La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Nous en venons à l’examen des articles non rattachés à des missions.
Comme de coutume, les articles de récapitulation, c’est-à-dire les articles 29 à 37, seront examinés à la fin de la première délibération.
La séance, suspendue à neuf heures trente, est reprise à neuf heures trente-cinq.
Madame la présidente, mon rappel au règlement porte sur l’organisation de nos travaux. L’article 38 que nous examinons ici n’est pas une loi, mais un simple article. Mais c’est un article qui comporte plus de 30 pages et de 400 alinéas, lesquels auraient pu constituer autant d’articles. Notre discussion sera donc tronquée : il n’y aura pas de motions préalables et nous ne pourrons nous exprimer qu’une fois sur l’article.
Autre élément de fond : sur un sujet aussi délicat sur le plan juridique et constitutionnel, c’eût la moindre des choses que nous disposions de l’avis du Conseil d’État. De fait, des problèmes ne manqueront pas de se poser à propos des sanctions, de la prescription fiscale, de l’année de transition par exemple. Si l’avis du Conseil d’État ne nous est pas communiqué, c’est sans doute parce qu’il n’est pas si favorable que ça aux dispositions envisagées par le Gouvernement.
Monsieur Le Fur, j’ai pris acte de vos remarques. Je vous rappelle néanmoins que chaque auteur d’amendement pourra s’exprimer et répondre tant à la commission qu’au Gouvernement.
Il y a plusieurs orateurs inscrits sur l’article 38. Je vous rappelle que chacun dispose d’un temps de parole de deux minutes.
La parole est à M. Hervé Mariton.
Je suis, comme le groupe Les Républicains, opposé à cette proposition formulée par le Gouvernement en extrême fin de législature pour modifier les modalités du prélèvement de l’impôt sur le revenu en instaurant le prélèvement à la source. Nous disons clairement que, lorsque nous le pourrons, nous reviendrons sur cette mesure. Il faut que le Gouvernement ait la modestie de le comprendre et que l’administration l’entende. Si près de la fin du mandat, de tels changements soulèvent un problème de légitimité et il est essentiel, d’un point de vue démocratique, de pouvoir les remettre en cause.
Le Gouvernement devrait être très explicite à ce propos. Vous balancez en effet, monsieur le ministre des finances, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, entre une réforme fondamentale qui va tout changer et, je l’espère, un minimum de principes républicains qui doivent vous faire comprendre que vous appliquerez cette mesure si vous gardez le pouvoir mais que, si tel n’est pas le cas, la loyauté veut que nous puissions la remettre en cause.
Cette réforme est à la fois coûteuse et complexe. Coûteuse car, dans tout système, il faut comparer le coût du prélèvement de l’impôt à son rapport. Or, en l’espèce, le rapport est mis en danger – dans le cas par exemple d’entreprises qui feraient faillite – tandis que le coût sera plus important. Il y aura en effet un impôt sur le revenu pour le prix de deux, avec la mise en place du nouveau circuit et le maintien de l’ancien.
Votre réforme est également complexe, comme cela a été dit lors des travaux en commission et comme vous l’avez vu vous-même. Vous avez d’abord pris beaucoup de retard, par rapport à vos ambitions initiales, dans la présentation de ce dispositif à la représentation nationale. Il est ensuite pétri de complexités que vous-mêmes ne parvenez pas à résoudre toutes. Nous sommes massivement opposés à ce dispositif et les amendements de certains de nos collègues mettront douloureusement le doigt sur chacune de ces complexités.
Les arguments contre la réforme sont innombrables. Le prélèvement à la source met en danger la familialisation de l’impôt et exprime, en réalité, une logique individualiste. Il impose des contraintes supplémentaires aux entreprises et provoquera, comme l’ont reconnu en début de semaine certains élus socialistes, une logique de revendications salariales « net de net ».
Les avantages ne pourraient venir qu’avec une certaine clarté politique. Vous pourriez par exemple assumer la fusion de l’impôt sur le revenu – IR – et de la cotisation sociale généralisée – CSG – à laquelle nous sommes résolument opposés. C’est ce que vous avez en tête, mais sans l’assumer. Vous pourriez aussi engager une réforme plus ambitieuse procédant d’une philosophie politique plus proche de la nôtre – je pense à la logique d’un impôt sur le revenu universel et proportionnel. De fait, d’autres voix peuvent exister mais, pour que la retenue à la source ait des avantages, il faut un véritable projet politique. Or, tel n’est pas le cas. Nous sommes donc opposés cet article.
Je rappelle que le temps de parole est de deux minutes.
La parole est à M. Marc Le Fur.
Nous sommes en effet résolument opposés à cet article 38.
Vous mentez aux Français. Vous laissez croire que le prélèvement à la source leur simplifiera la vie. C’est totalement faux : il va la leur compliquer. La plupart des Français pensent qu’on déduira le montant de l’impôt de leur feuille de paie et que ce sera fini, mais non ! Il y aura encore une déclaration d’impôt à remplir ensuite !
Ils découvriront aussi que plusieurs taux s’appliquent. Il y avait jusqu’à présent le taux marginal d’impôt, qui est en quelque sorte la tranche maximale, et le taux moyen, qui figure sur l’avis d’imposition. Les Français en découvriront de nouveaux : ceux du prélèvement à la source avant et après septembre – deux taux dans l’année : quelle simplification ! – ou le taux forfaitaire, très élevé, qui s’appliquera en particulier aux jeunes... Il ne s’agit donc aucunement d’une simplification.
Les Français découvriront également que les familles assureront la trésorerie de l’État : on paiera l’impôt dans l’année N et on sera remboursé des éventuels crédits et déductions dans l’année N+1. Bref, on fait la trésorerie de l’État.
Voilà quelle sera la grande découverte de nos compatriotes, même si M. Lefebvre a bricolé quelque chose pour atténuer le phénomène – bricolage prouvant du reste bien qu’il y a un problème.
Les Français découvriront également que le directeur des ressources humaines – DRH – de leur entreprise, avec lequel ils négocient leur augmentation de salaire, connaît leur taux d’imposition, ce qui occasionnera en outre de multiples difficultés entre collègues. En effet, deux personnes qui ont le même salaire ont aujourd’hui le même chiffre en bas à droite de leur feuille de paye. Demain, les chiffres seront différents puisqu’ils ne seront pas traités fiscalement de la même façon. Et, comme je le disais, ils auront en face d’eux, dans la négociation salariale, un DRH qui aura connaissance de leur taux d’imposition. Si ce taux est assez élevé, le DRH saura qu’il existe d’autres revenus que les revenus salariaux qu’il connaît, ce qui provoquera des difficultés dans la négociation.
Vous allez donc compliquer la vie des Français, la rendre beaucoup moins simple qu’aujourd’hui. Pour toutes ces raisons, nous sommes résolument opposés à cet article. C’est ce que nous dirons tout au long de cette journée.
Je suis moi aussi entièrement opposé à la mise en place de ce dispositif. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous en expliquiez les fondements, ainsi que la stratégie qui sous-tend cette modification. Le prélèvement à la source aura un impact prévisible sur les entreprises, notamment sur les PME et TPE, qui devront assumer à la place de l’État la charge administrative de la collecte et du traitement de toutes les informations individuelles. Comme vient de le souligner M. Le Fur, ce dispositif contrevient largement à la tradition de confidentialité des éléments privés, qui seront désormais intégrés aux données de l’entreprise. En outre, les PME et TPE devront faire face à des lourdeurs administratives qui nécessiteront certainement l’embauche de personnel supplémentaire dans les secrétariats pour traiter de données qui relèvent en réalité de l’État.
Autre point fondamental : en apportant cette modification, vous déresponsabilisez nos concitoyens face à l’impôt dont ils sont redevables au titre de leurs revenus. La tradition française repose en effet sur un modèle déclaratif : chacune et chacun d’entre nous, au terme d’une année, déclare ses revenus en toute connaissance de cause quant aux différents dispositifs d’allégement possibles et aux éventuelles sanctions prévues en cas de fausse déclaration ou de fraude. Vous voulez aujourd’hui déresponsabiliser l’individu en prélevant en amont sur ses émoluments les sommes qu’il est censé devoir au titre de l’impôt sur le revenu. C’est un virage catastrophique pour la société et pour l’avenir. J’y suis donc fondamentalement opposé.
J’adhère à ce que viennent de dire mes collègues. Je souhaite, pour compléter les propos d’Arnaud Viala, centrer mon propos sur la situation des entreprises. Celles-ci ont connu des modifications importantes ces dernières années en matière de ressources humaines. Par exemple, la mise en place, très récente, de la mutuelle, au 1er janvier 2016 : pour l’avoir constaté sur le terrain, je peux vous dire que les applications des logiciels ne sont pas encore totalement opérationnelles sur ce point.
Par ailleurs, la mise en place de la déclaration sociale nominative – DSN – devient obligatoire pour les entreprises, dans le cadre de la phase 3, au 1er janvier 2017. Mais un certain nombre d’entreprises l’expérimentent déjà dans le cadre des phases 1 et 2, et un grand nombre de difficultés apparaissent aujourd’hui. Un cabinet d’expertise comptable m’a indiqué ce matin que, sur quarante tests effectués portant sur la DSN, un seul était positif – soit trente-neuf retours négatifs, trente-neuf difficultés connues au mois d’octobre concernant cette DSN. Cela pose un véritable problème.
Bien que la situation de la DSN ne soit pas encore complètement apurée, que toutes les solutions n’aient pas encore été trouvées, vous créez aujourd’hui une nouvelle difficulté pour les entreprises. Elles sont encore plongées dans les problèmes de DSN : ainsi, l’attestation Pôle emploi, qui devait être complètement remplacée par la DSN, ne pourra pas l’être pendant les douze premiers mois car il faut connaître l’historique des douze derniers mois de l’attestation Pôle emploi, historique qui ne sera connu que douze mois après la mise en place de la DSN… C’est une vraie difficulté pour les entreprises.
Au moment où l’on parle beaucoup de compétitivité, où les entreprises demandent de la simplification et souhaitent faire autre chose que gérer les lourdeurs administratives et bureaucratiques, votre agenda n’est vraiment pas adapté.
Rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous voilà rassurés !
Il y en a eu plein d’autres, d’accord… Mais celle-ci est vraiment la plus mauvaise sur un plan technique, pour trois raisons. Première raison : l’année blanche. Une année blanche, messieurs les ministres, cela a du sens ! Sera-t-elle perçue comme un cadeau électoral à la veille d’une campagne présidentielle ? C’est une réalité que vous ne pouvez pas nier : une année blanche, ce n’est pas que technique.
Deuxième raison : pour les entreprises, cette nouvelle charge ajoute à la complexité. L’entreprise sera le collecteur de l’impôt pour tous les particuliers salariés. C’est une aberration ! Que faites-vous du secret fiscal ? Et du risque dans la transmission des données ? Les systèmes informatiques de nos entreprises ne sont pas aussi sécurisés que ceux de l’État !
Troisième raison : pour les particuliers, on conserve la même complexité, puisqu’il faudra bien faire une déclaration. Et quand je vois le nombre d’amendements qui ont été déposés pour cette lecture, que ce soit de Mme la rapporteure générale ou du Gouvernement, concernant le taux neutre, cela veut bien dire qu’il y a un problème !
Il y a un loup dans votre taux neutre, monsieur le ministre.
En réalité, cela coûtera plus cher au particulier, qui fera une avance de trésorerie. Vous ne mesurez pas aujourd’hui l’impact que cela aura sur le pouvoir d’achat. Car il y aura une baisse du pouvoir d’achat : en janvier 2018, tous les salariés et les retraités constateront que leurs revenus ont énormément baissé, se diront qu’il faut s’organiser en conséquence et cesseront de consommer. Tel sera cet impact.
En conclusion, nous avons bien compris qu’il s’agissait d’une mesure de trésorerie pour l’État. Vous auriez pu choisir, plus simplement, la mensualisation : c’eût été simple et sans complexité – trop simple pour vous !
Le groupe UDI n’est pas hostile par principe à l’instauration du prélèvement à la source, pour deux raisons. La première, c’est que l’opposition nationale l’a proposé à trois reprises et que nous n’avons pas l’habitude, au groupe UDI, de dire, quand nous sommes dans l’opposition, l’inverse de ce que nous disions quand nous étions dans la majorité. La seconde, c’est que la France est le dernier pays à ne pas avoir instauré le prélèvement à la source. Je rappelle qu’il a été instauré en Nouvelle-Zélande au milieu du XIXe siècle,…
…dans les années 1930 aux États-Unis, juste après-guerre en Grande-Bretagne, sous la République de Weimar en Allemagne… Ce n’est donc pas un problème de fond.
Quelles sont les raisons qui font que nous voterons contre le texte proposé ? Il y en a trois. Première raison : la date à laquelle il nous est proposé. Une telle réforme doit être faite en début de mandat, et non à la fin. Je vous pose donc la question à laquelle le directeur des finances publiques n’a pas voulu répondre en commission, arguant que c’était au ministre de le faire : si l’actuelle opposition revient au pouvoir, pourra-t-elle, à partir de juin, abroger cette réforme, ou bien avez-vous fait en sorte de la rendre irréversible ?
Deuxième raison : cette réforme se situe dans le cadre de l’engagement no 14 du candidat François Hollande – je vous le rappelle, car la plupart l’ont oublié : « La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu ». En outre, le 7 septembre 2015, il déclare : « Le prélèvement à la source permettra d’avoir des évolutions de notre système fiscal par une intégration entre la CSG et l’impôt sur le revenu ». Or le groupe UDI est farouchement hostile, pour des raisons sur lesquelles je reviendrai, à la fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu.
Troisième et dernière raison : ce n’est pas le moment d’imposer aux entreprises une charge administrative supplémentaire, sans compter les nombreuses imperfections du dispositif proposé.
Nous engageons un débat extrêmement important, un débat de modernisation, un débat de réforme, qui doit considérablement améliorer et simplifier la vie de nos concitoyens.
Contrairement à ce que je viens d’entendre de la part des orateurs de droite qui, manifestement, n’ont pas lu ou pas compris l’étude préalable remarquable préparée par l’administration fiscale, que je tiens à saluer ici, le prélèvement à la source que nous proposons d’instaurer, qui est le droit commun des pays de l’OCDE, sera pour les entreprises l’un des plus simples au monde. Si vous avez lu l’étude préalable et l’étude comparée avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Belgique et d’autres, vous savez que notre système est beaucoup plus simple. En outre, il bénéficiera, puisque nous le mettons en place en 2018, des dernières avancées numériques et technologiques qui rendront le système extrêmement simple.
Surtout, je rappelle que lorsque nous faisons la loi dans cet hémicycle, nous la faisons d’abord pour l’intérêt général, pour le contribuable général. L’étude d’impact montre bien que pour les 90 % de foyers fiscaux percevant majoritairement, voire exclusivement, des traitements, des salaires, des retraites et des rentes, les choses seront beaucoup plus simples.
Le prélèvement à la source permet d’ajuster, mois après mois, le montant de l’impôt prélevé au revenu réellement perçu. Lorsque vous subissez des chutes de revenus et que vous devez payer une mensualité calculée sur les revenus de l’année précédente, comme le propose l’opposition, vous vous retrouvez avec des décalages importants. Cela met en difficulté 30 % de contribuables qui, chaque année, voient leurs revenus baisser. Un certain nombre – plusieurs centaines de milliers, voire des millions – peuvent subir des baisses importantes. C’est le cas lors du passage à la retraite, ou lorsqu’on se retrouve au chômage ou en arrêt maladie ; c’est le cas également lors d’importantes variations dans la situation familiale. On voit donc bien que pour plus de 90 % des contribuables, cela entraînera une grande simplification.
Pour ce qui est des entreprises, la charge peut être, ailleurs en Europe, beaucoup plus importante. L’entreprise en France aura seulement à appliquer le taux qui lui sera transmis par la direction générale des finances publiques sur la DSN – je rappelle, à ce propos, que le vice-président du MEDEF a indiqué en commission que la DSN fonctionnait ! – ou bien alors un taux neutre, dont nous aurons à débattre. Au fond, avec le prélèvement à la source, il y aura moins d’ajustements a posteriori quand on pourra calculer l’impôt réel – nous y reviendrons.
Sur les crédits et réductions d’impôt, je remercie Marc Le Fur de dire que je suis bricoleur, mais l’opposition cherche à faire croire que nous allons modifier le mode de calcul de l’impôt : c’est faux ! L’impôt payé sera le même que l’on instaure le prélèvement à la source ou pas. Les crédits et réductions d’impôt sont toujours payées en année N+1, quand la dépense est constatée, et il en sera toujours ainsi.
Permettez, madame la présidente, à Christian Eckert et à moi-même de prendre quelques minutes…
Le Gouvernement intervient autant qu’il le souhaite, monsieur le ministre !
Je préfère que cela soit avec votre permission, madame la présidente.
À ce stade du débat, compte tenu de l’importance de cette réforme et des objections qui viennent d’être apportées, je dirai simplement et clairement que c’est une belle et grande réforme qui vous est proposée. Elle mérite d’être débattue et doit être critiquée – car des critiques, on peut tirer un certain nombre d’améliorations.
L’impôt sur le revenu en France n’est pas le plus simple au monde. Quand on veut simplifier son prélèvement tout en conservant les subtilités qui sont les siennes, il est vrai qu’un certain nombre de questions techniques se posent. Ni le débat, ni les critiques ne sont donc de trop. Mais tout de même ! Si chacun ici – et je respecte en conscience les opinions de chacun – sort de la posture et analyse la réforme, il devrait être dans la discussion, pour améliorer, et non pas dans l’opposition pour s’opposer.
Je ne cherche pas à faire la morale ! Pour des raisons assez bien rappelées par M. de Courson, cette réforme ne vient pas de nulle part, elle n’est pas inventée en fin de quinquennat pour le plaisir de faire une réforme !
Elle est portée par les uns et par les autres depuis plus de cinquante ans !
En dépit des objections répétées du Conseil des prélèvements obligatoires.
Si je voulais faire la liste des auteurs des diverses propositions qui ont pu être faites, j’en trouverais partout.
En dehors peut-être de M. Mariton, j’en trouverais parmi ceux qui sont aujourd’hui sur tous les bancs ! Cette réforme est une grande réforme, qui a été souhaitée par les uns et par les autres. C’est l’honneur de ce gouvernement et de cette majorité d’avoir décidé de passer à l’acte pour instaurer ce qui existe partout et dans tous les pays. Certes, il existe une exception : la Suisse. Comme chacun sait, la Suisse est un parangon de vertu dans le domaine fiscal !
Alors que partout ailleurs existe un dispositif de cette nature, nous continuerions, au nom des conservatismes des uns ou des autres, à trouver toutes les bonnes raisons – ou les mauvaises – pour s’opposer à une réforme comme celle-ci ? Je crois vraiment qu’il faut sortir des postures. Je sais que, pour beaucoup d’entre vous, vous le faites parce que vous êtes dans l’opposition ; il a pu nous arriver également, lorsque nous étions dans l’opposition, de nous opposer à des réformes que nous n’avons pas ensuite annulées.
Regardons la vérité en face, monsieur de Courson ! Pour votre part, vous êtes toujours, d’une manière ou d’une autre, dans l’opposition. Cela vous donne l’avantage de la cohérence…
Regardons les choses telles qu’elles sont. Nous allons débattre pendant toute cette journée de questions qui ne sont pas de détail, mais qui portent sur les marges, pour éviter un inconvénient ou mettre en valeur une qualité du dispositif. Mais regardons le fond des choses : il est inacceptable que, chaque année, 30 % des foyers dont les revenus baissent doivent payer des impôts sur les revenus de l’année précédente. Cela pose à chaque fois un problème lourd.
Il n’est pas difficile de connaître une situation de cette nature : tout Français, tout foyer fiscal se retrouvera au moins une fois dans sa vie dans une telle situation – et même deux, trois ou cinq fois dans sa vie maintenant, compte tenu de l’évolution des parcours professionnels. Il y aura une année où, bien que gagnant moins, l’on continuera à payer beaucoup d’impôts parce que l’on avait beaucoup gagné l’année précédente.
C’est le coeur du problème. C’est pour cette raison très simple que cette réforme, même si elle peut être discutée, est aujourd’hui soutenue par l’opinion publique et par les Français. Ceux-ci voient très bien ce qu’apportera dans leur vie quotidienne le dispositif ici présenté.
Où avez-vous vu cela ? Nous ne devons pas rencontrer les mêmes Français !
Je répondrai à l’ensemble des questions car aucune n’est taboue.
Une réforme aussi ample ne nécessite-t-elle pas de discuter d’un certain nombre de dispositifs ? Si, bien sûr ! Vous parlez, à juste titre, d’une éventuelle complexité de la réforme pour les entreprises. Mais si nous avons souhaité porter cette réforme aujourd’hui, avec une application au 1er janvier 2018, ce n’est pas pour des raisons de calendrier électoral.
Vous pouvez faire tous les procès possibles et imaginables – comme si la majorité aujourd’hui était moins légitime que dans les trois premiers jours de son élection ! Tout cela est tellement contraire à l’esprit des institutions et à la Constitution de la Ve République que je me permets de l’écarter d’un geste de la main. Nous avons toute légitimité, et vous tout autant, pour décider d’une grande réforme comme celle-là.
Si la date du 1er janvier 2018 a été retenue, c’est parce que, cela a été dit, à cette date toutes les entreprises françaises seront passées à la déclaration sociale nominative, un système voulu et financé par elles parce qu’il représente pour elles une simplification et, au bout du compte, une économie considérables. Et c’est en utilisant cet outil, qui sera mis en place dans toutes les entreprises d’ici le 1er janvier 2018…
Il peut certes subsister quelques difficultés, mais il reste quatorze mois avant que le dispositif soit généralisé : on a encore le temps de le perfectionner ! Cet outil très simple permettra de mettre en oeuvre la réforme de manière simple pour les entreprises.
Les interrogations sur la confidentialité sont parfaitement légitimes : il y a des solutions, elles seront débattues ici, pour protéger totalement la confidentialité de la situation fiscale de chacun et chacune de ceux qui ont à payer un impôt prélevé à la source. Les questions relatives aux crédits et aux réductions d’impôt sont tout aussi légitimes : il y a des solutions, il y a des propositions, il y a des améliorations qui seront débattues dans l’hémicycle ou qui l’ont déjà été en commission.
Parlons des choses, ne les refusons pas ! Les premiers orateurs se sont contentés de dire : « Je suis contre ». Franchement ce n’est pas comme ça qu’on fait avancer un pays !
La clarté ne me gêne pas mais ce n’est pas comme ça qu’on avance, surtout s’agissant d’une réforme comme celle-ci qui n’a aucun caractère idéologique.
Je terminerai sur la question de la réversibilité.
La démocratie, nous la respectons profondément et nous vous demandons de la respecter, dans une assemblée qui est en capacité de porter des réformes très fortes, très profondes et pour plusieurs années. La démocratie, donc, veut que si la majorité sortie des élections souhaite faire l’inverse de la majorité précédente, elle en a non seulement le droit mais elle en a les capacités juridiques. Si je vous disais le contraire, dans quel monde serions-nous ? Il n’y a pas d’automaticité tyrannique ! En démocratie c’est le vote de l’Assemblée et du Sénat qui l’emportent, par définition.
Toute réforme est donc par définition réversible. La question n’est pas là. Pour ceux qui viendront ensuite, – nous, et alors nous mettrons cette réforme en oeuvre sereinement, ou d’autres peut-être, mais qui seront sans doute moins virulents que ceux qui s’expriment ici – la question sera la suivante : cela vaut-il le coup de remettre en cause une bonne réforme, qui simplifie la vie et qui de surcroît est l’aboutissement d’un travail considérable de notre administration et qui mérite le respect de chacun – d’autant qu’à en croire certains elle n’était pas favorable à ce genre de réforme ? Beaucoup dans vos rangs, partisans du prélèvement à la source, dénonçaient même l’obstruction et le conservatisme de l’administration des finances, qu’ils accusaient de ne pas vouloir la mettre en oeuvre !
Bref, cette administration a fait un travail absolument considérable. Vous le savez, vous avez entendu ses représentants qui se sont mis à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos questions. En témoignent les documents annexés au projet de loi de finances consacrés à cette question : 400 pages d’analyse, de mises en perspective et de comparaisons avec les autre pays ! C’est à la mesure d’une réforme comme celle-ci.
Je veux rendre hommage à ceux qui ont accompli un travail aussi considérable et tout spécialement à Christian Eckert, qui s’est passionné pour cette réforme et qui va continuer à en débattre avec vous ici pour l’améliorer encore, parce qu’on peut toujours faire mieux.
Quel intérêt y aurait-il à revenir sur une réforme qui a demandé autant de travail, qui va être débattue aussi précisément et encore améliorée par le Parlement, et qui est une telle évidence en termes de simplification de la vie des uns et des autres ?
Voilà la meilleure réponse. La meilleure réponse, ce n’est pas une réponse politicienne, ce n’est pas le blocage des institutions. Les institutions fonctionneront comme elles doivent fonctionner mais enfin, mesdames et messieurs, vous serez peut-être les premiers à considérer qu’il y a plus urgent que de remettre en cause des réformes aussi intéressantes que celle-ci !
Pour notre part, nous considérons qu’il est non seulement de la légitimité, mais de l’honneur de ce gouvernement et de cette majorité de pouvoir enfin discuter et voter une réforme qui a été voulue par tant et tant de gens aussi intelligents et aussi avertis de ce qu’est la vie quotidienne des Français que ceux qui ont siégé sur ces bancs ou qui ont représenté les uns et les autres au ministère des finances ou ailleurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics.
Il est difficile de compléter une réponse aussi précise.
Je commencerai par dire que ce n’est pas sans émotion que nous abordons ce débat tant attendu. C’est la première fois que le Parlement a l’occasion de débattre précisément, concrètement, sur la base d’un texte, d’une réforme aussi importante et que beaucoup ont souhaitée à un moment donné de leur carrière politique.
Je voudrais commencer par m’inscrire en faux contre l’affirmation selon laquelle il s’agirait d’une réforme bâclée, issue d’un bricolage de dernière minute. Le texte a été mis à votre disposition, mesdames et messieurs les députés, bien avant le dépôt de la loi de finances ! Vous avez eu plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour étudier cette question : c’est bien la première fois !
C’est vrai que l’article est long, mais je vous rappelle quand même qu’un article qui comptait au moins autant d’alinéas…
…avait été bricolé en une nuit pour réformer la taxe professionnelle, et que nous en subissons encore aujourd’hui les conséquences !
Vous avez donc eu plusieurs semaines pour étudier un texte auquel notre administration et nos équipes travaillent depuis le début de l’année, accompagné d’une étude d’impact d’une qualité remarquable et qui balaie tout l’éventail des situations envisageables. Dans ces conditions, prétendre qu’il s’agit d’une réforme bâclée est tout simplement méprisant au regard de l’ampleur du travail accompli. Nous sommes venus en commission pour travailler avec vous, et vous avez pu auditionner tous ceux que vous vouliez entendre, notamment parmi l’administration fiscale.
Cette réforme a donc été bien préparée et nous continuons à y travailler ici. Nous aurions souhaité le faire au Sénat, mais il semblerait que ce dernier refuse de faire son travail et d’étudier la réforme. C’est de sa responsabilité…
Je voudrais simplement répondre à trois objections. Nous aurons l’occasion de revenir sur le reste lors de l’examen des amendements.
Premièrement, l’État voudrait profiter de cette réforme pour grossir sa trésorerie sur le dos des contribuables. C’est stupide !
D’abord, quel intérêt aurait l’État à accumuler de la trésorerie sur le dos des contribuables, alors que les taux d’intérêt sont négatifs à court terme, et a fortiori à l’intérieur d’une année budgétaire ? C’est tout bonnement stupide ! Et en plus c’est faux : je vous rappelle qu’aujourd’hui la grande majorité des contribuables paient l’impôt sur le revenu sur dix mois, donc par dixièmes, et que le prélèvement à la source leur permettra de payer leurs impôts par douzièmes, soit des versements inférieurs de 16 % à leur montant actuel.
Pourquoi prétendre que l’État se ferait de la trésorerie sur le dos des contribuables alors qu’il ne le souhaite pas, qu’il n’en a pas besoin et surtout que c’est faux, puisque c’est même pénalisant pour lui ? Arrêtez de dire qu’il cherche à se faire de l’argent ! D’autant que vous n’ignorez pas que les modalités de calcul de l’impôt resteront inchangées, notamment sa familialisation, sa conjugalisation et sa progressivité.
Deuxième objection : nous serions le seul pays où l’impôt est familialisé et progressif, ce qui nous empêcherait de mettre en oeuvre le prélèvement à la source. C’est encore plus faux !
Vous l’avez rappelé, le Conseil des prélèvements obligatoires a étudié ce qui se passait dans treize grands pays qui pratiquent le prélèvement à la source. Six pays proposent une imposition conjointe : l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique, le Luxembourg, l’Irlande, les États-Unis. Quasiment à chaque fois cette imposition conjointe est mise en oeuvre au moment du prélèvement à la source. C’est donc non seulement possible mais très largement pratiqué. À l’exception de trois de ces pays, tous les autres prennent en compte les enfants à charge dans le calcul de l’impôt sur le revenu, et ils le font au stade du prélèvement à la source. Voilà pour la familialisation.
La conclusion est claire et nette : la retenue à la source de l’impôt sur le revenu n’est en rien incompatible avec un barème progressif ni avec une familialisation et une conjugalisation de l’impôt. Arrêtez de dire des choses fausses !
Je voudrais enfin revenir sur la DSN. Le ministre l’a rappelé, l’initiative de cette réforme ne revient pas à l’actuel gouvernement puisqu’elle date d’avant 2012, même si sa mise en oeuvre est en cours.
Moi aussi, madame Louwagie, j’ai rencontré nombre d’experts-comptables ou de DRH dans les entreprises. Aujourd’hui la phase 3 est en train de se mettre en route et il reste quelques imperfections, dont je vais parler. Mais je voudrais dire d’abord ce que c’est que la DSN.
La DSN, c’est un gros tuyau qui permet des échanges entre les entreprises et toutes les administrations et organismes collecteurs de prestations sociales. C’est par la DSN que l’entreprise est informée des taux qu’elle doit appliquer sur les revenus et c’est par le même circuit qu’elle renvoie ce qu’elle doit à tous les collecteurs de cotisations – et ils sont très nombreux ! Il y a bien sûr les URSSAF, qui sont les plus importants et les plus connus, mais aussi toutes les caisses de retraite et de retraite complémentaire, toutes les assurances et les assurances complémentaires. La moindre caisse de retraite, qu’elle concerne tel secteur professionnel ou tel secteur géographique, doit être en capacité de recevoir ces informations via ce nouveau tuyau.
C’est une économie de paperasse considérable pour les entreprises, toutes le reconnaissent. Une étude menée par GIP – groupement d’intérêt public – chargé de la DSN, une étude indépendante, qui n’a pas été commandée par le Gouvernement, montre que ce sont près de 3,5 milliards qui seront économisés par l’ensemble des entreprises lorsque tout fonctionnera.
Certes il reste quelques organismes, essentiellement les plus petits, qui ne reçoivent pas encore ces éléments, mais ils ont encore une année pour se mettre totalement en ordre de marche ! Sinon les URSSAF et les principaux organismes collecteurs de cotisations sociales reçoivent les informations, et les reçoivent de bonne façon. S’agissant de ce qui manque, de ces quelques organismes qui ne se sont pas mis en capacité de le faire, j’ai reçu les représentants du GIP il y a quelques jours seulement et nous avons listé ensemble les quelques points qui restent à finaliser.
À terme – nous ferons un point précis à la fin du mois – plus d’un million d’entreprises seront en ordre de marche pour faire fonctionner la DSN et toutes reconnaissent que c’est un progrès considérable. Les quelques déclarations sous format papier qui subsistent sont appelées à disparaître dans le semestre qui vient. Alors arrêtez de dire que cela ne fonctionne pas ! Cela fonctionne, même s’il reste des marges de progression.
Un petit tuyau supplémentaire sera greffé à ce système de DSN. Ce petit tuyau supplémentaire permettra de faire communiquer les entreprises avec l’administration fiscale. Par ce circuit, l’administration fiscale va envoyer le taux du prélèvement à la source aux entreprises, qui lui renverront son montant. Ce montant sera calculé en multipliant le revenu imposable, qui figure aujourd’hui sur les fiches de paie, par le taux du prélèvement communiqué par l’administration fiscale – en voilà, une opération complexe !
Voilà à quoi se résume toute la charge nouvelle, toute la complexité du système, mesdames et messieurs les députés ! Voilà la machinerie considérable qui va se mettre en place, de façon dématérialisée et automatisée, dans le respect du monopole de la communication entre le contribuable et les services fiscaux et qui en aucun cas ne demandera aux entreprises de faire un calcul qui tiendrait compte des revenus du ménage, des revenus fonciers, des pensions alimentaires ou de je ne sais quel crédit d’impôt.
L’administration recevra un taux, par un petit tuyau qui existe, et enverra le résultat de la multiplication. Et c’est l’avantage du système : tout cela se fait en temps réel. Celui que vous évoquez – un prélèvement mensuel automatisé – ne procurerait pas cette réactivité : il ne permettrait pas de calculer en temps réel, parce que l’administration fiscale ne connaîtrait pas le montant exact des revenus du ménage. Au contraire, c’est au moment où les revenus sont versés que cette multiplication permet d’adapter immédiatement le montant prélevé à l’impôt qui est dû.
Dernier point, nous y reviendrons : ce système a fait l’objet de nombreux travaux.
Monsieur Mariton, vous nous dites qu’il serait dangereux, et non conforme à ce que nous prônons. Mais dites-moi, n’est-ce pas vous qui aviez l’intention, dans une primaire à laquelle vous n’avez pu participer, de proposer la flat tax ? N’êtes-vous pas aujourd’hui en contradiction avec vous-même en disant que notre dispositif ne permet pas d’avoir une vision globale des revenus fiscaux familialisés, alors que vous étiez – je ne sais pas si vous l’êtes encore – défenseur d’une flat tax par laquelle tout le monde aurait été imposé au même taux ? Tout cela n’est que posture !
Le Gouvernement s’est montré ouvert à un certain nombre d’améliorations, depuis quelques semaines et ces derniers jours encore. Devant certaines propositions, nous ferons preuve de réactivité, mais évitons les postures !
Ce qui me permet de conclure sur la réversibilité : sachant que deux tiers des Français sont favorables à cette réforme, que nous l’avons longuement travaillée et que vous avez eu l’occasion de l’étudier et de l’améliorer, il me semble que celui ou celle qui prendrait la décision de revenir sur cette réforme contribuerait à décrédibiliser le travail du Parlement et du Gouvernement, en créant une telle instabilité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Cela me permettra de répondre au ministre et au secrétaire d’État.
M. Eckert nous dit que tout va se résoudre grâce à un mot magique : DSN. Ce ne sera pas le cas.
Vous l’avez dit vous-même, il y a 1 million d’entreprises. D’après le rapport de notre rapporteure générale, il y aura 1,7 million d’employeurs concernés par le paiement de l’impôt de leurs salariés. Quand on aura un ou deux salariés, il faudra déclarer leurs revenus et payer l’impôt pour eux !
De même, le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son étude sur les pays étranger, indique qu’au Danemark, le coût pour chaque entreprise s’élève à 200 euros par salarié. Quand vous avez 10 salariés, cela fait 200 multipliés par 10.
M. Lefebvre nous dit qu’il y a immédiateté : c’est faux ! On applique le taux d’il y a deux ans jusqu’en septembre, et le taux d’il y a un an ensuite !
Ce n’est pas le taux qui compte le plus, c’est la base.
Il n’y a pas d’immédiateté, c’est complètement faux. Et puis, il y a un vrai décalage. Vous le dites parfaitement, monsieur le ministre : on paie certes l’impôt tout de suite, mais on ne bénéficie des déductions et réductions d’impôt que l’année d’après.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, il y a concomitance entre les revenus que l’on touche et les déductions ou réductions consenties : tous ces montants sont ceux de l’année précédente. Cette concomitance va disparaître : on paie l’impôt et l’année suivante, on bénéficie des réductions et déductions. Pour parler simplement et pour que nos compatriotes comprennent : les mauvaises nouvelles, c’est pour tout de suite, les bonnes, pour l’année suivante.
C’est exactement ce que vous allez faire ! En trésorerie on paiera et ce n’est qu’une année plus tard qu’on sera quitte, après des rectifications très compliquées que nos compatriotes ne comprendront pas et qu’ils contesteront.
Vous mettez en cause l’impôt sur le revenu lui-même, car il n’est d’impôt que compris et clairement identifié par le contribuable. Ce ne sera plus le cas demain.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
M. le secrétaire d’État a tout compris… Il y a un sens au prélèvement à la source dans une réforme fiscale globale : celle vers laquelle le PS avance masqué, cette fusion de l’impôt sur le revenu et la CSG que vous avez tant proclamée et dont, prudemment, vous ne parlez plus.
Je n’ai pas changé d’avis, monsieur Eckert, je vous rassure : un impôt proportionnel et universel, dit flat tax, aurait un sens. Il ferait disparaître nombre de difficultés dont nous parlons, avec un taux unique et une appréhension simple de l’ensemble des revenus. Je vous invite à lire mon excellente proposition de loi sur le sujet, monsieur le secrétaire d’État, et à lui apporter votre soutien.
M. Sapin a jugé cette réforme moderne. Oui, monsieur le ministre, le monde a changé, avec une grande variété de situations chez les contribuables et des sources très diverses de revenus.
Alors, il faut soutenir ma proposition ! Si je peux me permettre, vous apportez, avec un schéma très daté de retenue à la source, une mauvaise réponse à des situations modernes. Vous êtes conscient des changements opérés mais vous apportez une réponse inadaptée.
Quant au sentiment des Français, c’est un point important. En effet, les sondages font apparaître qu’ils sont globalement favorables à la retenue à la source. Cela demande donc de notre part un certain courage et une certaine force pour dire que nous y sommes défavorables et que nous reviendrons dessus. Nous le faisons en période électorale : vous devriez rendre hommage à ce courage.
Nous ne sommes pas aussi politiciens que vous !
Mais de quoi parlons-nous ? Les Français croient qu’une fois la retenue à la source opérée, il en auront fini avec l’impôt sur le revenu. Or, ce ne sera pas le cas. Le système conventionnel, classique, continue de tourner…
Comme partout ailleurs !
…car il n’y a pas de réforme fiscale à la clé, ni dans le bon sens, celui que nous pourrions préconiser, ni dans le mauvais sens, dans lequel vont vos idées. Les Français vont donc être très surpris de constater qu’ils paient au moment du prélèvement à la source et que le calcul classique, pour eux comme pour l’administration fiscale, continuera d’exister. Bref, un impôt pour le prix de deux !
Il y aura certes la tuyauterie dont vous parlez, mais l’ancienne tuyauterie continuera d’exister. Alors, oui, il faut voter la suppression de cet article.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu aux questions que nous vous avons posées, en particulier à celle portant sur le secret fiscal. Je voudrais que vous nous expliquiez comment vous garantissez la confidentialité des données lorsque les entreprises deviennent responsables du recouvrement de l’impôt.
Vous n’avez pas répondu non plus sur la compensation des surcharges administratives que vous infligez aux entreprises en leur demandant d’assurer ce recouvrement de l’impôt.
Enfin, vous n’améliorez rien puisqu’à l’heure actuelle, avec le système des mensualités ou même du paiement par tiers, chaque contribuable peut moduler le montant qu’il règle, puisqu’il connaît, lui, ses revenus.
J’espère que vous ne donnez pas des conseils de cette nature !
Il a la capacité d’apporter de telles modulations et je ne vois donc pas ce que le transfert de cette possibilité aux entreprises va améliorer.
J’insiste : il faut que vous nous répondiez sur la manière dont vous compensez, pour les PME et les TPE, la charge administrative que vous leur transférez de manière non choisie.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 101 .
J’en profite pour revenir sur les propos de MM. le ministre et le secrétaire d’État, qui ont parlé d’une belle réforme, d’une grande réforme faisant honneur à ce quinquennat. Ce que l’on peut en tout cas vous reprocher, c’est son agenda.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Mettre en place une réforme de cette nature à la fin du quinquennat, je suis désolée, ce n’est pas loyal. J’insiste : reporter sa mise en oeuvre sur ceux qui viendront aux affaires en juin 2017,…
…ce n’est pas correct, ce n’est pas loyal.
S’il s’agit vraiment d’une belle et grande réforme, il fallait la faire au début du quinquennat. Pourquoi ne l’avez-vous pas engagée plus tôt ?
S’agissant de la DSN, monsieur le secrétaire d’État, personne n’en conteste l’intérêt. Ce n’était pas mon propos, ou alors je me suis mal exprimée. Ce que nous contestons, c’est l’agenda. Vous indiquez que la DSN fonctionne pour 1 million d’entreprises, mais il en est d’autres qui rencontrent de vraies difficultés : il y en a au moment de la mise en place, et il y en a aujourd’hui sur les tests. Tous les problèmes ne sont pas résolus, et vous introduisez maintenant une difficulté supplémentaire avec la retenue à la source qui va nécessiter des modifications dans les logiciels et les procédures.
Un autre point n’a pas encore été abordé : la fameuse année blanche. Il y a là de nombreuses difficultés. Vous sortez de cette année blanche les revenus exceptionnels. Il nous faudra donc aborder cette question : qu’est-ce qu’un revenu exceptionnel ?
Un autre point a été évoqué en commission par Marc Le Fur : les revenus fonciers et la situation du bâtiment. En effet, dans cette année blanche 2017, les travaux qui seront réalisés par les propriétaires immobiliers ne pourront pas être déduits. Vous avez trouvé une possibilité d’ouverture, en envisageant de déduire les travaux de 2017 et 2018 à hauteur de 50 %, mais c’est presque pire : cela va reporter les travaux à 2019 ! C’est pire ! Vous allez mettre le secteur du bâtiment en difficulté. On compte chaque année 400 millions d’euros de travaux déduits. Ce seront donc 800 millions de travaux qui ne seront pas réalisés, pendant deux années. Vous mettez toute l’économie du bâtiment en difficulté, il faut que vous le preniez en compte.
Votre ajout n’apporte aucune solution, vous ne faites que reporter le problème.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 719 .
Je rappelle que le groupe UDI n’a pas d’objections de principe à la mise en place du prélèvement à la source.
Dans mon intervention précédente, qui était ouverte, je vous ai posé deux questions.
Sur la réversibilité, vous n’avez pas répondu très clairement, monsieur Sapin. Oui ou non, une nouvelle majorité issue des législatives de l’année prochaine pourra-t-elle, si elle le souhaite, interrompre la réforme ?
J’ai rappelé qu’en commission des finances, j’avais posé la question à votre directeur général des finances publiques, qui m’avait dit qu’il ne pouvait pas nous répondre et que c’était au ministre de le faire sur cette question.
Répondez donc clairement : oui ou non ?
Deuxième question, le Président de la République, le 7 septembre 2015, conformément à son engagement no 14 de la campagne présidentielle, a déclaré : « Le prélèvement à la source permettra d’avoir des évolutions de notre système fiscal par une intégration entre la CSG et l’impôt sur le revenu. » Monsieur Sapin, répondez par oui ou par non : la majorité actuelle renonce-t-elle à la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG ?
En présentant cet amendement, je voudrais commencer par rendre hommage à l’administration fiscale.
« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
En effet, elle a rendu possibles de nombreux progrès ces dernières années, de sorte que notre impôt sur le revenu fonctionne bien, avec la mensualisation, la déclaration préremplie et une grande réactivité devant les changements de situation.
On peut continuer dans cette voie, avec la généralisation de la mensualisation et une meilleure adaptation aux changements de revenu. À mes yeux, il n’y a donc plus de raison technique d’opérer une grande réforme. Dans ce cas, les motivations sont plutôt de nature politique.
S’agit-il de l’engagement de François Hollande, que vient de rappeler Charles de Courson, consistant à fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG pour rendre cette dernière progressive, comme l’est l’IR ? S’agit-il de poursuivre cette politique que nous avons connue de remise en question des avantages liés à la prise en compte de la famille, dans l’idée de dé-familialiser l’impôt sur le revenu et de le rendre individuel ? On peut s’interroger.
On ne peut pas le nier, la réforme que vous proposez est source de complexités que nous avons d’ailleurs mises en évidence au fur et à mesure de notre exploration du travail de qualité, nous le reconnaissons bien volontiers, accompli par l’administration fiscale.
Complexités pour les Français, d’abord, qui auront du mal à comprendre dans un premier temps que les réductions et les crédits d’impôts récurrents ne soient plus pris en compte comme autrefois. Vous reconnaissez d’ailleurs le problème puisqu’un amendement, que le Gouvernement soutiendra, sera présenté pour essayer de corriger un peu les choses. Et, comme Hervé Mariton l’a très bien dit, les Français ne comprendront pas non plus, alors qu’on leur parle de simplifications, qu’ils doivent continuer à remplir une déclaration des revenus, comme avant. Les Français auront l’impression d’avoir été un peu trompés…
…sur l’apport supposé de la réforme.
Complexités aussi pour les entreprises, évidemment, malgré les améliorations apportées grâce à l’excellent travail sur la DSN – je souscris tout à fait aux propos de Christian Eckert sur ce point. Et, en tout état de cause, des problèmes de confidentialité se poseront, quelles que soient les précautions. Introduire l’entreprise entre notre administration fiscale, toujours exemplaire en matière de confidentialité et de protection du secret fiscal, et le contribuable, constitue tout de même un problème dans l’histoire de l’impôt de notre pays.
Nous avons vu au cours des auditions et des travaux réalisés les innombrables difficultés qui se posent. Je reprends volontiers l’expression de notre rapporteure générale à mon compte : le diable est dans les détails, comme nous le verrons durant la discussion d’un certain nombre d’amendements, notamment ceux de Marc Le Fur, qui a fait un travail absolument considérable, et de notre rapporteure générale.
Pour conclure, je souhaite poser une seule question, monsieur Sapin, qui relève un peu de la morale politique : eussiez-vous présenté cette réforme dans le PLF pour 2014, le contexte n’aurait-il pas été complètement différent ? Nous l’aurions certes critiquée, mais j’estime qu’en termes de morale politique…
…vous ne pouvez pas défendre une réforme qui soulèvera d’indiscutables problèmes au début de 2018. Voilà comme cela se passera : 1 million de contribuables qui s’interrogent, qui se posent des questions dans un environnement général d’exaspération fiscale, cela entraînera des difficultés considérables pour le gouvernement, quel qu’il soit. Proposer une telle réforme en fin de législature, je trouve que ce n’est pas honnête.
Cela ne relève pas de ce que j’appelle la déontologie ou la morale politique
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ces propos sont honteux de la part d’un président de la commission des finances !
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 930 .
Il faut effectivement supprimer l’article qui porte cette mauvaise idée du prélèvement de l’IR à la source.
Je donnerai deux arguments. Tout d’abord, vous vous présentez toujours comme les grands défenseurs du monde de la représentation salariale. Nous avons auditionné les syndicats professionnels de Bercy. Selon vous, monsieur le ministre, votre administration est tout à fait favorable à cette réforme, mais, je suis désolée, l’ensemble des syndicats que nous avons auditionnés en commission des finances ne partage absolument pas cette vision-là ! Vous, les grands défenseurs du monde syndical, vous devriez écouter ce qu’ils ont à vous dire. J’aimerais d’ailleurs connaître le nombre de suppressions d’emplois que va provoquer cette réforme.
Vous nous reprochez toujours les réductions d’effectifs dans la fonction publique, mais j’aimerais bien savoir ce que cache cette réforme sur ce plan-là ! Il faudra peut-être avoir l’honnêteté de le dire à l’ensemble des fonctionnaires de Bercy et des services fiscaux.
Mme Dalloz vient d’adhérer à SUD !
Sourires
Ensuite, vous avez certainement oublié les deux particularités essentielles de l’impôt en France, au-delà de la progressivité, qui n’existe pas dans tous les autres pays : il est familialisé et conjugalisé. Lorsque les Français comprendront, à partir de janvier 2018, que le paiement de l’impôt n’est pas simplifié et qu’ils auront le sentiment qu’il sera plus coûteux, vous ne serez plus là pour essuyer les plâtres. Ce que vous faites là est une faute politique.
Le prélèvement à la source a un grand mérite, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est de faire « coller » les revenus et les prélèvements dus au titre de ces revenus.
Vous l’avez dit, ce n’est pas en soi une réforme fiscale car, sauf à la marge, cela ne changera pas la situation des contribuables, au moins dans un premier temps. Pourtant, de nombreuses questions se posent. Les deux organisations syndicales les plus représentatives en ont d’ailleurs fait part devant notre commission, Mme Dalloz l’a rappelé. Gardons-nous des faux-semblants !
Je souhaite faire deux remarques à ce propos. La première est que contrairement à ce que nombre de nos concitoyens imaginent, le prélèvement à la source n’enlèvera nullement l’obligation de déclaration de revenus, il faut le dire et le redire.
Deuxième remarque : le prélèvement à la source n’améliorera pas le rendement de l’impôt – le meilleur de tous les pays occidentaux d’ailleurs – qui est aujourd’hui de plus de 99 %, et il n’empêchera pas les fraudes éventuelles, notamment quant au reversement, risque voulu ou subi de la part du tiers collecteur.
Quelles sont nos préventions et nos inquiétudes ? Tout d’abord, la question est de savoir si le prélèvement à la source favorisera le consentement à l’impôt. Nous ne le pensons pas car il sonne un peu comme une défaite idéologique : pour payer l’impôt sans grogner, il vaudrait mieux le dissimuler, comme c’est d’ailleurs le cas avec la TVA…
Ensuite, nous avons une inquiétude importante, et même un désaccord, sur l’introduction des entreprises comme tiers collecteur. Je ne parle pas de la question technique, dont il ne fait aucun doute que notre administration saura la régler, mais de la nouvelle information dont l’employeur disposera sur son salarié. Le lien de subordination et d’information, dissymétrique, est encore renforcé : l’employeur connaîtra l’état des revenus de ses employés mais ces derniers ne connaîtront pas le taux d’imposition de leur employeur.
Enfin, troisième inquiétude : le prélèvement à la source, ne soyons pas dupes – car sinon, il n’a pas de sens – dissimule l’objectif, que nous n’acceptons pas, de fusionner l’IR et la CSG. Une vraie question se pose, d’ailleurs : quelle assiette entre IR et CSG ?
Mais vous avez raison, monsieur Eckert : le prélèvement à la source peut également permettre la mise en oeuvre d’une flat tax, si chère à l’opposition de droite, et si injuste. Vous construisez ainsi un véritable cheval de Troie. Cet article, pour nous, est inacceptable.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
…comme l’a fait le président Carrez, et à son directeur général qui la représente ici. Un très grand travail, en effet, a été accompli, très sérieux, avec des évaluations très précises. Un tel hommage à l’endroit de l’administration fiscale est plus que mérité, à la fois pour ce texte et, comme l’a dit le président Carrez, pour toutes les améliorations apportées depuis une dizaine d’années afin que le télépaiement, le prélèvement, la mensualisation et autres se passent de la meilleure façon possible.
Je souhaite revenir sur un certain nombre d’arguments – peut-être pas tous ! – développés par nos collègues de l’opposition qui veulent supprimer cet article.
J’ai entendu que le prélèvement à la source serait une mauvaise idée. Chers collègues de l’opposition, savez-vous combien de pays au monde ont adopté cette mauvaise idée ?
Je vais vous le dire, puisque vous vous y refusez : parmi les grandes économies, seuls deux pays ne l’ont pas fait ! Ce sont la Suisse et Singapour, où le système d’imposition continue de reposer sur les revenus de l’année N- 1.
Deux pays ! Mes chers collègues, cela signifie que selon vous, toutes les économies développées du monde ont de « mauvaises idées » en termes d’imposition ! Je gage que, sur ce point-là, vous serez assez minoritaires. Je le répète : deux pays, la Suisse et Singapour, continuent d’avoir un système d’imposition fondé sur les revenus de l’année N-1.
Deuxième question, dont nous avons longuement débattu en commission des finances : combien de Français, chaque année, ne peuvent pas payer leur impôt sur le revenu parce qu’ils ont tout dépensé sans savoir qu’ils devraient s’en acquitter l’année suivante ?
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les exclamations persistent.
…que lorsque l’on paie l’IR, c’est que l’on dispose déjà de quelques revenus – 17,5 millions de contribuables l’acquittent, sur 36 millions en tout. Alors, mes chers collègues de l’opposition, comme vous ne voulez pas répondre à cette question,…
…je vais vous donner le chiffre exact. Vous pourrez dire à ces 220 000 contribuables…
…qui chaque année demandent une remise gracieuse qu’un prélèvement à l’instant t, fondé sur les revenus versés en temps réel, ne constitue pas pour eux un avantage.
Deux cent vingt mille contribuables ! Vous voulez peut-être éluder le sujet ? Ces 220 000 contribuables, mes chers collègues, ont aussi voix au chapitre, que vous le vouliez ou non, et ils doivent être entendus !
Je reprends les propos du président Carrez : nous savons tous sur ces bancs qu’en termes de fiscalité, il faut toujours regarder dans le détail. La commission a ainsi accepté un certain nombre d’amendements, qui émanent aussi des rangs de l’opposition. Nous n’adoptons pas je ne sais quelle posture idéologique pour les refuser : la commission des finances a voté des amendements présentés par l’opposition et qui, je le crois, vont dans le bon sens afin que l’objectif poursuivi d’une adéquation entre le salaire et l’IR puisse être rempli de la manière la plus efficace et la plus juste possible.
Pour toutes ces raisons, madame la présidente, avis défavorable à ces amendements de suppression.
Sourires.
Le Gouvernement est bien sûr défavorable à ces amendements de suppression. Je souhaite apporter un certain nombre de précisions suite aux différentes interventions.
Monsieur le Fur, le calendrier de mise en oeuvre de la DSN est progressif et tient compte d’abord de la taille des entreprises. Elle est en place dans toutes les grandes entreprises, puis se décline ensuite dans les plus petites. Au mois d’août dernier, 500 000 d’entre elles étaient concernées ; elles seront 1 million à la fin du mois. Le dispositif continue son déploiement, aucun problème sur ce point.
Cela répond d’ailleurs en partie à la question du calendrier : il est bien évident que si le prélèvement à la source peut être mis en place avec souplesse et, finalement, d’une manière assez simple pour les entreprises, c’est parce que la DSN sera déployée. Il eût été impossible de le faire en 2012 ou 2013 dès lors que la mise en place de la DSN n’aurait pas eu sa vitesse de croisière ni sa pleine fonctionnalité. Voilà une des réponses aux questions de calendrier, indépendamment des postures et des problèmes de loyauté.
Nous reviendrons sur la question des réductions et des crédits d’impôts mais vous usez en la matière d’un argument complètement stupide. Vous dites qu’aujourd’hui, ils interviennent l’année suivante…
Oui, sauf que l’IR dû au titre des revenus de 2017 sera annulé, monsieur le Fur !
Cela soulève d’ailleurs une vraie question, à laquelle nous tenons précisément à répondre. En annulant l’impôt dû au titre des revenus de 2017, devions-nous ou non annuler les réductions ou les crédits d’impôts obtenus au titre des dépenses de 2017 ? C’est une vraie question, qui a d’ailleurs une connotation constitutionnelle. Le premier réflexe, en effet, consiste à se demander pourquoi des réductions d’impôts seraient maintenues alors que l’IR est annulé. Pourquoi réduire quelque chose qui a été annulé ! Or, nous avons clairement pris le parti de conserver les réductions et les crédits d’impôts acquis au titre de l’année…
Si je pouvais en placer une, monsieur le président Le Fur, ce serait quand même plus sympa !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous êtes souvent au perchoir, mais lorsque vous descendez dans l’arène, vous ne cessez d’interrompre les orateurs ! C’est tout de même un peu curieux, madame la présidente, je suis désolé de le dire. M. Le Fur aurait dû dire ce qu’il avait à dire au début de la discussion plutôt que de nous infliger ses interruptions toute la journée !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le secrétaire d’État, notre débat était calme jusqu’à présent. Nous pouvons continuer de la même manière. Vous seul avez la parole.
Nous avons pris le parti de conserver les réductions et les crédits d’impôts dès lors qu’ils ont une dimension incitative sur le plan des comportements. Puisque certains sont récurrents et d’autres non, nous avons pris deux dispositions, une qui figure déjà dans le texte, l’autre qui sera discutée dans la matinée : celles et ceux qui auraient annulé leur impôt, pendant deux années consécutives, à travers des réductions ou des crédits d’impôts et dont les revenus seraient modestes voire moyens – nous avons en effet fixé des seuils relativement élevés – ne seraient pas prélevés à la source. Cette première mesure règle les trois quarts des situations où il y aurait pu avoir une ambiguïté.
Deuxièmement, pour les services à la personne et les crédits ou réductions d’impôt pour garde d’enfant, nous allons vous proposer un amendement qui permettra de verser un acompte. Voilà une nouveauté, d’ailleurs : jusqu’à présent, quand vous commenciez à employer quelqu’un, vous deviez attendre un an pour obtenir un versement. Désormais, vous aurez un acompte dès le début de l’année suivante. Votre argumentaire ne tient donc pas et n’est que posture.
S’agissant enfin des syndicats de Bercy que vous avez évoqués, madame Dalloz, soyons clairs. Une décision politique a été prise, à la fin de l’année dernière, qui consiste à mettre en oeuvre le prélèvement à la source. Les réticences de Bercy sont connues, et on sait que les agents des finances publiques souhaitent fortement conserver l’ensemble de leurs prérogatives. J’entends parfois, à droite notamment, que l’URSSAF et Bercy pourraient faire une seule et même entité.
Parlez-leur en, vous qui souhaitez dialoguer avec les syndicats de Bercy, et vous verrez ce qu’ils en pensent ! Mais l’administration de Bercy, à laquelle vous avez été nombreux à rendre hommage, a une vertu essentielle : c’est qu’elle est très attachée à bien faire son travail et à répondre à la commande que lui donnent le Gouvernement ou le Parlement. Dès lors que la décision a été prise, tous les services compétents de l’administration se sont mis au travail.
S’agissant des syndicats, il est vrai qu’ils ont des craintes au sujet des emplois. Mais il n’y a pas de plan caché. Compte tenu de la modernisation des communications, de la dématérialisation et de la généralisation des déclarations préremplies, nous avons, comme d’autres avant nous, supprimé de l’ordre de 2 000 à 2 500 emplois par an à la direction générale des finances publiques – DGFIP. Nous avons maintenu ce rythme de suppression de postes qui, je le répète, ne date pas de 2012.
Pour 2017, le projet de loi de finances vous propose de ne supprimer que 1 500 emplois, car nous sommes conscients qu’il y aura davantage de demandes, qu’il faudra accompagner les contribuables et aussi, probablement, les entreprises et répondre à des questions et à des sollicitations lors de la mise en oeuvre du prélèvement à la source. Nous avons donc diminué les réductions d’emplois à la Direction générale des finances publiques de l’ordre de 500 emplois.
Il faut le temps de restructurer nos services, de former les agents à leurs nouvelles missions, notamment au contrôle des versements des entreprises. C’est pourquoi nous avons, je le répète, diminué la diminution d’emplois annuelle de 500 emplois. Cela a été fait en toute transparence. Nous savons que les gains de productivité attendus par l’introduction du prélèvement à la source ne seront pas immédiats et ne se feront pas sentir dès les premières années – c’est le moins que l’on puisse dire. Au contraire, cette réforme va nécessiter un certain nombre de missions supplémentaires.
Bref, l’administration de Bercy s’est mise au travail. Vous avez reçu certains de ses représentants, mais nous les avons reçus aussi, à plusieurs reprises, et bien avant les auditions que vous avez pu faire à la commission des finances.
Dernier point, que je ne peux m’empêcher d’évoquer : aujourd’hui, l’impôt sur le revenu est quasiment le dernier impôt qui porte, dans ses gènes, la caractéristique de la rétroactivité fiscale.
Tout le monde se plaint de la rétroactivité fiscale. Dieu sait si j’ai entendu qu’elle était scandaleuse ! Dans le système actuel, alors que nous sommes presque à la fin de l’année, les Français ne savent pas quelles seront les modalités d’imposition des revenus qu’ils ont perçus depuis le début du mois de janvier, puisque vous ne les voterez qu’à la fin de l’année, et que le Conseil constitutionnel ne les validera que le 31 décembre à minuit. Aujourd’hui donc, l’impôt sur le revenu est systématiquement rétroactif, dans sa conception comme dans son fonctionnement. Nous allons mettre fin à cela, puisque le prélèvement à la source imposera que l’on connaisse, avant le début de l’année, les caractéristiques de l’imposition des revenus qui seront perçus au cours de cette même année – au début de l’année 2018 pour cette même année, par exemple.
Tous les spécialistes de l’impôt, tous les fiscalistes dignes de ce nom se réjouissent que nous mettions fin, de façon systématique, à la rétroactivité fiscale de l’impôt sur le revenu. Il n’y a donc évidemment pas lieu de supprimer cet article, et le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.
Je voudrais vous livrer un témoignage. Certains d’entre vous savent qu’avant d’être député, j’étais agent de l’administration fiscale, et il se trouve que je travaillais au sein d’une mission chargée de la simplification.
Sourires.
Nous avions été chargés à l’époque, par la direction précédente, de réfléchir à la retenue à la source. Nous avions remis des rapports qui démontraient non seulement la pertinence de cette réforme, mais aussi sa faisabilité et la relative facilité de sa mise en oeuvre. Elle devait aussi permettre de simplifier fortement le travail des services. Pour avoir travaillé, comme d’autres, dans les centres des impôts, je peux vous dire que certains agents en ont un peu assez des tâches répétitives, et parfois même absurdes, qu’on leur confie, et qu’ils aspirent à une modernisation. Cette administration, du reste, est sans doute une des premières à s’être modernisée.
L’idée d’un prélèvement à la source existe donc depuis longtemps et je voudrais rappeler, pour conclure, que les ministres de tutelle qui, à l’époque, avaient eu l’excellente idée d’introduire la retenue à la source et qui avaient demandé à l’administration de remettre un rapport sur sa faisabilité s’appelaient Nicolas Sarkozy et Hervé Gaymard, et qu’ils avaient comme secrétaire d’État chargé du budget Jean-François Copé.
Je voudrais remercier les ministres d’engager cette réforme. La Délégation aux droits des femmes a rendu en 2014 un rapport sur « La question des femmes et le système fiscal », au service de l’égalité. Nous y évoquons, à la page 28, la préservation de la vie privée des contribuables et la possibilité pour eux de choisir un taux neutre. Je sais que vous évoquerez cette question plus tard, mais je ne pourrai malheureusement pas être là.
Comme vous le savez, on confond souvent le quotient familial et le quotient conjugal. Nous ne remettons pas en cause le quotient familial, mais de nombreuses études, comme celle de l’OCDE, invitent le Gouvernement à favoriser l’activité féminine en supprimant le quotient conjugal. En effet, quand, au sein d’un couple, la femme recommence à travailler, l’augmentation d’impôt qui en découle peut la faire renoncer à son activité.
Il y a des études qui montrent que le quotient conjugal est un frein au travail des femmes ! Le président du Conseil des prélèvements obligatoires, M. Didier Migaud, indique que, compte tenu de l’évolution et de la diversification des modèles familiaux, une fiscalité plus neutre pourrait être souhaitable. C’est ce que vous êtes en train d’introduire, et je m’en félicite. C’est une première étape pour permettre aux couples de choisir leur mode de déclaration, qui est aussi un choix de vie. Ce n’est pas à la fiscalité de décider des choix des ménages. C’est une première étape qui va dans le bon sens pour favoriser le travail des femmes.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce serait par ailleurs une bonne chose que l’administration fiscale prenne en compte, en cas de divorce, les changements de nom et d’état civil. Elle est l’une des plus rétives en la matière : j’ai entendu le témoignage de nombreuses femmes dont la taxe foncière ou la taxe d’habitation arrive toujours au nom du conjoint, alors que c’est elles qui occupent le logement. L’administration fiscale se refuse à opérer ce changement de nom, comme à prendre en compte la situation des couples mariés dont la femme n’a pas pris le nom de son mari. Agir en ce sens serait aussi un grand progrès.
Je dois dire que j’étais opposé à cette réforme depuis le départ, mais quand j’entends les syllogismes que déploie la majorité pour justifier sa posture, les bras m’en tombent. Nous sommes ébahis !
Pour résumer, aux contribuables qui se demandent pourquoi vous faites cela, vous répondez, madame la rapporteure générale, que c’est pour éviter qu’ils ne dépensent l’argent qu’ils sont censés devoir au titre de l’impôt sur le revenu avant de le verser. C’est ce que vous venez de nous expliquer.
Aux entreprises, dont nous nous escrimons à essayer de vous faire dire comment vous allez compenser les surcharges que vous leur imposez, vous répondrez certainement qu’étant donné qu’elles se plaignent du recouvrement de leurs charges sociales par le biais notamment du RSI – régime social des indépendants – vous leur en rajoutez une couche, en leur demandant de collecter, à la place de l’État, l’impôt sur le revenu. Je pense que les patrons de PME et de TPE vont apprécier.
Au pays, qui se demande pourquoi vous faites cette réforme à la fin de votre mandat, vous répondez qu’on fait la même chose dans les autres pays. À ce compte-là, pourquoi sommes-nous le seul pays à travailler trente-cinq heures, quand tous les autres en travaillent quarante ?
Vous citez l’Allemagne en exemple : alignons-nous sur son temps de travail !
Enfin, aux fonctionnaires de Bercy et de l’administration fiscale qui s’inquiètent de savoir comment leur baisse d’activité va être compensée, vous dites que vous allez les employer à contrôler les versements des entreprises. Vous soupçonnez donc les entreprises de ne pas reverser l’intégralité de l’impôt après l’avoir collecté !
Franchement, les raisonnements que vous tenez ce matin montrent combien vous êtes mal à l’aise avec cette mesure, et ils nous encouragent à nous y opposer fermement.
Au nom du groupe UDI, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’ai posé deux questions, auxquelles je n’ai toujours pas eu de réponse. Oui ou non, le Gouvernement a-t-il renoncé à la fusion entre l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée ? Je rappelle qu’à la fin du mois de septembre, le Président de la République a expliqué que le prélèvement à la source était le préalable à cette fusion et qu’il s’était engagé, lors des élections présidentielles, à la réaliser – c’était son engagement no 14. Pourriez-vous me répondre par oui ou par non ?
De même, s’agissant de la réversibilité, une nouvelle majorité qui souhaiterait ne pas appliquer le prélèvement à la source peut-elle, oui ou non, arrêter la machine ? Ou bien l’avez-vous rendue irréversible ?
Il est procédé au scrutin.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 925 .
Le projet de mise en place de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu constituera un nouveau prélèvement versé par les entreprises. C’est sur elles que pèsera la complexité administrative et technique du dispositif, ainsi que l’obligation de préserver le secret fiscal. Elles jouent déjà un rôle de collecteur pour les parts salariales des cotisations sociales et pour les principales contributions sociales – CSG et CRDS.
Aujourd’hui, vous leur demandez de collecter l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Avec cette réforme, leur rôle sera encore élargi. Il me semble que votre président avait promis un choc de simplification : la réalité, c’est qu’avec ce dispositif, vous produisez un choc de complexité ! On ne peut pas faire plus compliqué pour nos entreprises !
Puisque le seul objectif de votre réforme est la contemporanéité du prélèvement, je propose avec cet amendement d’instaurer un prélèvement mensuel contemporain, mais qui ne soit pas collecté par les entreprises. N’aggravons pas leurs difficultés !
Je prendrai l’exemple, dans ma circonscription du Haut-Jura, de l’entreprise Logo, qui a été placée mardi matin en liquidation judiciaire à effet immédiat. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé d’alerter le secrétaire d’État chargé de l’industrie, qui ne l’a absolument pas soutenue… Quoi qu’il en soit, si votre dispositif s’était appliqué, monsieur le ministre, que se serait-il passé, pendant tous ces mois où l’entreprise avait déjà des difficultés ? Et comment récupérer l’impôt dû par les salariés d’une entreprise qui est placée en liquidation judiciaire à effet immédiat ? J’aimerais bien qu’on me l’explique. Pour ma part, je ne vois pas.
Cet amendement a été débattu, et rejeté, en commission. Nous avions alors montré que, selon les données sur la répartition des rentrées fiscales et des revenus, les traitements et pensions représentent 89 % de l’assiette de l’impôt dû, ce qui ne joue pas pour les acomptes. Par ailleurs, le mécanisme de l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés – AGS – répond en partie à votre question, madame Dalloz. J’émets donc un avis défavorable.
Premièrement, madame Dalloz, le taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu est aujourd’hui excellent.
Mais figurez-vous que le taux de recouvrement des cotisations sociales, qui sont recouvrées par l’intermédiaire des entreprises, est encore supérieur ! Ceux qui disent que le prélèvement à la source emporte un risque de moindre recouvrement se trompent donc. Toutes les garanties sont bien sûr prises pour les cas de cessation d’activité ou de liquidation de l’entreprise. Le Trésor peut user de ses privilèges de façon comparable à ce qui existe pour les cotisations sociales. Il n’y a donc pas de difficulté.
Deuxièmement, votre amendement n’a pas les effets que vous décrivez. Il rend simplement obligatoire la mensualisation du prélèvement, tel qu’il existe aujourd’hui. Il ne le rend pas contemporain, contrairement à ce que vous avez dit. Dans sa rédaction actuelle, votre amendement ne change pas l’assiette et ne rend pas contemporains le paiement de l’impôt et la perception des revenus. Le Gouvernement y est donc évidemment défavorable.
Je soutiens l’amendement de Mme Dalloz et voudrais interroger le secrétaire d’État sur le cas des salaires versés à l’étranger. Nous avons beaucoup parlé ce matin des modèles de prélèvement à la source dans d’autres pays, mais nous n’avons jamais évoqué le problème des frontaliers. M. le secrétaire d’État, qui est également élu d’une région frontalière, sait très bien que nous avons mis quasiment dix ans, depuis la réforme fiscale allemande, à trouver une solution à la fiscalisation en France des pensions légales allemandes. Comment réglerez-vous la situation des personnes qui perçoivent des pensions allemandes ou des salaires versés depuis l’étranger, pendant quasiment toute leur carrière ? J’ai beau relire les vingt et une pages de cet article, je ne vois pas les réponses du Gouvernement.
Je soutiens également l’amendement de Mme Dalloz. S’agissant des entreprises en difficultés, je ne suis pas sûre d’avoir bien compris le dispositif. Madame la rapporteure générale, vous avez parlé de l’intervention de l’AGS, probablement par l’intermédiaire du Fonds national de garantie des salaires – FNGS : ce dispositif permet de recouvrir les charges sociales non acquittées en cas de cessation de paiement ou de liquidation, pour que les salariés ne soient pas mis en difficultés. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez, pour votre part, parlé d’un dispositif comparable à celui qui existe pour les cotisations sociales. Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?
Aujourd’hui, le FNGS peut être mis en difficulté en cas de liquidations importantes ou lorsqu’un grand nombre de salariés sont licenciés dans le cadre de procédures collectives. Les taux de cotisation ont ainsi augmenté. Est-il bien prévu que l’AGS prenne le relais, s’agissant de l’impôt sur le revenu ? Dans ce cas, nous pouvons supposer que la couverture sera difficile, car il n’est pas prévu de recettes supplémentaires. Dès lors, est-il envisagé d’augmenter le taux de cotisation à l’AGS ? Dans ce cas, c’est une charge supplémentaire qui pèsera sur les salariés et les entreprises. Nous avons besoin d’une réponse très précise sur ce sujet, parce que pour l’heure, vous restez dans le flou.
L’amendement no 925 est adopté et l’article 38 est ainsi rédigé. En conséquence, les 134 amendements restants tombent.
La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures trente.
Ce qui vient de se passer témoigne, entre autres choses, de l’impréparation politique de ce texte. Il y a peut-être eu une préparation technique – je veux bien croire que Bercy ait travaillé –, mais l’impréparation politique est manifeste. Les députés socialistes ont déserté l’hémicycle. Ils étaient venus sur ordre pour un vote initial et ils sont repartis.
Monsieur Le Fur, vos propos ne portent pas sur le déroulement de la séance.
Je tenais à faire cette remarque importante, madame la présidente.
S’agissant du déroulement de la séance, tout cela ne serait pas arrivé si, comme je l’ai souligné dans mon premier rappel au règlement à neuf heures trente, il y avait eu non pas un seul article mais autant d’articles que d’alinéas. C’est en effet parce qu’il n’y avait qu’un seul article que tout le dispositif est tombé.
J’imagine que vous vous apprêtez à retirer votre texte, monsieur le secrétaire d’État. C’est en tout cas ce que les Français souhaitent.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le Gouvernement informe le Parlement qu’en tout état de cause, il demandera une seconde délibération de l’article 38,…
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains
…comme le prévoit le règlement de cette assemblée et comme cela arrive assez régulièrement.
Il le fera évidemment au terme de la discussion des articles, comme le prévoit le règlement de l’Assemblée nationale.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons bien noté qu’après l’examen des articles non rattachés, notre assemblée aura à se prononcer sur l’ensemble des amendements déposés par le Gouvernement en seconde délibération. Je crois savoir qu’il y en a déjà un certain nombre…
La parole est à M. Philip Cordery, pour soutenir l’amendement no 1039 portant article additionnel après l’article 38.
Cet amendement vise à porter au niveau législatif une disposition d’ordre jurisprudentiel, le « régime Schumacker », qui permet aux non-résidents fiscaux tirant l’essentiel de leurs revenus en France d’être considérés comme des résidents fiscaux français. Actuellement, ce régime ne peut être sollicité qu’en joignant à la déclaration de revenus les pièces justificatives. Afin de faciliter son application, le présent amendement prévoit qu’une déclaration sur l’honneur permette de demander à en bénéficier, comme le prévoit déjà l’article 197 A du code général des impôts.
Cet amendement n’a pas fait l’objet d’un débat en commission des finances : il a simplement été examiné rapidement dans le cadre de l’article 88. Je lui donne un avis favorable.
Comme vous l’avez très bien dit, monsieur Cordery, votre amendement vise à rendre automatique l’application du régime des non-résidents, dit « régime Schumacker » en référence à un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 14 février 1995 qui impose à un État membre de traiter les non-résidents fiscaux comme des résidents dès lors qu’ils tirent la majeure partie de leurs revenus dans cet État tout en habitant dans un autre. Il reviendra au redevable d’apporter la preuve qu’il remplit bien les conditions nécessaires pour bénéficier des dispositions de cet arrêt.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Comme vous le savez, la doctrine a tiré les conséquences de l’arrêt Schumacker, qui exige que le contribuable souhaitant bénéficier de ce régime soit domicilié dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale. Il faut également que le contribuable perçoive des revenus de source française supérieurs ou égaux à 75 % de son revenu mondial, et qu’il ne bénéficie pas d’un mécanisme de nature à minorer l’imposition dans l’État de résidence en fonction de sa situation personnelle et familiale. À ce jour, mes services n’ont pas relevé de difficultés particulières d’application de ce régime. Dès lors, je ne vois pas la nécessité de recourir à la loi, puisque la doctrine permet de respecter l’arrêt Schumacker.
Par ailleurs, cette disposition permettant aux « non-résidents Schumacker » de déposer une déclaration sur l’honneur conduirait, dans certains cas, à accorder la dispense de paiement à certaines personnes ne remplissant plus les conditions pour bénéficier de ce statut. Le contribuable risque alors de subir une régularisation ultérieure, source de complexité.
Pour toutes ces raisons, je préférerais que cet amendement soit retiré. À défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
L’amendement no 1039 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 748 de la commission des finances.
En outre, dans la première partie de ce projet de loi de finances, nous avons mis fin au régime dérogatoire des indemnités des élus locaux, qui se verront donc prélevés à la source, comme n’importe quel autre contribuable.
Le présent amendement vise, là encore, à mettre fin au régime d’imposition dérogatoire applicable à l’indemnité parlementaire. Aujourd’hui, cette indemnité est composée de trois parts ; l’une de ces parts, l’indemnité de fonction, n’est pas soumise à imposition. Ce qui était justifié à une époque ne l’est plus forcément aujourd’hui. Compte tenu de l’évolution du régime et de la mise en place d’un certain nombre d’enveloppes qui nous permettent de fonctionner, cet amendement vise à fiscaliser, à compter du 1er janvier 2017, l’ensemble de l’indemnité parlementaire.
Je vous prie de m’excuser, madame la rapporteure générale.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Je vais donner une position de principe sur cet amendement et sur d’autres amendements comparables que nous examinerons par la suite.
Je suis profondément convaincu qu’il faut éviter les régimes de non-imposition des revenus,…
…surtout lorsque ces derniers sont réguliers ou forfaitisés. Le Gouvernement est évidemment favorable à cet amendement. Il sera également favorable à d’autres amendements similaires – si mes informations sont bonnes, un amendement proposera le même traitement pour les indemnités perçues par les membres du Gouvernement.
Je veux simplement vous mettre en garde quant à la cohérence de notre position. Il y a quelques jours, nous avons débattu d’autres indemnités, que le Parlement a souhaité défiscaliser.
Personnellement, j’y étais défavorable.
Mais le Parlement est souverain… Il vaut mieux ajuster le montant des indemnités en tenant compte du taux d’imposition moyen auquel elles sont soumises, plutôt que de faire un certain nombre de trous dans l’assiette fiscale, notamment concernant l’impôt sur le revenu. Beaucoup d’entre vous comprennent à quel débat je fais allusion, en première partie du projet de loi de finances.
Je le répète : le Gouvernement est favorable à cet amendement et il sera favorable à des amendements comparables, comme je le dirai sommairement tout à l’heure.
Je suis favorable à cet amendement. Mes chers collègues, le populisme monte partout.
C’est vrai.
L’extrémisme monte, et il se nourrit de l’idée selon laquelle les élus du peuple seraient des privilégiés. C’est destructeur ! En vérité, ceux qui exerçaient des fonctions importantes avant d’être élus députés ont vu leur niveau de vie baisser.
Il faut le dire ! Mais essayer de compenser cette baisse en défiscalisant une partie de notre rémunération est une erreur.
Mes chers collègues, si nous étions un peu moins nombreux et mieux payés, je pense que le Parlement fonctionnerait mieux. C’est d’ailleurs l’opinion de beaucoup d’entre nous, sur tous les bancs de cette assemblée.
Je suis donc favorable à cet amendement, et j’ai soutenu M. le secrétaire d’État qui a été mis en minorité lorsque nous avons décidé d’exonérer un certain nombre d’indemnités perçues par certaines catégories de fonctionnaires, dans le seul but de leur montrer notre attachement. Je ne pense pas que nous nous sommes grandis. Nous nous sommes mis en contradiction par rapport au principe d’égalité. Excusez-moi d’être parfois un peu ennuyeux, je le concède, mais nous avons besoin de suivre une ligne directrice, sinon nous ne tiendrons plus rien.
Les Français et les Françaises qui nous écoutent doivent savoir deux choses. Premièrement, pour éviter d’augmenter outre mesure les pensions de ses futurs fonctionnaires retraités ou pour rémunérer ses collaborateurs, il arrive à l’État de verser des primes qui ne sont pas fiscalisées. Les préfets, les sous-préfets et les membres de tous ces grands corps de l’État en bénéficient. Deuxièmement, une grande nation a besoin de parlementaires bien formés, aux capacités intellectuelles suffisantes pour comprendre la complexité du monde.
On n’arrêtera pas le populisme en prenant ce type de mesure. Comme Charles-Amédée de Courson vient de le faire, Philippe Séguin avait coutume d’appeler nos compatriotes à la raison en affirmant que les élus devaient être correctement rémunérés pour empêcher qu’ils ne soient corruptibles. Aujourd’hui, les revenus des parlementaires ont chuté de plus de 30 %. Pour ma part, mes impôts ont augmenté de plus de 50 %.
Si nous poursuivons dans cette voie, les catégories supérieures des jeunes Français et des jeunes Françaises qui nous écoutent ne s’engageront plus en politique. À terme, l’Assemblée nationale sera totalement aux ordres du Gouvernement. Les individus disparaîtront, se fondant dans une normalisation absolue. Cessez cette démagogie délétère !
Cessez de tendre la main à ceux que vous qualifiez de populistes, qui vous mangeront la totalité du bras.
Je vous appelle sincèrement à la raison. À terme, ce type d’amendement démagogique détruira la République et la nation. Ceux et celles qui nous écoutent peuvent comparer, sur internet, nos revenus avec ceux des parlementaires américains : ils doivent savoir qu’un élu américain perçoit des revenus dix fois plus importants que les élues françaises et les élus français. Si vous continuez de la sorte, il n’y aura plus d’élus en zone rurale. Les professions libérales, les industriels et les chefs d’entreprise ne seront plus représentés dans cet hémicycle. Il n’y aura plus que des trentenaires aux ordres de leur parti, qui vérifiera les investitures.
Vous tuerez tous les petits partis, vous tuerez les individus, vous tuerez la République et, au bout du compte, la nation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Je suis désolée, je ne peux pas laisser dire que cet amendement est démagogique.
Si vous voulez poser la question du montant de la rémunération des élus, faites-le !
Si vous estimez que les parlementaires n’ont pas les moyens de travailler, posez cette question ! Cet amendement vise simplement à fiscaliser une indemnité qui doit l’être, au même titre que tous les autres revenus.
Que chacun assume son vote ! Nous aurions dû demander un scrutin public !
L’amendement no 748 est adopté.
Cet amendement a le même objet que le précédent, mais il concerne cette fois-ci les membres du Gouvernement, et non plus les parlementaires. À l’instar de ces derniers, les ministres perçoivent une rémunération qui comprend une indemnité de fonction visant logiquement à compenser les frais qu’ils peuvent engager ; ils disposent par ailleurs d’une enveloppe de frais de représentation et de déplacements qui, comme l’indemnité représentative de frais de mandat – IRFM – des parlementaires, n’est pas imposable. Dans un souci non pas démagogique, comme je viens de l’entendre, mais de justice fiscale, il est tout à fait logique que les revenus complémentaires des intéressés soient imposés, alors que les indemnités compensatrices de frais doivent rester non imposables.
Cet amendement est le pendant de l’amendement précédent que nous venons d’adopter. Je regrette que le principe de fiscalisation de l’ensemble des revenus n’ait pas été soutenu par nos collègues à la droite de cet hémicycle.
Pour que soit garantie l’égalité devant l’impôt, tout revenu doit être fiscalisé de manière juste. Mais votre vote a été très clair, mesdames et messieurs de l’opposition. Monsieur Dosière, la commission a examiné votre amendement ce matin, lors de sa réunion tenue en application de l’article 88 du règlement, et y a donné un avis favorable.
Comme je l’avais indiqué tout à l’heure, le Gouvernement donne un avis favorable à cet amendement, et ce d’autant plus qu’il concerne directement ses membres.
Sourires.
L’amendement no 1099 est adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 838 .
Le véritable but de cet amendement est, pour la énième fois, de poser le problème du statut de l’indemnité représentative de frais de mandat – IRFM – des parlementaires. Je rappelle que pour beaucoup de nos collègues, l’IRFM ne permet même pas de couvrir leurs frais professionnels. C’est le cas notamment pour les députés de province qui n’ont pas d’autre mandat.
Pour d’autres, l’IRFM est un revenu complémentaire. Certains collègues m’ont même avoué qu’ils se la mettaient entièrement dans la poche. Pourquoi ? Parce qu’en France, à la différence de ce qui se passe dans les autres grands parlements du monde, il n’y a aucun contrôle sur l’utilisation de l’IRFM. Pis, un amendement du sénateur Michel Charasse voté il y a un certain temps fait que les inspecteurs des impôts ne peuvent plus demander de pièces justificatives aux parlementaires.
Dans la logique des deux amendements précédents, cet amendement vise à rendre imposable la partie de l’IRFM non utilisée à des fins professionnelles. Mais je ne vais pas vous demander, mes chers collègues, de le voter. Il s’agit seulement pour moi de dire qu’il faut instaurer un contrôle, comme l’ont fait nos collègues britanniques après le scandale de leurs notes de frais. Il faut sortir de cette situation prétendument égalitaire alors qu’elle est en fait profondément inégalitaire entre nous.
Permettez-moi de rappeler que notre collègue Philippe Séguin lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale était parfaitement conscient du problème. Il avait créé un groupe de travail pour moduler l’IRFM en fonction de la situation de chaque circonscription. Ces travaux ont hélas été abandonnés.
Certains parlementaires n’arrivent même pas à couvrir leurs frais professionnels avec l’IRFM alors que d’autres se la mettent entièrement dans la poche. On ne peut pas continuer ainsi.
Mon but n’ayant été que de sensibiliser l’ensemble de nos collègues, je vais retirer cet amendement. Mais nos différents groupes politiques s’honoreraient en reprenant les travaux de la commission Séguin et en instituant un système de contrôle. Il s’agit d’argent public, mes chers collègues. Nous devons justifier de son utilisation comme tous les salariés qui perçoivent une indemnité de frais professionnels. Le différentiel est réintégré dans leurs revenus s’ils ne peuvent en justifier, en tout ou partie. C’est normal. Et un tel système existe dans beaucoup de grands parlements.
L’amendement no 838 est retiré.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 898 .
Si seul le mien est aujourd’hui défendu, je tiens à rappeler que nous étions plusieurs collègues de différents groupes à avoir déposé un amendement identique. Il s’agit d’un sujet sur lequel nous sommes déjà intervenus lors de précédentes lois de finances, à savoir l’indemnité kilométrique vélo versée aux salariés qui se rendent à leur travail à vélo. Il existe depuis longtemps une indemnité kilométrique pour les salariés qui vont à leur travail avec leur voiture particulière. En outre, l’employeur a, depuis quelques années, l’obligation de rembourser une part de l’abonnement aux transports en commun.
Malheureusement, celles et ceux qui font le plus d’efforts, si je puis dire, puisqu’ils se rendent à leur travail à la force de leurs jambes, ne bénéficient d’aucune aide. Nous avons réussi à avancer et dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance, nous avons fait adopter la possibilité d’une aide pour inciter à une pratique bonne pour la planète et pour la santé et qui, de surcroît, réduit les embouteillages.
Mais le Gouvernement a plafonné l’indemnité à 200 euros. Par cet amendement, nous proposons de relever ce plafond à 385 euros. En effet, 200 euros, ce n’est pas grand-chose, même pas 20 euros par mois, alors que c’est beaucoup plus pour les indemnités kilométriques voiture ou le remboursement d’une part de l’abonnement aux transports en commun.
Récapitulons bien la situation. Il est possible aujourd’hui de déduire 200 euros de son assiette fiscale. Si vous déclarez un revenu de 10 000 euros et que vous vous rendez à votre travail en voiture ou en vélo, vous ne déclarez plus que 9 800 euros – 10 000 moins 200.
Vous proposez, monsieur de Rugy, de rajouter 385 euros. Pour un revenu fiscal de 10 000 euros, cela reviendrait à déduire 200 euros plus 385 euros. Les personnes qui se rendent à leur travail à bicyclette bénéficient déjà de 200 euros. Vous ne pouvez donc pas prétendre que rien n’existe en la matière et que cet aspect n’a pas été pris en compte alors que nous avons abordé la question en loi de finances il y a deux ou trois ans.
La commission a émis un avis défavorable considérant que les 200 euros existants pouvaient largement être utilisés par les cyclistes, qui peuvent les déduire de leur revenu imposable.
Même avis défavorable.
L’amendement no 898 n’est pas adopté.
Le présent amendement vise également à inciter à la pratique du vélo pour les déplacements quotidiens entre le domicile et le travail. Les principaux obstacles au développement de la pratique du vélo sont l’effort physique que cela exige et la longueur des distances. Au-delà de cinq kilomètres de trajet, nos concitoyens considèrent qu’il s’agit d’un trajet trop long pour être effectué à vélo. En Hollande, le curseur est à sept kilomètres. Et, la distance entre le domicile et le lieu de travail ayant tendance à s’allonger, les possibilités sont de plus en plus limitées.
Aujourd’hui, l’utilisation d’un vélo à assistance électrique est de plus en plus courante. Il ne s’agit pas de mobylettes électriques, mes chers collègues, mais de vélos, sur lesquels il faut toujours pédaler mais où l’on est aidé par une assistance électrique. J’incite nos collègues qui ne connaîtraient pas ces vélos à en essayer un ! C’est un mode de déplacement très adapté dans nos circonscriptions. Et ces vélos ne coûtent pas cher à l’usage, mais plus cher à l’achat. Pour un bon vélo à assistance électrique, il faut compter entre 1 000 et 1 500 euros.
Non, monsieur Le Fur, ce n’est pas vrai.
Il y a des constructeurs français, hollandais, allemands, japonais. Beaucoup d’offres existent sur le marché, mais force est de constater un surcoût à l’achat.
Le Gouvernement actuel, comme d’ailleurs le précédent, pousse à l’électro-mobilité et souhaite favoriser les véhicules électriques en accordant des primes qui peuvent s’élever jusqu’à 10 000 euros pour l’achat d’une voiture électrique. On envisage d’étendre l’aide, et c’est très bien, aux scooters électriques, lesquels, étant entièrement électriques, n’exigent néanmoins aucun effort physique de la part de leurs utilisateurs.
Par cet amendement, nous proposons une aide pour les vélos à assistance électrique. Les sommes peuvent être modestes, mais doivent inciter à basculer vers cette pratique bonne pour l’environnement et pour la santé – c’est un bon moyen de prévention des maladies cardiovasculaires – et qui permet de réduire les embouteillages dans nos villes.
La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement identique no 979 .
Se déplacer en vélo à assistance électrique est plus écologique, dites-vous, monsieur de Rugy. Au nom de cet argument, vous sollicitez une déduction fiscale. Mais un vélo ordinaire est tout aussi écologique…
En effet. Et un vélo ordinaire coûte moins cher.
La commission des finances a tenté de dresser un bilan de l’ensemble de telles exonérations. Votre amendement ne comporte aucun chiffrage – comme c’est souvent le cas pour ce type d’amendements. La commission a considéré qu’il n’était pas justifié de donner un avantage à un vélo à assistance électrique par rapport à un vélo ordinaire.
Avis défavorable, donc.
Le Gouvernement n’y est pas favorable. Il existe des crédits et des réductions d’impôt de toute nature, et on en invente tous les jours ! Le système de bonus-malus qui existe pour les voitures pourrait être une piste. Je ne ferme donc pas la porte.
S’agissant en l’espèce d’une réduction d’impôt, il faudrait s’assurer que ce véhicule – un vélo est bien un véhicule – n’est pas utilisé à des fins autres que professionnelles, ce qui est pourtant généralement le cas.
Je souhaite répondre à la commission et au Gouvernement. Je connais assez bien le sujet. En effet avant d’être député, j’ai été adjoint au maire, chargé des transports, dans une grande ville : Nantes.
On entend toujours le même raisonnement quand on propose de faire, avec des solutions simples et pas chères, ce que l’on fait dans des domaines où cela coûte beaucoup plus cher.
Par une forme d’inertie et de conservatisme, on nous répond qu’on ne fera rien pour le vélo électrique parce que rien n’est prévu pour le vélo ordinaire. On a heureusement réussi à dépasser ce genre de raisonnement pour les voitures. On nous répond que cela va coûter de l’argent et M. le secrétaire d’État s’oppose à des déductions fiscales en ce domaine. Mais comment pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, accepter que le Gouvernement dans lequel vous êtes chargé du budget ait accordé des déductions fiscales et des bonus qui se montent à plusieurs milliers d’euros ?
Pour une voiture électrique, on accepte que la collectivité rembourse jusqu’au tiers ou la moitié de son prix d’achat !
Notre proposition aurait un impact financier bien moindre. Je rappelle que celles et ceux qui se déplacent à vélo, pour leur travail ou d’autres activités, ne coûtent rien à la collectivité. Les vélos n’usent pas les routes. On ne peut pas en dire autant s’agissant des voitures. Se déplacer à vélo n’a aucun impact négatif sur l’environnement : pas de pollution de l’air, par exemple. Et cela est bénéfique à la santé, donc à la Sécurité sociale. Mes chers collègues, si l’on n’est pas capable d’avancer pas à pas, avec de petites sommes – c’est vous, monsieur le secrétaire d’État, qui fixerez le montant du bonus, puisque, nous, parlementaires, ne pouvons le faire – c’est qu’on ne veut pas avancer sur des sujets pragmatiques et concrets intéressant la vie quotidienne de nos concitoyens. Je le redis, notre proposition marie économie, écologie et santé.
Le sujet est sérieux, monsieur le secrétaire d’État. Certains arguments sont recevables, d’autres non. À notre proposition de déduction fiscale pour le vélo électrique, vous objectez qu’il n’en existe pas pour le vélo ordinaire. Utiliser un vélo électrique permet justement aux personnes qui ne veulent plus utiliser leur voiture pour se rendre à leur travail de parcourir des distances plus longues. Un vélo électrique est un outil alternatif entre un vélo ordinaire et une voiture.
De plus en plus de personnes, à Paris et en province, par exemple à Bourges, ville que je connais bien, délaissent leur voiture au profit d’un vélo électrique. Elles ne le feraient pas avec un vélo ordinaire, sans assistance électrique.
C’est pourquoi, avec Alexis Bachelay et d’autres députés faisant partie du Club des parlementaires pour le vélo, nous avons déposé cet amendement no 979 . Il y a vraiment là un enjeu de société, un enjeu d’avenir, puisqu’il s’agit de préserver la santé et l’environnement.
J’ai à l’instant réagi plutôt sur le fond, mais il y a aussi un autre argument : l’article 34 de la Constitution dispose que la loi doit fixer les règles relatives à l’assiette et au taux de tout impôt – il en va de même pour toute déduction fiscale. Or, dans ces amendements, les conditions de déductibilité du revenu imposable ne sont pas précisées. Si l’on achète un vélo 1 000 euros, quel sera le montant déduit du revenu imposable ? On n’en sait rien. Il y a par conséquent un risque certain d’incompétence négative. Je ne peux donc que confirmer l’avis défavorable s’agissant de la partie technique de ces deux amendements.
Dans notre assemblée, il y a souvent de fausses bonnes idées, et sur tous les bancs : devant un problème effectivement sérieux, la tentation est de proposer une réduction ou un crédit d’impôt. Je parle d’expérience puisque je vis dans une agglomération qui a créé une prime pour les vélos électriques. Le résultat en a été une augmentation immédiate des prix, le vendeur intégrant dans le prix de vente la prime dont va bénéficier son client. Cela se retrouve dans de nombreux domaines, je pense aux chauffe-eau solaires ou encore, à une certaine période, aux panneaux photovoltaïques. Par conséquent, si l’intérêt de circuler à vélo – ordinaire ou électrique – est incontestable, je crois que c’est vraiment une fausse bonne idée que de vouloir instaurer des bonus systématiques, qui ne font que miter un peu plus notre système fiscal déjà suffisamment complexe. Pour ma part, je voterai donc contre ces amendements.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 77 .
Cet amendement aborde le sujet de la désertification médicale. Il entend rappeler que l’accès aux soins sur tout le territoire est une priorité pour l’ensemble de nos concitoyens. Il existe à cet effet un dispositif afin de réduire le risque de déserts médicaux dans les zones rurales : le code général des impôts prévoit l’exonération d’imposition des bénéfices pour les médecins s’installant en ZRR – zone de revitalisation rurale. Cette exonération venait à son terme au 31 décembre 2015 et a été prorogée jusqu’au 31 décembre 2020 par l’article 45 de la loi de finances rectificative pour 2015. Ce dispositif vise à garantir un accès aux soins dans nos campagnes. Toutefois, il ne s’applique qu’aux seules installations de médecins libéraux. Cet amendement vise à étendre le champ d’application de cette exonération parce que les hôpitaux implantés dans ces zones de revitalisation rurale ont besoin de personnels médicaux salariés, mais ils ont du ma à en recruter. Ainsi, afin de lutter contre la désertification médicale et d’encourager les médecins à venir exercer à l’hôpital en zone rurale, il convient de les faire bénéficier d’un dispositif similaire.
Il vous est donc proposé de prévoir une exonération totale d’impôt sur le revenu pour les traitements et salaires versés par les établissements de santé implantés en ZRR aux médecins qui y exercent leur activité, pendant cinq années, puis une exonération dégressive – 75 %, 50 %, enfin 25 % –, sans plafonnement du bénéfice de l’avantage fiscal. Le paragraphe I de l’amendement met en place cette exonération en précisant quelles catégories de personnels bénéficieraient de ce nouveau dispositif d’exonération d’impôt sur le revenu : les personnels médicaux qui exercent leur activité dans les établissements mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 6112-3 du code de la santé publique, c’est-à-dire les établissements de santé, publics ou privés, assurant le service public hospitalier, et situés dans une ZRR.
Cet amendement, dont notre collègue Jean-Luc Warsmann est l’initiateur, a déjà fait l’objet d’une discussion dans cet hémicycle et je me souviens que les opinions étaient très partagées sur tous les bancs. Je souhaite vraiment qu’il soit adopté car il constituerait une vraie réponse au problème de recrutement des personnels médicaux dans certains établissements hospitaliers. Je vous demande donc, madame la rapporteure générale, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de le prendre en compte avec une attention toute particulière.
Cet amendement a déjà été rejeté lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances il y a trois semaines.
Et il a été rejeté pour une bonne raison. Vous faites référence, et c’est exact, au mécanisme mis en place pour les médecins libéraux qui s’installent en ZRR. Mais ces médecins-là sont des professionnels qui, gérant l’ensemble d’une structure, sont imposables au titre des bénéfices non commerciaux, alors que votre amendement vise, lui, des médecins salariés. Or, c’est différent d’accorder un avantage fiscal à un salarié ou à une structure pour en favoriser la rentabilité. Cela renvoie d’ailleurs au problème juridique que j’ai évoqué lors de l’examen des deux amendements précédents. Je confirme donc l’avis défavorable émis par la commission lors de l’examen de la première partie.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Je mets à nouveau en garde contre le risque de généralisation de ce type de dispositif : l’exonération d’impôt sur le revenu n’est en l’occurrence pas le bon outil.
Cela me rappelle qu’on a eu cette nuit au Sénat une discussion sur les cotisations sociales des médecins retraités susceptibles de reprendre une activité dans les zones rurales. Je réside dans une zone frontalière, où, par définition, les hôpitaux ne travaillent que sur un demi-cercle territorial de patientèle. Et pourtant nous rencontrons, nous aussi, des problèmes, même s’il ne s’agit pas des ZRR que vous évoquez et dont je ne méconnais pas la situation. L’avis est défavorable car ce n’est pas le bon outil pour traiter d’un vrai problème, d’autant plus que d’autres outils existent.
Je suis favorable à cet amendement car il y a un véritable problème : on sait que 30 % des postes hospitaliers sont vacants parce que considérés comme non attractifs. Les médecins qui les occupaient sont partis ailleurs. Je rappelle aussi que 20 % à 30 % des postes dans les hôpitaux sont occupés par des médecins à diplôme étranger. Et qu’on ne se méprenne pas : je les en remercie parce que sinon les établissements ne fonctionneraient plus ! La solution envisagée est de laisser les médecins y travailler jusqu’à l’âge de soixante et onze ans, soixante-douze ans, voire soixante-treize ans… Je ne veux pas du tout dire qu’à cet âge on a des difficultés,
Rires
mais il n’empêche qu’il vaut mieux avoir des jeunes qui vont pérenniser l’emploi, utiliser de nouvelles technologies et peut-être faire de la recherche. C’est tout de même mieux que de permettre, même à des gens de mon âge – je remercie mes collègues pour leur réaction – de rester encore dans les hôpitaux. Je peux toujours opérer, mais je pense qu’il est malgré tout préférable que des jeunes nous remplacent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Sourires.
Monsieur Debré, nous ne commenterons pas la capacité à opérer ou non selon l’âge.
Sourires.
Je voudrais revenir sur les arguments développés par Mme la rapporteure générale et par M. le secrétaire d’État.
Madame la rapporteure générale, vous dites qu’il ne s’agirait pas du même dispositif que celui applicable pour les BNC. Je l’entends bien, mais il est proposé un dispositif d’exonération d’impôt sur les salaires exactement identique à ce qui existe pour les BNC. Je ne comprends donc pas bien votre argument, relevant de surcroît qu’il est différent de celui que vous aviez opposé en première partie où vous aviez évoqué le mécanisme de recrutement du personnel hospitalier salarié.
Monsieur le secrétaire d’État, vous estimez que ce ne serait pas le bon outil. Mais si justement ! Puisqu’il incite déjà les professionnels médicaux libéraux, ce serait tout à fait l’outil adéquat pour faire de même s’agissant des médecins salariés dans les hôpitaux. Le dispositif incitatif qui fonctionne pour les uns pourrait tout à fait fonctionner pour les autres. Les territoires ruraux subissent une double peine : ils ont non seulement un problème pour faire venir des médecins de ville, mais aussi des médecins hospitaliers.
Ces territoires, déjà beaucoup plus impactés que les autres, sont mis en grande difficulté. On vous propose un outil pour y remédier. Si ce n’est pas le bon, proposez-nous en un autre car les citoyens de nos campagnes tiennent à l’égalité d’accès aux soins.
Pour une dernière fois, je redis que cette question est sensible, importante ; mais elle touche à d’autres domaines – le numerus clausus, l’incitatif ou le coercitif pour des professions par essence libérales. Et ce débat a déjà été ouvert à plusieurs reprises.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure à propos d’une autre disposition proposée, je crains le risque de généralisation. Par exemple, nous avons des postes à la DGFIP que personne ne souhaite occuper parce que c’est trop loin, trop isolé, trop au Nord ou que sais-je encore. Il en est de même pour les postes d’enseignants dans des zones d’éducation prioritaire où les établissements sont a priori réputés « difficiles ». Faudrait-il à chaque fois, pour attirer des personnels, proposer des réponses en termes d’exonération d’impôt sur le revenu ? On n’en finirait pas ! J’ai dit que je préférais qu’on joue sur les rémunérations plutôt que sur la défiscalisation des revenus. Je maintiens ma position.
J’abonde dans le sens des propos du secrétaire d’État et, comme l’a dit M. Gagnaire, ce serait le type même de la fausse bonne idée. Les jeunes médecins qui choisissent la voie hospitalière ou la voie libérale le font aujourd’hui pour des raisons d’attractivité territoriale, d’aménagement du territoire, de la capacité pour leur conjoint d’y trouver un travail et pour leurs enfants d’aller dans des établissements où ils pourront suivre le parcours scolaire souhaité. Tous les syndicats de jeunes médecins le disent, je vous le confirme et on vient encore de le vérifier lors des travaux préparatoires à la proposition de loi de Philippe Vigier. La réponse à la juste question que vous soulevez, ma chère collègue, ne réside pas dans la fiscalité. L’histoire des déserts médicaux n’a rien à voir avec cela.
J’appelle l’attention de la représentation nationale sur le fait que nous parlons toujours de déserts médicaux à propos de la médecine générale. Ces déserts sont dus, ce qui a une portée symbolique extrême, à la sous-rémunération et à la sous-évaluation des actes médicaux depuis des années.
Gynécologues médicaux, ophtalmologistes, cardiologues et autres ne sont plus présents dans les territoires ruraux, et même parfois dans des départements entiers.
S’il y a un problème d’aménagement du territoire, d’accès pour l’autre membre du couple à la profession qu’il recherche, il est clair que se pose aussi le problème de la rémunération. Il faut arrêter dans ce pays de refuser de rémunérer nos élites ! On ne peut plus continuer en considérant que la classe moyenne, c’est 2 000 euros par mois ! Ce pays est en train de se prolétariser, de se paupériser, à grande vitesse, et c’est justement ce qui nourrit ce que vous rejetez politiquement.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La question du revenu se pose clairement. Ce n’est pas en appauvrissant en permanence les Français que vous redresserez le pays ! La France a besoin à nouveau d’avoir des gens qui gagnent correctement leur vie et à tous niveaux ! La question de la rémunération monétaire et de la reconnaissance symbolique de l’acte médicale est claire ! Or il est démonétisé, dévalué, depuis des décennies !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
L’amendement no 77 n’est pas adopté.
Créé en 2011, le Fonds d’investissement de proximité outre-mer – FIP OM – a été conçu comme un instrument important de développement économique, pour financer les petites et moyennes entreprises ultramarines.
Or, avec le recul, on constate que ces fonds ultramarins ne se développent pas : depuis 2011, six seulement ont été créés, dont un seul en 2015, et ils collectent une épargne quasi-confidentielle. Leur performance est par ailleurs décroissante, tombée de 5 millions d’euros collectés en 2013 à 3 millions en 2014, alors que, partout ailleurs, les collectes augmentent, malgré un avantage fiscal moindre – 18 % dans le cadre du fonds d’investissement de proximité de droit commun et 38 % pour le FIP Corse.
En outre, le FIP OM est peu distribué car les banques, n’en maîtrisant pas bien l’ingénierie, ne le proposent pas. De même, l’étroitesse de l’assiette de collecte mobilise peu les sociétés de gestion spécialisées, ce qui ne contribue pas non plus à structurer les canaux de collecte.
Afin que le FIP OM puisse remplir son objectif et financer les fonds propres des PME ultramarines, le présent amendement vise à élargir l’assiette de collecte du fonds en ouvrant la souscription à l’ensemble des contribuables français. Il améliorerait ainsi la portée, la puissance et l’impact du Fonds.
Parce qu’il ne saurait être question de créer une distorsion avec le régime fiscal du FIP Corse, il est proposé de créer un régime fiscal unifié de capital-risque insulaire, donc d’appliquer au FIP OM et au FIP Corse le même taux de réduction d’impôt, soit 38 % de l’investissement jusqu’à 12 000 euros pour un célibataire ou jusqu’à 24 000 euros pour un couple, dans le cadre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
Par ailleurs, pour faciliter la gestion des flux, cet amendement repousse l’application de l’article au 1er janvier 2017, de sorte que le dispositif puisse fonctionner sur une année pleine.
La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir l’amendement identique, no 733 .
Cet amendement, adopté dans le récent projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer, permettra de rendre le dispositif beaucoup plus efficace car, comme cela vient d’être dit, les résultats du Fonds sont malheureusement mauvais et les banques le proposent peu, malgré le taux proposé.
Il offrirait davantage de visibilité au dispositif, à la fois en élargissant son assiette à l’ensemble des contribuables français et, par souci d’équité, en l’alignant sur le taux du FIP Corse – 38 %.
La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement identique no 1016 .
Cet amendement, adopté par la commission des finances à l’initiative de notre groupe en 2016, avait ensuite été retoqué – bien à tort ! – en séance publique, faute de majorité.
Depuis lors, ainsi que Mme Sage vient de le rappeler, il a été adopté dans le dispositif de la future loi relative à l’égalité réelle outre-mer.
Il n’est pas possible que la Corse dispose d’une assiette fiscale large, en raison de sa situation insulaire et de son développement, alors que, pour l’outre-mer, l’assiette est réduite aux seuls résidents fiscaux des départements ou collectivités d’outre-mer. C’est là le contraire de la solidarité !
À ceux qui craignent qu’un tel dispositif ne déstabilise fortement les finances de notre pays, je rappellerai, au regard des enseignements tirés du FIP Corse, que la montée en puissance du FIP OM pourrait tout à fait être absorbée par notre budget.
Cet amendement prévoit que le taux de la réduction d’impôt, diminué de 42 % à 38 %, soit étendu à tous, résidents d’outre-mer ou de métropole. Un autre dispositif de crédit d’impôt existe toutefois déjà pour les métropolitains qui achètent par exemple un tracteur en outre-mer : ce crédit d’impôt représente un montant total de 285 millions d’euros, contre 1 million seulement pour le FIP OM. Il faut donc comparer l’ensemble des dispositifs, non se contenter du seul parallèle avec le FIP Corse, puisqu’il existe un mécanisme semblable pour les investissements de proximité en Corse et que ce FIP Corse est peu plus abondé que le FIP OM.
En outre, cet amendement, adopté dans le projet de loi égalité réelle, nous placerait en porte-à-faux puisqu’une partie de ses dispositions figurerait dans la loi de finances et une autre, dans la loi de programmation, laquelle n’est pas encore définitivement adoptée.
On voudrait ainsi que certains dispositifs fiscaux figurent non pas dans le projet de loi de finances, mais dans d’autres textes, puis si ces autres textes ne sont pas adoptés assez rapidement, on accepterait de les réintégrer en cours de discussion dans les textes financiers : ce procédé, un peu dangereux, ne permet pas d’obtenir une vision globale.
Reconnaissant toutefois qu’il est plutôt intéressant d’ouvrir le mécanisme du FIP OM, la commission s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Avis défavorable. Comme l’a bien montré la rapporteure générale, des dispositifs de défiscalisation très avantageux existent pour les habitants de la métropole qui veulent investir dans les départements ou les collectivités d’outre-mer. Faut-il autoriser l’ouverture des FIP OM aux investissements des résidents de la métropole ? Je ne le pense pas, les dispositifs actuels étant déjà très favorables.
Par ailleurs, des dispositions fiscales ont été, à mon corps défendant, placées dans le projet de loi égalité réelle, qui se trouve actuellement en navette. Je ne souhaite pas que nous obtenions sur ces sujets des votes contradictoires, ce qui s’est déjà produit. Le Parlement est en effet souverain. Il n’est pas sûr non plus que le Gouvernement – certains de ses membres, du moins – n’ait pas également fait preuve parfois d’un certain laissez-aller. C’est un débat que nous avons souvent eu avec le président de la commission des finances.
Aussi, puisque des dispositions fiscales ont été introduites dans le projet de loi égalité réelle, je préférerais que leur examen suive son cours. Nous en discuterons lorsque le projet parviendra en lecture définitive. Nous risquerions sinon de recueillir des votes contradictoires.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je suis également défavorable à cet amendement. La création des fonds d’investissement de proximité, dans le cadre de la loi de 2003 pour l’initiative économique, dite loi Dutreil – Mme la présidente s’en souvient – a immédiatement soulevé la question de l’outre-mer. Il n’était en effet pas possible de cumuler deux avantages fiscaux, alors que l’article 199 undecies B du code général des impôts instaure un crédit d’impôt d’investissement productif extrêmement favorable pour l’outre-mer, qui n’existe pas en Corse. Or, comme la rapporteure générale l’a rappelé, le montant total de la réduction d’impôt au titre de ce dispositif s’élève à près de 300 millions d’euros.
Ouvrir les FIP OM ferait donc courir le risque de remettre en cause les avantages du dispositif de l’article 199 undecies B, au détriment même de l’outre-mer. Il vaut donc mieux s’en tenir à ce dispositif spécifique.
J’ai cosigné l’amendement de notre collègue Maina Sage afin de rappeler une nouvelle fois, comme vous l’avez vous-même fait avec honnêteté, monsieur le ministre, que les dispositions fiscales adoptées dans des textes spécifiques peuvent contredire la position que nous devons avoir du point de vue général. Or la commission des finances n’a jamais réussi à obtenir dans la loi organique que les dispositions fiscales ne puissent figurer que dans le projet de loi de finances. J’espère qu’un jour, l’ensemble des députés sera d’accord sur ce point : il ne s’agit pas de protéger telle ou telle commission, mais d’établir une cohérence.
Par ailleurs, je m’interroge sur le caractère constitutionnel de ces dispositions au regard du principe d’égalité : une disposition fiscale peut-elle être, en droit, réservée aux résidents de certains territoires ?
Monsieur le secrétaire d’État, seriez-vous favorable, comme cela a été fait pour le FIP Corse, à une ouverture du dispositif du FIP OM à l’ensemble des contribuables français, ouverture qui, selon moi, n’aurait que peu d’incidence ?
Afin qu’il n’y ait pas de distorsion entre les deux textes, je suggère d’adopter ces dispositions dans le projet de loi de finances et de les retirer du projet de loi égalité réelle, lors de sa dernière lecture.
J’ai bien entendu les arguments du Gouvernement. Je regrette tout d’abord que la majorité ne se soit pas exprimée plus clairement pendant la discussion du projet de loi égalité réelle que nous venons d’approuver ensemble, il y a peu, à une très forte majorité. Il vous revient, mesdames et messieurs les députés, d’être cohérents avec ce que vous avez approuvé dans le projet de loi.
S’agissant ensuite des moyens, cela fait trois ans nous demandons le bilan de l’application des dispositifs d’aide à l’investissement dans nos territoires, et de leur répartition. Il s’agit là d’une obligation, qui n’est pas respectée.
Ouvrons le débat et examinons les différents avantages octroyés. Vous le savez comme nous, monsieur le secrétaire d’État, il existe des retards dans la procédure d’octroi, nous avons eu l’occasion d’en parler lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Il est facile de dire que l’on proroge l’aide fiscale à l’investissement en outre-mer jusqu’en 2025 : dans la réalité, nous attendons des décisions capitales pour nos territoires, notamment en matière d’infrastructures.
Ne comparons donc pas uniquement les outils, mais également les réalisations. Et c’est pour cette raison que nous revenons sur le sujet du FIP OM, afin d’accroître l’efficacité du dispositif.
Je comprends naturellement que l’on différencie les collectivités d’outre-mer – COM – et les départements d’outre-mer – DOM. Nous pouvons en discuter, mais la logique voudrait du moins que nous adoptions aujourd’hui cet amendement, déjà voté, il y a moins d’un mois, dans cet hémicycle.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 861 .
Cet amendement a pour objet de proroger le dispositif Malraux qui finance jusqu’au 31 décembre 2017 le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés dans le cadre du programme national de rénovation urbaine.
Dans sa rédaction actuelle, il permet de proroger jusqu’en 2021 la déclinaison du dispositif relative aux opérations localisées dans les quartiers visés par le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés – PNRQAD – et jusqu’en 2024 celle pour les projets faisant l’objet d’une convention avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU. Une prorogation jusqu’en 2019 devrait cependant permettre, à la demande de certaines collectivités locales, de continuer à rénover des quartiers anciens dégradés, pour lesquels il est aujourd’hui difficile de trouver des financements et des porteurs de projets.
Monsieur Pupponi, vous souhaitez donc que soit soumis au vote l’amendement no 861 rectifié , dans lequel la date « 2019 » remplace la date « 2021 » au 1° du I et la date « 2024 » au 2° du I.
L’article 23 de la loi de programmation des finances publiques a fixé un principe très clair : que les prorogations de crédits d’impôt ne devaient pas aller au-delà de trois ans. La rectification opérée par M. Pupponi permet de respecter ce principe. Sur cette base, la commission émet un avis favorable sur l’amendement rectifié.
Le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté demain après-midi en Conseil des ministres prévoit une adaptation du dispositif par suite de l’adoption de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui a modifié un certain nombre de paramètres et de conditions. Il y aura dans ce texte un article qui traitera du sujet. Je vous propose donc de remettre cette discussion à l’examen du projet de loi de finances rectificative ; nous pourrons alors discuter d’une éventuelle prorogation du dispositif.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable, monsieur le secrétaire d’État ?
Je demande plutôt le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Je retire l’amendement. Nous en discuterons dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
L’amendement no 861 est retiré.
Dans l’article 50 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, nous avions prévu la prise en charge obligatoire par les employeurs de tout ou partie des frais engagés par leurs salariés se déplaçant à vélo pour se rendre sur leur lieu de travail.
La loi de finances rectificative pour 2015 a rendu cette disposition facultative, ce qui en a très fortement limité la portée. La mise en place de « l’indemnité kilométrique vélo » et son caractère obligatoire sont des leviers puissants pour développer l’usage du vélo dans la mobilité quotidienne, comme l’a montré l’expérimentation conduite au second semestre 2014 par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, expérimentation qui a porté sur plus de 10 000 salariés et a mis en évidence l’effet d’entraînement de l’approche financière sur la pratique. Cette expérimentation sur six mois a en effet permis de doubler le nombre d’usagers et d’augmenter de 50 % à 70 % la part modale du vélo. Les différences d’appréciation, tant sur les avantages que sur les inconvénients, entre anciens et nouveaux cyclistes montrent que, si les nouveaux cyclistes ne sont pas a priori des passionnés du vélo, ils effectuent des trajets assez longs en moyenne.
Le présent amendement vise donc à restaurer le caractère obligatoire de l’indemnité kilométrique vélo, qui avait été supprimé par la loi de finances rectificative pour 2015.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 897 .
Mon collègue Gilles Lurton a présenté l’exposé sommaire d’un amendement qui est identique au nôtre, ce qui prouve que la volonté de développer la pratique du vélo, notamment pour effectuer les trajets entre le domicile et le lieu de travail, transcende les clivages de notre assemblée – et c’est tant mieux ! Nous devrions donc trouver facilement une majorité pour voter cette disposition, qui avait été adoptée dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique soutenue par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, mais qui a malheureusement été détricotée par la suite par une loi de finances rectificative, ce qui est incompréhensible.
D’une manière générale, il s’agit de comportements qui sont à la fois utiles pour celui qui les adopte – je crois qu’il n’est plus besoin de démontrer à quel point il est bénéfique de pratiquer une activité physique et sportive régulière et de joindre l’utile à l’agréable en se rendant à vélo, ou à pied d’ailleurs, sur son lieu de travail – et dans l’intérêt de la collectivité, puisque tout le monde sait que si les trajets entre le domicile et le lieu de travail se font à pied, à vélo ou en transports en commun plutôt qu’en voiture, c’est mieux pour la qualité de vie dans nos villes et dans nos campagnes. Eh bien, si l’on veut que ces comportements se développent, il faut les récompenser. On sait en effet que l’un des leviers à utiliser pour accélérer un changement, c’est de récompenser un comportement bénéfique. Or nous avons là un dispositif simple, et qui existe déjà – car j’anticipe vos arguments, monsieur le secrétaire d’État et madame la rapporteure générale : il existe des dispositifs similaires visant à favoriser d’autres modes de déplacement, pourtant bien moins bons ou plus onéreux pour la collectivité, puisque les transports en commun coûtent cher à la collectivité, ne l’oublions pas. Ce que nous proposons ne coûtera rien à la collectivité, ne coûtera rien au budget de l’État ni à celui de la Sécurité sociale : que l’employeur ait l’obligation de verser au salarié concerné une indemnité kilométrique vélo, de même qu’il a l’obligation de prendre en charge une partie de l’abonnement aux transports en commun ; je rappelle en outre que de nombreux employeurs, privés et aussi publics, soit versent à certains de leurs salariés une indemnité kilométrique pour l’utilisation de leur véhicule personnel, soit leur offre un véhicule payé par l’entreprise, ce qui représente des sommes beaucoup plus importantes et est de surcroît en contradiction avec la politique de santé-environnement que nous voulons mener.
Je commencerai par un point de méthode. Nous avons indiqué tout à l’heure que nous souhaitions que les questions fiscales soient traitées dans le cadre du projet de loi de finances. Là, ce que vous nous proposez de faire, c’est de modifier un article du code du travail ; il ne s’agit donc pas d’un texte de nature financière. Je sais bien que les textes législatifs peuvent empiéter les uns sur les autres, mais je préfère préciser que ce qui est ici en jeu, c’est la modification d’un article du code du travail, et non pas du code général des impôts.
Aujourd’hui, les employeurs ont la possibilité de verser une indemnité kilométrique vélo à leurs salariés. Ce n’est qu’une possibilité.
Cette indemnité entre en parallèle avec ce que nous avons évoqué tout à l’heure, c’est-à-dire la réduction de l’assiette fiscale à hauteur de 200 euros : si vous déclarez 10 000 euros de revenus, vous pouvez, grâce à cette déduction, n’en déclarer que 9 800. Rendre obligatoire ce qui est aujourd’hui possible – un employeur peut très bien inciter ses salariés à venir au travail à vélo en leur versant une indemnité – reviendrait à changer de philosophie. L’an dernier, nous avions, dans la loi de finances rectificative pour 2015, supprimé la nature obligatoire de l’indemnité. Cela n’enlève en rien la possibilité pour un employeur de le faire, s’il le souhaite.
Moi, je souhaite que nous en restions à ce que nous avions adopté l’an dernier – et la commission a partagé cet avis. Il convient de laisser la possibilité de verser une indemnité kilométrique vélo, sans en faire une obligation.
Je voudrais dire deux choses.
Premièrement, on a fait le procès à Bercy d’avoir « détricoté » l’amendement adopté lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissante verte. Je me suis procuré le compte rendu intégral des débats. À l’époque, M. Bachelay avait défendu des amendements portant les numéros 268, 273 et 270 – je cite ses propos : « [Ces amendements] visent à encourager la pratique du vélo pour le trajet domicile-travail par la création d’une indemnité kilométrique qui correspond également à une préconisation du plan national vélo de janvier 2012. Cette indemnité kilométrique peut être versée par l’employeur pour inciter ses salariés à se déplacer en vélo sur le modèle de celle qui existe en Belgique depuis 1999. »
Voilà ce qui est inscrit dans le compte rendu officiel des débats : l’indemnité kilométrique « peut » être versée. Les mots ont-ils un sens ? Je me suis fait copieusement insulter
Murmures
– oui : insulter ! – par un certain nombre de députés, et aussi d’acteurs de la société civile, qui m’ont dit : « Vous, à Bercy, vous avez détricoté ce qui avait été voté dans la loi de transition énergétique ! ». Mais les mots ont un sens ! Je voulais faire cette mise au point.
Deuxièmement, il existe des dispositions obligatoires, vous l’avez dit : ainsi, la prise en charge de certains frais de transport, notamment les frais de transport en commun, et aussi, ne l’oublions pas, les frais de location de vélo, plafonnés à 200 euros. Je ne vois pas pourquoi il y aurait lieu de transférer cette obligation à la prise en charge des frais kilométriques, qui peuvent s’appliquer aussi bien à l’utilisation de la voiture qu’à celle du vélo. Il est vrai que cela ne coûterait rien au budget de l’État, mais cela coûterait aux entreprises, puisque ce sont elles qui seraient tenues de verser ces sommes. Or, pour certaines d’entre elles – je pense bien sûr aux plus petites –, je ne suis pas sûr que ce serait de nature à améliorer leur compétitivité et que cela ne pèserait pas sur leurs marges et sur leur fonctionnement.
Voici donc la position du Gouvernement : la loi relative à la transition énergétique, oui, toute la loi relative à transition énergétique, oui – mais pas plus. Avis défavorable.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne vous insulterai certainement pas : j’ai trop de respect pour votre fonction.
Murmures.
Mais bien sûr ! J’ai du respect pour tous les ministres de la République, quels qu’ils soient !
Ce n’est pas grave : ça glisse… J’ai le dos large !
Sourires.
Cependant, j’ai quelque difficulté à comprendre que quelques semaines après l’adoption d’une disposition législative rendant obligatoire le versement d’une telle indemnité, on revienne dessus en rendant ce versement facultatif ! J’ai vraiment du mal à comprendre ce fonctionnement !
Je voudrais répondre à Mme la rapporteure générale et à M. le secrétaire d’État.
Mme la rapporteure générale, qui connaît bien le fonctionnement de l’Assemblée, s’émeut de ce que nous déposions un amendement ayant trait à une disposition qui ne serait pas directement fiscale et relèverait du droit du travail. D’abord, je ne suis pas sûr que les collègues aient très envie que l’on ouvre un nouveau débat sur le code du travail et que l’on dépose une proposition de loi sur le sujet uniquement pour traiter de ce problème. En outre, c’est une loi de finances rectificative qui a supprimé, en 2015, la disposition : c’est aussi pour cette raison que nous utilisons le présent véhicule. Enfin, vous savez très bien que pour obtenir gain de cause sur ce genre d’idée simple, qui touche à la vie quotidienne de nos compatriotes, il faut faire preuve de ténacité et revenir à la charge.
Monsieur le secrétaire d’État, vous vous inquiétez d’un éventuel coût supplémentaire pour les entreprises, mais je vous rappelle que c’est sous le gouvernement Fillon – c’est François Fillon qui a signé le décret – qu’a été décidée la prise en charge par l’employeur de la moitié du coût de l’abonnement aux transports en commun. Nous avions été des élus de tous bords à nous battre pendant des années pour obtenir ce résultat. Cela existait déjà en Île-de-France, mais les salariés des autres régions de France n’y avaient pas droit : c’était une véritable rupture d’égalité ! Cela a été généralisé.
Si ces amendements étaient adoptés, dans beaucoup d’entreprises, on observerait un phénomène de substitution : des personnes qui viennent aujourd’hui en transports en commun viendraient à vélo. Il n’y aurait donc pas de coût supplémentaire. Au contraire, cela coûterait peut-être moins cher, car, je le répète, se déplacer à vélo coûte moins cher pour celui qui fait le déplacement et aussi pour la collectivité que se déplacer en voiture ou en transports en commun. S’agissant du budget de l’État, dont il est aujourd’hui question, cela ne lui coûterait rien. En plus, cela a des effets bénéfiques sur la santé et l’environnement. Alors, pourquoi s’en priver ? C’est incompréhensible !
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, inscrit sur l’article, pour deux minutes.
Je voudrais saluer l’adoption tout à l’heure de l’amendement de Mme Dalloz relatif au paiement mensualisé de l’impôt sur le revenu. Le principe de la retenue à la source, dans l’absolu, je ne le combats pas, puisqu’il existe déjà dans de nombreux autres pays – mais c’est la manière dont il est présenté qui fait problème. Par exemple, pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises, rien que le logiciel de paie coûte 2 700 euros, auxquels s’ajoute le coût des journées de formation : on voit bien à quoi une telle impréparation pourrait aboutir.
Je vous ai entendu avec inquiétude dire tout à l’heure que vous entendiez revenir par une deuxième délibération sur ce vote de l’Assemblée nationale. Dès lors, je voudrais soulever la question de l’amendement no 267 , que j’avais déposé et qui est tombé. Il s’agit d’un sujet que j’ai déjà évoqué avec vous : la situation des Français de l’étranger. Dans le dispositif proposé par le Gouvernement, ceux-ci subiraient en effet une inégalité de traitement par rapport aux autres contribuables. Cela remettrait en cause le principe de l’égalité devant l’impôt ; le Conseil constitutionnel, je tiens à le dire dans cet hémicycle, pourrait, à n’en pas douter, s’en saisir. Si l’on ne prévoyait pas un dispositif de crédit d’impôt tel que celui que je propose dans l’amendement no 267 , nos compatriotes expatriés seraient les seuls à ne pas bénéficier des mesures prévues pour l’année de transition ; ils se retrouveraient avec une double contribution aux charges publiques. Il est par conséquent indispensable que le Gouvernement en tienne compte dans le dispositif qu’il présentera pour deuxième délibération à notre assemblée. Je voulais vous le signaler afin que vous ayez le temps matériel de le faire.
J’y insiste : cela est absolument indispensable. Sans cette modification, le Conseil constitutionnel censurerait, je n’en doute pas, le dispositif.
Bien évidemment, la sagesse serait d’en rester à l’amendement de Mme Dalloz que nous avons adopté tout à l’heure.
Nous en venons à l’amendement no 724 , qui tend à supprimer l’article 39.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.
Personnellement, j’aime le patrimoine et m’efforce de m’en occuper dans les fonctions que j’occupe.
Le présent article reconduit, pour trois ans, un crédit d’impôt au demeurant modeste – 25 millions d’euros – et l’étend aux entreprises spécialisées dans la restauration, pour un coût de 3 millions : quelle affaire, me direz-vous… Ce crédit d’impôt consiste néanmoins en une réduction de 10 % sur le salaire brut chargé, ou de 15 % pour les entreprises titulaires du label EPV – entreprise du patrimoine vivant. Comment cette mesure fiscale s’articule-t-elle avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, mesure générale à laquelle tout le monde s’est rallié, quand bien même on la transformerait en exonération de charges ?
De fait, on pourrait étendre une telle mesure à beaucoup d’autres domaines que la création, la joaillerie ou la restauration d’objets d’art « uniques ». Avec cet amendement de suppression, je veux poser la question de la cohérence de notre politique en matière de charges sociales, puisque la disposition dont nous parlons, cumulable avec le CICE, équivaut à une baisse supplémentaire de charges. On comprend mal l’articulation en termes de politique fiscale.
Bref, j’ai été un peu étonné que le Gouvernement reconduise le dispositif au lieu d’opter pour cette mesure horizontale qu’est le CICE, que l’opposition veut transformer, tout comme le Président de la République, en exonération de charges, ce qui serait bien plus simple pour tout le monde. Quelle logique le Gouvernement suit-il en matière de crédits d’impôt ?
Il y a, d’un côté, des dispositifs généraux tels que le CICE, et, de l’autre, des dispositifs de soutien à des filières particulières, pour des raisons elles-mêmes particulières. Le crédit d’impôt en question coûte 28 millions d’euros, non 25 millions : nous parlons donc de l’épaisseur du trait…
Oui, 25 millions plus 3 millions : 28 millions, donc, nous sommes d’accord. Le nombre de bénéficiaires a régulièrement progressé, ce qui tend à montrer l’utilité de la mesure. L’article vise à l’étendre, dans des proportions fort modérées, aux travaux de restauration. Il faut bien tenir compte de la spécificité de certaines filières : c’est ce qui justifie des crédits d’impôt. La filière ici visée est celle de la restauration du patrimoine ; il en existe d’autres, dont nous parlons régulièrement dans cette assemblée. À vrai dire je ne comprends guère le sens de votre question, monsieur le député.
L’amendement no 724 est retiré.
L’article 39 est adopté.
Je suis saisie de deux amendements portant articles additionnels après l’article 39.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 585 .
Cet amendement vise à mettre en conformité le délai prévu pour l’obtention de l’agrément définitif avec les règles de la prescription fiscale, de façon que l’administration fiscale puisse récupérer la totalité des sommes dont aurait indûment profité une entreprise au titre du crédit d’impôt.
L’Assemblée, je pense, comprend le sens de cette mesure un peu technique.
S’il le faut, je peux donner plus de détails.
Le principe visé s’applique-t-il à tous les crédits d’impôt, monsieur le secrétaire d’État ? La prescription fiscale est-elle la même que celle qui leur est appliquée ? A-t-on vérifié ce point ? Personnellement, je n’en suis pas sûr…
Le cas est particulier, puisque l’agrément peut être donné après la période de reprise, ce qui n’est pas le cas, en général, pour les autres crédits d’impôt.
L’amendement no 585 est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 1030 .
Le présent amendement a pour objet de transformer l’exonération facultative, sur délibération des collectivités locales, de cotisation foncière des entreprises en faveur des diffuseurs de presse spécialistes et indépendants – les « kiosquiers » – en une exonération de droit commun.
L’article 1464 L du code général des impôts donne actuellement la faculté aux communes et à leurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de délibérer sur la mise en oeuvre d’une telle exonération. En deux années d’existence, cette faculté a été peu utilisée, puisque seules une vingtaine de collectivités ont délibéré. Pour soutenir la filière visée, il convient de rendre l’exonération obligatoire. Le manque à gagner sera compensé aux collectivités, comme chacun le sait ici.
Cet amendement, qui concerne 11 500 points de vente, aurait un coût budgétaire de 7,5 millions d’euros. La mesure, vient de nous expliquer M. le secrétaire d’État, serait compensée, mais le différentiel observé dans les compensations déjà existantes laisse supposer que les collectivités auront à assumer une partie de la dépense fiscale. L’avis est néanmoins favorable.
Je souhaitais intervenir sur le point soulevé par Mme la rapporteure générale. À chaque projet de loi de finances, rectificative ou initiale, le Gouvernement impose de nouvelles mesures aux collectivités territoriales tout en promettant des compensations. Dans le cas présent, la référence à une compensation me paraît mal rédigée. Cette dernière s’entend-elle à l’euro symbolique ? L’an dernier, les mesures d’exonération, en matière de taxe foncière et de taxe d’habitation, destinées aux personnes âgées ayant de très faibles revenus, n’ont pas été compensées par le Gouvernement, ou alors très partiellement, si bien qu’elles restent à la charge des collectivités.
Il faudrait donc un engagement fort du Gouvernement sur une compensation à l’euro près, et sur le fait que cette compensation n’interviendra pas deux ans plus tard, puisque c’est aussi ce que l’on constate. Les services fiscaux doivent se montrer réactifs pour que la compensation soit intégrale et rapide.
Le taux visé par l’amendement est celui de 2016. La mesure, monsieur le secrétaire d’État, s’entend-elle bien, donc, à taux stabilisé ? D’autre part, comment sera-t-elle financée ? Sera-t-elle intégrée dans des exonérations soumises ensuite à des variables d’ajustement, question longuement débattue au sein du Comité des finances locales puis dans notre hémicycle ?
Le taux retenu est bien celui de 2016, monsieur le député.
L’amendement no 1030 est adopté.
Cet article tend à proroger d’un an le dispositif « Pinel ». En matière de logement, nous y reviendrons en examinant les amendements, la grande politique serait d’en mener quatre cents différentes, tant les mesures générales s’avèrent inadaptées à l’extrême diversité des territoires.
Cet amendement vise à prolonger la réduction d’impôt pour l’investissement locatif intermédiaire jusqu’en 2020. Ce dispositif nous paraît en effet un bon moyen d’incitation à l’investissement immobilier. Il s’adresse, la plupart du temps, aux personnes qui, dotées de petits budgets, souhaitent placer leur argent et devenir propriétaire d’un bien immobilier. Grâce à cela les jeunes, en particulier, peuvent accéder à la propriété immobilière dans des conditions raisonnables sans être soumis à une pression fiscale trop élevée.
Il est donc nécessaire de proroger cette mesure afin de garantir à une plus large partie de la population l’accès simplifié et avantageux à l’acquisition d’un patrimoine immobilier.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 1061 .
Il s’agit un peu d’un amendement de repli par rapport au précédent.
Tout le monde connaît le dispositif « Pinel », qui fonctionne bien et a relancé le logement dans notre pays.
Une prorogation d’un an, renouvelée tous les ans, ne donne pas une visibilité suffisante aux acteurs du secteur. Je propose donc, à travers cet amendement, une prolongation jusqu’en 2018, ce qui laisserait aux acteurs deux ans pour réaliser leurs projets dans de bonnes conditions.
Défavorable. Je ne comprends pas du tout l’argument de l’absence de visibilité. Chaque année, bailleurs et investisseurs peuvent entrer dans un dispositif qui les accompagnera pendant neuf ou douze ans.
Le montant du crédit d’impôt étant par ailleurs assez élevé, il est plus judicieux de laisser à notre assemblée la possibilité d’en réévaluer chaque année la pertinence. Avis défavorable aux deux amendements, donc.
Je remercie tous ceux qui, après avoir tant décrié le dispositif, le jugent si efficace qu’ils veulent le proroger plus longtemps encore que le Gouvernement. C’est un signe, semble-t-il, qu’il est bien calibré…
Le président de la commission appelle souvent notre attention sur le coût de tels dispositifs,…
…parfois élevé puisqu’ils peuvent s’appliquer sur plusieurs années – neuf en l’espèce. Quant à l’addiction qu’ils créent, je vous laisse la responsabilité de vos propos….
S’agissant de visibilité, nous devons pouvoir mesurer l’impact budgétaire, pour l’État, d’un dispositif applicable pendant neuf ans, y compris pour freiner les addictions s’il y a lieu.
Le Gouvernement vous propose donc une prorogation d’un an, et n’est pas favorable à une durée supérieure.
Notre collègue Philippe Gomes souhaitait appeler votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la situation tout à fait particulière des départements d’outre-mer.
Notre collègue Marc Laffineur, rapporteur spécial des crédits de la mission « Outre-mer », fait état dans son rapport d’une véritable crise du logement qui ne touche pas seulement le secteur aidé mais s’étend également aux secteurs libre et intermédiaire. Les besoins sont en effet estimés, dans l’ensemble des départements, des régions et des collectivités d’outre-mer à 10 620 logements environ.
Pour favoriser la production de logements intermédiaires, l’État avait mis en place plusieurs incitations fiscales. D’une part, une réduction d’impôt sur le revenu est accordée, pendant une durée de cinq ans, à tout contribuable qui achète un bien immobilier neuf en outre-mer, soit pour l’habiter, soit pour le louer.
D’autre part, les entreprises peuvent – selon un dispositif particulier – déduire de leur assiette imposable, au titre de l’impôt sur les sociétés, une part du coût de leur investissement.
Certes, ces deux dépenses fiscales ont pour partie atteint leurs objectifs, en ce qu’elles ont encouragé la construction de logements intermédiaires. Elles ont toutefois induit un effet d’éviction du logement social par le logement intermédiaire.
Le premier dispositif attaché au logement intermédiaire s’est éteint en 2013. Quant au second, les restrictions le rendent inopérant dans le cadre de ce même segment de marché.
D’autres incitations fiscales existent, notamment le dispositif dit Duflot-Pinel, dont nous discutons. Il consiste en une réduction d’impôt de 29 % outre-mer, contre 18 % dans l’Hexagone.
Toutefois, ce régime de taux majoré par rapport à l’Hexagone n’a pas le succès escompté. Le différentiel de taux n’est en effet pas suffisant pour inciter les contribuables métropolitains à investir dans les outre-mer plutôt que dans l’Hexagone, et ce malgré le relèvement du plafond de défiscalisation à 18 000 euros opéré en loi de finances pour 2015.
Monsieur le secrétaire d’État, le problème ne porte pas simplement sur la prorogation : êtes-vous prêt à augmenter, comme cela a déjà été fait, le taux de réduction d’impôt du dispositif Duflot-Pinel outre-mer ou à élargir le champ des investisseurs éligibles au crédit d’impôt de l’article 244 quater W ?
Pour répondre à M. le secrétaire d’État, je suis d’accord pour que nous calculions le coût du dispositif, mais il faudrait aussi calculer combien il a rapporté. Je pense entre autres à la relance du logement, au nombre d’emplois créés ainsi qu’à la fiscalité encaissée par l’État, que ce soit sous forme d’impôt sur les sociétés ou de TVA.
Il serait intéressant que nous puissions un jour avoir une visibilité sur ce sujet : ces mesures ont-elles été efficaces, y compris sur le plan budgétaire ou en matière de relance de l’activité ? Il nous manque en effet une vision assez précise de la manière dont ces coûts ont été gérés et de leur efficacité.
Madame la rapporteure générale, s’agissant de la visibilité, tous les acteurs s’accordent à dire que lorsque l’on lance un projet immobilier, un délai de dix-huit mois est souvent nécessaire pour pouvoir le mettre en oeuvre. Un délai de douze mois n’est donc pas suffisant pour avoir la visibilité nécessaire : vingt-quatre mois serait le délai minimum requis pour que les acteurs puissent prendre connaissance du contexte juridique et fiscal dans lequel leurs projets évolueront.
L’article 40 est adopté.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 : suite de l’examen des articles non rattachés.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly