Commission des affaires économiques

Réunion du 4 avril 2016 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • licenciement
  • référendum
  • syndicale

La réunion

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La commission a examiné pour avis le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600) sur le rapport de M. Yves Blein.

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Notre commission procède aujourd'hui à l'examen pour avis du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. Nous avons le plaisir d'accueillir la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, ce qui est peu courant dans notre commission. Mme la ministre participera à la discussion générale, mais elle ne sera pas présente lorsque nous examinerons les articles et les amendements. Comme vous le savez, il n'est pas de coutume que les ministres soient présents lors des examens pour avis.

Ce texte a fait l'objet de modifications substantielles. Comme d'autres, je pense que sa première version, qui a fait l'objet d'une négociation, aurait pu être un peu plus aboutie. Quoi qu'il en soit, nous disposons aujourd'hui d'un texte retravaillé.

Notre commission s'est saisie d'une grande partie du projet de loi : vingt-deux articles sur les cinquante-deux qu'il comporte. Nous avons 158 amendements à examiner aujourd'hui. Le texte sera ensuite examiné par la commission des affaires sociales, saisie au fond, à partir de demain, puis en séance publique au mois de mai.

Je vous remercie de votre présence, Madame la ministre. Ce texte est parfois interprété comme instaurant une inversion de la hiérarchie des normes. Pouvez-vous nous donner votre éclairage sur ce point ?

Je souhaiterais aussi avoir des précisions sur le compte personnel d'activité (CPA), élément très important et novateur de ce projet de loi, qui représente une avancée notable pour les salariés. Quels en sont les contours ? Quels en seront les effets concrets pour l'ensemble des salariés ?

Le service d'appui aux entreprises prévu à l'article 28 devra répondre à leurs préoccupations, surtout à celles des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME), qui se sentent parfois un peu délaissées et en marge de ce qui est réservé aux grandes entreprises. Que représentera ce service ? De quel appui les chefs d'entreprise pourront-ils réellement bénéficier ?

Vous avez dit à plusieurs reprises que l'article 30, qui porte sur le licenciement économique, serait amené à évoluer à l'occasion du travail parlementaire. Un certain nombre d'amendements ont été déposés sur ce point, notamment par des membres de notre commission. Avant de commencer l'examen du texte en commission, nous avons besoin de savoir comment vous envisagez de faire évoluer cet article. Je ne doute pas que nous aurons également des compléments à ce sujet en séance publique.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Je me réjouis d'être devant vous aujourd'hui. Je ne doute pas que nous aurons une discussion constructive. J'ai eu l'occasion de m'exprimer la semaine dernière devant la commission des affaires sociales et la délégation aux droits des femmes.

Ainsi que vous l'avez indiqué, Madame la présidente, le délai supplémentaire que nous nous sommes donné pour poursuivre la concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux et des organisations de jeunesse a permis d'apporter des ajustements nécessaires à ce texte. Certaines de ces organisations, notamment les syndicats dits « réformistes » et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), ont salué les avancées que cette concertation a permises.

Ce texte porte la marque d'une double ambition : premièrement, réformer profondément notre droit du travail en donnant plus de place à la négociation collective, afin de développer l'emploi et d'améliorer la compétitivité de nos entreprises, mais aussi de mieux protéger les salariés ; deuxièmement, revivifier notre modèle social grâce au CPA, qui apporte de nouvelles protections, en particulier pour les salariés et les actifs les plus fragiles.

Après la concertation que j'ai menée avec l'ensemble des partenaires sociaux au cours des derniers mois, j'aborde le débat parlementaire avec beaucoup d'enthousiasme. Car je sais que la représentation nationale va fortement s'impliquer dans l'examen de ce texte et dans la discussion des amendements, qui nous permettra d'entrer dans le vif du sujet. Je souhaite que ce travail d'enrichissement se poursuive, sans dénaturer, bien sûr, la philosophie du texte.

Disons-le d'emblée : des désaccords peuvent exister. Ils sont légitimes. Mais je crois que nous pouvons surmonter ou, du moins, atténuer certains d'entre eux. En tout cas, je suis certaine que nous saurons nous retrouver sur certains constats et que nous saurons ne pas nous en accommoder.

Il faut que nous fassions un diagnostic suffisamment lucide concernant notre pays. On a parfois parlé d'une « préférence française pour le chômage ». Le fait est là : nous restons invariablement confrontés à un chômage de masse depuis plus de trente ans et créons aujourd'hui moins d'emplois que nos voisins européens. Le monde du travail connaît chez nous une forte segmentation : les jeunes peinent à s'insérer sur le marché du travail – en quinze ans, l'âge moyen auquel ils signent leur premier contrat a duré indéterminée (CDI) est passé de 22 à 27 ans ; les salariés non qualifiés alternent trop souvent chômage et emploi de courte durée ; les seniors sortent de l'emploi de manière trop précoce.

D'autre part, nous sommes parfois incapables de répondre, par la négociation, à des pics d'activité ou à des pics de commandes. Dès lors, nous faisons massivement appel à des travailleurs détachés ou à des indépendants. C'est aussi cette réalité-là, celle d'une hyperfragmentation du monde du travail, que nous nous attachons à prendre en compte.

Face à ce diagnostic, permettez-moi de revenir sur la philosophie générale de ce texte. Je crois que c'est essentiel avant d'en évoquer les principales mesures.

Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité et la cohérence de l'action gouvernementale depuis le début du quinquennat. Depuis 2012, les lois successives que vous avez votées dans le domaine du travail poursuivent la même finalité : renforcer le dialogue social afin de le rendre véritablement stratégique, éliminer le formalisme qui éloigne des vrais enjeux et des attentes des salariés, conforter le rôle des partenaires sociaux pour sortir de la culture de l'affrontement et construire dans notre pays une vraie culture de la négociation. La loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013, puis la loi relative à la formation professionnelle et à la démocratie sociale du 5 mars 2014 et, enfin, la loi relative au dialogue social du 17 août dernier ont transcrit cette vision.

Je souhaite m'arrêter sur quelques-unes des mesures prises dans le cadre de ces différentes lois : l'association des comités d'entreprise aux orientations stratégiques des entreprises et la participation des salariés aux conseils d'administration de toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés ; la création de la base de données unique ; la rénovation des négociations et des consultations autour des enjeux les plus stratégiques ; la capacité à anticiper davantage pour éviter les licenciements – il s'agit, selon moi, d'un élément important introduit au cours de ce quinquennat ; le renforcement de l'activité partielle – nous avions beaucoup de retard en la matière et nous sommes désormais au même niveau que l'Allemagne, grâce au texte que vous avez voté ; un cadre entièrement refondu pour les procédures de licenciement collectif, avec un rôle déterminant donné à l'accord majoritaire.

Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui prolonge et amplifie ce mouvement, en s'inspirant des quarante-quatre propositions du rapport que M. Jean-Denis Combrexelle nous a remis, au Premier ministre et à moi-même, en septembre dernier. Il vise à donner une plus grande place à la négociation collective.

Cette confiance et cette place inédites accordées aux partenaires sociaux ainsi que ce choix de la régulation par le dialogue social sont, à mon sens, la voie la plus pertinente à la fois pour la compétitivité de notre économie et pour la pérennité de notre modèle social. C'est par le collectif que le salarié est le mieux défendu, et c'est par le collectif que l'entreprise peut trouver les marges de souplesse nécessaires à sa compétitivité, sans renoncer à rien sur le plan social. Telle est ma conviction.

Je résumerais la philosophie du texte par l'équation suivante : aucune souplesse ne sera possible sans négociation ; et, puisque les entreprises ont besoin de souplesse, la négociation débouchera sur des accords équitables et favorables à tous. Ces accords devront désormais recueillir l'assentiment des organisations représentant la majorité des salariés. C'est, selon moi, une avancée majeure. Je le dis avec force : à défaut d'accord, les protections seront exactement au même niveau qu'aujourd'hui. C'est là un point déterminant, qu'il me semble essentiel de rappeler.

Pour en venir à présent au contenu du texte, je voudrais m'arrêter sur quelques mesures.

Tout d'abord, ce projet de loi consacre de nouveaux droits pour les travailleurs, quel que soit leur statut.

Il lance véritablement le CPA qui, je le rappelle, instaure un droit universel à la formation. Cela fait trente ans que nous le disons : l'argent de la formation professionnelle ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin. Nous pouvons être fiers du CPA ; il s'agit d'un vrai projet de société. Chacun sera doté, je le souligne, de droits cumulables tout au long de son parcours, pour acquérir de nouvelles compétences, pour changer de métier ou pour créer son entreprise. Tout le monde pourra en bénéficier : les salariés, les demandeurs d'emploi, les indépendants, les artisans, les fonctionnaires.

Accessible à tous, le CPA donnera une nouvelle chance à ceux qui ont davantage besoin d'être aidés – cet aspect déterminant est le fruit des quinze jours supplémentaires que nous avons consacrés à la concertation. Les jeunes décrocheurs, par exemple, auront droit à une nouvelle chance : tous ceux qui sont sortis du système scolaire sans aucune qualification disposeront, sur leur CPA, du nombre d'heures nécessaires pour atteindre un premier niveau de qualification.

Les salariés sans qualification, qui sont les décrocheurs d'hier et d'avant-hier, verront leurs heures de formation significativement augmentées – elles passeront de 24 à 40 heures par an, le plafond étant lui-même relevé de 150 à 400 heures. Cela signifie que, tous les dix ans, ils pourront accéder à un niveau de qualification supérieur.

Pour les demandeurs d'emploi, nous avons fait cette année un effort exceptionnel avec le plan « 500 000 actions de formation supplémentaires ». Nous souhaitons que les partenaires sociaux pérennisent ce soutien en faveur des demandeurs d'emploi les moins qualifiés – c'est tout l'enjeu des négociations. Je rappelle que 60 % des demandeurs d'emploi ont un niveau inférieur au baccalauréat. Ce sont eux, nous le savons, qui restent durablement dans la spirale infernale des contrats courts et des périodes de chômage ; il est donc légitime que nous les formions beaucoup plus.

Dans le droit fil des objectifs de ce quinquennat, le CPA valorisera aussi l'engagement citoyen, grâce au compte engagement citoyen : un crédit d'heures de formation sera alloué en contrepartie d'activités reconnues pour leur utilité collective. Je pense, bien évidemment, à l'activité des maîtres d'apprentissage, au service civique, aux périodes de réserve, citoyenne ou militaire, et aux responsabilités associatives.

Avec le CPA, je le dis, nous posons véritablement les fondements d'un nouveau modèle. Il vise à sécuriser les parcours professionnels en misant sur la qualification, source de productivité, d'innovation et de réalisation professionnelle. Il permettra de rebondir après une rupture dans un parcours professionnel. Telles sont les réponses qu'il apporte.

Le projet de loi généralise également la garantie jeunes pour tous nos concitoyens de moins de 26 ans. La garantie jeunes, j'y insiste, n'est pas une allocation. Elle s'adresse à des jeunes qui sont en situation de grande précarité, qui n'ont pas d'emploi et ne suivent pas d'études ni de formation, et qui acceptent d'entrer dans un dispositif d'accompagnement intensif pendant un an, qui comprend notamment six semaines de travail collectif. Je mets actuellement les choses en ordre de marche pour que toutes les missions locales puissent proposer la garantie jeunes à partir du 1er janvier 2017.

Avec ce texte, nous créons aussi un « droit à la déconnexion », nous réformons la médecine du travail et nous renforçons encore la lutte contre le détachement illégal, point sur lequel vous avez déjà beaucoup travaillé lors de l'examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. À cet égard, j'ai multiplié les contrôles. Actuellement, on peut suspendre une prestation de service international pour non-respect des horaires de travail ou des règles relatives au salaire, mais non pour absence de déclaration du détachement. Ce sera désormais possible avec la mesure que j'ai introduite dans le texte.

Ensuite, le projet de loi ouvre de nouvelles marges d'adaptation pour les entreprises et les salariés, par accord d'entreprise.

Le rapport Combrexelle a proposé une nouvelle architecture du code du travail afin de mieux distinguer ce qui relève de l'ordre public, ce qui relève du champ de l'accord – qu'il soit de branche ou d'entreprise – et les dispositions dites « supplétives », qui s'appliquent en l'absence d'accord. Car un code du travail plus lisible est, bien sûr, un code du travail plus efficace.

Le Gouvernement a fait le choix de récrire dès maintenant, selon cette nouvelle architecture, toute la partie du code qui traite du temps de travail, parce que c'est le quotidien des salariés. Nous avons fait le choix de la transparence en récrivant in extenso l'ensemble de cette partie, même lorsque les règles ne changent pas. Cette clarification a conduit à des critiques souvent infondées, car elles sont dirigées contre des règles qui existent depuis bien longtemps et qui ne sont aucunement modifiées par ce texte de loi. Tel est notamment le cas, je le précise, des règles issues de l'accord sur le temps partiel.

En outre, ce texte marque une nouvelle étape ambitieuse dans la rénovation de la démocratie sociale. C'est, à mes yeux, plus que nécessaire. À regarder les choses de façon sincère, si notre code du travail est volumineux, c'est bien parce qu'on a créé des dérogations, à la demande des organisations patronales notamment, afin de répondre à toutes les situations qui se présentaient sur le terrain. Selon moi, ce système est aujourd'hui à bout de souffle. En renforçant l'accord majoritaire, nous permettrons des adaptations, mais dans le cadre d'un compromis.

Ainsi, ce texte généralise les accords majoritaires au niveau de l'entreprise pour tous les accords concernant le chapitre réécrit du code du travail : pour être valides, ces accords devront être signés par des organisations syndicales qui ont rassemblé 50 % des suffrages. Ce sera la règle générale : elle a vocation à s'étendre, dès 2019, après une évaluation, à l'ensemble du champ de la négociation collective d'entreprise. De manière exceptionnelle, dans les cas où l'enjeu de l'accord le justifiera aux yeux des organisations syndicales qui l'auront signé, un « accord à 30 % » n'atteignant pas la majorité pourra être soumis à la consultation des salariés.

Ce texte clarifie aussi la place des accords, puisqu'ils pourront, avec l'accord du salarié, se substituer aux contrats de travail lorsqu'ils visent à préserver ou à développer l'emploi. Là encore, je le dis clairement, il s'agit de donner plus de poids aux compromis collectifs dès lors que l'accord est majoritaire. Et, bien évidemment, de tels accords ne pourront pas avoir pour effet de baisser la rémunération mensuelle des salariés. En cohérence avec l'ambition du texte, c'est un acte de confiance dans le dialogue social et dans le caractère majoritaire des accords.

Ce texte améliore également les moyens des acteurs du dialogue social, dans le prolongement des lois précédentes : nous augmentons de 20 % le crédit d'heures des délégués syndicaux, nous protégeons mieux les bourses du travail et nous rénovons les règles de négociation et de révision des accords afin de favoriser la loyauté et le dynamisme de ces accords. La question de la loyauté est, à mes yeux, essentielle. Si nous voulons imposer une culture du compromis, il ne suffit pas d'élargir le champ des négociations, il faut aussi qu'il y ait de la transparence et de la loyauté.

Enfin, le projet de loi comporte un volet ambitieux pour mieux accompagner les PME et les TPE, et favoriser l'emploi. Comme vous le savez, les PME et les TPE emploient environ 50 % des salariés, et ce sont elles, nous le savons, qui créeront des emplois dans notre pays. Leur dynamisme et leur vitalité ont encore été confirmés par le succès immédiat de l'aide « embauche PME » que nous avons lancée le 18 janvier dernier : 130 000 à 140 000 demandes ont été formulées à ce titre. Par ce texte de loi, nous entendons répondre pleinement aux besoins des PME et des TPE. Nous voulons mettre en place des cellules d'appui qui leur permettent d'obtenir des réponses rapides aux questions juridiques qu'elles se posent. Car il faut comprendre que leurs responsables ne disposent pas d'armées d'experts juridiques et qu'ils consacrent tout leur temps à faire vivre l'entreprise et à trouver de nouveaux marchés.

Le texte élargit aussi les sujets sur lesquels les salariés et élus mandatés peuvent négocier.

D'autre part, nous restructurons les branches professionnelles. Nous souhaitons réduire leur nombre de 700 à 200, car on ne peut pas renforcer le rôle des branches si l'on reste dans le champ conventionnel actuel. C'est un aspect essentiel, notamment pour des organisations patronales telles que l'Union professionnelle artisanale (UPA). Je rappelle que le niveau de la branche est un niveau protecteur.

Dans le même sens, nous créons des accords types de branche spécifiquement dédiés aux PME et aux TPE. Il s'agit d'une innovation très importante, qui donnera une nouvelle vigueur à la négociation de branche, ainsi que la souplesse nécessaire pour les PME, en créant un espace de négociation au niveau de la branche.

Nous clarifions la définition du licenciement pour motif économique. À cet égard, je crois qu'il faut entendre le besoin de prévisibilité et de clarté qui s'exprime distinctement du côté des entreprises, notamment des PME qui, je le répète, ne peuvent pas s'appuyer sur des armées d'experts juridiques, et pour qui la complexité de la rupture peut être un frein à l'embauche, au moins en CDI. Avec ce projet de loi, notre objectif est non pas de faciliter les licenciements – ce serait paradoxal pour la ministre de l'emploi que je suis –, mais de poser des règles claires et intelligibles, qui contribueront à sécuriser les entreprises dans leur besoin d'anticipation.

Ainsi, la précision du motif économique ne sera pas préjudiciable aux salariés, mais contribuera, au contraire, à lutter contre la précarité dans le monde du travail. D'une part, elle favorisera les recrutements en CDI car, on le sait, le taux élevé de recours aux contrats à durée déterminée (CDD) est en partie dû aux craintes du contentieux lié à la rupture des CDI. Je sais qu'il y a un débat sur ce point, mais il faut que nous traitions ce problème d'incertitude, réelle ou ressentie, qui freine l'embauche en CDI.

D'autre part, cette précision évitera des licenciements fondés à tort sur un motif personnel ou des ruptures conventionnelles parfois abusives, là où c'est un licenciement économique qui devrait être décidé. Comme vous le savez, un salarié est beaucoup mieux protégé dans le cadre d'un licenciement économique qu'en cas de rupture conventionnelle ou de licenciement pour motif personnel, car il a alors droit à un accompagnement, ce qui est essentiel. Dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, en particulier, les salariés licenciés perçoivent 92 % de leur rémunération et bénéficient d'un vrai accompagnement.

Le texte clarifie les conditions du licenciement économique en reprenant très largement la jurisprudence et en précisant les situations qui justifient de se séparer d'un salarié, par exemple la baisse importante des commandes sur plusieurs trimestres.

Il aligne notre droit sur celui de nos voisins européens pour les groupes implantés à l'international, afin de renforcer notre attractivité. En même temps, il permet de lutter contre les contournements en prévoyant que, lorsque les difficultés économiques ont été créées artificiellement à la seule fin de supprimer des emplois, le licenciement sera dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il est essentiel d'entendre et de répondre aux difficultés des PME. Il faut prendre la responsabilité de bouger, car c'est un enjeu fort pour notre tissu économique. Sachez que j'examinerai avec la plus grande attention l'ensemble des propositions complémentaires qui s'inscriront dans cet état d'esprit. Nous pouvons améliorer les choses en différenciant mieux ce qui concerne les groupes et ce qui concerne les PME et les TPE.

Voilà ce que je souhaitais vous dire en introduction. Si je devais résumer notre philosophie, je dirais ceci : bien sûr, le Gouvernement aurait pu faire le choix de ne rien faire, dressant le constat que notre démocratie sociale est encore perfectible, que les acteurs en sont souvent trop faibles, qu'il faut attendre qu'elle soit mûre pour lui donner de nouveaux espaces. Mais c'est précisément le pari inverse que nous faisons, car nous sommes convaincus qu'il existe un cercle vertueux à tracer : il faut, dans un même mouvement, donner plus de moyens aux acteurs du dialogue social et une plus grande place à la négociation au plus près du terrain, pour mieux s'adapter. C'est la seule façon de faire bouger les lignes en profondeur dans notre pays. C'est aussi la seule façon de combiner intelligemment le développement de l'emploi, la compétitivité de nos entreprises et la sécurisation des parcours.

Je comprends qu'un texte aussi important suscite des questionnements et nécessite des débats. Ceux-ci doivent, bien sûr, se poursuivre. Sachez que je suis totalement disponible et à votre entière écoute pour que nous réussissions à lier la performance sociale et la performance économique dans notre pays. Telles sont, selon moi, les clés de l'amélioration de la compétitivité de notre économie.

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Merci pour la clarté de votre propos, Madame la ministre, ainsi que pour la conviction avec laquelle vous nous avez exposé les raisons pour lesquelles il était nécessaire, selon vous, d'aborder la question du code du travail. C'est un sujet délicat, on le sait, mais qui fait débat depuis longtemps. Les travaux conduits successivement par M. Robert Badinter et par M. Jean-Denis Combrexelle ont permis d'éclairer et de préparer la discussion.

Ce projet de loi est bienvenu, parce que notre modèle productif évolue, parce que le numérique a fait irruption dans les parcours professionnels, parce que le concept même de salariat évolue, avec l'auto-entrepreneuriat et la question des travailleurs indépendants. L'adaptation du droit du travail est devenue un enjeu. C'est une nécessité parce que les salariés ont besoin de plus de sécurisation – il faut les comprendre –, mais aussi parce que les entreprises ont besoin de davantage de souplesse. Ce projet de loi, contrairement à ce qui ressort des réactions qu'il semble provoquer – mais il est normal, somme toute, que la discussion soit vive et animée –, est plutôt un texte qui fait converger les points de vue et les intérêts des entreprises et des salariés. Au centre de cette conjonction d'intérêts, il y a la nécessité de renforcer le dialogue social, en vue d'aboutir, précisément, à des compromis acceptables par les uns et par les autres.

La commission des affaires économiques a été amenée, de manière évidente, à se saisir de ce texte. Trois questions principales ont guidé mon travail de rapporteur. Premièrement, comment la modernisation du dialogue social peut-elle concourir à davantage d'efficacité économique ? Selon moi, elle est en effet l'un des vecteurs importants de cette efficacité. Deuxièmement, comment, dans un contexte de chômage de masse, lever les freins à l'embauche sans précariser les salariés ? La recrudescence des CDD et le développement du statut d'auto-entrepreneur sont souvent le signe d'une fragilisation de la situation des salariés. Comment faire en sorte que ces salariés bénéficient de contrats permanents ? Enfin, troisièmement, comment le projet de loi peut-il mieux s'adresser aux PME ? C'est un point sur lequel la deuxième version du texte, celle que vous nous présentez aujourd'hui, a été critiquée. Il s'agit de faciliter le développement des PME et de leur permettre de créer des emplois. Car, vous l'avez dit, elles sont d'importantes pourvoyeuses d'emplois.

La saisine de la commission des affaires économiques a permis d'aborder ces différentes préoccupations.

Au sein du titre Ier, intitulé « Refonder le droit du travail pour donner plus de poids à la négociation collective », nous nous sommes saisis de l'article 2, qui refonde l'architecture de la partie du code du travail relative à la durée du travail en donnant une plus grande place aux accords d'entreprises, conformément aux recommandations du rapport Combrexelle. Il s'agit, selon moi, du coeur du projet de loi.

Au sein du titre II, nous nous sommes saisis des principaux articles du chapitre II, qui porte sur le renforcement de la légitimité des accords collectifs. Nous nous sommes saisis, en particulier, de l'article 10, qui va jusqu'au bout de la réforme de la représentativité syndicale entamée en 2008 en conditionnant la validité des accords à une majorité de 50 %. Vous avez rappelé, à juste titre, que ce texte s'inscrivait dans une construction législative et qu'il en était, d'une certaine manière, l'aboutissement. L'article 10 introduit en outre la possibilité de surmonter certains blocages en recourant au référendum, à l'initiative des organisations syndicales exclusivement.

La quasi-totalité du titre III, en particulier l'article relatif au CPA, fait également partie du champ de notre saisine. Ce titre porte sur la sécurisation des parcours et l'adaptation du modèle social à l'ère du numérique.

Au sein du titre IV, intitulé « Favoriser l'emploi », nous nous sommes saisis de la partie qui porte sur la facilitation de la vie des TPE-PME et sur la réforme des conditions du licenciement économique, ainsi que du chapitre III relatif à la préservation de l'emploi, lequel comporte des articles concernant notamment les emplois saisonniers – sujet important pour notre commission, que de nombreux collègues ont souhaité traiter –, les transferts d'entreprise dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et la revitalisation des bassins d'emploi.

Enfin, la partie du titre VI portant sur la lutte contre le détachement illégal a également retenu notre attention. Partant du constat que la fraude s'adapte encore et toujours aux multiples réglementations que cette majorité a mises en place depuis l'adoption de la proposition de loi de notre collègue Gilles Savary et, plus récemment, de la loi Macron, le texte prévoit de nouveaux dispositifs permettant de lutter plus efficacement contre le détachement illégal.

L'examen de ces articles m'a amené à présenter une trentaine d'amendements. S'ils sont adoptés par notre commission, je les défendrai à partir de demain devant la commission des affaires sociales, saisie au fond.

À l'article 2, je proposerai d'ouvrir la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de moduler le temps de travail sur douze semaines, et non sur neuf ainsi que le prévoit le texte du Gouvernement. Je considère en effet que, dans une petite entreprise, le trimestre constitue la bonne mesure pour évaluer la charge de travail prévisible. C'est aussi la durée au terme de laquelle on peut faire des prévisions intermédiaires et évaluer la façon dont se déroule l'année, en particulier le cycle comptable de l'entreprise.

Souhaitant rénover utilement le dialogue social, je proposerai également de compléter le texte du Gouvernement en ouvrant la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de négocier des accords avec des salariés élus à cet effet, qui seront mandatés dans la mesure où ils le souhaitent.

Compte tenu de la nécessité de lever les freins à l'embauche, notamment à l'ère du numérique, j'ai déposé plusieurs amendements visant à rendre le CPA plus efficace. Ainsi, les actifs doivent pouvoir faire une simulation de leurs droits sociaux afin de mieux calibrer leur orientation professionnelle, leurs besoins de formation et, in fine, leur recherche d'emploi. En outre, il faut garantir le bon déploiement du CPA en tant que « coffre-fort numérique », en permettant aux entreprises, avec l'accord du salarié, d'y déposer des bulletins de paie dématérialisés.

J'ai également souhaité donner une orientation plus concrète aux dispositions du texte en faveur des TPE et des PME, lesquelles constituent le coeur de notre tissu productif. L'article 28 donne le droit à tout employeur d'une entreprise de moins de 300 salariés d'obtenir de l'administration, dans des délais raisonnables, une réponse personnalisée sur une question d'application du droit du travail. J'ai souhaité renforcer cet accès au droit en introduisant une procédure semblable au rescrit fiscal lorsque les questions portent sur des démarches ou sur des procédures. L'employeur, qui ne dispose pas de l'ingénierie juridique suffisante pour saisir la complexité du droit du travail, ainsi que vous l'avez souligné, Madame la ministre, pourra utiliser ce dispositif pour justifier de sa bonne foi en cas de contentieux.

Pour répondre aux préoccupations légitimes des petites entreprises confrontées au contentieux prud'homal, j'ai également souhaité ouvrir la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de provisionner d'éventuelles indemnités, dans la limite d'un mois de masse salariale, même en l'absence de contentieux déclaré.

En outre, j'ai déposé plusieurs amendements à l'article 30, qui portent notamment sur la caractérisation des difficultés économiques. Ils visent, d'une part, à encourager le recours à une méthode de faisceau d'indices pour définir ces difficultés économiques, le dispositif proposé actuellement étant trop vague. Il s'agit, d'autre part, de tenir compte de la taille de l'entreprise pour déterminer la durée à partir de laquelle la baisse du chiffre d'affaires ou des commandes caractérise des difficultés économiques. En effet, une très petite entreprise doit pouvoir réagir rapidement face à une dégradation de sa santé économique. Attendre au moins quatre trimestres pour pouvoir opérer des licenciements économiques, ainsi que le prévoient les dispositions supplétives de l'article 30, est une condition disproportionnée pour les TPE : le plus souvent, elles auront déjà dû cesser leur activité. L'intérêt général commande donc de prévoir des dispositions plus souples, qui dérogent à la durée de droit commun, pour les entreprises de moins de dix salariés et pour celles de moins de cinquante salariés.

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À la lecture du projet de loi et de son exposé des motifs, j'exprime le regret que nous n'ayons pas pu créer une commission spéciale. Elle aurait été largement justifiée pour traiter un tel projet.

Ainsi que nous pouvons le constater régulièrement, il existe, dans notre pays, une grande défiance à l'égard de l'entreprise, et c'est bien dommage. Celle-ci est encore beaucoup trop souvent considérée comme un lieu d'exploitation de l'homme par l'homme, dont l'objectif serait d'amasser un maximum de profits. C'est une image archaïque, et même coûteuse, dont il est difficile de se défaire, tant elle reste chevillée au corps dans notre pays.

Curieusement, il semble compliqué aujourd'hui de faire admettre l'idée que beaucoup de chefs d'entreprise sont avant tout animés par l'esprit d'entreprendre, avec le souci d'assurer une bonne organisation et la cohésion sociale au sein de l'entreprise. Un entrepreneur n'a aucun intérêt à ce qu'il y ait des conflits en interne, car cela freine sérieusement son développement et réduit ses chances de préparer son avenir.

Beaucoup d'entrepreneurs et de salariés attendent de nous un débat serein et en phase avec le réel. Évitons un débat teinté de sectarisme, de dogmatisme ou de clanisme. C'est là une condition essentielle si nous voulons être capables de préparer une loi en phase avec les réalités économiques et sociales actuelles, ainsi que vous l'avez très bien expliqué dans vos propos liminaires, Madame la ministre.

Ainsi que nous l'entendons très régulièrement sur le terrain, il faut arrêter de regarder le monde économique essentiellement à travers le prisme des très grandes entreprises. Celles-ci ne représentent que 2 % des entreprises dans notre pays ; que faisons-nous des 98 % qui restent ? Il convient de ne pas oublier les artisans, les PME, les TPE et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Elles connaissent leurs propres réalités, que nous devons bien comprendre. Ce sont elles qui créent le plus d'emplois, et c'est aussi en leur sein que les attentes sont les plus fortes. J'ai visité des centaines d'entreprises ; je ne parle donc pas uniquement de mon expérience personnelle de créateur d'entreprise, il y a un peu plus de quinze ans. Nous nous devons de valoriser ce qui se fait de bien, tout en sanctionnant plus durement les abus.

Il est quand même navrant que nous soyons si peu « facilitants » pour accompagner les envies d'entreprendre à quelque niveau que ce soit, pour laisser leur chance à ceux qui veulent se lancer et se révéler dans une activité. Bien évidemment, nous ne devons pas mettre de côté les abus : il y en a et il y en aura. Mais, plutôt que de faire la loi pour ceux qui trichent, faisons-la pour ceux qui respectent les règles. Soyons beaucoup plus intransigeants, peut-être, avec des contrôles sans préavis et des sanctions quand la malveillance est parfaitement identifiée et avérée – vous avez évoqué une avancée dans ce domaine.

Nous avons la possibilité de légiférer pour que notre pays puisse lutter contre le chômage et s'adapter aux changements de vie de nos concitoyens, ainsi qu'aux évolutions technologiques. Notre parcours de vie a beaucoup évolué depuis trente ans. Nous avons une responsabilité collective quant à certaines situations vécues aujourd'hui par nos jeunes et nos moins jeunes – nous l'entendons régulièrement. Nous avons poussé beaucoup de nos enfants vers des filières sans avenir malgré de bons diplômes ; nous avons méprisé les filières dites « courtes » et n'avons pas valorisé certains métiers qui se trouvent aujourd'hui, malheureusement, en situation de pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Il est urgent de réformer notre système de formation et, là encore, vous apportez de réelles réponses, très attendues.

Il existe de très nombreux exemples d'entreprises qui ont réussi à moderniser le dialogue social et qui sont prêtes à promouvoir leur action. J'ai la preuve que l'innovation sociale est réellement possible. Nous sommes nombreux à pouvoir en témoigner.

Pour redonner de l'espoir au plus grand nombre, à ceux qui souhaitent changer de voie professionnelle ou reprendre des études et se former, à ceux qui n'ont rien depuis trop longtemps, nous devons avancer, car le pire serait de ne rien faire. Vous nous présentez justement un véritable texte de progrès, dont vous avez cité plusieurs avancées. Ma question principale tient à son délai réel d'application, car il y a urgence.

Je vous remercie, Madame la ministre, de l'énergie que vous déployez pour défendre ce texte, et j'espère que nous parviendrons à trouver dans nos instances le meilleur équilibre dans l'intérêt de nos concitoyens !

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Je m'étonne que sur ce texte, la commission des affaires économiques ne soit saisie que pour avis, tandis que la commission des affaires sociales l'est au fond : n'y aurait-il donc pas de lien entre travail et économie, et réciproquement ? De même, j'aurais préféré intituler le titre Ier de ce projet de loi « Refonder le droit de travailler et donner plus de poids à l'accord d'entreprise », plutôt qu'à l'accord collectif, pour placer l'entreprise au premier plan – comme vous l'avez d'ailleurs fait en parlant des TPE et des PME, Madame la ministre, car ce sont les véritables sources de travail et, in fine, d'emplois, ainsi que l'a parfaitement expliqué Mme Sophie Errante.

Selon vous, Madame la ministre, ce texte contribuera à mieux protéger les salariés, en particulier les actifs les plus fragiles. Hélas, chacun sait – le Président de la République lui-même s'est posé la question – que la surprotection de l'emploi constitue un frein à l'embauche.

Ce projet de loi nous est présenté en procédure accélérée : les priorités ne sont-elles pas inversées ? L'urgence n'est-elle pas en effet de redonner du travail aux six à sept millions de personnes qui n'en ont pas ou n'en ont que peu ? Ce n'est pas grâce à ce texte, qui continuera de surprotéger ceux qui ont du travail, que nous parviendrons à lutter contre la concurrence internationale. Il est vrai qu'il comporte certains éléments positifs, dont la faculté de bousculer les esprits. Pourtant, l'opposition de ceux, en particulier les jeunes, qui se lèvent contre ce texte en partant du principe qu'il signifierait la fin du travail est effarante. On confond emploi et travail : c'est le travail qui crée de l'emploi, ce qui ne vous a pas échappé puisque l'article 40 du projet de loi vise à renforcer la place des groupements d'employeurs de telle sorte qu'ils puissent toucher les aides auxquelles leurs entreprises adhérentes auraient été éligibles si elles avaient embauché directement les personnes mises à leur disposition. C'est en effet une mesure susceptible de favoriser la création de travail et de préserver l'emploi dans les groupements.

Pour le reste, je ne crois pas que ce texte libèrera les patrons de TPE et de PME puisque, comme vous l'avez vous-même rappelé, il n'existera aucune souplesse sans négociation – ce qui compliquera les choses dans ces petites entreprises, qui représentent une part importante de l'emploi en France, où les patrons doivent accomplir tout à la fois des tâches commerciales, administratives et techniques. Laissons-les au moins négocier l'organisation du temps de travail – un sujet qui représente plus d'une trentaine de pages du texte – avec leurs salariés dans le cadre d'accords d'entreprise. En l'état, je doute que le code du travail ne se trouve simplifié par l'adoption de ce projet de loi !

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Comme vous le savez, nous rejetons ce projet de loi tant pour la philosophie qui le sous-tend que pour l'essentiel de son contenu. Certes, Madame la ministre, Monsieur le rapporteur, vous tenez des propos très édulcorés : « qu'en termes élégants ces choses-là sont dites » pour occulter le sens profond du texte… La véritable exégèse du texte a toutefois été faite par l'oratrice du groupe SRC : j'appelle à imprimer et à diffuser son discours, tant il formule les choses d'une manière différente.

Nous partageons l'idée selon laquelle il faut clarifier le code du travail pour l'adapter à la société actuelle et à l'ère du numérique, qui se sont déjà traduites par une certaine réorganisation du travail. Nous pensons toutefois que cela doit impérativement se faire dans un sens plus protecteur pour les salariés.

En dépit des ajustements apportés à la première mouture de ce projet de loi, la philosophie générale en demeure inchangée : il s'agit d'adapter les salariés aux exigences du marché du travail au lieu d'adapter le marché du travail aux besoins des travailleurs, en faisant de ces derniers une simple variable d'ajustement. Faut-il rappeler que la vocation initiale du code du travail depuis 1910 – et d'autres textes depuis 1841 – a toujours consisté à protéger les salariés ? Cet objectif ne saurait être remis en cause ; au contraire, il suppose d'apporter des améliorations à la protection des salariés.

Selon nous, ce projet de loi comporte de nombreuses mesures de régression pour la protection des travailleurs, qu'il s'agisse de la flexibilisation du temps de travail, de la facilitation des licenciements économiques ou des reculs en matière de santé au travail. Comment interpréter ces dispositions autrement que comme un retour en arrière ? Nos concitoyens l'ont bien compris, et cela explique la légitime levée de boucliers que l'on constate dans tout le pays. Elle est d'autant plus légitime que votre texte et vos propos s'appuient sur un postulat – jamais démontré – selon lequel il existerait un lien entre le code du travail et le niveau de chômage. Nombreux sont les exemples qui mettent en évidence l'absence d'un tel lien de causalité : je pense à l'instauration de la rupture conventionnelle en 2008, à la loi relative à la sécurisation de l'emploi de 2013 ou encore, plus récemment, à la loi Macron d'août 2015. Notre droit du travail est déjà flexible et, pourtant, les effets de ces mesures sur l'emploi se font toujours attendre.

Ce projet de loi n'est pas qu'un non-sens économique ; il est aussi un non-sens historique, et même un véritable recul de civilisation, compte tenu de ce que vous appelez un « projet de société ». Comment prétendre qu'en déréglementant le droit du travail, ce texte stimulera l'emploi alors que chacun sait que la décision d'embaucher dépend d'abord des carnets de commande des entreprises ? Certes, la facilitation des licenciements correspond à une demande patronale ancienne à laquelle cette réforme entend répondre au détriment des salariés. Cependant, les contacts de terrain avec les PME obligent à atténuer considérablement la portée de cette exigence sans lien avec l'emploi. En accusant le code du travail d'être responsable de la crise de l'emploi, vous oubliez les vraies raisons du chômage, qui tiennent principalement aux politiques économiques d'austérité, à la baisse de l'investissement public et, surtout, à l'emprise des marchés financiers, comme l'illustre le cas de l'entreprise Flowserve qui a décidé de fermer un site entier dans ma circonscription en raison des exigences financières de ses dirigeants américains. S'y ajoute le poids des donneurs d'ordre sur les PME : discutez avec les patrons des PME, et ils vous diront quelles sont les causes réelles des difficultés qu'ils rencontrent !

Autre point de régression : l'inversion de la hiérarchie des normes. Alors que ce projet de loi prétend redonner du pouvoir aux travailleurs et de la souplesse aux entreprises, la réécriture du code du travail dessaisit la loi de son caractère protecteur et subordonne des pans entiers du contrat de travail à la conclusion d'accords d'entreprise qui prévaudront sur les conventions collectives de branche, y compris s'ils sont moins favorables pour les salariés – tel est le véritable noeud de votre texte. Nous connaissons déjà les conséquences d'une décentralisation de la négociation collective dans un contexte de chômage endémique : c'est la course au moins-disant social qui conduit à une précarisation généralisée. Comment penser que les syndicats pourront résister aux exigences du patronat, lequel exercera plus facilement qu'auparavant un chantage à l'emploi ? Ajoutons-y le référendum d'entreprise, que l'employeur pourra organiser pour court-circuiter les organisations syndicales et diviser les salariés.

Parallèlement, cet affaiblissement des protections affecte le contrat de travail, qui pourra être remis en cause à tout moment par des accords dits offensifs. Nul doute que dans ces conditions, les salariés les moins qualifiés, les femmes et les plus jeunes seront une fois de plus les plus exposés, en particulier dans les entreprises les moins compétitives.

Nous ne souhaitons pas préserver un statu quo inopérant, mais travailler à des dispositions modernes explorant de nouvelles formes de protection des travailleurs, et donc des droits nouveaux tenant compte de la diversité et des contraintes des entreprises. Or, tous ces objectifs sont, pour l'essentiel, absents de ce projet de loi. Voilà pourquoi les députés du Front de gauche combattront résolument ce texte avec l'espoir qu'à terme, nous aurons raison de la déraison.

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Nul ne peut nier que la transformation des parcours professionnels et les nouvelles formes de précarité nous obligent à adopter de nouvelles solutions pour repenser la notion de stabilité dans un univers professionnel en mutation.

Je souhaite appeler votre attention sur le travail saisonnier, qui concerne les salariés agricoles, mais aussi ceux qui exercent dans le secteur du tourisme. Les travailleurs saisonniers sont particulièrement touchés par la précarité, car la structure même de leur travail leur impose soit un temps partiel, soit une alternance de périodes travaillées et non travaillées, à quoi s'ajoute la précarité du logement puisqu'ils se heurtent à des prix en forte hausse pendant la haute saison, et surtout la précarité sanitaire, compte tenu d'un manque de suivi médical. Ce projet de loi ne saurait ignorer ces travailleurs. Je suis persuadée qu'il existe des solutions permettant de stabiliser leur situation, et je défendrai avec plusieurs collègues des amendements à cette fin. La question de la saisonnalité, sur laquelle j'espère que nous pourrons progresser, concerne les femmes autant que les hommes, et toutes les générations. Elle constitue un pan entier de la vie économique et sociale de bien des territoires dépourvus de grandes industries, où le tourisme et l'agriculture ont une grande importance.

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L'avant-projet de loi a créé de nombreuses inquiétudes parmi les jeunes et les salariés. Loin des espoirs que pouvait susciter son titre, faisant référence à de nouvelles libertés et nouvelles protections pour les actifs, son contenu a été perçu comme une régression des droits des salariés. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer avec vous, Madame la ministre, certaines mesures telles que l'allongement du temps de travail des apprentis, qui n'est plus soumis à l'accord mais à l'avis de l'inspecteur du travail, et je me satisfais des avancées réalisées en la matière.

Après de nouvelles négociations, des modifications ont été apportées au texte ; le temps législatif est désormais venu. Ce projet de loi suscite encore bon nombre d'inquiétudes et d'autres avancées sont nécessaires. Aussi ai-je déposé une série d'amendements sur l'article 1er relatif à la refondation du code du travail, laquelle doit rester du ressort du législateur dans le respect du principe de laïcité, qui doit être la règle applicable à la manifestation des convictions. J'ai également déposé des amendements aux articles 2, 3, 10, 11, 14, 23 et 30 sur les dispositions relevant de la compétence de notre commission.

Le taux de majoration des heures supplémentaires ne peut être inférieur à celui qui est prévu par le code du travail. Il en va de même de la modulation du temps de travail sur trois ans, qui constitue le seuil de référence permettant le déclenchement des heures supplémentaires. De même, le renoncement des droits à congés payés par les salariés afin de les convertir en salaire n'est pas acceptable. En ce qui concerne les travailleurs de nuit, il convient d'en rester aux dispositions actuelles du code du travail qui, seules, permettent un suivi médical adapté aux conditions de travail.

D'autre part, pourquoi vouloir réduire le nombre de branches, dont on sait pourtant qu'elles constituent le meilleur niveau pour faire valoir les droits des salariés, comme vous venez vous-même de le rappeler, Madame la ministre ?

Concernant l'évaluation des difficultés économiques d'une entreprise, il est nécessaire de tenir compte de l'activité réelle du groupe tant en France qu'à l'étranger. J'ai également déposé des amendements concernant les TPE.

En somme, Madame la ministre, j'espère pouvoir compte sur votre écoute pour que ces questions donnent lieu à des avancées législatives qui, in fine, permettront l'acceptabilité du texte.

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Malgré votre compétence et votre entrain, Madame la ministre, vous n'avez pas toujours la tâche facile pour défendre ce projet de loi. En effet, lorsque l'un de vos collègues a estimé que le code du travail constituait un « puissant répulsif de l'emploi », le débat ne semblait pas s'engager dans la bonne direction. Peut-être pourrons-nous donc nous interroger au fil du débat sur le caractère répulsif pour l'emploi du code du travail. Les règles du droit social qui ont forgé notre démocratie depuis une centaine d'années sont-elles les premières responsables du chômage ?

Autre question qui a émaillé le débat public avant même que le texte soit connu : celle des insiders – titulaires d'un contrat stable – et des outsiders – ou travailleurs précaires. On a prétendu que les titulaires d'un contrat à durée indéterminée sont protégés et favorisés même lorsque le salaire perçu est inférieur au salaire médian, c'est-à-dire 1 700 euros environ ; je ne crois naturellement pas qu'il faille aborder le débat de cette façon, et j'ai apprécié vos propos, Madame la ministre, sur la régulation par le dialogue social. J'ajoute que ce n'est pas du tout la voie qu'ont adoptée les pays étrangers dont on nous cite si souvent l'exemple, qu'il s'agisse de l'Allemagne, de l'Italie ou de l'Espagne, où l'on nous dit que la flexibilité du marché du travail ferait diminuer le chômage – ce qui n'est d'ailleurs pas le cas, vu les emplois qui y sont créés.

Pourquoi ne pas réfléchir plus avant à l'instauration d'un véritable ordre public conventionnel au niveau de la branche ? Vous avez plusieurs fois répété, Madame la ministre, qu'il n'y aurait ni inversion de la hiérarchie des normes, ni suppression du principe de faveur ; j'en trouve pourtant des traces dans le texte. De ce point de vue, il serait utile de créer un ordre public conventionnel dans le cadre de branches qui, même réformées, auraient suffisamment de poids pour éviter le dumping social entre entreprises et entre établissements d'une même entreprise.

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Je regrette d'emblée le gâchis de l'entrée en matière de ce projet de loi, qui en marquera durablement les conditions d'examen. Quoi qu'il en soit, le texte qui nous est présenté est incontestablement plus équilibré que la version initiale, même s'il demeure largement perfectible. À titre d'exemple, la France, à croissance équivalente, crée moins d'emplois que la plupart de ses partenaires ; ce constat est à lier avec la situation actuelle de nos TPE, de nos PME et de nos PMI, qui constituent le principal gisement d'emplois. C'est à ces entreprises que doit s'adresser ce projet de loi davantage encore qu'il ne le fait ; vous l'avez évoqué, Madame la ministre, et je m'en réjouis.

D'autre part, ce texte a certainement constitué un révélateur, voire un déclencheur du malaise de la jeunesse de notre pays, qui en dépasse pourtant – et de loin – le contenu. Je me félicite que le Gouvernement ait entendu l'appel de la jeunesse et que les discussions puissent se poursuivre tout au long de la semaine.

Ce texte illustre plus que d'autres la difficulté de réformer la France. Certains souhaitent que rien ne change et voient dans ce projet de loi des choses qui n'y sont pas, ce qui est assez extraordinaire ; d'autres au contraire voudraient tout détruire. Nous, réformistes, voulons tenir compte de la réalité – ce qui n'est pas toujours aisé – pour réformer tout en préservant notre modèle social. C'est ce qui fait la particularité de l'action du Gouvernement, qu'il conviendra d'améliorer par les travaux parlementaires. C'est la voie la plus délicate, mais je crois pouvoir dire que c'est la meilleure, et pour cause : c'est la voie socialiste.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Nous sommes tous ici d'accord sur un point : les embauches dépendent des carnets de commandes. Je n'ai jamais dit que le code du travail était la cause du chômage en France. Au contraire, je viens d'expliquer que le code du travail s'est étoffé à force d'y ajouter des dérogations. Selon moi, ce système est à bout de souffle. Il faut déconcentrer la régulation tout en apportant des garanties. Qui se plaint aujourd'hui des accords de modulation du temps de travail conclus avec des organisations représentant au moins 30 % des salariés ? Demain, ce taux sera porté à 50 %. Autrement dit, les accords reposeront sur un consensus plus large. Voilà la nouvelle démocratie sociale que je souhaite promouvoir en France. Cette forme de régulation sociale, qui permet de mieux adapter les entreprises à leurs commandes et à leurs pics d'activité par la négociation et par la culture du compromis, permettra de faire avancer la France.

La notion de hiérarchie des normes prête souvent à confusion, entre slogans et réalité. À la question de savoir si la hiérarchie des normes, au sommet de laquelle se trouvent la Constitution et la loi, sera inversée, je réponds sans ambiguïté : non. La loi réserve au moins depuis 1982 un domaine propre à la négociation collective et aux partenaires sociaux. Cela ne signifie pas que l'accord prévaut sur la loi ; le législateur estime simplement que dans certains domaines, ce sont les acteurs eux-mêmes qui sont le plus à même de déterminer les règles dont ils souhaitent l'application sur le terrain. C'est précisément ce que nous faisons : le projet de loi que je défends accroît certes la place accordée à l'accord, mais ne le rend pas supérieur à la loi. Examinons donc la réalité des choses loin de tout slogan. Le projet de loi maintient des règles d'ordre public auxquelles aucun accord ne saurait déroger. En l'absence d'accord, c'est la loi qui détermine les règles supplétives qui s'appliquent. Autrement dit, sans accord, c'est le droit actuel qui s'applique.

Si la question porte sur le principe de faveur selon lequel une norme de niveau inférieur ne peut déroger à une norme de niveau supérieur que dans un sens plus favorable aux salariés, précisons d'emblée ce dont il s'agit : voici longtemps que la loi permet à un accord d'entreprise de déroger à un accord de branche, y compris dans un sens moins favorable. C'est le cas de la loi de 1982, de la loi du 4 mai 2004 qui autorise les accords d'entreprise dans un sens moins favorable aux salariés sauf interdiction expresse, et de la loi du 20 août 2008 qui donne la primauté à l'accord d'entreprise dans plusieurs domaines relatifs au temps de travail comme le contingent d'heures supplémentaires, le repos compensateur de remplacement, les journées de solidarité ou encore le compte épargne-temps. En clair, il n'existe aujourd'hui que quatre domaines dans lesquels l'accord d'entreprise ne saurait être moins favorable que l'accord de branche : le salaire minimum, la classification, les garanties collectives et la mutualisation des fonds de la formation professionnelle. Or, le projet de loi ne revient sur aucun de ces quatre domaines, désormais sanctuarisés. Autrement dit, il ne remet pas en cause le principe de faveur tel qu'il existe aujourd'hui.

Plus généralement, il me semble qu'il ne faut pas raisonner ainsi. Si le grand public peine à comprendre la réalité que recouvre un débat fait de slogans et d'expressions toutes faites, c'est parce qu'il est souvent difficile de déterminer si un accord est ou non favorable aux salariés. Comment déterminer, par exemple, si un accord sur l'augmentation du nombre d'heures supplémentaires est plutôt défavorable aux salariés qui devront travailler davantage, ou s'il leur est plutôt favorable car il se traduira par la hausse de leur pouvoir d'achat ? C'est pourquoi il me semble inopportun de raisonner par principes lorsque ceux-ci ne s'accordent pas avec la diversité des cas.

Je préfère la logique suivante : dans un système qui peine à s'adapter, c'est le principe majoritaire de l'accord qui offre les meilleures garanties aux salariés. Faisons confiance aux acteurs de terrain pour conclure des accords et trouver des compromis au plus près de leurs attentes et selon un principe proche de la subsidiarité ; à défaut d'accord, le droit en vigueur s'applique. Je n'ai pas pour autant une vision béate ou naïve du dialogue social : je sais, parce que le ministère suit un grand nombre d'accords, que les blocages et les pressions existent. Cependant, le projet de loi prévoit une méthode et une logique de loyauté et de transparence ; de ce point de vue, la meilleure des garanties consiste à obtenir un accord avec des organisations représentatives à plus de 50 % et à élargir l'objet de la négociation.

Tel est l'esprit de cette loi. Songez que si 11 % des Français ont confiance dans le personnel politique, 18 % seulement font confiance aux organisations syndicales : quelle tristesse ! Si une telle situation existe, c'est parce que les organisations patronales refusent parfois de négocier avec les syndicats, que certaines organisations syndicales refusent tout accord pour leur substituer le culte de la loi, et que les pouvoirs publics réglementent trop le champ et la méthode de la négociation. Au contraire, nous avons pris le parti de faire respirer le processus en renforçant les moyens des organisations syndicales et la légitimité des accords, qui doivent reposer sur un consensus fort – à savoir la signature d'organisations représentatives à 50 %.

Le débat public concernant le compte personnel d'activité, que j'ai lancé le 22 janvier, sera clos ce soir. À la démocratie parlementaire, j'ai en effet souhaité ajouter la prise en compte de la démocratie sociale, puisque l'accord est largement repris dans le texte, mais aussi ce processus de démocratie participative afin d'impliquer de nombreuses associations, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, des organisations de jeunesse. J'invite les parlementaires à donner aux contributions à ce débat public une traduction dans leurs travaux.

S'agissant de l'article 30, Madame la présidente, il me semble qu'il faut replacer les salariés au coeur du débat sur les licenciements économiques. Si nous voulons sécuriser la notion de difficulté économique, c'est pour donner davantage de lisibilité face à la diversité des interprétations jurisprudentielles. L'absence de précision législative crée une incertitude juridique pour les entreprises et pour les salariés. La jurisprudence retient ou écarte parfois les mêmes critères. C'est pourquoi le projet de loi vise à fixer un cadre clair qui permettra en particulier aux PME de connaître précisément les principaux critères de difficultés économiques. J'ai entendu, Monsieur le rapporteur, que vous souhaitiez distinguer en la matière selon la taille des entreprises, et j'y suis également favorable, comme je l'ai dit devant la commission des affaires sociales ; il vous appartiendra de trancher au cours du débat. En effet, les petites entreprises ne disposent pas d'un service des ressources humaines ou d'un service financier capables d'apprécier les risques jurisprudentiels.

En l'absence de définition et, par conséquent en cas de risque de contentieux, les entreprises ont tendance à adopter des pratiques désavantageuses pour les salariés, soit en recourant à l'intérim, soit en décidant des ruptures conventionnelles, lesquelles représentent 20 % des motifs de rupture dans les petites entreprises, contre moins de 7 % dans les entreprises de plus de 250 salariés. Or les ruptures conventionnelles sont beaucoup moins protectrices pour les salariés, en termes d'accès aux dispositifs d'accompagnement au retour à l'emploi comme en termes d'indemnisation. En cas de plan de sauvegarde de l'emploi justifié par un motif économique, les salariés des entreprises de plus de 1 000 employés bénéficient d'un congé de reclassement et du quasi maintien de leur rémunération nette pendant un an – un mécanisme dont nous pouvons être fiers – et les salariés des entreprises de moins de 1 000 employés peuvent bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle qui leur garantit près de 92 % de leur rémunération nette pendant douze mois.

Les mesures permettant d'éviter les manipulations financières sont un sujet essentiel. Les organisations syndicales s'inquiètent de ces manipulations, par lesquelles un groupe est créé afin de justifier des prétendues difficultés financières d'une filière ou d'un établissement. En nous inspirant de la jurisprudence récente, nous avons donc proposé avec le ministère de l'économie d'ajouter une disposition selon laquelle le licenciement notifié par une entreprise appartenant à un groupe est sans cause réelle et sérieuse lorsqu'il est motivé par des difficultés économiques créées artificiellement par l'entreprise dominante. Ces mesures sont importantes ; nous reviendrons aux amendements sur ce sujet au fil du débat.

Je comprends toute la charge symbolique que revêt la question anxiogène du licenciement. Sachez que 5 % en moyenne des entrées à Pôle emploi ont lieu après un licenciement économique ; autrement dit, il existe aujourd'hui un phénomène de contournement de ce motif de licenciement au profit d'autres motifs.

J'en viens aux mesures concernant les TPE. En clarifiant les conditions de licenciement, nous fixons un cadre permettant aux TPE et aux PME de traduire tel nombre de trimestres de baisse d'activité en motif de licenciement économique. Avec les cellules d'information chargées des TPE et des PME, créées par l'article 28, nous avons souhaité doter l'administration du travail des capacités nécessaires pour répondre à toute question relative au code du travail. Sans doute faut-il améliorer le dispositif en lien avec ce que préconisent les chambres de commerce et d'industrie et certaines organisations patronales, étant entendu que l'objectif est de répondre rapidement aux questions concernant le code du travail.

Les accords-type de branche sont tout aussi essentiels. On peut ainsi imaginer un accord national fixant une fourchette de jours travaillés dans le cadre d'un forfait-jours ; reste à l'entreprise à décider du nombre précis de jours dans les limites ainsi établies.

Comme vous le savez, nous avons écarté le plafonnement des indemnités prud'homales au profit d'un barème indicatif, déjà prévu dans la loi sur la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui sera fixé dans les prochains mois afin de répondre à un besoin de prévisibilité. Il permettra de favoriser la conciliation, qui est tout aussi nécessaire pour les salariés que pour les chefs d'entreprise, en clarifiant des procédures qui pouvaient être longues et incertaines.

En clair, la loi favorisera la négociation et la souplesse au sein des petites entreprises. Je rappelle que des organisations professionnelles telles que l'UPA demandent à juste titre la réaffirmation des accords de branche, qu'il est donc important de prévoir afin qu'ils soient déclinés par les salariés eux-mêmes.

Si nous avons soutenu le mandatement en dépit des difficultés, Monsieur le rapporteur, voire de l'incompatibilité culturelle qu'il suscite parfois en France, c'est parce que nous favorisons le compromis. Or, pour aboutir au compromis, chacun doit faire un pas vers l'autre. Certaines entreprises et organisations patronales se saisissent du mandatement. Il va de soi que la relation entre un employeur et un salarié est déséquilibrée, et le soutien d'une organisation syndicale constitue une forme de protection. C'est pourquoi nous privilégions le mandatement.

Avec ce projet de loi, nous avons refusé le modèle anglo-saxon du contrat de travail unilatéral, les contrats à zéro heure ou encore les mini-jobs à l'allemande ; au contraire, nous avons choisi une nouvelle forme de régulation sociale à laquelle je crois profondément. Le dialogue social en France est très formalisé, mais n'aboutit guère sur les enjeux essentiels.

D'autre part, les entreprises de moins de cinquante salariés auront la possibilité de moduler le temps de travail jusqu'à neuf semaines.

Le projet de loi, Monsieur André Chassaigne, ne facilite en rien le licenciement économique en créant de nouveaux motifs ; il ne fait que l'encadrer. Il est important de se placer du point de vue du salarié. Les données de Pôle emploi montrent qu'il se produit aujourd'hui des dévoiements de procédure, alors que le licenciement économique devrait s'imposer. De même, il est faux de prétendre que ce projet de loi permettra aux employeurs de demander des référendums d'entreprise : la consultation des salariés relève des organisations syndicales qui représentent plus de 30 % des salariés.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Vous évoquez de prétendus reculs en matière de santé des travailleurs ; je ne saurais l'accepter. Sur vingt millions d'embauches annuelles, la médecine du travail ne réalise que trois millions de visites. Autrement dit, certains salariés exerçant des postes à risque ne subissent pas de visite médicale d'embauche.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Précisément, nous allons ouvrir des postes dans la médecine du travail, malgré le déficit d'attractivité de cette filière. Songez que pour 90 postes ouverts, à peine une cinquantaine de candidats se présentent ! Selon le rapport de M. Michel Issindou, nous pourrions passer de 5 000 médecins du travail à 2 500 en 2020. Quoi qu'il en soit, je constate que seule une fraction des embauches donne lieu à une visite médicale ; c'est pourquoi le projet de loi fixe le principe d'un suivi médical avec le médecin du travail pour les postes les plus exposés aux risques ou, pour les autres, sous la forme d'un entretien individuel avec un infirmier, un ergonome ou un psychothérapeute selon les cas, sous l'autorité du médecin du travail. L'objectif est que tous les salariés occupant un poste à risque subissent une visite médicale – un droit déjà existant mais nullement appliqué – et que tous les salariés puissent passer une première visite. En effet, peu nombreux sont les salariés qui ont passé une visite médicale d'embauche ; nous devons la rendre plus efficace et cibler les personnes qui en ont le plus besoin.

Ce projet de loi ne vise pas non plus à une flexibilisation tous azimuts du temps de travail mais à accorder plus de place à la négociation tout en apportant des garanties fortes aux salariés. Il ne constitue absolument pas un recul historique : c'est pour moi tout l'inverse. Je partage l'idée que le code du travail est le fruit des luttes sociales et que la santé et la sécurité au travail ne doivent pas être négociées au niveau de l'entreprise. Cette loi introduit une vraie rupture avec les modèles de pensée habituels en mettant en son coeur la négociation collective et en faisant confiance aux syndicats, aux salariés et aux chefs d'entreprise pour déterminer au mieux les règles applicables. Voilà l'enjeu : où est le retour au XIXe siècle ?

Pourquoi, Monsieur André Chassaigne, taire dans votre intervention que nous créons des droits nouveaux et, en particulier, un droit universel à la formation ? Je n'ai renié aucune de mes convictions. Pourquoi ne pas évoquer les abondements dont bénéficieront les salariés les moins qualifiés, les demandeurs d'emploi et le fait que ce droit sera ouvert à tous ceux de nos jeunes qui n'ont pas accès à un premier niveau de qualification ? Pourquoi taire la généralisation de la garantie jeunes et l'inscription dans la loi d'une obligation de publication des taux d'insertion des jeunes dans les différentes voies de formation ? N'avons-nous pas envers leurs parents un devoir de transparence si nous voulons éviter que leurs enfants aillent massivement dans certaines filières sans débouchés ? Ces mesures visent les personnes qui sont dans une spirale infernale, enchaînant contrats courts et périodes de chômage. La qualification est un droit essentiel car nous ne sommes pas tous égaux en la matière. Seuls les gens qui savent remplir un dossier de validation des acquis de l'expérience (VAE) ou de demande de formation voient leur formation payée. Les autres n'ont même pas toujours la possibilité de se dire qu'ils peuvent faire valoir leur droit à la qualification et à la formation. Ce projet de loi est un texte de progrès social, je le redis ici.

Vous m'avez interrogée, Madame Pascale Got, sur les travailleurs saisonniers. Ayant pris connaissance des différents travaux parlementaires en la matière, j'ai souhaité proposer une mesure concernant les groupements d'employeurs : nous savons qu'il faut les développer dans le domaine agricole, auquel appartiennent 92 % d'entre eux. Point important, il faut que nous puissions mieux travailler avec les maisons de service au public, notamment sur les forums emploi du travail saisonnier et sur la formation des travailleurs saisonniers. Se pose également la question de l'intermittence. Aujourd'hui, le projet de loi prévoit, d'une part, une définition de l'emploi à caractère saisonnier – pour sécuriser l'employeur mais aussi le salarié – et, d'autre part, la négociation sur la reconduction du contrat saisonnier. Je suis prête à ce que le débat parlementaire nourrisse encore davantage cette réflexion. La question des conditions de logement des saisonniers, qui se pose également, ne pourra être résolue dans le présent projet de loi mais le Premier ministre a pris des engagements en la matière dans le cadre du Conseil national de la montagne. Il est essentiel qu'avec Mme Emmanuelle Cosse, les préfets et les élus locaux, nous parvenions à améliorer la situation. Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser des jeunes décéder dans des mobil homes ou des camping-cars aux abords de leur lieu de travail.

Mme Marie-Lou Marcel m'a interpellée concernant le 6° de l'article 1er du projet de loi et la restructuration des branches professionnelles.

Soyons clairs : le 6° de l'article 1er est une reprise du droit constant, et notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Je l'ai toujours dit : les parlementaires qui le souhaitent peuvent toujours modifier le droit constant en mettant davantage en valeur les restrictions qui existent. Dans le droit actuel, la laïcité s'applique à l'État et dans les services publics mais pas aux entreprises, à moins qu'elles n'aient une délégation de service public. Le 6°, tel que rédigé par le comité Badinter, rappelle que le salarié peut dans l'entreprise exprimer ses convictions – y compris religieuses – à condition de ne pas entraver le bon fonctionnement de celle-ci et de ne pas remettre en cause l'exercice d'une autre liberté. Cet alinéa, qui rappelle avant tout les restrictions applicables, peut très bien être réécrit différemment afin de mieux mettre en valeur ces dernières. Ce sujet ne pose aucun problème puisque cela fait près de trois mois que je travaille avec les partenaires sociaux sur un guide du fait religieux. Il arrive en effet que des questions se posent, non seulement aux employeurs mais aussi aux organisations syndicales, auxquelles il est difficile de répondre. Depuis les attentats, je travaille avec les partenaires sociaux sur ce sujet en abordant toutes les questions qui peuvent concrètement se poser dans l'entreprise autour du fait religieux. Si la rédaction actuelle de ce principe a suscité des débats, il ne faut pas les instrumentaliser en affirmant que ce projet de loi favorise le communautarisme religieux : cela est faux. Ce texte rappelle le droit constant mais peut néanmoins évoluer au gré du débat parlementaire.

Pourquoi restructurer les branches professionnelles ? C'est là un enjeu important depuis de nombreuses années dans notre pays. Il existe aujourd'hui plus de 700 branches dont certaines, que l'on qualifie parfois de « branches mortes », n'ont aucune activité conventionnelle depuis plus de quinze ans. D'autres couvrent un nombre très faible de salariés. À titre de comparaison, l'Allemagne a à peu près 150 branches. Nous avons plus que jamais besoin de branches fortes, solides et dynamiques afin d'éviter le dumping social, d'améliorer la qualité des normes conventionnelles – sachant qu'il est encore une vingtaine de branches dans lesquelles le salaire minimum est en deçà du SMIC, ce qui tasse toutes les classifications –, d'offrir une meilleure régulation en matière de concurrence, de créer des filières économiques, d'avoir une meilleure vision des mutations en matière d'emploi et donc de formation et de donner un socle conventionnel aux TPE et aux PME qui ne sont pas couvertes par des accords d'entreprise. Dans le cadre du plan « 500 000 formations », Mme Clotilde Valter et moi avons interrogé les branches sur les emplois qui seront offerts d'ici deux à cinq ans afin de former d'ores et déjà ces futurs salariés. Pour que l'accord de branche joue pleinement son rôle central, entre la loi et l'accord d'entreprise, nous avons souhaité accélérer la restructuration des branches, engagée par la loi du 5 mars 2014, pour ne plus en avoir que 200 d'ici à trois ans. Le projet de loi rénove les outils à la main du ministre du travail pour lui permettre de restructurer le paysage conventionnel. Nous pourrons décider de fusionner les branches territoriales, à faible effectif ou à faible dynamisme conventionnel mais aussi procéder à des fusions dans une logique de filière économique. Le projet de loi laisse cependant aux branches existantes le temps nécessaire pour négocier afin d'éviter le moins-disant social dans le cadre de la négociation de branche. Mon objectif n'est pas de les marier de force : nous travaillons par étapes. Afin d'inciter les branches à négocier, le projet de loi fixe deux échéances. À défaut de rapprochement, les branches territoriales et celles n'ayant pas négocié depuis plus de quinze ans devront fusionner d'ici à la fin de l'année 2016 ; celles de moins de 5 000 salariés et celles n'ayant pas négocié depuis plus de dix ans, dans un délai de trois ans.

Je crois avoir répondu dans mon introduction à M. Daniel Goldberg sur l'idée que le code du travail serait un « puissant répulsif de l'emploi », ainsi qu'à M. Philippe Bies s'agissant de la difficulté à réformer notre pays.

En conclusion, ce projet de loi a effectivement souffert d'un défaut de pédagogie. Il a fait l'objet d'une fuite dans la presse et nous n'avons pas eu le temps d'expliquer aux partenaires sociaux l'article relatif au licenciement économique – seule disposition du texte à n'avoir pas fait l'objet d'une concertation. Face à un tel blocage, il nous fallait prendre ces quinze jours supplémentaires pour procéder à des ajustements qui ne constituent pas pour moi un recul mais un compromis permettant d'aller de l'avant. Le texte, aujourd'hui équilibré, sera bien sûr enrichi. Mais il y a encore en effet des stigmates dans l'opinion publique. La discussion parlementaire doit donc nous permettre non pas de nous envoyer des slogans à la figure mais de débattre de la réalité de ce projet de loi.

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Nous vous remercions, Madame la ministre. Nous vous laissons quitter la salle avant de poursuivre nos travaux.

La commission en vient à l'examen des articles.

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176 amendements ont été déposés à la Commission des affaires économiques saisie pour avis, dont 7 ont été retirés et 11 déclarés irrecevables : l'amendement CE5 de M. Pellois, au titre de l'article 38 de la Constitution relatif aux ordonnances ; les amendements CE46 et CE48 de Mme Marcel ainsi que l'amendement CE95 de Mme Dumas, se situant hors du champ de la saisine de notre commission ; enfin, au titre de l'article 40 de la Constitution, les amendements CE52 de Mme Got, CE11 de Mme Bonneton, CE3 de M. Pupponi, CE114 de Mme Dubié, CE24 de Mme Erhel et CE140 et CE142 de Mme Marcel. Il nous reste donc 158 amendements à examiner.

Avant l'article 2

La commission examine l'amendement CE12 de M. Jean-Charles Taugourdeau.

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L'article L. 2251-1 du code du travail dispose qu'une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. La loi, qui ne peut évidemment pas être fondée sur une approche casuistique, ne doit pas non plus freiner, encore moins empêcher, l'adaptation de nos entreprises à l'économie mondialisée afin que la surprotection de l'emploi ne nuise pas au travail. Il est aujourd'hui vital d'adapter nos efforts afin de permettre aux entreprises de prendre toutes les mesures nécessaires à l'ajustement des conditions de travail spécifiques à chaque entreprise.

L'idée est donc de permettre à une majorité de salariés, après accord, de décider de leur durée de travail, de privilégier l'emploi sur le salaire ou le salaire sur l'emploi. L'objectif de cet amendement est de donner la parole à l'ensemble des salariés d'une entreprise, qui maîtriseraient ainsi directement leurs conditions de travail en fonction de la spécificité de leur entreprise.

D'ailleurs, l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société ». Le fonctionnement optimal de chaque entreprise avec ou sans salarié est utile à la société. En outre, l'article 4 du même texte dispose que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

L'accord d'entreprise – qui, tel que je le conçois, suppose le vote obligatoire de tous les salariés pendant les heures de travail, les votes défavorables et blancs étant comptabilisés, les votes favorables devant obtenir plus de 50 % de l'effectif salarié – semble être un niveau parfaitement légitime, les salariés étant tout à fait capables d'apprécier l'intérêt de leur entreprise et donc d'assurer la sécurisation de leur emploi.

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Vous abordez un sujet essentiel qui est un des points d'équilibre du texte : le respect de la hiérarchie des normes, l'ordre public primant sur les conventions de branche, elles-mêmes supérieures aux accords d'entreprise et au droit supplétif applicable à défaut d'accord. Votre amendement inverse cette hiérarchie, plaçant à sommet l'accord d'entreprise qui pourrait, par exemple, prévoir des durées quotidiennes de travail supérieures à dix heures – ce que ne permettent pas les dispositions d'ordre public. Avis défavorable.

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La hiérarchie des normes actuelles fonctionne mal puisque six à sept millions de personnes sont sans emploi ou occupent un emploi précaire. Ainsi que l'a souligné Mme la ministre tout à l'heure, un véritable problème se pose aux TPE et aux PME. Il conviendrait donc de leur laisser plus de liberté. Le code du travail a pour objet de veiller aux bonnes conditions de travail du salarié, c'est-à-dire aux conditions de santé, de sécurité et d'hygiène. La ministre souhaite d'ailleurs que les inspecteurs du travail procèdent désormais davantage à l'accompagnement qu'au contrôle des entreprises. Une entreprise de moins de vingt salariés ne peut-elle pas décider elle-même de certaines spécificités, avec l'accord de ses salariés ? Les entreprises à activité saisonnière qui réalisent jusqu'à 12 % du chiffre d'affaires de l'année en quelques jours ne pouvant aujourd'hui respecter les dispositions du code du travail, elles y dérogent avec l'accord de leurs salariés, aux risques et périls de leurs dirigeants.

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Nous aurons l'occasion de revenir sur les souplesses que permettra la signature d'accords internes à l'entreprise sur certains sujets. Mais votre amendement vise à ce que les conventions et accords d'entreprise priment sur les dispositions légales en vigueur – qu'elles soient d'ordre public ou conventionnel – en ce qui concerne l'organisation du travail. Il ouvre la voie à toutes les dérogations possibles et imaginables. C'est pourquoi mon avis est défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Article 2 (titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail) : Durée du travail

La commission est saisie de l'amendement CE78 de M. André Chassaigne, tendant à supprimer l'article.

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Sous couvert de simplification, cet article réécrit toute la partie du code du travail relative à la durée du travail, à l'aménagement des horaires, au repos et aux congés payés. Particulièrement dense, il est l'essence même de ce projet de loi puisqu'il met en place une architecture qui sera par la suite généralisée à tous les chapitres du code du travail. Contrairement à ce qui a pu être dit, cette réécriture consacre la primauté de l'accord d'entreprise en matière de temps de travail, ce qui implique une inversion de la hiérarchie des normes. N'importe quel accord d'entreprise, prétendant préserver ou favoriser l'emploi, s'imposerait au contrat de travail dont il pourrait notamment modifier la durée de travail à la hausse mais aussi le salaire horaire à la baisse. Qu'est-ce là sinon une inversion de la hiérarchie des normes ? Je propose donc la suppression de cet article.

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Ce serait déséquilibrer en profondeur le texte que de supprimer l'article 2 qui crée des espaces de dialogue et de construction d'accords dans l'entreprise. L'objectif n'est pas que les accords d'entreprise supplantent les accords de branche qui, eux-mêmes, se mettraient en porte-à-faux avec l'ordre public mais, bien au contraire, de conforter la logique qui veut que l'ordre public s'impose aux accords de branche, ces derniers étant supérieurs aux accords d'entreprise, les droits supplétifs venant en dernier. En revanche, cette hiérarchie des normes ne doit pas nous empêcher de donner la souplesse nécessaire aux entreprises ni de leur permettre de négocier des accords s'inscrivant dans les cadres tracés par les accords de branche. Telle est la philosophie de l'article 2 qu'il faut lire en lien avec la réforme de l'organisation structurelle des branches. Lorsque l'on réduit le nombre de branches de façon à ce qu'elles gagnent en efficacité et que le dialogue social soit renforcé à leur niveau, cela suppose en conséquence de donner aux entreprises une certaine souplesse leur permettant d'adapter les modes de travail à la réalité de leurs activités et de leur production. Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable à cet amendement de suppression.

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Le débat ayant commencé par deux amendements, l'un de M. Jean-Charles Taugourdeau, l'autre de M. André Chassaigne, sous-tendant des points de vue assez différents, je souhaiterais revenir sur le fond du débat que nous avons eu tout à l'heure avec Mme la ministre. Je dois dire qu'une de mes difficultés a été d'examiner en une semaine, entre le 24 mars et la date limite de dépôt des amendements à la commission, le 31 mars, cet article 2 qui fait une cinquantaine de pages à lui seul dans le texte du projet de loi et qui emporte des conséquences très lourdes. J'ai souhaité étudier très précisément, dans la nouvelle architecture du code du travail, ce qui relève de l'ordre public, de la négociation collective et des mesures supplétives sur chacun des sujets, par rapport à l'état du droit actuel. Autant je ne voterai pas l'amendement de suppression d'André Chassaigne, autant je me permets de relever que le projet de loi va permettre à des accords locaux – d'entreprise voire d'établissement – de prendre le dessus sur des accords de branche. Cela est déjà permis, certes, depuis les lois Auroux de 1982 notamment, mais le projet de loi le prévoit dans un champ bien plus large qu'actuellement. Dans mon intervention liminaire, j'ai posé la question de savoir s'il serait possible d'instituer un ordre public conventionnel de branche afin d'éviter que des accords d'établissement ou d'entreprise fassent naître des risques de concurrence voire de dumping entre entreprises d'une même branche ou entre établissements d'une même entreprise.

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Il est vrai que depuis une trentaine d'années, les gouvernements ont pu autoriser des accords collectifs dérogatoires, moins favorables que la loi pour les salariés, surtout en matière de temps de travail. Aujourd'hui, ce texte de loi opère un renversement complet de perspective car il est bien évident que les accords collectifs seront rendus prioritaires par rapport à la loi. Tout cela est présenté comme un cercle vertueux – le mot a été prononcé par la ministre. Mais faites attention : à force de caresser ce cercle, il deviendra vicieux. Je crois même qu'il l'est déjà dans le texte.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle en vient à l'amendement CE65 de M. Daniel Goldberg.

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Je n'ai pas déposé d'autre amendement à l'article 2. Mais ayant lu ce dernier de la manière la plus pointilleuse possible, j'ai découvert ce superbe alinéa 92 qui prévoit qu' « à titre exceptionnel dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, des dépassements de la durée de quarante-six heures peuvent être autorisés pendant des périodes déterminées dans des conditions déterminées par décret. » Entre la première et la seconde version du projet de loi, il me semble que cet alinéa aurait mérité quelque correction. Ne me voyant pas le voter compte tenu de ses multiples imprécisions, je propose de le supprimer.

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Ainsi que la ministre l'a expliqué tout à l'heure, le Gouvernement a simplement pris la précaution de réécrire en totalité certains chapitres et articles du code du travail. Cet alinéa est la stricte réécriture de l'actuel article L. 3121-36 du code.

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Qui va décider des secteurs, des régions et des entreprises concernés par cet alinéa ? Il aurait mieux valu adopter mon amendement.

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Cet alinéa précise que ces dépassements peuvent être autorisés à titre exceptionnel dans des conditions fixées par décret. Or, on sait très bien que les décrets évoluent en fonction des personnes qui sont aux manettes. Non seulement cet alinéa est dangereux dans sa rédaction mais, pour reprendre une expression auvergnate, il nous fait acheter un âne dans un sac. On ne sait ce qu'on retrouvera demain dans ce sac, selon que tel ou tel le portera et en définira le contenu.

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Comme l'a rappelé le rapporteur, il s'agit là de la rédaction actuelle du code du travail. Et le fait que ces dépassements ne puissent être prévus que par décret est précisément ce qui fonde leur caractère exceptionnel. On ne prend pas tous les matins des décrets. Ces dérogations doivent véritablement être justifiées et ne peuvent être accordées dans le cadre d'un accord d'entreprise ni de branche. Ce texte peut sembler flou à la lecture mais encore une fois, la disposition, qui reprend la rédaction actuelle du code du travail, aura un caractère tout à fait exceptionnel.

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Je comprends l'inquiétude de notre collègue Daniel Goldberg. Allez faire comprendre à un inspecteur du travail que vous lui demandez une dérogation exceptionnelle pour un événement exceptionnel : vous verrez qu'il prendra un certain temps à vous répondre, parfois après le moment exceptionnel où vous auriez eu besoin de la dérogation.

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L'article L. 3121-36 du code du travail actuel dispose qu'à titre exceptionnel, dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, des dérogations applicables à des périodes déterminées peuvent être apportées à la limite de quarante-six heures. Mais on nous demande ici de légiférer sur des dispositions supplétives qui s'appliqueront en l'absence d'accord et qui seront fixées par la suite par décret dans un cadre imprécis. Vous comprendrez que dans ces conditions, je maintienne mon amendement.

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On voit bien à quels éléments le projet de loi fait référence lorsqu'il vise « certains secteurs, certaines régions ou certaines entreprises » : la saisonnalité, par exemple, qui peut nécessiter des dérogations hebdomadaires temporaires à la durée légale du travail. On ne peut citer tous les cas dans la loi, sans quoi l'on tomberait dans une liste à la Prévert. C'est pourquoi le projet de loi, comme le droit en vigueur, renvoie au décret la possibilité d'accorder de telles dérogations.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle aborde l'amendement CE96 de Mme Marie-Lou Marcel.

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L'alinéa 109 prévoit que le taux de majoration des heures supplémentaires ne peut être inférieur à 10 %. Or, aujourd'hui, le code du travail prévoit une majoration de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % au-delà. Fixer le taux minimal à 10 % aurait un impact direct sur le revenu des salariés en les précarisant. Je rappelle qu'est visée dans l'intitulé du projet de loi la notion de protection des actifs – qui inclut selon moi la protection de leur pouvoir d'achat.

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Je suis défavorable à cet amendement qui va bien au-delà du droit existant. Le taux fixé à l'article L. 3121-22 du code du travail est effectivement de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les heures suivantes. Mais un accord collectif de branche ou d'entreprise peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut cependant être inférieur à 10 %. C'est précisément ce que prévoit le projet de loi : l'accord d'entreprise, ou, à défaut, l'accord de branche, fixera le taux de majoration des heures supplémentaires sans pouvoir descendre en dessous de 10 %. Si aucun accord n'est conclu, ce sont les taux légaux de 25 et de 50 % qui s'appliqueront. La seule différence entre le droit existant et le projet de loi, c'est donc que nous autorisons des accords d'entreprise à accorder des taux moins favorables que ceux prévus par les accords de branche.

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Il y a actuellement très peu d'accords de branche qui autorisent un taux de majoration des heures supplémentaires de 10 %. Le fait d'autoriser un accord d'entreprise à le faire revient donc à élargir cette possibilité, sachant que la négociation d'entreprise se fait entre employeur et salarié.

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La loi en vigueur prévoit qu'un accord de branche peut autoriser une majoration de 10 % de la rémunération des heures supplémentaires.

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La grande différence, c'est que dans le droit actuel, un accord de branche peut s'opposer à ce que la rémunération des heures supplémentaires soit majorée de 10 % par un accord d'entreprise. Le projet de loi prévoit, lui, qu'une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement, ou à défaut une convention ou un accord de branche, peut fixer un taux de 10 %. C'est pourquoi j'ai demandé tout à l'heure devant Mme la ministre que des accords de branche encadrent les dispositions pouvant être négociées au plus près de l'entreprise.

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Il est proposé de fixer un seuil de validation des accords plus élevé que dans le droit actuel et de conditionner la signature de ceux-ci à la présence d'organisations syndicales ou de salariés mandatés par ces dernières. Il ne me paraît pas évident que des organisations syndicales puissent négocier un accord d'entreprise plus défavorable aux salariés que ne l'est l'accord de branche même si je partage votre préoccupation, compte tenu du développement des accords d'entreprise, des pressions existantes et des conditions de négociation parfois défavorables aux salariés.

Alors on peut estimer que s'il y a un accord, il est en principe favorable aux salariés de l'entreprise, à ce moment donné.

Faisons le pari de la confiance dans la démocratie sociale – encadrée par des seuils de majorité, par le mandatement… L'une des grandes différences entre la première version du projet de loi qui a été connue du public et celle que nous examinons, c'est la disparition des discussions sans les organisations syndicales, des transformations à l'initiative du seul chef d'entreprise, des modifications du contrat de travail dans le cadre de la seule relation entre le dirigeant et le salarié. La logique du projet de loi est donc bien celle de la négociation sociale, avec des majorités à atteindre – c'est-à-dire avec la nécessité de convaincre.

L'idée que l'on doive décider a priori ce qui est favorable aux salariés, en verrouillant complètement les dispositions législatives, me paraît discutable.

La commission rejette l'amendement.

Elle se saisit ensuite de l'amendement CE118 de Mme Marie-Lou Marcel.

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Cet amendement tend à conserver la période de référence d'un an actuellement utilisée pour le décompte des heures supplémentaires. La période de trois ans prévue par le projet de loi serait préjudiciable à l'organisation du travail et de la vie des salariés ; elle engendrerait pour eux des charges supplémentaires.

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Avis défavorable. Cette disposition répond à une attente des partenaires sociaux ; il faut préciser qu'elle concerne un nombre restreint d'entreprises, celles qui disposent d'une grande visibilité sur leur carnet de commandes : je pense notamment au secteur aéronautique, où la production peut être organisée sur plusieurs années.

Cet amendement leur permettra d'aménager au mieux le temps de travail et les heures supplémentaires, dans le cadre bien sûr d'une discussion avec les partenaires sociaux. Pour éviter tout abus, cette disposition est très encadrée, puisqu'il faudra pour la mettre en oeuvre à la fois un accord de branche et un accord d'entreprise.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CE119 de Mme Marie-Lou Marcel.

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Il s'agit toujours de revenir à une période d'un an, au lieu de trois. Le titre du projet de loi évoque « de nouvelles protections » : cela doit concerner non seulement les entreprises, mais aussi les salariés.

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C'est bien pour protéger les salariés que ces dispositions ne peuvent être utilisées qu'après la signature non seulement d'un accord de branche, mais aussi d'un accord d'entreprise. Il y a donc une double garantie.

La commission rejette l'amendement.

Elle étudie ensuite l'amendement CE120 de Mme Marie-Lou Marcel.

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Même logique que les amendements précédents.

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Avis défavorable également. L'alinéa 145 est justement celui qui encadre strictement le dispositif.

La commission rejette l'amendement.

Elle se penche alors sur l'amendement CE146 du rapporteur pour avis.

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Cet amendement vise à mieux prendre en considération la situation des petites et moyennes entreprises – c'est une préoccupation que nous sommes nombreux à partager. La possibilité d'aménager le temps de travail sur une période supérieure à la semaine même en l'absence d'accord d'entreprise était ouverte dans le texte initial du Gouvernement pour seize semaines ; elle est maintenant fixée à neuf semaines. Je propose de la porter à douze semaines, c'est-à-dire un trimestre. La visibilité sur le carnet de commandes est alors suffisante ; de plus, l'entreprise réalise tous les trois mois une situation intermédiaire de gestion afin de surveiller la bonne marche de l'entreprise.

La période de douze semaines me semble donc la plus adaptée : elle permettra aux entreprises de planifier au mieux leur activité ; elle est également appropriée pour les salariés.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CE121 de Mme Marie-Lou Marcel.

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Le projet de loi autorise un renoncement aux congés payés. Mais ceux-ci relèvent des politiques de santé publique : inciter des salariés à renoncer à leurs congés pour les convertir en augmentation de salaire – quand bien même ce serait leur choix – pourrait entraîner des problèmes de santé. En outre, cette disposition serait contraire à l'universalité des droits à congés payés.

Je propose donc la suppression de ces dispositions.

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Avis défavorable. Encore une fois, le projet de loi ne fait que reprendre le droit actuel, qui offre aux salariés – après un accord formel avec leur employeur – la possibilité de renoncer à une partie de leurs jours de repos en contrepartie d'une majoration de leur salaire.

La commission rejette l'amendement.

Elle se saisit ensuite de l'amendement CE122 de Mme Marie-Lou Marcel.

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Il est souhaitable de maintenir, pour les salariés non cadres au forfait jours qui convertissent des congés payés en heures de travail, une majoration conforme à la majoration applicable aux heures supplémentaires, c'est-à-dire 25 % pour les huit premières heures et 50 % au-delà.

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Avis défavorable. Le droit actuel prévoit une majoration minimale de 10 %. Votre amendement propose d'assimiler ces heures à des heures supplémentaires, mais ces heures travaillées ne constituent pas des heures supplémentaires. Elles se substituent simplement à des heures de congé.

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Je propose de calculer la rémunération de ces heures sur la même base.

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Mais il ne s'agit pas ici d'heures supplémentaires ; c'est un échange.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette l'amendement CE55 de Mme Audrey Linkenheld.

Elle examine ensuite l'amendement CE126 de Mme Marie-Lou Marcel.

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J'estime, je le redis, que les salariés au forfait ne doivent pas pouvoir renoncer à leurs jours de repos. En outre, la possibilité d'un tel renoncement créerait une rupture d'égalité entre ces salariés et les salariés non soumis au forfait. À terme, on peut d'ailleurs craindre que des salariés non soumis au forfait jours ne demandent à renoncer eux aussi à leurs propres congés payés.

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Avis défavorable. La règle actuelle est que le nombre de jours travaillés ne peut excéder 235 par an, et le projet de loi ne fait que reprendre le droit existant.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CE128 de Mme Marie-Lou Marcel.

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Les conditions de travail des salariés travaillant la nuit ne peuvent être déterminées uniquement par un décret en Conseil d'État. Cet amendement vise donc à intégrer dans la loi les actuelles dispositions du code du travail. Un suivi médical sérieux et effectif de ces salariés est indispensable.

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Ces dispositions figurent en effet dans le code du travail ; elles n'en sont pas moins de nature réglementaire. Il n'y a pas de raison de les hisser au niveau législatif.

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J'entends votre objection, mais en n'écrivant rien dans la loi, nous nous en remettons sans autre forme de précision à la plume du Gouvernement – en qui j'ai naturellement la plus grande confiance, mais celle-ci n'exclut ni le contrôle, ni l'encadrement, sur ce sujet très sensible.

Je ne suis pas signataire de cet amendement, et je ne sais pas s'il faut intégrer l'ensemble de ces dispositions dans la loi, mais le projet actuel est absolument muet.

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Le projet de loi maintient le droit actuel. Il ne faut pas inscrire dans la loi des détails qui seraient par la suite source de contentieux, ou simplement de difficultés matérielles. Ainsi, l'amendement reprend la disposition selon laquelle « un travailleur ne peut être affecté à un poste de nuit que s'il a fait l'objet d'un examen préalable par le médecin du travail » ; or la pénurie de médecins du travail est aujourd'hui criante, disons-le franchement. Une telle disposition, inscrite dans la loi, interdirait à un décret d'ajuster ou d'aménager ces textes.

La loi dispose que « tout travailleur de nuit bénéficie d'une surveillance médicale particulière ». Les conditions d'application de ce principe sont déterminées par décret en Conseil d'État. Il revient ensuite au Gouvernement de choisir des dispositions adaptées à la réalité du terrain.

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À mon sens, le renvoi à un décret alors que le code du travail comporte aujourd'hui des dispositions précises est une régression.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle se saisit de l'amendement CE136 de Mme Marie-Lou Marcel.

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En matière de temps partiel, je considère qu'il est nécessaire de s'entourer d'importantes garanties. C'est pourquoi, dans les entreprises dépourvues d'institutions représentatives du personnel, il me paraît indispensable d'aller au-delà de la simple information prévue et de prévoir un avis de l'inspection du travail.

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Avis défavorable. Si l'avis n'est pas conforme, cela n'apporte rien. Le médecin, informé, est en mesure de réagir s'il le souhaite.

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Demander un avis, c'est signifier que l'on attend une expression de l'inspection du travail à la suite de l'information délivrée. Ce n'est pas la même chose.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine alors l'amendement CE137 de Mme Marie-Lou Marcel.

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Les heures complémentaires des salariés à temps partiel doivent être majorées, comme c'est le cas aujourd'hui, de 25 % pour les huit premières heures et 50 % au-delà. Ces salariés sont fragiles, en termes tant de statut que de rémunération, et 80 % d'entre eux sont des femmes, souvent en situation précaire.

Une majoration de 10 % ne leur permettra pas de sortir de la précarité.

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Avis défavorable. Le projet de loi reprend le droit existant, que je vous propose de conserver.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle se saisit de l'amendement CE51 de Mme Pascale Got.

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Il existe aujourd'hui un contrat de travail intermittent, qui est un contrat à durée indéterminée destiné à pourvoir des emplois permanents mais où alternent, par nature, des périodes travaillées et non travaillées. Grâce à ce contrat, les saisonniers ont l'assurance de retrouver chaque année le même poste ; ils bénéficient dans l'entreprise des mêmes droits que les salariés à temps plein. Ce contrat leur est donc favorable.

Malheureusement, il est trop peu utilisé ; il implique en effet la conclusion d'un accord de branche ou d'entreprise. L'amendement vise donc à permettre à toutes les entreprises d'y avoir recours, même en l'absence d'accord de branche ou d'entreprise, dès lors qu'elles doivent pourvoir des emplois saisonniers.

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Avis favorable. Nous reviendrons sur cette question du travail saisonnier, qui est un sujet important. Les branches concernées sont souvent peu structurées, et les accords qu'elles concluent ne correspondent pas toujours aux besoins des entreprises. Or ce contrat à durée indéterminée destiné aux travailleurs saisonniers est une bonne idée : il me paraît pertinent d'encourager les entreprises à l'utiliser davantage. Celles-ci ont vraiment besoin de stabiliser leurs effectifs, même saisonniers ; c'est vrai dans la viticulture ou dans le tourisme, par exemple. Quant aux salariés, un tel contrat pourrait leur donner des perspectives à long terme, et on sait ce qu'un CDI peut signifier dans les relations avec une banque, ou pour trouver un logement. Il serait dommage que les entreprises n'y aient pas recours.

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Le sujet des saisonniers est ancien ; M. Anicet Le Pors lui avait consacré un rapport en 1999, dans lequel il proposait notamment une reconnaissance de l'ancienneté. Cela avait été l'objet d'un amendement que j'avais eu la chance de faire voter – c'était sous une majorité précédente, qui acceptait parfois quelques amendements.

M. Anicet Le Pors n'avait pas retenu l'idée d'un CDI ; il avait proposé plutôt une sorte de reconduction mécanique des contrats après deux, trois voire quatre années. Si ce contrat ne rencontre pas un succès fou, c'est sans doute aussi parce que le salarié risque de se voir refuser l'indemnisation chômage pendant les périodes où il ne travaille pas.

De plus, vous proposez un contournement de l'accord de branche ; or je défends justement leur primauté.

Je m'abstiendrai cet après-midi, mais j'étudierai de plus près cet amendement, qui nous a été distribué tardivement.

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Je précise que si cet amendement n'a pas été imprimé avec le reste de la liasse, c'est parce qu'il avait d'abord été déclaré irrecevable par le président de la commission des finances. Mais il a bien été déposé dans les délais prévus.

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Je ne vous faisais aucun reproche, madame la présidente.

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Mon amendement s'appuie sur un autre rapport, celui de M. François Nogué, qui porte sur le développement de l'emploi touristique, ainsi que sur les meilleurs moyens d'apporter de plus longues perspectives aux salariés. Ce CDI ouvre de surcroît des droits à formation.

Avec deux CDI de ce type, un salarié retrouve, sous de nombreux aspects, les conditions de travail d'un autre salarié en CDI.

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Je comprends bien l'intention de Mme Pascale Got. Je veux souligner l'existence d'un dispositif inventé par votre majorité, mais en 1985 : les groupements d'employeurs. Ils permettent de déprécariser des travailleurs saisonniers en juxtaposant des périodes de travail dans différentes entreprises. Je suis moi-même président bénévole d'un groupement d'employeurs ; nous avons 70 CDI, et nous avons pu conclure de nouveaux contrats même dans les périodes de crise, en partageant des emplois qualifiés, en mettant bout à bout des emplois saisonniers. J'ajoute qu'un CDI dans un groupement d'employeurs vaut bien plus qu'un CDI dans une entreprise.

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Les groupements d'employeurs sont en effet très intéressants. Mais le mieux n'est pas l'ennemi du bien : la disposition que propose cet amendement – même si, M. André Chassaigne a raison, elle déroge à l'obligation d'un accord de branche – est bénéfique : elle donnera de la visibilité à des salariés saisonniers.

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En effet, l'un n'empêche pas l'autre. De plus, il est difficile de mettre en place des groupements d'employeurs qui réuniraient des entreprises du tourisme littoral et du tourisme en montagne… La coordination est délicate. C'est pourquoi le CDI intermittent est utile pour des TPE ou PME.

La commission adopte l'amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 2 modifié.

Article 10 (art. L. 2232-12, L. 2232-13, L. 2231-7 à L. 2231-9, L. 2242-20, L. 2391-1 et L. 7111-9 du code du travail, art. L. 6524-4 du code des transports) : Généralisation des accords majoritaires d'entreprise

La commission examine d'abord l'amendement CE138 de Mme Marie-Lou Marcel, tendant à supprimer l'article.

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Les dispositions figurant aux articles L. 2232-12 et L. 2232-13 du code du travail sont satisfaisantes et il n'y a pas lieu de les modifier. On ne résoudra pas la crise du syndicalisme en durcissant les critères de représentativité des syndicats. Ces questions doivent faire l'objet d'une vraie concertation avec les organisations syndicales, afin d'en arriver à des propositions réellement consensuelles.

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Avis défavorable, évidemment. L'article 10 est au coeur du projet de loi ; il constitue l'aboutissement logique de la réforme de 2008 qui a modifié la représentativité syndicale. Il faut davantage de participation et de démocratie dans les entreprises, mais aussi dans les branches ; il faut améliorer le dialogue social, et rendre plus représentatives les organisations qui le structurent.

Les accords seront, avec ce projet de loi, réellement majoritaires. Il s'agit d'un réel progrès démocratique qu'il est impératif de conserver. C'est l'âme même de ce texte.

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Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'un progrès démocratique, loin de là. Des organisations représentant plus de 30 % des salariés pourront appeler à un référendum. La belle affaire ! Sous prétexte de démocratie directe dans l'entreprise, on va affaiblir la légitimité syndicale en ouvrant la possibilité de contourner les organisations majoritaires. C'est la porte ouverte à de nombreuses dérives… Un salarié en difficulté, angoissé même, n'est pas forcément en mesure d'émettre un vote objectif. Le pistolet sur la tempe, on peut aller contre ses propres intérêts !

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On connaît cette réalité de la pression qui s'exerce parfois sur les salariés d'une entreprise. Mais il faut comparer ce que propose le projet de loi à ce qui existe aujourd'hui, où la signature d'une organisation syndicale représentant 30 % des salariés suffit à valider un accord d'entreprise. À ceux de nos collègues qui craignent – et c'est un vrai danger, que l'on ne peut pas balayer d'un revers de main – des accords défavorables aux salariés, je fais remarquer qu'une organisation minoritaire, qui serait dans la main du chef d'entreprise, pouvait hier valider un accord ; demain, il faudra pour cela soit une organisation ayant recueilli plus de la moitié des suffrages, soit un référendum demandé par des organisations représentant 30 % des salariés.

Le seuil de 30 % ne permettra donc plus de valider l'accord, mais seulement de provoquer une consultation. On peut être en désaccord ; on peut défendre la position suivant laquelle il faut en rester aux accords de branche en toutes circonstances, ce qui n'est pas mon point de vue. Mais on ne peut pas dire que ce projet de loi est moins favorable aux salariés que l'actuel code du travail.

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Je suis très choqué par l'emploi de l'image du salarié sur lequel l'on pointe un pistolet sur la tempe. Ce sont des expressions qu'il faudrait rayer du vocabulaire si l'on veut débattre sereinement du monde du travail. On pourrait parler de salariés très inquiets du devenir de leurs entreprises… Mais je crois à l'intelligence collective, et si les salariés sont inquiets, le patron l'est sûrement aussi.

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Il faudra, pour valider un accord majoritaire, la signature d'organisations syndicales représentant plus de 50 % des salariés : la règle de l'accord majoritaire, qui existe aujourd'hui dans la fonction publique, est ainsi étendue. C'est un progrès par rapport à notre droit actuel, où des accords peuvent être validés par des organisations représentant 30 % des salariés seulement : on encourage ainsi la discussion et la recherche d'un compromis dans l'entreprise.

Mais cet article ouvre également une possibilité de recours au référendum. Dans la première version du texte, le chef d'entreprise pouvait en décider seul ; désormais, il faut pour l'organiser une demande d'organisations syndicales de salariés représentant plus de 30 % des suffrages. C'est la suite du débat que nous avions l'an dernier sur le travail dominical : le principe, c'était « pas d'accord, pas d'ouverture ». Dans une grande enseigne, un référendum a été organisé pour pousser à la conclusion d'un accord… Aujourd'hui, si les organisations syndicales majoritaires s'opposent à un accord, il n'est simplement pas validé. Avec le projet de loi, un référendum peut valider un accord malgré l'opposition des organisations majoritaires. On imagine alors la pression qui pourra s'exercer sur les salariés – d'autant que ces dispositions ne s'appliqueront pas seulement aux accords de maintien de l'emploi, mais aussi aux accords de développement de l'emploi.

Il est donc délicat de placer le curseur au bon endroit. Si l'on pense, comme Mme la ministre a dit tout à l'heure, que ces référendums ne seront qu'exceptionnels, alors il faut se demander si l'accord majoritaire fonctionnera mieux que la règle actuelle : je rappelle que quelque 35 000 accords d'entreprise sont signés chaque année, y compris par des organisations dont on pense qu'elles y rechignent généralement.

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Toute la question est de savoir quelle considération l'on a pour les organisations syndicales.

Aujourd'hui, la représentativité syndicale se fonde sur le vote des salariés aux élections professionnelles et, si un accord peut être réputé valide lorsqu'il a été signé par un syndicat ayant obtenu 30 % des voix, il ne faut pas oublier qu'il est rejeté si des syndicats ayant obtenu plus de la moitié des suffrages s'y opposent.

Or le texte propose que, désormais, un accord qui n'a été approuvé que par un syndicat représentant 30 % des salariés puisse être validé par la consultation directe des salariés, grâce à un référendum, et ce malgré l'opposition des syndicats majoritaires. C'est un coup assez grave porté aux organisations syndicales, qui risquent de s'en trouver durablement affaiblies. On a pourtant besoin de ces organisations syndicales, qui savent analyser les situations, formuler des propositions et relayer la parole de la majorité des salariés. Cet article ouvre donc, selon moi, la porte à de nombreuses dérives.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE79 de M. André Chassaigne, CE66, CE67, CE68 et CE69 de M. Daniel Goldberg.

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Je suis défavorable à l'amendement de M. André Chassaigne. J'aimerais le convaincre que la participation des salariés n'est pas l'ennemie des organisations représentatives. C'est précisément par l'exercice de la démocratie sociale que l'on peut prendre goût à l'engagement syndical, et la pratique du dialogue social peut faire comprendre aux salariés qu'ils ont besoin des analyses, des conseils et de l'expertise de leurs délégués syndicaux. Encourager la participation par le référendum n'est donc en aucun cas un désaveu des partenaires sociaux.

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L'amendement CE66 propose qu'une organisation syndicale ne puisse, de son seul fait, proposer un référendum, quand bien même elle aurait recueilli 30 % des suffrages. Pour que le référendum ait lieu, deux organisations au moins devront l'avoir proposé.

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Je ne vois pas en quoi deux organisations ayant recueilli chacune 15 % des voix se trouveraient plus légitimes qu'une seule organisation ayant obtenu plus de 30 % des voix pour demander un référendum. Avis défavorable.

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Dans certaines entreprises, les représentants du personnel n'ont pas nécessairement une bonne appréhension des questions qui se posent aux salariés à l'échelle nationale. Puisqu'il s'agit par ce référendum de contourner le résultat des élections professionnelles, il me paraît utile qu'il y ait pluralité des organisations syndicales qui le proposent.

L'amendement CE67, quant à lui, vise à ce que les organisations syndicales susceptibles de demander un référendum destiné à contourner la règle de représentativité aient obtenu au moins 50 % des suffrages aux élections professionnelles. Cela signifie qu'une organisation ayant signé l'accord et une organisation qui reste dans l'expectative peuvent s'entendre pour s'en remettre aux salariés. En effet, les critiques suscitées par la mise en place du référendum se sont beaucoup focalisées sur le fait qu'une organisation ayant obtenu un score de 30 % aux élections professionnelles pouvait décider de s'en remettre au référendum, avec tous les risques de pressions susceptibles de s'exercer sur les représentants ou sur les salariés. L'amendement répond à cette critique, et permettrait sans doute que l'article 10 soit mieux accepté.

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Vous décrivez une situation où les organisations majoritaires et ayant, de ce fait, la capacité de signer un accord, renonceraient à cette prérogative au profit de l'organisation d'un référendum. Cela me laisse dubitatif, et je ne vois pas en quoi cela pourrait renforcer lesdites organisations. Avis défavorable.

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Si je suis opposé au fait que le référendum soit inscrit dans la loi, cela n'empêche pas que, dans les faits, certaines organisations syndicales, même majoritaires, consultent déjà les salariés d'une entreprise. C'est même une pratique relativement courante.

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Il arrive également que des organisations politiques majoritaires au niveau national sollicitent les Français par voie référendaire, sans que cela les prive pour autant du pouvoir de représentation que leur ont conféré les élections.

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Elle ne tiennent d'ailleurs pas forcément compte du résultat !

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Il serait en revanche inimaginable et inacceptable qu'une minorité puisse décider, au niveau local, par exemple, qu'un référendum se tienne pour statuer sur une question qui intéresse la collectivité.

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La comparaison que vient de faire M. Daniel Godberg avec les élus locaux me paraît osée, et il me semble plus productif de comparer ce que propose le texte de loi à ce qui existe déjà.

Aujourd'hui, une organisation syndicale ayant obtenu 30 % des voix peut signer un accord.

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Sauf si des organisations ayant obtenu plus de 50 % des voix s'y opposent.

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Certes, mais cette précision est aujourd'hui sans objet puisqu'il faut désormais être majoritaire pour pouvoir valider un accord.

L'idée est de mettre en place les outils les plus à même de faire vivre le dialogue social et, en l'occurrence, les propositions faites me semblent aller dans un sens propice au développement des organisations syndicales, à qui est conféré un rôle qu'elles n'avaient pas jusqu'alors.

Une organisation ayant obtenu 30 % des voix ne pourra plus valider seule un accord, mais elle pourra décider d'une consultation des salariés, ce qui ne me paraît pas une si grave remise en cause de ce qui existe à l'heure actuelle.

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Il me semblait que ce texte concernait les « nouvelles libertés » concédées aux entreprises, mais de quelles entreprises parle-t-on ? Dans la plupart d'entre elles, représentant 95 % de l'emploi en France, il n'y a pas d'organisations syndicales. D'où le fait que nous nous échinions à vous convaincre qu'il faut des accords d'entreprise. D'ailleurs, je ne suis pas sûr que nos débats soient de nature à rapprocher les salariés des syndicats ; ils y trouveront plutôt la confirmation qu'il est difficile de s'y retrouver, a fortiori lorsque les positions des représentants locaux, régionaux et nationaux sont divergentes.

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Le texte prévoit un protocole établissant les modalités d'organisation du référendum. Nous proposons, par l'amendement CE68, que ce protocole soit adopté six mois avant toute consultation.

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Avis défavorable également. Un délai de six mois me semble démesuré pour établir un protocole concernant l'organisation d'un référendum à l'échelle d'une entreprise, surtout s'il faut tout recommencer, avec un nouveau délai de six mois, en cas d'échec.

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Il s'agit que les entreprises fixent leur protocole avant d'être au pied du mur, face à l'échéance d'un référendum. Je pense qu'il serait préférable, y compris pour les chefs d'entreprise, que les conditions d'organisation du référendum soient négociées à froid. Par ailleurs, ce protocole sera négocié et valable une fois pour toutes.

L'amendement CE69, enfin, tend à ce qu'un accord ne soit valide que si la participation au référendum a regroupé 65 % des salariés, ce qui correspond au taux de participation moyen aux élections professionnelles. Cela me paraît un bon étiage, dans la mesure où la validation de l'accord aura des conséquences sur le contrat de travail des salariés.

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Aucun quorum n'est requis pour l'organisation de ces référendums, même s'il est souhaitable que les salariés se mobilisent fortement à l'occasion d'une consultation de ce type. Seule la règle majoritaire s'applique en l'occurrence. Avis défavorable.

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Je considère qu'un accord d'entreprise exige le vote obligatoire de tous les salariés et une comptabilisation des bulletins blancs, de façon à ce qu'un chef d'entreprise puisse prendre conscience, si ces derniers sont majoritaires, que son projet mérite d'être revu.

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Je tenais à saluer l'exercice sportif de M. Daniel Goldberg, qui mériterait une médaille d'or en aviron, car il « rame » beaucoup pour tenter de rendre ce texte acceptable. Je préfère pour ma part son retrait radical, car je doute que, même amendé, il soit suffisamment digeste pour que nous puissions l'avaler.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est ensuite saisie de l'amendement CE4 de M. Hervé Pellois.

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Le but de cet amendement est de renforcer la légitimité des accords collectifs dans les chambres d'agriculture.

En effet, même si la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a instauré une mesure de la représentativité syndicale, il n'existe pas de règles en matière de capacité à négocier, ni de conditions de validité des accords. Ainsi, actuellement, dans le réseau des chambres d'agriculture, une organisation syndicale non représentative peut être invitée à négocier et peut conclure un accord s'appliquant à tous les salariés. Dans un contexte où les négociations vont être indispensables pour organiser la régionalisation et la modernisation du réseau, il est essentiel de conforter la légitimité des accords collectifs. C'est ce que propose cet amendement en renforçant la majorité nécessaire pour conclure des accords.

La validité d'un accord d'établissement sera ainsi subordonnée désormais à la signature d'une organisation syndicale ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés. Si cette condition n'est pas satisfaite, une organisation ayant recueilli plus de 30 % des suffrages pourra indiquer qu'elle souhaite consulter les salariés par référendum.

Ce renforcement de la légitimité des accords collectifs est nécessaire et ne fait qu'aligner le régime des chambres d'agriculture sur ce qui est prévu par le projet de loi et les dispositions existantes.

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Cet amendement vise à améliorer les conditions du dialogue social dans le réseau des chambres d'agriculture. Il s'agit d'un sujet sur lequel la loi d'avenir pour l'agriculture a déjà permis des avancées importantes en faveur des salariés, en particulier en tentant d'aboutir à une position d'équilibre au regard du statut particulier des salariés du réseau consulaire.

Dans un contexte où les négociations vont être indispensables pour organiser la régionalisation du réseau, je pense comme vous qu'il est essentiel de renforcer la légitimité des accords collectifs par le renforcement de la majorité dite « d'engagement », nécessaire pour conclure les accords. Je suis donc favorable à cet amendement.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle est saisie de l'amendement CE71 de M. Daniel Goldberg.

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Aux termes de l'alinéa 37 de l'article 10, la commission de refondation instituée par l'article 1er du projet de loi doit remettre un rapport au Gouvernement, rapport dont il n'est pas mentionné qu'il doive être présenté au Parlement. Or il semble que les recommandations contenues dans ce rapport soient vouées, à terme, à avoir force de loi, puisqu'elles concerneront au 1er septembre 2019 la totalité des accords collectifs. Cela nécessite, selon moi, que ce rapport soit soumis au Parlement, et c'est l'objet de l'amendement.

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Sur le principe, je ne conteste pas votre proposition, mais sa rédaction mérite d'être revue. Je vois mal en effet comment le Parlement pourrait adopter les conclusions d'un rapport d'une commission d'experts.

Par ailleurs, cet article ne prévoyant pas de loi d'habilitation, on peut supposer que les conclusions de la commission exigeront, pour être mises en pratique, une traduction législative.

Je vous propose donc de retirer l'amendement, afin de le reformuler d'ici l'examen en séance.

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En l'état, je ne pourrai voter un projet de loi instaurant une commission qui reformule le code du travail sans que ses travaux fassent l'objet d'une validation législative. Sans doute est-ce un oubli intervenu entre les deux rédactions du texte.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l'amendement de correction CE70 de M. Daniel Goldberg.

Puis elle en vient à l'amendement CE72 de M. Daniel Goldberg.

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Il s'agit de préciser qu'il ne peut y avoir d'élargissement systématique de la nouvelle règle de validité des accords d'entreprise portant sur la durée du travail, les repos et les congés à l'ensemble des accords collectifs, au plus tard au 1er septembre 2019, et ce sans évaluation préalable du dispositif. Un passage devant le Parlement me semble nécessaire.

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Avis défavorable. Le principe de validation des accords par une majorité de 50% étant posé, il n'y a pas lieu de reporter sine die son application à l'ensemble des accords collectifs.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 10 modifié.

Après l'article 10

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE43 et CE44 de M. Philippe Naillet.

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L'amendement CE43 est relatif à l'application des conventions collectives dans les territoires ultramarins. En effet, l'article 16 de la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, dite « loi Perben », autorise la non-application des conventions collectives nationales sur les territoires ultramarins, dès lors qu'il n'y est pas mentionné explicitement le contraire.

L'intention du législateur était de laisser une plus grande place au dialogue social local, lequel, malheureusement est inexistant : ainsi, à La Réunion, depuis 1994, seules quelques conventions collectives ont été conclues dans les secteurs du commerce et de l'automobile, et une seule convention collective régionale est aujourd'hui d'application effective, celle du bâtiment.

Le présent amendement a donc vocation à supprimer une inégalité manifeste envers les salariés de nos territoires, en modifiant cet article de loi pour que les conventions collectives nationales s'appliquent. Ainsi, les prochaines conventions collectives s'appliqueraient aux outre-mer avec une mise à jour progressive, puisque elles se renégocient obligatoirement tous les ans pour les salaires, tous les trois ans pour l'égalité entre femmes et hommes, les conditions de travail, la gestion prévisionnelle des emplois et l'apprentissage, tous les cinq ans enfin pour les classifications et l'épargne salariale.

Cet amendement prend en compte la situation des entreprises en ce sens que les conventions conclues avant le 1er janvier 2017 devront préciser si elles s'appliquent aux outre-mer. Il n'y aura donc pas de changement brutal.

Je rappelle qu'en 2014, lors d'une visite à La Réunion, M. Michel Sapin, alors ministre du travail, avait déclaré que la situation n'était pas satisfaisante et qu'il était parfois difficile de savoir quelles dispositions s'appliquaient ou non.

L'amendement CE44 est un amendement de repli, qui ouvre plus largement les possibilités de dérogation par des accords locaux en outre-mer et prévoit que les accords locaux déjà existants seront assimilés à des dérogations.

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La question de l'application des conventions collectives outre-mer est en effet un sujet complexe, les réponses pouvant varier selon la nature et le degré de syndicalisation dans les territoires concernés. Le Gouvernement nous a fait savoir qu'il entendait traiter ce sujet dans le cadre de la restructuration des branches. Je vous propose donc de retirer vos amendements pour les redéposer en séance, afin que le Gouvernement puisse y répondre.

Les amendements sont retirés.

La commission examine l'amendement CE147 du rapporteur pour avis.

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Le présent amendement propose que, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, différents canaux de négociation des accords d'entreprise soient ouverts.

Dans les entreprises employant moins de 50 salariés, dépourvues de délégué syndical, et dans lesquelles un procès-verbal a établi l'absence de représentants élus du personnel, les accords d'entreprise ou d'établissement pourront ainsi être négociés, conclus ou révisés par un ou plusieurs salariés élus à cet effet, ces salariés disposant de la capacité, s'ils le souhaitent, d'être mandatés par une organisation syndicale représentative au niveau national ou interprofessionnel.

En l'absence de candidat à l'élection, ces accords d'entreprise ou d'établissement pourront être négociés, conclus et révisés par la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d'un projet d'accord proposé par l'employeur, dans le respect des principes généraux du droit électoral.

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Il s'agit d'un excellent amendement. Il est de nature à rassurer ceux qui expriment leur méfiance vis-à-vis des accords d'entreprise négociés en l'absence de responsables syndicaux, puisqu'il prévoit qu'il ne peuvent être adoptés qu'à la majorité des deux tiers des salariés, et non à la majorité simple comme dans les entreprises de cinquante salariés et plus. C'est donc l'assurance que les salariés ne seront pas piégés.

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Cet amendement qui entend faciliter le dialogue dans les PME de moins de 50 salariés rejoint l'idée d'instaurer un chèque syndical, évoquée il y a quelque temps. Il propose, dans cette perspective, d'habiliter le délégué du personnel à négocier des accords d'entreprise dont la portée est considérable, puisqu'ils s'imposeront au contrat de travail signé précédemment entre le salarié et le chef d'entreprise.

Je sais les difficultés des petites entreprises, dans lesquelles la présence syndicale est faible, mais revenir sur le principe du mandatement revient à contourner la représentation syndicale. Je comprends qu'il s'agit d'éviter que les accords soient négociés entre le chef d'entreprise et un représentant extérieur à l'entreprise, mais il me semble qu'accepter qu'un représentant du personnel non mandaté, et qui n'a pas été élu pour cela, puisse négocier un accord d'entreprise s'éloigne de la philosophie du texte, telle que nous l'a exposée Mme la ministre en début de séance.

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Vous ne pouvez pas ignorer les réalités du terrain. Que se passe-t-il dans les petites entreprises qui doivent se doter d'un comité d'entreprise car elles franchissent le seuil de 50 salariés ? Très souvent, les représentants du personnel au comité d'entreprise sont désignés, dans les faits, par le chef d'entreprise. Vouloir leur confier d'autres pouvoirs que la gestion du comité d'entreprise – mission qu'ils exercent avec beaucoup de bonne volonté et dans le souci de l'intérêt général –, en particulier la signature d'un accord collectif, me semble extrêmement dangereux et porteur de graves risques de dérive.

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Cet amendement doit être lu au regard de la majorité requise pour approuver l'accord. Dans une entreprise de douze salariés, l'accord, qui a été discuté par l'un d'entre eux qui a été désigné ou a bien voulu se proposer, doit encore être ratifié par huit salariés sur douze ! Il me semble que cette précaution garantit un niveau élevé d'adhésion à l'accord proposé et une protection suffisante.

Nous avons déjà eu cette discussion. L'objectif de ces dispositions est de favoriser la participation des salariés et l'« éducation » au dialogue social. Il s'agit de développer dans les PME une pratique du dialogue social qui peut encourager, par ricochet, la syndicalisation.

L'accord d'entreprise s'impose, en effet, au contrat de travail, mais on peut supposer qu'une telle majorité emporte l'approbation de la totalité des membres de l'entreprise.

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Je tiens à rassurer M. André Chassaigne. Cette disposition aura également pour effet d'encourager les patrons de petites entreprises à discuter avec leur personnel et à en faire une habitude, ce qui pourrait les inciter à passer le seuil des 50 salariés plus facilement – à titre personnel, je souhaiterais que ce seuil passe à 100 salariés. Je rappelle qu'il existe en France deux fois plus d'entreprises de 49 salariés que d'entreprises de 51 salariés… Le refus de franchir ce cap est souvent motivé par le saut dans l'inconnu que représente pour les chefs d'entreprise le dialogue social.

Je rappelle également que la relation humaine entre le patron et les salariés dans une PME est autrement plus forte que celle qui prévaut dans les entreprises où l'on arrache la chemise du directeur des ressources humaines…

La commission adopte l'amendement CE147.

Article 11 (art. L. 2254-2 [nouveau], L. 2323-15 et L. 2325-35 du code du travail) : Accords de préservation ou de développement de l'emploi

La commission examine les amendements identiques CE10 de Mme Michèle Bonneton et CE80 de M. André Chassaigne, tendant à supprimer l'article.

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Cet amendement vise à supprimer l'article 11, qui rompt l'équilibre au profit de l'employeur, sans contrepartie suffisante pour les salariés.

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En proposant la suppression de l'article, je rends service à certains de mes collègues socialistes…

Cet article introduit en effet dans le code du travail la possibilité pour les entreprises de recourir à des accords dits « offensifs », qui confortent l'inversion de la hiérarchie des normes en contrevenant notamment au principe de faveur. Ces accords, dont la signature n'est pas subordonnée à l'existence de difficultés économiques, pourront prévoir des dispositions moins favorables aux salariés en matière de rémunération et de temps de travail, qui s'imposeront à eux. J'insiste sur le fait qu'en cas de refus de la modification de son contrat de travail, le salarié sera licencié pour motif personnel.

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Avis défavorable. L'article 11 prévoit la mise en place de nouveaux accords en vue de préserver ou de développer l'emploi, sur le modèle des accords de maintien de l'emploi. À l'heure où notre pays connaît encore un chômage de masse, il serait malvenu de se priver d'un outil permettant d'éviter les licenciements.

Le dispositif proposé est certes imparfait, mais certains amendements visent, à bon escient, à l'encadrer plus précisément.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l'amendement CE57 de Mme Audrey Linkenheld.

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L'amendement vise à limiter à cinq ans la durée d'un accord de préservation ou de développement de l'emploi.

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Cet encadrement dans le temps me semble utile. J'y suis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle en vient à l'amendement CE73 de M. Daniel Goldberg.

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Si chacun comprend à quoi renvoie le maintien de l'emploi, le « développement » de l'emploi, invoqué pour justifier les accords offensifs prévus dans cet article, est une notion floue, à laquelle tout le monde adhère et qui n'engage pas à grand-chose. C'est pourquoi cet amendement tend à la préciser, en imposant dans l'accord la mention du nombre d'emplois créés ainsi qu'un calendrier. L'accord doit comporter des engagements précis de développement de l'emploi de la part de l'employeur, d'autant qu'il emporte des conséquences pour chacun des salariés sur la validité du contrat de travail qu'ils ont signé.

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Avis défavorable. L'exigence que vous proposez d'introduire risque fort de paralyser complètement le dispositif.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE74 de M. Daniel Goldberg et CE139 de Mme Marie-Lou Marcel.

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Lorsqu'un accord de préservation ou de développement de l'emploi est validé, se pose la question du licenciement du salarié qui le refuse.

L'alinéa 5 de l'article 11, que je propose de supprimer, précise que « ce licenciement ne constitue pas un licenciement pour motif économique et repose sur une cause réelle et sérieuse ». Il est ensuite fait référence à la rupture du contrat de travail pour motif personnel.

Or, il me semble que nous sommes précisément dans un cas de licenciement économique. Le licenciement n'est pas lié à une quelconque faute du salarié qui constituerait une cause réelle et sérieuse. Chacun sait, en outre, que le licenciement pour motif économique et le licenciement pour motif personnel n'ont pas les mêmes conséquences.

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L'alinéa 3 de l'article 11 dispose que l'accord « ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié », tandis que l'alinéa 4 précise que le salarié « peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l'application de l'accord ». Or, l'alinéa 5 indique que le licenciement consécutif au refus du salarié « ne constitue pas un licenciement pour motif économique ».

Mon amendement propose une rédaction de l'alinéa 5 plus cohérente avec les deux alinéas qui le précèdent.

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Je suis défavorable aux deux amendements.

Le premier, tel qu'il est rédigé, a pour conséquence de supprimer toute possibilité de licenciement. Quant au second, il aboutit au même résultat en gelant la situation. Il empêche l'employeur de prendre l'initiative d'une rupture du contrat de travail, quel qu'en soit le motif.

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L'accord d'entreprise doit avoir force de loi. Appliquons le principe de subsidiarité. Ne faisons pas à nos entreprises qui créent la richesse dans notre pays ce que nous reprochons souvent à l'Europe : laissons-les décider de leur avenir.

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L'alinéa 5 contredit les alinéas 3 et 4. Dès lors que le salarié « peut refuser la modification de son contrat de travail consécutive à l'application de l'accord », pourquoi son licenciement n'est-il pas considéré comme un licenciement pour motif économique ?

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Il est tout de même curieux qu'un accord censé développer l'emploi puisse aboutir à un licenciement...

Monsieur Jean-Charles Taugourdeau, vous plaidez pour une réglementation au plus près du terrain, mais, si on vous suivait, chaque ville pourrait édicter son propre code de la route !

Mon amendement n'empêche pas le licenciement : il supprime simplement l'exclusion du motif économique et la référence au motif personnel. Si l'entreprise choisit de se réorganiser aux termes d'un accord auquel le salarié ne souhaite pas se conformer, et si le chef d'entreprise considère que ce choix empêche la bonne marche de l'entreprise, le licenciement ne peut pas être fondé sur une faute du salarié.

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Les députés du Front de gauche n'ont pas déposé d'amendements autres que de suppression, car ils se refusent à marchander le niveau de précarité, mais je voterai ces deux amendements.

Avez-vous pensé aux salariés des bassins d'emploi fragiles, sans perspectives d'emploi ? Avez-vous bien mesuré ce que cela représente pour des salariés d'être licenciés pour motif personnel ?

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Je m'associe aux arguments développés par mes collègues, et en ajoute un autre : cet article organise le dumping social sur notre territoire, puisque les conditions de travail pourront être différentes pour les salariés de deux entreprises produisant les mêmes objets. Il crée une distorsion de concurrence que ceux qui érigent la concurrence pure et parfaite en principe quasi sacro-saint ne peuvent pas accepter.

Le salarié qui refuse la modification de son contrat ne commet aucune faute. C'est l'entreprise qui modifie les règles du jeu en cours de route. C'est totalement inacceptable.

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Il est écrit dans le projet de loi : « lorsqu'un accord d'entreprise est conclu ». Or, pour signer un accord, il faut être deux. En outre, l'accord est conclu « en vue de la préservation ou le développement de l'emploi ».

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Ce n'est pas de l'habillage, c'est le droit.

Lorsque les partenaires sociaux dans une entreprise signent un accord, celui-ci s'impose à l'ensemble des composantes, au patron comme aux salariés. Un salarié peut ne pas être satisfait des nouvelles conditions de travail qui en résultent. S'il refuse la modification et si l'employeur décide de rompre le contrat de travail, il n'y a pas matière à justifier un licenciement pour motif économique, puisque l'entreprise ne connaît pas de difficultés économiques.

Chaque salarié est libre de refuser la modification de son contrat de travail s'il considère qu'elle n'est pas adaptée.

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J'entends les explications du rapporteur, mais elles ne me convainquent guère. J'ai lu avec attention l'intitulé du projet de loi. Quelle « nouvelle protection » cet article apporte-t-il aux salariés ? Il me semble qu'en l'espèce il serait plus juste de parler de régression des droits des salariés.

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Monsieur le rapporteur, vous êtes certainement familier du cas de l'entreprise Bosch de Vénissieux, puisqu'elle est située dans votre circonscription. En 2004, 98 % des salariés ont voté en faveur de l'accord signé. Dix-huit salariés l'ont refusé et ont été licenciés. Il serait intéressant de savoir ce qu'ils sont devenus et de quel accompagnement ils ont bénéficié. Malgré les promesses, six ans plus tard, la direction a annoncé un plan social en totale contradiction avec l'accord qui avait été approuvé. Comment dans ce cas peut-on parler de confiance et encourager la mobilisation des salariés ?

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Le vote sur l'accord d'entreprise se déroule à bulletins secrets et non à main levée. Un salarié qui refuse le réaménagement de son poste n'a pas à démissionner : il est licencié, ce qui lui donne des droits à indemnités et au chômage. On ne peut pas mettre en péril une entreprise sous prétexte qu'une minorité refuse l'accord.

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Les salariés en question n'ont pas droit à l'accompagnement prévu pour les licenciements économiques, puisque leur licenciement est considéré comme un licenciement pour motif personnel. C'est très différent.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Puis elle étudie l'amendement CE56 de Mme Audrey Linkenheld.

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Cet amendement permet aux organisations syndicales, dans les entreprises de moins de 50 salariés, de mandater un expert-comptable pour les accompagner dans la négociation.

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Je suis favorable à cet amendement qui participe de l'accompagnement des salariés dans les négociations, particulièrement souhaitable dans les PME.

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Je soutiens cet amendement à la condition que la désignation d'un expert-comptable reste une faculté. La rédaction de l'amendement et celle de l'exposé sommaire me semblent contradictoires.

La commission adopte l'amendement.

Elle est ensuite saisie de l'amendement CE134 de M. Daniel Goldberg.

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Cet amendement impose un bilan annuel des accords de développement de l'emploi. Il prévoit qu'en cas de non-respect des objectifs en matière de création d'emplois, l'accord est caduc.

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Avis défavorable, car il fait écho à un précédent amendement que nous n'avons pas adopté.

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Cela n'empêche pas de l'adopter séparément. Un bilan pourrait être réalisé même si l'accord ne comporte pas d'objectifs précis en termes de création d'emplois. Il pourrait même être un support pour le dialogue social dans l'entreprise. Je crois savoir, Monsieur le rapporteur, que vous avez participé au bilan d'un dispositif qui engage quelques deniers publics…

La commission rejette l'amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 modifié.

Article 12 (art. L. 2122-4, L. 2232-32 à L. 2232-35, L. 2232-36 à L. 2239 [nouveaux], L. 2253-5 et L. 2253-6 [nouveaux] du code du travail) : Sécurisation des accords de groupe et des accords interentreprises

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 12 sans modification.

Article 13 (art. L. 2232-5-1 [nouveau], L. 2232-9 et L. 2261-32 du code du travail) : Missions des branches professionnelles

La commission examine l'amendement CE75 de M. Daniel Goldberg.

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Ayant interrogé Mme la ministre sur ce que l'on appelle l'ordre social conventionnel, j'ai relevé qu'elle souhaitait donner plus de poids aux branches.

Dans cette logique, cet amendement prévoit que la commission paritaire de négociation et d'interprétation peut se saisir de tout accord d'entreprise ou d'établissement de la branche et s'y opposer. Nous renforçons ainsi le respect de la hiérarchie des normes auquel, me semble-t-il, nous sommes tous favorables.

Une branche pourrait ainsi s'opposer à des mécanismes de dumping social en son sein entre des entreprises, voire entre des établissements d'une même entreprise. Il me paraît sain de conforter le rôle de la branche en la matière.

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Je suis défavorable à cet amendement pour des raisons de fond et de forme.

Les accords d'entreprise sont très largement encadrés par les accords de branche et par l'ordre public social. La « corde de rappel » que vous prévoyez me semble donc inutile.

En outre, cet amendement pose une difficulté matérielle : la France compte trois millions d'entreprises – plusieurs centaines de milliers d'entreprises de plus de dix salariés – susceptibles de signer des accords et deux cents branches susceptibles de s'en saisir. Il sera impossible pour une branche de supporter un tel volume de travail. Les conditions matérielles ne sont donc pas réunies, quand bien même le fond serait défendable.

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Le texte est pour le moins flou, quand il n'est pas contradictoire. Comment les accords d'entreprise peuvent-ils ne pas favoriser la concurrence entre les entreprises à l'intérieur d'une même branche ? L'amendement de M. Daniel Goldberg permet d'atténuer cette contradiction.

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Heureusement que les entreprises d'une même branche peuvent se faire concurrence !

Monsieur Daniel Goldberg, vous dites que le respect de la hiérarchie des normes fait consensus ; c'est peut-être vrai entre membres du groupe socialiste, mais pas nécessairement avec nous...

Combien de salariés sont aujourd'hui syndiqués ? Je ne dis pas que les syndicats ne servent à rien, mais ils ne suscitent pas l'enthousiasme des salariés. L'inversion des normes pourrait avoir pour effet de les rendre plus attractifs, puisqu'ils seraient concentrés sur leur coeur de métier, qui est non pas d'organiser la vie dans l'entreprise mais de rendre meilleure la vie des salariés dans l'entreprise. Si nous atteignions un taux de syndicalisation de 50 %, nous aurions tout gagné.

Combien d'emplois avons-nous créé ou empêché de détruire alors que la France compte aujourd'hui six ou sept millions de chômeurs ou de personnes en situation de précarité ?

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Monsieur Jean-Charles Taugourdeau, je vous rejoins pour considérer que tous les acteurs de l'entreprise concourent à sa bonne marche et que les salariés sont intéressés au développement de l'entreprise. Nous pourrions cosigner ensemble une proposition de loi proposant que, comme en Allemagne, les conseils d'administration des grands groupes soit composé pour moitié de salariés.

Pour développer le dialogue social dans les entreprises, la France doit surmonter une culture du conflit de part et d'autre. C'est la raison pour laquelle il importe de trouver les champs de négociation appropriés.

Monsieur le rapporteur, s'agissant des difficultés matérielles que vous avez pointées, je précise que l'intervention de la branche n'est pas automatique pour chaque accord. Celle-ci peut décider de se saisir en cas de dumping social manifeste. J'ajoute que la composition de la commission est paritaire.

M. Jean-Charles Taugourdeau a raison, les entreprises se font concurrence, nous sommes dans une économie de marché, personne ne le conteste, pas même M. André Chassaigne. Ce que nous visons, c'est la concurrence par les conditions de travail des salariés. C'est sur ce point que la branche peut exercer son rôle de régulation.

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Je n'ai sans doute pas été assez explicite, mais je faisais évidemment référence à la concurrence par le dumping social. La concurrence par l'innovation, par exemple, me paraît tout à fait saine dans une économie de marché.

On peut même imaginer que la concurrence se développe entre deux établissements d'une même entreprise. Les branches doivent être mises en mesure de mettre de l'ordre dans cette grande incohérence.

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Madame Michèle Bonneton, votre argumentation est contradictoire. Vous affirmez qu'il serait bon que les branches mettent de l'ordre dans tout cela, mais les accords de branche ont précisément pour objectif de réguler les dispositions applicables aux entreprises. Si la branche pouvait revenir, six mois ou un an après sa signature, sur un accord d'entreprise ratifié par les trois quarts, voire la totalité des salariés, cela entraînerait une forte insécurité juridique pour les entreprises comme pour les salariés. Cette corde de rappel créerait une véritable usine à gaz.

Je confirme mon avis défavorable à cet amendement.

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Je précise que chaque fois que je me prononce en faveur de l'accord d'entreprise, c'est sous réserve du respect des règles d'hygiène et de sécurité. Les entreprises sont soumises à des pointes d'activité, qui exigent qu'elles puissent travailler plus, ce qui ne les empêche nullement de respecter la réglementation.

S'agissant de l'équité dans la concurrence en France, Madame Michèle Bonneton, sachez que certaines entreprises françaises faisant fabriquer 70 % de leur production à l'étranger bénéficient néanmoins du label « entreprise du patrimoine vivant » !

La commission rejette l'amendement CE75.

Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 13 sans modification.

Article 14 (art. L. 2261-32, L. 2261-33 et L. 2261-34 [nouveaux] du code du travail) : Restructuration des branches professionnelles

La commission est saisie de l'amendement CE141 de Mme Marie-Lou Marcel, tendant à supprimer l'article.

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L'article 14 vise à réduire le nombre de branches, ce qui aurait pour conséquence une diminution du nombre d'accords de branche. Or certaines branches, en dépit du faible effectif des entreprises qu'elles comprennent et du nombre limité de salariés qu'elles couvrent, présentent des particularités qui nécessitent de tels accords. Les branches garantissent une régulation des conditions de travail des salariés au sein d'un même secteur d'activité et entre entreprises de toutes tailles. L'accord de branche, comme l'a souligné Mme la ministre, reste le meilleur niveau pour négocier et faire valoir les droits des salariés.

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Nous sommes tous convaincus que la branche est le meilleur niveau pour négocier des accords. S'il est prévu de réduire le nombre de branches, c'est parce que certains secteurs d'activité, trop étroits, ne concernent pas plus d'un millier de salariés, et que certaines branches professionnelles n'ont pas signé d'accord depuis dix ans. Le resserrement prévu à l'article 14 vise à rendre les branches plus actives et plus qualifiées. Il donnera non seulement de la visibilité aux branches, mais aussi de la force aux partenaires sociaux pour négocier des accords couvrant un grand nombre de salariés, susceptibles de se décliner ensuite dans des accords d'entreprise.

Avis défavorable donc.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 14 sans modification.

Article 21 (art. L. 5151-1 à L. 5151-12 [nouveaux], L. 6323-1, L. 6323-2, L. 6323-4, L. 6323-6, L. 6323-7, L. 6323-11-1 [nouveau], L. 6323-24 à L. 6323-31 [nouveaux], L. 6111-6 du code du travail) : Création du compte personnel d'activité

La commission est saisie de l'amendement CE150 du rapporteur pour avis.

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Il y a une vie au-delà de la période d'activité professionnelle. Le compte personnel d'activité (CPA) n'a pas vocation à s'arrêter à la retraite. Il est légitime qu'une personne retraitée effectuant des activités citoyennes ou associatives, puisse capitaliser le fruit de cette activité sur son compte engagement citoyen (CEC). C'est la raison pour laquelle je propose dans cet amendement d'ajouter les personnes ayant fait valoir leurs droits à la retraite parmi les bénéficiaires du compte personnel d'activité.

La commission adopte l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CE149 du rapporteur pour avis.

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Tirant les conséquences de l'adoption de l'amendement précédent, cet amendement précise que le CPA sera fermé à la date du décès de son titulaire.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle étudie, en discussion commune, l'amendement CE148 du rapporteur pour avis et les amendements CE81 et CE82 de M. André Chassaigne.

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Il s'agit d'énumérer les différents comptes qui constituent le compte personnel d'activité et, par cohérence, de renommer le compte engagement citoyen « compte d'engagement citoyen ».

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Si j'avais disposé d'un peu plus de cinq minutes de temps de parole dans la discussion générale, j'aurais pu évoquer cet article 14…

Le compte personnel d'activité est séduisant sur le papier car il attache certains droits au salarié tout en n'étant pas contraignant pour les employeurs. Dans sa définition actuelle, il comprend uniquement le compte de formation qui a remplacé le droit individuel à la formation (DIF), le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte engagement citoyen. Mon amendement vise à ajouter à cette liste le compte épargne-temps (CET), qui permet aux salariés d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération immédiate ou différé en contrepartie de périodes de congés ou de repos non prises. Cela permettrait de donner du corps à ce CPA que mon amendement CE82 prévoit d'étendre, à terme, à l'ensemble des droits qu'il est susceptible de porter.

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Je suis défavorable à l'ajout du CET, non que je m'oppose à son principe mais parce que je considère que la mise en place du CPA est déjà suffisamment complexe. Il faut procéder étape par étape et la prudence impose de le faire d'abord fonctionner avec les trois comptes initialement prévus. Le moment venu, nous pourrons lui adjoindre le CET – et, pourquoi pas, comme le propose votre autre amendement, d'autres droits.

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Autrement dit, vous êtes favorable à mon amendement CE82…

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Non, j'y suis également défavorable car l'on ne sait pas encore bien ce que seront ces nouveaux droits susceptibles d'être fondus dans le CPA.

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Vos explications laborieuses montrent combien est grand le flou qui entoure le CPA, dont vous-même redoutez que la mise en place ne soit pas aisée.

La commission adopte l'amendement CE148.

En conséquence, les amendements CE81 et CE82 tombent.

La commission examine ensuite l'amendement CE157 du rapporteur pour avis.

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Il convient de faire du CPA un tableau de bord des droits du salarié, suffisamment interactif pour que ce dernier puisse effectuer une simulation des droits sociaux, qui lui permette d'opérer des choix professionnels en connaissance de cause. Cela fait partie des dispositifs techniquement simples à mettre en place et plébiscités par les usagers.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle en vient à l'amendement CE158 du rapporteur pour avis.

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Il s'agit d'un amendement de précaution, visant à s'assurer que les documents liés à l'utilisation du compte personnel d'activité feront l'objet d'un service de conservation sécurisé. L'une des ambitions du CPA est en effet d'offrir un service gratuit de coffre-fort numérique. À terme, le titulaire du compte pourra stocker dedans l'ensemble de ses documents administratifs utiles à ses démarches en ligne.

La commission adopte l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement CE159 du rapporteur pour avis.

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Il s'agit de prévoir que ce service sécurisé de conservation garantit l'intégrité, la disponibilité et la confidentialité des documents stockés.

La commission adopte cet amendement.

Puis elle étudie l'amendement CE 152 du rapporteur pour avis.

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La grande diversité et le grand nombre des associations dites d'intérêt général, au sens de la jurisprudence fiscale, rendent très délicate la constitution puis la tenue actualisée d'une liste d'associations comme le prévoit l'alinéa 39. Des centaines de milliers d'associations sont en effet potentiellement concernées.

Pour faire mention de ces associations, j'ai estimé plus pertinent de conserver le champ défini par l'article 74 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

La commission adopte l'amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l'amendement CE153 du rapporteur pour avis et l'amendement CE123 de Mme Michèle Bonneton.

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Le décret mentionné à l'alinéa 41 doit permettre la conversion du temps citoyen en temps de formation, selon une clef qui peut varier en fonction de la nature de l'activité citoyenne. La rédaction actuelle semble indiquer que le temps citoyen, au bout d'une période donnée, permettra l'acquisition d'un forfait de 20 heures de formation.

Les bénéficiaires du compte d'engagement citoyen pourraient souhaiter bénéficier de formations plus courtes, et donc mobiliser plus rapidement leurs points de CEC pour obtenir des heures de formation. Afin d'éviter l'ambiguïté de la rédaction actuelle, il est proposé que le décret fixe une clef de conversion du temps qui garantisse une formation.

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La création de ce compte d'engagement citoyen est tout à fait bienvenue. C'est une reconnaissance pour les personnes qui occupent des responsabilités au sein d'une association et qui y consacrent beaucoup de temps. Nous considérons toutefois que ce forfait de 20 heures est trop limité pour assurer une formation efficace. Nous proposons donc de l'étendre à 40 heures.

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Je vous invite à retirer votre amendement, Madame Michèle Bonneton. Il ne faut pas comprendre la référence au nombre d'heures comme un plafond, mais comme le volume d'heures de formation auquel a accès le salarié s'étant engagé tant d'heures dans une association. Mon amendement permet d'établir une clef de conversion claire entre heures d'engagement et heures de formation.

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Votre système présente certes quelque intérêt, mais reste entouré de flou : qui va dire que telle personne s'est engagée pour tant d'heures ? Et comment se fera la conversion entre nombre d'heures d'engagement et nombre d'heures prescriptibles ?

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L'alinéa 41 modifié par mon amendement serait ainsi rédigé « Un décret définit pour chacune des activités mentionnées la durée nécessaire à l'acquisition d'une heure inscriptible sur le compte personnel de formation. »

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Ce sera source d'incertitude, faute de prévoir comment le nombre d'heures d'engagement sera établi.

La commission adopte l'amendement CE153.

En conséquence, l'amendement CE123 tombe.

La commission examine, en discussion commune, l'amendement CE154 du rapporteur pour avis et l'amendement CE124 de Mme Michèle Bonneton.

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Le dispositif prévu à l'alinéa 46 permet aux employeurs de concéder des jours de congés payés aux salariés pour l'exercice d'activités bénévoles ou de volontariat. Il ne faudrait pas que le recours à cette faculté permette à l'employeur de se substituer à ses obligations en matière de congés de représentation, lesquels constituent bien une forme d'activité bénévole spécifique.

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Cet amendement propose de faire du dispositif proposé une obligation et non une simple possibilité, en remplaçant « a la faculté de » par « doit ». Cela suppose que l'on précise par décret les conditions d'exercice de ce droit.

Rappelons l'importance de l'engagement citoyen. Il permet de créer du lien social en faisant vivre des espaces de rencontre et de parole, plus que jamais nécessaires après les événements dramatiques que nous avons vécus. En outre, il contribue à développer l'activité économique de notre pays, ce dont nous avons grand besoin.

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Les entreprises sont déjà soumises à plusieurs obligations en matière de congés obligatoires de leurs salariés pour des activités personnelles. C'est notamment le cas du congé de représentation auquel je viens de faire référence. Votre amendement, qui ne prévoit aucune indemnisation pour l'employeur, contribuerait à créer une charge supplémentaire pour l'entreprise difficilement justifiable

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N'oublions pas que l'amendement de Mme Michèle Bonneton prévoit qu'un décret vient définir les conditions d'exercice de ce droit.

La commission adopte l'amendement CE154.

En conséquence, l'amendement CE124 tombe.

La commission adopte l'amendement de coordination CE155 du rapporteur pour avis.

Puis elle examine l'amendement CE135 du rapporteur pour avis.

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Il s'agit par cet amendement d'encourager – et non d'obliger – les employeurs à offrir effectivement des jours de congés payés, en reconnaissant que l'usage de cette faculté ouvre droit aux avantages fiscaux du don et du mécénat, donc à une déduction de 66 % des sommes correspondantes.

La commission adopte l'amendement.

Elle examine ensuite l'amendement CE156 du rapporteur pour avis.

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Cet amendement tire les conséquences de l'élargissement du bénéfice du compte personnel d'activité aux personnes retraitées.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle en vient à l'amendement CE151 du rapporteur pour avis.

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La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a permis d'établir que constituent des actions de formation les formations destinées à permettre aux bénévoles associatifs et aux personnes en service civique du mouvement coopératif, associatif ou mutualiste d'acquérir les connaissances nécessaires à l'exercice de leurs responsabilités associatives.

Dans le prolongement de la mise en place du compte d'engagement citoyen, il semble légitime que les personnes qui s'engagent dans des responsabilités associatives ou bénévoles puissent utiliser leurs points de CEC pour bénéficier de formations visant à encourager cet engagement.

Il s'agit donc de prévoir, dans des conditions fixées par décret, que ces formations seront bien accessibles via le compte personnel de formation.

La commission adopte l'amendement.

La commission examine enfin, en discussion commune, les amendements CE25 et CE28 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

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L'amendement CE25 prévoit que tous les salariés en contrat saisonnier bénéficient des mêmes droits que les personnes à temps complet, sans préjudice des abondements complémentaires, comme c'est actuellement le cas pour les saisonniers en contrat de travail intermittent. Il corrige une inégalité du projet de loi : dans la rédaction actuelle de l'article 21, l'alimentation du compte personnel de formation est calculée à due proportion du temps de travail effectué. Il est inutile, selon nous, de pénaliser davantage les travailleurs saisonniers, qui sont souvent des personnes précaires.

Quant à l'amendement CE28, il s'agit d'un amendement de repli.

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La disposition que vous envisagez reviendrait à créer une rupture d'égalité entre salariés. Elle ferait bénéficier du même nombre d'heures de formation des salariés n'ayant pas la même charge de travail.

Je comprends bien le problème que vous voulez résoudre mais il me semble qu'il faudrait l'aborder autrement.

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Je suis d'accord avec les amendements de Madame Pascale Got. Un travailleur saisonnier n'est pas un salarié à temps partiel, c'est un salarié qui travaille le temps d'une saison dans une entreprise qui dépend d'une activité saisonnière. Pour pouvoir payer des salariés permanents tout au long de l'année, il lui faut réussir sa saison, grâce donc au travail de ces saisonniers. Il est normal que ceux-ci bénéficient des mêmes droits que les salariés permanents, au prorata du temps de travail effectué dans l'entreprise.

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J'ajoute que ces dispositions sont cohérentes avec l'amendement sur le contrat de travail intermittent des saisonniers que nous avons adopté. Dès lors qu'ils bénéficient de droits équivalents aux salariés en contrat à durée indéterminée, il faut leur accorder des droits équivalents à ceux des salariés à temps complet pour le compte personnel de formation.

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J'appelle votre attention sur le fait que vos amendements visent à ce que les salariés saisonniers bénéficient des mêmes droits que ceux reconnus aux salariés à temps complet.

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Je sais qu'il existe une volonté d'avancer sur ce sujet de la part du ministère. Je vous propose donc, Madame Pascale Got, de retirer ces amendements afin de les retravailler avec M. le rapporteur et le ministère en vue de les déposer en séance.

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J'accepte de les retirer, madame la présidente.

Les amendements CE25 et CE28 sont retirés.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 21 modifié.

Article 23 (art. L. 5131-3 à L. 5131-7 du code du travail) : Renforcement de l'accompagnement des jeunes vers l'emploi et l'autonomie

La commission est saisie de l'amendement CE160 du rapporteur pour avis.

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Le présent article crée un parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie, qui vient se substituer au contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) et généralise la garantie jeunes.

C'est pourquoi, dans un souci de clarté juridique, il convient de mieux combiner les articles L. 5131-4 et L. 5131-5 du code du travail, de préciser que le parcours contractualisé engage bien le jeune et d'inclure dans l'article L. 5131-5 les dispositions encore utiles mais actuellement mal articulées de l'article L. 5131-6 et, par conséquent, d'abroger ce dernier.

En outre, cet amendement permet d'éviter un effet d'aubaine que la Cour des comptes a identifié dans un rapport récent, qui préconise une durée cible de six mois pour la garantie jeunes.

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Quand j'ai lu l'article 23, ma première réaction a été de me dire que ses rédacteurs inventaient l'eau chaude, dans la mesure où la garantie jeunes existe déjà et est même généralisée dans certaines régions – la région Auvergne l'a ainsi généralisée dès 2016.

L'extension de la garantie jeunes vise une cible de 900 000 jeunes. Nous savons très bien qu'elle en concernera bien moins, du fait de critères liés aux revenus des familles, à la situation par rapport à l'emploi, à l'isolement. Nous savons aussi quelle charge cela impliquera pour les missions locales. Nous savons enfin quel problème de coût elle représente pour le Gouvernement.

Avec votre amendement, Monsieur le rapporteur, vous attiédissez l'eau chaude en prévoyant une dégressivité dans le temps de l'allocation, au prétexte que la Cour des comptes y a vu un effet d'aubaine. Aujourd'hui, la garantie jeunes, qui fait l'objet d'une contractualisation entre le jeune et la mission locale, ouvre droit à une allocation versée pour une durée d'un an. Pour tous ceux qui s'intéressent aux questions d'insertion, pour tous ceux qui sont mobilisés dans les missions locales, il est évident que cette durée d'un an est indispensable pour mettre en oeuvre le parcours d'insertion du jeune.

Une telle disposition, motivée par le fait que l'argent n'est pas rendez-vous, aurait de graves conséquences. Sachez-le, Monsieur le rapporteur.

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Monsieur André Chassaigne, vous vous méprenez sur mes intentions. Le texte prévoit déjà que l'allocation est dégressive.

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Dans son rapport, la Cour des comptes a en effet souligné que la garantie jeunes pouvait donner lieu à un effet d'aubaine. D'autres dispositifs permettent d'aider des jeunes en difficulté et il ne faudrait pas que cette garantie vienne s'y substituer. Elle doit rester dans l'esprit du contrat : l'accompagnement renforcé suppose des étapes au cours desquelles l'allocation peut évoluer.

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Je le répète, ce serait une erreur d'introduire une dégressivité de cette allocation dans le temps.

Vous citez la Cour des comptes dans votre exposé sommaire : « Le maintien d'une dynamique d'accompagnement conduit en effet logiquement à recommander une durée d'accompagnement de l'ordre du semestre, éventuellement renouvelable pour des besoins complémentaires ». Or ce n'est pas le semestre mais l'année qui rend pertinent le parcours construit à travers la garantie jeunes afin que le jeune s'engage dans une formation et trouve éventuellement un emploi.

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Nous parlons bien de la même chose : un semestre éventuellement renouvelable.

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C'est la Cour des comptes qui propose une telle solution, je veux qu'on en reste à un an !

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Il arrive que faire des comptes soit nécessaire.

Le dispositif tel qu'il fonctionne actuellement est fondé sur une période de six mois renouvelable. Pendant cette période, la situation du jeune est susceptible de changer. S'il trouve du travail, par exemple, il perd le bénéfice de la garantie.

La commission adopte l'amendement CE160.

Puis elle en vient à l'amendement CE174.

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Il s'inscrit dans la même logique que le précédent.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CE161 du rapporteur pour avis.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 23 modifié.

Après l'article 23

La commission est saisie de l'amendement CE83 de M. André Chassaigne.

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Cet amendement tend à revaloriser la gratification des stagiaires.

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Il faut rappeler que le niveau de 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale pour déterminer la gratification d'un stagiaire n'est pas un niveau légal : c'est un seuil plancher, et les conventions collectives peuvent librement fixer un niveau de gratification meilleur. Je ne vois donc pas l'intérêt de préciser dans la loi que ce taux est porté à 22 %.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CE14 de M. Jean-Charles Taugourdeau.

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Dans le cadre de ce projet de loi visant à instituer de « nouvelles libertés », mon amendement se veut adapté aux nouvelles technologies. Je propose que l'article L. 5311-1 du code du travail soit complété par sept alinéas ainsi rédigés :

« L'État peut autoriser, à titre expérimental et pour une durée maximale de trois ans, le service public de l'emploi à délivrer gratuitement un pass électronique individuel, appelé pass travail, à toute personne en recherche d'emploi.

« Ce pass permet :

« 1° La gestion par le ou les employeurs des heures travaillées ;

« 2° L'édition du bulletin de paie ;

« 3° La consultation de son compte par le salarié ;

« 4° Le virement automatique du salaire, par le ou les employeurs, sur le compte bancaire du salarié dès le soir même si le temps de travail n'excède pas une journée ;

« 5° L'embauche simultanée du salarié par plusieurs employeurs. »

Cet amendement, qui confère à l'État un droit à l'expérimentation afin de créer un pass travail favorisant la simplification de la gestion par l'employeur des heures travaillées par le salarié, vise plusieurs objectifs.

Tout d'abord, il tend à mettre fin aux contraintes de gestion pesant sur les employeurs, notamment les très petits employeurs La gestion des heures travaillées pèse lourd dans le budget des entreprises. Elle suppose l'embauche de professionnels spécialisés dans la gestion des rémunérations, l'édition des bulletins de paie, les opérations bancaires, etc.

Afin de simplifier la gestion des heures travaillées, tant pour les employeurs que pour les salariés et, de ce fait, relancer l'embauche, cet amendement propose la mise en place d'une carte ou pass travail qui fonctionnerait comme une carte Vitale sur un mode électronique et informatisé, ou totalement dématérialisée sur une application smartphone.

Il vise aussi à redéfinir la notion de travail fondée sur le nombre d'heures travaillées productrices de richesse. Cette carte électronique permettrait de gérer toutes les transactions concernant les heures travaillées par un salarié, et de ce fait, de créer des millions d'heures, non travaillées ou non déclarées à ce jour.

Laissez-moi vous faire une petite simulation qui vous permettra de comprendre l'échelle de grandeur des richesses perdues pour les Français et pour l'État. Si 3 millions de chômeurs réussissaient à valoriser une heure de travail par jour, cela créerait plus de 8 milliards d'euros de pouvoir d'achat et 8 milliards d'euros de cotisations salariales et patronales, en l'état actuel du coût du travail.

L'article 40 de la Constitution nous interdit de créer une dépense pour l'État en tant que législateurs parce que l'on assimile les dépenses que nous votons à des coûts de fonctionnement. Or celle-ci serait une dépense d'investissement permettant de bénéficier d'un fabuleux retour sur investissement. D'ailleurs, Madame la présidente, j'ai été assez surpris de constater que cet amendement ne s'est pas vu opposer l'article 40.

Ce dispositif permettrait aussi de faire une distinction plus nette entre heures travaillées productrices de richesse, heures travaillées consommatrices de richesse et heures assistées. Il participerait ainsi de la redéfinition de la notion de travail en ce sens que la carte favoriserait l'embauche de demandeurs d'emploi, même pour un très petit nombre d'heures de travail.

Il permettrait aussi de fonder cette simplification administrative sur la gestion informatisée des données.

La carte travail – qui pourra être dématérialisée en application pour smartphone – fonctionnerait de façon simple : tout employeur potentiel posséderait un lecteur de carte ou une application sur smartphone capable de lire le quick response code (QR code) de la carte ou sa mémoire. Grâce à sa carte nominative et personnelle, chaque salarié pourrait pointer avant de travailler, puis une fois le travail accompli. Ce pointage constituerait ainsi un acte de déclaration d'embauche automatisé, un virement automatique du salaire le jour même si le travail ne dépassait pas la journée, et un envoi le jour même des cotisations salariales et patronales vers tous les organismes publics et privés concernés.

En même temps, cela peut contribuer à faire sortir nombre de salariés de la précarité. Avec ce système, un salarié peut montrer à son banquier qu'il a fait 1 600 ou 2 000 heures dans l'année, en lui apportant un historique.

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Si votre amendement n'a pas été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, c'est parce que votre dispositif est proposé à titre expérimental – mot magique qui permet d'échapper au couperet.

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Je suis défavorable à cet amendement. Monsieur Jean-Charles Taugourdeau, vous nous invitez à nous projeter loin dans le futur. Je comprends votre idée, mais la mettre en application, même à titre expérimental, nécessiterait de remplir beaucoup de conditions matérielles. Il faudrait notamment que chaque salarié dispose d'un smartphone. Un tel dispositif me paraît extrêmement prématuré, même si nous voyons bien l'avenir qu'il dessine.

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Monsieur le rapporteur, le futur que je vous propose d'atteindre va finir par être dépassé : cette idée, que je promeus depuis 2002, a intéressé plusieurs ministres de l'économie mais ils ne se sont jamais donné les moyens de la mettre en application. Les technologies le permettraient. Pour deux ou trois heures de travail, on n'embauche pas quelqu'un. Si vous allez aider pendant trois heures un ami qui tient un bar, tout le monde est content – il est content de pouvoir satisfaire ses clients ; vous apportez de la valeur ajoutée à l'établissement – mais votre prestation n'est valorisée pour personne.

La commission rejette l'amendement.

Article 24 (art. L. 3243-2 du code du travail) : Dématérialisation du bulletin de paie

La commission adopte successivement l'amendement de précision rédactionnelle CE164 et l'amendement de conséquence CE162 du rapporteur pour avis.

Puis, elle en vient à l'amendement CE163 du rapporteur pour avis.

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Cet amendement organise les modalités selon lesquelles le salarié choisit ou non de disposer de son bulletin de paie sous forme électronique.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 24 modifié.

Avant l'article 25

La commission examine l'amendement CE61 de Mme Audrey Linkenheld.

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Cet amendement concerne les travailleurs qui utilisent une plateforme de mise en relation par voie électronique. Il prévoit d'ajouter un titre sur ces travailleurs dans le code du travail et d'y définir la responsabilité sociale des plateformes afin que les travailleurs bénéficient d'une assurance, d'un droit à la formation professionnelle, à la validation des acquis de l'expérience, à la grève, ainsi que la possibilité de constituer un syndicat.

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J'émets un avis favorable à cet amendement qui s'inscrit dans la continuité du rapport de M. Pascal Terrasse sur une meilleure régulation des plateformes numériques. En revanche, je pense que la rédaction mériterait d'être améliorée de façon à ce que l'on ne crée pas un faisceau d'indices qui pourraient faire glisser progressivement les travailleurs indépendants vers le salariat. En arriver là reviendrait à offrir un terrain de contestation infini à des travailleurs indépendants qui estimeraient relever du salariat – et devoir bénéficier de tous les droits liés à ce statut – compte tenu des attributs de leur contrat. L'amendement répond à une juste préoccupation mais nous devons aussi veiller à ne pas freiner le développement de plateformes utiles.

La commission adopte l'amendement.

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Avant de lever la séance, je vous informe que nous avons examiné 100 amendements et qu'il nous en reste 58.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du lundi 4 avril 2016 à 15 heures

Présents. - M. Philippe Bies, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. André Chassaigne, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Sophie Errante, M. Daniel Goldberg, Mme Pascale Got, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Philippe Naillet, M. Hervé Pellois, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic

Excusés. - Mme Jeanine Dubié, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Thierry Lazaro, M. Kléber Mesquida, Mme Béatrice Santais