La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 809 à l'article 2.
Monsieur le ministre de l'intérieur, c'est presque un amendement de cohérence, en tout cas de cohérence intellectuelle.
Avec ce binôme, vous avez inventé une sorte de mariage électoral hétérosexuel obligatoire, avec divorce immédiat, alors que l'Assemblée nationale, la semaine dernière, a adopté un texte ouvrant le mariage aux couples de même sexe, dit mariage pour tous.
La majorité comme le Gouvernement ont refusé de prendre en compte les arguments que nous développions sur le principe de l'altérité. Si l'on poussait ce raisonnement intellectuel qui est le vôtre et auquel, j'en suis sûr, vous êtes toujours attachés, et au nom du parallélisme des formes, il serait assez cohérent d'instaurer une sorte de « canton pour tous », qui n'interdirait pas à deux hommes ou à deux femmes de se présenter ensemble à une élection départementale. Si c'était impossible, ce serait évidemment une discrimination inacceptable.
Lorsque l'on est législateur, vous nous l'avez rappelé, il faut avoir de la cohérence et une démarche globale. Cette proposition est dans la cohérence du texte précédent.
Nous l'avons bien compris depuis le début du quinquennat, la nouvelle majorité considère la société française par communautés, castes, typologies, clans, auxquels elle souhaite apporter une caution politique en échange d'électeurs.
Cet amendement va au bout de cette réflexion et propose que l'on reconnaisse le citoyen non pas seulement comme une femme ou un homme mais comme une partie d'un ensemble. La société française est morcelée en communautés. Un électeur est aussi un commerçant, un fonctionnaire, un artisan ou un médecin. Pourquoi ne pas tenir compte de toutes ces différences puisque, pour vous, les citoyens français ne sont plus égaux mais appartiennent à différentes communautés que l'on doit considérer en tant que telles.
Nous vous proposons donc, pour aller au bout de votre raisonnement, de diviser la société en plusieurs catégories et, comme l'ont souligné certains de mes collègues, de considérer un citoyen comme un client.
Je ne sais si je dois traiter ces amendements par l'ironie ou parler du droit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous me permettrez, cher collègue, de considérer qu'ils ne sont pas forcément à l'honneur de ceux qui les présentent. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai toute possibilité d'exprimer le sentiment qui est le mien puisque je suis également parlementaire.
Sur le fond, vos propositions n'ont aucun rapport avec la parité, que nous avons l'objectif de mettre en oeuvre. Si l'on regarde sérieusement l'amendement n° 809 , on peut considérer que vous ne le souhaitez pas, ce qui serait finalement assez cohérent avec un certain nombre de vos interventions.
Quant à la représentativité socioprofessionnelle, au-delà du fait que, du point de vue du droit, votre amendement manque singulièrement de précision, votre proposition n'est absolument pas sérieuse.
Il est donc évident que la commission a donné un avis défavorable à ces amendements.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
Vos amendements servent à faire durer le plaisir, mais c'est le droit éminent de tous les parlementaires d'en déposer.
Nous en avions peut-être pris nous-mêmes. Tout tourne, cela peut être long ou court, mais ce n'est pas le sujet.
Le scrutin binominal que nous présentons répond à deux principes qui sont désormais inscrits dans la Constitution, alors que vos amendements sont anticonstitutionnels.
Le premier principe, c'est la parité.
Plusieurs députés du groupe UMP. Et le mariage pour tous ?
Moi, je ne mélange pas tout. Je vous rappelle que vous parlez d'un texte de loi qui a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale et, si j'ai un seul conseil à vous donner, de très loin, c'est de ne pas vous enferrer dans ce débat en décrédibilisant vos arguments et en mettant en cause la parité, ce qui est grave. La parité, vous n'êtes pas d'accord pour l'appliquer, nous le sommes à travers ce texte.
Le second principe, aussi important, même si, encore une fois, nous allons travailler tout au long de ces débats pour que les territoires soient bien représentés, c'est de faire en sorte, pour mettre un terme aux disparités – le rapport entre le canton le moins peuplé et le canton le plus peuplé pouvant atteindre un pour quarante-sept –, qu'un électeur ait une voix, un citoyen ait une voix. C'est donc vous qui, par cet amendement, faites une certaine démonstration de votre conception de la politique en parlant de castes ou en divisant les Français, alors qu'avec le binôme nous nous appuyons sur le principe de l'universalité.
Vos arguments, monsieur le ministre, sont recevables en l'espèce. Nous, nous contestions le fait que le binôme soit la bonne réponse au problème de la parité.
Depuis le début du débat, vous nous répondez qu'il n'y a pas de proposition alternative. Nous vous avons proposé un scrutin proportionnel à l'échelle du département. Vous l'avez récusé. Nous vous avons proposé une dose de proportionnelle, exactement le même système d'ailleurs que celui que vous envisagez pour la représentation législative. Ce qui vaut pour le Parlement ne vaut donc plus pour les départements. Avec une dose de proportionnelle à hauteur de 10 %, on aurait pu faire coïncider l'exigence d'avoir un rapport au territoire et la volonté, que nous partageons, de donner une juste place à la parité. Mais chaque fois que nous vous avons fait des propositions, vous les avez balayées d'un revers de main.
On voit bien que vous êtes totalement déterminés à imposer à la France un binôme, dont nous avons dit depuis le début qu'il conduirait inévitablement à un désordre territorial. Cela créera de la compétition dans les territoires entre ces deux élus. Lorsque nous en parlons avec ceux qui exercent des responsabilités locales, c'est d'ailleurs l'argument qu'ils entendent.
Vous montrez en tout cas que votre projet, c'est de redécouper l'ensemble du paysage électoral français.
Vous avez l'ambition de garder le pouvoir et d'utiliser pour cela tous les moyens électoraux, en modifiant le mode de scrutin sénatorial, en jouant sur la proportionnelle quand cela vous arrange, et en introduisant un nouveau mode de scrutin là où cela vous arrange.
Les Français ne seront pas dupes. Vous pouvez habiller comme vous voulez ce funeste projet. Les territoires ruraux vont mourir, et la parité n'est qu'un faux nez pour ce véritable tripatouillage et charcutage électoral. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'amendement de M. Le Mèner est du même tonneau que ceux dont nous discutons depuis hier. C'est toujours la même rengaine, une forme de défiance à l'égard du système du binôme paritaire.
M. Sauvadet nous parle d'un risque de concurrence entre les conseillers généraux qui seront élus au sein de ce futur binôme.
Plusieurs députés du groupe UMP. Les conseillers départementaux !
Je rappelle simplement que, depuis les derniers renouvellements cantonaux, les conseillers généraux sont déjà élus avec un système de ticket paritaire, avec des suppléants ou des suppléantes.
Là, il y aura deux élus, dans des cantons plus étendus ou plus peuplés. Pour nous, c'est une chance, une opportunité…
…de mieux travailler en équipe. Là où vous voyez de la concurrence, de la compétition, nous voyons de la collaboration, de la coopération, et cela permettra aussi de mieux répartir la charge de travail, mais je comprends que, pour les bancs de la droite, il ne soit pas évident de travailler en équipe entre élus du même bord. Lorsqu'un conseiller général ne pourra être présent, il sera remplacé plus facilement. Les charges de travail seront mieux réparties, et il sera très aisé pour les conseillers généraux qui seront élus de se partager les territoires ou les quartiers des cantons.
Bref, c'est une chance, ce n'est ni une compétition ni une concurrence.
Je suis très attentif à vos propos, monsieur le ministre, notamment lorsque vous parlez de parité. La parité, vous savez, n'est l'apanage de personne, c'est une volonté collective, et je crois que nous la partageons tous. Ne dodelinez pas de la tête, messieurs, vous n'avez pas le monopole de la parité. Vous n'en avez d'ailleurs aucun, si ce n'est celui du tripatouillage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
À propos de la parité, monsieur le ministre, je voudrais vous livrer une réflexion qui m'est venue au moment du dîner, lorsque j'ai pris connaissance dans le détail de l'exposé des motifs et de l'étude d'impact du projet de loi qui a été adopté ce matin en conseil des ministres, portant réforme du mode de scrutin des sénateurs.
Je suis très perplexe de voir que c'est le critère de la parité qui est retenu pour valider l'idée qu'à partir de trois, les sénateurs seront désormais élus à la proportionnelle. Vous ne pouvez ignorer, c'est tout simplement mathématique, que moins il y a de sièges à pourvoir, moins la proportionnelle fonctionne, et moins il y a de parité, car si, dans un département où il y a trois sénateurs à élire, il y a trois ou quatre listes, ce sont les têtes de liste qui seront élues, et votre loi ne prévoit pas qu'elles doivent être réparties en accord entre les listes candidates entre les hommes et les femmes.
Bref, la parité, je veux bien, mais ne la dévoyez pas dans un argumentaire qui n'a comme objectif que de donner du poids à l'urbain par rapport au rural et de défigurer notre pays en abaissant ses territoires.
Je profite de ces amendements pour interroger de nouveau le ministre. Il nous livre un système électoral en première exclusivité mondiale : depuis la création de la démocratie à Athènes, personne n'y avait pensé. Cela mériterait qu'il prenne la peine de répondre aux quelques questions juridiques que nous avons posées en ne se contentant pas du seul mot « parité, parité, parité ».
Quid de l'intelligibilité, pour l'électeur, de ce mode de scrutin ? Comment l'électeur comprendra-t-il qui est son élu ? La question de la responsabilité financière, nous y reviendrons à l'article 8 : elle suffit à montrer que votre binôme ne vole pas. Enfin, la responsabilité de l'élu devant ses électeurs est un principe général du droit électoral : l'électeur doit pouvoir sanctionner l'élu en fin de mandat. Je ne sais pas si c'est un principe à valeur constitutionnelle ; le Conseil constitutionnel n'a jamais eu à trancher cette question car personne n'avait eu jusqu'à présent l'idée si saugrenue d'inventer un binôme, mais il sera amené à se prononcer. Cette responsabilité politique et morale est très importante, et vous y avez vous-même fait allusion, monsieur le ministre, dans votre présentation du texte, en rendant hommage aux élus qui rendent des comptes à ceux qui les élisent. Ce système ne fonctionnera plus avec le binôme puisque celui-ci, candidat unique à une élection, pourra divorcer et se représenter en ordre dispersé. C'est un principe fondateur de notre démocratie, notamment dans le scrutin majoritaire, que vous faites voler en éclats. Cela mériterait un début de réponse de votre part, même très sommaire.
(Les amendements nos 809 et 597 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Cet amendement vise à éviter la surreprésentation d'une commune au sein d'un canton. Si les deux conseillers départementaux sont électeurs tous les deux de la ville la plus peuplée du canton, il y a un risque que les communes les moins peuplées de ce canton ne soient plus représentées au sein de l'assemblée départementale. C'est une façon de vous dire, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que la représentativité doit être préservée, notamment dans le cas des territoires ruraux sous-représentés.
La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l'amendement n° 464 .
Il a le même objet que celui de M. Decool, puisque vous imposez au pays ce binôme que nous contestons avec vigueur. L'un de nos collègues nous a répondu que nous avions déjà un conseiller général et une suppléante, ou l'inverse, mais ce n'est pas un bon argument en faveur du binôme : le conseiller et sa suppléante, je le rappelle, ne siègent pas en même temps.
Par ailleurs, en ce qui concerne la difficulté de travailler, j'ai cru comprendre que vous prépariez une loi sur le non-cumul, auquel vous aspirez tous sans le pratiquer : si vous en aviez voulu, vous auriez déjà choisi le non-cumul dans vos mandats. Cela simplifiera en tout cas le travail pour tous ceux, dont je ne suis pas, qui pensent qu'il est impossible d'exercer un mandat local et un mandat national en même temps.
J'espère, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous serez attentifs à cet amendement. Il convient à tout le moins, dans ces immenses cantons que vous allez créer et qui engloberont parfois plus d'une centaine de communes, qu'en cas de primauté d'une grande ville, les deux membres du binôme ne soient pas issus de la même ville. Cela garantira un peu de représentation territoriale, au sein d'un canton, faute d'avoir pu l'obtenir au niveau d'un département. Vous allez faire mourir les territoires ruraux, vous le savez bien ; qu'au moins une représentation à peu près équilibrée puisse être assurée.
Nous comprenons l'intention des auteurs de ces amendements, qui veulent éviter que les conseillers départementaux représentent uniquement la commune la plus peuplée du canton. Souvent, nous entendons, sur tous les bancs, tel ou tel député dire « dans ma circonscription », « je suis le député de ma circonscription ». Nous sommes des représentants de la nation ; un élu départemental n'est pas le représentant de sa circonscription d'élection seulement ni, a fortiori, de sa commune.
Juridiquement, ces amendements créent une condition d'éligibilité qui restreindrait très fortement la liberté de candidature. À ce titre, je crains qu'ils en soient inconstitutionnels.
Par ailleurs, si l'amendement de M. Decool est précis, je vous ferai remarquer, monsieur Sauvadet, que les termes « issus de communes différentes » sont particulièrement vagues et à ce titre juridiquement irrecevables.
Plusieurs députés du groupe UMP. Vous pouvez rectifier l'amendement !
Qu'est-ce qu'un candidat « issu d'une commune » ? Doit-il y être né, y habiter, y avoir été élu ? La rédaction est perfectible. La commission a repoussé ces deux amendements.
M. Decool et M. Sauvadet enrichissent notre débat et je tiens très sincèrement à les remercier.
Je partage l'avis du rapporteur : la constitutionnalité de ces amendements est douteuse.
Cela me donne l'occasion de répondre à M. Marleix, que je n'ai pas oublié. En ce qui concerne l'intelligibilité du bulletin de vote, j'ai en mémoire une phrase de Michel Rocard,…
…qui, il est vrai, n'a pas toujours été compris. (Rires.)
Il disait que les Français sont d'une intelligence confondante. Je trouve que vous ne faites pas confiance à nos compatriotes. Pourtant, ils ont compris votre conseiller territorial, à la fois conseiller régional et conseiller général dans de nouveaux territoires redécoupés, de même qu'ils ont compris que le conseiller général pouvait avoir un suppléant.
Le bulletin comportera quatre noms, deux titulaires en haut, deux suppléants en bas en caractères réduits, comme cela se pratique pour d'autres scrutins. Ce bulletin sera beaucoup plus simple que ceux utilisés pour des scrutins de liste aux élections municipales et qui peuvent comporter de neuf à soixante-cinq noms.
C'est vrai, monsieur Sauvadet, que nous avons des systèmes différents, mais cela ne date pas d'aujourd'hui. Nos systèmes sont différents pour les élections législatives et cantonales, pour les élections municipales, lesquelles se distinguent des élections régionales mais où la prime est la même… Nous pouvons parfois introduire dans certains scrutins des doses de proportionnelle ou de scrutin majoritaire ; c'est le cas du Sénat, le Conseil constitutionnel ne s'étant jamais prononcé sur ce sujet, et pour cause. Nous avons, oui, des systèmes différents, contrairement à d'autres pays. Peut-être faudra-t-il un jour qu'il n'y ait plus qu'un seul mode de scrutin, mais cela n'a jamais été le choix d'aucune majorité. La cohérence à laquelle certains veulent appeler, ils auraient dû y penser ces dernières années.
Sur la responsabilité financière du candidat, je répondrai plus tard, à l'article 8.
Quant à la responsabilité politique du binôme, les électeurs auront le dernier mot, à chaque échéance électorale. Pour moi, la question ne se pose même pas. Le binôme est responsable devant ses électeurs.
Les deux candidats du binôme porteront ensemble un projet pour leur canton, ils feront campagne ensemble, ils appartiendront à la même majorité ou minorité. Vous connaissez parfaitement la manière dont les choses sont déjà organisées pour les suppléants, et vous l'aviez même théorisé pour le conseiller territorial puisque son suppléant devait avoir des responsabilités de représentation, avec une indemnité. Je ne doute pas un seul instant que les formations politiques ou les candidats eux-mêmes auront l'intelligence d'assurer la meilleure représentation du territoire, l'un maire ici, l'autre adjoint au maire là, avec des expériences différentes. Les problèmes de compréhension et de légitimité que vous posez, de notre point de vue ne se posent pas. C'est pourquoi j'en appelle au rejet de ces deux amendements.
L'amendement de Jean-Pierre Decool est très raisonnable. Comme à son habitude, il l'a argumenté. Il l'a fait en évoquant une pratique que nous connaissons tous et qui consiste à présenter un tandem titulaire-suppléant équilibré : on ne choisit jamais un titulaire et un suppléant dans un même quartier, dans la même commune. Ce qu'il souhaite, c'est, dans les super-cantons que vous allez créer et qui comporteront des chefs-lieux et des petites communes rurales, la garantie que tous les territoires soient représentés, que le binôme ne préempte pas la représentation au futur conseil départemental, la garantie du maximum de représentativité dans ces cantons qui engloberont, on l'a dit, vingt, trente, cinquante communes. Il ne faudrait pas, dans un canton de cinquante communes avec un chef-lieu qui rassemble 20, 30 ou 40 % de l'électorat, que, pendant des années, seules deux personnes représentant ce chef-lieu soient rééligibles parce qu'elles représenteront une majorité du corps électoral.
C'est donc un amendement très raisonnable. Il conviendrait que cette majorité, si souvent sûre d'elle-même mais aussi très souvent divisée, accepte l'idée que l'opposition peut présenter des amendements intelligents qui peuvent améliorer un projet de loi si bizarroïde, plein de nouveautés peu compréhensibles. Nous vous invitons donc, monsieur le ministre, à enrichir ce débat, comme vous l'avez dit, et à accepter l'amendement de M. Decool.
Monsieur le ministre, j'aurais aimé votre concours puisque vous considérez que la rédaction est perfectible. Vous êtes d'ailleurs mieux équipé que nous pour le redécoupage, auquel vous procéderez avec les premiers secrétaires des fédérations du parti socialiste.
J'aurais souhaité que vous nous accompagniez sur ce sujet de la bonne représentativité du binôme. Or nous constatons que vous voulez la concentration des pouvoirs dans les agglomérations des départements, que vous souhaitez également, dans les cantons où prévaudra un déséquilibre territorial, que le facteur démographique l'emporte sur toute autre considération dans l'élection du binôme. Vous êtes logique avec vous-même mais il faudra l'expliquer sur le terrain. Vos amis et vous ne pourrez vous dérober. Je salue toutefois votre constance à ce sujet.
(Les amendements nos 39 et 464 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l'amendement n° 892 .
Le binôme est une très mauvaise solution, dont les nombreux défauts ont été analysés par nos collègues de l'UMP et de l'UDI, unanimes. La sagesse aurait été de le supprimer, mais le dogmatisme a prévalu du côté socialiste, les calculs électoraux aussi, probablement.
Notre amendement vise à corriger un des défauts du binôme. Celui-ci menace en effet le pluralisme politique ; on pourrait même dire qu'il nuit gravement à la santé démocratique.
Contrairement à la pratique habituelle des institutions françaises, la liste de deux candidats n'est pas élue à la proportionnelle mais au scrutin majoritaire. Avec une seule voix d'avance, la liste tout juste majoritaire emporte donc non pas un siège, comme dans toutes les élections instituées dans notre République, mais deux sièges, avec seulement une demi-voix de majorité par candidat élu.
Le binôme au scrutin majoritaire porte une atteinte très grave au pluralisme politique, comme l'ont d'ailleurs dit ici même non seulement les députés de l'opposition, mais également ceux des groupes GDR et écologiste.
Il n'existe pas en France de scrutin plurinominal majoritaire : toute élection de liste en effet, même avec très peu de candidats – comme les élections sénatoriales dans certains départements ou les législatives de 1986 qui ont vu élire deux députés par département –, est organisée au scrutin proportionnel.
Les futures élections départementales ne sauraient donc être les seules à faire élire plusieurs candidats sans scrutin proportionnel.
C'est pourquoi, sans remettre en cause le principe de la double candidature homme femme dans chaque canton, il faut remplacer le scrutin majoritaire à deux tours par un scrutin de liste à un tour à la représentation proportionnelle : tout en assurant la parité, ce mode de scrutin favorisera le pluralisme politique.
Dans le dispositif que nous proposons avec M. Leroy et M. Marleix, l'élection a lieu à la représentation proportionnelle sans panachage ni vote préférentiel ; les sièges sont répartis dans chaque canton, au choix, selon la règle de la plus forte moyenne ou du plus fort reste ; les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation de chaque liste – le second siège étant attribué au candidat du sexe opposé au candidat attributaire du premier siège.
Pour conclure, votre projet de loi crée dans les cantons toutes les conditions d'une rivalité stérile entre deux élus d'un seul territoire, et in fine la pagaille.
Puisqu'il convient d'agir sérieusement sans se prendre au sérieux, si vous refusez mon amendement, vous créez dans chaque nouveau canton une pagaille fratricide ; si vous l'adoptez, vous créez une pagaille pluraliste : que chacun mesure les progrès réalisés.
Je suis un homme d'ordre : avis défavorable.
Je voudrais revenir brièvement sur l'amendement précédent, bien que celui-ci soit du même tonneau, pour reprendre la formule de l'un de nos collègues.
Me voici bien perplexe devant l'argumentaire de notre rapporteur. Alors que l'amendement de M. Decool vise à assurer l'enracinement et la représentation des territoires, celui-ci a eu recours pour s'y opposer, au-delà de la galéjade constitutionnelle – il est facile de mettre, à l'instar de la parité, la Constitution à toutes les sauces –, à l'argument de la non-territorialité, plaidant qu'un élu dans un canton est avant tout un élu du département, tout comme nous ne sommes pas les élus d'une circonscription mais de la nation.
Votre démonstration ne va pas sans se contredire : d'un côté, on nous assure que le binôme vise à la représentation des territoires et que le scrutin majoritaire, qui a depuis quelques temps vos faveurs, permettra de garantir la représentation en toute proximité de nos concitoyens ; d'un autre côté, le même argument est balayé au profit d'un argument généraliste selon lequel l'élu de chaque canton n'est plus un élu de canton mais un élu départemental.
Nous commençons à perdre le peu de latin qui nous restait.
Il ne vous en reste plus beaucoup…
(L'amendement n° 892 n'est pas adopté.)
Dans sa soif d'égalité, le Gouvernement est régulièrement confronté à un problème d'organisation : rien d'étonnant, quand on met tout le monde sur la même ligne.
Pendant le débat sur le mariage pour tous, nous avons vécu des moments épiques, où l'on nous expliquait que le dernier recours pour régler la question des noms de famille serait l'ordre alphabétique ; et le Gouvernement de nous ressortir ce bon vieil ordre pour le scrutin binominal.
Une remarque juridique tout d'abord : ce n'est pas du ressort de la loi de présenter des noms. Si nous continuons ainsi, le législateur passera de longues séances à définir la police qui sera utilisée, la taille des caractères ou la couleur du billet.
Ensuite, ce système est inégalitaire, puisque les Aubert passeront toujours avant les Valls. Avouez tout de même, monsieur le ministre, que ce ne serait pas chouette.
Plusieurs députés du groupe SRC. Ridicule !
Je suis pour l'égalité véritable, dans laquelle un Valls pourrait passer parfois devant un Aubert.
Enfin, nous débattons d'un scrutin politique : aussi l'un des deux candidats peut-il être plus connu que l'autre. Il serait dans ce cas légitime, pour tenter de remporter l'élection, de vouloir mettre son nom en avant.
Ces bulletins vont poser de vrais problèmes, puisque deux ou trois cantons vont fusionner. Nous pourrons y lire par exemple : canton de Mormoiron-Sault-Apt-Gordes suivi par les deux noms des candidats dans l'ordre alphabétique puis par ceux des deux suppléants. Voilà qui s'annonce difficile à comprendre pour nos concitoyens.
Nous avons eu ce débat en commission, puisque cette proposition a été introduite suite à l'adoption d'un amendement rédigé à l'initiative de la délégation aux droits des femmes, dont vous n'avez cessé depuis le début de ce débat de nous vanter les mérites.
Vous noterez, monsieur Aubert, que cette disposition n'était pas dirigée contre vous.
À partir du moment où le binôme est solidaire et dépourvu de hiérarchie, la question de savoir dans quel ordre les noms des candidats doivent être présentés ne se pose plus. En outre, les noms apparaîtront sur la même ligne.
C'est pourquoi la commission a donné un avis défavorable.
Au nom de quoi ne pourrions-nous pas choisir l'ordre de priorité sur le bulletin de vote ? Un bulletin de vote est riche de significations : il est quasiment une oeuvre d'art (Rires sur les bancs du groupe SRC) lorsque l'on sait tous les choix de composition qui sont faits – place du logo, couleur, taille du caractère... Nous voici privés de la liberté de choisir de placer en tête le nom du candidat le plus ancien ou du sortant. De plus, doit-on choisir le nom de jeune fille ou le nom de femme mariée ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce sont des détails qu'il faut nous donner.
Par ailleurs, cet article du code électoral est mal rédigé, car vous devriez aussi préciser la taille des caractères. Si l'on veut en effet que l'un prenne le pas sur l'autre, malgré la neutralité de l'ordre alphabétique, rien ne nous empêchera d'écrire son nom en plus gros, afin de souligner son importance dans le tandem.
Si vous aspirez à une neutralité complète, supprimez donc le « il » et le « elle » et trouvez un troisième pronom, équivalent au neutre allemand. Pourquoi ne pas saisir l'Académie française afin de créer un pronom neutre dans la langue française ?
Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !
Monsieur Le Mèner, veuillez m'excuser de ne pas vous avoir donné la parole pour défendre l'amendement identique n° 806 .
Rappelons simplement que les dispositions relatives à l'organisation des conseillers départementaux relèvent du domaine réglementaire : c'est pourquoi nous proposons de supprimer la fin de l'alinéa 2.
Quel éternel débat que cette tyrannie du A, ou tout du moins de l'ordre alphabétique !
Cela pose nombre de questions. Ne faudrait-il pas sous-amender cet amendement et proposer la création d'une commission qui, avant chaque opération électorale, tirerait au sort l'une des vingt-six lettres de l'alphabet, à partir de laquelle partirait l'ordre alphabétique ?
D'ailleurs, à une époque, il était procédé à ce tirage au sort d'une lettre, lorsqu'il y avait des scrutins publics à la tribune de l'Assemblée nationale.
Cette proposition est raisonnable, afin de montrer par l'absurde que le choix de l'ordre alphabétique est parfaitement anachronique. Soit, monsieur le président Accoyer, nous comprenons votre parti pris dans ce débat, mais il serait tout de même plus sage de laisser aux candidats la liberté de composer leur bulletin.
(Les amendements identiques nos 598 et 806 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l'amendement n° 728 .
Plusieurs députés du groupe SRC. Un peu ?
À l'article 2 de sa grande réforme électorale, le Gouvernement propose de bien préciser que, sur les bulletins de vote, les noms sont présentés dans l'ordre alphabétique.
En principe, nous ne devrions pas consacrer des heures à cette question, si vous acceptiez le bon sens.
Le bon sens, c'est cet amendement que présente François de Mazières. Il suffit en réalité de faire confiance à la bonne volonté et à l'intelligence des candidats qui, d'un commun accord, déclareraient à la préfecture l'ordre convenable.
Il n'y a aucune raison pour que le Gouvernement s'y oppose. Quel argument idéologique, pratique ou juridique justifierait un refus ? Pourquoi les candidats ne pourraient-ils pas choisir l'ordre dans lequel ils souhaitent se présenter librement aux électeurs ?
Cela n'insulte personne, ne va à l'encontre ni des droits des hommes et des femmes, ni d'aucun principe : il s'agit là d'une question de bon sens.
Monsieur le rapporteur a déjà donné une réponse satisfaisante à vos interrogations, monsieur Larrivé, mais vous faites semblant de ne pas comprendre.
Vous parlez d'absurdité, quand nous sommes tous assis paisiblement, pendant des heures, que mille amendements nous attendent…
Cette disposition proposée par la délégation aux droits des femmes, vise à éviter que le nom d'un candidat soit mis en avant. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez le droit de ne pas être d'accord avec le principe du binôme, mais nous considérons que le binôme est égalitaire, ce que vient conforter le recours à l'ordre alphabétique. J'espère que vous avez compris cette intention.
Je me rallie à cet amendement. Vous comprenez : je n'ai pas la chance, comme Bernard Accoyer, d'avoir un nom qui commence par A, mais par T, ce qui m'a valu d'être toujours en fin de liste ; qui plus est, parce que je suis grand, on m'a toujours placé à l'arrière. Je ne vois vraiment pas ce qui justifie un critère alphabétique, tout aussi arbitraire que le serait un critère de taille. L'amendement n° 728 , qui vise à laisser les candidats trouver une solution entre eux, me paraît donc de bon sens.
(L'amendement n° 728 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 40 .
Chacun conviendra que le binôme paritaire ne fait pas l'unanimité, et que nous nous évertuons à vous proposer de nombreuses variantes de propositions afin de vous convaincre. J'ai fini par comprendre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que vous étiez déterminés, voire jusqu'au-boutistes. Aussi, je veux vous proposer un amendement qui pourrait sauver la mise en oeuvre de votre proposition. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Dans mon arrondissement, des schémas montrant ce que pourrait donner l'application de votre projet sont sortis dans la presse, avant même que nous n'ayons fini de débattre – sans doute y a-t-il eu des fuites. Ces schémas m'ont inspiré l'amendement n° 40 , qui vise à ce que, dans chaque canton, dans le cadre du scrutin binominal paritaire, il soit créé deux sections. Chacune des sections pourrait être dédiée à l'un des deux candidats du binôme élus, ce qui permettrait de répondre à deux questions essentielles. Premièrement, à la question de la représentativité : quand des cantons représenteront 40 kilomètres sur 40, on pourra mieux se repérer géographiquement et proposer une forme de territoire. Deuxièmement, à la question de la lisibilité : comme je l'ai dit hier, le conseiller général est parfois la soupape de sécurité, l'homme que l'on va voir parce que l'on sait qu'il saura écouter – je ne veux pas dire que ce n'est pas le cas des parlementaires – et, à ce titre, il constitue souvent un recours indispensable pour les gens modestes.
Cette proposition peut sauver la mise en oeuvre de votre dispositif, monsieur le ministre. Tout à l'heure, vous nous avez remerciés, François Sauvadet et moi-même. Avec l'amendement n° 40 , je vous fournis une nouvelle occasion de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mon cher collègue, vous nous accusez d'être jusqu'au-boutistes, ce qui n'est pas le cas. (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP.) En réalité, nous proposons un texte adopté en commission, et que nous défendons.
Vous êtes contre, ce qui est votre droit le plus total, et vous proposez une multitude d'amendements – très inventifs, je vous le concède. Pour ma part, je n'irai pas jusqu'à dire que vous êtes jusqu'au-boutistes : je reconnais votre droit à défendre votre position.
L'idée d'un canton scindé en deux, que l'on retrouve dans plusieurs de vos amendements, revient à rejeter l'ensemble de la réforme proposée (« Non, à l'améliorer ! » sur les bancs du groupe UMP). Certes, cette proposition est cohérente avec votre volonté de conserver le statu quo, car réduire de moitié le nombre de cantons pour créer ensuite deux sections à l'intérieur de chaque canton, élisant chacune un conseiller départemental, revient à reproduire purement et simplement le système existant – à la seule différence que les cantons actuels, une fois redécoupés, s'appelleraient des sections.
Ce système ne permettrait pas de satisfaire l'objectif de parité hommes-femmes, à moins que l'on n'interdise, dans chaque section, que ne se présentent des candidats de l'un ou l'autre sexe, ce qui serait contraire au principe de liberté de candidature. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous remercie, monsieur Decool, car si vous me dites que vous allez finalement voter pour le scrutin binominal, tous les espoirs sont permis ! Je vais attendre de voir comment vous allez évoluer, et peut-être nous retrouverons-nous.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour l'esprit constructif dont vous faites preuve, qui montre que l'idée du scrutin binominal, que vous proposez d'amender, vous convainc peu à peu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous nous dites qu'il y a différentes propositions relatives au mode de scrutin mais, pour ma part, je constate qu'il n'y a pas, parmi ces propositions, de réelle alternative au scrutin binominal. Vous nous proposez le scrutin proportionnel, la proportionnelle dans le canton, la scission en deux du canton binominal, mais rien, je le répète, qui constitue une alternative à notre projet.
L'objet du présent texte est de prévoir la solidarité des deux candidats du binôme devant le suffrage et au sein même de ce binôme. En prévoyant un territoire distinct pour chacun des membres du binôme, avec une section pour l'homme, une autre pour la femme, votre amendement remet en question ce principe de solidarité. Pour ma part, je fais confiance à ceux qui vont former le binôme pour trouver la meilleure représentation du territoire sur le canton et bénéficier ainsi de la confiance des électeurs.
Ce que vous venez de rappeler, monsieur le ministre, m'amène à vous dire que l'amendement très sage de notre collègue Decool vous serait utile. Comme chacun pourra le vérifier dans le compte rendu, vous avez dit que, dans les faits, il y aurait bien le maire, puis l'adjoint au maire – en fait le maire d'une commune et l'adjoint au maire d'une autre commune. En tenant compte de l'application du principe de parité au binôme, il y aura Mme le maire et M. l'adjoint au maire, ou M. le maire et Mme l'adjointe au maire.
De fait, vous inscrivez dans l'esprit de la loi la nécessité qu'il y ait, dans les nouveaux cantons, une représentation géographique appropriée, adaptée de surcroît à l'accord qui aura pu être passé lors de la constitution du binôme. L'amendement n° 40 va tout à fait dans votre sens et, dans la mesure où il permet de rapprocher les points de vue, il me semble que son adoption ne peut qu'être utile. En parfaite cohérence avec ce que vous avez dit et répété, monsieur le ministre, vous devriez donner un avis favorable.
Monsieur le ministre, si j'ai salué tout à l'heure votre cohérence, je veux maintenant souligner l'ambiguïté de votre attitude : dans ce débat, vous êtes vraiment le prince de l'ambiguïté ! (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Vous prétendez être pour l'ancrage territorial mais, lorsqu'on vous propose de territorialiser les élus locaux composant le binôme, en posant le principe que chacun représentera un territoire, vous précisez que vous êtes en fait pour la territorialisation du binôme, et que vous ne souhaitez pas un ancrage accru des représentants sur le territoire – ce qui paraît difficilement explicable.
Par ailleurs, vous affirmez qu'il n'y a pas d'alternative à votre projet, mais s'il n'y a pas de propositions, c'est bien parce que vous les balayez, les unes après les autres, d'un revers de main ! Vous vous défendez de faire preuve d'entêtement : selon vous, il n'y a pas d'autre solution que celle que vous soutenez. Si votre solution est vraiment la solution miracle, comment expliquez-vous que le Sénat, qui représente les collectivités territoriales, et où siège actuellement une majorité de gauche, ait renoncé à cet hybride que vous présentez comme une solution incontournable, hors de laquelle il serait impossible de concilier les principes d'ancrage territorial et de parité, auxquels nous sommes attachés ?
Quand vous dites, monsieur le rapporteur, que l'amendement n° 40 est contraire à la liberté de choix, pensez-vous que le binôme respecte cette liberté de choix, en imposant la présence conjointe d'un homme et d'une femme ? Lorsque nous disons que cet homme et cette femme doivent être ancrés territorialement, nous soutenons l'ambition que vous affichiez initialement…
…et à laquelle vous semblez avoir renoncé.
On voit bien que vous voulez passer en force sur un sujet auquel nous essayons d'apporter des solutions territoriales. Votre volonté, clairement politique et électoraliste, vise tout simplement à renforcer votre position dans la carte électorale française, ce que vous devrez assumer devant les Français. Je vous le dis, vous ne pourrez rester éternellement dans l'ambiguïté : quand le moment sera venu de mettre en oeuvre votre projet, chacun d'entre vous devra l'expliquer sur le terrain.
Monsieur le ministre, je veux vous expliquer de façon plus approfondie l'esprit de ma proposition. Il ne s'agit pas de diviser le canton, mais de procéder à une partition afin d'aider à la mise en oeuvre de votre réforme.
Quel est le rôle d'un conseiller général ? Il lui revient, notamment, de siéger au sein du conseil d'administration des collèges et des maisons de retraite. À cet égard, pouvoir déterminer qui va siéger au sein de tel ou tel établissement est d'une grande utilité. Au demeurant, dans une tradition de courtoisie républicaine, chacun des deux membres du binôme paritaire pourra toujours représenter le canton. Notre amendement, qui va dans le sens de l'assouplissement, témoigne des efforts importants que nous accomplissons pour adapter votre réforme au terrain et, ce faisant, la rendre applicable. C'est le langage de la vérité que nous parlons : sachez l'entendre.
La parole est à M. Christian Jacob ; c'est bien parce que vous êtes président de groupe, monsieur Jacob, car vous êtes le troisième député du groupe UMP à intervenir sur le même amendement.
Je sais bien que vous êtes toujours ravie de nous entendre, madame la présidente, c'est pourquoi j'ai demandé la parole (Sourires), mais aussi pour soutenir l'amendement de notre collègue Decool.
Monsieur le ministre, il est faux d'affirmer que nous n'avons pas de projet alternatif à proposer. Cependant, si la parité est nécessaire et doit progresser, car nous avons beaucoup de retard en la matière, on ne peut regarder l'organisation des territoires uniquement à travers le prisme de la parité. Comme vient de le dire Jean-Pierre Decool, il y a, notamment dans les secteurs ruraux, de nombreuses spécificités liées par exemple au transport, à la petite enfance, à l'accès à la culture.
Il y a aujourd'hui des particularités et des spécificités qui ne pourront plus, à terme, être défendues à l'échelle du département, parce que votre découpage renforce les zones urbaines au détriment des zones rurales. Ce que propose notre collègue Decool, ce n'est pas de remettre en cause votre projet, mais simplement d'organiser le territoire au sein des cantons que vous découpez, ce qui permet d'avoir des élus porteurs de projets.
Notre projet alternatif était celui du conseiller territorial, qui reposait sur une réorganisation complète évitant les doublons d'exécutif. Il permettait d'éviter, par exemple, que les collèges et les lycées ne relèvent de la même compétence. Il aurait également été utile dans le cadre des contrats ruraux – que M. le rapporteur connaît bien – impliquant la région, avec un double financement provenant à la fois de la région et du département.
Je le répète, nous avions une solution alternative permettant une bien meilleure organisation des territoires. À défaut, nous pouvons encore tenter d'améliorer votre réforme, comme le fait l'amendement de notre collègue Decool, qui ne remet pas en cause votre projet. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 40 n'est pas adopté.)
L'amendement n° 596 a pour objet de veiller à ce que les membres d'un binôme ne soient ni ascendants, ni descendants, ni conjoints, ni partenaires d'un même pacte civil de solidarité. Si vous voulez la parité, monsieur le ministre, c'est pour pallier le manque de femmes dans les conseils généraux. L'idée est donc bien de renouveler le personnel politique actuel. Mais pensez-vous que ce soit un progrès, si je sponsorise ma femme ou ma fille au sein du conseil général ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Allons, mes chers collègues ! Seul M. Aubert, qui a beaucoup d'amendements à présenter, a la parole.
J'ai l'impression que nous avons encore une collègue qui n'a rien compris ! Je vous repose la question, chère collègue : verriez-vous un progrès dans le fait que je profite de la loi qui va être votée pour faire entrer ma femme ou ma fille au conseil général ? Est-ce là le renouvellement que vous appelez de vos voeux ? Bien évidemment, ce serait une perversion de l'esprit de la loi.
Si vous voulez mettre en cause un collègue, vous feriez mieux de lui envoyer un mail ou un tweet – en tout état de cause, il est lâche de s'en prendre à quelqu'un qui, du fait de son absence, ne peut se défendre.
Ce serait une perversion de l'esprit de la loi, disais-je, car celle-ci vise à faire entrer de nouvelles femmes au sein des conseils généraux, dont il s'agit de renouveler les élus, et non à permettre à un conseiller en place d'utiliser sa position politique pour faire élire un membre de sa famille !
Veuillez conclure, monsieur Aubert : ce que vous voulez dire est très clair !
…c'est une pratique qui se développe de plus en plus dans la vie politique moderne et sur laquelle j'appelle votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais d'abord remercier M. Aubert du bel hommage qu'il vient de rendre à l'objectif du Gouvernement et de la majorité de renouveler par le biais de l'instauration du binôme le personnel politique des futurs conseils départementaux.
Cet amendement renvoie à six autres amendements – les amendements nos 818 , 72 , 19 , 886 , 48 et 422 …
…qui seront examinés au moment de la discussion de l'article 8. Je vous propose donc que nous examinions les questions – légitimes – relatives à la famille et à la filiation à l'intérieur des binômes à ce moment-là. À ce stade de la discussion, si vous ne retirez pas votre amendement, je lui donne un avis défavorable,…
La parole est à M. Julien Aubert…pardon, à M. Marc Le Fur. Monsieur Aubert, vous aurez l'occasion de reprendre la parole, car environ dix-huit amendements que vous avez signés arrivent en discussion.
Monsieur Le Fur, vous renoncez à la parole ?
Que venez-vous de faire, madame la présidente ? Il faut cesser, maintenant !
Cela fait deux fois que vous ne me permettez pas de m'exprimer ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Chers collègues, quand je signe un amendement, je veux le défendre, sans cela je ferais autre chose.
Ayant entendu les propos du rapporteur,…
Monsieur Aubert, pouvez-vous préciser vos propos ? Qui vous a refusé la parole ?
À quel moment ? Pour présenter un amendement dont vous étiez signataire ?
Tout à l'heure, pour le premier amendement, vous avez appelé un cosignataire alors que j'étais dans l'hémicycle.
Mais tous les cosignataires d'un amendement peuvent le présenter, monsieur Aubert.
Lorsque le premier signataire est en séance, c'est lui qui est appelé, madame la présidente.
Oui, quand l'auteur de l'amendement est dans l'hémicycle, madame la présidente, il est de coutume de l'appeler, et non de donner la parole à l'un des cosignataires.
Non, cette coutume n'existe pas, monsieur Aubert. Quand vous serez président de l'Assemblée nationale, peut-être instaurerez-vous des coutumes privant de la parole un certain nombre de nos collègues et ne donnant la parole qu'au premier signataire des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) En revanche, il est actuellement de coutume de permettre à une multitude de collègues de s'exprimer sur des sujets qui nous occupent tous.
Vous avez la parole parce que je vous la donne, monsieur Aubert.
Je ne vois pas l'utilité de signer des amendements, dans ce cas.
Je retire donc mon amendement, puisque j'ai bien compris qu'il y aurait un débat ultérieurement, et que le rapporteur a saisi l'importance des arguments qui ont été développés.
(L'amendement n° 596 est retiré.)
…572, 571, 570, 565, 563, 557, 569, 562 et 566, dont les exposés sommaires sont sensiblement analogues. Naturellement, je ne vous demanderai pas de les présenter simultanément en seulement deux minutes ; je vous propose de vous laisser le temps nécessaire pour développer l'essentiel de vos arguments sur tous ces amendements. Êtes-vous d'accord, monsieur Aubert ?
Alternativement ! Un de mes cosignataires peut prendre la parole à ma place, si j'ai bien compris le règlement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
Venez-en à votre amendement. Vous avez déjà utilisé 9 secondes du temps qui vous est imparti.
Monsieur le ministre, nous touchons ici à un point essentiel, parce que l'idée d'un binôme – mettons pour l'instant la parité de côté, si vous le voulez bien –, le fait d'avoir deux candidats pour une même circonscription est à mon avis une perversion de la démocratie représentative. Pourquoi ? Parce que l'élu est la représentation d'un corps non pas biologique ou social, mais politique, c'est-à-dire que chacun de nous ici est de manière un peu transcendante le représentant d'une partie de la nation, pour soutenir l'amendement n°567 .
M. Julien Aubert.
L'idée sous-jacente au système du binôme est que pour représenter les hommes il faut un homme et que pour représenter les femmes il faut une femme. Or les hommes et les femmes assis dans cet hémicycle représentent tous indifféremment des hommes et des femmes. Ce que vous proposez est à mes yeux un mélange entre le scrutin de liste – par lequel l'élu représente la diversité du corps politique, ce qui vous autorise d'ailleurs à effectuer des répartitions – et le scrutin uninominal, par lequel les électeurs concernés sont représentés par un seul individu. Mais ce n'est pas la taille, le nom ou le genre de ce dernier qui importent ; ce qui importe, ce sont les idées qu'il défend et le fait qu'il est réputé représenter un corps politique plus large que celui qui l'a élu.
C'est la raison pour laquelle, par ce premier amendement, je m'oppose à la conception de la représentativité que vous souhaitez introduire, monsieur le ministre. L'application d'un quota par genre découlant logiquement de l'idée d'une représentation du corps social, d'autres éléments de la représentativité sociale d'un conseil général ou de cet hémicycle, par exemple, doivent être pris en compte si on veut aller au bout du raisonnement, car ils font défaut. On souligne notamment très souvent le fait que les entrepreneurs du secteur privé sont sous-représentés parmi les élus. Tel est l'objet de cet amendement.
La parole est à Mme la rapporteure de la délégation aux droits des femmes.
Monsieur Aubert, je parlais hier de sexisme et je crois que nous sommes ici au coeur du problème, puisque cette série d'amendements ne vise à rien d'autre qu'à démontrer l'absurdité du principe même de parité qui, je vous le rappelle, a valeur constitutionnelle.
En assimilant la parité à un quota qui aurait pour seul objet une représentation sociale des femmes et des hommes, vous feignez en effet de méconnaître l'ensemble des débats politiques et juridiques sur lesquels se fonde depuis treize ans le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. En inscrivant ce principe à l'article 1er de notre Constitution, nous avons mis fin à une conception abstraite et asexuée du citoyen, qui finit toujours en réalité par se conjuguer au masculin. Notre Constitution reconnaît en tout cas la dualité du citoyen et la légitimité de la représentation de celui-ci par celle-là. Les sexes, en effet, ne comptent pas des catégories de population mais sont constitutifs de l'existence même de celles-ci et en transcendent toutes les catégories.
C'est ce que nous avons dit pendant la discussion sur le mariage pour tous !
Monsieur Accoyer, je ne représente pas davantage les femmes que vous ne représentez les hommes. Nous représentons tous l'ensemble des Français, à qui notre Constitution reconnaît le droit d'être représentés à parité, je vous le rappelle. Ce droit s'exerce notamment aux élections municipales, régionales, sénatoriales et européennes. Et cet article n'a pas d'autre objectif que d'attribuer à nos citoyens le droit à une représentation paritaire pour les élections départementales.
Je conclurai simplement en vous citant les propos qu'Éliane Vogel-Polski tenait devant la commission Halimi, qui avait été chargée par Lionel Jospin de préparer la réforme constitutionnelle de 1999 : « Et [il faudra] poser expressément le caractère paritaire de la démocratie, c'est-à-dire définir la représentation paritaire comme condition nécessaire à l'existence de la démocratie, au lieu d'en faire une conséquence lointaine et facultative. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Aubert, ma réponse vaudra pour tous les amendements que vous présentez, puisqu'ils découlent de manière cohérente du même principe.
À l'instar de Mme la rapporteure, je vous renvoie à la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes qui prévoit que la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
Ainsi que vient de le dire Mme Crozon, le développement de la parité est un objectif à valeur constitutionnelle ; les différentes manières de l'atteindre peuvent donc faire débat. Nous considérons pour notre part qu'il faut l'imposer par le binôme. Vous considérez au contraire qu'il faut le faire de manière graduée, mais malheureusement…
Monsieur Chrétien, vous aurez tout loisir de vous exprimer ensuite.
Nous faisons le choix de la parité, au vu surtout de la situation de nos conseils généraux, où siègent seulement 13,5 % de femmes. Aucun objectif du même ordre n'existe pour la représentation d'une catégorie donnée de la population, qu'il s'agisse de l'âge, de l'origine sociale ou de la profession. Ce serait totalement contraire à la Constitution. D'ailleurs, monsieur Aubert, je vous renvoie à l'argument de mauvaise foi qui nous a été opposé tout à l'heure quant au fait que nous voudrions représenter des catégories de la population, car la vision que vous défendez dans cet amendement – la représentation de la nation par catégories sociales lors des élections – est à cet égard assez curieuse.
Monsieur le ministre, madame la rapporteure, l'excellent amendement de notre collègue Aubert ne supprime pas la parité, il la complète.
Il fait aussi la démonstration que nous ne sommes pas ici pour représenter une catégorie ou une autre ; nous sommes ici en tant que représentants du peuple. Un mot n'apparaît pas dans nos propos : celui de « responsabilité ».
Un élu, comme le disait notre collègue M. Dolez, doit tendre vers une représentation paritaire ; un élu doit peut-être représenter un territoire, mais un élu a surtout une responsabilité ! Il faut que l'électeur sache à qui il doit s'adresser ! Et face à ce binôme, il sera perdu. L'électeur doit avoir devant lui quelqu'un qui a une part de responsabilité. Il faut qu'il sache qui dans le collège représente le conseil général – demain le conseil départemental –, et ce ne peut être qu'Untel ou Unetelle, et non les deux. On ne peut pas fuir ses responsabilités en permanence. Le propre d'une fonction élective, c'est de parler au nom des autres. C'est un grand engagement, une grande responsabilité ; respectons-la et faisons en sorte que le mouvement vers une société responsable concerne aussi les élus.
(L'amendement n° 567 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
J'ai bien entendu les propos de Mme la rapporteure et de M. le ministre et je les remercie d'avoir explicité leur position.
Madame la rapporteure, vous avez dit qu'il fallait sortir d'une vision abstraite et asexuée parce que cela encourageait la surreprésentation masculine. Laissez-moi vous expliquer pourquoi je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point.
La base de la démocratie représentative occidentale, madame, c'est que vous et moi sommes des éléments abstraits. Permettez-moi de citer à ce propos un extrait de l'ouvrage d'Alexis de Tocqueville De la démocratie en Amérique : « De plus, les partis, aux États-Unis comme ailleurs, sentent le besoin de se grouper autour d'un homme, afin d'arriver ainsi plus aisément jusqu'à l'intelligence de la foule. Ils se servent donc, en général, du nom du candidat à la présidence comme d'un symbole ; ils personnifient en lui leurs théories. Ainsi, les partis ont un grand intérêt à déterminer l'élection en leur faveur, non pas tant pour faire triompher leurs doctrines à l'aide du Président élu, que pour montrer, par son élection, que ces doctrines ont acquis la majorité. »
En d'autres termes, pour Alexis de Tocqueville, une personne est élue est avant tout par la victoire d'idées. Par ailleurs, l'abbé Sieyès développe au moment de la Révolution française une conception selon laquelle le député pris isolément ne représente en réalité que lui-même et n'est qu'une partie d'un corps plus abstrait, la nation. Vous n'êtes donc rien en tant que vous-même, c'est l'organe délibérant qui est lui-même un organe de la nation. Par conséquent, lorsque vous affirmez vouloir rendre ceci moins abstrait et coller aux réalités concrètes avec la division entre hommes et femmes, vous sexualisez en réalité la représentation et donc vous lui enlevez ce côté théorique qui est au coeur de la réflexion des Lumières et de la Révolution française.
De plus, à mon avis, vous vous méprenez sur la définition de la parité. Vous la définissez comme un égal accès, mais ce n'est pas du tout ce que vous mettez en place !
Si vous jugez que la vraie parité consiste à faire élire un homme et une femme à chaque scrutin, alors cela signifie que tous les scrutins…
Mme la rapporteure de la délégation aux droits des femmes a fait référence à juste titre à la valeur constitutionnelle de notre ambition paritaire. Mais c'est justement parce que l'on peut dire que l'objectif de la parité est, pour reprendre une formule qui a fait florès, une sorte d'« ardente obligation » qu'elle ne peut pas en elle-même servir d'unique moteur à une réforme,…
…surtout une réforme de cette importance, dont on connaît d'ailleurs les conséquences.
Il ne faut pas que ce principe soit le seul à partir duquel seront construits des ouvrages juridiques tout à fait contestables et au fonctionnement un peu bancal.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le constituant a écrit, dans sa grande sagesse, à l'article 3, alinéa 5 : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. » S'il avait voulu créer une obligation en la matière, il aurait retenu la rédaction : « la loi assure l'égal accès », ce qui aurait été beaucoup plus contraignant.
Nous devons nous battre pour avancer. D'une certaine manière, votre binôme, même si nous le contestons, permet d'avancer en matière de parité. C'est bien pour cela qu'il faut compléter le dispositif. Mais, de grâce, ne faites pas de la parité une fin en soi ; cela détruit la portée du reste du texte.
(L'amendement n° 568 n'est pas adopté.)
Comme je le disais à la fin de mon intervention précédente, madame la rapporteure, vous avez le droit de juger que la parité doit s'appliquer au motif qu'elle figure dans la Constitution. Mais si vous jugez que la parité, l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électifs, suppose d'instaurer un système où il faut obligatoirement un candidat homme et une candidate femme, cela veut dire que tous les autres scrutins pour lesquels vous présentez soit un homme soit une femme ne respectent pas la parité. En effet, il ne peut y avoir deux définitions de l'égal accès aux mandats électifs.
Qu'est-ce qui nous empêche d'ailleurs, si nous adoptons ce mode de scrutin, de considérer ensuite qu'il pourrait y avoir, dans une circonscription, un député homme et une députée femme ? Ou bien encore qu'il faudrait élire à la présidence de la République un président homme et une présidente femme ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je vous pose la question, mes chers collègues : en quoi est-ce plus étrange que ce drôle de dispositif que vous nous avez inventé ?
J'ajoute que ces amendements visent à vous donner un éclairage sur ce que vous nous présenterez dans dix ans.
Votre problème, à gauche, est le suivant : quand vous êtes en panne d'idées, vous finissez par vous gratter la tête et par sortir un projet censé vous permettre d'incarner le progrès social.
Si j'avais dit, il y a dix ans, au moment où fut votée la loi sur la parité, que vous rendriez obligatoire de présenter un homme et une femme dans le cadre d'un scrutin censé être uninominal, les socialistes eux-mêmes m'auraient répondu que je plaisantais, que cela n'arriverait jamais. Ce que nous vous proposons à travers ces amendements, c'est donc l'avenir ; vous le verrez dans dix ans. Je serai peut-être là pour vous le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Aubert, c'est une femme qui vous le dit : vous avez beau délayer vos propos encore et encore, il n'en reste pas moins que vous n'assumez pas la parité.
Quelqu'un, de votre côté de l'hémicycle, a dit que c'est l'apanage de tous. Mais, à cette heure de la soirée, et en plein tournoi des six nations, vous me permettrez de vous vous faire observer qu'il y a cinq femmes à droite contre vingt et une à gauche. Pour ce qui est de la parité, nous avons donc largement gagné et nous allons continuer encore longtemps à transformer l'essai ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'en reviens pour ma part à l'amendement de M. Aubert, qui est tout à fait cohérent. J'ai dit tout à l'heure que vous coupiez la société en tranches, en castes.
Eh bien, vous essayez de choyer une nouvelle caste en l'entretenant dans des illusions ; je veux parler de la jeunesse. Le Président de la République en a d'ailleurs fait l'une de ses multiples priorités – il y en a tant que l'on ne sait d'ailleurs plus lesquelles sont vraiment prioritaires.
Pour nous aussi la jeunesse est une priorité. Pourquoi donc ne pas demander qu'il y ait plus de jeunes au sein des conseils généraux ? Mme Fourneyron a réuni, aujourd'hui même, un conseil de la jeunesse. Ce faisant, la majorité socialiste choie les jeunes électeurs afin qu'ils n'oublient pas pour qui voter lors des prochaines élections. Eh bien, nous nous proposons de vous aider à montrer que la jeunesse doit avoir une place plus importante dans les conseils généraux.
J'ai été élu au conseil général alors que j'avais vingt-sept ans. À l'époque, j'étais le plus jeune conseiller général de mon département. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Or j'étais – je suis toujours – de droite. Pendant dix ans, je suis resté le benjamin de mon conseil général, parce que pas un socialiste plus jeune que moi n'a été élu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous n'avez donc ni le monopole des femmes ni celui des jeunes. À travers cet amendement, nous allons pour notre part essayer de faire entrer davantage de jeunes dans les conseils généraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 574 n'est pas adopté.)
J'ai entendu votre argument, chère madame Got. Néanmoins, je reste persuadé qu'il y a un problème de fond que vous ne voyez pas. Vous dites qu'il y a moins de femmes dans les rangs de l'UMP que dans les vôtres.
D'abord, ce sont les électeurs qui l'ont choisi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ne remettez pas en cause la légitimité de ceux qui ont été élus.
Il y a eu, en fonction de la loi, un égal accès des hommes et des femmes. Pensez-vous que, parce qu'il y a plus d'hommes sur nos bancs, nous ne savons pas représenter les femmes de notre électorat ?
Il est vrai qu'un groupe uniquement composé d'hommes n'est pas le reflet de la société. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mais un groupe qui, comme le vôtre, est composé essentiellement de fonctionnaires ne l'est pas non plus. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La question est de savoir si ces hommes ou ces femmes, qu'ils soient ou non fonctionnaires, sont légitimes pour représenter le corps social dans son ensemble. Or la réponse est oui. En d'autres termes, madame, ce n'est pas parce que vous n'avez pas une parfaite représentation par quotas de la diversité sociale et biologique de la société que la représentation s'en trouve dévoyée, à moins de considérer que la démocratie représentative, au sens de la Révolution, est morte le jour où vous avez déposé ce projet de loi.
Je voudrais vraiment attirer votre attention sur ce sujet car, l'air de rien, vous contestez quelque chose de très important dans la réflexion politique occidentale. Oui, je compte parmi mes électeurs des femmes et des hommes ; non, ce n'est pas le fait que je sois un homme qui déforme ma capacité à penser à l'intérêt général.
À l'occasion de cet article 2, portant sur le binôme, je voudrais prolonger ce qu'a dit Marc Le Fur au sujet de la responsabilité de l'élu devant ses électeurs…
…et essayer d'obtenir une réponse complémentaire de M. le ministre.
J'ai bien entendu ce que vous nous avez dit tout à l'heure, mais il manquait quelque chose dans votre réponse. La particularité de votre binôme, c'est qu'il se présente une fois uni, et que vous l'autorisez, à l'élection suivante, à se présenter en ordre dispersé, c'est-à-dire l'un contre l'autre, dans le cadre d'un autre binôme.
Comment, dans ces conditions, ceux qui ont élu ce premier binôme peuvent-ils émettre un avis sur ces personnes ? C'est une atteinte au principe de responsabilité politique. Le citoyen ne retrouve pas en face de lui l'élu auquel il a donné un mandat et à qui il veut soit le confier de nouveau, soit le retirer. Vous ouvrez la possibilité que le binôme divorce et se présente de nouveau aux électeurs sous la forme de deux candidats. C'est une situation totalement incompréhensible pour l'électeur et qui porte atteinte au principe de responsabilité attachée au scrutin majoritaire uninominal, lequel veut que ce soit le même candidat qui se présente – ou pas – au terme de son mandat.
(L'amendement n° 573 n'est pas adopté.)
Cet amendement porte sur la proportion d'ouvriers qualifiés dans les conseils généraux.
Vous êtes en faveur d'une logique de quotas. Personnellement, j'y ai toujours été hostile, de même que je suis opposé à la discrimination positive.
Or telle est bien votre logique à partir du moment où vous considérez qu'il faut encadrer un mode de scrutin en réservant à telle ou telle catégorie du corps social une représentation accrue pour l'aider, au motif que les mandataires ne sont pas le reflet de la société.
Ce faisant, l'on s'engage sur une pente dangereuse : si l'on considère que la représentation politique, la représentation sociale et la représentation biologique doivent être égales, jusqu'où ira-t-on dans la logique des quotas ? Aux États-Unis, monsieur le ministre, on impose des quotas dans les universités pour les Américains d'origine africaine ; autrement dit, il s'agit de quotas que nous qualifierions de raciaux.
Or, avec ce texte, nous instaurons bien un quota : la parité est un quota fondé sur le genre, même si, par ailleurs, vous le niez. Je vous propose donc un quota fondé sur un critère social. En effet, à partir du moment où l'on accepte l'idée même de quotas, quels critères permettent de faire la différence entre un bon et un mauvais quota ? Quand un critère vous déplaît, vous dites que c'est un mauvais quota et que vous n'en voulez pas.
Sur quelle base vous fondez-vous ? Vous dites qu'il n'y a pas assez de femmes ; que, à partir du moment où elles représentent 50 % de la société, il faut 50 % de femmes dans les conseils généraux. Je vous réponds qu'il y a beaucoup de fonctionnaires à l'Assemblée nationale, et c'est un fonctionnaire qui vous le dit : ne croyez donc pas que je ne sois hostile aux députés fonctionnaires. Mais quelle est l'étape d'après ? J'aimerais connaître votre réponse, monsieur le ministre.
Lorsque j'ai passé le concours de Sciences-Po Grenoble en 1997, nous étudiions un ouvrage d'Elisabeth Guigou qui s'intitulait Être femme en politique. Il y était question de la parité, qui est, je le rappelle, un quota de 50 %. Nous devions rédiger un devoir sur le sujet suivant : « Les quotas en politique : un mal nécessaire ? »
J'ai déjà eu l'occasion de dire hier que, d'un point de vue philosophique, je suis opposée à la parité, que je trouve avilissante, même si, sur le plan empirique, elle a permis aux femmes d'accéder en plus grand nombre aux mandats publics. Néanmoins, je considère que l'on est en train de compartimenter la société. En effet, ce mécanisme signifie qu'une femme représente mieux une femme que ne peut le faire un homme à l'Assemblée nationale ou dans un conseil général.
À ce compte-là, on peut continuer dans une politique de quotas ; pourquoi ne pas favoriser les jeunes ou fixer des critères ethniques, voire cumuler les deux ? On peut même aller au bout de votre logique en disant que, puisque les femmes représentent 53 % du corps électoral, le binôme que vous proposez ne suffit pas. Je suis donc opposée à ce dispositif que je trouve humiliant. Une fois encore, je considère qu'il ne sert pas la cause des femmes.
(L'amendement n° 561 n'est pas adopté.)
Les députés communistes – je pense notamment à M. Chassaigne, que je vois parmi nous – ne pourront que voter cet amendement qui part de l'idée que des ouvriers non qualifiés doivent être présents dans les conseils généraux.
Vous refusez de vous placer sur le terrain de la philosophie de la démocratie représentative. Vous avez aussi refusé de dire quels étaient vos critères en matière de quotas. Vous n'assumez pas, en fin de compte, que votre pensée se rapproche beaucoup de celle de certains libéraux américains.
Passons maintenant, si vous le voulez bien, à un troisième aspect de la question, à savoir la sous-représentation de certaines catégories de la population dans les conseils généraux – pour ne parler que de cette institution. En quoi le fait de dire qu'il faudrait aider certaines catégories sociales de la population à être également représentées directement est-elle en soi un mal ?
Si ce ne sont pas les quotas qui vous gênent et si vous défendez la discrimination positive, pourquoi êtes-vous mal à l'aise à l'idée d'améliorer la représentativité politique des conseils généraux, qui, comme chacun le sait – je parle sous le contrôle des nombreux cumulards qui siègent en face de moi – est mauvaise ? Si vous ne savez pas répondre à cette question, c'est que vous n'avez pas d'arguments. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 560 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement porte sur la représentation des demandeurs d'emploi. Là encore, je vous mets devant vos responsabilités. À partir du moment où le conseil général a une action particulièrement importante dans le domaine économique, en quoi serait-il choquant que l'on aide l'accession des demandeurs d'emploi, qui, par définition, ne cumuleraient pas un mandat et un emploi, au mandat de conseiller départemental ? Ils pourraient ainsi témoigner, au sein de leur assemblée, des problèmes qui leur sont propres.
Nous évoquions tout à l'heure les personnes handicapées. Il y a des domaines, comme celui de l'entreprise, où ont été mis en place des quotas pour les personnes victimes d'un handicap, ou affublées d'un handicap.
Pourquoi ce qui est souhaitable dans les entreprises deviendrait vice dans une représentation politique ?
Au-delà de votre incapacité à formuler une réponse, il y a le refus de creuser. Grâce à ce hochet que vous tendez, à ce cache-sexe de la réflexion politique qui suppose d'élire deux personnes pour un même territoire, avec l'idée vaguement moderne d'imposer un binôme homme-femme, vous évitez de dire que l'on a refusé de supprimer un certain nombre d'élus. C'eût été pourtant faire preuve de courage politique. Vous n'osez pas assumer le changement de société politique que votre société de quotas et de discrimination positive est en train de mettre en place. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 559 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement porte sur la représentation des bénéficiaires de minima sociaux. Les arguments développés précédemment s'appliquent également ici.
Certes, Mme la rapporteure a rappelé que la parité était prévue par la Constitution et qu'il fallait donc la respecter. Mais elle n'a pas voulu répondre sur le fait qu'il existe deux définitions de la parité : dans ce texte, il s'agit de rendre obligatoire un binôme homme-femme dans un même canton afin de rendre certaine l'élection des deux ; ces dix dernières années, il s'agissait de permettre l'égal accès des hommes et des femmes à des listes ou à des candidatures. Ce sont deux démarches tout à fait différentes.
Madame la rapporteure, vous n'avez pas voulu répondre non plus quant à la société de discrimination positive que vous voulez mettre en place. Nous voulons le démontrer par l'absurde…
…mais aussi prédire ce qui nous attend. Car ce qui vous semble choquant aujourd'hui sera sûrement notre avenir. Lorsqu'il y aura 50 % de femmes et 50 % d'hommes dans les hémicycles et les conseils généraux, quelqu'un dira que le progrès social consisterait à encourager telle ou telle catégorie de la population à accéder aux responsabilités politiques. Vous aurez alors dévoyé la représentation politique qui, en aucun cas, ne saurait être une photographie de la société.
En dernier ressort, ce sont les électeurs qui décideront, ne l'oubliez pas !
(L'amendement n° 558 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je me dois de continuer à défendre ces amendements puisque je n'ai toujours pas obtenu de réponses sur les deux principaux points que j'ai développés.
Il existe deux définitions de la parité. Lorsque l'on applique une norme constitutionnelle, il est bon de l'appliquer de manière uniforme, à moins de considérer qu'aujourd'hui nous ne respectons pas la loi sur la parité.
Par ailleurs, dans une République où l'on prône l'égalité, sur quels critères peut-on autoriser des restrictions dans les libertés et dans la possibilité de se présenter à une élection ?
Le présent amendement porte sur la représentation des personnes issues de la fonction publique d'État. Je serais étonné de n'entendre aucun député dans cette situation exprimer son avis sur ce sujet. Bien sûr, ce n'est pas la catégorie qu'il convient le plus d'encourager, notre hémicycle étant, vous le savez, majoritairement composé de personnes issues de la fonction publique d'État.
(L'amendement n° 572 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Déposer quinze amendements permet, dans le cas où l'on ne voudrait pas engager le débat, de marteler ses arguments. Ils permettront aux Français de se faire une idée. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)
Il y a quelque chose qui m'étonne, mais qui ne vous frappe pas : vous êtes les seuls au monde à avoir eu l'idée de créer un scrutin binominal et à aucun moment le doute ne vous étreint. Pourquoi les Américains, les Britanniques, qui ont connu l'habeas corpus bien avant nous, n'ont pas eu la même idée ?
François Mitterrand disait que lorsqu'une idée et un Français se rencontrent, ils font le tour du monde ensemble. J'ai bien peur que votre idée revienne seule, une fois qu'elle aura fait le tour de l'internet !
Il est temps d'entrer dans le coeur du sujet. Il vous reste quelques amendements pour répondre à la question qui vous est posée : sur quelle base, dans une République qui a pour devise la liberté, l'égalité et la fraternité, peut-on instaurer une politique de discrimination positive, et quels sont les critères qui permettent de la définir ? À cette question pourtant formulée très clairement sur les bancs de l'opposition, la majorité n'aura opposé que son silence ou son mépris.
Dans les deux cas, ce n'est pas un silence qui dit la raison. C'est le silence d'une majorité qui refuse de réfléchir à la société qu'elle bâtit.
(L'amendement n° 571 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Nous n'avions pas encore abordé le cas de la fonction publique hospitalière (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe UMP et du groupe SRC.) Nous avons parlé de la fonction publique d'État, nous avons vaguement évoqué la fonction publique territoriale. Au passage, il ne serait pas tout à fait stupide que des fonctionnaires de la fonction publique territoriale siègent dans un conseil général : cela permettrait d'éclairer de façon positive le travail de cette assemblée.
Ce serait tout simplement une mesure d'égalité que d'assurer un équilibre pour la représentation des agents hospitaliers au sein du conseil départemental. J'essaie de réfléchir à vos quotas…
À partir du moment où vous voulez ouvrir une politique de quotas et de discrimination positive et que vous considérez qu'il faut favoriser telle ou telle catégorie, alors vous devez viser large. Comme il y a trois fonctions publiques, je présente, par souci d'égalité, un amendement pour chacune d'entre elles.
(L'amendement n° 570 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il ne vous aura pas échappé que certaines catégories ont du mal à faire de la politique.
Je pense notamment aux commerçants. Ce n'est pas le fruit d'une discrimination : au contraire, lorsque nous faisons nos listes, nous essayons de les attirer dans nos rets. Mais ils craignent que leur engagement dans la vie politique, qu'il s'agisse de celle de la commune ou du département, soit préjudiciable à leur commerce. J'en connais qui ont eu à souffrir de la défaite et qui ont fait courir un risque à leur commerce.
Si l'on considère que, selon l'activité qui est la vôtre, il existe une inégalité naturelle qui fait qu'il vous est plus ou moins facile de faire de la politique, l'État n'a-t-il pas alors le devoir d'encourager, par la politique de quotas et de discrimination positive, les catégories qui sont le moins bien représentées ?
Cela permettra une meilleure représentation sociale : on aura perdu les Lumières, mais gagné une idée, celle qui fait le tour du monde et qui revient toute seule.
Vous oubliez les femmes commerçantes !
(L'amendement n° 565 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Madame la présidente, j'ai longtemps cru que j'obtiendrais une réponse du ministre sur la politique de discrimination positive.
Vous vous retranchez, madame la rapporteure, derrière un rire, mais l'argument selon lequel il ne peut y avoir deux définitions de la parité porte. Soit la parité est l'égal accès des hommes et des femmes, et dans ce cas votre élection est parfaitement légitime au regard de la norme constitutionnelle ; soit la définition de la parité est celle que vous donnez dans ce texte de loi et, dans ce cas, il faudrait réfléchir à un nouveau mode d'élection des députés.
Comme je ne souhaiterais pas que la majorité puisse penser que l'opposition fait de l'obstruction, alors que nous ne voulons que provoquer le débat, je m'incline et je ne ferai que défendre rapidement les amendements suivants (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je regrette néanmoins que les arguments philosophiques et politiques que j'ai avancés, tout comme les réalités sociales que j'ai soulignées, n'aient nullement éveillé en vous la soif du débat démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 563 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
J'ai senti comme un frémissement sur le banc du Gouvernement. (Rires) Est-ce parce que vous avez mauvaise conscience ? Vous vous dites : « J'ai manqué une quinzaine d'occasions de répondre à M. Aubert et d'aborder la question du dévoiement de la démocratie représentative, ainsi que la question de la norme de représentativité liée à la parité – avec les risques constitutionnels que cela augure. Nous avons refusé d'engager un véritable débat sur la politique de discrimination positive dans un pays républicain. »
Comme seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, je me suis dit qu'il fallait faire un geste. Je défends donc ce dernier amendement, en espérant qu'avec cette ultime bouteille à la mer le rapporteur, le président de la commission ou le ministre accepteront d'aborder l'une de ces trois questions concernant les origines du mode de scrutin si original que vous nous proposez.
Même avis, mais tant d'efforts méritent une courte réponse, monsieur Aubert, et je ne veux pas que vous gardiez un mauvais souvenir de ce débat.
Les parlementaires connaissent bien le jeu auquel vous vous livrez et qui consiste à présenter des amendements qui retardent le débat. Il ne s'agit pas pour moi de le juger mais de vous répondre sur le fond qu'en 1999, la volonté du Premier ministre et l'accord du Président de la République d'alors, Jacques Chirac, ont débouché sur une réforme constitutionnelle majeure : l'inscription de la parité dans la Constitution.
Or tous vos amendements, monsieur Aubert, sont en contradiction avec ce qu'est précisément la parité. Tous vos amendements n'ont pour seul but que de ridiculiser la parité, en vous éloignant du sens même de la représentation démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est la raison pour laquelle nous les avons chaque fois refusés.
Votre manière d'assimiler la parité aux quotas en invoquant des catégories socioprofessionnelles ou des tranches d'âge est contraire à la Constitution, à la démocratie et à la vision qu'en avait Tocqueville, puisque vous y avez fait référence. Je le regrette et je ne doute pas que, malgré vos études qui vous ont conduit à être haut fonctionnaire, vous continuerez à apprendre ici ce qu'est la démocratie. (Applaudissements sur les mêmes bancs)
Je pense en effet, monsieur le ministre, que l'on apprend tout au long de la vie mais, pour le reste, je ne suis pas d'accord avec vous.
Certes la parité a été introduite en 1999 dans la Constitution, mais il y a une différence entre, d'une part, l'égal accès et l'égalité – qui peut aujourd'hui prétendre qu'un homme et une femme n'ont pas, dans notre société politique moderne, les mêmes droits face à l'élection ? – et, d'autre part, le fait d'imposer, comme vous le faites, la parité dans le résultat de l'élection.
Il faut distinguer l'égalité de droit à se présenter à une élection et l'égalitarisme auquel vous soumettez la représentation. C'est cela que j'attaque, monsieur le ministre. À la notion d'égalité telle qu'elle est contenue dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, texte que vous n'avez pas manqué de rencontrer au cours de vos longues études, vous ajoutez une nouvelle étape, qui consiste à faire de la parité non plus seulement un moyen mais un résultat, ce qui est un dévoiement de 1999.
Oui, vous faites de la discrimination positive ; oui, vous aimez les quotas ; non, vous ne m'avez pas répondu ! Je vous remercie néanmoins, car la discussion permet de développer des idées et d'affûter des arguments qui permettront un jour aux sociologues de comprendre comment nous en sommes arrivés là. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 566 n'est pas adopté.)
Sur l'article 2, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 924 .
Comme le signale l'exposé sommaire, il s'agit d'un amendement d'appel et ironique. Il interroge le Gouvernement sur la manière dont il entend gérer certains thèmes développés aujourd'hui par plusieurs de ses membres et par une partie de la majorité. Quant à l'ironie, elle veut souligner l'incohérence de votre projet par rapport à ces mêmes thèmes, en l'occurrence la théorie du genre.
Je rappelle brièvement que celle-ci comporte deux aspects. Le premier, très intéressant pour la sociologie, consiste à étudier les relations entre le sexe masculin et le sexe féminin et à en tirer un certain nombre d'enseignements sur l'évolution des corps sociaux. Le second, qui est une déclinaison du premier, vise à faire en sorte que chacun puisse avoir le droit de choisir l'identité sexuelle qu'il veut, conformément ou non à ce que la nature lui a donné comme sexe à la naissance.
Certains des membres du Gouvernement, sa porte-parole notamment, reconnaissent la validité de cette théorie. Nous avons d'ailleurs, lors du débat sur le harcèlement sexuel, accepté l'idée – avec laquelle je n'étais pas d'accord, et nous avons eu à l'époque, avec Denys Robiliard, un échange sur cette question – que les transsexuels devaient être protégés en tant que tels par le droit du travail.
Qu'adviendra-t-il, donc, dans le cas où l'un des membres d'un binôme électoral se considère autrement que selon son sexe biologique ? Le principe même de la parité risque d'être gravement mis en cause !
Je salue le sens de la dérision de Jean-Frédéric Poisson, qui a, lui, le mérite de ne pas toujours se prendre au sérieux. En commission, il n'avait pas pu défendre un amendement qu'il avait qualifié d'embellissement ; nous voici face à un amendement qu'il qualifie d'appel et d'ironie : avec la même ironie aimable, il reçoit un avis défavorable de la commission.
Mon cher collègue, étant député de la ville de Castres, je suis castrais ! (Sourires.) Vous comprendrez donc que je sois interpellé par notre débat, fort sérieux, et par le problème que vous soulevez, même si je tiens à vous rassurer : si nous sommes castrais, nous le sommes de père en fils !
(L'amendement n° 924 n'est pas adopté.)
Monsieur le ministre, si nous en sommes à ce stade du débat, c'est parce que vous n'avez pas pris le temps de la concertation, et le Gouvernement porte une lourde responsabilité dans ce qui est en train de se passer.
Vous avez inventé un binôme qui, même dans vos rangs, ne fait pas consensus. D'ailleurs les discussions sur la manière dont il va être mis en oeuvre suscitent souvent une certaine gêne.
Je regrette que, sur un sujet qui, au-delà de notre code électoral, engage l'avenir de nos territoires en modifiant l'équilibre de la représentation territoriale, le Gouvernement n'ait pas pris le temps de la moindre concertation. Cela aurait permis de dégager d'autres solutions que ce binôme qui fait débat.
Car la parité mérite mieux que ça. Elle mérite d'abord un consensus, par respect pour cet engagement que nous avons en commun. Nous avons tous oeuvré pour la parité et sommes heureux de voir affirmé dans la Constitution que les femmes et les hommes ont un égal accès aux postes de responsabilité, et pas seulement aux fonctions électives. Cela vaut également pour la haute fonction publique, où nous avons encore des efforts à faire. Vous-même, monsieur le ministre, devez faire ces efforts pour les nominations de préfets et de préfètes, ainsi que vous y obligera la loi.
J'écoute les formations politiques représentées ici : le groupe communiste réclame une forme de parité qui respecte également la représentation des groupes dits minoritaires ; les écologistes et le groupe UDI aussi. Quant à l'UMP, elle n'est pas satisfaite de ce binôme, pas plus que ne le sont certains parlementaires de vos rangs, et le texte n'a d'ailleurs pas été soutenu au Sénat.
Le Gouvernement porte dans cette affaire une lourde responsabilité, et si vous pointez un dévoiement du débat, monsieur le ministre, il est le fruit d'une absence de concertation sur un sujet qui devrait pourtant nous rassembler puisqu'il concerne l'organisation des pouvoirs publics français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
(L'amendement n° 518 n'est pas adopté.)
Mon amendement propose une solution alternative à la vôtre, monsieur le ministre.
Le malaise des territoires ruraux, auquel je suis sensible puisque ma circonscription couvre toute la partie rurale du Vaucluse, a deux causes : d'abord le problème de la représentation des cantons ruraux par rapport aux cantons urbains, ensuite la question du lien de proximité.
Votre réforme va créer des macro-cantons, ce qui est problématique, moins parce qu'il y aura plus d'élus urbains que d'élus ruraux – encore que cela puisse se discuter – que parce que les habitants des villages ne verront plus leur conseiller général.
Je vous propose donc de nous affranchir de cette forme de symétrie bien française qui veut loger tout le monde à la même enseigne, pour instaurer des cantons urbains, plus peuplés, des cantons ruraux, moins peuplés, et enfin des cantons périurbains régis par un système mixte.
Rien n'interdit ensuite au législateur de maintenir de petits territoires ruraux, où soit conservé le lien de proximité et dans lesquels il ne serait pas nécessaire d'avoir deux élus mais un : c'est l'objet de l'amendement n° 594 que je défends également. Cela permettrait de rééquilibrer la représentation des villes et des campagnes tout en conservant dans les cantons ruraux un élu enraciné dans un territoire à taille humaine et ayant un lien de proximité avec ses électeurs.
Cette proposition a pour objectif d'améliorer la loi. Elle réduira le nombre de cantons, comme vous le souhaitez, assurera l'équilibre entre la ville et la campagne et rassurera les territoires ruraux qui, après avoir vu fermer les services publics, craignent de voir disparaître leurs élus.
Ce n'est malheureusement pas une question de droite ou de gauche mais de rationalisation des moyens.
Avis défavorable. Nous avons déjà largement débattu du mode de scrutin.
Je voudrais revenir, monsieur le ministre, sur l'angoisse qui est la nôtre devant le devenir de nos territoires ruraux. Nous avons tous conscience, dans nos circonscriptions, de l'engagement des élus, en particulier cantonaux, qui défendent les équipements de leur petite commune et se battent pour permettre, demain, de reconquérir ces territoires ruraux.
Vous commettez, avec ce projet de loi et celui que vous préparez en vue de la réforme sénatoriale, une erreur stratégique. En accentuant le nombre d'habitants dans les agglomérations, vous aggraverez les déséquilibres entre les territoires. Les phénomènes urbains se font bien ressentir, qu'il s'agisse des problèmes de logement ou de transport, mais je reste persuadé, pour le bien-être de nos compatriotes, que nous aurions tout intérêt à moderniser notre milieu rural pour l'ouvrir aux nouvelles technologies, en développant par exemple le télétravail.
Pour ces raisons, cet amendement mérite d'être soutenu.
J'ai l'impression, monsieur le rapporteur, que vous ne m'avez pas bien écouté, et c'est vraiment dommage.
Vous avez dit que nous avions déjà parlé du mode de scrutin mais rien dans cet amendement n'y a trait !
Je le répète : il faudrait redécouper les cantons selon une autre méthode que celle que vous proposez. Les cantons urbains seraient beaucoup plus peuplés, entre 40 000 et 60 000 habitants, et pourraient élire deux représentants, tandis que les cantons ruraux, plus petits et moins peuplés, puisqu'ils compteraient moins de 25 000 habitants, ne désigneraient que deux élus.
Cette proposition ne modifie en rien l'objectif que vous vous étiez fixé d'encadrer le ratio de représentativité entre l'élu et son électorat, puisqu'elle permet de désigner un élu pour 25 000 habitants. Elle aurait en revanche le mérite de permettre aux territoires ruraux de conserver leur élu sur un territoire plus réduit.
Je peux comprendre que vous soyez hostile à ce système qui n'est pas le vôtre, mais ne dites pas que nous critiquons votre mode de scrutin alors que nous proposons simplement une autre manière de remodeler les cantons.
(Les amendements nos 595 et 594 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie de plusieurs demandes d'explications de vote sur l'article 2.
La parole est à M. Marc Dolez pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Cet article 2 est un article clé de ce projet de loi. Dès le début de la discussion générale, nous avons expliqué pourquoi nous nous opposions à l'instauration d'un scrutin binominal en ce qu'il représente, à nos yeux, une régression démocratique. Nous avons cependant eu le souci de présenter, dans un esprit constructif, des solutions alternatives, via un certain nombre d'amendements qui auraient permis, s'ils avaient été adoptés, de mieux conjuguer la parité, le pluralisme et le respect des territoires.
Nous n'avons d'ailleurs pas été les seuls à déposer de tels amendements puisque le groupe écologiste et l'UDI ont fait de même.
Nous n'avons pas été au terme de la discussion sur ces propositions alors qu'elle aurait pu nous permettre d'aboutir à une solution plus acceptable. Parce que ce ne fut malheureusement pas possible, nous en arrivons à ce paradoxe que l'élection départementale sera demain la seule élection sans aucune représentation proportionnelle.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que dans ces conditions, notre groupe soit dans l'obligation, et je le regrette, de devoir voter contre cet article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Guillaume Larrivé pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Mon groupe votera contre l'article 2, ce qui ne sera pas une surprise.
Nous sommes favorables au renouvellement de la vie politique.
Nous sommes favorables à l'émergence, accrue, de jeunes élus.
Nous sommes favorables à la participation de plus en plus affirmée des femmes dans la vie politique territoriale ou nationale.
Plusieurs députés SRC. Mais ?
Plusieurs députés SRC. Vient trop tôt.
… bizarre, peu compréhensible, entretiendra la confusion, créera des doublons, suscitera la concurrence, sera source d'inefficacité.
Surtout, toute cette opération est cousue de fil blanc. En créant le binôme, monsieur le ministre, vous vous donnez l'obligation de faire table rase de toute la carte cantonale pour la redessiner avec des ciseaux dont il est à craindre qu'ils soient dangereux pour la ruralité et partisans.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l'article 2 et nous essaierons de vous convaincre par la suite d'adopter des solutions plus transparentes. Vous êtes en effet en train d'accumuler les textes électoraux, qu'il s'agisse de celui dont nous discutons, de celui adopté ce matin en conseil des ministres pour faire main basse sur le Sénat, de celui que vous avez tout à l'heure transmis, d'après une dépêche de l'AFP, au Conseil d'État sur le non cumul des mandats. Vous donnez le sentiment d'additionner les obsessions électorales ou électoralistes que nous ne cesserons de dénoncer et de combattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, c'est à regret que nous ne voterons pas pour cet article, non pas parce que votre dispositif ne permettrait pas d'assurer la parité aux cantonales, mais parce qu'il présente beaucoup d'inconvénients.
Tout d'abord, et surtout, il ne permet pas à toutes les sensibilités politiques d'être représentées. Vous savez bien qu'en tant que groupe minoritaire, nous y sommes très attachés.
Par ailleurs, vous avez refusé notre proposition d'un scrutin de liste alors qu'elle aurait permis de dégager des majorités beaucoup plus stables et d'appréhender le territoire dans son ensemble, tout en conservant le lien de territorialité puisque nous proposions de diviser le département en quatre sections. Elle aurait de surcroît garanti une certaine cohérence entre tous les modes d'élection et nos concitoyens s'y seraient sans doute mieux retrouvés, du moins pour les élections locales.
Pour ces raisons nous ne voterons pas cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et du groupe UMP.)
La parole est à M. Sébastien Denaja pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.
L'opposition cherche depuis trois jours à se refaire une virginité vis-à-vis des territoires ruraux, des départements, dont ils seraient soudainement devenus les ardents défenseurs, alors même que la création du conseiller territorial signait la mort des départements, inéluctablement condamnés à être absorbés par les régions ! M. Larrivé lui-même le confessait hier.
La droite a même prétendu que l'instauration du conseiller territorial permettrait de dégager des économies alors qu'il aurait fallu augmenter les indemnités, créer des hémicycles pléthoriques, de véritables petits sénats locaux, et j'en passe.
Bref, vous vouliez tuer les départements !
Nous, nous voulons des départements vivants avec des élus spécifiquement dédiés, chargés de défendre l'intérêt départemental. C'est ce que nous garantissons avec le vote de cet article.
Surtout, vous vouliez tuer la parité, par un double meurtre de surcroît : à l'échelon régional et départemental !
Nous nous trouvons être ici les seuls véritables défenseurs de la parité. Nous allons poser la première pierre angulaire de ce projet en votant l'article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Sauvadet pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
On sent bien qu'il a pris pleinement conscience du débat et des réactions qu'il suscite dans la majorité et l'opposition.
Je l'invite à relire les derniers événements. M. le ministre déclarait cet après-midi avoir reçu l'appui de la majorité sur ce texte qui ne pourrait que s'imposer comme une évidence puisque ce binôme serait la seule solution pour garantir la parité, la seule solution pour sauvegarder l'ancrage territorial. Vous voyez bien que cette évidence se heurte au mur des réalités, ici même dans cet hémicycle, comme auparavant au Sénat où le texte a été repoussé.
Je voudrais vous faire une proposition, monsieur le ministre : renoncez provisoirement à ce binôme pour qu'une vraie concertation s'engage avec l'ensemble des forces politiques de notre pays, de sorte que nous puissions aboutir à un dispositif qui rassemble au moins une large majorité. Ce débat ne doit pas devenir partisan, opposant le parti socialiste à l'ensemble des autres formations politiques qui participent de la richesse et de la vigueur démocratique de notre pays.
Je vous demande de surseoir à la mise en place de ce binôme pour que nous prenions le temps de la réflexion.
Vous avez affirmé qu'il n'y avait aucune solution alternative parce que vous avez souhaité passer en force sur un sujet d'une telle importance pour l'avenir de nos territoires – j'ai envie de dire, pour l'avenir de la France.
J'ai une profonde conviction : l'un des défis les plus importants que nous devrons relever demain ne sera pas simplement celui de l'emploi, de l'écologie ou de la globalisation, mais sera celui de l'aménagement du territoire.
Je ne vois comment demain les conseils généraux pourront s'accommoder de la nouvelle gouvernance que vous leur imposez et qui se traduira inéluctablement sur le terrain par une nouvelle désespérance du fait de la mort annoncée de la représentation des territoires ruraux.
Je ne vois pas comment demain pourra être assurée une représentation politique et démographique équilibrée dans laquelle la parité pourra prendre toute sa place.
Je ne vois pas comment demain nous pourrons, au quotidien, assurer l'aménagement du territoire de proximité.
Nous avons fait des propositions mais vous les avez toutes balayées d'un revers de main au motif que vous auriez trouvé la solution universelle, mais une large majorité des forces politiques de notre territoire la rejette.
Vous obtiendrez la majorité, monsieur le ministre, parce que nous savons bien comment fonctionne un pays mais j'aurais aimé que la démocratie trouve son prolongement dans une écoute attentive, puisqu'il s'agit de l'avenir de nos territoires, auprès d'un Gouvernement qui, si ses ambitions étaient inspirées par l'intérêt général, ne pourrait pas passer outre, ce soir, le vote du Sénat.
En maintenant votre position, vous démontrez que votre engagement est celui d'un parti, au service d'un parti, à des fins électoralistes. Ce n'est pas rendre service à l'idée que nous avons de l'avenir de la France et de la représentation des différents courants de pensée qui la composent au-delà du fait majoritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Je vais maintenant mettre aux voix l'article 2.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 150
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 98
contre 52
(L'article n°2 est adopté.)
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 3.
La parole est à M. François Sauvadet.
Après l'article 2, cet article 3 est l'un des plus importants. Il concerne le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux et que vous envisagez, monsieur le ministre, de réduire de moitié.
Nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 3, car celui-ci conduit à la mort programmée des territoires ruraux. Derrière la division par deux des cantons, se cache un autre mal, plus profond : la prééminence du fait démographique. Dans la gouvernance de nos conseils généraux – ou, selon la nouvelle formule, de nos conseils départementaux –, avec le binôme, le fait démographique va l'emporter sur toute autre considération.
Monsieur le ministre, vous avez accepté que nous réaffirmions que le conseil départemental représentait non seulement des populations, mais aussi des territoires. Or l'article 3 tel qu'il est rédigé va conduire à d'immenses circonscriptions territoriales : en divisant par deux le nombre de cantons, vous allez calibrer et redécouper l'ensemble des cantons sur la base de la population, avec un taux moyen, donc un nombre d'habitants calculé sur le nombre de cantons ramené à la population.
Dans un département comme le mien – mais cela vaut pour toute la France –, vous allez créer des situations que vous devrez expliquer. Quand vous avez critiqué le conseiller territorial avec tant de force, tant de véhémence, vous l'avez fait au motif essentiel que cela allait rompre le lien avec le territoire. Or, avec le conseiller territorial, il y avait un lien ténu avec un élu qui, certes, siégeait dans deux assemblées, mais restait connecté à son territoire, et un territoire moitié moins grand que celui que vous nous proposez aujourd'hui. Vous critiquiez hier un système sur lequel vous vous appuyez aujourd'hui pour justifier un dispositif bien plus grave que celui que vous dénonciez hier.
Monsieur le ministre, chez moi, dans un département comme la Côte-d'Or, nous allons passer à vingt-deux cantons. Sur ces vingt-deux cantons, cinq ou six cantons vont représenter 500 des 700 communes. Comment pensez-vous que les habitants vont percevoir cette proximité, cet ancrage territorial ? En réalité, ce tripatouillage électoral va conduire à la mort des territoires ruraux par la représentation.
La situation est paradoxale. Avec votre dispositif, vous allez donner les clés des départements aux agglomérations, à un moment où jamais l'aspiration à l'aménagement du territoire n'a été aussi grande chez nos compatriotes et jamais le sentiment d'abandon des territoires n'a été aussi fort, malgré ce que vous avez qualifié vous-même de surreprésentation des territoires ruraux. Je vous laisse imaginer la réaction de tous ces habitants qui se sentent parfois perdus, isolés, lorsqu'ils vont découvrir qu'ils ne sont plus représentés par le même nombre de conseillers généraux et que, de surcroît, ils n'auront plus la même réponse qu'avant.
Je m'interroge aussi sur l'urgence de la réforme, l'urgence de créer une nouvelle carte électorale. Cette urgence, on l'aura compris, est dictée par le calendrier : ce sont les municipales et surtout les sénatoriales. Vous engagez ce redécoupage pour vous assurer, demain, du vote de ceux dont vous préjugez qu'ils vous seront les plus proches.
Cela étant, monsieur le ministre – je le dis aussi à nos collègues du groupe SRC –, vous avez rendez-vous avec l'avenir. Lorsque les habitants de ces cantons découvriront ce que vous avez mis en place, ils vous demanderont des comptes et nous serons là pour leur rappeler que nous vous avions alertés sur la gravité de ce que vous étiez en train de mettre en oeuvre, s'agissant de l'avenir de notre territoire.
L'article 3 nécessite, selon moi, d'être supprimé pour trois raisons.
Premièrement, notre collègue Sauvadet vient de le rappeler, cet article décline la logique des deux articles précédents. Puisque nous sommes défavorables au principe, il est normal que nous soyons également défavorables à ses conséquences.
Deuxièmement, les territoires ruraux seront largement pénalisés par la mise en oeuvre de votre dispositif. J'en profite pour rappeler à l'Assemblée qu'il y a aussi des territoires ruraux en Île-de-France. Par conséquent, certains Franciliens sont, comme moi, concernés par ces dispositions.
Tout à fait, mon cher collègue, ainsi que les Yvelines. Nous sommes donc nous aussi très attentifs à ce que la ruralité soit correctement représentée dans les assemblées des conseils généraux.
Troisièmement, cet article est en quelque sorte une curiosité.
Le texte initial du Sénat est cohérent. Dans cette logique, pour faire élire deux conseillers départementaux par canton, il suffit de diviser purement et simplement par deux le nombre de cantons existants et de l'arrondir à l'unité supérieure. Tout cela est compréhensible.
Mais au nom d'une bizarrerie arithmétique que – je l'avoue – j'ai du mal à saisir, il faudrait que le nombre de cantons dans tous les départements soit systématiquement impair.
Je suis surpris, car je n'en comprends absolument pas la raison.
Que le nombre de cantons soit pair ou impair, il y aura deux conseillers départementaux par canton. Il me semble qu'en arithmétique, on apprend dès le plus jeune âge que, dans un produit de facteurs, lorsque l'un au moins des facteurs est pair, le produit est pair…
Outre le fait que l'article 3 est une déclinaison cohérente de l'article 1er, ce qui explique notre vindicte à son égard, outre la pénalité qu'il constituera pour les territoires ruraux, le fait qu'il soit formulé d'une façon défiant la raison arithmétique nous conduit à vouloir la suppression de cet article.
L'article 3, qui traite du sujet fondamental du nombre de cantons, pose deux problèmes.
Le premier, c'est que la division du nombre des cantons produit en réalité une multiplication du nombre des élus. Il y a aujourd'hui 3 971 conseillers généraux, il y aura demain 4 128 conseillers départementaux avec votre système assez subtil d'arrondis, monsieur le ministre, soit 157 de plus qu'aujourd'hui. Et si on ajoute à ces futurs conseillers départementaux les conseillers régionaux que vous ressuscitez, on obtient 2 650 élus territoriaux de plus que le nombre de conseillers qui auraient dus être élus l'an prochain.
Cela n'est pas en soi un problème, mais cela le devient lorsque, en dépit de cette augmentation du nombre d'élus, vous réussissez la prouesse de diminuer considérablement le nombre d'élus dans les territoires ruraux.
Le deuxième problème, qui n'a pas encore été évoqué dans nos débats, c'est votre rapport à la démographie, qui est vraiment curieux du point de vue logique. Le nombre de conseillers départementaux et de cantons dans un département ne sera pas lié au nombre de ses habitants. J'en veux pour preuve que deux départements à la démographie comparable auront des conseillers départementaux en nombres extrêmement différents. À cet égard, il n'y a nul respect d'une logique démographique.
Pourtant, lorsque vous modifierez le découpage dans chaque département, vous ferez prévaloir une logique démographique. Ce que vous exigez à un moment, vous le reniez à un autre. Curieuse logique, que nous tenons à dénoncer car ses effets sur les territoires seront terribles. Une espèce de machinerie folle se met en marche. Elle va priver de présence les territoires ruraux et sera en fin de compte, nous en sommes convaincus, extrêmement dangereuse pour notre pays.
Cet article nous ramène à un sujet que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer, qui est la sous-représentation des territoires ruraux. Comme l'ont dit beaucoup de mes collègues, on est élu pour représenter une population constituée en corps électoral et c'est bien légitime. Mais on est aussi élu, en particulier dans les cantons où se tiennent les élections dites désormais départementales, pour représenter les territoires. Certains départements présentent un pôle urbain et une zone rurale. La ruralité y sera complètement massacrée.
Je parlerai d'un département que je connais bien et qui m'est cher, celui de la Seine-et-Marne, dont est aussi élu un autre parlementaire que je connais bien aussi, mon collègue Jean-François Copé.
Sa circonscription comprend une partie de la ville de Meaux, qui compte 55 000 habitants. Pour rassembler autant d'habitants dans ma circonscription, il faut réunir 70 communes ! Ce territoire, spécifique en Seine-et-Marne, département très urbanisé comportant une frange rurale, compte aujourd'hui huit cantons, donc huit conseillers généraux. Cette zone rurale ne comptera plus que deux cantons, soit quatre conseillers généraux ou départementaux. C'est une division par deux qui rendra inaudibles leurs problématiques dans un département urbain.
On ne peut pas, en Île-de-France, comparer le rural et l'urbain en termes d'accès aux réseaux Internet, de modes de garde, etc. Dans ces départements, le monde rural ne sera plus entendu. C'est en cela que ce découpage est catastrophique : on ne raisonne qu'en termes de population, oubliant les territoires dont est pourtant faite la France.
L'article 3 va conduire à une situation que nous contestons et qui est pour nous une mauvaise chose. C'est une très mauvaise nouvelle pour la ruralité, comme notre président de groupe vient de le rappeler. Vous l'avez nié aujourd'hui lors des questions d'actualité, monsieur le ministre, avec beaucoup de conviction et même de véhémence. Mais si vous contestez notre analyse, j'aimerais avoir votre avis sur l'opinion émise hier par notre collègue Sergio Coronado dans cette enceinte. Il disait en substance qu'il fallait mettre fin à la surreprésentation de la ruralité. Il a au moins eu l'honnêteté d'exprimer avec franchise l'une des finalités de cette loi qui est de diminuer le poids de la ruralité, ce que nous contestons.
C'est également l'avis d'un autre de nos collègues, qui fait partie de votre majorité, M. Dolez, qui a dit hier que cette loi n'est pas bonne car elle compromet la proximité.
N'est-ce pas, cher collègue ? Nous souscrivons à cet avis et c'est la deuxième raison pour laquelle il nous semble que l'article 3 est très mauvais. L'une de vos collègues, monsieur le ministre, est chargée entre autres de « l'égalité des territoires ». Les territoires ruraux, moins bien dotés et plus difficilement desservis, font l'objet d'une forme d'injustice dont ils souffrent. Cette loi va leur porter un nouveau coup, très préjudiciable.
L'un de nos collègues a dit hier, citant Gambetta, que « la République se renforce dans les mairies et les cantons ». Eh bien ! Avec cette loi, il me semble qu'elle va s'affaiblir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais témoigner au nom du groupe de la gauche unie, socialiste et communiste, du conseil général de la Lozère.
Cette réforme soulève de très vives inquiétudes dans le monde rural car elle repose sur deux principes, la parité et une cartographie reposant sur le seul critère de population. Si elle était adoptée en l'état, elle affaiblirait considérablement la représentation du monde rural au sein des assemblées départementales en donnant aux villes un poids considérable. Pour atteindre le seuil minimum demandé, même avec une variation de 20 %, la Lozère verrait quatre voire cinq cantons actuels fusionner alors même que ses secteurs géographiques sont immenses. Les conséquences seraient dramatiques pour nos territoires ruraux : vision faussée du développement de nos départements, perte d'un maillage territorial important et de proximité, difficultés pour les élus.
Le nombre de cantons en Lozère passera de 25 à 13, dont trois centrés sur Mende et sa périphérie. Ainsi, la quasi-totalité du département ne comprendra plus que dix cantons. Sur ce territoire, il faut souvent une heure au conseiller départemental pour traverser son canton. En d'autres termes, là où la densité de population est faible, le lien de proximité entre l'élu et les habitants sera rompu.
Le groupe de la gauche unie me demande d'intervenir auprès de vous, monsieur le ministre, pour retirer ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Un député du groupe UMP. C'est la gauche forte ! (Sourires)
L'article 3 traduit le choix du Gouvernement de figer la carte des cantons par un redécoupage sans contrainte qui se contente de diviser par deux leur nombre tout en respectant des équilibres démographiques à l'intérieur de chaque département. Nous avons bien compris la manoeuvre. Cela va amener à fusionner des cantons ruraux en laissant quasiment intacts les cantons urbains et périurbains. Comme par hasard, les cantons urbains sont plutôt à gauche et les cantons ruraux plutôt à droite.
C'est une belle arnaque politicienne. Vous sacrifiez sans le moindre état d'âme les zones rurales qui seront représentées uniquement sur des bases démographiques, qui leur sont défavorables. Certes, les secteurs ruraux sont parfois surreprésentés par rapport à leur poids démographique. Mais la justification en est qu'ils cumulent souvent les handicaps : faibles ressources, enclavement, proportion plus importante de population en difficulté. Un conseil général, mes chers collègues, s'occupe d'aide sociale mais aussi de routes, qui sont deux éléments importants pour les ruraux. S'ils sont marginalisés au sein du conseil général, l'argent ira aux villes qui ont certes des besoins, mais aussi des ressources que les ruraux n'ont pas, des proximités qui facilitent la vie, des transports en commun plus denses.
La charge de travail des élus du monde rural, qui ont beaucoup de petites communes à couvrir, sera alourdie. Ceux qui dans cet hémicycle ont des zones rurales dans leur circonscription savent de quoi il retourne. Un canton à vingt communes voire plus représente un énorme travail de gestion. Si en outre le binôme ne fonctionne pas et que chacun travaille de son côté, on ne s'en sortira pas. Élu d'une circonscription mixte comptant une ville de 50 000 habitants mais aussi des petites communes de moyenne montagne, je mesure bien l'importance pour les ruraux d'être fortement représentés dans les instances décisionnelles. Si on leur enlève cela, il ne leur restera plus grand-chose. Cette loi est une véritable catastrophe pour le monde rural. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Inscrire dans la loi la division par deux des effectifs actuels des assemblées départementales comme vous le faites, monsieur le ministre, ne rime à rien. Cette référence aux effectifs actuels ne rime à rien tant chacun sait qu'ils sont le produit un peu hasardeux de l'histoire !
Raison pour laquelle vous avez vous-même modifié le découpage des circonscriptions législatives !
Si vous vouliez inscrire un effectif dans la loi, il fallait faire le travail jusqu'au bout et nous présenter un tableau des effectifs cohérents. Vous portez une réelle atteinte au principe d'égalité devant le suffrage en fixant pour l'avenir des effectifs qui ne reposent sur rien et que vous êtes incapable de justifier. Je vous ferai observer que l'effectif des assemblées départementales n'a jamais été inscrit dans la loi depuis 1801. Encore une nouveauté ! J'observe aussi que votre binôme aurait pu fonctionner sans inscrire dans la loi l'effectif nouveau des assemblées départementales.
Tout cela n'a qu'un seul but : justifier votre vaste entreprise de découpage électoral. Je vais parler avec nuance, monsieur le ministre, afin de ne pas heurter votre sensibilité : jamais un gouvernement n'a présenté autant de textes à caractère électoral aussi peu de temps avant des élections !
Cela nous inquiète. Vous preniez hier des airs de vierge effarouchée quand nous parlions de tripatouillage électoral, mais force est de constater qu'il y a bien tripatouillage à tous les étages, dans les assemblées départementales comme au Sénat. Le texte que vous avez présenté aujourd'hui est une honte. Non seulement il minore la représentation de la ruralité mais en plus il est à visée électoraliste. Je parle sous le contrôle de notre excellent collègue Borgel, qui a dû faire les calculs mieux que moi. L'abaissement du seuil de la proportionnelle assure au parti socialiste cinq ou six sénateurs supplémentaires et l'abaissement de la tranche de 1 000 à 800, si tant est que vous vous contentiez de l'abaisser à 800 et non à 500 par amendement parlementaire, assure également au parti socialiste cinq ou six sénateurs supplémentaires, à tout le moins. À nouveau, nous voici très loin de l'intérêt général !
Si vous voulez prouver votre bonne foi, monsieur le ministre, faites une chose très simple : reportez l'application de ces réformes au lendemain des élections. Ce serait la preuve que vous travaillez pour l'intérêt général et pas seulement pour le parti socialiste.
L'article 3 du projet de loi tire simplement les conséquences logiques du dédoublement des élus en divisant le nombre de cantons par deux. Il annonce aussi le remodelage de la carte cantonale, rendu aujourd'hui nécessaire par les disparités démographiques importantes entre les cantons au sein même des départements.
Selon une jurisprudence désormais bien établie du Conseil Constitutionnel, l'organe délibérant d'un département ou d'une région de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques, selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage. La loi, en diminuant le nombre de cantons, aboutira non à la sous-représentation de certains territoires que vous redoutez, mais à une limitation de la surreprésentation de certains territoires.
Dans le département de la Sarthe dont je suis élue, l'un des plus petits cantons compte 3 900 habitants quand le plus gros en compte 37 000. La voix d'un citoyen compte donc pour un dans le premier cas et pour un dixième dans le second.
L'exigence démocratique d'assurer une représentation plus équitable des citoyens et des territoires justifie pleinement les conséquences de l'adaptation prévue à l'article 3.
Je conclurai en rappelant que l'article 23 – qui prévoit les règles de délimitation des cantons et les dérogations à ces règles, qui doivent être de portée limitée et justifiées par des considérations d'intérêt général ou d'ordre géographique – doit nous permettre de répondre aux craintes qui se sont exprimées quant à la taille des cantons, qui pourraient être trop vastes ou trop peuplés.
Monsieur le ministre, au carrefour de toutes les contradictions et paradoxes de votre texte, se trouve le bricolage. Il vous faut bien, en effet, bricoler des solutions ; vous le faites à l'article 3.
J'évoquerai trois aspects de ce bricolage.
Le premier concerne le calcul du nombre de cantons. Comme vous ne voulez pas être pris en flagrant délit d'augmentation du nombre d'élus, car nos concitoyens sont sensibles à cette question – la création du conseiller territorial répondait d'ailleurs à leur préoccupation –, vous avez choisi de diviser le nombre actuel de cantons par deux.
Le deuxième aspect concerne la manière dont vous allez respecter l'obligation, fixée par ailleurs dans la loi, d'assurer une certaine cohérence entre la carte des circonscriptions législatives et celle des cantons. En découpant hardiment les départements en tous sens, vous allez en effet rendre difficilement lisible la relation très importante qui existe entre les conseillers départementaux de demain – les conseillers généraux d'aujourd'hui – et leurs députés.
Troisièmement, comme vous le suggérait tout à l'heure Jean-Frédéric Poisson, évitez au moins le ridicule ! En commission, vous avez justifié la rédaction de la fin de l'article 3 par le fait qu'un nombre impair de cantons permettrait à l'assemblée départementale de prendre des décisions. Or, vous avez beau fixer un nombre impair de cantons, le nombre des élus sera pair ! Donc, votre argument tombe.
De grâce, faites au moins en sorte que disparaisse la fin de l'article 3, qui, encore une fois, n'est que du bricolage. Sinon, vous nous donnerez un argument supplémentaire – dont nous n'avons, du reste, pas besoin – pour plaider, dans le monde rural, contre ce texte maléfique qui veut la mort de la France, de nos territoires ruraux.
C'est de la France que nous parlons, de son intimité, de son harmonie, de son originalité, et je regrette que nous le fassions de cette manière-là.
Aussi longtemps que je vivrai, élu ou non, je n'accepterai jamais ce texte, qui a d'ailleurs été bâti sur un acte manqué, puisque, hier, la présidente n'a pas fait voter quand il fallait le faire. Compte tenu de ce que j'ai appris, dans mes leçons d'instruction civique et dans ma vie d'élu depuis 1977, je considère que c'est très grave. Je subirai peut-être cette loi quelque temps, mais je ne l'accepterai jamais, car elle porte atteinte à ce qu'il y a peut-être de plus précieux en France : l'égalité des chances.
Après la mort politique, vient toujours – toujours ! – la mort économique et sociale ; il n'y a pas d'exception.
Après avoir mis le feu aux banlieues, nous allons de nouveau inviter les bandits de grand chemin dans nos campagnes. C'est inévitable. Ceux qui ont peur, et ils ont raison, des feux qui se déchaînent de plus en plus, des amas d'eau qui descendent des montagnes, n'ont pas fini d'avoir peur, car, là-bas, il n'y aura plus personne pour entretenir ces territoires.
On dit qu'actuellement, un conseiller général peut représenter 3 000 habitants et un autre quatorze fois plus. Par pitié, ne jouons pas à ce petit jeu-là. Qui a jamais prétendu que le président des États-Unis était plus important que le premier ministre d'Israël ?
Faisons très attention, car c'est beaucoup plus complexe que ça n'en a l'air.
Je regrette profondément qu'à la tristesse de vivre dans des zones qui se sentent abandonnées, on ajoute l'humiliation en nous disant que nous ne représentons plus rien ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
L'article 3 laisse supposer qu'en divisant le nombre de cantons par deux, on regrouperait deux cantons pour n'en faire qu'un. Or, la réalité du terrain est différente. Le département du Tarn, qui compte 375 000 habitants et 46 cantons, n'en comptera plus que 23, chacun devant représenter environ 17 000 habitants. Ainsi, après deux siècles de bons et loyaux services, dans le secteur montagne du département – qui, comme je l'ai rappelé hier, est bicéphale, puisqu'il se partage entre agglomérations et zones de montagne –, les sept cantons d'Anglès, 718 habitants, de Lacaune, 3 852 habitants, Murat, 1 727 habitants, Brassac, 3 387 habitants, Vabre, 2 310 habitants, Alban, 2 748 habitants, Montredon, 2 666 habitants, disparaîtront pour ne plus en faire qu'un. Or, il faut une heure et quart pour aller de Villeneuve-sur-Tarn à Anglès et de Murat à Arrifat. Ce nouveau canton, qui couvrira 1 175 km², représentera 20 % de la superficie du département.
Ces chiffres sont éloquents. Ils démontrent que ce texte entraînera des disparités territoriales et je crains ses conséquences. À terme, par exemple, on supprimera – pourquoi pas ? – les sept brigades de gendarmerie pour n'en garder qu'une par canton.
Pour notre secteur montagne, ce sera catastrophique. Il est donc essentiel d'apporter des correctifs, tels que ceux qu'a proposés notre collègue Sauvadet dans un amendement qui a été voté hier, afin de respecter un certain équilibre.
Madame la présidente, je terminerai en évoquant l'un des plus beaux textes de Jean Ferrat.
Je veux parler de La montagne, une chanson qu'il a écrite en 1964 (M. Philippe Folliot chante) :« Pourtant, que la montagne est belle ! Comment peut-on imaginer qu'avec un tel texte, on puisse prendre le risque de la sacrifier ? » (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Monsieur le ministre, au début de nos débats, je vous ai accordé la présomption d'innocence, mais il est temps de se poser les vraies questions au sujet d'un texte qui remet en cause la représentation des territoires.
Nos collègues de la majorité nous ont reproché d'avoir voté la réforme territoriale sous la précédente législature, car elle aurait été, selon eux, un moyen d'affaiblir les départements, voire de les faire disparaître. Or, à la lecture de l'article 3, on constate que, pour assurer le respect de la parité et pour les besoins du redécoupage, vous devez diminuer le nombre de cantons tout en augmentant leur représentation à travers les élus. Aussi, je crois que cette remise en cause de la représentativité des cantons et le binôme improbable que vous créez traduisent votre volonté, non seulement de favoriser votre camp, comme l'ont fait beaucoup de ministres de l'intérieur, mais aussi d'amoindrir le rôle et la représentation du département. Ces textes conduisent en effet tout naturellement à l'accroissement du rôle et des compétences du conseil régional, qui jouera un rôle prépondérant.
La réforme a donc un double effet « Kiss cool » : elle va à la fois amoindrir la représentation des territoires ruraux et affaiblir le conseil général.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas ignorer le contexte économique, qui affecte nos concitoyens, nos collectivités et l'État. Or, vous avez envisagé cette réforme sans en tenir compte. Certes, notre réforme territoriale était imparfaite – elle a été discutée sur tous les bancs –, mais elle aurait au moins permis de faire des économies, puisqu'elle aurait abouti à diminuer le nombre d'élus et elle aurait coûté moins cher que la vôtre.
Monsieur le ministre, votre réforme soulève beaucoup d'interrogations, notamment sur l'avenir du département lui-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Permettez-moi de regretter qu'en cas de prénom mixte, ce soit toujours le masculin qui l'emporte, puisque je m'exprime après mon collègue Le Mèner. (Sourires.)
L'article 3 est la conséquence de l'instauration d'un binôme de candidats dans chaque canton, puisqu'un tel binôme impose de regrouper les cantons.
Je veux faire trois observations suscitées par les débats d'hier et de ce soir.
Premièrement, je suis conseillère générale et je ne suis pas certaine, même s'il s'agit d'assurer la défense d'une parité masculine, de renoncer volontiers à me présenter seule devant les électeurs.
Deuxièmement, je suis élue d'un canton très urbain, qui représente un quatorzième de la ville de Lyon. Je sais que la place et le rôle d'un conseiller général du Rhône rural sont bien différents de ceux d'un conseiller général d'agglomération. Ne parlons donc pas de façon trop uniforme de la représentation des territoires et de ceux qui les habitent.
Troisièmement, vous avez supprimé le conseiller territorial, au motif qu'il ne garantissait pas le lien de proximité. Or, il me semble qu'il aurait assuré la cohérence et la complémentarité dans l'exercice des compétences et qu'il aurait permis de conserver des territoires de taille raisonnable.
Du reste, monsieur le ministre, vous soutenez la nouvelle organisation de l'agglomération lyonnaise telle qu'elle est envisagée sous la dénomination, qui n'est pas définitive, de métropole d'intérêt européen. Cette métropole exercera non seulement les compétences intercommunales et départementales, mais aussi certaines compétences municipales et régionales.
Or, toutes ces compétences seront exercées par des élus uniques, qui siégeront à la fois dans leur conseil municipal et au conseil métropolitain.
L'article 3 est le point le plus sensible du texte, puisque, par cette disposition, vous supprimez la moitié des cantons d'un trait de plume. Il s'agit d'un véritable coup de canif porté à l'institution connue et ancienne qu'est le département, dont la vocation est aussi de représenter la ruralité. Celle-ci va donc disparaître sous l'effet d'une fusion qui n'a d'autre sens que de faire du chiffre.
Je vais prendre l'exemple de ma circonscription, la première de Corse-du-Sud. Elle compte, hors Ajaccio, la ville centre, 38 communes. Selon les éléments dont je dispose, puisque nous ne connaissons pas encore le découpage, 33 de ces 39 communes appartiendront au même canton ; c'est un grand sacrifice. Ainsi les communes rurales de montagne – notamment celle de Rezza, dont je suis originaire – qui, jusqu'alors, avaient très peu de chance d'avoir un conseiller général n'en auront plus jamais lorsque votre réforme aura été votée. Je pense à toutes ces communes qui n'auront plus de conseiller général, donc plus de représentant au sein des assemblées départementales.
Plusieurs députés du groupe SRC. Elles en auront deux !
Comme nous n'avons eu de cesse de le dire, il s'agit d'un véritable charcutage électoral, qui porte une atteinte fondamentale à l'égalité des chances et à la représentation des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui souhaitent un rééquilibrage des cantons car la disparité des populations peut en effet aller de un à vingt voire de un à trente, et le milieu urbain est parfois sous-représenté. Mais ce que vous proposez est une véritable hécatombe pour les territoires ruraux, avec un tunnel, prévu à l'article 23, de plus ou moins 20 %.
Il aurait fallu au moins introduire un critère tenant compte de la superficie. Dans le département des Vosges, l'ouest vosgien représente environ 40 % du territoire et compte douze cantons ; avec votre texte, il passera à quatre. J'observe d'ailleurs que le député socialiste qui couvre l'ouest vosgien n'a pas mis les pieds dans cet hémicycle depuis le début de la discussion du projet de loi tellement il est mal à l'aise avec ce texte,…
Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !
C'est aussi le cas d'un grand nombre d'élus socialistes, comme Pierre Morel-A-L'Huissier l'a démontré tout à l'heure.
Votre texte est vraiment un coup dur pour l'égalité des territoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
L'article 3 est probablement le plus important et le plus dangereux pour le monde rural car il va mettre un terme à la représentation des territoires ruraux dans les instances départementales en ne prenant pas suffisamment en compte, ainsi que d'autres articles qui suivent, la diversité de nos territoires. Où est le maintien de la proximité que vous revendiquez, monsieur le ministre ?
Les termes de cet article pourraient laisser penser que vous proposez uniquement la réduction de moitié du nombre des cantons, mais il n'en est rien. Certes, vous jouez sur l'ambiguïté, mais autant je pourrais être favorable au regroupement, notamment en milieu rural, de deux cantons contigus pour permettre un certain rééquilibrage,…
…autant je ne peux être que défavorable au découpage tel que vous l'envisagez car il se fait uniquement sur un critère démographique. Ainsi, prenons le cas du département du Rhône – sans prendre en compte le projet de métropole européen – : il n'y aurait plus que vingt-sept cantons d'environ 70 000 habitants chacun, le Rhône rural, qui représente 70 % de la superficie départementale, n'en comptant plus que sept.
Encore une fois, je vous le demande : avec votre texte, où est le maintien de la proximité que vous revendiquez ? Ainsi, en fonction des départements, votre nouveau système aura pour conséquence qu'en moyenne les deux tiers des nouveaux conseillers généraux seront élus dans les centres urbains. Je ne vois décidément pas, depuis lundi, où se trouve la proximité dont vous vous réclamez.
Oui, monsieur le ministre, diviser systématiquement le nombre de cantons par deux en ne prenant en compte que le critère démographique, cela signifie que les territoires de montagne comme les autres territoires ruraux ne seront presque plus représentés dans les instances départementales.
Oui, monsieur le ministre, là où la densité de population est faible, l'étendue du canton sera immense. Dès lors la proximité du conseiller général, si nécessaire, si prégnante et si appréciée par nos concitoyens et dans nos territoires ruraux, ne sera plus qu'un souvenir.
Oui, monsieur le ministre, votre loi est une loi ruralicide ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous l'avons tous dit : vous avez eu beaucoup d'imagination, monsieur le ministre, pour créer ce scrutin unique au monde, à savoir le fameux binôme. Par contre, il vous en a beaucoup manqué pour redécouper les cantons puisque vous vous contentez d'une division par deux, même pas démographique mais seulement mathématique. Vous ne tenez même pas compte de l'évolution démographique entre les départements. Je rappelle que les cantons proviennent de départements délimités en 1790 et dont les évolutions démographiques ont été gigantesques. J'en veux pour preuve l'Hérault : il comptait 275 000 habitants en 1801, il en compte un million en 2011, soit une multiplication par quatre, alors que la population de la Haute-Saône, mon département, a été divisée par deux. Votre division purement mathématique ne tient même pas compte de ces évolutions qui ont complètement bouleversé la carte démographique du territoire national.
On est bien là en plein décalage, en pleine déconnexion par rapport à l'évolution du paysage démocratique français.
Et puis vous vous vantez tant de vouloir donner la liberté aux collectivités territoriales, mais alors pourquoi ne pas leur proposer un droit à l'expérimentation ? Cela permettrait à chaque futur conseil départemental d'évaluer lui-même le nombre de conseillers dont il doit être pourvu en fonction de ses spécificités en zones de montagne ou de déprise agricole ; chacun d'entre eux pourrait ainsi évaluer ses propres besoins en termes de démographie et de démocratie représentative.
Dans quelques semaines sera examiné dans cet hémicycle l'acte III de la décentralisation, texte dans lequel vous allez créer le fameux Haut conseil des territoires. Quel rôle donnerez-vous à ce haut conseil croupion dont les grandes décisions fondamentales auront déjà été prises ? Il ne sera qu'une marionnette qui devra assumer ce que vous aurez déjà fait entériner bien auparavant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je tiens tout d'abord à dire que je suis extrêmement choqué par ce projet de loi (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP), même si ce n'est pas autant que par les propositions que l'UMP avait faites avant les élections.
Mais je suis, je le répète, énormément choqué. En tant qu'élu et habitant du monde rural, je suis blessé aussi parce que derrière tout cela, il y a tout de même la volonté de s'en prendre aux territoires ruraux. On peut chercher tous les arguments possibles pour justifier ce qui nous est proposé, j'ai écouté ceux des uns et des autres : ils ne tiennent pas.
Il est vrai qu'il y a une disproportion entre les cantons. J'ai été moi-même élu, pendant vingt-sept ans, conseiller général d'un canton de 1 350 habitants, et je suis le premier à dire qu'il fallait un redécoupage. Il n'est pas normal que dans un arrondissement tel que celui d'Ambert, dans le Puy-de-Dôme, qui compte vingt-six mille à vingt-sept mille habitants, il y ait encore aujourd'hui huit conseillers généraux. Je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus et sur le fait qu'on pouvait faire un redécoupage pour aboutir à un peu plus d'équilibre sans étouffer le monde rural.
Or le problème de ce texte, c'est qu'il va provoquer un effet amplificateur à deux niveaux.
Il y aura d'abord un rééquilibrage mécanique avec les maxima de plus ou moins 20 %, ce qui aura pour résultat de former un véritable rouleau compresseur qui écrasera la représentation des territoires ruraux. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Je sais que cette analyse est ici très largement partagée. Des huit conseillers généraux que j'ai évoqués, il devrait en rester peut-être trois puisqu'il faudra en prendre à côté pour former un autre canton.
Le second effet amplificateur, ce sera bien sûr le binôme parce qu'il double la taille des cantons (Approbations sur plusieurs bancs du groupe UMP), et les conséquences en seront encore plus désastreuses.
Au final, deux choses sont extrêmement graves.
Premièrement, ce texte est un coup terrible porté au pluralisme, une façon d'aller extrêmement rapidement vers le bipartisme. (« C'est vrai ! » sur les bancs des groupe UMP et UDI.) Chacun sait que des conseillers généraux étaient élus dans de petits cantons, sur de petits territoires où perdurait une tradition de voter socialiste ici, communiste là ou radical ailleurs, et cela va disparaître. Vous savez très bien qu'un de vos objectifs, monsieur le ministre, et vous l'occultez, c'est d'aller vers le bipartisme, c'est de vous attaquer au pluralisme !
Deuxièmement, c'est une erreur grave de poser ainsi les questions de la ruralité parce que les fractures territoriales en seront aggravées. Chacun sait qu'en ces temps de vaches maigres avec la baisse des dotations, ce sont les territoires ruraux qui subiront les premières conséquences de votre dispositif ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Si nous délibérons ce soir sur le redécoupage des cantons à travers l'article 3, c'est parce qu'en 2009, l'opposition d'aujourd'hui, alors majorité, avait voté un texte de loi. Je rappelle qu'il avait été déclaré partiellement inconstitutionnel, les parlementaires socialistes ayant déposé un recours, tant il est vrai que le charcutage proposé…
…ne correspondait pas aux attentes des élus locaux.
S'agissant du canton, je suis allé à l'instant sur Wikipédia pour savoir comment il était défini : c'est un lieu où des services administratifs, tels que gendarmerie ou trésorerie, sont mis en place par l'État. À cet égard, j'aurais aimé entendre la droite évoquer la RGPP et la suppression de ces services publics dans les territoires ruraux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je tiens à dire ici que ce sont de tels services publics qui font d'abord et avant tout la richesse des cantons ruraux. Je vais prendre deux exemples provenant non pas du département de l'Ardèche mais d'un département voisin dont mon collègue Morel-A-L'Huissier a parlé : la Lozère. Avec le texte que vous aviez fait voter à l'époque, chers collègues de l'opposition,…
… ses 68 000 habitants n'auraient pas eu quinze ou seize conseillers généraux, mais trois. Qui défend ici la ruralité ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà la réalité de ce que vous proposiez puisque vous aviez décidé de mettre en place le conseiller territorial. Pour le département de l'Ain, 577 000 habitants et quarante-trois cantons actuellement, on serait descendu avec votre loi à vingt-huit cantons. Qui défend la ruralité ? Alors que vous défendiez le conseiller territorial, je pense que le texte d'aujourd'hui colle en réalité aux territoires ruraux. Je le dis à mes collègues de la majorité plurielle : nous aurons l'occasion, dans le cadre des binômes, de nous organiser pour que la représentativité soit réalisée correctement et que la pluralité existe dans nos cantons ruraux.
Il n'y a pas de raison, là où il y aura des majorités avec nos amis écologistes, radicaux ou communistes, que le binôme ne soit pas organisé ainsi. Beaucoup de présidents de conseils généraux de gauche y veilleront, et ce sera évidemment aussi mon cas.
Sergio Coronado, dont je connais le sens du juste équilibre, a certainement parlé non pas d'affaiblir les territoires ruraux mais d'un juste équilibrage entre zones rurales et zones urbaines, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
Moi aussi, mes chers collègues, je suis élu d'un milieu rural, ma plus grande ville compte 9 500 habitants, mais je pense que le découpage actuel, issu du XIXe siècle, n'est pas raisonnable : on a des différences de un à cinquante-sept dans certains départements. Il est donc nécessaire de passer à un autre découpage. J'entends dire que les cantons représentent les territoires, la culture locale, ceci ou cela,…
…mais je constate qu'ils sont en train de s'agréger dans des intercommunalités de plus en plus grandes. Pour ma part, j'ai des cantons éclatés entre trois intercommunalités différentes. Je ne vois pas trop ce que représente le canton aujourd'hui. Je pense donc qu'on devrait plus se soucier des intercommunalités que des cantons.
En France, on ne s'est jamais posé véritablement la question de la représentation des territoires, et ce qui pose problème, ce sont les 20 %. Mais pour modifier ce seuil, il faut changer la Constitution. J'appelle mes collègues de la droite à en discuter. François Hollande vous a fait des propositions de modification de la Constitution, c'est donc le moment. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vais pouvoir m'exprimer très librement puisqu'il n'y a pas de conseil général ni de cantons en Nouvelle-Calédonie (Mouvements divers), c'est donc beaucoup plus facile pour moi ou pour mes collègues, nous sommes probablement moins passionnés que l'ensemble de la représentation nationale.
Je suis quand même surpris de voir que le fait démographique constituerait l'alpha et l'oméga de l'organisation territoriale française.
En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, les accords dits de Matignon et de Nouméa ont été signés en 1988 et 1998, sous l'égide des gouvernements Rocard et Jospin. Ces accords ont été conçus de manière à opérer le rééquilibrage d'un territoire dont la grande île s'étend sur 400 kilomètres et dont la capitale concentre 80 % de la population. Comment faire en sorte que le reste du pays puisse être mis en valeur ? Ce rééquilibrage est passé par un renforcement de la représentation politique au sein des zones désertées.
Pour 180 000 habitants, c'est-à-dire 80 % de la population du pays, la Province Sud compte 40 élus ; pour seulement 45 000 habitants, la Province Nord a 22 élus ; pour 15 000 habitants, la Province des îles, la plus désertée, se retrouve avec 15 élus.
Comment peut-on imaginer une seconde que l'on va redonner de la vie à des territoires désertés, dans lesquels les activités économiques ne peuvent pas s'installer, dans lesquels les services publics n'ont pas pu se développer, en donnant moins de voix et moins de pouvoir politique à ceux qui dirigent les institutions ? Cela me semble un contresens à l'échelle d'une politique d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Notre groupe, vous le savez, n'est pas du tout favorable à ce mode de scrutin assez étrange. S'il a tant de qualités, d'ailleurs, j'imagine qu'il sera transposé sans tarder pour les élections législatives et notre assemblée. Après tout, si on est capable de l'appliquer à 4 000 élus locaux, on doit pouvoir l'appliquer à 577 députés, mais je ne crois pas que ce soit au programme…
Cela étant, chers collègues de l'opposition, je voudrais vous rappeler deux ou trois principes que vous avez complètement oubliés dans toutes vos interventions. Le premier, auquel je suis assez attaché et qui me paraît être un fondement de la démocratie, c'est le principe d'égalité des citoyens devant le suffrage.
Un homme ou une femme, une voix : voilà ce que l'on dit normalement partout dans le monde lorsque l'on veut promouvoir la démocratie. Or, depuis on ne sait même plus combien de décennies, les citoyens ne sont pas égaux devant le suffrage dans notre pays, quel que soit le département.
En Loire-Atlantique, département à la démographie dynamique qui compte 1,250 million d'habitants, les élus de certains cantons représentent quelques milliers d'habitants voire moins, tandis que d'autres en représentent plusieurs dizaines de milliers, 40 000 ou 50 000 habitants.
Quelle est la logique démocratique ? Est-ce que cela est sans influence sur la gestion de ces collectivités ? Évidemment non.
Il faut mettre fin à cette distorsion démocratique. C'est une question d'égalité des citoyens.
Chers collègues de l'opposition, vous avez aussi la mémoire courte. J'étais déjà député, lors de la précédente législature, lorsque nous avons parlé du conseiller territorial et j'avais présenté des amendements pour promouvoir la parité.
À l'époque, vous aviez non seulement prévu de réduire le nombre d'élus – de 59 à 52 dans mon département, par exemple – mais aussi de faire un redécoupage. Vous faisiez les deux en même temps : moins d'élus, un redécoupage. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je me réjouis du retour de M. Morel-A-L'Huissier car je voulais finir mon propos sur la ruralité. Cessez donc d'entretenir cette vision misérabiliste de la ruralité !
À vous entendre, on a l'impression qu'il n'y a rien de pire que de vivre dans les campagnes et les villages de France (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) alors qu'ils regorgent de dynamisme, d'initiatives, de gens qui se retroussent les manches et qui ne sont pas à entretenir vos discours misérabilistes. (Mêmes mouvements.) Alors, cessez ces discours qui en réalité sont des discours de dénigrement des campagnes et des villages de France. (Mêmes mouvements.– Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs bancs du groupe SRC.)
Parlons de la méconnaissance du monde rural. Vous avez en quelque sorte supprimé le département en créant le conseiller territorial et maintenant vous nous faites une ode, un hymne au canton et à la ruralité. Vous ne manquez pas d'air ! Que ma circonscription de Vendée passe de huit à trois cantons, c'est aussi une affaire de rééquilibrage et cela ne va pas supprimer la dimension de ruralité.
D'autre part, l'élu d'un canton au conseil départemental est élu pour mener une politique départementale, et non pas une politique rurale ou cantonale.
Il y a une logique d'aménagement du département, pas du canton. Sinon, c'est une logique de cantonnier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Moi, je vous ai écouté, alors j'aimerais que vous ayez la même sagesse.
Il y a une autre réalité, celle de l'intercommunalité. Actuellement, il n'y a aucune lisibilité du canton quant aux politiques menées en matière d'intercommunalité. Il est grand temps, au contraire, qu'il y ait un conseiller départemental qui ait une vocation un peu plus large et qui puisse aussi recouvrir, parfois, des politiques intercommunales.
Je crois que ce sera beaucoup plus pertinent. Enfin, mes chers collègues, ce texte a quand même le mérite d'assurer la parité.
Après le débat assez riche que nous avons eu dans la discussion générale, je voudrais ici justifier la suppression de cet article. En réalité, on s'est emmêlé les pinceaux en voulant poursuivre trois lapins à la fois.
Premièrement, on a voulu corriger l'inégalité entre très petits et très grands cantons, en réduisant leur nombre.
Deuxièmement, on a voulu opérer un rééquilibrage entre territoires ruraux et urbains dans un même département.
Troisièmement, on a voulu profiter de l'occasion pour corriger la représentation politique en instaurant la parité qui a fait l'objet des articles précédents.
Or on pouvait très bien ne pas toucher au lien très important qui subsiste entre l'élu rural et son territoire en utilisant votre propre système, c'est-à-dire en considérant que l'on peut avoir des cantons urbains très peuplés avec plus d'élus et des cantons ruraux moins peuplés, donc plus petits, avec un élu rural qui garde le lien de proximité.
En d'autres termes, il est tout à fait possible d'arriver à une position beaucoup plus équilibrée que celle que vous promettez. Comme le demandait M. de Rugy, faisons en sorte qu'il y ait une relation entre la population et les élus – un élu pour 10 000 ou 20 000 habitants, par exemple – ce qui permettrait au petit canton rural d'avoir un élu et au grand canton urbain de 60 000 habitants d'en avoir deux ou trois. On résout ainsi le problème d'égalité que vous avez souligné, mais sans en créer un autre : passer de petits cantons de 2000 ou 3 000 habitants à des macrocantons de 40 000 habitants en perdant totalement le lien entre l'élu rural et la population.
C'est pour cela que je propose la suppression de cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour défendre l'amendement n° 41 .
Cet amendement vise à supprimer l'article pour maintenir le mode de scrutin actuel.
S'il est nécessaire de rééquilibrer la démographie des cantons dans toute la France, les élus locaux savent que la présence sur le terrain est exigeante et qu'il faut donc traiter différemment les zones urbaines et les zones rurales. Les ruraux se sentent méprisés dans ce projet.
Les habitants des zones rurales – j'en parle avec beaucoup de respect – ne viennent pas voir un homme politique quand ils entrent dans nos permanences. Je suis conseiller général. Ils ne connaissent pas notre titre mais ils savent qu'ils auront en face d'eux un élu qui va les écouter, les entendre…
… les conseiller, voire les aider à monter une entreprise ou à régler un problème social. Méconnaître tout cela, c'est méconnaître notre terrain et avoir une attitude regrettable à l'endroit des ruraux. Je regrette vraiment que les propositions de bon sens que nous avons faites n'aient pas pu être retenues.
La parole est à M. Olivier Marleix, pour défendre l'amendement n° 172 .
Pour montrer les conséquences de votre redécoupage, j'ai assorti mon amendement d'un tableau dont je vais juste citer deux chiffres, ceux de la Savoie et de la Haute-Savoie. En prenant vos références historiques qui ne correspondent à rien, un canton moyen fera 21 000 habitants en Savoie et 43 000 habitants en Haute-Savoie. Cherchez l'erreur…
Pour continuer à éclairer nos collègues de la majorité, venons-en maintenant à trois contrevérités qui sont énoncées en boucle depuis plusieurs jours.
Premièrement, l'abrogation du conseiller territorial vous obligerait à faire cette réforme. C'est faux, c'est votre choix dicté par la parité, mais vous auriez très bien pu garder le statu quo. Je dis cela pour que vous ayez quelques éléments de langage quand vous irez voir vos conseillers généraux en circonscription.
Deuxièmement, vous seriez obligés de faire un redécoupage général dans notre pays. Faux, c'est un choix que vous faites en particulier avec cet article 3. En divisant par deux, vous vous imposez, ou plutôt vous vous donnez la possibilité de faire un redécoupage généralisé, ce qui n'a pas été fait depuis 1801 dans notre pays. Mais, depuis toujours, le législateur a donné au Gouvernement la possibilité de procéder par voie réglementaire. Ce pouvoir de faire des redécoupages vous appartient, vous n'avez pas besoin de vous créer des contraintes supplémentaires.
Enfin, cette fourchette des plus ou moins 20 % serait soi-disant inscrite dans le marbre. Chers collègues de la majorité, cette règle est quand même beaucoup plus nuancée. La jurisprudence du Conseil d'État est très claire : selon l'arrêt rendu en 2004 sur la légalité du découpage des cantons du département des Bouches-du-Rhône en 2004, un découpage électoral cantonal ne doit pas avoir pour effet d'aggraver les écarts démographiques. Il n'est pas mentionné de fourchette de plus ou moins 20 %.
Dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce n'est pas plus ou moins 20 % comme vous le dites. Ces plus ou moins 20 % valent à l'intérieur de chaque département, mais il faut combiner cela avec le système de la tranche. En réalité, au sein de l'Assemblée nationale, les écarts de population sont de plus ou moins 40 % entre la deuxième circonscription des Hautes-Alpes, par exemple, où un député représente 64 000 habitants, et la sixième circonscription de Seine-Maritime où le député représente 140 000 habitants. Pourtant, nous faisons la loi. Alors, quand il s'agit de représenter, d'administrer des territoires, cet écart de plus ou moins 40 % est tout à fait défendable. C'est ce que nous vous demanderons, monsieur le ministre, de défendre si vous avez un peu de considération pour le monde rural. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour défendre l'amendement n° 203 .
Monsieur le ministre, après le Sénat qui a blackboulé ce texte – et au fur et à mesure des débats je comprends pourquoi ! –, je voudrais revenir sur les interventions de mes collègues Chassaigne et Lassalle, deux élus ruraux comme moi – dans quelque temps, je n'aurai peut-être plus de canton, voire plus de circonscription, mais ce n'est pas le problème…
Ce système électoral va à l'encontre de la ruralité. Il va tuer la relation de l'élu rural avec ses électeurs. Dans le département du Rhône, il y a 54 cantons. Avec ce mode de scrutin, il y en aura peut-être 27 mais cela n'est pas sûr car le projet de métropole pourrait réduire leur nombre à douze. Je note que le président de l'Assemblée nationale sera demain à Lyon pour secourir son ami Gérard Collomb et l'aider à présenter ce projet aux élus du Grand Lyon. Je comprends pourquoi les Verts n'ont pas voté l'article précédent car, avec ce futur texte, ils passeront de trois conseillers généraux, un homme et deux femmes, à aucun élu. Si c'est ce que veulent les Verts, je suis inquiet pour leur survie.
Pour obtenir trois élus, il leur faudra présenter douze candidats, soit probablement la totalité des membres de la fédération écologiste du département du Rhône. C'est peut-être la raison pour laquelle ils auront des difficultés pour présenter des candidats.
Monsieur le ministre, je crois objectivement et sincèrement que ce texte est mauvais et qu'il va à l'encontre de la ruralité.
Je voudrais ici aborder un autre effet néfaste de cet article, qui fige le nombre de cantons et empêche un véritable rééquilibrage démographique. Ce problème touche particulièrement la Savoie et la Haute-Savoie.
Ces deux départements sont très proches, et beaucoup de structures administratives et représentatives leur sont communes ou travaillent en très étroite collaboration.
Au niveau politique, existe l'assemblée des pays de Savoie qui regroupe les élus des deux conseils généraux. Le développement de cet organe et l'accroissement de ses pouvoirs, voire la fusion de ces deux départements, bute actuellement sur un problème qui aurait pu être réglé par cette loi mais qui ne le sera pas, à savoir le nombre d'élus dans leurs conseils généraux respectifs.
La Savoie dispose de 37 conseillers généraux et passera à 19 conseillers départementaux, soit une moyenne de 21 840 électeurs par canton, pour 415 000 habitants. La Haute-Savoie compte actuellement 34 conseillers généraux pour 738 000 habitants et passera à 17 conseillers départementaux, soit une moyenne de 43 417 électeurs par canton.
La Savoie se trouve donc nettement surreprésentée au sein de l'Assemblée des pays de Savoie, trop pour que cela soit acceptable pour la Haute-Savoie. Si un rééquilibrage démographique réduisant l'écart actuel avait été possible avec cette loi, davantage de pouvoirs auraient pu être accordés à cette assemblée.
Ce serait un pas de plus vers un rapprochement plus étroit, voire à moyen terme une fusion, à l'image de ce qui se fait actuellement en Alsace.
En tout état de cause, avec cet article 3, il ne sera pas possible de corriger et d'atténuer cet écart entre la représentativité d'un conseiller général de Savoie et celle d'un conseiller général de Haute-Savoie. Voilà encore un des problèmes que pose cet article.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour soutenir l'amendement n° 364 .
Ce qui me gêne dans votre projet, et cela n'a pas été suffisamment dit, c'est la suppression de l'unité administrative cantonale et par voie de conséquence du chef-lieu de canton. Il en découle une ribambelle de suppressions de services publics. L'organisation de la gendarmerie reposait sur l'existence des cantons. Dans le cas de la Lozère, le nombre de cantons passe de 25 à 13. Qu'advient-il de la répartition géographique de la gendarmerie ? Que deviennent les bureaux de poste, les écoles ? C'est bien là que se trouve l'effet néfaste de votre projet.
Monsieur de Rugy, ce n'est pas faire du misérabilisme que de le dire. Nous sommes là pour défendre les territoires et la ruralité.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 521 .
Je ne vais pas répéter les motifs que j'ai indiqués précédemment. L'amendement est défendu.
La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l'amendement n° 709 .
Monsieur le ministre, je voudrais vraiment que vous preniez un peu de temps pour nous répondre sur ce sujet de la sous-représentation des territoires ruraux.
Nous l'avons tous dit avec la conviction et parfois la passion qui sont les nôtres. Vous devez bien mesurer les spécificités du monde rural qui n'ont rien à voir avec les pôles urbains. Je pense aux politiques de transport. Entre une ville de 30 000 habitants et un secteur rural, dans lequel 30 ou 40 communes doivent être réunies pour atteindre 30 000 habitants, le coût du transport est bien plus élevé pour ce dernier. Il est nécessaire que des élus portent dans les conseils généraux la voix des territoires ruraux. Or, vous affaiblissez leur représentation sans en mesurer les conséquences.
L'argument de l'égalité ne tient pas. Il ne vaut rien. Quand j'entends notre collègue de Rugy parler d'égalité, j'ai envie de lui poser la question de la taille des groupes parlementaires : au nom de l'égalité, on pourrait attribuer une voiture avec chauffeur par tranche de 27 députés ! C'est cela l'égalité ? Cela n'a aucun sens. L'égalité exige de prendre en compte la réalité des territoires. Cette réalité montre qu'il y a des spécificités à prendre en compte. Vous refusez de le faire avec le découpage que vous proposez.
La France n'est pas faite seulement de densité de population. Elle est faite de paysages, de territoires qui vivent parce que des élus sont là pour les défendre. Des élus se mobilisent pour leur territoire, ils se battent pour faire venir une PME de quarante personnes. Dans une ville, je le sais puisque je suis maire, cela n'a pas la même signification. Cette voix ne sera plus portée dans les départements. C'est la raison pour laquelle nous contestons votre réforme.
La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l'amendement n° 850 .
En entendant certains de mes collègues justifier ce vaste redécoupage, je constate que le débat a évolué.
Au début de l'examen de ce texte, vous prétendiez que la suppression du conseiller territorial rendait incontournable une réinvention et un redécoupage de l'ensemble des cantons. C'est absolument faux. Nos débats ont permis de le démontrer. Vous l'avez admis. C'est un choix politique que vous faites, et il sera lourd de conséquences.
Vous avez critiqué, de manière fallacieuse me semble t-il, le conseiller territorial au motif que sa création allait entraîner la suppression du département. C'est absolument faux. Vous avez justifié votre combat contre la mise en place du conseiller territorial par le redécoupage qu'il impliquait. C'est un gag de vous appuyer sur le conseiller territorial pour justifier votre propre redécoupage ! Vous allez infliger la double peine de ce que vous dénonciez hier. Vous allez doubler la superficie des circonscriptions électorales dont vous prétendiez qu'elles allaient provoquer la mort des territoires ruraux. Vous aurez à l'expliquer dans nos cantons.
Il est facile pour vous aujourd'hui d'affirmer que vous allez passer en force et que vous verrez demain ce qu'il en sera. Mais vous aurez rendez-vous avec les territoires ruraux, avec les populations et leur sentiment de désespérance. Dans un département comme le mien, il y aura dans un seul canton plus de cent communes, six cantons seulement représenteront 500 communes. Vous irez expliquer que c'est pour corriger une inégalité de représentation démographique alors que la vraie égalité, c'est de redonner du souffle aux territoires.
La mort politique annoncée des territoires ruraux que vous avez programmée, c'est la mort des territoires ruraux.
Vous pourrez le justifier comme vous voudrez, vous avez rendez-vous avec votre avenir.
Vous allez vous livrer à un tripatouillage, hors des circonscriptions, sans limites, sans contraintes – la seule que vous ayez fixée est de ne pas couper une ville de 3 500 habitants en deux.
Vous mettez en place un système qui conduira à donner les clés des départements aux agglomérations pour décider de l'aménagement du territoire. Certains l'ont d'ailleurs avoué. Je n'ai pas envie de confier l'aménagement du territoire aux agglomérations. Nous avons besoin des territoires ruraux (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Sur les amendements de suppression n os 26 et suivants, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 975 .
À cette heure tardive, je crois déceler la vraie raison du projet de loi. Il s'agit d'aider le monde enseignant. L'article 2 donnera l'occasion aux professeurs de droit dans les prochaines années de discuter du binôme. Cela promet de grands moments pour les chargés de travaux dirigés et les directeurs de thèse. Quant à l'article 3, je pense qu'il s'adresse aux professeurs de mathématiques.
J'énonce le problème, et cela vous rappellera à tous des souvenirs d'école primaire : « sachant que le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux est égal pour chaque département à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013 arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair, combien d'élus socialistes supplémentaires seront offerts par l'article L. 191-1 du code électoral ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux répondre une fois de plus, notamment à l'interpellation du président Jacob qui a parlé de sous-représentation des territoires ruraux quand d'autres, moins modérés, parlaient d'assassinat ou autres mots de même nature.
Nous parlons du découpage sur un fondement essentiellement démographique, donc un sujet qui est abordé dans l'article 23 que nous verrons ultérieurement. Cependant, puisqu'il est au centre de l'argumentation de l'opposition, je voudrais interpeller, au-delà des phrases toutes faites et des slogans, ceux qui sont attachés à l'ancrage territorial que permet le scrutin majoritaire dans le cadre des cantons.
Considérez-vous qu'il conviendrait de prévoir des cantons comportant des écarts au sein d'un même département qui iraient au-delà de tout ce que la jurisprudence de notre pays en matière de découpage autorise, Quels seraient alors les critères que vous fixeriez, à moins que vous estimiez opportun que la loi n'en fixe aucun ? Sans doute, à ce moment-là, accorderiez-vous une confiance totale au Gouvernement pour se livrer à l'exercice du découpage sans cadre ni contrainte. Comment pensez-vous ensuite pouvoir échapper à la censure du juge ?
Ce que vous dénoncez aujourd'hui, maintenant que vous êtes dans l'opposition, c'est l'exacte démarche en matière de découpage que s'apprêtait à mettre en oeuvre le précédent Gouvernement.
Vous ne variez pas dans vos arguments, notamment Olivier Marleix, sur l'absence de nécessité d'un redécoupage. Je vais m'efforcer de varier mes citations. Je vous ai cité avant-hier le ministre Richert, hier Mme Penchard. Un autre ministre s'adressant à l'Assemblée nationale le 25 mai 2010 déclarait : « Une actualisation de la carte cantonale est en tout état de cause indispensable en raison des très grands écarts de population existant entre les cantons d'un même département. Le rapport est de 1 à 45 entre le canton le moins peuplé et le canton le plus peuplé dans le département de l'Hérault, et de plus de 1 à 20 dans une vingtaine d'autres départements. La représentativité de chaque élu sera bien plus équilibrée qu'aujourd'hui puisque les écarts que je viens de citer, sans disparaître totalement, seront considérablement réduits. » Ce membre du Gouvernement qui s'adressait ainsi à la représentation nationale le 25 mai 2010, monsieur Olivier Marleix, était un certain Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Avis défavorable de la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le débat continue. Je comprends le questionnement. Ce sont les mêmes questions, donc vous aurez les mêmes réponses, assez logiquement.
Un député du groupe UMP. Et M. Chassaigne ?
Je vais commencer par lui mais il est parti.
Je n'en doute pas un seul instant. J'ai été attentif à sa défense ardente de sujets qu'il connaît bien ; le monde rural dans son département et sa région qui ne sont nullement mis en cause par ce scrutin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez de l'énergie !
Nous y reviendrons parce que nous serons très attentifs à trouver un certain nombre de critères et d'exceptions qui permettent la représentation du monde rural.
Sa formation politique défendait, comme d'autres, le scrutin départemental de liste ; c'est tout à fait louable, mais c'est contraire au projet que nous portons. Le scrutin départemental de liste ne permet pas une représentation territoriale. Vous l'avez applaudi frénétiquement, par démagogie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'adore, monsieur Jacob, quand vous applaudissez M. Chassaigne, mais le scrutin départemental de liste…
Vous aussi, peut-être ! On ne sait jamais.
En tout état de cause, le scrutin départemental de liste ne permet pas la représentation des territoires. Si nous présentons le scrutin binominal sur un canton, avec un redécoupage, c'est précisément pour permettre cette représentation des territoires. Le scrutin de liste peut se défendre au niveau d'un département, bien évidemment, voire au niveau national, mais nous avons pensé qu'il était important que les territoires aient des représentants, dans le cadre de cantons définis et redécoupés sur des critères démographiques. Il y a donc là, incontestablement, un désaccord, mais nous l'avons assumé depuis le début.
D'ailleurs, quand j'ai dit tout à l'heure qu'il n'y avait pas d'alternative, je ne prétendais pas qu'il n'y avait pas d'autres propositions. J'en ai bien entendu, mais il n'y a pas de majorité pour un projet alternatif à celui que nous proposons.
On défend ici ou là le scrutin départemental de liste absolu. D'autres défendent l'élection du conseiller territorial. D'autres encore veulent le retour au statu quo ante, soit la négation de la parité. Nous vous proposons, nous, un dispositif qui permet à la fois la représentation des territoires et la parité. C'est le débat que nous avons depuis le début. Le Gouvernement et le groupe socialiste soutiennent évidemment cette logique qui permet la représentation des territoires, parce que nous pensons que c'est une manière, aussi, de porter le département, et, en même temps, la parité.
Enfin, l'inscription du nombre de conseillers départementaux dans le texte résulte d'une préconisation du Conseil d'État. D'ailleurs, comme vous le savez, c'est la loi qui fixe le nombre des membres de toutes les autres assemblées délibérantes locales, les conseillers municipaux et les conseillers régionaux.
Quand l'instauration du conseiller territorial a été débattue, la précédente majorité, le précédent gouvernement se sont déjà heurtés au même problème, celui du nombre. Vous l'avez fait remonter à la région, mais cela a été extrêmement difficile.
Si nous sommes restés dans le cadre du département, un cadre cohérent, qui a sa propre logique, c'est parce que nous ne voulions pas nous retrouver, en tenant compte d'une moyenne nationale, avec des écarts entre les départements tels que le département du Nord aurait compté à peu près 150 conseillers départementaux, tandis que celui de la Lozère en aurait eu une vingtaine. C'est en conservant le même nombre de conseillers par département que nous pouvons faire la moyenne la plus intelligente, la plus équilibrée pour chaque département, et assurer la représentation des territoires.
J'entends bien votre impatience, et nous aborderons l'article 23 dans quelques minutes. (Sourires)
Je le suis toujours !
Les élections cantonales et régionales auront lieu en 2015. Les territoires seront mieux représentés, notamment les territoires ruraux, les reliefs, les îles, les endroits pour lesquels se posent des questions tout à fait légitimes.
Vous n'entendez même pas les inquiétudes exprimées dans vos propres rangs !
Je remercie le ministre qui a la volonté très claire d'essayer de nous apporter des éléments de réponse, même si, bien sûr, il ne répond pas à l'intégralité de nos questions. Je suis en revanche vraiment désolé que notre rapporteur limite ses réponses à un argumentaire politique et polémique. Il en a le droit, mais il ne répond pas aux questions relatives au texte dans sa dimension juridique.
Plusieurs députés du groupe UMP. Eh non !
Je reposerai donc deux questions, car le hochement de tête et la dénégation par hochement de tête ne sont pas, à mon sens, des réponses dignes d'un rapporteur.
Tout à l'heure, j'évoquais la relation entre le découpage des circonscriptions législatives et celui des cantons. Il y a lieu, monsieur le rapporteur, d'apporter des réponses à la préoccupation que j'ai exprimée, car, si j'ai bonne mémoire, lorsque nous avons procédé au redécoupage des circonscriptions qui a permis les élections législatives du mois de juin dernier, des règles très précises s'imposaient quant au contour des circonscriptions par rapport à celui des cantons existants. Des règles encore plus précises imposaient que, pour couper, exceptionnellement, un canton entre deux circonscriptions, il fallait que sa population fût d'au moins 60 000 habitants.
Il y a donc bien un lien entre cantons et circonscriptions. La population des nouveaux cantons sera, en moyenne, le double de celle des anciens cantons. Comment ferez-vous donc pour respecter la règle de concomitance entre les limites des circonscriptions et celles des cantons ?
…il faut me répondre sur le nombre impair, parce que ça n'a pas de sens.
Je n'ai pas voulu faire immédiatement un rappel au règlement mais, monsieur Jacob, vos propos sont intolérables. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous ne cessez, depuis le début de cette législature, de laisser entendre que les députés de mon groupe seraient des sous-députés,…
…que nous serions un sous-groupe, que nous n'aurions pas la même légitimité, que nous n'aurions pas été élus. Vous avez repris mes propos sur l'égalité devant le suffrage : qu'est-ce que vous voulez dire ? qu'il y a ici des députés qui sont ici moins égaux que d'autres ? qu'il y a des électeurs qui sont moins égaux que d'autres parce qu'ils ont un député écologiste ? qu'est-ce que vous voulez dire ? Ça suffit, ces accusations et ces attaques !
Nous sommes toutes et tous, ici, des députés qui ont la même légitimité, nous avons été élus avec le même mode de scrutin.
Je vous dirai que ça ne m'étonne pas, que vous ayez cette réaction. Vous auriez tellement aimé pouvoir dire, après les dernières élections législatives, que les écologistes étaient incapables d'être élus au scrutin majoritaire. Eh bien, non ! Manque de chance pour vous, il y en a eu dix-huit qui ont été élus, partout en France, dans des territoires ruraux comme dans des territoires urbains, dans des circonscriptions de France et de Navarre, comme on dit.
Cela ne m'étonne pas que cela revienne dans le débat de ce soir. Vous n'aimez pas la diversité politique. Pour faire un peu d'humour, je vous rappellerai qu'à une époque, vos lointains ancêtres disaient : « Entre les communistes et nous, il n'y a rien ! » C'est sans doute pour cela que vous avez applaudi tout à l'heure avec beaucoup de frénésie, comme l'a fort justement dit le ministre, un collègue communiste, mais, voilà, les choses ont un peu évolué, et, entre les communistes et vous, maintenant, il y a beaucoup, beaucoup de choses, beaucoup, beaucoup de députés, de beaucoup de groupes, avec de la diversité.
Cela ne m'étonne pas que vous n'aimiez pas la diversité. J'avais déjà été élu, dans la précédente législature, au scrutin majoritaire, avec 52 % des voix il y a cinq ans, j'ai été réélu avec 59 % il y a six mois, donc, a priori, les gens n'étaient pas trop mécontents d'avoir un député écologiste.
Eh bien, vos alliés du Nouveau Centre, vous les piétiniez, consciencieusement, vous les avez piétinés pendant cinq ans. (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Ce soir encore, quand ils ont présenté un amendement, dont l'objet était le même que le nôtre, eh bien, vous avez refusé…
…de le voter, alors que c'était ça, la vraie solution : le scrutin de liste départemental paritaire et égalitaire !
Monsieur le ministre, il n'y a pas de contradiction dans les propos tenus par André Chassaigne.
Reprécisons donc la position des députés du Front de gauche.
Nous contestons les raisons avancées pour justifier ce mode de scrutin. Vous prétendez, monsieur le ministre, que ce sont, d'une part, la parité, ce qui est exact, et, d'autre part, la proximité et la représentation des territoires, ce que nous contestons. Nous contestons que la proximité puisse perdurer avec le nouveau découpage.
Ensuite, vous n'avez pas bien examiné les propositions alternatives que nous avons mises sur la table. Oui, bien sûr, nous disions que la meilleure conjugaison de la parité et du pluralisme était offerte par la proportionnelle au niveau départemental, mais nous avons aussi proposé un amendement de repli, l'amendement n° 497 , qui aurait, je crois, pu rencontrer un grand écho parmi les différents groupes de cette assemblée. Le mode de scrutin qui en est l'objet permettait de conjuguer la parité, le pluralisme et le respect des territoires. Il permettait de conserver des cantons, tout en instaurant un scrutin de liste proportionnel au niveau départemental.
Voilà, madame la présidente, la précision que je voulais apporter au ministre, pour lui montrer que, si notre camarade et ami André Chassaigne a défendu les territoires ruraux avec la conviction, l'authenticité et la passion qu'on lui connaît, il n'y avait évidemment pas de contradiction avec la position qui est celle des députés du Front de gauche dans ce débat.
Je veux simplement rassurer M. de Rugy : je ne me suis pas senti piétiné. Et, aujourd'hui, ce sont les territoires ruraux qui sont piétinés. Depuis quelques heures, vous pratiquez le grand écart et vous arrimez à toutes les branches que vous voyez. Vous vous abstenez sur un texte que, par ailleurs, vous dénoncez. Vous aspirez à un scrutin de liste, mais vous reconnaissez, finalement, que ce qui est proposé ne serait pas si mal. Il faudra, à un moment donné, que vous sortiez de votre ambiguïté et dire si vous êtes contre. Nous, nous le sommes.
En tout cas, je suis ici pour exprimer la position de mon groupe, je ne cherche ni alliance ni complaisance. J'observe une très forte convergence de vues entre l'UDI et l'UMP ; c'est aussi le cas, très partiellement, avec vous, et je regrette que ce ne le soit pas davantage ; je constate enfin que nous avons une convergence avec le Parti communiste.
Monsieur le ministre, vous pourrez expliquer comme vous voudrez votre mode de scrutin. Simplement, il est imposé par un seul parti français : le Parti socialiste.
Ce parti est majoritaire, vous pourrez donc imposer votre proposition, mais vous ne pourrez jamais arguer du fait que vous aurez changé le mode de représentation des territoires en recherchant les voies de la convergence. C'est la première fois dans l'histoire de la République que l'on n'a pas recherché la moindre convergence sur des modifications aussi lourdes. Que le fait majoritaire finisse par s'imposer, c'est la règle de la démocratie, mais c'est la première fois que l'on procède comme vous le faites.
Vous ne pourrez pas non plus justifier le fait d'avoir doublé la taille de ces cantons. D'ailleurs, ce n'est pas vrai, elle ne double pas, car certains cantons s'élargiront jusqu'à la taille de dix cantons actuels pour constituer le socle électoral que vous proposez.
C'est, en tout cas, la fin des territoires ruraux, c'est la primauté des agglomérations sur les territoires ruraux. Vous l'assumerez, vous, et vous seul, avec le Parti socialiste, et lui seul. Je vous donne rendez-vous pour l'avenir.
En tout cas, nous aurons ici porté la voix de la France (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…
…celle qui vise à réconcilier villes et campagnes, tandis que vous aurez porté la voix de la fracture territoriale. Il faudra l'assumer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Prochaine séance, jeudi 21 février 2013 à neuf heures trente :
Proposition de loi relative aux conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants de la guerre d'Algérie ;
Proposition de loi relative à la lutte contre la violence en milieu scolaire ;
Proposition de loi relative à la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 21 février 2013, à une heure trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron