La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles s'arrêtant à l'amendement n° 4355 portant article additionnel après l'article 4.
Ces trois amendements répondent au même principe. En 1998, nous avons voté le PACS. Ce fut une très grande réforme qui, désormais, fait l'unanimité. Je souhaite aujourd'hui que nous toilettions le PACS. Il ne s'agit pas d'en faire l'équivalent du mariage, en instaurant une cérémonie républicaine ou en revenant sur le principe de la rupture conjointe. Mais le PACS, aujourd'hui, ne confère pas le droit d'user du nom de son partenaire, ne créé pas de vocation successorale, n'emporte aucun effet sur la nationalité, n'autorise pas à lui seul la délivrance de plein droit d'un titre de séjour et ne permet pas au partenaire survivant de percevoir une pension de réversion.
Ces amendements visent à moderniser le PACS en lui permettant d'emporter effet sur la nationalité, de créer une vocation successorale et d'autoriser à lui seul la délivrance de plein droit d'un titre de séjour.
Ils ne sauraient tomber sous le coup de l'article 40 puisqu'ils n'entraînent aucune charge financière supplémentaire pour l'État.
L'on pourrait m'opposer qu'il s'agit là d'un cavalier législatif. Je ne le pense vraiment pas. Dès lors que l'on s'intéresse au mariage, l'on s'intéresse obligatoirement au PACS.
C'est donc avec beaucoup de confiance que je soumets à la discussion ces trois amendements qui nous permettront de renforcer le PACS.
Rappelons que le PACS a été le grand succès…
…de ces dernières années. Il y a aujourd'hui en France 250 000 mariages et 210 000 PACS, contre seulement 20 000 PACS la première année où nous l'avons voté. Le succès du PACS a été décuplé et il serait très utile qu'il se modernise pour rester une alternative au mariage, aussi bien pour les homosexuels que pour les hétérosexuels.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteurde la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour donner l'avis de la commission.
Nous avons déjà eu ce débat en commission. C'est vrai, le PACS recueille un succès considérable, dans notre pays, surtout parce qu'il offre un régime intermédiaire entre le concubinage qui n'emporte quasiment aucun droit ni devoir, et le mariage dont nous nous préoccupons depuis maintenant plusieurs jours. Il nous a paru nécessaire de maintenir ce régime intermédiaire comme étant d'ailleurs souvent, pour les couples, un préalable au mariage.
Dans ce contexte, il ne serait pas opportun de modifier aujourd'hui les contours du PACS.
Par ailleurs, nous ne sommes pas, avec ce texte, dans le champ du PACS, et vos amendements m'apparaissent hors sujet.
Avis défavorable sur ces trois amendements.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
C'est bien que vous preniez les devants, monsieur le député, parce qu'il est toujours extrêmement désagréable, pour le Gouvernement, de faire remarquer à un parlementaire que son amendement est un cavalier législatif, surtout quand le parlementaire est expérimenté, comme vous l'êtes. Cela étant, c'est un moyen d'appeler l'attention sur une disposition qui vous tient à coeur.
Votre premier amendement vise à ce que le PACS permette d'attribuer la nationalité française au partenaire étranger mais ce projet de loi tend à ouvrir l'adoption et le mariage aux couples de personnes de même sexe et il serait bon que nous en restions là.
Les problèmes que vous soulevez par cet amendement et les deux autres sont réels même si je partage largement l'avis du rapporteur de préserver la nature très différente, sur le plan juridique comme conjugal, des trois régimes qui permettent aux personnes de s'unir. Le PACS, tel qu'il est conçu aujourd'hui, obéit à un régime contractuel particulier.
Il est évident qu'il faudra l'améliorer. Vous nous avez alertés sur ce point à plusieurs reprises et nous en avons convenu. Le texte que nous soumettra la ministre de la famille offrira un cadre juridique plus approprié à vos propositions.
Pour ce qui est de votre proposition sur la nationalité, il faudra réfléchir plus avant. Votre exposé des motifs, tout comme la rédaction de cet amendement, sont bien construits. Cela étant, si l'on peut vraiment avancer sur les deux autres points, celui-ci donnera probablement lieu à quelques débats.
Le sujet est d'importance mais ce texte n'est pas le plus adapté pour le porter. Je vous invite par conséquent à retirer vos amendements qui trouveront davantage leur place dans le texte sur la famille. Je vois d'ailleurs Mme la ministre de la famille approuver.
Compte tenu des explications données par Mme la garde des sceaux et approuvées par Mme la ministre de la famille, je retire mes trois amendements.
Nous en arrivons à une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l'amendement n° 1924 .
Il s'agit d'un amendement de précision et de bon sens, pour bien différencier les situations : « Lorsque le mariage est contracté entre une femme et un homme, les époux portent respectivement le nom de mère et père », quand ils sont, de fait, parents.
« Lorsque le mariage est contracté entre deux personnes du même sexe, elles portent l'une et l'autre le nom de parent », quand un enfant est né.
Plusieurs députés UMP. Regardez MM. Tourret et Le Roux qui se serrent la main ! C'est l'union sacrée !
J'en profite pour intervenir sur les amendements qui ont été retirés. Il serait très périlleux de rapprocher le PACS du mariage. Au fond, pourquoi n'a-t-il pas été possible d'améliorer la condition des personnes homosexuelles dans le cadre du PACS ? Tout simplement parce que ces évolutions auraient concerné à la fois les personnes homosexuelles et les personnes hétérosexuelles alors que les personnes hétérosexuelles disposent déjà du mariage.
Si l'on attachait constamment au PACS des droits supplémentaires, l'on aurait vite fait d'en faire un contrat qui accorderait les mêmes droits que le mariage, sans les obligations. Ce ne serait pas une situation heureuse.
C'est pour cette raison que nous nous sommes retrouvés ces dernières années face à un blocage que nous n'avons pas su surmonter, ce qui était une erreur. Nous ne pouvions pas améliorer le PACS au-delà d'une certaine limite sans vider le mariage d'une part importante de sa substance propre. Mais le Gouvernement n'a pas été pour autant capable de créer une formule adaptée aux couples homosexuels. Le Gouvernement s'est retrouvé dans une pure logique de duplication.
Si l'on peut apporter des améliorations ponctuelles au PACS, il est essentiel de ne pas le réformer en profondeur pour ne pas créer une union qui emporterait les droits du mariage sans les obligations. Ce serait une très mauvaise initiative et, à cet égard, les amendements de notre collègue étaient fâcheux.
Ils ont été retirés ! Nous en discuterons lors du projet de loi sur la famille, patientez, monsieur Mariton !
Permettez-moi tout d'abord de vous saluer, madame la présidente, de saluer nos ministres, le président de la commission des lois, assidu au banc, ainsi que la rapporteure de la commission des affaires sociales, notre rapporteur et l'ensemble des personnes présentes.
Je n'ai pas voulu intervenir en réponse à M. Tourret qui prenait date dans une carrière qu'on lui promet flatteuse et qu'il mériterait d'ailleurs ! Cela étant, son amendement offrirait une possibilité supplémentaire d'accéder à la nationalité française. Or, c'est dans un autre cadre que nous devons avoir ce débat ! Nous voyons se multiplier les voies d'accès à la nationalité, à commencer par la circulaire dont nous avons largement débattu. Restons prudents et n'examinons pas de telles dispositions au détours d'une séance matinale mais d'une façon plus globale.
Je souscris bien évidemment à la présentation que M. Mariton a faite de son amendement. En effet, les mots comptent.
Comme vous nous avez laissé un peu de liberté, j'ai pu écouter France Culture ce matin vers 7 heures. Les intellectuels qui y étaient réunis le déclaraient : les mots comptent. Or, celui de mariage perd de son sens en ce qu'il fait référence au mari. Ils ont suggéré le mot de « pérage », puisqu'il pourrait y avoir deux pères.
Les termes de « mari » et « femme » n'auraient pas beaucoup de signification non plus, aussi ont-ils rappelé ceux de « compère » et « commère » qui, pour le coup, existent déjà dans la langue française et pourraient s'adapter à une telle situation.
Vous voulez changer les mots, vous voulez changer les choses, vous voulez changer ce qui représente des évidences pour nos compatriotes. Prenez garde et utilisez les mots qui conviennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Sur l'amendement n° 1924 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Vous demandez que l'on différencie les dénominations des couples de personnes de même sexe et des couples de personnes de sexe différent quand ils sont parents : les uns s'appelleraient « parents » et les autres « père » et « mère ».
Deux problèmes se poseraient. Tout d'abord, l'adoption de cet amendement conduirait à créer deux catégories de couples, ce que nous nous refusons à faire en faisant entrer dans l'institution du mariage les couples de personnes de même sexe aux côtés des couples de personnes de sexe différent.
Par ailleurs, vous présupposez, vous préjugez, vous anticipez le fait que deux époux auront des enfants, ce qui ne sera pas systématiquement le cas.
Avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
Vous avez cette volonté, inextinguible semble-t-il, de distinguer entre les couples, mais surtout vous désignez les couples homosexuels en tant que parents même s'ils n'ont pas d'enfants, ce qui est tout de même assez singulier.
Puis, il y a de votre part le souci, que vous avez montré pendant plusieurs jours, dans la précision de l'écriture du droit, en particulier dans le code civil. La notion de parent figure déjà dans le code civil. Vous introduisez une espèce de synonyme. Vous serez obligé, monsieur Le Fur, si vous allez jusqu'au bout de votre logique, de faire un article-balai pour expliquer les cas où l'on entendra « parents » au sens de « parents » et les cas où l'on entendra « parents » du seul fait qu'il s'agit de couples de même sexe.
Pour toutes ces raisons, qui sont liées tant à la technicité du droit qu'à l'irrationalité et à l'incohérence de cet amendement, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 4 bis.
La parole est à Mme Corinne Narassiguin.
L'article 4 bis, comme l'article 4, est un article dit « balai » dont l'objet est de tirer les conséquences de l'article 1er sur les différents codes. Nous avons déjà passé en revue le code civil à l'article 4. L'article 4 bis est un article technique de coordination.
Il s'agit en effet d'un article-balai, mais il est moins innocent qu'il n'y paraît.
D'abord, l'article 4 bis précise que l'ensemble des dispositions s'applique dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution. Voilà une bien curieuse écriture ! Car l'article 73 de la Constitution dispose que les lois et règlements sont applicables de plein droit dans les départements et les régions d'outre-mer. Je ne comprends pas pourquoi le législateur juge utile de préciser dans cette loi qu'elle s'applique dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution.
C'est un point extrêmement important.
Les collectivités d'outre-mer qui sont régies par l'article 73 de la Constitution sont des collectivités dont le droit intègre naturellement – c'est le droit de la République – les dispositions que nous discutons en ce moment. Soit il faut considérer qu'il y a une évolution du droit qui s'applique dans les collectivités d'outre-mer et qui nous conduit, chaque fois que nous légiférons, à dire expressément que le droit s'applique, « y compris dans les collectivités régies par l'article 73 ». Ce serait alors une évolution institutionnelle majeure, une vraie révolution pour un grand nombre de collectivités d'outre-mer de la République, et en particulier pour les départements d'outre-mer - ou alors la disposition que vous nous proposez est totalement inutile. En tout cas, elle est dangereuse dans son principe, car soit elle a un sens et c'est une révolution institutionnelle, laquelle, en réalité, détruit la notion de département d'outre-mer, soit elle n'est pas utile et vous feriez mieux de la retirer.
D'ailleurs, vous avez, dans une logique juridique plus solide ou institutionnellement plus rassurante, prévu des dispositions expresses pour les collectivités régies par l'article 74, citant spécifiquement la Nouvelle-Calédonie et les terres australes. Vous n'avez pas cité la Polynésie française qui connaît une situation juridique particulière en la matière.
J'aimerais comprendre l'intention de la majorité à expliciter l'application de la loi dans les départements d'outre-mer alors que, ordinairement, on ne le fait pas, car cela va de soi.
À l'image de l'article 4, l'article 4 bis, au-delà des aspects techniques et juridiques et les arguments déjà invoqués, est dans la philosophie de notre projet de loi.
À travers cet article-balai pour les codes autres que le code civil, nous voulons ici, une fois de plus, faire en sorte que les mariages de couples homosexuels trouvent leur traduction dans tous les codes, et ce – pour en finir avec l'exclusion – dans un esprit d'inclusion.
Je voudrais revenir sur la question qui a été évoquée rapidement hier, en m'appuyant sur un article très intéressant paru aujourd'hui dans le journal La Croix et qui traite de l'analyse juridique à propos de l'article 310 du code civil. Les juristes disent que l'adoption plénière fait bénéficier l'enfant d'un nouvel état civil qui ne le distingue pas des autres enfants. C'est le principe de base de l'adoption plénière.
Toutefois, un problème se pose pour l'enfant d'un couple homosexuel. L'adoption plénière lui donne un état civil qui le fait apparaître comme né de personnes de même sexe, ce qui va à l'encontre d'un des principes essentiels du droit français en matière de filiation, celui de l'altérité sexuelle, qui a été reconnu récemment par la Cour de cassation dans un arrêt de 2011.
Pour que l'adoption plénière soit valide, il faudrait réformer l'article 310 du code civil qui dit que tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leurs père et mère.
Je trouve l'argumentaire très pertinent et j'aimerais que l'on nous réponde de façon juridique et précise. D'ailleurs, on retrouve, semble-t-il, les mêmes réserves dans l'avis du Conseil d'État.
Avec l'article 4 bis, nous sommes dans la même logique que celle que nous avons eue lors de l'examen de l'article 4.
Les questions que nous avons posées restent en suspens, et notamment celle-ci : quelle validité donner au plan juridique aux dispositions de l'article-balai ? Je pense à l'avis très réservé du Conseil d'État au niveau juridique et à l'étude d'impact qui, a priori, met en lumière les risques de la technique de l'article-balai.
Nous n'avons pas eu de réponse sur ce point. On sent bien que le Gouvernement est gêné par cet article-balai. Il a laissé la commission s'en servir alors que, nous l'avons démontré au cours des dernières heures de débat, cette technique comporte des risques juridiques très importants. Au-delà de sa dimension politique, l'article-balai repose sur une fiction, il fait preuve d'un manque de courage et il concourt à l'appauvrissement de la loi. Nous persistons à le dire et nous attendons des réponses claires car, avec les difficultés provenant de cet article, c'est le problème du positionnement de la majorité qui est posé.
À l'article 4, nous nous sommes tous, dans l'opposition, placés en défenseurs vigilants du code civil, telles les Vestales gardant le feu à Rome ! (Sourires.) Si vous le voulez, je peux développer sur les Vestales.
C'étaient des jeunes filles vierges issues des meilleurs milieux de l'aristocratie romaine.
Cela étant, mes chers collègues, nous quittons le code civil puisque vous avez imaginé, avec l'article 4 bis, un article-balai pour tout le reste de notre législation ! Le code civil, c'était, bien sûr, l'essentiel puisque c'est le fondement de l'organisation de notre société et de la famille. Mais l'ensemble des autres codes, cela compte ! Or là nous entrons directement dans le social. Madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, vous ne pourrez plus rester muette puisque bon nombre des codes sont sociaux. Nous entrons directement dans les dispositions sociales évoquées dans l'article 11 de la Constitution. Donc, l'argument sociétal ne pourra pas nous être opposé. Et comme vous touchez à l'essentiel de la législation au travers des multiples codes qui régissent notre organisation sociale, nous avons l'occasion, article par article, de défendre nos positions.
L'article 4 bis, comme l'article 4 que nous venons d'examiner, tire les conséquences de l'ouverture du mariage aux couples de personnes du même sexe en remplaçant, dans différents textes législatifs les mots « père et mère » par le terme « parents ». Ces articles donnent lieu à la suppression de plusieurs mentions sexuées dans le code civil. Il convient de rappeler que, dans la version initiale du présent projet de loi, dix-huit articles étaient consacrés à des suppressions de mentions sexuées.
Une autre solution, certes juridique et tirée du droit comparé, en l'occurrence le droit espagnol, a conduit retenir l'article-balai. Nous nous rendons compte, à ce stade, qu'un certain nombre de difficultés apparaissent, que certaines situations n'ont pas été retenues et que nous n'avons pas pris le temps de tout étudier. À ce niveau, nous regrettons que n'ait pas été retenu le principe de l'alliance civile qui laissait le mariage aux couples de personnes homme et femme et reconnaissait une union qui aurait été exclusivement destinée aux couples homosexuels et n'aurait pas entraîné de difficultés particulières.
L'article 4 bis de ce projet fait partie du subterfuge trouvé pour rendre moins choquantes les répercussions du projet de loi. Car sur ce projet, vous avancez masquées et vous faites preuve, reconnaissez-le, d'hypocrisie.
En effet, ce texte qui, dans son titre initial, annonçait clairement qu'il s'agissait de l'ouverture et de l'adoption pour tous, a aujourd'hui pour seul objectif le mariage.
Vous avancez masqués, car les projets qui se sont succédé deviennent de plus en plus édulcorés pour ne pas choquer nos concitoyens et ne pas les mobiliser. Cela étant, la mobilisation sur le terrain reste importante, vous le verrez le 24 mars prochain.
Ainsi, au début du projet, vous envisagiez de parler de « parent 1 » et « parent 2 », ensuite de « parent » au singulier, puis au pluriel, pour remplacer les belles expressions de « mari et femme » et de « père et mère ».
Vous avancez masqués, car vous ne parlez pour l'instant que de mariage, alors que, par la suite, vous chercherez à nous imposer la PMA et la GPA. Pourtant, vous savez que nos concitoyens n'en veulent pas. Ils veulent que les enfants gardent le droit d'être élevés par un père et une mère. Ils ne veulent pas que des femmes soient amenées à vendre leur ventre et que des enfants soient achetés.
J'ai été particulièrement choqué qu'un certain nombre de ministres du Gouvernement actuel aient participé à une réception au théâtre du Rond-Point il y a quelques jours, réception organisée et financée par une personne qui a osé dire que louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l'usine ne faisait guère de différence… C'est inadmissible, honteux !
Est-ce la France que vous voulez nous offrir ? Est-ce la conception de la femme que vous voulez donner en exemple ? Nous n'en voulons pas !
Nous voulons une France où le droit des enfants soit reconnu, où l'enfant reste au centre de notre société, une société qui ne lui ôte pas les repères dont il a besoin, une société où son intérêt soit défendu. Laissons à tous les enfants le droit d'être élevés par un père et une mère et ne créons pas de discriminations entre les enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Il y a le droit civil, mais il y a aussi les droits de l'enfant. Le critère déterminant tant pour l'agrément des candidats à l'adoption que pour le prononcé de celle-ci par le juge, c'est évidemment l'intérêt de l'enfant. Je vous rappellerai simplement la convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant qui prévoit dans son article 21 que les États parties qui autorisent l'adoption s'assurent que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération primordiale en la matière.
L'étude d'impact qui accompagne aujourd'hui le projet de loi ne traite pas, contrairement à ce qu'imposent les dispositions de la loi organique du 15 avril 2009, et notamment les articles 39 et 44 de la Constitution, des questions multiples et complexes que soulève l'ouverture de l'adoption aux conjoints de même sexe tant pour cet article 4 bis, dans le cadre de l'adoption internationale, que plus généralement au regard de l'appréciation que les services et autorités compétentes seront amenés à faire de l'intérêt de l'enfant et qui est opéré en droit positif de manière concrète et surtout au cas par cas.
L'article 4 bis poursuit la construction juridique qui met en musique l'article 1er de ce projet, article politique qui constitue le coeur même de l'ouverture du mariage et de l'adoption aux personnes de même sexe, même si curieusement celle-ci ne figure par dans l'intitulé du projet de loi. Il s'agit donc d'une mise en oeuvre juridique dont nous avons déjà eu l'occasion de dire, à propos de l'article 4 et de ses conséquences sur le code civil, qu'elle est pour le moins étonnante. Sans doute cet article balai se voulait-il complet, après avoir soulevé un certain nombre de difficultés sur la disparition des termes « père » et « mère », mais en réalité il est imparfait. Nous avons essayé de le démontrer et je le rappelle simplement pour mémoire, car cet argument sous-tend nos amendements à venir. Il fragilise juridiquement la construction souhaitée par le Gouvernement.
Nous avons évoqué ces failles juridiques au cours des séances et des nuits précédentes. Le journal La Croix en fait part ce matin encore dans une tribune signée par deux juristes, qui, bien entendu, ne se prononcent pas sur les aspects politiques mais mettent en avant les failles liées à l'adoption, la filiation et l'acte d'état civil, relativement en particulier à l'article 310 du code c civil sur lequel je suis revenu à plusieurs reprises.
Avec l'article 4 bis, nous en venons à d'autres difficultés, failles et interrogations qui provoquent notre stupeur. Son application à l'ensemble des collectivités d'outre-mer constitue pour moi une vraie interrogation, compte tenu de la répartition des compétences opérée par les articles 73 et 74 de la Constitution. Cela ne laisse pas de m'interpeller, comme on dit trivialement.
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l'amendement n° 98 .
Les interventions de mes collègues le confirment, cet article ne tient pas. C'est pourquoi cet amendement a pour objet d'en demander la suppression. Il ne tient pas en raison de ses dispositions relatives à l'outre-mer, pour des raisons évidentes parfaitement exposées par quelqu'un qui a une autorité singulière dans ce domaine puisqu'il a été ministre de l'outre-mer, Hervé Mariton.
La question de l'outre-mer est classique. Dans les DOM, la loi nationale s'impose sans qu'il soit nécessaire de le préciser. Dès lors, pourquoi le faire ? Dans les territoires d'outre-mer, c'est tout autre chose : le législateur doit être explicite. Nous nageons donc en pleine confusion. Si j'insiste sur la question de l'outre-mer, c'est parce que c'est un motif classique d'annulation par le Conseil constitutionnel.
Mais il est une autre instance de la République que vous n'avez pas consultée avant la rédaction de cet article et dont nous n'avons pas suffisamment parlé, c'est le Conseil économique et social, également environnemental depuis quelques années. Nous le négligeons souvent dans cet hémicycle, alors même que ses travaux sont passionnants. Il a une légitimité singulière en matière sociale et à propos des codes qui vont nous occuper dans les heures et les jours à venir. À propos du code civil, j'en conviens, le Conseil économique et social n'avait pas cette légitimité que j'évoque à l'occasion de l'article 4 bis.
Je rappelle que le Conseil économique et social est une création de 1946 et que les Français y sont tellement attachés qu'en 1969, même si je le regrette à certains égards, ils manifestèrent leur attachement au Conseil économique et social en répondant non au référendum proposé par le général de Gaulle qui aurait eu pour effet de le rapprocher du Sénat. Cette institution de la République, à laquelle les Français sont attachés, vous ne la consultez pas. En avez-vous peur ? De même, vous n'avez pas voulu consulter d'autres instances à la légitimité encore moins contestable. Cette consultation me semble nécessaire.
La parole est à M. François Vannson pour soutenir l'amendement n° 171 .
Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 4 bis qui pose un certain nombre de problèmes juridiques évoqués par les orateurs précédents. Je voudrais une fois encore attirer l'attention de Mme la ministre sur les réserves croissantes qui se font entendre au fil des débats, dans la presse et ailleurs, émises en particulier par le Conseil Constitutionnel et le Conseil d'État. Il me semble qu'il aurait été souhaitable, afin que cette assemblée puisse travailler sérieusement, que vous exposiez très clairement ces réserves, madame la ministre. Cela aurait permis à la majorité de profiter de ce débat pour améliorer le texte et à l'opposition de disposer de tous les éléments nécessaires pour y apporter sa contribution.
L'article 4 bis nous fait entrer dans le dur de l'impact social de ce texte. Nous risquons de voter un texte qui s'appliquera avec les plus grandes difficultés du monde, en particulier aux différents codes. Cela donnera de faux espoirs à certains de nos concitoyens qui attendent ce texte. Nous allons vers de graves difficultés. Une nouvelle fois, madame la ministre, je pense qu'il serait bon que nous prenions le temps d'étudier sereinement toutes ces réserves du Conseil Constitutionnel et du Conseil d'État.
Je voudrais rappeler à madame la ministre le caractère imprécis du terme « parent », comme elle l'a justement fait elle-même hier soir. Qu'est-ce qu'un parent au sens du droit actuel ? Quel sens aura-t-il demain ? Je pose la question.
Étymologiquement, le terme « parent » vient de parens, celui qui a mis au monde. Le parent est donc au sens premier le père ou la mère par le sang. Mais le droit contemporain ne définit pas le parent juridique. Quand le terme apparaît, il se définit alors par référence aux notions auxquelles il est associé et celles-ci ne visent pas nécessairement la situation de père et de mère. Ainsi, pour définir les titulaires de l'autorité parentale, l'article 371 du code civil mentionne sans ambiguïté les parents après avoir désigné le père et la mère. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que cet article soit supprimé.
Comme je le disais tout à l'heure, il n'y a aucune raison de mentionner dans ce texte les collectivités visées par l'article 73 de la Constitution. Plus exactement, il y a là une sorte de provocation du Gouvernement. Il est en effet des territoires de la République où le projet du Gouvernement est plus particulièrement et plus intensément critiqué qu'ailleurs, ce sont les départements d'outre-mer et vous le savez, madame la ministre. À tel point que c'est spécialement parmi les députés d'outre-mer que l'opposition au texte au sein de la majorité s'exprime. L'un de nos collègues du groupe GDR a fait l'autre jour une intervention tout à fait remarquable à ce sujet.
Quel sens de la provocation ! Vous savez que les départements d'outre-mer, aussi bien leur population que leurs élus locaux et parlementaires, figurent parmi les collectivités les plus rétives et les plus hostiles à votre texte. Vous n'aviez pas besoin de les faire figurer dans le texte. Je pense même qu'il vous est interdit de mentionner l'article 73 comme vous le faites et que le Conseil constitutionnel repoussera cette disposition. L'application va de soi, c'est la règle constitutionnelle. Les collectivités d'outre-mer sont les plus rétives à votre texte et vous poussez la provocation jusqu'à les citer explicitement. Vous avez tout de même un sens de la provocation et une volonté de faire souffrir qui va au-delà du raisonnable !
Voici des territoires qui ne veulent pas de votre texte, où il s'appliquera constitutionnellement si par malheur la loi est votée, mais vous avez la volonté de leur infliger une double peine : non seulement la loi s'appliquera parce que c'est la règle mais on le dit bien que cela soit superfétatoire, parce que cela vous plaît. Ce n'est pas comme cela que l'on fait la loi et c'est, madame, particulièrement irrespectueux des collectivités d'outre-mer, des parlementaires qui les représentent comme de leur population. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François de Mazières pour soutenir l'amendement n° 478 .
J'approuve une nouvelle fois ce qu'a développé notre collègue Philippe Gosselin. Je reviens à ma question de tout à l'heure qui, bien qu'essentielle, est restée sans réponse. Le raisonnement est très simple. L'adoption plénière crée une vraie inégalité. Vous avez dit que c'est une fiction, mais c'est en réalité la base : vous créez une inégalité entre les enfants. On voit bien que vous vous êtes bien gardés de toucher au titre VII relatif à la filiation. Cela aurait été politiquement difficile car tout votre argumentaire est fondé sur une séparation nette des questions du mariage et de la filiation. Or l'article 310 est fondé sur ce principe. Il dispose que « tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère ». Il y a donc là un point difficile qui demande des explications claires. Voilà pour les aspects juridiques.
Ce qu'on entend sur les ondes me semble compléter cette démonstration. J'entendais ce matin, sur une grande radio, l'annonce d'un film qui doit être mis en diffusion la semaine prochaine. Il s'agit d'un documentaire sur deux hommes qui ont recours à la GPA aux États-Unis auxquels une fermière du Wisconsin loue son ventre. Ce témoignage est étonnant. Il commence par dire qu'il s'agit en fin de compte de quelque chose d'assez naturel et s'achève par une question assez gênante du journaliste, pourtant très bienveillant : combien cela a-t-il coûté ?
On voit bien qu'au-delà des problèmes juridiques que nous soulevons et qui appellent une réponse se trouvent des questions éthiques fondamentales qui appellent également des réponses, sincères si possible.
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti pour soutenir l'amendement n° 614 .
J'aimerais vous interpeller, mesdames les ministres, au sujet de l'adoption plénière dans les territoires d'outre-mer. Il faut rappeler qu'elle a pour effet de supprimer juridiquement la filiation par le sang pour lui substituer un nouveau lien de filiation découlant évidemment du jugement qui l'a prononcé. Madame la garde des sceaux ne m'écoute pas. Si nous ne sommes là que pour la parade… (Sourires.)
L'acte de naissance d'origine de l'enfant est remplacé par un nouvel acte établi à partir des éléments du jugement d'adoption, sans aucune référence à la filiation réelle de l'intéressé, alors même que la filiation est un élément essentiel d'identification biologique, sociale et juridique pour chaque individu. L'état civil ainsi reconstitué mettra nettement en évidence, par la référence à des parents de même sexe, la fiction juridique sur laquelle repose la filiation. Le Conseil d'État, comme vous le savez, vient d'attirer à nouveau l'attention du Gouvernement d'une part sur les conséquences de cette situation au regard de la question délicate et toujours débattue de l'accès aux origines et d'autre part sur les précautions qu'il conviendra de prendre dans la rédaction des actes de naissance en cause.
La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l'amendement n° 633 .
Fidèle à moi-même, je demanderai ce matin si nous avons des nouvelles du Conseil d'État mais d'abord du président de la commission des lois. J'espère que le président Urvoas n'est pas souffrant…
Il était là tout à l'heure ? C'est donc moi qui l'ai manqué ! Dommage ! Je me réjouis en tout cas que les nouvelles soient bonnes !
Si je souhaite évoquer à nouveau l'avis du Conseil d'État, c'est pour revenir sur les motifs d'inconstitutionnalité qui sont évoqués depuis quelque temps et qui ont été très clairement exposés dans la tribune publiée dans La Croix.
Il faut en effet rappeler qu'outre l'atteinte à l'ordre public international et à des éléments essentiels du droit de la filiation – rappelés par les deux arrêts du 7 juin 2012 –, les motifs d'inconstitutionnalité de l'ensemble du texte sont nombreux. Je pense au non-respect d'un certain nombre de conventions internationales…
…– absolument, mon cher collègue – et au Préambule de 1946, dont Hervé Mariton a rappelé la place qu'il réserve à la mère. De surcroît, selon l'expertise très intéressante du professeur Delvolvé, ce texte porterait atteinte à certains des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. C'est un élément très important pour la suite de nos débats.
La parole est à M. Philippe Cochet pour soutenir l'amendement n° 1059 .
Comme le rappelait M. Mariton, la France est une et indivisible. Pourquoi stigmatiser les collectivités d'outre-mer ? Leurs représentants, qui sont, me semble-t-il, majoritairement de votre sensibilité politique, s'en offusquent. Ils ne partagent absolument pas votre conception du mariage et de l'adoption. Pour eux, c'est un véritable cas de conscience.
Je vous appelle donc une nouvelle fois, chers collègues de la majorité, à invoquer votre clause de conscience et à vous affranchir des consignes de vote que vous impose le parti socialiste : libérez votre conscience ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Prenez exemple sur nos collègues d'outre-mer, qui n'ont pas la même conception de la famille que vous. Vous vous honoreriez à ne pas être à la botte d'un parti politique qui sert des intérêts, lesquels restent d'ailleurs à prouver, et une idéologie. (Mêmes mouvements.) Pensez à ce qui doit nous guider : l'intérêt de l'enfant. Le mot : « mariage » a un sens.
La majorité est aphone, elle n'ose pas s'exprimer. Est-elle en pleine introspection ? Si tel est le cas, elle trouvera peut-être, – qui sait ? –, la bonne direction à suivre.
La parole est à Mme Véronique Louwagie pour soutenir l'amendement n° 1719 .
Madame la garde des sceaux, madame la ministre, à plusieurs reprises, vous avez souligné que le projet de loi n'aurait pas d'impact sur les couples hétérosexuels. Or, il n'en est rien, et je vais vous en faire la démonstration.
Les conséquences du texte seront en effet redoutables en matière d'adoption – et il s'agit ici, non pas d'avis ou d'opinion, mais de faits. Le délégué du Kremlin aux droits de l'enfant a ainsi clairement indiqué que la possibilité accordée aux couples de l'Hexagone d'adopter des enfants russes sera réduite. Je déplore une telle orientation, mais vous ne pouvez pas contester qu'elle prouve l'impact qu'aura le projet de loi sur les couples hétérosexuels.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour soutenir l'amendement n° 1757 .
Dans sa version initiale, le projet de loi comportait dix-huit articles de coordination qui visaient à supprimer des mentions sexuées, ce que vous avez essayé de nier. Ainsi, les mots : « mari » et « femme » étaient remplacés par « époux » et les mots : « père » et « mère » par « parents », non seulement dans le code civil, mais aussi dans le code de l'action sociale, le code de la défense, le code de l'environnement, le code des impôts. Le nombre des textes qu'il faut modifier montre combien ces termes sont essentiels et combien ces références structurent notre société.
L'article 4 bis précise, sur le même modèle que l'article 4, que les dispositions législatives en vigueur, à l'exception du code civil, s'appliquent aux conjoints de même sexe lorsqu'elles font référence aux mari et femme, aux parents de même sexe lorsqu'elles font référence aux père et mère et aux conjoints survivants, lorsqu'elles font référence aux veuf et veuve.
Cette solution juridique a permis de supprimer quinze articles du projet de loi. Il s'agit d'un artifice habile, qui ôte ipso facto à l'opposition la possibilité de vous dire combien, par ce texte, vous allez fragiliser les fondements de notre société.
Les défenseurs du mariage pour tous se heurtent, ici, à la réalité juridique. Il est en effet strictement impossible de dire que le mariage, tel qu'il est actuellement défini dans le code civil, peut être ouvert sans autres conséquences juridiques aux couples de personnes de même sexe. On veut nous faire croire que dans l'ensemble de la législation existante, « père et mère » veulent dire : deux hommes ou deux femmes, pour pouvoir réaliser cette réforme à droit constant. Mais cette fiction juridique se heurte manifestement au principe de clarté et d'intelligibilité de la loi. Vous niez la réalité, vous refusez la différence naturelle, la différence sexuée. Ce texte aura pour conséquence de priver les enfants des repères qui ont été les nôtres. Belle vision progressiste de la société !
La parole est à M. Pierre Lequiller pour soutenir l'amendement n° 2238 .
L'adoption plénière, qui fait bénéficier l'enfant d'un nouvel état civil qui ne le distingue pas des autres enfants, pose un problème juridique majeur s'agissant de l'enfant d'un couple homosexuel, puisqu'elle lui donne un état civil le faisant apparaître comme né de deux personnes de même sexe. Cela va à l'encontre d'un principe essentiel du droit français de la filiation, celui de l'altérité sexuelle.
Pour rendre l'adoption plénière valide dans un tel cas, il aurait fallu réformer notre droit de la filiation, notamment l'article 310 du code civil, qui précise que tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leurs père et mère. Or, vous vous êtes refusés à le faire, car vous vouliez donner l'impression qu'il était possible de donner de nouveaux droits aux couples de personnes de même sexe sans porter, comme vous n'avez cessé de le répéter, une quelconque atteinte au droit de la filiation.
Votre approche conduira à établir un état civil spécifique pour les enfants d'homosexuels. Or, une loi ne peut à la fois faire rentrer les adultes dans le droit commun du mariage et faire sortir les enfants du droit commun de la filiation. Ce texte comporte donc de nombreux motifs d'inconstitutionnalité. Non seulement il est mauvais sur le fond, mais il est mal ficelé.
La parole est à M. François Scellier pour soutenir l'amendement n° 2541 .
On voudrait nous faire croire que le mariage tel qu'il est actuellement défini par le code civil peut être ouvert, sans autre conséquence juridique, aux couples de personnes de même sexe. Or, l'article 4 bis du texte de la commission, qui permet de supprimer quinze articles du projet de loi initial, montre bien que cette ouverture entraîne des modifications considérables, dont la constitutionnalité peut d'ailleurs être mise en cause. C'est la raison pour laquelle il y a lieu de supprimer l'article 4 bis.
J'aurai l'occasion de revenir sur l'article 4 bis. Je veux profiter de l'arrivée de notre collègue Coronado pour évoquer les propos qu'il a tenus hier soir avant la levée de la séance. J'ai en effet été choqué de la manière dont il a procédé, extrayant d'un ouvrage qui avait été utilisé par certains de mes collègues une phrase qu'ils n'ont jamais citée. Ces méthodes d'intimidation relèvent de la malhonnêteté intellectuelle, et nous les désapprouvons.
Elles me rappellent votre intervention en commission des lois, le 16 janvier dernier, lorsque vous nous avez dit que, si nos propos n'étaient pas homophobes, nos pensées l'étaient peut-être.
Nous ne supportons pas une telle intimidation. Le flicage de la parole et de la pensée, ce n'est pas notre méthode. Participez au débat sur le fond, dites-nous quelle est votre conception de la filiation et de la parenté, plutôt que d'user de méthodes intellectuellement malhonnêtes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ce sont des méthodes dignes de la Stasi ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression de l'article 4 bis ?
Les arguments que je vais exposer vaudront pour les amendements suivants.
Comme cela a été rappelé, l'article 4 bis est le second article qui comporte des dispositions d'application générale : c'est le second article-balai. Il s'applique, non pas au code civil – c'était l'objet de l'article 4 – mais à l'ensemble de la législation. Pourquoi avons-nous fait ce choix ? Ainsi que je l'ai indiqué lors de l'examen de l'article 4, il était extrêmement difficile d'envisager une coordination générale exhaustive de l'ensemble de notre droit suite à l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de personnes de même sexe.
L'article 4 bis prévoit trois cas de figure différents.
Tout d'abord, il est prévu que l'ensemble des dispositions législatives s'appliquent aux conjoints et aux parents de même sexe lorsqu'elles font référence respectivement aux mari et femme et aux père et mère, sans hiérarchie ou prérogative particulière de l'un ou de l'autre.
En revanche, l'article 4 bis ne sera pas applicable aux dispositions – nous en avons déjà parlé et cela suscitera peut-être quelques réactions de l'opposition – qui visent la femme en tant que personne du sexe féminin – par exemple lorsqu'il s'agit d'assurer l'égalité entre les hommes et les femmes – ou la mère, non pas en tant que personne ayant un lien juridique avec ses enfants mais en tant que personne qui porte l'enfant – par exemple dans les dispositions relatives au congé de maternité, au droit à l'allaitement dans le code du travail, à l'accouchement sous X ou à l'accès aux origines. Il ne s'appliquera pas non plus au père lorsqu'il est fait référence au « père de naissance », notamment dans les textes relatifs à l'accès aux origines.
Enfin, il existe un certain nombre de dispositions auxquelles l'article 4 bis ne sera pas applicable, mais qu'il est nécessaire de modifier pour permettre leur application aux couples de personnes de même sexe. Tel est le cas notamment des articles qui mentionnent le père et la mère, en faisant référence à une hiérarchie ou à des prérogatives particulières de l'un ou de l'autre. Je pense notamment aux dispositions du code de la sécurité sociale, modifié par l'article 14 du texte de la commission, relatives au congé d'adoption ou aux majorations d'assurance vieillesse.
L'article 4 bis relève de la même philosophie que l'article 4 : il vise à faire entrer les couples de personnes de même sexe dans notre droit au plan symbolique. C'est l'esprit dans lequel nous avons travaillé et il était important pour la commission de le réaffirmer.
Quant à la référence à l'article 73 de la Constitution, monsieur Mariton, elle est effectivement superflue, mais elle ne constitue pas en soi un motif d'inconstitutionnalité pour le Conseil constitutionnel.
Cette référence a été introduite à l'article 4 bis à la suite d'un échange que nous avons eu avec le ministère des outre-mer et s'explique par la mention qui est faite de l'article 74 dans le II de cet article. Sans doute cette précision permet-elle de répondre à vos interrogations.
La commission est évidemment défavorable à l'ensemble des amendements de suppression de l'article 4 bis.
La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.
Depuis plusieurs jours, vous essayez de nous faire croire que nous serions en contradiction avec la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. Je ne puis que vous conseiller de la relire intégralement et, si vous l'invoquez, de le faire sans tronquer les phrases que vous citez. Ainsi, quand vous avez cité l'article 21, monsieur Bénisti, vous n'auriez pas dû vous arrêter après les mots « Les États parties qui admettent etou autorisent l'adoption s'assurent que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération primordiale en la matière », mais également nous donner lecture de la suite : « et veillent à ce que l'adoption d'un enfant ne soit autorisée que par les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux procédures applicables et sur la base de tous les renseignements fiables relatifs au cas considéré, que l'adoption peut avoir lieu eu égard à la situation de l'enfant par rapport à ses père et mère, parents et représentants légaux (…) ».
L'opposition a déposé 442 amendements sur l'article 4 bis, en invoquant exactement les mêmes arguments que pour l'article 4 : le projet de loi nierait l'altérité sexuelle, rien de moins. Cette attitude peut s'expliquer de deux manières : soit l'opposition poursuit sa stratégie de ralentissement du débat, soit elle est de bonne foi, auquel cas elle aurait vraiment manqué de vigilance au cours des législatures précédentes. En effet, cela fait très longtemps que le terme « parent » supplante ceux de « père » et de « mère » dans notre droit. Dans le code de l'action sociale et des familles, par exemple, le terme « parent » apparaît 132 fois, contre 47 fois seulement pour le terme « mère » et 38 fois pour le terme « père ». On constate la même prééminence dans le code de la sécurité sociale et dans le code de la santé publique.
Pour finir, je constate que M. Salen a déposé un amendement n° 1275 , visant à supprimer l'article 4 bis. Peut-être a-t-il oublié qu'à la fin de la précédente législature il a été le rapporteur, pour la commission des affaires sociales, d'une proposition de loi qu'il avait déposée avec plusieurs de ses éminents collègues, particulièrement actifs dans notre débat – notamment MM. Le Fur, Gosselin et Meunier. Adoptée dans l'enthousiasme le 25 janvier 2012, cette proposition de loi était intitulée « Proposition de loi visant à permettre le don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade ». Sur la base de cette constatation, j'ai tendance à penser que l'attitude de l'opposition s'explique par la première hypothèse que j'ai formulée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous remercie de me donner la parole, madame la présidente, d'autant que je pense l'avoir mérité, compte tenu de mon assiduité depuis le début de ce débat.
Après ces quelques heures de repos, j'ai vraiment le sentiment, ce matin, que plus nous avançons, plus nous détricotons le code civil et, plus largement, le droit français. J'ai eu la chance d'être élevé par un père magistrat, qui m'a appris que chaque phrase, chaque mot, chaque virgule avait un sens, et que la moindre imprécision pouvait avoir des conséquences néfastes sur toutes les décisions rendues ensuite par la justice. Je plains donc les magistrats qui auront à appliquer ce texte. Le jour où il nous faudra revenir sur ces dispositions – ce qui me paraît inéluctable –, j'espère que vous vous souviendrez des amendements que nous avions déposés.
Il nous est soumis une série d'amendements visant à supprimer l'article 4 bis, qui a pourtant son utilité pour préciser l'application de certaines dispositions, en particulier de la disposition interprétative introduite par la commission.
Monsieur Mariton, si vous avez formulé des observations parfaitement fondées, vous n'avez cependant pu vous empêcher de faire un procès d'intention au Gouvernement qui, selon vous, se livrerait à une provocation compte tenu de la position de certains parlementaires. En réalité, il n'y a aucune provocation, pour la bonne et simple raison que le texte dont nous débattons est issu des travaux de la commission – à laquelle vous avez participé, monsieur le député. Pour autant, je ne me désolidarise pas de la disposition que vous critiquez. Lorsque j'ai rappelé à certains parlementaires que nous travaillions sur le texte de la commission, résultant des choix faits par ses membres, on m'a déjà accusée de prendre mes distances. Non, je ne fais que rétablir la vérité : en vertu du règlement de l'Assemblée, nous travaillons sur le texte de la commission. Vous ne pouvez donc pas accuser le Gouvernement d'avoir fait de la provocation au sujet d'une disposition qui ne vient pas de lui.
Pour le reste, les arguments que vous avez exposés sont pertinents, et nous aurons l'occasion d'y revenir quand nous débattrons d'amendements que vous avez déposés. Pour ce qui est des amendements de suppression de l'article 4 bis, le Gouvernement a émis un avis défavorable, en réaffirmant sa solidarité totale avec les travaux de la commission.
Sur l'amendement n° 98 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François Vannson.
Madame la présidente, je crois que nous ne devons pas renoncer à attirer, une nouvelle fois, l'attention de la représentation nationale sur les dangers d'un texte qui remet en cause les éléments fondateurs du mariage, à savoir l'altérité des sexes et la présomption de paternité. Demain, l'application de ce texte va se traduire par des inégalités entre les enfants adoptés de parents hétérosexuels et ceux adoptés de parents homosexuels, des inégalités qui seront source de contentieux.
Par ailleurs, en termes de droit international, les étrangers de même sexe qui vont se marier en France et adopter des enfants dans le cadre de tel ou tel dispositif vont se trouver dans une situation juridique incertaine lorsqu'ils décideront de retourner dans leur pays d'origine, avec le risque de devoir faire face à des recours.
Enfin, madame la ministre, je veux attirer votre attention sur l'aspect irréversible de ce texte. Nous avons le sentiment d'examiner un texte qui s'apparente à un fusil à un coup : notre démocratie est ainsi faite qu'une fois qu'il aura été adopté, nous ne pourrons plus revenir en arrière.
Il sera très difficile à une représentation nationale dominée par une autre majorité que celle d'aujourd'hui de revenir en arrière : nous n'allons pas, du jour au lendemain, démarier les couples ou reprendre à des parents d'enfants adoptés leur titre de parents. Je le répète, nous vivons des heures graves, qui ne seront pas sans conséquences pour l'avenir. Il n'est pas trop tard pour prendre les dispositions qui s'imposent, mes chers collègues – en réexaminant, pourquoi pas, ce texte après davantage de débats.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n° 3036 .
Nous avons posé hier trois questions portant sur la rédaction des livrets de famille, des états civils, et l'ouverture éventuelle du PACS aux mineurs, des questions qui, à l'heure où je parle, n'ont pas obtenu de réponse. Plus généralement, il est évident que les conséquences du texte que nous examinons, notamment du fait de l'application de la méthode « balai » aux articles 4 et 4 bis, ouvrent la porte à un certain nombre de réalités que sont la remise en cause ou l'affaiblissement de la présomption de paternité, ainsi que le traitement de la multiparenté.
Bref, les questions que nous avons posées à l'article 4 se posent de la même manière à l'article 4 bis.
Défavorable.
(L'amendement n° 3036 n'est pas adopté.)
Je veux d'abord dire que la multiparenté, évoquée à l'instant par M. Poisson, n'est pas de la fiction. Ainsi une dépêche nous apprend-elle, aujourd'hui, qu'un juge du comté de Miami vient d'autoriser l'adoption d'une petite fille par trois personnes, à savoir un couple de femmes et un homme.
Chez nous, cela reste de la fiction !
Dès lors que l'on s'éloigne des schémas familiaux ordinaires, on entre dans des schémas qui affaibliront la présomption de paternité, la notion d'héritage et nombre d'autres éléments importants de la vie de notre société.
L'amendement n° 2247 a simplement vocation à mettre le rapporteur en cohérence avec lui-même. Je lui reconnais l'honnêteté d'avoir assumé que la référence aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 était superfétatoire – cela dit, si elle est superfétatoire, il vaut mieux la retirer, monsieur le rapporteur !
Je souhaite poser à nouveau à Mme la garde des sceaux une question qui lui a déjà été posée hier, à savoir pourquoi la circulaire relative à la GPA portait la mention « Hexagone ». Ma question est tout à fait directe et innocente : je ne comprends pas ce qui justifie que l'on déroge à l'usage, en vigueur jusqu'à présent, d'utiliser le terme de « métropole ». S'agit-il de marquer une nouvelle distinction entre la métropole et l'outre-mer ? La nouvelle terminologie a-t-elle vocation à faire jurisprudence au ministère de la justice ? Plus largement, l'administration française est-elle condamnée à s'interdire l'emploi du terme « métropole » utilisé jusqu'à présent, y compris par le Président de la République, qui envoie ses voeux à ses concitoyens de métropole et d'outre-mer ?
De la même manière que nous avons pu apparaître, il y a quelque temps, un « s » au mot « outre-mer » – ce qui n'était pas une idée très heureuse –, va-t-on voir le mot « hexagone » supplanter définitivement celui de « métropole » ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Est-ce le cas, et peut-on imaginer qu'une disposition alors superfétatoire peut être abandonnée ?
La commission peut émettre un avis favorable à votre amendement n° 2247 , monsieur Mariton (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à la condition de le sous-amender, comme je vous en fais la proposition avec le sous-amendement n° 5395 .
Le fait de supprimer, comme vous le faites, à l'alinéa 1 de l'article 4 bis, les mots « métropolitaine ainsi que dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution », peut sous-entendre que les collectivités relevant de l'article 74 ne sont pas en France, ce qui certainement pas votre intention. Je vous propose que les mots « en France » fassent partie des mots à supprimer du premier alinéa de l'article 4 bis, qui serait donc ainsi rédigé : « I. – L'ensemble des dispositions législatives en vigueur, à l'exception des dispositions du code civil, s'applique également : »
Sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 5395 , la commission est favorable à votre amendement n° 2247 .
Je pense qu'il faut le savourer.
Le rapporteur, explicitement et courageusement, le Gouvernement, avec beaucoup plus de prudence, reconnaissent qu'il y avait quelque chose de superfétatoire et, sur le principe, d'assez périlleux, dans la rédaction issue des travaux de la commission. Voilà qui en effet pouvait justifier les dizaines d'heures de débat que nous venons de vivre, au moins pour permettre d'assurer la cohérence de l'organisation de la République, de la métropole, de l'outre-mer, en particulier des collectivités d'outre-mer couvertes par l'article 73 de la Constitution, une cohérence à laquelle nous sommes tous attachés : le rapporteur envisage de soutenir un amendement de votre serviteur. Si je peux me permettre de personnaliser les choses, un amendement Mariton va être voté par l'Assemblée au cours de ce débat – peut-être ne devrais-je pas le dire, par superstition (Sourires) –, si nos collègues ne poussent pas la malice jusqu'à contredire le rapporteur exprès. Je ne sais pas quel sera l'avis du président de la commission, mais je dois vous avouer que je ne m'y attendais pas. J'en suis ravi. J'accepte le sous-amendement de M. le rapporteur.
Évidemment, de fait, la commission n'a pas étudié le sous-amendement, mais il va de soi que la puissance de conviction d'Hervé Mariton ne peut pas être prise en défaut et, après onze jours de vie commune, nous sommes saisis par la grâce et donnons un avis favorable. L'ensemble des collègues qui comprennent l'intérêt juridique de cet amendement voteront naturellement avec un plaisir non dissimulé le sous-amendement du rapporteur pour avoir enfin la possibilité de voter un amendement déposé par M. Mariton.
Je souligne d'ailleurs que, depuis onze jours, sur la défense de tous ses amendements, celui-ci a l'incroyable énergie de présenter à chaque fois une argumentation différente, ce qui, n'étant pas un fait si courant, mérite d'être salué.
Nous sommes à un moment de grande concorde à l'Assemblée nationale.
Monsieur Mariton, comme de toute façon il vous faut chercher querelle au Gouvernement, vous trouvez toujours une accroche, un angle d'entrée, une emprise…
Oui, c'est juste que vous cherchiez querelle au Gouvernement… Ce n'est pas juste, c'est exact.
Je vous le répète, mais pas pour me désolidariser de la commission. Je réaffirme que le travail de la commission a été de très grande qualité ; ce travail, c'est vous, les parlementaires, qui le faites, c'est vous qui votez le texte. Par conséquent, le Gouvernement n'est pas l'auteur de cette disposition.
J'ai dit sans faire d'effort que votre observation était pertinente. Je vous crois trop perspicace pour avoir besoin de dizaine d'heures pour démontrer l'utilité d'une observation pertinente ; vous dites en effet que les dizaines d'heures de débat ont été utiles pour aboutir à cela. Je ne vais pas vous submerger de compliments, monsieur Mariton, vous-même demanderiez grâce. (Sourires.)
Ce n'est pas ce que vous disiez hier ! Je vous dénoncerai publiquement, si vous m'y contraignez.
Monsieur Mariton, vous faites une autre observation au sujet de la circulaire quant à l'emploi des mots « métropole » et « hexagone ». C'est une discussion que nous pouvons avoir de façon très honnête, très libre, et probablement très intéressante. Les termes sont marqués. S'il est exact que le terme « métropole » est plus fréquemment utilisé, il est tout aussi exact qu'il relève totalement du vocabulaire de l'empire colonial. La métropole désigne, d'une part, la grande ville, et, d'autre part, la France métropolitaine par opposition aux colonies. Cette dernière référence apparaissait dans tous les textes de loi où il était question de métropole, dans tous les discours politiques et dans le langage courant ; la métropole est un concept totalement lié à l'empire colonial, et ce, je le répète, indépendamment de la métropole comme grande ville.
Ce terme continue d'être utilisé, mais sans être contesté il peut être interrogé. Depuis environ une quinzaine d'années, le terme « hexagone » est employé, certes moins fréquemment que celui de « métropole », mais de plus en plus. On ne le trouve pas dans des textes de droit en tant que tel, mais il apparaît dans les textes à caractère juridique et les discours politiques. Je ne sais pas si ce mot tendra à s'imposer ni combien de temps cela prendra, mais il n'y a pas là un sujet de tension ou de friction.
S'agissant du sous-amendement, il me paraît indispensable, tout comme l'amendement. Sous réserve que l'Assemblée adopte le sous-amendement, le Gouvernement émettra un avis favorable à votre amendement, monsieur Mariton, parce que l'argumentation que vous avez présentée est parfaitement fondée.
(Le sous-amendement n° 5395 est adopté.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 93
Contre 0
(L'amendement n° 2247 , sous-amendé, est adopté.)
L'amendement est adopté à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, je veux remercier le Gouvernement, le président de la commission des lois et le rapporteur de la sagesse dont ils ont fait preuve pour faire en sorte que la loi soit claire et cohérente avec l'organisation de nos institutions.
Madame la ministre, ce que vous venez de dire sur l'emploi des termes « hexagone » et « métropole » est évidemment une déclaration politique majeure. Il est vrai que le président Valéry Giscard d'Estaing avait, en son temps, largement utilisé l'expression « hexagone » et c'est l'un de ceux qui l'ont le plus employée ; d'ailleurs, ce n'est pas nécessairement, tout giscardien que j'aie été – dans ma tendre jeunesse –, la manière la plus élégante de désigner notre pays.
Oui, en effet.
Pouvez-vous m'expliquer, dans ce cas ? Vous dites que le mot « métropole » a une connotation coloniale que le mot « hexagone » n'a pas.
M. le Président de la République, – du moins je le pense, mais on pourrait reprendre le texte au besoin – lorsqu'il a adressé ses voeux aux Français le 31 décembre dernier au soir, les a adressés aux Français de métropole et d'outre-mer.
Et de l'étranger !
Il a ensuite, à l'occasion d'une émission sur France Ô, adressé ses voeux spécifiquement à nos concitoyens d'outre-mer. Voulez-vous donc signifier que chaque fois que M. le Président de la République adresse ses voeux aux Français de métropole et d'outre-mer, l'utilisation du terme de « métropole » est une référence coloniale ? On pourrait en dire de même du Gouvernement, car on ne peut pas imaginer que chaque ministère ait sa terminologie, à plus forte raison – éminemment – s'il s'agit du vôtre : vous êtes garde des sceaux, ministre de la justice.
Cela veut-il dire que, demain, dans la suite du raisonnement politique que vous venez de rappeler, le terme « métropole » sera proscrit et celui d'« hexagone » s'imposera systématiquement ? C'est tout de même une question majeure. Nous devons être éclairés sur ce point. L'usage est en effet de parler de métropole ; est-ce que l'usage change, dans ce cas nous devons nous y conformer, ou est-ce qu'il est maintenu, et alors ceux qui le respectent souffrent le procès d'expression coloniale que vous avez souligné, madame la ministre ?
Je souligne simplement que cette intervention n'avait rien à voir avec le déroulement de la séance.
Je crains qu'emporté par son succès récent, M. le ministre Mariton ne se laisse aller à quelques sophismes qui ne sont pas indispensables.
Monsieur Mariton, en évoquant M. Giscard d'Estaing, vous renvoyez l'usage du terme « hexagone » à une époque plus lointaine encore que je ne le fais puisque j'ai mentionné une quinzaine d'années. Je l'ai dit dans mon propos tout à l'heure : les mots ont leur sens, ils ont leur période de naissance, ils portent leur contenu. J'ai toutefois ajouté que le mot métropole est le plus fréquemment utilisé et qu'on peut avoir un débat intellectuel sur ce point. Vous voulez quant à vous en faire un débat politique…
…et un point de divergence entre la présidence de la République et la chancellerie ; il n'y en a pas ! Les termes ne sont pas utilisés – je l'ai dit moi-même – indifféremment, ni en termes de constance ni en termes de contenu. Pour tout vous dire, je considère que le terme « hexagone » renvoie à une conception à la fois physique et géographique ; je ne trouve pas que c'est le mot le plus heureux sur le plan musical. Toutefois les deux termes sont utilisés, ne venez donc pas nous faire une démonstration rhétorique à laquelle vous donnez, par extension, une signification politique. N'inventez pas un problème qui n'existe pas !
Le mot métropole a une histoire, comme tous les mots ont une histoire, comme « principe de précaution » a une histoire, une histoire qui fait que quand vous l'introduisez dans un texte comme le nôtre, vous transportez quelque chose d'extrêmement contestable. J'enfonce une porte ouverte en vous disant que les mots ont une histoire. N'inventez donc pas des histoires parce que les mots ont une histoire !
La parole est à M. Erwann Binet pour soutenir l'amendement n° 5254 rectifié .
Favorable.
(L'amendement n° 5254 rectifié est adopté.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n° 3037 .
Du fait que nous sommes vendredi, il n'est pas interdit d'espérer qu'un amendement de M. Poisson puisse être adopté. (Sourires.) Je laisse cette décision à la sagacité de notre assemblée.
Je reviens sur l'argument que je développais tout à l'heure au sujet de l'article-balai : monsieur le rapporteur, vous avez expliqué voilà quelques instants dans une de vos interventions sur un amendement que vous aviez choisi cette méthode parce qu'il n'était pas possible de modifier les occurrences une par une. Ai-je bien compris ce que vous avez dit ?
Je suis un peu surpris parce que, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, vous aviez le choix entre la méthode que vous utilisez maintenant et celle que vous avez décrite tout à l'heure en la qualifiant de difficile. De mon point de vue, cette dernière eût été beaucoup plus précise sur le plan du droit.
Ce que nous disons depuis maintenant quelques heures, c'est que la méthode de l'article-balai a certes l'avantage de couvrir l'ensemble du champ, mais qu'elle le fait parfois de manière inutile – cela a été montré pour un grand nombre d'articles du code civil au cours des débats de la nuit dernière, d'hier et d'avant-hier – et en introduisant des imprécisions et des risques juridiques, en particulier sur la question de la parenté multiple. Je m'étonne donc que, bien que l'exercice eût été difficile, vous n'ayez pas choisi une telle méthode, que j'aurais bien entendu contestée sur le fond puisqu'elle n'aurait en rien modifié l'esprit du texte, mais qui aurait été sur le plan juridique, matériel, beaucoup plus précise. Cela pose à nouveau la question de la méthode choisie pour écrire ce projet de loi.
(L'amendement n° 3037 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Nous en venons à une nouvelle série d'amendements identiques. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l'amendement n° 2460 .
Je voudrais revenir sur les propos précédemment échangés entre notre collègue Mariton – il le fera sans doute lui-même par la suite – et Mme la garde des sceaux.
C'est vrai que les mots ne sont pas neutres. Chaque terme a, en principe, un sens, mais on cherche actuellement, avec les articles 4, 4 bis et les autres, à nous faire perdre le sens des mots. Au demeurant, c'est le principe même de l'article-balai : on ne veut plus dire « père et mère » donc on adopte une formule qui ramasse l'ensemble mais, en réalité, les textes sont précis. On ne peut pas non plus heurter de front la réalité juridique. Le mariage n'est pas la carte Navigo ! Ce n'est pas comme on veut, quand on veut. On ne peut pas l'ouvrir à d'autres types de couples que les couples hétérosexuels sans le détruire ou lui faire perdre radicalement sa substance.
Cela affaiblit l'ensemble de l'institution.
Les mots, disais-je, ont une importance ; quand on parle de l'« hexagone », de la « métropole » et de l'« outre-mer », cela a un sens particulier. Il serait important – mais je pense qu'Hervé Mariton y reviendra – de connaître les instructions qui seront données aux fonctionnaires dans le cadre d'une circulaire. Dira-t-on que cette circulaire s'adresse à la métropole et aux outre-mers, ou à l'hexagone et aux outre-mers ? Ce n'est pas la même chose.
Il serait intéressant de savoir quel est le point de vue et, le cas échéant, les connotations, voire les affects que l'on met derrière les mots.
Je veux bien admettre, en effet, que les mots expriment aussi des points de vue et des sentiments ; de fait, ils sont rarement neutres ; on n'emploie pas indistinctement l'un ou l'autre. À cet égard, nos échanges sur ce projet de loi sont peut-être aussi l'occasion de redonner de la précision – notamment quand il s'agit de la justice, avec les implications que cela peut avoir –, en métropole comme en outre-mer.
Je développerai la même argumentation que mon collègue : M. Gosselin a parfaitement expliqué que c'est toujours la même méthode qui est à l'oeuvre, une méthode qui crée des problèmes auxquels nous ne voyons pas le début d'une solution.
Les mots ont un sens ; le débat que nous avons eu sur les mots « métropole » et « hexagone » n'est pas simplement anecdotique.
Il vous fallait de la matière pour ce matin !
Si vous évoquez l'« hexagone », vous oubliez une partie de nos compatriotes, à savoir les Corses. Yves Albarello et moi-même avons été choqués, de même, sans doute, que beaucoup de ceux qui nous écoutent. Quitte à parler d'« hexagone », il faudrait dire « l'hexagone et la Corse » – je vous épargne les îles bretonnes, dont je pourrais vous donner la liste. (Sourires.)
À l'évidence, ce n'est pas la même chose. Utilisons donc le mot « métropole », qui est le terme adéquat ; il a un sens et est d'ailleurs utilisé très largement par nos compatriotes de l'outre-mer.
Cela dit, je voulais évoquer quelqu'un qui se lève contre votre projet de loi, en particulier contre ce qui concerne la famille – je m'adresse donc plus particulièrement à Mme la ministre déléguée chargée de la famille. Il s'agit de Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat très connu, spécialisé dans les questions de famille, qui président du tribunal pour enfants de Bobigny. Il est également très marqué à gauche.
Eh bien, écoutons ce que dit sur le sujet quelqu'un qui a croisé des enfants brisés par les troubles familiaux qu'ils ont subis : « Je suis opposé à la reconnaissance de deux pères ou de deux mères et à la disparition de la référence au biologique : si demain des personnes veulent élever ou concevoir un enfant à trois, comment le leur refuser ? »
Vous nous riez au nez quand nous vous le disons ; écoutez au moins vos amis, ceux qui ont la même sensibilité politique que vous !
La même personne ajoute : « Concrètement, il n'y a pas d'enfants à adopter en France. Et l'adoption internationale va être globalement très compliquée pour les couples homosexuels. »
Cela aussi nous le disons, mais, pour vos oreilles, nos mots ne sont pas pertinents. Écoutez au moins ce magistrat dont chacun connaît la sensibilité, mais dont je voulais saluer aussi, en cette occasion, l'honnêteté et le courage. («Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Avec cet article 4 bis, nous restons dans la logique de l'article-balai, lequel visait à résoudre la difficulté, à nier l'altérité sexuelle dans le mariage comme dans la filiation.
Tout à l'heure, notre collègue M. Mariton évoquait une affaire récente en Floride. Ce cas est intéressant car il montre bien que nos débats actuels ne sont pas totalement abstraits. Vous évoquez de prétendues avancées. Eh bien, il faut que nous voyions leurs conséquences.
Je voudrais aller un peu plus loin en détaillant cette affaire intervenue en Floride. Un juge du comté de Miami s'est prononcé en faveur de l'adoption d'une petite fille de vingt-deux mois par trois personnes : un couple de femmes mariées et un homme homosexuel. Le magistrat a décidé que les noms des trois parents seraient inscrits sur le certificat de naissance de l'enfant : celui du père biologique qui a fourni le sperme avec lequel a été faite l'insémination artificielle, et ceux des deux mères.
Cette décision de justice met fin à une procédure de près de deux années entre les deux femmes, âgées respectivement de 43 ans et 38 ans, et le père biologique, autrefois ami du couple.
Les plaignantes faisaient valoir qu'un accord verbal avait été passé avec le donneur, aux termes duquel l'enfant ainsi conçu serait adopté par la deuxième mère et élevé par les deux femmes. Mais, peu après la naissance, le père biologique avait fait savoir qu'il entendait voir sa paternité reconnue et qu'il ne souhaitait pas être un simple donneur de sperme.
Bien sûr, au vu de l'état de notre droit, nous n'en sommes pas là. Telle n'est pas la question. Il s'agit simplement de dire que, quand on nie l'altérité sexuelle, quand on « bidouille » des procréations, on en arrive à des cas comme celui-là. En effet, derrière le prétendu principe d'égalité que vous invoquez, il y a des réalités humaines ; il y a des personnes ayant des attentes, des désirs ou des besoins, mais le rôle de la société est de savoir leur dire non.
Je voudrais donc connaître l'avis du rapporteur et du Gouvernement sur ces cas. Quelle est, concrètement, votre position ? Quelles limites allez-vous mettre dans notre droit pour que nous ne connaissions pas de telles décisions de justice ?
Cet amendement est, au fond, une manière de dire que nous ne sommes pas favorables à cet article,…
…auquel nous essayons de soustraire quelques parties.
C'est l'occasion pour moi de demander au Gouvernement comment il envisage le rapport entre l'article 4 bis, qui étend les mesures à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques et l'article 23, lequel amène à appliquer les dispositions du présent texte « en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises », mais seulement pour les « articles 1er à 4 et 22 », ce qui exclut l'article 4 bis.
Je dois dire – mais le Gouvernement ou la commission m'apporteront sans doute des explications – que j'ai quelques difficultés à comprendre comment s'articulent l'article 4 bis et l'article 23. Au demeurant, ce dernier pose un certain nombre de questions de fond, comme l'avait souligné notre collègue M. Fritch en commission des lois : des concertations ont-elles eu lieu avec les assemblées des territoires visés par cet article ?
Je devine dans les propos de M. Mariton une tentative pour que nous ayons un accord sur une autre de ses suggestions, mais je ne crois pas que ce sera le cas.
En ce qui concerne votre question très pertinente, l'article 23 concerne l'ouverture du mariage et de l'adoption, tandis que l'article 4 bis en aborde les conséquences en matière de coordination dans la législation. Il s'agit donc de deux niveaux distincts.
Il y a donc d'un côté le sujet qui nous préoccupe directement, à savoir l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe pour ces collectivités – c'est l'article 23 – et, de l'autre, les conséquences, avec l'article 4 bis.
Pourquoi les conséquences seraient-elles nécessaires pour les uns mais pas pour les autres ?
Nous y reviendrons, monsieur Mariton, mais je crois avoir été clair : on n'est pas du tout au même niveau législatif.
Ces amendements sont les premiers d'une série de 297 par laquelle vous souhaitez soustraire une à une de leur application aux couples de même sexe et aux familles homoparentales les dispositions de notre droit français. Cela va évidemment à rebours de la volonté de la majorité et du Gouvernement. Au nom du principe d'égalité, nous voulons qu'il y ait les mêmes droits et les mêmes devoirs pour toutes les familles et pour tous les couples, qu'ils soient composés de personnes de sexe différent ou non.
L'ensemble de ces amendements ne correspond évidemment pas à ce souci d'égalité. Il s'agit, dans la logique de ce que vous nous dites depuis le début de ces discussions – notamment sur l'article 4 –, d'établir une distinction entre les différents types couples et de familles. C'est précisément ce que nous ne voulons pas. La commission est donc défavorable à ces amendements, comme elle le sera aux suivants.
Ces amendements identiques visent l'article 211-6 du code de l'action sociale et des familles, lequel ne fait aucune mention des mots « mari », « femme », « père » ou « mère ».
Je rappelle donc que, dans le code de l'action sociale et des familles, le terme « parents » apparaît 132 fois, contre seulement 47 pour celui de « mère » et 38 fois pour celui « père ».
Vous nous saisissez donc d'un amendement qui n'a aucun rapport avec votre argumentation.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques.
Nous entamons l'examen d'une série d'amendements qui ont pour objet de rendre inefficace la disposition-balai dans le code de l'action sociale et des familles.
Comme vient de le dire très justement Marie-Françoise Clergeau, l'article 211-6, relatif aux conditions de constitution des unions locales d'associations familiales dans le département, ne mentionne à aucun moment les mots « père » et « mère ». La question ne se pose donc même pas. Avis défavorable.
Permettez-moi, madame la ministre, de dire mon étonnement. Je vous ai posé deux fois une question. Or vous n'avez jamais daigné me répondre, fût-ce d'un simple petit mot ou en me disant : « Circulez, le Conseil constitutionnel répondra. »
Je m'étonne donc, car l'intérêt de ces discussions est tout de même de pouvoir aller au fond. Que nous répondez-vous au fond sur le problème qui a été soulevé par des juristes compétents sur la constitutionnalité, au regard de l'article 310 du code civil, de l'ouverture de l'adoption plénière pour les enfants de couples homosexuels ? Il y a là un vrai problème de cohérence qui nous pose question. Nous vous le démontrons, par ailleurs, au moyen d'un certain nombre de cas concrets – j'en ai évoqué moi-même et j'ai eu l'occasion d'entendre à la radio une démonstration assez étonnante de ce qui peut d'ores et déjà se passer.
Essayez donc de nous répondre concrètement sur ce point, car nous avons l'impression, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire sur d'autres sujets, que vous fuyez, habilement, je dois l'avouer, les vraies questions – je veux parler de la PMA ou de l'article-balai, qui est un moyen extrêmement habile d'éviter des interrogations et des problèmes de cohérence juridique. Vous fuyez de nouveau une question qui vous est posée de façon répétée. Madame la ministre, répondez, s'il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l'amendement n° 2461 .
J'en reviens, à travers cet amendement, aux difficultés qu'il y a à ne pas vouloir dire les choses.
Si, en termes de communication et d'affichage, le mariage pour les personnes de même sexe veut dire quelque chose, il n'est pas possible, en réalité, de l'organiser juridiquement, compte tenu de notre législation et de la manière dont elle est appliquée aujourd'hui aux couples hétérosexuels.
Essayer de faire autrement, c'est subvertir de l'intérieur le mariage, lequel, encore une fois, n'est pas un simple contrat ou la reconnaissance de l'amour entre deux personnes de même sexe, que, répétons-le, personne ne conteste. On modifie la nature du mariage – il est important de le rappeler une nouvelle fois. On ne peut pas ouvrir le mariage à d'autres catégories de couples sans le détruire ou lui faire dire radicalement autre chose que ce qu'il dit aujourd'hui ; c'est une modification substantielle.
Dans le domaine juridique, la conséquence est la suivante : si l'on veut faire croire que « père » et « mère » signifient « deux hommes », tout en restant à droit constant, on butte nécessairement – cet article 4 bis en est la preuve – sur des dispositions où cette assimilation n'est pas possible.
En les excluant, vous créez une discrimination réelle, afin de cacher le désir de supprimer une discrimination rêvée. Cela ne laisse pas d'interroger. L'amendement est défendu.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n°2596 .
Je remercie d'avance Mme la rapporteure pour avis de bien vouloir nous expliquer en quoi l'amendement précédent introduit une discrimination, eu égard au fait que les mots visés à l'article 4 bis ne se trouvent pas dans l'article L. 211-6 du code de l'action sociale et des familles. Retirer cet article du « balayage » prévu à l'article 4 bis n'emporte aucun effet discriminatoire, ou alors nous ne nous comprenons pas bien. J'aimerais avoir son sentiment sur ce sujet.
Avec l'application de l'amendement-balai, une incertitude pèse sur le fait de savoir s'il faut, dans le deuxième alinéa de l'article 221-4 du code de l'action sociale et des familles, entendre « parents » à la place de « père et mère », dans la mesure où l'on ne sait pas combien ils seront à terme.
Mme Bertinotti, qui se lève lorsqu'il s'agit de questions portant sur la famille, répondra peut-être aux propos du juge Jean-Pierre Rosenczveig, l'un des plus grands spécialistes de droit de la famille, chargé de ces questions dans un lieu, le tribunal de Bobigny, réputé pour ne pas être simple.
Ce propos est en lien direct avec notre débat, puisque nous évoquons la famille, les responsabilités du conseil général et les responsabilités du juge dans ce domaine : « La conception d'un enfant via la procréation médicalement assistée ou la gestation pour autrui suit donc inéluctablement. » C'est ce que nous disons. Il poursuit : « L'insémination avec donneur et la GPA posent la question de la filiation biologique. » C'est ce que nous disons. Il demande encore : « Le spermatozoïde ou l'ovule ne sont-ils que de la matière ou un élément de vie ? » La question est parfaitement posée. « En bon laïque, j'ai tendance à penser qu'ils ne sont pas n'importe quoi. » Nous ne sommes pas dans du matériel génétique, mais dans un élément constitutif de la vie. Il déclare encore : « Qu'advient-il de cette vie intra-utérine dont les psys nous serinent l'importance depuis des décennies ? » La GPA ne pose pas seulement la question de l'échange d'argent contre la vente ou la location d'un ventre, mais aussi celle de la vie intra-utérine, celle de l'enfant lorsqu'il est porté par la mère qui l'accueille, alors qu'il n'est pas directement le sien. « Une femme peut-elle se réduire à son utérus ? », conclut le magistrat.
J'espère, madame la ministre de la famille, que vous réagirez aux propos de celui qui est le juge le plus compétent sur les questions de famille, et qui, de plus, est l'un de vos amis politiques.
Le rapporteur a annoncé par avance que la commission émettrait un avis défavorable sur la présente série d'amendements. Cela montre combien le dialogue est difficile depuis plusieurs jours. Je regrette, une nouvelle fois, l'absence d'un débat public et citoyen.
Je voudrais, à ce propos, rappeler les résultats d'un sondage paru hier : 61 % des maires – 36 % des maires de gauche et 45 % des maires divers-gauche – souhaitent que le Gouvernement suspende l'examen du projet pour laisser la place au débat.
Les maires vont se retrouver en première ligne pour appliquer et mettre en oeuvre les dispositions des différents codes. L'attente est très forte. Je vous appelle à aller au fond des choses dans cet hémicycle, à ouvrir un débat dans la société, et non à le fermer comme vous le faites depuis plusieurs jours.
Madame la rapporteure pour avis, vous vous êtes exprimée à plusieurs reprises pour souligner que, dans le code de l'action sociale et des familles, le mot « parents » figurait à plusieurs reprises. Vous avez même expliqué qu'il avait supplanté ceux de « père et mère ». « Supplanté » est un terme assez dur et inexact, dans la mesure où il s'agit juste d'une plus grande occurrence.
Sans doute le débat d'aujourd'hui est-il l'occasion de mettre les choses au point. Le législateur, de gauche ou de droite, a adopté – à tort – une approche indistincte, remplaçant dans certains cas les termes de « père » et de « mère » par celui de « parents ». Peut-être considérait-il que c'était là pure commodité. Mais cela s'est transformé en approche idéologique. Il nous faudra probablement insister pour que les termes de « père » et de « mère » soient maintenus dans cette loi et réécrire un certain nombre d'autres textes de la République afin d'énoncer cela de manière plus claire.
Il était évident pour tout le monde que « parents » signifiait « père et mère », mais comme certains veulent désigner par le mot de « parent » une réalité différente, il faudra sans doute être plus précis demain dans la loi de la République et écrire à nouveau « père et mère ». Oui, il y a eu une faiblesse lexicale, qui s'est transformée en faiblesse idéologique. Aujourd'hui, nous ne sommes plus faibles du tout !
Défavorable.
Je voudrais revenir sur l'esprit des articles 4 et 4 bis, qui donnent lieu à des suppressions de mentions et à des remplacements de termes dans le code civil. Comme on a pu le constater lors des débats, cela entraîne des imprécisions et une complexification de la lecture de celui-ci. Les conséquences sur le code civil sont considérables et donnent lieu à des bouleversements juridiques, dont je doute que nous ayons mesuré tous les effets.
Je reviendrai sur le cas de l'obligation alimentaire, prévue à l'article 206 du code civil, lequel date de 1803. Avec l'application de l'article-balai, nous créons une obligation alimentaire pour les gendres et les belles-filles des couples de même sexe. L'impact est donc important. Nous nous focalisons beaucoup sur les couples, mais pas sur tous les effets concernant les descendants, notamment les gendres et les belles-filles.
(Les amendements identiques nos 2461 , 2596 , 3285 , 3918 et 5197 ne sont pas adoptés.)
Nous en venons à une nouvelle série d'amendements identiques.
La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l'amendement n° 2464 .
Après ces précisions sémantiques, je voudrais revenir aux arguments d'inconstitutionnalité. J'ai dit qu'un certain nombre de principes étaient violés, notamment l'ordre public international, comme deux arrêts de la Cour de cassation du 7 juin 2012, se fondant sur l'article 310 du code civil, l'ont démontré. J'ai aussi rappelé que le préambule de la constitution de 1946 évoquait la mère et son rôle particulier.
S'agissant des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, le professeur Delvolvé a mis en avant une difficulté sur laquelle il faudra revenir. Depuis des générations et l'origine du code civil, les termes de « père et mère » et de « mari et femme » sont constamment reconduits et reconnus par les régimes et les républiques successifs. Pierre Delvolvé démontre brillamment qu'il y a dans cette altérité un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Autrement dit, ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe serait possible, à condition de modifier auparavant la Constitution. Le Président de la République souhaite convoquer le Congrès pour réformer les institutions, peut-être devra-t-il aussi se poser cette question ?
Je reviens sur les propos de quelqu'un que vous aduliez naguère, aux positions duquel vous adhériez lorsqu'il proposait que l'on sorte les délinquants de prison et que l'on naturalise un certain nombre de gens, et qui, aujourd'hui, vous choque.
Voici donc ce que dit le juge Rosenczveig, chargé des enfants : « Le Gouvernement aurait pu proposer une union civile, indépendante des questions de parentalité. Le projet de loi actuel débouche de toute façon sur une remise en cause des filiations, la filiation étant en effet plurielle. Il faut distinguer la parentalité génétique, gestatrice, sociale, juridique et affective. » Tels sont les bouleversements que vous nous proposez. Chacun d'entre nous est un mille-feuille, chacun doit écouter des propos de cette nature et y réfléchir. Monsieur le rapporteur, je suis quand même surpris que le juge qui traite le plus des questions d'enfance n'ait même pas été auditionné par notre commission.
Ce que vient de dire notre collègue Le Fur montre bien que les auditions ont été partiales et que n'ont été auditionnés que ceux qui allaient dans le sens du projet de loi. Les organismes indépendants, comme les représentants des professions juridiques, dans des conditions d'audition très différentes, nous ont mis en garde contre un texte bâclé, mal préparé. Encore une fois, ces témoignages devraient interroger nos collègues de la majorité.
Je voudrais revenir sur le sondage qui a été réalisé auprès des maires, et qui met en évidence la demande d'un débat de la part de personnes pourtant en première ligne et donc très informées. Il y a bien un débat dans la société, que nous animons, mais de débat officiel point. Ce sondage montre aussi que 52 % des maires sont opposés au projet de loi légalisant le mariage et l'adoption pour les couples de personnes de même sexe. Leur opposition porte bien sur l'ensemble du projet, et pas seulement sur les questions de filiation.
Vous me rétorquerez que cela signifie que 48 % des maires sont plutôt favorables. Oui, une division existe, et c'est sur cela que je voudrais insister. Vous êtes en train d'opposer les Français les uns aux autres. La responsabilité d'un Gouvernement, d'une majorité, surtout en période de difficultés économiques et sociales, est de concentrer les efforts et de rassembler les Français sur ces urgences, non pas de les diviser sur d'autres priorités qui portent sur le fonctionnement de notre société. On devrait, au contraire, rechercher sur ce qui nous rassemble, notamment s'agissant de la politique familiale, sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir en défendant les prochains amendements. Vous êtes en train de diviser les Français, c'est une lourde responsabilité que vous endossez là.
Sur l'amendement n° 2464 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Alors que nous abordons les articles du code de l'action sociale et des familles, je suis particulièrement étonnée que vous refusiez d'accorder les mêmes droits et les mêmes protections aux enfants, qu'ils soient issus de couples de personnes de sexes différents ou qu'ils soient issus de couples de personnes de même sexe. Il y a là une certaine contradiction : alors que vous vous faites les défenseurs absolus de l'intérêt supérieur de l'enfant, vous n'en tenez pas compte ici. Je trouve cela tout à fait regrettable. Avis défavorable.
Ce que vient de dire Marc Le Fur est extrêmement important, car cela pointe les effets dévastateurs de votre projet de loi. Nous parlons depuis des heures de l'intérêt des adultes et des avantages qu'ils en retireront, mais nous voici rappelés à l'ordre, après le Conseil supérieur de l'adoption, après l'INSERM, après l'Ordre des médecins, par les pédopsychiatres, qui récoltent les aléas des défaillances de la famille et qui accueillent ce qu'ils appellent les « enfants de la dérive ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la garde des sceaux, c'est l'un de vos plus brillants magistrats qui le dit, le juge Rosenczveig, qui se trouve en bout de chaîne et reçoit ces enfants privés de repères, souvent issus de familles déstructurées,…
…des familles où le père ou la mère sont partis. Votre texte, à force d'amalgames, ne fera qu'accroître la souffrance de ces enfants à la dérive ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le président de la commission des lois et les rapporteurs font des notions d'égalité et de droit un usage à géométrie variable, notamment lorsqu'elles concernent les enfant.
Cela m'étonne, car que pourra-t-on opposer à un enfant adopté demain par un couple de mères ou de pères, s'il attaque l'État français pour rupture d'égalité par rapport à un enfant adopté par un couple hétérosexuel ? C'est un cas flagrant d'inégalité…
Mais nous parlons ici d'un couple d'hommes qui pourra demain adopter un enfant, comme le pourra également, Dieu merci, un couple hétérosexuel. Or cet enfant pourra avoir le sentiment d'avoir été traité de manière inéquitable par rapport à l'enfant qui a bénéficié d'un père et d'une mère.
C'est la raison pour laquelle je trouve votre texte particulièrement scabreux, d'autant qu'il accroît l'insécurité juridique.
Les juges de Bobigny vont être ravis d'entendre la droite leur délivrer ainsi des satisfecit, alors que pendant des années cette même droite les a accusé de laxisme en leur mettant tout les maux de la société sur le dos ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Arrêtez donc d'utiliser les gens selon votre bon vouloir !
Ces enfants à la dérive dont vous parlez, pourquoi sont-ils en difficulté ? Trop souvent parce que leurs familles sont déstructurées par les problèmes sociaux qu'ont provoqués vos politiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Trop souvent parce que ces familles sont en déshérence, car vous les avez privées de papiers leur permettant d'élever correctement leurs enfants ! Trop souvent parce qu'il leur manque un logement décent !
Ne mélangez pas tout ! Les difficultés de ces enfants n'ont rien à voir avec la loi que nous allons voter et qui doit ouvrir l'adoption aux couples homosexuels. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Nous en venons à une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l'amendement n° 2465 .
Il est défendu, madame la présidente, mais je préfère utiliser mon temps de parole pour rebondir sur les propos de Mme Buffet, que je trouve assez extraordinaires. Elle est évidemment montée immédiatement au créneau, et je conçois qu'elle soit embarrassée lorsque nous citons des personnes d'autant moins contestables qu'elles ont d'ordinaire d'autres prises de position, mais dont les propos ont d'autant plus de valeur à nos yeux qu'on ne peut les taxer de partialité.
Il est par ailleurs piquant d'entendre invoquer, jusque dans ce débat, l'héritage de ces dernières années, le chômage en hausse et ses conséquences sur la famille. Mais la déstructuration de la famille ne date pas d'hier ! Remontons à 1981, époque où le parti communiste était au pouvoir et a fait voter un certain nombre de lois…
Depuis trente ans la droite et la gauche ont gouverné à tour de rôle, et les problèmes que connaît la famille ne sont pas liés à l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir. Si toutefois vous voulez faire commencer notre histoire récente au quinquennat de Nicolas Sarkozy, je n'y vois pas d'inconvénient, mais Mme Buffet devrait néanmoins se débarrasser de ses oeillères.
Madame Buffet, vous êtes dans cette logique déterministe qui est celle de vos grands ancêtres, mais je connais des tas de familles modestes, voire pauvres, qui élèvent parfaitement leurs enfants, quels que soient les sacrifices qu'il leur en coûte. Et ces enfants sont bien mieux armés pour affronter la vie que des enfants issus de familles privilégiées mais déstructurées pour de multiples raisons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le vrai déterminisme, c'est l'attention, l'amour que portent les enfants à leur famille, c'est la capacité de rester unis dans l'adversité pour élever ses enfants ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'en reviens au juge Rosenczveig et à ce qu'il dit sur l'importance de la vie intra-utérine : « Une femme peut-elle se réduire à son utérus ? Sans compter que celles qui portent ces enfants sont rarement issues de grandes fortunes. Quoi qu'il en soit, en France, la matière humaine est hors contrat. Un enfant ne se commande pas pour 15 000 euros. Je ne porte aucun jugement sur le mal de l'enfant, mais les situations qui s'amorcent relèvent d'égoïsmes d'adulte. » Tout est dit. Nous sommes dans une logique qui conforte les égoïsmes, au lieu de rechercher ce que les uns appellent l'intérêt général, les autres le bien commun. « Faites ce qu'il vous plaît », dit-on à ces gens-là, en se contentant de les encadrer vaguement. Le juge Rosenczveig a bien compris les effets négatifs d'un tel laxisme et les excès auquel cela aboutira.
Les propos de Mme Buffet nous permettent des échanges intéressants sur nos visions respectives de la famille. Madame Buffet, vous avez du mal, semble-t-il, à penser la famille comme un lieu d'épanouissement et de protection.
Vos origines marxistes vous poussent à défendre une analyse socio-économique de la famille et à combattre la famille bourgeoise. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mais pour nous, la famille n'est pas un lieu de reproduction des inégalités ; elle est, au contraire, un lieu d'épanouissement et de protection.
La famille permet aux enfants de grandir, d'être élevés et de trouver ensuite leur place dans la société. On connaît certes les difficultés rencontrées par certaines familles, notamment monoparentales. Elles ne sont nullement liées à l'incapacité du père ou de la mère qui élève seul ses enfants – personne ici ne met en cause la capacité de chacun à élever des enfants –, mais à des conditions matérielles et financières objectivement difficiles, à quoi s'ajoutent des manques d'ordre psychologique et affectif. Les études montrent bien les conséquences de ces manques sur le développement des enfants et sur leur insertion dans la société. C'est la raison pour laquelle, au-delà des considérations socio-économiques, nous défendons notre conception de la famille.
J'espère que, lorsque l'on parle de familles déstructurées, on ne vise pas les familles homoparentales, car j'ai eu le sentiment qu'un léger glissement s'opérait…
Eh bien, si ce n'est pas le cas, j'en prends note et me félicite de cette évolution.
Quant aux enfants qui seront adoptés par des couples homosexuels, puisque nous allons voter cette loi tendant à instaurer l'égalité et que le regard de la société aura changé sur les familles homosexuelles, ils ne se demanderont même pas pourquoi ils n'ont pas grandi dans une famille avec un père et une mère.
Ils seront simplement très heureux de bénéficier de beaucoup d'amour !
Je trouve dommage, quoi qu'il en soit, que vous n'ayez pas parlé de l'amendement, qui concerne les centres maternels. Peut-être est-ce là encore un point qui ne vous intéresse pas.
Enfin, comme l'a déjà dit le rapporteur, l'article 4 bis s'applique lorsque les mots « père et mère » sont employés de façon conjointe. Or cet amendement parle de ce qui relève de la mère et de ce qui relève du père. Il n'y a donc pas matière à discussion, et l'avis du Gouvernement est défavorable.
Madame la garde des sceaux, dans le cadre de la réforme de civilisation que vous menez à marche forcée, j'aimerais savoir ce que vous pensez de cette proposition d'une élue socialiste – et non des moindres – de la huitième circonscription de Paris (Sourires), qui suggère de débaptiser les écoles maternelles, au motif que cette terminologie serait trop sexiste, pour les nommer d'un terme plus neutre ? Cette proposition pourrait-elle, à terme, être applicable à l'ensemble de notre pays ?
Nous en venons à une nouvelle série d'amendements identiques.
La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l'amendement n° 2466 .
Je poursuis mon argumentation sur la constitutionnalité de l'amendement-balai et, plus généralement, de l'ensemble des dispositions tendant à la mise en oeuvre juridique de ce projet politique que nous combattons.
J'évoquais tout à l'heure un certain nombre de points d'inconstitutionnalité. Je souhaite y ajouter deux ou trois autres éléments qui n'ont pas encore été soulevés et qui me paraissent importants. À mon sens, ces dispositions violent le principe constitutionnel de clarté de la loi et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi. Ces deux principes importants ont été notamment reconnus au huitième considérant de la décision n° 2001-455 DC. Je pense qu'il s'agit d'arguments qui pourraient prospérer, en les combinant peut-être à la violation du premier alinéa de l'article 2 de notre Constitution, qui dispose que le français est la langue de la République. J'aurai l'occasion d'y revenir dans le cadre de la défense d'un prochain amendement.
Il est important d'entendre ce que dit le juge Rosenczveig au sujet de l'union civile. Écoutez bien ses propos, qui vous feront un peu mal : « Le Gouvernement aurait pu proposer une union civile, indépendante des questions de parentalité. Le projet de loi actuel débouche de toute façon sur une remise en cause des filiations. » Il ajoute : « Si l'enjeu était de simplifier la vie des couples homosexuels et de protéger les enfants, cela aurait pu passer par une loi sur le statut du tiers. En France, 1 à 1,5 million d'enfants sont élevés par un parent qui n'est pas leur parent biologique. Qu'importe du coup leur sexualité. La loi aurait pu établir la délégation d'autorité parentale, pour que tout adulte qui vit avec un enfant puisse exercer les actes usuels. »
Voilà des pistes qui n'ont pas été creusées, et qui constituaient autant de solutions alternatives à ce texte, dont chacun se rend maintenant compte qu'il est mauvais, non seulement dans son article 4 bis, mais aussi dans son article 4. Et je ne parle pas des dispositions sur les noms, qui auront maintenant une longueur disproportionnée.
Ces dispositions existent depuis 2002, monsieur Le Fur ! Vous l'avez déjà oublié !
Il faudra non seulement avoir une bonne mémoire pour les retenir, mais aussi, pour certains, les inscrire sur un papier avant de les décliner ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous devons obtenir des réponses aux excellentes questions du juge Rosenczveig, un juge de gauche mais courageux. Croyez bien que nous autres, députés de l'opposition, sommes ouverts à toutes les sensibilités : ce n'est pas parce que nous ne sommes pas d'accord avec le juge Rosenczveig sur certains sujets – ces désaccords subsistent – que nous n'adhérons pas à ce qu'il écrit sur le sujet qui nous réunit aujourd'hui.
Je reviens sur la réponse de Mme la ministre de la famille. Aller au fond des choses permet de progresser dans la discussion : cela montre tout l'intérêt d'un débat ouvert que nous aurions pu avoir dans la société.
Si j'ai bien compris, madame la ministre, vous avez affirmé que les gens ne regarderont plus les familles homoparentales différemment des familles où les enfants vivent avec un père et une mère. Je suis d'accord avec vous : à terme, il n'y aura plus de regards de réprobation. Ma génération a connu la même évolution au sujet des enfants de couples divorcés, qui étaient souvent relégués au fond de la classe et regardés avec réprobation ; ce n'est heureusement aujourd'hui plus le cas. Je suis persuadé que, si cette loi s'applique, ces regards réprobateurs auront disparu dans vingt ou trente ans.
Je le dis très sincèrement. En revanche, il existera toujours une différence objective, que vous niez pourtant. C'est bien le problème ! Une famille avec un père est objectivement différente d'une famille sans père.
Que l'on en tire des conclusions ou non, on ne peut nier ces différences objectives. Nous pensons que celles-ci sont à l'origine d'autres différences, en matière d'éducation et de construction des personnalités.
On ne va tout de même pas jeter ces enfants à la mer !
Encore une fois, il faut aller au fond des choses. Cette égalité que vous voulez et que vous annoncez sera effectivement inscrite dans la loi, elle se traduira sans aucun doute dans les mentalités, mais il y a une chose qui résistera : ce sont les corps. Vous ne pouvez pas changer les corps ! Comme le disait un juriste, le Parlement britannique peut tout faire, sauf changer un homme en femme. C'est peut-être votre intention mais, pour le moment, c'est impossible.
Cette différence objective touche à l'altérité sexuelle. Vous dites qu'il n'y a pas de différence entre un enfant élevé dans une famille avec un homme et une femme et un enfant élevé dans une famille constituée de deux hommes ou de deux femmes. Or il y a bien une différence : c'est l'altérité sexuelle. Vous la niez, et c'est tout le sens de votre combat. Vous êtes des militants de la théorie du gender. Nous ne sommes pas d'accord, et nous allons continuer à débattre.
Défavorable également.
Au point où nous en sommes, il faut peut-être citer Boileau : « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. »
Quelle culture !
Mes chers collègues, nous sommes au coeur du problème. Notre débat montre bien que cette maxime de Boileau n'est pas du tout respectée dans ce texte. C'est incompréhensible ! « Père et mère » et « mari et femme » ne veulent pas dire « deux hommes » ou « deux femmes ».
Plus c'est compliqué, plus il faut revenir aux fondamentaux ! Madame la garde des sceaux, les fondamentaux montrent bien que le texte que vous défendez aujourd'hui devant la représentation nationale n'est pas interprétable correctement. Comme 61 ou 62 % des maires de France, je vous invite une fois de plus à retirer votre texte.
Gardez bien en mémoire cette maxime de Boileau ! Cela simplifierait les débats, et les Français pourraient enfin avoir une position claire. Vous pourriez également – pourquoi pas ? – renoncer à faire adopter ce texte au Parlement et recourir au référendum : nous participerions alors au débat de manière totale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je suis saisie d'une nouvelle série d'amendements identiques.
La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l'amendement n° 2467 .
Après avoir évoqué, il y a quelques instants, la violation du principe constitutionnel de clarté de la loi et de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi définis par le Conseil constitutionnel dans une décision de 2001, je veux insister sur la violation du premier alinéa de l'article 2 de la Constitution, qui dispose que : « La langue de la République est le français. » Cet argument rejoint la remarque de notre collègue Philippe Cochet qui a invoqué nos grands auteurs comme Boileau.
Comment la loi peut-elle si manifestement faire dire à des termes clairs – « père » et « mère » – le contraire de ce qu'ils signifient ? Je suis tenté d'invoquer un principe de réalité, qu'il faudrait faire reconnaître par le Conseil constitutionnel, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui. L'expression « père et mère » ne peut pas désigner deux hommes ou deux femmes ! Le Parlement ne peut pas tout se permettre !
On peut comprendre que vous ayez un projet politique relatif au mariage et à l'adoption : c'est le choix de votre majorité, que nous ne partageons pas, et qui ne nous éloigne pas tant sur les aspects relatifs à l'union que sur ceux qui touchent à la filiation. Cependant, dès lors que vous voulez agencer juridiquement votre projet politique, vous devez choisir des termes appropriés. Dans l'article 4 bis comme ailleurs, l'amendement-balai ne satisfait pas complètement à cette nécessité.
Madame la ministre déléguée chargée de la famille, notre objectif n'est pas de saucissonner votre texte. Nos contestations à l'article 4 bis, qui touchent au code de la santé publique et au code de la famille et de l'aide sociale, se situent dans la logique de notre opposition de départ aux conséquences politiques de votre projet. Il s'agit d'une déclinaison logique et normale : nous ne nous focalisons pas sur ce point particulier, mais nous en discutons maintenant parce qu'il est à l'ordre du jour.
Je reviendrai plus tard sur les propos du juge Rosenczveig : je laisse au Gouvernement le temps de préparer sa réponse.
En attendant, je souhaite vous faire part d'un sondage IFOP qui vient d'être publié et que je trouve assez intéressant. Il indique que 55 % des Français estiment qu'une famille composée de deux adultes du même sexe n'est pas une famille comme les autres. Ce pourcentage n'est pas gigantesque : on peut donc concevoir que nos opinions soient partagées. En revanche, ce sondage comporte une autre question, basée sur la situation suivante : « Vous êtes amené à disparaître. Vous souhaitez que votre enfant connaisse une existence satisfaisante. » Les réponses à cette question, plus personnelle, sont spectaculaires : les personnes ayant des enfants de moins de quinze ans se tourneraient massivement – à 98 % – vers des familles avec un couple homme-femme s'ils se trouvaient dans l'incapacité de s'occuper de leur progéniture en cas de décès.
Ainsi, quand il s'agit des enfants des autres, les Français ont des opinions partagées, mais quand on les interroge sur eux-mêmes – sur leur filiation, la chair de leur chair, la prunelle de leurs yeux, ce qu'ils ont fait de mieux dans leur vie comme beaucoup d'entre nous le pensent à propos de leurs propres enfants –, ils tiennent un tout autre propos : 98 % d'entre eux souhaitent que leur enfant ait, à défaut d'eux-mêmes, un papa et une maman de substitution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je reviens sur un autre sondage, que j'ai déjà évoqué tout à l'heure. Nous aurons l'occasion d'analyser en détail celui que vient de citer Marc Le Fur, mais je souhaite terminer l'examen de celui qui a été effectué auprès des maires à propos de l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes. 64 % des maires y sont défavorables. On sait bien que cette question est liée au texte que nous discutons, puisque le groupe SRC voulait déposer un amendement à ce sujet.
Ce refus des maires et d'une grande partie de la société constitue pour moi l'occasion, madame la ministre, de vous poser quelques questions. Quand la loi sur la famille sera-t-elle examinée ? L'assistance médicale à la procréation figurera-t-elle ou non dans ce texte ? Ce point est important, parce qu'il donne un peu de sens et de perspective à nos débats.
On sent bien qu'il y a une résistance très forte sur ce sujet. Nos débats auront déjà permis de le reporter à une loi ultérieure, laquelle est apparemment elle aussi reportée à une date ultérieure, puisque nous attendrons l'avis du Comité consultatif national d'éthique. Des états généraux seront organisés sur cette question. Je ne sais pas encore si le sujet est reporté aux calendes grecques ; en tout cas, il l'est à plusieurs mois. Notre débat aura donc au moins permis de ne plus évoquer la question de l'assistance médicale à la procréation pour le mois de mars. Je voulais acter ce point très important, et rappeler l'hostilité des maires et d'une grande partie de notre société à cette mesure.
Défavorable.
Cet article 4 bis remet en question les fondamentaux. Comme l'ensemble de cette loi, il fait disparaître un certain nombre de valeurs. Il favorise des possibilités qui existent déjà, qui sont utilisées par des personnes qui enfreignent la loi en ayant notamment recours à la GPA, et qui réduisent malheureusement certaines femmes à l'état d'esclaves.
Vous êtes bien placé pour défendre le statut des femmes, monsieur Douillet !
Ce projet de loi n'a pas été suffisamment examiné.
Il n'y a pas eu suffisamment de consultations, de travail de fond sur les conséquences du projet de loi.
Notre société n'acceptera pas la décadence en laissant des réseaux mafieux profiter de la circulaire de Mme la garde sceaux pour prospérer.
Qu'allez-vous mettre en oeuvre, madame la garde des sceaux, pour colmater la brèche que vous avez ouverte avec votre circulaire ? Qu'allez-vous faire pour que les femmes ne deviennent pas des esclaves ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je comprends que c'est difficile, car le choix est compliqué, mais il y a urgence car le sujet est grave.
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques.
L'amendement n° 2468 est-il défendu, monsieur Gosselin ?
Votre tentative était habile, madame la présidente. (Sourires.) Vous êtes dans votre rôle de présidente, mais sans vouloir vous chagriner, je défendrai mon amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous devriez vous réjouir, monsieur Cambadélis, que nous échangions quelques amabilités avec Mme la présidente ! Je respecte la présidence : on peut se combattre politiquement et respecter les individus. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je cède à votre amicale pression. C'est dire si je suis discipliné. (Sourires.)
Le moment venu, il faudra soumettre au Conseil constitutionnel un certain nombre de principes auxquels votre texte contrevient manifestement. J'ai évoqué le principe de la clarté de la loi, l'objectif de valeur constitutionnelle de l'intelligibilité, de l'usage du français. Car nous sommes devant un dilemme qu'il faudra résoudre.
Si l'on cherche à respecter la clarté du droit, il faut alors assumer le « changement de civilisation », et je reprends là les termes de Mme la garde des sceaux, que vous voulez imposer. Mais pour surmonter les problèmes créés par la volonté de remédier à une prétendue discrimination – je dis bien « prétendue », notre rapporteur ayant affirmé à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas de discrimination juridique, mais qu'il s'agissait d'une volonté politique –, on crée d'autres discriminations bien réelles, celles-là, là où il n'y en avait pas.
Autrement dit, il y a une discrimination au sens politique qui n'est pas d'ordre juridique. Mais en voulant faire cesser une discrimination qui n'existe pas, on en crée une bien réelle. Le Conseil constitutionnel aura à s'y intéresser. Je développerai la suite de mes arguments en présentant mon prochain amendement.
Permettez-moi, madame la présidente, de m'associer aux propos laudatifs de mon collègue Gosselin ! (Sourires.)
Je reviens aux propos du juge Rosenczveig, que vous n'avez pas reçu, monsieur le rapporteur, pas plus qu'il ne l'a été par le président de la commission. Si je me trompe, dites-le moi.
En revanche, en d'autres temps, il a été reçu par un ministre de la famille, Christian Jacob, qui a vous a précédé dans les fonctions qui sont actuellement les vôtres, madame la ministre. À cette époque, il n'y avait pas d'exclusive. On ne recevait pas seulement ceux qui parlaient comme il était demandé que l'on parle. Tout le monde était reçu. Les temps changent, les moeurs changent. En tout cas, nous, nous sommes ouverts, accueillants aux différentes sensibilités. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.). Nous sommes respectueux de la liberté de vote. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai moi-même revendiqué ma liberté de vote sur certains sujets, monsieur le président Jacob,…
…et je prends date pour d'autres débats. (Sourires.)
Je reviens au juge Rosenczveig, celui que nous avons bien souvent taxé de laxisme. Que dit-il ? « Les enfants ont droit à l'autorité parentale. Ce n'est pas une contrainte, mais un droit. Chaque père, chaque mère le sait, le meilleur service qu'il rend à ses enfants, c'est d'exercer son autorité parentale, de ne pas céder nécessairement. L'éducation est l'art de fixer des bornes et de les faire respecter. Ces bornes doivent évoluer au rythme de l'âge de l'enfant. Puis, à un moment, l'enfant s'éloigne, c'est dans l'ordre des choses.
« Mais le propre de l'éducation, c'est l'autorité parentale qui doit s'exercer à bon escient. »
Ce n'est pas moi qui le dis, c'est un homme que l'on a parfois qualifié de laxiste. C'est le juge Rosenczveig. J'y reviendrai car il dit encore d'autres choses remarquables.
Je reviens sur les éléments du sondage dont vient de nous parler Marc Le Fur.
Nos concitoyens s'expriment par le biais des sondages, n'ayant pu le faire dans le cadre d'un vrai débat public. Nous sommes obligés d'entendre leurs voix et de nous attarder sur leurs propos.
Dans certains sondages, les questions sont abstraites et portent sur l'ouverture de droits à d'autres. « Êtes-vous oui ou non favorables au droit pour les couples de même sexe de se marier ? » La question aurait pu être : « Êtes-vous favorables au mariage des couples de même sexe ? » L'introduction de la notion de droit dans la question oblige les personnes interrogées à répondre oui, du moins, celles qui n'ont pas vraiment de conviction.
Mais lorsque les questions sont plus personnelles, plus concrètes et touchent les gens dans leur vie quotidienne, les réponses sont tout à fait différentes : on arrive à une quasi-unanimité.
Cela ne signifie pas qu'il faille suivre de tels sondages qui s'inscrivent peut-être trop dans le registre de l'émotion, de l'affectif. Nous ne devons pas légiférer uniquement par rapport à de tels critères. Mais nous ne pouvons pas non plus légiférer en se référant seulement à l'abstraction et à l'idéologie.
En tout état de cause, nous devrions tenir compte de ces sondages qui expriment à la fois une volonté d'ouverture de droits et une résistance très forte à la négation de l'altérité sexuelle que vous voulez imposer à la société. La voie médiane aurait été d'opter pour l'union civile, mais vous l'avez refusée. Vous avez choisi, et nous le déplorons, de diviser les Françaises et les Français, c'est votre responsabilité. Nous étions favorables à des solutions permettant de nous retrouver. Quoi qu'il en soit, d'après les sondages, les Françaises et les Français sont très réticents à l'idée de négation de l'altérité sexuelle.
Êtes-vous si démunis qu'il vous faille invoquer des personnalités qui viennent de la gauche ? Vous avez évoqué Léon Blum, Michel Rocard…
Maintenant, c'est au tour du juge Rosenczveig, que j'ai du reste longuement reçu, et pas seulement pour parler de la question du mariage et de l'adoption. Car le juge Rosenczveig s'intéresse plus largement à la protection de l'enfance, à l'évolution du droit de l'enfant. Pour ma part, j'ai le plus grand respect pour lui et je ne me permettrais pas d'instrumentaliser ses propos.
Avis défavorable.
Revenons-en aux questions de droit. Philippe Gosselin a insisté sur le principe d'altérité. Aux termes de la Cour de cassation, c'est très clair : un principe essentiel du droit français de la filiation, c'est celui de l'altérité.
Par rapport à l'adoption plénière, on crée une fiction juridique. Et il est très difficile de reconnaître l'altérité, avec deux pères ou deux mères. Cela conduit à toucher au titre VII en particulier l'article 310 du code civil qui dispose que : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère », puisqu'il est bel et bien institué une nouvelle forme de filiation. J'aimerais connaître votre avis, car la question sera posée au Conseil constitutionnel.
Vous venez de nous reprocher, madame la ministre, d'évoquer des personnalités de gauche. Vous ne vous êtes pas privée de citer l'ancien garde des sceaux M. Toubon qui se serait déclaré défavorable à un référendum sur la question. Je vous conseille de l'appeler pour vérifier s'il a réellement tenu de tels propos. Pour ma part, je l'ai fait car à force de l'entendre évoqué, il n'était pas inutile d'avoir son opinion. Il ne pense absolument pas ce que vous dites, au contraire.
Il ne pense pas ce qu'il a écrit ?
Je suis saisie d'une nouvelle série d'amendements identiques.
Vous avez la parole, monsieur Gosselin pour soutenir l'amendement n° 2469 .
Ce petit intermède, madame la présidente, va nous ramener au français, « langue de la République », et au sens des mots.
Soit on cherche à respecter la clarté du droit et on assume le changement de civilisation que l'on veut imposer, mais, pour surmonter les problèmes créés par la volonté de remédier à une prétendue discrimination, on crée d'autres discriminations, bien réelles, là où il n'y en avait pas.
Soit on veut à tout prix l'éviter en faisant passer un message politique apparemment simple – mariage pour tous, adoption –, mais au prix de la confusion juridique la plus totale – même pour un juriste –en faisant dire aux mots l'inverse de ce qu'ils veulent dire. Pour des raisons de droit, il est important de ne pas adopter l'article 4 bis, ni les suivants, pas plus que l'on n'aurait dû adopter l'article 4.
L'amendement est défendu.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n° 2644 .
Nous en sommes à l'article qui prévoit les modalités d'inscription et l'enregistrement des enfants dans les services d'aide sociale. Le balayage, méthode choisie par la commission, aura indubitablement pour conséquence de mettre ces services dans l'embarras lorsqu'il faudra lire « parents » au lieu de « père et mère » et que le nombre de parents sera supérieur à deux.
Je profite de l'occasion, madame la présidente, pour vous donner des nouvelles de la pétition des psychanalystes vantée dans cet hémicycle par Mme la ministre avant-hier soir. J'avais annoncé hier la signature de deux nouveaux éminents psychanalystes : Psycho et Choupinou Tutu. (Sourires.) Je suis heureux d'annoncer à notre assemblée que ces deux éminents psychanalystes ont été amenés à résipiscence, puisque leur nom a été retiré de la liste. Mais deux nouveaux et très importants psychanalystes de notre pays ont signé cette pétition : Marc Le Fur et Jean-Frédéric Poisson ! (Nouveaux sourires.)
Madame la présidente, j'aimerais que nous fassions référence à des choses sérieuses. Quand on s'appuie sur des pétitions en arguant du fait qu'elles sont signées en très grand nombre, il faut faire attention. Nous avons le droit, madame la ministre, de citer des personnes émanant de vos rangs.
Vous ne faites que cela ! (Sourires.)
Signalons deux erreurs : première erreur, je n'ai pas signé la pétition ; deuxième erreur, plus criante encore, je ne suis pas psychanalyste pas plus que je ne suis en analyse – certes, je parle beaucoup mais debout, et non allongé sur un divan… (Sourires.)
S'agissant du juge Rosenczveig, je remercie Mme la ministre de m'avoir répondu : je crois que nous progressons dans le débat. Si l'absence de réponse du rapporteur ne m'étonne nullement car son attitude est constante, je suis toutefois surpris que Mme Clergeau n'ait pas manifesté la volonté de me répondre car nous touchons là à des sujets concernant la famille. En tant que présidente de la commission, j'aurais aimé avoir son sentiment sur ce sujet.
Ce magistrat dit une autre chose très intéressante. Et je ne l'instrumentalise pas : les propos que je rapporte font partie d'un débat public qui l'opposait à Serge Portelli, que je vous invite à votre tour à citer. Nous pouvons parfaitement en faire état car s'il a avancé ces thèses publiquement, c'est pour participer de manière citoyenne, comme vous dites, au débat. Cet autre point concerne le droit aux origines, question majeure insuffisamment débattue, que nous retrouverons à l'occasion de la discussion de la loi relative à la famille et de la loi relative à la bioéthique. Je le développerai ultérieurement.
Mme la ministre ayant montré son empressement à répondre à Frédéric Poisson à propos de la pétition des psychiatres, je vais considérer mon amendement comme défendu et attendre sa réponse.
Je me félicite que M. Le Fur et M. Poisson aient signé cette pétition… Que dit-elle ? Qu'il ne faut pas instrumentaliser la psychanalyse pour défendre l'idée qu'il n'y aurait qu'un seul modèle familial. Je pense que nous progressons. Nous n'entendrons plus citer certains psychanalystes ou certains psychiatres à l'appui de certaines thèses. Et côtoyer Mme Delaisi de Parseval et d'autres grands psychanalystes, voilà qui est tout à l'honneur de M. Le Fur et de M. Poisson.
Par ailleurs, j'aimerais souligner que les mots ont toujours évolué. Il y a quelque temps encore, il était question de « modes de garde » s'agissant de la petite enfance ; aujourd'hui, on parle de « modes d'accueil » car l'on considère qu'il ne s'agit pas simplement de garder les enfants mais aussi de les éveiller. Et je trouve intéressant que Sandrine Mazetier pose la question de la pertinence de la dénomination « école maternelle ». Dans nos crèches, nous voyons de plus en plus de pères : maternent-ils ? Vous voyez que le sens des mots peut évoluer avec la société. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)
Je voudrais exprimer des regrets sur la procédure que le Gouvernement a retenue s'agissant de cette grande question de société. Nous venons de parler de pétitions. Nous savons que beaucoup de Français auraient voulu s'exprimer à travers un référendum.
Un sondage IFOP commandé par le collectif des Maires pour l'enfance montre que 52 % des maires sont opposés au projet de loi et que 64 % d'entre eux sont opposés à l'accès des couples de femmes à la PMA. Plus important encore : 61 % des maires demandent au Gouvernement de suspendre l'examen du projet de loi pour laisser le temps au débat, soit quasiment deux tiers des maires.
Nous constatons tous que les citoyens s'organisent au travers de manifestations, de pétitions. Les Français essaient de s'exprimer, de manière individuelle, ou autour de structures.
Je réitère ma question : pourquoi ne pas avoir donné la parole aux Français ? Pourquoi ne pas avoir voulu organiser un référendum ?
(Les amendements identiques nos 2644 , 3456 et 3936 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n° 2648 .
Je vous remercie, madame la ministre de la famille, pour vos félicitations. Vous comprendrez bien que le ralliement à cette pétition de Marc Le Fur et de moi-même n'était pas autre chose qu'un souhait, sinon de la tourner en dérision, du moins de la moquer. Vous vous êtes réclamée de la masse de signatures qu'elle avait recueillies, mais si l'on peut y ajouter son nom sans avoir de compétences sur le fond, cela laisse quelques doutes sur le crédit que l'on peut lui accorder. C'est ce que je voulais montrer en signalant cette double signature en forme de farce.
Notre amendement touche aux dispositions qui définissent les conditions dans lesquelles les parents pourraient retirer leur enfant des services de l'aide sociale à l'enfance. Je redis que compte tenu des risques que fait peser votre amendement-balai sur l'accroissement non maîtrisé du nombre de personnes pouvant être désignées par le terme de parent, cet article pose à terme des problèmes de sécurité juridique quant aux relations entre l'enfant, ses divers parents et les services de l'aide sociale. L'enjeu est tout sauf anodin, et il conviendrait que la loi apporte davantage de sécurité.
Je n'ai toujours pas de réponses de Mme Clergeau aux propos du juge Rosenczveig qui s'est exprimé publiquement, à bon escient, dans des circonstances singulières puisque le débat dans la société civile a précédé le débat dans notre assemblée.
Si j'ai pris pour habitude de convoquer ici Jaurès, Blum, Rocard, Rosenczveig et quelques autres, c'est que lorsque l'on veut convaincre ses interlocuteurs – et mon but est bien de convaincre –, il est préférable de recourir à des références qui signifient quelque chose pour eux. Il me semble donc légitime que nous les utilisions. Si j'avais fait référence à Monseigneur Vingt-Trois – qui, du reste, a dit des choses remarquables sur cette question –, je ne suis pas convaincu que vous auriez été très sensibles à ses propos. Tandis que citer certains de vos héros et de vos saints peut peut-être ébranler vos esprits et vous faire évoluer.
La société peut évoluer. La force de la conviction joue, j'en suis certain. Je suis convaincu qu'autant que vous êtes, vous êtes en mesure d'évoluer. Certains d'entre vous ont déjà beaucoup évolué, c'est bien normal.
Essayons de procéder de cette façon, et répondez-nous. Pour l'instant, vous semblez insensible, vous restez coite, alors que je suis convaincu que vous avez tous les arguments pour répondre. Si vous ne répondiez pas, certains douteraient que vous ayez toutes les capacités pour le faire, même si ce n'est pas mon cas.
Le propre du Parlement, c'est l'échange tranquille, paisible, …
Et pas le monologue sans fin !
…où chacun s'adresse à l'autre en essayant d'utiliser les arguments qui sont susceptibles de le faire évoluer.
Je voudrais revenir sur les propos de Mme la ministre de la famille concernant les citations que nous faisons de grandes consciences de la gauche.
D'abord, j'ai été un peu surpris que vous affirmiez que citer un auteur, c'était l'instrumentaliser. Cela le serait si nous retirions les phrases citées de leur contexte. Or, Marc Le Fur a pris le temps d'aller au fond des choses, notamment pour ce qu'a pu dire M. Rosenczveig. Il s'agit donc avant tout d'un apport au débat.
Par ailleurs, si nous sommes amenés à citer des personnalités de gauche comme Sylviane Agacinski, Lionel Jospin ou Michel Rocard, c'est aussi pour vous éviter le supplice des citations de personnalités de droite.
Mais ce que nous voulons dire avant tout, c'est que le sujet n'est ni de gauche ni de droite. Il concerne toutes les Françaises et tous les Français. C'est au-delà des clivages que peuvent avoir lieu des réflexions sur la conception de la famille. Or vous avez pris la responsabilité de diviser les Français sur ce sujet. La notion d'altérité sexuelle, la conception de la famille et de la filiation font appel à des valeurs qui se situent au-delà des clivages politiques et vous avez voulu confiner le débat à l'intérieur de ces clivages en le réservant au Parlement. Nous voulions un débat devant les Françaises et les Français qui leur aurait permis de dire ce qu'ils pensaient. Encore une fois, vous avez préféré faire le choix de diviser, qui plus est dans un contexte de difficultés économiques. C'est une double responsabilité que vous portez.
Défavorable.
Je pensais que nos débats seraient plus sereins, même s'il y a eu, ce matin, une forme d'ouverture avec, pour la première fois, le vote de l'un de nos amendements – il a fallu toutefois s'y prendre à plusieurs reprises.
Je voudrais revenir sur un épisode que j'ai vu en boucle à la télévision : l'attaque dont a été l'objet notre collègue David Douillet. Je sais bien qu'il est capable de se défendre tout seul, physiquement comme intellectuellement.
Mais cet homme qui a fait résonner autant de fois La Marseillaise (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste),…
..qui a fait vibrer la France en lui donnant des médailles, qui a été décoré par le Président de la République au nom de la Nation, qui a choisi de faire une deuxième carrière, une carrière politique, qui a été élu et réélu, j'aimerais rappeler qu'il est ici par la volonté du peuple : ses électeurs l'ont choisi pour les représenter et pour lui permettre de s'exprimer comme il le souhaite.
Madame la ministre, je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler que, vous, vous êtes ici par la volonté d'un homme, grâce à un coup de tampon. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
(Les amendements identiques nos 2648 , 3467 et 3937 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n° 2652 .
L'article L. 224-10 du code de l'action sociale a trait à la succession des anciens pupilles. Puisque qu'aux termes de l'article-balai il faut lire les mots de « père et mère » au sens plus large de « parents », je redemande – et je le ferai inlassablement jusqu'à ce que l'on ait compris comment le Gouvernement traite cette situation – qui ces mots désigneront. Car il faut bien voir que l'altérité sexuelle ne constituant plus une limite à la constitution des couples de parents, nous nous retrouverons immanquablement avec plus de deux parents pour le même enfant, comme on l'observe déjà dans les pays qui ont adopté une législation similaire. Comment sera, dès lors, organisée la succession ?
Nous n'avons toujours pas de réponses aux propos du juge Rosenczveig. Permettez-moi de le resituer, madame Clergeau : il s'agit du juge chargé de la famille et de l'enfance au tribunal de Bobigny, …
…un lieu qui n'est pas neutre, dans un département, chacun le sait, très exposé.
Ce n'est pas un juge parmi d'autres. Sauf erreur de ma part, il a exercé cette fonction depuis trente ans, en vertu du principe de stabilité des membres de la magistrature.
Il connaît donc parfaitement son sujet et a pu, en outre, constater l'évolution dans son département.
Il a vu des milliers d'enfants, dont certains sont aujourd'hui des adultes, confrontés à des difficultés considérables – économiques pour partie, j'en conviens, madame Buffet ! Je ne nie pas la réalité économique, bien que je combatte toute forme de déterminisme ; mais ces difficultés sont économiques pour partie, car ce n'est pas la seule explication.
Il faut compter également avec le traumatisme de parents qui, venant de très loin, ont du mal à s'adapter à la société moderne et sont confrontés à des enfants qui, eux, la découvrent. Ces parents ont de ce fait du mal à exercer leur autorité parentale – ne le nions pas !
C'est l'une des difficultés majeures auxquelles notre pays est confronté, particulièrement dans ces départements que vous connaissez bien, madame Buffet – que vous connaissiez bien, devrais-je dire, puisque les communistes ne sont plus majoritaires au conseil général depuis que le président Bartolone a fait le nécessaire pour que les socialistes l'emportent. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Tels sont les éléments que je voulais vous communiquer. En tout état de cause, madame Clergeau, il serait bon que nous disposions des éléments de réponse, que nous sachions ce qu'en pense la commission et sa présidente. Sinon, nous commencerions à espérer que nos arguments finissent par porter et que vous cherchez simplement à vous donner le temps de la réflexion avant de répondre.
Je vais le défendre, madame la présidente ! Je sais bien qu'il faut avancer, mais point trop n'en faut !
Je suis très alarmé par ce que j'ai lu ce matin dans la presse, madame la ministre de la famille, concernant les intentions du Premier ministre en matière de restriction des prestations familiales.
Le Gouvernement souhaite en effet, d'une manière générale, faire des économies ; compte tenu des politiques que vous menez depuis quelques mois maintenant, il est grand temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Lorsque le Gouvernement veut faire des économies, nous approuvons ! Mais lorsque le Gouvernement veut économiser plus particulièrement sur la politique familiale, nous n'approuvons pas !
La plupart des pays du monde cherchant à réaliser des économies dans un domaine donné commencent par réduire les dépenses. Or, si j'en crois l'article du journal Les Échos présentant l'orientation fixée par le Premier ministre, votre gouvernement, même s'il n'est pas seul responsable, renoue avec la pratique habituelle de notre pays qui consiste à prévoir d'un côté des économies – plus ou moins intelligemment – et, parce qu'on ne résiste pas à l'envie de se vendre, à engager d'un autre côté des dépenses supplémentaires.
Pensez-vous, madame la ministre, que la priorité, en termes d'économies à réaliser, soit de massacrer la politique familiale ? Et, dès lors que vous avez décidé de réduire les dépenses, pensez-vous qu'offrir des cadeaux supplémentaires soit dans l'air du temps ?
Le mot « cadeau » est peut-être maladroit, d'ailleurs : je le retire, car il est rare qu'une prestation soit totalement illégitime. Mais, alors qu'existe un impératif absolu d'économies et que vous vous apprêtez à faire subir durement, rudement, à un certain nombre de nos concitoyens les économies que vous envisagez de faire sur la politique familiale, est-il indispensable d'inventer des prestations nouvelles et des droits nouveaux ?
J'ai demandé que ce texte, dans lequel l'imagination et l'invention auraient été bienvenues, privilégie le cousu main au prêt-à-porter, plutôt que de dupliquer maladroitement et de mettre dans le même dispositif ce qui, raisonnablement, eût été mieux satisfait et mieux traité avec une réponse adaptée.
Mais, si vous savez inventer des dépenses, vous ne parvenez pas à imaginer de réponses aux besoins de nos concitoyens. Quand il s'agit d'engager des dépenses nouvelles, au besoin en supprimant ce qui répond depuis des décennies à la demande de nos concitoyens en termes de politique familiale, apparemment vous savez et vous voulez le faire !
Ce n'est pas votre fibre habituelle !
Monsieur Mariton, je vous suggère de me poser la question lors d'une séance de questions au Gouvernement, car cela n'a rien à voir avec la loi sur le mariage et l'adoption. Avis défavorable.
Pendant que j'écoutais les non-réponses apportées aux différents orateurs, je regardais la définition du mot « famille » : une famille est « une communauté de personnes réunies par des liens de parenté existants ».
Dans le cadre du présent débat, cette définition montre bien que la notion de famille soulève une véritable interrogation, comme l'a rappelé très justement notre collègue Mariton : existera-t-il encore demain un ministre de la famille ?
La conception même de la famille, sa structuration, telle qu'elle existe ou telle que vous la concevez, sont au quotidien remises en cause. Cela commence aujourd'hui par ce texte, cela se traduira plus tard par une politique dite « familiale » ; mais finalement, madame la ministre, êtes-vous consciente que l'élément le plus faible, le plus fragile de notre société, à savoir l'enfant, est aujourd'hui en jeu ?
Combien de fois le mot « enfant » a-t-il été prononcé au cours de nos débats, mes chers collègues ? Il serait intéressant de le vérifier, car il est de notre rôle de protéger la personne la plus faible de notre société. Je pense que la conception même de la famille que vous mettez en oeuvre dans ce texte met en danger ce que nous avons de plus cher, c'est-à-dire les enfants.
(Les amendements identiques nos 2652 , 3741 et 5240 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n° 2608 .
L'article L. 226-2-1 du code de l'action sociale et des familles a pour objet les modalités de transmission d'informations préoccupantes sur les mineurs en danger.
Cet article spécifie, dans son dernier alinéa, que « sauf intérêt contraire de l'enfant, le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur sont préalablement informés de cette transmission, selon des modalités adaptées ».
Je vous repose donc la même question que tout à l'heure, madame la garde des sceaux : comment vous assurerez-vous que le nombre de personnes concernées par cette transmission, ou sollicitées à l'occasion de cette transmission, sera effectivement limité à deux, dans la mesure où le texte que vous nous soumettez aujourd'hui ne fixe pas de limite ?
J'aimerais donc obtenir une réponse à cette question. L'amendement est défendu, madame la présidente.
Une fois de plus, je n'ai pas obtenu de réponse concernant les interrogations du juge Rosenczveig. Je vous invite à les lire, à échanger et à trouver les éléments de réponse ; peut-être la pause qui approche vous permettra-t-elle de le faire !
En tout état de cause, on ne peut pas ignorer un avis aussi circonstancié, aussi pertinent, d'un homme qui a consacré toute sa vie professionnelle aux enfants les plus atteints, les plus déstructurés ; un homme qui, sur certains sujets, j'en conviens, ne partage pas nos analyses, mais qui mérite au moins une réponse. Ses propos, j'en suis convaincu, interpelleront nombre de personnes qui, à gauche, l'écoutaient souvent sur d'autres sujets.
C'est devenu une passion de plus en plus folle, même si elle est récente !
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron