La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 1415 à l'article 4.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l'amendement n° 1415 .
L'amendement concerne le problème de l'expertise et de son coût.
L'accord national interprofessionnel du 11 janvier, notre base de travail, prévoyait dans son article 12-5 que les expertises devaient être organisées « dans la limite des coûts qui, sauf accord entre les IRP et l'employeur, sont fixés sur la base d'un barème établi par le conseil de l'ordre des experts-comptables, en fonction de l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement ». Cet article n'a pas été transposé dans le présent projet de loi.
On peut le comprendre eu égard aux difficultés par rapport à l'ordre des experts-comptables.
Ce n'est pas l'ordre.
Par le système. Il convient d'y remédier puisque l'encadrement du coût des expertises, payées par l'employeur, est un facteur de rationalisation du fonctionnement du dialogue social d'entreprise au même titre que l'encadrement des délais des experts. Si la fixation du barème par les experts-comptables, applicable à défaut d'accord comme le prévoyait l'accord national, rencontre une difficulté, un renvoi à un décret en Conseil d'État permettrait de fixer les règles après une concertation entre les différents acteurs concernés.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales pour donner l'avis de la commission.
La commission a repoussé cet amendement qui prévoit que la part qui dépasserait le barème soit prise en charge par le comité d'entreprise. Cette proposition va à l'encontre de notre souhait de maintenir la prise en charge intégrale pour toutes les expertises existantes et à 80 % pour les nouvelles.
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement.
Même avis, car l'amendement va beaucoup plus loin que la présentation douce qu'en a faite son auteur !
(L'amendement n° 1415 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l'amendement n° 3650 .
J'aime !
Ah non ! Ce n'est pas de la simplification, mais de l'amputation !
La base de données économiques et sociales prévue à l'article 4 alinéa 15 prévoit de faire état d'un ensemble d'informations mises à la disposition du comité d'entreprise. Cette base, mise à jour, comporte une rubrique relative aux flux financiers à destination de l'entreprise, notamment les aides publiques et les crédits d'impôts, en vertu de l'alinéa 23 de l'article 4.
Aussi, il n'y a pas lieu, d'une part, de cibler particulièrement le crédit d'impôt compétitivité emploi et, d'autre part, de mettre en place un dispositif particulièrement lourd, complexe, sans intérêt particulier. La procédure mise en place, prévue dans les entreprises de moins de cinquante salariés par l'alinéa 56 établit dans les PME une contrainte administrative, ajoutant aux multiples charges administratives une charge supplémentaire. Il paraît nécessaire de mettre fin à l'inflation législative et réglementaire et la réponse est contenue dans cet amendement.
La commission a repoussé cet amendement.
Le dispositif proposé instaure une nouvelle forme de contrôle des moyens publics, un contrôle social, à ce titre très innovant. Il crée en effet un droit d'alerte des organisations des représentants du personnel à travers une nouvelle procédure d'information-consultation visant à informer sur l'utilisation ligne à ligne du crédit d'impôt compétitivité emploi. Lors de la loi de finances, nous avons adopté des amendements qui exigent que ce crédit serve à financer la recherche, l'innovation, la formation, et non à financer une hausse des dividendes ou des rémunérations des dirigeants. Un compte rendu sera fait de l'utilisation du crédit. Les syndicats pourront recourir à une expertise pour vérifier que les éléments présentés sont conformes à l'utilisation réelle. En cas de mauvaise utilisation, non conforme à l'objectif fixé par la loi, ils pourront alerter l'administration de leur entreprise et demander des comptes. S'ils estiment que les réponses ne sont pas satisfaisantes, ils pourront soumettre ce rapport à un comité de suivi régional dans lequel seront présentes toutes les administrations.
C'est une façon moderne de mettre en place un contrôle sur l'emploi du crédit compétitivité emploi, dispositif très large qui s'adresse à presque toutes les entreprises de notre pays dès lors qu'elles ont un salarié. Il est évidemment impossible de mettre un contrôleur du fisc derrière chaque entreprise. La solution retenue me semble pertinente ; la supprimer serait éminemment dommageable.
À l'occasion de cet amendement d'amputation et non de simplification, monsieur Cherpion, je souhaite rappeler la démarche du Gouvernement. Je parle du Gouvernement car il y a dans l'accord une référence au crédit d'impôt. Il est vrai que ces dispositions relèvent de l'initiative gouvernementale et parlementaire. Nous avons en effet examiné ces sujets lors de l'examen – j'étais au banc du Gouvernement avec le ministre de l'économie et des finances – du texte instaurant le CICE en décembre dernier.
Mes propos vaudront également pour un certain nombre d'autres amendements. Je rappelle que notre objectif est la transparence. Il faut une information. Les salariés de l'entreprise doivent savoir quel est le montant exact dont l'entreprise a bénéficié au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Autre élément de transparence : savoir à quoi cela a servi et dans quelles conditions cela a été utilisé par l'entreprise. Nous nous y employons par le biais des dispositions du projet de loi, lesquelles ont été complétées par le débat en commission, et nous verrons dans quelle mesure elles peuvent l'être encore.
Le Gouvernement ne souhaite pas un mécanisme de sanctions, mais d'information dans la transparence. Je l'avais dit à l'époque en évoquant des images qui, semble-t-il, avaient déplu à telle ou telle patronne – je ne pense pas à celle du Medef, mais à une autre.
Si un patron utilise son crédit d'impôt pour une dépense de luxe le concernant, le meilleur contrôle, c'est l'information, la transparence. Le fait que cela sera rendu public et que le salarié sera au courant – salarié auquel il peut être demandé des efforts au sein de l'entreprise – est encore le meilleur moyen de dissuader ce genre de comportement.
Le Gouvernement tient à ce dispositif, qui concerne particulièrement le ministre de l'économie et des finances, et je me suis bien entendu entretenu avec lui de l'ensemble de ce débat et des propositions qui sont faites.
Je tiens beaucoup, je le répète, à ce qu'un dispositif de transparence soit mis en place.
Je ne peux qu'être d'accord avec vous, monsieur le ministre, il s'agit d'un dispositif de transparence. Mais vous savez, hélas, comme moi, que la transparence à elle seule ne permet pas d'éviter un certain nombre de problèmes.
Par ailleurs, je souhaite que vous me disiez dans quelle partie de l'ANI il est fait mention du CICE.
La réponse est venue du choeur des députés…
Laissez-le à d'autres. On a vu dans l'histoire que les appropriations ne finissent pas toujours très bien. C'est dommage car cela nous prive de grandes beautés, pour des raisons purement conjoncturelles. Mais c'est cela aussi la force de l'histoire ! (Sourires.)
Revenons à l'ANI paraphé par les partenaires sociaux. Je vous renvoie à la page 12, monsieur Cherpion, précisément au quatrième tiret du deuxième alinéa : « – flux financiers entre la société et l'entreprise (aides reçues, flux sortants, crédits d'impôts) ». Vous avez votre référence, monsieur Cherpion.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse, qui correspond tout à fait ce que vous avez prévu dans le projet de loi. L'alinéa 23 de l'article 4 précise en effet que les informations de la base de données portent sur les « flux financiers à destination de l'entreprise, notamment aides publiques et crédits d'impôts ». Il n'est donc pas question du CICE.
Le CICE est un crédit d'impôt. CI égale crédit d'impôt.
Ce crédit d'impôt, vous l'avez soutenu les uns et les autres dans une même convergence idéologique.
Lors de la présentation du CICE, vous avez indiqué, monsieur le ministre, que ce dispositif aurait des effets très rapides. Ses effets sur la compétitivité devaient être quasi immédiats.
J'ai sous les yeux la dernière livraison de Liaisons sociales et j'aimerais vous en lire quelques extraits qui vous montreront combien le choix que vous avez fait est efficace.
« Stagnation de l'activité, recul de l'emploi marchand, tous les ingrédients sont présents pour conduire à une hausse du taux de chômage au premier semestre 2013. Selon l'INSEE, il atteindrait 11 % en juin 2013 » – quel résultat formidable ! – « soit son plus haut niveau depuis le quatrième trimestre 1997. Les jeunes sont les premières victimes de la montée du chômage : plus d'un quart des actifs de moins de vingt-cinq ans sont actuellement sans emploi. La croissance de la population active, bien que plus modérée que par le passé en raison des départs en retraite des premières générations de baby-boomers, viendrait également alimenter la hausse du taux du chômage. Cette tendance ne serait pas affectée par deux mesures – celle concernant les départs à la retraite à soixante ans pour les carrières longues et celle relative au décalage d'un mois des personnes nées à compter du 1er janvier 1952 – dont les effets sur la population active s'annuleraient ». Cet article s'accompagne d'un graphique qui montre le formidable résultat de cette politique volontariste que vous avez mise en oeuvre en distribuant de l'argent sans contrôle par le biais du CICE.
(L'amendement n° 3650 n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à supprimer la dernière phrase de l'alinéa 46. Nous estimons qu'il y a une différence entre les orientations stratégiques de l'entreprise et l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi. Nous souhaitons clairement séparer les deux, car ils appartiennent à deux registres bien distincts.
Nous adhérons à la volonté de transparence que vient d'évoquer M. le ministre, notamment s'agissant du CICE. Nous souhaitons que le comité d'entreprise soit informé des sommes qui ont été versées et de ce que la direction de l'entreprise en a fait. Nous restons toutefois extrêmement dubitatifs quant à l'utilité de telles dépenses publiques pour dynamiser l'emploi. Nous avons le sentiment qu'elles contribueront surtout à augmenter les dividendes.
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 1093 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 1100 .
J'aimerais revenir sur le CICE, à propos duquel vous nous avez apporté quelques précisions, monsieur le ministre. Nous restons très dubitatifs.
L'article 4 prévoit que « le comité d'entreprise est informé et consulté, avant le 1er juillet de chaque année, sur l'utilisation par l'entreprise de ce crédit d'impôt. ». Or chacun sait que l'attribution de ce crédit d'impôt ne répond à aucune obligation particulière, ne correspond à aucun critère précis et n'est soumis à aucune condition. On peut donc à bon droit s'interroger sur l'objet de la consultation du comité d'entreprise.
Il s'exprimera sur les choix stratégiques de l'entreprise, il émettra un avis et réfléchira sur la stratégie de l'entreprise. Mais si cette stratégie vise non pas à développer la formation ou créer de l'emploi mais uniquement à alimenter les dividendes – je pense aux grandes entreprises –, de quels moyens d'action disposeront les membres du comité d'entreprise ? Se contenteront-ils de prendre acte des orientations qui auront été retenues ? Devront-ils se contenter de donner leur bénédiction, ou au contraire exigeront-ils du chef d'entreprise de faire acte de contrition parce qu'il n'aura pas pris la bonne direction ?
Permettez- moi de vous expliquer la suite du texte.
C'est un droit d'alerte qui est créé. Il y aura donc d'abord un acte de contrition : les membres du CE pourront demander au chef d'entreprise pourquoi le CICE a été mal utilisé, et il devra fournir des explications. Ensuite, si les représentants du personnel considèrent que les sommes n'ont pas servi à améliorer la compétitivité au sens défini par la loi de finances – innovation, recherche, formation, aide à l'exportation –, alors ils pourront lancer une alerte à l'attention d'un comité de suivi régional dans lequel siégeront des représentants des administrations, des parlementaires, et les partenaires sociaux ; M. le ministre pourra nous donner des précisions à ce sujet.
C'est donc bel et bien un pouvoir très important que le texte donne aux représentants du personnel.
S'agissant de votre amendement, je rappelle qu'aujourd'hui, les procédures d'information-consultation peuvent se faire soit séparément, soit simultanément. On peut comprendre l'intention du texte, qui prévoit la possibilité que la consultation sur l'utilisation du CICE intervienne à l'occasion de la consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise. Il faut être bien conscient de l'enjeu que représente l'utilisation de ces 20 milliards d'euros d'aide publique : si toute cette somme est effectivement affectée à la recherche et à l'innovation, cela ferait passer leur part dans le PIB de 2 % à 3 %, ce qui permettrait à notre pays de remonter du quinzième au troisième rang européen en ce domaine. Ce sont des montants très importants. Il ne me paraît donc pas illégitime qu'on examine l'utilisation de cette aide au regard de la stratégie de l'entreprise.
Cela dit, nous pourrions aller dans votre sens et supprimer cette dernière phrase, comme vous le souhaitez. La commission avait repoussé ces amendements, mais je m'en remets à la sagesse de notre assemblée.
J'imagine que M. Chassaigne et les membres du groupe qu'il préside ont lu l'ensemble du projet de loi. Vous pouvez fort bien estimer que les dispositions prévues ne sont pas suffisantes, mais ne cherchez pas à les tourner en dérision en disant qu'elles s'apparentent à un acte de contrition. Il y a une procédure extrêmement précise qui permet au comité d'entreprise de saisir ensuite les organes dirigeants de l'entreprise puis de saisir l'administration par un mécanisme de droit d'alerte.
Il n'y a rien d'évanescent. Cette procédure est au contraire extrêmement concrète et précise. C'est une première et je dirai même un progrès.
Vous parlez de droit d'alerte, monsieur le ministre, et nous comprenons tous ce que cela signifie. Mais alerter selon quels objectifs ? Si l'entreprise ne fait pas du crédit d'impôt un usage que je qualifierai de vertueux, de quels moyens d'action disposent les organismes qui auront été interpellés par les membres du comité d'entreprise ? Ils ne vont pas se hisser au sommet d'une montagne pour crier que telle entreprise n'a pas répondu aux objectifs qu'elle avait affichés. Y a-t-il une sanction possible ? Sera-t-il possible de récupérer de l'argent auprès de l'entreprise qui aura touché au titre du crédit d'impôt des sommes correspondant à un certain pourcentage de la masse salariale et qui ne les aura pas utilisées à bon escient ? Quelles contraintes pourront être imposées ? Chacun sait que le CICE profite aux entreprises sans limite, y compris à la grande distribution dont les résultats sont florissants.
Un droit d'alerte n'est pas suffisant. Pour avoir une volonté politique, il faut pouvoir peser véritablement sur les orientations. Et pour cela, il faut pouvoir sanctionner.
Je vais répondre de manière développée, ce qui me permettra d'être plus bref par la suite.
L'alerte a deux utilités.
La première est de faire examiner par l'administration les raisons pour lesquelles ces crédits n'ont pas été bien utilisés. Cela passe par la saisine d'autorités régionales,
La deuxième est de donner lieu à une centralisation des informations au niveau national. Un rapport du Gouvernement sera remis au Parlement – je vous renvoie à l'alinéa 57 de l'article 4 – avant le 30 juin 2015, date fixée par un amendement commun. Il faut bien se rendre compte de ce que cela représente. Les premières dépenses liées au crédit d'impôt auront lieu à partir de janvier 2015, même s'il est possible de bénéficier d'avances auprès de la Caisse des dépôts et consignations puis de la Banque publique d'investissement. Le 30 juin 2015, nous, parlementaires, disposerons d'un rapport sur toutes les alertes qui auront été émises, le cas échéant, par les représentants du personnel dans les entreprises concernées. Nous disposerons ainsi d'un premier moyen de corriger le tir dans la loi de finances pour 2016, dans des délais très rapides donc.
La démarche suivie par le Gouvernement comprend deux aspects.
Premièrement, il a considéré que la compétitivité ne concernait pas que la recherche, l'innovation et la formation. Pour certaines entreprises, cela peut consister aussi dans le recrutement d'un chercheur ou dans la recherche d'une implantation à l'étranger pour l'exportation. Le Gouvernement a donc établi une sorte de système à tiroirs où chaque entreprise peut piocher pour rehausser au mieux sa compétitivité selon ses objectifs et son secteur d'activité.
Deuxièmement, il a voulu prendre en compte les conséquences à tirer de son utilisation. La solution retenue est celle du droit d'alerte et des correctifs que peut apporter le cas échéant le législateur.
Pour finir, je vais faire référence à des amendements déposés plus loin dans le texte, car c'est aussi mon rôle de rapporteur de vous éclairer sur l'ensemble du texte. Si par malheur, l'entreprise devait rencontrer des difficultés, les nouvelles procédures de l'article 13 prévoient une intervention de l'État : la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi peuvent demander à l'entreprise, en fonction des moyens dont elle dispose et des efforts d'adaptation qu'elle aura consentis par le passé, de contribuer plus ou moins au reclassement des salariés. Par amendement, le groupe socialiste propose que le CICE, notamment lorsqu'un droit d'alerte a été exercé, fasse également partie des critères pris en compte. Si, par exemple, le groupe Total fermait l'une de ses raffineries et qu'il ait utilisé de manière totalement dévoyée le CICE, alors on serait fondé à lui demander une contribution par emploi supprimé beaucoup plus importante.
L'ensemble de ce dispositif permet de donner de la force aux nouvelles procédures. Il repose sur un principe simple : on fait confiance a priori aux entreprises mais on les suit de très près et, en cas de coup dur, il y a des sanctions.
Plusieurs amendements à venir portent sur le CICE ; je suis signataire de l'un d'eux et je veux, à ce stade de nos débats, donner quelques éléments d'éclairage à notre assemblée, à commencer par notre collègue Chassaigne.
Le choix a été fait au moment de la loi de finances rectificative de ne pas demander de contreparties en amont aux bénéficiaires du CICE. Cela a fait débat. Des amendements ont été déposés, notamment par Christian Eckert et notre rapporteur, Jean-Marc Germain. Ils ont permis de préciser les activités éligibles au dispositif. Elles figurent à l'article 244 quater du code général des impôts : l'investissement, la recherche, l'innovation, la formation, le recrutement, la prospection de nouveaux marchés, la transition écologique et énergétique, la reconstitution des fonds de roulement.
Un deuxième amendement introduit l'obligation de retracer dans les comptes de l'entreprise l'utilisation du crédit d'impôt. Enfin, un troisième amendement adopté interdit de financer par le CICE la hausse de la part des bénéfices distribués et l'augmentation de la rémunération des personnes exerçant des fonctions de direction.
Je rejoins mon collègue Chassaigne sur un point : ces obligations n'ont pas été assorties de sanction ou de punition. L'amendement proposé introduit donc, et je ne peux que m'en féliciter – même si cela ne figurait pas dans l'ANI, preuve que l'on peut s'en éloigner –, un mécanisme d'information des salariés à l'intérieur de l'entreprise.
L'accès à l'information est un point d'appui absolument déterminant, qui permet de mettre e pied dans la porte pour que, le cas échéant, et si nécessaire, nous puissions en tirer les conséquences.
Ainsi que le rapporteur l'a indiqué très justement, l'article 13 fera l'objet d'un amendement n° 5337 , lequel prévoit que, dans le cadre de l'homologation du document unilatéral de l'employeur sur le projet de licenciement, il sera possible de tenir compte de l'utilisation des sommes reçues au titre du CICE.
Nous suivons donc une bonne ligne de crête, pour reprendre une expression fréquemment utilisée. Il faut pour cela que l'administration soit destinataire en temps réel, de même que les institutions représentatives du personnel, d'informations sur l'utilisation dévoyée du CICE ; nous y reviendrons lors de l'examen de l'amendement n° 5337 .
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour quelques mots, avant de passer au vote.
M. le rapporteur vient en fait d'inventer la convention de revitalisation. Or cette convention existe déjà pour les entreprises de plus de mille salariés, et les oblige à verser, sous le contrôle du préfet, l'équivalent de deux à quatre SMIC par emploi supprimé, en fonction des plans. Ce système existe donc déjà.
Je suis certain que cet amendement va recueillir l'assentiment général puisqu'il touche à la liberté de l'information.
L'alinéa 46 de l'article 4 du présent projet de loi prévoit que le comité d'entreprise est informé et consulté sur l'utilisation du crédit d'impôt.
Nous souhaitons améliorer la qualité de l'information, et peut-être son degré de « suffisance ». Cet amendement permettrait d'apporter une garantie quant à la suffisance de l'information, concernant notamment la base de données, qui pourrait être insuffisante. On peut en effet imaginer une entreprise dans laquelle les informations seraient aussi sibyllines que le dévoiement du crédit d'impôt serait excessif.
C'est dans cet esprit que nous présentons cet amendement.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l'amendement n° 965 .
M. Hutin a parfaitement expliqué l'objet de ces amendements. Nous avons pris beaucoup de temps, en commission comme dans l'hémicycle, pour travailler sur le CICE.
Nous avons ainsi constaté que nos entreprises et notre industrie avaient besoin d'un coup de pouce économique. Il faut donc rechercher la compétitivité et préparer, nous l'espérons, le retour de la croissance.
Cela étant, les crédits d'impôts et les aides publiques doivent être contrôlés au maximum. C'est indéniable, sinon toutes les dérives sont possibles. Sans pour autant ériger des tribunaux pour les entreprises et les employeurs, il faut veiller au contrôle des fonds publics, car c'est une exigence de plus en plus forte de nos concitoyens.
Il faut donc d'abord de la transparence, puis des objectifs pour les crédits d'impôts, ensuite – et ce sera l'objet de l'un de mes amendements que nous examinerons plus tard – des possibilités de sanction au cas où les règles d'utilisation des fonds publics ne seraient pas respectées.
La commission a repoussé ces amendements, non en raison d'un désaccord sur le fond, mais parce qu'une procédure d'information-consultation permet de demander toute information complémentaire utile pour pouvoir s'exprimer.
Ainsi que nous l'avions indiqué en commission, votre formulation nous fait craindre que votre dispositif ne se substitue à tous les droits à l'information dont nous avons déjà longuement parlé, comme la possibilité de saisir le juge, le cas échéant en référé, avec des délais contraints. Telle est notre inquiétude.
Nous pourrions bien entendu réécrire l'article pour intégrer cette disposition, mais les lecteurs de notre loi pourraient alors se demander quel était notre but. Nous venons en effet d'adopter de nouveaux alinéas qui apportent des précisions et des pouvoirs supplémentaires, et qui renforcent et accélèrent l'obtention des informations.
La commission a donc repoussé ces amendements, qui sont en réalité satisfaits, mais qui par une sorte d'effet de miroir pourraient aboutir à un résultat contraire à celui que vous recherchez.
Même avis.
Concernant le crédit d'impôt et notamment le rôle d'information, d'examen puis d'alerte qui serait donné au comité d'entreprise, il faut bien mesurer ce que cela représentera si l'on en reste au niveau de l'alerte.
Quelle est la situation dans les entreprises ? D'un côté, au nom de la compétitivité, au nom des difficultés des entreprises, au nom de la bagarre menée contre la mondialisation, on demande aux salariés de faire des sacrifices : sacrifices sur leurs salaires, mise en oeuvre de la flexibilité et de la mobilité, conditions de travail de plus en plus difficiles, créant ainsi chez les salariés une souffrance, encore accentuée au quotidien par la souffrance subie plus largement dans leurs familles.
Il ne faut pas s'étonner, dans ces conditions, d'assister à une forme de rejet massif de la politique. Ce phénomène grandissant dans le pays montre que le peuple de France n'en peut plus.
D'un autre côté, il est possible d'évaluer ce que représentera ce crédit d'impôt. Mais, aucune réponse précise n'étant apportée à ce sujet, on ne dispose d'aucun moyen de sanctionner ceux qui touchent cet argent sans contrepartie s'ils ne l'utilisent pas à bon escient.
Les sommes sont tout de même importantes : vous avez parlé de 20 milliards d'euros. Le pourcentage de la masse salariale s'établit à 4 % cette année, et 6 % l'année prochaine : il faut mesurer ce que cela représente !
Ne nous étonnons donc pas d'assister à un tel mouvement dans notre pays ; nous le regretterons dans quelques années, car je crois que nous avons de quoi être inquiets.
J'ai naturellement toute confiance en M. le ministre et M. le rapporteur, mais il s'agit d'une confiance par délégation, en quelque sorte.
Pour faire plaisir à Christian Paul, qui aime cette référence, j'observerai une attitude voltairienne. Vous avez noté en effet que cet amendement a été cosigné par Mme Marie-Françoise Bechtel, issue de la promotion Voltaire, dont on parle beaucoup en ce moment.
Il m'est arrivé de voter pour elle !
Concernant cet amendement, monsieur le ministre, et bien que j'aie totalement confiance en vous, je serai plus Martin que Pangloss !
Sur les amendements identiques n° 4073 à 4082 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 4073 .
Il s'agit de compléter l'alinéa 47 de l'article 4, avec deux objectifs : renforcer le contrôle par le comité d'entreprise de l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi, et avancer au 31 décembre 2015 au lieu du 31 décembre 2016 la date de remise d'un rapport au Parlement sur le contrôle par les comités d'entreprises de l'utilisation de ce crédit d'impôt.
Je ne reviens pas, car cela a été maintes fois répété, sur le cadeau de 20 milliards d'euros fait au patronat et directement ponctionné sur le pouvoir d'achat des Français via des hausses de TVA notamment, sans la moindre contrepartie pour les entreprises concernant l'utilisation de ces fonds.
Je souhaite plutôt m'arrêter sur l'argument souvent avancé selon lequel il s'agirait de soutenir les entreprises confrontées à la concurrence internationale. Il apparaît que le CICE, distribué sans distinguer selon la situation des entreprises, profitera aussi à des secteurs peu exposés, tel le bâtiment.
Ainsi, les géants que sont Vinci, Bouygues et Eiffage figurent parmi les plus gros bénéficiaires, avec des enveloppes de crédits d'impôts se situant entre 111 et 189 millions pour le premier, 87 millions pour le deuxième et 70 à 94 millions pour le troisième.
Ces sommes sont à rapprocher des bénéfices réalisés par ces mêmes entreprises : 1,9 milliard d'euros de bénéfices distribués en dividendes pour Vinci, 1,7 milliard d'euros pour Bouygues, et 263 millions d'euros pour Eiffage. Ces choix scandaleux créent un souci majeur.
Permettez-moi d'ajouter, monsieur le président, que des entreprises comme SANOFI non seulement vont percevoir des sommes très importantes, mais vont en outre licencier des salariés et s'installer à l'étranger pour fabriquer des vaccins. C'est vraiment le monde à l'envers ! Il faut tout de même avoir un certain toupet pour prétendre que cela profitera à l'emploi !
Je remercie chacun de bien vouloir respecter le temps de parole qui lui est imparti par notre règlement.
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 4075 .
Nous considérons qu'il est important de contrôler les sommes versées au titre du CICE. Nous avons des éléments pour cela, grâce notamment à une enquête parue dans Les Échos.
Ce crédit d'impôt ne fera rien pour la compétitivité, sinon arrondir quelque peu la trésorerie des entreprises et des grands groupes. C'est un non-sens absolu de l'avoir voté. À tout le moins, il serait nécessaire de doter les salariés eux-mêmes d'outils de contrôle de l'utilisation de ce cadeau fiscal.
Bénéficiaires à milliards, les grands groupes profitent d'un dispositif qui coûtera donc 20 milliards d'euros à l'État, c'est-à-dire aux contribuables. Pendant ce temps, tandis que les pouvoirs publics crient chaque jour un peu plus fort à la catastrophe budgétaire et que les déficits se creusent, les stars du CAC40 font des bénéfices faramineux.
Une première liste des bilans financiers pour 2012 d'une vingtaine de groupes révèle une tendance de fond : la stabilisation, voire la légère amélioration des résultats.
La preuve par Total, dont nous avons souvent parlé ce soir : cette société conserve haut la main la première place au classement de la profitabilité, avec 10,7 milliards d'euros de bénéfices, suivie par BNP Paribas avec 6,5 milliards ; Sanofi avec 4,9 milliards, mais qui licencie par ailleurs ; LVMH avec 3,4 milliards ; EDF avec 3,3 milliards ; enfin Renault avec 3,7 milliards.
Renault s'apprête d'ailleurs à distribuer 508 millions d'euros de dividendes à ses actionnaires, contre 384 en 2011, ce qui ne l'a pas empêché de signer un accord jugé favorable pour les salariés, mais qui constitue une camisole de force imposée au monde du travail.
Nous voulons donc, avec cet amendement, doter les salariés de véritables moyens de contrôle du CICE.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 4082 .
Je voudrais enfoncer le clou sur l'enjeu central que constitue l'implication des comités d'entreprise dans le contrôle de l'attitude des entreprises s'agissant du CICE. Il est important de connaître certains éléments.
Décidée par le Gouvernement Ayrault, cette mesure équivaut à une baisse du coût du travail de 6 % et représentera donc une dépense annuelle de 20 milliards d'euros par l'État, si j'ai bien compris M. le ministre. C'est ce qui explique très largement, dans un contexte de croissance nulle et donc de recettes en baisse, le nouveau tour de vis préparé par le Gouvernement pour le budget de la protection sociale ; parce que, 20 milliards, cela ne se trouve pas sous les sabots d'un cheval, il faut bien aller les chercher quelque part.
Or comment ne pas s'interroger sur le bien-fondé d'un tel dispositif quand on sait qu'il profitera, par exemple, au numéro 1 du CAC 40, Total, pour une enveloppe de 30 millions d'euros, à Sanofi, qui empochera 47 millions d'euros alors que cette entreprise s'apprête parallèlement à supprimer des centaines d'emplois, ou encore au géant du bâtiment Vinci, bénéficiaire d'un CICE estimé entre 111 et 189 millions d'euros ?
Notre interrogation est renforcée par une récente étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques qui indique que le CICE créerait deux fois moins d'emplois que ce qui est attendu par Bercy – vous allez sans doute me le confirmer, monsieur le ministre. Preuve si besoin était qu'avant d'envisager toute nouvelle mesure d'austérité, l'urgence est bien de réexaminer l'efficacité de l'ensemble des aides publiques aux entreprises. Qui est mieux placé pour évaluer les effets réels du CICE en termes de création d'emplois, d'investissements utiles, de recherche-développement, que les salariés eux-mêmes ?
Nul doute que les fervents partisans de la cogestion et de la négociation entre partenaires sociaux approuveront cet amendement qui donne aux salariés un droit de regard étendu sur l'utilisation des sommes.
Madame Fraysse, vous avez souhaité que le rapport soit remis au Parlement au 31 décembre 2015. En réalité, il le sera au 30 juin 2015. Vous avez donc satisfaction sur ce point.
M. Guedj a rappelé quelles étaient les utilisations prévues pour le CICE à l'article 244 quater C du code général des impôts. Ce n'est pas tant la création d'emplois à court terme que les moyens pour y parvenir, comme la recherche, la formation, l'innovation.
Aussi votre proposition d'insérer, à l'alinéa 47, après le mot : « impôts », les mots : « et qu'il n'a pas servi à créer ou maintenir des emplois » interdirait aux entreprises d'investir pour l'avenir, donc de préserver les emplois à moyen et long terme.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Même avis.
Je suis saisi des amendements identiques nos 5467 et suivants et de l'amendement n° 4129 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur les amendements identiques nos°5467 et suivants, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 5467 .
Cet amendement vise à compléter l'alinéa 50, afin que ce rapport soit également transmis au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et au représentant de l'État dans la région.
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 5469 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 5476 .
Avis défavorable.
Comme je l'ai déjà expliqué, les administrations font partie du comité de suivi.
S'agissant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, c'est le comité d'entreprise qui émet le rapport. Il a la possibilité, s'il le juge nécessaire – je n'ai pas de cas précis à vous donner tout de suite – de saisir le CHSCT. Il n'est donc pas nécessaire d'aller plus loin que ce qui est prévu et qui constitue déjà une innovation, comme l'a rappelé M. le ministre tout à l'heure, puisqu'on crée un droit d'alerte social des partenaires sociaux sur une aide publique.
Le 6 novembre 2012, six mois après son élection le 6 mai, le Président de la République annonçait la création d'un dispositif dénommé « le 6 », qui s'est traduit par une baisse de 6 % du coût du travail.
Nous avons constaté les uns et les autres qu'aucune contrepartie n'était demandée en amont. Certains, et j'en fais partie, considèrent qu'une dépense publique doit faire l'objet d'un contrôle public. Le choix a été fait d'une évaluation a posteriori. Comme l'a dit tout à l'heure M. le ministre, ce droit d'alerte permet de saisir l'administration.
L'amendement que je propose avec plusieurs de mes collègues vise concrètement à alerter l'administration. Comme vient de le préciser le rapporteur, l'administration est membre du comité de suivi régional. Mais qui peut le plus peut le moins. En transmettant ce rapport à la direction générale des finances publiques et à la DIRECCTE, nous avons la certitude que ces administrations connaîtront en temps réel l'utilisation dévoyée du CICE, ce qui pourrait être utile pour la suite des relations que ces entreprises peuvent avoir avec l'administration, qu'il s'agisse du fisc ou de la DIRECCTE, notamment s'il y a un plan de sauvegarde de l'emploi.
Cet amendement confirme que toute l'administration, et pas uniquement par le biais du comité de suivi régional, dont la composition n'est pas encore totalement connue, pourrait en être destinataire.
Les amendements identiques nos 5467 à 5476 et l'amendement n° 4129 ont un peu le même objectif, mais ils n'utilisent pas les mêmes outils.
S'agissant du CHSCT, ce qu'a dit le rapporteur me paraît correct. Il faut bien respecter les compétences du comité d'entreprise. C'est lui qui est saisi, qui délibère qui prend la décision, et elle n'est pas si simple, de faire jouer le droit d'alerte. Il ne faut pas mélanger les compétences, différentes des uns et des autres. C'est la raison principale de mon désaccord avec les amendements identiques.
Quant à votre amendement, monsieur Guedj, ce à quoi je faisais allusion dans mon intervention, et je vous remercie de l'avoir signalé vous-même, c'est au fait qu'il ne faut pas nommer des administrations précises, car l'État dans sa splendeur et dans son autorité est unique, il n'est pas divisé en directions de ceci ou cela, d'autant qu'on peut changer les noms de ces directions, comme ce fut le cas à plusieurs reprises dans un passé récent – je ne sais pas si cela se reproduira dans un futur proche.
Le comité de suivi qui a été créé par la loi de finances rectificative pour 2012 dans le cadre de la création du CICE est le lieu où le rapport doit être transmis. Je m'en souviens bien car je participais avec vous à ce débat. Je défendais alors cette volonté de transparence de l'information et la possibilité que ces informations fassent l'objet d'une interprétation commune au niveau d'une région, puis au niveau national puisqu'il existe un comité de suivi national.
Au fond, votre amendement est trop précis car on entre dans l'organisation même de l'État. La référence au comité de suivi régional suffit. Le rapporteur souhaite compléter le dispositif à l'article 13 par la référence à l'utilisation du CICE dans les éléments d'appréciation dont l'administration pourrait faire usage. Je le dis tout de suite, le Gouvernement sera favorable à cet amendement.
Monsieur Guedj, au bénéfice de toutes ces explications, je vous demande de retirer votre amendement.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris si je vous dis que le groupe écologiste partage ce principe, puisque nous sommes pour la conditionnalité s'agissant du CICE. Dès lors que l'on distribue de l'argent public, il doit y avoir un certain nombre de retours. Certes, ces retours peuvent être surveillés par un comité de suivi et par un certain nombre de partenaires, mais il nous semble normal, comme le propose l'amendement n° 4129 , que la DIRECCTE soit associée à un document très important qui lui permettrait de jouer pleinement son rôle.Vous l'avez dit vous-même, cette loi signe le grand retour de l'État dans l'ensemble de ces dispositifs. Alors, autant qu'il ait tous les éléments en main.
Sur l'amendement n° 4129 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François Asensi.
Monsieur le ministre, à mes yeux le CICE est une nouvelle couche des aides publiques que l'État apporte depuis des années aux entreprises. Cela fait des années que l'État finance les entreprises à hauteur de 65 milliards d'euros, si mes informations sont bonnes, sans aucun contrôle. Qu'ont fait les entreprises de ces 65 milliards d'aides publiques qu'elles reçoivent chaque année, alors que la courbe du chômage ne cesse d'augmenter ?
Les aides ont été multiples. La réforme de M. Strauss-Kahn a vu les bases salaires supprimées dans la taxe professionnelle. Puis ce fut au tour de la taxe professionnelle elle-même. Comment se fait-il que, malgré toutes ces aides, on n'arrive pas sortir les entreprises françaises de leurs difficultés, et qu'elles licencient alors qu'elles font des bénéfices ?
En 2012, les entreprises du CAC 40 ont fait 41 milliards de profits, soit une hausse de 5 %. On dit que le mal français, c'est la compétitivité des entreprises. l'État ne cesse d'octroyer des aides publiques sans aucun résultat en termes de lutte contre le chômage et de créations d'emplois. J'aimerais que vous, la promotion Voltaire, m'apportiez vos lumières sur ce point.
J'ai entendu deux éléments importants dans l'intervention de M. le ministre, et je veux l'en remercier.
Il nous a confirmé que le comité de suivi régional intègre naturellement l'administration. M. Germain vient de nous dire que les parlementaires sont membres du comité de suivi national. Par parallélisme, peuvent-ils aussi être membres des comités de suivi régionaux aux côtés de l'État et des partenaires sociaux ? Cela pourrait être utile.
En nous indiquant que l'État, en l'occurrence la DIRECCTE, devrait tenir compte, au moment de l'homologation d'un PSE, de l'utilisation du CICE et en donnant par anticipation un avis favorable à l'amendement que le groupe socialiste a déposé, vous allez plus loin, monsieur le ministre, que ce que je propose puisque vous donnez une opérationnalité. Là où je proposais une simple information, vous dites que l'administration tiendra compte de l'utilisation du CICE. Cela veut bien dire qu'elle aura eu accès à l'information. C'est pour moi le plus important. Vous entrebâillez davantage la porte d'un contrôle a posteriori pouvant déboucher, ce que je souhaite, sinon sur une sanction, du moins sur une remise en cause de la possibilité de reconduire le CICE pour celles des entreprises qui n'en auraient pas fait bon usage.
Pour toutes ces raisons, je retire l'amendement n° 4129 .
(L'amendement n° 4129 est retiré.)
Pour notre part, après avoir étudié les deux rédactions, nous pensons que l'amendement n° 4129 est plus pertinent que le nôtre. (Sourires.)
Je rappelle que cet amendement est signé par MM. Guedj, Hanotin, Pouzol, Hamadi, Mmes Carrey-Conte et Romagnan. Il est tout à fait conforme aux orientations que vous avez données au début du débat, quand vous vous êtes glorifiés du retour de l'administration !
Et ce n'est pas fini !
Grâce à ce projet de loi, enfin, dans notre pays, l'administration va retrouver tout son rôle ! D'un autre côté, vous avez célébré aussi les nouveaux pouvoirs donnés aux salariés dans les entreprises.
Mais, vous savez, le mieux serait de faire la jonction entre d'un côté l'administration, qui joue son rôle en étudiant les évolutions économiques et les choix stratégiques des entreprises, et de l'autre côté l'appréciation faite par les salariés.
Que l'appréciation faite par les salariés soit directement communiquée aux administrations concernées irait dans la bonne direction : il s'agirait véritablement là d'une avancée.
Je me réjouis en outre qu'apparaisse sur cet amendement une forme de convergence entre ceux que je qualifierai de progressistes dans cette assemblée et qui considèrent que l'action en faveur du développement industriel de notre pays ne se limite pas à un accompagnement financier, mais exige du courage politique. Monsieur Guedj, il faut du courage politique !
Ce n'est pas très correct, monsieur le président. Vous ne m'avez pas laissé le temps de regagner ma place.
Depuis le début, je vous laisse largement vous exprimer. Si vous le voulez, je m'en tiendrai exactement aux deux minutes.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l'amendement n° 5043 .
À côté de l'amendement précédent, celui-ci est pratiquement rédactionnel. Il y a dans toute société un organe chargé de l'administration : il s'agit simplement de distinguer les sociétés à conseil d'administration ou à conseil de surveillance des autres.
La commission a émis un avis favorable, parce qu'elle aime beaucoup la plume de M. Robiliard et qu'elle a trouvé la précision utile, même si elle n'a toujours pas compris de manière extrêmement précise l'objet final de cet amendement.
Je voudrais essayer de préciser la précision dans l'imprécision de l'amendement. Je vois bien que M. Robiliard le défend dans un état d'esprit extrêmement constructif : il voudrait avoir une définition plus précise des organes concernés.
Au lieu des mots « l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance dans les sociétés ou personnes morales qui en sont dotées », il veut écrire : « le conseil d'administration ou le conseil de surveillance ».
Mais, en agissant ainsi, il prend un risque car, dans certaines structures juridiques, ce n'est pas un conseil d'administration ou un conseil de surveillance, mais un autre type d'organe. Le risque que vous fait courir cet amendement, contrairement à votre souhait, est qu'à vouloir être trop précis, vous ôtiez au comité d'entreprise la capacité de saisir les organes en question.
Je crois donc que le texte du Gouvernement couvre tout le monde par son imprécision, tandis que votre amendement, par sa précision, risque d'en éliminer certains. Ai-je été assez précis quant à l'imprécision de la précision ?
Je vais essayer de faire de la précision dans l'imprécision et, en cas de besoin, le rapporteur pour avis de la commission des lois pourra nous faire part de son point de vue.
Je ne connais pas de société qui n'ait pas au moins un organe chargé de son administration. On écrit, à l'alinéa 61, que le comité d'entreprise peut décider de saisir « l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance dans les sociétés ou personnes morales qui en sont dotées » : je ne connais pas de société qui ne soit pas dotée d'un organe prenant des actes d'administration. Dans une SARL, c'est le gérant.
C'est bien ce que je dis. C'est pourquoi il faut garder le mot « organe ».
Oui, mais le but n'était pas là : le but était que soit saisi celui qui décide, le conseil d'administration dans les sociétés anonymes à conseil d'administration ou le conseil de surveillance quand il y a un directoire et un conseil de surveillance.
Et quand il n'y en a pas ?
Dans ce cas, il faut toucher ceux qui détiennent le capital, c'est-à-dire les associés.
Ce qui me paraîtrait intellectuellement peu satisfaisant serait d'avoir un article dans lequel on écrirait qu'il peut y avoir des sociétés dépourvues d'un organe d'administration. Cela, ce n'est pas concevable.
C'est bien pour cela qu'il faut employer « organe ».
Je dois reconnaître que la nuance peut être appréciée dans les deux sens. Vous allez dire que c'est un juriste qui parle. Le mot « organe » a selon moi la vertu de laisser place à tous les modes d'organisation possibles de gestion des entreprises. Il existe des sociétés dotées d'un conseil d'administration, mais aussi d'autres formes de sociétés comme les SAS, qui peuvent opter pour des formes d'organisation qui ne sont pas déterminées par avance. Il peut s'agir d'un président assisté de directeurs généraux, d'un conseil de surveillance, les modes d'organisation sont très variables.
Ce qui m'importe, c'est que le système fonctionne. Le mot « organe » est générique et n'oublie personne. J'aurais donc tendance à approuver la rédaction du Gouvernement.
La pensée est libre !
(L'amendement n° 5043 est retiré.)
Nous avons constaté ensemble un progrès concernant la transparence dans l'utilisation des fonds du CICE. Nous avons regretté ensemble l'absence de sanctions. Cet amendement est de nature à apaiser tout le monde et représente un véritable progrès. Il nous paraît en effet juste et raisonnable qu'en cas de mauvaise utilisation de ces fonds publics, ils puissent être restitués à l'État par les entreprises concernées.
Nous proposons donc d'ajouter, après l'alinéa 54, l'alinéa suivant : « En cas d'absence de réponse suffisante de l'employeur à l'issue des réunions des organes visés par les alinéas précédents du présent article et par l'article L. 2323-26-2, ou de non-conformité de l'utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi à sa destination légale, le comité d'entreprise peut saisir le tribunal administratif d'une requête tendant à voir ordonner le remboursement par l'entreprise des sommes reçues par l'entreprise à ce titre. Il peut également en demander, en référé, la suspension du versement. »
C'est vraiment une proposition équilibrée et légitime : je ne comprendrais pas qu'elle ne recueille pas l'avis favorable du Gouvernement, qui plaide pour la transparence et l'équité.
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 3298 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 3305 .
C'est extrêmement important : avec cet amendement, les députés du Front de gauche font la démonstration qu'ils ne se contentent pas d'avoir une appréciation critique des insuffisances du texte : dans le souci d'avancer, ils font une proposition extrêmement précise.
Je le dis et je le répète : personne ne peut comprendre que 20 milliards d'euros d'argent public soient distribués aux entreprises sans qu'il puisse y avoir de contrôle. On parle de droit d'alerte, nous donnons la possibilité de le concrétiser en saisissant le tribunal administratif si les engagements pris ne sont pas tenus.
Ai-je utilisé mes deux minutes, monsieur le président ?
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l'amendement n° 966 , qui est en discussion commune avec les précédents.
La question du contrôle des fonds publics est effectivement importante. L'ensemble du groupe radical a proposé un amendement qui ressemble beaucoup à celui du groupe GDR. L'objectif est simple : il ne s'agit pas du tout de mettre en accusation les entreprises, ni de nier l'utilité du CICE. En cette période difficile, il faut épauler l'économie de notre pays, il faut accorder des aides, il faut tout mettre en oeuvre, mais la question se pose du contrôle des fonds publics. On sait bien qu'il n'y a pas de véritable contrôle sans possibilité de sanction.
La commission a émis un avis défavorable. Le système proposé par le projet est différent : il repose sur une transmission à l'administration, et pas au tribunal administratif, avec une sanction au moment où d'éventuelles difficultés se produisent à travers l'article 13. Avis défavorable.
Même avis, ce qui n'étonnera personne.
Je suis pour la transparence et pour l'information, mais le Gouvernement ne souhaite pas que nous introduisions un mécanisme qui apparaîtrait comme un mécanisme de sanction.
Je dis l'inverse de ce que vous souhaitez, j'en ai bien conscience : c'est un point qui a été débattu au moment de la mise en place du CICE. Je comprends très bien que ce débat ait lieu, mais je redis ici de manière très claire et très ferme que le Gouvernement est opposé à un mécanisme de cette nature.
Il y a quelques minutes, les députés du Front de gauche ont retiré leurs amendements au profit de celui déposé par plusieurs députés socialistes.
Nous avons appelé à soutenir l'amendement déposé par plusieurs députés socialistes.
Eh bien, nous aurons la même démarche. Un amendement très proche du nôtre est présenté par les députés du groupe des radicaux – je ne me souviens plus du qualificatif exact : il s'agit des radicaux de gauche, n'est-ce pas ? – ; aussi, dans un souci d'efficacité, nous allons retirer nos amendements identiques et appeler à soutenir l'amendement n° 966 qui vient d'être défendu par M. Carpentier.
Notre logique n'est pas de faire notre marché pour savoir combien d'amendements à notre nom pourraient être votés ; ce qui compte pour nous, c'est l'utilité, c'est d'avancer, de faire bouger ce texte et de créer des convergences entre les progressistes de l'Assemblée, entre ceux qui estiment que la solution, ce n'est pas de servir l'argent.
(Les amendements nos 3296 , 3297 , 3298 et 3305 sont retirés.)
Sur l'amendement n° 966 , je suis saisi par le groupe GDR d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Cavard.
Nous allons soutenir cet amendement mais plus dans l'idée d'une bonne utilisation du crédit d'impôt compétitivité emploi, et donc d'une utilisation conditionnelle qui ne surprendra personne.
À ce stade, permettez-moi un petit clin d'oeil : il me semble que cette disposition était dans le même esprit qu'une loi qui n'a malheureusement pas survécu au changement politique, la loi Hue, du nom de celui qui l'a défendue et qui est aujourd'hui un membre éminent du groupe des radicaux de gauche au Sénat.
Dans cette majorité, nous sommes tous progressistes et, vous l'avez rappelé, monsieur Cavard, nous ne sommes plus tout à fait dans le même contexte qu'en 2002 lorsque l'ensemble de la majorité de gauche avait voté cette fameuse loi. La situation est bien plus compliquée aujourd'hui ; la ligne de crête reste à trouver et je comprends tout à fait le travail du ministre et du rapporteur. Vous comprendrez néanmoins que je maintienne mon amendement, mais dans un esprit positif et progressiste.
Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 966 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 14
Contre 34
(L'amendement n° 966 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir l'amendement n° 2009 .
L'alinéa 11 de article 4 instaure une consultation obligatoire du comité d'entreprise sur les orientations stratégiques de l'entreprise. C'est une bonne chose et, si nous voulons tendre à l'excellence, cet amendement propose d'étendre la mesure et de prévoir une consultation obligatoire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, selon ses compétences.
Je ne me place pas dans une logique de surenchère. Mais, au cours de la dernière législature, une mission parlementaire a été instituée sur les risques psycho-sociaux au travail. Présidée par Marisol Touraine, son rapporteur était Jean-Frédéric Poisson et elle comptait Roland Muzeau parmi ses membres. La mission a tenté de trouver une solution pour intégrer les risques psycho-sociaux dans la loi afin qu'ils fassent partie des stratégies de l'entreprise.
Nous pourrions donc, par le biais de cet amendement, rendre obligatoire la consultation du CHSCT sur les orientations stratégiques de l'entreprise.
J'étais en train d'observer la droite en plein travail dans l'hémicycle (Sourires), à la seule exception de M. Cherpion qui, lui, est toujours présent, toujours fidèle à la commission.
Mon cher collègue, votre amendement soulève des questions très importantes et le CHSCT a montré au fil du temps le rôle majeur qu'il peut jouer. La montée des troubles psycho-sociaux, de la souffrance au travail est un mal de notre société. Seulement, comme vous le savez, une négociation engagée par les partenaires sociaux est en cours ; elle va peut-être accoucher d'une plate-forme commune des organisations syndicales, de la CGT à la CGC en passant par la CFDT, la CFTC et FO. Évidemment cette question sera au coeur de ses préoccupations.
C'est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement pour que l'on inscrive cette réflexion dans le cadre que je viens d'évoquer, sachant par ailleurs que, s'agissant des orientations stratégiques, je l'ai dit, le CE est consulté. Or si le CE considère que la mise en oeuvre de la stratégie concerne le CHSCT, il aura la possibilité de le saisir lui-même. Faut-il prévoir une saisine directe ? Cela renvoie à des questions plus globales quant au rôle de cet organisme.
Pour ces raisons, la commission se verrait dans l'obligation de donner un avis défavorable à votre amendement si vous ne le retiriez pas.
Le comité d'entreprise est pour nous, j'y insiste, l'organe principal sur des sujets de cette nature, c'est évident. Certains aspects peuvent toucher la santé, la sécurité au travail, vous les avez parfaitement décrits ; mais c'est au comité d'entreprise d'en juger et de saisir le CHSCT. Il peut le faire et il n'est pas besoin de votre amendement pour cela. Laissons le comité d'entreprise être l'élément pivot du dispositif. Aussi le Gouvernement, comme la commission, vous suggère-t-il de retirer votre amendement.
Sur le vote de l'amendement n° 2009 , je suis saisi par le groupe GDR d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Retirez-vous votre amendement, monsieur Hutin ?
Compte tenu des explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, je retire mon amendement, monsieur le président.
Cet amendement et le débat qu'il suscite sont très intéressants mais je voudrais dire au rapporteur que je ne suis pas là pour arbitrer les différends qu'on peut constater au sein de la majorité. Je vous écoute avec beaucoup de respect ; ayez donc la même attitude vis-à-vis de nous.
J'ignore si chacun a saisi que nous sommes en train de vivre un moment historique. On a évoqué l'union de la gauche, la gauche plurielle, l'union du peuple de France, la gauche rassemblée. On peut quasiment, ici, parler de la nouvelle gauche parlementaire. En effet, ont été défendus des amendements convergents entre les députés du Front de gauche et des députés socialistes, entre les députés du Front de gauche et des députés radicaux, entre les députés du Front de gauche et des députés écologistes et, maintenant, à propos du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, entre les députés du Front de gauche et les députés du MRC. Tout cela est très intéressant.
Seulement, quand nous défendons des orientations, tâchons de le faire jusqu'au bout et de résister aux pressions de ceux qui ne veulent pas qu'on aille trop loin. C'est pourquoi nous avons repris l'amendement de M. Hutin en demandant un scrutin public.
Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 2009 , repris par le groupe GDR.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 49
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 10
Contre 34
(L'amendement n° 2009 n'est pas adopté.)
Sur le vote des amendements identiques nos 4032 à 4041 , je suis saisi par le groupe GDR d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 4032 .
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 4034 .
L'association Henri-Pézerat, du nom du toxicologue engagé dans le combat contre l'amiante et les cabinets d'expertise du CHSCT, ont alerté, la semaine dernière contre l'accord national interprofessionnel que nous sommes en train de transposer dans la loi et qui représente selon eux « un recul social majeur ».
Ce texte remet notamment en cause « les prérogatives des instances représentatives du personnel » ainsi que « les dispositions pour la santé des salariés inscrites dans la loi depuis 1982 », date des lois Auroux, à savoir « l'obligation d'information et de consultation du CHSCT en cas de projet visant à modifier l'organisation, les conditions de travail, l'hygiène et de sécurité » mais également le droit à l'expertise du CHSCT.
Or, rappelle le communiqué, le CHSCT, est l'instance capable d'intervenir « en anticipant des évolutions défavorables à la santé des salariés et en se donnant les moyens d'une expertise indépendante des risques tant physiques ou psychiques qu'organisationnels ».
Cette disposition est particulièrement malvenue dans un contexte de crise et d'intensification du travail, marqué par « une véritable explosion des risques psychosociaux » : suicides à France Télécom, à Renault...
Selon Annie Thébaud-Mony, chercheuse en santé publique et présidente de l'association Henri-Pézerat, « l'ANI met gravement en question le droit au savoir des salariés ; savoir sur les risques économiques, savoir sur les risques sanitaires. »
Au rebours de ces orientations, nous proposons par ces amendements identiques de maintenir les consultations des CHSCT d'établissement et de renforcer la coordination de ces organismes sous l'égide du comité d'entreprise et avec l'accord de l'employeur. En cas de désaccord, nos amendements prévoient le recours à l'inspecteur du travail.
Je ne vois pas en quoi l'adoption de ces amendements identiques déplairait à Mme Parisot.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 4041 .
Nous avons sur cette question un point de friction très important. Nous avons sollicité des organisations syndicales diverses sur l'importance des comités d'hygiène et de sécurité. Toutes nous ont dit que le fait de créer une instance unique allait poser des problèmes très graves. En effet, si une entreprise possède plusieurs sites, actuellement, chaque site possède son CHSCT. Or le texte prévoit – sans doute une demande formulée par le Medef car ce ne peut être une organisation syndicale –…
Bien sûr que si !
…le recours à une expertise unique avec une instance temporaire de coordination.
Vraiment, l'instauration d'un tel dispositif aura des conséquences graves. Quand une entreprise définit des orientations stratégiques, celles-ci auront des conséquences sur ses différents sites. Si, par exemple, vous déplacez une production d'un site vers un autre, cela entraînera des conséquences pour le nouveau site en termes de conditions de travail qu'il s'agisse du travail de nuit ou de l'utilisation des machines. Toute l'organisation de ce site sera concernée. Or l'analyse précise de ces conséquences ne pourra être réalisée que sur le site et non par une coordination au niveau du groupe. Ce que prévoit le texte est très grave et je suis persuadé que nous sommes nombreux ici à partager ce point de vue.
Nous en avons discuté en commission, monsieur le rapporteur. De mémoire, vous avez répondu qu'à la suite du travail de coordination de cette instance unique, un avis serait donné par les différents sites. Il ne me semble pas que cela apparaisse dans le texte.
Peut-être, mais l'avis ne suffit pas : c'est en amont qu'il faut faire cette expertise. L'avis ne permettra pas d'apporter des réponses.
Vous en êtes à trois minutes, mon cher collègue, et je remercie chacun d'entre vous de bien vouloir respecter son temps de parole.
M. Chassaigne a raison de dire qu'il s'agit d'un débat extrêmement important. Les cas de souffrance au travail que nous avons pu connaître le montrent amplement, et je n'y reviens pas.
Monsieur Chassaigne, n'y a-t-il pas des cas où il peut être utile de réaliser une expertise commune ? Sur certains projets, n'est-il pas préférable de réunir les CHSCT concernées ? Si quinze établissements fonctionnant de la même manière sont concernés par l'introduction d'une nouvelle machine ou d'un nouveau procédé de fabrication, n'est-il pas préférable de mener une expertise commune sur les conséquences de l'introduction de cette nouvelle chaîne de production ? C'est ce que prévoit le texte.
Contrairement à ce que vous avez dit, il ne s'agit pas de substituer une nouvelle instance à celles qui existent déjà, mais de réunir sur un projet commun plusieurs CHSCT.
Le nombre de représentants sera limité, pour que la taille de la réunion soit acceptable, et ils feront une expertise commune.
Vous exprimez aujourd'hui de nouvelles inquiétudes, sans doute parce que celles que vous aviez d'abord exposées, et que je partageais totalement avec vous, ont déjà été levées : je pense comme vous que ce n'est pas parce qu'il y a un projet commun que la question de la mise en oeuvre se pose de la même manière sur chacun des sites. J'ai donc souhaité, avec mes camarades du groupe SRC,…
…qu'en toutes circonstances la consultation du CHSCT, sur le fondement de cette expertise, puisse être maintenue. Nous avons donc adopté plusieurs amendements allant dans ce sens, ce qui montre que nos débats sont utiles.
Nous avons dit, d'abord, que ces réunions doivent être temporaires : nous ne créons pas une nouvelle instance qui se substituerait aux autres – ceci est explicitement indiqué dans le texte, à la quatrième ligne de l'alinéa 61. Nous avons souhaité, ensuite, que chacun des CHSCT rende un avis : il n'est donc pas possible de se substituer à eux – c'est l'objet de l'alinéa 69. Deux amendements identiques du groupe SRC et du rapporteur proposeront, enfin, de supprimer jusqu'à la possibilité de déroger par accord du comité d'entreprise.
Les inquiétudes que vous exprimez, monsieur le député, ne portent pas sur ces points-là. Votre inquiétude, c'était que les CHSCT ne soient pas consultés, et le texte vous donne satisfaction. Nous introduisons seulement la possibilité de faire une expertise commune lorsqu'il y a un problème commun.
J'ai pris du temps pour vous répondre, monsieur le député, parce qu'il s'agit d'une question très importante. Je crois vraiment que vos préoccupations ont été prises en compte : c'est à quoi servent nos débats. Nous avons travaillé, depuis nos échanges en commission, pour améliorer le texte et répondre à l'ensemble de vos préoccupations.
L'avis de la commission est défavorable.
Je ne vais pas répéter ce qu'a dit excellemment le rapporteur. C'est toujours un peu la même chose : vous laissez toujours entendre que, derrière ce que nous présentons comme des éléments de progrès – et je vais vous montrer pourquoi il s'agit d'éléments de progrès –, nous remettons en cause certains droits et aboutissons finalement un recul.
C'est toujours le raisonnement que vous faites au départ.
Ensuite vient heureusement le temps de la discussion et du débat, au cours duquel je vois que les choses progressent dans l'esprit des uns et des autres. Pardon de le dire ainsi, mais vous partez toujours d'une approximation.
Le débat en commission, le rapporteur vient de le dire, a permis, en accord avec le Gouvernement, d'apporter une série de modifications, qui sont les bienvenues et ont permis de répondre à des inquiétudes parfaitement légitimes.
Je prendrai un seul exemple : imaginons que l'on introduise simultanément, dans plusieurs établissements de France, le même type de technologie, de machine ou de risque, et que l'on procède à autant d'expertises qu'il y a de CHSCT au sein de ces établissements – je pourrais vous donner des exemples concrets, que des organisations syndicales m'ont elles-mêmes fournis.
Il ne s'agit pas d'une demande patronale, contrairement à ce que vous pensez.
Il est arrivé que des comités émettent des avis un peu différents, et parfois même franchement contradictoires, sur la même technologie ou sur le même risque. Et cela ne tenait pas aux spécificités des établissements ; c'est juste qu'ils avaient des avis différents. Vous croyez que ce type d'expertise aide les salariés et les organisations syndicales à se faire un avis ? À la fin, ils se sont retrouvés dans une sorte de fatras, au milieu duquel ils ne pouvaient pas émettre de jugement. C'est exactement à cela qu'il fallait remédier, et c'est pourquoi nous avons voulu donner plus de force et de capacités aux salariés : grâce à cette expertise unique, ils pourront former un jugement et l'exprimer. Voilà en quoi notre texte constitue un progrès.
Je conçois qu'il puisse y avoir des incompréhensions, et nous sommes là pour les lever. Les incompréhensions sont toujours de bonne foi, comme le sont les explications du rapporteur et les miennes. Il me semble donc que les éléments d'incompréhension doivent désormais être levés : c'est un progrès qui vous est proposé.
Je suis défavorable à cet amendement.
Je voulais dire à M. le ministre que les inquiétudes dont nous nous faisons l'écho, et que le président Chassaigne vient de rappeler, émanent d'interlocuteurs qui devraient l'interpeller.
Les organisations syndicales non-signataires défendent cette position, et l'alerte lancée par les cabinets d'expertise CHSCT est, elle aussi, extrêmement claire ; je tiens le texte intégral à votre disposition, si vous souhaitez le consulter. Nous avons déjà cité à plusieurs reprises l'étude de l'Observatoire du stress et des mobilités forcées, qui a étudié l'ensemble du texte, et qui exprime des inquiétudes au sujet de l'article 4. Je crois qu'il faut les prendre très au sérieux.
J'aimerais que vous me disiez très clairement ce qui vous gêne dans les amendements que nous avons proposés. Ces amendements sont extrêmement clairs : ils maintiennent évidemment les consultations des CHSCT, tout en prévoyant, en cas de nécessité, des mesures de coordination. La différence, c'est que nous proposons que cette décision soit prise par le comité d'entreprise, en accord avec l'employeur. C'est cela, le deuxième objet de nos amendements, et je pense que cette rédaction est de nature à répondre aux inquiétudes extrêmement vives qui se sont exprimées à ce sujet.
Sur le vote de l'amendement n° 3991 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 3991 .
Cet amendement vise à substituer aux alinéas 62 à 71 un alinéa nouveau, qui a pour objectif de rendre applicables aux mesures de coordination les règles de fonctionnement des CHSCT.
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 3993 .
Depuis le début de nos débats, nous tentons de vous convaincre que vous faites fausse route avec cet accord, que nous considérons comme mauvais.
Lors de la réunion du bureau national du parti socialiste – je n'y étais pas, mais nous avons eu des informations – Gérard Filoche n'a pas mâché ses mots.
C'est devenu votre nouvelle idole ?
Après Jérôme Guedj, Gérard Filoche ! Vous prenez toutes vos références au parti socialiste ! Dommage que Marc Dolez ne soit plus là !
En tout cas, Gérard Filoche est un militant socialiste fort honorable, qui a toujours défendu le monde du travail et qui joue un rôle très important dans votre formation politique. Heureusement qu'il y a, dans votre parti, des hommes de cette trempe-là, capables de mettre la barre à gauche, si je puis dire.
« C'est un projet de loi contre les femmes à temps partiel, qui vont être encore plus flexibilisées. Il n'y aura pas un précaire de moins, pas un chômeur de moins, […] il y aura moins de CHSCT, moins d'IRP, et les CE devront payer 20 % aux patrons pour les expertises. Les critères sociaux protégeant les licenciés sont gommés, les assurances privées vont toucher le pactole des complémentaires, les mutations seront forcées, les plans de maintien de l'emploi sont pires que la loi Warsmann de Sarkozy. » Voici ce qu'a déclaré cet honorable membre du parti socialiste et dirigeant de votre formation, mesdames et messieurs les députés socialistes.
Voilà pourquoi nous défendons cet amendement. Nous considérons qu'il y a véritablement, de votre part, une démarche idéologique.
Je comprends que vous vouliez maintenir l'accord conclu entre le Medef et certaines organisations syndicales ; je le comprends parfaitement, dans votre logique. Mais, en l'occurrence, il s'agit d'un amendement qui ne touche pas fondamentalement à la structure de votre accord : par conséquent, le refuser, c'est adopter une position idéologique, et je crois que les salariés s'en souviendront.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 4000 .
« Les salariés s'en souviendront » : je crois qu'il ne faut pas dire cela. Les salariés, on les connaît, et si vous avez besoin de puiser vos réflexions dans le parti socialiste, nous nous en réjouissons. Comme je viens de le dire, notre seul regret, c'est que Marc Dolez nous ait quittés, car c'est un homme de grande qualité. Il y en a d'autres que nous vous laissons volontiers.
En tout cas, je crois que notre débat a été utile. Si vous en venez à citer un compte rendu du bureau national du parti socialiste, c'est que vous êtes un peu à court d'arguments…
J'ai reçu les représentants des CHSCT et les syndicats ; les amendements que nous avons adoptés en commission et que nous allons adopter ce soir répondent à leurs attentes. Ils ne se sont pas opposés à ce qu'une instance de coordination se réunisse pour réfléchir à des problèmes communs : le ministre l'a très bien rappelé.
Je prendrai un autre exemple, celui de Pôle emploi, où l'on met en place une nouvelle offre de services. Eh bien, on ne va pas empêcher Pôle emploi de réunir plusieurs CHSCT afin de faire une expertise commune et de proposer des solutions, puis de consulter chacun des CHSCT. C'est d'ailleurs ce que dit votre amendement, et vous seriez bien en peine de m'expliquer la différence entre votre amendement et le dispositif que nous avons adopté, tel qu'amendé. S'il y a une différence, c'est celle-ci, et vous l'avez notée : le texte dispose que l'employeur peut réunir les CHSCT, puis procéder à l'information-consultation, tandis que votre amendement propose, quant à lui, que l'employeur ne puisse réunir les CHSCT que si les CHSCT, le comité d'entreprise ou les syndicats sont d'accord.
C'est la seule différence. Mais, puisqu'il s'agit d'une possibilité supplémentaire, qui ne se substitue en rien à la consultation des CHSCT, je crois que nous sommes tous profondément d'accord sur ce qu'il fallait faire. J'ai reçu tout le monde, comme vous ; j'ai déposé des amendements pour améliorer la situation, et nous l'améliorons.
Je vous demande vraiment de regarder le texte. Ce qui est difficile dans ce débat, c'est qu'il a commencé il y a quatre mois et que les textes ont beaucoup évolué. Je l'ai dit hier : le texte qu'a posé sur la table le MEDEF le 14 octobre n'a rien à voir avec le texte de loi dont nous débattons aujourd'hui et avec les amendements que nous proposons.
Les débats publics portent souvent sur des versions antérieures du texte, tantôt la première, tantôt des versions intermédiaires, mais jamais sur le texte définitif. J'ai reçu, moi aussi, la lettre que vous avez citée, ainsi que plusieurs autres : les premières portaient sur l'ANI, tel qu'il a été signé le 11 janvier, et les autres sur le projet de loi du Gouvernement. Elles ne portaient pas sur le texte issu des commissions et ne prenaient pas en compte les amendements que nous sommes en train de voter.
C'est la raison pour laquelle j'ai émis un avis défavorable. Je suis néanmoins convaincu que nous disons la même chose.
Même avis.
La nuance est quand même importante : dans le texte, il est question d'une « instance de coordination ». Ce n'est pas jouer sur les mots de dire qu'on fait là le premier pas vers la suppression des CHSCT de proximité.
Tiens, monsieur Morin ! Nous discutons depuis plusieurs jours, nous vous remercions d'apparaître.
Le débat est vraiment important. On est en train d'ouvrir la boîte de Pandore. Cette instance risque de faire disparaître petit à petit les CHSCT de proximité sur les sites. Ce que nous proposons, c'est tout simplement de mettre en oeuvre les mesures de coordination qui sont déjà prévues dans la législation. Il y a quand même une nuance importante.
André Chassaigne parlait tout à l'heure de convergence entre différents amendements. Va justement venir en discussion dans quelques instants un amendement n° 1400 du rapporteur, qui a reçu un avis favorable de la commission des affaires sociales et dont j'espère qu'il sera adopté. Il reprend l'esprit et parfois même la lettre de plusieurs amendements de MM. Coronado, Amirshahi, Robiliard et d'autres, et apporte la précision qui lèvera votre inquiétude.
Il ne faut pas faire de procès d'intention. Vous connaissez mon jugement parfois sévère sur le contenu de l'ANI et du projet de loi, mais en l'espèce, en précisant que l'instance de coordination et ses avis ne se substituent pas aux instances locales, je suis convaincu que cet amendement du rapporteur répond à vos préoccupations.
Le rajout de cette instance de coordination n'est pas une régression. On peut faire un parallèle avec la création du comité central d'entreprise, qui n'est pas venu vider de leur substance les comités d'entreprise. Au contraire, il a parfois servi de point d'appui intéressant. Puisqu'il est donc question de convergence, MM. Coronado, Germain, Amirshahi, Robiliard et une grande partie du groupe socialiste, pour ne pas dire l'ensemble, vous rejoignent autour de cette précision. Avec elle, nous aurons fait oeuvre utile. Votez donc l'amendement du rapporteur – en espérant que le Gouvernement s'y déclare favorable !
Je mets aux voix les amendements n° 3991 et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l'amendement n° 1430 .
Comme vous, monsieur le rapporteur, j'ai reçu les représentants des CHSCT, je les ai entendus et j'ai déposé des amendements pour améliorer le texte. Je vous en livre un, et j'espère qu'il sera accepté. Cet amendement a pour but de permettre au président de l'instance de coordination – tout à fait intéressante, d'ailleurs – d'être assisté des présidents des CHSCT des établissements concernés par le projet commun. Cette possibilité lui permettra si nécessaire de compléter sa connaissance de la réalité des conditions de travail des établissements, de manière à pouvoir engager un dialogue efficace avec les délégations du personnel des CHSCT concernés.
M. Cherpion est un des rares députés de droite à avoir travaillé sur ce projet de loi, dont acte. Mais la commission n'a pas retenu cet amendement qui n'apporte rien au texte. Il propose en effet que l'employeur ou son représentant puissent être assistés par les présidents des CHSCT concernés. Ce n'est pas utile, car les employeurs des établissements concernés sont nécessairement associés à la mise en oeuvre d'un projet affectant leur établissement, quel qu'il soit. Je rappelle que la consultation des CHSCT est maintenue.
(L'amendement n° 1430 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 5572 rectifié .
C'est un amendement de précision. Au cours des réécritures très bienvenues auxquelles a procédé la commission, une disposition de simplification du fonctionnement de l'ensemble du dispositif a disparu. Nous ne mettons aucunement en cause le travail de la commission : au contraire, nous le complétons par cette disposition de simplification.
Je comprends bien les arguments du ministre. Ils font de cet amendement bien plus qu'un amendement rédactionnel, contrairement à ce qui est indiqué dans son exposé des motifs, puisqu'il ajoute une précision – par ailleurs nécessaire. Il faudrait à tout le moins modifier l'exposé des motifs.
(L'amendement n° 5572 rectifié est adopté.)
Voilà un amendement de précision. Le précédent était « re-rédactionnel », monsieur Cherpion !
Le nombre de représentants des CHSCT dans l'organe central diffère en fonction du nombre d'établissements concernés, et il y a dans la rédaction actuelle une imprécision quant au mode de calcul. Cet amendement précise que lorsque sept CHSCT sont concernés, c'est bien la règle de deux représentants par CHSCT au sein de l'instance de coordination qui s'applique.
(L'amendement n° 5570 , accepté par la commission, est adopté.)
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l'amendement n° 5260 .
J'ai déjà présenté cet amendement tout à l'heure, par erreur. Depuis, l'intervention de M. Guedj et surtout la lecture de l'amendement présenté par le rapporteur me permettent de penser qu'il est satisfait. Par ailleurs, nous proposions dans cet amendement de supprimer l'alinéa 70 alors qu'il s'agissait en fait du 71… J'invite l'ensemble de ceux qui ont déposé des amendements sur cet alinéa, dans un élan unitaire, à se rallier à l'amendement du rapporteur et je retire mon amendement.
(L'amendement n° 5260 est retiré.)
Je suis saisi de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune, le n° 2490 et les nos 1400 et 5055, qui sont identiques.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir le n° 2490.
Tout a déjà été dit sur cet amendement. En premier lieu, il supprime la seconde phrase de l'alinéa 71. En matière de sécurité, d'hygiène et de conditions de travail, il est en effet indispensable que les décisions soient prises au plus près. Par conséquent, il n'est pas concevable que l'instance de coordination puisse se substituer, même à la faveur d'un accord collectif, aux CHSCT. Autrement dit, même en cas d'accord, on ne peut supprimer l'avis des CHSCT. Et l'amendement répète ensuite que l'avis de l'instance de coordination ne peut pas se substituer à un défaut d'avis des CHSCT locaux.
Cela étant, je me rallie aux amendements identiques qui suivent, qui s'en tiennent à la suppression pure et simple de la seconde phrase de l'alinéa 71, et je retire cet amendement.
(L'amendement n° 2490 est retiré.)
Je tiens à dire que j'ai été assez troublé par les propos de M. Asensi. Il a attaqué assez violemment les socialistes sur ce sujet, ce qui m'apparaît assez incongru à la lumière des présents amendements.
Comme vient de le dire Denys Robiliard, en supprimant la seconde phrase de l'alinéa, on élimine la possibilité que l'instance de coordination se substitue aux CHSCT locaux, lesquels gardent leur plénitude et la totalité de ce que le droit du travail leur conférait. Je souhaite que vous votiez avec nous cet amendement, qui est très important, mais à titre personnel, monsieur Asensi, j'ai été assez surpris de cette sortie assez violente contre les socialistes.
Nous avons évoqué cet amendement à plusieurs reprises. C'est une précision fondamentale, voulue par tous, sur tous les bancs, convaincus par les auditions que nous avons faites. Cela maintiendra définitivement la consultation de chaque CHSCT de chaque établissement concerné par un projet.
J'en profite, monsieur le ministre, pour revenir sur un amendement du Gouvernement que nous venons d'adopter, qui n'avait pas été examiné par la commission. J'ai émis un avis favorable, mais je voudrais que les choses soient bien claires : lorsqu'il est dit que les personnes destinées à siéger le cas échéant dans un comité national qui serait réuni pour un projet temporaire sont élues pour la durée de leur mandat, il ne faut pas en conclure qu'on serait en train de créer une nouvelle instance.
Non !
Il ne s'agit bien que d'une modalité pratique, pour désigner dès le début les personnes qui seront concernées le cas échéant.
C'est cela.
Le Gouvernement est toujours désolé lorsqu'on veut supprimer une disposition qu'il a introduite.
J'observe que ce sont souvent les mêmes qui font pression pour qu'on s'éloigne de temps en temps de l'accord, afin de le préciser ou de le compléter, et qui refusent à d'autres moments de s'en écarter d'un poil ! C'est donc un argument… qui en tout cas me pousse à m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.
Nous voterons cet amendement, qui va dans le bon sens. Et quand mon camarade Asensi cite le camarade Filoche, je suis sûr que ce n'est pas pour s'attaquer au parti socialiste !
Je ne mets aucunement en cause ce qu'a dit le ministre à propos de sollicitations des organisations syndicales concernant les CHSCT. Mais je pense qu'il a dû y avoir une forme de confusion sur la demande qui était faite. Le problème qui se pose est qu'il arrive, dans des groupes en particulier, que certains sites soient mal dotés en CHSCT, parce que les militants ne suffisent pas à assurer une couverture complète. C'est pour cette raison qu'une volonté, je crois, d'avoir un regard sur l'ensemble des sites s'est exprimée. Les organisations syndicales ont en tout cas très souvent fait remonter cette difficulté au cours de nos échanges. Il y a d'ailleurs déjà eu des tentatives législatives pour rassembler dans des CHSCT des entreprises qui n'en ont pas, des PME notamment, regroupées par branche par exemple. Quoi qu'il en soit, l'intérêt de la précision qu'apportent ces amendements est que la boîte de Pandore est maintenant fermée.
Grâce à un retour à l'accord !
Je me réjouis de cette unanimité. J'ajoute simplement que le travail en commission avait déjà permis d'améliorer considérablement l'alinéa 64, relatif à l'organisation de cet organe temporaire, l'instance de coordination, par rapport à l'ANI et au projet initial du Gouvernement.
En conséquence l'amendement n° 1431 tombe.
Nous en venons à une nouvelle série d'amendements, sur laquelle je suis saisi par le groupe GDR d'une demande de scrutin public.
Je suis également saisi par le groupe GDR d'une demande de scrutin public sur l'article 4. Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 3957 .
Avec des objectifs de productivité et de rentabilité toujours plus élevés, le management par objectifs et les réorganisations perpétuelles, les conditions de travail des salariés ont été gravement mises à mal ces dernières années. Les CHSCT ont évidemment eu à prendre en considération ce changement de la réalité du travail, particulièrement la montée des risques psychosociaux.
Ces dernières années ont notamment été marquées par la loi dite de modernisation sociale de janvier 2002, puis l'accord-cadre sur le stress au travail de 2008 et celui sur le harcèlement moral au travail de 2010. En outre, les différentes évolutions de la législation, de la réglementation et de la jurisprudence ont eu une influence sur le rôle et la légitimité des CHSCT. Certains progrès ont été accomplis, notamment en ce qui concerne la santé mentale des salariés. Ces nouvelles réglementations ont également permis la prise en compte des témoignages dans les expertises, par exemple.
Par cet amendement, nous proposons de poursuivre ce mouvement positif en donnant aux représentants du personnel dans les CHSCT le temps nécessaire à la participation aux mesures de coordination des CHSCT.
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 3959 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 3966 .
La commission a émis un avis défavorable.
En fait, il s'agit d'amendements de coordination avec un autre amendement que vous souhaitiez voir adopté au début de l'examen de l'article 4, mais qui n'a pas été adopté. Il me semble donc que ces amendements identiques auraient dû tomber.
En revanche, l'idée ne tombe pas. L'ensemble des préoccupations dont procédaient les amendements que vous avez voulu défendre a trouvé des réponses dans les amendements que nous avons adoptés.
Même avis.
En fait, je pourrais presque dire que l'intérêt essentiel de cet amendement réside dans son exposé sommaire. En effet, il nous permet de lancer le bouchon, si je puis dire, avec un objectif, celui de faire évoluer les CHSCT. Je m'en étais d'ailleurs entretenu avec M. Auroux, lors d'un colloque auquel nous participions tous deux ; il avait insisté sur ce point. Depuis 1982, les évolutions ont été très limitées. Pourtant, aujourd'hui, les CHSCT ont pris une importance nouvelle. On le voit avec les maladies professionnelles, avec les questions environnementales. Il faudrait vraiment qu'ils évoluent.
Tel est le sens des propositions que l'on peut lire dans l'exposé sommaire. Les membres des CHSCT devraient notamment être élus, comme les membres des comités d'entreprise ; il y aurait ainsi une forme d'indépendance. Il faudrait aussi qu'ils puissent disposer d'un budget autonome, car les CHSCT ont souvent un problème de budget, ce qui explique des difficultés de déplacement d'un site à l'autre. Il faudrait également que les membres salariés soient mieux formés et disposent d'un crédit d'heures plus important. Enfin, il faudrait que les décisions répétées des CHSCT entraînent une obligation de faire qui s'impose à l'employeur.
Voilà quelques orientations qui pourraient être mises en oeuvre dans le cadre d'une loi nouvelle.
Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 3957 et les amendements identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 47
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 8
contre 36
(L'amendement n° 3957 et les amendements identiques ne sont pas adoptés.)
Je demande une suspension de séance avant le vote de l'article 4, afin que notre groupe puisse arrêter sa position.
Article 4
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)
La séance est reprise.
Dans les explications de vote sur l'article, la parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Le groupe UDI s'étonne de la complexité de cet article. Mon collègue Hervé Morin m'a relaté le contenu des débats de cet après-midi auxquels je n'ai pu assister car j'étais à l'inauguration d'une entreprise, dans le Nord, en compagnie d'une ancienne ministre des affaires sociales reconnue comme une professionnelle de la politique. J'ai discuté de ce projet de loi avec elle, et lui ai confié que nous hésitions entre voter pour et nous abstenir. Elle m'a répondu : « Ah ! Je savais bien que le texte était mauvais : vous risquez de voter pour… ». (Sourires.) Voilà les arguments que m'a donnés Martine Aubry cet après-midi, monsieur le ministre !
C'était pour vous induire en erreur !
Je suis plutôt d'accord avec elle quand il s'agit de l'article 4. Cet article n'a, dans sa plus grande partie, rien à voir avec l'accord national interprofessionnel : il y est par exemple question de l'emploi du crédit d'impôt compétitivité emploi, qui ne figure pas dans l'accord. Bref, monsieur le ministre, nous voterons contre l'article 4.
Cela se confirme : elle vous a effectivement induits en erreur ! (Sourires.)
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.
Cet après-midi, nous avons assisté à un débat fort intéressant entre les différentes composantes de la majorité. Cela a mis en lumière les désaccords qui existent dans cette majorité très diverse, très plurielle. À cette occasion le rapporteur a montré ses qualités humaines, et a fait preuve d'une grande tolérance. Pour revenir au fond du débat, il faut reconnaître que cet article comprend énormément de choses, dont beaucoup n'ont strictement rien à voir avec l'accord national interprofessionnel, et n'ont pas du tout été discutées par les partenaires sociaux. Nous aurions souhaité faire évoluer d'autres éléments de cet article, comme la base de données, les délais d'expertise, ou les dispositions relatives au CHSCT. Sur tous ces points, nous n'avons pas pu progresser, tout au moins comme nous l'aurions souhaité.
En revanche, je comprends mieux à présent le titre que vous avez donné à ce projet de loi, en faisant disparaître la référence à la compétitivité des entreprises : cet article ne fait qu'augmenter les charges des entreprises ! Eu égard à toutes ces considérations, nous voterons contre l'article 4.
Les travaux sur cet article ont été longs. Les propositions de l'ensemble des parlementaires ont largement fait évoluer sa rédaction. Il y a eu beaucoup d'échanges sur de nombreux sujets qui ne sont pas anodins. Nous ne pouvons que nous en féliciter, car le groupe écologiste attendait – nous ne nous en cachons pas, c'était public – de voir dans quelle mesure les débats parlementaires permettraient d'améliorer ce texte. L'article 4 est le symbole même de ce travail d'amélioration. Tout ce que nous aurions voulu faire n'a certes pas été possible, mais on a quand même bien avancé. C'est le résultat des amendements présentés par le groupe écologiste ; d'autres députés ont également apporté leur pierre à l'édifice. Nous voterons donc bien évidemment pour cet article.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Chacun devine la teneur des propos que je vais tenir. Tout d'abord, le titre de la section II qu'ouvre l'article 4, « De nouveaux droits collectifs en faveur de la participation des salariés », ne nous semble pas approprié. Nous souhaitions donner beaucoup plus de pouvoir aux salariés dans les entreprises : on en est loin ! Nous avons eu par ailleurs l'occasion de faire valoir ce point de vue en déposant des propositions de loi. Nous avons notamment déposé une proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers. Nous avons également proposé de donner aux comités d'entreprise un pouvoir beaucoup plus important, afin que les représentants des salariés aient véritablement leur mot à dire.
Il est donc évident que les nouveaux droits collectifs accordés aux salariés ne nous satisfont pas complètement. Le titre de la section II est un titre promotionnel, qui cherche un effet d'annonce, mais le contenu est bien loin de constituer une avancée très importante. Je qualifierai en particulier d'artifice les dispositions concernant l'emploi du crédit d'impôt compétitivité emploi. Certes, le pouvoir d'alerte du comité d'entreprise peut renforcer son contrôle de l'utilisation de ce crédit d'impôt. Il ne s'agit toutefois pas d'un pouvoir réel, mais d'un simple pouvoir d'alerte ! Sur tous ces points, les choses sont donc très claires.
Nous aurions pu voter contre cet article. De fait, à examiner son contenu, nous aurions plutôt tendance à voter contre. Cela dit, nous voulons marquer le fait que des convergences sont apparues entre les différents groupes de gauche. Elles ont permis un certain nombre d'avancées, certes minimes, mais qui sont l'expression d'un mouvement vers l'unité sur ces questions.
Certains amendements adoptés ont limité les aspects négatifs que nous avions constatés en commission, notamment sur le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. En conséquence, nous nous abstiendrons sur cet article.
Je rappelle qu'au départ, nous en demandions la suppression : reconnaissez qu'il y a une certaine évolution de notre part !
La parole est à M. Denys Robiliard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Un député du groupe UDI. On s'inquiétait ! (Sourires.)
Je suis heureux de vous rassurer !
Contrairement à ce qu'a dit M. Cherpion, je ne crois pas que nous nous soyons éloignés de l'accord national interprofessionnel. Je ne vois pas non plus à quel moment nous aurions augmenté les charges des entreprises ! Nous avons au contraire tiré les conséquences du contenu de cet accord : les crédits d'impôts y figurent, il était donc normal que nous évoquions la question du crédit d'impôt compétitivité emploi. Je comprends que cela vous déplaise, mais c'est ainsi ! Il nous fallait tirer les conséquences juridiques de ces dispositions de l'ANI.
Je remercie le Gouvernement d'avoir écouté le groupe socialiste, et d'avoir évolué sur la question de l'instance de coordination. Il nous semblait en effet important de laisser aux CHSCT tout leurs rôle actuel, car la sécurité des conditions de travail doit être gérée au plus près des salariés. Si un rapport commun aux CHSCT est réalisé, ce qui se comprend parfaitement, il faudra que les différents CHSCT s'emparent du débat, donnent leur avis, et déclinent les conclusions du rapport au niveau des entreprises. De ce point de vue, les améliorations que nous avons apportées au texte cet après-midi étaient importantes. Le groupe socialiste est très satisfait de l'article 4 dans sa rédaction actuelle, tel que nous allons le voter dans quelques instants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Les discussions sur cet article ont en effet été extrêmement riches. Des avancées très importantes pour les droits des salariés ont indéniablement été réalisées. Je regrette pour ma part de ne pas avoir obtenu d'avancée sur le contrôle de l'utilisation du CICE et les sanctions possibles en cas de mauvais usage.
Quoi qu'il en soit, au nom de l'ensemble de mon groupe, je voterai pour cet article 4.
Je vais maintenant mettre aux voix l'article 4, tel qu'il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 59
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 43
contre 8
(L'article n° 4, amendé, est adopté.)
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 2926 .
Cet amendement a pour objet de permettre à un salarié victime d'une rechute d'accident du travail d'engager une procédure sur le fondement de la faute inexcusable, même s'il n'a pas engagé d'action en justice sur ce fondement après l'accident initial. À l'heure actuelle, cela n'est pas possible car le code de la sécurité sociale n'envisage pas cette possibilité.
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 2928 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2935 .
Mme Fraysse pose une question très juste. La Cour de cassation a en effet jugé que, selon le code de la sécurité sociale, une rechute d'un accident du travail ne relance pas le délai de deux ans pour agir sur le fondement de la faute inexcusable. Il faut donc travailler pour résoudre ce problème. Je ne suis pas certain qu'il soit opportun de le faire dans le cadre de l'examen de ce texte. Je souhaite donc que le Gouvernement nous dise ses intentions à ce sujet. La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés est concernée au premier chef : légiférer sur ce sujet supposerait donc au moins de consulter cette organisation. En effet, adopter une mesure comme celle que propose Mme Fraysse donnerait lieu à des indemnisations.
Formellement, nous pourrions adopter cet amendement. Il serait cependant nécessaire de consulter au préalable les partenaires sociaux, d'autant que le règlement de notre assemblée nous recommande cette conduite dans le cadre de l'examen des propositions de loi.
Cet amendement n'est pas totalement étranger au projet de loi, puisque nous envisageons une réforme très importante du marché du travail. Nous avons évoqué notamment les CHSCT. Je crois néanmoins que nous ne devrions pas adopter cette mesure dans le cadre de ce projet de loi.
Il s'agit là d'une vraie question, qui a été posée par une jurisprudence récente. Mais beaucoup d'autres questions pourraient être posées sur l'application de tel ou tel aspect du droit du travail et la protection des salariés. Le texte dont nous discutons actuellement ne traite pas tous les sujets relatifs au droit du travail, il ne concerne que les sujets particuliers à la sécurisation de l'emploi, qui sont déjà bien assez nombreux.
Le Gouvernement porte un intérêt particulier à la situation créée, en l'occurrence, par la décision de la Cour de cassation. Toutefois, pour y apporter la bonne solution, nous avons besoin, comme l'a souligné le rapporteur, de consulter, en particulier, la CNAMTS dans toutes ses composantes et les partenaires sociaux.
Je vous propose, donc, de retirer votre amendement parce que le problème que vous venez de mettre en lumière doit être traité dans un autre cadre.
Je ne sais pas s'il s'agissait, dans l'esprit de Mme Fraysse, d'un amendement d'appel. Il me paraît en tout cas bienvenu de ce point de vue. Tel qu'il est rédigé, cet amendement poserait des problèmes d'interprétation assez lourds. En effet, le point de départ le plus tardif de la prescription court à partir de la consolidation de l'état de la victime. En cas de rechute, il y a une nouvelle consolidation. Est-ce que cela fait courir un nouveau délai ? Telle est la question. Si la réponse est oui, il faut savoir si le nouveau délai a pour point de départ l'aggravation par rapport à la consolidation initiale. Je pense que cette question doit être remise totalement à plat, d'autant que le paysage de la faute inexcusable a été complètement bouleversé par la redéfinition de la notion de faute inexcusable de l'employeur, qui n'est plus, aujourd'hui, que le manquement avec conscience du danger à une obligation de sécurité de résultat, et parce que le Conseil constitutionnel a jugé qu'il devait y avoir réparation intégrale du préjudice en cas de faute inexcusable.
La question de la rechute ne doit pas faire, seule, l'objet d'un examen, mais c'est tout le droit de la réparation du préjudice corporel en cas d'accident du travail qui doit être revu.
De ce point de vue, votre amendement, je le répète, doit s'analyser comme un amendement d'appel. Nous devrons travailler sur cette question dans les prochains mois.
C'est très complet !
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les réponses qui viennent de m'être faites. Je pense, effectivement, que nous touchons, là, à un sujet essentiel pour les salariés, mais finalement plus vaste que le point précis que j'ai soulevé. Je vous donne acte que cela exige du travail. Dans ces conditions, nous allons retirer ces amendements en espérant que cet échange sera suivi d'actes concrets permettant d'améliorer la situation actuelle.
(Les amendements, n°s 2926 , 2927 , 2928 et 2935 , sont retirés.)
Je défendrai en même temps l'amendement n° 2849 , si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président.
Vous avez donc la parole pour défendre ces deux amendements, mon cher collègue.
Par ces deux amendements d'appel, lesquels devraient faire l'objet d'une discussion entre partenaires sociaux, je propose de rationaliser et de simplifier les consultations des institutions représentatives. Depuis l'instauration du CHSCT, en 1982, nous assistons à un empiétement progressif du CHSCT sur les compétences du comité d'entreprise. Le CHSCT, dont les missions traditionnelles se limitaient au domaine de la santé, de l'hygiène et de la sécurité des salariés, a été associé à toutes les décisions de l'entreprise concernant l'organisation et les conditions de travail. Ces deux organismes sont ainsi devenus concurrents, ce qui a complexifié considérablement leur consultation. Cela n'est, bien souvent, pas dû à la loi, mais à des arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Je propose, donc, par ces deux amendements, une rationalisation du système. Le premier amendement consisterait à faire du CHSCT une commission du comité d'entreprise, c'est-à-dire un organe appartenant au comité d'entreprise, qui traiterait, en particulier, les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail.
Le second amendement vise à ce que le CHSCT s'en tienne à ses missions originelles, celles de la loi Auroux, les conditions de travail relevant des missions du comité d'entreprise. Je prendrai l'exemple des entretiens annuels d'évaluation. La chambre sociale de la Cour de cassation considère que les entretiens annuels d'évaluation peuvent provoquer du stress chez les salariés : il convient donc de consulter, d'une part, le CHSCT et, d'autre part, le comité d'entreprise… Et tout cela doit se dérouler dans certains délais, selon une certaine procédure, le CHSCT devant donner son avis avant que le comité d'entreprise ne se prononce. Pour éviter cette dualité des rôles, cet empiétement progressif des missions des uns sur celles des autres, je propose une rationalisation du système. Cela revient, dans un cas, à l'épure des lois Auroux qui sont citées à l'envi par le groupe du Front de gauche…
Oh non ! Par nous !
…et, dans un autre cas, à un système qui ferait du CHSCT un organe appartenant au comité d'entreprise.
Chaque fois que vous venez dans l'hémicycle, monsieur Morin, vous avez le mérite de clarifier les débats, ce dont je vous remercie ! Considérant les différents amendements que vous avez soutenus à l'article 1er, nous en déduisons que vous souhaitez que le privé prenne davantage de responsabilités dans la gestion de la sécurité sociale (M. Hervé Morin manifeste son étonnement), ce à quoi nous nous opposons. Vous avez aussi exprimé très clairement, dans votre propos introductif, que vous regrettiez le nouveau pouvoir donné à l'administration en matière de contrôle des plans sociaux. Et ici vous défendez une vision totalement différente de la nôtre. Nous considérons, pour notre part, et tous nos amendements l'ont démontré, que le CHSCT est une institution fondamentale, qu'elle a un rôle majeur à jouer dans une société où la souffrance au travail augmente. Ce serait, par conséquent, une erreur fondamentale d'en faire un simple organe du comité d'entreprise. En 1982, le CHSCT avait déjà sa personnalité propre. Il est vrai qu'il se nommait à l'époque CHS ; mais justement, ajouter aux questions de santé, qui étaient sa mission originelle, les conditions de travail a représenté un grand progrès.
Je vous remercie de clarifier votre position qui se défend tout à fait politiquement, mais qui est très différente de la nôtre.
La commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements.
Défavorable également !
Je ne partage absolument pas l'avis de M. Morin, pour des raisons assez claires. Les prérogatives du CHSCT figurent effectivement dans le code du travail. Elles ont beaucoup évolué, notamment dans ce qu'on appelle le tertiaire au sens large. Si vous connaissiez le fonctionnement des grandes entreprises tertiaires et les modes d'organisation managériale aujourd'hui en place, avec les conséquences que l'on sait, vous ne pourriez pas tenir de tels propos. Le CHSCT a plus que sa place. Je ne sais pas s'il acquerra des prérogatives supplémentaires, comme l'a demandé le groupe GDR tout à l'heure, mais c'est aujourd'hui une instance absolument essentielle dans une entreprise.
Je ne conteste en aucun cas au travers de ces deux amendements l'existence du CHSCT. J'ai simplement souhaité clarifier et simplifier les procédures pour éviter des complexités inutiles. Considérer que les représentants des salariés au sein du comité d'entreprise ne sont pas capables d'aborder un certain nombre de sujets est, en quelque sorte, leur faire injure. Je ne voudrais pas que l'on pense que le comité d'entreprise n'est pas capable de traiter des sujets relatifs aux conditions de travail.
(L'amendement n° 2860 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 2849 n'est pas adopté.)
Sur l'article 5, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
Je n'hésite pas à dire que la participation des salariés dans les conseils d'administration des entreprises est plutôt un progrès.
Un grand progrès !
Comme beaucoup d'autres articles de ce texte, à peine le progrès annoncé, on en mesure immédiatement les reculs, parfois, du fait de l'existence de dérogations, et en tout cas les limites.
Nous sommes comblés avec cet article, puisqu'il ne s'adresse qu'à un nombre restreint d'entreprises – 229, je crois –, à savoir celles qui emploient au moins 5 000 salariés permanents dans la société et ses filiales directes ou indirectes situées sur le territoire français, ou au moins 10 000 salariés permanents dans la société et ses filiales directes ou indirectes situées sur le territoire français et à l'étranger. De plus, le nombre d'administrateurs salariés est plus que limité, puisqu'il est d'un ou de deux. Dans un tel contexte, ces braves administrateurs salariés pourront, certes, entendre, mais ne pourront sûrement pas peser et ils se porteront, à la limite, caution de décisions auxquelles ils n'auront pas vraiment été associés. Enfin, nous ne savons pas comment ces administrateurs salariés seront choisis.
C'est pourquoi, mes chers collègues, notre enthousiasme est très limité, car, si cette disposition va dans le bon sens, elle est très restreinte en ce qu'elle apporte peu aux droits des salariés.
Nous pouvons effectivement considérer que cet article 5 représente une avancée, mais il a tout de même ses limites. Nous restons au milieu du gué.
La participation des représentants de salariés au sein des conseils d'administration des entreprises est une revendication de longue date des députés communistes, puis du Front de gauche.
Ce projet de loi que vous présentez comme un compromis quasi-historique entre les partenaires sociaux, c'est le point de vue du Gouvernement, s'avère être une réforme a minima. Le projet de loi ne donne, en effet, que deux sièges avec voix délibérative aux salariés, voire un seul si l'entreprise compte moins de douze administrateurs. On est bien loin du modèle de cogestion à l'allemande vers lequel le Gouvernement souhaite tendre. À titre de comparaison, dans les entreprises allemandes, un tiers des sièges des conseils d'administration des entreprises de 500 à 2 000 salariés sont attribués à des représentants des salariés. Au-delà de 2 000 salariés, les salariés allemands occupent au moins la moitié des sièges du conseil d'administration de leur entreprise. On ne pourra que regretter le manque d'ambition de ce projet de loi, en tout cas de cette disposition, car, avec seulement deux représentants, les salariés ne pourront pas avoir une véritable influence sur les décisions prises par l'entreprise.
Les parlementaires du Front de gauche ont donc déposé un amendement portant le nombre d'administrateurs salariés au tiers du nombre total d'administrateurs. Voilà un moyen de renforcer la démocratie sociale tout en permettant un respect de la diversité syndicale au sein des entreprises. J'espère que les parlementaires auront la volonté d'aller contre les desiderata du MEDEF qui a accepté cette proposition tout en souhaitant la restreindre.
Par ailleurs, l'incompatibilité des fonctions de membre du conseil d'administration et de membre d'une institution représentative du personnel pose problème. Comment voulez-vous représenter efficacement les salariés si vous ne pouvez être ni membre du CE ni membre du CHSCT ni d'aucune autre institution représentative du personnel ? Nous craignons que cette condition coupe les administrateurs salariés de leur base et entraîne une moindre prise compte des intérêts des salariés. L'inscription de cette incompatibilité apparaît, donc, comme une certaine victoire du patronat.
Voilà pourquoi nous proposons, dans un amendement, d'étendre la portée de cette loi en abaissant le seuil de salariés à 1 000 salariés pour la France et à 2 000 pour les sociétés installées à l'étranger.
Nous pouvons adresser plusieurs critiques à cet article 5.
La capacité des salariés, siégeant au conseil, à jouer un rôle souffrira véritablement de l'interdiction du cumul avec un véritable mandat de représentation des salariés et du fait qu'ils ne disposeront d'aucune source d'information sur la situation économique et sociale autre que celle délivrée en conseil, d'aucun crédit d'heures de délégation qui leur permette de préparer les réunions et d'échanger avec les salariés dont ils ont vocation à exprimer les intérêts, d'aucun droit spécifique à la formation et d'aucun outil d'expression. Ces sièges réservés aux salariés sont moins un mandat de représentation des salariés au sein du conseil qu'une règle de mixité de la composition du conseil reposant sur le postulat qu'être salarié permet de s'exprimer au nom des salariés.
Faute d'influencer les délibérations, ces sièges auraient pu servir à collecter et diffuser les informations issues du conseil. Toutefois, les salariés qui y siègent seront tenus à une obligation de discrétion identique à celle des membres représentant les actionnaires. Or elle est conçue pour être opposée à toute diffusion à l'extérieur du conseil, étant entendu que les membres ordinaires sont en tout état de cause tenus de rendre compte aux actionnaires, préservant ainsi la communication entre mandataire et mandant.
Appliquer l'obligation de discrétion ainsi conçue aux salariés qui siègent au conseil les coupe totalement de leurs mandants, achevant de démontrer la parfaite inutilité du dispositif, qui, au demeurant, n'atténue en rien les imperfections révélées par l'expérience des dispositifs actuels.
L'article 5 prétend garantir une meilleure information et une plus grande association des salariés à la stratégie de l'entreprise, en prévoyant la participation aux conseils d'administration ou de surveillance des grandes entreprises de représentants des salariés avec voix délibérative, conformément à l'article 13 de l'accord du 11 janvier 2013.
Pourtant, si nous pensons qu'une révolution dans la gouvernance des entreprises est indispensable, nous observons que nous en sommes ici bien loin.
Tout d'abord, cette participation ne concerne qu'un nombre très limité de sociétés. En effet, l'obligation ne concerne que les entreprises sous forme de SA ou de sociétés en commandite par actions, SCA, alors qu'un grand nombre de sociétés sont constituées en sociétés par actions simplifiées, SAS et SASU, sans parler des SARL, sociétés civiles, GIE, associations. Elle ne concerne que les entreprises dont le siège est en France et qui ont l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise, ce qui exclut les holdings, auxquelles aucun salarié ou peu de salariés sont rattachés, et les filiales de petite taille ; et cela ne concerne que les entreprises dont l'effectif, limité aux salariés permanents, sans compter les CDD, intérimaires et mis à disposition, contrairement aux règles du code du travail, atteint pour le groupe, sur les deux derniers exercices consécutifs, 5 000 salariés en France ou 10 000 salariés dans le monde.
Ensuite, les sièges de salariés au conseil peuvent n'être mis en place qu'au niveau de la société-mère. Le cas échéant, les conseils de l'ensemble des filiales en sont exonérés, privant les salariés de présence à des niveaux par ailleurs considérés comme niveaux stratégiques pertinents puisqu'ils sont dotés de conseils.
En résumé, cet article 5 manque d'ambition et, selon une formule que j'utilise souvent, c'est un peu comme un couteau sans manche qui aurait perdu sa lame. (Sourires.)
Enfin ! Je ne sais pas si cet article 5 est le début d'une révolution ; il répond en tout cas à une demande de longue date.
C'est d'abord le fruit d'un rapport de forces, celui de l'élection du 6 mai dernier. C'était l'engagement 55 du candidat François Hollande : « je permettrai la présence des représentants des salariés dans les conseils d'administration et dans les comités de rémunération des grandes entreprises ». – nous y viendrons le jour venu.
Ce sera un autre texte.
Pour être précis, toutes les entreprises, c'est vrai, ne seront pas concernées, mais faut-il pour autant bouder notre plaisir devant cette association au pilotage, revendiquée de longue date parmi les forces syndicales et les forces de gauche ? Près d'un salarié sur quatre du secteur privé sera concerné, soit près de 4 millions de salariés.
Je le répète, ne boudons pas notre plaisir. C'est incontestablement une avancée du texte. Que l'on songe au nombre d'erreurs stratégiques commises par le groupe PSA, le conduisant à l'impasse que l'on connaît aujourd'hui et dont les salariés d'Aulnay font les frais. Que l'on songe que c'est dans le confort et l'entre soi de son conseil d'administration que le groupe Sanofi est en train de sceller le sort de près de 1 000 employés.
On ne peut donc que se féliciter de l'irruption demain dans ces cénacles fermés et souvent consanguins, endogames, de représentants salariés, qui feront bénéficier l'entreprise de leur regard neuf, sans aucun doute soucieux de l'intérêt général et de la protection de l'emploi.
Nous le faisons, et de quelle manière, mieux sans doute que la plupart de nos voisins européens. Il y a d'abord ceux qui ne font rien, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Italie. Il y a ceux qui ont déjà mis en place ce type de dispositif, comme l'Allemagne, la Suède ou les Pays-Bas, pays dans lesquels la tradition du dialogue social est la plus forte.
Nos travaux en commission ont apporté des améliorations, notamment en accordant aux administrateurs salariés toutes les garanties nécessaires à l'exercice de leur mandat puisqu'ils jouissent du statut de salariés protégés.
Nous pourrons éventuellement aller plus loin, dans ce texte ou plus tard, en abaissant le seuil de participation, en tout cas en laissant une porte ouverte. Je souhaite aussi que nous précisions les modalités de désignation des administrateurs salariés, notamment en s'assurant de la pleine implication des comités d'entreprise afin d'éviter une approche trop unilatérale ou trop dirigiste de l'employeur. Un amendement en ce sens sera défendu.
J'ai eu l'occasion de présenter le rapport pour avis de la commission des lois sur l'article 5.
C'est un article important, quatre-vingt-onze alinéas, parce que c'est une disposition qui s'inscrit pour la première fois dans notre ordonnancement législatif. Plusieurs d'entre vous en ont évoqué l'esprit. Vous l'avez dit, madame Fraysse, il contribue à l'affirmation du droit des salariés à prendre leur juste place dans la gestion des grandes entreprises.
Chacun connaît l'équilibre de cet article. Il crée pour les sociétés l'obligation légale d'assurer la participation aux conseils d'administration ou de surveillance d'un ou deux administrateurs élus ou désignés par les salariés.
Si cette obligation ne vaut aujourd'hui que pour les grandes entreprises, elle a vocation demain à servir de modèle à d'autres, qui avec le temps, je pense, comprendront le bienfait de ces mesures.
Elle concerne les sociétés dont le siège social est en France.
Une fois que cet article sera entré en vigueur, ce sont un ou deux administrateurs élus ou désignés par les salariés qui viendront renforcer la composition des conseils d'administration ou de surveillance.
Pour faire entrer des administrateurs représentant les salariés dans leurs conseils, les sociétés devront modifier leurs statuts afin de retenir une procédure directe d'élection par les salariés ou des modalités indirectes de désignation faisant intervenir les institutions représentatives du personnel ou les deux organisations syndicales les plus représentatives, y compris dans le cadre de sociétés européennes. Sur ce point, il faut souligner que, tout en reprenant des règles assez classiques en cas d'élection, le texte renouvelle assez sensiblement les conditions de leur représentation.
Ces administrateurs disposeront d'un statut de plein exercice vis-à-vis de leurs homologues désignés par l'assemblée générale. Ils recevront un mandat de six ans renouvelable comme les autres. Ils pourront participer pleinement aux décisions des conseils avec voix délibérative et assumeront les mêmes obligations.
L'article 5 ne remet pas en cause les dispositifs introduits par d'autres textes, les lois de 1983 ou de 1986 par exemple, ou tout simplement le fait que les salariés détenant déjà 3 % du capital social sont forcément représentés dans les conseils d'administration.
Je sais par expérience que les administrateurs salariés peuvent tout à fait mettre en lumière des problèmes cruciaux pour l'entreprise que d'autres n'auraient pas saisis aussi précocement.
J'ai assisté aujourd'hui à deux conseils de surveillance de sociétés d'économie mixte où siègent des salariés. Cela fait déjà plusieurs années que je siège à leurs côtés, et je peux vous assurer que leur présence est très profitable à ces sociétés.
Le Gouvernement a établi un dispositif de nature à s'appliquer dans le cadre des lois et règlements en vigueur. En tant que parlementaires, nous devons faire en sorte que l'article 5 soit un dispositif pleinement opérationnel, et ce dans les meilleurs délais. Nous compléterons ce travail constructif lors de l'examen des amendements.
Je suis favorable à cet article et je le voterai, mais je voudrais faire trois observations.
D'abord, méfions-nous de la responsabilité qu'auront ces salariés, et pensons au poids que pourront représenter un certain nombre de décisions auxquelles ils participeront. Ne négligeons pas le fait que, pour eux, ce sera parfois beaucoup plus compliqué qu'on ne le pense lorsque des entreprises décideront d'engager un certain nombre de réorganisations. Il y aura probablement des problèmes de conscience qui ne seront pas faciles à régler.
Je voudrais ensuite vous demander, monsieur le ministre, pourquoi vous avez mis la barre à 5 000. Le Gouvernement a considéré à plusieurs reprises qu'il pouvait améliorer le texte issu de l'ANI : je ne comprends pas pourquoi la mesure ne concerne pas, par exemple, toutes les sociétés cotées en bourse ou faisant un appel public à l'épargne. Cela aurait permis d'intégrer toutes les entreprises qui, de près ou de loin, ont des relations avec le public.
Enfin, ce texte aura au moins un avantage, c'est qu'il permettra de progresser dans les années suivantes et de réduire un peu l'endogamie et la consanguinité de conseils d'administration où, bien souvent, on retrouve les mêmes administrateurs dans les mêmes sociétés : tout cela n'est pas très sain.
Comme l'a souligné Jérôme Guedj, cet article traduit l'engagement 55, et je ne vois pas comment on peut ne pas reconnaître que l'entrée des salariés dans les organes dirigeants des entreprises est clairement une avancée.
L'article a de surcroît le mérite, si on le compare avec celui que nous venons d'examiner, d'énoncer un principe simple, que, dès le vote de la loi, les Français pourront comprendre. Cela dit, j'ai tout de même un regret et nous pouvons nous interroger, nous, parlementaires. Pour énoncer ce principe simple, compréhensible par tout le monde, il nous faut dix pages et quatre-vingt-treize alinéas. Nous ne sommes pas tout à fait dans le choc de simplification !
Nous allons maintenant pouvoir nous demander comment aller plus loin, en faisant admettre davantage de salariés ou en descendant le seuil de la taille des entreprises concernées, mais, encore une fois, je ne comprendrais pas que nous ne nous retrouvions pas sur cette proposition, notamment avec nos collègues qui sont à notre gauche, géographiquement, dans l'hémicycle.
C'est une proposition social-démocrate, je l'assume et j'en suis fier. Ce n'est pas uniquement un symbole. En Allemagne, ce genre de dispositif a permis de gérer la crise de façon beaucoup plus performante et de sortir de cette culture du licenciement qui existe dans notre pays. Le fait qu'il y ait plus de salariés dans les conseils d'administration a souvent permis d'avoir de meilleures réponses.
Je crois moi aussi que c'est un moment très important dans la discussion de ce texte. Dans le choc économique, la crise sociale que nous connaissons, il fallait un signal fort sur ce qu'on appelle la gouvernance de l'entreprise, expression que j'utilise peu.
C'est au fond le partage du pouvoir dans l'entreprise qui est en jeu car la démocratie sociale, ce ne sont pas seulement de grandes négociations nationales ou des accords interprofessionnels, comme d'ailleurs celui qui a permis le débat d'aujourd'hui : c'est aussi la démocratie sociale du quotidien, sur le terrain, dans les entreprises. La démocratie, cela se gagne à tous les étages et cette disposition est donc particulièrement importante.
Nous élargissons la gouvernance dans les grandes entreprises. Des conseils d'administration, qui jouaient bien souvent, on le sait, à guichet fermé, vont s'ouvrir sur les salariés et leurs représentants. L'élargissement de la gouvernance des entreprises ne se substituera évidemment pas à la négociation collective, qui doit garder tout son poids, mais elle jouera son rôle, que ce soit dans le partage des richesses créées par l'entreprise – la question des rémunérations est à cet égard essentielle –, dans la stratégie, dans les innovations, ou encore dans les difficultés, quand il y aura des décisions difficiles à prendre.
Je crois moi aussi, comme Jérôme Guedj et Jean-Patrick Gille, que la discussion de cet article est une première étape. Peut-être pourrons-nous aller plus loin au cours du présent débat. Le seuil de 5 000 salariés ne peut être, pour nous, autre chose qu'un point de départ, et le nombre de deux salariés représentant leurs collègues au conseil d'administration n'est pas non plus suffisant. Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez les intentions du Gouvernement, au-delà de l'adoption de ce texte, quant à des dispositions, non pas plus audacieuses, car celles-ci le sont déjà, mais qui nous permettent d'aller encore plus loin.
Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !
Ce débat est très important. En adoptant, ce que je souhaite, cet article, nous allons envoyer un message très fort au pays. Ce message, c'est qu'en France, dans quelques mois, siégeront dans les conseils d'administration des plus grandes entreprises des salariés qui participeront à leur stratégie.
Avec cet article, avec celui que nous venons d'adopter et qui crée une procédure d'information-consultation sur les stratégies d'entreprise, avec l'article 9 dont nous débattrons plus tard et qui instaure une négociation sur ces stratégies, et dote la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de pouvoirs très forts sur les grandes orientations du plan de formation, la gestion des carrières par les contrats de génération ou encore les mesures à prendre pour favoriser les CDI, – avec ces trois étages, qui vont au-delà de l'engagement du Président de la République, nous sommes en train de conduire dans notre pays une révolution dans l'organisation du capitalisme. Les salariés seront très fortement associés aux stratégies, ils pourront faire des contre-propositions et préparer au mieux l'avenir, anticiper, et éviter chaque fois que ce sera possible les catastrophes économiques.
Vous avez pu le constater, monsieur le ministre, dans les interventions sur tous les bancs, jusqu'à celle de M. Morin : une demande très forte a été adressée aux partenaires sociaux pour aller au-delà. Dans les auditions auxquelles j'ai procédé, j'ai constaté que cette demande était aussi celle de grands capitaines d'industrie. Le rapport Gallois sur la compétitivité avait proposé que les conseils d'administration comportent un tiers d'administrateurs salariés. Les salariés qui participent déjà de manière facultative à des conseils d'administration nous ont tous dit qu'il était important qu'ils soient plusieurs, pour que les différentes sensibilités des organisations syndicales soient représentées. Cette transformation très profonde et massivement approuvée par l'Assemblée nationale devra donc être suivie d'autres étapes, quand les premiers enseignements de cette participation pourront être tirés.
Nous aurons à passer quelques heures sur cet article. Comme je l'ai fait pour les autres, je présenterai les grandes lignes de l'analyse du Gouvernement et de la position qu'il adoptera lors du débat.
Ce sujet n'est pas celui sur lequel un accord entre les partenaires sociaux a été le plus facile. Cela a été une vraie bataille. La volonté émanait des organisations syndicales et le point n'a pu être introduit que dans les derniers moments avant la conclusion de l'accord. Je ne veux pas dire par là que la partie patronale ne connaisse pas le sujet : il existe aujourd'hui de grandes entreprises qui comptent déjà des salariés dans leurs conseils d'administration, en particulier des entreprises publiques ou issues du public ; je pourrais citer telle ou telle très grande banque française. Toutes ces entreprises nous ont dit que la présence de ces salariés était un avantage, pour leurs choix stratégiques, leur cohésion, ce qui n'empêche d'ailleurs pas les confrontations internes entre les organisations syndicales et patronales.
Les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur un principe et sur certaines modalités : seules les entreprises de plus de 5 000 salariés sont concernées et le nombre des représentants salariés est de deux. Je serai bien sûr le défenseur de ces modalités, car elles font partie de l'équilibre de l'accord. Toutefois les partenaires sociaux n'ont pas souhaité, car il leur était sans doute trop difficile de parvenir à un accord sur ce point, traiter les modalités de désignation. Ils m'ont donc laissé la responsabilité de prendre une décision, et ce n'était pas si simple. J'ai demandé leur avis à l'ensemble des organisations, y compris celles qui n'ont pas signé cet accord, et j'ai fait la proposition qui se trouve dans le texte.
Cette proposition n'est pas dans l'accord, par définition, mais elle est issue d'une concertation avec l'ensemble des partenaires et elle représente un équilibre.
Évidemment ! Nous avons déjà tant de mal avec l'instant t ! Mais rassurez-vous, je parlerai aussi de l'instant t2.
Les partenaires sociaux sont parvenus à un équilibre sur le principe et les modalités de fonctionnement. J'ai proposé, en accord avec eux, un équilibre sur les modalités de désignation. C'est là l'ensemble du dispositif.
J'ai entendu tout le monde dire qu'il s'agissait d'un progrès, un progrès révolutionnaire pour certains, un petit progrès pour d'autres. Je comprends ces différents points de vue, tout en constatant une convergence sur le fait qu'il s'agit d'un progrès réel. Donc, cinquième article, cinquième progrès !
C'est une loi de progrès, article après article !
Certains d'entre vous considèrent que ce progrès est très important mais qu'un progrès supplémentaire, que ce soit sur le nombre de représentants, sur le seuil ou sur la présence des représentants dans tel ou tel comité issu du conseil d'administration, serait encore mieux.
En ce qui concerne le troisième point, qu'a évoqué M. Guedj en parlant en particulier du comité des rémunérations, le sujet sera traité dans la loi sur la gouvernance des entreprises en cours de préparation, qui sera présentée très rapidement au Parlement.
S'agissant des deux autres points, ma position est simple : engrangeons ce qui est proposé. C'est déjà beaucoup, et cela n'a pas été simple. Bien sûr, le principe d'une évaluation, quand une avancée a été actée, est un principe de bonne gouvernance ; l'évaluation permet le cas échéant de corriger le tir, ou de considérer que l'on peut aller encore plus loin. Je ne suis donc pas fermé aux évolutions ultérieures, même si je suis préoccupé aujourd'hui par la réussite de ce qui vous est proposé à l'instant t – mais qui s'appliquera au-delà de cet instant t.
Voilà ma position. Je défendrai cette très grande avancée, je défendrai les équilibres atteints pour les dispositifs de représentation et de désignation, et je vous dirai mon ouverture pour que nous procédions ultérieurement à une évaluation qui engage une nouvelle étape si nécessaire.
Nous en venons à l'examen des amendements.
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques tendant à la suppression de l'article 5.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 2143 .
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 2145 .
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement n° 2152 .
Vous avez bien compris que ces amendements de suppression exprimaient plus un appel qu'une volonté de notre part de supprimer l'article.
Depuis le début de la discussion sur ce projet, nous avons, à vous entendre, monsieur le ministre, le sentiment d'avoir affaire à un mélange entre les acquis de 1936, ceux de 1945,…
…auxquels vous ajoutez une note de 1968, comme si nous étions face à un tournant historique. Je crois que ce n'est pas le cas.
C'est un grand mouvement !
Puisque vous vous appuyez sur une proposition de François Hollande, soit celle-ci était vague, soit, entre sa proposition et le projet de loi, un peu d'eau écarlate est tombée dessus.
Du tout !
Cela étant, sans aller jusqu'à dire que la mesure est révolutionnaire, je veux bien appuyer votre argumentation par une citation de Marat : « Quelquefois les plus petits ressorts font mouvoir les plus grandes machines. »
Nous prenons donc acte de cette première avancée, mais il faudra aller beaucoup plus loin, car les quelques représentants des salariés qui siégeront dans ces conseils d'administration compteront fort peu, si peu même que des organisations syndicales – que vous appelez « partenaires sociaux » – y étaient réticentes, considérant qu'ils serviraient de faire-valoir…
…ou joueraient les potiches.
Nous retirons, toutefois, ces amendements car nous pensons que des évolutions pourront avoir lieu.
Et puisque je dois finir cette nuit dans un élan lyrique, après avoir cité Marat, voici René Char : « L'impossible, nous ne l'atteignons pas, mais il nous sert de lanterne. »
(Les amendements identiques nos 2143 , 2144 , 2145 et 2152 sont retirés.)
Nous en venons à une nouvelle série d'amendements identiques. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 4083 .
Cet amendement est ambitieux puisqu'il vise à dépasser le seul symbole de votre proposition, pour faire insérer un nouveau titre dans le livre III de la deuxième partie du code du travail, afin d'aller encore plus loin dans ce « progrès » dont nous parle le ministre.
S'il qualifie cette décision de « très grande avancée », nous sommes assurément plus mesurés. Notre amendement propose de généraliser l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise à toutes les entreprises de plus de cinquante salariés ; d'augmenter le nombre des représentants des salariés dans les CE, en les fixant à cinq dans les entreprises où le nombre d'administrateurs est supérieur à douze, et à trois dans les autres cas ; d'augmenter leur représentativité, en supprimant les clauses d'incompatibilité et surtout en garantissant un mode de désignation démocratique d'élection ; enfin de mieux protéger ces salariés contre les licenciements.
Nous proposons en définitive de déterminer un socle cohérent de représentation des salariés en leur permettant de peser sur les décisions des entreprises et de mieux en contrôler la gestion. Pour conclure, cette présence d'administrateurs salariés dans les conseils d'administration n'est pas seulement légitime, nous semble-t-il : elle constitue également un rempart contre certaines dérives et une condition du redressement productif, grâce à la préservation de nos atouts industriels. Le monde salarié est en effet particulièrement attentif à ces sujets.
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 4085 .
Je me réjouis que M. Chassaigne et ses collègues aient retiré les amendements de suppression. Voyez plutôt la leçon de ce soir : désormais, dans notre pays, les entreprises s'administrent avec les salariés. Quel message fort, quand bien même les salariés ne seraient que deux ! Comme vous, je souhaite que nous envisagions pour l'avenir une proportion d'un tiers. Je constate par ailleurs que vous avez renoncé à l'appropriation des moyens de production par les salariés, puisque vous n'avez pas déposé un amendement portant cette proportion à 51 %... (Sourires.)
Nous avons entendu lors des auditions en commission plusieurs chefs d'entreprises françaises, et le patronat semble profondément divisé sur cette question.
Un certain patronat financier, fort d'une conception anglo-saxonne du capitalisme, refuse la présence des salariés dans les conseils d'administration. Au contraire, il existe un patronat industriel qui y est favorable. Pensons à certains de ces grands capitaines d'industrie qui ont fait le succès de notre pays et, parmi ceux-ci, à Louis Gallois qui a exprimé avec force ce désir dans son rapport, ou à Jean-Louis Beffa. Ce dernier, que nous avons auditionné, participe très souvent à l'administration de sociétés en Allemagne, où il a donc pu constater concrètement les effets d'une telle mesure.
Ces patrons ont affirmé que, dans un contexte de mondialisation, qui voit la montée en puissance de concurrents comme la Chine ou l'Inde, cette question est fondamentale pour préserver l'emploi en France. En Allemagne, chez Siemens ou Volkswagen par exemple, il existe un accord pour que la majorité de la production demeure dans le pays. En France, Renault n'a pas pu faire ce choix.
Or ce choix est fondamental pour notre pays. Nous souhaitons faire passer un message, grâce à ces deux administrateurs salariés qui seront présents dans tous les conseils d'administration des entreprises de plus de 5 000 salariés : ce n'est pas rien, 4 millions de salariés qui seront aussitôt concernés. Mais nous devons déjà viser une seconde étape. Certains la souhaitent tout de suite. Un amendement du groupe SRC, semblable à celui-ci, a été présenté par M. Paul et s'inscrit dans la ligne de la méthode proposée par le ministre, mais de manière très resserrée dans le temps. Les assemblées générales éliraient leurs administrateurs salariés au printemps 2014 ; les administrateurs seraient en fonction au plus tard dans les six mois ; au mitan de l'année 2015, un rapport serait rédigé sur ces entrées en fonction. Il ferait des propositions sur la façon d'abaisser ou d'étendre le nombre d'entreprises concernées ; la façon d'appliquer ces mesures aux filiales ; le rôle des administrateurs salariés dans l'ensemble des comités du conseil d'administration, notamment des comités de rémunération.
Voilà l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements. Au fond, tous disent la même chose. Certains veulent aller très vite immédiatement, d'autres en se laissant le temps d'observer les conséquences de cette avancée majeure. Nous pourrons nous retrouver tous ensemble au moment du vote final, autour des améliorations qui seront proposées au fil du texte.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 5581 rectifié .
Il s'agit d'un amendement de précision. L'article L. 225-25 du code du commerce prévoit que les statuts peuvent imposer que « chaque administrateur » soit propriétaire d'un nombre d'actions de la société. Une telle exigence, chacun en est conscient, ne saurait naturellement s'imposer pour les administrateurs représentant les salariés.
En venant compléter le dispositif, cette précision se révèle utile. De plus, elle corrige un dispositif qui n'était pas actualisé dans le code du commerce. Son utilité est donc double.
Je profite de cet amendement du Gouvernement pour interroger M. le ministre : les administrateurs salariés toucheront-ils des jetons de présence ?
Je n'ai pas pu évoquer notre travail en commission, mais plusieurs problèmes se sont posés, que nous avons résolus. Le premier concernait la protection de ces administrateurs salariés. Nous avons fait le choix de leur donner une protection identique à celle des délégués du personnel et des délégués syndicaux, plutôt que celle prévue par le code du commerce pour les autres administrateurs salariés dans les cas facultatifs. Dans la pratique, en effet, ces administrateurs salariés sont toujours d'anciens délégués du personnel ou délégués syndicaux, qui retrouveront ensuite leur statut, s'ils ne sont pas partis à la retraite. S'est également posée la question des jetons de présence, puisque ces administrateurs salariés touchent des jetons à l'égal des autres administrateurs. Ils pourront les reverser à leurs organisations syndicales, comme le font habituellement les administrateurs salariés.
(L'amendement n° 5581 rectifié est adopté.)
Nous en venons à une série d'amendements identiques. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 4762 .
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 4764 .
Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi présenté par le Gouvernement au mois de novembre prévoyait, dans la décision 13, d'« associer toutes les composantes de l'entreprise à sa stratégie, en introduisant au moins deux représentants des salariés au sein du conseil d'administration ou de surveillance ». Cela a déjà été dit : on peut considérer cette proposition comme une avancée. Jusqu'à présent, seuls les représentants des salariés actionnaires bénéficiaient d'un tel pouvoir, à l'instar des élus salariés de certains groupes, comme France Télécom ou Arcelor ; dans les autres cas, les représentants des comités d'entreprise n'avaient qu'une voix consultative.
Toutefois, méfions-nous du saupoudrage, car ces propositions sont insuffisantes. On nous dit que ce n'est qu'un point de départ : je veux le croire, mais attendons la suite. En ne prévoyant qu'un ou deux représentants des salariés au sein des conseils d'administration, il s'agit donc moins de les associer et de leur permettre de peser sur les décisions que de faire partager aux salariés la vision que l'équipe dirigeante a de la stratégie de l'entreprise. Pour reprendre une expression quelque peu triviale du délégué central CGT de l'usine PSA Peugeot Citroën, cette proposition ne serait qu'un « os à ronger » donné par les patrons aux syndicats. Notre amendement est beaucoup plus ambitieux, puisqu'il vise à porter à un tiers le nombre de représentants élus par le personnel au sein des entreprises et à ne pas limiter cette obligation aux seules entreprises de plus de 5 000 salariés.
La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir l'amendement n° 2010 .
Malgré l'insuccès de mes amendements jusqu'à présent, je tiens à dire à M. Chassaigne que je ne subis aucune pression dans mon groupe. J'en veux pour preuve cet amendement, qui n'est pas de la petite bière, puisqu'il propose de faire passer le seuil des salariés de 5 000 à 50.
M. le rapporteur a déclaré lors de l'examen en commission que, du fait de mon appartenance politique, je souhaitais qu'une large majorité de « citoyens » puissent être administrateurs dans les conseils d'administration. De fait, il me semble que la participation n'est pas seulement financière, mais qu'elle se joue également aux niveaux de l'information et de la gouvernance.
Tel est mon souhait, que d'aucuns trouveront peut-être ridicule. Toutefois, pour paraphraser Napoléon, du ridicule au sublime il n'y a qu'un pas, et c'est la postérité qui en décidera. Mon amendement est rédigé pour la postérité. Qui sait s'il n'est pas visionnaire et si, dans une, deux ou trois mandatures, nous n'en serons pas là, sachant qu'un certain nombre de pays sont déjà parvenus à une telle proportion ?
Votre amendement est assurément sublime et il constituera d'ailleurs l'engagement n° 55 du programme de François Hollande pour l'élection de 2017. (Sourires.)
Dire que je pensais qu'il allait s'agir de l'engagement n° 55 de Manuel Valls…
Mais il y a d'autres candidats possibles !
J'ai déjà donné mon avis et M. Hutin le connaît. Cet amendement témoigne d'un engagement profond de sa part et de celle du mouvement auquel il appartient.
Aujourd'hui, nous devons en rester à l'équilibre qui a été trouvé et qui constitue une avancée déjà considérable, une véritable « percée », pour prendre une image militaire à la suite de M. Hutin qui citait Napoléon.
Elle a duré plus longtemps qu'un quinquennat… (Sourires.) Laissons le sublime à l'avenir et commençons par la réalité d'aujourd'hui.
(L'amendement n° 2010 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l'amendement n° 3243 .
Peut-être serai-je plus chanceuse que M. Hutin, car mon amendement est semblable au sien. Il s'agit d'assurer un double objectif.
Le premier est d'affirmer notre profond attachement au principe de la pleine participation des salariés aux conseils d'administration et de surveillance des entreprises. Cette démocratisation de l'entreprise et la modification des rapports de force en son sein ressortent à un vrai projet politique. Le second est de dire notre impatience, notre ambition et notre exigence, car nous restons sur notre faim : seulement 250 entreprises sont aujourd'hui concernées par cette mesure. C'est pourquoi nous proposons d'abaisser le seuil à 2000 salariés, afin que la portée de cet article, essentiel à nos yeux, soit plus large.
Je comprends l'appétit, et pour une raison simple : l'appétit vient en mangeant, et là on commence à manger… Je comprends donc que vous ayez plus d'appétit, madame Carrey-Conte, mais commençons déjà par digérer cette grande réforme avant d'aller plus loin, sans qu'il soit besoin de rappeler l'équilibre de l'accord que je demande bien sûr à chacun de respecter. Mais, je le répète, je comprends tout à fait cette impatience, cet appétit, mais attendons pour le satisfaire complètement le temps du sublime.
Je veux bien retirer l'amendement, mais j'aimerais vraiment qu'à la fin de l'examen de cet article et des différents amendements, nous disposions déjà des premiers leviers…
Ce sera le cas !
…qui permettront d'aller plus loin, de faire un pas de plus vers la pleine participation des salariés dans un maximum d'entreprises.
La majorité étant quelque peu différente au Sénat, le groupe centriste y déposera un amendement proposant qu'il y ait des administrateurs salariés dans toutes les sociétés faisant un appel public à l'épargne et dans toutes les sociétés cotées en bourse.
Il y a de grandes entreprises familiales qui ne font pas appel public à l'épargne.
Le seuil de 5 000 ou de 2 000 salariés n'a pas de sens. Au contraire, notre proposition permettrait d'éviter le seuil du nombre de salariés et aurait, elle, un sens du fait des règles auxquelles sont tenues les entreprises cotées en bourse.
(L'amendement n° 3243 est retiré.)
Prochaine séance, samedi 6 avril à neuf heures trente :
Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi.
La séance est levée.
(La séance est levée, le samedi 6 avril 2013, à une heure.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron