébauchées. C'est la famille normative et rigide qui semble à bout de souffle, et non pas la famille en elle-même, chers collègues.
Sans la protection de la loi, et accompagnant les mutations, les gays et les lesbiennes ont fait des enfants, ils ont fondé des familles. Ce sont des familles d'aujourd'hui, des familles comme les autres.
Là se trouve la clé de notre opposition. Je ne doute pas que l'homosexualité pose encore des problèmes, même à certains parlementaires. Il est vrai qu'il n'y a pas si longtemps, elle était considérée comme une maladie mentale, que nombre de pays la criminalisent toujours, que de nombreux États la punissent de la peine de mort, qu'il se trouve encore des parents pour jeter à la rue leurs enfants à la découverte ou à l'annonce de leur orientation sexuelle.
Je voudrais néanmoins vous rassurer : l'homosexualité n'est ni contagieuse, ni dangereuse. Cette orientation sexuelle et le choix de l'assumer en toute liberté – et en toute transparence, puisque cette expression est à la mode –, au même titre que vous assumez l'amour de l'autre sexe, sont une forme de vie et d'aspiration au bonheur, comme la vôtre.
Vous verrez, lors de la célébration des premiers mariages de couples de même sexe, ce seront les mêmes rires, les mêmes larmes de joie qu'aujourd'hui. Et pour celles et ceux qui cumulent encore leur mandat de parlementaire avec un mandat de maire, vous verrez les mêmes familles dans la salle des fêtes venir fêter les mariages que vous aurez célébrés.
L'opposition à l'ouverture du mariage aux couples de même sexe puise sa défense dans une conception canonique de l'institution. Ce n'est pas notre conception.
Nous acceptons la pluralité des formes d'alliance et de conjugalité, nous ne hiérarchisons pas les nouvelles formes choisies par nos concitoyens pour fonder une famille. Nous ne voulons plus d'une hiérarchie des sexualités qui fonderait une inégalité des droits.
Nous pensons que tout citoyen a le droit d'accéder au mariage et de fonder une famille. En cela, nous rejoignons ce que la directive européenne de 1994 affirmait avec force. Nous pensons qu'il est possible de concilier les avantages de la solidarité familiale que représente le mariage et ceux de la liberté individuelle.
Pour conclure, je voudrais souligner le travail accompli par le Sénat. Des débats et du texte issu de la Haute assemblée, nous pouvons tirer la conclusion, j'imagine partagée, que le Sénat n'a pas trouvé de nouveaux points de cristallisation et d'opposition par rapport à ceux qui avaient été débattus dans notre assemblée. Il a, en revanche, amélioré certaines dispositions. Je citerai ici les principales d'entre elles.
La reconnaissance des familles homosexuelles par les associations familiales est un point important. La pratique est aujourd'hui tout autre. Pour avoir suivi les auditions, et notamment celles de certaines unions familiales très mobilisées contre l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, je ne puis que me féliciter de la décision prise par nos collègues sénateurs.
Le texte que nous étudions comporte également une amélioration du statut de parent social, point qui avait également été au coeur de nos auditions et de certains drames familiaux d'ailleurs, et que notre rapporteur avait souligné.
La reformulation de la disposition relative à la question des noms patronymiques me paraît aussi une clarification nécessaire.
Le Sénat a également clarifié les dispositions concernant les Français de l'étranger.
Nous avions oeuvré, avec notre collègue Claudine Schmid, sur l'initiative de notre ancienne collègue Corinne Narassiguin que je salue puisqu'elle est dans les tribunes – ce texte est aussi un peu le sien – pour que la situation des Français établis hors de France ne soit pas oubliée et qu'ils aient accès aux mêmes droits. C'est chose faite.
L'article 16 bis constitue également une avancée. La formulation adoptée par notre assemblée était problématique. Nous l'avions souligné, avec Hervé Mariton, en présentant des amendements non pas similaires mais qui relevaient la difficulté de parvenir à une rédaction. L'homosexualité existe au-delà des liens du mariage ou de la signature d'un PACS. Dès lors, protéger des salariés en raison de leur orientation sexuelle en cas de mutations dans des pays qui criminalisent l'homosexualité est une formulation adéquate.
Il n'en reste pas moins que le Sénat semble avoir oublié le travail qu'il avait accompli lors de l'examen du texte sur le harcèlement sexuel, que nous avions voté en urgence et à l'unanimité, lorsqu'il avait énuméré dans la liste des discriminations l'orientation sexuelle mais aussi l'identité sexuelle, expression maladroite pour y désigner l'identité de genre et protéger ainsi les personnes transgenres.
Ne vous inquiétez pas : nous discuterons des articles et des amendements.
Mais l'essentiel est le vote conforme de l'article 1er du projet de loi qui ouvre le mariage aux couples de même sexe.
Rien ne s'oppose donc à un vote conforme de notre assemblée. Au nom du groupe écologiste, j'avais en première lecture, comme ma collègue et amie Esther Benbassa au Sénat, tenté d'élargir, au nom de la cohérence, le champ du texte en y incluant la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes, et en réglant la situation d'état civil des enfants nés d'une gestation pour autrui à l'étranger. Force est de constater que nous ne sommes pas parvenus à dégager une majorité sur ces points.
Nous le regrettons. Ces questions devront être réglées par le législateur, et le plus tôt sera le mieux.
Là où l'opposition a sans doute raison, c'est que, tôt où tard, ces thèmes s'imposeront dans nos débats et qu'il faudra bien que le Gouvernement donne sa position.
Ces questions ne sont plus à l'ordre du jour de cette lecture. S'il reste des points qui pourraient être améliorés – et nous y reviendrons lors de la discussion –, le groupe écologiste votera comme en première lecture le texte issu de nos travaux. C'est un ouvrage dont nous pouvons être fiers, mes chers collègues.
En ces temps difficiles, faire oeuvre d'égalité en élargissant le champ des droits semble susciter encore colère et oppositions.
En conclusion, je voudrais dire mon respect pour Mme la garde des sceaux, qui a su mobiliser son talent et son érudition pour porter ce texte avec force et conviction, force et conviction qui, je le regrette, ont parfois fait défaut au plus haut sommet de l'État.
Je voudrais adresser également mes remerciements à Mme la ministre déléguée chargée de la famille et à M. le rapporteur, et rappeler de manière assez solennelle que peu de textes ont cette force incroyable de changer la vie.
Ce projet de loi changera la vie de nombre de nos concitoyens, de leurs enfants et de leur famille. Faire la loi et changer la vie : quelle belle mission nous allons accomplir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)
Vous changez la vie de nos concitoyens uniquement sur certains sujets : pas sur l'emploi, sur l'économie ou sur le social !
Mon cher collègue, il est vrai que le temps attribué au groupe RRDP est de une heure vingt. Mais, comme Mme Buffet souhaite intervenir rapidement, je ne m'exprimerai que quelques minutes, dussé-je me priver de la joie et du bonheur d'être en face de vous, chère amie Christiane Taubira.
Monsieur Gosselin même si vous êtes normand, je préfère la ministre ! (Sourires.)
Je ferai quelques observations.
Le présent texte concerne à la fois le mariage et l'adoption.
Il nous agrée totalement.
En 1997, j'avais eu le bonheur de corédiger – nous étions cinq députés – le texte sur le PACS.
Ce texte a été fondateur pour la gauche et il a permis, à droite, à une personne, Mme Bachelot, de s'élever. Je me souviens du remarquable discours de cinq minutes qu'elle a prononcé ici – comme quoi, il ne sert à rien de parler pendant des heures.
Pouvions-nous en rester au PACS ou devions-nous faire évoluer la législation ? Incontestablement, les choses ont évolué : une demande de la communauté homosexuelle s'exprimait qui n'existait pas lorsque nous avions préparé le texte sur le PACS. Notre ami Jean-Pierre Michel, qui était le rapporteur de ce texte et qui se trouve être le rapporteur au Sénat du présent projet de loi, a dit qu'à un moment, lui-même ne voyait pas pourquoi on devait quitter le PACS. On le devait parce qu'il y avait une force…
…venant de l'ensemble de la communauté homosexuelle, qui revendiquait le mariage.
Quant à l'adoption, elle est très compliquée, dans notre société. C'est incontestablement un très grand ratage. Nous ne parvenons pas à permettre à un certain nombre de familles d'adopter,…
…qu'il s'agisse d'adoptions simples ou plénières.
Fallait-il interdire aux homosexuels d'adopter des enfants ? Au nom de quoi le leur aurait-on interdit ? Il est déjà possible d'adopter des enfants si l'on a vingt-huit ans et que l'on est célibataire. En outre, il y a un besoin très important de pouvoir adopter l'enfant de son conjoint. Pourquoi leur refuser ce droit ? Finalement, ce texte n'enlève rien à personne et il apporte à certains des droits complémentaires.
Non, il n'enlève rien et il apporte beaucoup à des gens qui ont été victimes d'exclusion depuis des dizaines d'années et qui en souffrent profondément. Vous ne concevez pas, chers collègues de droite, cette souffrance,…
Vous avez en vous un rejet viscéral de l'homosexualité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Par ailleurs, jusqu'où peut-on aller s'agissant de la PMA et de la GPA ? Nous vous l'avons dit, nous nous opposerons de toutes nos forces à la gestation pour autrui.
Et tant que le comité d'éthique ne s'est pas prononcé, qu'il ne nous a pas éclairés, il nous est impossible de nous prononcer sur une possible extension de la procréation médicalement assistée.
Le professeur Frydman, que nous avons reçu, nous a bien expliqué – et Dieu sait si c'est un spécialiste en la matière ! – les tenants et les aboutissants de cette question. Elle pose un certain nombre de problèmes et, actuellement, est trop clivante. Il est donc nécessaire d'attendre avec sérénité l'avis du comité d'éthique.
Madame la garde des sceaux, au cours des débats, les radicaux ont rappelé avec force leur attachement aux institutions républicaines, à la cérémonie du mariage républicain – j'avais parlé de « célébration », mais on m'a demandé de remplacer ce mot par celui de « cérémonie », et j'y suis favorable –,…
…au rôle du procureur de la République, garant des libertés et de l'état civil. La disposition issue de l'amendement que nous avions déposé et qui avait été adopté a été quelque peu modifiée par le Sénat. Je l'admets totalement, puisque ce dernier rappelle le rôle du procureur de la République.
Vous en avalez, des couleuvres ! En fait, on supprime vos amendements, mais vous êtes content !
…nous convient donc parfaitement. Il prévoit du reste avec sagesse que le Gouvernement pourra le compléter par ordonnances.
Je terminerai mon intervention par deux citations. La première, de David Cameron, devrait vous intéresser, chers collègues de l'opposition.
David Cameron a déclaré : « Avec cette loi, une nation est plus forte ». Quant à Zapatero, il estime qu'« avec cette loi, la France sera plus républicaine ».
Les fondements mêmes de la République seront donc renforcés par cette loi, si magistralement portée par notre amie Christiane Taubira. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons au terme de notre débat sur l'ouverture du droit au mariage pour toutes et tous.
L'heure de la décision, du choix de société est venue.
Ce choix, nous allons l'effectuer après des années de questionnement et de débat dans notre pays. Ces débats ont mis au jour la réalité des discriminations auxquelles nous devions nous attaquer, mais aussi une soif d'évolution concernant notre législation à laquelle nous devions répondre. Ces débats ont permis à l'égalité de se frayer un chemin dans le dédale de tous les a priori et préjugés encore à l'oeuvre dans notre société.
Ce deuxième passage du texte devant notre assemblée intervient après que le Sénat a adopté conformes de nombreux articles dont l'article 1er instituant le mariage pour toutes et tous. La Haute assemblée a également adopté des modifications qui, à mes yeux, sont de nature à améliorer notre texte. Je pense, par exemple, à la représentativité de toutes les associations familiales.
Il reste maintenant une dernière étape à franchir. Permettez-moi de souhaiter que nous puissions le faire hors de toute invective et en donnant à voir la portée de notre décision. En première lecture, des points de vue différents se sont exprimés, des arguments ont été échangés, une longue discussion s'est engagée pour déboucher sur l'adoption du texte qui nous revient aujourd'hui. Ces échanges ont été vifs, mais ils sont restés dans le cadre du débat d'idées.
Depuis le mois de janvier, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts mais aussi beaucoup d'encre pour dénigrer cette loi. Certains propos ont été d'une rare violence, provoquant ainsi une recrudescence d'agressions homophobes intolérables.
Si chacun a le droit de défendre son opinion sur le mariage, vous conviendrez, chers collègues, qu'on ne peut tolérer que ce débat soit utilisé par certains individus pour justifier l'injustifiable : l'homophobie est un délit dans notre société fondée sur la liberté, l'égalité et la fraternité. Ce sont ces valeurs qui doivent résonner dans notre hémicycle.
Aussi est-ce avec une détermination tranquille que j'entame cette dernière phase de notre débat parlementaire.
C'est un bonheur de participer à un choix historique, source d'une nouvelle avancée humaine pour notre société. Un choix comme celui qui a ouvert le droit à la contraception puis à l'IVG ou celui qui a aboli la peine de mort en 1981. Oui, c'est une fierté d'être de celles et ceux qui vont produire cet acte de haute portée.
Nos débats ont questionné des pans entiers de notre expérience sociale et humaine, de notre civilisation en nous faisant nous interroger sur la famille, sur son évolution au fil de celle de notre société et de son humanisation. De l'amour courtois médiéval à Jules et Jim, en passant par Les femmes savantes de Molière, ces oeuvres en témoignent. Il n'est pas inutile de s'y replonger pour vérifier combien les rapports au sein du couple ou de la famille, loin d'avoir été immuables au fil des siècles, ont évolué selon les périodes historiques.
Pendant la Révolution française, un pas a été franchi avec la reconnaissance aux couples du droit de se séparer avant la mort, à travers le droit au divorce. Depuis, c'est la situation de la femme au sein de la famille qui a changé. Elle a gagné son indépendance et sa citoyenneté et surtout, avec les lois lui permettant de maîtriser sa maternité, elle a été libérée de son unique statut de reproductrice.
Aujourd'hui, il est question de franchir un nouveau pas pour donner toute sa place à l'amour comme ciment de la famille, pour que chaque individu, quelle que soit son identité sexuelle, puisse se donner un projet de vie avec la personne qu'il ou elle aime et fonder une famille.
Nous allons ainsi effectuer un pas supplémentaire dans l'émancipation humaine, mettant fin à une discrimination due aux stigmates de la domination patriarcale, à l'oeuvre dans nos sociétés depuis la nuit des temps.
Oui, nous attaquons cette discrimination, vécue par des hommes, des femmes, qui doivent aujourd'hui encore affronter des propos et des images dénigrant leur famille.
Lors de notre précédent débat, j'ai souvent entendu des propos sur le sort des enfants. Justement, pensons à ceux à qui on refuse le droit d'avoir des parents de plein droit pour être des enfants de plein droit. Arrêtons de méconnaître la réalité. La famille d'aujourd'hui se construit sous différents visages. Familles monoparentales, familles recomposées, couples homosexuels : l'amour, le projet de vie commun, se sont libérés d'un modèle unique.
En ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, ce projet de loi fait tout simplement rentrer la réalité dans le code civil. En ouvrant le droit à l'adoption à tous les couples, il ne s'agit pas d'ouvrir un droit à l'enfant, mais de permettre à des enfants de vivre en famille.
J'ai entendu sur ces bancs qu'il était indispensable que les enfants puissent disposer d'une maman, mais qu'en avoir deux était nocif. Comment lire autrement ces idées qu'à l'aune de préjugés corsetant les rapports humains et familiaux ?
Ce projet de loi, avec sa conception de la filiation, est une avancée pour le droit des enfants. Il s'agit de supprimer toute instabilité pour leur avenir, en leur permettant d'avoir des parents dont la responsabilité est reconnue à part entière. J'en ai déjà fait état devant cette assemblée, les nombreuses études effectuées dans les pays où ces droits sont ouverts depuis de nombreuses années sur le vécu des enfants de couples de même sexe indiquent que ces enfants ne sont ni plus ni moins heureux, ni plus ni moins équilibrés que les enfants de couples hétérosexuels.
Ce qui importe le plus pour les enfants, c'est bien l'amour qui les entoure, la démarche éducative comme la protection accordée par leurs parents. Permettez-moi de penser que tout cela ne dépend pas de l'identité sexuelle de ces derniers.
Permettez-moi aussi de penser que la France s'honorerait d'agir encore plus fermement au plan international contre l'homophobie d'État, en imposant l'ouverture du droit à l'adoption pour tous les couples dans la signature des conventions bilatérales. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
Cela pourrait faire reculer le recours à la GPA, qui est pour moi inacceptable et qui est, je le rappelle, interdite en France.
Car il s'agit d'une tractation, en général marchande, dans laquelle le corps des femmes est soumis à la volonté d'autrui.
Enfin, avant le début de la première lecture, nous avons su que le Gouvernement n'inscrirait l'ouverture de la PMA à toutes les femmes que dans le projet de loi relatif à la famille, après avis positif du Comité consultatif national d'éthique. Je veux juste rappeler que ce comité s'est déjà prononcé lors de l'ouverture à autorisation de la PMA en France, en lui donnant un avis favorable. Une nouvelle consultation ne revient-elle pas à dire, pour paraphraser Coluche, qu'il y a des femmes plus égales que d'autres, selon leur orientation sexuelle ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
Vraiment, je crois qu'il est temps d'ouvrir ce droit à toutes les femmes : ce sera un acte de simple justice.
Madame la ministre, merci pour votre engagement : il nous a boostés pendant tout ce débat.
Vous avez, je crois, fait réfléchir, en faisant appel au fond de notre humanité.
Beaucoup de femmes et d'hommes nous attendent : ils et elles attendent de nous la possibilité de vivre leur bonheur en toute quiétude, auprès de leurs proches et dans une société plus humaine. Et, je ne vous le cache pas, comme nombre d'élus, j'attends avec impatience de pouvoir célébrer le mariage de celles ou de ceux qui, concernés par cette loi, ont déjà pris rendez-vous pour cette belle fête. Alors, que le printemps arrive le plus vite possible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la deuxième lecture du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron