La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, en l’état actuel du droit, il n’y a pas de présomption de parentalité, sur le modèle de la présomption de paternité, pour le conjoint de même sexe. Néanmoins, après le mariage et l’adoption homosexuels…
…savoir une forme de co-éducation, voire de co-parentalité pour le tiers – qui, donc, n’exclut pas forcément le conjoint de même sexe –, je pense qu’il est très important de sanctuariser ce refus de la présomption de parentalité, ne serait-ce que pour clarifier la position du Gouvernement qui sur ce sujet était un peu ambiguë. Si ce n’est celle du Gouvernement, la position des socialistes l’est, d’autant que l’amendement de vos alliés écologistes qui va être examiné juste après le mien vise justement à décider l’inverse.
Et puis, il faut lever les inquiétudes au sujet d’une éventuelle légalisation de la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes, qui commence peu à peu à se profiler.
C’est pourquoi je propose que soit inscrit dans la loi : « Si l’enfant est conçu ou né pendant le mariage d’un couple composé de deux femmes et dont le père est décédé ou inconnu, la parenté demeure exclusivement conférée à la mère biologique. »
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 621 .
J’ai cru comprendre qu’un point pouvait réunir l’ensemble des parlementaires : le souci de la protection et de l’intérêt de l’enfant. « L’intérêt supérieur », dit l’opposition depuis le début de notre discussion.
Je crois que sécuriser la filiation doit être une préoccupation pour nous tous. Nous ne pouvons ni ignorer les nouvelles géographies familiales, ni rendre les enfants responsables des choix de leurs parents. Avoir ouvert les portes des mairies aux couples de même sexe tout en refusant, comme le fait aujourd’hui le Gouvernement, de traiter la question de la filiation au sein de ces mêmes couples est à la fois périlleux et hypocrite, je l’ai dit en commission.
Les codificateurs de 1804 avaient enfermé la filiation dans l’institution matrimoniale. Loin de l’obsession biologique, et contrairement à ce qu’on nous a dit, la filiation d’un enfant ne découlait pas de l’engendrement, mais de l’institution matrimoniale elle-même. Nous savons que la filiation a connu des modifications. Elle s’est unifiée, d’ailleurs, grâce à l’égalisation des filiations légitimes et naturelles, puis est apparu le principe du maintien d’une co-parentalité après séparation.
Je crois que le législateur aurait dû, quand il a ouvert le mariage civil aux couples de même sexe, aller jusqu’au bout de son travail de codification. Loin d’exclure ou de hiérarchiser, nous aurions dû procéder à une réforme de la filiation qui fasse coexister à égale dignité trois modalités d’établissement de la filiation : l’engendrement par procréation, l’adoption et l’engendrement avec tiers donneur. C’est d’ailleurs à cette conclusion que sont arrivés les rapports qui ont été remis au Gouvernement.
Nous aurions pu choisir une des propositions figurant dans le rapport Filiation, origine et parentalité, qui propose, pour tous les couples indistinctement, une déclaration anticipée de filiation à l’état civil. Cette solution me paraît à la fois pertinente et juste, en ce qu’elle traite les enfants de manière totalement égalitaire, indépendamment des parents.
Nous avons fait le choix contraire, d’abord parce que cette mesure aurait pu donner lieu à des débats un peu stériles. Nous avons fait le choix de permettre un élargissement de la présomption de paternité ; nous proposons en fait une présomption de parenté, dans le cas d’un couple de femmes mariées, pour un enfant qui résulterait d’un projet parental commun et qui n’aurait pas de filiation paternelle connue, afin que la filiation et les droits des deux mères soient bien reconnus.
Un certain nombre d’enfants, je le rappelle, « résultent d’un projet parental commun », notion qui figure dans l’arrêt du 20 octobre 2011 de la cour d’appel de Paris.
Sécuriser la filiation de ces enfants-là est une nécessité. D’ailleurs, les décisions de Versailles nous le rappellent et je crois que, contrairement au Gouvernement, le législateur, lui, doit prendre ses responsabilités.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Sur l’amendement n° 683 , ce sera un avis défavorable. Je pense que nous avons déjà répondu au sujet d’un projet de loi il y a un an.
L’amendement n° 621 de M. Coronado, qui a été repoussé par la commission, vise à créer une présomption de parenté lorsqu’un enfant a été conçu ou est né après le mariage d’un couple composé de deux femmes. Il s’inspire de la présomption de paternité prévue à l’article 312 du code civil.
En plus, comme vous l’avez dit, il fait suite à trois jugements rendus par le tribunal de grande instance de Versailles le 29 avril dernier, refusant l’adoption par la conjointe de la mère d’un enfant conçu par le biais d’un protocole de procréation médicalement assistée en Belgique, au motif que « le procédé qui consiste à bénéficier à l’étranger d’une assistance médicale à la procréation interdite en France, puis à demander l’adoption de l’enfant, conçu conformément à la loi étrangère mais en violation de la loi française, constitue une fraude à celle-ci et interdit donc l’adoption de l’enfant illégalement conçu ».
Je comprends tout à fait les intentions des auteurs de l’amendement. Je les invite cependant à le retirer, pour plusieurs raisons. La première et la plus importante est qu’il ne s’agit que de jugements isolés, rendus par une juridiction de première instance. D’autres jugements ont été rendus par d’autres juridictions en sens contraire, respectant ainsi la loi que nous avons votée l’année dernière.
Les jugements du tribunal de grande instance de Versailles ne reflètent pas l’état du droit dans notre pays et ils font d’ailleurs l’objet de recours. Si nous étions en présence d’une jurisprudence établie, convergente et qui ne soit pas qu’en première instance, la situation serait différente. Mais à ce stade, il serait prématuré de légiférer dans l’urgence pour répondre à ces jugements, quelques semaines après qu’ils ont été rendus.
Ce serait à mon avis leur accorder trop d’importance juridique, car je sais que pour les personnes concernées, ces jugements, même non définitifs, ont des conséquences.
La seconde raison est que l’amendement proposé concerne l’adoption et la filiation, qui ne sont pas des sujets abordés par la présente proposition de loi. Le texte choisi n’est sans doute pas le bon. Une autre proposition de loi sur l’adoption est en préparation au Sénat. Je pense que ce débat, s’il devait avoir lieu, aurait davantage sa place durant l’examen de cet autre texte.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, pour donner l’avis du Gouvernement.
Le Gouvernement, comme vous le savez, est attaché à l’application, au respect et à l’esprit de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe : toute l’application de la loi, rien que l’application de la loi.
Pour cette raison, avis défavorable à l’amendement de Mme Marion Maréchal-Le Pen qui vise à remettre en cause ce qui a été voté il y a un an.
Souhait de retrait de l’amendement de M. Coronado, sinon avis défavorable : l’objet de ce texte n’est pas de rouvrir le débat sur l’accès des couples de femmes à la procréation médicalement assistée et sur ses conséquences juridiques. Nous préférons attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique à la fin de l’année.
Évidemment non ! Les réponses faites par la rapporteure sont pour le moins erronées. Cet amendement ne découle pas, contrairement à ce que vous venez de dire madame la rapporteure, des décisions en première instance des tribunaux de Versailles. Vous le savez très bien, puisque si vous aviez bonne mémoire, vous auriez pu vous rappeler que cet amendement avait déjà été déposé durant le débat sur l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.
Pourquoi avait-il été déposé ? Parce qu’à partir du moment où on ouvre le mariage civil, il faut traiter la question de la filiation des enfants nés au sein de ces couples. Quand deux femmes décident d’avoir un enfant, il y a certes l’une qui va le porter, qui va accoucher, mais l’enfant est en fait celui de ces deux femmes.
Cette question-là, quoi que vous en disiez, doit être réglée par le législateur. C’est un projet parental d’intention. Cela figure dans la décision de la Cour de cassation. Répondre à côté et renvoyer à un autre texte, on sait ce que ça donne : c’est un enterrement de première classe.
Madame la secrétaire d’État, excusez-moi : je ne rappellerai pas mot pour mot les propos de M. Binet qui, en tant que rapporteur, nous avait dit qu’il n’y avait aucune possibilité d’interprétation qui pourrait, en recourant à la notion de fraude à la loi, s’opposer à un projet parental commun.
Vous avez ouvert les mairies aux couples de même sexe et vous refusez, de manière totalement hypocrite, de traiter la question de la filiation. Vous refusez, finalement, de sécuriser la filiation de ces enfants et d’instaurer un traitement égalitaire pour tous les enfants, qu’ils soient nés de couples hétérosexuels ou de couples homosexuels. Vous avez créé de faux espoirs et aujourd’hui vous laissez ces couples qui portent des projets de famille, des projets parentaux, devant la justice, sans aucun recours et sans aucune protection de la loi. C’est une façon de se défausser de l’engagement que vous avez pris à l’époque, ici même, dans cet hémicycle.
Je suis heureux que nous ayons ce débat : nous allons peut-être enfin sortir de l’ambiguïté de la loi sur le mariage de personnes de même sexe.
En ce qui me concerne, j’ai toujours déconnecté la question de la reconnaissance des couples homosexuels – et j’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi en faveur d’une alliance civile célébrée en mairie – de la question de ses conséquences en termes de filiation.
Je voudrais dire à M. Coronado qu’il ne peut pas placer l’ensemble des situations sur le même plan. Il dit qu’il veut créer une double parenté parce qu’il y a une filiation engendrée par un tiers donneur : ce tiers donneur, il existe, vous ne pouvez pas le faire disparaître. Il y a un droit reconnu par la Convention de New York sur les droits de l’enfant que vous avez systématiquement méprisé et piétiné : c’est le droit à connaître ses origines, le droit à pouvoir établir un jour une filiation avec son père ou sa mère biologiques.
Vous nous dites que la seule solution pour qu’un enfant soit heureux quand il est élevé par deux femmes, sa mère et la compagne ou l’épouse de sa mère, c’est la parenté et la filiation. Permettez-moi de vous dire que je ne suis absolument pas d’accord :…
…un enfant peut vivre très heureux dans un couple homosexuel, mais il est élevé par son père ou par sa mère, et par le mari ou l’épouse ou la compagne ou le compagnon de son père ou de sa mère. Ne le privez pas de la possibilité d’établir un jour une filiation en dehors. Celui qui vit avec son père ou sa mère est justement ce beau-parent dont on parle dans cette proposition de loi. Vous voyez bien qu’en travaillant sur le statut du beau-parent, peut-être pas de la façon dont vous l’avez abordé, on pouvait régler cette question de la situation de l’enfant vivant dans un couple homosexuel.
Je dirai pour conclure que, s’agissant de la PMA et de la GPA, il faut sortir de l’ambiguïté et de l’hypocrisie : j’ai d’ailleurs déposé des amendements en ce sens. On ne peut pas dire qu’on interdit la PMA et la GPA en France, et accepter, voire encourager, avec la circulaire Taubira, le recours à la PMA et à la GPA à l’étranger, en lui faisant produire des effets de droit en France.
Pour moi, et je veux terminer par là car c’est un point extrêmement important,…
…il y a incontestablement fraude à la loi quand on a recours à la PMA et à la GPA à l’étranger, pour, à travers la loi que vous avez votée, rendre prisonnier un enfant d’une double filiation définitive – car il s’agit d’une adoption plénière – associant deux hommes ou deux femmes.
Je voudrais avoir votre point de vue sur cette question et sachez que si vous ne répondez pas maintenant, cette question reviendra dans les débats, que vous le vouliez ou non, ce soir ou plus tard.
Ces amendements soulèvent de nombreuses interrogations.
Tout d’abord : je ne comprends pas pourquoi ils sont soumis à une discussion commune, leur sens ni leur finalité n’étant les mêmes.
Par ailleurs, l’amendement n° 621 va bien dans le sens de ce que vous avez commencé à lancer sans peut-être le savoir vous-mêmes lors de la précédente loi : le complet découplage entre la conception biologique d’un enfant et son apparition au sein d’un couple.
Monsieur Coronado, pourquoi privilégier les couples de femmes par rapport aux couples d’hommes ? Pourquoi autoriser aux femmes ce que vous interdisez aux hommes ?
À la limite – nous l’avons déjà dit –, rien n’empêche la conception d’un enfant avec cinq personnes : ainsi de deux femmes, soit ménopausées, soit stériles, qui vivent ensemble et qui feront concevoir un enfant par une mère porteuse après un don de gamètes par deux donneurs.
Lors de la discussion de la loi dite du mariage pour tous, nous avions déjà soulevé ce genre de difficultés, ce découplage extrêmement inquiétant et profond pour l’humanité entre le biologique et le social. À terme, vous êtes en train de fabriquer une humanité à deux vitesses : celle qui sera née du ventre d’une femme et conçue par la rencontre entre un homme et une femme ; celle, totalement découplée de toute sexualité, née indépendamment de tout lien biologique.
Cela ne relève pas de la science-fiction : nous serons très vite confrontés à ce type de situation. Je pense que nous arriverons très certainement à récupérer le matériel génétique d’un ovule pour l’implanter dans un second.
De ce fait, le principe masculin disparaîtra et je ne vois pas au nom de quoi, en Californie ou ailleurs, certains ne mettraient pas en place de tels process.
Ce que vous dites n’est pas scientifique ! Faire un enfant avec deux ovules ? N’importe quoi !
En l’occurrence, nous sommes confrontés à l’hypocrisie habituelle de Mme la garde des sceaux, qui interdit sur le territoire national ce qui doit l’être mais qui l’autorise à l’extérieur. Et ce n’est pas fou : compte tenu du désir d’immortalité de l’être humain, nous serons forcément en présence, un jour, de cette nouvelle humanité.
Monsieur Coronado, pourquoi interdisez-vous donc aux couples d’hommes ce que vous autorisez aux couples de femmes ? Vous êtes ainsi à la fois incohérent et illogique : vous parlez d’égalité et vous créez une inégalité fondamentale qui renvoie à la différence des sexes.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
…mais qu’il faut tirer les conséquences de ceux que nous avons eus, je retire l’amendement n° 667 .
L’amendement no 667 est retiré.
Je le retire également mais je me permettrai d’insister sur l’amendement n° 674 , madame la présidente.
L’amendement no 671 est retiré.
Il concerne la question de l’adoption.
Nous savons que beaucoup de couples, d’hommes et de femmes, espèrent et attendent parfois vainement qu’un jeune enfant adopté puisse rejoindre leur famille. Ils risquent ainsi d’être soumis à une concurrence qu’ils jugent pénalisante de la part de couples homosexuels qui, eux aussi, peuvent être dans la même situation.
Cet amendement vise donc à prévoir expressément dans la loi qu’aucun quota ne pourra être mis en place pour favoriser les adoptions par des couples de même sexe, même si l’on constatait un faible nombre, voire une absence d’adoption par les couples de même sexe.
Des problèmes se posent, en effet, vis-à-vis d’un certain nombre de pays qui ont décidé de ne plus nous confier des enfants à adopter parce qu’ils considèrent – tel est leur libre choix – qu’il y a un risque que ces enfants soient finalement élevés par des couples homosexuels.
Voilà pourquoi nous devons prendre des précautions, non pas tant, d’ailleurs, pour défavoriser des couples homosexuels que pour conférer certaines priorités, qu’on le veuille ou non, aux couples d’hommes et de femmes qui aspirent à adopter.
J’ai du mal avec cet amendement, monsieur Le Fur.
Soit vous êtes de mauvaise foi
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
…sous une bonne, soit vous avez une bonne intention et vous la cachez bien !
En tout cas, monsieur Le Fur, nul n’a jamais imaginé l’idée d’instaurer des quotas.
Alors, qu’est-ce qui vous empêche de spécifier qu’il n’y aura pas de quotas ?
Laissez-moi parler !
Nous parlons de l’adoption. Derrière l’adoption, il y a des couples et des enfants.
J’apprécierais que ce soir, dans cet hémicycle, on ne relance pas de faux débats. Certains couples ayant adopté se sont sentis meurtris voilà un an. Eh bien, je leur exprime toute ma solidarité ! Arrêtons avec ce genre d’amendements !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Défavorable.
L’amendement de notre collègue Le Fur fait référence à une réalité que nous avions déjà évoquée.
De nombreux enfants pouvant être adoptés vivent dans la Fédération de Russie, laquelle a décidé qu’elle n’autoriserait pas leur adoption par des couples de même sexe. C’est une réalité, et cette réalité entraîne une diminution des possibilités d’adoptions pour l’ensemble des couples.
Je ne vois donc pas en quoi l’amendement de notre collègue jetterait l’opprobre sur un type de couples par rapport à un autre : il s’agit simplement d’une réalité.
Si vous considérez que certaines choses relèvent de la science-fiction, je fais quant à moi absolument confiance à l’inventivité du génie humain pour poursuivre certaines recherches et franchir des barrières éthiques que la suite des textes fera littéralement sauter, en conséquence logique de la loi qui a été votée l’année dernière.
Seuls nos collègues du groupe écologiste font montre de cohérence dans la définition qu’ils donnent de l’égalité entre les hommes et les femmes. Vous, comme d’habitude, vous restez à mi-chemin et, hypocritement, vous pensez que ce qui est interdit sur le territoire national mais autorisé hors de nos frontières ne fera pas sauter les barrières que, benoîtement, vous essayez de maintenir ! Ces barrières sauteront !
L’adoption devenant de plus en plus compliquée, des pays ne voudront plus que des Français…
…adoptent des enfants venant de chez eux – et c’est leur droit. Vous créerez ainsi une situation ingérable qui incitera mécaniquement certains à la tentation d’instituer des quotas, au nom de l’égalitarisme.
Nous discutons d’un vrai problème.
Depuis le vote des nouveaux textes, nous ne savons plus exactement qui a le droit, qui est prioritaire…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Bien sûr que si ! Cessez de penser que vous savez tout des couples et que nous l’ignorons !
J’ai siégé dans un conseil général et je connais l’embarras des services sociaux des conseils généraux débordés par des demandes de couples désirant adopter alors que chacun sait que, dans notre pays, seul un petit nombre d’enfants peut l’être.
Pour l’adoption internationale, les conseils généraux n’interviennent pas ! Vous n’y connaissez rien !
Juridiquement, ne serait-il pas normal d’affirmer que pour les conseils généraux, notamment, priorité doit être donnée à des couples de sexes différents ?
C’est ce que nous pensons, et c’est pourquoi nous considérons que l’amendement de M. Le Fur est très important. Il importe de donner un cadre juridique aux services des conseils généraux, qui doivent pouvoir choisir entre différents dossiers. Il est peut-être légitime que la représentation nationale leur dise : oui, il est normal que ce soient les couples de sexes différents qui puissent adopter. Cela me semble important.
L’amendement no 674 n’est pas adopté.
Je souhaite ajouter, à propos de l’amendement précédent, qu’il est d’autant plus important d’affirmer une telle priorité que les conseils généraux – n’en doutons pas – seront soumis à des pressions d’un certain nombre de minorités agissantes…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Cela sera la réalité ! Ces minorités agissantes qui s’en prennent jusqu’aux ministres, n’est-ce pas, madame la secrétaire d’État ? Nous le savons bien ! Ce sont déjà des réalités ! Des rapports de forces existent !
S’agissant de l’amendement n° 680 , je crois que l’enfant doit être écouté, en particulier lorsqu’il a plus de treize ans. Dans l’hypothèse d’une adoption, il doit pouvoir être entendu par un psychologue. S’il s’agit d’une adoption par un couple homosexuel, il doit pouvoir donner son opinion, de façon éclairée, après avoir été entendu…
…et avoir bénéficié d’un délai de réflexion. Dès lors que l’enfant est âgé de treize ans et que le conseil général ayant subi les pressions que nous évoquions à l’instant envisage de le confier à un couple homosexuel, il faut que cet enfant puisse s’exprimer. Il n’est pas possible de nous dire : « La parole de l’enfant ! La parole de l’enfant ! » sans en tirer quelques conclusions objectives, mes chers collègues ! C’est ce que je vous propose.
Je vois M. Binet faire des signes…
Gardez votre calme, chers collègues !
Quel est l’avis de la commission ?
Il faut faire confiance aux conseils généraux. Je suis certaine qu’en fonction de l’enfant, ils trouveront la meilleure famille adoptante.
Qu’elle soit homosexuelle ou non, ils trouveront la meilleure famille.
Enfin, monsieur Le Fur, nous ne discutons pas d’une loi relative à l’adoption. Avis défavorable.
Défavorable.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que le règlement prévoit la possibilité de s’exprimer après l’avis du Gouvernement. Si vous souhaitez le faire, demandez la parole.
La position du Gouvernement et du groupe SRC est tout à fait paradoxale. Votre texte nie la généalogie.
Il établit un égalitarisme absolu entre enfants et adultes, parents et descendants, quels que soient leurs âges et leurs rapports, et promeut une vision totalement horizontale des rapports humains.
L’amendement de notre collègue Le Fur considère qu’à partir d’un certain âge, un enfant, en l’occurrence un préadolescent ; qui commence à être autonome psychiquement, a une pensée et une parole. Comme il s’agit d’adoption et que de nombreux enfants peuvent venir de pays étrangers aux cultures différentes de la nôtre, l’adoption par un couple d’hommes ou un couple de femmes peut poser des difficultés à cet enfant.
Je ne vois pas en quoi cet enfant n’aurait pas le droit de penser que cela pose problème.
Comme d’habitude, vous êtes en plein paradoxe, mes chers collègues : d’un côté, vous ne cessez de plaider, à tous crins, en faveur de l’égalité, vous ne cessez de parler de diversité et dès que des différences existent, vous voulez absolument les gommer ! Vous ne cessez de considérer que l’enfant ou l’adolescent a le droit à la parole mais quand, avec notre collègue Le Fur, nous la lui donnons, vous la lui refusez !
En quoi serait-il dangereux, en quoi serait-ce une atteinte à la liberté des personnes que de permettre à un enfant devant être adopté de s’exprimer devant un tiers pouvant être à même de juger si cet enfant souhaite ou non être adopté par un couple de même sexe ?
Dans une autre vie, j’ai été assistante sociale dans un conseil général.
J’ai donc réalisé quelques enquêtes « adoption » auprès de familles très différentes, soit qu’elles voulaient adopter un enfant après en avoir eu biologiquement, soit qu’elles ne pouvaient pas en avoir. Je trouve que vous méconnaissez grandement la façon dont ces enquêtes sont menées. Elles le sont avec sérieux, par des personnels diplômés et formés. Les adoptants s’entretiennent avec des psychologues, les dossiers sont présentés devant des commissions comprenant des élus et des responsables associatifs. L’adoption, dans notre pays, est quelque chose de très sérieux. Vous créez un climat anxiogène.
Il me semble, de plus, que le débat est en train de dériver, et j’aimerais que l’on poursuive l’examen du texte qui nous réunit. Ne perdons pas de temps à fantasmer, comme l’a fait M. Dhuicq tout à l’heure, sur des choses qui n’existent pas et n’existeront jamais dans notre pays !
La question de l’adoption est un sujet important et sensible. Je crois d’ailleurs que notre rapporteure est présidente du Conseil supérieur de l’adoption.
Je voudrais savoir si une évaluation a été faite depuis la promulgation de la loi autorisant l’adoption par des couples de même sexe. Il est vrai que lorsque cette décision a été prise, elle a compliqué la vie des conseils généraux, qui ont eu à se positionner par rapport à cette possibilité.
Vous savez que les enfants pupilles de l’État ne sont pas, a priori, proposés à l’adoption. Est-ce la même chose, et est-ce vécu de la même manière dans tous les départements ? Vous savez aussi que certains pays ferment l’adoption aux couples homosexuels. Or on adopte beaucoup d’enfants étrangers en France.
J’aurais trouvé intéressant que l’on profite de cette proposition de loi qui, par définition, ne comporte pas d’étude d’impact, pour faire le point sur les conséquences de la loi sur le mariage pour tous en matière d’adoption. Peut-être aurions-nous pu ainsi éviter de susciter de l’anxiété. Il faut tout de même entendre les questions qui sont posées !
Pouvez-vous, madame la rapporteure, faire une petite présentation des conséquences que la loi sur le mariage pour tous a eues sur l’adoption par les couples homosexuels ? Celle-ci s’est-elle ou non développée ?
Par cet amendement, vous proposez de fait, monsieur Le Fur, qu’un enfant puisse choisir ses parents. Mais, mesdames et messieurs, aucun enfant ne choisit ses parents ! Aucun enfant ! Excusez-moi, mais cet amendement est complètement à côté de la plaque.
L’amendement no 680 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour soutenir l’amendement no 562 .
Commençons par nous occuper des enfants qui sont déjà là ; nous nous occuperons plus tard de ceux qui sont encore à naître.
Cet amendement concerne l’autorité parentale. L’article 378-1 du code civil prévoit que celle-ci peut être retirée, en dehors de toute condamnation pénale, aux père et mère qui, soit par de mauvais traitements, soit par un défaut de soin ou un manque de direction, mettent en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant. Ce genre de situation peut arriver dans toutes les familles.
Notre amendement tend à préciser la nature de ces mauvais traitements, en y incluant la maltraitance psychologique. Cette précision nous semble importante. La Cour de cassation a déjà retenu ce critère dans son arrêt du 27 juin 2010. Mais on ne tient pas encore assez compte du traumatisme psychologique qui peut être fait à un enfant, et qui n’est pas toujours aussi évident qu’un mauvais traitement physique. Il justifie en tout cas que l’on en tienne compte au moment de décider si un parent défaillant peut conserver, ou non, son autorité parentale.
L’avis de la commission est favorable à cet amendement. Les mauvais traitements mentionnés à l’article 378-1 du code civil, qui peuvent motiver un retrait de l’autorité parentale, incluent déjà les mauvais traitements psychologiques, mais la précision me paraît néanmoins utile et bienvenue.
Sagesse. Amendement utile.
Nous sommes de plus en plus étonnés. Cela fait quelque temps que nous mettons l’accent sur la question de l’intérêt supérieur de l’enfant, dont il est manifestement question ici. Vous apportez, à travers cet amendement, des précisions sur les mauvais traitements, en précisant qu’ils incluent les mauvais traitements physiques et psychologiques : très bien. Mais je crois que la terminologie englobante pour évoquer tout cela, c’est celle d’intérêt supérieur de l’enfant. Je pense que vous me voyez venir : je suis extrêmement surpris qu’à chaque fois que nous souhaitons faire explicitement référence dans ce texte à l’intérêt supérieur de l’enfant, vous rejetiez notre proposition. Par ailleurs, même si je suis très heureux de voir à nouveau le président de la commission des lois parmi nous,…
…je déplore que nous n’ayons pas, sur ce sujet, l’éclairage de la commission des lois. C’est un peu dommage, car il serait intéressant d’avoir son avis sur un tel sujet.
Quelques mots seulement pour vous dire que je voterai cet amendement. Mais oui, mais oui ! C’est cela, comme chacun sait, la démarche constructive du groupe UMP dans son ensemble.
Nous, nous parlons en nous écoutant, en vous écoutant, en buvant religieusement les paroles du président de la commission des lois, qui en est un peu avare en ce moment, il faut bien le reconnaître. Il ne m’écoute pas, mais ce n’est pas grave : nous lui redirons tout à l’heure toute l’affection et toute l’estime que nous avons pour lui. Ah ! Le voilà qui m’écoute !
Pour en revenir à cet amendement, il est vrai que les mauvais traitements peuvent être physiques ou psychologiques, et cette précision est utile. Nous aussi, nous avions voulu, de la même façon, apporter des précisions qui nous paraissaient utiles au travers d’autres amendements, mais nous ne serons pas rancuniers.
Nos amendements ont été retoqués, mais celui-ci trouvera sans aucun doute une majorité pour le voter.
L’amendement no 562 est adopté.
Les députés de la majorité n’ont même pas voté cet amendement !
Sourires.
Sourires.
Un peu de calme, mes chers collègues ! Ne m’obligez pas à suspendre la séance pour que vous repreniez vos esprits !
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 553 .
J’espère que le groupe socialiste aura la même indulgence à l’égard de cet amendement, qui devrait, me semble-t-il, pouvoir faire consensus. Il résulte d’une alerte qui nous a été transmise par le regretté défenseur des droits, Dominique Baudis, au sujet des risques que présente la promotion de la GPA par des sites internet.
Il s’agit là d’une promotion commerciale évidente : il suffit d’aller sur le net pour s’en rendre compte.
On a vu les sites fleurir, comme Extraordinary conceptions, Vita Nova, ou encore Sweetchild, qui décline très précisément les services offerts : il propose un enfant clés en main, ce qui signifie que tout est pris en charge jusqu’à la naissance de l’enfant et l’obtention du certificat de naissance pour l’inscription comme parents de l’enfant. Ce site se charge de sélectionner la mère porteuse, ou « la maman de substitution », comme il l’appelle, et veille au versement des paiements à cette femme.
Les services offerts sont énumérés : fourniture d’une maman de substitution correspondant aux exigences de la législation, accompagnement juridique, technique et psychologique complet du contrat par la société ; paiement mensuel de la maman de substitution et des frais d’échographie, ainsi que des frais de remplacement d’une maman de substitution dans l’hypothèse d’une interruption volontaire de grossesse pour la première mère de substitution. Telle est la réalité de ces sites !
Mes chers collègues, parce qu’il y a là quelque chose de terriblement commercial, au sens le plus désagréable du terme, parce qu’il s’agit là d’exploiter le malheur, l’attente, le désir d’enfant, je crois qu’il serait légitime et logique que nous manifestions notre opposition à l’égard de ces sites. Je sais qu’ils sont difficiles à rechercher et à contrecarrer et que nombre d’entre eux se trouvent à l’étranger. Il n’empêche qu’ils existent et qu’ils sont très largement diffusés sur notre territoire. Par égard pour cette demande du défenseur des droits, qui fut sans doute l’une de ses dernières, et puisque tout le monde nous dit que nous sommes tous, ou presque tous, opposés à la GPA, nous pourrions très raisonnablement condamner explicitement et formellement l’ensemble de ces sites.
Nous partageons tout à fait votre objectif de protéger l’enfant, mais cet amendement sort, une fois encore, de l’objet de ce texte. Il tend en effet à modifier l’article 227-12 du code pénal, qui réprime le fait de provoquer les parents, ou l’un d’entre eux, à abandonner un enfant né ou à naître, ainsi que le fait, dans un but lucratif, de s’entremettre entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître.
Selon l’auteur de cet amendement, cette disposition ne serait pas suffisante pour lutter contre certains sites internet proposant une gestation pour autrui. Il n’apporte cependant aucun élément à l’appui de cette affirmation, qui démontrerait une faille quelconque dans notre arsenal répressif. L’avis de la commission est donc défavorable.
Défavorable.
J’ai dit : « Défavorable » !
Notre collègue Marc Le Fur a mis l’accent sur un vrai sujet. S’il a déposé cet amendement, il l’a dit, c’est parce que cette question a clairement et explicitement été développée par le défenseur des droits. Comme son rapport a également été envoyé au Gouvernement, il aurait été utile que celui-ci proposât lui-même un amendement sur ce sujet. De toute évidence, vous ne suivez pas les recommandations du défenseur des droits : nous en avons là une parfaite illustration.
Notre collègue Le Fur défend cet amendement, parce qu’il est très vigilant et très attentif à ces recommandations, qui s’inscrivent pleinement, du reste, dans notre philosophie de préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant. Vraiment, nous ne comprenons pas l’attitude de la majorité et du Gouvernement sur un sujet comme celui-là, parce qu’il n’est pas anodin, bien au contraire. À moins que vous ne vouliez, une nouvelle fois, soutenir les ambiguïtés de Mme Taubira. Il a fallu, me semble-t-il, que la Cour de cassation la rappelle à l’ordre et explique clairement que la circulaire qu’elle a rédigée est illégale en droit français.
Vous êtes une nouvelle fois en train de nous montrer, à nous comme à nos concitoyens, toutes les ambiguïtés de la majorité sur ce sujet. C’est extrêmement grave, et le mutisme du président de la commission des lois est incroyable.
Il faut effectivement que les choses soient claires : si vous êtes hostiles au recours à la GPA, vous devez non seulement soutenir cet amendement, mais surtout retirer la circulaire Taubira, car ce que l’on trouve en matière de promotion de la GPA – car il s’agit bien d’une promotion – est encore pire à l’étranger. Cela se développe, il existe des offres : il suffit de regarder sur internet, comme je viens de le faire à l’instant. Vous verrez qu’en Inde, il existe des usines à bébés…
Assez ! Vous avez usé cet argument pendant le débat sur le mariage pour tous !
…depuis que l’Inde, en 2002, a légalisé la gestation pour autrui. C’est absolument scandaleux ! C’est une forme moderne d’esclavage !
Soit vous êtes pour, soit vous êtes contre, mais il faut absolument que les masques tombent. Il faut mettre fin à toute hypocrisie. L’instrument de promotion de la gestation pour autrui qu’il faut dénoncer, c’est aussi la circulaire Taubira…
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC
…qui légalise le recours à la gestation pour autrui à l’étranger, comme nous l’avions dit lors des débats sur le mariage pour tous.
Bien sûr que c’est vrai, monsieur Binet ! Nous vous l’avions déjà dit et vous aviez prétendu que c’était faux quand vous étiez rapporteur, mais à présent c’est la Cour de cassation qui le dit ! Elle a rendu deux arrêts en septembre 2013 et un arrêt en mars 2014. Alors arrêtez de mentir aux Français sur ces sujets !
Je sais que les élections européennes sont dans deux jours, mais quand même !
Prenez vos responsabilités et dites-nous que vous souhaitez le retrait de la circulaire Taubira. Là, cela aura du sens.
C’est sans doute M. Le Guen qui lui a demandé de prendre un peu plus la parole !
Bien sûr, monsieur Le Fur, vous savez bien que les femmes ont toujours besoin d’un tuteur pour leur dire ce qu’elles doivent faire !
Madame la secrétaire d’État, avant que vous ne preniez la parole, j’annonce d’ores et déjà que sur l’amendement no 553 , je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Il ne suffit pas de modifier le code pénal en y ajoutant des articles et des incriminations pour que le droit pénal soit plus efficace.
Notre code pénal comprend déjà de nombreux articles permettant d’incriminer le fait de faciliter le recours à la GPA sur internet : délit d’entremise ou tentative d’entremise, délit d’entremise dans un but lucratif, délit de provocation à l’abandon d’enfant, délit de pratique commerciale trompeuse, nous avons tout ce qu’il faut. D’ailleurs, plusieurs associations ou particuliers ont déposé des plaintes pénales. Elles seront examinées par les parquets qui détermineront ensuite si elles peuvent faire l’objet d’une qualification pénale et donner lieu à des poursuites.
Comme d’habitude, votre amendement est présenté sous un angle qui pourrait lui permettre de recueillir un consensus afin de poursuivre les sites internet qui font la promotion de la GPA, mais il ne prévoit pas que cela. Il est rédigé de façon à remettre en cause le principe même de l’adoption et du recours à la procréation médicalement assistée avec donneur, dispositifs qui autorisent l’établissement d’un lien de filiation non biologique.
La loi est claire : si des poursuites peuvent et doivent être engagées, elles le seront, mais ne tentez pas de revenir une fois de plus avec un amendement masqué sur les mêmes dispositions qui vous obsèdent depuis un an.
Mme la secrétaire d’État vient de nous annoncer une bonne nouvelle : les poursuites pourront être engagées, des sanctions pourront être prises et le seront, si je traduis un petit peu sa pensée. Madame la secrétaire d’État, je vous dis : chiche ! Allons-y, retirez tout d’abord la circulaire Taubira, et faites le nécessaire pour que le code pénal tel que vous nous l’avez présenté soit appliqué et que ces sites et ces promotions tout à fait illégales puissent cesser en France.
Il existe une vraie ambiguïté depuis quelques mois sur ces sujets. On voit bien la technique qui consiste à dire que la PMA et la GPA sont interdites en France, mais que ceux qui le souhaitent peuvent aller à l’étranger et l’on essaiera de trouver un habillage juridique à leur retour en France. C’est ce qui s’est passé avec la circulaire Taubira du 25 janvier. Nous avons déjà dénoncé cette vaste hypocrisie, et il est heureux que la Cour de cassation ait elle aussi fait le nécessaire dans des arrêts qui font date maintenant, et nous attendons avec impatience l’arrêt ou les arrêts du Conseil d’État.
Il faut réellement soulever les ambiguïtés, c’est la raison pour laquelle nous avons demandé ce scrutin public : chacun pourra en tirer ses conclusions sur les positions et l’hypocrisie des uns et des autres.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 46 Nombre de suffrages exprimés: 44 Majorité absolue: 23 Pour l’adoption: 14 contre: 30 (L’amendement no 553 n’est pas adopté.)
Nous avons précédemment su nous retrouver autour d’un amendement que nous avons tous voté, à l’exception, peut-être, de M. Binet. Mais à partir du moment où l’on lève la main de ce côté-ci de l’hémicycle pour voter un amendement, M. Binet a immédiatement pour réflexe de ne pas le voter, car cet amendement étant soutenu par l’opposition, il ne faut surtout pas qu’il le vote !
Cet état d’esprit est tout à fait dommage, mais je vais lui offrir l’occasion de se racheter. L’amendement que je vous propose tend à lutter contre les réseaux pédophiles, et je ne vois pas comment vous pourriez y être opposé.
Des réseaux pédophiles sont soutenus, entretenus et financés par des images ou représentations de mineurs servant d’appâts ou de support commercial. La rédaction de l’article 227-23 alinéa 1 du code pénal doit être précisée pour empêcher et sanctionner la circulation d’images représentant des mineurs, non seulement à caractère pornographique, mais aussi à caractère érotique ou portant atteinte à la pudeur de l’enfant.
Il s’agit d’un texte sur l’intérêt de l’enfant, je vous propose donc ici de protéger l’enfant. Les mineurs dont l’image est ainsi utilisée doivent être absolument protégés contre toute atteinte à leur pudeur, à la fois par voie de dissuasion et de sanction.
La diffusion de telles images par voie de communications électroniques à destination d’un public non déterminé, exposant des mineurs et portant gravement atteinte à leur dignité et à leur pudeur, est réalisée dans un but lucratif par des personnes sans scrupules. Une sanction pécuniaire de 100 000 euros est insuffisante au regard des gains envisagés ou réalisés par ces personnes. La sanction doit donc être aggravée et portée à 250 000 euros, c’est ce qui est également proposé par cet amendement.
Il s’agit donc de constater que notre dispositif pénal n’est pas suffisamment efficace pour lutter contre la pornographie, et de renforcer le code pénal pour pouvoir le faire. J’espère que nous nous retrouverons tous autour de cet amendement ce soir.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 23 .
Tout ce qui peut permettre de lutter contre les réseaux pédophiles est le bienvenu, c’est l’objet de cet amendement.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 221 .
Cet amendement est identique à celui qui vient d’être excellemment défendu par mes collègues Fasquelle et Gosselin. Je veux simplement faire savoir à notre collègue Binet que nous voterons pour ces amendements, ce qui lui donnera le temps d’avoir une position précise sur cette question.
C’est un sujet grave et important. Cette série d’amendements et la suivante sont une reprise à la découpe, par voie d’amendements, d’une proposition de loi de M. Fasquelle et de plusieurs de ses collègues du groupe UMP, déposée en janvier dernier.
Ces amendements ont pour objet de modifier l’article 227-23 du code pénal, qui a déjà été modifié récemment par la loi du 5 août 2013 afin de lutter contre la diffusion d’images non seulement pornographiques, comme le prévoit le texte actuel, mais aussi érotiques ou portant atteinte à la pudeur de l’enfant. Je ne pense pas que le chapitre que nous examinons aujourd’hui, relatif à l’exercice de l’autorité parentale, soit le bon vecteur pour introduire de telles dispositions.
Il s’agit par ailleurs d’un sujet grave et de dispositions pénales sur lesquelles il ne me semble pas bon de légiférer par voie d’amendement déposé en séance. S’il le souhaite, le groupe UMP peut inscrire la proposition de loi que je viens de mentionner à l’ordre du jour de l’Assemblée. Cela nous permettrait de débattre de manière approfondie de ce sujet, qui le mérite. Avis défavorable.
La jurisprudence admet déjà que de telles images tombent sous le coup de la loi puisqu’un arrêt de la Cour de cassation du 12 septembre 2007 a considéré que devait être incriminée la diffusion de dessins ou d’images d’un mineur imaginaire ayant des relations sexuelles. Cet amendement n’apporte donc rien par rapport à la jurisprudence, et il n’entre pas tout à fait dans l’objet du texte. Avis défavorable.
Tout d’abord, permettez-moi de rappeler à Mme la rapporteure que le droit d’amendement est un droit imprescriptible, et à ce titre, vous ne pouvez pas l’utiliser comme argument pour repousser la mesure proposée. La légitimité de ce vecteur est pleine et entière.
Ensuite, vous utilisez l’argument consistant à dire que notre collègue Fasquelle a déposé une proposition de loi sur cette question. Si ce soir, nous avions une déclaration forte – le président du groupe SRC est présent – indiquant que le groupe SRC votera en faveur de la proposition de loi de notre collègue Fasquelle, alors peut-être verrions-nous les choses autrement.
Si vous allez dans ce sens, votre argument tient, mais sinon vous savez pertinemment qu’il n’a absolument aucune valeur juridique, et je note une nouvelle fois que le président de la commission des lois, se rendant compte de la difficulté, a décidé de quitter l’hémicycle.
Nous trouvons ce type d’amendements et de dispositions dans plusieurs textes depuis quelques mois. Je rappelle qu’une disposition similaire, introduite dans le projet de loi de pénalisation des clients, avait beaucoup fait débat parce qu’elle aboutissait à interdire des sites sans un passage obligatoire devant le juge, ce qui est quand même un minimum. Elle instaurait une interdiction administrative, et une mobilisation de certains parlementaires et des réseaux s’était opposée à ce type de disposition.
Je voudrais profiter de ce débat pour interroger Mme la secrétaire d’État. Elle a rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation que certains d’entre nous connaissent. Je m’interroge sur la lutte contre les réseaux pédopornographiques et son efficacité. J’ai entendu à plusieurs reprises à cette tribune de la part de membres du Gouvernement des avis tout à fait différents, voire contradictoires, sur le décret d’application que nous attendons tous sur la lutte contre les réseaux pédopornographiques. Je voudrais savoir où nous en sommes, et si ces décrets vont être publiés ou non. J’ai débattu il y a quelques mois avec Mme la ministre Fleur Pellerin, qui avait déclaré qu’il n’y aurait plus du tout de décret. Puis j’ai entendu des déclarations quelques semaines plus tard confirmant la publication de ces décrets. Je voudrais donc être éclairé sur la décision du Gouvernement de rendre public ou non ces décrets.
Je vous ai écoutée, madame la rapporteure, mais il y a vraiment de quoi sourire.
Monsieur Fasquelle, je vous prie de m’excuser un instant pour annoncer que sur les amendements identiques nos 1 , 23 et 221 , je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Monsieur Fasquelle, vous avez la parole.
S’agissant des arguments qui ont été avancés, on nous dit tout d’abord que c’est une proposition de loi UMP que nous proposons à la découpe. Il est vrai que sur les textes proposés à la découpe, vous êtes experte, madame la rapporteure !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez immédiatement ajouté qu’il s’agissait d’une proposition de loi de l’UMP, et donc forcément, il ne faut pas la voter. C’est vraiment le niveau zéro de la politique.
Vous nous dites ensuite que ce sont des amendements qui ont été proposés en séance.
Alors chiche, sur tous les amendements qui ont été présentés en séance ce soir et qui n’ont pas été présentés en commission, je compte sur vous pour émettre aussi un avis défavorable, y compris les amendements du Gouvernement, de la rapporteure et de la majorité. Vous ne pouvez pas dire que dans certains cas, vous donnez un avis défavorable parce qu’ils ont été présentés en séance, et donner un avis favorable pour d’autres.
Sur le fond, madame la secrétaire d’État, je ne partage absolument pas votre point de vue. Cette proposition de loi et ces amendements ont été préparés et analysés par des enseignants en droit et des avocats experts de ces questions. Leur avis est très clair, vérifiez-le vous-même : sur le plan du droit, ces amendements représentent une avancée sensible.
Comment pouvez-vous nous dire que la jurisprudence aurait interprété au-delà de la limite du texte une disposition pénale ? Les textes du code pénal sont d’interprétation stricte. Si je vous propose cet amendement, c’est justement pour ajouter une précision qui n’existe pas aujourd’hui dans le texte. À supposer qu’un jour un juge se soit écarté de la lettre du texte, cette jurisprudence serait extrêmement fragile, et il faudrait à tout le moins la conforter par une avancée législative ce soir.
Pour le reste, les sanctions, qui sont trop faibles, sont renforcées par ce texte. Tous les arguments que vous nous avez opposés sont mauvais. Il faut un engagement de la part du Gouvernement, du président de la commission des lois, de la rapporteure et de M. Le Roux pour soutenir la proposition de loi que j’ai déposée et sur laquelle l’unanimité peut se faire pour lutter contre la pédophilie, permettre une meilleure protection des enfants et traduire en droit français la convention des Nations unies sur les droits de l’enfant que la France a ratifiée. Si vous me dites ce soir que vous vous engagez à soutenir cette proposition de loi, je retire cet amendement, sinon je le maintiens.
Monsieur Fasquelle, je ne peux que vous inciter à inscrire la proposition de loi de l’UMP à l’ordre du jour, mais vous aurez avant à demander l’avis du Conseil d’État, du Conseil économique, social et environnemental, et surtout n’oubliez pas l’étude d’impact ! Après, nous pourrons débattre !
A moins que le Gouvernement reprenne le texte de la proposition de loi ! Ce n’est peut-être pas une mauvaise idée !
Il est procédé au scrutin.
C’est un sujet très proche en réalité. L’incitation aux atteintes sexuelles sur mineurs n’est pas punie en tant que telle par le code pénal et, pour le coup, madame la secrétaire d’État, vous ne pouvez pas évoquer la jurisprudence : il y a une lacune du code pénal, que cet amendement tend à combler. La multiplication des atteintes pédophiles rend nécessaire pour la protection de l’enfant l’introduction d’un nouvel article 227-23-1 dans le code pénal. Je vous demande donc de voter cet amendement.
Très franchement, je ne sais pas comment vous pourriez expliquer demain aux associations, aux parents, à tous ceux qui s’intéressent à la défense des enfants que vous avez refusé ce soir de voter des amendements parce qu’ils étaient présentés par l’opposition alors qu’ils auraient permis de mieux lutter contre la pédophilie. C’est extrêmement grave, mesurez bien la responsabilité qui est la vôtre ce soir.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 24 .
D’abord, je voudrais voler au secours d’un groupe parlementaire maltraité par la majorité, le groupe écologiste. Sergio Coronado a demandé tout à l’heure une clarification sur les décrets, ce serait bien, madame la secrétaire d’État, que vous puissiez répondre à cette question.
L’amendement n° 24 est effectivement une nouveauté. Il y a une lacune, un silence dans le code pénal et il faut pouvoir durcir un dispositif répressif dans cette lutte, que nous partageons, dont nous nous soucions tous, je l’espère.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 222 .
Comme l’a expliqué M. Fasquelle, il s’agit simplement de combler un manque réel dans le code pénal.
Cela dit, madame la secrétaire d’État, j’aimerais que vous m’éclairiez sur un point intéressant. Vous avez indiqué sur l’amendement précédent qu’il n’y avait pas lieu de codifier la jurisprudence.
Pas toujours !
Depuis le début de l’examen de ce texte, vous ne cessez de nous dire qu’il est impératif de codifier la jurisprudence.
Pas toujours, j’avais compris.
J’aimerais donc que vous nous expliquiez quelle est votre mécanique de sélection, ce que vous choisissez de codifier dans la jurisprudence et pourquoi, et les raisons pour lesquelles il vous arrive de refuser. Ce serait intéressant pour la clarté de nos débats.
Défavorable.
Ce sont des sujets sérieux, vous avez raison. Il ne me semble donc pas justifié de les inscrire par voie d’amendement dans une proposition de loi.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Très honnêtement, ce sont des sujets sérieux qui méritent d’être débattus.
Il faudra peut-être présenter d’autres amendements. Ce n’est pas le bon véhicule.
Défavorable, mais je ne voudrais pas que les auteurs de ces amendements pensent que le Gouvernement laisse des faits aussi graves sans sanction.
Je vous rappelle, pour vous rassurer, que le cas de figure que vous évoquez est couvert par la notion de complicité à l’article 121-7 du code pénal, qui pourrait trouver à s’appliquer lorsqu’un individu aura sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation d’atteintes sexuelles sur mineurs. De même, la complicité sera caractérisée à l’encontre de la personne qui, par abus d’autorité ou de pouvoir, aura provoqué une infraction ou donné des instructions pour la commettre.
Cela fait tout de même quelques années déjà que les gouvernements successifs, les uns après les autres, traquent la pédophilie, que nous avons des brigades extrêmement performantes. Je vous invite à aller discuter, comme je l’ai fait lorsque j’étais encore parlementaire, avec la brigade de protection des mineurs et la brigade de répression du proxénétisme et à leur demander si leur plus gros problème est une lacune dans le code pénal. Ils vous répondront que la France a un arsenal législatif et pénal extrêmement fourni et que ce n’est pas leur première demande.
Bref, nous avons déjà dans le code pénal de quoi couvrir les faits que vous évoquez.
Vous vous rasseyez en disant que vous ne m’avez pas répondu, madame la secrétaire d’État, cela ne m’a pas échappé. J’espère que, lors de l’une de vos prochaines interventions, j’aurai une réponse sur cette question de méthode. Au-delà de la boutade, il est important que la commission des lois comprenne comment le Gouvernement fonctionne en l’espèce, parce que ce n’est malheureusement ni la première ni la dernière fois que nous aurons à statuer sur la nécessité de reprendre dans un code, quel qu’il soit, la jurisprudence en vigueur. Cela m’intéresse donc vraiment de comprendre comment nous fonctionnons.
Madame la rapporteure, l’histoire de cet hémicycle regorge de notions importantes qui ont été introduites par voie d’amendement, et j’avoue ne pas comprendre votre position. Mme la secrétaire d’État vient d’expliquer elle-même qu’il y avait une tradition à la fois pénale et opérationnelle constante et fournie dans notre pays, ce qui permet de considérer que le Parlement est déjà relativement éclairé sur ces sujets. Il ne faut donc pas avoir peur de présenter des amendements, c’est une voie normale. Si, dans l’hémicycle, on ne peut pas prendre de décisions essentielles par voie d’amendement au motif qu’il faudrait avoir un débat plus vaste, je ne sais pas ce que nous faisons ici.
Ce sont des amendements évidemment très proches, c’est la raison pour laquelle je serai très bref, mais je m’inscris tout à fait en faux par rapport à ce vous avez dit, madame la secrétaire d’État.
Notre dispositif pénal est incomplet, la loi pénale est d’interprétation stricte, il y a un certain nombre de cas qui ne sont pas appréhendés par le code pénal, et je n’ai jamais remis en cause le travail des brigades dont vous parliez. Évidemment qu’ils font un travail formidable, et heureusement d’ailleurs que le Gouvernement lutte contre la pédophilie, mais renseignez-vous, et vous verrez qu’il y a des trous dans la raquette. Il y a un certain nombre d’hypothèses qu’on ne peut pas appréhender, tout simplement parce que le code pénal est d’interprétation stricte.
J’ai donc passé, avec des spécialistes de ces questions, le code pénal au peigne fin pour vous proposer un certain nombre d’amendements. Vous les retoquez sous prétexte qu’ils sont présentés en séance. J’ai été par exemple le rapporteur du projet de loi sur la consommation, et je me souviens d’amendements déposés en séance par le groupe socialiste. Jamais je ne me suis permis de dire au groupe socialiste : « Circulez, il n’y a rien à voir ». Nous avons à chaque fois examiné ces amendements et nous en avons retenu un certain nombre, contrairement à vous, qui écartez systématiquement tous les nôtres.
C’est effectivement un droit constitutionnel, et c’est d’ailleurs une forme de mépris à l’égard des députés, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, que d’avancer ce genre d’argument. C’est d’une extrême gravité de nous répondre : « Circulez il n’y a rien à voir, votre amendement ne peut pas être retenu pour le seul motif qu’il a été présenté en séance ». Si ce sont des questions importantes, adoptons ces amendements.
Vous avez répondu hier à Mme Coutelle que le texte serait amélioré lors de la navette. Votons ces amendements ce soir et vous les améliorerez ensuite au Sénat et en CMP si c’est nécessaire. Vous ne les découvrez pas ce soir. Vous vous intéressez à ces questions. La proposition de loi à laquelle vous avez fait référence est sur le site, elle est connue, elle a été diffusée. Ne prétendez donc pas que vous les avez découverts il y a seulement quelques jours.
Je vous demande donc d’accepter ces amendements ce soir, pour les améliorer ensuite si c’est nécessaire, sans écarter d’un revers de main ces sujets majeurs.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 25 .
L’amendement est défendu.
Je regrette que M. Sergio Coronado, qui a ses raisons, et ce n’est pas l’objet de mon pointage, ait dû partir avant que Mme la secrétaire d’État ait répondu à la question qu’il lui a posée il y a quinze ou vingt minutes.
Ne partez donc pas, mon cher collègue, Mme la secrétaire d’État est sur le point de vous répondre !
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 223 .
Défavorable, pour les mêmes motifs que pour les amendements précédents. Je ne pense pas que le chapitre que nous examinons, qui est relatif à l’exercice de l’autorité parentale, soit le bon vecteur pour introduire de telles dispositions.
Nous poursuivons notre voyage dans cette uchronie, qui va devenir une réalité, celle d’un monde dans lequel, encore une fois, toute généalogie sera abolie et où la contradiction interne finira un jour par exploser, contradiction interne qui tient à votre déni de la réalité, nous l’avons vu avec le rejet des amendements de nos excellents collègues précédemment, face aux objectifs idéologiques portés par certains de nos collègues.
C’est pourquoi, dans ce droit fil, l’article 8 bis doit être rejeté.
Nous passons d’une modification du code pénal à la modification d’une loi de 1995 définissant les pouvoirs du procureur de la République.
J’ai deux interrogations sur cet article et j’espère que nous pourrons obtenir des précisions idoines.
Première interrogation, pensez-vous vraiment pertinent de confier au procureur de la République le soin de veiller à l’exécution des décisions de justice en matière civile ? Devons-nous comprendre que les conflits de bornage, les problèmes de contrats commerciaux, les questions d’impayés de loyer, qui sont de l’ordre de la justice civile, devront être sous la coupe du procureur de la République, qui aura donc pouvoir pour agir en matière civile ? Ou le pouvoir étendu du procureur ne vaut-il qu’en matière familiale ? Mais, à ce moment-là, pourquoi ne l’écrivez-vous pas ?
Seconde interrogation, je m’étonne beaucoup que cet article ait échappé aux fourches caudines de l’article 40.
Très franchement, si nous ne sommes pas en train d’étendre les compétences du procureur de la République, donc d’accroître la charge de la dépense publique, puisque tel est le sens de l’article 40 dont un certain nombre de mes collègues, et je vois M. Dolez en face de moi, rappellent souvent l’injustice tranchante,…
…je ne sais pas ce que nous sommes en train de faire.
Donc de deux choses l’une. Soit le Gouvernement lève le gage en séance, auquel cas il n’y aura pas de problème de constitutionnalité, soit il ne le lève pas, auquel cas, dans le cadre d’un recours devant le Conseil constitutionnel, nous veillerons à ce que le droit soit respecté.
Il est incompréhensible qu’un tel article puisse être présenté en séance sans être gagé afin de respecter la règle de l’article 40 de notre Constitution.
Parmi les arguments que nous avons avancés pour nous opposer à ce texte, ce qui nous semble dommageable, c’est évidemment le développement de la judiciarisation, notamment pour les questions familiales.
Si vous aviez le moindre doute sur la raison pour laquelle nous faisons état de cet argument, relisez cet article 8 bis et vous comprendrez pourquoi une telle judiciarisation – et donc le passage dans la sphère publique d’un sujet qui, a priori, et dans de nombreux cas, devrait tout de même relever de la sphère privée – ne paraît pas forcément opportune.
Ma seconde remarque rejoint celle de Jean-Frédéric Poisson à l’instant, concernant l’étendue des pouvoirs du procureur de la République. La question qui se pose – et j’aimerais que vous répondiez, peu importe qui –, c’est de savoir ce que vous entendez par une extension de ces pouvoirs aux procédures civiles. Souhaitez-vous les limiter exclusivement aux affaires familiales ? Si c’est le cas, il convient de le préciser, ce que ne fait pas le texte. Si, par ailleurs, vous souhaitez avoir une vision extensive, pensez-vous que ce soit raisonnable ? Il faudrait augmenter considérablement les moyens de nos tribunaux, parce qu’un engorgement est alors prévisible ; les parquetiers seraient en tout cas gênés par une telle orientation.
Cet article a pour objectif de renforcer l’exécution des décisions de justice rendues par les juges aux affaires familiales. Il est ainsi proposé de permettre au parquet de requérir directement la force publique pour faire exécuter les décisions de justice rendues en matière civile. Cette mesure modifie profondément le droit puisque, actuellement, le procureur de la République ne peut requérir la force publique que pour faire exécuter les décisions rendues sur le fondement des instruments internationaux et européens relatifs au déplacement illicite international d’enfants.
L’usage de la force publique dans le contexte privé des relations familiales est une mesure injustifiée, voire extrême. Par ailleurs, cette disposition dépasse le cadre de la proposition de loi puisqu’elle concerne l’exécution de la totalité des décisions de justice. Elle va, en outre, au-delà tant de la nécessité judiciaire que des moyens dont dispose le procureur de la République.
L’article 34-1 de la loi de 1995 est relatif à l’exécution des décisions rendues en matière de déplacement illicite international d’enfants, et l’alinéa 2 de l’article 8 bis nous parle du procureur de la République, qui veille à l’exécution des décisions de justice rendues en matière civile. Si cet alinéa est là, on en déduit que cela ne concerne que les décisions en matière de déplacement illicite international d’enfants. Sinon, c’est une mesure très générale qui change fondamentalement les choses et sur laquelle nous ne disposons pas d’étude d’impact.
Quant aux alinéas 3 et 4, ce n’est ni plus ni moins que la périphrase de ce qui existe aujourd’hui. La seule différence entre ce que vous proposez et l’article 34-1, c’est la mention « sous réserve des dispositions applicables aux procédures civiles d’exécution ». Pouvez-vous nous expliciter celle-ci ?
Les procureurs de la République sont débordés, ils ont déjà du mal à assumer les tâches qui leur sont confiées, les forces de l’ordre n’ont pas les moyens d’assurer l’ensemble des sollicitations qui leur parviennent, et vous leur ajoutez encore de nouvelles tâches ! Ce n’est pas raisonnable. Très objectivement, cet article, plus que les autres, apporte la démonstration que l’absence d’avis du Conseil d’État est problématique et que l’absence d’étude d’impact a des conséquences en termes de mauvaise rédaction du texte. En outre, cela a été dit par Jean-Frédéric Poisson, les limitations de l’article 40 ont été ignorées ; il y a eu de la part du Gouvernement une surprenante indulgence, dont nous sommes rarement bénéficiaires. Clairement, l’article crée une dépense supplémentaire pour les administrations, en particulier pour les parquets et les forces de police.
Cet article 8 bis est arrivé par voie d’amendement. Il n’est pas anodin, même s’il n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact ; cela renvoie, madame la rapporteure, à nos échanges précédents – vous voyez où je veux en venir. On voit hélas des articles de cette nature arriver dans les textes sans respect des procédures habituelles.
Le recours au parquet est largement modifié par cet article, comme nos collègues ont commencé de l’évoquer. Il ne faudrait pas aller au-delà. Le contexte privé des relations familiales ne peut justifier le recours à la force publique. Les procureurs de la République sont incapables, aujourd’hui, d’assurer une telle extension. Il serait très sage de renoncer à cet article en adoptant nos amendements de suppression.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 279 .
Je regrette que vous proposiez avec autant de légèreté et d’insouciance une disposition d’une telle portée. Nous n’avons pas à faire intervenir le parquet dans tout champ civil. Mais vous avez décidé de mettre partout le juge, juge civil, parquet, juge pénal… C’est une dérive. L’un de nos collègues de la majorité – je ne le nommerai pas – me disait justement, cet après-midi : « Ce qui m’inquiète dans cette proposition de loi, c’est qu’on met le juge partout ! » Il a parfaitement raison. Nous en avons ici une nouvelle illustration. Malheureusement, la discipline de parti fera qu’il votera ce texte, mais je suis certain que vous êtes de plus en plus sceptiques sur l’intérêt de celui-ci, ou en tout cas que c’est le cas de beaucoup d’entre vous, au fur et à mesure que les débats progressent, en raison des incertitudes et dysfonctionnements qu’il provoquera, au sein des familles comme dans l’activité de la justice. Je vous demande donc un peu de bon sens : adoptez ces amendements de suppression.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 477 .
J’ai suffisamment développé mes arguments en prenant la parole sur l’article. L’amendement est défendu.
L’article 8 bis autorise le ministère public à requérir directement la force publique pour faire exécuter les décisions de justice rendues en matière civile. J’avoue être très étonnée par les amendements de suppression dont il fait l’objet. Il s’agit, par cet article, de combler une lacune créée par l’abrogation malencontreuse, par une ordonnance du 8 juin 2006, d’une disposition équivalente qui figurait dans la loi des 16 et 24 août 1790. En l’état du droit, le parquet peut requérir l’assistance de la force publique pour assurer l’exécution des sentences pénales en application de l’article 709 du code de procédure pénale et veille en matière civile à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires en application de l’article L. 121-5 du code des procédures civiles d’exécution. Cette dernière disposition ne s’applique cependant qu’aux décisions matrimoniales statuant sur les biens. L’article 8 bis permettra donc d’assurer le droit fondamental de chaque justiciable d’obtenir l’exécution d’une décision de justice, et je m’étonne que l’on puisse s’y opposer.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Dans la situation actuelle, pour les mêmes faits, selon qu’ils procèdent d’une décision de justice internationale ou d’une décision civile de la justice française, on peut ou non demander au parquet d’agir. Si c’est international, le parquet peut agir, si c’est la décision d’un juge civil français, le parquet ne peut agir. Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant dans le fait de proposer, par cet article, d’étendre au juge civil ce qui est possible pour les décisions mettant en cause des parents de nationalités différentes.
Après deux jours de débat, nous en sommes à l’article 8 bis. Vous avez déposé des amendements de suppression sur quasiment tous les articles : l’amende civile, c’est non, la correctionnalisation, c’est non, l’exécution forcée par le parquet, c’est non… En fin de compte, soit vous pensez que les affaires de famille ne regardent pas la justice et doivent se traiter en famille, soit vous êtes vraiment très laxistes !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Si j’ai bien compris, vous précisez que « le procureur de la République veille à l’exécution des décisions de justice rendues en matière civile » pour ce qui concerne le déplacement illicite international d’enfants, puisque nous sommes sur l’article 34-1 de la loi du 8 février 1995. On se demande donc ce que fait là l’alinéa 2 ; il est absolument inutile puisque vous évoquez ensuite le procureur de la République. Je n’ai pas eu de réponse à ma question : que signifie « sous réserve des dispositions applicables aux procédures civiles d’exécution » ?
L’article 8 bis est adopté.
Je suis saisie d’une série d’amendements portant article additionnel après l’article 8 bis.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 628 .
La proposition de loi ne fait pas référence aux grands-parents, qui peuvent jouer un rôle important dans la vie quotidienne et l’éducation de l’enfant, et qui, au même titre que les autres tiers, doivent pouvoir entretenir des relations personnelles avec leurs petits-enfants. Ce droit est garanti par le code civil depuis plus de quarante ans. En 1970, l’article 371-4 du code civil définissait ainsi leurs droits : « Les pères et mères ne peuvent, sauf motifs graves, faire obstacle aux relations personnelles de l’enfant avec ses grands-parents. »
La loi du 5 mars 2007 a modifié cet article. Désormais, « l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. » Les termes « motifs graves » ont donc été remplacés par « l’intérêt de l’enfant ». Or cette dernière expression est beaucoup plus large que celle de « motifs graves », qui comprend, selon la jurisprudence, l’hygiène, le bien-être et la sécurité de l’enfant.
Cette modification a eu un impact considérable sur les droits des grands-parents. En effet, actuellement, il n’est plus nécessaire pour les parents d’invoquer des motifs graves pour empêcher les grands-parents de voir leurs petits-enfants. Le simple fait de considérer que ce n’est pas dans l’intérêt de l’enfant suffit. Il est donc nécessaire de revenir à la définition de 1970 pour préserver les droits des grands-parents. Tel est l’objet de cet amendement.
J’avoue ne pas comprendre. Vous voulez favoriser les relations des grands-parents avec leurs petits-enfants, mais votre amendement aurait l’effet contraire. Actuellement, seul l’intérêt de l’enfant est pris en compte ; en invoquant des « motifs graves », vous ajoutez une condition restrictive. Je demande donc le retrait de l’amendement, à défaut de quoi l’avis est défavorable.
Je note, monsieur le député, que vous soulignez que la notion d’« intérêt de l’enfant » n’est pas toujours la plus efficace ! J’ai consulté les services de la Chancellerie sur le sujet et ceux-ci m’ont fait remarquer que la rédaction actuelle permet d’éviter que les grands-parents s’infiltrent ou s’insèrent entre leurs enfants et petits-enfants. La notion d’intérêt de l’enfant permet plus facilement de le faire que celle de motifs graves. Il serait toutefois intéressant d’examiner la jurisprudence pour voir quels effets ont eu chacune des deux notions. Je suggère que l’on continue de réfléchir à cet amendement. J’émets, malheureusement, un avis défavorable.
L’amendement no 628 n’est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 6 , 28 rectifié , 227 et 521 rectifié .
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 6 .
Je vais demander à la majorité un effort. Nous allons tout de suite évacuer les mauvais arguments. D’abord, l’argument selon lequel cet amendement viendrait en séance : c’est normal, cela fait partie du droit d’amendement des députés, en particulier quand ils ne sont pas, comme c’est mon cas, membres de la commission des lois. Nous allons aussi oublier un instant que c’est un amendement qui vient de l’UMP – oh, mon Dieu ! – et ne regarder que l’amendement. Nous allons également oublier… Mais Mme la secrétaire d’État ne m’écoute pas. Visiblement, cela ne doit pas l’intéresser ou peut-être son conseiller lui donne-t-il déjà des arguments alors qu’il n’a pas encore entendu ce que j’allais dire. C’est extraordinaire, il y a la réponse avant la question !
Nous allons également oublier, madame la secrétaire d’État, l’argument selon lequel le droit actuel est satisfaisant, parce que c’est incontestablement faux. Nous allons aussi oublier, madame Chapdelaine, l’argument qui voudrait que ce ne soit pas dans le champ d’application du texte puisque nous sommes en plein dedans.
Tout cela devrait vous conduire à émettre un avis favorable puisque, en l’état actuel des dispositions de l’article 2-3 du code de procédure pénale, seules les associations de défense de l’enfance en danger sont autorisées à agir sur le fondement des dispositions de l’article 227-24 du code pénal et à la condition expresse que l’action publique ait été engagée préalablement par le ministère public ou la victime. Les familles sont les premières concernées par la protection de l’enfant. Il est donc nécessaire de mentionner expressément, à côté des associations de protection de l’enfance, les associations familiales reconnues d’utilité publique dont c’est également la mission – permettez-leur d’avoir accès à cette action – et qui, à ce titre, doivent être titulaires du droit d’agir sur le fondement de l’article 2-3, alinéa 1, du code de procédure pénale.
Il est aussi essentiel que l’action puisse être poursuivie par les associations précitées sans que leur action soit subordonnée à la mise en oeuvre préalable de l’action publique par le ministère public ou par la victime.
Il s’agit de faciliter l’action des associations de protection de l’enfance. J’espère que nous pourrons nous retrouver au moins sur cet amendement.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 28 rectifié .
Je souhaiterais que l’on puisse élargir l’intérêt à agir à un certain nombre d’associations reconnues d’utilité publique. Cela relève d’un vrai intérêt général.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 227 .
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 521 rectifié .
Je voudrais compléter l’excellente argumentation de notre collègue Fasquelle. Vous vous plaigniez tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, d’avoir beaucoup d’amendements de suppression, mais il s’agit cette fois d’un amendement de proposition qui vient enrichir le texte. Aussi attendons-nous votre réponse avec impatience !
Ces amendements ont pour objet d’étendre la constitution de partie civile, reconnue aux associations de défense de l’enfance en danger pour certaines infractions visant les mineurs, aux associations ayant pour objet la défense des familles. Cette extension est en elle-même bienvenue et ne me paraît pas soulever de difficultés. Par contre, la suppression de la condition liée à la mise en oeuvre préalable de l’action publique par le ministère public ou par la victime soulève, elle, de sérieuses interrogations. Cela modifierait l’équilibre des règles actuellement applicables à la constitution de partie civile des associations. Je ne suis donc pas favorable à ce que nous procédions à une telle réforme sans expertise préalable.
Je vous demande donc le retrait de votre amendement. Je vous redis tout l’intérêt qu’il revêt à mes yeux, mais la deuxième partie fait que je ne peux pas donner un avis favorable.
L’avis du Gouvernement est défavorable pour les mêmes raisons techniques que celles que vient d’exposer Mme la rapporteure. Par ailleurs, j’ai reçu l’ensemble des associations familiales et aucune n’a attiré mon attention sur cet amendement, en me demandant de le soutenir.
Avant de le faire, je souhaiterais revoir ces associations afin d’évaluer leur intérêt pour cette proposition.
Très bien, madame la secrétaire d’État ! Je saisis la balle au bond. Dont acte, en ce qui concerne vos échanges personnels avec les associations familiales le cas échéant. Je ne vous fais pas de mauvais procès. Pourriez-vous prendre l’engagement ferme et clair ce soir de les consulter sur ce point de façon expresse ?
Bien volontiers ! Je vois ces associations régulièrement et ce sujet sera traité.
Le sujet est suffisamment important pour ne pas simplement dire qu’on le renvoie à un débat ultérieur. Le débat est en train d’avoir lieu. D’ailleurs, c’est le Gouvernement qui, à un moment donné, s’est prêté à ce jeu-là. Ce n’est pas nous qui avons demandé que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour. Il faut être cohérent. Nous aurions, nous, préféré que l’on prenne un peu plus de temps sur ces questions familiales ; et c’est vous, madame la secrétaire d’État, qui dites qu’il faudrait plus de temps, quand nous le répétons depuis le début, parce que ce texte a été fait dans l’impréparation.
Notre collègue Marc Le Fur n’étant pas cosignataire de l’amendement, il va pouvoir proposer un sous-amendement. Il est essentiel que nous puissions traiter cette question dès ce soir. Nous n’allons pas la renvoyer à plus tard, parce que c’est un sujet essentiel. Les associations souhaitent être reconnues comme parties civiles, notamment lorsqu’elles sont reconnues d’utilité publique.
Il est trop tard pour proposer un sous-amendement maintenant, vous le savez bien !
Vous connaissez suffisamment le règlement, monsieur le président Le Fur, pour savoir qu’on ne dépose plus d’amendement à ce stade de la discussion. Vous avez la parole, monsieur Le Fur.
Madame la présidente, je ne prétends pas être l’interprète du règlement, puisque vous seule l’êtes et que vous ferez cela très bien, quelle que soit votre décision. Cependant, on est dans un débat et on progresse,…
…puisque si j’ai bien compris, notre rapporteure n’est pas hostile à l’adoption de l’amendement, à la condition qu’il ne traite qu’une partie de l’idée développée par notre collègue. Je vous propose que l’on supprime le 3° et le 4° de l’amendement et que cet amendement rectifié ou sous-amendé puisse être soumis à notre suffrage. Il devrait ainsi réunir l’ensemble des voix.
Monsieur Le Fur, vous savez bien que vous ne pouvez pas rectifier un amendement que vous n’avez pas cosigné.
Je vous propose de mettre aux voix cet amendement et vous utiliserez la navette pour travailler sur le sujet.
Les amendements identiques nos 6 , 28 rectifié , 227 et 521 rectifié ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 618 .
La présidente a été très claire dans la conduite des débats, chers collègues, et elle a rappelé le règlement, que vous connaissez, qui plus est.
Mon amendement s’inscrit dans le cadre des préoccupations exprimées par le Défenseur des droits et dans l’intérêt de l’enfant, puisqu’il vise à conserver et à protéger les liens qui unissent un enfant et ses parents, dont l’un ou l’autre pourrait être placé en détention provisoire. Dans son rapport sur l’intérêt supérieur de l’enfant et le maintien des liens familiaux à l’épreuve de l’incarcération, le Défenseur des droits a recommandé plusieurs modifications portant sur le permis de visite. La procédure prévue à l’article 145-4 du code de procédure pénale fait l’objet de critiques régulières, notamment parce que les possibilités de recours sont insuffisantes et qu’elles sont particulièrement préjudiciables pour les enfants mineurs des personnes détenues. Le Défenseur des droits note notamment que certains juges d’instruction refusent d’accorder des permis de visite aux enfants, sur le seul motif de l’opportunité des visites au parloir en raison de l’âge des enfants.
Les convictions qui guident chaque magistrat génèrent des pratiques hétérogènes et discriminantes. C’est pour cela que le Défenseur recommande de mettre en conformité l’article 145-4 du code de procédure pénale avec les exigences de la convention internationale relative aux droits de l’enfant et d’obliger l’autorité judiciaire à motiver le refus d’octroi à un enfant d’un permis de visite à son parent prévenu par les nécessités de l’enquête ou de l’instruction ou par l’intérêt supérieur de l’enfant.
Par ailleurs, pour l’enfant de seize ans ou plus, il n’est pas nécessaire qu’il soit accompagné par une personne majeure également titulaire d’un permis de visite. Il est donc, par cohérence, proposé dans le 2° de l’amendement que cet enfant puisse lui-même demander ce permis sans l’accord écrit du titulaire de l’autorité parentale. C’est également ce que recommande le Défenseur des droits.
Il est favorable. Cet amendement répond à une recommandation du Défenseur des droits et cela permettra le maintien des liens familiaux en cas d’incarcération, lorsque c’est dans l’intérêt de l’enfant.
C’est le même avis.
Je note avec intérêt que dans ce cas précis, l’argument utilisé par Mme la rapporteure, c’est que cet amendement reprend une recommandation du Défenseur des droits. Je vous rappelle que notre excellent collègue Le Fur portait il n’y a pas si longtemps un amendement qui était précisément une recommandation, dans le même rapport, du Défenseur des droits. J’aimerais simplement savoir ce qui fait que la recommandation du Défenseur des droits donne lieu à un avis favorable lorsqu’elle est reprise par un amendement de la majorité et à un avis défavorable quand c’est l’opposition qui la reprend.
Il y a là quelque chose d’assez curieux. J’aimerais pouvoir comprendre.
C’est l’occasion de revenir légèrement en arrière. Nous avons constaté ce soir un nombre inimaginable de contradictions. Notre collègue Poisson soulevait une difficulté liée à la codification de la jurisprudence et Mme la secrétaire d’État nous disait que…
Ça ne saurait tarder, cher collègue !
…parfois il était bon de codifier et que parfois non. Avec insistance, mon collègue Poisson, qui attend avec tout autant d’impatience la réponse à sa question, se demande quelle est votre grille de lecture.
A présent, nous posons la même question à Mme la rapporteure. Quelle est sa grille de lecture concernant les recommandations du Défenseur des droits ? Lorsque l’amendement est écolo, la grille doit avoir…
…un tamis beaucoup plus étroit qui permet de le retenir ; quand il s’agit d’un amendement du groupe UMP, comme par hasard, les choses ne passent pas. Comme je ne peux pas douter un seul instant de votre esprit ouvert, ni croire que vous soyez, madame la rapporteure, à ce point partisane, pourriez-vous avoir la gentillesse et la simplicité de nous donner votre grille de lecture, que nous puissions satisfaire notre curiosité, mais surtout faire adopter à l’avenir les amendements que nous avons envie de voir adopter ?
L’amendement no 618 est adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 569 .
La proposition de loi comprend quelques dispositions relatives aux droits et devoirs des tiers qui concourent à l’éducation de l’enfant : extension de la présomption d’accord de l’autre parent à l’égard des tiers de bonne foi aux actes usuels qu’un parent a autorisé un tiers à accomplir ; création d’un mandat d’éducation quotidienne ; assouplissement de la possibilité de confier un enfant à un tiers ; renforcement du droit des tiers auxquels l’enfant a été confié. Cependant, pour réellement accorder une place et un statut à ce tiers, il convient de consacrer explicitement dans le code civil son droit d’entretenir des relations personnelles avec le tiers. Cet article du code civil pourrait être rédigé sur le même modèle que celui relatif aux grands-parents. En outre, cet article aurait le mérite de définir cette notion de tiers. Il devrait avoir partagé la vie quotidienne de l’enfant et avoir noué avec lui des liens affectifs étroits. Cette définition reprend celle du rapport de 2006 du défenseur des enfants, L’enfant au coeur des nouvelles parentalités.
Il est défavorable parce que le second alinéa de l’article 371-4 du code civil permet déjà le maintien des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec l’enfant et l’un de ses parents et noué avec lui des liens affectifs durables. La rédaction de l’article, telle qu’elle résulterait de l’adoption de votre amendement, ne serait pas satisfaisante, car la distinction entre ce nouvel alinéa et le second alinéa actuel ne serait pas claire. Je rappelle que cet article 371-4 a en outre été modifié très récemment par la loi du 17 mai 2013.
Monsieur le député, vous évoquez un sujet sur lequel nous allons revenir assez longuement tout à l’heure : les relations de l’enfant avec un tiers, qui n’est pas n’importe quel tiers puisqu’il s’agit d’un tiers avec lequel il a vécu, le beau-parent, tel que nous l’appellerons probablement tout à l’heure pour le nommer comme il l’est dans les familles. En 2013, le code civil a été réformé et est désormais ainsi rédigé : « Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non. »
Il y a un an, une avancée a donc déjà été faite dans le code civil, permettant au juge de déterminer des relations entre l’enfant et un tiers. Je me suis pour ma part interrogée sur le statut du beau-parent : son existence signifie souvent qu’il y a eu auparavant couple parental, que celui-ci s’est délité, les enfants étant parfois au coeur de discordes ;…
…et puis, si au moins un des parents a refait sa vie, apparaît un beau-parent ; ensuite, ce nouveau couple peut, lui aussi, se déliter.
Parfois c’est le troisième ou quatrième beau-parent ! Ça n’a rien d’exceptionnel !
Si tout le monde est d’accord sur les conditions de la rupture, il n’est pas besoin d’en appeler au code civil pour maintenir une relation entre l’enfant et le tiers. Mais nous sommes ici dans l’hypothèse où le couple s’est défait et où le beau-parent souhaiterait continuer d’entretenir des relations avec l’enfant tandis que le parent biologique ne le voudrait pas. Je me demande alors si cet enfant, qui en est à une deuxième séparation, doit de nouveau être confronté à une situation où il ferait l’objet d’une bataille juridique. Mieux vaut peut-être s’en tenir aujourd’hui à la dernière rédaction du code civil. Elle n’a qu’un an, laissons-la mûrir pour pouvoir l’évaluer dans quelque temps. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable, suite au raisonnement que je viens de vous expliquer, monsieur le député.
Votre raisonnement est très intéressant, madame la secrétaire d’État, et c’est celui que nous défendons depuis le début de l’examen du texte !
La différence, c’est que pour moi, ce raisonnement ne vaut pas pour l’ensemble de la proposition de loi !
Pour une fois, je rejoins davantage les propos de la secrétaire d’État que ceux de notre collègue Favennec. Vous avez bien explicité les choses, madame la secrétaire d’État : il s’agit de l’ex-beau-parent et des relations qu’il pourrait avoir avec l’enfant de son ex-conjoint. Des relations peuvent en effet exister, mais nous n’avons absolument pas à légiférer là-dessus. Je demande à mes collègues d’imaginer la multiplicité des dispositions qu’il faudrait créer, car la mère peut avoir, par exemple, une troisième personne dans sa vie, ce qui créerait encore de nouvelles obligations au bénéfice de l’enfant concerné. À l’évidence, il ne faut donc pas entrer là-dedans. Le beau-parent n’a de légitimité dans la vie de l’enfant que par le contact intime qu’il a avec la mère ou le père de celui-ci, mais pas davantage. Il n’y a pas lieu de créer à cet égard des droits supplémentaires.
L’amendement no 569 est retiré.
Madame la présidente, avec l’article 9, nous allons aborder un nouveau chapitre de la proposition de loi, qui va nous amener vers le mandat d’éducation institué à l’article suivant. Je demande donc, par cohérence, une courte suspension de séance.
J’allais la demander, monsieur le député.
Vous voyez que nous pouvons être en harmonie, madame la secrétaire d’État.
Avant l’article 9
La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 9.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
Cet article ouvre le chapitre II qui traite des droits et devoirs des personnes, autres que les parents, qui entourent l’enfant. Le glissement est tout à fait notable car nous voyons, avec cet article, disparaître la personne de l’enfant au profit de tiers. Cela démontre bien ce que nous exposons depuis bientôt trois jours, à savoir que ce texte, sous couvert d’égalité, piétine les droits de l’enfant, ne le reconnaît pas comme une personne humaine…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
…puisqu’il disparaît de l’article 372-2 du code civil afin de renforcer le rôle des adultes, dans une vision horizontale des rapports humains, une vision de destruction de la généalogie. Il s’agit de créer des droits qui seront eux-mêmes source de multiples contentieux au fur et à mesure des rencontres – je me souviens d’un amendement assez extraordinaire qui employait le terme « rencontre » au lieu de « visite ».
Cela traduit bien un glissement sémantique révélateur de l’obsession de la majorité, égalitariste jusqu’à l’absurde : la volonté de détruire le noyau familial et les liens biologiques avec l’enfant pour les remplacer par de multiples intervenants qui, à terme, auront exactement les mêmes droits et devoirs que les parents d’origine essentiellement biologique.
Progressivement, et parfois sans vous en rendre compte, vous créez un homme nouveau,
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
quérulent procédurier dans un univers particulièrement déshumanisé et inquiétant. À court terme, vous allez faire la fortune des juristes et, à plus long terme, un monde extrêmement difficile pour nos enfants et nos petits-enfants.
Au moins, la deuxième partie de votre article 9, celle qui tend à inclure dans l’article 372-2 du code civil la formule « ou quand il autorise un tiers à accomplir un tel acte », se comprend du point de vue de l’économie générale de votre texte – même si l’on peut en contester les principes comme vient de le faire Nicolas Dhuicq dans une analyse que je partage – et de sa philosophie. Ajouter un tiers dans cette affaire, pourquoi pas ?
Cependant, je n’arrive pas à comprendre ce qui vous pousse à retirer la mention « relativement à la personne de l’enfant » : le code civil a parfaitement fonctionné comme cela jusqu’à présent, et je ne vois pas ce que cette mention aurait d’incompatible avec le reste de votre proposition de loi.
En principe, dans la circonstance où nous sommes, dans le cadre de cette proposition de loi, le fait de retirer la mention « relativement à la personne de l’enfant » m’apparaît proprement incompréhensible. Qu’est-ce que cela ajoute ? Quel bénéfice législatif en retirez-vous ? J’attends donc des explications tout à fait précises sur ce sujet. Quelque chose nous a peut-être échappé, mais je crains que non.
Avec cet article, nous entrons dans le chapitre II de cette proposition de loi, qui aborde le champ du partage de la parentalité et donc le statut du beau-parent. Notons que, pour qu’il y ait beau-parent, il faudrait qu’il y ait un engagement, ce qui n’est pas toujours le cas.
Nous parlons du tiers vivant de manière stable avec l’un des parents. Nous sommes toujours dans un texte censé traiter de l’intérêt de l’enfant, mais nous nous en éloignons. L’enfant n’est pas demandeur. Ces tiers sont le fruit du choix de son ou de ses parents, pas de son propre choix. Ces tiers sont ceux qui séparent ses parents ou, pour certains, qui sont la cause de la séparation de ses parents.
Une fois de plus, c’est la volonté des adultes que l’on veut satisfaire, prétendument pour faciliter leur vie quotidienne. Prétendument, car la loi du 4 mars 2002 avait consacré juridiquement le principe de coparentalité et avait déjà tout prévu. Il est donc déjà possible pour un parent d’autoriser un tiers de bonne foi à accomplir un acte concernant son enfant, par exemple l’accompagner à l’école.
Cet article 9 permet de considérer que l’autre parent est présumé d’accord. Nous assistons donc à une fragilisation de l’autorité parentale que nous ne pouvons admettre.
Quand on regarde ce que donne cet article 9, une fois inclus de façon consolidée à l’article 372-2 du code civil, la première chose qui apparaît est la disparition de l’expression « relativement à la personne de l’enfant ». Pourquoi ? C’est la première question que nous pouvons nous poser.
Par ailleurs, vous considérez qu’un tiers peut se substituer aux parents. Par ce raisonnement, vous modifiez la dyade telle qu’elle a été envisagée jusqu’à présent par le code civil. Vous procédez ainsi à un glissement, vous situant ainsi une nouvelle fois dans la perspective de l’adulte sans prendre l’enfant en compte. Il est très troublant de voir que vous supprimez même cette référence à la « personne de l’enfant ». L’idée de considérer l’enfant comme une personne vous gêne et vous supprimez cette notion du code civil pour ériger en lieu et place un monde qui est celui des adultes.
C’est pourquoi nous réclamons, depuis le début de l’examen de ce texte, que soit affirmé clairement l’intérêt supérieur de l’enfant. Il ne suffit pas de proclamer que vous prenez en compte l’intérêt supérieur de l’enfant : c’est de la pensée magique. Il faut que cela figure explicitement dans le texte.
Supprimer cette référence à l’enfant comme personne est assez révélateur du monde d’adultes que vous souhaitez ériger, supprimant par là même cet intérêt supérieur de l’enfant.
L’article vise à reconnaître le rôle des beaux-parents. Présents dans la vie des enfants, les conjoints de parents divorcés ou séparés n’existent pas dans la loi.
Il ne s’agit nullement de créer un statut unique qui ne pourrait pas s’adapter à la diversité des situations. Il ne s’agit pas non plus de remplacer le parent biologique par le nouveau conjoint.
Cet article vise simplement à reconnaître la responsabilité que les beaux-parents assument déjà de fait au quotidien, en créant un mandat qui requiert l’accord des deux parents et un document facile à établir qui permet de prouver le lien qui existe entre l’enfant et le beau-parent à l’égard des tiers, je pense à l’école, l’hôpital ou la salle le sport. En résumé, il s’agit d’accompagner l’enfant et le beau-parent dans les actes usuels…
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Dans un pays qui compte désormais 72 000 familles recomposées, dans lesquelles grandissent environ 1,5 million d’enfants, il y a des pères et des mères qui affrontent des problèmes liés à l’absence de statut pour les beaux-parents.
Prenons l’exemple d’une femme qui accompagne son beau-fils mineur aux urgences et qui ne peut ensuite le ramener à la maison au motif qu’elle n’est pas sa mère, ou celui de cette autre femme qui, chaque jour, ne rencontre aucun problème pour accompagner le fils de son compagnon à l’école mais qui n’a pas le droit de le reprendre à la sortie.
Il n’est pas souhaitable que de telles difficultés puissent perdurer. L’article que nous allons examiner adapte le droit de la famille à la diversité des familles actuelles.
Nous allons créer un mandat d’éducation quotidienne permettant au tiers vivant de manière stable avec l’un des parents d’accomplir des actes usuels de l’autorité parentale à l’égard de l’enfant qui vit avec le couple. Ce mandat ne pourra être établi qu’avec l’accord de l’autre parent.
Je sais que ces nouvelles mesures tant attendues viendront combler un vide juridique injuste et contribueront à améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens.
La disposition que propose cet article avait été défendue par le groupe UDI lors du débat sur le mariage pour tous. Elle reprend l’une des propositions du rapport de 2006 du Défenseur des enfants, intitulé « L’enfant au coeur des nouvelles parentalités ».
Cet article étend la présomption d’accord de l’autre parent à l’égard des tiers de bonne foi aux actes usuels qu’un parent a autorisé un tiers à accomplir. Il devrait permettre de simplifier la vie quotidienne des familles par une dispense de preuve de l’accord des deux parents lorsqu’un tiers accomplirait un acte usuel à la place des parents.
Concrètement, un beau-parent pourra par exemple aller chercher l’enfant sans se voir opposer qu’il est nécessaire de recueillir l’accord de l’autre parent. Cette mesure contribuera ainsi à sécuriser et à faciliter la vie quotidienne de ces familles.
Nous abordons la question du beau-parent, mais il ne semble pas que l’expression soit utilisée en tant que telle dans le texte de la proposition de loi. Il y a en soi une curiosité à ce que tout notre débat s’organise autour de la création d’un cadre juridique que l’on désigne d’un nom qui ne se retrouve pas dans la proposition de loi, sans doute parce qu’il y a des difficultés à résoudre qui ne sont pas traitées jusqu’au bout.
Sans malice ni esprit polémique d’aucune sorte,
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
je poserai à propos de cet article une question qui peut probablement se poser aussi pour d’autres articles. Il est question d’autoriser un tiers à accomplir tel acte. Mme la rapporteure ou Mme la secrétaire d’État peuvent-elles nous dire s’il s’agit d’un tiers et d’un seul ? Qu’est-ce qui, dans les dispositions de l’article 9, empêche qu’il puisse s’agir de plusieurs tiers…
Rien !
…et que, donc, plusieurs personnes puissent revendiquer simultanément la situation de tiers, du moins au sens où tout cela est défini dans la proposition de loi ?
Ma question est simple : s’agit-il d’un seul tiers – et où cela est-il écrit –, ou peut-il s’agir de plusieurs tiers, un tiers n’étant pas exclusif d’un autre ?
L’intérêt supérieur de l’enfant doit être au coeur de nos préoccupations. Ceci devrait nous rassembler. Or vous n’avez pas voulu que cette mention figure dans le texte. C’est votre péché originel mais il a de multiples conséquences.
Dans votre esprit, l’intérêt des parents est donc au moins égal si ce n’est supérieur à l’intérêt de l’enfant. Cela aboutit à des dérives parce qu’il va s’agir, dans votre texte, de faire plaisir successivement à des catégories.
Il y a les pères et chacun sait que c’est un vrai sujet, mais vous l’avez traité de très mauvaise manière en donnant l’idée que l’on s’orientait vers une résidence alternée. Vous rendant compte que cela allait trop loin, vous n’êtes pas allés jusqu’au bout de votre logique.
Maintenant, il s’agit de faire plaisir à une autre catégorie d’adultes : les beaux-parents.
Quand un adulte vit dans la même maison que l’enfant de sa compagne, il se crée nécessairement des liens, qu’il faut souhaiter durables mais qui sont d’une autre nature que les liens que l’enfant doit entretenir avec ses parents.
L’affaire des beaux-parents crée plusieurs difficultés.
C’est une occasion de conflits supplémentaires, avec des conséquences juridiques. C’est une source de complications supplémentaires, parce qu’il va falloir fournir à des responsables multiples – dans l’enseignement, le sport, les organisations de jeunesse, etc. – des éléments prouvant que ce tiers est bien mandaté pour accomplir certains actes.
Enfin, au-delà de tout cela, vous cassez des repères. Les mots « papa » et « maman » s’emploient à l’égard de personnes précises. Nous jouons un rôle dans la société, que nous devons assumer. Le tiers, c’est autre chose de très différent. Il n’est pas exclu, il peut avoir sa place, mais celle-ci n’a pas la traduction juridique que vous envisagez dans les articles 9 et 10.
À ce moment du débat, je pense que nous avons commencé à bien étudier le texte…
…et je voudrais avoir une pensée pour l’intérêt supérieur de l’enfant, alors qu’il est question de parents et de beaux-parents et que notre collègue Le Fur souligne à juste titre les sources inépuisables de conflits que le texte va engendrer.
J’ai bien entendu ce que notre collègue Assaf, même s’il s’est trompé d’article, souhaitait dire notamment sur l’accompagnement scolaire, sportif et culturel.
À ce moment de l’examen du texte, s’il est question de l’intérêt de l’enfant, je souhaite bon courage aux beaux-parents et aux parents pour s’organiser sans conflit, avec la nouvelle réforme des rythmes scolaires que vous mettez en place.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
C’est une source inépuisable de conflits, entre ceux qui choisiront le mercredi et ceux qui choisiront le samedi, entre ceux qui choisiront l’après-midi de M. Hamon et ceux qui choisiront les trois quarts d’heure de M. Peillon.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Une difficulté particulière, s’il est question de l’intérêt de l’enfant, c’est de lui permettre de voir ses enfants, éventuellement aussi ses beaux-parents, éventuellement le conjoint du parent avec qui il est en garde alternée, puisque telle est la règle que vous voulez. Imaginez la source inépuisable de conflits entre ces parents divorcés ou séparés, qui vivent peut-être dans deux communes limitrophes dont les rythmes scolaires sont différents. Considérez, par exemple, ma commune de Tourcoing, où 40 % des gamins sont scolarisés dans des écoles sous contrat, non pour des raisons financières mais pour des raisons culturelles que chacun, ici, doit respecter, écoles qui n’appliquent pas la réforme des rythmes scolaires. Des parents peuvent y mettre certains de leurs enfants, tandis que d’autres sont scolarisés dans l’école de la République. Quelle source inépuisable de conflits entre la garde alternée, que vous nous imposez, et la réforme des rythmes scolaires, que nous n’avons même pas eue à débattre dans cet hémicycle !
Pour ma part, je souhaiterais quand même que vous ayez, chers législateurs socialistes, l’intérêt supérieur de l’enfant en tête même si vous ne l’inscrivez pas dans ce texte. Ayez-le en tête lorsque vous touchez, non d’une main tremblante mais par idéologie pure, aux textes de la République.
Cet article 9 prévoit l’extension de la présomption d’accord de l’autre parent à l’égard des tiers de bonne foi aux actes usuels qu’un parent a autorisé un tiers à accomplir.
Il y a en fait deux dispositions importantes dans cet article.
D’une part, il est prévu d’intégrer cette notion de tiers. Je pense que la question de notre collègue Mariton est tout à fait justifiée à cet égard : n’y a-t-il qu’un tiers ou peut-il y en avoir plusieurs ? Lisons le rapport, page 97 : « Le présent article a pour objet d’étendre cette présomption d’accord au profit des tiers qui ont été autorisés par l’un des parents à accomplir un acte usuel de l’autorité parentale. » Est-il possible, donc, qu’il y ait plusieurs tiers ?
D’autre part, les mots « relativement à la personne de l’enfant » qui figuraient à la fin de l’article 372-2 du code civil sont supprimés. Pourquoi donc ? Je m’interroge. On sait que ce texte s’inscrit dans un contexte compliqué si l’on considère vos intentions en matière de politique familiale ; tout ce qui touche à la personne de l’enfant ne peut donc que nous inquiéter. Pourquoi avoir supprimé cette notion ?
Vous réécrivez l’article 372-2 du code civil. Qu’est-ce que cela donne ? « À l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale ou quand il autorise un tiers à accomplir un tel acte. » Je trouve que cela ne veut rien dire.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Le glissement sémantique qui a lieu ce soir, avec le texte de loi que vous-même, madame la secrétaire d’État, et l’actuelle majorité proposez est particulièrement inquiétant. C’est la raison pour laquelle je défends cet amendement de suppression de l’article 9.
Jusqu’à présent, la loi visait l’intérêt supérieur de l’enfant. L’enfant était en quelque sorte la pierre angulaire des familles, l’axe central autour duquel s’organisait leur vie. Avec ce glissement, il y a, je le répète, une disparition de la généalogie, une disparition des rôles entre les parents et les enfants, même si vous ne voulez pas l’entendre, et, de ce fait, une incapacité, pour les enfants, de disposer à terme de repères identificatoires et de limites qui lui permettront de se construire, il y a l’illusion que tout adulte, quel que soit son sexe, peut être interchangeable dans le parcours de maturation d’un enfant.
C’est bien là ce que vous souhaitez. Vous souhaitez faire disparaître l’enfant comme préoccupation première de nos textes, vous souhaitez donner, au fur et à mesure des rencontres, puisque tel était le terme employé, des rencontres des adultes, en oubliant progressivement, à terme, les géniteurs des enfants, vous souhaitez faire en sorte d’avoir un, puis deux, puis quatre, puis cinq, puis n parents qui soient délégataires de l’autorité parentale. C’est une confusion absolue que vous organisez, c’est un désordre total que vous tentez, maladroitement, de structurer. Régulièrement, ce navire prend l’eau de toutes parts, et vous n’arriverez pas à écoper, même malgré le silence du commandant de bord, le président de la commission des lois, qui nous a rejoints.
Connaissant les préceptes des Anciens, celui-ci doit se croire à Sparte, tellement il est laconique.
Sourires.
Je pense, d’ailleurs, que votre science nous aiderait, ce soir, monsieur le président Urvoas. Regardez cette tapisserie qui, certes, rappelle plutôt l’école d’Athènes, mais, au demeurant, c’est cette cité qui nous a sauvés deux fois au moins, à Marathon et à Salamine.
Nouveaux sourires.
Mais revenons à nos moutons, puisque certains veulent les garder, et non pas garder les enfants.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Où est l’enfant, dans cet article 9 ? Il disparaît purement et simplement, au profit de tiers indéterminés, de sexe indéterminé, d’âge indéterminé, de rapport indéterminé avec l’enfant concerné.
De grâce, madame la secrétaire d’État, revenez à la raison, et abrogez ce délétère article 9 !
La lecture faite par notre collègue Le Callennec était tout à fait claire et édifiante. On avait tout de même une disposition qui faisait clairement référence à l’enfant. Puisque vous mettez beaucoup de symbolique dans la discussion de ce texte, à symbolique, symbolique et demi ! Vous proposez une nouvelle rédaction, dans laquelle il n’y a plus de référence à l’enfant. Ça, c’est une réalité.
Deuxième point, le Gouvernement et la rapporteure ne sont pas intervenus à la suite des orateurs inscrits sur l’article, mais je suis preneur d’une réponse, s’ils ont l’obligeance de la fournir, à cette interrogation dont Xavier Breton s’est aussi fait l’écho sur la possible pluralité des tiers.
Je voudrais, madame la présidente, que nous ayons des précisions sur cette suppression, par cet article 9, de la référence à l’enfant. Nous examinons un texte sur la famille, vous nous dites que l’intérêt de l’enfant est important, même si, dans votre logique, il n’est pas supérieur ; pourquoi alors supprimer cette mention ? À défaut d’être écouté par Mme la rapporteure, qui a d’autres préoccupations, je souhaiterais que M. le président de la commission des lois nous dise quelque chose.
Sourires.
L’après-midi fut très intéressant, monsieur le président de la commission des lois, parce que votre vice-président, M. Le Bouillonnec, intervenait, apportait une contribution utile, précieuse. On ne comprenait pas toujours, mais, au moins, il parlait.
Rires.
Vous, votre mutisme est un peu inquiétant.
En ce qui concerne cet article 9, pourquoi n’y a-t-il plus de référence à l’enfant ? Et les tiers, combien sont-ils ? C’est ça, le sujet ! S’agit-il du conjoint de l’ex-épouse ou de l’ex-époux ? Est-ce qu’il s’agit de conjoints passés ? Est-ce qu’il s’agit de relations d’un autre type ? On souhaiterait que vous nous donniez un certain nombre de précisions.
Nous sommes dans le chapitre qui traite du droit des tiers, et dont l’idée est de faciliter la vie des familles. Certaines dispositions sont issues du rapport de M. Leonetti sur un précédent projet de loi de Mme Morano. Nous avons aussi écouté la Défenseure des droits. L’idée est effectivement d’accorder au parent qui a l’autorité parentale la possibilité de faire faire accomplir par un tiers certains actes usuels, avec une présomption d’accord de l’autre parent. Je vais essayer de décliner un petit peu ce chapitre-là pour éclairer la suite de nos débats.
Le tiers, cela vise particulièrement le beau-parent. Le mandat d’éducation quotidienne permettra à ce tiers spécifique – j’insiste sur le mot – d’accomplir tous les actes usuels.
Je vous l’ai dit, je parle là de l’article 10. Je prenais l’article 9 et l’article 10 en même temps. Ainsi, cela vous éclairera. On m’a demandé à combien de tiers cela s’appliquait. J’ai dit que cela pouvait s’appliquer à plusieurs tiers. Un parent peut, par exemple, demander à la voisine d’emmener l’enfant à l’école tous les jours, et à une autre personne d’aller le chercher à la sortie de son club de football.
Je suis bien d’accord avec vous, madame, on le faisait sans loi, mais ce n’était pas permis. C’était habituel, c’était usuel, mais il vaut mieux que ce soit écrit.
Le mandat d’éducation quotidienne concerne particulièrement le beau-parent. Avec l’accord de l’autre parent, il permettra au beau-parent d’accomplir les actes usuels, tous les actes usuels.
Défavorable. J’interviendrai plus longuement lorsque nous examinerons l’article 10.
Ce que je ne comprends pas très bien, madame la rapporteure, c’est que nous disons tous à nos électeurs que nous n’allons pas ajouter des normes aux normes quand la vie quotidienne se passe correctement. Vous nous expliquez que les choses se passaient comme ça mais que ça va mieux en l’écrivant. Mais vous allez complexifier la vie des Français, qui se passait très bien avant que nous n’intervenions sur ce point. Qu’est-ce que la loi apportera ? Les clubs de sport, par exemple, vont exiger le document requis.
On va ajouter de l’administratif à l’administratif. Les clubs de sport vont vouloir se couvrir, puisque le législateur aura légiféré et que le juge pourra leur reprocher de ne pas avoir pris toutes les mesures requises. On va donc compliquer un peu plus la vie des Français, parce que vous avez choisi de consigner par écrit quelque chose qui se passait très bien dans la vie quotidienne. Si nous devons légiférer sur tout ce qui n’est pas forcément écrit dans la loi et qui se passe déjà bien pour rendre la vie plus simple aux Français, là, nous sommes entre Pierre Dac et les Shadoks.
Je reviens à l’article 9. À la limite, s’il avait pour objet d’ajouter à la fin de l’article 372-2 du code civil, après les mots « relativement à la personne de l’enfant », les mots « ou quand il autorise un tiers à accomplir un tel acte », vous auriez gardé cette notion de personne de l’enfant, qui a disparu. Le texte de l’article 372-2 serait donc le suivant : « À l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant, ou quand il autorise un tiers à accomplir un tel acte. » Ce serait tout de même, disons-le une fois de plus, une drôle de phrase.
En fait, nous n’avons pas été éclairés par les réponses données. Surtout, nous avons de plus en plus de mal à faire le lien entre l’article 9 et l’article 10, puisque vous nous dites, à l’article 9, que les parents peuvent autoriser un tiers à accomplir des actes usuels relevant de l’autorité parentale.
Il y a déjà là une forme de contractualisation qui peut paraître condamnable du point de vue des principes du droit, au regard de la notion d’autorité parentale. Passons sur ce point.
Surtout, une question demeure : de quels tiers s’agit-il ? Si, parmi les tiers visés par cet article, vous incluez les beaux-parents, alors l’article 10 devient inutile. Quel serait son intérêt par rapport à l’article 9 ? Madame la rapporteure, madame la ministre, vous avez voulu aborder l’article 9 et l’article 10 conjointement : c’est précisément l’articulation des deux qui pose problème. Nous avons du mal à comprendre l’intérêt de l’article 10 par rapport à l’article 9. Pourriez-vous nous répondre sur ce point ?
Pour revenir à l’article 9 lui-même : cette disposition peut être extrêmement dangereuse !
Un point mérite d’être discuté : qui autorisera le tiers à exercer l’autorité parentale ? Un seul des parents, ou les deux ensemble ? Il s’agit d’autoriser quelqu’un à exercer l’autorité parentale à leur place, ce n’est tout de même pas anodin ! Normalement, l’autorité parentale est exercée par les parents. Les dispositions de cette proposition de loi autorisent un tiers à l’exercer à leur place. Faudra-t-il l’accord des deux parents ? L’accord d’un seul suffira-t-il ? N’y a-t-il pas là une source de contentieux ?
Ces questions nous ramènent par ailleurs à un débat que nous avons déjà eu. Cette autorisation devra être expresse, et non tacite. Concrètement, quelle forme prendra-t-elle ? Dans le cadre de ce mandat d’éducation quotidienne, il faudra bien que le mandant puisse prouver aux tiers de bonne foi qu’on l’a autorisé à accomplir les actes usuels de l’autorité parentale pour le compte des parents. Il faudra donc que le mandant ait sur lui un document qui prouve cette délégation. Quelle forme prendra-t-il ? Et quels types d’actes seront concernés par ce document ? Devra-t-il énumérer précisément les actes que le mandant aura le droit d’accomplir ? À ce moment-là il faudra plusieurs documents différents : un pour la nounou, un pour le tonton, un pour les grands-parents, un pour les amis à qui l’on demande d’aller chercher l’enfant à l’école… Au bout du compte, c’est une usine à gaz que vous mettez en place. Ce système sera à la fois extrêmement complexe et extrêmement dangereux. En avez-vous seulement conscience ?
Pouvez-vous répondre à nos questions à propos de l’article 9 – celles qui ont déjà été posées, et celles que je viens de poser ? Surtout, pouvez-vous répondre à cette question : quel est l’intérêt de l’article 10 par rapport à l’article 9 ?
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 478 .
Cet amendement reprend l’argument que j’ai développé tout à l’heure au cours de mon intervention sur l’article 9. Mme Le Callennec a proposé tout à l’heure exactement la même formulation. Il s’agit au moins de maintenir dans le code civil l’expression « relativement à la personne de l’enfant », même si vous incluez par ailleurs la possibilité d’autoriser un tiers à prendre des décisions concernant la vie de l’enfant.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, je comprends l’ajout auquel procède l’article 9 : il est cohérent avec votre manière de voir. Mais rien ne vous empêche de laisser dans le code civil la mention « relativement à la personne de l’enfant ». Je ne comprends toujours pas pourquoi vous voulez l’en enlever. Vous ne nous avez pas éclairés sur ce point : j’aimerais que vous le fassiez à présent.
Cet amendement ne porte pas sur la question du mandat d’éducation quotidienne pour les tiers, mais sur la suppression de la notion de « personne de l’enfant », qui figurait en toutes lettres dans le code civil. Pourquoi voulez-vous la supprimer ? Nous aimerions vraiment avoir une réponse !
Je crois que cette mention, à l’article L. 372-2 du code civil, donnait un cadre clair. On peut s’inquiéter : vous refusez encore une fois de reconnaître l’intérêt supérieur de l’enfant. Là, vous vous en prenez à la personne même de l’enfant. Pourquoi cette suppression ? Quelles sont vos intentions, madame la rapporteure ?
N’y voyez pas d’autre raison que celle que je vais vous donner. La suppression de ces mots est une simplification rédactionnelle qui allège une phrase, déjà longue, du code civil. Il ne faut pas y voir autre chose que cela !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Défavorable.
Je m’étonne que nous ne puissions pas envisager, dans cette proposition de loi qui concerne avant tout l’intérêt de l’enfant, les situations dans lesquelles l’enfant est privé d’un parent. Il y a des enfants qui sont orphelins d’un parent : dans ce cas-là, il existe un vrai statut de beau-parent…
…et il y a vraiment besoin de tiers qui apportent à l’enfant une nouvelle affection, une nouvelle éducation. Ces tiers ont besoin de ce mandat d’éducation quotidienne, qui leur permettra d’accomplir des actes utiles au jour le jour.
Ce mandat permettra aussi, effectivement, de multiplier les tiers impliqués. Après l’arrivée d’un nouveau parent, l’enfant orphelin dont je vous parlais aura six grands-parents au lieu de quatre : vous voyez que vous êtes plutôt réducteurs. Nous, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, nous essayons de faire en sorte que sa famille l’entoure, pour qu’il soit aimé le plus possible.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Encore une fois, cet article pose un grave problème, raison pour laquelle nous en demandions la suppression : il compliquera inutilement la vie quotidienne de nos concitoyens. Encore une fois, s’il y avait eu une évaluation préalable de l’impact de cette proposition de loi, nous n’en serions pas là.
Par ailleurs, mis à part la pirouette tautologique exécutée par Mme la rapporteure, vous n’avez toujours pas expliqué la raison pour laquelle vous voulez supprimer l’expression « relativement à la personne de l’enfant ». Même si nous rentrons dans votre logique, même si nous acceptons les prémisses qui vont ont conduites à rédiger ce texte, nous ne comprenons pas ce qui justifie objectivement, aujourd’hui, la suppression de cette expression – sauf à ce que vous cherchiez effectivement à instituer un univers exclusivement composé d’adultes, sans prendre en compte l’enfant.
Cette question n’est pas anodine. Pour nous, l’intérêt supérieur de l’enfant ne saurait en aucun cas être mis de côté. Nous ne comprenons donc pas pourquoi vous voulez supprimer la référence que fait l’article L. 372-2 du code civil à la notion de « personne de l’enfant ».
Je ferai juste une remarque au sujet des propos tenus par notre collègue Mme Pochon. Je suis choquée par le raisonnement qu’elle a tenu, qui revient en substance à dire : « Avoir six grands-parents plutôt que quatre, quelle importance ? Plus il y en a et plus l’enfant est aimé. » Je trouve cela d’une folle absurdité : comme si un enfant était mieux aimé par un plus grand nombre de personnes…
L’article 9 est adopté.
Puisque nous employons des métaphores animales, je pense au chat de Schrödinger – que vous connaissez tous, naturellement – et au double principe d’incertitude de Heisenberg.
Dans notre monde newtonien, le président Urvoas est tantôt assis au banc de la commission, tantôt un peu plus haut à converser avec une charmante voisine.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je le trouve très silencieux depuis trois jours et trois nuits que nous avons commencé d’examiner ce texte.
Malgré toute la sympathie que nous avons pour elle, il faut bien dire que Mme la rapporteure nous a exposé des raisonnements tautologiques assez surréalistes.
Lors des votes, des décisions sont prises, en rapport avec la place qu’occupent les parlementaires dans l’hémicycle, c’est-à-dire selon leurs coordonnées dans un repère tridimensionnel. Ici, sur les bancs de l’opposition, des arguments sont refusés ; mais lorsque, deux heures après, ils sont exprimés sur les bancs de la majorité, ils sont acceptés. Bref, c’est incohérent !
Plus sérieusement, votre vision des enfants est totalement quantique. Dans cette vision, d’abord, l’enfant est une particule élémentaire qui disparaît complètement : c’est une sorte de boson de Higgs. Il y a ensuite deux « parents » – parce que, naturellement, il ne faut plus parler de « père » et de « mère » – et un nombre indéterminé de tiers. Pour dire les choses en termes mathématiques, disons que le nombre de tiers varie de zéro à n.
Notre hémicycle est accueillant aux mathématiciens : voyez, au-dessus de la tribune du président, sur la tenture reproduisant l’École d’Athènes, les figures de Pythagore et d’Euclide !
Sourires.
L’ensemble des familles de France seront affectées par une complexité que vous n’imaginez pas. De nombreuses décisions relèvent de la négociation habituelle et n’ont pas besoin d’être autorisées par mandat sous seing privé : par exemple l’alimentation, l’heure du coucher ou les visites de tiers – amis de la famille ou non, amis du premier parent ou du deuxième parent. Selon le moment auquel on se place, par exemple au moment où l’enfant vient de naître, ou avant la première séparation d’un des deux parents, ou encore dix ans après, lorsque le deuxième parent aura refait sa vie avec une troisième personne…
On va se retrouver dans un système totalement incompréhensible. Vous n’avez aucun référent, madame la ministre !
J’attends avec une grande impatience l’intervention de madame la ministre qui, conformément à une habitude qui semble s’ancrer dans cet hémicycle, interprète certains articles de cette proposition de loi à l’aide d’autres articles précédemment votés. Nous avons déjà vécu cela hier soir ; il semble que ce sera le cas tous les jours ! J’attends donc l’explication conjointe des articles 9 et 10.
Je suis de votre avis. Il fallait faire la même chose ce soir, si c’était nécessaire, mais apparemment cela ne l’est pas. Nous comprendrons donc tout cela tout à l’heure. J’en suis fort aise.
Cela dit, je soulèverai deux objections principales à cet article 10. Premièrement, compte tenu de l’article 9 que vous venez d’adopter, l’article 10 est inutile. Si on le lit correctement, l’article que nous venons d’adopter donne aux tiers la faculté de prendre des décisions concernant la vie des enfants. L’article 10 n’ajoute qu’un seul élément : la possibilité de signer un acte en la forme authentique, chez le notaire ou au greffe. Mais il n’y a pas besoin de préciser que cette faculté existe : elle est déjà offerte à chacun d’entre nous à l’heure actuelle ! En effet, selon l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » dans les limites fixées par la loi. Par conséquent, l’article 10 de cette proposition de loi ne sert à rien. Si vous n’aviez pas adopté l’article 9, il aurait eu une utilité, mais à cause de l’adoption de l’article 9, il devient complètement superfétatoire.
Deuxièmement, la question du nombre de personnes qui seront susceptibles de détenir un mandat d’éducation quotidienne reste ouverte. Un certain nombre de nos collègues l’ont déjà évoquée tout à l’heure.
Au passage, je dois dire que je n’aime pas beaucoup le terme « mandat d’éducation quotidienne », que je ne trouve pas très joli. Je n’ai pas eu le temps d’en chercher un autre, et puis, dans une large mesure, cela n’est pas notre affaire ; admettons…
Rires.
Au fond, la question du nombre de titulaires de ces mandats se pose. À l’heure actuelle, ce nombre n’est pas limité. Mme Pochon nous a rappelé qu’il est nécessaire d’autoriser des tiers à accomplir des actes liés à l’éducation des enfants : l’amendement que j’ai défendu il y a quelques minutes ne proposait pas autre chose. Sur ce point, je répète que nous sommes d’accord. Mais avec l’article 10, il ne s’agit pas de cela. La question posée est : oui ou non, le nombre de personnes susceptibles d’accomplir des actes d’autorité parentale est-il limité ?
L’article 10 de cette proposition de loi crée le mandat d’éducation quotidienne, que nous contestons pour plusieurs raisons. Dans son principe, il permet à quatre personnes de s’occuper de l’éducation de l’enfant : les parents et les tiers vivant de manière stable avec l’un et l’autre. Or cela n’est pas structurant pour l’enfant ! La stabilité de l’union des parents avec leurs conjoints ou concubins respectifs est aléatoire : on fait courir à l’enfant le risque de nouvelles ruptures et recompositions, qui seront déstabilisantes pour lui.
La possibilité de rédiger ces mandats sous seing privé en diminue la sécurité. Il serait envisageable d’exiger l’avis d’un juge ou des avocats de chaque partie.
L’accord de l’autre parent est nécessaire, et c’est heureux. Mais ce mandat peut donner lieu à de nouvelles sources de disputes et de conflits entre les deux parents, qui n’en ont guère besoin. Cette condition met en évidence l’inutilité d’un tel mandat. En cas de conflits entre les parents, il n’y aura pas d’accord entre eux, et donc pas de contrat. En cas de bonne entente, le mandat est inutile puisque la loi de 2002 permettait déjà aux tiers de faire les actes usuels, mais vous voulez sans doute aller plus loin et permettre l’accomplissement d’actes juridiques, ce que nous ne pouvons accepter.
C’est pourquoi il vaudrait mieux ne pas instituer ce contrat, qui se veut une simplification, mais qui, de fait, n’en sera pas une.
L’article 376 du code civil dispose que l’autorité parentale ne peut faire l’objet d’aucune renonciation, et d’aucune cession ; elle est en dehors du champ du commerce.
En revanche, les actes usuels accomplis pour l’éducation de l’enfant peuvent être accomplis par une personne qui n’est pas le parent de l’enfant, en vertu de contrats divers : contrat de garde d’enfants ou simple accord de confiance, tel qu’actuellement pratiqué dans les rapports de famille. Nul besoin de loi pour cela.
Le mandat est un contrat dont l’objet est l’accomplissement d’acte juridique. Donner mandat d’éducation a donc une portée bien supérieure à un accord simple, qui consiste à permettre à un tiers d’accomplir des actes matériels usuels, comme aller chercher un enfant à l’école ou le conduire à ses activités périscolaires.
Donner mandat d’éducation consiste donc à permettre à un tiers de signer les livrets scolaires, de donner son aval pour les sorties, ou encore pour des opérations chirurgicales. Il s’agit là d’actes juridiques.
Je ne sais pas à quel point vous mesurez que, dans sa rédaction actuelle, le mandat d’éducation risque de paralyser la vie quotidienne de l’enfant. Quelques exemples : le directeur d’école devra-t-il demander l’accord du beau-parent pour une sortie scolaire ? Faudra-t-il lui faire signer le livret de l’enfant ?
À mon sens, cette disposition donne beaucoup de pouvoirs aux tiers et conduit à une dérive de l’autorité parentale vers le domaine du commerce.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Il s’agit là d’une ineptie juridique qui, je le répète, conduira à multiplier les contentieux. Plus encore, au lieu de simplifier la vie de nos concitoyens, elle va l’alourdir, raison pour laquelle un tel article n’a pas de sens.
L’article 10 crée un mandat d’éducation quotidienne permettant au concubin, au partenaire lié par un PACS ou au conjoint d’accomplir les actes usuels de l’autorité parentale pour la durée de la vie commune. Rédigé par acte sous seing privé ou en la forme authentique, il ne pourra être établi qu’avec l’accord de l’autre parent.
À la limite, il aurait été compréhensible d’établir ce mandat pour des actes importants mais, pour des actes usuels, je n’y vois aucun intérêt. Si le conjoint l’accepte, c’est que les relations avec les beaux-parents sont apaisées : ce mandat n’a donc aucune utilité car, dans les faits, tout se passe très bien.
En revanche, si les relations entre les parents biologiques sont conflictuelles, il n’y aura pas de mandat, puisqu’il faut l’accord du parent qui ne vit pas avec l’enfant.
Enfin, dernier cas, si les relations entre le parent biologique et le beau-parent, apaisées au départ, deviennent conflictuelles, le mandataire n’a pas la possibilité de révoquer le mandat, car l’article 10 prévoit que seul le mandant le peut.
Avec cet article, vous figez donc des situations et vous passez à côté de la principale demande des beaux-parents, qui est d’établir un mandat pour les actes importants, et non usuels, de la vie quotidienne.
Les députés du groupe UDI avaient également défendu un amendement visant à créer un mandat d’éducation quotidienne, mandat qui avait été proposé par le rapport de 2006 de la Défenseure des droits.
Dans certaines situations – familles monoparentales ou recomposées, par exemple – un parent peut avoir besoin d’être épaulé par un tiers pour gérer des aspects de la vie quotidienne de l’enfant, en l’autorisant à réaliser certains actes en son nom, comme aller chercher l’enfant à l’école, le conduire chez le dentiste, etc., ou à participer plus activement à l’éducation de l’enfant par le biais du partage de l’exercice de l’autorité parentale.
L’article 10 prend en compte ces situations en permettant aux parents de donner un mandat d’éducation quotidienne à son concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou conjoint, avec lequel il réside de façon stable. Le tiers pourra ainsi accomplir les actes usuels de l’autorité parentale pour la durée de la vie commune.
Je voudrais, avant l’examen de l’article 10, revenir brièvement sur les articles précédents, dans la foulée des propos de M. Poisson. En effet, lors de l’examen de l’article 6 de cette proposition de loi bavarde, l’opposition a observé que cet article n’était pas à la bonne place ; à court d’argument, la secrétaire d’État a répondu que nous aurions une explication lors de l’examen de l’article 7. Quant à la rapporteure, elle a justifié la place des articles par la nécessité de respecter l’ordre de numérotation des articles du code civil.
L’article 6 complétait l’article 373-2-1 du code civil. Or, après l’examen des articles suivants, l’article 10 nous fait revenir à l’article 373-2-1-1 du nouveau code civil, alors qu’il aurait dû s’inscrire dans la suite logique du précédent.
Sur le fond, l’article 10 vise à définir le statut de beau-parent, dont tout le monde parle sans savoir de quoi il s’agit. Il crée un mandat d’éducation quotidienne pour le concubin, le partenaire, ou le conjoint, ce qui va inévitablement compliquer la vie des familles. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi on oublie le cas du mandat donné par un parent au grand-parent, avec l’accord de l’autre parent, car c’est aussi un cas de figure possible.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, qui me l’a demandée. Vous pourrez continuer à vous exprimer sur l’article 10 après son intervention, mesdames et messieurs les députés. Le Gouvernement, comme vous le savez, parle quand il le souhaite.
D’ailleurs, quand je me tais pendant trop longtemps, vous vous plaignez !
Sourires.
Pour le présent article, il ne faut pas se cacher derrière des arguties juridiques, des points de droit précis ou des inquiétudes particulières.
Nous avons un vrai désaccord sur le statut du beau-parent ; il faut l’assumer et il est bon que nous en parlions.
Le présent article ne prévoit pas d’instaurer de statut du beau-parent. Il ne fait pas de ce dernier un prolongement, un artefact, un clone de l’autorité parentale, inspiré de la filiation biologique. Il prend seulement acte du fait que les familles d’aujourd’hui comprennent souvent un parent qui élève un ou plusieurs enfants avec son compagnon ou sa compagne.
Pour répondre à votre question sur le nombre de personnes concernées, question au demeurant inutilement suspicieuse et curieuse de la vie des Français,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
cette disposition concernera le plus souvent une ou deux personnes – difficilement plus : il s’agira du compagnon ou de la compagne de l’un ou de l’autre parent.
C’est, finalement, une situation assez simple : il peut y avoir deux beaux-parents – le premier vivant avec l’un des parents, le second avec l’autre –, chez lesquels l’enfant passe alternativement une partie de son temps. Il n’est pas besoin de donner à ces deux beaux-parents un statut qui dérive de l’autorité parentale, ou qui soit inspiré de la filiation biologique !
Il suffit de prendre acte qu’ils participent à l’éducation des enfants, et qu’ils sont présents dans le quotidien de l’enfant.
Tout à l’heure, M. Dhuicq a évoqué « l’homme nouveau et déshumanisé » que nous voulions, selon lui, créer. De qui parlez-vous, monsieur le député ? Des enfants élevés aujourd’hui au sein de familles recomposées ? Ces enfants, monsieur le député, sont ceux de femmes et d’hommes parfaitement humanisés, qui les élèvent au quotidien avec leur conjoint, et qui sont impliqués dans leur éducation.
Vous prétendiez également que ces dispositions étaient conçues pour faire plaisir aux beaux-parents. Savez-vous ce que c’est, être beau-parent, monsieur le député ? Pensez-vous qu’il s’agit là d’une partie de plaisir ? Ces personnes doivent élever leurs enfants, ceux de leurs compagnons, et parfois les demi-frères de ces enfants, comme s’ils étaient tous les leurs, dans le même sens de la justice et de l’équité !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Ce statut ne déshumanise en rien ceux qui l’exercent. Au contraire, il humanise les familles, dont c’est le quotidien.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Laissez-moi finir ! Je vous ai écoutés et continuerai de le faire, mesdames, messieurs les députés de l’opposition !
Vous, vous préférez traquer ces beaux-parents, les soupçonner, en plaçant le débat sur un plan juridique.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Bien sûr ! Vous avez fait de l’article 10 l’article-clé de votre désaccord sur ce texte. Vous avez prétendu, il y a un instant, qu’avec les beaux-parents, les repères étaient brouillés. J’indique seulement que ces mêmes beaux-parents contribuent aussi à établir des repères pour ces enfants, qui en ont bien besoin.
L’un des orateurs l’a dit assez justement, pour les actes usuels, le beau-parent est là.
Pour les actes moins usuels, le mandat que cet article vise à instaurer pourrait d’ores et déjà être requis. Pour aller chercher un enfant aux urgences, il faut, dans l’état actuel du droit, être le parent de l’enfant. Un beau-parent ne peut pas le faire. Grâce au mandat d’éducation quotidienne, ce sera possible !
Aujourd’hui, on ne peut pas aller chercher l’enfant de son compagnon ou de sa compagne aux urgences.
C’est effectivement un acte important, que le mandat rendra possible.
Par ailleurs, ce fameux acte réalisé sous seing privé ou en la forme authentique est symbolique, car il légitime le beau-parent aux yeux de l’enfant.
Je l’ai expliqué tout à l’heure, il n’est pas rare qu’un adolescent se retourne contre son beau-parent, qui lui demande, surtout s’il s’agit d’une jeune fille, de ranger sa chambre et de participer à la vie de la maison. C’est bien de cela dont nous parlons, mesdames, messieurs les députés, de la vie des gens, et non pas de vos élucubrations, de vos craintes, sur la dégénérescence de l’être humain !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
À ces beaux-parents, les enfants disent…,
Exactement ! Avec le mandat d’éducation quotidienne, le beau-parent pourra dire aux enfants que, certes, il n’est pas leur mère, il n’est pas leur père, mais que ces derniers, justement, lui ont confié, ensemble, le soin de les élever au quotidien. En cela, ce mandat légitime le beau-parent, il fait de lui un repère supplémentaire.
Nous ne sommes pas d’accord sur cet article. Nous voulons, nous, que ceux qui élèvent les enfants au quotidien, aux côtés de leurs parents biologiques, soient reconnus et puissent leur donner des repères, car, oui, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, avec ces dispositions, les repères, c’est nous qui les établissons.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la secrétaire d’État, je vais m’éloigner de l’idéalisme de votre vision. Les travailleurs sociaux disent que les différends conjugaux sont devenus la difficulté majeure de notre société. La montée en puissance des violences intrafamiliales s’observe un peu partout.
Les enfants en sont soit les témoins, soit les objets. Tout cela montre la difficulté grandissante éprouvée par les familles et les parents à offrir à leurs enfants un cadre de vie apaisé.
Par cette proposition de loi, qui vise à accorder aux beaux-parents des droits supplémentaires en matière d’autorité parentale, vous allez contribuer à fragiliser davantage la famille. Quand les parents biologiques ne parviennent pas à protéger leurs propres enfants des conflits qui les opposent, comment imaginer qu’un parent biologique et son compagnon, ou sa campagne, y parviendraient davantage ?
Du reste, vous l’avez implicitement reconnu tout à l’heure, lorsque vous vous êtes questionnés sur l’effet produit sur un enfant d’une première rupture, puis d’une seconde. En donnant au beau-parent, au compagnon ou à la compagne, des droits supplémentaires sur l’enfant, vous faites courir à l’enfant et à la famille un risque supplémentaire.
Vous venez d’évoquer la situation idéale, madame la secrétaire d’État, mais vous savez parfaitement que tel n’est pas le quotidien de toutes les familles. Lorsque l’enfant a un conflit avec son beau-père ou sa belle-mère, ce n’est pas le fait de brandir le contrat décidé par ses parents biologiques qui le résoudra. Je crois que se pose vraiment là un problème de fond. Nous avons, en conséquence, raison de faire de cet article 10 un des articles fondamentaux de cette proposition de loi.
Vous avez répondu à un certain nombre de nos questions, madame la secrétaire d’État, mais l’une d’entre elles est demeurée sans réponse. Puisque vous parlez d’ériger un statut du beau-parent, pourquoi ne mentionnez-vous pas le mot « beau-parent » dans ce texte ?
Parce qu’il a aussi un autre sens !
Cette interrogation vous paraît peut-être un peu simple. Cette proposition de loi est toutefois largement présentée au grand public comme l’établissement du statut du beau-parent. Or il se trouve que l’élément principal dont on parle à l’ensemble des Français, et que vous venez d’évoquer devant nous, ne figure pas dans la proposition de loi.
Considérer qu’un texte établit une qualité sans toutefois qu’elle y figure pose tout de même un problème.
Il y a peut-être une raison à cela. J’apprécierais, pour ma part, que vous nous l’expliquiez. Il serait tellement plus simple de préciser ce terme dans le texte de loi, comme vous le faites lorsque vous discutez avec nos concitoyens. En réponse à la question portant sur le nombre, vous avez précisé qu’ils seraient usuellement deux beaux-parents plus deux parents, donc quatre. Vous avez toutefois fait preuve d’une grande prudence lorsque vous vous êtes exprimée, car vous avez imaginé qu’ils puissent être plus nombreux. À quel type de situation faites-vous référence ?
Vous avez spécifié qu’il y aurait ordinairement quatre beaux-parents, mais vous n’avez pas exclu d’aller au-delà. Qu’entendez-vous par cela ?
Il faut cesser d’être hypocrite et dire les choses telles qu’elles sont. Vous vous y êtes malheureusement refusée s’agissant du recours à la PMA et à la GPA.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous les avez officiellement interdites et avez d’ailleurs fait pression sur le groupe écologiste pour qu’il ne dépose pas d’amendement tendant à légaliser le recours à la PMA en France. Il n’est d’ailleurs plus présent, ce soir, parce qu’il a bien compris qu’il ne serait pas entendu.
Tout cela est donc officiellement interdit. Vous continuez toutefois, en réalité, puisque vous refusez de vous prononcer sur la circulaire Taubira, à encourager le recours à la PMA et à la GPA à l’étranger.
C’est dans votre tête !
Mais le lien est là ! Soyez courageuse et défendez vos opinions ! Évitez les procès d’intention et les grandes leçons de morale, comme vous venez de le faire. Votre argumentation n’était pas très solide sur le fond ! Je vais vous le prouver en évoquant deux points. Vous ne cessez, tout d’abord, d’évoquer les beaux-parents, alors qu’ils ne sont pas mentionnés dans la proposition de loi, comme vient de le rappeler avec raison notre collègue Mariton. Il faut insister sur ce point.
Si cette proposition de loi concerne les beaux-parents, pourquoi cette expression n’apparaît-elle pas dans le texte ? Pourrait-on obtenir enfin une réponse ? Soit ce texte ne s’applique pas aux beaux-parents et ils n’y sont pas mentionnés ; soit il les vise et ils doivent alors y figurer… Je ne sais pas si je dois poursuivre, madame la présidente, puisque Mme la secrétaire d’État ne m’écoute pas !
Ce n’est pas parce que je ne vous regarde pas que je ne vous écoute pas !
Ce point est essentiel. De plus, madame la secrétaire d’État, lorsque, à la fin de votre intervention et après une grande leçon de morale, vous avez quelque peu abordé les sujets techniques, vous avez alors précisé que ce mandat serait utile pour les actes moins usuels. Or la proposition de loi porte sur les actes usuels. C’est bien la preuve que la confusion est totale, et ce qu’il s’agisse de la référence aux beaux-parents ou de la mise en oeuvre concrète de ce texte.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Elles sont très nombreuses puisqu’on en compte 720 000 et que 1,5 million d’enfants de moins de dix-huit ans qui vivent dans de telles familles, un tiers d’entre eux cohabitant avec des demi-frères et demi-soeurs, comme l’a souligné Mme la secrétaire d’État. Les beaux-parents ne nous posent pas de problème puisque nous n’imaginons pas, ce que vous faites, qu’il y ait une concurrence entre les beaux-parents et les parents. Les familles vivent très bien ces situations.
Nous n’avons pas voulu, monsieur Mariton, prévoir un statut, outil contraignant, et l’imposer aux familles.
Le groupe socialiste a fait ce choix. Nous avons voulu mettre en place un outil fondé sur le volontariat des familles, sur leur liberté totale. Nous affirmons clairement, car telle est l’intention du législateur, que nous n’admettrons pas que des administrations comme l’éducation nationale exigent aux familles recomposées la production d’un tel mandat. Nous voulons que cet outil soit le plus léger et le moins contraignant possible.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il doit être fondé sur la liberté et la volonté des parents, de l’enfant, et ce en accord avec le beau-parent qui bénéficiera de cette confiance marquée pour l’avenir.
À la différence de l’article 9 qui repose sur une confiance ponctuelle à l’égard du tiers, l’article 10 s’inscrit dans l’avenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Il est très intéressant que des collègues socialistes prennent la parole, car on comprend alors l’esprit de la proposition de loi. Tel n’est pas le cas lorsque l’on entend les propos, non du président de la commission des lois qui ne s’exprime pas, mais de Mme la secrétaire d’État et de Mme la rapporteure. Nous constatons alors que cette proposition consiste à « faire famille » comme on le désire, sans aucune règle.
Toutes les possibilités à géométrie variables sont envisageables puisque vous n’avez fixé aucune limite à cette définition, mon cher collègue Binet.
En effet, selon notre collègue Pochon, il y aurait un nouveau théorème selon lequel le bonheur des enfants serait proportionnel au nombre d’adultes qui l’aiment.
Donc, plus on aura de grands-parents, plus on sera aimé et, dans la même logique, plus on aura de parents, plus on sera aimé ! C’est ce que vous avez dit très clairement sans que cela ne suscite de réaction sur ces bancs. C’est intéressant, car on comprend l’esprit de cette proposition de loi, laquelle s’inscrit effectivement dans une séquence. Nous débattons aujourd’hui d’un premier acte très laborieux qui nous annonce des lendemains qui ne sont pas sans nous inquiéter.
J’insisterai sur deux points, s’agissant de cet article 10. Premier point, plusieurs tiers pourront-ils demander à bénéficier de ce mandat d’éducation quotidienne ? Vous avez précisé, madame la secrétaire d’État, qu’il s’agirait normalement d’une personne, voire de deux, mais difficilement de plus sans toutefois affirmer que ce serait impossible. Pourtant, il est indiqué dans cet article que ces mandats d’éducation quotidienne pourront être confiés à un concubin, partenaire ou conjoint avec lequel le parent réside de façon stable.
J’essaie de comprendre ce « difficilement plus ». S’il y a, d’un côté, un parent avec un tiers et, de l’autre, un parent avec un autre tiers, il y a alors quatre personnes. Vous avez précisé qu’il était difficile d’aller au-delà. Cela signifie tout de même que d’autres personnes peuvent vivre sous le toit d’un des deux parents. Mais peut-être s’agit-il de s’ouvrir à d’autres notions que sont l’assistance médicale à la procréation, la gestation pour autrui, donc de l’ouverture à des formes de parenté différentes.
Second point, l’article 10 précise que le parent peut donner mandat d’éducation quotidienne à son conjoint pour chacun des enfants vivant avec le couple. Lorsqu’il y aura plusieurs enfants d’une même fratrie, y aura-t-il obligatoirement un mandat d’éducation quotidienne pour chacun des enfants ou les parents pourront-ils donner un mandat d’éducation quotidienne pour certains de ces enfants ?
Cette question est essentielle, car Mme la secrétaire d’État a indiqué qu’elle souhaitait légitimer cette notion de beau-parent, terme qui, je le rappelle, n’apparaît pas dans le texte.
Sourires.
Je reprends votre exemple, madame la secrétaire d’État. Les parents d’un enfant sont hélas séparés. Chacun des parents a un conjoint. L’enfant a donc des beaux-parents, ce qui représente quatre personnes dans le paysage. Mais c’est plus compliqué que cela ! En effet, le beau-père de l’enfant a lui-même un enfant qui vit avec sa mère, la mère de l’enfant est, de fait, la belle-mère de l’enfant du beau-père.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Voyez la multiplication des personnages et la confusion que cela entraîne !
C’est la vie !
Écoutez et prenez des notes, s’il vous plaît ! Cet enfant peut avoir un demi-frère dont le père est souvent différent, ce qui signifie que ce demi-frère a lui-même une belle-mère différente de la sienne. Tout cela s’adresse non pas à des adultes éclairés, mais à des enfants qui ont besoin d’éléments stables. Mes exemples sont relativement simples. Je n’aborderai pas le cas de familles homosexuelles ou celui de la séparation des beaux-parents. Vous imaginez donc bien la complexité à laquelle nos enfants vont devoir faire face.
Vous mesurez également le nombre le nombre d’actes qui seront nécessaires afin de respecter cette géographie complexe ! L’autorité parentale est une comme la République, madame la secrétaire d’État !
Sourires.
Elle ne doit se déléguer que dans des circonstances très singulières et elle ne peut pas donner lieu à l’établissement de documents dont on ne mesurera pas l’authenticité. Souhaitez-vous que je recommence ma démonstration ?
Rires.
Non, je vous remercie ! C’est très bien ainsi !
La parole est à M. Christian Assaf.
Cet article 10 vise à reconnaître le rôle des beaux-parents. Présents dans la vie des enfants, les conjoints des parents divorcés ou séparés n’existent pas aux yeux de la loi. Il ne s’agit ni de créer un statut unique qui ne pourrait pas s’adapter à la diversité des situations ni de remplacer le parent biologique par le nouveau conjoint, monsieur Le Fur. Cet article tend simplement à reconnaître les responsabilités que les beaux-parents assument déjà de fait au quotidien, en créant un mandat d’éducation quotidienne.
Rires.
Ce mandat, lequel requiert l’accord des deux parents, est un document facile à établir. Il permet de prouver le lien qui existe entre l’enfant et le beau-parent à l’égard des tiers – je pense à l’école, à l’hôpital, aux activités sportives – et d’accompagner l’enfant et le beau-parent dans les actes usuels de l’autorité parentale sans ne rien retirer aux parents biologiques. Ce mandat, lequel ne vaut que pour la durée de vie commune du parent avec le beau-parent, revêt un caractère indéniablement pratique et souple, mais il est également une reconnaissance symbolique des beaux-parents dans les familles recomposées.
Et ce n’est pas superfétatoire, mon cher collègue Poisson !
Je ne résisterai pas à la tentation de reprendre les explications de notre collègue Le Fur qui ont passionné tout le monde ! En effet, chacun a compris qui était l’oncle de la tante du grand-père en couple avec la nièce ! Je reviendrai, plus sérieusement, sur les précisions apportées par Mme la secrétaire d’État, laquelle a, peut-être un peu dangereusement, voulu répondre aux premiers orateurs inscrits sur l’article. Elle a ainsi tenu des propos que je trouve très désobligeants et qui m’ont profondément blessé.
Nous ne « traquons » pas les beaux-parents, madame la secrétaire d’État. Il n’y a pas de chasse aux beaux-parents. Vous n’avez pas l’apanage de la connaissance des familles recomposées ! En revanche, nous avons un point de vue différent sur la façon de les intégrer.
Chacun d’entre nous connaît les difficultés de la vie des familles, dans tous les milieux, dans toutes les catégories socio-professionnelles. Sur ce point, il n’y a pas des familles de droite et des familles de gauche : il y a des familles de la République, des familles de la France, des familles françaises.
L’article 10 présente de réelles confusions. On nous dit qu’il ne crée pas de statut du beau-parent : je demande à voir ! Cet article ne vise pas les grands-parents ou d’autres tiers, mais bien le « conjoint » d’un parent, que l’on autorise à accomplir les actes usuels de l’autorité parentale. Je ne vois pas pourquoi l’on crée un mandat particulier, avec une rigidité très forte, pouvant être rédigé sous seing privé mais aussi en la forme authentique, c’est-à-dire devant un notaire ou, le cas échéant, un avocat, alors que la délégation-partage existe pour les actes usuels depuis 2002.
Quoi qu’on nous dise, il est aujourd’hui possible, pour un beau-parent, d’accomplir des actes usuels, de déposer les enfants à l’école, de les accompagner chez le médecin, de les emmener chez la baby-sitter ou de les chercher chez la nounou, par exemple. Tout cela existe ! Les éventuelles améliorations à apporter devraient concerner les actes plus complexes ; or l’article 10 ne les vise pas.
Mon intervention sera brève, madame la présidente : je souhaite simplement réagir aux propos de notre collègue Binet.
Ce qu’a dit Erwann Binet est intéressant : en somme, il répond aux questions de l’opposition sur la complexité d’un texte qui régit ce qui existe déjà. Avec tout le respect que je vous dois, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, nous ne vous avons pas attendues pour optimiser le fonctionnement des familles, même recomposées, afin que les enfants soient aimés, y compris par leurs beaux-parents. Tout le monde partage ici cet objectif.
Monsieur Binet, vos propos étaient intéressants. Je vous cite, cher collègue : « Nous n’allons pas exiger de l’éducation nationale qu’elle alourdisse les tâches administratives des familles. » Dans ce cas, on se demande pourquoi nous votons de telles dispositions ! Je pense qu’une simple déclaration…
J’aimerais que la rapporteure et la secrétaire d’État soient attentives à mon intervention. Madame la présidente, pouvez-vous faire en sorte qu’au moins l’une des deux m’écoute ?
Les deux vous écoutent, monsieur Darmanin !
Mon propos s’adresse à vous, madame la rapporteure, et je m’exprime sans aucune acrimonie. Notre collègue Erwann Binet a dit : « Nous n’exigerons pas de l’éducation nationale des documents administratifs supplémentaires, pour éviter d’alourdir la vie des Français. » Ce serait bien que vous le disiez également ! Vous êtes la rapporteure du texte, ce que n’est pas M. Binet, malgré les qualités que nous lui reconnaissons. Vos propos – comme ceux de Mme la secrétaire d’État, mais je n’ai pas de consigne à donner à un membre du Gouvernement – seront relus par le juge et éclaireront la jurisprudence en cas de conflit.
Les propos tenus par un député, même membre du groupe majoritaire, n’engagent pas la rapporteure du texte, ni le président de la commission des lois, qui s’enferme désormais dans un mutisme de plus en plus profond. Je ne citerai pas les références historiques de notre collègue Dhuicq.
Sourires.
J’aimerais demander à nos collègues de l’opposition, sans m’adresser spécifiquement à l’un ou à l’autre, s’ils pensent que nos compatriotes de Polynésie française vivent dans la confusion. Pensez-vous, mes chers collègues, que les familles polynésiennes, qui sont des familles françaises, soient déstructurées ?
M. Mariton n’est peut-être pas resté assez longtemps rue Oudinot pour apprécier toute la valeur de la diversité culturelle, qui constitue une richesse pour notre République. Mais, monsieur Darmanin, nous n’avons pas à aller chercher cette diversité, cette richesse culturelle et ces modes de vie sous les tropiques : ils sont chez nous.
Les beaux-parents polynésiens ont-ils un mandat pour accomplir les actes du quotidien ?
Les beaux-parents polynésiens ont-ils un mandat pour accomplir les actes du quotidien ?
Voilà ce qu’est devenue la France. Vivez dans la France d’aujourd’hui ! Acceptez la France telle qu’elle est devenue, dans sa richesse !
Les enfants qui ne sont pas systématiquement élevés par leurs géniteurs sont-ils pour autant moins aimés, ou mal élevés ?
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous savez très bien que non ! Alors, acceptez la diversité de notre société et ne persistez pas dans ce conservatisme figé ! Regardez la vie telle qu’elle est !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Chers collègues de l’opposition, vous nous avez accusés tout à l’heure de ne pas avoir de vision. Nous avons conçu cette proposition de loi comme un texte en quatre parties, et les deux que nous avons examinées se complètent l’une l’autre.
Oui, monsieur Poisson, elles se complètent. Nous avons affirmé l’autorité parentale des deux parents : en d’autres termes, nous avons assis les deux parents dans l’exercice de l’autorité parentale conjointe. Malgré les séparations, l’autorité parentale existe toujours. Ainsi, nous avons reconnu à chaque enfant le droit, quand c’est possible, de conserver des liens avec ses deux parents, même après une séparation.
C’est parce que nous avons rassuré les deux parents, et parce que l’enfant est rassuré sur le fait qu’il a bien deux parents, qu’il peut éventuellement faire de la place pour un beau-parent, ou pour un tiers, si vous préférez. Ce tiers va trouver sa place parce que l’autorité parentale aura été réaffirmée. Quand les deux parents s’entendent sur le fait que ce tiers a le droit d’accomplir les actes usuels de la vie de l’enfant, c’est un progrès. Si les deux parents ont réussi à s’entendre sur ce point, ils adressent un signal important à l’enfant. Certes, il arrivera parfois qu’aucun accord ne puisse être trouvé : dans ces cas-là, il n’y aura pas de mandat.
À travers ce geste, les parents montreront à l’enfant qu’ils reconnaissent au tiers une certaine place, la possibilité d’être avec lui au quotidien pour lui apporter de l’affection et contribuer à son entretien.
C’est très important, et cela concerne les familles recomposées. Ces familles existent, ne vous en déplaise, et elles sont plus nombreuses que vous ne le croyez.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est parce que les parents sont sûrs de leur autorité parentale qu’ils peuvent faire de la place à un tiers, et l’enfant appréciera cette situation.
Il existe aussi des familles dont la situation est encore moins bonne, et où l’autorité parentale est exercée par un seul parent.
Pour elles, nous avons trouvé d’autres dispositifs. Tout au long de l’élaboration de cette proposition de loi, nous avons suivi un principe directeur, celui de ne pas avoir de dogme. Nous proposerons à des familles de nouveaux outils juridiques : en fonction de leur situation, elles les utiliseront ou non. Si elles en ont besoin, ces outils existeront.
Malheureusement, je pense que nous allons arrêter là nos débats.
Si nous l’avions pu, nous aurions continué en discutant du partage de l’autorité parentale dans des cas exceptionnels. Vous le voyez bien : cette proposition de loi avait une logique.
Nous n’avons pas non plus parlé de la médiation, dont nous avons bien besoin. Il est toujours préférable de résoudre un conflit soi-même, avec l’aide d’un tiers impartial.
Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Vous pouvez rire, vous pouvez vous moquer des familles recomposées, mais elles vous regardent actuellement.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Calmez-vous, mes chers collègues ! Personne ne se moque de qui que ce soit.
Je vous en prie, madame la rapporteure.
Je disais donc que nous devrons consacrer des moyens au développement de la médiation, car il est préférable de participer à la résolution d’un conflit que de se voir imposer la solution de l’extérieur. Voilà ce que je voulais dire en conclusion de ce débat.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mes chers collègues, un peu de calme ! Écoutez le président de la commission des lois en silence !
La commission des lois a passé beaucoup de temps à travailler sur cette proposition de loi. L’Assemblée en discute en séance publique depuis lundi et il reste, sauf erreur de ma part, 361 amendements à examiner.
Je souhaite donc interroger le Gouvernement sur la perspective temporelle d’étude de ce texte,…
Sourires.
…puisque la Conférence des présidents avait inscrit ce texte à l’ordre du jour des séances jusqu’à ce soir. Nous pensions en avoir terminé la discussion ; à l’évidence, ce n’est pas le cas.
Madame la secrétaire d’État, la commission des lois est extrêmement attachée à ce texte. Elle souhaite que les sécurités qu’il comporte puissent être votées : je voudrais donc que vous preniez, ici et maintenant, l’engagement de réinscrire cette proposition de loi dès que possible, de façon à ce que les choses soient claires pour tout le monde.
Monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les députés, il ne vous a pas échappé que le Gouvernement est aussi attaché à ce texte,…
…notamment à un certain nombre de dispositions que nous n’avons pas toutes pu étudier et que je veux citer rapidement : la double domiciliation, le mandat d’éducation quotidienne et la médiation, que nous n’avons pas pu étudier ensemble, et je le regrette.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mesdames et messieurs les députés, je propose que nous passions tranquillement les cinq minutes qu’il nous reste !
Tous les Français qui en ont entendu parler sont très intéressés par ce texte et attendent que ses dispositions soient mises en oeuvre. Cette proposition de loi a reçu un bon accueil et bénéficie d’un bon écho : le Gouvernement ne la laissera pas tomber dans les oubliettes de l’obstruction parlementaire,…
…quelle que soit la qualité des débats que nous avons eus. Il reste neuf articles et 361 amendements à examiner : nous les examinerons. Le Gouvernement inscrira la suite de la discussion de cette proposition de loi à son ordre du jour prioritaire.
Je remercie encore les députés des groupes SRC et écologiste, Mme la rapporteure, M. Binet et l’ensemble des parlementaires présents, y compris les députés de l’opposition,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
pour les débats que nous avons eus. Je vous donne rendez-vous pour continuer l’examen de ce texte très attendu par nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la secrétaire d’État, je prends acte de vos propos et de la réinscription de ce texte à un autre moment.
Cependant, aucune date n’est fixée à ce stade. Puisque vous avez mis en avant, à plusieurs reprises, la nécessité de réécrire un certain nombre de dispositions et de continuer à réfléchir,…
…j’invite le Gouvernement à mettre à profit le temps qui lui est donné pour préparer des amendements qu’il défendra lui-même,…
…et pour proposer des nouvelles rédactions avant même de poursuivre le débat.
Il faut demander l’avis du Conseil d’État et du Haut Conseil de la famille !
Nous y gagnerions. Si le temps qui nous est donné ce soir peut permettre que les nids à contentieux deviennent plus rares, chacun pourra s’en réjouir.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Mes chers collègues, chacun a pu remarquer que plus de 300 amendements ont été examinés. Force est de constater que 361 amendements restent en discussion ce soir, et que notre assemblée n’est donc pas en mesure d’achever l’ordre du jour de cette semaine, les séances de demain étant réservées à des initiatives du groupe GDR.
Il appartiendra donc à la Conférence des présidents de proposer à notre assemblée les conditions dans lesquelles la suite de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, ainsi que la proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspection du travail, pourront être réinscrites dans un ordre du jour à venir.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Proposition de résolution européenne sur le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique ;
Proposition de loi relative à la modulation des contributions des entreprises ;
Proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 22 mai 2014, à une heure.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron