La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
C’est avec une immense tristesse, mes chers collègues, que nous avons appris la mort de la photojournaliste Camille Lepage, assassinée en Centrafrique. Elle avait vingt-six ans et fut l’une des premières à couvrir le conflit. Ce drame montre une nouvelle fois combien le métier des journalistes, qui mettent souvent leur vie en péril pour nous informer, est dangereux. J’adresse, en votre nom à tous, les condoléances de la représentation nationale à la famille de Camille Lepage, à ses proches et à ses collègues. Je vous invite à observer une minute de silence.
Mesdames et messieurs les députés et membres du gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.
Je suis heureux, mes chers collègues, de souhaiter en votre nom la bienvenue à M. Chi Wanchoun, président du groupe d’amitié parlementaire Chine-France, et à l’ensemble de la délégation qu’il conduit.
Mesdames et messieurs les députés et membres du gouvernement se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. Stéphane Demilly, que nous sommes très heureux de retrouver parmi nous, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Merci, monsieur le président. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale. La méthode calamiteuse employée par le Gouvernement pour conduire la fameuse réforme des rythmes scolaires a réussi à transformer une bonne intention en un véritable fiasco.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
La réforme a été décidée sans aucun sens pratique ni aucune concertation préalable avec les principaux intéressés, c’est-à-dire les enseignants, les familles et les élus locaux. J’entame mon cinquième mandat de maire et n’ai jamais vu une telle pétaudière, si vous me permettez l’expression !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
S’il vous plaît, mes chers collègues, soyons attentifs à notre image collective !
Les maires, de toutes tendances politiques, sont déstabilisés par une lourde charge financière supplémentaire que l’État refuse de compenser dans la durée tout en sabrant les dotations qu’il verse aux collectivités. Les enseignants, quant à eux, sont mécontents, les parents sont en colère et, comble de l’histoire, dans les communes qui ont mis en oeuvre la réforme, les enfants auxquels est censé bénéficier le nouveau rythme sont fatigués !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
J’oubliais ! Il y a quand même des heureux, ce sont les écoles privées, qui ne sont pas soumises à la réforme et bénéficient dès lors d’un véritable appel d’air au détriment du secteur public ! Certes, monsieur le ministre, votre nouveau décret accorde généreusement certains « assouplissements », selon vos termes. Mais une telle fuite en avant ne résout aucun des problèmes de fond. Lorsqu’en réponse à votre réforme les communes défavorisées en sont réduites à envisager de la simple garderie alors que les communes plus aisées pourront proposer de vraies activités épanouissantes à leurs enfants, c’est que l’Éducation Nationale n’a plus de nationale que le nom !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Ne pratiquez pas l’acharnement thérapeutique, monsieur le ministre, et ayez la sagesse de laisser aux communes le libre choix d’appliquer ou non ce par quoi nous aurions dû commencer, c’est-à-dire une expérimentation !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Je vous répète, monsieur le député, ce que souhaite le Gouvernement : nous défendrons avec acharnement les intérêts de l’enfant.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
L’intérêt de l’enfant demeure d’apprendre le français et les mathématiques dans les meilleures conditions, lorsqu’il est le plus concentré, c’est-à-dire le matin. Le principe de la réforme, contrairement à ce que vous dites, a été discuté avec les élus locaux dès le mois de janvier 2013.
Il consiste à organiser autour du temps scolaire, qui relève de la responsabilité de l’État, les activités périscolaires qu’il est de votre responsabilité d’élus locaux, mesdames et messieurs les députés, d’organiser ou non. Dois-je rappeler que la loi n’impose nulle obligation aux collectivités d’organiser le temps périscolaire ? Et même dans ce cas, l’État a prévu de financer la mise en oeuvre de la réforme à hauteur de cinquante euros par enfant. Il faudra donc que les maires ne souhaitant pas organiser d’activités périscolaires disent ce qu’ils comptent faire des cinquante euros par enfant qu’ils vont recevoir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. –Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je rappelle également qu’organiser des activités périscolaires ne dépend pas forcément, comme vous le dites, monsieur le député, du fait qu’une ville soit riche ou pauvre. Certaines communes modestes ont organisé des activités périscolaires en fonction d’un projet politique et éducatif ambitieux et il y en a de gauche comme de droite. À l’inverse, il est des communes riches, comme vous dites, qui n’ont pas souhaité en organiser, et ce depuis longtemps. Ainsi, le facteur discriminant que vous invoquez entre communes riches et communes pauvres ne joue pas. Quant à l’évaluation de la réforme, nous l’avons commencée, auprès des professeurs,
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe UMP.
afin de mesurer son impact sur l’organisation du travail et sur les élèves. Vous le verrez dans quelques semaines, il est positif !
Là où elle a été difficile, en particulier en classe de maternelle, nous en avons tenu compte et un décret est venu apporter les corrections nécessaires. Je vous invite, monsieur le député, à nous rejoindre dans cette belle bataille en faveur des intérêts de l’enfant !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme Cécile Duflot, pour le groupe écologiste.
(« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Mes chers collègues, veuillez modérer votre admiration !
Monsieur le Premier ministre, nous avons atteint un point de non-retour.
« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.
Les glaciologues le confirment : la fonte des glaciers de l’Antarctique est désormais irréversible. Le GIEC nous alerte depuis des années, mais les conséquences du dérèglement climatique sont d’ores et déjà visibles en France – je pense notamment à ce qui a pu être constaté cet hiver sur les côtes landaises et de Bretagne.
Alors qu’en Europe, les émissions de gaz à effet de serre ont diminué l’an dernier, elles ont continué d’augmenter dans notre pays. Notre pays, celui-là même qui doit engager la transition écologique. Il ne s’agit pas d’une affaire de ministère ni de majorité, mais bien d’un enjeu de civilisation, et ceux qui ergotent aujourd’hui sur la redevance liée à la pollution des poids lourds sont aveugles à l’urgence.
Le 9 janvier 2014, la commission de l’industrie et la commission de l’environnement du Parlement européen ont adopté des positions très claires en faveur d’objectifs contraignants d’ici à 2030. Si l’Allemagne et le Danemark ont accepté ces trois objectifs, la France est restée en retrait, alors qu’elle aura une responsabilité particulière, celle d’accueillir la conférence sur le climat en 2015.
En 2009, chacun s’en souvient, la France avait freiné des quatre fers quand il s’était agi d’avancer vers des objectifs contraignants lors de la conférence, et avait joué l’esbroufe médiatique pendant le sommet. Nous devons faire face à cette responsabilité, monsieur le Premier ministre, car en 2015, la France ne peut pas se contenter d’être l’hôte de la conférence sur le climat, elle doit aussi en constituer l’avant-garde.
Ma question est donc la suivante : pouvez-vous nous dire quelle sera la position précise et chiffrée de la France sur le paquet climat-énergie, et quelle position la France adoptera en septembre lors du sommet convoqué par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Madame Duflot, nous avons 500 jours devant nous pour éviter une catastrophe climatique. Comme vous l’avez dit, c’est la France qui sera l’hôte, en décembre 2015, de la grande conférence sur le climat. D’ici là, une série d’étapes nous attendent, avec, nous l’espérons, l’adoption par l’Europe d’une position claire – la France, elle, sera au rendez-vous. Le 23 septembre aura lieu une journée organisée par le secrétaire général des Nations unies, lors de laquelle un certain nombre de pays, en particulier la France, vont prendre des engagements. À la fin de l’année se tiendra une conférence au Pérou, le COP 20. Enfin, l’année prochaine sera celle de la grande conférence Paris Climat 2015.
La question du climat constitue un enjeu absolument majeur. Si l’Europe veut peser dans la négociation, il faut qu’elle arrive sur la base des propositions de la Commission, qui sont bonnes, à prendre une véritable décision. Si cela n’a pas été possible au cours des mois précédents, cela doit être fait soit en juin, soit à la rentrée. Notre état d’esprit au moment d’aborder la grande conférence de l’an prochain, c’est que la France doit être exemplaire et que l’Europe doit y mettre du sien. Pour ce qui est de la France, elle assumera aussi la présidence et, avec les États-Unis d’Amérique – j’en reviens –, avec la Chine – j’y serai après-demain – et avec toute une série d’autres pays, nous allons nous efforcer de faire avancer les choses. Et vous seriez bien mal inspirés de vous moquer de cette question, car c’est l’avenir de l’humanité qui est ici en jeu ! La France ne sera pas arrogante, mais elle donnera toute la force de sa diplomatie pour arriver à un succès en décembre 2015 !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense. Les déclarations faites dimanche soir par le Premier ministre au sujet des crédits de la défense ont été particulièrement mal accueillies par nos armées et nos soldats. Le Premier ministre a en effet confirmé que le budget de la défense devrait contribuer à l’effort de réduction des dépenses publiques. Cette annonce a fait l’effet d’une douche froide pour nos militaires, alors que l’encre de la LPM n’est pas encore sèche !
Vous avez vous-même dit à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que les crédits sanctuarisés constituaient un minimum pour que notre défense fonctionne correctement. La réponse apportée hier par Michel Sapin dans cet hémicycle ne nous a pas davantage rassurés – il s’est même trompé dans les pourcentages qu’il nous a indiqués !
Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre de la défense, on ne vous a pas entendu sur ce sujet majeur. Est-ce que vous nous confirmez que votre ministère va être mis à contribution, et dans quelles proportions ? Est-ce que vous nous confirmez que les opérations extérieures seront financées par votre budget ? Est-ce que vous nous confirmez que l’affaiblissement de notre système de dissuasion nucléaire est une option que certains envisagent ? Enfin, dans ces conditions, serez-vous encore le ministre de la défense pour écrire une nouvelle LPM ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, je veux d’abord m’excuser de ne pas avoir pu répondre à la question que m’a adressée votre collègue Xavier Bertrand hier : comme l’a dit Michel Sapin, je me rendais aux obsèques du sergent-chef Marcel Kalafut, mort au Mali pour la sécurité de ce pays, mais aussi pour celle de la France. Je vous remercie, monsieur le président de l’Assemblée nationale, d’avoir rendu hommage à son sacrifice lors de la séance d’hier. Pour ma part, je m’associe à l’hommage que vous venez de rendre à la journaliste Camille Lepage, assassinée en République Centrafricaine et dont le corps a été retrouvé par une patrouille de la force Sangaris lors d’une mission anti-balaka.
Pour revenir à votre question, monsieur le député, la loi de programmation militaire a fait l’objet d’un débat nourri, auquel vous avez vous-même participé, et se met en place dans le budget 2014. Cette loi de programmation militaire, c’est une loi d’équilibre, qui permet à la fois la mission de dissuasion, de protection du territoire et d’intervention extérieure. C’est aussi, vous le savez, une loi qui contribue au redressement de nos comptes publics, parce qu’il y a 34 000 suppressions de postes et une masse salariale réduite de plus de 4 milliards d’euros, mais aussi parce qu’il y a eu, par rapport au libre blanc antérieur, une réduction des commandes d’environ 14 milliards d’euros. Enfin, parce qu’il y a des restructurations qui sont parfois difficiles pour les territoires.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
En dépit de tout cela, c’est une loi d’équilibre entre deux nécessités : d’une part, celle de notre sécurité extérieure et des missions confiées à nos armées par le chef de l’État, d’autre part, celle de contribuer au redressement des comptes publics. Indivisible, la souveraineté de la France est assurée par nos forces, mais elle est également financière.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Christian Franqueville, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le secrétaire d’État aux affaires européennes, face à l’intensification de la concurrence déloyale qui exerce une pression à la baisse sur les salaires et menace le rétablissement du marché de l’emploi, notre majorité a pris des initiatives fortes au sein des institutions européennes.
En effet, cette volonté de rétablir un cadre réglementaire protecteur pour les travailleurs, grâce à des sanctions renforcées contre les dérives et les abus, notre majorité en a fait l’un de ses chevaux de bataille dans le cadre de la réorientation européenne voulue par le Président de la République.
Pour nous, c’est clair : l’Europe doit protéger les travailleurs et non pas les soumettre aux grands vents du libéralisme.
Pour nous, c’est clair : l’Europe doit créer un espace de prospérité partagée qui tire les peuples qui la composent vers le haut. Nous refusons l’austérité et les schémas rabougris et égoïstes que les conservateurs veulent imposer.
Notre groupe se félicite que la proposition de loi Savary sur les travailleurs détachés, votée par notre assemblée au mois de février, ait été adoptée par le Sénat la semaine dernière.
Sur le terrain, dans nos départements, dans nos circonscriptions, nous ne savons que trop bien quels ravages peuvent être causés par les abus de quelques entreprises sans scrupule qui profitent des failles réglementaires pour affaiblir notre modèle social.
Le cadre légal va rapidement évoluer : les obligations des entreprises ayant recours aux travailleurs détachés vont être renforcées ; la responsabilité des donneurs d’ordre va pouvoir être engagée ; les sanctions vont être durcies avec, notamment, la mise en place d’une liste noire des entreprises condamnées.
Monsieur le secrétaire d’État, la proposition de loi de lutte contre le dumping sera définitivement adoptée avant l’été. Quels effets doit-on en attendre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le Secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le député Christian Franqueville, je vous remercie d’appeler l’attention sur ce sujet majeur.
La construction européenne ne peut en effet être la course au moins-disant social.
L’accord que nous avons conclu avec nos partenaires européens sur les travailleurs dits détachés va permettre de lutter concrètement contre les abus, en renforçant les contrôles et en responsabilisant les donneurs d’ordre : il sera ainsi possible de garantir qu’un travailleur détaché dans un autre pays sera effectivement payé aux conditions salariales du pays d’accueil.
La proposition de loi que vous venez de citer sur la lutte contre le dumping social a été adoptée la semaine dernière par le Sénat, après avoir été votée par l’Assemblée nationale : elle sera donc, je pense, définitivement adoptée d’ici la fin du mois de juin.
Ce texte responsabilise les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre quand ils recourent à des sous-traitants multiples. Il va permettre aux organisations professionnelles et syndicales de se constituer partie civile en cas de travail illégal. Grâce à ce texte, la France ira même au-delà de l’accord européen, en instaurant une responsabilité solidaire obligatoire dans tous les secteurs, et non pas simplement dans un seul, comme c’est le cas dans la directive européenne.
D’ores et déjà, le Gouvernement, sous l’impulsion de François Rebsamen,…
…mène une politique déterminée de renforcement des contrôles sur le terrain, et l’inspection du travail est particulièrement mobilisée.
Mesdames, messieurs les députés, l’Europe sociale ne s’arrêtera pas là. Nous nous battons pour que, dans tous les pays, il y ait demain un salaire minimum : c’est ce que nos amis du SPD ont obtenu en Allemagne grâce à l’accord de la Grande Coalition.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
C’est possible en Allemagne, ce sera possible dans les autres pays.
Nous nous battons également pour que, dans le cadre du semestre européen, il y ait des indicateurs sociaux : nous voulons voir mise en oeuvre concrètement la garantie jeunesse pour les jeunes sans emploi, en faveur de laquelle s’est battu le Président de la République.
L’Europe sociale, c’est aussi l’une des conditions de la réconciliation de nos concitoyens avec le projet européen, c’est un enjeu de premier plan.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et certains bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, les Français jugent une politique à l’aune de sa cohérence. En matière de collectivités territoriales, je dois vous dire que l’on y perd son latin.
En janvier dernier, le Président de la République réaffirmait son attachement au département ; hier, il a dit que cette collectivité avait vécu.
Madame Lebranchu a défendu un texte de loi qui rétablissait la compétence générale des départements et des régions ; elle va désormais en défendre un autre qui leur ôte cette compétence.
Vous-même, dans cet hémicycle, vous êtes livré à un mea culpa public, mais bien tardif, en regrettant d’avoir commencé par changer le mode de scrutin des élections départementales.
En attendant, c’est bien vous, en tant que ministre de l’intérieur, qui avez divisé par deux le nombre de cantons. Vous avez mis à mal la ruralité et aggravé la fracture territoriale.
On a compris qu’après le big bang fiscal promis par Jean-Marc Ayrault, nous aurions droit au big bang territorial de Manuel Valls.
Mais ne soyons pas dupes : vous craignez le désaveu populaire en 2015. En fait, vous cherchez tout simplement un prétexte pour reporter les élections départementales et régionales. C’est un report de confort pour vos vingt présidents de région qui savent que chaque jour qui passe les rapproche de la sortie.
Alors, monsieur le Premier ministre, quand auront vraiment lieu les prochaines élections départementales et régionales ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.
Monsieur le député, au cours du débat auquel vous faites référence, sur tous les bancs, y compris ceux du Sénat, a été posée et reposée la question de l’existence des départements.
Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Je vous rappelle, comme je l’ai fait la semaine dernière, qu’il a aussi été largement question, au Sénat, d’agrandir les régions de France. Reproche nous a alors été fait de ne pas nous saisir de l’opportunité qu’offraient ces textes pour répondre à la demande forte de réorganisation territoriale de la République.
Le Président de la République, le Premier ministre, Bernard Cazeneuve et moi-même avons comme feuille de route quelque chose d’extrêmement simple mais, nous le savons, d’extrêmement difficile à mettre en oeuvre : réécrire la carte de l’organisation territoriale de la République…
…tout en menant à bien la réforme de l’État et en protégeant – ce qui est de ma responsabilité – la fonction publique.
Dans ce cadre, et si vous partagez avec nous cette nécessité, il nous faut répondre à la question suivante : faut-il organiser des élections avant cette réécriture de l’organisation territoriale de la République ?
Le Président de la République, respectueux des formes,
Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI
respectueux du Parlement, a décidé de recevoir, à partir d’aujourd’hui à dix-sept heures trente, jusqu’à demain soir, l’ensemble des familles politiques représentées au Parlement, pour solliciter leur avis sur le report ou non des élections. Lui-même ayant dit, après les municipales, qu’il ne s’engagerait dans cette voie qu’à cette condition, nous saurons donc, à l’issue de ces entrevues, où nous allons.
La parole est à M. Jean-Marc Fournel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, en matière éducative, notre majorité avait le choix entre deux attitudes diamétralement opposées : l’action ou la contemplation.
La contemplation aurait consisté à assister, les bras ballants, à la détérioration de notre système éducatif, comme l’a fait l’UMP pendant dix ans
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
Pourtant, deux phénomènes constituaient une menace majeure pour la pérennité de notre modèle social : la baisse continue du niveau scolaire, constatée notamment par l’enquête PISA, et la sortie annuelle de 150 000 jeunes du système scolaire sans diplôme ni qualification.
C’est la raison pour laquelle notre majorité, dès 2012, a fait de l’éducation une priorité politique. Quelle différence avec la majorité précédente qui, avec cynisme, avait fait de l’éducation nationale la variable d’ajustement budgétaire de la révision générale des politiques publiques et des plans d’austérité !
Monsieur le ministre, notre majorité a préféré l’action à la contemplation, et elle a bien fait. Alors que certains déploient une énergie considérable pour alimenter des polémiques stériles sur les rythmes scolaires, quelques vérités méritent d’être rappelées.
C’est notre majorité qui a décidé de faire de l’éducation une priorité,…
…en recrutant 60 000 enseignants. C’est notre majorité qui a rétabli une formation des enseignants pour préparer ces derniers à relever le défi de l’instruction de nos enfants. C’est notre majorité qui a lancé des dispositifs de lutte contre le décrochage pour ne plus abandonner sans formation ni perspectives une part toujours plus importante de la jeunesse.
C’est notre majorité, enfin, qui a tout mis en oeuvre pour actionner les leviers permettant à l’école de redevenir le lieu où s’inventent des destins, le creuset de l’émancipation, des talents et des énergies qui composent notre nation.
Cette promesse, c’est la promesse républicaine ; nous y croyons. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous présenter à nouveau les objectifs poursuivis par le Gouvernement pour remettre l’école au coeur des ambitions de notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mes chers collègues, certaines conduites, je vous l’assure, provoquent chaque fois une marée de protestations de la part des téléspectateurs, notamment des plus jeunes d’entre eux. Faisons attention à notre image collective – il ne s’agit pas ici de droite ou de gauche.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Jean-Marc Fournel, vous l’avez évoqué, il existe un mythe particulièrement puissant en France : celui d’une école de la République qui serait égalitaire. Il existe aussi une réalité : la France est championne d’Europe quant au poids de l’origine sociale dans le destin scolaire de ses enfants.
Deux choix étaient offerts à la majorité : entretenir un mythe ou s’attaquer à modifier la réalité. Nous nous sommes attaqués à modifier la réalité. Comment ? En injectant des moyens, comme vous l’avez rappelé : davantage d’adultes et de professeurs ont été mis devant nos enfants. Il en manquait, et nous avons rétabli cet équilibre, qui était une priorité.
Ensuite, nous avons fait en sorte, vous l’avez également évoqué, que le métier d’enseignant s’apprenne, car apprendre, cela s’apprend. Il était invraisemblable que l’on ait pu remettre en cause cette vérité dans le passé. Aujourd’hui, nous avons rétabli les écoles dans lesquelles les professeurs apprennent à apprendre.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste, et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.
Nous avons redonné la priorité au primaire, parce que quand on rate une marche dans le primaire, rattraper son retard est ensuite beaucoup plus difficile. Le dispositif « Plus de maîtres que de classes », la scolarisation avant trois ans dans les écoles maternelles, la réforme des rythmes scolaires contribuent à faire en sorte que les enfants se concentrent sur les apprentissages fondamentaux et soient ainsi en capacité de poursuivre leur scolarité quand ils arrivent en sixième.
Nous avons par ailleurs décidé de nous attaquer à la refonte des programmes. Le Conseil supérieur des programmes va bientôt rendre ses préconisations pour l’école du socle. Ainsi, la nation se mettra d’accord sur ce qu’elle souhaite que ses enfants sachent en termes de connaissances, de compétences et de culture à la fin de la scolarité obligatoire.
J’aurais pu évoquer également la refonte de l’éducation prioritaire, qui sera un des grands chantiers de ce gouvernement.
En tout état de cause, je l’affirme, nous avons décidé de faire concrètement de la lutte contre les inégalités notre priorité. Nous nous y attelons et je suis très heureux que les élus de la majorité, et même d’autres souvent, nous rejoignent dans ce combat.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, la Guyane n’en finit pas de pleurer ses victimes, notamment sa jeunesse, qui paye un lourd tribut à la violence. Je citerai à titre d’exemple la commune de Matoury, qui a été récemment témoin de deux meurtres et de huit cambriolages en moins d’une semaine. Hier encore, le procureur de la République relevait les difficultés à endiguer et à réguler cette violence.
Certains vont plus loin et parlent, à tort ou à raison, de « zone de non-droit ». Le constat est sans appel et la population est exaspérée. Tous les compteurs passent au rouge et les citoyens en appellent à l’autorité de l’État ainsi qu’à la vigilance de la République.
Pourtant, du fait de sa position géostratégique, de son exceptionnelle biodiversité, de la richesse de son sous-sol, de ses ressources halieutiques, de ses réels potentiels pétroliers, de la présence du port spatial européen à Kourou et, surtout, de la profonde motivation de ses habitants à relever tous les défis du troisième millénaire, nous pouvons, en toute humilité, considérer que la Guyane regorge d’atouts pour se transformer en une véritable locomotive au sein de la France de demain. Monsieur le ministre, c’est une chance collective qu’il ne faut absolument pas rater !
Conscient du travail réalisé par l’ensemble des partenaires institutionnels qui luttent contre ce fléau de la violence gratuite, je tiens à saluer le classement en zone de sécurité prioritaire des communes de la grande île de Cayenne. Toutefois, la Guyane ne pourra s’épanouir et développer l’ensemble de ses potentialités qu’une fois qu’on aura mis un terme définitif à ces problèmes récurrents de délinquance.
Je ne doute pas de l’attention particulière qu’attache le Gouvernement à la situation guyanaise. C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir nous éclairer sur les solutions envisagées ou déjà arrêtées afin de rétablir de façon pérenne la sécurité de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Monsieur le député, vous posez une question qui, je le sais, vous tient à coeur. Dans l’exercice de vos mandats locaux, notamment en tant que maire de Matoury – je vous félicite d’ailleurs pour votre élection récente –,…
…vous avez toujours fait en sorte que les préoccupations relatives à la sécurité et au développement de la Guyane soient exprimées sur ces bancs. Soyez à cet égard assuré du soutien total du Gouvernement, qui s’est matérialisé par de nombreuses actions depuis de nombreux mois pour garantir la sécurité.
Nous avons tout d’abord créé deux zones de sécurité prioritaires : une première à Kourou, une seconde à Cayenne et Matoury qui, comme vous le savez, donne des résultats, puisque les homicides volontaires ont diminué de près de 50 % et les homicides non volontaires de 38 %. Les vols à main armée et les atteintes aux personnes ont également diminué, précisément grâce à la collaboration qui s’est nouée entre les forces de sécurité et l’ensemble des partenaires locaux.
Par ailleurs, nous avons augmenté les effectifs de la gendarmerie. Il y avait 516 gendarmes départementaux en 2012. Nous avons augmenté leur effectif de 25 gendarmes, auxquels nous avons ajouté plus de 400 gendarmes mobiles. Le nombre d’agents des forces de sécurité rapporté à la population est ainsi bien plus élevé en Guyane que partout ailleurs sur le territoire national.
Nous avons en outre engagé une action très forte de sensibilisation au travers de l’opération « Déposez les armes », qui a eu un grand succès en Martinique. Celle-ci vise à faire en sorte que tous les partenaires éducatifs, les forces de sécurité et les représentants de l’État s’engagent avec la population dans une action de sensibilisation à la violence.
Sachez, monsieur le député, que nous sommes à vos côtés pour poursuivre cette action en faveur de la sécurité en Guyane.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Il y a quelques semaines, nous avons interpellé le Gouvernement à propos de livres au contenu prétendument pédagogique et aux titres aussi explicites que Tous à poil ou Mehdi met du rouge à lèvres.
Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Alors qu’il s’agit de dérives idéologiques liées à la théorie du genre, vous nous aviez expliqué à l’époque, de manière très affirmative et sans état d’âme, que ce n’était pas un sujet.
Or, qu’apprend-on aujourd’hui ? Que l’académie de Nantes invite les lycéens de la région à porter une jupe vendredi prochain, et ce au motif d’ouvrir le débat pour lutter contre les constructions stéréotypées des rapports sociaux du sexe !
Vous avez donc sciemment caché les actions que vous envisagiez pour poursuivre dans cette voie visant à imposer la théorie du genre. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
D’ailleurs, c’est avec stupeur que nous constatons que les documents relatifs à cette initiative – je les tiens à votre disposition – ont été retirés du site internet de l’académie.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous aviez d’ailleurs procédé de la même façon pour les bibliographies des prétendus « ABCD de l’égalité », qui avaient suscité l’émoi légitime de nombreux parents d’élèves. Les documents avaient eux aussi disparu des sites internet.
Oui, monsieur le Premier ministre, notre jeunesse a besoin de repères. Oui, l’éducation nationale doit remplir tout son rôle dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux.
Alors, allez-vous, oui ou non, faire cesser cette entreprise de démolition systématique des repères qui structurent la construction de nos enfants ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Allez-vous, oui ou non, arrêter l’expérimentation du dispositif des « ABCD de l’égalité », qui met en oeuvre la pédagogie du genre, construit sans concertation et méprisant les inquiétudes légitimes des parents ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.
S’il vous plaît, mes chers collègues, on retrouve son calme et on écoute la réponse.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la députée, l’initiative dont vous parlez a été prise par le conseil académique de la vie lycéenne de Nantes. Cette instance, créée par Lionel Jospin,
Murmures sur les bancs du groupe UMP
permet en effet aux lycéens de prendre de telles initiatives. En 2010, vous avez d’ailleurs vous-même renforcé son rôle et sa composition.
Ce conseil a donc pris l’initiative dont vous parlez, que l’on peut juger potache, qui utilise l’humour pour lutter contre le sexisme, mais qui suscite chez vous des réactions très négatives.
Il vous suffirait de le demander au recteur ou au rectorat pour qu’on vous le confirme : aucune demande n’a été faite aux élèves et aux lycéens de cette académie de venir en jupe le vendredi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C’est absolument faux. Ce que vous dites aujourd’hui est le reflet de mensonges… (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
…colportés par des organisations radicales. Je regrette que vous les colportiez, alors qu’une simple vérification vous aurait permis de vous rendre compte que ces accusations étaient fausses.
L’initiative en question s’inscrit dans le cadre d’une journée de lutte contre le sexisme. Puis-je me permettre de vous faire part de l’évaluation qu’en ont fait deux organisations de parents d’élèves, la FCPE et la PEEP ?
L’an dernier, la PEEP déclarait n’avoir eu « aucun retour négatif. À l’inverse, des éléments positifs sont remontés ».
Si, au lieu de reprendre les arguments diffusés en ligne par des organisations et des groupes radicaux, vous aviez pris le soin de vérifier ces informations, vous vous seriez inscrite, comme nous, dans une volonté d’apaiser le climat scolaire. Aidez-nous à apaiser le climat scolaire !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
La parole est à M. Jean-Michel Villaumé, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Hier, notre nation a, une fois de plus, été endeuillée. Nous avons appris avec une profonde émotion la tragique disparition de Mme Camille Lepage, photojournaliste en Centrafrique.
Elle a trouvé la mort dans l’exercice de son métier. Toutes nos pensées vont à sa famille et à ses amis. Je tiens à rendre un hommage appuyé à Mme Lepage, comme à ses confrères, dont l’engagement est fondamental pour faire vivre le droit à l’information.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
Merci à vous, les journalistes, de porter vos convictions partout et en toutes circonstances.
L’Afrique centrale est déchirée par plusieurs conflits religieux, politiques et ethniques. Là où le terrorisme et la criminalité font la loi, là où l’humanité est bafouée, la République française a décidé d’assumer son rôle de défenseur des droits de l’homme. La paix demeure un horizon vers lequel marchent main dans la main les forces africaines et françaises. Les opérations Serval et Sangaris en sont deux illustrations fortes.
Monsieur le ministre, quelles initiatives allez-vous porter, avec le Président de la République, auprès de nos partenaires, samedi 17 mai, lors du sommet de l’Élysée ?
Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris afin de déterminer les circonstances exactes de l’assassinat de Camille Lepage. Comment cette enquête va-t-elle se dérouler ? Malgré la détermination et le savoir-faire de nos équipes sur place, malgré la coopération avec la MISCA, il semble difficile de mener une quelconque investigation dans un contexte aussi rude et violent.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, l’Assemblée nationale a, avec raison, rendu hommage, il y a quelques instants, à Mme Lepage.
Assassiner un journaliste, c’est toujours commettre un double crime : c’est un crime contre une personne, mais aussi contre la liberté d’informer. Le Gouvernement s’associe bien sûr à cet hommage et à la peine de la famille.
Une enquête a été diligentée. Comme vous l’avez vous-même rappelé, cela n’est pas facile. Mais, en liaison avec les prévôts, qui sont auprès de l’armée française, et avec les troupes locales, le maximum va être fait pour retrouver les coupables et pour les châtier, car il ne peut y avoir d’impunité pour un tel crime.
Vous avez abordé aussi la question du Nigeria et de l’enlèvement épouvantable de jeunes filles. Le Président du Nigeria a demandé au Président de la République française de convoquer samedi prochain un sommet à l’Élysée et d’y inviter – ce qui a été fait – les présidents du Cameroun, du Niger, du Bénin et du Tchad, ainsi que les représentants des États-Unis d’Amérique, de Grande-Bretagne et de l’Union européenne. Au cours de cette réunion, seront étudiés les moyens, sur le plan bilatéral et sur le plan multilatéral, permettant de cerner les menaces par le renseignement, de former les gens sur place pour combattre et débusquer les assassins.
La France ne se substitue à personne, mais son rôle est d’aider les Africains à assurer la sécurité. Il ne peut y avoir de solution sans démocratie, sans développement et sans sécurité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Bernard Debré, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, il y a un an, les habitants et les commerçants du Trocadéro assistaient à un spectacle de désolation – comme nous avons pu le voir avec Claude Goasguen : vitrines brisées, magasins saccagés, mobilier urbain dévasté. Ces émeutes ont été la conséquence d’une faillite totale de la chaîne de commandement du ministère de l’intérieur, que vous dirigiez à l’époque.
Cela aurait pu servir de leçon, mais aucune conclusion quant aux responsabilités n’a été tirée de cet événement : le préfet de police a été confirmé dans ses fonctions.
Dans une question écrite du 28 mai 2013, renouvelée le 19 novembre, je vous ai demandé de me faire connaître le bilan ainsi que le coût de ces émeutes pour les policiers. Vous n’y avez jamais répondu.
Cette fin de semaine, de nouvelles violences et des interpellations ont eu lieu sur les Champs-Élysées. Ces incidents répétés reflètent votre impuissance à combattre l’insécurité et la violence. Vos annonces, à grand renfort de communication, n’y changeront rien. La réalité est là : les violences contre les personnes augmentent de 5,5 % au premier trimestre 2014 ; les vols à la tire sont monnaie courante à Paris et les cambriolages, dans les villes comme dans les campagnes explosent, avec une hausse de 23 % à Paris.
Votre plan de lutte contre les cambriolages est un échec. Et que dire de votre réforme pénale à venir, devant laquelle les délinquants et les multirécidivistes doivent se frotter les mains ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Insécurité, laxisme, tel est le résultat de la politique socialiste depuis deux ans. Monsieur le Premier ministre, la sécurité est l’une des premières libertés. Quand allez-vous inverser la courbe ?
Monsieur le député, merci pour cette question, dont je ne sais par quelles données statistiques elle est inspirée, mais qui se veut très polémique sur les résultats obtenus par les forces de sécurité à Paris. Très simplement et très sobrement, je veux vous donner les résultats des actions conduites sous l’autorité du ministre de l’intérieur par les forces de sécurité à Paris. Vous constaterez que les chiffres sont fort différents de ceux que vous venez de citer.
Pour ce qui concerne le plan de lutte contre les cambriolages, lancé par mon prédécesseur en septembre, je souhaite vous indiquer que, alors que les cambriolages ont augmenté de 44 % entre 2007 et 2012, y compris sur le territoire de Paris,
Protestations sur les bancs du groupe UMP
une première inversion est constatée au cours du premier trimestre 2014, avec une diminution de 3,6 %. Voilà qui devrait vous rassurer !
Les coups et blessures volontaires sont en baisse de 2,4 %, de même que les homicides et les violences conjugales. Quant aux atteintes aux biens, l’action résolue que nous menons sur le territoire de Paris permet une baisse du nombre de vols à main armée,…
…avec un taux d’élucidation en hausse de près de 9 points et une diminution significative des vols à l’arraché, de l’ordre de 25 %.
Ces chiffres, qui concernent Paris, devraient être de nature à vous rassurer et vous inciter à aller trouver vos inspirations statistiques dans des tableaux plus fiables.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Sandrine Hurel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Ségolène Royal. J’y associe ma collègue de la Manche, Geneviève Gosselin-Fleury. Madame la ministre, vous avez annoncé le 7 mai les résultats de second appel d’offres lancé par le Gouvernement pour la construction de deux parcs éoliens offshore d’une puissance de 1 000 MW au large du Tréport et de Noirmoutier, s’ajoutant aux 2 000 MW attribués en 2012 sur Saint-Nazaire, Courseulles et Fécamp.
Cette annonce confirme l’engagement et la détermination du Gouvernement dans la montée en puissance des énergies renouvelables dans notre mix de production électrique. Le débat sur la transition énergétique sera une nouvelle occasion de mener à bien notre stratégie d’excellence en la matière.
La Haute-Normandie, depuis très longtemps, a fait le choix de l’excellence énergétique comme stratégie de transition industrielle. Elle devient la première région française pour l’éolien en mer. Elle entre dans la transition énergétique par la preuve.
L’éolien offshore sur notre littoral représente des milliers d’emplois industriels, notamment pour les sites de fabrication des éoliennes à Cherbourg et au Havre, des centaines d’emplois de maintenance dans nos ports – notamment le port régional de Dieppe –, des emplois en recherche et innovation. Un projet, unique en France, de démonstrateur préindustriel, le projet WIN, se situe au large de Veulettes-sur-Mer.
Madame la ministre, après l’annonce de cette excellente nouvelle pour notre pays, il faut désormais préparer nos territoires. C’est à ces défis que nous travaillons, élus locaux, partenaires industriels et Gouvernement. La tâche est immense, mais à ce prix que se développera une nouvelle filière industrielle française de pointe.
Pouvez-vous nous indiquer comment vous comptez purger les recours, dont beaucoup sont contraires à l’intérêt de la France. Pouvez-vous nous dire comment l’État compte soutenir le projet de démonstrateur WIN ? Plus largement, quelles mesures allez-vous prendre pour accompagner le développement de cette filière industrielle d’excellence mondiale, innovante et créatrice d’emplois ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Madame la députée, je voudrais tout d’abord vous féliciter – ainsi que les élus de la région de Haute-Normandie, dont son président – pour votre engagement et votre travail auprès des industriels. Deux nouveaux parcs d’éoliennes en mer, d’une capacité de 1 000 MW, ont été attribués aux groupes GDF et Areva. Il s’ajoutent aux quatre parcs précédents, d’une capacité de 2 000 MW, confiés à EDF, Alstom, et IberdrolaAreva. Nous comptons atteindre une puissance de 6 000 MW.
Vous avez raison, les recours peuvent constituer un frein à ce développement. Il faut simplifier et sécuriser les procédures, sans céder, bien sûr, sur la protection de l’environnement. Le ministère est engagé dans cette démarche de simplification administrative, afin d’égaler ce qui se passe dans d’autres pays européens et pour éviter que nos industriels ne soient défavorisés.
Le développement des énergies renouvelables, dont les énergies marines font partie, est une priorité pour la France. Notre pays s’est engagé, je vous le rappelle, sur l’objectif d’une part de 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation en 2020. Nous devons accélérer le processus. J’ai donc décidé de lancer de nouveaux appels à projets, sur l’éolien flottant, sur des projets pilotes concernant l’utilisation de l’énergie thermique de la mer, sur les hydroliennes et sur l’utilisation de l’énergie marémotrice.
Toutes ces technologies sont développées dans le cadre des filières industrielles du futur, et dans de très belles entreprises, comme DCNS. Le potentiel de création d’activités est de plus de 10 000 emplois, dans le cadre d’une croissance verte pour laquelle nous nous battons.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame le ministre, (« Madame la ministre ! », sur les bancs du groupe SRC.), comme l’a montré la question précédente, vous êtes en charge de la future loi relative à la transition énergétique qui vise à diminuer d’un tiers la part du nucléaire, en s’inspirant du modèle allemand.
Savez-vous qui a prononcé ces phrases : « La vérité est que la transition énergétique est sur le point d’échouer, la vérité est que sous tous les aspects, nous avons sous-estimé la complexité de cette transition énergétique. La noble aspiration d’un approvisionnement énergétique décentralisé et autonome est bien sûr une pure folie. Quoi qu’il en soit, la plupart des autres pays d’Europe pensent que nous sommes fous ! » Ces phrases sont tirées de l’argumentaire utilisé le 16 avril dernier par le vice-chancelier allemand, socialiste, ministre de l’économie et de l’énergie, M. Sigmar Gabriel, le « Arnaud Montebourg »
Sourires.
J’ai envie de vous poser une question. Nous nous inspirons du modèle allemand, mais que pensez-vous de ce modèle qui, s’il a produit trois fois plus d’énergie renouvelable – 24 % –, et 50 % de nucléaire en moins, a conduit à une hausse des émissions de CO2 ? M. Fabius ne vient-il pas de dire que nous avions 500 jours pour sauver le monde ? Or, la baisse de la part du nucléaire a entraîné une hausse des émissions de CO2 en Allemagne ! Pourquoi donc critiquer le modèle français alors que nous sommes le deuxième pays le plus faiblement émetteur de gaz à effet de serre dans l’Union européenne ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
À l’heure où le président François Hollande appelle à un EADS franco-allemand de l’énergie, je vous pose cette question simple : Allez-vous favoriser le couple franco-allemand et suivre Sigmar Gabriel en réorientant la loi relative à la transition énergétique ou allez-vous le désavouer ? Après tout, vous avez déjà désavoué M. Montebourg à propos de General Electric, vous pouvez faire de même avec le « Montebourg » allemand ! Ou au contraire allez-vous vous entêter ? Rappelez-vous cependant que le nucléaire représente 400 000 emplois !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur le député, ce qui serait fou, ce serait de ne rien faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur certains bancs du groupe SRC.
La France s’est au contraire courageusement engagée dans la transition écologique et dans la transition énergétique pour trois raisons. Il s’agit tout d’abord du domaine où nous pouvons créer le plus d’activité et d’emploi – je viens de le démontrer avec l’éolien, dans le domaine de la croissance verte. C’est là où nos entreprises d’aujourd’hui et de demain attendent des actions. Nous allons les accompagner et les encourager !
Parmi les trente-quatre plans industriels d’avenir qu’Arnaud Montebourg a présentés, dix relèvent des énergies renouvelables, de la mutation énergétique et de la croissance verte. Nous réunirons prochainement – vendredi – les chefs de projet de ces trente-quatre plans pour leur donner tous les moyens de se développer, de créer, de recruter, de former les salariés de demain afin que la France, c’est le deuxième point, remplisse son objectif en matière de lutte contre l’effet de serre et les gaz à réchauffement climatique.
Nous avons pris des engagements sur le plan international, nous avons des obligations vis-à-vis de notre civilisation et nous les tiendrons.
Enfin, la troisième raison qui nous pousse à agir, contrairement à ce que vous souhaiteriez, est qu’en engageant cette révolution énergétique, nous allons lutter contre le gaspillage énergétique et donner aux Français du pouvoir d’achat supplémentaire puisqu’ils dépenseront moins. Grâce à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments, les factures d’énergie des Français baisseront.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Vous le constatez vous-même, monsieur le député, il ne sert à rien de caricaturer les propos de Sigmar Gabriel, que j’ai rencontré la semaine dernière. Ne vous en déplaise, nous allons travailler main dans la main, France et Allemagne, avec les autres pays européens, afin de déposer sur la table du Conseil européen une véritable ambition de la mutation énergétique européenne.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme Maud Olivier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des droits des femmes.
Au lendemain du 10 mai, journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, l’actualité nous rappelle que ces questions sont toujours une réalité. Il en est ainsi au Nigeria mais aussi sur notre territoire, suite au démantèlement ces derniers jours de plusieurs réseaux de traite d’êtres humains. Nous ne savons pas assez l’horreur que vivent ces victimes : Être vendu, subir des violences physiques extrêmes, se voir retirer sa liberté fondamentale d’être, de vivre, de disposer de son corps et de son avenir.
Mais la réalité est là. Esclavage, servitude domestique, mendicité ou travail forcé, trafics d’organes, proxénétisme : on dénombre 22 millions de victimes à travers le monde dont 25 % d’enfants. En France, 80 % de ces victimes sont exploitées sexuellement à travers la prostitution et 18 % sont soumises au travail forcé. Il est de la responsabilité des États de tout mettre en place pour démanteler ces réseaux, protéger et aider les victimes à en sortir.
Madame la ministre, vous avez présenté ce matin le premier plan national de lutte contre la traite des êtres humains. Nous nous en félicitons. Il pose les fondements d’une politique publique transversale dotant la France d’outils indispensables, grâce notamment à un renforcement des actions de coopération internationale. Je constate avec satisfaction, madame la ministre, que les rapports parlementaires successifs liés à ce sujet ont été utiles à l’élaboration de ce document.
Comme le plan l’indique, la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel actuellement examinée au Sénat le complétera efficacement, notamment par la responsabilisation de toute la société et en particulier de ceux qui profitent de la vulnérabilité des victimes, alimentant ainsi ces réseaux. Plus largement, pouvez-vous, madame la ministre, informer la représentation nationale des grandes mesures de ce plan d’action ?
La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.
Madame la députée, merci d’avoir mis les mots sur le parcours de souffrance qu’est celui des victimes de la traite des êtres humains. On ne le dit pas assez. L’émotion publique qu’a suscitée l’enlèvement des lycéennes nigériennes ces dernières semaines nous offre l’occasion de nous rappeler ce que représente ce parcours pour, selon l’Organisation internationale du travail, plus de 20 millions de personnes à travers le monde, dont plus de 5 millions d’enfants, de mineurs.
La France, c’est vrai, est touchée par ce phénomène, parce que sa position géographique fait d’elle à la fois un pays de destination et un pays de transit. Nous avons voulu réagir avec force, ici même, dans votre assemblée, et nous vous avons présenté avec Christiane Taubira, en août 2013, un projet de loi pour introduire dans notre droit pénal l’infraction de réduction en esclavage.
Il nous manquait cependant, pour que tout cela devienne effectif, une véritable stratégie nationale qui mobilise l’ensemble des administrations afin d’identifier les victimes, les accompagner, les protéger, afin de lutter contre les réseaux, les démanteler plus rapidement, et surtout faire connaître ce phénomène de traite des êtres humains, y compris parmi le grand public. Nous mènerons ainsi de grandes campagnes de communication dans les gares, les aéroports, pour informer les victimes qui arrivent sur notre territoire qu’elles ont des droits chez nous. Nous formerons les professionnels pour qu’ils puissent mieux détecter les victimes et les accompagner. Nous ferons en sorte que des intervenants sociaux spécialisés aillent à la rencontre des populations les plus touchées.
S’agissant des réseaux, sachant qu’en l’espèce c’est l’argent qui compte – la traite des êtres humains représente 32 milliards de gains par an –, nous aiderons TRACFIN, spécialiste des flux financiers illégaux, à enquêter de plus près sur ces questions. Les biens seront saisis, confisqués, et ils viendront alimenter le fonds qui servira aux victimes de la traite.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, mais je commencerai par lui livrer une information : il est en contradiction avec le rectorat de Nantes pour ce qui concerne le port de la jupe pour les garçons – nous tenons à sa disposition la lettre du rectorat !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre, malgré vos réponses prétendument rassurantes concernant les nouveaux rythmes scolaires, tout ne va pas bien, et tout le monde n’est pas content. Les Français ne sont pas dupes de l’incohérence de cette réforme. Il existe de vraies difficultés sur le terrain que vous ne pouvez ignorer. Votre réforme apparaît de plus en plus comme une réforme de citadin qui ignore les zones rurales. Vous prétendez que plus de 90 % des communes y seraient aujourd’hui favorables, mais vous savez pertinemment qu’il n’en est rien ! Comment pourrait-il en être autrement puisque votre prédécesseur, M. Peillon, a imposé une réforme bâclée, sans concertation, sur un sujet aussi important ?
Votre nouveau décret, publié un jour férié, qui a pour mission d’assouplir, aboutit en fait à ignorer totalement l’intérêt de nos enfants, raison même de la réforme. Si nous voulons qu’elle puisse être applicable, notamment dans les zones rurales, il est nécessaire de maintenir les six heures journalières, ce qui aboutit de fait à ce que nos enfants soient présents à l’école durant cinq jours d’affilée. La plupart des communes optent pour la concentration des trois heures d’activités périscolaires le mercredi après-midi. Résultat : plus de pause hebdomadaire et une fatigue accrue pour nos petites têtes blondes.
Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Vous ne vous préoccupez pas, je le sais bien, de l’intérêt des enfants !
N’aurait-il pas mieux valu que nous rétrécissions les vacances, alors même que votre prédécesseur a commencé par doubler les vacances de la Toussaint ? L’absence de concertation sur un sujet aussi important démontre, s’il en était encore besoin, le dogmatisme dont le Gouvernement a fait preuve.
Ma question est simple, monsieur le ministre. Il n’est jamais trop tard pour bien faire ; de nombreux élus refusent d’appliquer votre décret. Ne pensez-vous pas que le délai du 6 juin soit beaucoup trop court, alors que de nouvelles équipes sont à peine en place dans nos communes ? Un temps supplémentaire est naturellement nécessaire pour que nous pensions – enfin – à l’avenir de l’école. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler le principe qui veut que les collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences, principe édicté par l’article 72 de la Constitution !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Je commencerai par la fin de votre question, monsieur le député : vous n’avez pas compétence sur le temps scolaire… Je vous remercie en tout cas pour le ton constructif de celle-ci, même si je n’ai jamais dit que 90 % des communes étaient favorables à la réforme ; j’ai dit que dans les rectorats, près de 94 % des communes ont validé la réorganisation du temps scolaire ou s’apprêtent à le faire.
Et pour cause : elles n’ont pas le choix ! C’est l’obligation que vous leur avez faite !
Cela ne signifie pas qu’il n’y a aucune difficulté, notamment en milieu rural. C’est pour en tenir compte que nous avons effectué des ajustements en diminuant par exemple les coûts d’organisation du temps périscolaire.
Comment faisons-nous aujourd’hui en sorte que cette réforme s’applique ? Je le dis à la représentation nationale : de nombreuses communes travaillent – et vous êtes nombreux sur ces bancs à vous y être associés depuis longtemps – à une organisation des temps scolaires et des temps périscolaires qui soient dans l’intérêt de l’enfant. Je peine parfois à comprendre le décalage entre les postures politiques – voire une commande politique venue d’un parti – et les positions adoptées sur le terrain pour résoudre des problèmes concrets.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La réalité, que vous avez évoquée, est la suivante : lorsque les communes rurales ne sont pas en mesure d’organiser le temps périscolaire au sein de l’établissement, il est parfois difficile d’organiser le transport vers le lieu où les activités en question sont organisées de sorte que les enfants en tirent profit. C’est la raison pour laquelle nous avons regroupé sur une seule et même après-midi la possibilité d’organiser ce temps périscolaire.
Très bien !
Ainsi, telle commune organisera le temps périscolaire le lundi, telle autre le mardi et ainsi de suite. Nous permettrons aux communautés de communes de s’organiser.
En clair, nous avons tenu compte de la réalité et faisons tout pour que les choses se passent au mieux. Je le répète : à la rentrée prochaine, la réforme des temps éducatifs s’appliquera aux six millions d’élèves de l’école française !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Pour que la réforme territoriale réussisse, elle ne doit en aucun cas relever d’un déni de décentralisation ou constituer un retour de déconcentration dans les départements où les préfets n’auraient plus, en face d’eux ou avec eux, d’élus du territoire. C’est pourquoi nous souhaitons qu’un vrai schéma d’organisation soit proposé pour la France, schéma qui repose sur quelques principes : ne pas rompre le fil de la démocratie de proximité et respecter l’histoire des territoires et leurs bassins de vie. Pour ce faire, la réforme territoriale doit débuter par les communes et les intercommunalités.
Les 65 millions de Français habitent 36 683 communes, soit 40 % des communes de l’Union européenne, en comparaison des 61 millions d’Italiens, par exemple, qui habitent 8 101 communes. Quant aux intercommunalités, les réformes successives n’en ont jamais réduit le nombre : j’habite un département où coexistent vingt intercommunalités pour 138 000 habitants, la plus petite d’entre elles ayant deux cents habitants.
La révision de la carte intercommunale est urgente ; elle est un préalable à toute réforme territoriale et à l’éventuelle suppression des conseils généraux. En 2014, que signifie une intercommunalité de moins de vingt mille habitants, même en zone rurale ? Il faut instaurer des seuils. Il faut aussi, partout où cela est possible, inciter à la transformation des pays en intercommunalités de projet.
De même, des seuils doivent être instaurés pour les communes, car 75 % d’entre elles ont moins de mille habitants et disposent de capacités d’investissement réduites. Il faut également réinstaurer une forte incitation fiscale à la création de communes nouvelles par fusion, comme le demande d’ailleurs l’association des maires de France. Il faut supprimer les syndicats intercommunaux qui pèsent encore pour neuf milliards dans le budget consolidé des collectivités territoriales. Quant aux régions qui, en Europe, sont toutes de tailles différentes car elles sont héritées de l’histoire, il convient de privilégier le pragmatisme des bassins d’emploi et des liens de l’histoire aux ciseaux des géographes ou des responsables politiques.
Oui, nous voulons vous aider à réussir la réforme territoriale ! Ne pensez-vous pas cependant qu’elle mérite un vrai débat à partir de la collectivité de base qu’est la notion de commune, certes renouvelée mais qui doit demeurer le lieu de la proximité et de la compétence générale au service des citoyens, et d’une intercommunalité en mesure d’être porteuse de projets au bénéfice des territoires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.
Vous avez raison, monsieur le député, et c’est à partir de ce même constat que nous allons agir avec André Vallini sur les deux volets que sont les compétences et les intercommunalités réécrites. Oui, certaines communes sont trop petites et il existe 13 500 syndicats intercommunaux. Renforcer l’intercommunalité sera l’une de nos propositions. Faudra-t-il fixer un seuil à dix ou vingt mille habitants ? Reparlons-en à la revoyure prévue en 2015 et avançons ensemble pour réécrire les intercommunalités. Il faudra sûrement supprimer les syndicats intercommunaux : chacun en parle depuis longtemps et nous devrons réussir, d’autant qu’ils génèrent environ 7 milliards d’euros de frais de fonctionnement, et non seulement d’investissement.
Enfin, il est vrai qu’il existe de toutes petites communes. Je cite – comme ce fut fait avant-hier au Sénat – celle de Rochefourchat : aucun habitant, dix-sept électeurs et un conseil municipal composé de trois personnes. Il faut donc travailler à cette question. Nous avons accepté la proposition de M. Pélissard consistant à fusionner les communes, et je salue également la proposition de loi écrite en partie par Mme Christine Pirès-Beaune à partir de constats similaires.
Le Gouvernement est attaché à rationaliser l’ensemble du dispositif. Ce sera difficile : rappelez-vous les débats que nous avons déjà eus ici-même concernant le périmètre des intercommunalités, la réécriture confiée aux préfets et les obstacles rencontrés. Toutefois, c’est parce que nous voulons des régions et des intercommunalités fortes, capables de redresser notre pays, que nous nous y attellerons avec enthousiasme. En tout état de cause, je vous remercie de bien vouloir nous y aider, car il faudra en parler dans tous les territoires de France, et vous y avez brillamment contribué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Avenir des communes dans la réforme territoriale
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 241 , portant article additionnel avant l’article 3 quater.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, en défendant cet amendement, je m’exprimerai également sur l’article 3 quater.
Hier, tout le monde s’est félicité que l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire aient été associés à l’élaboration de ce projet de loi. Lors de la réunion de la commission des affaires économiques a été adopté un amendement proposé par le rapporteur qui crée une « chambre française de l’économie sociale et solidaire ». C’est un point que nous avons déjà abordé brièvement hier soir, à l’occasion de l’examen de l’article 2.
Personne ne conteste le principe même de la création de cette chambre. Mais, sans parler de concurrence, il est nécessaire d’éviter la confusion entre cette nouvelle chambre française, dont on peut considérer qu’elle aura une fonction de représentation de l’économie sociale et solidaire au niveau national, et le Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, qui assure plutôt une fonction opérationnelle d’appui, d’animation et de coordination des chambres régionales.
Pour éviter cette confusion, je propose de remplacer les mots « chambre française » par ceux d’« union française ».
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement identique no 262 .
Pour les raisons qu’a fort bien dites M. Bies, cet amendement vise simplement, dans un esprit de cohérence, à modifier le début de l’intitulé de la section 1 bis.
L’amendement n° 393 de Mme Barbara Romagnan est défendu.
La parole est à M. Yves Blein, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements.
Avis défavorable. En effet, le terme « union » définit des entreprises ayant des missions professionnelles voisines. Je pense par exemple, dans un autre domaine, à l’Union des industries et métiers de la métallurgie, ou, dans le cadre même de l’économie sociale, à l’UNIOPSS, l’Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux.
Le terme de « chambre », en revanche, et ce n’est pas un hasard si les chambres régionales l’ont choisi, rassemble plus largement, en se basant sur des éléments statutaires. Prenons notre propre exemple : nous sommes une chambre parce que nous avons un statut commun. Nous avons donc souhaité conserver le terme de chambre pour respecter le parallélisme des formes : chambre régionale, chambre française. J’imagine que, dans votre région, le public ne confondra pas la chambre régionale de l’économie sociale d’Alsace avec la chambre française de l’économie sociale !
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, pour donner l’avis du Gouvernement.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement est extrêmement attaché à la représentation de l’ensemble des acteurs et des composantes de l’économie sociale et solidaire au niveau national. Aussi, la création d’une chambre française, grâce à un amendement du rapporteur adopté en commission des affaires économiques, est pour nous une excellente initiative. J’y reviendrai à propos de l’article 3 quater. Sa dénomination relève des acteurs et il me semble qu’il faut leur faire confiance pour choisir, à terme, le nom qu’ils préféreront. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.
Je remercie le rapporteur pour ses explications, mais on ne m’ôtera pas de l’idée qu’il y a un risque de confusion entre les chambres régionales et la chambre française…
…laquelle n’est pas, si j’ai bien compris, l’émanation ni le rassemblement des chambres régionales.
Avant de retirer mon amendement, je voudrais savoir quelle sera la place de l’économie sociale et solidaire au sein de la chambre française de l’économie sociale et solidaire. J’ai bien entendu Mme la ministre, mais plusieurs acteurs du secteur, tout en admettant le principe de la création de cette chambre, se sont étonnés qu’elle arrive à ce moment du débat.
Je souhaite donc savoir quelle sera la place des chambres régionales dans la chambre française. J’aimerais également que l’on nous donne des garanties sur la pérennité du Conseil national des chambres régionales, qui a été créé il y a dix ans et qui bénéficie de diverses sources de financement. Il ne faudrait pas qu’au fur et à mesure, ces sources se tarissent, amenant la disparition ou la mise en difficulté du Conseil.
J’avais moi aussi prévu de m’exprimer sur l’article 3 quater. J’interviens dès maintenant parce que la façon dont ce débat s’engage n’est pas la bonne. En effet, le terme dont nous discutons va changer la suite du débat. Si nous nous focalisons sur les présents amendements, nous risquons de passer à côté de certaines choses.
Il y a d’abord un problème de méthode, que je qualifierai de grave. En effet, la démarche, les valeurs, l’éthique de l’économie sociale et solidaire veulent que toute proposition fasse l’objet d’une réflexion de la part de l’ensemble des acteurs et soit co-élaborée, en prenant en compte tous les tenants et aboutissants. Elle ne saurait sortir d’un chapeau en commission alors qu’il y a eu auparavant des mois de concertation. Elle doit être préparée de manière réfléchie. Je regrette vraiment, monsieur le rapporteur, que vous ayez modifié la rédaction initiale du texte en introduisant cette chambre française de l’économie sociale et solidaire sans tenir compte de toutes les répercussions de cette initiative ni de l’éthique et des valeurs qui ont structuré l’économie sociale et solidaire dans notre pays. Votre façon de faire s’écarte de ces valeurs, et risque d’avoir des conséquences négatives.
Contrairement à ce que vous affirmez, madame la ministre, ce choix n’a pas été fait par l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire, mais par trois ou quatre grands acteurs qui ont agi auprès de vous, monsieur le rapporteur. Des dizaines d’autres ne partagent pas ce choix. De ce point de vue, les dés sont pipés.
Enfin, le fait d’utiliser le terme de « chambre » pour des missions qui n’ont rien à voir avec celles des chambres régionales, c’est occulter le travail que celles-ci effectuent en matière de mutualisation, de mise en oeuvre de dynamiques, de défense de l’ESS. En recourant au même terme pour des missions totalement différentes, vous commettez une erreur.
Je trouve intéressant que nous commencions nos débats par le fameux choc de simplification que nous appelions de nos voeux hier.
Comme vous le voyez, madame la ministre, monsieur le rapporteur, les choses ne sont pas claires, y compris pour la majorité. Nous aimerions comprendre pourquoi vous créez une chambre nationale. Hier, nous avons abordé le rôle et les missions du Conseil supérieur, et nous avons rappelé que les chambres régionales étaient fédérées en Conseil national. Ajouter cette instance va rendre l’organisation incompréhensible. Je parlais dans ma motion de renvoi en commission d’usine à gaz : nous y sommes !
Pour ce qui est de la présence des chambres régionales au sein la chambre nationale, il me semble que l’alinéa 6 de l’article 3 quater apporte une réponse : « Les organisations statutaires nationales du secteur sont membres de cette association. Les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire sont également représentées au sein de la chambre française de l’économie sociale et solidaire. »
Mais, je le répète, pourquoi créer cette chambre ? Les acteurs de l’ESS eux-mêmes ne le comprennent pas. Quelle est votre motivation ? Comment allez-vous articuler cette instance avec les autres ? Nous voudrions juste comprendre.
Puisque vous m’y invitez, mes chers collègues, je vais en revenir à une explication générale. D’abord, monsieur Bies, il n’est pas question d’ignorer le rôle du Conseil national des CRESS. Cette association relevant de la loi de 1901 a pleine légitimité à poursuivre ses missions à travers le rassemblement des chambres régionales. Certes, je comprends le souci qui a été exprimé quant à la lisibilité de l’organisation du secteur : il est compliqué de maintenir une multiplicité de structures. Mais nous avons choisi de conserver le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire parce que, sous l’autorité et sur convocation du Gouvernement, il rend possibles des échanges allant au-delà des acteurs de l’économie sociale et solidaire puisqu’il réunit également les partenaires sociaux et des représentants des ministères concernés. Il exprime, d’une certaine façon, la transversalité de l’économie sociale. C’est un outil essentiel à la concertation. Et parallèlement nous avons proposé la création d’une chambre française de l’économie sociale et solidaire parce qu’à côté des chambres régionales, nous avons besoin d’un interlocuteur de niveau national. Non, monsieur Chassaigne, les choses ne se sont pas faites dans une arrière-salle obscure de café.
Non, elles se sont faites en toute transparence. L’idée a émergé au fil des auditions, s’est construite, a cheminé avec l’ensemble des acteurs dûment désignés du Conseil économique social et environnemental, qui sont, je pense, pleinement habilités à s’exprimer au nom des organisations qu’ils représentent. Au gré des discussions, nous avons progressé sur certains éléments. Je citerai par exemple l’amendement de Jean-René Marsac qui permet au Conseil national des CRESS de participer à la mise à en place de la chambre française, considérant que l’expression territoriale y a toute sa place. J’espère que cela apaisera, monsieur Bies, les inquiétudes qui étaient les vôtres.
Le rapporteur vient d’indiquer que la chambre française pourrait être l’émanation des chambres régionales. De deux choses l’une : soit c’est le cas et je ne vois pas l’intérêt de maintenir le Conseil national des CRESS, car cela constituerait un doublon et irait à l’encontre de la logique de simplification que nous souhaitons promouvoir, soit la chambre nationale n’est pas l’émanation des CRESS, auquel cas le maintien du Conseil national est justifié mais pas, comme Philippe Bies l’a souligné, le recours au terme de « chambre ». J’invite nos collègues à réfléchir à un autre terme qui éviterait cette confusion et préserverait une architecture cohérente.
L’article 3 quater renvoie à la question de la représentation de l’économie sociale et solidaire dans notre pays.
Dans le présent projet de loi, nous reconnaissons pour la première fois l’économie sociale et solidaire, en précisant sa définition, en prenant en compte sa vision inclusive et sa force. Toutes les interventions hier ont tourné autour de sa place dans nos territoires, de son poids économique – 10 % du PIB, 2,4 millions de salariés – et des perspectives qui s’ouvrent à elle.
Il faut donc aussi reconnaître son organisation et lui permettre de se structurer à la hauteur des enjeux, ce qui implique un changement d’échelle. L’un des débats qui nous a animés hier portait sur la non-reconnaissance ou la méconnaissance de l’ESS. Vous qui êtes tous des passionnés et des connaisseurs de la question, vous avez bien vu qu’il s’agissait de l’un de ses principaux éléments de fragilité, compte tenu du poids réel qu’elle représente dans notre pays. Le fait que sa structuration actuelle ne soit pas à la hauteur est un élément important à mes yeux car il motive pour partie la volonté d’inscrire l’ESS dans une nouvelle politique publique et de lui donner sa pleine dimension.
Autre élément majeur : pour la première fois dans l’histoire de l’ESS, on reconnaît sa représentation au niveau national. Je parle bien de sa représentation, et non de la coordination de ses acteurs. À cet égard, je veux saluer le travail effectué par l’ensemble des acteurs sous l’impulsion énergique de ceux qui se sont saisis de ce sujet, notamment à travers la mission du CESE et des auditions qui ont été réalisées. Cela a permis un cheminement à l’image de ce qu’est l’économie sociale et solidaire, à savoir la construction d’un projet collectif. Cela a conduit à la création de cette chambre française. Certes, il reste encore du travail à faire avant d’aboutir définitivement à sa structuration associative mais sa mise en place est imminente.
Le Gouvernement est très favorable à l’inscription dans la loi du résultat de cette mobilisation encore en cours. Comme certains d’entre vous ont évoqué un risque de confusion, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’une instance de plus : il ne faut pas faire d’amalgame entre des organes publics tels que le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire et la chambre française, émanation des acteurs reposant sur un statut associatif, qui remplira des missions de représentation et qui jouera au niveau national le rôle d’interlocuteur auprès des pouvoirs publics.
Il y a bien une cohérence à voir émerger au niveau national une chambre française, à l’image, comme l’a souligné Yves Blein, de ce qui existe aujourd’hui dans les entreprises dites classiques avec les têtes de réseau que sont les chambres de commerce et d’industrie ou les chambres des métiers et de l’artisanat. Cela participe pleinement de la reconnaissance d’un secteur économique différent.
Dans l’esprit du Gouvernement, il s’agit de constituer grâce à une large concertation une instance susceptible de représenter toutes les familles de l’ESS dans leur diversité et de prendre en compte la coordination des CRESS par le Conseil national de l’économie sociale et solidaire. La création de cette chambre devra être faite de manière équilibrée, ce qui répondra aux inquiétudes de certains.
Après avoir affirmé notre détermination à soutenir la création de cette chambre française, je voudrais préciser la position du Gouvernement sur les amendements déposés à l’article 3 quater. Il sera favorable à l’amendement de M. Marsac qui précise les modalités de constitution de cette association et cite l’ensemble des acteurs concernés : il nous semble le plus complet au regard de la diversité du secteur. Toujours dans un souci de cohérence et parce qu’il sera encore temps en deuxième lecture d’affiner les missions de cette chambre, le Gouvernement donnera un avis favorable aux amendements de cohérence qui précisent la mission de représentation de cette chambre, compte tenu de ses ambitions, et qui lui ôtent la mission de consolidation statistique, remplie par le Conseil national des CRESS. Dans l’attente de l’aboutissement du travail de création de cette instance, nous serons aussi favorables aux amendements déposés par M. Pellois et par Mme Dubié qui donnent davantage de temps aux acteurs pour aboutir à une forme associative définitive avec toutes les précisions nécessaires. On ne pourra pas dire que les acteurs n’auront pas été écoutés !
La représentation par la chambre française correspond à une nécessité : c’est un élément de la reconnaissance nationale que nous voulons pour l’ESS. Il faudra aussi conforter tous ceux qui contribueront à cette représentation tout en prenant en compte le travail de coordination mené par le Conseil national des CRESS. Des précisions restent à apporter sur ces sujets pour que nous puissions aboutir d’ici à la deuxième lecture.
Nous sommes là pour cela, madame la ministre, travailler sur le texte ! Les rapporteurs se sont succédé hier pour nous dire qu’un énorme travail avait été réalisé, que le rapporteur Yves Blein avait accompli un très beau travail de coordination. Nous y voilà : nous sommes en séance, il faut aboutir ! Or les questions restent extrêmement nombreuses. Il existe tout de même un problème entre le Conseil supérieur, s’il continue d’exister, et la chambre française, si vous la créez. Les choses ne sont pas claires du tout ! Une fois de plus, nous assisterons à des réunions sans fin, dont les participants bien souvent seront les mêmes. Il y aura confusion entre les missions, les compétences et les responsabilités de chacun. Et vous êtes les premiers à réclamer de la simplification ! Je rejoins M. Chassaigne sur ce point, car c’est ce que nous avons entendu sur le terrain : les chambres régionales ne voient pas l’intérêt de cette chambre française, d’autant qu’elle remet en cause le Conseil national qu’elles avaient elles-mêmes créé sans attendre de loi pour se coordonner. Il faut vraiment nous écouter, sans attendre la deuxième lecture : il est tout de même possible de sortir en première lecture un texte qui satisfasse chacun ! Je me réjouis que nous examinions ces articles et amendements.
Ce débat se poursuivra aussi dans l’article 4, et je souhaiterais en dire quelques mots dès maintenant. Autant je comprends parfaitement l’intérêt des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire et je connais l’attachement que leur portent les acteurs de l’économie sociale et solidaire, autant je ne comprends vraiment pas l’utilité de la chambre française de l’économie sociale et solidaire, non plus que les explications que vous venez de nous donner. Je considère qu’on ne crée pas une structure sans définir au préalable ses missions : au moment de créer la chambre française, on doit savoir exactement quel rôle lui sera confié par rapport au Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire. Que fera-t-elle ? Quelles seront ses fonctions ? Je ne me l’explique pas. Peut-être avez-vous raison, mais j’avoue que je ne comprends pas.
Pour ce qui est de la création de la chambre française de l’économie sociale et solidaire, ayant participé à bon nombre d’auditions avec le rapporteur, je peux attester que nombre d’acteurs du secteur nous ont posé la question de leur représentation nationale. C’est dans cet esprit que le rapporteur de la commission des affaires économiques a présenté la création de cette instance, ouvrant ainsi un débat dans le milieu des chambres régionales puisque celles-ci possèdent déjà un réseau d’expression au niveau national, le Conseil national des CRESS.
J’abonde dans le sens des propositions de la ministre : ce sont les évolutions des débats en commission qui ont fait que des amendements reconnaissent maintenant la capacité de ces mêmes acteurs de s’organiser au sein de la chambre française. Celle-ci assurera en son sein une représentation nationale de toutes les sensibilités de l’économie sociale et solidaire ainsi que de l’ensemble de ses acteurs. Je demande donc à mes collègues de retirer leurs amendements ou, à défaut, aux membres du groupe SRC de voter contre, afin que nous puissions, comme l’a proposé Mme la ministre, travailler à la mise en place de cette instance, qui n’a, je le précise à l’attention de mes collègues de l’UMP, pas du tout la même fonction que le Conseil supérieur. Il y a là en effet une vraie stratégie de représentation au niveau national de l’ensemble des structures.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, il me serait agréable que vous répondiez favorablement à une demande de suspension de séance.
Avant l’article 3
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.
Je souhaite tout d’abord préciser que l’objet de ces amendements identiques n’était pas, contrairement à ce qu’a voulu faire croire Mme Le Callennec, de remettre en cause la création de cette chambre française, mais simplement d’éviter une confusion possible en changeant sa dénomination. Toutefois, compte tenu des propos du rapporteur et des garanties apportées par Mme la ministre, je retire l’amendement n° 241 .
Je vais suivre la position de sagesse de mon collègue : il ne s’agit que d’une question de vocabulaire, on ne va pas passer la nuit sur un mot ! Je retire donc l’amendement n° 262 .
L’amendement no 262 est retiré.
L’amendement no 393 est retiré.
Le problème, c’est que nous sommes plusieurs à avoir déposé le même amendement à l’article 3 quater, mais en omettant de faire de même pour le titre. De ce fait, nous serions amenés à rediscuter du remplacement de « chambre » par « union » dans le contenu de l’article alors que l’on aurait maintenu le mot « chambre » dans le titre ! C’est absurde. C’est pourquoi je reprends l’amendement abandonné par mes collègues, en toute logique avec celui que j’ai déposé un peu plus loin. Je maintiens bien sûr la demande de scrutin public.
Je voudrais tout de même vous rappeler, monsieur le rapporteur, les remarques soulevées par le conseil d’administration du Conseil national des CRESS. Sur ce sujet, les choses sont claires : l’appellation « chambre » peut créer la confusion entre des instances régionales inscrites dans un réseau ascendant, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, et une organisation constituée de réseaux nationaux. C’est l’ensemble des chambres régionales qui s’expriment là : il n’y a donc pas unanimité des acteurs en faveur du terme « chambre » ! Les représentants de l’ensemble des chambres régionales demandent de retenir l’appellation « union » parce qu’elle correspond mieux à ce qu’ils envisageaient de créer.
Je remercie toutefois Mme la ministre d’avoir bien répondu à nos inquiétudes en disant qu’une réflexion aura lieu et que ce sera une véritable co-élaboration qui permettra d’avancer lors de la lecture qui sera faite au Sénat puis à l’Assemblée nationale. Je précise enfin que les membres du Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire sont favorables à la création d’une structure nationale politique, représentative de toutes les composantes : ce point ne pose pas de problème. Mais ils ne veulent pas de confusion entre un Conseil national de nature ascendante et une chambre qui aurait des missions différentes : appelons-la « union » et les choses seront réglées !
Supprimons toute ambiguïté : l’amendement que vient de reprendre M. Chassaigne ne vise pas à supprimer la chambre française, mais à remplacer le mot « chambre » par « union » ! Cela paraît sensé. La confusion réside dans le fait que les termes « conseil » et « chambre » sont utilisés à des niveaux territoriaux différents sans recouvrir la même réalité. Or, avec la chambre française, il s’agit d’avoir une représentation des acteurs au niveau des têtes de réseaux nationaux, en même temps qu’une représentation territoriale au travers du Conseil national des chambres de l’économie sociale et solidaire. C’est bien ce que permet le terme « union ».
Ce qui se passe ici est aberrant. Le Président de la République, relayé par l’ensemble des membres du Gouvernement, ne cesse de parler de choc de simplification. Actuellement, il existe un Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire. La simplification voudrait que l’on redéfinisse ses missions, que l’on les éclaire, que l’on revoie son organisation. Mais vous préférez le laisser en l’état – en attendant de préciser par décret, une fois le texte de loi voté, quels seront ses contours et ses missions, ce qui est d’ailleurs assez incroyable. Parallèlement, vous proposez la création de la chambre française de l’économie sociale et solidaire. Où est la simplification ? Soit vous chargez le Conseil supérieur d’une mission nationale, et il n’y a pas besoin de chambre française, soit vous le supprimez purement et simplement et elle a sa place. Mais en l’état, sincèrement, on ne s’y retrouve pas.
La seule explication, madame la ministre, qu’on pourrait trouver à une telle complexification serait peut-être que vous souhaitiez nommer une personne précise à la présidence soit du Conseil supérieur, soit de la chambre française…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Peut-être, dès les décrets d’application parus, verrons-nous arriver un décret de nomination… C’est parce que tout cela est très flou qu’un tel scénario est imaginable !
Je défendrai moi aussi un amendement à l’article 4 sur ce sujet, mais je souhaite intervenir dès maintenant car nous sommes nombreux à nous interroger et que je ne suis pas encore certain d’avoir tout à fait compris ce qui se passe.
Madame la ministre, vous nous disiez à l’instant que la création de la chambre française de l’économie sociale et solidaire était une nécessité. Peut-être. Pour ma part, je n’ai pas les moyens de l’apprécier. Mais si c’est vraiment le cas, comment a-t-on pu passer à côté lors de la rédaction initiale ? Quelque chose m’échappe, il faudrait que vous nous expliquiez quelle est cette nouvelle nécessité.
Cette chambre apparaît en compétition avec le Conseil supérieur. On nous dit que non, mais des références au Conseil sont tout de même supprimées… Ou alors elle n’a rien à voir, et se poseront alors les problèmes que vient de soulever M. Chassaigne ! Ou alors s’agit-il de pallier une insuffisance de représentation du Conseil national ? Mais alors, que deviennent les chambres régionales ?
Je voudrais juste préciser à Mme Dalloz que dans notre pays, les présidents d’associations ne sont pas nommés par décret.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 42 Nombre de suffrages exprimés: 35 Majorité absolue: 18 Pour l’adoption: 4 contre: 31 (L’amendement no 241 n’est pas adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3 quater.
La parole est d’abord à Mme Isabelle Le Callennec.
Madame la ministre, j’ai toujours la même interrogation : très concrètement qui va siéger au Conseil supérieur et à la chambre française ?
Dans ma région, la Bretagne, chacun sait que l’économie sociale et solidaire est très organisée. Je suis même impressionnée par le nombre d’institutions qui existent. Dans le secteur « santé, social, famille, solidarité » il en existe une douzaine, dans le secteur de l’emploi, de l’insertion et de la formation trois, dans le secteur de l’éducation populaire une dizaine, dans le secteur « tourisme, loisirs, sport, culture » une douzaine, dans le secteur « développement rural, agriculture environnement » quinze, auxquels s’ajoutent les regroupements coopératifs. Je vous ferai l’économie de les citer. Pouvez-vous nous dire très précisément qui siégera demain au Conseil national, au Conseil supérieur et dans cette nouvelle instance qu’est la chambre française de l’économie sociale et solidaire, dont nous demandons la suppression ?
Mme la ministre a raison, il faut retravailler, remettre de l’ordre dans tout cela, car il y a une confusion.
Mme Dalloz s’étonne que l’on crée une structure sans que la loi en précise les contours. Mais il existe un précédent, et qui ne date pas de 2012, ni du gouvernement Jospin : je veux parler de la loi Douste-Blazy du 13 août 2004 qui avait créé l’UNOCAM, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, qui n’a été véritablement mise en place qu’après une discussion entre tous les acteurs. Il est préférable de travailler collectivement en mettant en mouvement les différents acteurs plutôt que d’inscrire dans le marbre de la loi des précisions qui risquent d’avoir des effets contraires à celui recherché, qui est de dynamiser l’économie sociale et solidaire.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 45 .
L’article 3 quater vise à consacrer dans la loi la chambre française de l’économie sociale et solidaire. Or ce texte institutionnalise de nombreuses structures qui existent déjà : le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, c’est l’article 3, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, c’est l’article 4, les pôles territoriaux de coopération économique, c’est l’article 5, le Conseil supérieur de la coopération, c’est l’article 13, et le Haut Conseil à la vie associative, c’est l’article 40 AC.
Non seulement ces instances existent d’ores et déjà, sans l’intervention du législateur, mais qui plus est elles se superposent et manquent de lisibilité. Il serait bon que l’on nous dise que la chambre française remplacera purement et simplement le Conseil supérieur : l’on saurait précisément où l’on va. Plutôt que d’empiler des structures juste pour assurer une représentation, on pourrait simplement s’assurer par décret que tous les acteurs seront représentés dans les structures existantes !
Avis défavorable.
Madame le Callennec, l’article 3 précise que le Conseil supérieur de l’économie sociale est consultatif. Il peut être convoqué par le Gouvernement et comprend des représentants désignés par l’Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil économique et social et les associations représentatives des collectivités territoriales au niveau national entre autres. Quant à la chambre française, il est indiqué qu’elle est constituée en association jouissant de plein droit de la capacité juridique des associations reconnues d’utilité publique. Les organisations statutaires nationales du secteur en sont membres et l’on a dit tout à l’heure que les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire étaient également représentées. Il s’agit donc bien de deux instances différentes, qui ont un rôle et une vocation différents. Par ailleurs, madame Dalloz, appartient-il à la loi d’entrer dans le détail de la composition ou des missions de ces organismes ? Pour cela, nous faisons confiance aux acteurs de l’économie sociale.
Même avis.
L’amendement no 45 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 199 .
Il s’agit de faire en sorte que les acteurs de l’économie sociale et solidaire, qui sont, bien évidemment, favorables à l’instauration d’un acteur représentatif, puissent tous trouver leur place. Comme l’a dit M. Chassaigne, il me semble nécessaire d’engager une démarche de concertation pour leur permettre de trouver eux-mêmes des modalités de structuration, pas nécessairement en passant par la loi.
Nous avons déjà abordé ce sujet. En fait, cet amendement n’a pas lieu d’être. Avis défavorable.
L’amendement no 199 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Dans la mesure où l’Assemblée a rejeté par scrutin public l’amendement qui visait à remplacer « chambre française » par « union nationale » dans le titre, il serait ridicule de maintenir le même amendement dans le corps du texte. Je le retire donc.
L’amendement no 94 est retiré.
L’amendement no 123 est retiré.
L’amendement no 394 est retiré.
Cet amendement vise, à l’alinéa 1er de l’article 3 quater, à substituer aux mots : « promotion et le développement », les mots : « représentation et la promotion ».
L’instance nationale représentative de l’économie sociale et solidaire a vocation à assurer une représentation politique de l’économie sociale et solidaire. Les missions opérationnelles de développement continuent à être assurées par les organisations statutaires du secteur et par les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire.
C’est le même : il vise à supprimer le terme de « développement » et à inscrire ceux de « représentation » et de « promotion ». J’insiste sur la représentation, parce qu’en effet c’est bien la chambre française de l’économie sociale et solidaire qui doit être représentative de l’ensemble du secteur. Elle a cette vocation.
Avec cet amendement, les missions opérationnelles de développement continueraient d’être assurées par les organisations statutaires du secteur et par les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire.
La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement no 399 .
Avis favorable également car, comme je l’ai dit tout à l’heure, le Gouvernement souhaite clarifier les missions assignées aux différentes instances. Or certains veulent semer la confusion. Oui donc à une clarification des missions, entre celles de la représentation politique de l’économie sociale et solidaire, assurée par la chambre française, et les missions opérationnelles, qui relèvent d’autres instances comme le Conseil national des CRESS. C’est pour nous essentiel, et c’est pourquoi nous sommes favorables à ces amendements. Il n’y a pas de confusion entre les différentes instances, celle de la représentation et le Conseil national qui coordonne l’action des CRESS sur le territoire.
Jusqu’à présent, la consolidation des données économiques et des données qualitatives recueillies par les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire était assurée par le Conseil national des CRESS. L’efficacité de cette organisation n’a jamais été mise en cause. Cela fait partie de son travail, tel qu’il vient d’être conforté par l’amendement précédent : il s’agit bien d’une instance technique. Mutualiser les données des chambres régionales, incrémenter des références au niveau national : c’est davantage son travail que celui de l’instance représentative qu’est la chambre française.
Mêmes arguments. Cette mission de consolidation des données relève davantage du Conseil national des CRESS. Je défendrai un amendement à l’article 4 allant dans le même sens.
Avis favorable, pour envoyer un message rassurant aux acteurs qui coordonnent l’activité des chambres régionales.
Même avis.
Je voterai ces amendements. J’en profite pour appeler l’attention sur cet exemple typique d’un doublon à venir. Monsieur le rapporteur, vous êtes favorable à cet amendement. La consolidation des données économiques et des données qualitatives va donc continuer à être assurée par les CRESS. Or, dans votre texte, vous imaginez que c’est la chambre nationale qui va avoir cette mission, alors qu’elle était assurée par les CRESS au niveau de leur conseil national. En acceptant, avec raison, cet amendement, vous allez créer un doublon entre le Conseil national et la chambre française.
Mais non, on supprime ce doublon !
Je voterai ces amendements identiques, en sachant très bien que leur adoption fera tomber les deux amendements que j’avais déposés sur ce sujet. Leur objet était de bien expliquer les choses, en indiquant que les chambres régionales réunissaient les données sur leur territoire et les faisaient remonter pour qu’ils soient consolidés au niveau national. J’avais aussi remplacé « consolidation » par « promotion ». Mais il est beaucoup plus simple de supprimer l’alinéa.
La parole est à M. Jean-René Marsac, pour soutenir l’amendement no 228 .
Cet amendement vise à préciser, à l’alinéa 6, la composition de la chambre française de l’économie sociale et solidaire, en indiquant que cette association est constituée par les organisations nationales représentant les différentes formes statutaires de l’économie sociale et solidaire, y compris les sociétés commerciales mentionnées au 2° du II de l’article 1er, et par des représentants du Conseil national des CRESS.
Il s’agit de formaliser cette représentation des grandes familles de l’économie sociale et solidaire, des grands secteurs d’activité, mais aussi de sa dimension territoriale, par le biais des chambres régionales. Cela me semble être une articulation qu’on retrouve dans de nombreuses autres organisations nationales. Ce débat rejoint celui qui vient d’avoir lieu au sujet des instances fédératives et de la volonté de représentation du territoire.
Avis favorable. J’en profite pour remercier Jean-René Marsac du travail qu’il a accompli sur ce texte et de la solution qu’il a contribué à élaborer pour garantir une bonne représentation du caractère territorial de l’économie sociale et solidaire au sein de la chambre française.
Même avis.
Excusez-moi d’être si concrète, mais combien d’institutions cela va-t-il concerner ? Puisque M. Marsac a élaboré la liste des organismes concernés, je suppose qu’il peut me répondre très facilement. De combien de membres cette chambre française de l’économie sociale et solidaire sera-t-elle composée ? Et je rejoins une préoccupation abordée au début de la discussion : quid de son financement ? Les crédits ne vont-ils pas devoir être partagés, puisque toutes ces instances devront assumer des dépenses de fonctionnement ?
Nous soutiendrons cet amendement parce qu’il précise que c’est le Conseil national des CRESS qui désignera ses représentants. Dans le texte initial, il s’agissait des chambres régionales : il paraissait un peu difficile que toutes soient membres de la chambre française ! Cette précision est donc utile et je la voterai, même si son adoption fera sûrement tomber les amendements suivants.
Comme vient de le dire Mme Dubié, l’adoption de cet amendement va faire tomber les suivants. À force, nous aurons des bosses !
Sourires.
Va en particulier tomber mon amendement n° 97 , qui porte sur la deuxième phrase de l’alinéa 6. Une observation cependant : dans cet excellent amendement que j’avais rédigé – c’est un pléonasme ! (Sourires) – il y avait une idée supplémentaire, qui allait par anticipation dans le sens des propos de la ministre : je précisais que les acteurs disposaient de douze mois à compter de la promulgation de la loi pour soumettre au Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire un projet de décret relatif à sa composition et à son organisation. Je me plaçais donc dans une démarche de co-élaboration. Je voterai toutefois l’amendement n° 228 et le mien tombera, à moins que vous ne souhaitiez maintenir cet ajout.
Pour répondre à Mme Le Callennec, ce que la loi définit, c’est un cadre acceptable par tous. Pour le reste, vous aurez remarqué que nous parlons d’une association, qui est complètement libre de son organisation, conformément à la loi de 1901.
L’article 3 quater, amendé, est adopté.
L’article 4 consacre au plan législatif les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire : il doit y en avoir vingt-six dans notre pays. Loin de nous l’idée de supprimer ces chambres régionales. En revanche, nous estimons qu’elles n’ont pas besoin de la loi, puisqu’elles ne l’on pas attendue pour se créer et s’organiser. Je citerai la nôtre, en Bretagne, qui est très organisée et qui obtient des résultats.
Je vois ce qui va nous être opposé : le présent texte, que nous trouvons bavard, rappelle ce que sont les CRESS, et qu’elles sont organisées en associations… Rien de nouveau sous le soleil ! La seule chose qui nous préoccupe, c’est de savoir si, demain, elles auront les moyens de fonctionner.
Je me réjouis de la teneur de cet article. Comme vous le savez, les CRESS jouent un rôle central dans la promotion du secteur de l’économie sociale et solidaire, dont elles accompagnent les projets.
Cet article précise quatre types de missions assignées aux CRESS, au bénéfice des entreprises du secteur : elles assurent leur représentation auprès des pouvoirs publics, elles apportent un appui à la création et au développement des entreprises du secteur, elles permettent d’appuyer la formation de leurs salariés et enfin elles contribuent à la mise en place d’un appareil statistique relatif à ce secteur.
Reconnaître l’utilité publique des CRESS, c’est donc leur permettre de promouvoir l’économie sociale et solidaire, d’apporter un appui à la formation et d’assurer le suivi statistique des entreprises du secteur.
Reconnaître l’utilité publique des CRESS, c’est aussi leur donner les moyens d’ester en justice au motif du non-respect des règles de l’économie sociale et solidaire.
L’économie sociale et solidaire, c’est aussi l’innovation et par cet article, on permet à ces CRESS de faire en sorte que l’innovation sociale soit placée au même niveau que l’innovation technologique via l’organisation d’écosystèmes favorables au recensement des besoins, au montage des projets et à leur finalisation.
Cet article permet de consolider les CRESS, de les faire profiter de l’appui des agences régionales existantes, d’accompagner les mutations que peuvent connaître certaines de ces agences et d’éviter ainsi l’apparition de conflits de compétences sur les territoires. Elles sont les instruments de représentation des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Enfin, par la convention d’agrément conclue avec l’État, les CRESS voient leur cadre d’action précisé, qu’il s’agisse des objectifs fixés et des moyens de les atteindre. Vous le savez, les régions disposent de la compétence économique : elles mettent en oeuvre la stratégie régionale de développement économique et d’innovation. Accoler l’économie sociale et solidaire à l’action économique des régions, c’est constituer un périmètre pertinent pour mener de semblables politiques. Cela me paraît une avancée à saluer.
N’oublions pas que l’économie sociale et solidaire est une richesse économique, une richesse humaine, un soutien à la croissance durable. Elle allie responsabilité, solidarité, performance et efficacité.
Cet article, tout à fait bienvenu, précise donc les missions des CRESS. Je m’attarderai plus particulièrement sur l’une d’entre elles : l’appui à la formation. J’aurais souhaité avoir quelques précisions, madame la ministre : qu’entend-on précisément par là ? Les CRESS pourront-elles intervenir, et comment, dans la formation initiale et continue ? Participeront-elles également à la formation en milieu universitaire et à la création de chaires – il y en a extrêmement peu en France, ce que nous regrettons – ainsi que dans certaines grandes écoles ? Quel sera leur rôle dans le domaine de la recherche concernant l’économie sociale et solidaire et, surtout, dans ce type de recherche particulièrement adapté qu’est la recherche participative ? Merci pour vos réponses.
Je souhaite simplement saluer, comme beaucoup l’ont fait, l’importance de cet article qui permet une structuration des CRESS et, peut-être, une meilleure harmonisation sur le plan national.
Madame la ministre, vous avez répondu à mon interrogation sur la complémentarité du Conseil national des CRESS et de la chambre française de l’économie sociale et solidaire. Ce qui inquiétait les acteurs, c’est le recueil des données. Je me félicite de l’avancée qui a été réalisée. Avec le présent texte, les CRESS, le CNCRESS et la chambre nationale favoriseront la promotion de l’économie sociale et solidaire.
J’avais déposé un amendement, cosigné avec un certain nombre de collègues, qui rejoignait les interrogations de Mme Bonneton, mais il a subi le rude coup de l’article 40. Il s’agissait, à la fin de l’alinéa 6, d’insérer la phrase suivante : « L’appui à la découverte par les jeunes de l’économie sociale et solidaire lors de leur cursus scolaire et universitaire ».
Il est bien évident que les CRESS doivent être des interlocuteurs locaux privilégiés pour soutenir l’éducation nationale dans sa mission de découverte de cette économie. Au plus près du terrain, ces structures constituent forcément un appui utile pour nos jeunes.
Madame la ministre, je suis très heureux de vous retrouver et je vous prie d’excuser mon absence jusqu’à présent : j’étais en effet mobilisé par un autre sujet qui préoccupe beaucoup une fraction de l’économie sociale et solidaire,…
Elles nous ont alertés sur cette question parce qu’elles ont besoin de camions. Ce sujet les intéresse donc au premier chef. Mais pour en revenir à ce qui nous occupe, je souhaite vous interroger sur un sujet sensible.
Vous faites de l’économie sociale et solidaire une priorité, ce à quoi j’adhère. Or, cette priorité doit se traduire fiscalement. Le CICE représente 20 milliards d’euros, ce qui est énorme. Sur cette somme, 2,5 milliards concernent la grande distribution. Mais un secteur n’en bénéficie pas : l’économie sociale et solidaire.
Pour prendre l’exemple des coopératives que je connais bien, je puis vous dire que, pour elles, c’est une perte considérable. L’année dernière, elle correspondait à 4 % de la masse salariale ; cette année, à 6 %, ce qui fait un total de 10 % ! Je vous rappelle que nous étions unanimes pour demander l’application du CICE aux coopératives et à l’économie sociale et solidaire en général. Aucun résultat ! Aucun ! Nous ne sentons pas que le Gouvernement veuille imposer ce sujet et le mettre à l’ordre du jour sur le plan européen.
Je ne demande pas un « plus » en faveur de l’économie sociale et solidaire, je demande que le droit commun lui soit appliqué ! Si l’on donne des avantages aux entreprises capitalistes, il me semble logique que l’on donne les mêmes à celles qui relèvent de l’économie sociale et solidaire. Aujourd’hui, je suis alerté par les responsables de l’ESS de mon département qui sont très contents que la loi s’intéresse à eux, mais qui veulent surtout être traités correctement en matière de CICE et d’impôt ! Or, ils s’estiment pénalisés.
Je ne cesse de poser cette question. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous témoignerez de votre détermination, mais la situation ne peut pas durer. Ou alors, il faut imaginer un autre mécanisme de baisse des charges pour ces coopératives et l’économie sociale et solidaire. Vous comprenez que les coopératives qui, chez moi, subiront l’écotaxe – puisque certains parmi vous veulent la rétablir –…
…sans bénéficier du CICE se demandent à quoi sert d’avoir un secrétariat d’État dédié à l’économie sociale et solidaire si elles sont ainsi pénalisées à double titre !
Je ne répondrai pas à M. Le Fur sur le CICE, bien que le sujet me passionne, car cela relève du collectif budgétaire et non de l’article 4.
Mais nous avons à traiter de l’article 4. Quel est son objet, et celui des articles 3 et 3 quater ? De consacrer dans la loi l’existence et les missions des instances représentatives de l’économie sociale et solidaire de notre pays. Cela n’est pas une mince affaire !
Comme dirait Yves Blein, il ne s’agit pas d’organiser la représentation des amicales boulistes du pays – ce qui n’est pas du tout péjoratif mais tout à fait amical ! L’ESS, c’est 10 % du PIB, 220 000 structures et une grande diversité de familles et de secteurs dont nous devons veiller à ce qu’ils soient représentés à chaque échelon, à la bonne place, et à ce que leurs missions soient complémentaires. C’est cela que nous faisons, avec ces trois articles.
J’ai entendu nos collègues de l’opposition, Mme Le Callennec, Mme Dalloz parler d’usine à gaz, d’empilement de nouvelles structures, de choc de complexification. Hier soir, M. Tardy évoquait un comité Théodule. Mais même si nous tâtonnons, et c’est normal lorsque l’on écrit la loi, nous y voyons aujourd’hui beaucoup plus clair grâce à ces trois articles.
Sourires
Il y aura une chambre nationale de l’économie sociale et solidaire, qui aura une fonction de représentation nationale : ce sera la voix de l’ESS, pas seulement sur le plan national mais aussi sur le plan européen et international. Ce sont là deux dimensions fortement présentes dans ce texte, Jean-René Marsac y veille.
Il y aura le Conseil national des CRESS, qui ne peut quant à lui remplir cette fonction puisqu’il sera sur le plan national l’organe de coordination et de représentation des différents acteurs sur le plan régional.
Enfin, il y aura les CRESS, qui existent depuis 2002 mais dont l’organisation était très hétérogène sur le plan de leurs missions et de leurs moyens. La loi permettra de préserver leur statut associatif dans un souci d’efficacité, notamment financière. En outre, leurs missions seront désormais très claires : appui, développement et formation, notamment, des dirigeants salariés dans les structures de l’ESS sur le plan local, et appareil statistique.
Je suis saisie de deux amendements de suppression, nos 46 et 105.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement no 46 .
Tout à l’heure, j’ai dit que nous ne remettions pas en cause les CRESS. Elles ne doivent pas non plus être leurrées. Comme vous venez de le dire, cher collègue, nous pensons qu’il faut disposer d’un échelon régional et d’un échelon national. Or, nos débats font référence à plusieurs échelons nationaux : la chambre française, le Conseil supérieur et le Conseil national.
Vous avez beau expliquer et expliquer encore, il faudra bien finir par nous communiquer une liste précise des institutions concernées et fixer un nombre précis ! Attention à la réunionite, attention à ce que les interlocuteurs de l’ESS et les 220 000 organismes ou entreprises que nous avons cités s’y retrouvent ! Telle est notre réserve.
Pour ce qui est de cet amendement de suppression, je le retire car il serait très mal interprété.
Il est bien évident qu’il n’est pas question de supprimer les CRESS. Il s’agit juste de ne pas compliquer leur situation. Il est probable que les CRESS imaginent qu’avec la reconnaissance législative de leurs instances sous forme associative elles disposeront d’un accès plus facile aux financements, notamment, ceux des collectivités locales. Là encore, je pense qu’il ne faut pas les leurrer : avec les 11 milliards d’économie que vous exigez des collectivités dans les trois années qui viennent, il ne faut pas s’imaginer que le « gâteau » des financements va grandir malgré toutes les instances qui seront créées par cette loi.
L’amendement no 46 est retiré.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 105 .
Je voudrais être sûr d’avoir bien compris : ces deux amendements proposent-ils la suppression des CRESS ?
Défavorable. Nous sommes tous extrêmement attentifs à la synergie qui est nécessaire sur nos territoires autour des CRESS. Nous avons donc du mal à comprendre cet amendement de suppression.
Puisque vous avez demandé des précisions financières, je rappelle que selon l’étude d’impact du projet de loi environ 7 millions d’euros sont consacrés annuellement aux CRESS. Ils sont issus des différents acteurs, extrêmement présents, des différentes familles de l’économie sociale et solidaire, des collectivités territoriales et de l’État. La reconnaissance de l’utilité publique des CRESS permettra à ces dernières d’augmenter leurs moyens financiers. Sachez qu’ils ne représentent pas grand chose en comparaison de la seule taxe affectée aux chambres de commerce et d’industrie, qui s’élève à 1,2 milliard !
Un petit élément de réponse enfin à monsieur Le Fur, même s’il s’était écarté du sujet.
Vous avez évoqué les coopératives. Hier, au sujet des équilibres fiscaux, nous avons également parlé de la situation des associations qui emploient beaucoup de salariés. Aujourd’hui, ni ces associations ni les coopératives ne peuvent bénéficier du CICE car elles ne sont pas soumises aux impôts commerciaux. Des mesures ont été prises pour les associations, sans doute y reviendrons-nous de façon plus détaillée lors de l’examen du titre consacré aux coopératives, mais je veux d’ores et déjà rappeler que lors de l’assemblée générale des coopératives agricoles, le ministre de l’agriculture s’est engagé à trouver des solutions pour lever ces distorsions de concurrence.
Je vous donne la parole, madame Le Callennec, pour une brès intervention.
Monsieur le rapporteur, vous venez de vous livrer à un exercice de mauvaise foi avéré.
Si vous m’aviez écoutée, vous auriez su que j’avais retiré mon amendement pour que vous ne l’interprétiez pas comme l’expression de notre volonté de supprimer les CRESS.
Je maintiens quant à moi l’amendement n° 105 , même s’il ne sera pas adopté.
Pour ce qui est des financements, la ministre assure que les CRESS seront des associations reconnues d’utilité publique. Cela comporte une connotation fiscale très claire, et la situation est différente pour les autres instances qu’elle a citées. Au-delà, les économies budgétaires qui sont imposées à l’État, donc et aux collectivités territoriales, régions, départements ou communes, comme l’a précisé Mme Le Callennec, auront inévitablement un impact sur l’économie sociale et solidaire.
Je prendrai un exemple récent. Cette semaine, Juratri, dans le Jura, a perdu un marché parce que l’appel d’offre de l’organisme qui collecte les ordures ménagères ne se référait qu’à la notion de mieux-disant, sans mentionner aucune composante sociale. Je pense, et c’est en cela que ce texte est un rendez-vous manqué, donner plus d’importance aux mesures sociales en faveur d’une reconnaissance de l’économie sociale et solidaire, plutôt que de créer cette chambre française qui, à mon sens, ne va pas aider à la lisibilité.
La parole est à M. Marc Le Fur, signataire de l’amendement qui vient d’être retiré.
Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir eu la délicatesse de me répondre au sujet du CICE, mais la question ne concerne pas que les coopératives agricoles ! C’est l’ensemble des entreprises de l’économie sociale et solidaire qui sont privées d’un avantage dont bénéficient toutes les autres. Prenons l’exemple des coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA, que Mme Allain et d’autres connaissent bien : les entreprises de travaux agricoles bénéficient du CICE, mais pas celles qui relèvent de l’économie sociale et solidaire. Cela crée une distorsion de concurrence.
Il faut s’atteler à ce sujet ! Je ne comprends pas que le texte relatif à l’économie sociale et solidaire évacue le principal problème dont nous parlent les gens qui s’investissent dans ce secteur. Mme Guittet sera d’accord avec moi. Il faut régler la question des CUMA ! Il faut régler la question des coopératives ! Et les employeurs du secteur du travail social ne bénéficient pas davantage du CICE ! Je vous le rappelle que leur manque à gagner s’élève à 10 % de la masse salariale, alors que ces 10 % bénéficient à Carrefour et aux autres entreprises de la grande distribution. Il y a là une contradiction que bon nombre de gens, y compris parmi vos amis, ne comprennent absolument pas.
La parole est à M. Julien Aubert, également signataire de cet amendement.
Il faut en effet bien voir la juxtaposition du dispositif que vous êtes en train de mettre en place et de celui qui s’applique aux entreprises ne relevant pas de l’économie sociale et solidaire. Vous avez parlé tout à l’heure, madame la ministre, des dotations aux chambres de commerce et d’industrie. Ce qui me dérange, c’est que pour développer et accompagner ce secteur, ce qui est fort bien, vous multipliez et empilez les structures alors que dans le même temps vous réduisez les moyens dévolus aux acteurs qui s’occupent des entreprises, comme les chambres de commerce et d’industrie. Chez moi, elles sont en train de fermer toutes leurs antennes et on explique que l’État est en train de les mettre sous pression ! De même, avec le CICE, nous aurons des contradictions selon les types d’activité. Je me demande donc si la simplification et la rationalisation n’auraient pas plutôt consisté à faire converger les aides, notamment fiscales, les institutions et les organismes.
À force de les multiplier, plus personne ne s’y retrouve. On ne va pas créer tout un lot d’infrastructures pour chaque type d’entreprise !
L’amendement no 105 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à mieux définir et préciser le rôle des chambres régionales, mais comme l’amendement n° 446 du rapporteur va sans doute se substituer au mien, je le retire.
L’amendement no 135 est retiré.
La parole est à M. Yves Blein, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 446 .
Cet amendement a effectivement vocation à préciser la composition des CRESS.
Avis favorable.
Mme la ministre a bien voulu répondre à ma question sur le CICE, et je lui en sais gré, mais je n’ai reçu aucune réponse de la commission, pas plus de son rapporteur que de son président.
Chacun conviendra que c’est un sujet majeur, sur lequel nous étions tous mobilisés il y a quelques mois, y compris d’ailleurs nos collègues communistes, qui furent à l’origine d’un amendement que nous avons voté sans hésitation. Aujourd’hui, nous n’avons toujours pas de réponse !
Il se trouve que mon département est celui où l’économie sociale et solidaire est, en proportion, la plus importante, car il compte énormément de salariés de l’agroalimentaire ou de coopératives. Or, ce dont on me parle, ce n’est pas du projet de loi, c’est du CICE ! Mme la ministre m’a répondu, mais je souhaiterais également entendre sur ce sujet le rapporteur, ainsi que le président de la commission, que nous avons la chance d’avoir parmi nous et que je salue.
Merci, monsieur le député, mais il s’agit pour l’instant du texte relatif à l’économie sociale et solidaire, et précisément de l’amendement n° 446 .
L’amendement no 446 est adopté.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement n° 282 .
Cet amendement vise à garantir la parité au sein des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire : pour y parvenir, les entreprises ou organisations qui nommeront plusieurs personnes pour les représenter dans les CRESS devront respecter la parité dans leurs nominations.
Il s’agit effectivement d’un sujet important, mais je ne pourrai hélas que donner un avis défavorable car le chiffre 1 n’est pas le seul nombre impair : que faire, par exemple, lorsqu’il y aura trois ou cinq représentants ? La question de la parité est abordée, vous le savez chère collègue, même si je n’ai pas pu entrer dans les détails hier, dans le guide des bonnes pratiques auquel nous renvoyons les entreprises de l’économie sociale. Nous les y invitons à prêter attention à la parité dans leurs organes et leur mode de fonctionnement.
Même avis.
L’amendement no 282 est adopté.
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement no 185 .
Cet amendement, qui a été discuté en commission des affaires économiques, était tombé à la suite de l’adoption d’un amendement du rapporteur. Je crois néanmoins qu’il faisait l’objet d’un consensus. Il vise seulement, par l’ajout de quelques mots, à préciser que les « établissements » des entreprises de l’économie sociale et solidaire sont eux aussi concernés par l’adhésion et les missions des CRESS. Il se trouve que l’économie sociale et solidaire compte quelques fleurons, des entreprises qui sont suffisamment grandes pour avoir des établissements, qui ne se situent pas nécessairement dans les mêmes territoires que le siège social de l’entreprise. Une même entreprise peut donc être concernée par différentes CRESS, dans différentes régions. Il paraissait important de préciser que les établissements peuvent, au même titre que l’entreprise, être membres et bénéficier d’une CRESS.
Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet : l’établissement est une partie de l’entreprise. Avis défavorable.
Le Gouvernement estime que les missions exercées par les CRESS bénéficient aux entreprises, et donc implicitement à leurs établissements. Ces derniers n’ayant pas la personnalité juridique, la représentation des établissements est confiée au représentant de la personne morale à laquelle ils sont attachés. Il s’agit donc avant tout d’une question d’organisation juridique au sein de chaque structure, mais aussi d’efficacité de la représentation des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Par ailleurs, le terme d’entreprise est plus générique que celui d’établissement. Je vous demande donc, madame la députée, de retirer cet amendement, dans la lignée de ce qui a été dit hier.
Je suis assez étonnée. Nous n’avons manifestement pas le même souvenir des débats qui ont eu lieu en commission des affaires économiques. Je ne me rappelle pas que le rapporteur ait émis un avis aussi fermement défavorable qu’il vient de le faire. Il me semblait au contraire que les avis avaient fini par converger. Je répète qu’il ne s’agit pas d’une question juridique, mais d’abord d’une question opérationnelle : si nous voulons que l’économie sociale et solidaire vive dans les territoires, il faut accepter qu’un établissement puisse par exemple être membre de la CRESS du Nord-Pas-de-Calais alors même que le siège social de son entreprise se trouve à Paris et dépend éventuellement quant à lui de la CRESS d’Île-de-France.
Au-delà des questions de représentation juridique, sur lesquelles il ne s’agit évidemment pas de revenir, la CRESS est aussi une manière très concrète de faire vivre les choses : c’est un lieu où l’on débat, où l’on discute, où l’on essaie de favoriser le développement économique local. Et je ne vois pas comment l’on peut promouvoir le développement économique local si l’on ne s’adresse qu’aux sièges sociaux. Je rappelle que plusieurs entreprises françaises de l’économie sociale et solidaire ont plus de 10 000 salariés. Dans ces conditions, je préfère maintenir mon amendement, même si j’ai entendu les avis défavorables qui se sont exprimés à son sujet.
J’ai moi aussi du mal à comprendre : si l’on crée des chambres régionales, c’est bien pour agir au plan local, pour développer des initiatives locales ! Pourquoi alors décider que seuls les sièges sociaux, centralisés, souvent concentrés à Paris, à moins que vous me prouviez le contraire, seront éligibles aux CRESS ? J’ai du mal à comprendre à la fois le dispositif, madame la ministre, et votre position. L’argumentaire qui vous a été donné semble assez logique. Dès lors qu’on met en place un dispositif régional, il est logique que les établissements en région puissent bénéficier des CRESS.
L’amendement no 185 n’est pas adopté.
L’objet de cet amendement est de compléter l’alinéa 2 par les mots : « et des réseaux locaux d’acteurs ». Il avait été déposé en commission des affaires économiques, mais une erreur matérielle a empêché qu’il soit retenu. L’idée est de respecter les spécificités locales et territoriales : dans les régions où des réseaux d’acteurs sont actifs, il ne faut pas affaiblir les dynamiques existantes.
Avis favorable, car cet amendement permet d’intégrer, au-delà des représentations classiques de l’économie sociale, les particularités régionales, qui peuvent reposer sur des réseaux d’acteurs propres à chaque région.
L’amendement no 169 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 432 rectifié .
Le Gouvernement propose par cet amendement d’inscrire dans la loi l’extension des compétences des CRESS ultramarines à la coopération internationale, afin de renforcer l’intégration des outre-mer dans leur environnement propre.
L’extension des compétences des CRESS permet d’une part d’inscrire les outre-mer dans les initiatives régionales pertinentes en matière d’économie sociale et solidaire, tels que le réseau africain de l’ESS ou la politique de l’ESS de Rio de Janeiro au Brésil, et d’autre part d’organiser une réponse transfrontalière à des problématiques internationales ou communes aux différents territoires. Il s’agit d’offrir une réponse adaptée à l’ensemble des CRESS ultramarins.
J’avais déposé un amendement portant sur les territoires régis par l’article 73 de la Constitution et l’extension des compétences des CRESS ultramarines à la coopération régionale. L’amendement que vous proposez, madame la ministre, va dans ce sens et constitue un réel enrichissement, je vous en remercie.
À la Réunion, nous partageons des problématiques économiques avec l’ensemble de la grande zone océan Indien. Cet amendement nous permettra de développer des initiatives régionales – voire internationales – en matière d’ESS, et renforcer ainsi le dynamisme régional. Ce sera pour nous un atout important, madame la ministre.
Vous le savez, le chômage est très important chez nous, en particulier chez les jeunes. Je voudrais souligner l’attention portée à la jeunesse dans ce texte, c’est extrêmement important pour notre territoire puisque nous détenons le record européen du chômage des jeunes : 60 %.
Nous sommes convaincus que cette approche nouvelle de l’ESS, ouverte et accueillante envers les entreprises commerciales au-delà des acteurs statutaires de l’ESS, contribuera à encourager les initiatives dans ce domaine. Nous pensons également qu’en matière de coopération régionale et internationale, les valeurs de gouvernance, l’utilité sociale et l’éthique qui sont véhiculées par ce projet de loi constitueront un apport indispensable à une vision économique humaine et équilibrée de cette coopération régionale.
Nous vous remercions donc, madame la ministre, d’avoir été très attentive à ces préoccupations.
L’amendement no 432 est adopté.
Cet amendement porte sur la possibilité des CRESS d’ester en justice. Nous connaissons leur fonction : la représentation auprès des pouvoirs publics des intérêts de l’économie sociale et solidaire ; l’appui à la création, au développement et au maintien de ses entreprises ; l’appui à la formation des dirigeants ; enfin la contribution à la collecte, à l’exploitation et à la mise à disposition des données économiques et sociales relatives aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.
La possibilité d’ester en justice des CRESS a été introduite par le Sénat lors de la réécriture presque globale de cet article en commission. Ont-elles légitimité à le faire ? Avant de retirer l’amendement, j’aimerais que le Gouvernement arrive à m’en convaincre.
Les CRESS sont des associations, donc elles jouissent normalement de la capacité juridique des associations reconnues d’utilité publique qui leur est accordée par la loi. Elles peuvent donc ester en justice quand elles le souhaitent. C’est important, car d’une certaine façon elles vont jouer un rôle de surveillance du développement de l’économie sociale sur leur territoire et de contrôle a posteriori de la conformité des comportements et des statuts des entreprises qui prétendent à l’agrément qu’elles contrôlent.
À l’article 1er, nous avons souhaité définir les critères de l’économie sociale et solidaire. Dans ce cadre, il est important que nous puissions vérifier dans la durée la façon dont ces critères sont appliqués.
Il a été décidé de donner la possibilité aux CRESS d’ester en justice dans le présent projet de loi car cela est apparu comme l’option la plus efficace pour leur évolution. Comme l’a souligné l’étude d’impact, que je vous invite à relire, et suite au rapport commandé par mon prédécesseur auprès du contrôle général économique et financier, il a semblé préférable d’adopter une voie intermédiaire conservant le statut associatif de ces structures, mais leur confiant le soin d’assurer des missions de service public. Il va de soi que cette action sera soumise à une procédure contradictoire garante des intérêts des différentes parties.
Je ne suis pas du tout convaincu. Le fait que les CRESS puissent être facteurs de régulation sur le statut coopératif, je peux l’entendre, mais leur donner la possibilité d’ester en justice et donc d’aller jusqu’au jugement d’un tribunal ne me semble pas le meilleur outil de régulation.
Les CRESS sont des associations, elles ont donc déjà le droit d’ester en justice : quel est l’intérêt d’en faire mention dans la loi ?
Par ailleurs, cette capacité risque de produire un contentieux. Avez-vous une idée de l’impact de cette mesure ? Il existe d’autres manières de résoudre les différends. Il était possible de prévoir dans la loi des modes alternatifs de règlement des différends tels que la conciliation, la négociation ou la médiation avant d’en venir à des mesures qui vont produire un contentieux qui aura des répercussions en termes administratifs et financiers sur des juridictions et créer un nouveau marché pour les professions juridiques. Ces éléments ont-ils été correctement anticipés, et avez-vous une idée de ce risque, de cette potentialité, ou pensez-vous que nous allons vers une matérialité de contentieux ?
L’amendement no 376 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 206 .
L’amendement no 206 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 232 deuxième rectification de M. Yves Blein, rapporteur, est rédactionnel.
L’amendement no 232 deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement vous propose de rattraper ce que l’on pourrait sans doute appeler un acte manqué en commission, puisqu’il tend à rétablir l’ancienne rédaction du projet de loi afin que les CRESS soient regroupées au sein du conseil national des chambres régionales d’économie sociale et solidaire.
Nous avons déjà échangé sur ce point, je crois que le rapporteur autant que la ministre ont confirmé qu’il ne s’agissait pas de faire disparaître le conseil national. Il nous paraît donc nécessaire de rétablir la rédaction initiale.
Comme l’a dit le président Chassaigne, cet amendement tend à revenir au texte tel qu’il avait été adopté au Sénat : afin de permettre au conseil national des chambres régionales d’économie sociale et solidaire d’assurer ses missions de coordination de manière efficace, il faut rétablir la référence à ses fonctions d’animateur et de coordinateur du réseau des CRESS.
Par ailleurs, il est précisé dans l’amendement que c’est bien le conseil national qui est chargé de consolider au niveau national les données du secteur recueillies par les chambres régionales, comme nous en avions débattu à l’article 3 quater.
Madame Dubié, vous avez sans doute compris que les amendements dont nous avons débattu tout à l’heure ont rétabli cette fonction de consolidation que vous demandez. Il n’est donc pas utile d’y revenir maintenant. Avis défavorable.
Même avis, il n’est nécessaire ni de revenir sur cette question à ce stade ni d’aller plus loin dans la clarification après nos débats à l’article 3 quater.
Il y a quelque chose que je ne comprends pas bien dans votre construction de réseau : d’un côté vous nous avez expliqué que seuls les sièges sociaux siégeaient au sein des chambres régionales, dans un système un petit peu asymétrique ; et maintenant vous nous expliquez que ces chambres régionales n’ont pas d’échelon national. Or si l’on compare avec tous les réseaux qui se font pour tous les types de coopération, économique ou administrative, c’est pourtant la règle. Cette mission de consolidation est essentielle, et elle a l’avantage d’harmoniser et de piloter une forme de concertation au plan national.
Les deux amendements qui sont présentés sont donc logiques et replacent ce schéma dans la norme de ce qui existe déjà avec une association au niveau national déclinée au niveau régional.
J’ai bien compris qu’il n’était pas question de supprimer le CNCRESS, mais je proposais simplement de rétablir le texte dans sa version originale qui nous semble plus pertinente que la rédaction actuelle.
Comme l’a indiqué Mme Guittet, il s’agit de relégitimer le conseil national des chambres régionales d’économie sociale et solidaire. Les choses semblent se clarifier quelque peu, donc nous progressons. Nous sommes néanmoins confrontés à une situation inconfortable, ambiguë et incertaine : d’un côté nous trouvons le conseil national, fruit de l’histoire et qui dispose d’une réelle légitimité de par la manière ascendante dont il s’est construit, de l’autre côté nous trouvons le projet d’une chambre française de l’économie sociale et solidaire qui a été adopté à l’article précédent, et dont les missions doivent encore être expertisées. Ce projet a suscité une réelle méfiance de la part des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Ce qui est en jeu, c’est bien entendu la promotion et la représentation, mais aussi la coordination des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Or l’ancien ministère de l’économie sociale et solidaire et de la consommation et les services du contrôle général des finances ont attesté de la nécessité de cette coordination du réseau des CRESS sur l’ensemble du territoire. Cela a conduit le réseau à engager un processus d’harmonisation dans le respect des principes de l’économie sociale et solidaire en mutualisant les fonctions de coordination dans une logique ascendante. Le conseil national des chambres régionales d’économie sociale et solidaire trouve ici toute sa pertinence.
Il importe donc que les évolutions de la loi permettent de continuer à agir en conservant les principes : un mouvement ascendant et horizontal, légitimé par la mobilisation des acteurs du territoire régional, qui conditionne l’approche territoriale nécessaire au développement de l’économie sociale et solidaire ; et le principe de subsidiarité comme grille de détermination du champ d’action de la chambre régionale, conduisant les chambres régionales à agir principalement sur les questions transversales à l’ESS.
À ce stade, il demeure donc nécessaire d’affirmer la distinction et la complémentarité des fonctions de la future chambre française de l’économie sociale et solidaire et celle du conseil national des chambres régionales d’économie sociale et solidaire. La réintroduction de la mention des missions du conseil national au sein du projet de loi ainsi que la réaffirmation des principes qui le fondent et sa complémentarité à l’égard de la chambre française de l’économie sociale et solidaire sont les objectifs de cet amendement.
Je voudrais rassurer M. Alauzet, nous n’avons à aucun moment souhaité que le conseil national, qui réunit les chambres régionales, ne puisse pas continuer son existence. C’est une association loi 1901 qui a la liberté d’exister, nous considérons qu’elle a un rôle important et nous le reconnaissons en rappelant que la consolidation des données et la représentation des chambres régionales au sein de la chambre française seront assurées par lui. En revanche, rétablir la rédaction initiale comme vous le proposez ne peut qu’emporter un avis défavorable de ma part.
Même avis, cette question a été largement débattue.
Nous en avons largement débattu, mais nous restons sur notre faim. Vous qui voulez valoriser et écouter les chambres régionales, sachez qu’elles sont très attachées au renforcement du conseil national. Elles ont de quoi être inquiètes, car la confusion demeure.
Je suis désolée de vous rappeler qu’à la lecture de l’article 3 quater, il est prévu que les organisations statutaires nationales du secteur sont membres de la chambre française de l’économie sociale et solidaire, et que les CRESS ainsi que les sociétés commerciales sont représentées au sein de la chambre française de l’économie sociale et solidaire.
Quelles sont donc les modalités de représentation des CRESS au niveau de la chambre française, sachant que leur modalité de représentation au niveau du conseil national est aujourd’hui parfaitement connue ? Expliquez-nous la différence qui existe entre la représentation des CRESS au sein du conseil national qui a été créé par les chambres régionales et qui est une émanation de leurs propres structures, fruit de leur volonté, et cette chambre française au sein de laquelle elles seront représentées. Les vingt-six chambres régionales seront-elles représentées ? Quelles seront les modalités de représentation ? Ce n’est pas clair.
Comme l’a dit Mme la secrétaire d’État, cela fait déjà un moment que nous discutons de ce sujet : je ne veux donc pas en rajouter. Cela dit, ce n’est un secret pour personne, les CRESS elles-mêmes essaient de comprendre…
…comment elles pourront s’intégrer dans la chambre française de l’économie sociale et solidaire que nous venons de créer.
Comme un certain nombre d’entre vous, la secrétaire d’État explique que ce texte n’a pas pour objectif de faire disparaître des entités, mais de les intégrer dans un dispositif d’ensemble. Sur ce point, les amendements nos 226 et 327 sont clairs et précis : ils visent à garantir que l’ensemble des représentants au conseil national des CRESS seront membres à part entière de la chambre française. Mais l’économie sociale et solidaire ne concerne pas que les CRESS : d’autres représentants pourront donc également siéger au sein de cette instance. C’est pourquoi je soutiens l’amendement n° 327 de mon collègue Alauzet.
Vous le savez, madame la secrétaire d’État, nous aurons à débattre, au cours de la navette, des moyens que l’État attribuera aux acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Nous avons affaire à des associations régies par le statut de la loi de 1901. Le conseil national des CRESS, qui joue un rôle particulier et est reconnu par l’État, bénéficie aujourd’hui, me semble-t-il, d’un soutien financier de l’État. Très concrètement, madame la secrétaire d’État, il conviendrait de crever l’abcès et d’essayer de rassurer les acteurs, au cours de la navette.
Si le conseil national des CRESS, qui est une association, peut perdurer, il faudra lui garantir que l’État continuera d’être présent à ses côtés – sans qu’il soit forcément nécessaire de chiffrer l’aide apportée –, afin qu’il puisse jouer pleinement son rôle.
Le texte aurait été plus clair si l’on avait précisé que toutes les chambres régionales seraient représentées au sein de la chambre française de l’économie sociale et solidaire. La rédaction de l’article 3 quater, qui dispose que « les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire [… ] sont également représentées » au sein de cette instance, peut laisser penser que seuls un ou deux membres de ces chambres seront élus pour assurer cette représentation.
Votre système me fait penser à l’articulation entre la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. Ces dernières ne sont pas représentées à la Cour des comptes ; il existe certes un conseil, où les magistrats de la Cour et des chambres régionales se rencontrent, mais il s’agit d’une instance spécifique ! D’ailleurs, la dénomination « chambre nationale »…
…montre bien qu’il ne s’agit pas de la synthèse des chambres régionales, mais d’une chambre particulière, avec un élément de représentation.
Afin d’apaiser les craintes des acteurs locaux, je vous propose donc de préciser que la chambre française de l’économie sociale et solidaire sera bien une instance de concertation où ils seront tous représentés. Dans ce cas, il convient d’écrire « toutes les chambres régionales », ce qui permettra de clarifier vos objectifs.
Je veux répondre aux interrogations exprimées quant aux équilibres et à la place du CNCRESS et des CRESS dans la structure d’ensemble de la représentation de l’économie sociale et solidaire, que nous souhaitons forte, lisible et clarifiée.
Je veux aussi vous rassurer complètement s’agissant des modalités de financement des familles de l’économie sociale et solidaire : il n’est pas question de remettre en cause les financements actuels du CNCRESS et des CRESS.
La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement no 397 .
Défavorable.
L’amendement no 397 est retiré.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 312 .
Cet amendement vise à compléter l’alinéa 9 par la phrase suivante : « Des conventions d’objectifs et de moyens peuvent être conclues avec les réseaux de l’économie sociale et solidaire et les filières professionnelles et interprofessionnelles auxquels sont associés les collectivités territoriales et leurs groupements intéressés. »
Il s’agit de préciser que les CRESS participeront au développement du secteur dans son ensemble, autour de certains dénominateurs communs fixés par le projet de loi. Il s’agit également d’insister sur l’importance du fonctionnement en réseau, celui-ci étant souvent à dimension régionale.
Madame Bonneton, je vous invite à faire confiance aux acteurs pour organiser leurs activités, plutôt que de tenter de définir par la loi des modes de coexistence. Je pense que les différents acteurs sont tout à fait capables de gérer eux-mêmes leur secteur : l’avis de la commission est donc défavorable.
Même avis. Conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, il faut faire confiance aux acteurs. Madame Bonneton, ce que vous souhaitez instaurer ne relève pas de la loi : n’allons pas utiliser notre pouvoir normatif à l’encontre des collectivités locales, qui sont autonomes et compétentes en la matière !
Je ne suis pas certain que cet amendement soit véritablement compatible avec la philosophie de l’économie sociale et solidaire. Les conventions d’objectifs et de moyens déterminent des moyens, mais aussi des objectifs : elles relèvent donc d’une démarche de performance, qui consiste à moduler les moyens des acteurs en fonction des résultats qu’ils obtiennent. Or je doute que l’on puisse appliquer une logique de performance à un secteur économique dont la philosophie est, par définition, assez différente de celle de l’économie marchande. Cet amendement présente donc une certaine ambiguïté.
J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État. Je suis particulièrement sensible à leur appel à faire confiance aux collectivités territoriales : je retire donc mon amendement.
L’amendement no 312 est retiré.
La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement no 398 .
L’amendement no 398 est retiré.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 211 .
Cet amendement est intéressant, mais il présente des risques d’interférence avec le droit européen. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de préciser la notion d’utilité publique, puisque les associations concernées bénéficient de la qualité d’association reconnue d’utilité publique. Je vous invite donc, madame Guittet, à retirer votre amendement.
Même avis.
L’amendement no 211 est retiré.
L’article 4, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 314 , qui tend à introduire un article additionnel après l’article 4.
Nous avons évoqué tout à l’heure les moyens financiers des CRESS et de leur conseil national. Le présent amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er octobre 2014, « un rapport portant sur les moyens matériels et financiers mobilisables pour permettre aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire d’assurer l’accomplissement de leurs missions ».
Il ne me semble pas utile que l’Assemblée demande au Gouvernement de lui indiquer, dans un rapport, la façon dont tel ou tel acteur doit se comporter. Entre l’État et les nouveaux interlocuteurs que nous sommes en train de mettre en place, entre les collectivités territoriales et les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, il existe une qualité de partenariat suffisante pour que nous puissions leur faire confiance pour construire une relation positive, dans la perspective du développement de l’économie sociale et solidaire, plutôt que de rédiger un rapport qui risquerait d’être un prêche dans le vide. J’invite donc Mme Bonneton à retirer son amendement.
Madame Bonneton, je souhaite vous rassurer. Toutes les données budgétaires relatives au financement des CRESS figurent dans le programme 304. Vous pouvez donc trouver dans le jaune budgétaire l’ensemble des éléments relatifs au financement public des CRESS. Même si vous ne prenez pas le temps de consulter le jaune pour y relever l’ensemble des subventions, il existe d’autres moments pour parler de ces questions – le débat budgétaire, par exemple. Il n’est donc pas nécessaire que le Gouvernement remette un rapport au Parlement.
Nous pouvons faire confiance aux acteurs, en gardant à l’esprit que nous avons aujourd’hui tous les moyens d’assurer ce suivi financier. Ces moyens sont suffisants, et il n’est pas utile d’en ajouter. Je souhaite donc que vous puissiez retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mon amendement vise aussi à souligner que les nouvelles missions confiées aux CRESS par ce projet de loi entraîneront de nouveaux besoins budgétaires, que le rapport demandé au Gouvernement pourrait évaluer sans attendre le projet de loi de finances pour 2015. Mais je comprends très bien les arguments de Mme la secrétaire d’État et de M. le rapporteur : je retire donc mon amendement.
L’amendement no 314 est retiré.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 322 , qui tend à rétablir l’article 5 A supprimé par la commission.
L’article 5 A visait à permettre aux régions et aux chambres régionales d’économie sociale et solidaire d’élaborer une stratégie régionale de l’économie sociale et solidaire. La commission des affaires économiques a supprimé cet article, qui avait été introduit par le Sénat, au motif que les compétences des régions seraient révisées dans le cadre de la prochaine loi de décentralisation. Pourtant, le présent projet vise justement à donner un cadre clair et juridiquement solide à l’expansion de l’économie sociale et solidaire : c’est bien maintenant que doit être définie une stratégie régionale en la matière. Je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement tendant à rétablir l’article 5 A.
Nous avons déjà débattu de ce sujet en commission. La question des schémas territoriaux sera bientôt discutée devant l’Assemblée nationale : les compétences des régions seront donc abordées à cette occasion.
En outre, j’appelle votre attention sur l’article suivant du projet de loi, qui dispose que les préfets et les présidents de conseils régionaux devront organiser des conférences régionales, qui réuniront les acteurs de l’économie sociale et solidaire, et dont la mission sera de définir les schémas de développement territoriaux de l’économie sociale et solidaire. L’article 5 B contient donc la quasi-totalité des dispositions de l’amendement n° 322 . Si celui-ci n’est pas retiré, je donnerai un avis défavorable.
Défavorable. La suppression de l’article 5 A résulte d’ailleurs d’un amendement du Gouvernement adopté par la commission des affaires économiques, compte tenu du calendrier législatif.
Effectivement, l’article suivant renforce l’enjeu régional. Mais je veux vous expliquer pourquoi un certain nombre d’amendements ont été déposés par le groupe écologiste sur ce sujet.
Vous le savez, monsieur le rapporteur, l’article 5 B fait l’objet d’un débat. Qui anime les conférences régionales de l’économie sociale et solidaire ? Quel est le rôle du président de région par rapport au préfet de région ? Dans la logique actuelle de ce texte, l’État est très présent dans l’animation régionale – si je voulais forcer le trait, je parlerais de logique jacobine. En revanche, le groupe écologiste insiste beaucoup sur le rôle des élus régionaux.
Quant à l’argument reposant sur le fait que la carte territoriale peut bouger, il pourrait être opposé à tous les articles que nous venons d’examiner, et à l’existence même des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, dont nous sommes en train de déterminer la fonction. Sommes-nous obligés de prendre en compte le fait que ces chambres régionales pourraient aussi subir des changements, puisque les nouvelles régions seront différentes ?
Non ! Il faut faire attention avec ce type d’argument ! Cela étant, l’article 5 B rappelle bien le rôle des régions : il nous restera à débattre de la primauté entre la collectivité régionale et l’État.
Nous nageons de plus en plus en pleine irrationalité politique et administrative. D’une part, le discours public vise à simplifier l’organisation de l’État et de la sphère publique alors que dans le même temps, nous créons de nouvelles institutions aux plans local et national. D’autre part, nous entendons dire qu’il est question d’engager des stratégies régionales inscrites dans des schémas. N’oublions pas que derrière cela, il y a un coût humain, un coût bureaucratique : des gens vont se mettre au travail pour bâtir des schémas qui s’inscrivent dans des stratégies, en réunissant des acteurs. Tout cela conduit à une prolifération de documents, une masse de documents que personne ne lit…,
…onne lieu à des études d’impact qui s’empilent. Cela fait certes plaisir à leurs auteurs car cela donne l’impression d’exister, mais pendant ce temps, ce pays meurt de son excès de bureaucratie.
Je vous fais part là de ma réflexion philosophique sur le sujet : il est temps que nous cessions de multiplier ces stratégies qui partent dans tous les sens et qui aboutissent à un foisonnement administratif qu’il faut clarifier car le citoyen n’y comprend plus rien.
L’amendement no 322 n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement d’appel. Tous, sur tous les bancs, nous souhaitons que l’ESS soit ancrée dans l’ensemble des territoires. Prévoir une stratégie régionale de l’ESS au sein des schémas régionaux de développement économique des régions est une mesure essentielle pour assurer le développement dans la durée de l’ESS dans les territoires. Il nous semble souhaitable – et il s’agit bien d’un amendement d’appel – que l’ensemble des dispositifs contractuels que l’État peut mettre en oeuvre avec les collectivités locales, mais également avec les bailleurs, aient un volet relatif à l’économie sociale et solidaire.
Cette faculté existe déjà – je pense notamment aux contrats de plan État-région – et recouvre des réalités qu’il n’est pas besoin d’inscrire dans la loi pour qu’elles se concrétisent.
Avis défavorable à cet amendement qui risquerait d’alourdir les procédures.
Avis défavorable car l’amendement est satisfait. Les politiques contractuelles de l’État existent dans les contrats de plan. Et dans la circulaire pour la construction des futurs contrats, l’économie sociale et solidaire figure expressément. J’ajoute qu’au niveau de l’Union européenne, un accord permet de flécher les financements vers les acteurs de l’économie sociale et solidaire. La volonté et les pratiques de l’État sont donc clairement définies. Aussi je vous suggère, monsieur le député, de retirer votre amendement dans la mesure où comme je le disais, il est satisfait.
En effet, madame la secrétaire d’État, il est satisfait pour ce qui concerne les contrats de plan. Pour autant, s’agissant de l’ensemble des dispositifs contractuels qui existent entre l’État et les autres acteurs sur le territoire, tel n’est pas le cas. Mme la secrétaire d’État a raison pour ce qui concerne les contrats de plan et M. le rapporteur a raison lorsqu’il dit que cela est possible, mais je considère que cela va mieux en le disant.
Je ne peux m’empêcher de vous demander de quelles régions vous parlez lorsque vous évoquez les futurs contrats de plan État-région dans la mesure où l’on nous annonce des regroupements de régions et la diminution de leur nombre ? En fait, contrairement à ce que vous prétendez, cette loi est très floue.
Sourires.
Vous envoyez des messages en direction du secteur de l’économie sociale et solidaire, mais dès que l’on entre dans le détail, on reste sur notre faim car vous ne répondez pas aux questions que nous posons.
L’amendement no 375 n’est pas adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Aux termes de l’article 5 B, « Le représentant de l’État dans la région et le président du conseil régional organisent tous les deux ans une conférence régionale de l’économie sociale et solidaire… » Est-ce à la loi de disposer de la fréquence des réunions de ce genre d’instance ?
Sourires.
Vous vous réfugiez très souvent derrière des décrets d’application sur des sujets majeurs.
Or dans ce domaine, est-ce à la loi de fixer la fréquence des réunions de ces instances ?
Je poursuis la lecture de l’article : Sont conviés à la conférence régionale « les membres de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, les réseaux locaux d’acteurs, les représentants des collectivités territoriales ainsi que les partenaires sociaux. » Chers collègues, il faudra prévoir un très large hémicycle pour accueillir toutes ces personnes ! À un moment donné se poseront des questions très concrètes !
« Au cours de la conférence régionale de l’économie sociale et solidaire sont débattus les orientations, les moyens et les résultats des politiques locales de développement de l’économie sociale et solidaire. » Parler de « résultats » suppose d’avoir fixé des objectifs, sans doute les fameux schémas d’organisation que vous citiez tout à l’heure.
« Est également présentée l’évaluation de la délivrance de l’agrément "entreprises solidaires d’utilité sociale". Là, on verra si cinq mille entreprises auront pu bénéficier, comme vous l’avez dit hier, de ce nouveau statut de l’entreprise solidaire d’utilité sociale. Nous avons vraiment hâte de le savoir !
Les politiques territoriales de l’économie sociale et solidaire sont très importantes. L’une des caractéristiques essentielles de l’ESS, c’est d’être fortement ancrée dans les territoires. À l’article précédent, nous avons renforcé les CRESS, organes essentiellement représentatifs. C’est avec une grande satisfaction que j’ai découvert un amendement n° 466 rectifié du Gouvernement qui reconnaît dans la loi les agences de développement qui peuvent être créées par les régions.
Ces agences dont certaines existent déjà ont un rôle beaucoup plus opérationnel et agissent en complément avec les CRESS. Ces deux structures ont des missions différentes. Ces agences n’existent pas partout, mais là où elles fonctionnent, elles donnent toute satisfaction. Depuis de nombreuses années, elles ont réalisé un travail important. Le moment est venu de capitaliser sur le travail qu’elles ont accompli généralement en collaboration avec les conseils régionaux.
Nous avions déposé un amendement qui allait dans ce sens. Muselés et corsetés par la peur de l’article 40, nous ne faisions référence qu’aux agences qui existaient déjà, afin de les reconnaître dans la loi. Malheureusement, cet amendement a été censuré par l’article 40 sans que nous ne comprenions très bien pourquoi. Mais, à notre grande satisfaction, le Gouvernement a présenté un amendement dont la portée est plus large ce dont nous nous réjouissons.
La parole est à M. Marc Le Fur, qui avait demandé la parole tout à l’heure. Je ne pouvais décemment pas, monsieur le député, vous donner la parole sur un article qui avait été supprimé.
Je souhaite vous faire part d’un certain nombre de préoccupations qui nous viennent du monde de l’économie sociale et solidaire. S’agissant du CICE que j’évoquais, les réponses sont pour le moment très limitées. Une autre préoccupation qui remonte du terrain, en particulier dans le département rural des Côtes-d’Armor, concerne les zones de revitalisation rurale. Tout un pan du monde rural est toujours classé en ZRR. Jusqu’au vote du budget pour 2014, les associations présentes sur ces territoires bénéficiaient d’exonérations qui ont disparu. Cela a été redoutable pour elles car cela a représenté une perte de 30 millions d’euros. Quelles sont ces associations ? De grandes structures pour handicapés – souvent installées dans le monde rural –, pour personnes âgées, mais également des petites et moyennes structures d’enseignement par exemple. Je pense à des maisons familiales et rurales, vous en connaissez certainement dans vos circonscriptions.
Ces associations s’interrogent et m’interrogent : comment se fait-il, alors qu’il existe un ministère dédié à l’économie sociale et solidaire et un projet de loi sur le sujet, que l’un des rares avantages dont elles disposaient depuis 2005 ait été supprimé ? C’est la majorité actuelle qui l’a fait disparaître lors du vote du budget pour 2014. Dans toute la mesure du possible, profitons de ce débat pour revenir sur cette mesure au bénéfice des associations et des structures concernées. Je pense en particulier à celles qui s’investissent dans le monde du handicap et qui subissent beaucoup de mauvaises nouvelles en ce moment. N’a-t-on pas appris par la presse que l’application de la grande loi sur le handicap de 2005 allait être décalée ?
Pardonnez-moi, madame la présidente, mais ce sujet répond à une véritable préoccupation. Comment se fait-il que plus de 30 millions d’euros aient été retirés au monde de l’économie sociale et solidaire, en particulier aux structures qui s’investissaient dans le monde rural ?
L’article 5 B, article additionnel adopté par le Sénat, prévoit la tenue tous les deux ans d’une grande conférence régionale de l’économie sociale et solidaire. Pourquoi obliger le représentant de l’État et le président du conseil régional à organiser des réunions et à énumérer les invités ? Il faut laisser aux acteurs locaux dont on parle à l’envi dans ce projet de loi, beaucoup de latitude pour organiser le dialogue. La promotion du dialogue ne peut passer par une obligation prévue par la loi, au risque de ne pas être profitable.
Pour ma part, je m’inquiète du fonctionnement de ce que nous prévoyons dans ce texte. À un moment où l’on parle beaucoup de simplification, il est légitime que nous nous interrogions. Je me demande par ailleurs si l’adoption de cet article ne répondait pas à un doute exprimé par les parlementaires eu égard à un fonctionnement qui ne paraît pas naturel. Ce doute subsiste aujourd’hui dans notre groupe.
D’une part, il y a les vraies questions sur l’économie sociale et solidaire, pointées au fil du débat par mon collègue Le Fur, lesquelles ont un impact sur la vie des acteurs sur le terrain. D’autre part, il y le débat que nous menons, qui consiste à complexifier davantage, en créant toujours plus de niveaux et de structures, un peu comme un ensemble de poupées russes.
En réalité, ce que vous proposez n’est pas très original. Je viens de m’apercevoir que vous vous êtes inspirés ni plus ni moins du fonctionnement de la Croix Rouge, dont la conférence internationale se tient tous les deux ans. Les sociétés et les fédérations de la Croix Rouge se rencontrent, elles aussi, En fait, vous n’avez fait que copier son fonctionnement. Cela marche peut-être pour la Croix Rouge…
…mais avec la diminution du nombre de régions, vous aurez onze à douze conférences régionales présentes peut-être sur sept, huit, dix départements. On imagine la taille « mamouthesque » de telles conférences ! En réalité, vous sacralisez la réunionnite. Il faut appliquer un autre principe : laissez les acteurs s’organiser entre eux. S’ils ont envie de se rencontrer pour discuter au plan régional, ils se rencontrent. S’ils estiment, dans un principe de subsidiarité, qu’il vaut mieux se rencontrer, parce que les régions sont devenues trop importantes, dans un contexte infra-régional, ils le feront dans ce cadre. S’ils ne ressentent pas le besoin de se rencontrer, ils ne se rencontrent pas. Et si le représentant de l’État estime qu’il faut organiser une rencontre annuelle avec les acteurs, il l’organise. Nul besoin que la loi empiète sur le domaine de la liberté individuelle, qui est au coeur de votre projet.
« Très bien » sur les bancs du groupe UMP.
Avec cet article additionnel introduit par le Sénat, nous atteignons le comble de l’absurde. La loi est en train de prévoir la tenue d’une conférence régionale. Les bras m’en tombent : à l’heure où l’on s’interroge sur la simplification législative, comme l’ont dit Julien Aubert, Véronique Louwagie ou Isabelle Le Callennec, il est clair que ce genre d’article n’a pas sa place dans un texte de loi.
Pire encore, il détaille qui doit être invité à la conférence. On peut se demander quelle sera la prochaine étape, peut-être la définition dans la loi de la disposition des chaises ?
Sourires.
Ce n’est pas sérieux ! Les évaluations proposées peuvent très bien être présentées au sein du conseil régional ou le cas échéant de la chambre régionale de l’ESS si une telle structure venait à être créée. Encore une fois, il n’appartient pas à la loi d’obliger le représentant de l’État et le président du conseil régional à organiser des réunions ni d’en énumérer les invités, le représentant de l’État est déjà habilité à le faire. Voilà pourquoi je propose de supprimer l’article.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 47 .
Je compte réagir sur un autre point du texte qui n’a pas été évoqué et qui peut même s’avérer contre-productif au regard de la volonté qui vous anime, chers collègues de la majorité. Prévoir un mécanisme de réunion au moins tous les deux ans peut inciter des acteurs locaux désireux d’établir un dialogue plus approfondi à ne convoquer qu’une réunion tous les deux ans. Fixer les choses ainsi n’est pas fait pour inciter à un dialogue plus approfondi. La mise en place des structures ou bien des situations très particulières peuvent justifier des réunions plus fréquentes. Ce que prévoit le texte peut avoir un effet contre-productif, c’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article.
Votre intervention, madame, reflète bien notre intention. Les collectivités territoriales, en l’espèce les régions, qui seront dotées demain de la compétence en matière de développement économique, donc de l’économie sociale, auront la charge d’entretenir le dialogue et le partenariat avec les représentants de l’économie sociale. On peut donc imaginer, et c’est le sens de l’article, que tous les deux ans a minima les présidents de conseils régionaux et les préfets réunissent les acteurs pour discuter et construire ensemble des stratégies de développement de l’économie sociale. Écrire « au moins tous les deux ans » me semble une bonne chose. Si d’aventure un président de conseil régional n’ayant pas trop envie de voir l’économie sociale se développer dans son territoire venait à oublier d’en rencontrer les acteurs, qui sont importants pour la vie et le développement de sa région, la loi viendrait lui rappeler qu’il a l’obligation de le faire a minima tous les deux ans.
Même avis.
Ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur, est assez choquant. Vous nous avez expliqué tout à l’heure au moyen de divers argumentaires qu’il faut faire confiance aux acteurs et ne pas en rajouter dans la loi, et voilà que vous nous expliquez avoir rédigé ainsi la loi car vous ne faites pas confiance aux présidents de région ! Ce n’est pas très gentil, permettez-moi de vous le dire, pour tous les présidents de région socialistes actuellement en place !
Ou alors cela montre en effet que vous nourrissez de sérieux doutes sur leur réélection et que vous vous faites du souci pour l’avenir, ce qui n’est pas gentil pour nous !
Rires.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas bâtir des dispositions législatives sur la défiance.
Je n’ai pas obtenu de réponse à la question posée non par moi mais par l’ensemble du monde de l’économie sociale et solidaire qui travaille dans la partie du monde rural appelée ZRR, que M. le président de la commission connaît bien. Ce monde a perdu trente millions d’euros en raison de votre décision, chers collègues de la majorité. Vous prétendez mettre en avant le monde de l’économie sociale et solidaire mais, en réalité, vous lui portez préjudice en raison des décisions que vous prenez, vous la majorité ! Je veux bien que l’on parle d’institutions et de comité ceci ou cela, mais ils ne nous parlent jamais de cela, nos interlocuteurs de l’économie sociale et solidaire, et nous en rencontrons ! Ils nous parlent du fond des choses ! Ils nous disent : « On perd de l’argent au titre du CICE et on en a perdu dans les zones de revitalisation rurale en raison des évolutions décidées ! »
Donnez-leur donc des réponses à ce propos, faute de quoi le décalage entre le propos public et la réalité va rapidement faire problème ! Nous sommes en train de creuser le fossé entre deux mondes, ce qui est redoutable non seulement pour vous mais aussi pour nous tous et pour la démocratie ! Je pose des questions précises à propos des ZRR, il faut absolument que nous obtenions des réponses, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, faute de quoi le monde de l’économie sociale et solidaire appréciera !
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 300 .
L’amendement reconnaît que les collectivités territoriales définissent des politiques de soutien répondant à la fois aux besoins des populations et aux besoins identifiés par des structures de l’économie sociale et solidaire. À cette fin, les écologistes proposent, et je sais que notre objectif est partagé par de nombreux collègues, d’affirmer que les collectivités territoriales peuvent co-construire leurs politiques de soutien en concertation avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Trop souvent en effet, on demande aux bénévoles et salariés des associations et entreprises de l’économie sociale et solidaire, qui sont quotidiennement sur le terrain, de faire rentrer des réalités et des problèmes à résoudre dans des cases, ce qui les contraint à des exercices de sémantique dévalorisants pour leur action. Au lieu de dire ce qu’ils font, on leur propose de fait de s’inscrire dans des programmes de collectivités territoriales.
La démarche que nous proposons permettra de soutenir des projets en phase avec les besoins sociaux, économiques ou environnementaux qui ne sont pas satisfaits par les services publics ou l’économie de marché tout en répondant aux attentes des acteurs de terrain. Une fois les besoins identifiés, les collectivités territoriales inciteront les acteurs à s’organiser et se faire connaître en vue d’y répondre, reconnaissant ainsi les capacités des associations à répondre à des initiatives citoyennes et associatives.
Même avis.
Je suis pour ma part défavorable à l’amendement, pour des raisons exposées plus avant.
Sourires.
Je sais bien, cher collègue, que vous parlez au nom du monde de l’économie sociale et solidaire, comme nous tous d’ailleurs. Nonobstant, une loi disposant que les collectivités territoriales peuvent faire quelque chose n’apporte strictement aucune plus-value. Pouvoir, cela veut bien dire ce que cela veut dire. Écrire qu’elles doivent faire quelque chose crée une obligation législative dont il vaut le coup de discuter, mais si les collectivités locales peuvent faire quelque chose, elles peuvent également ignorer la possibilité de le faire. Voilà pour le premier point.
Le deuxième point, c’est qu’il existe tout de même la libre administration des collectivités territoriales et que le principe de subsidiarité implique de leur laisser faire ce qu’elles veulent. Qu’entend-on exactement par « modalités de co-construction » ? Que la définition des politiques publiques d’économie sociale et solidaire relève à parts égales des acteurs de terrain et des collectivités territoriales ? Je ne suis pas d’accord ! De la concertation et du dialogue, d’accord, mais il n’en reste pas moins que nous élisons des hommes et des femmes pour diriger les collectivités territoriales et non pour négocier de manière permanente avec des acteurs de terrain, fussent-ils légitimes ! La légitimité à représenter un secteur ne leur donne pas le droit de décider d’une quelconque co-construction !
Je suis donc à la fois hostile à la philosophie de l’amendement et à la complexification dont il est cause, sous forme de la mise en place d’instances associant les acteurs concernés. Je sens la conférence au coin de la rue ou l’instance de concertation !
Sourires.
Là comme ailleurs, il importe de simplifier et d’en revenir aux fondamentaux.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je ne suis jamais d’accord avec M. Aubert, ou alors très rarement, mais pour une fois je suis assez d’accord avec lui.
Même si M. le rapporteur et Mme la ministre sont d’accord avec votre amendement, chers collègues écologistes, il nous faut rédiger cette affaire-là de façon normative d’ici la fin du texte. En l’espèce, très franchement, il s’agit d’une déclaration d’intention insérée dans un texte de loi ! Il en résulte que la législation n’est plus la législation mais tout à fait autre chose.
Il faut donc y retravailler, me semble-t-il, et comme nous n’avons pas achevé l’étude du texte, nous avons le temps de le faire. Je dis cela afin de prendre date et m’inscris volontiers à vos côtés, chers collègues écologistes, pour produire dans cette affaire-là davantage de normes que n’en comporte la rédaction proposée. Il faut quand même, de temps en temps, se souvenir qu’ici on écrit la loi !
Pour faire vite et un peu caricatural, comment vivent certaines structures de l’ESS, par exemple une association ? Ou bien elle perçoit une subvention, qu’elle ne maîtrise absolument pas mais qu’elle est en revanche libre de dépenser comme elle le souhaite, comme cela est écrit dans les articles que l’on étudiera prochainement. Ou bien l’organisme détenteur des crédits lui dicte son projet dans le cadre d’un appel à projet. Dans ce cas-là, l’association n’a pas son mot à dire sur le projet lui-même.
Or nous savons que l’un des points forts de l’ESS, c’est l’innovation. Nous proposons donc que l’innovation soit en mesure de se manifester dans toute sa créativité par le biais d’un dialogue entre la structure de l’ESS d’une part et la structure de financement d’autre part. Il n’y a pas de flou ni de loup tapi dans l’ombre quelque part, c’est aussi simple que cela ! Il s’agit donc de créer ce qui est tout à fait dans l’esprit de l’ESS, c’est-à-dire une co-élaboration du projet entre la structure de l’ESS et l’organisme qui finance son travail.
L’amendement no 300 est adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 466 rectifié .
Il s’agit simplement de reconnaître l’existant en complétant l’article par l’alinéa suivant : « Pour assurer le développement de l’économie sociale et solidaire dans leur territoire, les régions peuvent avoir recours à des agences de développement avec lesquelles elles contractent », comme c’est le cas aujourd’hui. Plusieurs régions ont mis en place depuis des années, en lien avec les différents réseaux et acteurs du territoire, des agences régionales de développement chargées de l’animation et du développement de l’économie sociale et solidaire dans leur territoire. L’amendement vise à reconnaître le travail réalisé dans les régions et avec l’Association des régions de France, donc la place des agences régionales dans l’ensemble du dispositif.
Je tiens à vous remercier, madame la ministre, de présenter un amendement prenant en compte le rôle important des agences régionales de développement de l’ESS dans le projet de loi et leur lien avec les régions. J’ai moi-même déposé un amendement en ce sens, qui, curieusement, a été jugé irrecevable au titre de l’article 40. Si les CRES seront demain les interlocuteurs identifiés et solides à l’échelle de la région, il ne faut en aucun cas que la structuration ait lieu au détriment de l’existant, c’est-à-dire les réseaux régionaux d’acteurs qui se sont organisés et structurés au cours des dix dernières années sur le terrain.
Les agences régionales de développement disposent d’une vraie légitimité qu’elles ont acquise en favorisant l’émergence de nouveaux acteurs et en accompagnant les créateurs et les repreneurs d’activité tout en associant l’ensemble des pouvoirs publics et privés intéressés. Votre amendement, madame la ministre, garantit la reconnaissance du travail des agences régionales de développement de l’ESS qui bien entendu continueront demain à participer à sa structuration. Il envoie un message fort aux réseaux d’acteurs régionaux dont je ne doute pas qu’ils vous en seront reconnaissants.
Un message fort, je ne sais pas, mais une complexification et encore du doublon, certainement. Je souhaite pour ma part obtenir quelques explications sur l’amendement présenté par le Gouvernement. On y parle de « plusieurs régions », j’aimerais savoir lesquelles. Nous venons de parler des CRES et de leur donner une reconnaissance législative. Les régions comportant une agence de développement spécifique seront-elles dotées également d’une CRES ou les deux sont-elles exclusives l’une de l’autre ? Quel est le statut de ces agences, dès lors que l’on vient de dire que les CRES seront des associations ? Comment se financent ces agences ?
Sans doute, mais j’aimerais tout de même savoir comment elles se financent, car ce n’est quand même pas très clair. Nous venons d’accorder aux CRES une reconnaissance, mais quand je vois à quoi servent les agences, comme vous venez de le rappeler, chère collègue, je constate que l’on accumule du doublon. Je demande donc une explication. En outre, quand je lis dans l’exposé des motifs que « c’est ainsi chose faite par cet amendement qui résulte d’un travail effectué en lien avec l’ARF », j’ai le sentiment qu’il a suffi que tel ou tel exécutif régional lise le texte et vienne clamer qu’on l’a oublié pour que le Gouvernement inscrive l’amendement. J’aimerais donc obtenir des explications et que l’on m’explique comment cela va fonctionner : une région comportant une agence recevra-t-elle aussi une CRES, ou bien est-ce l’une ou l’autre ?
Dans son rapport public de 1991, le Conseil d’État écrivait : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite ». Cet amendement du Gouvernement à l’article 5 nous paraît justement relever du bavardage législatif. Si l’on considère que les agences régionales sont incontournables et qu’il faut absolument les inclure dans le dispositif, dans ce cas il convient d’écrire que « les régions doivent » – et non « peuvent » – « avoir recours à des agences de développement », et réfléchir à une mutualisation des moyens. On dit que gouverner, c’est choisir, mais il en est de même quand on légifère. Dès lors, il est permis de considérer que les structures préexistantes sont suffisantes et que, plutôt que d’en créer de nouvelles, il convient de choisir celle qui pourra porter le plus efficacement la stratégie mise en oeuvre.
En tout état de cause, la formulation « peuvent avoir recours » n’a aucune signification puisqu’elle n’implique précisément aucune obligation. Si l’objectif était d’envoyer un signal fort, il n’est pas atteint. Je ne vois pour ma part qu’un signal faible : on se contente de dire aux agences qu’elles existent et qu’on pourra éventuellement faire appel à elles. À l’inverse, il me semble que si l’on ne prévoit pas de faire systématiquement appel à ces agences, c’est que l’on considère qu’elles ne sont pas utiles, ou pas légitimes.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Sur les bancs d’en face, je vois certains de mes collègues faire des mouvements de brasse coulée. Pour ma part, j’ai plutôt l’impression que c’est ce texte qui est en train de couler lentement ! D’un côté, nous avons un discours présidentiel selon lequel il faudrait tout simplifier, de l’autre, un texte qui, sans cesse, ajoute de nouveaux acteurs qui se mettent en réseau
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
…créent des conférences et font de la concertation ! Avec tout cela, nous n’avons toujours pas parlé d’économie sociale et solidaire. Vous me dites que les agences existent déjà, mais la responsabilité politique, c’est aussi de savoir supprimer ce qui ne marche pas et de rationaliser ce qui coûte trop cher !
Je vais répondre…
Le Gouvernement souhaite, au moyen de l’amendement n° 466 rectifié , reconnaître ce qui existe déjà dans nos régions. Les agences régionales, qui n’ont pas toutes le même statut, sont là avant tout pour appuyer et accompagner les porteurs de projets dans l’économie sociale et solidaire. Ces agences, porteuses de responsabilités, sont dotées en conséquence : elles perçoivent des financements, à commencer par ceux provenant des régions ayant choisi de les accompagner. Aujourd’hui, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire sont des structures associatives qui accompagnent, encouragent et coordonnent le dialogue et l’animation en matière d’économie sociale sur l’ensemble du territoire : on a évoqué, dans ce domaine, les appuis à la formation ou la sensibilisation.
Les agences de développement ont, elles, une vocation tout à fait différente. La mention qui en est faite dans la loi a pour objet de rappeler l’existence sur le territoire de ces agences, ainsi que leur grande importance en matière d’appui aux porteurs de projets dans le domaine de l’économie sociale et solidaire – l’action de ces agences est, je le répète, très différente de celle conduite par les CRESS.
L’amendement no 466 rectifié est adopté.
L’article 5 B, amendé, est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 5.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
L’article 5 porte sur les pôles territoriaux de coopération économique – les PTCE –, constitués par le regroupement sur un même territoire d’entreprises de l’économie sociale et solidaire et d’autres instances, au service de projets communs, économiques et sociaux, innovants. L’alinéa 3 de l’article indique qu’un décret en Conseil d’État va fixer les modalités d’application et préciser notamment les critères d’attribution des appels à projets. Un appel à projets de 3 millions d’euros a été lancé, afin de financer la création et le développement de 23 lauréats sur trois ans.
Alors qu’il y a quelques instants, on a fixé dans la loi la fréquence des réunions d’un conseil régional, il est ici prévu de fixer par décret les règles qui vont permettre d’attribuer 3 millions d’euros à des pôles territoriaux de coopération économique. Pour ma part, j’aurais souhaité que les critères d’attribution d’une telle somme puissent être discutés dans le cadre de la loi. J’ai, dans mon département, l’exemple d’un parc éolien citoyen financé grâce à l’épargne solidaire, les Éoliennes en pays de Vilaine, qui semble présenter les caractéristiques requises pour être retenu. Toutefois, j’aurais bien aimé que les critères auquel on va se référer soient définis par la loi plutôt que sous la forme d’un décret.
Je voulais souligner toute l’importance pour les territoires ruraux des pôles territoriaux de coopérative économique dans le contexte difficile de crise économique que nous traversons, où l’innovation et l’inventivité doivent être au coeur de toute politique publique de développement économique et de solidarité. L’ESS est un levier particulièrement bien adapté à un territoire comme le Gers, où plus de 13 % des emplois privés dépendent du secteur de l’ESS, soit plus de 6 800 salariés. Au total, ce sont 928 établissements ou entreprises, dont 760 associations, 150 coopératives, 17 mutuelles et une fondation.
Grâce à ces nombreux acteurs, un projet de pôle des acteurs de l’ESS est en cours de création, avec l’appui de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de la région Midi-Pyrénées et du conseil général. Il est justement destiné à renforcer les liens entre les différentes composantes de l’ESS – associations, coopératives, banques mutualistes, mutuelles, fondations – et à mettre en place des formes de coopération permettant à nos entreprises de l’ESS de se développer et de développer les services rendus à la population et aux entreprises du territoire. Ce croisement des compétences mobilisables représentera pour notre territoire une plus-value collective et individuelle à laquelle notre département tient beaucoup.
On a beaucoup évoqué, depuis le début de l’examen du texte, les notions d’innovation sociale, de développement local durable, d’ancrage territorial de l’économie sociale et solidaire, de création d’emplois non délocalisables. Avec l’article 5 et la reconnaissance par la loi des pôles territoriaux de coopération économique, nous sommes dans la reconnaissance d’un outil concret, et non dans la « réunionite », monsieur Aubert !
Nous disposons dans nos territoires, je le répète, d’un outil concret de développement des emplois durables. La définition du texte, qui reprend celle qui avait été élaborée par le laboratoire de l’économie sociale et solidaire, permet à la fois la coopération des acteurs sur le terrain et, surtout, la mutualisation de leurs moyens.
Je veux remercier le rapporteur Yves Blein d’avoir choisi de mentionner, parmi les trois exemples cités dans son rapport, le cluster « culture et coopération » de Saint-Etienne, qui regroupe une vingtaine de structures des arts et de la culture qui coopèrent depuis 2005 pour animer la vie culturelle à Saint-Etienne. Ce cluster, qui représente 3 millions d’euros de chiffre d’affaires, 50 salariés et 250 employés intermittents est l’un des 23 lauréats du premier appel à projets qui avait été lancé par Cécile Duflot et Benoît Hamon en juillet dernier.
L’intérêt de cet article 5, madame Le Callennec, c’est aussi de dire que tous les PTCE auront une reconnaissance : ceux qui sont financés par l’État comme ceux qui le sont à l’échelon local. Lors du premier appel à projets, sur les 180 projets présentés, 130 ont été examinés, et seuls 23 lauréats nationaux ont été retenus. De l’article 5, tel qu’il a été modifié en commission des affaires économiques, il ressort bien que tous les PTCE peuvent être reconnus en tant de tels – la seule restriction portant sur le fait que les pôles territoriaux aidés par l’État seront soumis à des modalités spécifiques précisées par décret.
Le fait que nous soyons plusieurs, au sein de la majorité, à intervenir en soutien à l’article 5, me paraît significatif. Les pôles territoriaux de coopération économique constituent, à mes yeux, l’une des innovations majeures de l’économie sociale et solidaire apparues au cours des dernières années.
Je me félicite vraiment de l’existence de cet article 5 dans le projet de loi, et je voudrais saluer le travail des différents réseaux de l’ESS, qui ont permis le développement de la dynamique des PTCE – le labo de l’économie sociale et solidaire, que vient de citer notre collègue Régis Juanico –, le Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire et le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire. Je voudrais également dire qu’à mon sens, la dynamique des PTCE et la coopération qui se développe sur le territoire sont vraiment à la base d’une logique essentielle pour construire des stratégies de développement local à la fois solidaires et durables : ce sont là de nouveaux leviers destinés à jouer en faveur de l’égalité entre les territoires, ce qui constitue également un enjeu essentiel.
Pour terminer, je veux préciser deux points en réponse aux questions de Mme Le Callennec. Premièrement, l’article 5 consacre la reconnaissance effective des PTCE par la loi, ce qui leur donnera plus de poids pour se développer et se renforcer ; deuxièmement, tous les PTCE issus de dynamiques locales – le législateur ne fait que les reconnaître…
…pourront être soutenus, non seulement ceux qui le seront dans le cadre des appels à projets ministériels, mais aussi ceux qui, non retenus dans le cadre de ces appels à projets, pourront être soutenus par ailleurs – il y a eu des amendements bienvenus en ce sens.
L’article 5 définit le cadre législatif des pôles territoriaux de coopération économique – les PTCE. Il s’agit de reconnaître et de soutenir ces réseaux innovants, socialement et économiquement, à partir d’initiatives prises par des acteurs locaux. Nés dans des territoires où la culture du développement local est forte depuis plusieurs décennies, ils doivent beaucoup à l’évolution de projets issus de l’insertion par l’activité économique, de démarches de formations innovantes ou, plus récemment, d’initiatives nouvelles d’entreprises sociales.
Si cette action s’inscrit dans les politiques territoriales de l’économie sociale et solidaire et s’il est tout à fait pertinent de définir le cadre des appels à projets lancés par l’État, il est très important de reconnaître qu’il s’agit d’un concept et d’outils entièrement aux mains des créateurs ; il ne faut surtout pas chercher à normaliser ni à standardiser ces regroupements – surtout pas dans la loi, comme le demandait tout à l’heure Mme Le Callennec. Ils pourront regrouper des acteurs économiques très différents selon les territoires et selon l’objet poursuivi au sein du pôle territorial.
De plus, nous devons considérer que de nouveaux champs sont à explorer pour relancer des activités productives – ce que certains font déjà : je pense notamment à Romans, autour de la chaussure – qui ont besoin du temps long pour trouver leur solvabilité, mais aussi pour répondre à des préoccupations aussi prégnantes pour nos concitoyens que l’accès au logement, à l’énergie, à la mobilité, à l’information, à la formation tout au long de la vie, et caetera.
Les pôles territoriaux de coopération économique doivent être perçus comme des incubateurs de l’économie sociale et solidaire à venir. L’État doit soutenir ces pôles, mais il ne faut pas que les procédures de décision publique – en particulier dans le cas des appels d’offres – brident l’initiative locale, ne la cadrent trop. L’État doit, au contraire, s’attacher à susciter la créativité locale qui a permis l’émergence de la quasi-totalité des acteurs majeurs de l’économie sociale et solidaire depuis plusieurs décennies. Au-delà de l’accompagnement de l’État et des collectivités locales, il convient également de travailler d’ores et déjà à des ingénieries financières qui impliquent des fonds privés dans cette démarche d’incubation et de financement des temps longs.
Je voudrais également souligner tout l’intérêt de l’article 5 qui définit, sur le modèle des pôles de compétitivité, des pôles territoriaux de coopération économique. Ces pôles constitueront le prolongement des actions de coopération économique entre les acteurs et les entreprises de l’ESS d’une part, les collectivités d’autre part. Il permettra de reconnaître et de soutenir ces clusters qui sont à la fois innovants socialement et économiquement, et qui se distinguent des clusters classiques par le mélange entre les structures de l’ESS et les entreprises privées lucratives.
Ils s’en distinguent aussi par la stratégie de mutualisation qui les anime, mise au service de l’utilité sociale et du développement durable. Cette action relève du développement économique territorial de l’ESS, qui franchit un nouveau cap quantitatif et qualitatif, et passe d’initiatives disséminées de petite ampleur à un modèle économique véritablement pourvoyeur d’activité et d’emplois sur nos territoires, quels que soient les secteurs et les filières concernés. En résumé, l’article 5 représente une véritable opportunité pour nos territoires.
Nous sommes nombreux à intervenir sur l’article 5, car il contient des dispositions importantes. En effet, cet article a trait aux pôles territoriaux de coopération économique et est porteur d’un enjeu de premier plan : comme l’a dit à plusieurs reprises notre collègue André Chassaigne, nous partons du terrain pour faire émerger une économie qui a besoin d’être soutenue, tant au plan national qu’européen.
Ces PTCE revêtent une grande importance, car ils permettent d’associer non seulement des acteurs de l’économie sociale et solidaire, mais également des acteurs de l’économie dite classique qui vont, ensemble, définir des orientations et des objectifs communs et apprendre à travailler les uns avec les autres.
Comme l’a dit Benoît Hamon, alors ministre délégué, ainsi que vous-même, madame la secrétaire d’État, il peut arriver que certains opposent ces deux formes d’économie. Or, nous disposons ici d’un outil qui permettra, sur un territoire donné, à l’ensemble des acteurs économiques de se connaître, de travailler ensemble et de définir des objectifs communs, y compris en matière de recherche.
L’enjeu constitué par l’article 5 est donc primordial.
Madame la secrétaire d’État, nous allons bientôt aborder les débats budgétaires. S’il faut saluer la volonté du Gouvernement de reconnaître, dans ce texte, les PTCE, il conviendrait d’accroître, dans les prochaines lois de finances, les moyens financiers consacrés aux appels à projets, ce qui permettrait de financer un plus grand nombre d’entre eux, quand bien même certains peuvent être abondés exclusivement par les régions.
Dans la loi de finances pour 2014, le budget de l’économie sociale et solidaire était rattaché à la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ». Nous sommes nombreux à penser que, pour les prochains budgets, ces crédits pourraient être rattachés à la mission « Économie » : ce serait davantage sa place, notamment au regard du projet de loi actuel.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 48 , qui vise à supprimer l’article 5.
Nous ne souhaitons aucunement, par cet amendement, supprimer les PTCE mais nous nous opposons à la rédaction de l’article 5.
Je vous ai écoutés : vous vous targuez de la précision de cet article. Mais mettez-vous, un seul instant, à la place des acteurs économiques locaux, qui ne sauront pas comment interpréter ces dispositions.
L’alinéa 2 dispose que la sélection des PTCE sera décidée par un comité interministériel, après avis de personnalités qualifiées. Alors que vous vous félicitez de la précision du texte, l’alinéa 3 prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du précédent alinéa. Au lieu d’aider l’économie sociale et solidaire, vous vous livrez à de l’affichage pur, vous êtes dans la communication. Ces dispositions sont parfaitement inapplicables et ne veulent rien dire. Avec une telle rédaction, vous ne rendez pas service à l’économie sociale et solidaire.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons de supprimer cet article 5, complètement incompréhensible et inapplicable sur le terrain.
L’avis est défavorable puisque l’adoption de cet amendement conduirait à supprimer les pôles territoriaux de coopération économique.
Or, ce dispositif, qui a fait ses preuves, fait l’objet d’un fort investissement de la part des acteurs de l’économie sociale, qui le parent de nombreuses vertus.
Avis défavorable.
Je veux dire, après de nombreux intervenants, à quel point ces pôles territoriaux de coopération économiques sont porteurs d’innovation. Du fait de l’impulsion communiquée par les acteurs, il existe aujourd’hui une réalité de terrain extrêmement forte, grâce à une véritable mutualisation des moyens et des ressources collectives dans chacun des territoires concernés par les PTCE.
Le premier objectif poursuivi à travers la mise en place de ces PTCE a été de créer de l’emploi. Les acteurs de l’économie sociale et solidaire se sont mobilisés : l’impulsion a été donnée tant par le laboratoire de l’économie sociale et solidaire, avec Claude Alphandéry, que par l’ensemble des acteurs nationaux, pour construire des outils qui ont montré toute leur pertinence dès le premier appel à projets.
Dès ce stade, en effet, avec le concours de la Caisse des dépôts, les ministres concernés ont été animés par la quête de l’emploi durable et de la qualité de l’emploi et de l’environnement au sein de ces pôles ; on est ainsi parvenu, par la qualité de la mobilisation et de la mutualisation des acteurs, à une véritable reconnaissance collective.
Dès le premier appel, 130 projets ont été recevables ; 23 ont été retenus et vont être récompensés.
Au-delà de ces chiffres, il s’agit d’abord, à nos yeux, de la reconnaissance de l’innovation promue par les territoires et de la mobilisation d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, accompagnés, dans chaque périmètre, par des acteurs de l’économie classique. Cela a donné lieu, je le répète, à une véritable mutualisation, aux fins de création d’emplois, durables et de qualité, notamment au sein des nombreuses associations d’insertion par l’économique, qui prennent en charge des publics en difficulté et qui, par cette dynamique des territoires, se sont trouvées parties prenantes de politiques d’emploi.
On pourrait énumérer les exemples ; plusieurs intervenants en ont déjà présentés. Prenons le cas de l’économie industrielle locale : à Romans, dans la filière du cuir, il a été possible de mobiliser, à partir de l’économie locale, une série d’acteurs, pour maintenir l’activité.
Il y a aujourd’hui un véritable développement d’activités dans le cadre de ces PTCE. C’est pour cette raison que nous avons voulu les reconnaître, en les faisant bénéficier de l’accompagnement financier de l’État – même si l’on souhaiterait disposer de toujours plus de moyens – afin de leur permettre de promouvoir la création d’emplois durables et de qualité : ces pôles accompagnent parfois, en effet, des publics en difficulté.
On peut également citer, dans la région PACA, l’exemple du pôle de compétitivité consacré aux écomatériaux et à l’économie circulaire.
Je veux tout d’abord répondre à notre collègue Régis Juanico, qui affirmait qu’il ne s’agissait pas de bavardage ni de réunionite. J’en prends acte mais, dans la mesure où vous n’êtes pas intervenu sur les autres amendements, j’en déduis, par un raisonnement a contrario, que vous reconnaissez l’existence de la réunionite…
…s’agissant des autres institutions.
Vous n’accordez aucun moyen financier supplémentaire : vous vous contentez de labelliser ce qui existe déjà, tout en vous félicitant de la dynamique engagée. Je suis quelque peu contrit de voir que le législateur en est réduit, tel l’huissier, à constater mais pas vraiment à réfléchir ni à innover. Peut-être pourrions-nous réfléchir à ce qui existe déjà et aux moyens de l’améliorer ?
Je déduis de tout ce que vous dites qu’il n’y a aucune marge d’amélioration, qu’il n’est donc pas opportun de s’interroger sur d’éventuelles pistes, et qu’il faut absolument constater et labelliser ce qui existe déjà. Pourtant, en vous écoutant, plusieurs manières de faire progresser les choses me viennent à l’esprit.
Madame la secrétaire d’État, vous dites que ces dispositifs créent de l’emploi durable. On pourrait tenir un débat sur la question de savoir ce qu’est l’emploi durable. Depuis le rapport Brundtland de 1992, on emploie le terme « durable » à tout propos : j’aimerais bien que l’on parle parfois, tout simplement, de l’emploi.
Je veux bien vous laisser l’usage de l’expression « emploi durable » mais permettez-moi de vous demander combien cela coûte et combien d’emplois ont été créés.
En effet, si le principal est bien de créer de l’emploi, il faut également réfléchir à l’efficience de la dépense publique, c’est-à-dire, en l’occurrence, au rapport entre le montant que l’on met sur la table et le nombre d’emplois créés in fine. Il ne vous aura pas échappé que nous nous trouvons dans un contexte de réduction budgétaire. Or, à côté des dispositifs relevant de l’économie sociale et solidaire existent d’autres dispositifs appartenant à d’autres domaines. La question pour un gouvernement moderne est de déterminer le montant de l’aide à engager pour obtenir le meilleur effet sur l’emploi, durablement.
L’amendement no 48 n’est pas adopté.
Nous disons depuis le début de ce débat que l’économie sociale est très diverse : elle est constituée non seulement d’entreprises, mais également d’un grand nombre d’organismes à but non lucratif, qui ne se reconnaissent pas forcément dans l’appellation d’ « entreprise ».
C’est pourquoi cet amendement a pour objet, au premier alinéa de l’article 5 – mais ce devrait être le cas dans tout le texte – d’insérer, après le mot « territoire », les mots « d’organismes ou ». La rédaction du début du premier alinéa serait alors la suivante : « Les pôles territoriaux de coopération économique sont constitués par le regroupement sur un même territoire d’organismes ou d’entreprises de l’économie sociale et solidaire (… ) ».
Comme précédemment, monsieur le député, je vous invite à considérer le mot « entreprise » comme un terme générique qui englobe l’ensemble des acteurs de l’économie sociale, au sein duquel nous ne souhaitons pas introduire de distinctions. L’avis est donc défavorable.
Même avis.
Mme la secrétaire d’État pourrait-elle répondre à notre collègue Aubert sur le nombre d’emplois créés, afin que l’on puisse le rapporter, pour avoir une idée plus précise, aux 3 millions d’euros engagés en faveur du premier appel à projets, qui a couronné 23 lauréats ?
L’amendement no 354 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement no 299 rectifié .
Cet amendement a pour objet de reconnaître que les projets alimentaires territoriaux – dispositifs créés par la loi d’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt – sont, de fait, des pôles territoriaux de coopération économique dès lors qu’au moins une des entreprises les composant – qu’il s’agisse de producteurs, de transformateurs, de distributeurs, d’associations, de sociétés coopératives d’intérêt collectif ou de plate-formes de restauration, cette liste n’étant pas exhaustive – est partie prenante au projet alimentaire territorial et relève de l’économie sociale et solidaire.
Pour mémoire, les projets alimentaires territoriaux visent à rapprocher les acteurs des territoires dans le cadre d’une relation partenariale ou contractuelle, conciliant des objectifs de développement de l’agriculture dans les territoires et de qualité de l’alimentation répondant aux attentes des consommateurs. De fait, l’agriculture et l’alimentation sont au coeur des initiatives de l’économie sociale et solidaire, tant en ville que dans les territoires ruraux.
À titre d’exemple, en Loire-Atlantique, a été retenu un PTCE dans le bassin d’emploi du pays d’Ancenis, qui a pour objet la création d’une légumerie-conserverie favorisant les circuits de proximité des légumes bio et locaux et comportant un volet « insertion » important.
En Bergeracquois, de nombreuses associations et entreprises se mettent en mouvement : je pense par exemple à l’association de réinsertion « Question de culture », qui permet à des personnes de se reconstruire en pratiquant le maraîchage, le jardinage et la transformation de leurs légumes. Les légumes produits en surplus sont transformés en soupes et purées, vendues dans les magasins locaux.
Projets alimentaires territoriaux et PTCE sont animés par une même dynamique de relocalisation de l’emploi et de l’économie dans les territoires. Aussi cet amendement a-t-il pour objet d’assurer une cohérence entre les différents outils innovants mis en place par la loi d’avenir sur l’agriculture et le projet de loi en discussion, sans pour autant restreindre au seul sujet alimentaire le champ des PTCE.
Dans le texte, les PTCE n’ont pas vocation à être fléchés vers tel ou tel domaine d’activité économique, fût-ce un domaine de l’économie sociale et solidaire, comme c’est le cas ici, puisqu’il y a beaucoup d’autres champs d’activité de l’économie sociale et solidaire qui peuvent investir ce dispositif. Nous vous invitons donc à ne pas circonscrire telle ou telle mesure du texte. Le secteur agricole peut bien entendu s’approprier le dispositif, et il ne manque d’ailleurs pas de le faire, mais il ne figure pas dans l’objet de la loi. À quoi servirait-il de créer un comité interministériel pour sélectionner les dispositifs si on inscrivait par avance dans la loi l’éligibilité de droit d’un secteur en particulier ?
Je vous invite donc à retirer cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Même avis, madame la présidente : le PTCE n’exclut en rien le secteur agricole alimentaire.
Je tiens par ailleurs à rassurer les orateurs qui se sont interrogés sur le suivi des appels à projet dans le cadre des PTCE : les vingt-trois projets qui ont été sélectionnés seront suivis pour que nous soyons au rendez-vous de la création d’emplois dans les territoires concernés, tout simplement parce que c’est notre objectif à tous.
L’amendement no 299 est retiré.
La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement no 391 .
Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 392 .
Je pourrai ainsi m’assurer qu’il est opportun.
Il s’agit de substituer aux alinéas 2 et 3 un alinéa qui précise que le représentant de l’État dans la région et le président ou la présidente du conseil régional établissent ensemble les critères de sélection des projets et agréent les PTCE.
Parce que les pôles territoriaux de coopération économique sont avant tout des projets de territoire et incarnent des démarches territoriales ascendantes, il me semblait que la région, en tant que chef de file du développement économique et de l’innovation, était le bon échelon de responsabilité pour l’anticipation, la coordination et l’action en matière d’innovation sociale aux côtés du préfet et à égalité avec ce dernier.
Madame la députée, votre amendement créerait un défaut de parallélisme, puisque le comité interministériel qui agrée les PTCE serait tenu par la décision conjointe d’un président de conseil régional et d’un préfet, ce qui pose un problème. Cela étant dit, la réflexion et le choix des critères de sélection pourront avoir lieu en amont. Il faut toutefois laisser le comité interministériel décider seul. L’avis de la commission est donc défavorable.
Même avis, madame la présidente.
L’article 5 est adopté.
Nous en venons aux amendements à l’article 6.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 413 .
L’objet du présent amendement est de substituer aux mots : « ne sont pas conclus » les mots : « n’ont pas fait l’objet d’une décision d’ouverture de l’enquête publique » à la première phrase de l’alinéa 2.
Afin de ne pas alourdir le processus d’élaboration des contrats de développement territorial quand celui-ci est bien avancé, il est prévu que l’introduction du volet « économie sociale et solidaire » se fasse aussi dans le cadre du premier avenant pour les contrats qui ont fait l’objet d’une décision d’ouverture de l’enquête publique avant l’adoption de la présente loi.
En effet, la rédaction actuelle du texte contraindrait à relancer la procédure de l’enquête publique pour les contrats ayant déjà fait l’objet d’une telle enquête mais n’ayant pas encore été signés. L’amendement vise donc à éviter de retarder inutilement ces contrats prévus dans le cadre du Grand Paris.
L’amendement no 413 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 6, amendé, est adopté.
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement no 266 portant article additionnel après l’article 6.
L’amendement n° 267 revient sur le débat que nous avons déjà eu il y a quelque temps sur les moyens qui pourraient être attribués au secteur de l’ESS. Je regrette à cet égard que notre collègue M. Le Fur ne soit plus dans l’hémicycle, car il paraissait tout à l’heure être demandeur sur ce sujet.
Oui, mais c’est maintenant que nous abordons le sujet ! Il y a en effet une distorsion dans le champ de l’économie pour certaines entreprises de l’économie sociale qui ne relèvent pas du CICE. Si un certain nombre de coopératives, par exemple, sont éligibles à ce dispositif, d’autres structures ne le sont pas.
La loi prévoit d’ores et déjà la possibilité, pour certaines associations, d’être exonérées de la taxe sur les salaires dans la limite de 20 000 euros. Cependant, tout le monde reconnaît, y compris Mme la secrétaire d’État elle-même, puisqu’elle l’a mentionné lors de la présentation de ce texte, cela ne peut concerner que des petites structures. Le présent amendement propose donc, et il est gagé à cet effet, d’élever ce plafond à 30 000 euros, afin d’inclure davantage de structures dans ce dispositif, donc d’être plus juste vis-à-vis des acteurs de l’économie sociale et solidaire dont nous parlons depuis tout à l’heure.
Ce débat mérite toute notre attention, même si j’ai compris, au vu notamment du rapport de notre collègue Régis Juanico, que ce point reviendrait en discussion dans le cadre d’une loi de finances.
En effet, cher collègue, nous aborderons à nouveau ce sujet dans un débat de loi de finances.
La question de l’éligibilité au CICE des acteurs de l’économie sociale ayant été posée à plusieurs reprises au cours de nos discussions, je voudrais cependant vous remettre en mémoire les dispositions qui ont été prises, notamment sous l’impulsion de notre collègue Régis Juanico. Un effort important de 300 000 millions d’euros d’allégements de la taxe sur les salaires a été inscrit dans le budget de l’État. Un nombre considérable d’associations ne sont donc plus à ce jour assujetties à cette taxe.
Je voudrais vous rappeler également, et cela vaudra aussi pour M. Le Fur, que toute l’économie sociale n’est pas exclue de l’impôt sur les sociétés, puisque certaines entreprises de ce secteur, certaines associations, notamment, sont assujetties à l’impôt sur les sociétés et bénéficient donc du CICE.
Je suis enfin de ceux qui se réjouissent du fait que le travail qui a été entrepris en matière d’allégements des charges par le pacte de responsabilité bénéficiera à l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et contribuera à alléger leurs charges.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Même avis.
J’entends bien les arguments qui viennent d’être avancés : nous reviendrons sur ce débat en loi de finances. Je consens donc à retirer mes amendements.
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement no 268 .
Je tiens à m’arrêter quelques instants sur cet amendement, car je n’ai toujours pas compris pourquoi il n’avait pas été adopté en commission des affaires économiques. Ainsi que je l’ai indiqué dans mon propos général, je pense que la réflexion n’était pas aboutie sur ce sujet.
Je propose que les formations à l’entrepreneuriat dans le champ de l’économie sociale et solidaire soient éligibles au compte personnel de formation prévu par la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, que nous avons adoptée avec un fort intérêt voilà quelques semaines.
La liste des formations éligibles au CPF a été établie dans le cadre de la loi que je viens de citer, certes, mais puisque nous discutons d’un texte spécifique à l’économie sociale et solidaire, il me paraîtrait pertinent et important qu’un certain nombre d’acteurs présents ou futurs, salariés ou non, disposant d’un CPF puissent au moyen de ce dernier se former à l’entrepreneuriat de l’économie sociale et solidaire. Cela vaut pour celles et ceux qui dirigeront des entreprises ou des associations comme pour celles et ceux qui deviendront demain coopérateurs après avoir repris leur entreprise. Ainsi que je l’ai dit à plusieurs reprises, exercer la fonction de coopérateur n’est pas inné, cela s’apprend, on doit s’y former.
Votre initiative reviendrait à modifier, donc à remettre en cause l’accord national interprofessionnel, ce que nous ne souhaitons pas, puisque la loi du 5 mars 2014, adoptée très récemment, vient de retranscrire ce texte dans le droit après accord des partenaires sociaux.
Par ailleurs, le 1erjanvier 2015, le code du travail évoluera et définira de façon générale et transversale les formations qualifiantes que les salariés pourront choisir dans le cadre du CPF. Rien n’interdit que celles-ci concernent l’économie sociale. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’avis est défavorable : cela irait à l’encontre de l’ANI qui a été signé entre les partenaires sociaux.
Je ne voudrais pas prolonger inutilement nos débats, mais comme je connaissais l’argument qui vient de m’être opposé, je souhaite y répondre d’emblée. Chacun a le droit de justifier un avis défavorable, mais permettez-moi de vous dire que je trouve cet argument pour le moins surprenant.
J’ai en effet été chef de file du groupe écologiste sur la loi relative à la formation professionnelle, et je peux vous affirmer que les dispositions de ce texte ont largement modifié ce qui était inscrit dans l’ANI. En particulier, nous avons été nombreux à déplorer que le « hors-champ », notamment l’économie sociale et solidaire, ait été oublié dans l’ANI.
Nous avons, en tant que parlementaires, joué pleinement notre rôle en ajoutant dans le texte des dispositions prévoyant la possibilité que les représentants de ce secteur puissent être consultés à différents niveaux en matière de formation professionnelle.
Je demande donc simplement qu’une infime partie du texte soit modifiée afin que l’ensemble des formations propres aux métiers de l’économie sociale et solidaire puissent être éligibles au compte personnel de formation.
Parce que les arguments qui m’ont été opposés ne me paraissent pas justifier le retrait de mon amendement, je le maintiens, madame la présidente.
L’amendement no 268 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement no 269 .
Au moment où le Gouvernement et la majorité travaillent sur la place du dialogue social, il me paraissait important de faire en sorte que les représentants des entreprises de l’économie sociale et solidaire soient bien associés à l’ensemble des structures du dialogue social.
Nous venons de faire référence à l’accord national interprofessionnel, mais soyons clairs : celui-ci n’a réuni autour de la table que les syndicats salariés considérés comme représentatifs et les syndicats patronaux, dont les critères de représentativité n’ont toujours pas été arrêtés par la loi.
Je propose par cet amendement que l’UDES, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, soit intégrée comme un acteur à part entière dans les instances du dialogue social pour participer à l’élaboration des accords qui seront discutés à l’avenir. Ainsi, nous, parlementaires, n’aurons plus à intervenir pour pallier les oublis relatifs au « hors-champ », puisque ce secteur sera représenté aux différents niveaux de négociation.
Monsieur le député, vous le savez, un grand pas a été franchi pour les employeurs de l’économie sociale et solidaire : l’UDES a été reconnue comme organisation multiprofessionnelle et, à ce titre, est désormais assise autour de la table pour un certain nombre de négociations. Cette avancée était très attendue par les acteurs du secteur, et je tiens ici à saluer le travail des employeurs, qui se sont réunis et ont organisé les professions pour qu’elles puissent disposer d’un point de vue cohérent.
Néanmoins, le pacte de responsabilité est un accord national interprofessionnel ; il relève donc d’autres dispositifs et les organisations bénéficiant d’une reconnaissance multiprofessionnelle n’étaient pas associées à sa négociation. Si elles ont été consultées, certaines questions demeurent en suspens. En tout état de cause, celle que vous soulevez quant au dialogue social est désormais réglée grâce à la reconnaissance en tant qu’organisation multiprofessionnelle de l’UDES, qui a permis aux employeurs de l’économie sociale d’accéder à un niveau intéressant de représentation. L’avis de la commission est donc défavorable.
Défavorable. Le niveau interprofessionnel n’est pas ouvert aux acteurs multiprofessionnels. Je me réjouis cependant que l’UDES ait pu participer à l’élaboration de la loi sur la formation professionnelle.
Je voudrais expliquer brièvement pourquoi je ne vais pas retirer cet amendement.
J’ai rencontré les représentants de l’UDES, lesquels essaient de modifier leur structure, puisque, pour l’instant, l’organisation n’est pas « représentative », au sens classique du terme, c’est-à-dire comme peuvent l’être le MEDEF, le CGPME ou encore l’UPA. Les représentants de l’UDES, disais-je, essaient de faire évoluer leur structure pour participer au dialogue social tel qu’on le pratique dans le cadre des accords nationaux interprofessionnels. Je maintiens donc cet amendement qui a reçu l’aval des personnes concernées. Nous aurons peut-être l’occasion d’évoquer de nouveau cette question à propos d’autres textes.
L’amendement no 269 n’est pas adopté.
Je suis saisie d’un amendement no 355 portant article additionnel avant l’article 7.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour le soutenir.
Il s’agit, une fois encore, d’ajouter les mots : « organismes ou ». Je recevrai donc certainement la même réponse que tout à l’heure. Je persiste cependant à dire qu’un certain nombre d’acteurs de l’économie sociale et solidaire ne se reconnaissent pas dans le terme « entreprise ».
Défavorable, pour des raisons juridiques : on ne saurait conforter dans le texte la personnalité morale de ces organismes.
L’amendement no 355 n’est pas adopté.
Loin de moi l’idée de vouloir prolonger nos débats sur la question des entreprises de services à la personne, dont nous avons longuement discuté hier, mais l’article 7 définit le type de structure qui pourra bénéficier de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ».
Il ressort clairement de nos débats d’hier que ce sont les DIRECCTE qui auront la responsabilité de délivrer ce sésame. Or on voit bien les contraintes qui résultent de la définition et des conditions que vous additionnez pour la délivrance de l’agrément ; nos amendements ont pour objet de les alléger.
Nous pensons, et l’avenir nous donnera certainement raison, que vous allez exclure du champ de l’agrément toute une série de structures et d’entreprises ayant une utilité sociale. Or, comme vous l’avez dit, cela ne suffit pas : il faut répondre à des critères extrêmement stricts. Nous craignons que vous ne portiez, sinon un coup fatal, du moins un mauvais coup – un de plus – à de nombreuses entreprises qui évoluent dans le secteur des services à la personne.
Ces entreprises emploient souvent des personnes qui ont vraiment besoin de travailler. On parle souvent de ceux qui interviennent dans des familles aisées pour donner des cours de rattrapage à des enfants, mais il y a aussi ceux qui travaillent pour des couples modestes – ce sont souvent les mêmes. Si votre volonté, à travers ce projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, est de favoriser l’emploi, il y a donc, selon nous, un risque avéré de faire, en réalité, le contraire.
Comme vient de le dire ma collègue Mme Le Callennec, cet article semble orienté exclusivement vers les entreprises. D’ailleurs, l’agrément porte le nom d’« entreprise solidaire d’utilité sociale ». Or, il peut être attribué à d’autres entités, telles que les services de l’aide sociale à l’enfance, les régies de quartier ou encore les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, qui ne sont pas des entreprises.
Dans un souci de précision et de bon sens, et afin de remédier à cette approximation, mon amendement tend donc à introduire les termes « organisme solidaire d’utilité sociale ».
Parmi les critères retenus pour l’agrément, il y en a un qui me met mal à l’aise : « La charge induite par son objectif d’utilité sociale a un impact significatif sur le compte de résultat ou la rentabilité financière de l’entreprise ».
Cela laisse à penser que l’utilité sociale est forcément synonyme de pertes financières : en gros, ce serait un boulet pour la trésorerie de l’entreprise. Voilà une drôle de conception pour un texte censé promouvoir l’ESS. Cela signifie que, si une entreprise remplit ses objectifs sans engendrer de pertes, elle risque de ne pas pouvoir obtenir l’agrément. Admettez que c’est absurde ! On peut très bien imaginer qu’une entreprise poursuive des objectifs d’utilité sociale sans que cela nuise à sa rentabilité.
Je trouve, mon cher collègue, que vous faites un raccourci un peu rapide. Ce n’est pas parce que la charge induite par l’objectif d’utilité sociale a un impact sur le compte de résultat d’une entreprise que celle-ci se trouve en déficit. Cette charge a un impact, ce qui signifie tout simplement que l’on voit, dans le compte de résultat de l’entreprise, le poids lié à l’activité qu’elle exerce. Cela n’implique nullement que cette activité engendre des pertes. Avis défavorable.
Défavorable également.
Monsieur le député, vous semblez craindre que l’application de cette condition ait pour effet d’inciter les entreprises concernées à engendrer des pertes financières.
Votre proposition d’amendement résulte d’une mauvaise lecture de l’alinéa 4, car vous faites l’amalgame entre l’impact sur la rentabilité financière et les pertes financières.
Or l’alinéa 4 a pour objectif de favoriser l’accès à l’agrément des entreprises dont le modèle économique intègre une utilité sociale ayant un impact significatif, ce qui la différencie d’une entreprise classique. De fait, l’entreprise candidate à l’agrément pourra présenter une faible rentabilité financière. C’est notamment le cas de très nombreuses associations, fort heureusement accompagnées par France Active.
Toutefois, les critères prévus par l’alinéa 4 rendront également éligibles à l’agrément des entreprises présentant à la fois une très forte utilité sociale et une certaine rentabilité économique. Aucun de ces critères n’aurait pour effet d’inciter les entreprises agréées solidaires à engendrer des pertes financières.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
J’ai été sensible à l’argument de M. Tardy : il n’est pas très heureux de dire dans la même phrase que l’utilité sociale peut altérer la rentabilité financière et qu’elle doit représenter une proportion importante des charges. L’un n’implique pas forcément l’autre. Certes, les charges découlant de l’utilité sociale doivent avoir une place importante dans le compte de résultat : si tel n’était pas le cas, cela signifierait que l’utilité sociale n’est pas l’activité principale de l’entreprise. Pour autant, cela n’est pas forcément lié à une faible rentabilité financière. Nous aurions peut-être intérêt, d’ici à la fin de la navette, à dissocier ces deux idées – j’en fais du moins la suggestion au rapporteur.
L’amendement no 8 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 320 .
L’alinéa 6 vise à déterminer un plafond établi en faisant la moyenne des sommes versées aux cinq personnes les mieux rémunérées de l’entreprise. Ce plafond ne peut excéder sept fois le SMIC ou le salaire minimum de branche, si celui-ci est supérieur. Cette disposition est assez peu restrictive si l’on songe à l’écart existant entre une personne rémunérée au SMIC et l’une des personnes visées, laquelle peut percevoir un salaire bien plus élevé que sept fois le SMIC, puisque l’on se fonde sur une moyenne.
Nous proposons donc que la moyenne soit établie, non pas sur les cinq, mais sur les trois personnes les mieux rémunérées, de manière à modérer un peu plus la différence entre un salarié payé au SMIC et les personnes les mieux rémunérées.
Il s’agit déjà là, madame Bonneton, d’une disposition très modératrice. De plus, elle a fait l’objet d’un dialogue avec les acteurs du secteur : nous nous sommes assurés que la formulation leur convenait, ce qui est le cas. J’émets donc un avis défavorable à votre amendement.
L’amendement no 320 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement no 270 .
Cet amendement rejoint un texte qui nous est cher – je veux parler de la proposition de loi sur les filiales.
Il y a, pour l’essentiel, dans le champ de l’économie sociale et solidaire, des gens qui défendent des valeurs. Cela dit, les règles existant en matière de marchés publics – notamment les clauses sociales découlant des articles 30 et 14 du code des marchés publics – conduisent un certain nombre d’entreprises et non des moindres, y compris des multinationales dont je tairai le nom, à créer des filiales intervenant dans le champ de l’insertion par l’activité économique, à savoir des entreprises de travail temporaire d’insertion, les fameuses ETTI, afin de décrocher des marchés.
Si l’on pousse jusqu’au bout la logique de l’article 7, ces filiales de grands groupes, qui ne participent pas vraiment – c’est le moins que l’on puisse dire – de l’esprit de l’économie sociale et solidaire, pourraient faire valoir qu’elles appartiennent au champ de l’insertion par l’activité économique et qu’elles bénéficient donc de plein droit de l’agrément, se retrouvant ainsi au milieu des entreprises qui, quant à elles, sont vraiment visées par cet article. Entendez-moi bien : ces filiales ont parfaitement le droit d’exister, mais on est là, à strictement parler, en dehors du champ du présent texte.
Conformément à l’esprit du texte sur les relations entre les entreprises et leurs filiales, sur lequel nous travaillons, cet amendement vise à exclure une entreprise du dispositif, dès lors qu’il est prouvé qu’il existe une relation directe entre elle et une grande entreprise n’ayant pas le moindre lien direct avec les valeurs de l’ESS.
Monsieur Cavard, votre amendement risquerait de ne pas permettre à certaines entreprises, aujourd’hui incluses dans le périmètre de l’économie sociale – en vertu des agréments existant – de créer des filiales. Il ne me semble donc pas très utile de le retenir. En outre, très sincèrement, je ne vois pas l’intérêt qu’auraient des entreprises n’ayant pas d’utilité sociale à s’évertuer à répondre à des critères – dont on n’a de cesse que de ne nous dire qu’ils sont trop contraignants – pour prendre des parts de marché qui sont naturellement celles de l’économie sociale et solidaire. On peut, en la matière, faire confiance aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire : elles seront attentives à ce que les « faux nez » dont vous parlez n’aient pas de place. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Votre crainte, monsieur le député, est que l’agrément soit détourné ; je voudrais la lever. En effet, il existe au moins deux garde-fous dans ce texte.
Le premier résulte de la possibilité, ménagée à l’article 1er du projet de loi, de sanctionner la création de filiales alibis. Les grandes sociétés commerciales qui ne répondront pas aux exigences posées à l’article 1er ne pourront pas bénéficier de l’agrément solidaire. Cet article est construit de telle sorte que ces grandes sociétés, non éligibles à l’agrément, ne puissent en aucun cas tirer avantage du fait que l’une de leurs filiales aurait reçu cet agrément. C’est aussi important, car, si de grandes structures commerciales tentaient de s’appuyer sur des filiales alibis, elles tomberaient sous le coup des dispositions prévues au III de l’article 1er. Ces dispositions ont donc été rédigées de manière à permettre aux pouvoirs publics de sanctionner l’usage abusif qui pourrait être fait de la qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire. La menace de telles sanctions empêchera la création de filiales alibis ayant pour but de détourner le dispositif.
Le second garde-fou résulte du degré élevé d’exigence imposé aux sociétés commerciales à l’article 1er du projet de loi. Il sera ainsi impossible à de telles sociétés commerciales de continuer à reverser à leurs actionnaires des dividendes importants tout en répondant aux exigences de cet article.
Nous avons donc souhaité éviter la création de filiales alibis. Il me semble que, dans sa rédaction actuelle, le texte est bien bordé.
Je trouve l’argument du rapporteur très juste : l’amendement pourrait créer une distorsion en empêchant la création de filiales dans le champ de l’économie sociale et solidaire. Je rejoins également Mme la ministre lorsqu’elle explique que de nombreux garde-fous sont prévus. Je précise que je ne visais pas les sociétés commerciales, car je suis favorable, depuis le départ, à ce que l’on accueille à l’article 1er ceux qui adhèrent aux valeurs de l’économie sociale et solidaire.
J’ai parlé des entreprises du champ de l’insertion par l’activité économique – j’ai été précis, madame la ministre, allant jusqu’à citer les entreprises de travail temporaire d’insertion, les fameuses ETTI. Celles-ci sont créées par de grands groupes, pour répondre aux clauses des marchés publics. Ces structures auront de droit l’agrément, parce qu’elles sont citées dans l’article 7, et elles seront éligibles aux marchés réservés, visés à l’article 9.
Je suis prêt à retirer cet amendement, mais je voudrais mettre à profit le temps de la navette pour réfléchir au moyen d’éviter que certaines entreprises, que nous connaissons, ne puissent accéder, de droit, aux moyens que donne l’agrément.
L’amendement no 270 est retiré.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 315 .
Cet amendement vise également à combattre d’éventuels détournements. En effet, il n’est pas exclu que des entreprises créent des filiales, que je qualifierais de « cosmétiques », répondant aux critères de l’ESS. Cela leur permettrait de redorer leur propre image, de bénéficier par ricochet des avantages de l’ESS ou plus simplement, pour des raisons de marketing, de jouer sur le nom donné à la filiale, proche de celui de la société mère. Cela constituerait un détournement fâcheux.
Par conséquent, nous proposons de préciser que les filiales directes ou indirectes de sociétés mères qui ne répondent pas aux critères fixés par le présent article ne peuvent prétendre à cet agrément.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Les critères qui figurent dans le texte sont suffisamment précis pour éviter les dérives, et les garanties prévues sont suffisantes pour éviter tout contournement. Il ne faut pas se faire peur en soulevant ce qui semble être un faux problème.
Ces sociétés qui seraient créées pour faire remonter des dividendes ne passeraient pas l’article 1er. Avis défavorable.
Si détournement il devait y avoir, ce serait plutôt pour améliorer l’image de la société mère aux yeux du consommateur. Cet amendement vise donc à protéger le consommateur en évitant qu’il ne soit abusé. Le risque est réel, et il faudra réfléchir, durant la navette, à la façon de s’en prémunir. En attendant, je retire cet amendement.
L’amendement no 315 est retiré.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron