La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Nous en venons à l’article 13. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.
Madame la présidente, mon rappel au règlement, fondé sur l’article 58, alinéa 1, du règlement, concerne le déroulement de nos débats. Je souhaiterais, une fois n’est pas coutume, féliciter le Gouvernement. Quelle sagacité et quelle détermination à nous replonger dans ce texte relatif à la famille ! J’aimerais qu’il fasse preuve d’autant de détermination dans la lutte contre le chômage, dont les chiffres, hélas, explosent.
Vous avez la parole pour un rappel au règlement concernant le déroulement des débats.
J’y viens. Je perçois bien, madame la présidente, que mes propos peuvent déranger, mais sans doute est-ce aussi l’actualité qui dérange.
Malgré un premier échec de ce texte le 22 mai, un deuxième échec le 16 juin…
…le Gouvernement insiste et profite d’une dernière petite fenêtre de tir, juste avant la session extraordinaire, dont l’ordre du jour n’inclut pas l’examen de ce texte.
Je souhaite faire part du mécontentement de l’opposition devant ces conditions de travail. Nous avons appris mardi dernier par la Conférence des présidents que nous devions nous réunir aujourd’hui. Cette façon de procéder, tout à fait désobligeante, traduit un manque de respect à l’égard du Parlement. Par ailleurs,…
Nous en venons aux orateurs inscrits sur l’article.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
Contrairement à certaines et certains, je ne conteste pas que les institutions de la Vème République sont fort sages. Si la majorité des textes sous la Vème République sont d’inspiration gouvernementale, de façon qu’une ligne, un cap politique soient fixés pour le pays, à condition qu’il y ait à la tête de l’exécutif un adulte majeur, responsable, capable de s’inscrire dans la temporalité et de tracer une route, un sillon, nous considérons, de ce côté de l’hémicycle, qu’il est des textes d’une nature différente de ceux augmentant les impôts, touchant aux cotisations sociales, à l’agriculture, et autres sujets, très sérieux, mais de nature profondément différente de celui qui nous occupe aujourd’hui.
Madame la secrétaire d’État, votre texte, je l’ai dit et je le répète, ouvre à une révolution anthropologique, comme nous allons encore pouvoir le constater à l’occasion de l’examen de cet article 13.
Avec l’introduction dans le droit de la famille de tiers – dont le nombre peut, en théorie, aller de zéro à l’infini mais qui, en pratique, ira de trois à quatre, cinq ou six, comme c’est le cas dans les pays qui ont adopté des législations similaires –, cet article 13 compliquera beaucoup la vie de toutes les familles de France. Avec cet article, des personnes se rencontrant et nouant une relation affective, au milieu de laquelle se trouvent incidemment un ou plusieurs enfants, seront obligées de passer des contrats de délégation d’autorité parentale. Vous judiciarisez les rapports humains et au bout du compte, vous compliquez beaucoup la vie des enfants de notre pays, qui n’en ont pas besoin.
C’est pourquoi nous pensons que, s’il appartient bien au Gouvernement de fixer l’essentiel de l’ordre du jour des travaux parlementaires et s’il est normal qu’il cherche à faire passer sa politique avant toute chose – c’est son droit le plus entier –, il est des textes de nature profondément différente. Il est tout à fait irrespectueux de ce pays et de ses institutions…
Merci, monsieur Dhuicq. M. Jean-Frédéric Poisson était inscrit sur l’article. Il n’est pas là.
La parole à M. Erwann Binet.
L’article 13 ne vise pas à compliquer la vie des familles, monsieur Dhuicq, mais au contraire à rendre plus simple la lecture du code civil s’agissant de la délégation d’autorité parentale. Il s’agit d’un article purement rédactionnel qui réécrit la section 3 du chapitre Ier, titre IX, livre Ier, du code civil, intitulé « De la délégation de l’autorité parentale ». En effet, dans cette section, cohabitent, d’ailleurs fort mal, deux notions extrêmement différentes : le partage de l’autorité parentale, lequel ne retire pas au parent les prérogatives de l’exercice de l’autorité parentale, et la délégation d’autorité parentale, laquelle dépossède le parent, en tout ou partie, de l’exercice de son autorité parentale.
L’un des objets de cette proposition de loi est de rendre plus compréhensible, plus simple d’accès au lecteur et donc aux nombreuses familles qui en ont besoin, la notion d’exercice de l’autorité parentale tel qu’organisé par notre code civil. L’opposition a déposé des amendements de suppression de cet article, poursuivant sa stratégie d’obstruction. Elle souhaite que perdure la notion de délégation-partage. Nous souhaitons, nous, le contraire afin de bien distinguer les deux notions de partage et de délégation de l’autorité parentale, qui emportent des conséquences très différentes en droit. Cet article 13 ne vise qu’à une clarification rédactionnelle.
M. Guillaume Chrevrollier était inscrit sur l’article. Il n’est pas là. M. Patrick Hetzel non plus, M. Hervé Mariton non plus, M. Xavier Breton non plus, Mme Annie Genevard non plus.
La parole est donc à M. Daniel Fasquelle.
Nous connaissons tous le film « Massacre à la tronçonneuse ». Ce titre conviendrait aussi parfaitement à la saga de vos textes sur la famille. Le Gouvernement avait initialement annoncé un grand projet de loi sur la famille, puis l’a tronçonné en plusieurs propositions de loi. Celle relative à l’adoption a échoué au Sénat. Et voici maintenant celle que vous nous proposez, elle-même tronçonnée, puisqu’on nous la sert, ici à l’Assemblée nationale, par petits morceaux. Déjà très mauvaise sur le fond, cette proposition de loi est massacrée encore davantage par ses conditions d’examen. C’est la troisième fois que nous nous retrouvons. Nous avons été convoqués mardi pour la réunion de ce vendredi.
Le sujet est important, dites-vous. Et il est vrai que la famille est un sujet important. Mais regardez combien nous sommes ce matin dans l’hémicycle ! Vous n’êtes qu’une poignée sur vos rangs, alors qu’il s’agit d’une proposition de loi portée par le groupe socialiste.
Il n’y aura même pas de vote solennel car vous avez peur du vote de votre propre majorité. C’est scandaleux !
Il est des sujets majeurs sur lesquels vous allez encore certainement vous défausser ce matin. Je souhaite vous interroger sur l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme relatif à la gestation pour autrui. Vous ne pouvez pas prétendre que vous êtes contre la GPA en France et encourager à y recourir à l’étranger, comme vous le faites pourtant au travers de la circulaire Taubira. Prenez vos responsabilités ! Dites-nous que vous exercerez un recours contre cette décision qui, malheureusement, encourage le recours à une méthode de procréation que nous dénonçons avec force car elle conduit à une forme moderne d’esclavage. Le recours aux mères porteuses, que ce soit aux États-Unis, en Inde ou ailleurs, signe une marchandisation de l’enfant. Dites-nous clairement que vous êtes contre la GPA, en France mais aussi à l’étranger.
Si, c’est le sujet, ne vous en déplaise. Cela concerne la famille, l’enfant. Souhaite-t-on encourager le recours à de telles méthodes ?
S’agissant de l’article 13…
…. contrairement à ce que prétend M. Binet, il n’est pas seulement rédactionnel…
Peut-être. Mais notre collègue n’avait pas fini, je tiens à le dire. Et cela figurera au procès-verbal puisque je le dis sur mon temps de parole. La présidence a décidé d’être très stricte ce matin.
Je souhaite moi aussi faire le lien avec la gestation pour autrui. Deux arrêts rendus hier par la CEDH font, d’une certaine façon, entrer dans le droit français la gestation pour autrui, autrement dit les mères porteuses. Je voudrais connaître très clairement la position du Gouvernement sur le sujet. Aux termes des articles 43 et 44 de la convention européenne des droits de l’homme, il peut demander un renvoi devant la grande chambre de la CEDH. Oui ou non, usera-t-il de cette possibilité ?
Enfin, souhaite-t-il prendre, prendra-t-il des mesures législatives, ou de toute autre nature appropriée, afin d’incriminer le recours à la GPA ? Une sanction pénale spécifique sera-t-elle prévue, applicable non seulement aux sociétés intermédiaires, commerciales ou non, qui agiraient sur le territoire national, mais aussi aux médecins qui feraient la promotion du tourisme reproductif, et enfin aux personnes, aux clients, si j’ose m’exprimer ainsi, recourant à la GPA ?
Nous attendons des réponses claires de la part du Gouvernement, qui nous dit qu’il ne veut pas de la GPA, mais qui, au final, l’accepterait s’il ne sollicitait pas ce renvoi devant la grande chambre de la CEDH et s’il ne faisait pas adopter dans notre pays une législation et une réglementation réprimant le recours à la GPA. Le Gouvernement est désormais au pied du mur.
Décidément, l’actualité le rattrape à chaque séance d’examen de ce texte. La dernière fois, c’était avec l’interview de Mme la secrétaire d’État sur la PMA dans Le Figaro. Hier, c’est la CEDH qui manifeste un intérêt pour des domaines dans lesquels, jusqu’à présent, elle n’intervenait pas. Ce n’est pas de cette Europe-là que nous voulons…
Mme la présidente a décidé d’être très stricte ce matin et de nous couper la parole. Je n’avais pas terminé mon intervention.
C’est normal. Les interventions sur l’article sont limitées à deux minutes.
Je voudrais, à mon tour, dénoncer les mauvaises conditions d’examen de cette proposition de loi et cette avance à marche forcée pour judiciariser la vie des familles recomposées, dût-ce cela diviser les Français. Ce n’est pas de bon aloi. On avait annoncé un débat apaisé, mais les conditions dans lesquelles nous débattons, ainsi en fin de session ordinaire…
…ne le permettent pas. Madame la présidente, égrener les noms des absents n’apporte rien au débat. Beaucoup de nos collègues, qui auraient voulu être là, ne l’ont pas pu à cause de ces conditions de travail.
Le Gouvernement avait promis une grande loi sur la famille au printemps 2014. Or, nous voici, pour la troisième fois, réunis pour en examiner une version édulcorée, insipide, qui ne fait qu’accroître la confusion, en s’attaquant aux valeurs de la famille naturelle.
Cette proposition de loi chamboule l’exercice, conjoint ou délégué, de l’autorité parentale et s’attaque au code civil, alors même qu’elle n’a pas été soumise à l’avis du Conseil d’État.
Cet article 13 apporte toute une série de modifications à la section du code civil consacrée à la délégation de l’autorité parentale. Nous pensons, nous, qu’il faudrait conserver la notion de délégation-partage parce qu’un tiers n’a pas, en sa seule qualité de tiers, de droit d’exercice de l’autorité parentale sur l’enfant. Cet article illustre bien votre politique de Gribouille qui apporte de la confusion et compliquera la vie des familles et des juges.
M. Philippe Meunier n’est pas là, M. Jacques Lamblin non plus.
La parole est donc à M. Guy Geoffroy.
Je voudrais reprendre et appuyer tout ce qu’ont dit les collègues qui m’ont précédé.
Nous voilà à un rendez-vous dont nous savions qu’il aurait lieu à une date indéterminée. Troisième étape du parcours chaotique d’une proposition de loi, que le Gouvernement soutient – on se demande d’ailleurs pourquoi il n’est pas allé au bout de sa démarche en présentant un projet de loi . Mais, comme l’a souligné Daniel Fasquelle, tout a été saucissonné, tronçonné…
…pour essayer de mieux faire avaler la pilule par petits morceaux, en pensant que l’opinion ne s’en soucierait plus.
On peut en effet se demander si c’est passé ou si ça ne l’est pas, si c’est abandonné ou non. Bref, c’est sorti des écrans radar, et vous avancez d’une manière tout à fait inacceptable.
Par ailleurs, je voudrais faire part de notre surprise concernant cet article 13, qui donne vraiment une impression de remplissage, le code civil actuel prévoyant déjà la délégation-partage. En fervents adeptes de la simplification, vous réécrivez la délégation-partage en distinguant, d’un côté, la délégation et, de l’autre, le partage : tout le monde appréciera et nos concitoyens comprendront l’immense oeuvre de rénovation du code civil à laquelle vous êtes en train de vous livrer.
Comme nous sommes des gens de bonne compagnie, nous dirons que cet article 13 est, au minimum, inutile et, au pire – nous savons d’ailleurs que nous pouvons craindre le pire avec vous – dangereux. C’est pourquoi nous affirmons, à titre liminaire, qu’il convient de ne pas l’adopter, le meilleur moyen étant de le supprimer.
La présidente veut aller tellement vite qu’elle en oublie de donner la parole à Mme la secrétaire d’État !
Pas du tout, je n’avais pas encore demandé la parole !
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.
Messieurs les députés de l’opposition, vous nous avez interpellés sur la décision rendue hier par la Cour européenne des droits de l’homme : je vais vous répondre tout de suite.
Malgré toutes les heures que nous avons déjà passées ensemble dans l’hémicycle, vous arrivez toujours à me surprendre.
Après le long débat que nous avons eu sur l’intérêt de l’enfant…
Veuillez ne pas m’interrompre, vous vous exprimerez chacun à votre tour ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Compte tenu de votre détermination à faire inscrire l’intérêt supérieur de l’enfant dans le code civil, je pensais que vous vous féliciteriez ce matin de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, fondée et rendue au nom de l’intérêt de l’enfant…
…, de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Monsieur Gosselin, vous m’avez interpellée pour me demander quelle était la position du Gouvernement quant à cette décision. Auriez-vous la gentillesse d’écouter ma réponse ? Je ne doute pas que vous aurez l’occasion de la commenter au cours de la journée. Laissez-moi donc finir. Cette décision de la Cour européenne des droits de l’homme distingue l’intérêt supérieur de l’enfant de la question de la GPA. La France a été condamnée pour violation du droit au respect de la vie privée. En effet, la Cour considère que, si des parents qui ont eu recours à une gestation pour autrui à l’étranger ne peuvent invoquer la violation du droit à une vie familiale normale, en revanche, s’agissant de la situation des enfants sur le territoire national, l’État ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt de l’enfant de les priver d’un lien de filiation, alors même que le lien biologique – que vous défendez aussi fréquemment dans cet hémicycle – avec leur père est établi.
Le Gouvernement a toujours fermement rappelé son opposition au fait de revenir sur la prohibition d’ordre public du recours à la gestation pour autrui en France. Plusieurs dispositions du code pénal permettent de poursuivre ceux et celles qui, par leur entremise, favorisent le recours à la gestation pour autrui, fût-elle mise en oeuvre à l’étranger.
Cependant, le Gouvernement a toujours résolument défendu l’idée qu’il convenait de distinguer le sort des enfants de celui du contrat illicite, et que la prise en compte de l’intérêt de ces enfants devait prévaloir sur le choix de leur mode de conception, fait par leurs parents.
En distinguant les droits de l’enfant du choix des parents, la Cour européenne des droits de l’homme conforte cette position et rappelle que le respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain.
Pour ces raisons, et parce que l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme rend à la France sa souveraineté totale en matière d’ordre public…
…et que notre socle juridique nous permet de poursuivre ceux qui favorisent la gestation pour autrui, le Gouvernement ne demandera pas le renvoi devant la Grande chambre…
…et tirera toutes les conséquences des deux arrêts en droit interne pour garantir et préserver l’intérêt des enfants. Il est en effet de leur intérêt qu’ils puissent bénéficier d’une sécurité juridique et qu’ils disposent, en France, d’une filiation – d’ailleurs biologique – et d’une nationalité. C’est une décision que nous ne contesterons pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux amendements à l’article 13. Je suis saisie d’un certain nombre d’amendements de suppression.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 187 .
Désormais, les masques sont tombés. Nous avons définitivement la réponse à la question qui nous taraudait depuis des semaines, pour ne pas dire des mois : il est très clair que le Gouvernement soutient toutes les actions qui conduisent à la reconnaissance des mères porteuses, de la gestation pour autrui.
Nous disposions déjà de la fameuse circulaire Taubira de janvier 2013, qui permettait d’attribuer des certificats de nationalité française à des enfants nés par GPA à l’étranger.
Nous avons désormais ces deux arrêts de la CEDH, que la France, que le gouvernement français pourrait parfaitement demander à renvoyer devant la grande chambre de la CEDH. Le Gouvernement ne le fait pas : il n’épuise donc pas les voies de recours, il n’épuise pas le droit : c’est donc une reconnaissance explicite – j’insiste sur ce mot – des mères porteuses en France.
Les deux arrêts de la CEDH sont d’une hypocrisie sans nom. Le signal qui est lancé consiste à dire : allez à l’étranger, on ferme les yeux, et, en plus, quand vous reviendrez en France, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Force est de reconnaître que ce gouvernement a choisi le moins-disant éthique, le tourisme reproductif et, de surcroît, une discrimination fondée sur l’argent
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP
désormais, ceux qui auront les moyens d’aller à l’étranger, aux États-Unis ou en Inde, pourront se « payer » – oui, je dis bien : se « payer » – un enfant aux alentours de 150 000 euros alors que les braves gens, qui n’en auront pas les moyens – je parle des hétérosexuels comme des homosexuels, car il n’y a pas d’exclusive en matière de GPA – seront, quant à eux, gentiment priés, en plus, de rester chez eux.
Cela procède donc, vous le voyez, d’une double hypocrisie : je n’en attendais pas moins de ce gouvernement. À présent, je le répète, les masques sont tombés.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 338 .
Je crois que vous venez en effet d’inventer la GPA pour les riches. C’est absolument scandaleux : on ne peut pas, d’un côté, dire que l’on est contre la gestation pour autrui et, de l’autre, soutenir, comme vous le faites, la circulaire Taubira, qui est contraire au droit français, tout en s’abstenant d’exercer un recours contre ces décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, pourtant contraires au droit français. Je suis en désaccord total avec ce que vous venez de dire, madame la secrétaire d’État : ces arrêts viennent complètement percuter tant la jurisprudence de la Cour de cassation française que la notion française d’ordre public et le droit international privé.
Vous êtes à nouveau en pleine hypocrisie. Vous dites, d’un côté, que vous êtes contre la gestation pour autrui et les mères porteuses ; il est vrai que ces pratiques sont absolument scandaleuses, parce que c’est une forme moderne d’esclavage : c’est une marchandisation de l’enfant. De l’autre côté, puisque vous ne condamnez pas les parents qui ont recours à la gestation pour autrui à l’étranger et que vous facilitez leur retour en France et la reconnaissance des situations juridiques illégales créées à l’étranger, en réalité, vous encouragez le recours à la GPA à l’étranger. Vous l’aviez déjà fait avec la circulaire Taubira.
En réalité, on voit bien que, dans ce dossier, vous cherchez en permanence à gagner du temps : vous attendez des décisions des juges qui – du moins l’espérez-vous – vous seront in fine favorables. En effet, vous auriez pu et vous auriez dû retirer la circulaire Taubira depuis fort longtemps.
Nous prenons acte de la décision que vous avez prise ce matin mais aussi – du moins peut-on le penser – de votre refus de faire évoluer la législation française. Il existe en effet, dans notre code pénal, une sanction du recours à la GPA en France. Mais allez-vous, oui ou non, étendre cette interdiction et cette sanction pénales à ceux qui ont recours à la GPA à l’étranger ? Il faut être cohérent : si l’on est contre la GPA, on la sanctionne pénalement, qu’elle ait lieu en France ou que l’on y ait recours à l’étranger.
Vous n’avez pas répondu à cette question, donc j’imagine que vous refuserez également que la législation française évolue et que vous allez maintenir cette situation et cette position parfaitement hypocrite.
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement no 692 .
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
J’invite les auteurs des amendements à les retirer. En effet, les exposés sommaires de leurs amendements révèlent une mauvaise compréhension de l’article, et je ne doute pas, qu’une fois ce malentendu levé…
…ils retireront leurs amendements. De fait, ils écrivent que « cet article est inutile ». Il se trouve que la rédaction de l’article 376-1 du code civil, actuellement en vigueur, est satisfaisante. Je suis entièrement d’accord avec eux, non sur l’inutilité de l’article 13, mais quant au caractère satisfaisant de la rédaction de l’article 376-1. Or, l’article 13 de la proposition de loi ne touche pas à cette rédaction. Si les auteurs de l’amendement veulent bien lire le 2° de l’article 13, ils y verront que cet article 376-1 reste inchangé.
L’article 13 est par ailleurs très utile, car il apporte une série de modifications rédactionnelles ayant pour objet de distinguer plus clairement la délégation de l’exercice de l’autorité parentale du partage de l’exercice de l’autorité parentale. Il s’agit en effet de deux choses très différentes : dans le cadre de la délégation, tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale est transféré à un tiers tandis que, dans le partage, il n’y pas transfert mais partage de l’exercice de l’autorité parentale avec un tiers, sans en priver les parents.
Or, ces deux notions sont actuellement entremêlées dans le code civil, son article 377-1 traitant à la fois de la délégation et du partage. Cette clarification, qui était nécessaire, a d’ailleurs été très bien accueillie et saluée par les praticiens du droit de la famille et les professeurs de droit spécialistes de ces questions.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Défavorable.
Je voudrais répondre à la fois à la secrétaire d’État et à la rapporteure.
Je voudrais vous dire, madame la secrétaire d’État : merci, mais encore un petit effort ! Merci parce que, vous au moins, vous avez répondu à nos questions. Je me souviens que, lors de l’examen du projet de loi sur le mariage pour tous, j’avais, au moins dix fois…
Sourires.
…au cours de l’une des nombreuses nuits pendant lesquelles nous avons débattu, demandé à Mme Taubira de répondre à nos questions sur sa position relative aux sites internet conçus en Ukraine et prenant appui sur la circulaire qu’elle avait signée : elle avait refusé de répondre. Vous, vous avez accepté de le faire.
Mais je vous dis « encore un petit effort » pour que tous les masques tombent et pour que vous assumiez, vous comme une grande partie de votre majorité et de vos alliés au sein de cette majorité, votre ambition consistant à faire en sorte, d’une manière ou d’une autre, que la GPA devienne loi de la République française. Allez jusqu’au bout : nous continuerons à combattre, mais cessez ces demi-mesures, cette hypocrisie ambiante, qui ne font que pourrir le climat relatif à ces questions. Allez jusqu’au bout de vos convictions.
Quant à la position de la commission, je voudrais dire à notre rapporteure, non sans l’avoir remerciée d’avoir répondu sur le fond de l’article, qu’au lieu de clarifier, cet article reste également à mi-chemin et ne produit que de la confusion. En effet, il y aura désormais la délégation-partage, la délégation et le partage. On veille à ne pas toucher à un article au motif qu’il est satisfaisant, tout en faisant figurer, dans un autre article, des dispositions vraiment très différentes et qui vont, je le répète, semer une confusion incroyable dans l’esprit de nos concitoyens.
Je ne suis d’ailleurs pas d’accord avec vous. Il est toujours facile de dire, sans le prouver, que les professionnels du droit de la famille vous approuvent : je ne suis pas persuadé qu’il en soit ainsi.
Je suis saisie d’une série d’amendements identiques.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 76 .
Puisque nous parlions de l’esprit des institutions de la cinquième République, je pense que nos aînés n’auraient jamais voulu, en catimini, faire passer ce type de texte, un vendredi matin, en fin de session ordinaire.
Il y avait alors, à tout le moins, une certaine décence et un pouvoir assumé pour le plus grand bien de la France et des Français.
Je voudrais rappeler quel est ce machin que l’on appelle la CEDH. Elle est constituée de 47 juges, soit un nombre égal à celui des États parties à la convention européenne des droits de l’homme. Parmi les États membres, certains sont présidés par de grands démocrates, comme M. Erdogan, dont il faut lire attentivement les discours qu’il prononce à l’étranger, ou M. Aliev, président de l’Azerbaïdjan. Par ailleurs, ses décisions ne sont que déclaratoires.
Il est assez étonnant d’entendre le discours de Jocrisse qui nous est tenu. Votre majorité a perdu toute colonne vertébrale idéologique.
Parmi ceux d’entre vous qui sont actifs, il en est, je le répète, qui, bien que numériquement minoritaires, sont politiquement majoritaires en ce qu’ils représentent l’idéologie dominante, c’est-à-dire celle à laquelle on se réfère en pour et en contre. Madame la secrétaire d’État, vous voyez, à travers mon explication, que je ne suis pas marxiste, parce que je ne considère pas que l’idéologie dominante est celle de la classe dominante.
Pour autant, madame le secrétaire d’État, je considère que votre fonctionnement, à la fois conscient pour certains des anciens membres ou des membres actuels du Gouvernement, d’idiot utile pour une partie de la majorité, est tout à fait détestable car vous êtes en train de céder aux puissants et aux riches de cette planète qui, grâce à ce type de déclaration, pourront laisser libre cours à l’hybris, à leur rêve d’immortalité absolue, espérer se continuer, persévérer, par l’achat de matériel génétique et après, par celui du ventre d’une femme qui portera les enfants, jusqu’à ce que nous inventions le sang et les couveuses artificiels. C’est ce monde que vous nous préparez, madame le secrétaire d’État, mais nous n’en voulons pas.
Les autres amendements ne sont pas défendus. Quel est l’avis de la commission ?
Avis défavorable. Juridiquement, la délégation et le partage sont très différents et contrairement à ce qu’affirment les auteurs de l’amendement, il ne doit pas y avoir délégation préalable pour partager. Dans le cas de la délégation, tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale est transférée à un tiers, tandis que dans l’autre, il n’y a pas transfert mais partage de l’exercice de l’autorité parentale avec un tiers, sans en priver les parents.
Les deux notions étant pour le moment entremêlées, on parle parfois de délégation-partage, mais il s’agit d’une approximation juridique et il convient, par souci de clarté, de les distinguer.
Avis défavorable.
Nos amendements tendraient plutôt à simplifier la vie des familles et des enfants qui peuvent en faire partie, définitivement ou temporairement, car vous avez fait entrer la notion de temporalité. Au gré des rencontres des parents biologiques, des contrats seront signés. Les Français doivent se rendre compte de l’écheveau totalement délirant que vous êtes en train de construire. Il serait beaucoup plus sain de supprimer l’article.
C’est un mal qui vous atteint, et nous affecte par conséquent, que cet article et les réponses que vous nous apportez. C’est le mal que les sociétés modernes ont à penser la complexité. Je préfère un système dans lequel les citoyens de ce pays délèguent en conscience une partie de leur pouvoir, de leur autorité, à une personne censée détenir un savoir qui lui permettra d’interpréter les textes que nous votons, en grande sagesse. Les Britanniques, qui ont une avance de plusieurs siècles sur nous à ce sujet, me semblent beaucoup plus sages.
À force de vouloir penser le monde de manière totalement structurée, rigide, organisée, nous serons obligés de systématiquement construire des textes de loi de plus en plus compliqués parce que vous refusez l’inventivité de la vie. Nous sommes bien ici parce que vous êtes dans le paradoxe absolu.
D’un côté, vous présentez des textes, comme le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, où la nature est toute-puissante, livrée à elle-même et de l’autre, comme vous pensez être totalement tout puissants, sachant, omniscients, omnipotents, vous produisez des textes qui nient la part de nature et de biologique de l’être humain. C’est cette double essence que nous essayons de défendre, ce lien indéfectible entre les deux parties de l’humain.
L’amendement no 76 n’est pas adopté.
Nous en venons à d’autres amendements identiques. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 77 rectifié .
Je reprendrai l’argumentaire de la complexité de l’excellent président de la non moins excellente commission des lois, pour ne pas employer l’anglicisme, madame le secrétaire d’État, qui serait « honorable », et rappeler de précédents débats sur la langue française.
Je suis persuadé, madame le rapporteur, quelles que soient vos intentions qui, elles doivent être claires et sans arrière-pensée, qu’avec ce système qui empêche le magistrat d’interpréter la réalité à laquelle il est confronté, en fonction d’un texte simple et clair, compréhensible par tous les citoyens, vous refusez la complexité qui n’est finalement qu’apparente. En effet, un partage d’autorité est bien une délégation d’autorité au minimum à deux. Or, suite à votre texte, le partage ne se fera plus à deux mais à trois, quatre, cinq adultes autour d’un seul et même enfant.
La vie des enfants, aujourd’hui, est suffisamment compliquée parce que nous vivons dans une société totalement paradoxale. Des ministres, aujourd’hui, refusent la notation des élèves alors que la République est justement le lieu de la discrimination, de la classification, de l’organisation transparente des compétences des uns et des autres en fonction de leurs capacités, dans le respect de chacun.
Dans cette société qui refuse toute différence, qui veut tout niveler en tirant vers le bas, qui voit partir toujours plus nombreux ses meilleurs éléments vers des pays qui ont eu le mérite de conserver leur élan vital et qui ne sont pas dépressiogènes comme le nôtre, vous persistez à refuser la complexité. De grâce, adoptez nos amendements.
Les autres amendements ne sont pas défendus. Quel est l’avis de la commission ?
Défavorable.
Nous allons, de ce côté de l’hémicycle, voter ces amendements, parce que nous sommes en train de vous parler de liberté, madame le secrétaire d’État, de la liberté de nos compatriotes de mener la vie qu’ils souhaitent sans avoir à passer systématiquement devant un homme de loi. Nous sommes devant la liberté des individus d’être capables d’affronter par eux-mêmes les blessures et les plaies inévitables d’une vie d’humain. Nous sommes pour la liberté de ce pays de continuer à se construire, à s’organiser, en vertu de la liberté des entreprises et de la liberté des individus.
Vous êtes en train, insidieusement, systématiquement, de faire entrer l’État dans la vie privée des familles, des individus, pour mettre en place un système qui asservit les citoyens de ce pays et renforce les pouvoirs d’une classe internationalisée, toute puissante, qui circule.
Madame le secrétaire d’État, vous êtes en train, au niveau des familles, d’organiser une sorte de trading de haute fréquence. Vous organisez la fraude, installée à grande échelle dans le système même. Nous voterons nos amendements et nous continuerons à débattre parce que c’est notre devoir.
Rires
L’amendement no 77 n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement de coordination qui vise à tirer les conséquences de la nouvelle numérotation des articles relatifs à la délégation de l’exercice de l’autorité parentale, cités dans deux articles du code de l’action sociale et des familles.
L’amendement no 596 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 13, amendé, est adopté.
L’article 14 est rédigé dans ce même esprit paradoxal de volonté de pureté absolue. Si nous voulons, pour notre part, exprimer la liberté, vous êtes dans une société de méfiance où vous voulez déresponsabiliser les adultes, les maintenir dans un état d’immaturité absolue, les empêcher de se construire. Les nouveaux termes que nous avons entendus, « parentalité », « éducation à la parentalité », révèlent que vous êtes en train de nier tout ce qui se faisait grâce à l’inventivité sans limite de l’homme, bridée par sa conscience et son éthique, et que vous voulez remplacer l’absence, si j’ose le dire, de surmoi individuel par un surmoi global extrêmement persécuteur et archaïque qui angoissera encore davantage, si cela était nécessaire, l’ensemble des familles et des enfants de ce pays.
Car cette histoire de partage, sur laquelle je reviendrai indéfiniment, est bien la conséquence logique, comme l’ont compris les Français qui luttent contre vos textes, du délétère projet de loi instituant le mariage pour tous. Dès lors que vous avez nié les différences, que vous voulez fabriquer un citoyen neutre, sans genre, sans qualité, qui soit interchangeable, vous êtes obligés de suivre la même logique en matière d’autorité parentale : tous les adultes qui rencontrent un enfant doivent être parfaitement égaux. Mais ce n’est pas la vie ! En effet, l’égalité absolue, tout d’abord, ne se rencontre que dans la mort ….
M. Poisson n’est pas là, non plus que M. Chevrollier, M. de la Verpillière, M. Hetzel, Mme Le Callennec, M. Mariton et M. Breton.
La parole est à M. Daniel Fasquelle.
Madame la présidente, ce n’est pas la première fois que vous coupez plusieurs de nos collègues au milieu d’une phrase. Nous n’avons pas, nous, un compteur sous nos yeux pour mesurer notre temps de parole aussi serait-il souhaitable que vous nous avertissiez un peu avant afin que nous puissions terminer notre propos. Nous ne sommes pas habitués à un comportement aussi désagréable.
C’est le règlement. Je vous préviens qu’il vous reste une minute et trente secondes.
Non. mais si vous voulez un rappel à l’ordre, je n’y vois aucun inconvénient. Poursuivez à présent, parce qu’il ne vous reste plus que 43 secondes.
Pardon ? Vous voulez me rappeler à l’ordre parce que je viens de vous faire cette remarque ?
Vous pouvez présider sans vous montrer désagréable à l’endroit des députés de l’opposition, tout de même ! C’est incroyable !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
C’est votre comportement qui n’est pas normal ! Cessez de vous perdre en circonvolutions et parlez du texte !
Je comprends l’agacement de la majorité et sa volonté d’expédier ce texte. Nous avons été convoqués à la dernière minute ce matin et nous examinons cette proposition de loi dans des conditions indignes du fonctionnement de notre assemblée et de l’intérêt du sujet qui nous réunit.
Vous n’avez pas, madame la présidente, à passer ainsi en force, à nous bousculer, à nous interrompre au milieu des phrases. Vous ne souhaitiez peut-être pas siéger un vendredi matin mais dès lors que nous sommes ici, permettez-nous de travailler dans de bonnes conditions. J’imagine que j’ai épuisé mon temps de parole aussi vais-je laisser la parole à mes collègues avant que vous ne coupiez mes propos.
Rappel au règlement fondé sur l’article 58 alinéa 1 car je m’étonne du déroulement de nos débats. Que vous appliquiez la règle des deux minutes, c’est votre droit le plus légitime.
Seule la présidente est maître à bord ici et nous ne contestons pas votre présidence, madame. Cela étant, il y a différentes manières de l’exercer. Je ne sais pas si vous avez décidé ce matin d’interrompre nos collègues de façon systématique, mais il est possible de nous faire savoir discrètement que l’on arrive au bout des secondes qui nous sont accordées. Il y a la lettre et il y a l’esprit du règlement. Si nous voulons continuer à débattre de façon plus sereine, vous devriez peut-être prendre en compte ces éléments. Ce n’est évidemment pas un ordre, un conseil, mais une simple proposition.
Pour apaiser les esprits, je vous demande une suspension de cinq minutes.
Rappel au règlement
La séance, suspendue à dix heures quatorze, est reprise à dix heures quinze.
La séance est reprise.
Nous en revenons aux inscrits sur l’article 14. La parole est à M. Frédéric Reiss.
Merci, madame la présidente. Visiblement, vous n’appréciez pas non plus de devoir siéger ce vendredi matin et d’avoir été convoquée très tard.
L’article 14 est très mauvais ; nous souhaitons en rester à la rédaction actuelle de l’article 377-1 du code civil, en précisant les conditions de prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce sera l’objet de nos amendements.
Ni les besoins ni l’intérêt de l’enfant ne justifient ce partage nouveau de l’autorité parentale, centré sur les adultes et les relations qu’ils entretiennent entre eux. La supériorité de l’intérêt de l’enfant, au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant, y fait clairement obstacle.
L’intervention d’un tiers, par définition non parent, dans l’exercice de l’autorité parentale, est une mesure grave pour l’enfant et son équilibre psychologique. Cette banalisation du partage de l’autorité parentale peut lui être très préjudiciable. Plus les intervenants sont nombreux, plus les occasions de conflits, dont l’enfant souffrira en premier lieu, se multiplient. De plus, la psychologie révèle qu’il est important pour l’enfant que les adultes occupent vis-à-vis de lui des rôles clairement définis et que le rôle parental, dans sa spécificité, soit bien identifié.
Le mandat d’éducation est imprécis et mal rédigé. Le prétexte avancé par le Gouvernement est de permettre à un beau-parent de dire : « range ta chambre » sans s’entendre répondre : « tu n’es pas mon père » ou « tu n’es pas ma mère ». Je rappelle que, nulle part dans le texte, on ne trouve la définition du mot « beau-parent ». Si tout se passe bien entre les ex-époux et les nouveaux beaux-parents, on ne voit pas l’utilité de ce mandat d’éducation.
Madame la présidente, lors des séances des questions au Gouvernement, le président, pour signifier aux députés qu’il ne leur reste plus que 15 secondes, tape de sa règle le micro.
Le droit actuel permet aux parents de partager tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale avec un tiers délégataire. Ce partage ne se fait que pour les besoins de l’éducation de l’enfant et ses modalités sont définies entre les parties.
Vous proposez dans l’article 14 que le partage de l’autorité parentale se fasse par le biais d’une convention, homologuée par le juge aux affaires familiales, si elle préserve l’intérêt de l’enfant – ce qui est la moindre des choses.
Le passage auprès d’un juge complique incontestablement le régime existant. Quels seront les délais nécessaires à l’homologation de la convention ? Est-ce qu’elle devra être à nouveau homologuée quand elle sera modifiée ?
Je voudrais le dire sans animosité, l’article 14, bien loin de préserver l’intérêt de l’enfant, complique sa vie et, donc, le dessert, puisque les procédures s’allongeront immanquablement. L’acquisition de l’autorité parentale en sera d’autant retardée, ce qui créera de l’incertitude dans le statut juridique du beau-parent et dans la vie de l’enfant.
En outre, une convention doit être aussi homologuée par le juge pour ce qui concerne la fin du partage. Il est dommage que vous ajoutiez des complications aux complications, des procédures aux procédures, là où il n’en existait pas.
Je profite de cette occasion pour reprendre notre échange, madame la secrétaire d’État, interrompu par une présidence sévère, mais, espérons-le, juste.
De la réponse que vous nous avez apportée et de votre refus de saisir la grande chambre de la CEDH, nous retiendrons que, depuis le vendredi 27 juin 2014, la GPA est officiellement reconnue en France.
Les enfants qui en sont issus auront une filiation et la nationalité française !
Encore une fois, les masques tombent, la clarté se fait. Je pense que le débat sur la PMA reviendra donc très rapidement, comme vous nous en aviez donné l’occasion il y a quelques semaines. Je vous remercie, au moins, de votre franchise ; la garde des sceaux ne nous avait pas habitués à des réponses aussi précises, exécutant parfois des numéros de claquettes qui nous faisaient paraître des imbéciles.
Il n’y aura donc pas de renvoi devant la grande chambre de la CEDH. Voici donc la deuxième batterie de questions, madame la secrétaire d’État : est-ce que, en sus des dispositions existantes, certaines étant d’ordre public, le Gouvernement a l’intention de prendre des mesures spécifiques et de sanctionner pénalement les sociétés commerciales, ou non, qui assureraient la promotion de la GPA sur notre territoire,…
Le code pénal le prévoit déjà !
…les médecins qui feraient la promotion du tourisme reproductif et, de façon claire et nette, les clients, ou les personnes, qui auraient recours à la GPA ?
Je suis saisie de nombreux amendements de suppression.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 79.
Cet article concerne tous les adultes qui peuvent avoir une relation dans laquelle se trouvent un ou plusieurs enfants. Quel est ce monde dans lequel des personnes, qui vivent ensemble, doivent passer devant un magistrat pour définir comment leur couple va fonctionner avec un enfant ? C’est un monde où vous niez les différences, à commencer par la différence des sexes, la généalogie, que vous détricotez, l’existence même du temps – dans un précédent article, vous avez horizontalisé les rapports entre adultes et enfants. Ce faisant, vous considérez que les citoyens de ce pays sont tellement immatures et incapables d’être des parents qu’ils doivent passer systématiquement devant un magistrat pour fonctionner autour d’un seul et même enfant.
C’est la raison pour laquelle nous considérons que cet article, nuisible, doit être supprimé.
Enfin, pour reprendre un sujet majeur, je ne vois pas au nom de quoi notre pays devrait se soumettre et écouter les décisions de personnes qui travaillent au Conseil de l’Europe – 47 États, parmi lesquels l’Ukraine –, sans avoir forcément de liens avec les peuples, les parlements nationaux et le Parlement européen, et ce, au moment même où l’Union européenne, dans sa grande sagesse, interdit les importations des produits venus de Crimée !
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 101.
Nous sommes en pleine hypocrisie, voire schizophrénie. Officiellement, vous êtes contre la gestation pour autrui : vous rappelez qu’il existe une interdiction pénale, mais vous encouragez le recours à la gestation pour autrui à l’étranger, vous refusez de faire appel de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, après avoir refusé de retirer la circulaire Taubira. Évidemment, vous rejetterez nos amendements, comme vous aviez repoussé ceux que j’avais défendus lors de notre dernier rendez-vous pour préciser le droit français et sanctionner plus durement ceux qui auraient l’intention de recourir – directement ou, dans le cas des intermédiaires, indirectement – à la GPA à l’étranger.
Mais vous n’êtes pas du tout dans cette démarche ; au contraire, vous voulez encourager le recours à la GPA pour les riches. Ensuite, vous nous expliquerez qu’au nom de l’égalité, puisque des Français ont les moyens d’y recourir aux États-Unis ou en Inde, il faudra autoriser la GPA en France. On entrevoit bien l’effet de cliquet, l’hypocrisie de votre démarche qui veut que, décision après décision, petite avancée après petite avancée, on parviendra au but que l’on s’est fixé. M. Binet est le seul, d’ailleurs, à ne pas s’en cacher.
L’objectif est d’autoriser la PMA et la GPA en France et de permettre aux couples de même sexe, après être passés par la PMA et la GPA à l’étranger puis en France, d’enfermer des enfants dans une double filiation à l’égard de deux hommes ou de deux femmes. C’est ce que vous essayez d’obtenir, petits pas après petits pas. L’article 14 en est une nouvelle démonstration.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 170.
Avant de défendre l’amendement, je voudrais revenir sur la GPA, qui est le sujet de la matinée. Ces deux arrêts réduisent à néant l’interdit français. Soyons clairs, les digues ont sauté et le droit positif français va devenir une ligne Maginot. Le Gouvernement continuera de s’arc-bouter mollement en disant que la gestation pour autrui, par autrui, est interdite en France, mais les défenses sont tombées. Le Conseil de l’Europe, via la CEDH est en train de s’arroger des droits sur les États, dans des domaines qui, jusqu’à présent, étaient laissés de côté.
Je ne fais pas la confusion entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, mais il n’empêche que ce n’est pas de cette Europe-là que les peuples ont besoin et que nous attendons le salut. C’est une atteinte, je le crois très sincèrement, à la souveraineté nationale.
Pour en revenir à l’amendement no 170, je pense qu’il faut supprimer l’article 14. L’autorité parentale est un ensemble de prérogatives qui sont données aux parents non pas pour leur faire plaisir mais parce qu’ils sont investis d’une mission à l’égard de leur enfant. C’est l’enfant qui doit être au coeur du dispositif. Ce n’est pas le cas ici, d’où cette demande de suppression.
Comme mes collègues, je propose de supprimer l’article 14. Le partage de l’autorité parentale dépend dans la proposition de loi du seul accord des parents et du tiers. Or l’autorité parentale est un ensemble de prérogatives dont sont investis les parents, du fait de leur statut de parents ; elle n’est pas à leur disposition, mais au service de l’enfant. Si le bien de l’enfant ne justifie pas le partage, l’autorité parentale ne doit pas être partagée.
Associer un tiers à l’exercice de l’autorité parentale est une mesure grave, qui ne peut être fondée sur la seule relation entre le tiers et le parent de l’enfant. Elle ne peut être justifiée que par les besoins de l’éducation de l’enfant lui-même, car l’intérêt de l’enfant prime. Ce partage facilité de l’autorité parentale compliquera en réalité la vie des familles, car, en sus de l’accord des parents, il faudra obtenir celui du tiers, dans certains cas des tiers, avec lesquels l’autorité parentale sera partagée.
Le partage de l’autorité parentale par convention homologuée est parfois annoncé comme un remède contre la lourdeur de la procédure actuelle par décision de justice. Contrairement à ce qui est prétendu, cette disposition ne fera rien gagner, ni en rapidité ni en simplicité.
L’articulation entre les articles 13 et 14 est intéressante : elle souligne que, contrairement à ce que beaucoup ont dit lors de ces débats, le droit actuel propose des réponses concrètes et opérationnelles pour organiser l’intervention et la relation avec l’enfant d’adultes qui n’en seraient pas les parents. Il s’agit, en l’espèce, de la délégation partage. La réalité est que, le plus souvent, le droit existant répond à la situation des enfants et des adultes.
Reste la rédaction de l’article 14, qui ne me paraît pas tout à fait claire sur un certain nombre de sujets.
Tout d’abord, à l’alinéa 4, madame la secrétaire d’État, concernant le partage de tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale avec un tiers, comment le tiers est-il défini ? Quel est le champ du tiers ? Combien de tiers peut-il y avoir ? Que se passe-t-il dans l’histoire des tiers ? Nous avons déjà évoqué cela au cours de notre débat. Lorsqu’il y a des recompositions successives du couple, quelle relation est maintenue entre les adultes et l’enfant ? Quelle est la définition du tiers ? L’expression « tiers » est commode, mais elle est générique et extrêmement floue.
Ensuite, je ne sais pas si vous mesurez la gravité de l’utilisation de l’adverbe « suffisamment » à l’alinéa 7 : « [… ] le juge homologue la convention, sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant [… ]. » Comme chacun sait, de façon classique en français,l’usage de l’adverbe affaiblit la portée de la phrase.
Vous auriez pu écrire : « sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas l’intérêt de l’enfant ». Une telle rédaction serait plus claire et signifierait que l’intérêt de l’enfant prime. En ajoutant l’adverbe « suffisamment », si les mots ont un sens, cela affaiblit les termes « l’intérêt de l’enfant », et signifie que l’intérêt de l’enfant peut ne pas être respecté jusqu’à un certain point. Vous rendez-vous compte de la logique dans laquelle vous vous inscrivez, madame la secrétaire d’État ? Je pense qu’il est urgent que ce terme soit supprimé.
Les amendements suivants ne sont pas défendus. J’en viens à l’amendement no 693. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour le soutenir.
L’article 14 donne la possibilité à un tiers de conserver le mandat d’éducation malgré la volonté contraire d’un parent exerçant l’autorité parentale par décision du juge. Cette situation est censée être une exception mais les termes « circonstances exceptionnelles » sont beaucoup trop flous juridiquement pour être satisfaisants.
Il est inenvisageable d’établir une égalité juridique entre un tiers mandaté et le parent doté de l’autorité parentale. Cette situation serait invivable au quotidien, alors même que cet article visait précisément à faire valoir le lien de confiance entre le tiers et les parents. C’est un pouvoir excessif qui est donné au juge. Le parent doit pouvoir, sans exception, mettre fin à la convention, le seul statut de parent titulaire de l’autorité parentale suffisant à justifier cette prépondérance sur le tiers.
Avec cet article 14, on assiste à une banalisation du partage de l’autorité parentale. Or, l’intervention d’un tiers, par définition non parent, dans l’exercice de l’autorité parentale a une incidence grave pour l’enfant.
Tout d’abord, la multiplication des intervenants dans l’exercice de l’autorité parentale multiplie les occasions de conflits, et l’enfant est le premier à en souffrir. Ensuite, la psychologie révèle qu’il est important pour l’enfant que les adultes aient vis-à-vis de lui des rôles clairement définis ; en particulier, le rôle parental doit être bien identifié dans sa spécificité. Il n’est pas anodin pour un enfant qu’un tiers exerce l’autorité parentale à son égard ; une telle délégation peut même être très mal vécue.
Il est donc inutilement risqué pour l’enfant d’envisager cette mesure sans que celle-ci soit justifiée par son intérêt supérieur, qui prend là tout son sens.
Enfin, si elle n’est pas justifiée, une telle association du tiers pourra être vécue par l’enfant comme un désengagement de ses parents à son égard et instituera une concurrence inutile avec le parent chez lequel l’enfant ne réside pas.
Associer un tiers à l’exercice de l’autorité parentale est une mesure très grave qui ne peut être fondée sur la seule relation entre le tiers et le parent de l’enfant. Elle ne peut être justifiée que par les besoins de l’éducation de l’enfant lui-même. Or, dans votre texte, la relation entre le tiers et le parent de l’enfant semble seule justifier cette délégation.
Je voudrais revenir en quelques mots sur la gestation pour autrui, car je n’ai pas pu assister au début de nos débats.
Nous attendons une réponse de Mme la secrétaire d’État pour savoir si le Gouvernement est complice de la fraude à la GPA telle qu’elle est aujourd’hui encouragée.
La commission a émis un avis défavorable. L’article 14 réforme le régime juridique applicable au partage de l’exercice de l’autorité parentale et l’assouplit, ce que nous assumons parfaitement.
Les conditions actuelles prévues par les articles 377 et 377-1 du code civil, selon lesquels le partage doit être justifié par des circonstances particulières pour intervenir pour les besoins de l’éducation de l’enfant sont en effet supprimées. Ces conditions ont fait l’objet d’interprétations jurisprudentielles strictes qui ont conduit à restreindre considérablement le recours au partage de l’exercice de l’autorité parentale.
Les meilleurs spécialistes du droit de la famille, les professeurs Fulchiron et Gouttenoire, notamment, ont déploré cette situation qui empêche que l’exercice de l’autorité parentale puisse être partagé avec un tiers qui élève pourtant l’enfant au quotidien. L’intérêt de l’enfant doit être le seul critère et tel est bien le cas puisque le juge n’homologuera pas la convention s’il estime qu’elle ne préserve pas cet intérêt.
S’agissant de la fin du partage, elle doit intervenir lorsque le parent le demande, car on ne peut pas raisonnablement continuer à partager l’autorité parentale en cas de désaccord entre l’un des parents et le tiers, sauf en cas de circonstances exceptionnelles.
Dans cet article, les trois conditions qui nous importent sont réunies : accord des parents, vérification de l’intérêt de l’enfant,…
… homologation par le juge de la convention. Nous n’allons pas reprendre éternellement ce débat, monsieur Mariton, car il a déjà eu lieu.
Nous n’allons pas le refaire !
Toutes les conditions sont réunies pour que le Gouvernement émette un avis défavorable sur ces amendements.
Je voudrais dire au Gouvernement et à la commission qu’il ne faut pas s’inquiéter : le processus législatif ira à son terme, même si le texte est saucissonné en route. Par conséquent, parce que les sujets sont importants, et le climat créé par la décision prise hier par la CEDH ne fait que le confirmer,…
C’est vous qui créez un tel climat !
Il ne suffit pas de lire des notes scrupuleusement rédigées par les services de la commission.
Il faut raisonner à partir des arguments que nous évoquons dans la défense de nos amendements.
… alors qu’il ne fait que le compliquer. De surcroît, il le rend confus.
Il ne suffit pas de proférer une parole pour lui donner force de vérité !
Un code civil compliqué qui devient confus, c’est extrêmement grave pour la solidité de nos institutions républicaines.
Hervé Mariton, à très juste titre, vous a alertés sur l’imprécision introduite par le mot « suffisamment » dans cet article, donc demain dans le code civil. Vous éludez la question en répondant que nous n’allons pas refaire le film. Certes, mais encore faudrait-il que le film ait été projeté au moins une fois, ce qui, s’agissant de cet aspect important de l’article 14, n’est pas le cas.
Bien sûr que si !
Je regrette que vous répondiez à côté des questions qui vous sont posées.
Chers collègues de l’opposition, après les condamnations de la CEDH, auxquelles vous avez profusément fait allusion ce matin, j’imaginais, un peu naïvement peut-être, que vous fussiez venus sur ces bancs avec un peu plus d’humilité. Il n’est en effet pas glorieux que le pays qui a apporté au monde la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen reçoive de la Cour européenne des droits de l’homme une leçon de respect de ses principes fondamentaux.
Ce n’est pas glorieux pour la France d’être condamnée régulièrement de la sorte par la CEDH.
Au demeurant, vous nous demandez de faire tomber les masques, mais je vous retourne l’injonction : que dites-vous à ces enfants, aux jumelles de quatorze ans qui faisaient l’objet de l’arrêt d’hier, à qui on refuse un état civil, un lien de filiation avec leur père, leur mère ou, parfois, leurs deux parents biologiques ?
Dites-nous ce que vous dites à ces jeunes filles et quel sort vous leur réservez pour leur vie future, alors qu’elles ont aujourd’hui quatorze ans ?
Pour en revenir à l’article 14, madame la présidente, le groupe socialiste ne votera évidemment pas ces amendements de suppression, dans la mesure où il est nécessaire, pour faire évoluer la délégation de l’autorité parentale, de prévoir la possibilité pour les parents de faire homologuer une convention. Tout est prévu pour que la sécurité juridique de ce dispositif soit garantie : le juge devra s’assurer que la convention est conforme à l’intérêt de l’enfant et que le consentement des parents est donné librement.
Les amendements identiques nos 79, 101, 170, 393, 440, 693 et 707 ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 130 rectifié.
Vous avez raison, monsieur Binet : chacun doit être cohérent avec ses positions. Pour notre part, nous le sommes : nous sommes hostiles à la GPA en France.
Mais vous ne pouvez pas dire que vous êtes contre la GPA en France et appliquer en France les effets de la législation américaine qui autorise la GPA ! Car telles seront bien les conséquences immédiates de l’arrêt que la CEDH a pris hier, puisque la législation américaine autorise, du moins dans certains États, le recours aux mères porteuses. Pour ma part, je souhaite qu’en France on respecte le droit français.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Il faut donc être cohérent.
J’avais déposé des amendements en ce sens qui ont été rejetés, mais nous pourrons les déposer à nouveau ou déposer une proposition de loi, pour que les choses soient claires : il faut poursuivre les intermédiaires et ceux qui font la promotion en France du recours aux mères porteuses à l’étranger.
Puisqu’on sanctionne pénalement ceux qui ont recours à la GPA en France, il faut aussi sanctionner pénalement les parents qui ont recours à la GPA à l’étranger. Soyez cohérents ! Aujourd’hui, la position qui est prise est absolument incohérente : on est contre la GPA en France, mais pour la GPA à l’étranger ! Vous êtes favorables à la GPA pour les riches !
Et je sais pourquoi, monsieur Binet : l’étape suivante sera de dire que, puisque seuls certains Français ont accès à la GPA, et que tous les Français doivent avoir le même accès, il faut légaliser la GPA en France ; tel est votre objectif !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je propose que nous en revenions au texte. L’avis de la commission est défavorable pour les raisons que j’ai énumérées précédemment.
Monsieur Mariton, monsieur Geoffroy, l’expression « sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant » figure depuis douze ans dans le code civil, à l’article 373-2-7. Ne venez donc pas nous faire croire que c’est inédit !
Monsieur Mariton, je ne vous ai pas interrompu, veuillez donc me laisser terminer, s’il vous plaît !
Je serai très claire : la PMA et la GPA ne figurent pas dans ce texte, auquel il serait bon que nous revenions, car des familles attendent peut-être le vote de cette proposition, ou du moins s’y intéressent pour son contenu.
Mes chers collègues, veuillez ne prendre la parole que lorsqu’elle vous est donnée après que vous l’avez sollicitée, et ne pas interrompre sans cesse les orateurs qui s’expriment !
Il faudrait pour cela que vous nous donniez la parole plus souvent, madame la présidente !
Vous avez la parole pour donner l’avis du Gouvernement, madame la secrétaire d’État.
Nous avons déjà eu au sujet de la notion d’intérêt supérieur de l’enfant et sur des amendements identiques à celui-ci un débat riche qui nous a permis de mesurer nos différences d’appréciation sur la compréhension de cette notion et le sens que nous lui donnons. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Je voudrais vous faire part de ma surprise, qui n’est pas loin de la stupéfaction.
Aujourd’hui, on nous dit benoîtement qu’on laisse filer la décision de la CEDH et on trouve des arguments d’une légèreté inouïe pour le justifier.
Et on refuse le présent amendement, qui vise, pour protéger l’enfant, à inscrire dans notre code civil des dispositions qui relèvent d’une convention internationale passée sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies et que la France a ratifiée. Il y a donc deux poids, deux mesures. Vous invoquez n’importe quel argument. Vous nous aviez d’ailleurs déjà chanté ce couplet – qui avait fait un joli flop, madame la secrétaire d’État – de la traduction de l’anglais, en prétendant que le terme « intérêt supérieur de l’enfant » n’était peut-être pas fidèle au texte original, et qu’il s’agissait plutôt du « meilleur intérêt de l’enfant », ce qui, au demeurant, tout en semant le trouble, ne démontrait rien et n’était absolument pas concluant. À présent, vous refusez d’inscrire dans le code civil la notion d’intérêt supérieur de l’enfant…
… alors qu’il est indispensable qu’elle le soit, et vous laissez filer des décisions gravissimes, dangereuses, et dont vous porterez la responsabilité devant l’ensemble de nos concitoyens.
Il est vrai, monsieur Fasquelle, que la CEDH a motivé sa décision par l’intérêt supérieur de l’enfant – ce même motif qui est à l’origine de bon nombre de vos amendements ; vous devriez donc vous en satisfaire.
Ce sujet complexe a une forte dimension humaine. Vos réponses simplistes et populistes sont assez désagréables. L’enfant ne peut être victime d’une situation dont il n’est pas responsable. Aucun enfant ne doit supporter la responsabilité de la manière dont il a été mis au monde.
Il ne s’agit pas du droit des parents à avoir un enfant, mais de celui de l’enfant à être reconnu par ses parents !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
L’amendement no 130 rectifié n’est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 188 et 349.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 188.
Il n’existe pas de « droit à l’enfant » et, lorsque vous parlez des parents, je rappelle que seul l’un d’entre eux est concerné – le père, en l’occurrence, puisque la mère n’est pas la mère biologique. Ne commettons donc pas d’approximations, ne vous en déplaise. Là est bien le coeur du sujet : vous ouvrez une nouvelle boîte de Pandore et le Gouvernement laisse faire.
Par laxisme, peut-être ?
Vous vous doutiez depuis hier qu’avec la publication de ces deux arrêts, le thème du jour serait la GPA : bingo ! C’est le cas.
Or, on nous refuse la possibilité d’aborder ces questions à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi sur la famille. Veuillez nous excuser de déranger ! Nous débattons d’un texte sur la famille.
Certes, la GPA et la PMA n’y figurent pas expressément, mais la position du Gouvernement est connue, puisqu’il reconnaît désormais les mères porteuses en France. Il est à prévoir qu’il prendra de semblables positions sur la PMA. Nous sommes donc conduits à aborder ces sujets extrêmement sensibles afin que chacun en soit informé. Les masques sont enfin tombés ! Il est logique que nous cherchions à savoir jusqu’où le Gouvernement souhaite aller. Envisage-t-il d’agir par la voie législative ou réglementaire pour introduire de nouvelles sanctions pénales ? À cette question, je n’ai toujours pas de réponse.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 349.
Le vrai sujet est le suivant : est-on pour ou contre le recours aux mères porteuses ?
Si l’on y est défavorable, reste à savoir si l’on se donne les moyens d’interdire le recours à la GPA.
Sourires.
En tout état de cause, on ne peut réprouver le principe des mères porteuses tout en facilitant le recours qui y est fait à l’étranger comme vous le faites délibérément, d’abord avec la circulaire Taubira et de nouveau aujourd’hui, puisque vous refusez de remettre en cause les arrêts de la CEDH. Si des parents veulent recourir à une mère porteuse, qu’ils le fassent à l’étranger et qu’ils en assument alors toutes les responsabilités. On ne saurait pour autant imposer à la France d’en tirer les conséquences en droit : cela reviendrait à appliquer sur notre territoire la législation américaine ou indienne, en contradiction avec le droit français !
Si, bien entendu. C’est pourquoi les arrêts de la CEDH sont en complète contradiction avec ceux de la Cour de cassation qui, au nom du droit international privé français et de l’ordre public dans notre pays, s’est jusqu’à présent opposée à ce qu’une situation juridique prévalant à l’étranger et contraire au corpus juridique français ne produise tout de même des effets sur notre droit.
Il existe donc aujourd’hui un conflit entre la position de la Cour de cassation et celle de la CEDH. Vous avez fait le choix de soutenir cette dernière et non pas la juridiction de votre propre pays. Dont acte, mais assumez-en pleinement la responsabilité et allez au bout de votre démarche ! Ne prétendez pas être opposés à la GPA alors que certains d’entre vous y sont au fond favorables ! Certains ministres ont même dit et écrit avant leur entrée au Gouvernement qu’ils y étaient favorables ; on ne les entend plus aujourd’hui. Assumez pour une fois vos positions ! Ce débat est important ; ayons-le, car il mérite mieux que la manière dont vous dissimulez vos opinions.
Même avis.
Avant de réagir à l’avis de la commission et du Gouvernement sur cet amendement, je voudrais d’abord dire à Mme Massonneau, avec tout le respect que j’ai pour elle, que nous exprimons des opinions réfléchies, profondément ancrées, assumées et loin d’être réactionnaires. Nous ne sommes ni simplistes ni populistes.
Je tiens à le dire : ce n’est pas élever ce débat pourtant fondamental qui traverse notre société, que de le traiter de cette manière.
J’en viens à l’amendement et à l’avis défavorable émis à son sujet par la commission et par le Gouvernement. J’invite la majorité à explorer les conséquences de ses actes en matière d’autorité parentale, y compris le mal qui a déjà été fait à cause des effets produits par la loi sur le mariage pour tous sur l’article 371-1 du code civil, que nous lisons lors des mariages que nous célébrons. Il y est déjà employé cette superbe formule : « L’autorité parentale appartient aux parents ». Trouvaille formidable ! Il fallait bien, en effet, remplacer l’ancienne formule selon laquelle cette autorité appartenait au père et à la mère.
Allez jusqu’au bout de votre démarche et disséquez cette autorité parentale au point d’écrire à l’article 371-1 qu’elle n’appartient non plus aux parents, mais aux parents et à tous autres selon les conventions qu’ils passeront devant un juge une, deux voire trois fois, puis une dernière fois pour y mettre fin. Allez jusqu’au bout de vos convictions ! Hélas, vous vous y refusez !
Les amendements identiques nos 188 et 349 ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de nombreux amendements identiques, du no 41 au no , pouvant ête soumis à une discussion commune avec l’amendement nos 583.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 41.
Combien faudra-t-il de capitulations pour que ce que l’on appelait la culture française soit ainsi méprisée et détruite ? Qu’est-ce en effet que la CEDH ? L’Azerbaïdjan, la Turquie font-ils partie de l’Europe ? Et l’Ukraine ? Quelle Ukraine, me direz-vous : je sais bien que le Président de la République, comme tout bon membre de la SFIO, est fidèlement atlantiste et qu’il calque sa politique sur celle des États-Unis…
Ce qui n’était pas le cas de M. Sarkozy, comme chacun sait…
… dont on constate la très grande efficacité au Proche-Orient et au Moyen-Orient.
Je le répète, madame la secrétaire d’État : nous sommes ici au Parlement français. Nous devons défendre une culture, des principes, une éthique qui sont consubstantiels à la France. Nous sommes donc profondément choqués que le gouvernement de la République capitule à ce point, qu’il atteigne ce degré d’hypocrisie en poursuivant ses arguties et en feignant de ne pas entendre qu’une partie des membres de la majorité, dans leur dérive de toute-puissance, sont favorables à la gestation pour autrui. Elle incarne pourtant le règne des puissants et des riches sur cette planète ! Le génome humain deviendra inéluctablement la dernière des marchandises que le capitalisme aura réussi à commercialiser et à internationaliser. Voilà le monde qui se dessine !
Vous ne ferez naturellement pas cesser la recherche technique. Hélas, la technique vous fascine tant que vous oubliez ceci : sans éthique, il ne saurait y avoir de progrès réels pour l’homme.
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », en quelque sorte ?
Tout à fait, mais aussi et surtout un certain texte évoquant deux arbres – texte fondamental que vous devriez relire pour comprendre le double principe de l’humain et de sa responsabilité dont nous parlons.
En clair, nous dénonçons la CEDH et nous dénonçons avec fermeté la gestation pour autrui, car cette dérive est profondément dangereuse !
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 157.
Pourquoi faut-il absolument que ceux qui passent leur temps à dénoncer le moins-disant social soient favorables au moins-disant éthique ?
C’est une chose curieuse que cette position. Pourquoi ceux – responsables politiques ou associatifs, par exemple – qui prétendent défendre l’intérêt des femmes et la fin des discriminations réifient, chosifient même le ventre de la femme et la réduisent à un utérus disponible ? Pourquoi faut-il que ceux qui nous parlent de l’intérêt de l’enfant considèrent qu’il passe par la marchandisation des corps ?
Nous n’avons pas fini de nous poser ces questions. À cet égard, Mme la secrétaire d’État a donné des réponses éclairantes qui illustrent la position du Gouvernement. Nous voici dans une forme de capitalisme ou, à tout le moins, de libéralisme poussé à l’extrême. Un libéralisme libertaire, naturellement, fait de positions jusqu’au-boutistes.
Or, la société française récuse ces évolutions avec force et vigueur. Vous en prendrez bientôt le résultat en pleine figure ; il sera à la hauteur de vos dénis.
J’en viens à l’amendement no 157 : il vise à modifier la rédaction de l’alinéa 7 dans un sens plus favorable à l’intérêt de l’enfant.
L’article 14 est l’illustration par excellence de la volonté qu’a la majorité de substituer la famille sociale à la famille naturelle, dont nous défendons les valeurs. C’est un texte mal rédigé, comme l’a d’ailleurs reconnu Mme la secrétaire d’État lors de l’examen de cette proposition de loi au début du mois dernier.
L’alinéa 7 est la démonstration même de la mauvaise qualité de la rédaction. M. Mariton a parfaitement raison de souligner que l’adverbe « suffisamment » affaiblit la clarté que vous vouliez donner à la convention par laquelle les parents organisent le partage de l’autorité parentale avec un tiers.
Dans toutes les mairies de France, il est rappelé aux futurs époux lors de leur mariage ce que stipule l’article 371-1 du code civil : l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. C’est naturellement dans ce sens-là que nous allons, et c’est pourquoi nous proposons de rédiger l’alinéa comme suit : « Le juge n’homologue la convention que s’il a la certitude que l’intérêt supérieur de l’enfant est préservé. ».
Le Gouvernement et Mme la rapporteure nous disent que le droit n’est pas parfait : nous pouvons l’entendre et, comme vous, nous cherchons à l’améliorer. Comme l’a rappelé M. Reiss, l’emploi de l’adverbe « suffisamment » est une faiblesse grave. Autant le corriger ! Si le Gouvernement cherche réellement à protéger l’intérêt de l’enfant et si l’on adopte un droit clair, alors je ne vois pas pourquoi vous refuseriez cet amendement !
Voyez la différence qu’il entraînerait. Selon votre texte, le juge homologue la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant. C’est une protection très faible pour l’enfant ! Nous proposons une rédaction meilleure que la vôtre et que la situation actuelle : le juge n’homologue la convention que s’il a la certitude que l’intérêt supérieur de l’enfant est préservé. Pourquoi refuseriez-vous cet amendement ?
Il ne remet pourtant pas en cause l’ensemble de l’architecture de votre texte – dont nous avons discuté et dont nous discuterons encore à d’autres moments. S’agissant de ces conventions, nous proposons juste d’établir solidement le seul critère qui compte, c’est-à-dire l’intérêt de l’enfant. Qu’on nous explique donc pourquoi notre amendement ne pourrait pas être adopté ! Si le Gouvernement et la majorité cherchent à défendre l’intérêt de l’enfant, dont vous tentez de nous expliquer qu’il n’est pas incompatible avec votre démarche, alors acceptez cet amendement. C’est limpide !
Madame la présidente, j’aimerais aussi que vous nous indiquiez le temps de parole utilisé tout à l’heure par M. Binet,car il me semble avoir été bien supérieur…
C’est dans l’intérêt supérieur de l’enfant !
C’est un amendement sur lequel nous attendons une prise de position, car c’est peut-être l’occasion de nous retrouver sur un point.
Que dit l’alinéa 7 de l’article 14 ? Je le cite : « Dans tous les cas, le juge homologue la convention, sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant… ». Donc, le principe, c’est l’homologation, sauf si l’intérêt de l’enfant n’est pas suffisamment préservé.
Ce que nous vous proposons, c’est que l’intérêt de l’enfant soit mis au centre du texte, en rédigeant ainsi l’alinéa 7 : « Le juge n’homologue la convention que s’il a la certitude que l’intérêt supérieur de l’enfant est préservé. ».
Il y a deux manières de voir les choses. Pour vous, il s’agit d’un accord conclu entre adultes, à quelques exceptions près. Dans ces cas exceptionnels, le juge devra motiver sa décision pour ne pas homologuer la convention. En réalité, ce sont les adultes qui s’accordent « sur le dos » des enfants.
Pour notre part, nous proposons que l’enfant soit placé au coeur du dispositif. Si telle est réellement votre intention, vous avez l’occasion de le montrer très concrètement. C’est un amendement de vérité qui va nous permettre de tester la sincérité de vos intentions. Cette proposition de loi met-elle, oui ou non, l’intérêt de l’enfant au premier plan, comme l’indique son titre ? Ou bien s’agit-il d’arrangements entre adultes, que vous mettez en place avec des instruments – je reprends vos expressions – souples, évolutifs et adaptables ?
Monsieur Breton, je vous invite à garder le micro, pour soutenir l’amendement no 583.
Je vous remercie, madame la présidente, de cette invitation exceptionnelle !
Et dont je n’abuserai pas puisqu’il s’agit d’un amendement de repli.
La rédaction que nous proposons, par rapport à celle du texte qui est insuffisante en termes de garantie de l’intérêt de l’enfant, vise à ce que le juge se réfère à l’article 1108 du code civil, qui prévoit que quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : premièrement, le consentement de la partie qui s’oblige ; deuxièmement, sa capacité de contracter ; troisièmement, un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; quatrièmement, une cause licite dans l’obligation.
Il est important de rappeler ces conditions. Car si elles ne sont pas respectées, les conventions seront rédigées selon les seuls intérêts des adultes, sans accord exprès et sans vérification de la sincérité de l’engament, c’est-à-dire ce qui fait la matière d’une convention. Votre rédaction est trop souple et peut laisser passer ce type de conventions.
Vous feriez un geste en acceptant l’amendement précédent. Si tel n’est pas le cas, vous accepterez peut-être mon amendement no 583, qui est de repli.
Ce n’est pas très surprenant, je vous le concède !
La formule prévue à l’alinéa 7, selon laquelle le juge n’homologue pas la convention s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant est une reprise de l’article 373-2-7 du code civil. Elle est donc bien connue et a donné entièrement satisfaction jusqu’à présent.
La rédaction que vous proposez, qui ferait reposer l’homologation sur la certitude du juge, est étrange. Je suppose que les auteurs de cet amendement rêvent d’un monde qui serait fait de certitudes ! Je crains que cette vision ne corresponde pas à la réalité. Dans aucun texte législatif, on ne se réfère à la certitude du juge. Tout au plus évoque-t-on son intime conviction – article 427 du code de procédure pénale.
Avis défavorable, donc.
La précision proposée par l’amendement no 583 est inutile, car la convention doit respecter les quatre conditions prévues par l’article 1108 du code civil, à savoir le consentement de la partie qui s’oblige, la capacité de contracter un objet certain qui forme la matière de l’engagement, une cause licite dans l’obligation. Votre amendement, monsieur Breton, est déjà satisfait.
Je suis soumise à des injonctions contradictoires de la part des auteurs de ces amendements. Ils me demandent d’émettre un avis favorable à des amendements visant à introduire dans le code civil la notion d’intérêt supérieur de l’enfant et, en même temps, ils voudraient que le Gouvernement fasse appel d’une décision rendue hier au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant. J’avoue avoir un peu de mal à voir où est la cohérence chez les auteurs de ces amendements !
Je considère donc plus prudent, pour le code civil, d’émettre un avis défavorable.
Les amendements identiques nos 41, 157, 420, 429 et 720 ne sont pas adoptés.
L’amendement no 583 n’est pas adopté.
Rappel au règlement
Mon rappel au règlement porte sur les conditions dans lesquelles se déroulent nos débats.
Madame la présidente, vous connaissez le règlement. Il permet à un ou deux orateurs de l’opposition de répondre ou d’échanger, après une réponse du Gouvernement.
Je vais donc cesser de m’exprimer…
Guy Geoffroy s’était manifesté pour s’exprimer sur l’amendement précédent. Il eût été de bon aloi de lui donner la parole. Nous considérerons, madame la présidente, qu’il s’agit d’un petit moment d’égarement…
Afin que chacun puisse se reprendre, je demande une suspension de séance de cinq minutes.
Rappel au règlement
La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures dix.
La séance est reprise.
Je suis saisie d’une série d’amendements identiques du no 58 au no 730. Je constate qu’ils ne sont pas défendus. Il en va de même pour les amendements identiques no 189 à 579. Les amendements identiques no 494 et 584 ne sont pas défendus non plus.
Nous en venons au vote sur l’article 14.
L’article 14 est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 15.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
Je ne peux que constater le manque absolu d’esprit sportif de la présidence, qui fait en sorte, manifestement sur ordre du Gouvernement, que le texte soit examiné dans les plus mauvaises conditions possible alors même qu’il touche profondément à l’humain. En effet, la séance a été reprise de façon précipitée quelques secondes avant la fin de la suspension, comme cela s’est d’ailleurs déjà produit.
J’en reviens aux articles que nous venons d’examiner. Un enfant, au cours de sa construction, noue ses premiers liens dans le ventre de sa mère, qu’on le veuille ou non. Par la suite, le père fait son métier de séparation de la dyade primitive, puis l’enfant noue des relations avec des adultes successifs. Vous pouvez soupirer, madame la secrétaire d’État, mais telle est bien la réalité.
Le texte que nous examinons désorganise savamment cette construction selon une logique parfaitement délétère consistant à nier la construction humaine, le lien biologique et le rôle des parents. Vous faites en sorte que le tiers dont chacun sait, y compris les écoliers qui nous écoutent dans la tribune du public, qu’il fait référence au chiffre trois, devienne un prétendu entier sans doute supérieur : quatre, cinq, six, sept, huit, au gré des rencontres des adultes qui seront dans le meilleur des cas le père et la mère ayant donné la vie à l’enfant.
J’ai entendu dire une fois de plus qu’il existe un droit à l’enfant. Il n’existe aucun droit à l’enfant. Cette expression fait référence à la toute-puissance des adultes, égoïstes et immatures, tentant de réaliser leur rêve d’immortalité par la procréation. Tel est le découplage que vous êtes en train de défendre à gauche !
Nous avons tous contracté une dette à l’égard de ceux qui nous ont précédés, nos parents en particulier. Se construire suppose de la solder en nouant d’autres liens avec des plus jeunes. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd’hui et nous continuerons à nous battre en dépit de conditions de débat déplorables.
L’article 15 modifie l’article 377-2 du code civil tel qu’il résulte des modifications opérées par le vote de l’article 13 en créant un nouveau cas d’ouverture de la délégation de l’exercice de l’autorité parentale dès lors qu’elle est considérée comme une sanction. On pourrait aussi la qualifier de forcée, car elle a lieu à la demande d’un tiers, qui peut être un particulier, un établissement, le plus souvent l’Aide sociale à l’enfance, ou un membre de la famille. Le code civil prévoit deux motifs de délégation de l’autorité parentale, qui a lieu en cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité de l’exercer en tout ou partie.
Le désintérêt manifeste recouvre les cas d’absence dans la vie de l’enfant, en particulier l’absence grave d’exercice du droit de visite et d’hébergement et de non-paiement de pension alimentaire. L’impossibilité d’exercer l’autorité parentale désigne les mêmes absences dont les cas particuliers ont été précisés par la jurisprudence. L’article 15 tel que nous le proposons ajoute un troisième cas, l’accomplissement répété d’actes importants par les personnes, services de l’Aide sociale à l’enfance et établissements auxquels le juge a confié l’enfant.
À ce stade de nos débats, je souhaite interroger le Gouvernement sur le calendrier. Il se trouve en effet que les débats sur ce type de questions, en particulier sur le projet de loi portant ouverture du mariage aux personnes de même sexe, présentent des rebonds et des votes définitifs obéissant à un calendrier très soigneusement étudié par le Gouvernement pour coïncider avec certains événements. Pour être très précis et très direct, madame la secrétaire d’État, la Gay Pride, événement tout à fait légal, a lieu demain.
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Nous ne contestons pas le droit constitutionnel de manifester et d’exprimer une opinion sur la voie publique ni la manifestation en tant que telle. Je me demande tout de même si on ne peut y voir la raison pour laquelle nous débattons aujourd’hui. Le parti socialiste ne cherche-t-il pas à éviter un « PS bashing » dont la Gay Pride pourrait être l’occasion ?
Le vote de la loi Taubira a été émaillé de tant de coïncidences de calendrier ! Certaines manifestations et publications ont en effet été soigneusement organisées à des moments précis du calendrier !
Ma question est donc très simple, madame la secrétaire d’État. Le Gouvernement pouvait-il affronter le calendrier sans que ne soit votée la proposition de loi ? Débattons-nous aujourd’hui parce qu’une manifestation a lieu demain ?
Je ne mets pas en cause la liberté de manifester, mais je trouve tout de même très curieux que le Gouvernement fixe très régulièrement le calendrier des débats sur les questions de société en fonction de manifestations extérieures, spécialement aujourd’hui en forçant la délibération de l’Assemblée nationale. En clair, nos travaux ont-ils lieu aujourd’hui parce que la Gay Pride a lieu demain ?
Et à cause de l’arrêt rendu hier par la Cour européenne de justice aussi ?
Comme mon collègue Mariton, je pense qu’il est permis de s’interroger sur la récurrence de calendriers commodes. Le Gouvernement et la majorité sont pris dans une sorte de fuite en avant visant à faire voter des textes à tout prix, quitte à les découper comme des tranches de saucisson. Nous savons qu’en réalité vous dépendez, à gauche, d’une minorité ultra agissante, en particulier le lobby LGBT qui dicte vos opinions.
J’invite mes collègues désireux de ne pas être soumis au joug de ces lobbys à s’interroger sur les calendriers fixés, en particulier à propos de la GPA. Nous avons dit d’emblée ce que vous allez faire : laisser se développer la GPA à l’étranger, à laquelle des Français en général riches auront accès, prendre en otage les enfants qui en seront nés en appelant à la pitié sur leur absence d’identité, qui est inexistante mais que vous invoquerez quand même, puis laisser la GPA s’implanter en France au motif qu’on ne saurait en laisser le privilège aux riches qui peuvent se rendre aux États-Unis ou en Inde. Nous vous avons dit d’emblée très clairement qu’une telle séquence est inscrite dans la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Vous avez beau nier, chers collègues socialistes, les faits viennent régulièrement corroborer ce que nous n’avons cessé de dire. Nous vous invitons donc, madame la secrétaire d’État, à nous donner très clairement votre avis sur le calendrier tel que vous l’envisagez.
Vous pouvez bien prétendre que les deux n’ont rien à voir, nous n’en constatons pas moins que les éléments convergent systématiquement. Nous savons maintenant que le Gouvernement et les socialistes sont complices de la fraude à la GPA à l’étranger, dès lors qu’ils ne contestent pas l’arrêt de la CEDH rendu hier. Nous attendons maintenant que vous nous donniez des éléments d’explication sur le calendrier. En effet, qui en fait les frais aujourd’hui ? Ce sont les familles qui dans leur ensemble n’ont rien demandé. Nos travaux ont été suspendus deux fois et je n’ai pas reçu un seul courriel de soutien à la proposition de loi, alors que je ne compte plus ceux qui y sont hostiles, ce qui est bien la preuve que vous n’êtes soutenus par personne.
Si vous avez quelque chose à nous dire, monsieur Le Bouillonnec, je vous invite à prendre la parole.
Je regrette qu’un quiproquo se soit glissé tout à l’heure lorsque j’ai fait savoir que je souhaitais répondre au Gouvernement et à la commission au sujet de l’article précédent et des amendements. Je saisirai l’occasion de le faire, que l’on m’en excuse dès maintenant.
Je tiens à faire part, en un bref propos, de nos interrogations sur l’article 15 qui, comme on le sait, crée un nouveau cas d’ouverture de délégation de l’exercice de l’autorité parentale. Il y procède selon nous dans des conditions extrêmement larges qui méritent comme telles un minimum d’explication de la part de la commission et du Gouvernement qui soutient la proposition de loi. En effet, cette nouvelle disposition me paraît démesurée. À tout le moins, nous avons du mal à en mesurer la portée pratique et j’espère qu’on nous éclairera.
Le droit en vigueur prévoit une délégation de l’autorité parentale au profit d’un particulier, d’un établissement ou d’un service départemental de l’Aide sociale à l’enfance « en cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale », selon notre droit positif. L’article 15 y ajoute la possibilité pour la personne, l’établissement ou le service auquel a été confié l’enfant d’accomplir des actes non usuels avec l’autorisation du juge des enfants. Une telle disposition n’est pas mineure, elle est au contraire d’une portée dont nous ne mesurons pas l’importance. C’est la raison pour laquelle nous présentons des amendements de suppression.
J’espère qu’à l’issue de la discussion générale sur l’article et en réponse à chacun de nos amendements nous obtiendrons des éclaircissements grâce auxquels nous verrons un peu mieux ce que vous avez voulu faire.
Je tiens d’abord à vous dire, madame la présidente, combien nous regrettons que vous ayez fait voter l’article 14 à la hussarde à peine la séance reprise après la suspension que nous avions demandée.
J’évoquerai un instant l’intérêt supérieur de l’enfant, car nos arguments ne sont pas sans cohérence. Il ne s’agit pas de défendre une vision rétrograde de la famille, tant s’en faut. À l’évidence, des changements se produisent, des parents se séparent et les familles se recomposent. Mais c’est justement l’enfant qu’il faut d’abord protéger des aléas de la vie des parents au lieu de lui imposer leurs choix. À aucun moment des débats ni vous madame la secrétaire d’État ni vous madame la rapporteure n’avez envisagé d’intégrer la notion d’intérêt supérieur de l’enfant alors même que sa caractérisation de « supérieur » figure dans toutes les conventions internationales de protection de l’enfant ratifiées par la France, spécialement la convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies. Sur ce point précis, l’obstruction, ce n’est pas nous, mais le Gouvernement !
Quant à l’article 15, il crée un nouveau cas d’ouverture de la délégation de l’exercice de l’autorité parentale à l’initiative d’un tiers, dont nous attendons toujours la définition exacte : un particulier, membre de la famille ou non, un établissement, le service départemental de l’Aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant. Un tel cas d’ouverture se présente lorsque le juge des enfants a été amené à plusieurs reprises à autoriser la personne, l’établissement ou le service auquel l’enfant est confié à effectuer un acte important en raison d’un refus abusif ou injustifié ou d’une négligence des détenteurs de l’autorité parentale.
J’évoquerai quelques instants les propos tenus tout à l’heure par notre collègue Binet, qui a pris l’air contrarié lorsqu’il a été accusé de défendre la GPA.
Notre collègue déclarait pourtant hier en fin de journée dans un communiqué AFP qu’« il est inconcevable qu’un pays comme la France continue à opposer à un enfant son mode de conception ou sa naissance ». Si ce n’est pas la reconnaissance implicite de la GPA, cher collègue, c’est à n’y rien comprendre ! Si certains d’entre vous avaient besoin tout à l’heure de décodeurs pour nous comprendre, manifestement il conviendrait d’en rendre l’usage obligatoire car nous en avons aussi besoin sur nos bancs pour comprendre vos propos – mais peut-être aurez-vous l’occasion d’expliciter votre pensée, cher collègue Binet !
Quant aux concomitances de date, notre collègue Hervé Mariton a raison de rappeler l’organisation de la Gay Pride demain à Paris. La tenue de notre débat aujourd’hui n’a rien d’un hasard. Sans doute faut-il émettre quelques signes et donner quelques gages de bonne volonté !
Certains nous trouvent tortueux, mais vous nous avez habitués à l’être !
Nous ne pouvons pas croire au hasard. Il est vrai que le « PS bashing » est si fort en ce moment et les déconvenues en matière de lutte contre le chômage hélas si grandes qu’il faut malheureusement donner d’autres gages !
J’aimerais donc savoir ce que pense le Gouvernement de ces heureux hasards de calendrier, car nous n’avons appris que mardi, un peu en catastrophe, qu’il nous fallait nous réunir aujourd’hui.
Vous m’avez interrogée sur des concomitances de calendrier.
Nous avons entamé le 19 mai l’examen d’une proposition de loi qui comportait vingt articles. En temps parlementaire normal, nous pensions que cela pouvait être fait en trois jours. Or vous avez fait le choix de déposer plus de six cents amendements et de multiplier les amendements identiques, chacun les reprenant en son nom propre. Vous auriez pu faire un autre choix pour défendre vos positions, en déposant, par exemple, des amendements au nom de « MM. Gosselin, Mariton et les membres du groupe UMP ». Je note à ce propos que vous n’avez déposé des amendements qu’à titre individuel et qu’aucun n’a été déposé par l’ensemble du groupe UMP.
Cela ne me regarde pas, mais je le note.
Vous êtes la bienvenue au groupe UMP si vous le souhaitez, madame la secrétaire d’État.
Vous avez fait le choix d’allonger le débat en multipliant vos interventions. C’est ce choix qui nous a amenés à revenir une première fois en séance, le lundi 16 juin, puis à nouveau aujourd’hui. La concomitance entre l’examen du texte, aujourd’hui, et la tenue de la marche des fiertés demain, c’est à vous, et à vous seuls, que nous la devons, messieurs les députés du groupe UMP.
C’est bien le Gouvernement qui, mardi, a inscrit ce texte à l’ordre du jour !
Il est toujours bon de nourrir la théorie du complot, mais nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je peux le dire en latin si cela vous choque moins : Nemo auditur…
Je ne retire rien et je continue.
Mêmes mouvements.
Vous ne pouvez pas parler de turpitude à propos de l’expression de l’opposition !
Parler de la gay pride vous le faites, c’est faire preuve de turpitude !
L’un d’entre vous nous a dit qu’il n’avait reçu aucun courrier de soutien à cette proposition de loi.
Je retire le mot « turpitude ». Je voulais seulement évoquer un adage de droit puisque nous parlons du code civil, mais je le retire.
Puisque vous vous étonniez de n’avoir reçu aucune lettre de soutien à ce texte, je vais vous lire, pour ma part, l’intervention que le président de l’Union nationale des associations familiales a prononcée la semaine dernière, à l’occasion de son assemblée générale. Je m’y suis moi-même rendue et j’ai eu avec l’UNAF un dialogue extrêmement riche et constructif.
Voici les mots du président : « Pour l’UNAF, ce texte est globalement équilibré… »
« La plupart des dispositions s’inscrivent dans le droit fil de la contribution que nous avions remise en décembre dernier, dans le cadre de la préparation de la loi famille. Nous partageons l’objectif de renforcer l’exercice de l’autorité parentale des parents, même lorsqu’ils ne vivent plus en couple. Ce texte apporte des avancées, comme la promotion de la médiation familiale, un dispositif dans lequel les UDAF sont largement impliquées. Mais les moyens financiers devront suivre… Certaines dispositions méritent cependant des aménagements. Nous regrettons que la tournure du débat à l’Assemblée ne permette aucune modification du texte, du moins pour l’instant. » Le président de l’UNAF conclut en faisant des propositions d’amendements, qui pourraient être discutés.
Bref, si vous n’avez pas reçu de courrier concernant ce texte, pour ma part, j’ai reçu le discours du président de l’UNAF.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Puisque vous avez retiré vos propos, madame la ministre, mon premier point tombe.
Mais puisque vous semblez avoir besoin d’être éclairée sur les travaux de l’opposition, sachez, pour votre information, qu’il y a bien eu des amendements déposés par l’ensemble du groupe UMP.
Il y en a eu bien peu.
Ils vous ont peut-être échappé, et si vous souhaitez que nous suspendions nos travaux pour vous laisser le temps de vous pencher sur cette question, je demanderai bien volontiers une suspension de séance, car vous savez qu’elle est de droit.
C’est inutile, je vous fais confiance.
Mon rappel au règlement concerne le bon déroulement de nos travaux.
Madame la secrétaire d’État, vous faites référence aux 667 amendements déposés sur cette proposition de loi,…
Souvent identiques…
…mais je voudrais vous rappeler le nombre d’amendements qui ont été déposés sur d’autres textes récents. Projet de loi sur la prévention de la récidive et l’individualisation des peines : 827 amendements ; projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové : 1 274 amendements ; projet de loi relatif à la formation professionnelle : 796 amendements ; projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles : 1 127 amendements ; projet de loi relatif à la consommation : 934 amendements ; projet de loi pour la refondation de l’école : 1 320 amendements. Et je pourrais allonger cette liste…
La question ne se pose pas de la même manière lorsque nous sommes en temps législatif programmé !
Vous voyez donc bien que nous ne pratiquons pas l’obstruction sur ce texte.
Dites plutôt que vous la pratiquez tout le temps !
Nous avons la volonté de débattre, mais pour débattre, il faut être deux. Le problème, c’est que vous ne répondez jamais à nos arguments et que vous repoussez tous nos amendements.
L’UNAF, dites-vous, approuve la médiation familiale, mais suggère d’amender le texte. Où sont ces amendements ?
Nous aimerions les voir ! En réalité, l’UNAF ne soutient pas du tout ce texte.
Je comprends que cela vous ennuie, mais c’est un fait.
Je suis saisie de deux amendements de suppression de l’article 15, nos 190, et 392.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 190 .
Il semble effectivement nécessaire de clarifier certains points. Vous évoquiez, madame la secrétaire d’État, les demandes de l’UNAF, mais l’UNAF n’applaudit pas ce texte des deux mains, je peux vous le dire ! Et si sa présidence juge que le texte contient « globalement » des propositions intéressantes, le diable, comme toujours, est dans les détails.
Nous n’avons pas rejeté « globalement » tous les objectifs de votre texte. Nul ne conteste que la société a évolué et que le droit doit s’adapter. Nous l’avons maintes fois répété : nous ne sommes pas nostalgiques d’un temps passé, d’un XIXe siècle idéalisé vers lequel il faudrait systématiquement se tourner.
Pour autant, les propositions qui ont été faites, et qui, hélas, auront peut-être force de loi un jour – attendons de voir ce qu’il adviendra du texte au Sénat, et quand il reviendra chez nous, sans doute à l’automne –, ne convainquent pas, car elles font de ce texte un nid à contentieux. Vous avez, au rebours d’une vision libérale de la société, l’envie de rigidifier les rapports entre les individus. Vous placez l’autorité parentale dans les mains des parents, ce qui peut paraître logique. Mais au lieu de faire profiter de cette autorité aux enfants, vous en faites un instrument au seul profit des parents et des tiers. Ce n’est pas cela, l’autorité parentale ; ce n’est pas ainsi que nous la concevons. Voilà pourquoi cet amendement propose de supprimer l’article 15.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 392 .
Vous nous dites, madame la secrétaire d’État, que l’UNAF a regretté qu’aucun amendement n’ait été adopté,…
L’UNAF a regretté votre obstruction !
…mais vous avez systématiquement rejeté les amendements de l’opposition. Systématiquement !
Vous n’avez pas déposé les amendements proposés par l’UNAF !
Nous aurions pu, sur un certain nombre de sujets techniques, améliorer ce texte ensemble. Mais, parce que ces amendements venaient de l’UMP, vous les avez systématiquement rejetés : tous nos amendements ont systématiquement reçu, de la part de Mme la rapporteure comme de votre part, madame la secrétaire d’État, un avis défavorable.
Nous avons posé plusieurs questions techniques, auxquelles nous n’avons pas eu de réponse. Je pense notamment aux débats que nous avons eus sur les articles 6 et 7 : vous nous avez dit, lors du débat sur l’article 6, que nous aurions des explications au moment de l’examen de l’article 7, mais ce ne fut pas le cas. Et il s’est produit la même chose avec les articles 9 et 10. Ce texte est mal construit et extrêmement dangereux, car il constitue un nid à contentieux. Il sera demain à la source de conflits au sein des familles, et il va même raviver des conflits dans les familles où ces conflits s’étaient apaisés.
Mais le principal problème de ce texte, ce sont ses objectifs cachés. On le voit bien avec la résidence alternée : vous dites que vous n’en voulez pas, mais lorsqu’on vous pousse dans vos retranchements, on s’aperçoit que vous la souhaitez. Vous dites que vous ne voulez pas de statut du beau-parent, mais vous le construisez, mesure après mesure, et l’on voit bien que ce que vous voulez introduire, c’est la multiparentalité. Vous dites que vous tenez à la parenté biologique, mais il est clair qu’en réalité vous voulez la mettre sur un pied d’égalité avec la parenté sociale. S’agissant, enfin, de l’intérêt supérieur de l’enfant, on voit bien que vous lui préférez l’intérêt supérieur des parents. C’est particulièrement clair avec les articles 14 et 15 : vous privilégiez les petits arrangements entre parents au détriment des enfants, parce que vous êtes davantage à l’écoute des parents que des enfants, et c’est ce que nous vous reprochons.
Mes chers collègues, si vous ne retrouvez pas les amendements de l’UNAF en séance, c’est parce que nous les avons déjà adoptés en commission. Nous avons en effet tenu compte des remarques qui nous ont été faites, notamment au sujet de la disposition sur laquelle vous vous êtes tant battus et tant exprimés, le mandat d’éducation quotidienne. Nous nous sommes demandés, je vous l’ai dit, s’il fallait ou non l’accord de l’autre parent, certains objectant que c’était là une intrusion de l’autre parent. Sur les conseils des associations familiales, dont l’UNAF, nous avons finalement introduit l’accord de l’autre parent.
Sur la médiation, la première version du texte prévoyait que le juge puisse enjoindre à « de la médiation ». S’il était bien clair dans notre esprit qu’il s’agirait d’une ou deux séances, les associations ont estimé qu’il fallait le préciser, et nous avons tenu compte de leurs observations. De même, certaines associations de famille et certains magistrats nous ont éclairés sur l’exercice de l’autorité parentale.
Je vous ai déjà dit la dernière fois que vous auriez dû assister aux auditions, et vous m’avez répondu que certains d’entre vous siégeaient dans d’autres commissions. Mais vous avez tout de même des collègues en commission des lois… Lors des auditions, je vous le rappelle, aucun d’entre vous n’était présent. Alors cessez de nous donner des leçons.
Nous pouvons être constructifs. La preuve : j’ai même accepté en commission un amendement de M. Poisson, que M. Gosselin s’est empressé de faire supprimer.
Il s’agissait là d’un amendement de distraction, madame la rapporteure !
Restons humbles face à ces sujets.
Pour en revenir à notre texte, l’article 15 introduit une modification très utile, puisqu’il prévoit un cas supplémentaire de délégation forcée en cas de désintérêt pour l’enfant. Cet article prend en compte les enfants qui ont déjà été placés, notamment auprès de l’Aide sociale à l’enfance. Des parents peuvent quelquefois, soit par négligence, soit par malveillance, soit parce qu’ils n’en ont tout simplement pas les moyens, empêcher ce service d’accomplir des actes dits usuels, voire importants, comme, par exemple, conduire l’enfant à l’hôpital pour une fracture.
Vouloir supprimer cet article, qui nous a été demandé par les professionnels de l’enfance, c’est aller un peu loin. Et l’intérêt supérieur de l’enfant n’y trouve pas son compte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Défavorable.
Je suis vraiment très troublé, car j’ai demandé, dans mon intervention sur l’article, quelle était la portée exacte des nouvelles dispositions et je n’ai eu aucune réponse, ni de Mme la rapporteure, ni de Mme la secrétaire d’État. C’est très troublant, c’est très gênant, et cela justifie pleinement que nous votions ces amendements de suppression de l’article 15.
J’ai deux autres remarques à faire. S’agissant d’abord de notre prétendue obstruction, qu’on ne nous fasse pas rire ! Nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à avoir connu l’époque où le président Debré a été obligé, pour montrer combien le comportement de l’opposition de l’époque était à la fois ridicule et scandaleux, de disposer sur le perchoir, pour en montrer le volume, les cent mille amendements qui avaient été présentés et déposés par le groupe socialiste.
Alors, que l’on ne vienne pas nous faire des leçons sur ces malheureux six cent et quelques amendements déposés sur les vingt malheureux articles de cette proposition de loi !
Je voudrais pour finir m’adresser à vous, madame la secrétaire d’État. Et c’est la dernière fois que j’aborderai avec vous cette question très troublante, très choquante et très grave de la GPA.
Je crains que vous n’arriviez pas à tenir votre parole !
Vous avez déclaré tout à l’heure, au nom du Gouvernement, que vous laissiez filer les choses. Vous, madame ! Avant d’être secrétaire d’État, vous étiez au Sénat la rapporteure d’un texte qui m’est cher, même s’il ne fait pas l’unanimité sur les bancs où je siège, relatif à la prostitution. Ce texte, vous le défendez pour les mêmes raisons que moi…
Je commence à me le demander…
…au nom d’un article du code civil et des principes fondamentaux, selon lesquels le corps humain n’est pas un objet marchand. Et aujourd’hui, vous nous dites que vous acceptez, au nom du Gouvernement, que le corps humain soit un objet marchand ! Vous laissez filer les choses et vous êtes ainsi en contradiction absolue avec ce que vous pensez profondément, ce qui est très inquiétant.
Mes contradictions ne sont pas plus grandes que les vôtres.
L’article 15 est adopté.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 652 , portant article additionnel après l’article 15.
Madame la secrétaire d’État, dans votre volonté de nier toute généalogie et toute hiérarchie, tout rapport entre celui qui donne la vie et celui qui la reçoit, toute dette entre générations, alors que c’est ainsi que les humains se sont construits jusqu’à présent, vous développez une conception de l’autorité parentale qui nous semble dangereuse. En effet, elle consiste progressivement à ne plus différencier les parents des autres personnes intervenant auprès de l’enfant, créant par là même, je le répète, une confusion à terme, qui rendra bien difficile la vie de nos enfants.
Nous parlons de l’autorité parentale. Cet amendement a pour objet de rappeler les devoirs qu’elle engendre, puisque vous vous adressez à des adultes immatures.
Certains puissants et riches vont vouloir, dans leur immaturité, transformer en marchandise le corps et le génome humain, puisque l’on en viendra à terme au génome humain et l’on envisagera évidemment l’achat de gamètes. La seule chose qui nous protège jusqu’à présent de cette dérive, c’est que dans notre espèce, il reste des choses mystérieuses comme le mode de transmission de la couleur des yeux ou de la couleur des cheveux – nous ne savons pas exactement comment cela fonctionne. C’est un des derniers barrages qui peut nous protéger de l’eugénisme inhérent à ce type de marchandage et de commerce que nous ne cesserons de dénoncer.
Je dénonce de même le fait que je n’ai pas d’ordres à recevoir, en tant que parlementaire français, d’une commission composée pour partie de pays qui n’ont aucun rapport avec l’histoire européenne, et constituée de personnes qui ne sont pas toujours des magistrats. Nous défendons ici le droit français. Cet amendement défend la notion de devoir qu’engendre l’autorité parentale.
Avis défavorable. Les dispositions que vous suggérez d’inscrire dans ce nouveau chapitre, notamment la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, dispositif prévu par la loi Ciotti que nous avons abrogée, ne sont pas les bons.
Avis défavorable.
Je voudrais simplement rappeler à mon excellente collègue et à Mme la secrétaire d’État que nous en viendrons à ce sujet au prochain amendement. Vous n’avez pas répondu au bon amendement.
Moi, si !
Mais vous, vous êtes dans l’idéologie, donc fatalement vous suivez votre chemin !
L’amendement no 652 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Avec cet amendement, nous en venons justement à la responsabilisation de ceux que l’on appelle les parents, ou les tiers. D’ailleurs, ce terme de tiers qui, dans votre conception des choses, dépasse la simple mathématique habituelle, revient, en niant les différences, à faire en sorte que tout tiers sera n’importe quel autre pour l’enfant. N’importe quel autre pourra, au gré des rencontres, contractualiser. Et je le répète : nous entrons dans une société terriblement difficile pour les enfants et pour les parents, car toutes les familles de France seront concernées. Nous rappelons bien ici que même les familles constituées de deux parents de sexe différents qui, par voie biologique, ont engendré, sont concernées par votre texte.
Cet amendement tend à la responsabilisation des adultes que l’on nomme parents, ou de ceux que l’on nomme tiers et qui seraient délégataires de l’autorité parentale, en liant le versement des allocations familiales à la fréquentation des établissements scolaires par leur progéniture.
Avis défavorable.
Il s’agit tout de même d’un sujet majeur de responsabilisation des adultes de ce pays. Vous répondez toujours de manière extrêmement paradoxale, madame la secrétaire d’État. Vous dites que vous ne voulez pas de la gestation pour autrui, mais en fait, la décision de la CEDH vous arrange bien, puisque ne voulant pas assumer votre responsabilité, vous laissez à des machins – parce que je ne peux appeler la CEDH qu’ainsi – la possibilité de vous faire capituler, de faire capituler la France sur des principes d’éthiques.
Qu’est-ce qui vous gêne dans CEDH : cour, européenne, ou droits de l’homme ?
C’est exactement la même chose dans notre cas. Nous considérons qu’il y a des parents qu’il faut absolument responsabiliser. Vous, vous les considérez comme immatures au point de devoir contractualiser entre eux ce qui se passe dans leur intimité. Nous, nous considérons que la majorité des parents de ce pays sont libres et matures. En revanche, pour ceux qui sont défaillants dans l’exercice de l’autorité parentale dans les rapports avec l’institution scolaire, nous demandons effectivement cette responsabilisation via la soumission du versement des allocations familiales à la fréquentation des établissements scolaires.
L’amendement no 656 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 590 .
Cet amendement est le premier d’une série que j’ai déposée avec mon collègue Damien Abad sur un sujet extrêmement important dans lequel la France a beaucoup de retard par rapport à de nombreux autres pays, il s’agit de la scolarisation et de l’accueil des enfants handicapés à l’école. Je sais que c’est un sujet complexe. j’ai été très choqué, lors de l’examen de la loi sur la refondation de l’école, que des députés socialistes déposent un amendement pour permettre aux enseignants que cela peut parfois déranger d’exclure les enfants handicapés de l’école. Au contraire : il faudrait déposer des amendements pour favoriser l’inclusion des enfants handicapés à l’école. Tel est l’objet de cet amendement.
Il concerne les enfants qui subissent un handicap physique, et cela suppose que l’on aide les collectivités locales, aujourd’hui, à transformer les écoles, car cela va être une vraie difficulté. Mais au contraire, vous diminuez les dotations, vous imposez la réforme des rythmes scolaires, et les collectivités locales vont avoir beaucoup de mal à transformer physiquement les écoles primaires et maternelles.
Cela suppose aussi que nous fassions un réel effort pour l’accueil des enfants qui ont d’autres formes de handicap, je pense notamment aux enfants autistes ou trisomiques. Nous avons beaucoup de retard sur ce point.
Cet amendement et les deux suivants ont pour objet d’imposer plus fortement à l’école d’accueillir des enfants handicapés. Je rappelle qu’il y a vingt ans, l’autisme touchait un enfant sur deux mille, tandis qu’aujourd’hui il concerne une naissance sur cent vingt. C’est donc un sujet majeur. Nous voyons se développer les cas d’enfants autistes en France, et nous n’avons toujours pas pris la mesure de ce phénomène. Il faudrait un dépistage précoce bien plus efficace que celui que nous avons mis en place. Ensuite, une fois que l’autisme a été dépisté, il faut que l’enfant puisse être soigné par les bonnes méthodes, les méthodes éducatives et comportementales. Il faut aussi que ces enfants autistes soient accueillis dans les meilleures conditions à l’école…
Madame la présidente, si vous me permettez d’être un tout petit peu plus long, puis-je terminer mon propos et ainsi présenter les amendements suivants ?
C’est exact, madame la présidente.
J’insiste sur le point de l’accueil des enfants autistes. Ils ont besoin d’être pris en charge en marge de l’école par les méthodes éducatives et comportementales. J’ai mis en place une école parentale pour enfants autistes dans ma commune en septembre dernier. Les enfants qui ne parlaient pas commencent aujourd’hui à parler, ils ont fait des progrès incroyables. Des parents qui se sentaient complètement isolés se sentent aujourd’hui entourés, confortés, et quand je les croise, ils ont maintenant le sourire. Cela suppose aussi que ces enfants soient accueillis à l’école parce que c’est le contact avec les autres enfants qui leur permet de faire de réels progrès. Et cela suppose également qu’il y ait un réel accompagnement de ces enfants dans le milieu scolaire et que l’on mette à leur disposition des auxiliaires de vie.
Or aujourd’hui – un cas vient d’ailleurs d’être soumis au Conseil d’État par des parents – il faut qu’il y ait suffisamment d’heures avec des auxiliaires de vie pour que ces parents soient réellement et efficacement accompagnés à l’école. Il faut sensibiliser les parents et les enseignants, il faut aussi qu’il y ait un meilleur contact entre l’école et tous ceux qui se mobilisent dans le domaine médico-social : parents, associations de parents. C’est l’objet de l’un de ces amendements.
En France, on a trop souvent demandé aux enfants de s’adapter à l’école, il serait temps que l’école s’adapte aux enfants, et en particulier aux enfants handicapés.
Pour une fois, je pense que nous pouvons être d’accord. Nous partageons tous le souci d’inclure au sein de la société dans toutes ses composantes – travail, loisirs, sports, et pas uniquement l’école – les personnes en situation de handicap, notamment les jeunes en situation de handicap. J’y suis personnellement extrêmement attachée, et je pense que c’est un sentiment partagé par tout l’hémicycle.
Mais convenez que tel n’est pas l’objet de la présente proposition de loi. Votre amendement ne présente pas de lien, même indirect, avec ce texte, et n’est donc pas recevable sur le fondement de l’article 98 alinéa 5 de notre règlement.
Par ailleurs, l’article L. 111-1 du code de l’éducation ne peut qu’être lu comme imposant déjà l’inclusion scolaire des jeunes en situation de handicap, même si l’on peut parfois souligner les manques en la matière. Cet article prévoit que le service public de l’éducation reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser et veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. L’avis de la commission sur ces amendements est donc défavorable parce qu’ils ne se rattachent pas à cette proposition de loi, mais pas pour une opposition de fond.
Sur ces amendements concernant les enfants en situation de handicap, le Gouvernement partage, monsieur Fasquelle, vos préoccupations. Je salue d’ailleurs le travail que vous faites dans votre commune et les résultats que vous nous indiquez. D’ailleurs, le plan autisme que conduit le Gouvernement viendra appuyer et renforcer votre travail.
S’agissant des amendements, il ne vous a pas échappé qu’ils sont un peu en décalage par rapport au texte, mais nous parlons des enfants, et il n’est pas illégitime de parler aussi des enfants handicapés. Cependant, nous réformons le code civil, mais surtout l’article L 111-1 du code de l’éducation, dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 2013, a déjà prévu que le service public de l’éducation veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. Il ne faudrait pas laisser croire que les enfants victimes de handicap constituent une catégorie à part exclue des enfants inclus dans le système scolaire sans aucune distinction.
Ils sont déjà englobés par la rédaction de l’article L 111-1 actuel, donc il n’est pas utile d’adopter ces amendements, d’autant qu’ils feraient courir le risque d’une sanction du Conseil constitutionnel qui pourrait les qualifier de cavaliers.
Avis défavorable, sans pour autant avoir aucune prévention sur le fond de vos amendements.
La proposition de loi porte sur l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant. À propos de l’autorité parentale, nous avons illustré à de très nombreuses reprises certaines des dispositions que vous proposez en prenant pour exemple les parents ou les beaux-parents qui ont à récupérer les enfants à l’école. C’est bien en rapport avec cette proposition de loi, qui mentionne également dans son titre l’intérêt de l’enfant. Or les amendements que je dépose ici tendent justement à mieux préserver l’intérêt de l’enfant, notamment celui des enfants en situation de handicap. C’est d’ailleurs la première fois, depuis que nous étudions ce texte, que l’on parle des enfants en situation de handicap.
Il y a un signal fort à envoyer aux familles. Vous dites que le code de l’éducation permet l’accueil de tous les enfants. Je pense qu’il est vraiment nécessaire d’accueillir tous les enfants, en particulier les enfants en situation de handicap. Si les enfants en situation de handicap et en particulier les enfants autistes étaient accueillis comme il se doit dans les écoles françaises, il n’y aurait pas matière à débat. Mais aujourd’hui, 80 % des enfants autistes ne sont pas scolarisés. C’est un véritable scandale, et la France a énormément de retard par rapport aux autres pays. Il y a dix-sept fois plus d’étudiants autistes dans les universités britanniques qu’en France. C’est un débat que nous portons avec mon collègue qui copréside le groupe d’études sur l’autisme à l’Assemblée nationale, mais cela ne concerne pas que les enfants autistes.
Je crois que cette précision est utile, et que nous sommes bien dans le champ de ce texte. Si nous pouvions nous retrouver, à un moment, sur des dispositions, ce sont bien celles-là.
Ces amendements trouvent leur place dans notre débat. La proposition de loi dont on nous parle est intitulée, entre autres, « intérêt de l’enfant ». Les amendements portent bien sur l’intérêt de l’enfant.
Par ailleurs, il est important que les enjeux liés aux handicaps et les réponses apportées aux personnes en situation de handicap ne soient pas cantonnés aux textes spécialisés sur le champ du handicap. Il est important que ces questions soient abordées, et surtout qu’il y soit répondu, que des avancées réelles soient réalisées à l’occasion de textes dont le champ peut être plus général.
Ce texte s’intitule « autorité parentale et intérêt de l’enfant », et comme l’a très bien rappelé Daniel Fasquelle, les questions de scolarisation ont été abordées à plusieurs reprises pour illustrer certains de nos débats.
Notre assemblée s’honorerait d’adopter les amendements de Daniel Fasquelle et de Damien Abad qui sont un apport très concret à l’intérêt de l’enfant.
Je mets aux voix l’amendement no 590 , qui a reçu un avis…
On m’informe à l’instant que, sur cet amendement, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Après vérification, je suis au regret de vous dire que, M. Philippe Gosselin n’étant pas présent, la demande de scrutin public est irrecevable.
Murmures sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, vous aviez annoncé le scrutin public ! Si je comprends l’objection que vous avez ensuite formulée, et qui peut être fondée, je me demande si, une fois qu’un scrutin public est annoncé – et nous avons entendu la sonnerie résonner –, il est possible de revenir sur cette annonce.
Monsieur Mariton, j’ai simplement indiqué que j’étais saisie d’une demande de scrutin public.
Vous consulterez le procès-verbal et vous verrez que je suis intervenue pour dire que je venais d’être saisie par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.
Tout le monde a entendu la sonnerie ! Les enfants dans les tribunes du public ont entendu la sonnerie !
Un peu de calme, s’il vous plaît.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 654 .
L’organisation de nos débats est pour le moins peu sportive et peu fair-play. Nous savons bien, d’ailleurs, que ceux qui ont inventé le terme, historiquement, étaient le moins fair-play du monde. Je déplore que, sur un sujet aussi sérieux, nous nous trouvions face à ce type d’attitude absolument déplorable, qui montre bien que la majorité est en difficulté et qu’elle essaie de se raccrocher comme elle le peut à des textes dits sociétaux.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Nous sommes évidemment très en retard en ce qui concerne la scolarisation des enfants ayant des troubles envahissants du développement, par rapport à des pays comme l’Italie, mais j’ajoute deux nuances. Tout d’abord, nous ne sommes plus il y a trente ou quarante ans de cela : on ne culpabilise plus la mère, on ne la laisse plus seule face aux thérapeutes, et on ne laisse plus l’enfant à l’extérieur. Ensuite, il n’y a pas qu’une méthode : les prises en charge sont toujours pluridisciplinaires. J’appelle donc l’attention de celles et ceux qui portent la voix des enfants ayant des syndromes autistiques sur le fait qu’il ne faut pas s’enfermer dans une seule vision : les prises en charge ne rejettent plus aucune discipline.
Ce sont les nuances que j’apporterais à l’argumentation de mon excellent collègue Daniel Fasquelle.
En ce qui concerne l’amendement, il s’agit, dans la même logique, de proposer un processus gradué de responsabilisation des adultes que l’on appelle encore des parents quant à la scolarisation de leurs enfants, en prévoyant que le versement des allocations familiales soit lié à la fréquentation effective de l’institution scolaire par les enfants.
Défavorable, et cela ne vous étonnera car je l’ai dit tout à l’heure. L’amendement, qui vise à rétablir un dispositif de suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, s’éloigne, une fois de plus, de l’objet du présent texte. J’ajoute que les faits ont montré qu’un tel dispositif était à la fois injuste et inefficace dans l’immense majorité des cas ; c’est bien pourquoi notre assemblée a abrogé la loi du 28 septembre 2010, dite loi Ciotti, et il n’est pas question d’y revenir.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
Madame la présidente, je vous ramène au déroulement de nos travaux : j’invite la présidence à écouter l’enregistrement vidéo de notre séance.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Mêmes mouvements.
Je vous invite, chers collègues, à méditer l’exemple que vous avez donné à des dizaines d’enfants qui étaient là en disant que la sonnerie n’avait pas retenti alors qu’elle avait retenti ! Vous avez menti !
Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je reviens à l’amendement. Je considère que les réponses que nous avons reçues, sur un sujet grave, ne sont pas satisfaisantes – je défendrai tout à l’heure un amendement différent sur un cas du même ordre.
L’attitude de la majorité, encore une fois, démontre sa faillite idéologique :…
Quant à vous, vous démontrez le niveau où vous êtes, et c’est une catastrophe !
…fiscalisation des heures supplémentaires, imposition aux collectivités d’une réforme totalement délirante et inapplicable en zone rurale, texte de loi qui détricote les liens entre adultes et enfants, banalise le mot « parent » et neutralise complètement les rôles. Vous êtes, madame la secrétaire d’État, cohérente dans vos propositions, et c’est pourquoi nous sommes, nous, noblement, dans un débat idéologique.
Nous considérons que la tenue de nos débats n’est pas correcte et que l’attitude du Gouvernement et de la majorité n’est pas fair-play quant à nos propositions ; elle est même dans le déni de la réalité, mais c’est quelque chose à quoi vous nous avez habitués depuis le début de cette législature.
L’amendement no 654 n’est pas adopté.
Avant d’inviter M. Dhuicq à présenter l’amendement no 657 , je fais une petite mise au point. Je n’ai pas annoncé le scrutin public,…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
…mais effectivement, monsieur Mariton, une sonnerie a retenti.
Je n’ai pas annoncé de scrutin. C’est normalement quand je prononce la formule « Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale » que retentit la sonnerie. J’ai annoncé que j’étais saisie d’une demande, mais vérifiant que le responsable du groupe UMP n’était pas là, j’ai constaté que la demande, très tardive, n’était pas recevable.
Je tenais à faire cette mise au point à l’attention de M. Mariton, car bizarrement une sonnerie a effectivement retenti dans l’enceinte de l’Assemblée.
La parole est à M. Hervé Mariton.
Je vous remercie, madame la présidente, et je prends acte de cette précision. La sonnerie avait en effet retenti. Vous apportez cette précision factuelle alors même que les parlementaires socialistes prétendaient ne pas avoir entendu la sonnerie !
Arrêtez, comme vous l’avez fait, de prendre les enfants en otage ! C’est une honte !
Ce n’est pas une honte : il s’agit d’une question de fait ! La présidente a le mérite de l’honnêteté et de la précision. Dès lors que la sonnerie retentit, tout le monde comprend qu’un scrutin public a lieu. Il est exact que la formule sacramentelle n’avait pas été prononcée, madame la présidente : je vous en donne acte également.
Mais le groupe auquel vous appartenez s’honorerait d’entendre ce qui est !
Cet amendement prend en considération les enfants placés dans des familles d’accueil par le défaut des parents, et souvent en raison de maltraitances, et appelle l’attention du Gouvernement et de nous tous sur le fait qu’il est éthiquement indéfendable de continuer de verser des allocations familiales aux familles qui n’ont plus la charge de l’enfant placé.
Défavorable. L’article L. 521-2 du code de la Sécurité sociale dispose déjà que la part des allocations familiales dues à la famille pour l’enfant confié est versée au service de l’Aide sociale à l’enfance, sauf décision contraire du juge lorsque la famille participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant, ou en vue de faciliter le retour de l’enfant dans son foyer. Il y a peut-être des questions qui se posent en pratique, quant à l’application de ces règles, mais je ne vois pas de nécessité de changer ce qui fonctionne, ni, surtout, de priver le juge de la possibilité de décider du maintien du versement si cela lui semble nécessaire.
Cet amendement reprend une proposition de loi du sénateur Christophe Béchu, examinée ici il y a un peu moins de quinze jours, au sujet de laquelle le Gouvernement a donné un avis défavorable et qui a été rejetée par l’Assemblée. Elle a donné lieu à des échanges nourris. L’avis du Gouvernement n’a pas changé : il est par conséquent défavorable sur cet amendement. Pour plus de précisions, je vous renvoie à la proposition de loi Béchu.
Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, je ne suis pas satisfait, comme d’habitude, de vos réponses. Vous avez vous-même signalé, madame la rapporteure, qu’il y avait des problèmes d’application. On ne peut pas dire en même temps qu’il existe des problèmes d’application et que tout va bien. C’est difficile à suivre.
L’amendement no 657 n’est pas adopté.
Il est dans le même état esprit que les précédents. C’est pourquoi je le défends.
L’amendement no 655 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement fort intéressant qui, j’en suis sûr, retiendra l’attention du président de la commission des lois, dont je salue la présence parmi nous. Nous venons de débattre de ce que l’on appelle l’autorité parentale. Nous appelons de nouveau l’attention du pouvoir en place sur le fait qu’il est déraisonnable de vouloir aplanir à ce point les différences, diluer l’autorité parentale dans une série de contrats et autres écrits passés devant des hommes de loi, multiplier les intervenants au cours du développement d’un enfant. L’espérance de vie augmentant, on peut d’ailleurs supposer que le nombre de tiers intervenant ne cessera de croître.
L’autorité parentale, qui devrait aller de soi et répondre à un mode de fonctionnement auquel l’immense majorité des humains est parfaitement capable de faire face, se trouve parfois défaillante au point que la prise en charge des enfants par les parents peut poser des problèmes aux plans de leur santé, de leur bien-être physique et psychique.
Le présent amendement donne la capacité au législateur, s’agissant du versement des allocations familiales, de prendre en compte, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, ce type de non-implication de l’autorité parentale.
Défavorable.
L’amendement no 660 n’est pas adopté.
Le présent amendement porte cette fois sur l’allocation de rentrée scolaire dans le cas où un enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance.
On le sait, le versement des allocations de rentrée scolaire donne lieu à de fortes dérives, les sommes allouées servant à acheter des biens de haute technologie au lieu d’être consacrées à la scolarité de l’enfant.
La proportion des revenus des ménages consacrée à ces biens de haute technologie est inversement proportionnelle aux revenus du foyer. En clair, plus vous baissez dans l’échelon socio-économique, plus les ressources disponibles du foyer sont consacrées à ces éléments de haute technologie. Nous aurons l’occasion d’évoquer ces questions lors de l’examen de loi sur la modernisation de l’agriculture.
Pour mémoire, je rappelle qu’au début du XXe siècle, un ménage ouvrier consacrait plus de 80 % de ses ressources pour se nourrir. Aujourd’hui, dans des situations économiques plus difficiles, nos compatriotes utilisent les allocations à des dépenses déraisonnables qui n’ont aucun rapport avec la scolarité des enfants.
Si je défends cet amendement, c’est pour que l’allocation de rentrée scolaire, dans le cas d’enfants placés ou non, soit bien dévolue à cet effet et pas à autre chose.
Défavorable.
Le diplôme d’honneur de la concision peut être attribué, pour l’ensemble de leur oeuvre, notamment aux réponses faites à cet amendement, conjointement à la secrétaire d’État et à la rapporteure ! Ce n’est pas parce que l’on en a déjà parlé, qu’il ne faut pas continuer de le faire, d’autant que le sujet est extrêmement sérieux.
Qu’est-ce que l’allocation de rentrée scolaire ? C’est une allocation versée pour permettre d’assurer la rentrée scolaire, mais la rentrée scolaire de l’enfant, pas des parents !
À partir du moment où ce ne sont pas les parents qui s’occupent de la rentrée scolaire de l’enfant si celui-ci a été confié, pour une période plus ou moins longue, à un organisme, en l’occurrence l’aide sociale à l’enfance, il est tout à fait naturel que l’allocation qui permet l’acquisition du paquetage indispensable à l’enfant au moment de la rentrée soit confiée à la personne ou à l’organisme qui va procéder à la dépense.
C’est une somme indue qu’une allocation de rentrée scolaire versée à des parents qui n’assument pas les frais de la rentrée scolaire. Il s’agit donc d’un amendement de pur bon sens.
Sur le fond, il est extrêmement important que nous nous positionnions les uns, les autres. Il serait très dommage que les parlementaires de la majorité, par souci systématique de refuser nos propositions d’amélioration du texte, rejettent cet amendement.
J’ai en mémoire le cas d’enfants partis en séjour thérapeutique, n’ayant pour sous-vêtement que des linges troués, leurs parents ayant utilisé pour eux-mêmes les ressources que, dans sa grande générosité, la mère protectrice qu’est la nation française leur accorde pour l’éducation des enfants.
Le sujet est extrêmement sérieux. Sortez un peu de Paris. Allez voir le monde extérieur. Les responsables de magasins d’audiovisuel vous diront qu’à chaque rentrée scolaire, ils voient des parents faire des dépenses qui n’ont rien à voir avec le but final pour lequel le législateur a décidé d’accorder une aide à ces parents pour faciliter la scolarisation de leurs enfants…
…et l’entrée de ceux-ci en tant que citoyens libres et responsables dans la communauté nationale. Le sujet est donc particulièrement important. Dans un texte concernant l’autorité parentale, il faut rappeler que les parents ont un devoir d’éducation des enfants, de la même façon que la nation a un devoir d’instruction des enfants.
L’amendement no 658 n’est pas adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 16.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
Nous abordons un domaine qui montre la faillite de notre système de pensée.
Morale ?
Si la société fonctionnait correctement, nous n’aurions pas besoin de tels articles. Notre appareil juridique est suffisant pour organiser la séparation d’adultes qui ne s’entendent pas, qu’ils soient mariés ou non, et pour faire en sorte que les intérêts supérieurs du ou des enfants soient pris en compte par le magistrat auquel nous donnons le pouvoir d’apaiser les conflits.
Ce texte et cet article correspondent à une double logique absurde.
Premièrement, il faudrait, dès l’enfance, éviter tout traumatisme. C’est ainsi que l’on va supprimer les notes à l’école. Puis lorsque les enfants grandiront, il faudra leur éviter le traumatisme du concours et des responsabilités, et pourquoi pas ? supprimer les concours. Les attributions de postes ne se détermineront plus sur un élément certes purement sélectif, pas forcément objectif, mais qui a le mérite d’être public et transparent, à savoir le rang de classement dans un concours. Je parle de grands garçons ou de grandes filles qui ont passé par exemple les concours de praticien hospitalier, que j’ai connus. Pour éviter le traumatisme, on va induire un ordre parallèle, sous la table : le responsable de la sélection se renseignera par d’autres moyens sur la personne qui candidate. Voilà pour le bout de la chaîne.
Deuxièmement, les parents non plus ne devraient subir aucun traumatisme. Il ne faut aucun conflit, aucune différence de points de vue, car c’est mauvais. Comme vous êtes des ennemis de la liberté et de la responsabilité individuelle, il faut que l’État s’ingère dans les affaires des familles au point de se substituer aux adultes qui sont censés être responsables. C’est l’objet même de ce texte !
Nous abordons la partie la plus intéressante de votre proposition de loi, chers collègues.
Celle qui va vous inciter à voter le texte ?
En fait, votre texte aurait mérité de se cantonner à cette partie.
Après que nous avons passé de longues heures à discuter des sujets précédents sur lesquels vous n’apporterez aucun progrès réel à la situation des familles, quels que soient le contexte et leur mode de vie, vous abordez là une question importante sur laquelle des progrès sont attendus.
L’ensemble du chapitre relatif à la médiation familiale n’est pas à mettre de côté car il y a un certain nombre d’apports positifs dans certains de ses articles. Mais vous auriez pu mieux faire. Un certain nombre d’apports suggérés par le mouvement familial n’ont, malheureusement, pas été suffisamment pris en compte dans la proposition de loi.
Nous aurions pu nous rallier à un certain nombre de vos propositions, mais il aurait fallu se spécialiser sur ce dispositif. S’agissant de la médiation familiale, question importante, le Gouvernement et le groupe socialiste ont singulièrement abîmé leur approche en la raccrochant à un texte qui dénote un véritable recul par ailleurs.
Il serait opportun, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, de retirer l’ensemble des articles qui précèdent l’article 16 – vous en avez la faculté au cours de la navette parlementaire. Partant de cet article 16, nous discuterions alors d’une proposition de loi sur laquelle nous pourrions, moyennant un certain nombre d’améliorations que nous apporterions, aboutir à un consensus qui honorerait le Parlement.
Retirez tout ce qui précède l’article 16 et discutons de la suite !
Nous abordons le chapitre relatif aux dispositions concernant la médiation familiale. Ces dispositions auraient pu faire l’objet d’une proposition de loi à part entière. Mais maintenant, elles deviennent indispensables car il est très clair qu’avec les articles précédents, les mécanismes de médiation familiale seront alimentés par les nombreux conflits qu’engendreront les articles que nous avons examinés jusque-là.
Nous pourrions tout à fait travailler ensemble sur la médiation familiale. L’attente est réelle et des marges de progression sont possibles pour la mise en place de ce dispositif, qui existe dans d’autres pays – il ne s’agit pas de les dupliquer, mais de s’en inspirer.
À la lumière des amendements à venir, il sera intéressant de savoir quelle est la philosophie qui inspire la médiation familiale. Pour moi, la lecture d’un article sur la médiation familiale lors de la cérémonie du mariage à la mairie pose problème. On est dans une logique où la médiation familiale s’impose d’en haut…
…qui est, en effet, défaitiste au départ et qui ne s’inscrit pas dans les parcours des couples.
Nous aurions pu, je le répète, nous retrouver sur ce chapitre, il n’est d’ailleurs pas trop tard. Nous devrions nous entendre sur la médiation familiale comme étant une source de progrès dans les relations à l’intérieur des familles.
Avec l’article 16 de la proposition de loi, nous abordons un aspect qui devrait, si je me réfère à ce qui a été exprimé au cours de nos longs débats et encore à l’instant, faire consensus, M. Mariton ne vient-il pas de parler de la partie la plus intéressante du texte ?
S’agissant de la médiation familiale, j’ai cru comprendre que chacun appelait à son renforcement lorsque survient une difficulté, un conflit voire davantage, entre deux parents.
Le premier alinéa de l’article 16 vise à mieux reconnaître la place et le rôle de la médiation familiale, voire à lui donner une place particulière dans tous les dispositifs de médiation, en insérant dans la loi du 8 février 1995 une nouvelle section qui lui est particulièrement consacrée. La loi donnera désormais la définition en précisant que « La médiation familiale, qui a pour finalité d’apaiser le conflit et de préserver les relations au sein de la famille, est un processus structuré et confidentiel de résolution amiable des différends familiaux. »
Une fois encore, ces éléments donnent le sens dans leur globalité et non à partir de l’article 16 de la loi des objectifs de cette proposition de loi. Je forme donc le voeu qu’à ce stade du débat, nous en revenions au texte, que nous le replacions dans son juste contexte et que nos collègues de l’opposition, avec l’immense esprit de responsabilité dont je les sais capables, en terminent avec les prétextes dont l’unique objet est de ralentir le rythme de nos travaux.
Il est vrai que nous arrivons sur un terrain un peu moins sensible que ceux qui ont précédé, comme l’abandon de la préférence familiale à l’article 11 ou le mandat d’éducation quotidienne tel qu’il a été proposé. Vous pouvez aisément comprendre que ces sujets ont évidemment appelé un certain nombre de remarques.
Sur ces dispositions du chapitre III consacré à la médiation familiale, les choses sont sans doute un peu différentes. Il y a une condition toutefois : ne pas attendre de la médiation la réponse absolue parce qu’en aucun cas, elle ne peut l’être ; ce peut être un moyen parmi d’autres, sans doute un bon moyen si l’un et l’autre des membres de l’ancien couple ont aussi envie de faire avancer les choses. Je mets de côté les pressions liées aux violences au sein du couple, puisque nous avons déjà évoqué cet aspect, fort judicieusement, en commission et lors de débats précédents.
Il ne faut pas aller trop loin. Or, l’on tombe presque dans la caricature avec la lecture très contraignante de ce fameux article du code civil au cours de la cérémonie civile de mariage. Honnêtement, ne croyez-vous pas que cela passe la joie de se marier ? Je vais moi aussi tomber dans la caricature, mais si après trois heures de lecture de divers articles du code civil, les gens ont encore envie de se marier, eh bien, c’est qu’ils sont très résistants. On va finir par leur faire croire que le mariage, c’est comment résoudre à deux des questions que l’on ne se serait jamais posées tout seul !
Je souhaiterais que l’on évite cette approche et que l’on travaille à la médiation. Pour cela, je propose une médiation parlementaire.
Sourires.
Comme mes collègues, je pense qu’avec cet article 16 nous pourrions avancer en ayant à l’esprit, comme le soulignait Nicolas Dhuicq, que la médiation doit trouver sa place mais rien que sa place, sans se substituer à la responsabilité des uns et des autres, en particulier des parents. Si l’on introduit ce dispositif dans cette loi qui concerne les enfants, c’est que la médiation a bien pour objet l’intérêt supérieur de l’enfant. Raison de plus – et nous y reviendrons à l’occasion d’un amendement – pour supprimer l’alinéa 7.
Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues de la majorité, je voudrais tous vous alerter sur l’ineptie que constitue cette disposition.
Il y a déjà eu une disposition consacrée à ce que j’appellerai le « ragoût financier » : après l’évocation devant les deux êtres à unir du respect, de la fidélité, du secours, de l’assistance, de l’intérêt de l’enfant, on tombait dans la tambouille en leur disant de bien faire attention à ne pas dépenser plus que nécessaire. Il a fallu se battre pour que cette mention soit omise et le Gouvernement et la majorité ont finalement compris qu’il fallait la supprimer. Là, vous récidivez : respect, fidélité, secours, assistance, mais comme de toute façon, cela ne va pas aller bien, on vous prévient tout de suite que vous avez à disposition dans votre gibecière la médiation familiale.
De grâce, si vous voulez avoir une quelconque chance que nous votions cet article, acceptez la suppression de cet alinéa 7 parce que cet ajout est vraiment insoutenable !
Vos accusations d’obstruction, madame la secrétaire d’État, ne tiennent pas. Si nous avons combattu ce texte point par point, c’est en effet parce qu’il a été écrit sur un coin de table. Le Gouvernement avait annoncé un projet de loi sur la famille et vous avez été pris au dépourvu car le Président de la République a, du jour au lendemain, déclaré qu’il n’y en aurait pas. Le groupe socialiste s’est alors précipité pour se tourner vers le Gouvernement en pensant qu’il avait un texte alors qu’il n’en avait aucun. Il a donc fallu bricoler quelque chose dans la précipitation sans avis du Conseil d’État, sans étude d’impact, sans avoir saisi la plupart des instances qui auraient dû être saisies.
Résultat : le texte de la proposition de loi est très mal écrit et très dangereux.
Retirez donc ses quinze premiers articles, qui ne servent à rien et qui vont créer des conflits nouveaux et beaucoup d’incertitudes quant à l’avenir des familles françaises, et retrouvons-nous autour de cet article 16 consacré à la médiation familiale, procédure que nous soutenons, tout au moins dans son esprit.
Il y a une condition toutefois : c’est de faire évoluer cet article. À cet égard, je rejoins les remarques de mes collègues : il est absolument ridicule d’ajouter la lecture d’un article consacré à la médiation familiale lors de la célébration du mariage. Nous avons assisté à un aller-retour il n’y a pas très longtemps, n’allons pas ajouter une disposition qui dans six mois ou un an sera retirée à l’occasion d’un autre texte.
Faites ce premier pas et voyons ensuite ensemble comment nous pouvons améliorer cet article 16 et nous retrouver autour de la médiation familiale. C’est bien la preuve qu’il n’y a pas de volonté d’obstruction de la part de l’opposition. Nous voulons simplement avec sincérité, force et conviction dénoncer les pièges et les dangers de ce texte mais aussi le soutenir lorsqu’il va dans la bonne direction.
On ne peut pas être contre la médiation familiale. Elle existe déjà. Et cette proposition de loi veut la promouvoir.
Selon une étude de la CAF, entre 2009 et 2011, la médiation, qui dure en moyenne six mois, aboutit à une issue positive dans 75 % des cas. La majorité estime qu’il y est fait trop peu recours et souhaite aller de l’avant. Mme la rapporteure souhaite même obliger les parents à une ou deux séances de médiation. Je tiens à préciser que ce n’est pas la panacée en cas de conflit et que ce n’est probablement pas ainsi que nous allons désengorger les tribunaux, qui auront un surcroît de travail à cause de tous les dispositifs votés dans cette proposition de loi.
La médiation peut aussi mener à des impasses sur le fond, je voudrais quand même le rappeler. L’enfant est souvent mis au coeur du problème alors que les difficultés existantes sont liées au conflit insoluble entre père et mère.
Permettez moi aussi de citer un paragraphe du rapport de la délégation aux droits des femmes selon lequel l’article 16 « pourrait être précisé en indiquant que la médiation familiale ne peut être imposée en cas de violences dans le couple ou lorsqu’elle a pour conséquence d’augmenter les délais de procédure et s’apparente à une manoeuvre dilatoire ».
Il serait donc utile de former les médiateurs familiaux pour qu’ils détectent mieux les violences intrafamiliales.
Je vais apporter une voix discordante parce que je considère la médiation familiale comme l’aveu d’une déchéance absolue qui voit l’État vouloir en permanence panser les plaies des adultes avant même qu’elles n’adviennent, en faisant intervenir des corps de métiers que l’on connaît à peine.
Quel rapport avec l’amendement ?
On parle de prévention mais, en réalité, derrière tout cela il y a une logique totalement folle. La vie, inéluctablement, crée des conflits. Nous ne serions pas ici s’il n’y avait pas nécessité d’une dispute. Nous serions inutiles si nous étions tous d’accord. C’est une fois que nous sommes morts que nous sommes tous d’accord. Lorsque nous sommes vivants, nous sommes fatalement dans la dispute.
L’esprit de cet article est absurde car il revient à vouloir maintenir à tout prix ce qui n’existe plus. Nous sommes dans la fiction. Avec le mariage pour tous, la fiction consistait à mentir à des enfants en leur disant qu’ils pouvaient avoir deux pères ou deux mères. Aujourd’hui, la fiction consiste à croire qu’il faudrait absolument tout faire pour maintenir un couple qui ne fonctionne plus.
Nos aînés ont connu d’autres difficultés en d’autres temps. À l’heure où nous nous remémorons le souvenir du premier conflit mondial, il faut avoir à l’esprit que les hommes et les femmes ont dû affronter dans l’après-guerre des situations infiniment plus complexes que celles dont nous parlons et qu’ils ont su le faire, et souvent sans aide. Pourquoi ? Parce qu’ils avaient reçu une éducation, ils baignaient dans une culture qui leur donnait les fondamentaux et les bases nécessaires pour affronter l’inéluctable dureté de la vie.
Je crois que vous êtes encore une fois dans une vision totalement absurde : selon vous, l’État devrait s’immiscer dans tout ce qui concerne la vie privée des gens et, de surcroît, nous allons devoir payer des impôts pour maintenir des couples qui n’existent plus.
De multiples fois déjà !
Je vais vous faire plaisir, madame la présidente : il sera défendu en quelques petits mots – et là, je sens votre déception poindre, naturellement.
Il faut placer l’enfant au centre du dispositif. Vous l’avez compris, nous avons envie d’avancer sur la médiation. En acceptant nos amendements, le Gouvernement et la majorité pourraient nous adresser un signe de bonne volonté. Ne nous privons de ce petit plaisir. Je disais tout à l’heure que nous pouvions faire appel à la médiation parlementaire. En ce moment, j’aurais tendance à dire que « les tâches ménagères ne sont pas sans noblesse » et que le temps des diplomates pourrait être venu. Tout le monde aura saisi l’allusion à la scène bien connue de la cuisine.
Nous ne sommes pas dans une cuisine. Nous sommes dans cette enceinte de la République qui peut, à ce moment précis, nous réunir et je ne doute pas que ce sera le cas.
Cet article 16 évoque à nouveau l’intérêt de l’enfant et selon nous, il serait bon de spécifier qu’il s’agit de l’intérêt « supérieur » de l’enfant et non de l’intérêt des parents. Les enfants ne sont pas responsables de la rupture du couple.
L’article 16 évoque aussi le mariage. Pour s’assurer que les futurs époux ont bien compris à quoi il s’engage, il leur est fait lecture d’articles du code civil : respect, fidélité, secours, assistance. Mais l’alinéa 7 vient gâcher la fête en évoquant une vision négative du mariage.
Ils pourraient se concentrer sur la défense de leurs amendements ?
C’est l’amendement suivant que j’anticipe, madame la secrétaire d’État.
Cet amendement vise à insérer après le mot « intérêt », le mot : « supérieur ».
Ah, il y en a un qui suit !
Vous allez dire : encore le fétichisme de l’intérêt supérieur de l’enfant ! Mais relisons la phrase dont il est question à l’alinéa 5 : « Avec l’aide du médiateur familial, tiers qualifié, impartial et indépendant, les personnes tentent de parvenir à une solution mutuellement acceptable, qui tient compte de l’intérêt de chacune et de celui de leurs enfants éventuels ». S’il y a une occurrence où le mot « supérieur » devrait être ajouté, c’est bien celle-ci. Il y a l’intérêt des deux membres du couple et l’intérêt des enfants. Si nous ne précisons pas que l’intérêt des enfants est « supérieur », cela veut dire que nous mettons ces deux intérêts au même niveau. Or, encore une fois, nous considérons que l’enfant doit être au coeur du dispositif. Ce n’est pas votre conception, quoi que vous en disiez. Nous le savons bien, pour vous, ce sont les arrangements entre adultes qui priment.
Lorsque les termes « intérêt de l’enfant » figuraient seuls dans une phrase, je comprends que vous ayez pu considérer que l’ajout du mot « supérieur » n’avait pas d’utilité et que cela était déjà prévu dans le droit et les conventions internationales. Nous vous demandions de l’insérer, arguant qu’au moins nous pourrions trouver là-dessus un point d’accord, vous avez refusé. Mais si vous refusez cet ajout alors que l’intérêt des parents et l’intérêt des enfants sont placés côte à côte, ce sera la preuve que vous ne mettez pas l’intérêt de l’enfant au-dessus de l’intérêt des adultes.
Nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion de discuter de ce point qui, à chaque fois, pose un problème différent. Il s’agit pour nous non pas de faire de l’obstruction mais d’aller au fond des choses. Nous déposons des amendements, qui ne sont pas si nombreux par rapport à d’autres textes. Nous les défendons parce que nous croyons au débat parlementaire.
Avec ces amendements identiques, vous avez l’occasion de montrer que l’intérêt supérieur de l’enfant est bien pris en compte dans votre texte.
Avis défavorable.
Tout d’abord, il convient d’indiquer que ces amendements, tels qu’ils sont rédigés, aboutiraient à parler d’« intérêt supérieur » non seulement des enfants mais aussi des parents, ce qui serait source de confusion, vous en conviendrez.
Cela étant dit, je suis attachée – comme vous tous, car je ne fais de procès d’intention à personne – à la sauvegarde de l’intérêt supérieur de l’enfant. Mais j’ai déjà indiqué précédemment, à propos d’autres amendements, que la loi et même des normes de niveau supérieur, telles que la Constitution et des conventions internationales, garantissent déjà l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour rappel, l’intérêt de l’enfant est constitutionnellement protégé en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; l’intérêt supérieur de l’enfant est internationalement protégé par la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies de 1989 ; au niveau législatif, dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale, l’article 373-2-6 du code civil affirme déjà que le juge aux affaires familiales doit, chaque fois qu’il statue, veiller spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants.
Non seulement la modification proposée n’ajouterait rien au droit existant, mais elle créerait même un fort risque d’insécurité juridique car si l’on ajoute dans ce texte une référence à l’intérêt supérieur de l’enfant, il faudrait le faire partout où notre législation fait référence à l’intérêt de l’enfant, faute de quoi, dans certains cas, l’intérêt serait supérieur et dans d’autres, il ne serait que simple, et sans doute moins protégé.
Voilà un débat que nous n’avons pas esquivé au cours de l’examen de cette proposition de loi ! Pour toutes les raisons que j’ai déjà évoquées précédemment, l’avis du Gouvernement demeure défavorable à l’introduction de l’adjectif « supérieur ».
Je trouve très gênant et finalement très dommage de constater, madame la secrétaire d’État, que vous faites un vrai blocage sur cette question,…
…alors que tout à l’heure Mme la rapporteure, en réponse à l’un de nos amendements qu’elle refusait, s’est lâchée en parlant de « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Si vous acceptiez à votre tour de lever ce blocage, nous pourrions avancer.
Concernant par ailleurs l’argument selon lequel on ne le fait pas parce que cela nécessiterait de retoucher tout le code civil, je me souviens des conditions dans lesquelles vous avez traité, au moment de l’examen de la loi sur le mariage pour tous, la question de la modification de je ne sais plus combien d’articles du code civil et d’autres codes ! Puisque vous nous avez fait subir un amendement balai au moment du mariage pour tous, vous pourriez très bien en faire de même aujourd’hui : vous auriez notre consentement absolu et celui de la nation tout entière !
Comme cela ne vous avait pas plu à l’époque, nous avons décidé de ne pas recommencer !
Je me permets, madame la secrétaire d’État, de faire une remarque concernant le rattachement de cette disposition sur la médiation familiale à la loi sur l’intérêt de l’enfant. Le texte qui nous est soumis comporte une disposition dangereuse – je signale cela dans l’intérêt de la médiation pénale et de son rattachement possible à cette proposition ; il faudra voir d’ailleurs ce que le Conseil constitutionnel en dira éventuellement. En effet, il est fait état de l’intérêt – que nous souhaitons bien sûr qualifier de supérieur – « de l’une, de l’autre et de celui de leurs enfants éventuels », ce qui semble vouloir dire que cette disposition s’appliquerait même dans le cas où il n’y a pas d’enfant. Dès lors, pourquoi son rattachement à une loi parlant de l’intérêt de l’enfant ?
Je veux défendre l’amendement no 21 car j’y vois un bon présage. Mme la secrétaire d’État nous faisait remarquer tout à l’heure que notre groupe n’avait pas présenté d’amendement en son nom : voila donc la démonstration inverse ! Comme il s’agit d’un bon de présage, je n’ai pas de doute que vous allez entendre nos arguments concernant cet alinéa 7 !
Non seulement c’est un peu stupide, non seulement c’est un peu idiot, mais c’est au fond très dangereux : avec la lecture d’une litanie d’articles, qui ont une valeur en eux-mêmes, mais qui font perdre son caractère sacré à la cérémonie du mariage civil en mairie, en la maison commune, les portes étant ouvertes pour que la population tout entière en soit témoin, vous en arrivez à l’incongruité suivante : après avoir évoqué tout ce qui fait la force et la puissance de l’union de deux personnes à l’occasion de leur mariage, après avoir lu l’article sur le respect, la fidélité, le secours, l’assistance, l’article sur la communauté de vie, et ce très bel article 371-1 du code civil, formidablement rédigé et qui dit tout, voilà que vous faites lire tout d’un coup par l’officier d’état civil un article expliquant comment éviter que tout cela se finisse mal !
Il faut absolument que vous acceptiez de supprimer cet alinéa 7.
Il est important que vous accédiez à notre demande de supprimer l’alinéa 7. Est-ce vraiment le moment, lors de la cérémonie du mariage, de faire la promotion de la médiation familiale ? Non ! Cela pourrait à la rigueur être un rappel, s’il y avait eu auparavant une information, ce qui renvoie du reste à la question de la préparation au mariage que des associations font ou ne font pas, en fonction des territoires – certaines choses peuvent encore être améliorées. Mais au moment de la cérémonie, qui est le plus souvent un moment de joie, évoquer les difficultés ne sert à rien, si ce n’est à « plomber » l’ambiance. On comprend bien l’intention, qui est d’assurer une publicité large à la médiation familiale, mais là c’est vraiment inopportun, et qui plus est inutile : je ne pense pas que les oreilles des futurs époux soient attentives à de tels messages le jour de leur mariage – on l’espère du moins !
Nous comprenons l’intention, même si votre volonté de rigidifier la médiation familiale, de l’imposer par le haut et par la loi, peut nourrir quelques suspicions ; mais ce serait vraiment faire un geste que de retirer cette disposition. Il y a certes de très beaux articles dans le code civil, notamment celui disposant que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance », où tout est dit en une phrase. C’est cela, le droit : arriver à dire en une phrase beaucoup de choses, mais ensuite il y a la vie, avec ses parcours, ses difficultés parfois. Aujourd’hui, on veut tout dire dans la loi, et du coup on ne dit plus rien. On veut répondre à des situations qui, elles, se compliquent de plus en plus, avec un droit qui ne veut plus rien dire : voilà comment on en arrive à de grands problèmes dans notre société.
Nous avons donc bien compris votre intention, mais ce serait un geste fort que de ne pas maintenir l’alinéa 7 de l’article 16.
La commission a donné un avis défavorable, mais, à titre personnel, je suis pour la suppression de cet alinéa.
Vous nous avez accusés de ne pas avoir écouté, or j’aimerais revenir sur deux points : nous avons écouté, parce que si nous ne faisons pas de la médiation l’alpha et l’oméga, nous pensons que quand on est acteur de la résolution de son conflit, il est préférable, dans l’intérêt de l’enfant, de parvenir à trouver une solution. Pour cette raison, nous ne donnons la possibilité au juge d’enjoindre la participation qu’à une seule séance : si le déclic a lieu, tant mieux, sinon tant pis, on revient à la case départ. Nous avons également tenu compte du problème des violences, puisque cela est prévu dans les articles.
Nous écoutons, nous discutons et nous progressons ; mais la commission a donné un avis défavorable, le mien étant cependant plutôt favorable.
Je voudrais d’abord dire à M. Dhuicq que je crains qu’il n’y ait un malentendu sur l’objet de la médiation. Je vous ai écouté tout à l’heure nous exposer votre point de vue ; or la médiation n’est pas destinée à interrompre un processus de séparation dans un couple ni à raccommoder une histoire conjugale terminée. Elle est destinée exclusivement à inviter les deux parents à se parler et à tenter d’élaborer des solutions communes, sur les questions d’autorité parentale uniquement. Cela ne concerne ni le patrimoine, ni leurs propres relations : cela vise uniquement à inciter les parents à se parler. Cela s’inscrit d’ailleurs dans la cohérence du texte même si l’article sur la médiation aurait pu chronologiquement se situer dans les premiers : en effet, on commence par la séparation, puis la médiation vise à ce que les parents se parlent, après quoi toute une série d’articles concernent la poursuite de la relation parents-enfant et l’exercice de l’autorité parentale en commun. La médiation vise donc uniquement à se parler : soyez rassuré, on ne va pas mettre les gens en situation de devoir maintenir un couple disparu !
Pour en revenir aux amendements, si Mme la rapporteure et auteur du texte considère qu’elle est favorable à la suppression des dispositions prévoyant la lecture pendant la cérémonie républicaine du mariage des articles relatifs à la médiation, j’y suis moi-même tout aussi favorable. En effet, on n’est pas obligé de dire aux gens qui se marient qu’ils vont se séparer ! Rappelons du reste que seul un tiers des couples se sépare et non tous, donc un peu d’optimisme ne fait pas de mal : il faut avoir un peu confiance dans la vie !
J’entrevois une lueur d’espoir dans les propos de Mme la secrétaire d’État ! Néanmoins, je m’interroge toujours pour savoir si nous nous adressons à des adultes : d’où vient l’idée totalement absurde qu’il faudrait lire cet article à des personnes qui veulent se marier ? Elles ont le droit de se marier, tout comme elles ont le droit de ne pas se marier.
Nous sommes tous d’accord !
Je le rappelle car je trouve très totalitaire cette idée qu’il faudrait que tout le monde se marie, quel que soit son sexe : cela devient relativement insupportable.
Nous entendons que nous allons probablement supprimer cet alinéa 7 : c’est plus sage car il est totalement absurde.
Je n’y suis pour rien !
Cela étant, je m’interroge globalement sur la médiation, parce qu’il existe déjà des processus et des professionnels en la matière. À quoi sert-il de dépenser de l’argent public, une fois de plus, pour créer des corps de métiers qui n’ont à mon avis qu’une utilité extrêmement limitée ? À quoi cela sert-il par rapport aux problèmes fondamentaux auxquels le pays est confronté ?
Vous êtes le seul à penser cela !
Les professionnels de santé existent ; les magistrats existent : je ne comprends pas cette dérive qui veut absolument infantiliser encore plus les adultes ! Plus ce type de métiers et de processus parallèles se développera, moins nos compatriotes seront adultes, et moins ils iront aux urnes !
Merci, monsieur Dhuicq, d’être intervenu parce que notre intention dans cet article, vous l’avez compris, M. Geoffroy en a parlé, est justement de communiquer et d’informer davantage sur la médiation. Or votre intervention, monsieur Dhuicq, montre qu’il y a encore du progrès à faire, ne serait-ce que sur la connaissance du rôle de la médiation par rapport au juge ; nous reviendrons sur ce sujet lors de l’examen des articles 17 et 18. J’ose d’ailleurs penser que le rassemblement autour de l’article 16 vers lequel nous nous acheminons sera de mise également sur les deux articles suivants concernant la médiation et la possibilité pour le juge d’obliger à participer à une séance de médiation.
Vous avez donc compris notre intention. Le groupe socialiste conçoit que le moyen choisi en l’occurrence n’est pas des plus heureux ; nous avions eu ce débat à l’occasion du débat sur le mariage pour tous avec la suppression de l’article 220 relatif à la solidarité des époux concernant leurs dettes. Même si les arguments étaient inversés à l’époque, nous nous rejoignons aujourd’hui : le groupe socialiste votera donc l’amendement no 21 du groupe UMP.
Mes chers collègues, je vous invite maintenant à regagner vos places pour procéder au scrutin.
Monsieur Lequiller, tout à l’heure, vous avez levé la main pour demander la parole avant d’y renoncer. Voilà maintenant que vous la demandez alors que nous procédons au scrutin et que vos collègues ont déjà répondu à Mme la rapporteure et à Mme la secrétaire d’État !
Mes chers collègues, je vous rappelle que les amendements identiques nos 21 et 316 ont reçu un avis favorable de Mme la rapporteure et du Gouvernement.
Il est procédé au scrutin.
L’article 16, amendé, est adopté.
Madame la présidente, je me réjouis de cette unanimité qui revient de loin. C’est une très bonne chose. Et pour terminer cette matinée sur un ton un peu plus léger que nous ne l’avons commencée, je ferai remarquer avec plaisir à Mme la secrétaire d’État qu’il s’agissait d’un amendement du groupe UMP dans son ensemble : nos amendements ne sont en effet pas présentés que de façon isolée comme elle semblait le dire tout à l’heure.
Je me réjouis en tout cas de voir que les différents groupes présents aujourd’hui ont rejoint le groupe UMP – sans doute provisoirement, une hirondelle ne faisant pas le printemps !
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron