La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la seconde partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 19.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 59 tendant à supprimer cet article.
L’article 19 prévoit la création d’un comité consultatif des dépenses prises en compte pour le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation. Nous nous demandons quelle sera l’utilité de ce comité consultatif, puisqu’il ne rendra que des avis, que l’administration sera libre de suivre ou non.
Le Sénat avait proposé de désigner une personnalité qualifiée « issue du secteur privé et présentant des garanties d’indépendance » pour siéger au sein de ce comité que vous voulez créer. Apparemment, Mme la rapporteure générale n’est pas favorable à cette nouvelle rédaction issue des travaux du Sénat, et je le déplore. Mais puisqu’elle y est défavorable, il me semble beaucoup plus simple de supprimer cet article.
À mon sens, la création de ce comité consultatif mettra en cause, à terme, le crédit d’impôt recherche lui-même, comme nous le craignons depuis l’avènement du gouvernement actuel. Je redoute fort cette mise en cause, car nous savons bien que toutes les entreprises ont impérativement besoin de ces crédits d’impôts, aussi bien le crédit d’impôt recherche que le crédit d’impôt innovation. Je propose donc, par cet amendement, de supprimer l’article 19.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Je n’ai cessé de dire dans cet hémicycle, au nom du Gouvernement, que le crédit d’impôt recherche ne sera pas remis en cause. Puisqu’il le faut, je le répète une fois de plus !
Je l’ai dit à plusieurs reprises, je me suis opposé à tous les amendements qui visaient à le conditionner, ou à remettre en cause telle ou telle de ses dispositions, que ce soient les taux, les plafonds ou le mode de calcul.
Deuxièmement, le comité consultatif prévu par cet article a pour rôle de favoriser les relations entre les contrôleurs et les contrôlés. Le crédit d’impôt recherche est parfois remis en cause : des rapports ont été publiés par la Cour des comptes, et le Sénat a constitué une commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche. Je crois donc qu’il est bon que chacun puisse savoir comment fonctionne ce dispositif : tel est le but de ce comité consultatif. Il ne faut pas en faire une usine à gaz, or les dispositions introduites au Sénat l’ont compliqué ; nous préférons donc en revenir à l’état initial du dispositif.
Quoi qu’il en soit, il n’y a pas lieu de supprimer ce comité consultatif, qui a d’ailleurs été réclamé par les entreprises elles-mêmes. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement de suppression.
L’amendement no 59 n’est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 94 de la commission.
Cet amendement vise à rétablir la rédaction de notre assemblée. Je rappelle, pour répondre à Mme Dalloz, que le Sénat avait proposé deux modifications à cet article. L’une visait à changer le nom du comité : je ne suis pas certaine que ce soit essentiel. L’autre visait à permettre aux contribuables de désigner un expert indépendant, mais il y a déjà, dans la composition de ce comité, des membres indépendants qui peuvent intervenir. Pour toutes ces raisons, nous proposons d’en revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée.
L’amendement no 94 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 19, amendé, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 95 de la commission.
Cet amendement, lui aussi, vise à revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale pour ce qui concerne la révision des valeurs locatives. Le Sénat a introduit deux dispositions : la première consiste en un abattement spécifique sur la valeur locative des biens afin « de tenir compte de l’hétérogénéité des superficies des propriétés » ; la seconde consiste à ne pas appliquer les mécanismes de lissage dans les cas où la valeur locative augmenterait en raison d’une sous-évaluation de la surface. Je propose donc, par cet amendement, d’en revenir au texte de l’Assemblée.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Je tiens à préciser, concernant le deuxième point soulevé par le Sénat, que cette difficulté est réglée : dans le cas d’une sous-déclaration de la superficie, les services fiscaux sont d’ores et déjà en mesure d’opérer les corrections nécessaires. Ces corrections sont réalisées avant la réforme d’ensemble : il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur ce point. Cette disposition adoptée par le Sénat est donc superfétatoire. Chronologiquement, voici comment les choses devront se passer : d’abord on corrige les superficies, puis on corrige les valeurs locatives. Il serait donc bon que cet ajout fût supprimé.
L’amendement no 95 est adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 60 .
Comme en première lecture, je tiens à revenir sur les dispositions de cet article relatif à la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, car elles posent de vrais problèmes.
Comme M. de Courson dans son département, je préside dans le mien la commission de révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Nous avons constaté des aberrations telles qu’il est clair que l’application concrète de ces dispositions posera de réels problèmes. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a décidé de repousser l’échéance, en faisant passer de cinq ans à dix ans la durée de mise en conformité des valeurs locatives. Cela montre bien que ce dispositif pose de vraies difficultés.
Je vous donnerai un exemple que j’ai souvent évoqué, et qui motive d’ailleurs cet amendement : celui des maisons de retraite. La contribution foncière des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD –, qui sont de la compétence des départements, risque d’augmenter de 200 % ou 300 %. Dans ce cas, que se passera-t-il ? La hausse de la fiscalité locale sera répercutée sur le prix de journée. Et qui paiera cette hausse ? Soit les personnes âgées, soit les départements, qui ne peuvent déjà plus suivre l’augmentation des dépenses sociales, notamment l’allocation personnalisée d’autonomie.
Nous sommes en train de construire une usine à gaz. La solution serait simple :…
…elle consisterait à exclure les EHPAD du dispositif. Cela simplifierait largement la donne, à la fois pour les usagers et pour les départements.
Madame Dalloz, vous devenez la spécialiste des peurs ! Vous cherchez toujours à faire peur, sur tous les sujets.
Pourtant, tout à l’heure, vous avez annoncé que vous feriez confiance au Gouvernement.
C’est sans doute pour cela que je l’ai remarqué !
Plus sérieusement, madame Dalloz, tel qu’il est rédigé, votre amendement conduirait à exclure les EHPAD du dispositif de « planchonnement », de plafonnement des variations de cotisations. Il aggraverait ainsi l’effet de la révision pour ces établissements ! Dans l’objectif même que vous voulez défendre, il serait très dangereux d’adopter cet amendement. Le Gouvernement y est très défavorable.
Même si la rédaction de cet amendement laisse à désirer, monsieur le secrétaire d’État, il n’en reste pas moins que le sort d’un certain nombre de bâtiments qui participent au service public pose problème, par exemple les bâtiments affectés à l’enseignement : c’est ce que nous avons découvert dans nos commissions de révision des valeurs locatives. J’ai essayé de convaincre l’administration fiscale qu’il ne fallait pas, concernant l’enseignement privé, considérer qu’il existe un marché locatif de référence, mais elle n’a pas voulu en démordre.
J’appelle votre attention, même si ce problème concernera surtout votre successeur, sur le fait que les bases vont exploser. À l’heure actuelle, il existe des conventions dites de commodat, souvent avec des loyers nuls – mais tous les cas de figure existent. Il est donc impossible de se référer à une valeur de marché, puisqu’il n’y en a pas !
C’est aussi le cas pour un certain nombre d’établissements publics tels que les EHPAD, envers lesquels je trouve que l’administration n’a pas une bonne approche. Le commodat ne correspond guère à la notion de valeur de marché. Si l’on persiste à se référer à la valeur de marché, alors certains établissements seront confrontés à d’énormes hausses de fiscalité ! Il faut admettre qu’il existe des biens pour lesquels la notion de valeur de marché ne doit pas être retenue.
Monsieur le secrétaire d’État, pourrions-nous avoir un éclaircissement sur ce point ? C’est d’autant plus important que les EHPAD ne sont pas les seuls concernés : il y a aussi les établissements d’enseignement. Tels sont les deux principaux domaines que nous avons identifiés comme problématiques au cours des travaux des commissions de révision des valeurs locatives des locaux professionnels.
Nous avons reporté la date d’entrée en vigueur de la revalorisation, comme vous le savez, car nous aurons peut-être encore besoin de travailler au dispositif. Les commissions communales et départementales ont étudié la question et nous ont signalé des problèmes. Par ce projet de loi de finances rectificative, nous en réglons certains, avec l’élargissement des coefficients de localisation possibles, qui passent de plus ou moins 15 % à plus ou moins 30 %, et des dispositions prévues pour que les commissions communales puissent lever certaines difficultés. Vous en avez évoqué d’autres, concernant les EHPAD et les écoles.
Reconnaissez tout de même que ce travail considérable, accompli tant par nos services que par les élus, a permis de confirmer ce que nous savions tous, à savoir que les valeurs locatives sont absolument fausses, et ce partout.
Le Gouvernement est donc ouvert à des adaptations, pour certaines catégories, dans les mois qui viennent, je veux vous rassurer sur ce point. Reste que la situation actuelle est absolument intolérable au regard de l’équité. Certaines différences sont inexplicables, et le manque d’équité entre les contribuables, insupportable. Le problème est d’ailleurs le même, sinon pire, pour les locaux d’habitation.
Nous nous rapprochons, avec le dispositif proposé, d’un système plus équitable. Nous lissons les choses sur une dizaine d’années, et nous faisons en sorte de réduire les augmentations qui même lissées sur dix ans peuvent paraître importantes. Enfin, nous avons encore un peu de temps pour travailler et, le cas échéant, les commissions pourront encore proposer de nouvelles modifications. Je veux donc vous rassurer, madame Dalloz. Le Gouvernement reste défavorable à votre amendement.
Vous parlez de distorsions inacceptables et de disparités considérables, monsieur le secrétaire d’État, et vous m’accusez de jouer sur les peurs ! Vos propos confirment que l’on a raison de redouter l’application du dispositif, dont les commerces de centre-ville, vos services vous l’ont forcément signalé, seront les grands perdants. Ce dispositif ne fera qu’aggraver les difficultés qu’ils rencontrent déjà en matière de cotisations de retraites ou de rentabilité par exemple.
Il ne s’agit donc pas de jouer avec les peurs mais d’appeler à une prise de conscience sur les réalités de mise en oeuvre dans les territoires, mise en oeuvre dont vous avez vous-même reconnu qu’elle soulève des difficultés. Faire peur n’est pas mon intention. Au reste, le doublement de la période de lissage résulte forcément des réalités que vous avez vous-même constatées.
L’amendement no 60 n’est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 66 .
Ce petit amendement vise à solliciter un travail de réflexion. Je ne sais combien d’entre vous, chez collègues, siègent dans les commissions départementales, mais en leur sein, certains effets induits par les bases locatives ont suscité beaucoup de questions, et parmi elles la suivante : la référence aux valeurs de marché est-elle un progrès par rapport au système actuel ? Ne faudrait-il y substituer une cotisation sur la valeur ajoutée ? Je n’ai pas de réponse tranchée à cette question ; mais, relayant en cela l’opinion unanime de mes collègues de la commission départementale de la Marne, je reste très dubitatif sur l’assiette existante.
Avec la référence aux valeurs de marché, l’on croyait faire oeuvre de justice, mais l’on avait oublié de se demander, en amont, si cette valeur est représentative de la faculté contributive des entreprises.
De fait, elle ne l’est absolument pas.
Je ne sais où en est votre réflexion sur cette affaire, monsieur le secrétaire d’État, mais ne nous sommes-nous pas trompés collectivement dans le principe de la révision des bases ? Les facultés contributives n’ont rien à voir avec le marché. On s’est ainsi ému de ce que la réforme diminuait le montant des impôts acquittés par les grandes surfaces, mais rien de plus logique : de fait, les loyers sont moins élevés dans la périphérie des villes que dans leurs centres ! Pourtant, les grandes surfaces ont une faculté contributive supérieure à celle des commerces de centre-ville.
Je ne sais s’il convient de se poser des problèmes existentiels à l’occasion d’une nouvelle lecture du PLFR…
Nous parlons là de l’impôt foncier, acquitté par le propriétaire de l’immeuble. Vous ne me parlez, vous, que des entreprises. Tout d’abord, elles ne sont pas toutes propriétaires de leur immeuble, et, parfois, s’arrangent même pour ne pas l’être, pour différentes raisons. La valeur foncière, en outre, correspond à une charge pour la collectivité, en termes de desserte ou d’aménagement. Il ne faut donc pas confondre les problèmes. La valeur ajoutée n’a rien à voir avec la valeur patrimoniale d’un immeuble, valeur qui, en plus d’être négociable, ne dépend pas forcément de l’entreprise installée dans l’immeuble. Vous vous trompez de débat.
Si nous parlions d’un impôt sur les entreprises, je pourrais entendre vos arguments. L’impôt sur les entreprises est assis sur les bénéfices, vous estimeriez judicieux, pour votre part, de l’asseoir sur la valeur ajoutée : on peut ouvrir le débat. Mais en ce qui concerne l’imposition d’un immeuble dont le propriétaire, je le répète, est souvent différent de l’entreprise qui y exerce son activité, votre raisonnement ne tient pas.
S’il s’agissait d’un amendement d’appel, l’appel n’est donc pas entendu.
L’amendement no 66 est retiré.
L’article 20, amendé, est adopté.
Article 20
L’article 20 bis est adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 111 .
L’amendement concerne la taxe sur les bureaux et les locaux commerciaux et de stockage en Île-de-France. Il vise à assimiler juridiquement, comme le veut la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, les « drive » à des commerces, de façon qu’ils acquittent eux aussi cette taxe.
Le problème des drive a déjà été posé, entre autres, pour la TASCOM, la taxe sur les surfaces commerciales ; il l’est ici pour la taxe pour création de bureaux. On peut envisager une telle mesure, mais nous ne disposons pas d’évaluation sur son impact. À ce stade, il ne me paraît donc pas judicieux de soumettre les drive à cette taxe. Je crains que cela ne ralentisse les projets, alors que plusieurs impositions pèsent déjà sur les bâtiments, nous en avons parlé. Avis défavorable.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Toutefois, la taxe visée n’est pas annuelle : elle n’est payée qu’une seule fois, au moment de la construction. Il paraît tout à fait judicieux, de ce point de vue, de traiter les drive en locaux commerciaux, d’autant que l’article 21 élargit l’assiette de cette taxe aux parkings. Je soutiens donc l’amendement de M. Pupponi.
J’appelle l’attention de votre assemblée, tous bancs confondus, sur le fait qu’il est ici proposé de créer une imposition nouvelle. Aujourd’hui, les locaux dont nous parlons ne sont pas imposés au moment de leur création. L’amendement tend à les soumettre à une nouvelle taxe, au moment où pourtant tout le monde dit vouloir éviter les augmentations d’impôts.
J’entends ce que vient de dire M. le secrétaire d’État et retire donc mon amendement, de façon que nous ayons un débat plus large sur ce point, peut-être l’année prochaine. Mais l’assimilation des drive à des commerces est un vrai sujet.
L’amendement no 111 est retiré.
Vous avez de nouveau la parole, monsieur Pupponi, pour soutenir l’amendement no 110 .
Défavorable également.
L’amendement no 110 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements, nos 96 et 41 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 96 fait l’objet d’un sous-amendement no 107 , deuxième rectification.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 96 de la commission.
Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale. Cette rédaction s’inspirait d’un amendement du président de la commission des finances et de M. Pupponi qui instaurait un plafonnement de 30 % de la taxe en fonction du coût d’acquisition de l’emprise foncière.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir le sous-amendement no 107 , deuxième rectification.
Ce sous-amendement tend à réserver la disposition à la seule zone 1, qui est la plus fortement imposée : le Gouvernement craint en effet que son extension aux zones 2 et 3 ne crée un effet d’aubaine. Si le développement dans l’ensemble des zones doit être préservé, un plafonnement dans la zone 1 nous paraît intéressant pour éviter des effets trop prononcés, mais il ne paraît pas justifié d’en faire bénéficier les communes des Hauts-de-Seine. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement, avis favorable à l’amendement no 96 .
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 41 rectifié .
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement du Gouvernement et sur l’amendement de M. Pupponi ?
Avis favorable au sous-amendement du Gouvernement. L’amendement de M. Pupponi sera satisfait en cas d’adoption de l’amendement ainsi sous-amendé.
Le sous-amendement no 107 , deuxième rectification est adopté.
L’amendement no 96 , sous-amendé, est adopté et l’amendement no 41 rectifié tombe.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 106 .
Le président de la commission des finances a fait adopter un amendement tendant à plafonner la taxe pour création de bureaux. Ce plafonnement induirait, pour la région, une perte de recettes dont le montant n’a pu être évalué faute de simulation détaillée. Les modalités pratiques d’une telle mesure doivent donc être expertisées.
À première vue, ce plafonnement bénéficierait presque exclusivement à certaines communes des Hauts-de-Seine, alors que votre assemblée vient d’adopter un amendement circonscrit à la zone 1. L’amendement no 106 vous propose donc de supprimer la disposition que vous aviez adoptée en première lecture, disposition qui se trouve largement satisfaite par l’amendement que vous venez de voter.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement no 106 ?
Monsieur le secrétaire d’État, la commission est favorable au plafonnement proposé par le président de la commission des finances, que nous avons voté. Différents cas ont été abordés lors de la discussion de cette mesure, à la fois en commission et en séance publique.
Effectivement, les montants perçus au titre de la taxe s’avèrent parfois supérieurs à la charge foncière. François Pupponi nous a cité hier le cas d’un bailleur social qui voulait acquérir un terrain d’une valeur de 6 millions d’euros : le montant de la taxe à régler est de 8 millions ! De telles taxes, supérieures parfois à 120 % du prix même du foncier, c’est un non-sens. Cela décourage un certain nombre de bailleurs, et pas uniquement eux.
Effectivement. Et cela bloque, clairement, la construction d’un certain nombre de logements. Grâce au plafonnement que nous avions adopté, la taxe ne constituerait pas un frein à la construction de logements, qui est nécessaire, surtout dans les zones tendues. L’avis de la commission est donc défavorable à l’amendement no 106 .
Il est exact, monsieur le secrétaire d’État, que ce qui vient d’être adopté avec l’amendement no 96 et le sous-amendement no 107 deuxième rectification règle un certain nombre de cas, comme François Pupponi l’avait d’ailleurs proposé en première lecture. Il s’agit des communes qui bénéficient à la fois de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale – DSU – et du Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France – FSRIF.
Mais d’autres communes n’y sont pas éligibles, dans lesquelles les charges foncières sont très peu élevées. Si je prends le cas de Bourg-la-Reine ou de Garches, la charge foncière s’élève à 200 euros le mètre carré et la taxe à 400 euros ! On voit bien que, dans ces communes, les opérations ne sortiront pas de terre. Et je m’adresse à nos collègues parisiens : le problème sera le même dans les XIXe et XXe arrondissements.
En fait, en prévoyant que la taxe soit proportionnelle à la charge foncière, et en l’occurrence qu’elle ne dépasse pas 30 % de cette charge, je n’ai fait qu’une proposition de bon sens. Je suis conscient que cela peut générer une perte de recettes pour la région Île-de-France – car le produit de cette taxe ne va pas dans les caisses de l’État mais dans les siennes. Cependant, si le montant de la taxe est excessif, les opérations ne se font pas, et la recette devient nulle !
Je crains que ce plafonnement n’obtienne un effet inverse à celui recherché. Si la taxe est plafonnée à 30 % dans toutes les zones, vous incitez les opérateurs à s’installer dans des endroits où la charge foncière est très faible.
Mais dans ce cas vous allez favoriser l’étalement urbain.
En termes d’aménagement du territoire, j’appelle votre attention sur le fait que l’incitation sera forte à aller dans des zones où la charge foncière est très faible, ce qui occasionnera une perte de recettes pour la région – mais c’est un choix que vous assumez – et une aggravation de l’étalement urbain. Le Gouvernement soutient donc son amendement.
Le dispositif précédent faisait que, dans les quartiers où la charge foncière était faible, le montant de la taxe l’était également… et malheureusement, les entreprises ne s’y sont pas précipitées !
Dans le cas contraire, nous n’observerions pas de telles inégalités en Île-de-France. Ce qui est sûr, si l’on supprime cette disposition, c’est que les entreprises ne viendront pas dans ces quartiers, car ils ne sont pas porteurs pour elles, mais qu’elles arrêteront aussi d’investir dans les quartiers dans lesquels elles étaient présentes !
En fait, il existe un risque d’éviction totale de l’investissement dans tous les quartiers. Nous courons tout simplement le risque de bloquer l’investissement immobilier en Île-de-France.
Je confirme ce que viennent de dire M. Pupponi et le président Carrez. Monsieur le secrétaire d’État, si l’on souhaite que la construction se développe, il vaut mieux que les charges foncières, et notamment les taxes, soient faibles. Et le développement de la construction favorise la création de richesses et d’emplois. En revanche, comme vient de le relever François Pupponi, un montant élevé de taxes dans des quartiers difficiles dissuadera les entreprises.
L’amendement du Gouvernement aurait donc un effet contraire à la politique qu’il veut conduire. Je suis étonné de cette proposition. Elle mériterait que l’on y réfléchisse davantage, car j’en crains les effets négatifs potentiels, et pour le secteur de la construction et pour la création de valeur ajoutée et d’emplois.
Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien vos propos sur l’aménagement du territoire, mais avec votre amendement, les opérations ne se feraient pas du tout ! Quand un bailleur veut acheter un terrain 6 millions d’euros et qu’on lui demande 8 millions d’euros de taxe, je ne vois pas comment il peut avoir envie de continuer.
Effectivement. Donc les opérations ne se font ni dans les zones tendues, ni dans les zones plus éloignées. Rien ne se passe. L’amendement que nous avions adopté a pour objet de débloquer la situation, surtout lorsqu’un besoin extrêmement important de logements existe.
L’amendement no 106 n’est pas adopté.
La parole est à M. Alexis Bachelay, pour soutenir l’amendement no 126 .
Nous poursuivons le même débat. En première lecture, le président Carrez avait proposé un plafonnement de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux, locaux commerciaux et locaux de stockage à 30 % de la charge foncière, afin de limiter l’impact de la réforme. Après avoir regardé les choses en détail, notamment pour la zone 1, Paris et les Hauts-de-Seine, on constate encore des niveaux de valeur locative particulièrement élevés et le risque est réel d’avoir les effets que vient de décrire Mme la rapporteure générale, et cela même avec un plafonnement à 30 %. Par cet amendement, je propose donc, dans le droit fil du débat que nous venons d’avoir, de faire passer, pour la zone concernée, ce plafonnement de 30 % à 15 %.
Monsieur Bachelay, il faut trouver un juste milieu ! Votre amendement revient à faire un cadeau aux promoteurs.
Je dois dire que l’amendement de la commission était empreint de plus de sagesse. Avis donc défavorable.
Le Gouvernement était déjà opposé à un plafonnement à 30 %, il ne peut guère être favorable à 15 % !
Sourires.
Ceci étant, puisque vous avez déjà montré que vous avez envie que la région perde des recettes…
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Quoi qu’il en soit, l’avis du Gouvernement est défavorable.
L’amendement no 126 est retiré.
Ces deux amendements participent du même esprit. L’article 21 porte sur les ressources des communes et de leurs groupements en Île-de-France. Il adapte la redevance pour la création de bureaux – les DMTO, droits de mutation à titre onéreux – au cas particulier de la métropole du Grand Paris – MGP –, de ses établissements publics territoriaux – EPT – et des collectivités de la grande couronne, comme nous venons de le voir.
Procédant à cette adaptation, il faut également procéder à une adaptation des conditions de reversement du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communale – FPIC – en prenant en compte, précisément, la création de la MGP, qui sera effective au 1er janvier 2016, d’une part, ainsi que la nouvelle carte des EPCI de grande couronne, tels qu’ils sont créés en cette fin d’année, d’autre part.
Dans les deux cas, les amendements accordent bien évidemment une priorité, s’agissant de la MGP comme bien sûr de ces EPCI, à tout accord local qui pourrait être trouvé. Nous respectons ce que nous avons initié par la loi, c’est-à-dire que nous accordons la priorité à la recherche d’un accord local.
En revanche, et c’est l’objet de l’amendement no 136 , en l’absence d’un tel accord, les communes qui étaient contributrices au FPIC dans leur ancien EPCI et qui ne le sont plus du fait de leur intégration dans un nouvel EPCI suite à la refonte de la carte réalisent une économie beaucoup trop forte. Tant que n’aurons pas pu aborder la réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF – au cours de laquelle nous pourrons peut-être réexaminer toutes ces questions relatives à la péréquation horizontale, il semble juste, dans ce cas, s’agissant au moins de la première année, que les communes réalisant cette économie effectuent, au nom de la solidarité communautaire, une dotation au profit des communes DSU cible ou ayant plus de 40 % de logements sociaux au sens de la loi SRU de leur territoire. Dans ce cas, les critères de répartition peuvent être différents de ceux du droit commun.
Le Gouvernement vous propose donc une solution de secours en cas d’absence d’accord local la première année, ce qui se produit parfois, même si ce n’est pas très souvent le cas.
Ceci étant, on retrouve exactement la même problématique, s’agissant de la MGP, dans l’autre sens : les communes contribuant au FPIC et qui adhèrent à leurs nouveaux groupements peuvent y perdre énormément, se voir contraintes de reverser énormément. S’agissant de la première année donc, et s’il n’y a pas d’accord global, nous vous proposons de plafonner à la moitié ce que la commune doit verser en plus. L’autre moitié serait répartie de façon équitable entre les groupements et les communes concernés, au prorata de ce que représente chacune des communes au sein du groupement.
Cela nous semble sage, dans l’un comme dans l’autre cas. Dans le premier, cela permet d’éviter non un effet d’aubaine, car c’est prévu par la loi, mais une économie majeure non justifiée, et dans l’autre, nous faisons en sorte que la nouvelle dépense ne soit pas, même si je ne dois pas prononcer le mot, confiscatoire, ou plutôt trop importante au regard de l’équilibre des territoires.
Le Gouvernement a déposé ces deux amendements juste avant la levée de la séance de cet après-midi. Notre commission ne les a donc pas examinés. Pour autant, il s’agit d’enjeux extrêmement importants puisqu’ils visent à régler la question du FPIC et de l’impact de la mise en place de la MGP.
Madame la ministre, pour être certaine d’avoir bien compris ces amendements, je vous pose les deux questions suivantes. En premier lieu, sommes-nous bien d’accord sur le fait que les équilibres en question ne concernent qu’une répartition interne au Grand Paris et que la contribution au FPIC global ne sera pas modifiée ? Pour être très concrète, on ne demandera pas à des communes situées en dehors du Grand Paris, par exemple à Montauban…
Sourires.
J’aurais pu parler d’Albi ! Bref, on ne leur demandera pas de contribuer au FPIC ? Je veux être certaine que n’est en cause que la répartition interne du fonds.
En second lieu, sachant qu’il est clair que l’amendement no 136 ne porte que sur l’année 2016, pouvez-vous me confirmer, car ce n’est pas très précis, que l’amendement no 137 relatif à la Défense ne porte lui aussi que sur cette même année ?
Oui.
Bien. Ces deux amendements répondent aux questions que nous nous étions posées en commission des finances. Sous réserve des réponses de Mme la ministre, l’avis de la commission est favorable.
Je salue ici le travail de l’équipe de Mme la ministre, qui a été capable d’entendre, comme nous en avons été témoins, les élus, y compris de l’opposition, sur la question du FPIC. Je salue également le travail de François Pupponi, qui a été en première ligne sur cette question.
Je rappelle ici à tous mes collègues que le report de la réforme de la DGF pose aujourd’hui, pour traduire de façon politique ce dont nous parlons ici de manière technique et financière, la question des collectivités qui se trouvent en grande difficulté au sein du Grand Paris et qui n’ont pu que prendre acte de ce report.
J’apporte d’abord un soutien plein, entier et total à ce que propose le Gouvernement. Mais j’en appelle aussi à Mme la ministre en particulier, et au Gouvernement en général, pour que, au regard des résultats du récent scrutin régional, nous soyons en capacité de surmonter et de dépasser un certain nombre de conformismes, de blocages et de conservatismes. J’en appelle à eux pour qu’enfin nous puissions réformer, de façon à la fois lisible, juste et compréhensible au sens de la justice sociale, la contribution de l’État aux finances locales.
En une phrase, les scores qui ont été obtenus lors de ce scrutin régional s’expliquent également par le fait qu’il n’y a plus de consentement aujourd’hui au financement des collectivités locales, que celui-ci est devenu illisible.
En un mot, dans ma circonscription, la contribution de l’État par habitant est quatre, cinq, voire six fois inférieure à celle à laquelle il consent dans d’autres territoires.
Je voudrais tout d’abord vous remercier, madame la ministre. L’articulation entre la métropole du Grand Paris et le FPIC est compliquée, nous procédons par ajustements successifs et je crois que, là, nous arrivons au bout.
Ensuite, je vous l’assure, madame la rapporteure générale, ce mécanisme n’a strictement aucune incidence sur la province ou la grande couronne. Les montants qui doivent être payés au titre du FPIC par la métropole du Grand Paris sont rigoureusement les mêmes. C’est la répartition entre les établissements publics territoriaux qui seront créées le 1erjanvier prochain et les communes membres qui est modifiée. Pour être tout à fait clair, l’attribution dont bénéficiera Montauban sera strictement la même après le vote de ces amendements.
Je salue le travail que vous avez réalisé, madame la ministre. C’est l’aboutissement d’une longue discussion avec Paris métropole et la métropole du Grand Paris. Tout cela va dans le bon sens. Merci de votre réactivité, de votre écoute, parce que ce n’était pas simple. Nous sommes à quelques jours de l’échéance. Cela va permettre à la fois à la métropole et aux territoires franciliens de fonctionner normalement en 2016, avec une vraie solidarité qui se mettra en place. C’est, je crois, un grand moment que nous vivons aujourd’hui.
Je suis favorable à ces deux amendements symétriques, qui règlent des problèmes diamétralement opposés qui concernent des communes de la métropole du Grand Paris. Ils remédient aux dysfonctionnements d’un système qui s’emballe, qui évolue et qui mériterait d’être revu pour être plus juste et plus efficace : celui du FPIC.
Je vous remercie de la rapidité de votre réaction, madame la ministre. Je suis vice-président de Paris métropole et, comme M. Pupponi vient de le dire, nous avons travaillé avec vos services. Nous avons été reçus hier par votre cabinet et par celui du Premier ministre, avec une autre personne de notre établissement public territorial. Votre réaction a été immédiate, puisque les amendements sont là ce soir.
Vous nous aidez donc à passer une année. Je pense qu’il sera nécessaire, au cours de cette année, de poser un peu le sac et de réfléchir à l’évolution du FPIC, qui s’emballe. Je suis personnellement favorable à la solidarité : cela ne me dérange pas qu’on aide les communes qui en ont besoin en fonction de ses capacités contributives. Mais lorsque la contribution au FPIC empêche de bien fonctionner, cela devient une punition. Et pour certaines communes, son montant était près de dix fois celui de l’année précédente !
Je vous demande donc que l’on puisse réfléchir sérieusement, en toute sérénité, à des filets de protection, des règles permettant d’éviter que se reproduisent ce genre d’effets pervers. La solidarité, je le répète, c’est avec enthousiasme que nous y participons, mais nous pourrions un jour ne plus y arriver.
Je vous remercie donc d’avoir répondu favorablement à notre demande.
Avec cet amendement, madame la ministre, vous voulez que des communes riches contribuant au FPIC et qui, demain, rejoindront un EPCI qui lui ne sera pas contributeur, continuent à contribuer. C’est plutôt séduisant. Cela change toutefois la philosophie du FPIC : l’éligibilité était déterminée au niveau d’un territoire, et maintenant ce sera au niveau d’une commune, ce que vous aviez toujours refusé jusqu’à présent. Dont acte.
Toutefois, le phénomène décrit pour l’Île-de-France peut et va se produire dès 2017 sur tout le reste du territoire, parce qu’il y aura de nouveaux schémas intercommunaux à partir du 1er janvier. Ce qui se passe aujourd’hui pour la métropole montre bien que nous devrons mener un vrai travail dès 2016. Il faudra rebattre les cartes sur l’ensemble du territoire pour que le FPIC continue à fonctionner – j’y tiens, parce que c’est un très bon outil.
Enfin, vous m’avez fait communiquer, madame la ministre, le montant de la contribution au FPIC de la Ville de Paris pour 2016. J’aimerais avoir des éclaircissements sur son évolution par rapport à 2015, car le gap me paraît très important par rapport à l’évolution globale du Fonds. Il nous serait utile de savoir les montants payés par l’ensemble des territoires.
Chers collègues, êtes-vous sûrs que nous ne sommes pas en train de voter un amendement anticonstitutionnel ?
Soyez prudents. Au nom de quoi, et cela me ramène à ce que vient de dire Mme Pires Beaune, appliquez-vous des règles différentes pour la province et pour l’unité urbaine de Paris ? Le problème que vous soulevez pour Paris existe dans un certain nombre de secteurs de province. Si une commune contributrice au FPIC se regroupe avec une autre dans une intercommunalité, elle n’a plus à contribuer. Pourquoi le problème soulevé pour Paris ne se poserait-il pas en province ? Et donc pourquoi ne pas prévoir la même solution ?
Il n’y a pas qu’à Paris qu’il y a une métropole, prenez de la hauteur ! Il y en a une à Lyon, il y en a une à Marseille.
Et il n’y a pas que les métropoles en France, il y a aussi des zones maillées par des villes petites ou moyennes dans lesquelles les regroupements intercommunaux créent le même problème !
Pourquoi, madame la ministre, n’appliquez-vous donc pas les mêmes principes en dehors de l’unité urbaine parisienne, quitte, comme le disait Mme Pires Beaune, à perdre un peu de cohérence par rapport à la logique du FPIC ? Pourquoi ce qui est valable à Paris ne l’est-il pas en province ?
Il est vrai, madame la rapporteure générale, que ces amendements ne changent rien pour les autres collectivités, nous sommes bien d’accord. Nous avons choisi de les limiter à l’année 2016. C’était une nécessité. Certains ont demandé que nous fassions un certain nombre de projections pour l’avenir, qui nous serviront, je l’espère, pour la réforme de la DGF mais qui peuvent aussi concerner l’avenir du FPIC. Mais il est important de souligner que ces amendements sont pour cette année, et valent uniquement à l’intérieur des territoires ou des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI. Il ne s’agit même pas de la métropole du Grand Paris, mais des territoires de la MGP et des EPCI nouveaux, qui sont tous obligatoires au 1er janvier.
C’est l’une des différences avec le reste de la France, monsieur de Courson. Il a été décidé en 2010 de ne pas imposer à la grande couronne, contrairement à l’ensemble du territoire métropolitain et à la Corse, de créer des établissements publics intercommunaux. On a choisi en 2010 de traiter cet ensemble de façon particulière. À l’époque, cela se discutait.
Lors de la discussion de la loi MAPTAM et de la création de la métropole du Grand Paris, nous avons décidé que cette exception de 2010 devait tomber. Se côtoyaient en effet une hyperrichesse et une hyperpauvreté, et il fallait organiser les territoires autour de la métropole. Sinon, on aurait eu d’un côté une métropole qui s’organise, qui plus est en territoires, grâce à un certain nombre d’entre vous, et, tout autour, des communes isolées, au gré des opportunités de l’histoire ou de la géographie. Ce n’était pas normal, et surtout ce n’était pas juste. Comme ce n’était pas juste, nous avons décidé d’obliger cette zone à créer de très grandes associations de communes, le tout pour le 31 décembre de cette année.
C’est pourquoi vous avez un traitement différent de la métropole et de sa grande couronne par rapport au reste de la France. Cela a commencé en 2010 et, depuis, nous faisons évoluer les choses. À partir du 1erjanvier 2016 donc, toutes les nouvelles intercommunalités seront en place, ce qui ne sera pas le cas pour l’ensemble des territoires puisque les nouvelles intercommunalités seront faites à peu près l’été prochain. Il y a donc un statut particulier, une histoire particulière. Si vous allez au bout de votre raisonnement, monsieur de Courson, vous allez créer des EPT dans les grandes intercommunalités ! Non, pas du tout, nous allons garder ce statut particulier de la métropole et de sa couronne.
Concernant le FPIC, nous nous sommes rendu compte que l’application immédiate de la réforme au 1er janvier de cette année posait un problème : la marche était trop haute, dans un cas comme dans l’autre. Cela dit, nous n’avons pas touché au principe du FPIC, madame Pires Beaune. Les sommes sont toujours là. Pour Paris, on passe de 157 à 181 millions pour le FPIC. Pour le FSRIF, on passe de 151 à 161. La moitié de la hausse est portée par l’Île-de-France. Sur le FSRIF en revanche, Paris porte la moitié, mais cela ne concerne pas l’ensemble de la France.
Avec ce système donc, nous répondons à une seule question. La dotation de solidarité communautaire – DSC – est notre outil, parce que nous n’en avons pas d’autre, pour répartir différemment les hausses et les baisses de FPIC. Nous ne touchons donc pas à ce qui se passe sur la France entière. Cela n’a aucun impact sur la France entière, cela a simplement pour effet d’atténuer des augmentations trop fortes, comme c’est le cas dans un certain nombre de communes dont la liste nous a été donnée par Paris métropole, ou d’éviter que des communes entrant dans un EPCI ne paient tout d’un coup plus rien, ce qui est tout de même injuste.
Nous travaillerons en 2016 sur l’ensemble de ces sujets et nous verrons comment agir pour 2017. Mais il me semble que s’il n’y a pas de réforme extraordinaire de la DGF qui prenne tout en compte, nous aurons encore des questions de ce type à poser au-delà de 2016.
En attendant, soyons sages. Mme Rabault a raison. Nous arrivons au bout d’une démarche qui a été longue et difficile. Il a fallu faire un grand nombre de simulations pour arriver à être « au carré ». Nous proposons une solution pour 2016 et nous verrons pour 2017.
Applaudissements.
L’article 21, amendé, est adopté.
Les articles 24 et 24 bis sont successivement adoptés.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 105 .
Il paraît normal que la métropole du Grand Paris ne perçoive pas la taxe d’aménagement en 2016. Cet amendement précise qu’elle la percevra à compter du 1er janvier 2017, parce que c’est la date à partir de laquelle la compétence relative à l’aménagement sera transférée à la MGP.
L’amendement no 105 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 24 ter, ainsi rédigé, est adopté.
Article 24
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement de suppression no 113.
Cet amendement vise à supprimer une disposition introduite par le Sénat concernant la taxe d’aménagement des départements, qui serait inopérante et injuste. Elle prévoit en effet, en l’absence de délibération, laquelle est valable pour trois ans, que l’on aille chercher de manière rétroactive les taxes d’aménagement de toutes les opérations qui se sont déroulées en 2015, quand la délibération précédente avait fixé une date d’échéance au 31 décembre 2014.
Malgré la sympathie que j’ai pour l’auteur de cet amendement, et que le président Carrez connaît bien, ce n’est pas juste. Les départements connaissaient la durée de validité de la délibération et ils auraient donc pu faire en sorte que la taxe d’aménagement continue à s’appliquer. S’ils ne l’ont pas fait, nous n’allons pas leur permettre de revenir en arrière presque douze mois plus tard.
L’amendement no 113 , accepté par la commission, est adopté et l’article 24 quater est supprimé.
Les articles 24 quinquies, 25 bis A et 25 bis B sont successivement adoptés.
Article 25
L’article 25 ter est adopté.
Article 25
Cet amendement vise à rétablir ce qui a été voté dans cette assemblée en première lecture avant d’être supprimé par le Sénat. Il s’agit de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises – CFE – sur les méthaniseurs.
La fiscalité varie en fonction du type d’exploitation. Un agriculteur ayant son propre méthaniseur ne paie ni taxe foncière, ni CFE, parce que la méthanisation est, dans ce cas, considérée comme une activité agricole. En revanche, une société constituée par plusieurs agriculteurs qui vend son électricité est assujettie à la taxe foncière et à la CFE. C’est la même chose dans le cas d’une coopérative d’utilisation de matériel agricole – CUMA –, puisqu’elle peut certes rendre le service, soit méthaniser, mais qu’elle ne peut pas vendre de l’électricité. Seule une société le peut, ce qui signifie qu’il faudra payer la taxe foncière et la CFE.
Par ailleurs, il existe une certaine insécurité, puisque l’exonération se fait par le biais des collectivités locales : on ne sait pas à l’avance si celles-ci appliqueront ou non l’exonération. Les budgets étant votés tous les ans, les agriculteurs méthaniseurs sont à la merci d’un changement de majorité qui pourrait les assujettir brusquement à la CFE et à la taxe foncière.
Enfin, le plan national énergie méthanisation autonomie azote – EMAA – porté par le ministère de l’agriculture vise à favoriser l’installation de 1 000 méthaniseurs. Or, ce n’est pas en dressant des obstacles de ce type que nous allons encourager les agriculteurs à aller en ce sens, d’autant que certains ont des exploitations porcines, qui rencontrent de grosses difficultés aujourd’hui. La méthanisation est l’une des manières de bénéficier de ressources supplémentaires. Il faut donc rétablir cet article qui est très attendu par la profession.
La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch, pour soutenir l’amendement no 28 .
Comme vient de le dire Paul Molac, l’objectif du plan EMAA est de créer une filière méthanisation agricole, avec 1 000 méthaniseurs à l’horizon de 2020, afin de diversifier l’activité agricole au service d’une meilleure compétitivité des exploitations et d’accompagner la transition énergétique.
Les méthaniseurs représentent des investissements très lourds, de 1 ou 1,5 million d’euros au minimum. Les agriculteurs doivent donc pouvoir disposer d’une grande visibilité. Des améliorations ont été apportées récemment pour favoriser cette filière, en particulier grâce à la réévaluation des tarifs de rachat de l’électricité. Mais elles ne sont pas suffisantes. Étant donné que la méthanisation est une activité agricole, le rétablissement de l’article permettrait de mettre en cohérence la fiscalité des méthaniseurs avec celle des autres installations agricoles. Les hangars agricoles et les bâtiments d’élevage sont exonérés de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises.
Ce sont des amendements qui reviennent très souvent. Si j’osais un mauvais jeu de mots, je dirais qu’ils sont recyclés…
Sourires.
Il y a un an, une extension de la fiscalité pour les méthaniseurs a déjà été votée. Vous souhaitez aller plus loin. Je vous propose d’en revenir au texte de l’Assemblée. C’est pourquoi je donne un avis défavorable à ces deux amendements.
Également défavorable. Nous avons créé un dispositif d’exonération pour tout le monde pendant sept ans, que nous avons même étendu par la suite aux pionniers, c’est-à-dire à ceux qui n’avaient pas bénéficié d’exonération et qui pourront le faire pendant la durée restante. D’ici à quelques années, nous ferons le point sur ce dispositif et, le cas échéant, nous pourrons le prolonger, sans courir le risque de priver durablement les collectivités d’une partie de leurs ressources.
Il y a deux points de vue. Vous assimilez la méthanisation à une activité agricole. Pour moi, c’est plutôt une activité accessoire. C’est une activité pour laquelle j’ai le plus grand respect, et c’est d’ailleurs pour cela que nous avons pris cette disposition, mais on ne peut pas dire qu’il s’agit d’une activité agricole. Encore une fois, nous avons créé une exonération pour tout le monde pendant sept ans. Il y aura peut-être lieu d’ici à deux ou trois ans de faire le point et de rallonger cette durée, en cas de déséquilibre en termes de rentabilité de la filière.
Je me permets d’insister, parce que je pense que nous avons besoin d’envoyer un signe aux agriculteurs, en particulier à ceux qui font de la méthanisation. En outre, notre amendement n’a pas d’incidence sur le budget de l’État.
Notre assemblée s’honorerait de voter une deuxième fois cette disposition. Comme je vous l’ai dit, elle est très attendue. Nous avons été félicités pour ce vote et je crains que la suppression de cet article ne suscite une déception. C’est un signe fort que nous donnerions aux méthaniseurs.
Au risque d’en décevoir quelques-uns, il y a, me semble-t-il, deux problèmes. Le premier concerne la nature de l’activité de méthanisation. Contrairement à ce que croyaient beaucoup de collègues, ce n’est pas une activité agricole, pour les services fiscaux, mais une activité industrielle et commerciale.
Les amendements que vous faites voter ne peuvent s’appliquer qu’aux exploitations agricoles qui ont des méthaniseurs intégrés, soit de petits méthaniseurs. Or, dans les formes modernes de méthanisation, les agriculteurs se mettent à plusieurs. Ils créent des sociétés et, alors même que celles-ci sont approvisionnées par leurs exploitations, ou par des tiers, comme des coopératives, ils ne bénéficient pas des mesures évoquées par M. le secrétaire d’État.
Le deuxième problème est un problème d’interprétation de la loi. Les services fiscaux, à la surprise générale, ont considéré que les cuves et les silos ne sont pas des équipements, mais de l’immobilier par destination. Par conséquent, les bases foncières ont explosé. De ce fait, toute une série de projets, qui étaient déjà d’un équilibre économique précaire, ont été annulés. Cela freine considérablement la création de méthaniseurs. Ce sont ces problèmes qu’il faudrait traiter.
Si, madame la rapporteure générale ! Les amendements de nos collègues sont sympathiques, mais ils ne s’attaquent pas au fond du problème. Tant que nous n’aurons pas résolu ces deux points, vous attendrez longtemps les 1 000 méthaniseurs.
Sans vouloir entrer dans la technique de la méthanisation, soyons un peu sérieux. Pour avoir inauguré plusieurs installations importantes, je sais que les temps d’amortissement correspondent à peu près à ceux de l’exonération prévue : sept ans, pour des méthaniseurs performants. N’en rajoutons pas ! En privant plus longtemps les collectivités de recettes fiscales, on poserait un problème d’acceptabilité de ces installations, qui ne sont pas les bienvenues dans les communes rurales car elles ne sont pas très esthétiques.
Nous avons trouvé un équilibre, y compris financier, et, à trop vouloir en rajouter, je crains que nous n’en venions à la même situation que pour le photovoltaïque. Les banques prêtent de l’argent. Certaines collectivités subventionnent les installations. Il vaut donc mieux en rester là, plutôt que d’entrer dans des débats sans fin.
M. le secrétaire d’État vient de dire que la méthanisation n’est pas une activité agricole. Pourtant, la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a modifié la définition juridique de l’activité agricole afin d’y inclure, de manière plus large, les activités de méthanisation. Puis celle du 11 septembre 2014 a ajouté une nouvelle précision avec l’amendement no 1300 qui avait été adopté à l’unanimité. Dire que ce n’est pas une activité agricole vient contredire complètement les lois que nous avons votées.
S’agissant de la définition de la nature des bâtiments et de leur classification, qui est un vrai sujet, il a pu y avoir des différences d’interprétations entre les différents services sur le territoire national.
Nous avons d’ailleurs mis fin à un certain nombre de redressements faits à ce titre. Il y en avait curieusement beaucoup dans une région de France que je ne citerai pas… Bref, cette question peut se régler par voie d’instruction. Je prends l’engagement d’y travailler. Quant au reste, tout a été dit.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 97 de la commission, qui est un amendement de suppression.
Cet amendement vise à revenir au texte initial de l’Assemblée nationale pour ne pas modifier le périmètre de l’abattement.
L’amendement no 97 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 25 quinquies A est supprimé.
Il s’agit toujours des méthaniseurs agricoles. Mon amendement précédent concernait l’exonération de taxe foncière, celui-ci porte sur l’exonération de cotisation foncière des entreprises. Je demande donc évidemment à l’Assemblée de confirmer son vote. Ce ne serait que rétablir ce que nous avions déjà adopté en première lecture
La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch, pour soutenir l’amendement no 27 .
L’article 25 octies est adopté.
Les articles 25 decies, 25 terdecies, 28 et 29 bis sont successivement adoptés.
Le Sénat a supprimé l’article 30 bis. Je suis saisie d’un amendement no 98 de la commission des finances, visant à le rétablir.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour le soutenir.
L’Assemblée avait voté en première lecture la possibilité d’un passage de la TVA au taux de 5,5 % pour certains spectacles, l’objectif étant de soutenir l’activité des établissements et des artistes dans le domaine de la musique. Afin de disposer d’un critère qui soit objectif, nous avions précisé dans un sous-amendement, lui aussi voté, que les établissements devaient être affiliés au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz pour en bénéficier. Je vous propose donc de rétablir cet article qui a été supprimé par le Sénat.
La commission propose de rétablir une disposition instaurant une réduction de TVA pour les espaces où se produisent des artistes, ou « au moins un artiste », selon les termes de l’amendement. Le Gouvernement avait émis un avis défavorable en première lecture. Il s’en remet aujourd’hui au vote de l’Assemblée, mais c’est tout de même une proposition assez curieuse.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous préciser la réponse du Gouvernement ?
Je répète qu’il s’en remet au vote de l’Assemblée.
« Sagesse ? Sagesse ? » sur divers bancs.
Je veux bien dire qu’il s’en remet à la sagesse de l’Assemblée si vous insistez,…
…mais je demande que chacun mesure son vote.
Nous sommes bien évidemment pour le spectacle vivant. Toutefois, si l’on accepte de baisser la TVA à 5,5 % pour les lieux où se produit un artiste – j’aimerais d’ailleurs savoir s’il s’agirait de tout le spectacle vivant, seulement de la chanson ou, par exemple, du théâtre classique aussi – l’on va faire refleurir, monsieur le secrétaire d’État, les discussions habituelles sur les parcs à thème par exemple. Pourquoi ne seraient-ils pas intégrés dans ce dispositif ? D’autant qu’ils sont, eux aussi, créateurs d’emplois !
Faire de la discrimination positive uniquement pour le spectacle va un jour poser un vrai problème. Encore une fois, je ne suis pas contre le spectacle, mais soit on élargit le champ de la disposition à tous les milieux qui accueillent du public, soit on laisse les choses en l’état, parce qu’il faut que le dispositif soit cohérent et lisible.
L’amendement no 98 est adopté et l’article 30 bis est ainsi rétabli.
Article 30
Le Sénat a supprimé l’article 30 ter. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 99 , 103 , 54 , 10 , 53 et 135 , pouvant être soumis à une discussion commune et visant à le rétablir.
Les amendements nos 99 et 103 d’une part et les amendements nos 10 et 53 d’autre part sont identiques.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 99 .
Cet amendement vise à rétablir presque à l’identique le texte adopté en première lecture par l’Assemblée. Il proposait que la TVA sur l’essence payée par les entreprises pour leur flotte de véhicules soit déductible. Sur la suggestion des auteurs de l’amendement initial, la commission avait prévu que cela se ferait de manière progressive, sur deux ans. Pour cette nouvelle lecture, notre commission propose que la mise en oeuvre de la déductibilité s’étale sur quatre ans. Ainsi, au 1erjanvier 2016, l’entreprise aurait la possibilité de déduire 20 % de la TVA sur l’essence.
La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement identique no 103 .
Mme la rapporteure générale a bien décrit le travail de co-construction progressive effectué sur ce sujet. Il s’agit de compléter la démarche engagée par le Gouvernement pour neutraliser les effets de la fiscalité sur les carburants et éviter que continuent à exister des niches fiscales contreproductives en matière de santé publique. Les véhicules de société fonctionnent très majoritairement aujourd’hui au diesel parce que la fiscalité est plus avantageuse. Il s’agit donc d’étendre celle-ci aux véhicules à essence. Nous étions favorables à ce que le mécanisme de rattrapage soit achevé en deux ans. La commission propose une durée de quatre ans, nous nous y rallions, par pragmatisme. Je rappelle que ces propositions sont soutenues à la fois par les équipementiers automobiles, par les pétroliers et par les gestionnaires de flotte d’entreprise.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les pétroliers n’y sont-ils pas favorables ? Demandez à l’Union française des industries pétrolières – UFIP – ce qu’elle en pense !
Nous les avons auditionnés en commission – vous n’étiez pas présente – et ils se sont déclarés favorables à une neutralité fiscale entre les différents types de carburant.
Vous pourrez lire le compte rendu de l’audition, ma chère collègue. Je leur ai même posé la question à deux reprises pour être bien certain de leur position. C’est aussi évidemment celle de l’UFIP parce qu’un parc aussi massivement diésélisé suppose l’importation de beaucoup de gazole, ce qui entraîne des fermetures de raffinerie. Par conséquent, il est clair qu’y compris au niveau économique, une sur-diésélisation du parc est négative. La mesure que nous proposons est donc bonne à la fois d’un point de vue sanitaire et d’un point de vue économique.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 54 .
Ces amendements ont pour objet de supprimer une anomalie fiscale qui existe depuis plusieurs dizaines d’années : la TVA n’est pas déductible pour les véhicules d’entreprise dont les moteurs sont à essence, alors qu’elle l’est quand ils sont au diesel. C’est une totale aberration, mais qui est le fruit d’une politique d’encouragement de la diésélisation partout.
Pour revenir au moins à la neutralité fiscale, et même plutôt énergétique, parce qu’il y a un écart de 5 % en la matière, la première mesure à prendre est de faire sauter ce dispositif. Il en coûterait entre 15 millions et 20 millions. Ce serait de ce point de vue une petite mesure qui n’aurait rien de révolutionnaire. J’ai ouï dire que certains lobbies expliquaient que quatre ans, ce n’était pas assez, et qu’il valait mieux changer le dispositif en bloc, mais d’ici cinq ans, voire six ans. Surtout pas ! Votons un mécanisme progressif, car cela lisse le coût pour le budget de l’État et aide à l’adaptation dans le temps. Je confirme les propos de Denis Baupin à propos du travail en commission : nous étions quatre ou cinq à auditionner les équipementiers automobiles et ils ont dit que ce changement ne serait pas un problème pour eux si c’était fait progressivement.
Monsieur Baupin, puis-je considérer que l’amendement no 10 est défendu ?
La parole est à M. Frédéric Barbier, pour soutenir l’amendement no 135 .
Le rééquilibrage entre le diesel et l’essence est déjà en cours : les immatriculations diesel sont passées de 72 % en 2012 à 54 % en octobre 2015. Je trouve que certains ont la mémoire un peu courte dans cet hémicycle : il y a encore trois ans, Peugeot était au bord de la faillite… et si l’État n’était pas entré au capital, n’avait pas garanti la banque PSA et contribué à trouver un partenaire pour consolider cette entreprise, si l’ensemble des salariés ne s’étaient pas battus, acceptant que leur salaire soit bloqué, travaillant d’arrache-pied pour la redresser, elle n’existerait plus.
Nous nous sommes engagés à aligner le prix du diesel, plus précisément du gazole, sur celui de l’essence au bout de plusieurs années. C’est un premier pas. Mais vouloir l’alignement dès 2016 pour les flottes d’entreprise serait une erreur. Il n’y a aucune étude d’impact.
Il faut aussi écouter ce que nous ont dit les urnes ce dimanche : les gens ont envie de travailler. Prendre ce soir la décision de déstabiliser le marché du diesel de l’automobile qui emploie une personne sur dix en France serait une grave erreur.
L’amendement no 135 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
Avis défavorable à tous ces amendements, qui sont incompatibles avec celui de la commission, hormis bien sûr l’amendement no 103 qui est identique au nôtre.
La position du Gouvernement est très claire : ce projet de loi de finances propose beaucoup de dispositions touchant aux questions environnementales, qu’il s’agisse des émissions de CO2 ou des particules, question qui est abordée maintenant.
C’est encore autre chose puisqu’il s’agit de l’oxyde d’azote.
Nous avons clairement annoncé que nous allions vers la convergence de la fiscalité sur l’essence et le gazole par le biais de deux dispositions : d’une part, l’évolution de la contribution climat-énergie, qui crée déjà un rapprochement – léger, je vous l’accorde ; d’autre part, le +1-1 pour 2016, dont le Premier ministre a indiqué que nous voulions le réitérer en 2017. Tout cela contribue à rapprocher la fiscalité sur l’essence et le gazole.
Pourquoi une progressivité ? Parce que nous souhaitons préserver des équilibres.
Ces équilibres sont à la fois l’héritage de l’histoire politique qui, à un moment donné, a privilégié le gazole ; de l’histoire économique qui a conduit nos constructeurs automobiles – Frédéric Barbier le rappelait à l’instant – à privilégier la fabrication de moteurs diesel ; de l’histoire sociale, car beaucoup de nos concitoyens ont, pour toutes ces raisons, investi dans des véhicules diesel.
Vous souhaitez aller plus vite et plus loin sur la question de la déductibilité de la TVA, laquelle est une exception – je vous l’accorde, monsieur de Courson – parce qu’elle a bénéficié de la clause dite de gel à l’époque du règlement communautaire relatif à la TVA. Cela signifie d’ailleurs que si nous nous engageons dans ce mouvement, nous ne pourrons plus revenir en arrière, mais c’est une autre histoire.
Nous sommes attentifs aux questions d’emploi et à la structuration de notre industrie. Nous considérons que nous avons adressé beaucoup de signaux en direction d’une réorientation du comportement de nos concitoyens et d’une évolution de notre industrie automobile.
Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements qui, de façon plus ou moins rapide et graduée, vont dans le même sens. Il ne s’agit pas là d’une question budgétaire massive, je vous le concède – c’est l’argument que j’invoque habituellement, compte tenu de mes fonctions – mais d’une question économique et d’emploi. Cela étant, nous faisons jouer tous les éléments afin de rapprocher la fiscalité entre les deux carburants et infléchir les comportements.
Monsieur le secrétaire d’État, la semaine dernière, je vous ai posé une question sur ce sujet. Votre réponse s’est voulue rassurante et je salue la décision aujourd’hui de notre collègue Frédéric Barbier de retirer son amendement. Nous devons en effet avoir une attitude raisonnable en ce domaine.
Monsieur Baupin, contrairement à ce que vous avez insinué, j’étais présente lors de l’audition et je suis même intervenue. Vous auriez pu venir visiter l’entreprise…
Avant de parler de moteur diesel, il faudrait peut-être savoir ce que les unités de recherche de l’entreprise PSA – je cite son nom – ont fait pour essayer de rendre ce moteur beaucoup plus propre.
Vous savez très bien qu’il y a une différence entre les moteurs datant d’un certain nombre d’années et les moteurs d’aujourd’hui. Vous savez fort bien également que les constructeurs automobiles dans leur ensemble sont prêts à modifier leur outil de production, mais que cela ne se fait pas d’un claquement de doigt.
Il faut réadapter cet outil – alors même que les pouvoirs publics avaient apporté leur aide à la fabrication de ces moteurs diesel propres. Par ailleurs, monsieur le député, il ne faut pas oublier l’emploi, qu’il faut préserver.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
On parle beaucoup d’emploi et on a raison de le faire. Je m’étonne cependant que personne ne parle de l’emploi dans les raffineries. Cela n’a pas l’air de faire pleurer grand monde que l’on ferme des raffineries du fait de la priorité donnée au gazole. J’entends M. Barbier nous parler des salariés de PSA et il est vrai qu’il n’y a pas de raison qu’ils soient les victimes des erreurs stratégiques de leurs dirigeants.
Nous sommes d’accord sur le fait que l’on n’a pas anticipé que le gazole posait des problèmes de santé publique. Les faits sont pourtant connus. L’Organisation mondiale de la santé les pointe depuis plus de vingt ans, et les a encore confirmés l’année passée.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
C’est vrai qu’ils étaient très sales, mais déjà à l’époque, PSA prétendait le contraire.
Chaque fois, on nous dit qu’ils sont propres, mais les normes concernant le gazole restent très largement inférieures par rapport à l’essence pour ce qui est de la qualité de l’air.
Je le dis non que je sois particulièrement favorable à l’essence, car je souhaite aller vers d’autres types de carburants.
Aujourd’hui, rien ne légitime les avantages fiscaux inconsidérés dont bénéficie le diesel. Afin de lever tout risque de malentendu, je précise que l’amendement que nous avons déposé n’a aucune incidence pour nos concitoyens, il ne concerne que les flottes de véhicules de société. Plus de la moitié des véhicules aujourd’hui achetés le sont par des sociétés. C’est donc bien sur ce segment qu’il faut agir si on veut « dé-dieseliser » le parc automobile.
Je veux bien que l’on parle des salariés, on a raison d’en parler, mais l’on pourrait aussi parler des enfants dans les villes qui respirent un air pollué, des personnes âgées, des personnes souffrant de maladies respiratoires. Nous pouvons chacun, tour à tour, invoquer les victimes d’une politique ou d’une autre. Des choix sont nécessaires. Celui que nous faisons est assez raisonnable. Progressif, il laisse le temps aux constructeurs de s’adapter.
Cela n’était pas notre proposition initiale, mais nous sommes, je crois, parvenus dans l’amendement no 103 à un juste équilibre, qui représente un compromis.
J’espère que nous entendrons les arguments du Gouvernement. Comme cela a été rappelé, la part des véhicules diesel est passée de 72 % à 54 %. Quant au moteur diesel, il consomme moins de carburant et émet moins de CO2 que le moteur à essence. Tout au long des questions au Gouvernement cet après-midi, il a été question de la COP21 : je suppose donc que vous serez sensibles à cet argument, cher collègue.
Cette convergence de la fiscalité entre l’essence et le gazole pour les flottes de véhicules d’entreprise s’ajoute à un ensemble de mesures qui ont déjà été prises et qui fragilisent l’industrie automobile. Aussi, envisager dès 2016, une récupération progressive de 20 % par an de la TVA sur l’essence ne laisse pas le temps nécessaire aux constructeurs pour s’adapter. Les entreprises renouvellent leur flotte en moyenne à peu près tous les trois ans. Tous ceux qui visitent des entreprises industrielles et ont la chance d’avoir des constructeurs automobiles dans leur territoire le savent : l’adaptation nécessaire ne prend pas trois ans, mais de trois à cinq ans.
Attention à ne pas fragiliser non seulement les constructeurs, mais aussi l’ensemble des sous-traitants. Ce serait envoyer un très mauvais signal que d’adopter ces amendements.
L’amendement retiré par Frédéric Barbier tout à l’heure était un amendement de repli. S’il l’a fait, ce n’est pas pour que nous adoptions les autres amendements !
Si aucun signe n’avait été donné concernant le diesel sur les questions qui touchent à l’environnement, à la santé, nous pourrions nous demander si ces amendements ne sont pas nécessaires – amendements qui apporteraient pour les uns une amélioration certaine mais feraient courir à d’autres un risque très important de déstabilisation industrielle.
Forts de la politique que nous menons en matière de transition énergétique, de développement durable et de nos propositions relatives à la convergence de la fiscalité entre l’essence et le diesel, il est nécessaire que nous nous réunissions très rapidement avec les industriels concernés, car il ne faut surtout pas déstabiliser ce secteur.
Je ne voudrais pas que l’adoption d’amendements ce soir ait des conséquences en matière d’emploi dans des entreprises encore particulièrement fragiles….
… situées dans des territoires qui ont été touchés, ces vingt dernières années, de plein fouet par la crise en général et la crise de l’automobile en particulier. Des choix ont été faits, que nous pouvons certes regretter aujourd’hui. Mais ne déstabilisons pas davantage des entreprises qui sont en train de s’adapter à la nouvelle donne que nous instaurons et qui doivent pouvoir le faire à un rythme compatible avec ce que nous souhaitons. N’introduisons pas, par voie d’amendements, des éléments de déstabilisation industrielle.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Le Roux vient de dire parfaitement les choses. M. Barbier avait tracé la voie. Je suis, comme lui, élu dans l’espace économique qui est celui de PSA. Le pays de Montbéliard est l’espace géographique où l’on compte la plus forte densité de PME-PMI sous-traitantes de l’automobile.
Que la conscience politique prenne en considération des données sanitaires, il le fallait ; c’est légitime, et cela a été fait. Mais on ne peut oublier que nos constructeurs automobiles français sont leaders en matière de maîtrise des rejets de particules fines émanant du gazole, et précisément PSA avec son filtre à particules.
La conscience de PSA a réagi ; les investissements opérés par le groupe pour la maîtrise des rejets dépassent les 2 milliards d’euros. Comme le signalait notre collègue Barbier, le Gouvernement est, tout à fait légitimement, entré au capital de PSA lorsque l’entreprise était au bord du gouffre. Dans cet espace capitalistique, on s’est également tourné vers l’étranger. PSA ne bénéficie pas encore du retour sur investissement des 2 milliards qu’il a investis pour le filtre à particules. Par conséquent, toute déstabilisation des ventes de véhicules diesel pourrait être fatale au groupe, qui reste particulièrement fragile.
Le rattrapage de la fiscalité entre l’essence et le diesel, laquelle interviendra à terme, est de nature à déstabiliser nos constructeurs, PSA notamment, et cette perspective suscite l’émoi des salariés. PSA est encore fragile, nos constructeurs automobiles sont fragiles, n’ajoutons pas à cette fragilité avec des considérations dogmatiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je serai brève.
Je souhaite tout de même rappeler qu’il s’agit d’un enjeu de santé publique. Je ne méconnais pas les enjeux sociaux mais il est tout aussi légitime de défendre la santé publique que l’emploi. Cela ne me paraît en tout cas pas aberrant.
Je souligne aussi qu’il s’agit en fait d’accorder un nouvel avantage aux entreprises puisque cela leur permettrait de récupérer la TVA sur l’essence comme elles la récupèrent sur le diesel. Comme l’a bien indiqué M. le secrétaire d’État, cela ne concerne en aucun cas les ménages. Il s’agit bien d’un avantage accordé aux entreprises.
Il s’agit aussi de corriger une incohérence. Vous avez sans doute tous rencontré des professionnels qui souhaiteraient acquérir une flotte de véhicules essence ou une flotte de véhicules hybrides essence – ce qui est encore mieux –, mais qui y renoncent finalement en raison de l’avantage plus important dont bénéficie le diesel. Il y a là une incohérence totale avec la politique que nous devons mener en matière de santé publique. Nous l’avons tous reconnu en optant pour la convergence de la fiscalité entre le gazole et l’essence, avec le +1-1.
Enfin, je souligne que notre amendement est bien progressif, puisqu’il étale la mise en place de la mesure sur quatre ans. De plus, nous le déposons depuis le début de la législature.
Ce n’est pas parce que vous le déposez chaque année que vous avez raison !
Il n’y a donc aucun effet de surprise. Les professionnels ont largement eu le temps de d’anticiper cette évolution, puisque nous déposons cet amendement depuis 2012. La question est désormais mûre chez les professionnels, aussi bien dans les entreprises que chez les constructeurs automobiles. Tous ceux que nous avons rencontrés sont prêts pour une telle évolution. Il faut désormais franchir le pas.
La parole est à M. le président de la commission des finances. Puis nous passerons au vote.
L’amendement de la commission des finances visait à étaler la mise en application de la mesure sur quatre ans, alors que l’amendement initial de M. Baupin – l’amendement no 10 –, ne la prévoyait, lui, que sur deux ans. Quoi qu’il en soit de cette progressivité, même sur quatre ans, en tout état de cause, engager une déductibilité de 20 % dès 2016 fait courir un risque.
Oui, monsieur Baupin, mais j’ai depuis approfondi la question et je tenais à le dire ici. J’appuie totalement la position du Gouvernement et je partage les propos de la plupart de nos collègues.
On court un risque parce que nos entreprises n’auront pas le temps de s’adapter. Or la priorité absolue, c’est la préservation de l’emploi et l’adaptation de notre outil industriel.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Avant d’évoquer l’amendement, je donnerai deux précisions. Tout d’abord, lorsque vous dites que la vente de véhicules diesel est tombée à 54 % du parc, c’est vrai pour les particuliers, mais faux pour les flottes d’entreprise. Il existe en effet une distorsion entre le marché des particuliers, tombé à 54 %, et celui des flottes d’entreprise, qui se situe encore à 91 %.
Je rappelle ensuite, puisque vous avez évoqué PSA, que nous avons voté voilà trois ans une garantie de 7 milliards d’euros de l’État. Il serait donc faux de dire que ce secteur n’a pas bénéficié du soutien public.
Je préfère cependant préciser le montant du soutien public.
Je retire l’amendement de la commission des finances, car une entrée en vigueur au 1er janvier 2016 est peut-être un peu rapide.
Cette question n’en devra pas moins être traitée à nouveau et de manière plus globale car, je le répète, il est faux de dire que le marché du diesel se serait effondré pour les flottes d’entreprise, où il représente toujours 91 % des ventes.
Avis défavorable sur les autres amendements.
L’amendement no 99 est retiré.
Il y a un problème de procédure. Je suis surpris que Mme la rapporteure générale retire l’amendement qui a été adopté en commission, donnant ainsi, semble-t-il, un avis défavorable à l’amendement no 103 , qui lui est identique.
Monsieur Baupin, je ne vous apprendrai pas que la rapporteure a toujours le droit de retirer un amendement en séance, même s’il s’agit d’un amendement de la commission. Mme la rapporteure générale n’a, jusqu’ici, pas donné son avis sur l’amendement identique no 103 , contrairement à ce que vous dites. Il n’y a donc pas de problème de procédure.
Je retire l’amendement no 53 . La différence entre les amendements nos 54 et 53 est que le premier prévoit un échéancier sur cinq ans et le second sur trois ans. Je retire donc l’amendement no 53 , mais maintiens en revanche l’amendement no 54 , qui est du reste identique à l’amendement no 103 . Je suis toutefois un peu étonné de ce débat, car cet amendement n’évoque pas les véhicules de particuliers, ni le réajustement de la fiscalité du diesel.
Il se borne à dire que 250 000 véhicules de société roulent à l’essence...
Merci, monsieur de Courson. Je ne vous ai pas redonné la parole pour que vous nous exposiez à nouveau votre amendement.
L’amendement no 53 est retiré.
Article 30
Je serai brève, car nous avons déjà eu ce débat en première lecture, où nous avons d’ailleurs adopté cet amendement. Le taux de TVA applicable à la presse en ligne a été aligné sur celui de la presse papier. L’amendement vise en fait à régler la situation de la presse en ligne avant cet alignement, et donc à permettre à celle-ci de régler des contentieux qui pèsent lourd sur ses finances et la mettent en danger. Il s’agit donc simplement de sécuriser les financements de la presse en ligne par le règlement de ces contentieux liés à la TVA.
Cet amendement, qui a en effet été longtemps débattu en première lecture et que notre assemblée avait adopté, tend à réparer une grave et choquante injustice fiscale née avec la révolution numérique. Pendant de trop longues années, en effet, jusqu’en 2014, le taux réduit de TVA a été appliqué à la presse traditionnelle sur support papier, et le taux maximal à la presse en ligne. Il a fallu qu’en 2014, M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, avec le soutien du Premier ministre et de la ministre de la culture de l’époque, M. Jean-Marc Ayrault et Mme Aurélie Filippetti, propose à notre assemblée un texte qui a permis, pour l’avenir, de réparer cette inégalité. Pour le passé, en revanche, c’est à nous qu’il appartient de le faire.
Ce débat a pris en première lecture, y compris au Sénat, une tournure que je réprouve profondément et je tiens donc à apporter une précision. J’ai en effet entendu évoquer à propos de cet amendement une « amnistie fiscale ».
Non, chère collègue. Débattons-en : il s’agit de réparer une inégalité et de dissiper une confusion – qui n’est du reste pas l’apanage de la loi fiscale française, car ce domaine est régi par une directive européenne de 1991, ce qui est totalement dépassé et inapproprié.
Pardon, madame la présidente, mais j’insiste un instant. En effet, pour ce qui est du terme d’« amnistie », les débats ont connu une dérive…
J’étais signataire de l’amendement présenté en première lecture. Par un vote intervenu hier, la commission a souhaité émettre un avis défavorable à ces deux amendements.
Pour savoir de quoi il est question, observons les faits. En 2008, plusieurs sites de presse en ligne ont démarré et se sont appliqué un taux de TVA de 2,1 %, alors même qu’ils étaient en contact avec l’administration fiscale, qui leur a signifié dès 2008 – j’ai ici les courriers, couverts par le secret fiscal – que le taux de TVA applicable était le taux normal, conformément à l’analyse des règlements communautaires – j’ai également ici la mise en demeure de la Commission européenne, qui n’a pas manqué, après 2014, de contester notre décision : « la situation n’est donc pas comparable à celle objet de la présente procédure, dans la mesure où la directive « TVA » exclut expressément l’application d’un taux super-réduit de TVA aux services de presse en ligne ». L’avis de la Commission est très clair et je doute que, si nous allions plus loin, la Cour de justice de l’Union européenne aurait une autre position.
Certains des sites qui se sont appliqué le taux de TVA de 2,1 % n’ont engagé aucune procédure judiciaire, ni devant un tribunal administratif – du moins au début –, ni devant le Conseil d’État pour obtenir que puisse être déposée une question prioritaire de constitutionnalité, alors qu’ils auraient été en mesure de le faire, au moins à partir de 2010, lorsque la disposition est entrée en vigueur. Des procédures ont donc été menées par l’administration, en vertu de la législation existante.
En 2014, nous avons voté – à l’unanimité, me semble-t-il – une disposition permettant d’appliquer le taux de 2,1 % à la presse en ligne et nous nous sommes donc mis volontairement en infraction par rapport au règlement communautaire – les suites sont en cours et nous verrons bien. Nous nous étions alors interrogés sur la rétroactivité. M. Patrick Bloche, que vous avez cité, avait en effet soulevé cette question et avait conclu à l’impossibilité d’adopter un dispositif rétroactif – j’ai relu le compte rendu des débats, monsieur Muet, et je l’ai même lu au Sénat, sur ma tablette. La rétroactivité appliquée à la TVA est ici source d’inégalité parce que d’autres sites de presse en ligne se sont appliqué le taux normal de 20 %.
Faut-il en effet effacer les redressements dont ont fait l’objet ceux qui ont décidé de s’appliquer un taux de 2,1 % alors qu’ils avaient connaissance de la législation ? Que ferait-on alors pour ceux qui se sont appliqué le taux normal ? Il est impossible de les rembourser car, du fait de la prescription, la TVA ne peut plus être remboursée pour les années antérieures à 2012, ce qui du reste entraînerait forcément une situation d’inégalité que le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de relever. Quand bien même on les rembourserait, d’ailleurs, que feraient-ils de cet argent ? Rembourseraient-ils les lecteurs qui ont payé leur abonnement avec un taux de TVA de 20 % ? Compte tenu du nombre d’abonnés et de la difficulté de ce remboursement, c’est évidemment inimaginable : les sites conserveraient l’argent, et il s’agirait alors d’une aide d’État, car on leur permettrait d’entrer dans leurs comptes ce remboursement de TVA – indûment perçu !
Monsieur Paul, ne vous fâchez pas ! Vous pouvez ne pas partager mon analyse, mais je n’ai rien dit, pour ma part, quand vous vous exprimiez.
Nous estimons, en conscience, qu’il y aurait là une source d’inégalité potentielle et, quand bien même on rembourserait, il s’agirait d’aides d’État, soumises au règlement communautaire et qui seraient immanquablement source de contestation, car nous n’avons pas notifié ces dispositions.
J’ajoute, pour conclure, que le tribunal administratif de Paris a rendu le 16 octobre un jugement défavorable à l’un de ces sites – pas le plus célèbre d’entre eux, mais assez connu tout de même –, qui avait contesté la décision. Ce jugement n’est certes pas définitif, car il est susceptible d’appel – je le sais, car je connais les questions de rétroactivité –, mais, à ce stade, le tribunal administratif lui a donné tort.
Il peut certes y avoir rétroactivité en matière fiscale mais, pour ce qui concerne la TVA, pour toutes les raisons que j’ai indiquées et parce que la TVA doit être payée par le consommateur final, je n’en connais pas d’exemple et une telle mesure nous paraît inapplicable. Le Gouvernement est donc évidemment défavorable à ces amendements.
Je serai bref, car nous avons eu longuement ce débat ici même. Tout d’abord, l’injustice fiscale, si injustice il y avait, a été corrigée, car nous avons adopté l’année dernière l’alignement du taux de TVA de la presse en ligne sur celui de la presse papier. Sur ce plan, donc, la question a été traitée et réglée.
On nous demande, en réalité, de régulariser un contentieux fiscal au moyen d’une mesure de rétroactivité qui me paraîtrait contestable sur le plan des principes juridiques et qui ne manquera pas, si elle était adoptée, d’être censuré par le Conseil constitutionnel. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre cette disposition.
La loi du 12 juin 2009, dite loi HADOPI, a posé le principe d’un droit identique pour la presse numérique et pour la presse écrite. Elle a juste oublié de modifier l’article 298 septies relatif au droit fiscal.
Six mois avant l’adoption de la loi HADOPI, le Président de la République de l’époque disait en janvier : « Le statut d’éditeur de presse en ligne ouvrira le droit au régime fiscal d’une entreprise de presse. La France ne peut pas se résoudre à la situation doublement stupide où la presse numérique est défavorisée par rapport à la presse papier et la presse numérique payante par rapport à la presse gratuite. » Cependant, la majorité précédente n’a rien fait et c’est nous qui, dans la loi du 27 février 2014, avons rétabli la situation en alignant le droit fiscal sur le principe de la loi de 2009.
La logique eût voulu que l’on confère une vraie rétroactivité à cette loi en la faisant démarrer en 2009, comme le reste du droit s’appliquant à la presse numérique. Il y avait d’ailleurs une rétroactivité dans la loi de 2014 puisqu’elle s’appliquait avec un ou deux mois d’avance. Pourquoi ne l’a-t-on pas fait ? Parce que l’Europe y était opposée, pour une raison très simple : le droit européen, complètement archaïque, repose sur une directive de 1991, datant donc d’une époque où le numérique n’existait pas !
Ce qui est curieux dans le débat que nous avons ici, c’est que les arguments que nous développons pour mettre de l’ordre à partir de 2009 sont exactement ceux que le Gouvernement défend vis-à-vis de l’Europe pour justifier la loi adoptée en 2014.
Que dit aujourd’hui le président de la Commission européenne ? Il dit tout simplement qu’en 1991, il n’existait pas de journaux en ligne et que – je le cite – : « si la précédente Commission n’a pas eu conscience qu’une révolution avait eu lieu, la Commission actuelle fera le nécessaire pour mettre les choses en ordre. «
On peut espérer que la Commission le fera complètement, c’est-à-dire qu’elle appliquera le caractère interprétatif qui permettra de corriger les erreurs du passé.
Je vous remercie tous de bien vouloir respecter vos temps de parole car vous êtes nombreux à souhaiter intervenir.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Quelques éléments de réflexion : M. le secrétaire d’État nous a dit tout à l’heure que certains sites de presse en ligne s’étaient « auto-appliqués » un taux de TVA. Ainsi, des médias en ligne se sont autorisés à s’appliquer le taux de TVA qui leur convenait – 2,1 % plutôt que le taux normal. Pour ma part, je connaissais l’auto-déclaration, mais l’auto-application du taux de TVA qui nous convient, vous remarquerez que c’est assez nouveau !
Deuxième élément qui me fait réfléchir et va nous conduire à un rejet de ces amendements : en matière fiscale, on parle toujours de « petite rétroactivité » car on est toujours prudent ; on s’assure qu’il n’y ait pas d’élément perturbant la lisibilité de la fiscalité sur l’année. Or, en l’occurrence, il s’agit d’une très grande rétroactivité ; c’est inimaginable ! On revient au 12 juin 2009 : vous vous apprêtez à voter un encouragement à la tricherie ! C’est une prime à la tricherie, et ce n’est pas acceptable !
Troisième élément : monsieur le secrétaire d’État, je respecte trop les services de l’administration fiscale pour laisser jeter le discrédit, si ces amendements étaient adoptés, sur l’ensemble de l’administration fiscale. Celle-ci a fait son travail en adressant des rappels à certains organismes : quels qu’ils soient, ils doivent aujourd’hui s’acquitter de leur dette.
Enfin, quatrième élément : des suites sont aujourd’hui en cours. Ce serait envoyer un mauvais signal à notre administration qui fait son travail et à tous ceux qui ont l’intention de frauder. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ces amendements.
Tout le monde s’accorde à dire que la presse est une, c’est-à-dire qu’elle englobe toutes les entreprises de presse, quels que soient la périodicité de leurs publications, leurs supports ou leurs contenus.
Pour ma part, je ne reviendrai pas en 2009 mais en 1986 : nous avons voté une loi en 1986, toujours en vigueur, qui consacre la neutralité technologique. Cela signifie que deux biens ou services corollaires ne peuvent être assujettis à des fiscalités différentes. Bizarrement, les décrets d’application de cette loi n’ont pas prévu la disposition fiscale. Ces amendements ont donc pour objet de réparer un oubli : l’application du volet fiscal de la loi de 1986.
Il ne s’agit en aucun cas d’une amnistie – il n’est pas question de fraude – mais simplement d’une disposition interprétative. Si vous lisez le site de l’ancien contrôleur fiscal, il est tout à fait d’accord avec cela : l’Europe peut prendre des dispositions interprétatives, cela existe, ce n’est pas une question de rétroactivité mais d’interprétation d’une loi fiscale complexe. Il faut donc voter cet amendement : c’est une question de justice fiscale pour toute la presse. Je reviendrai même en 1986 pour appliquer la loi de 1986 que vous avez tous votée !
Si vous me le permettez, j’aimerais quand même rectifier deux ou trois points. Des lois fiscales interprétatives ou rétroactives, il y en a des centaines, et sans remonter au XIXe siècle !
Interprétatives et rétroactives : relisez, madame Dalloz, le rapport de votre collègue Olivier Dassault.
Il n’y a pas, pour la plupart des entreprises concernées, de contentieux – je le dis pour Christophe Caresche : nous ne sommes pas en train de travailler à effacer des contentieux.
La législation européenne est obsolète. Pierre-Alain Muet a cité le président Juncker : c’est éclairant ! Il faut faire vite ! Deux motifs d’intérêt général, constitutionnellement reconnus, plaident pour ces amendements. Premier motif : le principe d’égalité, qui est fortement remis en cause par la législation que vous souhaitez continuer à appliquer, parce que cette discrimination temporelle entre les entreprises de presse est absolument choquante et archaïque. La rétroactivité, dans ce cas, permet de restaurer le principe d’égalité.
Le deuxième motif d’intérêt général est – excusez du peu ! – figure dans l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : il s’agit de la liberté de communication, à laquelle la révolution numérique donne désormais des perspectives de développement et un environnement nouveau.
Je n’ai pas envie que nous nous retrouvions dans quelques années à pleurer sur les décombres de la presse indépendante, particulièrement de la presse en ligne. C’est pour cela que je vous demande – je nous demande – de voter ces amendements.
La parole est à M. le président de la commission des finances, et à lui seul. Madame Dalloz, je vous en prie.
Je répéterai brièvement ce que j’ai dit lors de l’examen de ces amendements en première lecture. Premier point : nous sommes tous d’accord sur le fait que le même taux de TVA, en l’occurrence le taux réduit, doit être appliqué à la presse en ligne et à la presse papier ; mais là n’est pas le sujet. Un contribuable a appliqué le taux réduit en sachant parfaitement que l’application de ce taux était contraire à la directive européenne qui encadre le régime de la TVA.
Dès lors qu’ils ont appliqué ce taux de manière délibérée, ils font l’objet aujourd’hui de redressements de la part des services fiscaux, ce qui est tout à fait normal. Ils demandent de ce fait aujourd’hui, par le biais de ces amendements, à ce que soit régularisée a posteriori une interprétation de la réglementation qui leur est totalement personnelle.
On ne voit pas comment l’on pourrait suivre ce type de raisonnement : c’est la négation même des principes de base d’application de la loi fiscale ! Un contribuable ne peut pas s’auto-appliquer la règle fiscale telle que lui-même l’interprète : cela n’est pas possible !
Je ne veux pas parler, monsieur Paul, d’amnistie fiscale, mais simplement de rétroactivité fiscale.
C’est vrai que la rétroactivité fiscale peut exister, mais elle doit être justifiée par des motifs puissants d’intérêt général – telle est la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Or, en l’espèce, l’intérêt général n’est absolument pas constitué.
Enfin, depuis mon intervention d’il y a trois semaines, j’ai fait une recherche et je confirme ce que vient de dire le secrétaire d’État : il n’y a absolument aucun précédent d’application d’une telle rétroactivité à la TVA – absolument aucun précédent !
Par ailleurs, serait créé, si ces amendements étaient adoptés, un grave problème de rupture d’égalité parce que les contribuables « normaux » ont appliqué le taux de TVA qu’ils devaient appliquer, et il y aurait une rupture d’égalité par rapport à ces contribuables.
Il s’agit des éditeurs de presse en ligne qui, entre le 12 juin 2009 et le 1erfévrier 2014, se sont auto-appliqué, en connaissance du droit, un certain taux de TVA. Ces entreprises se sont auto-appliqué, en dépit de la législation existante, un taux de TVA qui leur était favorable. Leur donner raison aujourd’hui enverrait un très mauvais message à toutes les entreprises, à tous les contribuables. Cela reviendrait à leur dire : « Si vous faites une appréciation autre que ce que prescrit la loi, essayez, tentez, et appliquez – pour rester sur le sujet de la TVA – le taux de TVA qui vous est favorable : dans quelques années, l’État pourrait vous donner raison ! » Ce serait vraiment un très mauvais message.
Deuxième point concernant la rétroactivité : ce serait revenir sur le passé non pour réparer une inégalité, parce qu’on n’est pas dans ce domaine, mais pour une raison individuelle. Ce serait véritablement une rupture d’égalité !
Il est important de ne pas envoyer un message de cette nature. Cela reviendrait, pour prendre un autre exemple, à donner raison à une personne qui, dans une collectivité, a réalisé une construction sans permis de construire …
… en lui accordant un permis de construire, au lieu d’exiger qu’elle démolisse sa construction. On va véritablement à l’encontre de dispositions tout à fait légales et qui doivent s’appliquer à tous. C’est pourquoi ces amendements ne peuvent aucunement être retenus.
Je serai assez bref. Premièrement, je renouvelle mon propos, confirmé par le président de la commission, sur le fait que nous n’avons pas d’exemple de rétroactivité en matière de TVA pour la simple raison évoquée tout à l’heure qu’il est impossible de remonter jusqu’à celui qui paie la TVA, qui est toujours le consommateur final.
Deuxièmement, le motif d’intérêt général évoqué par M. Paul et d’autres députés ne saurait entraîner des ruptures d’égalité – je ne les répète pas, les ayant déjà évoquées –, ce qui serait contraire aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Pour finir, ont été citées des déclarations de tel ou tel, même président de la Commission – M. Juncker –, affirmant qu’il y aura peut-être lieu de faire évoluer la réglementation sur la TVA : bien sûr, mais cela concerne le futur !
Je vais vous faire une confidence, qui n’en est pas une : nous sommes actuellement interrogés par la Commission pour connaître nos souhaits en matière d’évolution de la directive « TVA » ; nous sommes en train d’y répondre. Nous avons bien évidemment placé cette question comme étant une évolution que la France souhaite pour l’avenir.
Nous nous sommes mis en infraction, je l’ai dit tout à l’heure ; nous sommes actuellement mis en demeure d’apporter les corrections nécessaires mais nous souhaitons que le règlement communautaire aligne les taux de TVA sur la presse en ligne avec les autorisations sur la presse écrite.
Ce n’est pas parce que nous le souhaitons que nous pouvons justifier que certains l’aient appliqué par anticipation par rapport à la loi française.
Cela me paraît assez simple. Pour toutes ces raisons, je renouvelle l’opposition du Gouvernement à ces amendements.
Il est procédé au scrutin.
L’article 31 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 100 .
Il s’agit de rétablir le texte adopté par notre Assemblée en première lecture.
Je rappelle que cet article visait à mettre en conformité le droit français avec le droit européen. Selon la lecture que nous faisons de ce dernier, une société peut ne pas s’appliquer de prélèvement à la source si elle est déficitaire « ou » en liquidation – l’arrêté européen en dispose ainsi. Le texte du Gouvernement remplaçait, quant à lui, ce « ou » par un « et ». Le Sénat est revenu sur les modifications apportées à l’Assemblée et a ainsi rétabli l’article dans sa rédaction initiale. Nous souhaitons revenir à ce qui avait été voté ici en première lecture.
Nous avons déjà discuté de cette question en première lecture. Je vous rappelle donc mon analyse.
Tel que proposé par le Gouvernement, le texte est conforme au droit européen car il permet de traiter à égalité les sociétés non-résidentes et résidentes. C’est également l’analyse du Conseil d’État dans la décision qu’il a rendue en formation plénière fiscale le 9 mai 2012.
En revanche, la demande formulée par la commission va au-delà de la stricte mise en équivalence des régimes fiscaux. Elle n’est pas de nature à modifier l’analyse effectuée par le Gouvernement, qui s’appuie sur la jurisprudence du Conseil d’État, elle-même s’appuyant sur des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne.
L’adoption de votre amendement aurait deux incidences : budgétaire – les entreprises déficitaires peuvent être nombreuses – et discriminatoire à rebours. En effet, cet amendement conduit à un meilleur traitement des sociétés non-résidentes que des résidentes. Ainsi, avec les reports en avant, une société française déficitaire sera imposée sur les dividendes reçus lorsqu’elle redeviendra bénéficiaire alors que, dans la même situation, la société étrangère aura été purement et simplement exonérée d’impôt, situation évidemment anormale.
À ce stade, nous considérons que cet amendement devrait être retiré ou, à défaut, rejeté.
L’amendement no 100 n’est pas adopté.
L’article 32 est adopté.
Les articles 34 bis, 34 ter, 34 quater et 35 bis A sont successivement adoptés.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 138 .
L’amendement no 138 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 139 .
Amendement rédactionnel.
L’amendement no 139 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 116 .
Il s’agit de différentes mesures de coordination entre les dispositions prévues par le livre des procédures fiscales et les modifications du délai de reprise introduites par le Sénat en matière de fiscalité douanière.
L’amendement no 116 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 35 quater A, amendé, est adopté.
L’article 35 quater B est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 131 .
Cet amendement apporte différents ajustements de coordination au texte adopté au Sénat.
En premier lieu, il vise à préciser le champ des « opérations intérieures » visées par l’article 35 quater adopté à l’Assemblée Nationale. Cette notion serait ainsi appréciée par renvoi au deuxième alinéa de l’article L. 4138-3-1 du code de la défense.
En second lieu, il vise à clarifier l’entrée en vigueur de la mesure, compte tenu notamment de son extension par le Sénat aux militaires, policiers et gendarmes blessés. Il serait ainsi indiqué qu’elle s’appliquera aux successions ouvertes et aux dons consentis faisant suite à un acte de terrorisme ou, dans les autres situations, un décès ou une blessure, postérieur au 1er janvier 2015.
Cet article crée donc des dispositions favorables en matière de succession et d’imposition au décès de victimes d’actes de terrorisme.
Avis favorable à l’adoption de cet amendement.
Je remercie le Gouvernement d’avoir accepté l’un de nos amendements en première lecture afin que les parents des victimes puissent eux aussi bénéficier des dispositions proposées dans cet article.
L’amendement no 131 est adopté.
L’article 35 quater, amendé, est adopté.
Article 35
L’article 35 sexies est adopté.
Article 35
Le Sénat a supprimé l’article 35 decies.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 128 , tendant à rétablir cet article.
Il s’agit de rétablir et d’adapter un article introduit en première lecture et supprimé au Sénat concernant des cotisations de la Mutualité sociale agricole, la MSA, dans un département insulaire que vous connaissez bien – cet amendement vise à traiter les dettes MSA des agriculteurs corses.
Je souhaiterais comprendre, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi on procède ainsi en faveur des seuls agriculteurs corses et non pour ceux de l’ensemble du pays.
Les problèmes de surendettement ne se limitent pas à la Corse ! La rupture d’égalité n’est-elle pas manifeste entre les exploitants corses et non-corses – à supposer que ces notions existent en droit français ? Pourriez-vous nous éclairer à ce propos, de même que sur la constitutionnalité de cet article au regard du principe d’égalité entre tous les citoyens ?
L’amendement no 128 est adopté et l’article 35 decies est ainsi rétabli.
Article 35
À quel problème cet amendement s’attelle-t-il ? À un trou noir fiscal de 50 à 80 milliards d’euros, pas moins, lesquels s’évanouissent dans la nature – mais pas pour tout le monde – via la technique dite du transfert de bénéfices consistant, pour des entreprises, à faire des bénéfices dans un pays comme la France, par exemple, et à les transférer dans des pays où les impôts sont très faibles voire nuls, dits à fiscalité privilégiée.
Les conséquences sont claires : des amputations de budget très importantes pour nos démocraties, des augmentations d’impôts pour collecter autrement ce qui n’a pas pu l’être – en l’occurrence auprès des ménages, comme nous l’avons vu ces dernières années, avec ce que cela implique en termes de pouvoir d’achat et de croissance mais, aussi, auprès des PME, qui se retrouvent en concurrence déloyale avec ces entreprises multinationales, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’emploi. L’accident démocratique, ainsi, n’est plus très loin de nos portes.
L’enjeu ? Relocaliser les bénéfices de ces entreprises là où elles les réalisent. Quoi de mieux, à cette fin, que la transparence ? Y parvenir suppose la mise en place de ce que l’on appelle le reporting.
Vous vous souvenez sans doute de ce que nous avions fait concernant les banques dans le cadre de la loi bancaire. Nous proposons donc d’étendre ce dispositif à l’ensemble des multinationales mais en le rendant public – tel est le coeur de l’amendement car c’est en rendant ces informations publiques que nous parviendrons à avancer.
En l’état, les dispositions que nous avons adoptées en première lecture permettent que ces informations soient communiquées à l’administration fiscale mais si nous permettons aux citoyens, aux associations, aux journalistes d’investigation, bref, à l’ensemble de la société civile, de se saisir de ce problème, l’efficacité n’en sera que meilleure.
Ce problème est immense et, je l’affirme en concluant, il y va de l’ensemble de la démocratie française.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement identique no 48 .
Je souhaite prolonger les propos de mon collègue Alauzet en rappelant à nos collègues qu’en première lecture, nous avons adopté cet amendement. Au Sénat, la droite l’a retoqué.
La droite, au Sénat, l’a retoqué.
J’attends le point de vue du Gouvernement mais, je le rappelle, nous avons adopté cet amendement en première lecture parce qu’il s’agit d’une position constante de cette Assemblée et de cette majorité depuis le début de la mandature : il s’agit de faire de la France un pays moteur dans la lutte contre l’évasion fiscale et en faveur de la transparence.
Chaque fois, bien entendu, cela suscite des débats. Le Gouvernement est toujours réticent à l’idée d’entrer dans cette discussion, ce qui est normal car il doit gérer une position institutionnelle. Il n’en reste pas moins que l’allant et le dynamisme de l’Assemblée permettent d’avancer.
Nous avons débattu de cette question dès la loi bancaire. Je me rappelle que le ministre de l’économie d’alors, Pierre Moscovici, était plutôt réticent. Finalement, grâce à la dynamique des débats à l’Assemblée, nous sommes parvenus à établir cette transparence à partir de critères dont nous demandons maintenant l’extension à toutes les entreprises, à partir d’un certain seuil. Nous sommes ainsi parvenus à faire de la France un pays moteur capable d’entraîner ses voisins européens.
Nous avons de la même façon transposé une directive minière adoptée par l’Union européenne et y avons inclus les mêmes critères, même si des débats ont eu lieu.
En l’occurrence, et j’en termine, nous avons auditionné en commission des finances l’actuel commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici. Mme Eva Sas, M. Eric Alauzet et moi-même lui avons demandé sa position. La Commission européenne ne s’est pas encore prononcée mais, à titre personnel, il s’est dit favorable au reporting public.
Nous bénéficions donc d’un alignement des planètes très favorables. Je vous en conjure donc, mes chers collègues : nous avons fait la moitié du chemin en adoptant dans le projet de loi de finances le principe du reporting non-public afin que l’administration fiscale dispose des outils pour travailler, et c’est normal, mais nous devons aussi organiser ce contrôle citoyen, sans lequel nous ne parviendrons pas aux résultats que nous souhaitons. Si la révélation d’affaires comme LuxLeaks ou d’autres n’avait pas eu lieu, un certain nombre d’instances ne se seraient pas mises en mouvement.
Confirmons donc en nouvelle lecture le vote courageux de la première lecture !
Avis défavorable à l’adoption de ces deux amendements.
Je rappelle que lors de l’examen du projet de loi de finances, nous avons voté un amendement extrêmement important présenté par notre président Bruno Le Roux concernant l’échange d’informations et la transmission des prix de transferts, de marques, de brevets et autres à l’administration fiscale, et indiquant que ces informations pourront être échangées de manière automatique avec les autorités homologues.
Supposons qu’une entreprise française ait une filiale aux Pays-Bas, l’administration fiscale française pourra donner à son homologue des Pays-Bas les informations qui lui seraient utiles afin de vérifier si, oui ou non, certains résultats ne seraient taxés ni en France, ni aux Pays-Bas.
Cela rentre dans le cadre des dispositions BEPS – Base Erosion and Profits Shifting – et constitue un grand pas afin que les administrations fiscales puissent échanger, vérifier s’il n’y a pas des « trous dans la raquette » et récupérer l’information, notamment sur les bases qui seraient non taxables. Si ma mémoire est bonne, il s’agit de la recommandation no 13.
La commission a donc émis un avis défavorable à l’adoption de ces amendements.
Dans ce débat sur la transparence et l’échange en matière fiscale, comme dans celui sur la lutte contre le réchauffement climatique, la question se pose souvent de savoir si la France doit aller plus vite que les autres pays.
Notre première réponse est la suivante : au niveau des discussions internationales, et notamment européennes, la France est volontariste et joue un rôle moteur – même s’il est un peu prétentieux de dire cela – pour faire avancer l’Europe vers davantage de transparence, notamment en matière de reporting public. La France est demandeuse de dispositions de cette nature, comme elle l’est sur d’autres sujets – mais tenons-nous en à celui-ci.
Deuxièmement, nous avons déjà pris des dispositions en ce sens, que la rapporteure générale a opportunément rappelées. Nous avons eu une discussion importante, lors de l’examen du projet de loi de finances, qui nous a conduits à adopter les dispositions dites BEPS, ce qui représente une avancée importante par rapport à d’autres pays de l’Union européenne.
Troisièmement, nous ne sommes pas favorables à adopter par anticipation des dispositions de cette nature. Elles concerneraient 8 000 de nos entreprises et iraient donc bien au-delà des entreprises du CAC 40. Nous pensons que cela ferait peser un risque sur la compétitivité de nos entreprises, et nous ne mesurons pas tous les effets que pourraient avoir ces échanges d’informations.
Nous avons toujours dit que nous avancerons au rythme de la Commission européenne. Celle-ci attend une étude d’impact pour le début de l’année 2016. Vous avez rapporté, monsieur Cherki, des propos du commissaire Pierre Moscovici : la Commission a clairement annoncé son intention d’agir dès qu’elle aura reçu cette étude d’impact. Dès lors que la Commission aura inscrit ces dispositions dans une directive, il est bien évident que nous serons favorables, comme tous les autres pays de l’Union, à leur inscription dans le droit français. En l’état, cela nous paraît prématuré, et le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
La rapporteure générale et le secrétaire d’État ont parfaitement expliqué le problème que posent ces amendements. Je voudrais insister sur le fait que la France est moteur en matière d’application et de mise en oeuvre de tout ce qui relève des recommandations dites BEPS. Nous avons fortement progressé en matière d’échange d’informations entre administrations fiscales. Sur ce point, nous avançons vraiment.
Vos amendements, qui visent à rendre ces informations publiques, sont en revanche prématurés. En effet, si les entreprises françaises sont les seules à rendre publiques des informations relatives à leurs effectifs, à leur chiffre d’affaires et à leurs résultats, elles vont se trouver dans une situation tout à fait défavorable, qui nuira à leur compétitivité.
Sur ce sujet, comme sur d’autres, nous devons attendre que la Commission ait mis au point une directive commune, et que l’ensemble des pays concernés l’appliquent de conserve. Lorsque la France s’engage seule sur ces sujets, cela nuit systématiquement à ses entreprises.
J’ai un peu de mal à comprendre la frilosité du Gouvernement français. Alors qu’il fait de la lutte contre l’évasion fiscale son cheval de bataille et qu’il a obtenu 1,91 milliard d’euros de recettes supplémentaires en 2014, en allant les chercher chez les particuliers, je ne comprends pas pourquoi il ne mène pas la même action en direction des entreprises.
Exiger des entreprises qu’elles soient plus transparentes, c’est aussi lutter contre l’évasion fiscale.
Nous avons voté cette disposition pour les banques bien avant l’Europe, et l’Europe nous a suivis. Il faut continuer à ouvrir la voie de la transparence fiscale : ce sera un signal fort donné à nos collègues européens.
De plus, et vous n’en avez pas parlé, l’évasion fiscale nuit énormément aux pays en développement. Vous avez beaucoup parlé de vos craintes concernant la compétitivité des entreprises, mais moi, j’ai des craintes pour les pays en développement qui, depuis des années, se font piller, parce que des multinationales s’installent chez eux sans payer d’impôts. Si l’on est favorable à l’aide au développement, il faut voter cet amendement.
L’objectif de cet amendement est vertueux et louable. Nous sommes tous d’accord, sur tous les bancs de cet hémicycle, pour dire qu’il faut lutter contre l’évasion fiscale.
La vraie difficulté, c’est que les choses ne s’arrêtent pas à nos frontières, et que les échanges se font aujourd’hui à l’échelle mondiale. Dans ce contexte, isoler les entreprises françaises, leur imposer une réglementation particulière, ce serait les mettre en difficulté par rapport aux entreprises des pays voisins. Et c’est là que réside la vraie difficulté : si nous sommes tous d’accord pour lutter contre l’évasion fiscale et contre la fraude fiscale, qui a un vrai impact sur nos finances publiques, si nous devons tous être rassemblés derrière cet objectif, il faut convaincre les autres pays et avancer avec eux.
M. le secrétaire d’État a évoqué une étude d’impact, qui devrait être prochainement remise à la Commission européenne : c’est bien à ce niveau-là qu’il faut se battre. Il faut que nous avancions tous ensemble, et que les entreprises françaises ne subissent pas une réglementation plus contraignante que celle des pays voisins. En gros, il est urgent d’attendre.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
Il est urgent d’attendre les résultats de l’étude d’impact. Il faut que la Commission avance, et que tous les pays, ensemble, avancent à sa suite sur ce sujet.
Mes chers collègues, ce débat est fondamental, notamment dans la période que nous traversons. Je veux rendre hommage au Gouvernement et le saluer pour le travail qu’il a effectué dans ce domaine au cours des dernières années. Une prise de conscience collective a eu lieu aux mois de février, mars et avril 2013, du fait de l’actualité et de ce que nous avons vécu ici en direct. Le Gouvernement s’est alors mobilisé d’une manière exceptionnelle sur cette question, et c’est la France qui s’est placée à la tête de ce combat, au niveau européen et international. Michel Sapin et Christian Eckert ont poursuivi le travail entamé par Pierre Moscovici.
Comme chacun sait, la France joue un rôle moteur dans toutes les réunions internationales sur ces questions, qu’il s’agisse du dispositif BEPS, du FATCA – Foreign Account Tax Compliance Act – ou de l’échange automatique d’informations. Nous avons adopté une législation au sujet des particuliers, et maintenant se pose la question des entreprises.
Sur cette question également, la France est en pointe. Dans le projet de loi de finances, monsieur le secrétaire d’État, vous avez accepté des amendements que nous avons défendus collectivement. Il ne reste plus que les amendements en objet ce soir : c’est le dernier pas qu’il nous reste à faire pour aller réellement de l’avant. Je peux entendre l’argument, selon lequel il ne faut pas adopter ce dispositif, parce que les autres pays ne le font pas. C’est un argument éventuellement recevable. Mais nous pouvons aussi entendre que notre assemblée, notre majorité, a adopté le même amendement au sujet des banques.
Combien la Société générale va-t-elle perdre d’emplois l’année prochaine ?
Et je me rappelle très bien que le président de la commission des finances, à l’époque, nous a opposé les mêmes arguments. Nous avons pourtant voté la transparence pour les banques ! Et on nous avait dit, à l’époque, que cela nuirait à la compétitivité des banques ! Or cela n’a pas été le cas…
…et, dès que nous avons voté cet amendement, il a été repris par d’autres parlements, ce qui a permis à d’autres États d’aller de l’avant.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Je vous remercie tous de respecter vos temps de parole car vous êtes très nombreux à souhaiter intervenir.
J’ai lu attentivement ces amendements. Vous écrivez, chers collègues, que les informations données par les entreprises seront « publiées en ligne, en format de données ouvert, centralisées et accessibles au public ». Nous voici dans le monde de la suspicion générale : tous pourris !
Cela me fait penser à un débat que nous avons eu il n’y a pas très longtemps, au cours de la campagne électorale. Si cette proposition émanait d’un autre parti politique que le vôtre, je serais moins choquée. Vous me surprenez, avec des arguments de ce type !
Trois choses me choquent. D’abord, et le secrétaire d’État vous l’a rappelé, la Commission européenne ne s’est pas prononcée de manière définitive sur cette mesure. Ensuite, le fait que 8 000 entreprises françaises puissent être concernées devrait vous faire réagir, car ce sont de nombreux emplois qui sont en jeu.
Vous avez l’air de penser que ce n’est pas grave de perdre des emplois, puisque l’on peut créer des emplois aidés. Ce n’est pas notre façon de voir les choses.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Les premières victimes du système actuel sont les PME ! Vous êtes en train de défendre les multinationales contre les PME !
Troisièmement, vous laissez à penser que la société civile, ou le contrôle citoyen, aurait plus d’impact que l’ensemble des administrations fiscales des pays concernés. Je trouve cela inacceptable.
Dans un pays aussi fracturé que le nôtre, entendre parler de contrôle citoyen me fait très peur.
J’ai confiance dans les administrations fiscales : laissez-les faire leur travail, arrêtez de vous ériger en censeurs et de faire régner la suspicion permanente !
Quand j’entends parler de suspicion, je crois rêver ! Nous parlons de 50 milliards d’euros qui échappent à notre pays…
…qui mettent en péril nos entreprises, nos PME et l’emploi local sur nos territoires, et vous nous parlez de suspicion ? Quand nous avons voté la loi bancaire, pas un d’entre vous n’était présent sur ces bancs !
L’amendement que j’avais déposé sur la loi bancaire comportait quatre critères : les impôts payés, les bénéfices, le personnel et le chiffre d’affaires. Parce que certains ont trouvé que c’était trop, on a retiré successivement les impôts et les bénéfices, et il n’est plus resté que deux critères : le personnel et le chiffre d’affaires. Mais cela suffisait : cela suffisait à montrer que l’on peut réaliser un gros chiffre d’affaires tout en n’employant personne ! Il y a eu, ensuite, un travail collaboratif avec le Sénat. Et, quelques semaines plus tard, l’Europe adoptait le même dispositif.
Je voudrais vous rappeler ce qu’a dit le Président de la République, au moment du vote de la loi bancaire : il a indiqué que les banques françaises devraient rendre publiques, chaque année, la liste de toutes leurs filiales partout dans le monde, pays par pays ; qu’elles devraient indiquer la nature de leur activité et que l’ensemble de ces informations seraient publiques et à la disposition de tous. « Je veux, a-t-il ajouté, que cette obligation soit également appliquée au niveau de l’Union européenne et demain étendue aux grandes entreprises. »
La plupart des députés européens ont voté une directive sur la transparence publique, et un sondage indique que 59 % des multinationales sont favorables à la publication de ces informations. Vous voyez que tout converge vers ce progrès.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Je n’ai pas de leçon à recevoir, surtout venant de vous : vous n’avez pas toujours été à gauche !
Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je voudrais souligner que l’amendement ne vise pas uniquement les très grandes entreprises, mais 8 000 de nos entreprises. Nous ne parlons donc pas seulement de multinationales.
Il faut prêter attention au fait que les informations fournies peuvent être utilisées par des concurrents et entraîner le dévoilement de stratégies d’entreprises.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, malgré l’obligation qui leur en est faite, de nombreuses entreprises refusent de déclarer et de déposer leurs comptes. Dans le monde extrêmement concurrentiel qui est le nôtre, il ne faut pas négliger ce genre de problèmes. Ce n’est pas un prétexte, mais une réalité, qu’il faut regarder en face.
Deuxièmement, les choses sont en train de bouger, et elles bougent très vite. Pierre Moscovici s’est effectivement exprimé, monsieur Cherki, mais il l’a fait au nom de la Commission européenne, et non en tant que responsable politique français. Au nom de la Commission européenne, il a effectivement dit très clairement qu’il était favorable à un reporting public, et il a donc engagé, d’un certain point de vue, la Commission européenne. Ce que nous disons, et je pense que c’est une position totalement justifiée, c’est qu’il faut attendre que la Commission européenne mette en oeuvre cette disposition, pour qu’elle s’applique à tous. Sinon, vous allez introduire une distorsion de concurrence entre les différentes entreprises.
Je tiens à remercier Mme Dalloz de sa franchise qui révèle sans ambiguïté l’orientation de la droite libérale en la matière : le refus. Pour moi, c’est un débat gauche-droite très clair.
Je voudrais vous répondre, madame Dalloz, et vous interpeller, monsieur le ministre. Personne, dans cette assemblée, ne cherche à affaiblir nos entreprises dans la compétition internationale. Il ne s’agit pas de publier des brevets, des process industriels, ni des stratégies d’organisation ou de production. Il s’agit de publier le nom des implantations et la nature des activités, le chiffre d’affaires, les effectifs en équivalent temps plein, le bénéfice ou la perte avant impôt, le montant des impôts sur les bénéfices dont les implantations sont redevables – il est normal que les citoyens disposent d’une telle information –, ainsi que les subventions publiques reçues.
Mes chers collègues, si vous pensez que rendre ces informations publiques dans une démocratie au XXIe siècle, c’est nuire à la compétitivité des entreprises, alors, c’est que nous n’avons pas la même conception de l’équilibre à respecter entre la compétitivité des entreprises et le minimum d’informations dont on doit disposer dans une démocratie.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé que, lorsque la directive sera prise, nous la transposerons, comme nous l’avons fait pour la directive minière. Encore heureux que lorsque la discussion d’un gouvernement avec la Commission européenne aboutit à une directive, celle-ci soit transcrite en droit interne de chacun des États ! Il est en effet heureux que, lorsqu’un compromis politique est intervenu au niveau européen, on considère que son fruit a vocation à se diffuser dans l’ensemble des pays.
La question n’est donc pas de savoir si le Parlement français transposera la directive : la moitié de notre activité est consacrée à transposer du droit européen. La question, madame Dalloz, est de savoir si nous allons être moteurs ou non. Au moment où la Commission européenne est favorable à ce projet, sommes-nous toujours prêts, comme en première lecture, à lui adresser ce signe et à lui indiquer que, oui, nous voulons ce reporting public ? Serons-nous aux côtés de la Commission pour l’aider à imposer cette décision à des pays qui sont encore réticents ?
C’est en 2013 que j’ai défendu l’amendement sur la transparence des holdings financières : il a été accepté alors par M. Pierre Moscovici, sous la condition que le vent soit favorable à l’échelle européenne. Le moment est venu. Reculer, ce ne serait pas aider nos entreprises, mais poursuivre dans une économie de l’obscurité qui autorise toutes les perversions, toutes les tricheries et handicape l’économie réelle.
Reculer, c’est priver la puissance publique d’un argent précieux pour la République et la cohésion sociale, pour lutter contre le changement climatique ou pour aider les pays en développement.
Nous avons trop reculé, l’heure est venue. Nous avons attendu deux ans : le contexte est désormais favorable, il faut y aller. Sur tous les sujets, on entend toujours le même argument. Ma conviction est que le chemin le plus court vers une directive européenne, c’est une loi française, une loi de fierté qui ne handicapera pas nos entreprises mais les hissera au meilleur niveau d’une nouvelle mondialisation. Ce n’est pas la fin du monde, c’est le début d’un monde nouveau.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe écologiste.
Lorsque Dominique Potier et moi-même avons défendu ensemble un dispositif relatif à la responsabilité sociale des multinationales, on nous a demandé : et l’Europe ? Et l’Europe ? Aujourd’hui, cette proposition a même reçu, au niveau européen, le soutien de la Chambre des Lords britannique.
Je me permets de rappeler que c’est la France qui a été le premier moteur du reporting extra-financier tel qu’il a été ensuite transcrit dans le droit européen. Aujourd’hui, la Commission européenne pose la question et les eurodéputés se sont déjà prononcés favorablement. Nous sommes donc déjà en retard par rapport à l’Union européenne. Monsieur le ministre, la France, qui se présente avec fierté comme le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, s’honorerait à montrer qu’elle est de nouveau la première à adopter cette mesure de transparence, laquelle relève, de quelque façon, du domaine des droits.
Le groupe UDI a le droit de s’exprimer sur un sujet qui provoque la passion, d’autant que je trouve excessifs ces débats. Ceux qui croient que l’adoption de l’amendement permettra d’obtenir la transparence se trompent complètement. L’expérience le montre, puisque les dispositions existent déjà à compter d’un seuil que l’amendement se contente d’abaisser – je me permets de le rappeler.
Mes chers collègues, nous appartenons à un espace ouvert. N’agissons donc ni trop rapidement ni trop lentement : calons-nous sur les projets de directive européenne qui devraient aboutir l’année prochaine, nous l’espérons. Ce n’est pas la peine de s’exciter sur ces amendements. Gardons tout notre calme.
Sur les amendements identiques nos 11 et 48 , je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
…………………………………………………
Les différents groupes sont-ils d’accord pour que nous passions au vote même si les cinq minutes réglementaires ne sont pas écoulées ?
Marques d’approbation.
Il est procédé au scrutin.
Le Gouvernement est opposé à cette disposition et j’avertis d’ores et déjà l’Assemblée qu’il demandera une seconde délibération sur ce point.
« Très bien ! sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, c’est un droit du Gouvernement.
À l’issue de l’examen des derniers articles du projet de loi, je demanderai une suspension de séance.
L’article 36 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 101 , tendant à supprimer l’article 41 bis A.
Cet amendement vise à supprimer cet article, adopté par nos collègues sénateurs, qui permet aux établissements de crédit ayant accordé des prêts garantis par le fonds de garantie à l’accession sociale à la propriété de titriser leurs créances. Or cette titrisation ne comprend aucun élément ni financier ni de contrôle des risques.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
L’amendement no 101 est adopté et l’article 41 bis A est supprimé.
L’article 41 bis B est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 102 .
Cet amendement vise à modifier la date d’une disposition adoptée par le Sénat, en la reportant du 1er juin au 30 juin, afin de permettre au Gouvernement d’inclure les informations supplémentaires demandées par l’article sur les reports de crédits dans le rapport de préparation au débat d’orientation des finances publiques.
L’amendement no 102 est adopté.
L’article 42 bis A, amendé, est adopté.
Les articles 48 et 49 sont successivement adoptés.
Comme je l’ai indiqué précédemment, je demande une suspension de séance en vue d’une seconde délibération. Il convient tout d’abord de revoir plusieurs amendements pour des questions d’ordre technique, en matière de gages, ou afin de corriger une date de mise en application d’un dispositif. Le Gouvernement souhaite également que l’Assemblée revienne sur le vote intervenu il y a quelques minutes.
Non, c’est à moi de décider, a priori, ce n’est pas à vous. Mais après tout, on peut également revenir sur le sujet, si vous voulez modifier votre vote.
Sourires.
Madame la présidente, je demande une suspension de séance d’une dizaine de minutes.
La séance, suspendue le mercredi 16 décembre 2015 à zéro heure vingt-sept, est reprise à une heure dix.
Comme je vous l’ai indiqué avant la suspension de la séance, mesdames et messieurs les députés, cette seconde délibération a plusieurs objets.
Elle vise tout d’abord à préciser que l’article 16 terdecies affectant l’intégralité de la taxe de l’aviation civile au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » entre en vigueur au 1er janvier 2016. Il s’agit là essentiellement de ne pas modifier l’article d’équilibre de l’année 2015. En effet, l’amendement initial avait une incidence financière, même modeste, en 2015. Je crois que le président Le Roux comprend et accepte cette modification. C’est l’objet de l’amendement no 1 .
Deuxièmement, elle consiste à supprimer des gages prévus par les articles 25 quater et 25 sexies adoptés par votre assemblée, contre l’avis du Gouvernement. Mais celui-ci lève les gages, ce qui n’a pas été fait lors du vote des amendements. C’est l’objet des amendements nos 2 et 3 .
Enfin, à propos de l’article 35 undecies, conformément à ce que j’ai annoncé en séance, le Gouvernement tient à rappeler tout ce qui a été mis en place et voté, notamment dans le projet de loi de finances, concernant les dispositions BEPS dans la loi bancaire. Il rappelle également qu’il plaide en faveur d’un accord européen sur la transparence et la publicité des informations fiscales, conformément au débat que nous avons eu tout à l’heure. Néanmoins, comme je vous l’indiquais, le Gouvernement ne souhaite pas que les dispositions adoptées par l’Assemblée s’appliquent immédiatement, en avance par rapport aux autres pays de l’Union européenne. En conséquence, nous vous proposons, par l’amendement no 4 , de supprimer l’article 35 undecies, par cohérence avec les engagements que nous avons pris au niveau européen et dans le projet de loi de finances, notamment par le biais des dispositions BEPS.
L’amendement no 1 relatif au changement de date d’entrée en vigueur de la taxe de l’aviation civile me semble de bon aloi.
La commission est également favorable aux deux amendements suivants, relatifs à une levée de gage. S’agissant de l’amendement no 4 , je reviens à l’avis défavorable de la commission sur les amendements dont l’adoption a conduit au rétablissement de l’article 35 undecies, pour émettre donc un avis favorable à l’amendement tendant à supprimer cet article.
Sur l’amendement no 4 , supprimant l’article 35 undecies, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
………………………………………………………………………………….
Les différents groupes sont-ils d’accord pour que nous passions au vote même si les cinq minutes réglementaires ne sont pas écoulées ?
S’il n’y a pas d’objection, je vais donc mettre aux voix l’amendement no 4 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 46 Nombre de suffrages exprimés: 46 Majorité absolue: 24 Pour l’adoption: 25 contre: 21 (L’amendement no 4 , supprimant l’article 35 undecies, est adopté.)
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2015.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement sur des sujets européens ;
Discussion de la proposition de loi organique et de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle ;
Discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs.
La séance est levée.
La séance est levée à une heure vingt.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly