La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à l’honorable Geoff Regan, président de la Chambre des communes du Canada.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent
…qui a affirmé dans cet hémicycle que le peuple alsacien n’existait pas.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le Président de la République a enfoncé le clou, le 7 avril dernier, à Metz, en lançant à deux membres du Parlement alsacien des jeunes, je le cite : « L’Alsace n’existe plus ».
Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.
Jamais dans l’histoire de la Ve République l’Alsace n’a été ainsi maltraitée par un gouvernement de la République.
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Protestations sur les mêmes bancs.
Mêmes mouvements.
Vous annoncez que la limite d’âge pour bénéficier du RSA – revenu de solidarité active – sera abaissée de vingt-cinq à dix-huit ans. Quel aveu d’échec ! À défaut d’emplois, vous proposez à nos jeunes l’assistanat comme seule perspective.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le père du RMI – revenu minimum d’insertion –, l’ancien Premier ministre Michel Rocard a toujours refusé d’ouvrir des droits dès dix-huit ans car il estimait, je cite ses propres mots, « qu’il s’agit d’un encouragement à l’oisiveté et d’un découragement à la formation ».
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
Ma question est très simple : combien va coûter cette mesure ? Pensez-vous que les conseils départementaux ont les moyens d’assumer cette dépense nouvelle ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, à l’évidence nous ne partageons pas la même conception de la solidarité et n’avons pas la même façon d’aborder la situation des jeunes dans notre pays.
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le député, vous parlez d’assistanat, nous parlons de solidarité.
Mêmes mouvements.
Vous parlez de soutien à des personnes qui n’ont pas besoin d’être accompagnées, nous parlons d’inclusion et de citoyenneté. Et c’est à cela que nous sommes attachés.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
S’agissant de la réforme du RSA, en 2008, la majorité que vous souteniez a volontairement et sciemment laissé de côté les jeunes, considérant que des jeunes de moins de vingt-cinq ans qui travaillent ne pouvaient pas avoir droit au RSA-activité. Nous, nous avons instauré la prime d’activité en remplacement du RSA-activité et ce sont d’ores et déjà 400 000 jeunes qui en bénéficient, et cela est juste !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Cela est juste, monsieur le député, parce qu’un jeune qui travaille doit pouvoir bénéficier des mêmes soutiens et des mêmes allocations qu’un moins jeune qui travaille.
« Ce n’est pas la question ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
C’est le choix que nous faisons. Les jeunes qui sont en difficulté doivent être soutenus et c’est pourquoi Myriam El Khomri met en place la garantie jeunes, dispositif qui permettra de soutenir les jeunes sortis du système scolaire sans formation ni qualification.
Pour le reste, monsieur le député, le Premier ministre a annoncé une réforme globale des minima sociaux. C’est dans le cadre de cette réforme que la question des jeunes sera posée, mais aujourd’hui nous leur répondons en leur proposant la prime d’activité et la garantie jeunes. Voilà la politique de solidarité et d’accompagnement de ce gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Christophe Borgel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Soixante mille demandeurs d’emploi en moins pour la catégorie A au mois de mars selon les chiffres annoncés par Pôle emploi, soit la plus forte baisse mensuelle depuis août 2000 ; le chômage des jeunes en diminution de 6,6 % entre mars 2015 et mars 2016 ; le taux de marge de nos entreprises qui retrouve son niveau d’avant la crise ; des succès pour notre industrie, dont le dernier date de cette semaine, avec le contrat remporté par le groupe DCNS : ces bonnes nouvelles montrent que la France avance, que ça va mieux.
Rires sur les bancs du groupe Les Républicains.
Elles montrent aussi que les efforts consentis par nos concitoyens commencent à porter leurs fruits.
Il faut saluer ces résultats, non pour les contempler béatement mais comme un encouragement à agir, à poursuivre l’effort de redressement engagé depuis 2012.
Continuer à agir pour la compétitivité de nos entreprises, continuer à agir contre la précarité et en particulier sur le front de l’emploi, auquel a droit chaque homme et chaque femme de notre pays, il est possible de le faire dans nos territoires.
Dans notre région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, sous la houlette de la présidente Carole Delga, un accord a été signé cette semaine prévoyant 90 000 formations pour les chômeurs, soit une hausse de 50 % par rapport à 2015. Joli démenti à ceux qui se montraient pessimistes lors de l’annonce du plan 500 000 formations pour les chômeurs par le Président de la République !
Il faut souligner aussi le succès de l’aide aux petites et moyennes entreprises pour l’embauche d’un salarié rémunéré entre 1 et 1,3 SMIC en CDD d’au moins six mois ou en CDI. Plus de 200 000 demandes ont été enregistrées en deux mois.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les moyens que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour suivre et amplifier la bataille de l’emploi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A a effectivement baissé de près de 60 000 au mois de mars. Bien évidemment, ces chiffres ne nous inspirent ni triomphalisme ni excès de zèle, mais seulement une satisfaction profonde et sincère à l’idée que 60 000 personnes aient pu retrouver un emploi. C’est à elles et à leur famille que nous devons absolument penser. C’est cela qui doit nous réjouir.
Au-delà, et comme j’ai l’habitude de le dire tous les mois, que les chiffres soient bons ou mauvais, ce qui importe est de regarder la situation du trimestre, comme la DARES nous invite à le faire. Et, en effet, la tendance pour les trois derniers mois est positive, avec près de 50 000 demandeurs d’emploi de moins en catégorie A.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
C’est cette évolution positive qu’il faut regarder.
J’y vois une invitation non seulement à nous réjouir mais bien évidemment à continuer à agir, avec détermination : nous ne sommes pas là pour pronostiquer, mais bien pour agir.
Vous avez cité deux mesures importantes du plan pour l’emploi. La prime embauche PME fonctionne très bien. Parce qu’elle est simple et lisible, elle a suscité 225 000 demandes en trois mois. Elle touche toutes les catégories : 40 % des bénéficiaires sont des jeunes, mais 20 % sont des seniors. Elle concerne 60 % des TPE, et nous savons bien que ce sont elles, ainsi que les PME, qui créent de l’emploi dans notre pays. Elle s’applique enfin, et c’est déterminant, à 63 % à des CDI, et pour le reste à des CDD de plus de six mois.
Le plan 500 000 formations est essentiel aussi, parce que notre pays est en retard, parce que l’État y met des moyens financiers importants et parce que ces conventions sont actuellement signées. Mais il faut continuer, et le projet de loi dont j’aurai l’occasion de lancer la discussion avec vous dès la semaine prochaine nous engage à le faire en prenant des mesures structurelles.
Madame la ministre de l’environnement, un certain nombre d’organisations ont démissionné la semaine dernière du HCB, le Haut conseil des biotechnologies. En cause, la transmission au Gouvernement d’un rapport incomplet sur les nouvelles techniques d’ingénierie du vivant, qui n’a pas pris en compte l’avis scientifique divergent d’un de ses membres.
Cette organisation est chargée de conseiller le Gouvernement d’un point de vue scientifique et éthique sur les questions liées aux OGM. Pourtant je m’interroge sur ses méthodes : faible transparence des points de vue exprimés, soupçons de conflits d’intérêts, précipitation à appeler « nouvelles techniques de sélection » ces nouvelles technologies qui relèvent en réalité de la modification génétique.
En effet, à Bruxelles, les industries semencières mènent un combat féroce pour pouvoir produire et mettre librement ces OGM cachés sur le marché. La Commission européenne doit prochainement dire si les huit nouvelles techniques de biotechnologie sont considérées ou non comme des OGM. Si oui, elles seront encadrées par la législation OGM, qui prévoit une évaluation des impacts sur la santé et l’environnement, une procédure d’autorisation et un étiquetage obligatoire. Dans le cas inverse, elles ne seront soumises à aucun contrôle ni étiquetage.
Je tire la sonnette d’alarme. Si on n’éveille pas les consciences, si on n’empêche pas la mainmise des multinationales sur le débat public, les OGM sortis par la porte risquent de rentrer par la fenêtre !
De nombreux scientifiques, experts et juristes s’accordent pour juger indispensable une évaluation systématique de ces nouvelles techniques. Les écologistes demandent que les nouvelles plantes mutagènes étudiées soient définies officiellement comme des organismes génétiquement modifiés.
Nous sommes face à un choix crucial pour l’avenir de notre agriculture et de la biodiversité. Nous nous félicitons de l’engagement du gouvernement français, qui promeut l’agro-écologie et, en cohérence, a refusé la culture d’OGM sur son territoire. Le Gouvernement va-t-il plaider pour un encadrement de ces techniques de modification génétique, sur le modèle des OGM classiques ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Madame la députée, votre question insiste sur les problèmes posés par les nouvelles techniques de sélection des plantes qui se développent actuellement, notamment sur l’interférence des modifications génétiques traditionnelles et des techniques nouvelles, capables de moduler l’expression des gènes.
Vous avez signalé que la Commission européenne allait peut-être, dans une directive prochaine, se pencher sur ce sujet – nous n’en avons pas encore connaissance. Reste que ces questions sont au coeur des réflexions que nous devons mener et qu’elles interpellent aujourd’hui le pouvoir démocratique, confronté à ce qu’il faut bien appeler des révolutions scientifiques.
Ces nouvelles techniques, vous en avez décrit les risques. Mais, au-delà des risques classiques que l’on rapporte aux OGM, elles peuvent aussi être un facteur important d’innovation et de compétitivité pour les entreprises semencières et le secteur agricole. Elles constituent surtout de nouveaux outils à la disposition des sélectionneurs pour développer des innovations qui pourraient répondre à des enjeux majeurs, qu’il s’agisse du changement climatique ou de la réduction des intrants, sujets auxquels, madame la députée, vous êtes très sensible.
D’une façon très générale, la question des nouvelles techniques pointe la nécessité d’une réflexion approfondie sur la réglementation actuelle, puisque des produits présentant des caractéristiques ou des problématiques de gestion des risques similaires aux OGM mais obtenus par d’autres techniques se trouvent aujourd’hui soumis à des niveaux d’exigence différents.
Cette situation doit inciter la France à faire évoluer sa législation en fonction des nouveaux enjeux techniques.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, Angela Merkel, Donald Tusk et Frans Timmermans étaient en Turquie samedi dernier pour y rencontrer Ahmet Davutoglu, le Premier ministre turc, afin d’évoquer la crise migratoire et l’accord signé entre la Turquie et l’Union européenne.
Disons-le clairement, cette visite avait surtout deux objectifs : d’une part, mettre en avant les mérites d’un accord équivoque et plus que contestable, et d’autre part, masquer ses véritables difficultés d’application. En effet, depuis le 20 mars dernier, 325 migrants seulement ont été renvoyés de Grèce vers la Turquie et 103 réfugiés syriens ont pu être réinstallés dans l’Union européenne.
Au-delà des limites de ce marchandage qui porte atteinte aux valeurs et aux principes mêmes de l’Union européenne et de la France, cette visite a donné le sentiment désagréable d’une Europe prise en otage par la Turquie. Celle-ci a en effet posé un ultimatum clair aux Européens : elle se désengagera de l’accord en juin prochain si elle n’obtient pas les contreparties promises, à savoir 6 milliards d’euros, l’exemption de visas pour ses ressortissants et la relance du processus d’adhésion à l’Union européenne.
Le groupe UDI considère que ces contreparties sont inacceptables. Nous nous opposons tout particulièrement à la relance du processus d’adhésion de la Turquie en Europe au moment où Ismail Kahraman, président du Parlement turc, plaide pour la mise en place d’une constitution religieuse.
Monsieur le ministre, ma question est double. Comment le Président François Hollande peut-il rester silencieux face à une telle situation ? Quelle est la position de la France sur l’ultimatum fixé par les Turcs aux Européens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger en commission, monsieur le député, mais je réponds bien volontiers à votre question.
La Turquie est un partenaire stratégique de la France et de l’Union européenne : il faut partir de ce constat. Avec ce grand pays, nous devons avoir des relations à la fois claires, confiantes et exigeantes – notamment, comme vous venez de le rappeler, sur les principes qui sont ceux de l’Union européenne : l’État de droit, l’indépendance des pouvoirs, la liberté d’opinion et la liberté de la presse. Nous n’y renoncerons à aucun prix.
Nous avons accepté un accord entre l’Union européenne et la Turquie face à une situation particulièrement dramatique : l’arrivée massive, dans des conditions illégales, de migrants en Grèce. Il fallait trouver une solution ; celle-ci est en cours de mise en oeuvre. Il s’agit en effet de faire en sorte que les personnes arrivées illégalement en Grèce après le 20 mars reviennent en Turquie, cela dans le respect du droit international ainsi que des possibilités de recours des personnes concernées, et dans le cadre d’un accord global.
Cet accord global prévoit que les Syriens qui peuvent prétendre au bénéfice du droit d’asile pourront être accueillis dans les États membres voisins, notamment en France – et la France respecte ses engagements, monsieur le député.
Si nous n’étions pas intervenus dans le cadre de cet accord, la situation serait aujourd’hui inextricable en Grèce et inacceptable sur le plan humanitaire. Vous seriez le premier à le dénoncer, et vous auriez raison ! La France fournit aujourd’hui, avec l’Allemagne, des moyens en personnels pour venir en aide à la Grèce ; elle prend aussi sa part des responsabilités en acceptant la relocalisation d’un certain nombre de réfugiés syriens en France. Voilà le chemin que nous empruntons…
La parole est à Mme Karine Daniel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique…
… et porte sur l’avenir d’EDF.
Le marché de l’énergie doit faire face à des prix dégradés et à une accélération de la concurrence pour la fourniture d’électricité. EDF évolue dans ce contexte et doit préparer l’avenir. Ainsi, des investissements ont été réalisés pour accompagner le développement d’une énergie sûre et décarbonée et permettre l’indépendance énergétique de la France. Nous devons réaffirmer notre confiance dans cette entreprise qui se développe avec l’ensemble de ses salariés et de ses sous-traitants.
À Cordemais, dans ma circonscription de Loire-Atlantique, la centrale de production thermique d’EDF fait vivre des centaines de familles. EDF a annoncé la fermeture anticipée des deux tranches fioul. Les deux tranches charbon font l’objet de travaux de modernisation afin d’améliorer leurs performances environnementales et économiques et d’assurer leur fonctionnement jusqu’en 2035. Des expérimentations de mix biomasse-charbon sont réalisées et doivent permettre de limiter les rejets de CO2.
Monsieur le ministre, l’État s’est mobilisé pour préserver EDF et l’accompagner dans ses réformes de long terme. Pouvez-vous nous indiquer quelle politique le Gouvernement entend mener avec EDF pour le développement de la production d’énergie en France et la sauvegarde des emplois qui y sont liés ? Ses choix d’investissement doivent clairement assurer le soutien vital à la filière biomasse comme source de production d’énergie. Quels sont les engagements de l’État actionnaire en ce sens ? Quels partenariats peuvent être envisagés avec les collectivités locales pour structurer et renforcer ces filières d’avenir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Permettez-moi d’abord, madame la députée, de vous féliciter pour votre élection.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Permettez-moi aussi d’avoir un mot pour votre prédécesseur et son suppléant.
J’en viens au sujet important que vous soulevez. La stratégie d’EDF doit aujourd’hui être consolidée, vous l’avez rappelé, dans un environnement de marché extraordinairement défavorable, avec des prix désormais ouverts à la concurrence et un tarif de l’électricité historiquement bas. Il faut néanmoins continuer à investir, dans une stratégie claire, pour rénover et moderniser le parc existant, en France et sur les principaux marchés du groupe. C’est de l’emploi dans notre pays, sur les sites productifs ; c’est aussi la condition pour remettre au bon niveau de sûreté le parc nucléaire français.
Il faut ensuite investir pour pouvoir, dans le cadre des priorités qui sont celles du groupe, continuer à développer les sites productifs. Cela n’a en effet pas été le cas du parc fioul, ce qui a conduit l’entreprise à décider de supprimer, à Porcheville et à Cordemais, des tranches concernant la seule production au fioul.
Il n’en est rien, en revanche, pour ce qui est de la production au charbon ou au gaz. EDF continuera à investir dans les expérimentations du mix biomasse-charbon ou biomasse-gaz, de telle sorte que l’on puisse conforter la production et garantir l’emploi. Des investissements seront aussi consentis pour nous permettre de continuer à aller plus loin dans les services énergétiques, dans les partenariats requis avec les collectivités locales. Ce sont 10 milliards d’euros qui ont été investis dans ces diversifications entre 2010 et 2015, et le mouvement devrait s’amplifier dans les prochaines années.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, des images d’une adolescente de seize ans, tabassée la semaine dernière, au coeur de Gennevilliers, par une bande de filles, circulent sur internet. Son seul tort ? Avoir porté une jupe ! Au même moment, des étudiantes de Sciences Po Paris organisent le « Hijab Day », invitant leurs camarades à, je cite, « se couvrir les cheveux d’un voile le temps d’une journée, afin de lutter contre les discriminations liées au voile. » Quelle perversité, quelle confusion ! Burqa, tchador, abaya, niqab, hijab, peu importe le nom, ils constituent un enfermement dans le sexe, une négation de la personne, un interdit de liberté, un interdit d’égalité, un interdit de fraternité !
Ce n’est pas un problème de gauche, ce n’est pas un problème de droite, ce n’est pas un problème de religion, et ce n’est pas qu’un problème d’égalité hommes-femmes : c’est un problème de dignité humaine. Aujourd’hui, certaines grandes marques de vêtements intitulent leurs collections « islamiques », « pudiques » ou « modestes », ce qui présuppose que les femmes non voilées sont immodestes, impudiques ou, pire encore, impures. Accepter cette prétendue mode, c’est conforter le communautarisme dans notre pays.
La bataille du voile est l’expression la plus visible de la volonté des intégristes de se compter, de marquer leur territoire et de soumettre les femmes comme les hommes. Cette forme de purification vestimentaire en est le marqueur. Aujourd’hui, nous voyons dans notre pays non pas des zones de non droit mais des zones d’un autre droit, où l’islamisme s’affiche en uniforme et organise un véritable contrôle social qui met en danger la cohésion publique.
À l’heure où des femmes iraniennes bravent l’interdit en postant des photos sans voile, les étudiantes de Sciences Po devraient méditer l’exemple de ces militantes de la liberté.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi ce silence ? Quelles sanctions envisagez-vous de prendre contre le directeur d’une école publique censée former l’élite de la République et qui a couvert cette dangereuse mascarade ?
Mêmes mouvements.
La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.
Madame la députée, vous évoquez l’agression féroce dont a été victime une jeune fille la semaine dernière à Gennevilliers. Cette affaire sera jugée le 17 mai. À ce stade, il est trop tôt pour dire quelles en sont les motivations et si une quelconque connotation religieuse a pu être identifiée.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous savons simplement que cette jeune fille a été insultée et frappée, et qu’il y a eu des propos concernant sa tenue vestimentaire et en particulier sa jupe.
Le Gouvernement, vous le savez, est particulièrement attaché à la liberté d’aller et venir des femmes. Nous considérons que c’est un principe qui ne souffre aucune dérogation. C’est pourquoi d’ailleurs nous avons conduit l’année dernière une campagne sur le harcèlement sexuel dans les transports. Les femmes ne se divisent pas en deux catégories : d’une part les pudiques, qui mériteraient respect et protection, et d’autre part les impudiques, qui mériteraient insultes et harcèlement moral ou sexuel.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Je combats, madame la députée, toutes les idéologies, tous les intégrismes religieux et politiques, tous les stéréotypes de genre qui feraient reculer l’égalité entre les femmes et les hommes et limiteraient la liberté des femmes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Les femmes sont libres, libres de leur corps, libres de leur sexualité, libres d’accéder à l’IVG, libres de leur contraception. La longue marche des femmes vers leur émancipation
« Et la réponse ? » sur les bancs du groupe Les Républicains
…ne souffre aucune limite, aucune restriction. La République est là, elle est présente, elle est au rendez-vous
« Il n’y a pas de réponse ! » sur les bancs du groupe Les Républicains
pour protéger toutes les femmes contre les entraves à leur liberté.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Christian Hutin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Les exclamations se prolongent sur les bancs du groupe Les Républicains.
« La réponse ! La réponse ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous avez entendu la réponse qu’a entendu apporter Mme la ministre. Nous passons à la question suivante.
« Il faut une réponse ! C’est une honte ! » sur les mêmes bancs.
Mes chers collègues, je l’ai déjà dit : les questions au Gouvernement, c’est aussi l’image de notre assemblée, de notre démocratie ! La ministre a répondu comme elle l’entendait. Vous aurez l’occasion de lui poser d’autres questions. Pour l’heure, nous passons à la question de M. Hutin.
Ma question s’adresse à Emmanuel Macron. Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, je vous propose…
Sourires.
Madison est un comté américain, dans le Mississippi. Dans cet état, à Canton, se trouve une usine Nissan qui emploie 5 000 salariés. Contrairement à ce qu’a dit M. Carlos Ghosn lorsqu’il a été auditionné en février par la commission des affaires économiques, en particulier en répondant à Dominique Potier, Eva Sas ou Jean-Luc Laurent, pour ne citer qu’eux, il s’y passe des choses terribles.
Il y a en effet, sur ce site, une politique anti-syndicale on ne peut plus claire et affirmée. Nous avons reçu avec d’autres députés, en particulier Bruno Le Roux, les ouvriers de cette usine : ils sont discriminés, menacés, intimidés. Il y a des blacklists, des vidéos circulent partout pour attaquer le syndicat des travailleurs américains. Or, dans le cadre de l’alliance entre les deux sociétés, il me semble, monsieur le ministre, que Renault détient 43 % de l’actionnariat de Nissan et que l’État possède de son côté, 19,75 % du capital de Renault.
Renault, c’est la France. Historiquement, depuis les chars FT-17 de 1914 jusqu’à la régie, en passant par Flins en 1968 ou les compétitions automobiles, Renault, c’est la France.
Et la France est aussi le pays des droits fondamentaux, tels le droit de s’exprimer, de s’associer, de se syndiquer – ou non. Renault, c’est la France, la France, c’est Renault. Dans ce Mississippi marqué par les luttes que l’on sait en faveur des droits civiques, que pouvez-vous faire, monsieur le ministre ? Je précise, à toutes fins utiles, que le directeur de l’usine, qui est l’ancien directeur adjoint du site de Renault de Douai, se nomme Steve « Marsh »…
Sourires.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur Christian Hutin, je vous remercie d’avoir appelé notre attention sur la situation des salariés de l’usine Nissan de Canton, dans le Mississippi, et en particulier sur leurs difficultés à obtenir une représentation syndicale. Nous parlons là bien sûr de principes essentiels, qui sont défendus par la France non seulement sur le plan national mais aussi à l’international, dans le cadre de l’Organisation internationale du travail.
Le combat mené par les salariés de Nissan ne peut pas nous laisser indifférents. D’ailleurs, mon équipe a reçu, en septembre dernier, une délégation d’ouvriers, pour comprendre leur situation et leurs revendications. Vous avez eu raison de souligner également que de nombreux députés, notamment socialistes, se sont entretenus avec ces salariés.
À quelles difficultés se heurte l’action en la matière ? Vous le savez, monsieur le député, l’usine de Canton est possédée en propre par Nissan et non par Renault. Elle n’a pas fait l’objet d’investissements conjoints de l’alliance Renault-Nissan et ne produit pas de véhicules pour Renault. L’État français a donc très peu de marges de manoeuvre.
Plus largement, cela pose la question de la responsabilité sociale des grands groupes internationaux, quel que soit le lieu où ils interviennent, directement ou par l’intermédiaire de leurs sous-traitants. C’est tout l’objet de la proposition de loi de Dominique Potier, qui a été élaborée avec le concours de nombreux députés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je veux saluer ce travail de longue haleine. Le Gouvernement soutient les deux grandes avancées proposées par ce texte, notamment l’idée d’instaurer un devoir de vigilance particulier s’agissant des grandes entreprises, concernant l’ensemble des domaines relevant de leur responsabilité sociétale. Je pense bien sûr à la question de la représentation syndicale, mais aussi à l’environnement, au social, aux droits de l’homme ou à la lutte contre la corruption. Par ailleurs, le texte propose de conférer au juge la faculté de vérifier que ces nouvelles obligations sont respectées.
La France est et restera extrêmement attachée et vigilante à la question des droits des salariés et de la liberté syndicale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Avant de poser ma question, j’aimerais dire à Mme Rossignol que lorsque nous posons des questions, nous attendons des réponses. Or, nous n’avons pas eu de réponse au sujet du directeur de Sciences Po. Quelle va être votre position sur le sujet, madame la ministre ?
Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Voilà quelques semaines, nous vous avions déjà interrogé sur les conditions d’organisation de l’Euro de football en juin prochain dans le terrible contexte de menace terroriste qui est toujours d’actualité. Alors que vous vous apprêtez à demander au Parlement l’autorisation de prolonger l’état d’urgence, cette question se pose plus que jamais. À juste titre, nos compatriotes et les élus s’interrogent et s’inquiètent.
Vous le savez, la réussite de cet événement sportif majeur passera par une sécurité maximale et la mobilisation sans faille des services de l’État. En ce qui concerne les « fans zones », un certain nombre de questions se posent. On sait qu’à Paris, par exemple, près de 100 000 personnes se rassembleront sur le Champ de Mars. Le ministre de l’intérieur a eu l’occasion dans cet hémicycle de détailler les mesures de sécurité qui seront déployées dans les dix villes concernées. Les élus locaux qui sont mobilisés pour que l’Euro 2016 soit une fête sont aujourd’hui inquiets sur le coût de ces mesures dont ils auront à prendre en charge une partie. Avez-vous, monsieur le Premier ministre, évalué ce qu’il va en coûter aux collectivités locales ?
À Nice, Christian Estrosi a mis au point un dispositif innovant de reconnaissance faciale pour garantir une sécurité maximale.
Il a sollicité le soutien du Gouvernement. Quelle est votre position sur sa proposition ? En particulier, allez-vous lui autoriser l’accès au fichier S en modifiant l’article 3 du décret du 28 mai 2010 ?
Par ailleurs, dans les villes qui ne disposeront pas de « fans zones », se pose la question des rassemblements autour d’écrans géants. Vous avez laissé entendre qu’ils pourraient être interdits. Cela est-il envisageable alors que vous êtes aujourd’hui dans l’incapacité totale de faire évacuer la place de la République ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le député Philippe Vatel, je vous remercie tout d’abord de votre soutien.
« Vitel ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Veuillez m’excuser de cette confusion. M. Vatel était un autre personnage, très agréable aussi, au demeurant.
Sourires.
Monsieur Philippe Vitel, je vous remercie de votre soutien à l’Euro, ainsi que de votre vigilance en matière de sécurité, un sujet majeur pour le Gouvernement, en particulier pour le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve.
L’Euro est un événement hors norme. Près de 2,5 millions de spectateurs sont attendus dans les stades, et 7 à 8 millions de personnes dans les « fans zones ». Des moyens exceptionnels seront mobilisés par l’État, non seulement dans la police et dans la gendarmerie, mais aussi chez les militaires, puisque 10 000 d’entre eux seront mobilisés par Jean-Yves Le Drian. Cet événement sera donc sécurisé comme jamais un événement sportif ne l’avait été auparavant dans notre pays.
Cependant, même si les précautions prises sont maximales, le risque n’est jamais nul.
C’est pourquoi nous avons souhaité travailler avec les villes concernées. Ce matin même, sous l’autorité d’Alain Juppé, président des villes hôtes de l’Euro 2016, et de Jacques Lambert, président de l’entreprise Euro 2016 SAS, nous avons trouvé à l’Hôtel de Ville de Paris un accord de financement, notamment pour les « fans zones », pour lesquelles le coût des mesures de sécurité était évalué entre 10 et 12 millions d’euros.
Nous avons relevé le niveau de sécurité à 24 millions d’euros et avons trouvé un accord global entre les villes hôtes, l’État et l’UEFA sur le surcoût de ces zones, qui doivent rester un lieu de fête et de rassemblement populaire. Tout sera fait en la matière.
Monsieur le député, soyez confiant. Ayons un discours qui ne soit pas anxiogène, mais positif sur cet événement qui va réunir des millions de supporters et près de 8 milliards de téléspectateurs dans le monde. L’Euro est un événement populaire. Il sera aussi un événement particulièrement sûr.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Odile Saugues, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, depuis plusieurs années, la Libye est ravagée par des guerres civiles qui ont fait des centaines de morts.
Le Printemps arabe en 2011, en chassant M. Kadhafi du pouvoir, n’avait pas abouti à l’établissement d’un pouvoir stable. Depuis 2014, deux autorités s’affrontaient. L’Organisation des nations unies, l’Union européenne et la France se sont engagées pour appuyer la création d’un gouvernement d’union nationale à Tripoli. Depuis décembre 2015, un accord a été conclu sous l’égide de l’ONU. La Libye a eu à faire face à plusieurs crises et nous devons lui manifester toute notre solidarité, non seulement pour la reconstruction du pays, mais aussi pour lutter contre le trafic de réfugiés, qui sème le chaos et met en danger des milliers de personnes.
Monsieur le ministre, il est vital pour le peuple libyen de mettre fin à la guerre civile qui a mis le pays à feu et à sang et d’éviter la séparation du pays en deux.
La Libye est confrontée à de nombreux défis : celui de la transition démocratique, qu’elle amorce et que l’on doit soutenir ; celui de la lutte contre l’État islamique, à laquelle le pays participe activement ; celui, enfin, de la lutte contre les trafiquants, qui profitent des migrants et entretiennent leur espoir alors que ces derniers risquent leur vie en Méditerranée.
Voilà plusieurs années que le peuple libyen subit l’instabilité des crises et la guerre civile. Le devoir de la communauté internationale est d’appuyer ce nouveau gouvernement d’union nationale qui nourrit tous les espoirs. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle est la position de la France sur cette transition démocratique et ce que celle-ci a mis en place pour accompagner le nouveau gouvernement ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Madame Odile Saugues, vous connaissez bien la situation en Libye, que vous aviez évoquée dans votre rapport d’information de 2015 sur le Proche et Moyen-Orient. Vous aviez rappelé dans vos conclusions la nécessité d’avancer vers une solution stable pour ce pays, auquel il s’agit d’apporter la paix et la sécurité, car il souffre, il n’en peut plus.
Aujourd’hui, il se produit quelque chose de positif : l’installation d’un gouvernement d’entente nationale à Tripoli, avec à sa tête M. Al-Sarraj, un homme courageux. Nous devons soutenir de toutes nos forces ce gouvernement et son Premier ministre. C’est d’ailleurs le sens de la visite conjointe que j’ai effectuée avec mon homologue allemand Frank-Walter Steinmeier le 16 avril dernier à Tripoli.
Je rappelle que la Libye est à moins de 500 kilomètres des côtes européennes. Il faut donc aider le peuple libyen à assurer sa propre sécurité et à lutter contre Daech. Il faut également apporter de la sécurité aux pays voisins, en particulier à la Tunisie, qui n’est cependant pas le seul pays concerné, ainsi qu’à l’Europe, puisque Daech, les flux migratoires sont aussi des menaces pour la stabilité de la France et de l’Europe. Il faut donc soutenir ce gouvernement et répondre à sa demande en matière de sécurité.
Une force navale européenne, l’EUNAVFOR MED, intervient dans la partie sud de la Méditerranée centrale mais de manière limitée. Le débat est en cours pour que ses capacités légales d’action soient augmentées afin de lutter contre les trafics humains et contre le trafic d’armes, ainsi que le gouvernement libyen l’a demandé, le cas échéant en passant par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Telle est la position de la France ; elle est claire, et solidaire de ce qui est actuellement entrepris en Libye pour la sécurité et pour la paix.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, voici plus de trois semaines que le mouvement Nuit Debout occupe la place de la République à Paris. L’état d’urgence permet certes de telles manifestations, mais il me semble que de tels regroupements présentent un risque pour la sécurité publique car les personnes qui s’y trouvent peuvent servir de cible aux terroristes. Comment se fait-il qu’on interdise aux lycéens de sortir dans la rue pour fumer une cigarette mais qu’on autorise de tels rassemblements sur la voie publique ?
Tel n’est pas néanmoins le coeur de ma question. Je suis très inquiet de constater la montée en puissance du racisme antiblanc et de l’antisémitisme dans notre pays.
J’en veux pour preuve la récente tenue, dans l’enceinte de l’université Paris VIII, d’une manifestation intitulée « Paroles non blanches : rencontres autour des questions de race, travail et mobilisation », dont l’une des réunions avait pour thème « la blanchité dans les médias ». Les organisateurs de cet événement se disent opposés aux philosémites. Ils sont donc antisémites. Ils défendent la non-mixité et s’affirment anticapitalistes, anti-impérialistes et luttant contre la négrophobie. Ils ont en outre prévu d’organiser un « camp d’été décolonial » destiné « aux personnes subissant à titre personnel le racisme d’État en contexte français ». Cette réunion est interdite aux Blancs, comme l’a notamment rappelé l’hebdomadaire Marianne dans sa dernière édition.
Il incombe à votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, de faire le nécessaire pour barrer la route à ces mouvements d’extrême gauche qui, tout autant que l’extrême droite que je combats, mettent notre démocratie en danger en prônant le désordre, le racisme et l’antisémitisme.
Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Merci. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Du 11 au 15 avril, monsieur le député, ont en effet été tenues à l’université Paris VIII, à l’initiative d’un groupe autoproclamé, des réunions dont les affiches n’autorisaient que les paroles non blanches.
Je tiens à rappeler ici deux réalités, celle des faits et celle des principes. Ces réunions ont été organisées à l’initiative d’un groupe totalement indépendant des organisations reconnues et qui n’a jamais été autorisé à les organiser, qui plus est dans un bâtiment occupé.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La présidente de l’université Paris VIII a immédiatement condamné la tenue de ces réunions.
Quant aux principes, que les choses soient claires : je condamne absolument la tenue de ces réunions comme celle du camp d’été que vous avez évoqué, monsieur le député.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Ces initiatives sont inacceptables car, bien loin de l’objectif qu’elles prétendent poursuivre, elles confortent une vision racialiste et raciste de la société qui n’est pas la nôtre.
Ces initiatives sont inacceptables. Au bout de ce chemin, je le dis à tous ceux qui l’empruntent, il n’y a que le repli sur soi, la division communautaire et le chacun chez soi.
La seule réponse à apporter au racisme et à l’antisémitisme est un vrai sujet :…
…c’est évidemment les valeurs de la République dans toute leur universalité et la loi qui combat sans faille les discriminations, comme le fera la loi égalité et citoyenneté que présentera mon collègue Patrick Kanner.
Voilà la réponse : condamnation sans faille et rappel à nous tous, sur tous ces bancs, de la nécessité de promouvoir les valeurs de la République !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question porte sur les écarts de prix entre les régions mis en évidence par la dernière enquête de l’Insee et s’adresse à Mme la ministre des outre-mer. Attendue depuis plusieurs années, cette nouvelle comparaison spatiale montre que la vie est toujours plus chère dans les régions d’outre-mer qu’en France métropolitaine, de plus de 7 % à la Réunion et plus de 12 % aux Antilles. L’analyse sectorielle pour la Réunion est éclairante. Elle montre que l’écart de prix reste impressionnant pour les produits alimentaires, qui coûtent près d’un tiers plus cher, que communiquer demande un budget plus important, car en matière de téléphonie mobile, au contraire d’internet, la différence entre les tarifs s’est amplifiée, et que les dépenses de santé sont plus onéreuses de 15 %. Ces prix élevés sont ceux de biens et services de la vie courante alors même que près de la moitié des Réunionnais vivent en dessous du seuil de pauvreté national et que les retraités perçoivent très souvent moins de 400 euros par mois.
Loin d’être marginale, la vie chère demeure une réalité quotidienne. Les phénomènes de concentration et les multiples contraintes à l’origine de cette situation sont connus, de même que les pratiques commerciales de certains opérateurs sont identifiées et parfois sanctionnées. La loi que nous avons votée en 2012 a créé des outils de régulation économique innovants et spécifiques, en particulier les boucliers qualité-prix et l’interdiction des exclusivités d’importation. Les résultats sont réels en matière de produits pétroliers et de tarifs bancaires, mais l’enquête de l’Insee montre qu’il est indispensable d’aller plus loin. Pouvez-vous détailler les mesures que vous comptez prendre pour consolider et amplifier les mécanismes de lutte contre la vie chère, madame la ministre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser ma collègue George Pau-Langevin, actuellement en déplacement avec le Premier ministre en Nouvelle-Calédonie, madame la députée.
La lutte contre la vie chère outre-mer est une priorité du Gouvernement. L’étude publiée par l’Insee montre exactement l’évolution des prix dans les DOM-TOM. La loi de régulation économique, élaborée à la demande du Président de la République, a marqué une rupture. Elle a permis de réguler les prix en amont et à long terme, incitant les opérateurs à davantage de vertu. Par-delà la baisse du prix du pétrole, les boucliers qualité-prix constituent un dispositif essentiel ayant permis d’aboutir à des listes de produits adaptés aux réalités de chaque territoire. Des progrès ont été réalisés, en matière de baisse des prix mais aussi d’amélioration de la qualité nutritionnelle et de renforcement des productions locales. Cette baisse des prix, constatée depuis 2012, s’élève en moyenne à 12,61 %.
Pourtant, des marges de manoeuvre existent encore. C’est pourquoi les préfets ont reçu des instructions très claires visant à faire progresser encore les négociations menées dans le cadre des boucliers qualité-prix. Territoire par territoire, les volumes transportés seront évalués pour prévoir et modérer le coût des transports. Les moyens des observatoires des prix, des marges et des revenus ont été accrus pour renforcer leur capacité d’action. L’autorité de la concurrence est également mobilisée. Vous l’avez compris, madame la députée, lutter contre la vie chère dans les outre-mer est une priorité du Gouvernement.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer. L’ostréiculture est une activité importante sur l’ensemble du territoire national. Elle est créatrice de nombreux emplois directs et prend toute sa part dans l’économie touristique. Malheureusement, après un hiver plutôt doux et quelques phénomènes de contamination, près de quatre-vingts entreprises, rien que dans le Morbihan, ont subi des fermetures administratives après la détection de la présence du norovirus.
Ce problème a été rencontré dans d’autres départements et est une question récurrente sur l’ensemble du littoral français pour la pêche à pied professionnelle et la conchyliculture.
Fort heureusement, l’État a interdit durant plusieurs mois toute commercialisation des huîtres et des coquillages en provenance des différentes zones touchées. Malgré l’abrogation des arrêtés, la menace de contamination est toujours présente.
Après le norovirus, les professionnels craignent cette fois l’arrivée possible de l’algue dinophysis. La fermeture, même temporaire, de ces entreprises menace la pérennité de nombreux emplois et fragilise l’activité économique de toute une filière. Les professionnels subissent ces interdictions pour des dysfonctionnements ou des phénomènes environnementaux dont ils ne sont pas responsables.
C’est pourquoi ils sollicitent la mise en place de dispositifs d’aide, de soutien ou de garantie. Ne peuvent-ils pas bénéficier d’une exonération de la redevance d’occupation du domaine maritime ? Ne peuvent-ils pas bénéficier du Fonds national de gestion des risques sanitaires en agriculture, dont ils dépendent ?
À défaut, et surtout pour rassurer les jeunes qui souhaitent s’installer, pouvez-vous mettre en place un nouveau fonds de garantie, en mobilisant peut-être le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député, la préfecture a levé le 22 avril l’interdiction de la pêche à pied et de la commercialisation des huîtres sur la rivière de Crac’h. C’est une satisfaction pour les ostréiculteurs durement touchés, d’autant que, il y a quelques jours, une interdiction semblable dans la ria d’Etel était également levée. Dans le Morbihan, les fermetures consécutives à la présence du norovirus ont duré dix-sept jours en 2010, quinze jours en 2014, et soixante-deux jours en 2016.
Le Gouvernement a à l’esprit ce que cela représente en termes de marchés pour la soixantaine d’entreprises et la centaine de professionnels aujourd’hui touchés. Sensible aux problèmes auxquels ceux-ci sont confrontés, il veut agir et oeuvrer dans le temps long à l’instauration de bonnes pratiques pour la gestion des eaux. La place réservée à cet enjeu dans la conférence environnementale était d’ailleurs l’illustration de cet engagement.
L’implication des collectivités, dans leur mission d’assainissement des eaux, que celui-ci soit collectif ou non, est également nécessaire. Le coordinateur national sur les questions sanitaires et zoosanitaires se rendra la semaine prochaine dans le Morbihan, où il pourra s’entretenir avec les professionnels.
Au-delà de la responsabilisation de tous, nous souhaitons à l’avenir améliorer encore la réactivité des services de l’État, en direction des professionnels touchés par l’épreuve que représente une interdiction. Nous pensons à l’étalement des charges sociales et fiscales, aux questions touchant le chômage partiel, à l’incitation des établissements bancaires à assurer leur concours à des dispositifs assurantiels, à l’action des assistants sociaux dévoués à cette tâche.
Monsieur le député, Alain Vidalies et Stéphane Le Foll sont attentifs à cette situation et savent l’importance de cette activité pour le littoral français.
La parole est à M. Fabrice Verdier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, le régime social des indépendants, le RSI, a souffert depuis 2008 d’importants dysfonctionnements liés à la mise en place de l’interlocuteur social unique. Une réforme mal ficelée, mal pilotée, qualifiée par la Cour des comptes de « catastrophe industrielle », et qui a mis en difficulté des milliers d’entrepreneurs de notre pays.
À la suite du rapport que ma collègue Sylviane Bulteau et moi-même avons remis au Premier ministre, le Gouvernement a adopté en juin 2015 une feuille de route comportant vingt mesures opérationnelles, comme la possibilité, pour un travailleur indépendant, d’ajuster le montant de ses cotisations en cours d’année, la mise en place de cent médiateurs départementaux pour faciliter la relation entre le RSI et les assurés, ou encore le renforcement de l’accueil physique mais aussi téléphonique, dont on sait qu’il posait beaucoup de problèmes.
De son côté, l’Assemblée nationale a permis, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, d’améliorer l’offre de protection sociale. Elle a ainsi adopté l’introduction du mi-temps thérapeutique, porté de deux à trois le nombre minimal de trimestres de retraite validés par année et renforcé les droits relatifs au congé maternité et aux indemnités journalières.
Afin de s’assurer de la bonne application de la feuille de route, un comité de suivi a également été installé, que je copréside avec un sénateur du groupe Les Républicains.
Grâce à ces mesures, le RSI est engagé dans une ambitieuse démarche d’amélioration. Il s’agit d’être plus proche des assurés, plus réactif, plus transparent et plus protecteur.
Mais il est nécessaire de passer à la vitesse supérieure car des dysfonctionnements persistent, notamment dans le processus de recouvrement. Sur ce point, il ne peut y avoir d’amélioration durable sans une révision de la répartition des compétences entre l’ACOSS et le RSI, aujourd’hui excessivement complexe et peu efficace.
Madame la ministre, quelles sont vos intentions en la matière ? Dans quel calendrier comptez-vous inscrire l’action du Gouvernement pour améliorer et pérenniser le deuxième régime de protection sociale de France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le député, vous avez rappelé les difficultés auxquelles ont été et restent confrontés les indépendants et les artisans, à la suite de la réforme de 2008 – une réforme mal maîtrisée, mal gérée, mal engagée, qualifiée par la Cour des comptes d’« accident industriel ».
Le Gouvernement a pris la question à bras-le-corps et engagé une série de mesures. Ainsi, depuis l’année dernière, en cas de trop-versé, les indépendants se voient remboursés plus rapidement qu’avant, ce qui est un élément important.
Vous-même, monsieur le député, avez proposé avec votre collègue Sylviane Bulteau toute une série d’améliorations concrètes que nous avons mises en oeuvre. Vous les avez évoquées, je n’y reviens pas ; je me contenterai de mentionner l’amélioration substantielle du régime de protection sociale des indépendants, un pas en avant significatif.
Des difficultés demeurent, qui sont liées à la complexité des relations entre le RSI et l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, caisse nationale de recouvrement des URSSAF. Il est vrai qu’il est difficile de s’y retrouver : l’affiliation se fait par le RSI, le calcul, l’appel et l’encaissement des cotisations sont effectués par les URSSAF, le recouvrement étant, lui, opéré, de façon variable, par l’une ou l’autre des caisses ! J’ai demandé, avec Christian Eckert, que les directeurs généraux de ces caisses fassent des propositions de simplification et de réorganisation avant le mois de juin, afin que des mesures puissent être inscrites dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, à l’automne.
Vous le voyez, monsieur le député, nous oeuvrons résolument pour l’amélioration de la couverture sociale des indépendants.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
« Il est parti ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le désengagement annoncé de l’État des sociétés immobilières d’outre-mer – SIDOM – suscite l’inquiétude des organisations syndicales, des collectivités et des professionnels du BTP. Principaux acteurs du logement social en outre-mer, elles représentent plus de la moitié du parc social avec 108 000 logements en 2015 et 60 % de la production de logements.
Les sociétés immobilières de Mayotte et de Nouvelle-Calédonie sont les seuls opérateurs publics sur leurs territoires respectifs. Au-delà du rôle de bailleur social, déjà très important, ces sociétés sont de gros donneurs d’ordres, surtout pour le BTP, et contribuent fortement à l’activité, à l’aménagement des territoires et donc au développement économique et à la création d’emploi.
Outre l’incertitude causée par le désengagement annoncé de l’État et par les différents projets de recapitalisation, d’autres freins obèrent la capacité de ces structures, comme les fréquentes modifications du régime de défiscalisation ou les retards dans la délivrance des agréments par Bercy pour les opérations. Ainsi, singulièrement en Guadeloupe, plusieurs constructions de logement sont en attente d’agréments fiscaux.
Cette politique a un effet désastreux sur la commande publique et ne favorise pas la relance du secteur du bâtiment, déjà fortement atteint. Le président des fédérations régionales du BTP a informé la ministre des outre-mer de ces sujets d’inquiétude, le 22 avril dernier, sans obtenir de réponse rassurante. Des grèves et des blocages menacent d’ores et déjà nos régions.
Monsieur le ministre, parce que leur rôle est important pour l’aménagement et le développement économique de nos territoires, les collectivités d’outre-mer, à l’instar de la région Guadeloupe, veulent être impliquées et souhaitent connaître les résultats des réflexions de l’État. Pourriez-vous nous assurer que nos collectivités seront étroitement associées à cette réorganisation, dont il faudra veiller à ce qu’elle ne déstabilise pas l’équilibre déjà fragile de ces donneurs d’ordre ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, en effet, depuis 1946, l’État est présent dans l’actionnariat des sociétés immobilières d’outre-mer, aux côtés de la Caisse des dépôts et consignation, de l’Agence française de développement et des collectivités territoriales.
Comme vous le soulignez, les SIDOM sont aujourd’hui les acteurs essentiels de la politique du logement en outre-mer. Elles représentent un maillon déterminant pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés ensemble dans le cadre du plan logement outre-mer.
Néanmoins, nous nous sommes à nouveau posé la question de la gouvernance de ces structures qui est aujourd’hui dispersée et manque de cohérence. Dans cette perspective, une réflexion a été engagée, à laquelle nous souhaitons évidemment associer les collectivités territoriales qui sont les actionnaires de ces sociétés mais aussi des acteurs de la politique locale.
Je peux vous assurer que cette réflexion sera menée dans la concertation. Il n’est pas question pour l’État de se désengager, d’autant plus qu’il s’est fortement investi dans le financement du logement social, à travers la ligne budgétaire unique et le maintien des avantages fiscaux spécifiques au logement social en outre-mer. Je vous rappelle à ce titre que de nombreux engagements ont été pris pour 2016, tant pour favoriser la création de logements sociaux que l’accession à la propriété.
C’est pourquoi le ministère du logement, mais aussi ceux du budget, de l’outre-mer et des finances, ont demandé le lancement d’une mission d’inspection sur les modalités de financement du logement social en outre-mer. Nous nous appuierons sur les conclusions du rapport qui devrait être rendu très prochainement, pour formuler ensemble des propositions. Je reste à votre disposition pour discuter de la programmation en Guadeloupe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous souvenez-vous du « Jacques a dit » auquel vous jouiez certainement dans la cour de récréation ? Vous savez, ce jeu d’école dans lequel le maître de jeu donne des consignes à exécuter à partir du fameux mot déclencheur « Jacques a dit »… Pour tromper l’adversaire, il donne l’ordre sans le sésame ou bien il redouble la syllabe en « Jacques a dit a dit » !
Dans le Nord, depuis quelques mois, parents d’élèves, directeurs d’école et maires sont les joueurs éperdus d’un jeu qui serait bien sympathique s’il ne mettait en péril l’organisation de nos fêtes d’école. Ainsi, les consignes relatives à l’organisation de ces fêtes et kermesses au regard du plan Vigipirate tiennent du Jacadi-a-dit-sans-vraiment-le-dire ! Si vous me suivez encore, Madame la ministre, chapeau, car nous, nous n’y comprenons plus rien, à vos règles du jeu !
Ainsi, on demande aux parents d’élèves et directeurs d’école, qui ne sont pas des professionnels de sécurité, d’assurer le filtrage et le contrôle aux portes de nos écoles, le contrôle visuel des sacs, et de vérifier systématiquement l’identité des personnes étrangères à l’établissement. Bref, on demande aux parents ce que la police municipale n’a pas le droit de faire, par exemple dans les transports en public. Un comble ! Aujourd’hui, on m’informe que dans la ville de Roncq, quelques directeurs transforment les fêtes en prestations d’élèves sur le temps scolaire, sans public ou avec un nombre limité de parents.
Madame la ministre, quelles sont les raisons d’un tel bricolage dans notre académie du Nord ? Les parents ne comprennent pas qu’à Paris, l’on tolère les Nuits Debout quand, dans le Nord, l’on supprime les kermesses d’école. Vous n’empêchez rien à Sciences Po ou Paris VIII, mais vous vous en prenez aux fêtes d’école !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Allez-vous enfin donner des règles claires et précises, sans faux-fuyant ni tentative d’évitement ? Si la fête d’école tient du jeu, son organisation n’en est pas un. Oui, Jacques a dit a dit, mais la ministre, qu’en dit-elle ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui va vous le dire.
En cette période, monsieur le député, chacun comprendra que la question de la sécurité des établissements scolaires est une préoccupation sérieuse, qui amène à prendre un certain nombre de mesures.
Votre question concerne très précisément les kermesses et les fêtes de fin d’année des écoles. Pour y répondre tout aussi précisément, l’éducation nationale est responsable de la tenue ou non des activités qui ont lieu durant le temps scolaire. Nous avons ainsi pu être amenés, au lendemain des attentats de novembre dernier, à interrompre les sorties ou les voyages scolaires pour des raisons de sécurité. C’étaient des mesures temporaires et aujourd’hui, les sorties et les voyages scolaires sont à nouveau possibles.
S’agissant des activités qui ont lieu en dehors du temps scolaire, comme les fêtes d’école ou les kermesses, la responsabilité relève des communes. En vertu de leur pouvoir d’appréciation, les maires peuvent, pour des raisons de sécurité, interdire la tenue de ces kermesses ou fêtes d’école.
Voilà pour le droit. Quant aux principes, je suis, en ma qualité de ministre de l’éducation nationale, extrêmement attachée aux kermesses et aux fêtes d’école, qui assurent un lien social indispensable entre l’école et les parents. Je donne ainsi des instructions à toutes mes équipes pour qu’elles soient maintenues le plus largement possible, et je regrette que, dans certains départements du Nord, des maires aient malgré tout décidé de prendre de telles mesures de précaution. Ils peuvent se rapprocher de nos services pour que nous puissions les aider, si cela est nécessaire, à renforcer la sécurité, avec le ministère de l’intérieur, et permettre que ces kermesses aient lieu.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. David Habib.
L’ordre du jour appelle les questions sur la politique gouvernementale en matière d’emploi.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
Nous commençons par les questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Philippe Vigier.
Monsieur le président, madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mes chers collègues, parmi ses soixante engagements pour la France, François Hollande avait promis de faire des PME-TPE – petites et moyennes entreprises et très petites entreprises – une priorité pour relancer la production, l’emploi et la croissance.
Ces 3,5 millions d’entreprises, on le sait, représentent 47 % des emplois et une vraie richesse pour notre économie. Or des mesures néfastes viennent les menacer.
Je ne reviendrai pas sur les questions fiscales, que j’évoquais ici même hier soir : adapter la fiscalité aux PME-TPE était l’engagement no 2 de François Hollande ; on sait ce qu’il en est advenu. Je veux vous interroger, en revanche, sur l’idée du Gouvernement de surtaxer les CDD, les contrats à durée déterminée.
Imaginez-vous, madame la ministre, que cela incitera les entreprises à embaucher en CDI, en contrats à durée indéterminée ? À nos yeux, cette décision est totalement incompréhensible car les CDD – on peut le regretter mais c’est un fait – constituent la principale porte d’accès à l’emploi et coûtent déjà, chacun le sait, plus cher à l’employeur. Aujourd’hui, seulement un jeune sur deux de la tranche des 15-24 ans est en CDI quand 90 % des 25-49 ans le sont : les jeunes sont donc déjà très pénalisés dans l’entrée sur le marché du travail. Cette taxation va complexifier encore leur vie professionnelle et le vie des entreprises. Leur appliquer cette logique, que nous estimons punitive, ce n’est pas leur envoyer un bon message.
Les chefs d’entreprise ont besoin de confiance et non de règles qui changent tous les jours. Il est encore temps d’abandonner cette « super-taxation » des CDD que vous envisagez. Il est encore temps de revenir sur cette mesure, contre laquelle, hier encore, une importante centrale syndicale s’est indignée – plus largement, l’ensemble des responsables syndicaux de toutes les entreprises la déplorent.
Je souhaite vous entendre à ce sujet, madame la ministre : le Gouvernement s’entête-t-il ou bien la raison revient-elle ?
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Comme vous le dites à raison, monsieur le député, ce sont les TPE et les PME qui créent de l’emploi dans notre pays. C’est pourquoi nous leur avons dédié de nombreuses mesures, dont la dernière en date, le dispositif « Embauche PME », est utilisé à près de 60 % par les TPE, avec 225 000 demandes depuis trois mois.
Ce soutien constant – pacte de responsabilité, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, plan « Tout pour l’emploi », aide « TPE jeunes apprentis » – concourt justement à restaurer un climat de confiance au bénéfice de ces entreprises. Le projet de loi qui vous sera présenté le 3 mai prochain s’inscrit également dans cette démarche, avec les accords types de branche.
Vous m’interrogez plus précisément à propos de la modulation des cotisations patronales d’assurance chômage pour les contrats courts, les CDD. Rappelons que ce sont les partenaires sociaux, dans un accord signé par les trois organisations patronales, qui ont décidé, en 2013, d’introduire cette modulation : une entreprise peut se voir exonérée partiellement de cotisations d’assurance chômage pour les embauches en CDI de jeunes de moins de 26 ans – elle bénéficiera alors d’une exonération temporaire de trois à quatre mois selon sa taille – mais ses cotisations seront modulées pour les embauches en contrats courts. Cette modulation est toujours en vigueur mais son paramétrage l’a empêchée de produire un effet sur le comportement des employeurs : la surcotisation est faible, insuffisamment ciblée sur les contrats les plus courts et nombre de CDD y échappent.
Dans le projet de loi que je porte, nous avons décidé de rendre cette modulation obligatoire car l’essor des contrats courts précarise les salariés et 87 % des nouvelles embauches se sont faites sous forme de CDD.
Non que le Gouvernement estime que le CDD n’est pas utile à notre pays : c’est lui qui a décidé de le rendre renouvelable deux fois. Il ne s’agit donc nullement, je tiens à vous rassurer sur ce point, de mener une politique contre le CDD. Néanmoins, la France est le deuxième pays utilisateur de CDD dans l’Union européenne et la moitié de ces contrats portent sur moins d’une semaine. La modulation des cotisations patronales proposée n’a pas pour but de taxer le travail, mais d’adapter son coût afin d’inciter les employeurs à embaucher en CDI : dès lors que leurs choix délibérés génèrent un coût pour la collectivité, ils doivent en assumer les conséquences. Il appartiendra cependant aux seuls partenaires sociaux de déterminer les modalités d’application de cette modulation, dans le cadre de la négociation en cours de la convention d’assurance chômage.
Le surenchérissement des contrats très courts est pleinement cohérent avec l’esprit de cette loi, qui vise à encourager l’embauche en CDI.
S’agissant de l’hypertaxation des CDD, j’ai bien compris que nous ne connaîtrons la position ministérielle qu’au cours du débat sur le projet de loi…
Ma deuxième question portera sur le fameux CICE. Lors de la mise en place de ce dispositif, vous n’étiez pas encore membre du Gouvernement, madame la ministre ; à l’époque, on nous expliquait que c’était l’alpha et l’oméga pour recréer tous les emplois perdus. Je ne reviendrai pas sur ces 750 000 emplois détruits, notamment dans le secteur industriel.
Je rappelle au passage que la fameuse TVA compétitivité aurait dû entrer en vigueur en octobre 2012 mais que le nouveau gouvernement l’a balayée d’un revers de la main lorsqu’il est entré en fonction.
Selon les déclarations de l’époque, le CICE devait permettre la création de 350 000 emplois en deux ans. En 2013, l’objectif est revu à la baisse : ce ne sera pas en deux mais en cinq ans. Bref, l’objectif devient variable. L’actuel secrétaire d’État chargé du budget, sur un de ses blogs, a d’ailleurs eu des mots on ne peut plus durs contre la création de ce dispositif.
Reconnaissons cependant que le CICE a incontestablement apporté un gain de marges aux entreprises : il aurait permis, en définitive, de préserver ou de créer environ 100 000 emplois.
S’il a permis de reconstituer une partie des marges et d’améliorer quelque peu la compétitivité des entreprises, le dispositif n’a néanmoins pas eu l’impact attendu sur l’emploi et nous en mesurons logiquement aujourd’hui les conséquences – même si le chiffre de l’évolution du chômage publié hier est encourageant, il convient de l’analyser dans toutes ses dimensions.
Le Président de la République s’est à nouveau mêlé du débat, expliquant que le CICE aurait une durée limitée et que, d’ici à deux ans, il faudrait le supprimer et le transformer en baisses de charges – l’abandon de la TVA compétitivité lui inspire d’ailleurs quelques regrets. J’ai interrogé hier soir le secrétaire d’État chargé du budget à ce sujet : cette transformation, c’est pour quand ? Comme je n’ai pas obtenu de réponse, je me permets de vous reposer la question.
Pour provoquer ce choc de création d’emplois, cette inversion attendue de la courbe dont on voit bien qu’elle s’éloigne au fur et à mesure que l’horizon avance, transformerez-vous oui ou non, le plus rapidement possible, en baisses de charges le CICE, qui était, d’une certaine façon, une mesure dérogatoire ou compensatoire par rapport à la TVA compétitivité ? Surtout, le ferez-vous en priorité au bénéfice des PME-TPE, dont la fiscalité n’a pas diminué, contrairement à ce qui était prévu – engagement no 2 de François Hollande…
À ce jour, cette baisse des charges annoncée par le Président de la République lui-même n’a pas été réalisée.
Je ne voulais pas être contraint de reprendre trente secondes sur le temps de parole de M. Benoit ou de M. Richard, mon cher collègue !
La parole est à Mme la ministre.
Nous avons en effet instauré conjointement le pacte de responsabilité et le CICE, monsieur le député. Le CICE à lui seul représente la création d’environ 120 000 emplois.
Le Président de la République, plusieurs membres du Gouvernement et moi-même avons effectué de nombreuses visites dans les entreprises. Disons-nous les choses franchement : le dispositif a notamment évité à beaucoup d’entreprises de mettre la clé sous la porte ; il a également permis, on peut le constater, de restaurer les marges ; il a aussi pu se traduire, dans certains cas, par une augmentation des salaires, une étude l’a montré ; enfin, il a entraîné une progression de l’investissement. Ce dernier point est essentiel car, dans le domaine de la politique industrielle, que vous évoquiez, l’investissement contribuera aussi au retour à la croissance.
Dans son discours du 18 janvier dernier, en présentant le plan d’urgence pour l’emploi, le Président de la République a justement précisé que le nouveau dispositif « Embauche PME » durerait deux ans, le temps de basculer du CICE à des allègements de charges. Telle est la parole du Président de la République et des travaux sont en cours, sur ce sujet, au niveau interministériel.
Rappelons que l’aide « Embauche PME », qui intervient dans ce temps d’attente, permet de réduire à 0 % les cotisations patronales pour l’embauche d’un salarié jusqu’à 1,3 fois le SMIC. C’est un dispositif essentiel, simple et lisible. Du reste, près de 60 % des entreprises qui l’utilisent sont des TPE. Toutes les catégories d’âge en bénéficient : 40 % sont des jeunes, 20 % des seniors et le reste des 25-49 ans. Surtout, il a permis également la prolongation de contrats particulièrement courts en CDD de plus de six mois pour 40 % et en CDI pour 60 %.
Une entreprise dont les carnets de commandes sont vides n’utilisera évidemment pas d’aides pour embaucher. Cependant, dans une période de reprise de l’activité économique – même si celle-ci est encore trop timide –, ce dispositif permet d’accélérer la création d’emplois. Nous continuons donc à nous battre en ce sens, en nous appuyant bien évidemment sur le pacte de responsabilité et sur le CICE.
Vous voici porteuse, madame la ministre, d’un projet de loi important, « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs-ve-s », pour reprendre l’intitulé de son titre. Pour ma part, j’ai présidé l’année dernière la commission d’enquête relative à l’impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail – en d’autres termes, sur les conséquences de ce que l’on a appelé les « 35 heures ». Je souhaite vous poser quelques questions concernant votre projet de loi.
Saisirez-vous l’opportunité offerte par ce texte pour desserrer l’application de la réduction du temps de travail dans notre pays ? Depuis dix ans, en effet, chaque gouvernement tente de trouver des astuces et des arguties pour contourner les 35 heures, qui par la défiscalisation des heures supplémentaires, qui en offrant davantage de souplesse aux entreprises. Les 35 heures constituant une réelle difficulté, utiliserez-vous ce projet de loi pour leur apporter un assouplissement ?
Saisirez-vous l’opportunité offerte par ce projet de loi sur le travail pour resserrer les liens entre les employeurs et les collaborateurs, entre les entrepreneurs et les salariés ? Aujourd’hui, en effet, on sépare les collaborateurs des employeurs, alors qu’il faudrait resserrer les liens dans les entreprises.
Selon la direction du budget et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques de votre ministère, la DARES – M. Jospin lui-même, auditionné dans le cadre de la commission d’enquête, l’a en outre reconnu –, la réduction hebdomadaire du temps de travail à 35 heures coûte peu ou prou 12 à 13 milliards d’euros par an : il y a là un levier possible pour générer des gains de compétitivité dans les entreprises.
Passerez-vous au peigne fin les collectivités territoriales – communes, communautés de communes, départements, régions – pour donner de la compétitivité à la sphère publique, mais aussi pour corriger les disparités dans l’application de la réduction du temps de travail entre ces deux mondes que sont les secteurs public et privé ?
Je vous remercie par avance, madame la ministre, pour la qualité de votre réponse.
La mise en place des 35 heures a permis de créer 450 000 emplois dans notre pays : c’est une très bonne chose, me semble-t-il. Depuis lors, de nombreuses dérogations ont été accordées.
Le projet de loi que je porte vise à développer la négociation en entreprise pour ce qui concerne le quotidien des salariés : durée du travail, congés, etc. Il faut parfois permettre aux acteurs de terrain – les salariés, leurs représentants et les employeurs – de trouver un accord pour mieux répondre à un pic d’activité ou de commandes.
Pour autant, nous ne reviendrons pas sur la durée légale du temps de travail, fixée à 35 heures. Il s’agit non seulement de la durée légale du temps de travail mais surtout, rappelons-le, de la durée qui permet de déclencher le paiement des heures supplémentaires. Les Français travaillent en moyenne 39 heures : le débat que nous avons aujourd’hui sur les 35 heures porte donc sur le pouvoir d’achat des salariés.
Il nous a semblé important, dans ce projet de loi, d’élargir l’objet de la négociation. Je partage en effet l’idée que le cadre, à certains égards, est trop rigide et ne permet pas de nous adapter. L’organisation du travail est un vrai sujet, qui concerne le quotidien des salariés et des employeurs, et c’est sur ce sujet que nous avons souhaité transformer, réécrire le code du travail avec ses trois étages : l’ordre public social ; la négociation de branche ou d’entreprise ; les normes supplétives.
Le projet de loi prévoit que ces accords devront être conclus selon le principe majoritaire, c’est-à-dire sur la base d’un consensus social large ; c’est important car c’est la meilleure des garanties. En l’absence d’accord, le droit en vigueur s’applique.
Nous avons fait ce choix parce qu’il est nécessaire, dans notre pays, de passer d’une culture de l’affrontement à une culture du compromis, de laisser davantage d’espace à la négociation car c’est la meilleure garantie que nous pouvons apporter à tous les salariés.
Ce n’est pas une vision béate du dialogue social ; bien sûr, il y a parfois des blocages, des pressions, il ne faut pas le négliger. Néanmoins, avec des négociateurs ayant bénéficié d’une vraie formation et avec des crédits d’intervention des délégués syndicaux en augmentation, le champs des négociations et la légitimité des accords majoritaires seront renforcés. Notre pays doit être en mouvement, dans cette direction.
Madame la ministre, puisque nous parlons d’emploi, comment ne pas évoquer la situation dans laquelle se trouve l’assurance chômage ? En effet, les chiffres sont extrêmement inquiétants : le déficit pour 2015 est estimé à 4,4 milliards d’euros et la dette cumulée, fin 2016, devrait atteindre un peu moins de 30 milliards d’euros.
Parallèlement, malgré l’embellie du mois de mars, dont il faut se féliciter – nous verrons assez rapidement si elle est réelle ou artificielle –, le chômage, depuis que cette majorité est aux affaires, a explosé et remet malheureusement en cause l’existence du régime d’assurance chômage.
Dans ces conditions, l’équation est particulièrement délicate et chacun mesure l’ampleur de la tâche qui attend les partenaires sociaux, chargés de renégocier la convention UNEDIC depuis le mois de février.
Malheureusement, au lieu d’accompagner au mieux cette négociation, le Gouvernement, depuis plusieurs semaines, ne fait que l’obscurcir. À l’origine, votre projet de loi, madame la ministre, devait déverrouiller le marché du travail en luttant contre la peur d’embaucher en CDI ressentie par les employeurs. Aujourd’hui, à force de concessions et de compromis en tout genre, ce texte n’a plus aucune cohérence, il ne créera pas d’emplois, n’encouragera aucune entreprise à embaucher et complexifiera même le code du travail, c’est peu dire !
Quoi que certains pensent, les organisations patronales ne sont pas irresponsables et, si certaines menacent de quitter la négociation, ce n’est pas par facilité, loin s’en faut : c’est un cri de désespoir.
Depuis des mois, ce gouvernement bafoue le dialogue social en évitant les négociations avec les organisations syndicales d’employeurs et de salariés, et en cédant aux contestations des groupes minoritaires.
Ma question est simple, madame la ministre : que se passera-t-il, le 30 juin, pour nos compatriotes si les partenaires sociaux, las de vos manoeuvres, ne parviennent pas à un accord ?
Monsieur le député, nous avons rappelé, à de nombreuses reprises, que la négociation sur l’assurance chômage, ouverte le 22 février, relève uniquement des partenaires sociaux. Le Gouvernement souhaite bien sûr qu’un certain nombre de grands principes guident la négociation : préserver la fonction protectrice de l’assurance chômage tout en garantissant bien évidemment sa pérennité financière – nous le devons notamment aux jeunes générations.
Or, d’après les prévisions de l’UNEDIC de juin dernier, l’assurance chômage présente un déficit structurel, qui s’élèverait à 1,6 milliard. Celui-ci pouvant nuire au bon fonctionnement de l’assurance chômage, un ajustement est souhaitable : le Gouvernement l’a écrit dans son rapport relatif à l’assurance chômage, remis en janvier dernier. Pour autant, il ne s’agit en rien d’un objectif d’économie imposé à la négociation mais d’une recommandation, il est essentiel de le rappeler.
Je souhaite évidemment que les partenaires sociaux parviennent à un accord. Nous avons débattu tout à l’heure de la modulation des cotisations à l’assurance chômage : soyons honnêtes, rappelons que ce sont les partenaires sociaux, y compris les trois organisations patronales, qui l’ont mise en place. Mais le fait est là : cette mesure ne concerne pas les CDD de moins d’un mois et notre problème est que 50 % des CDD sont de moins d’une semaine et que 82 % des embauches en CDD sont des réembauches. D’autres éléments doivent donc impérativement être pris en compte.
Au-delà, je veux vous faire part d’une réflexion. Si nous avons engagé le plan « 500 000 formations supplémentaires pour les personnes en recherche d’emploi sans qualification », c’est parce que notre pays est très en retard en la matière et parce que nous savons bien qu’il aura un effet très important sur le retour à l’emploi.
Hier, avec Clotilde Valter, nous avons effectué un déplacement auprès de l’AFPA – l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – sur le thème des métiers de la transition énergétique : alors que plus de 100 000 emplois sont à créer d’ici à 2020 dans ce domaine, nous manquons de main-d’oeuvre en la matière. C’est un investissement humain qui est bon pour la compétitivité de notre économie.
Il faut également accélérer la création d’entreprises : vous savez que les demandeurs d’emploi peuvent capitaliser 45 % de leurs allocations chômage restantes pour créer leur entreprise.
Toutes ces mesures sont mises sur la table dans le cadre de la renégociation de cette convention. Si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord, le Gouvernement prendra un décret, vraisemblablement pour prolonger d’un an la convention actuelle.
Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Ary Chalus.
Les exonérations de charges sociales ont permis d’encourager la création d’emplois en outre-mer mais le dispositif demeure complexe et instable. En effet, si tout le monde s’accorde à dire qu’il faut impérativement compenser le handicap de compétitivité des entreprises en réduisant le coût du travail, les solutions envisagées divergent et la réduction des charges fiscales continue de faire débat.
Il nous semble pourtant urgent de stabiliser ces dispositifs dans la durée, pour garantir une visibilité suffisante aux entreprises. Nous devrions aussi mobiliser plus efficacement les dispositifs nationaux, qui ne sont pas toujours utilisés de façon optimale au regard des besoins des entreprises ultramarines.
Des critiques portent aussi sur les effets de trappe à bas salaires induit par le recentrage des exonérations sur les plus faibles rémunérations. Pourtant, il faut lutter contre la fuite des cerveaux, notamment aux Antilles, et promouvoir une mobilité permettant in fine de conserver nos talents sur place.
Madame la ministre, s’agissant des exonérations de charges, ne pourrions-nous pas, sur le plan quantitatif, sanctuariser un montant défini après une concertation élargie avec les principaux acteurs économiques ? Par ailleurs, sur le plan qualitatif, mieux vaut cibler les dispositifs sur les secteurs réellement créateurs d’emplois.
S’agissant du CICE, pour attirer des chercheurs et des cadres de haut niveau, le seuil de 2,5 SMIC pourrait être porté à 4 SMIC pour les secteurs prioritaires de la LODEOM – loi pour le développement économique des outre-mer –, voire à 4,5 SMIC pour le secteur de la recherche et du développement.
Monsieur le député, vous avez raison de parler des spécificités du tissu économique de l’outre-mer. Quand nous avons mis en place, par exemple, le contrat aidé dans le secteur marchand « CIE-Starter » – Contrat initiative emploi Starter –, nous avons travaillé avec des jeunes en service civique qui sont allés frapper à toutes les portes, notamment celles des plus petites entreprises. La visibilité, la lisibilité des aides est en effet une vraie question pour les chefs d’entreprise, occupés, bien légitimement, à remporter des marchés ou à remplir des bons de commande. C’est essentiel : l’aide « Embauche PME » a été créée avec cet objectif de lisibilité et de simplicité.
Nous avons aussi modifié le « CIE-DOM » – contrat initiative emploi dans les DOM –, justement afin d’améliorer sa visibilité pour les chefs d’entreprise, rendre son accès plus facile et élargir ce qui avait été mis en place en métropole. Il était légitime d’améliorer la situation en permettant une meilleure compensation ; c’est ce que nous avons fait, au titre des politiques de l’emploi.
Vous m’interrogez sur le CICE et sur le pacte de responsabilité. Le pacte de responsabilité représente 40 milliards, soit un investissement important. Le CICE, là encore, a pour objectif d’alléger les charges pour donner plus de visibilité et de lisibilité aux chefs d’entreprise. Mais votre question pointe un problème crucial : nous sommes extrêmement attentifs à ce que cela ne devienne pas une trappe à bas salaires et je rappelle que le CICE s’applique jusqu’à 2,5 fois le SMIC.
Concernant la fuite des cerveaux, le pacte s’applique, depuis le 1er avril, aux salaires allant jusqu’à 3,5 fois le SMIC, ce qui est de nature à vous rassurer, monsieur le député.
Enfin, le crédit d’impôt recherche répond à votre dernière question.
Au-delà, il est impératif que tout chef de petite entreprise connaisse le coût de l’embauche. Nous sommes donc en train de mettre en place un simulateur numérique des coûts de l’embauche : cet outil très simple permettra à chaque employeur, au moment de l’embauche, d’avoir une vision claire des coûts et des aides, en fonction du salaire de la personne qu’il recrute.
Lisibilité, clarté et prévisibilité sont au centre des mesures que nous mettons en oeuvre.
Jacques Krabal, souffrant, m’a chargé de posé cette question, à laquelle je m’associe pleinement.
Le groupe RRDP se réjouit de la baisse du chômage pour le mois de mars. Bien évidemment, nous souhaitons que ce chiffre positif ait un prolongement, que le chômage de masse qui touche notre pays depuis plusieurs années connaisse une décrue réelle et substantielle.
Le Gouvernement a pris plusieurs décisions, depuis 2012, dans l’espoir de favoriser la reprise économique pour les actifs, avec plusieurs dispositifs, comme le CICE ou encore le pacte de responsabilité et de solidarité.
Toutefois, force est de constater que ces mesures ne bénéficient pas assez à nos TPE et PME, à nos artisans et nos commerçants. Ceux-ci, qui forment pourtant un formidable maillage de nos territoires ruraux, pourraient créer encore davantage d’emplois non délocalisables si nous recentrions une partie des aides en leur direction plutôt que vers les multinationales et en relançant l’apprentissage pour nos jeunes.
Plus nos jeunes recevront une formation de qualité, et le plus tôt possible, plus ils auront de chances de se positionner dans un bon rapport de force sur le marché du travail.
Mais trop de contraintes existent encore aujourd’hui. J’en veux pour preuve l’article L. 6222-25 du code du travail, qui ne permet pas à l’apprenti de moins de 18 ans d’être employé à un travail effectif excédant huit heures par jour ou la durée légale hebdomadaire. Or, dans le secteur du bâtiment, par exemple, les horaires de travail sur chantier sont très souvent de 39 heures par semaine, réparties la plupart du temps en 8 heures par jour du lundi au jeudi et 7 heures le vendredi. Pour caler les horaires de travail des apprentis mineurs sur ceux des autres salariés, l’entreprise doit demander une dérogation, difficile à obtenir.
Le constat est là : en 2015, dans notre pays, pour les jeunes de moins de 24 ans, le taux de chômage atteignait 24,5 %, alors que la moyenne européenne était de 19,7 %.
Madame la ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire pour favoriser l’intégration des jeunes en entreprise tout en respectant le droit du travail en matière de santé et de sécurité ?
Monsieur le député, je connais bien la situation du département de l’Aisne, notamment de Château-Thierry et de Villers-Cotterêts, puisque j’ai eu l’occasion de m’y déplacer aux côtés du député Jacques Krabal. On y trouve en particulier une très belle entreprise, Cuir Auto Shop, qui veut développer un centre de formation en sellerie de cuir, métier rare pour lequel il existe des perspectives d’emploi ; avec Clotilde Valter, nous travaillons actuellement avec cette entreprise afin de soutenir ce projet, qui profitera notamment à des jeunes des quartiers environnants.
L’apprentissage représente évidemment un enjeu essentiel et le nombre des entrées en apprentissage a augmenté de 5 %.
Des dérogations sont accordées mais, bien souvent, les employeurs n’en demandent pas, c’est toute la difficulté.
Un apprenti mineur ne doit pas être considéré comme un salarié. Néanmoins, il doit être placé dans des conditions lui permettant d’apprendre. Dans le bâtiment, le vendredi à midi, quand l’apprenti a fait 35 heures, il ne peut rester sur le chantier, mais le camion qui le ramène ne part que le soir, de sorte que le jeune reste un peu en carafe. Telle est la réalité. Dans ce cas, l’inspection du travail donne de nombreuses dérogations.
Nous examinons les problèmes un à un : je pense à la question des apprentis marins, à celle de l’utilisation d’objets coupants par les apprentis bouchers ou à celle de l’accomplissement des travaux en hauteur, que nous avons traitée par la voie réglementaire. Nous essayons de développer au maximum toutes les possibilités d’apprentissage.
Un autre sujet essentiel est la rémunération des apprentis. Le Gouvernement a récemment décidé de mieux lisser la grille de rémunération par catégories d’âge – de 16 à 18 ans, de 18 à 21 ans et au-delà de 21 ans, parce que l’âge de majorité, il y a maintenant de nombreuses années, était à 21 ans –, pour rendre le système plus attractif.
Je m’apprête aussi à ouvrir les titres professionnels du ministère à l’apprentissage car, pour certaines catégories de jeunes, apprendre par le geste professionnel peut être déterminant.
Ainsi, nous continuons. Nous avons certes fait quelques tête-à-queue en début de quinquennat mais, l’an dernier, plus de 285 millions d’euros supplémentaires ont été consacrés à l’apprentissage. Nous sommes en train de le développer mais il faut encore améliorer l’attractivité de certains métiers manuels : les métiers de bouche ou les métiers industriels, pour lesquels certains centres de formation d’apprentis sont malheureusement vides.
Dernier point : il faut aussi trouver un employeur, ce qui est parfois difficile pour des jeunes. Dans deux mois, sur le site du ministère, une plate-forme permettra à tout jeune cherchant un employeur de publier sa demande et à tout employeur cherchant un apprenti de publier son offre.
Nous en venons aux questions du groupe écologiste.
La parole est à M. Christophe Cavard.
Madame la ministre, le compte personnel de formation – CPF – est entré en vigueur le 1er janvier 2015. À la fin de l’année, près de 2,3 millions de personnes avaient activé leur compte et 208 000 dossiers de formation étaient validés.
Avec le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, et dans la continuité de nos travaux pour la sécurisation des parcours professionnels, nous allons créer le compte personnel d’activité, le CPA. Il s’agit d’attacher des droits –certains existants, d’autres nouveaux – aux personnes et non plus aux contrats ou aux statuts. Il s’agit également de valoriser l’activité, pas uniquement salariée, de chaque personne, qu’il s’agisse d’un engagement bénévole associatif, d’activités socialement utiles ou de différentes expériences acquises dans la vie.
Le CPF fraîchement créé sera intégré au CPA, qui sera également constitué du compte personnel de prévention de la pénibilité et du compte d’engagement citoyen. Il faudra, madame la ministre – mais nous aurons ce débat dans les prochaines semaines –, que le compte épargne temps soit également intégré au CPA.
Pour ce qui est de l’accès au CPF, il reste quelques points à améliorer afin qu’il soit utilisé par le plus grand nombre de personnes, en fonction de leurs aspirations ou de leurs besoins, qui diffèrent selon les situations.
Premier point : les listes de formations éligibles. Dans le cadre des politiques d’accès ou de préservation de l’emploi, il est nécessaire d’élargir ces listes car toutes les formations diplômantes, qualifiantes ou certifiantes n’y figurent pas à ce jour.
Deuxième point : il faut améliorer l’accès à la formation des personnes les moins qualifiées.
Troisième point : notre préoccupation est que les demandeurs d’emploi bénéficient du dispositif, avec une priorité donnée, là aussi, aux moins qualifiés d’entre eux.
Pour les personnes concernées par les deux derniers points, le droit à la formation ouvert par le CPF doit être accessible le plus vite possible et à la hauteur de leurs besoins. Il s’agira par exemple de leur permettre d’atteindre le plafond d’heures prévu de façon plus rapide.
Madame la ministre, nous devons renforcer les mesures nécessaires pour faciliter l’accès aux droits des personnes les plus en difficulté, particulièrement l’accès à la formation des demandeurs d’emploi. Que proposez-vous, dans le cadre de la mise en oeuvre du futur CPA, pour y parvenir ?
Vous l’avez dit, monsieur le député, le CPF a été créé par la loi du 5 mars 2014. Il est financé par la participation des employeurs au titre de la formation continue. Alors qu’il pourrait concerner plus de 23 millions de salariés, seulement 2,9 millions de comptes sont ouverts. Le mouvement s’amplifie tous les jours, c’est bien, mais nous devons inlassablement continuer d’informer : je l’ai encore fait récemment devant l’ANDRH, l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, en insistant sur la responsabilité qui incombe à ses membres pour faire connaître ce dispositif. J’ajoute que 322 000 formations ont permis de mobiliser des CPF.
Le CPF, vous l’avez dit, sera intégré dans le CPA, à partir du 1er janvier 2017, de même que le compte pénibilité et le compte engagement citoyen, qui sera créé par le projet de loi et qu’il ne faut pas oublier.
Ce texte, qui sera présenté et discuté dès le 3 mai prochain, permet justement de développer le CPF mais en tenant compte d’un diagnostic réalisé depuis de nombreuses années : dans notre pays, les fonds de la formation professionnelle ne bénéficient pas à ceux qui en ont le plus besoin. Nous assumons ce constat. Les débats qui ont eu lieu dans cette enceinte au moment de la création du CPF montrent du reste que vous partagez cette analyse.
L’objectif est d’apporter un soutien encore plus particulier aux salariés les moins qualifiés : au lieu que leur compte soit abondé de 26 heures, nous souhaitons qu’il le soit de 40 heures par an, afin qu’ils puissent aller au-delà du plafond de 150 heures et accéder au minimum tous les dix ans à un premier niveau de qualification. Et je sais que d’autres propositions vont encore plus loin en la matière.
La deuxième cible est celle des demandeurs d’emploi : nous n’en formons qu’un sur dix quand d’autres pays, comme l’Autriche, en forment quatre sur dix. Avec près de 2 millions de demandeurs d’emploi qui n’ont pas le niveau bac, il faut impérativement inscrire dans la loi l’accès à un premier niveau de qualification comme un objectif essentiel.
Nous ciblons donc les jeunes en décrochage scolaire, les demandeurs d’emploi les moins qualifiés et les salariés les moins qualifiés.
Nous étendrons aussi le bénéfice du CPF aux travailleurs indépendants dès 2018.
Nous élargissons également la liste des actions éligibles au CPF, vous avez parfaitement raison. Nous l’élargissons à CléA, certification du socle de compétence mise en oeuvre par les partenaires sociaux, mais aussi à l’accompagnement à la VAE, la validation des acquis de l’expérience, à l’accompagnement à la création d’entreprise, au bilan de compétences. Voilà ce que nous allons faire.
Enfin, au niveau régional, résoudre la question des listes éligibles est un impératif ; cela figure dans les feuilles de route des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles – CREFOP – et, lors des réunions que je tiens avec eux, je le leur rappelle à chaque étape.
Madame la ministre, en 1996, l’Union européenne a mis en place, avec le soutien de la France, le statut de travailleur détaché. Ce phénomène est en expansion et la France comptait officiellement 210 000 travailleurs détachés en 2014. Cette question est particulièrement sensible dans les secteurs du bâtiment, de l’agriculture et de l’exploitation forestière, entre autres.
Le statut, par lui-même, crée une distorsion de concurrence en faisant du dumping social sa raison d’être. En effet, toute entreprise européenne peut avoir une activité en France, en respectant le droit du travail, sans toutefois payer de cotisations sociales dans notre pays.
Qui plus est, des fédérations d’entreprises comme la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, affirment que beaucoup ne respectent pas le statut des travailleurs détachés, ce qui aggrave la distorsion de concurrence et pèse lourdement sur l’emploi. Ainsi, dans le secteur qui la concerne, en 2015, dans le Rhône, la CAPEB estimait à 3 000 le nombre de suppressions d’emplois et à 7 500 le nombre de travailleurs détachés supposés illégaux.
D’où ma première question : quels moyens supplémentaires le Gouvernement est-il prêt à mettre en oeuvre pour faire respecter la loi sur les travailleurs détachés ?
Face à ce phénomène, l’Allemagne, la Belgique et la France, notamment, tirent le signal d’alarme depuis plusieurs années au niveau européen. Il semble que des aménagements soient envisagés ; ils restent cependant insuffisants et ne sont pas adoptés à ce jour. Il s’agirait en particulier de limiter à 24 mois les contrats de salariés détachés et de faire bénéficier ceux-ci des lois ou conventions collectives concernant les rémunérations : primes, tickets-restaurant, etc. Cependant, rien ne serait prévu quant au paiement des cotisations sociales dans le pays qui reçoit les salariés détachés.
Aussi, vous poserai-je trois questions. En ce qui concerne le projet de directive européenne, quelle est la position du gouvernement français ? Entend-il demander le paiement des cotisations sociales dans le pays où est effectué le travail ? À quelle échéance cette directive pourrait-elle aboutir ?
Madame la députée, je vous remercie de votre question, qui porte sur un sujet essentiel.
Il est important de rappeler que ce n’est pas la liberté de circulation des travailleurs dans l’espace européen qui est en cause – la France serait d’ailleurs malvenue de raisonner ainsi, sachant qu’elle est le troisième pays d’envoi de travailleurs détachés. Ce qui est en cause, c’est la fraude au détachement. Ces fraudes, ces abus, minent notre modèle social et, au-delà, portent atteinte à la dignité de l’ensemble des travailleurs dans l’espace européen.
C’est au regard de cette situation que nous devons d’abord être fiers de ce que nous avons mis en place dans notre pays : en la matière, c’est en France que l’état du droit est le plus strict, avec les lois Savary et la loi pour la croissance et l’activité de l’été dernier, nous avons accentué le pouvoir de contrôle et de sanction de l’inspection du travail.
Puis nous avons pris tous les décrets prévus et, surtout, nous avons renforcé les contrôles : en juin dernier, nous effectuions de 500 à 600 contrôles par mois ; depuis septembre, nous en diligentons 1 500 par mois. Cela a permis d’infliger 215 amendes administratives notifiées, pour un montant cumulé de plus de 1,1 million d’euros, et de procéder à 20 fermetures préfectorales. Il est important de rappeler que ces fermetures préfectorales constituent la meilleure arme pour lutter contre les entreprises qui fraudent par défaut de déclaration. Encore récemment, en Corse à quatre reprises et dans l’Isère à deux reprises, nous avons recouru à l’arrêt de la prestation de service internationale.
Aujourd’hui, néanmoins, il nous manque un instrument : nous pouvons sanctionner le non-respect des règles en matière de salaire ou d’horaires mais pas l’absence de déclaration du détachement. Le projet de loi dont nous débattrons à partir du 3 mai permettra, dans ce cas aussi, de suspendre une prestation de service.
Au moment où nous mettons en place la carte professionnelle du BTP, le combat se joue au niveau européen. Sur ce sujet, nous militons avec d’autres pays mais il est vrai que nous sommes plutôt fer de lance. J’étais, la semaine dernière, à Amsterdam pour un conseil des ministres européens : la commissaire Thyssen, au nom de la Commission européenne, a accepté, c’est important, de lancer le débat sur une révision ciblée de la directive de 1996. Elle a formulé deux propositions qui vont dans le bon sens.
Mais nous voulons aller plus loin : nous voulons interdire l’intérim, les détachements en cascade, car les montages sont de plus en plus frauduleux ; nous souhaitons interdire les entreprises « boîtes aux lettres », c’est-à-dire celles qui n’ont aucune activité substantielle dans les pays d’origine et ne fixent évidemment aucune durée de relation contractuelle avec le salarié détaché.
Ce combat essentiel, nous le mènerons dans les prochains mois et nous devons mobiliser le maximum de pays. Et sachez que j’étais aux côtés de la CAPEB pour porter la voix de la France : oui à une révision ciblée, en allant au-delà des propositions de la Commission européenne.
Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Patrice Carvalho.
Madame la ministre du travail, je souhaite vous interpeller à propos de la situation particulièrement difficile que connaissent les fonctionnaires employés au sein de l’administration du travail, plus particulièrement les agents de l’inspection du travail.
Depuis plusieurs années, cette administration fait l’objet de réformes incessantes, dans un contexte budgétaire toujours plus restreint. Après la mise en oeuvre de la RGPP – la révision générale des politiques publiques – et de la modernisation de l’action publique, une nouvelle réforme de l’inspection du travail, lancée en 2014 par votre prédécesseur, est en cours. Elle s’ajoute à la mise en oeuvre de la réforme territoriale, qui bouleverse le quotidien des personnels des DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
Parallèlement, les moyens dédiés à l’administration du travail se réduisent au fil des ans. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2016 a entériné 192 suppressions de postes, après les 278 suppressions de ces deux dernières années.
Les conséquences de cette situation sont bien connues : des agents en souffrance qui ne parviennent plus à remplir leurs missions de renseignement et de contrôle du droit du travail.
Pourtant, vous continuez à étendre les missions de l’inspection du travail. Votre projet de loi réformant le code du travail prévoit la création d’un nouveau service d’appui aux entreprises en matière d’application du droit du travail, ainsi que de nouvelles missions en matière de lutte contre le travail détaché. Dans le contexte de sous-effectif chronique, comment peut-on croire que ces nouvelles missions seront assurées ?
Il devient urgent de renforcer les moyens de l’administration du travail, afin que les agents puissent mener à bien leurs missions essentielles de service public. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour régler cette situation ?
Je vous remercie, monsieur le député, de souligner le travail essentiel accompli par les inspecteurs du travail car, au-delà du droit en soi, c’est sa mise en oeuvre qui importe. J’ai eu l’occasion de rencontrer les représentants de l’ensemble des organisations syndicales du ministère afin d’évoquer, justement, les difficultés rencontrées.
Mais il convient aussi de rappeler que, pour faire face aux évolutions de notre économie et aux mutations des entreprises ainsi que du marché du travail, l’évolution de l’inspection du travail, tant dans son organisation que dans ses modalités d’intervention, était indispensable. Tel est le sens de la réforme que vous avez citée, dont la Cour des comptes a d’ailleurs rappelé encore récemment la pertinence, en invitant le Gouvernement à la mener avec détermination.
Cette nouvelle organisation a permis de créer le groupe national de veille, d’appui et de contrôle et des unités régionales de lutte contre le travail illégal – essentiels pour soutenir l’ensemble des employés car la dignité des travailleurs dans l’espace européen est ici en jeu –, ainsi que des réseaux régionaux de contrôle des risques particuliers. Concrètement, elle permet à l’inspection du travail d’intervenir de façon plus collective, mieux coordonnée autour des grands enjeux de protection des salariés. Tel est également l’objet de l’habilitation à agir par ordonnance conféré par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Le projet de loi que je m’apprête à vous présenter comprend, à cet égard, deux axes majeurs : l’amélioration des moyens d’intervention de l’inspection du travail dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail ; l’adaptation des dispositifs de sanction en vue d’apporter des réponses plus rapides et plus efficaces.
Bien évidemment, comme tout ministre, je me bats pour maintenir les effectifs de mon administration, même si un certain nombre de contraintes s’appliquent à nous tous. Mais cette réorganisation était vraiment nécessaire compte tenu des nouvelles missions conférées à l’inspection du travail, par exemple en matière de lutte contre les fraudes au détachement. Les pouvoirs combinés institués par cette nouvelle et nécessaire réorganisation constituent un enjeu fort pour préserver notre modèle social. Quoi qu’il en soit, lors de l’examen du prochain budget, je serai bien entendu très vigilante quant au nombre de personnels de l’inspection du travail.
Madame la ministre, alors que les partenaires sociaux négocient la nouvelle convention UNEDIC fixant les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi, nous nous interrogeons sur les véritables raisons du déficit et de la dette de l’assurance chômage.
Des études démontrent que ce n’est pas l’indemnisation des chômeurs qui creuse le déficit, donc la dette de cette dernière, mais les ponctions opérées par l’État pour financer la politique de l’emploi. Si l’on prend en compte la différence entre les cotisations des salariés et l’indemnisation des chômeurs, le régime d’indemnisation du chômage est en réalité excédentaire.
Il suffit de citer quelques chiffres pour comprendre cette situation, qui perdure depuis plusieurs années. En 2014, les contributions des affiliés de l’UNEDIC atteignaient 33,94 milliards quand l’indemnisation coûtait 31,26 milliards, soit un excédent positif de 2,68 milliards. Cette même année, l’UNEDIC avait versé 3,14 milliards à Pôle emploi au titre d’une convention passée avec cet organisme. Ces dépenses ne correspondent aucunement la mission première de l’assurance chômage, qui est d’indemniser les chômeurs. Elles font peser injustement la responsabilité de la dégradation financière de l’UNEDIC sur ces derniers, tout en permettant de justifier un tas d’annonces gouvernementales régressives : dégressivité des allocations chômage, réduction de la durée d’indemnisation, réforme du régime des intermittents. Tout cela est absolument inacceptable.
Madame la ministre, pouvez-nous expliquer les raisons de ces ponctions opérées par l’État dans le budget de l’assurance chômage, au détriment des droits des chômeurs ?
Si nous mettons tout sur la table, monsieur le député, il me semble essentiel de rappeler aussi que les CDD sont à l’origine d’un déficit de près de 5,8 milliards d’euros. C’est pourquoi la révision de la modulation de la surcotisation constitue un enjeu important ; la question n’est d’ailleurs pas seulement soulevée par le Gouvernement mais aussi par les partenaires sociaux, qui ont voulu eux-mêmes la traiter.
La convention entre l’UNEDIC et Pôle emploi visait précisément à moderniser ce dernier, notamment quant à l’accompagnement global dont peuvent bénéficier les demandeurs d’emploi.
Au-delà, il me semble important de rappeler que cette convention permet, pour commencer, de jouer le rôle essentiel d’amortisseur social. Dans le cadre des négociations en cours, bien des choses ont été mises sur la table : ce ne sont pas tant les questions du niveau et de la durée des indemnisations qui se posent mais celle de la façon de prendre des mesures ayant un effet significatif sur l’emploi.
J’ai évoqué tout à l’heure la formation et l’aide à la création d’entreprises, qui, nous le voyons, ont un impact très fort sur le retour à l’emploi – bien évidemment, plus vite on retrouve un emploi, plus le déficit de l’assurance chômage diminue.
Dans le cadre de la convention entre Pôle emploi et l’UNEDIC, nous avons créé des postes de conseillers chargés de la relation avec les entreprises et développé l’accompagnement global. Je ne connais pas les termes exacts de cette convention, qui a été signée avant que je n’accède à mes fonctions, mais je pourrai vous les donner, si vous me le permettez, dans quelques heures. Quoi qu’il en soit, l’accompagnement des chômeurs de longue durée constitue un élément déterminant, qui a même été salué par les associations de chômeurs.
Des négociations sont en cours. La question de la pérennité financière se pose, bien sûr, mais les problèmes économiques ne sont pas les seuls en cause : il s’agit de réfléchir aux mesures les plus efficaces pour le retour à l’emploi.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Madame la ministre, l’emploi constitue notre préoccupation car il est la préoccupation majeure des Français. Pourtant, notre pays peine à créer des emplois, malgré les conditions favorables que le Gouvernement s’est attaché à créer depuis 2012.
Une embellie se dessine avec les chiffres que vous avez annoncés hier mais nous ne sommes pas tous égaux quant à l’accès à l’emploi : le chômage frappe les plus fragiles, les moins formés. Les mesures d’accompagnement de la formation initiale et professionnelle portent leur fruit : on constate une baisse sensible du chômage chez les jeunes.
Avec 22 %, le taux de chômage des personnes handicapées, en revanche, est deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population. Le contexte économique difficile ne doit pas être un prétexte pour ne pas se préoccuper de l’emploi en milieu ordinaire des personnes handicapées. Il rend notre mobilisation encore plus nécessaire pour les accompagner efficacement dans leur parcours de formation et dans leur parcours professionnel, dans leur recherche d’un emploi mais aussi et surtout dans leur maintien dans l’emploi ordinaire, car le handicap survient, dans 80 % des cas, au cours du temps de la vie professionnelle.
Changeons notre regard et considérons le potentiel des personnes plutôt que leurs handicaps ! L’entreprise doit être appuyée dans cette démarche. Des outils d’accompagnement existent sur tous nos territoires ; ils doivent être encore plus soutenus, grâce à une reconnaissance en droit de l’emploi accompagné.
Des organismes de placement spécialisés comme le réseau Cap-emploi mais aussi des associations oeuvrant dans le champ médico-social engagées sur ce thème offrent des services avant, pendant et après le recrutement. Il faut mieux organiser les différents outils, les mobiliser dans la durée, créer des plates-formes d’accompagnement dans l’emploi en milieu ordinaire, mises à disposition de l’entreprise afin de proposer un référent unique à l’employeur comme au salarié handicapé et à leur environnement immédiat.
Une personne autiste, par exemple, peut et doit trouver sa place dans l’entreprise ordinaire, bien accompagnée dans l’emploi, comme cela se fait en milieu scolaire ordinaire. Une personne bipolaire et qui le restera pendant toute sa vie professionnelle peut, grâce à un accompagnement permanent ou séquentiel, vivre une vie de salariée dite « normale », plutôt que de se considérer ou d’être considérée en incapacité permanente.
Les instances de l’entreprise, dont le CHSCT – le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail –, doivent se saisir de la question du handicap. La négociation collective au sein de l’entreprise doit conduire à donner à chacun sa place, avec ses différences, son potentiel et sa fierté d’être un salarié comme les autres.
Quels leviers envisagez-vous d’actionner, madame la ministre, pour que nos administrations publiques, nos entreprises, nos PME prennent réellement en compte le potentiel de ces personnes, en attente de la reconnaissance promise par la loi de 2005, qui leur donne leur pleine citoyenneté ? Je sais que vous y êtes particulièrement attachée. Avec votre loi travail, des opportunités sont ouvertes. Saisissons-les ! Nous comptons sur votre détermination pour soutenir nos propositions dans ce sens.
Vous avez raison, madame la députée, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois plus élevé que celui de la population générale. Et les demandeurs d’emploi handicapés sont bien souvent plus âgés et moins formés, ce qui constitue autant de freins supplémentaires.
La réponse à cette injustice indigne de notre pays implique bien sûr une stratégie globale, celle-là même que nous avons développée avec Ségolène Neuville, dans le cadre de la conférence nationale du handicap. Elle comprend plusieurs grands axes, avec lesquels, je le sais, vous êtes en accord.
Il s’agit tout d’abord d’améliorer l’accès à la formation et au marché du travail. Avec Clotilde Valter, nous avons souhaité que, dans le plan « 500 000 formations supplémentaires », ce public soit prioritaire.
Par ailleurs, ce que vous avez dit à propos de la prise en considération des compétences est essentiel. De ce point de vue, des compétitions internationales comme les Abylimpics – j’ai encore assisté récemment à un tel événement, à Bordeaux – sont fondamentales pour ce public mais, aussi, pour les entreprises et tous les Français : le handicap n’entraîne pas l’incompétence ; il faut simplement considérer les talents et les compétences avec un autre regard. Nous devons impérativement continuer à développer ce type de compétitions dans notre pays.
Nous devons également orienter les personnes handicapées vers une palette de métiers plus diversifiée. À cette fin, il convient de changer les représentations.
Il faut aussi développer le maintien dans l’emploi, autre préoccupation que vous partagez. C’est l’un des axes du plan national « Santé au travail 2015-2019 », que j’ai lancé.
Comme vous, je suis très sensible à la notion de parcours, au coeur de votre rapport relatif aux travailleurs handicapés. Nous étudions avec beaucoup d’intérêt l’idée d’emploi accompagné, que vous défendez et que vous souhaiteriez promouvoir avec un amendement au projet de loi dont nous discuterons à partir du 3 mai prochain.
Je tiens en outre à souligner le rôle primordial joué par Cap- emploi dans l’accompagnement des travailleurs handicapés vers l’emploi et la formation. C’est à la demande de l’État que l’AGEFIPH, et le FIPHFP – l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique – ont débloqué des crédits en faveur de la professionnalisation des conseillers de Cap-emploi.
Il importe aussi de développer la négociation collective sur le handicap dans les entreprises. Voilà quelques semaines, avec Ségolène Neuville, nous avons organisé une table ronde réunissant les partenaires sociaux à ce propos. Les dépenses liées à la préparation d’un accord pourront désormais être comptabilisées au titre des dépenses déductibles liées à l’obligation d’emploi, lesquelles restent néanmoins plafonnées à 10 % de la contribution due à l’AGEPIPH.
Malgré le contexte budgétaire, nous avons accru les crédits en la matière de plus de 13 % depuis 2012 et nous avons alloué 500 postes supplémentaires aux entreprises adaptées.
Dernier mot : je suis également très vigilante quant à l’accès des personnes handicapées aux dispositifs de droit commun. Deux chiffres : en 2012, les personnes handicapées bénéficiaient de 7,5 % des contrats aidés ; à la fin de 2015, le taux était monté à près de 13 %. Cela fait partie des indicateurs que je demande aux préfets lors des visioconférences que j’organise chaque mois avec eux.
Il faut bien sûr continuer en ce sens. Il s’agit d’un investissement nécessaire car la situation est indigne de notre pays et nous devons tout mettre en oeuvre pour les personnes handicapées. Lors de l’examen du projet de loi, je ferai preuve d’une grande écoute sur ce sujet.
Madame la ministre, je voudrais vous alerter à propos des difficultés de financement que rencontrent actuellement la plupart des missions locales.
Au moment où le Gouvernement réaffirme sa priorité pour la jeunesse, avec les nouvelles dispositions de la future loi égalité et citoyenneté et surtout avec la généralisation de la garantie jeunes, prévue dans la loi travail que vous défendez, au moment où la baisse du chômage des jeunes se confirme, comme l’attestent les bons chiffres que vous avez annoncés et commentés hier soir, au moment où 1 milliard d’euro est dégagé pour la formation des demandeurs d’emploi, les missions locales – qui, je le rappelle, accompagnent près de 1,5 million de jeunes au quotidien et assurent une prescription sur trois de formation des demandeurs d’emploi – voient leur situation financière fragilisée par des baisses des dotations, à hauteur de plus de 60 millions sur deux ans pour l’ensemble du réseau.
En effet, les missions locales ont vu leurs dotations budgétaires diminuer, du fait de la conjonction de plusieurs facteurs : la fin du dispositif de l’ANI jeunes – accord national interprofessionnel jeunes – porté par les partenaires sociaux ; les baisses des subventions de l’État en faveur de l’accompagnement des emplois d’avenir ; les baisses de financement des collectivités locales, notamment de certaines régions, comme l’Île-de-France, et des départements.
Vous m’objecterez certainement que les crédits d’accompagnement prévus pour la garantie jeunes, qui s’élèvent à 1 600 euros par jeune suivi, vont, à terme, compenser ces difficultés, ce que j’espère. Mais l’expérimentation en cours prouve que le démarrage du dispositif nécessite un investissement en locaux et en personnels important. Si l’on ajoute l’incertitude et la sur-administration entraînés par les financements européens, nombre de structures ne sont pas dans une situation optimale pour réussir la généralisation de la garantie jeunes ou risquent de n’y parvenir qu’au détriment des actions qu’elles mènent auprès de l’ensemble des autres publics jeunes.
Je souhaiterais donc connaître, madame la ministre, les mesures que vous envisagez de prendre à court terme, dès l’année en cours, pour conforter l’action des missions locales et réussir la généralisation de la garantie jeunes.
Monsieur le député, je vous remercie de souligner l’investissement et le travail accompli au quotidien par les conseillers des missions locales. Leur action dépasse bien souvent le strict accompagnement à l’emploi et s’apparente à un travail social et administratif – leur rôle, on l’a vu, est essentiel pour l’entrée dans le dispositif de garantie jeunes.
Les missions locales sont en première ligne pour déployer les dispositifs majeurs de la politique de l’emploi en direction des jeunes. Depuis 2012, nous avons en effet conforté leur rôle, en leur confiant la gestion des emplois d’avenir et de la garantie jeunes. Cela s’est traduit, en 2014, par une augmentation de 10 millions d’euros des crédits de fonctionnement qui leur sont versés par l’État. En 2016, les financements de l’État ont été consolidés de 2 millions supplémentaires, pour atteindre 191 millions d’euros. S’y ajoutent 25 millions d’euros de crédits d’accompagnement au titre des emplois d’avenir, enveloppe pratiquement stable alors même que de nombreuses sorties de contrats d’avenir ont lieu actuellement. Cela dit, je comprends parfaitement les difficultés que peuvent rencontrer certaines missions locales.
Pour financer la garantie jeunes – 1 600 euros par jeune, sans compter les coûts d’infrastructures liés à l’installation, que vous avez évoqués –, 69,4 millions d’euros ont été programmés en 2016. Par ailleurs, 60 millions d’euros sont dédiés aux projets des missions locales dans le cadre de l’initiative européenne pour l’emploi des jeunes. J’ai d’ailleurs demandé que cette initiative européenne en direction des jeunes soit prolongée.
J’ai été interpellée par de nombreux syndicats représentant les missions locales. Les situations étant très hétérogènes d’un territoire à l’autre, j’ai confié à l’IGAS – l’inspection générale des affaires sociales – une mission sur le modèle économique des missions locales, en lui demandant de me remettre impérativement son rapport en septembre prochain, afin que nous ayons un débat éclairé au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2017. Cette analyse vise précisément à comparer le coût réel des mesures nationales et les crédits qui leur sont alloués. Ce rapport, qui nous sera remis début septembre, peut-être même dès cet été, sera essentiel pour éclairer nos débats.
Vous avez aussi évoqué la complexité des financements européens, que j’ai pu constater à la mission locale de Marseille. J’ai mobilisé la Caisse des dépôts et consignations pour voir si elle ne pourrait pas nous aider à effectuer une sorte de tuilage entre les différents financements. Ce travail est en cours, tout comme celui que je mène actuellement à propos des écoles de la deuxième chance. Nous constatons certes des signes de fragilité mais, s’agissant de la généralisation de la garantie jeunes, je suis certaine que le rapport de l’IGAS sera très éclairant.
Au 1er janvier 2017, tout jeune en situation de précarité, sans emploi ou sans formation, devra pouvoir demander à bénéficier de la garantie jeunes dans n’importe quelle mission locale.
Madame la ministre, la réforme du marché du travail dont nous aurons à débattre la semaine prochaine n’est pas la seule réforme que vous portez, que nous portons, depuis quatre ans. Elle s’intègre dans un ensemble dont la portée est plus vaste que la seule question du marché du travail.
Lutter contre le chômage, en faire la première des priorités, c’est d’abord un choix politique.
Certains peuvent en effet considérer que le chômage est finalement le prix à payer dans le cadre de politiques économiques essentiellement libérales, oubliant que l’entreprise n’existe pas sans les salariés, et les salariés sans les chefs d’entreprise.
Nous avons choisi de préserver notre modèle social en le modernisant, loin des conservatismes de toutes natures, et en l’adaptant, car c’est nécessaire, aux mutations incontournables de la société et de notre environnement économique. Nous construisons avec vous des droits réels, au lieu de nous arc-bouter sur des droits formels.
Madame la ministre, pouvez-vous nous rappeler, rapidement mais précisément, les différentes politiques que nous avons mises en oeuvre de manière cohérente, depuis quatre ans, en conjuguant modèle social français et modernité ?
Madame la députée, vous avez raison de rappeler que notre attachement au modèle social français s’accompagne d’une volonté de moderniser notre pays. C’est l’immobilisme qui mine notre modèle social, auquel nous sommes tant attachés.
Nombre de pays européens s’interrogent aujourd’hui sur les réformes à conduire pour faciliter l’entrée dans le monde du travail, qui a profondément évolué avec le passage d’une ère industrielle à une ère de service. Mais il ne faut pas négliger le fait que nos pratiques de consommateurs ont également joué un rôle dans cette évolution : n’oublions jamais que nous avons une part de responsabilité.
Depuis le début du quinquennat, la France a mené des réformes importantes pour s’adapter à ce nouvel environnement, vous avez raison de le souligner car il faut toujours le rappeler. Je pense d’abord évidemment à la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi ; je pense aussi à la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, que Christophe Cavard a évoquée tout à l’heure ; je pense enfin à la loi du 17 août 2015, tout aussi essentielle, dont je n’ai pas encore publié tous les décrets, ce qui ne saurait tarder. Ce sont autant de jalons qui ont posé les fondements d’un nouveau modèle social.
Le projet de loi qui sera débattu à partir du 3 mai parachève les fondements de ce nouveau modèle social.
Depuis 2012, grâce à ces lois cohérentes, constantes, les salariés ont été dotés de nouvelles protections, attachées à leur personne et non à leur emploi, qui les accompagnent donc tout au long de leur parcours. Car le temps où nous avions un employeur unique tout au long de notre parcours professionnel est révolu : les salariés changent d’employeurs et passent parfois du statut de salarié à celui de chef d’entreprise. C’est ce qui a motivé l’instauration du compte personnel de formation. Nous avons également créé les droits rechargeables à l’assurance chômage, généralisé la complémentaire santé et la portabilité de la prévoyance.
Par ailleurs, nous avons renforcé la capacité d’adaptation des entreprises et leur avons permis de mieux anticiper, grâce à la représentation des salariés dans les conseils d’administration et à leur consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise. C’est essentiel : il ne peut pas y avoir de climat de confiance dans l’entreprise sans loyauté et sans transparence.
Et puis nous avons renforcé la capacité d’adaptation des entreprises aux enjeux stratégiques, par des accords de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences : au moment où certains métiers connaissent des mutations, c’est important.
Nous avons introduit une alternative au licenciement, avec un régime d’activité partielle modernisé et les accords de maintien dans l’emploi.
La gouvernance sociale des entreprises a, elle aussi, été profondément rénovée, avec les négociations obligatoires regroupées autour de trois temps forts.
Dans ces évolutions, les partenaires sociaux ont souvent été moteurs, en négociant des accords nationaux interprofessionnels, par la suite transcrits dans la loi par les parlementaires.
Dans le même temps, un effort sans précédent a été conduit pour restaurer la compétitivité et les marges de nos entreprises. Nous n’avons pas de vision manichéenne : je crois en effet qu’il n’y a pas employés sans employeur et, inversement, nous voyons bien qu’il n’y a pas d’entreprise sans salariés.
Face à l’ampleur des transformations en cours, il est nécessaire d’aller plus loin et de créer de nouveaux modes de relations sociales. Le projet de loi dont vous débattrez bientôt est pleinement cohérent avec la politique que nous menons depuis le début de ce quinquennat et répondra à tous ces enjeux.
Madame la ministre, c’est une coïncidence heureuse que nous offre le groupe de l’Union des démocrates et indépendants, puisque nous débattons de la politique de l’emploi au lendemain même du jour où, pour la première fois depuis seize ans, la France connaît une baisse significative du chômage. Pour autant – vous l’avez dit et répété depuis hier –, il n’est pas question de se réjouir exagérément, d’abord parce qu’en matière d’emploi les à-coups sont, hélas ! fréquents et, surtout, parce qu’il reste évidemment un nombre trop élevé de chômeurs.
Mais il n’est pas interdit non plus de faire le lien entre ce bon chiffre et la politique menée depuis quatre ans en faveur de l’emploi par ce gouvernement.
Je ne peux pas être exhaustif en deux minutes mais je voudrais citer les mesures les plus emblématiques, à commencer par le pacte de responsabilité : intégrant le CICE, il a fait le bon choix d’alléger les cotisations patronales pour redonner de la compétitivité et du souffle à nos entreprises, confrontées au quotidien à une compétition mondiale exacerbée. Ces 41 milliards ont permis aux entreprises d’investir, de renforcer la formation de leurs salariés et de conquérir de nouveaux marchés. Ce n’est pas un cadeau fait aux patrons, comme on l’entend parfois, mais aux salariés eux-mêmes.
Je citerai aussi, au titre des actions significatives et ambitieuses du Gouvernement, le plan emploi, visant à former au plus vite 500 000 demandeurs d’emploi, ainsi que la prime à l’embauche de 2 000 euros pour les TPE, dont on a pu mesurer l’efficacité immédiate.
L’ensemble de ces mesures explique sans aucun doute l’amélioration des chiffres du chômage au cours du dernier trimestre. La loi travail, dont l’examen commencera ici même la semaine prochaine, renforcera le dispositif pour l’emploi. En donnant la priorité au dialogue social et à la négociation collective, elle devrait renforcer la confiance entre les partenaires et donc créer un climat propice à la création d’emplois.
Mais une question, apparemment sans solution, se pose à nos concitoyens : comment se fait-il, alors que la situation de l’emploi est à ce point dégradée, que nous ne parvenions pas à pourvoir les milliers d’emplois vacants dans l’hôtellerie, la restauration ou l’aide à la personne ?
Monsieur le député, vous avez bien fait de rappeler le chiffre que nous avons annoncés hier : 60 000 demandeurs d’emploi en moins. Je tiens à souligner que, ce mois-ci, toutes les catégories d’âge – les seniors, les jeunes et les 25-49 ans – ont profité de cette amélioration ; c’est une très bonne nouvelle. Pour autant, nous ne devons pas faire preuve de triomphalisme.
Ce qui compte, je le dis chaque mois, c’est d’examiner les chiffres dans le temps pour repérer une tendance. Or la tendance semble positive : au cours des trois derniers mois, 50 000 chômeurs de catégorie A ont trouvé un emploi, ce qui conforte la diminution du taux de chômage des jeunes.
Mais mon rôle n’est ni de me satisfaire de ces résultats, ni de pronostiquer une inversion de la courbe du chômage ; mon rôle, c’est d’agir. C’est ce que le Gouvernement fait depuis 2012 et, encore récemment, avec le plan pour l’emploi, que vous avez évoqué. La prime « Embauche PME », j’en ai déjà parlé et vous l’avez évoquée, peut vraiment accélérer le rythme des créations d’emplois.
Reste le problème des emplois non pourvus, vous avez raison : avec un tel taux de chômage, comment comprendre que des métiers soient en tension dans notre pays ? Il y a plusieurs raisons à cela.
Sachant que près de 2 millions de demandeurs d’emploi ont un niveau inférieur au bac, nous menons, depuis début décembre, un travail associant l’ensemble des services de l’État, Pôle emploi et les branches professionnelles, en vue de déterminer, dans chaque bassin d’emploi, les offres d’emploi non pourvues. Ce travail fin a permis d’élaborer, avec les présidents de région, le plan « 500 000 formations supplémentaires ».
L’objectif n’est pas de former pour former mais de former utile, c’est-à-dire de former en direction des métiers en tension, en privilégiant l’idée de parcours des demandeurs d’emploi, avec les outils comme le contrat de professionnalisation ou la préparation opérationnelle à l’emploi, là où il existe une demande de la part des chefs d’entreprise.
Il existe aussi des secteurs d’avenir, notamment ceux liés à la transition énergétique. L’Association pour la formation professionnelle des adultes – AFPA – de l’Essone, dont j’ai visité les services hier, avec Clotilde Valter, forment aux métiers qu’ils offrent.
Vous avez cité plusieurs secteurs : les services à la personne, 100 000 perspectives d’embauche ; l’hôtellerie-restauration, 75 000 intentions d’embauche. D’après la DARES, les métiers en tension, dans lesquels les postes ne sont pas pourvus – et je ne considère pas qu’un emploi de deux heures par semaine comme femme de ménage en fasse partie – représentent 150 000 à 200 000 emplois.
Après ce travail fin auquel nous nous sommes livrés, nous oeuvrons dorénavant à mettre en adéquation l’offre de formation avec les besoins de ces métiers en tension. En effet, dans 80 % des cas, c’est à cause du manque de qualification que les emplois n’y sont pas pourvus. C’est tout l’enjeu du plan « 500 000 formations supplémentaires ».
Nous voulons donc préparer les secteurs d’avenir, avec la Grande école du numérique et les 170 fabriques du numérique que nous avons développées, notamment en direction des jeunes, sur le territoire national, créer des emplois dans les métiers d’avenir découlant de la transition énergétique et pourvoir les postes vacants dans les métiers en tension.
Madame la ministre, bien que trop instables pour laisser entrevoir une réelle embellie, les chiffres du chômage publiés hier sont encourageants. Un chiffre retient cependant mon attention : celui du chômage des seniors. Parmi ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi figurent, bien sûr, les jeunes, notamment les moins qualifiés, mais aussi les plus âgés.
Depuis 2008, le nombre de demandeurs d’emploi seniors a augmenté plus vite que celui des autres tranches d’âge, et de manière continue. Pour la seule année 2015, ce taux a crû de 8,4 %. La probabilité de retour à l’emploi des seniors est aussi deux fois plus faible que pour les autres. En conséquence, les chômeurs de longue durée sont surreprésentés parmi eux. Les salariés les moins qualifiés ou ayant effectué des travaux pénibles arrivent rarement à l’âge de la retraite en étant toujours en emploi. Quant à l’accès à la formation des salariés les plus âgés, il est plus faible que celui des autres, ce qui les éloigne encore davantage d’un retour à l’emploi. Avec un taux d’activité proche de 45 %, malgré tous les dispositifs mis en place pour favoriser l’embauche ou le maintien dans l’emploi des seniors, le problème reste crucial.
Comme nombre de mes collègues, je reçois à ma permanence des demandeurs d’emploi seniors bardés de qualifications et de compétences avérées, animés souvent par une volonté farouche et une réelle motivation à retrouver un emploi, l’oeil dramatiquement rivé sur l’échéance angoissante de la retraite prochaine, qui risque d’être incomplète. Cette situation est très difficile pour ceux qui la vivent et n’est pas sans effets sur leur vie personnelle, familiale, voire sociale. Aux difficultés liées à l’emploi, ou plutôt à l’absence d’emploi, se greffent souvent des problèmes de santé, parfois physiques ou psychiques, très difficiles à vivre.
Madame la ministre, quels moyens particulièrement ciblés sur nos demandeurs d’emploi seniors pouvez-vous amplifier afin de leur apporter des solutions ?
Madame la députée, je partage tout à fait votre analyse concernant le chômage des seniors, la désespérance et les problèmes, notamment psychologiques, qu’il entraîne. C’est une priorité constante.
Je me dois néanmoins de vous rappeler que le taux d’activité des 55-64 ans progresse depuis quatre ans et atteint 50,7 % en 2014. Ce n’est bien sûr pas suffisant mais c’est la conséquence d’un ensemble de réformes qui a incité à la prolongation de l’activité professionnelle et à changer le regard sur les seniors. Vous n’en avez pas moins raison : ceux-ci demeurent plus exposés au risque du chômage que le reste de la population et le nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans inscrits à Pôle emploi en catégorie A a continué d’augmenter plus vite que pour les autres classes d’âge.
Les chiffres de mars dernier attestent, pour la première fois depuis février 2008, d’une baisse du nombre de demandeurs d’emploi seniors sur un mois, de l’ordre de 8 600. Nous sommes tout à fait conscients de l’insuffisance de ces résultats.
Cela dit, les chiffres de Pôle emploi s’expliquent en grande partie par la suppression de la dispense de recherche d’emploi intervenue en janvier 2012. Les demandeurs d’emploi seniors restent donc inscrits à Pôle emploi, contrairement à ce qui prévalait avant cette date. Les politiques de l’emploi doivent donc leur porter une attention particulière, qui passe notamment par les emplois aidés et l’accès à l’accompagnement renforcé de Pôle emploi, c’est essentiel. Cela passe également par le contrat de génération, dispositif réservé aux entreprises de moins de 300 salariés qui a permis près de 54 000 recrutements ou maintiens en emploi de seniors. Dans les plus grandes entreprises, les engagements contenus dans les accords contrat de génération prévoient le maintien en emploi de plus de 290 000 salariés âgés, auxquels s’ajouteront près de 12 000 embauches de senior sur les trois prochaines années.
La lutte contre le chômage des seniors s’est également traduite par la mise en oeuvre de dispositifs innovants. Un contrat de professionnalisation « Nouvelle carrière » est adapté aux seniors : d’une durée plus courte, il est assorti de formations appropriés, en particulier pour les publics maîtrisant déjà un métier. Les possibilités de renouvellement des contrats aidés ont été élargies aux personnes de plus de 58 ans rencontrant des difficultés d’insertion particulières – j’en rencontre beaucoup sur le terrain et je peux vous dire qu’il s’agit aussi d’une vraie réponse. Les actions en faveur du maintien dans l’emploi, notamment dans le cadre de la politique de santé au travail, comprennent la prévention de la pénibilité et le droit à la formation, avec un entretien professionnel renforcé pour les plus de 45 ans. Enfin, les seniors font partie des publics cibles du plan « 500 000 formations supplémentaires », car la reconversion professionnelle leur est parfois particulièrement difficile. Nous devons donc tout faire pour les accompagner et les aider, notamment en les orientant, eux aussi, vers les métiers en tension et les secteurs d’avenir.
J’ajoute que l’École 42 a lancé en région parisienne, avec Pôle emploi, un dispositif visant à accompagner une quinzaine de seniors vers les métiers du numérique, qui fonctionne particulièrement bien. Nous voulons développer beaucoup plus massivement ce type de dispositifs.
Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Sébastien Huyghe.
Madame la ministre, nous sommes tous convaincus que l’apprentissage est une voie d’excellence et une passerelle privilégiée vers l’emploi mais nous divergeons en ce qui concerne les actes.
Je rappelle qu’entre 2009 et 2012, au plus fort de la crise économique, le nombre d’apprentis a constamment augmenté. Cette progression a été suivie d’un recul important en 2013 et 2014. Au mois de septembre 2014, le Président de la République a décrété une journée de mobilisation nationale en faveur de l’apprentissage. L’ambition était grande, symbolisée par l’objectif de 500 000 apprentis en 2017.
Malgré ces effets d’annonce, nous ne pouvons que constater les entraves supplémentaires à l’embauche d’apprentis que vous avez introduites. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, je rappelle que le Gouvernement a supprimé 500 millions d’euros de crédits d’accompagnement et que les emplois d’avenir sont entrés en concurrence directe avec l’apprentissage. Résultat : une diminution importante du nombre d’apprentis. Dans la région Hauts-de-France, une baisse immédiate de 8,5 % a été constatée après ce coup de rabot.
En outre, les trop nombreuses contraintes juridiques qui encadrent le travail des apprentis dissuadent les entreprises de s’y impliquer. L’avant-projet de loi travail contenait de réelles avancées en la matière. Malheureusement, ces dispositions ont été victimes des dissensions internes à la gauche.
Vous reculez, nous avançons. Hier, le conseil régional des Hauts-de-France a voté un plan apprentissage très ambitieux, avec des actes concrets, notamment une prime d’apprentissage de 3 000 euros et la création d’un bouquet de services pour accompagner les apprentis et des entreprises tout au long de leur contrat d’apprentissage.
Dans le contexte de réduction des dotations aux collectivités, je souhaite vous interroger sur le soutien de l’État à cette politique de valorisation de l’apprentissage. En effet, notre réussite ne peut paradoxalement que peser davantage encore sur nos finances locales. Madame la ministre, les régions doivent être les partenaires du Gouvernement dans cette ambition. Soutiendrez-vous les collectivités qui réussiront à attirer jeunes et entreprises vers ce mode de formation ? Si oui, comment ?
Madame la ministre, pour être formé, un apprenti, même mineur, doit pouvoir s’exercer au geste professionnel dans les mêmes conditions que les autres salariés de l’entreprise. Pour cela, tout apprenti doit être soumis à la même législation du travail que les autres salariés de son entreprise. C’est la condition de notre réussite commune. Êtes-vous prête à vous engager sur cette voie indispensable pour le succès de l’apprentissage ?
Monsieur le député, avec Clotilde Valter, nous partageons évidemment votre volonté de développer l’apprentissage, voie de formation essentielle. Je considère ce sujet déterminant car 70 % des jeunes en apprentissage trouvent ensuite un emploi. De plus, dans l’artisanat ou les petits commerces, les apprentis sont souvent les chefs d’entreprise de demain. C’est pourquoi aussi je développe les Olympiades des métiers et je travaille beaucoup avec certaines branches professionnelles pour faciliter les choses.
Même si le Gouvernement a effectivement fait quelques têtes à queue au début du quinquennat, je tiens à rappeler notre effort financier : en 2015, près de 280 millions d’euros supplémentaires y ont été consacrés, dont 95 millions affectés aux régions. Nous avons donc clairement renforcé les moyens consacrés à l’apprentissage.
Nous avions aussi pris l’engagement d’adapter et de sécuriser les parcours professionnels des apprentis. C’est chose faite : création d’un CDI en apprentissage, acquisition de droits à la retraite depuis le 1er janvier 2014, obligation d’accompagnement des jeunes par les CFA, réglementation relative aux travaux et aux machines dangereuses, des apprentis marins ou des métiers du bâtiment. Je travaille sur toutes ces questions. On ne peut donc pas dire que le Gouvernement n’ait rien fait en matière de réglementation.
Mais permettez-moi de revenir sur les chiffres que vous avez cités. Au cours des neuf premiers mois de la campagne d’apprentissage, près de 273 000 contrats ont été enregistrés, soit une hausse de 5 % sur la même période. Chez vous, dans la région des Hauts-de-France, les contrats d’apprentissage ont progressé de 13 % en cumul.
Avec l’aide « TPE jeunes apprentis », près de 11 800 contrats ont également été enregistrés dans le secteur public. Moi-même, au ministère, je donne l’exemple en employant actuellement deux apprentis. Et l’État s’est engagé à recruter près de 10 000 apprentis d’ici à 2017 car il s’agit d’un enjeu majeur ; nous en sommes aujourd’hui à un peu plus de 4 500. Au total, 70 000 aides « TPE jeunes apprentis » ont été demandées.
Nous avons également pris l’engagement de mieux travailler sur la question de l’orientation. Certains secteurs souffrent d’un manque d’attractivité, notamment les métiers de bouche ou certains métiers industriels. Le projet de loi que je défends prévoit d’afficher en toute transparence les taux d’insertion de chacune des voies, qu’il s’agisse de la formation professionnelle ou des CFA. C’est un élément d’information déterminant que nous devons aux familles. J’espère évidemment que vous soutiendrez cet aspect du texte.
Nous avons également travaillé sur l’ouverture des titres du ministère, que les branches professionnelles demandent depuis bien longtemps, en vue d’une meilleure adaptation aux besoins des entreprises. J’ai pris cette décision, en accord avec Clotilde Valter. Les branches professionnelles ont identifié 85 titres. J’attends les réponses de l’ensemble des présidents de régions, auxquels j’ai écrit à ce propos.
Pourquoi agir ainsi ? Un CAP Maçon se prépare en deux ans mais le titre de maçon pourrait être accordé à certains jeunes ayant appris par le geste professionnel. Il est inadmissible que des jeunes, dont le contrat d’apprentissage est rompu en décembre, soient en carafe jusqu’en septembre. De plus, cela répond à des besoins identifiés. Dès réception des réponses des présidents de régions, je suis prête à ouvrir très rapidement les quatre-vingt-cinq titres identifiés.
Il convient enfin de renforcer l’intermédiation entre les jeunes et l’entreprise. Nous souhaitons, comme vous, développer le dispositif proactif lancé par l’Association nationale des apprentis de France, mais aussi améliorer la rémunération des apprentis, notamment pour mettre un terme à l’illisibilité découlant des disparités entre les 16-18 ans, les 18-21 ans et les plus de 21 ans.
Madame la ministre, vous avez répondu il y a quelques instants, en deux mots, à la question que je souhaite vous poser et à propos de laquelle j’avais déjà pu vous interroger, au détour d’un amendement, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de M. Christian Estrosi visant à favoriser le développement de l’apprentissage.
Ma question concerne en effet les jeunes des lycées maritimes, fréquemment conduits, dans le cadre de leur formation, à rechercher des embarquements. Les patrons de pêche auxquels ils s’adressent se trouvent, quant à eux, confrontés à des conventions de stage qui, à juste titre, je le reconnais, protègent l’intégrité physique ainsi que le droit des stagiaires mais ne sont pas adaptés au métier de pêcheur.
Ces conventions rappellent les conditions d’accueil prévues par le décret du 10 mai 2006 relatif à la protection des jeunes de moins de 18 ans embarqués sur les navires. Elles prévoient, par exemple, quatorze heures de repos pour les stagiaires entre chaque marée et interdisent de travailler entre 21 heures et 5 heures du matin, alors même que les marins pêcheurs partent à la marée dès 4 heures du matin. Ces rythmes de travail sont, à l’évidence, totalement inadaptés aux horaires de la majorité des bateaux, qu’il s’agisse de petite pêche ou de pêche au large. Les armateurs craignent de se trouver en faute et d’être tenus pour responsables envers les parents de jeunes mineurs ou l’administration maritime en cas de non-respect des conventions de stage ou en cas d’accident à bord. Ils renoncent en conséquence à embarquer de jeunes marins stagiaires, si bien que ces derniers ne trouvent plus de stages pour valider leur formation.
Le 24 novembre 2015, j’avais également interrogé M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche à ce sujet : il m’avait laissé espérer qu’une solution serait trouvée pour faire face à ces difficultés et qu’un nouveau décret viendrait mettre fin à cette situation ubuesque. Vous aussi, madame la ministre, lors du débat que j’ai évoqué au début de mon intervention, m’aviez confirmé que le dossier allait évoluer. Malheureusement, je ne vois toujours rien venir.
Madame la ministre, quand pensez-vous répondre sur le fond aux patrons pêcheurs, qui demandent que cette situation soit corrigée pour leur permettre d’embarquer de jeunes stagiaires en formation dans nos lycées maritimes ?
Monsieur le député, le cas spécifique que vous évoquez est similaire à celui, que nous avons traité, concernant les jeunes en formation dans le secteur de la boulangerie, qui doivent être présents au début du cycle du pain, c’est-à-dire, le plus souvent, très tôt le matin.
Comme je m’y étais engagée devant vous, j’ai mené un travail approfondi sur ce décret relatif aux apprentis marins-pêcheurs. Il est actuellement examiné en procédure interministériel par les différents services concernés. Je devrais bientôt pouvoir vous répondre le plus précisément possible ou même, si vous le souhaitez, vous soumettre le décret avant sa publication.
Le problème est donc particulièrement bien identifié.
Madame la ministre, en 2012, François Hollande faisait de la jeunesse la priorité de son quinquennat. Quatre ans plus tard, malheureusement, la jeunesse est dans la rue et se sent trahie par un gouvernement qui lui propose, comme seules perspectives, le chômage et l’assistanat. Votre décision d’abaisser de 25 à 18 ans l’âge pour bénéficier des minima sociaux est un signal désastreux envoyé à la jeunesse.
Les jeunes, vous le savez, n’ont pas besoin de l’aumône de l’État. Ce qu’ils veulent avant tout, c’est du travail. Du reste, les emplois d’avenir n’ont d’avenir que le nom. Même s’il faut reconnaître que vous avez atteint vos objectifs quantitatifs, d’un point de vue qualitatif, le compte n’y est pas. Ce dispositif a surtout servi à sortir temporairement une partie des jeunes des statistiques de Pôle emploi. Je ne comprends pas votre obsession à mettre en place des emplois aidés, qui fonctionnent mal, au détriment de l’apprentissage, pourtant une voie d’excellence pour les jeunes désireux d’apprendre un métier.
Une des premières décisions du Gouvernement en 2012 – vous l’avez citée tout à l’heure – a été de diminuer les crédits alloués à l’embauche des apprentis, cassant ainsi la dynamique que nous avions commencé à lancer sous le quinquennat précédent. Ce choix est incompréhensible quand on sait que – vous l’avez également souligné – 70 % des apprentis trouvent directement un emploi à la fin de leur formation et que le taux de chômage des jeunes en France atteint 25 %.
Notre système est en panne et a besoin d’être réformé en profondeur. Il faut redorer l’image de l’apprentissage, trop souvent comparé à une voie de garage pour les élèves décrocheurs, mettre fin à la lourdeur des contraintes administratives, qui dissuadent les entreprises de prendre des apprentis, et rétablir les classes de préparation à l’apprentissage en quatrième et en troisième, ce qui permettra aux élèves le souhaitant de mieux se préparer au monde de l’entreprise.
Madame la ministre, quand allez-vous réellement encourager l’apprentissage des jeunes plutôt que l’assistanat ? Quand allez-vous enfin lever les freins qui entravent l’accès des jeunes au monde du travail ?
Madame la députée, j’ai parlé à l’instant de l’apprentissage. Vous avez entendu mes propos. Nous ne nous sommes pas contentés de paroles puisque plus de 285 millions d’euros ont été consacrés à ce dossier, dont 95 millions d’euros supplémentaires pour les régions. J’ai également évoqué notre investissement concernant l’ouverture des titres professionnels délivrés par les ministères. Ce débat dure depuis vingt ans : avez-vous réglé le problème ? Non. Vous avez également pu entendre que le chômage des jeunes diminue depuis fin 2014. Dois-je vous rappeler que plus de 100 000 jeunes sont devenus chômeurs sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy ? Si nous voulons avoir un débat serein, il est essentiel, je crois, de partir des réalités.
Ainsi, le mot « assistanat » n’est absolument pas approprié. Tout le monde souligne la qualité du rapport remis par Christophe Sirugue. En début d’après-midi, Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a rappelé, en répondant à une question sur le RSA jeunes, deux dispositifs mis en place par le Gouvernement. Le premier est la prime d’activité pour les jeunes qui travaillent, notamment pour les apprentis ; c’est la première fois, justement, que les caisses d’allocations familiales nous disent voir arriver une nouvelle population, celle des apprentis. Près de 400 000 jeunes ont bénéficié de cette prime depuis le 1er janvier dernier. Le second est la garantie jeunes, qui n’est pas une allocation mais un dispositif d’accompagnement pour des jeunes volontaires et motivés ; c’est un contrat gagnant-gagnant.
Les missions locales ont des moyens, je l’ai rappelé tout à l’heure et le Gouvernement continue dans cette voie. Interrogez n’importe quel jeune parmi les 50 000 bénéficiaires de la garantie jeunes : il vous dira ce qu’elle lui apporte. Et si nous avons ciblé le dispositif sur les jeunes sortant du système scolaire sans diplôme, c’est qu’ils sont nombreux : ils étaient 150 000 tous les ans, ils sont désormais 110 000. Soyons fiers d’avoir réduit ce chiffre mais il faut continuer.
Quant aux contrats d’avenir, je suis d’accord avec vous, en période de plein-emploi, on peut s’interroger sur l’utilité des contrats aidés. En revanche, toutes les études montrent leur intérêt lorsqu’ils sont d’une durée suffisamment longue et ciblent les publics qui en ont le plus besoin. J’ai déjà évoqué les seniors et les personnes en situation de handicap. Je peux vous parler également des jeunes issus des quartiers populaires. Une campagne de sensibilisation contre les discriminations est actuellement menée : à diplôme égal, le chômage est deux fois supérieur dans ces quartiers.
Il faut non seulement que ces contrats aidés soient ciblés sur les jeunes du public prioritaire, qui, autrement, n’auraient aucune expérience professionnelle mais aussi qu’ils soient suffisamment longs et de surcroît accompagnés d’une formation. Tous les mois, je demande aux préfets de région l’indicateur de formation : lorsque, dans une région, le taux de formation atteint à peine 50 %, je peux vous assurer que, le mois suivant, celui-ci augmente. C’est essentiel.
Nous travaillons actuellement sur les sorties d’emplois d’avenir. Les contrats CIE-Starter, que nous avons mis en place dans le secteur marchand, fonctionnent très bien, surtout lorsqu’ils débouchent sur des CDI. Notre politique, qui est diversifiée, permet donc, en ciblant les publics les plus prioritaires, de diminuer le chômage des jeunes. Il ne faut donc pas caricaturer notre action. Il convient d’agir dans la durée, j’en ai conscience, avec détermination et en ciblant toujours ceux qui sont les plus exclus du marché de l’emploi.
Madame la ministre, dans une semaine débutera l’examen en séance publique de votre projet de loi relatif au droit du travail. Après le rapport Combrexelle de 2015, il existait un véritable consensus entre les syndicats, le patronat et les responsables politiques sur la nécessité de réformer notre code du travail. Or vous avez réussi le tour de force d’aborder cette réforme dans un climat social qui n’a jamais été aussi délétère. la responsabilité vous en incombe, ou du moins au gouvernement auquel vous appartenez.
Vous n’avez pas respecté la loi Larcher de 2007, qui prévoit de soumettre aux partenaires sociaux tout projet de réforme du droit du travail, et vous vous apprêtez une nouvelle fois à amputer les droits du Parlement en ayant recours à la procédure accélérée. Sans consultation ni explication – ce n’est pas la lettre que vous avez évoquée qui me démentira car elle est insuffisante –, sans aucune stratégie non plus, vous avez subitement présenté un texte lourd de près de 200 pages, difficile à comprendre par nos concitoyens et qui a immédiatement provoqué la foudre des syndicats, des organisations de jeunesse et de votre propre majorité.
Votre belle ambition du début n’a pas résisté une seconde aux quelques mouvements de rues et aux gesticulations issues de vos propres rangs : elle s’est muée en autant de renoncements et de reculades, qui condamnent toute perspective de simplification et de libertés.
Alors que, partout en Europe, qu’il s’agisse de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Italie ou de l’Espagne, les indemnisations de licenciement sont encadrées par un barème clair, alors que partout les accords d’entreprise sont privilégiés et les procédures assouplies en cas de difficultés économiques, vous cédez une fois encore aux vieux dogmes socialistes qu’une poignée d’exaltés refuse de voir s’éteindre.
Madame la ministre, au lendemain de cette prétendue réforme, le code du travail restera ce mastodonte de complexité aux voies impénétrables pour le commun des chefs d’entreprises, notamment des PME et TPE. Vous pourrez encore clamer que « la France va mieux », comme pour mieux vous en convaincre. Demeure une question de fond, qui n’est pas technique mais politique. Je rebondis sur les propos de ma collègue socialiste, mais de manière symétrique : à l’évidence, les PME n’attendent pas que vous les aidiez, mais que vous les laissiez respirer et se développer et que vous introduisiez de la liberté dans leur économie.
Aujourd’hui, 90 % des Français ne vous font plus confiance ; peut-être est-ce parce que vous-même ne faites pas confiance aux Français, notamment aux dirigeants des PME. Avez-vous compris que ce n’est pas vous qui créez de l’emploi, mais les entreprises, et que votre rôle n’est pas de les entraver ni de les suradministrer mais de les libérer des barbelés de normes et de charges dans lesquels vous les avez enfermés ? J’aimerais connaître votre sentiment sincère et franc sur ce sujet. Souhaitez-vous libérer l’économie des PME ?
Monsieur le député, s’agissant de la forme, vous prétendez que je n’ai pas respecté la loi Larcher, ce qui est absolument faux. Une semaine après ma nomination, le rapport Combrexelle a été remis au Premier ministre et à moi-même. Je l’ai alors adressé aux organisations syndicales et patronales, accompagné d’un courrier leur proposant d’ouvrir une négociation sur cette base. Elles ne l’ont pas souhaité. Nous avons donc mis en place une concertation. Le document d’orientation leur a été adressé : c’est le rapport de Jean-Denis Combrexelle. Le Conseil d’État a du reste validé la procédure. Nous avons donc parfaitement respecté l’article 1er de la loi Larcher.
Je reconnais, en toute honnêteté, que l’article relatif aux licenciements économiques est arrivé tardivement et qu’il n’avait pas fait l’objet d’une concertation. C’est la raison pour laquelle, loin de céder à la rue, nous avons pris quinze jours pour relancer la concertation avec les partenaires sociaux. Le projet de loi a ensuite été présenté devant la commission des affaires sociales. J’étais présente à ses réunions, aux cours desquelles nous avons eu l’occasion de discuter ensemble du texte.
Je partage tout à fait l’esprit, la philosophie et l’issue du rapport Combrexelle. Je pense que notre pays doit avancer. Nous devons sortir de certaines postures : celles d’organisations patronales qui, parfois, veulent négocier mais sans les syndicats ; celles de certaines organisations syndicales qui ne sont favorables qu’aux dispositions législatives et refusent les accords d’entreprise, alors que ces derniers existent depuis 1982 et que, bien souvent, elles les signent à près de 80% ; celles, enfin, des pouvoirs publics, qui, depuis toujours, verrouillent avec force la capacité à négocier.
Je défends l’idée de l’ouverture de l’objet de la négociation. Pourquoi ? Parce que nous devons passer d’une culture de l’affrontement à une culture du compromis. Ce faisant, il ne s’agit pas de signer un chèque en blanc aux entreprises. Nous devons être capables de donner aux acteurs – les salariés, les organisations syndicales et les entreprises – la possibilité de se mettre d’accord.
Il doit en être ainsi de l’organisation du temps de travail, qui touche au quotidien des salariés et doit respecter le principe majoritaire. Je crois beaucoup à la possibilité de mieux répondre à un pic d’activité ou de commandes. Et je n’oppose pas la performance sociale à la performance économique. Notre pays doit travailler dans cette voie en développant la culture du compromis. Voilà le coeur du projet de loi, et il n’a absolument pas été affecté en quoi que ce soit.
Le texte sorti de la discussion en commission des affaires sociales, grâce au travail réalisé par le rapporteur, Christophe Sirugue, et par la présidente, Catherine Lemorton, ciblera même davantage encore les TPE et les PME. Par exemple, vous m’avez interrogé sur la question du barème indicatif des prud’hommes, qui permet de faire converger les décisions de justice : il sera probablement arrêté au moment de la promulgation de la loi. L’UPA – Union professionnelle artisanale – a, quant à elle, posé la question de la provision pour risques et charges en cas de contentieux : l’article relatif à ce sujet a été proposé par les députés en commission des affaires sociales. Il convient également de préciser et de clarifier, je crois, les motifs de licenciement économique et il est important, en la matière, de différencier les grands groupes des petites entreprises ; il s’agit, là encore, d’une proposition des députés.
Ces mesures, qui permettront de faire avancer le pays, sont inscrites de manière intacte dans le projet de loi. Cessons les caricatures et les postures ! Étant de nature combative, j’ai hâte de défendre ce texte, dont l’examen commencera le 3 mai prochain, car nous pourrons enfin parler de ce qu’il contient réellement. J’espère que vous partagerez sa réalité.
Madame la ministre, j’ai eu l’occasion de vous faire part, à plusieurs reprises, de nos désaccords sur l’ossature de ce projet de loi, que vous appelez d’ailleurs votre loi, dans des termes qui me font penser que, contrairement à nous lorsque nous défendons nos points de vue, vous n’avez peut-être pas toujours l’emploi et l’économie en ligne de mire.
Je garde toutefois ce débat pour la semaine prochaine. Je préfère vous interroger ce soir sur le grand absent de ce texte : la façon dont on rend possible la recréation d’emploi.
En effet, si nous nous sommes beaucoup appesantis sur les manières de limiter les destructions d’emplois et d’accompagner les entreprises en difficulté, en revanche, nous n’avons pas évoqué la façon dont on facilite la recréation d’emplois. C’est pourquoi les PME et les TPE, en particulier – je rejoins pleinement, sur ce point, mon collègue Yves Censi –, se tournent aujourd’hui vers le niveau local, celui des collectivités territoriales, lorsqu’elles connaissent des phases positives de développement et de diversification.
Les collectivités locales sont conscientes de quatre réalités. Un, elles ont le devoir de fournir autant de travail que possible aux entreprises présentes sur leur territoire par le biais de l’investissement, ce que la baisse des dotations rend difficile. Deux, elles essaient d’accompagner les emplois existants par les dispositifs d’aides directes qu’elles ont mis en oeuvre et qui sont également difficiles à financer. Trois, elles s’efforcent aussi de pallier certains des manques des dispositifs existants en mettant en regard les demandeurs d’emploi et les offres d’emploi – je peux vous citer des dizaines d’exemples de TPE et PME qui recherchent des salariés et ne les trouvent pas, malgré le taux de chômage que nous connaissons. Quatre, elles sont également en besoin lorsqu’elles ont des projets d’investissement, notamment en matière d’infrastructures ou d’immobilier.
Ces messages, les collectivités locales les portent de plus en plus difficilement, au moment où la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », prive les départements de leurs compétences en matière économique et où les régions prennent difficilement le pas sur les questions d’emploi et d’économie. Si je prends l’exemple de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, où Yves Censi et moi sommes élus, celle-ci, à l’heure actuelle, pour traiter ces questions, n’a prévu aucune modélisation de processus de substitution aux dispositifs existant dans les départements.
En tant que ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, comment imaginez-vous l’accompagnement des territoires, porteurs de ces dynamiques positives mais qui ne disposent plus des outils permettant de les mettre en oeuvre ?
Monsieur le député, nous avons pris de nombreuses mesures visant à aider les TPE et les PME, notamment pour baisser le coût du travail – j’ai déjà évoqué cette question –, avec le pacte de responsabilité, le CICE et l’aide « Embauche PME », utilisés pour 60 % par les TPE. Cette aide a donc été bien ciblée. Elle est simple et lisible, comme le prouvent les 225 000 demandes en près de trois mois, concernant des CDI à hauteur de 60 % et des CDD de plus de six mois pour les 40 % restants. Et toutes les catégories d’âge sont concernées.
Je rencontre de nombreux chefs d’entreprise qui louent l’efficacité de cette mesure, parce qu’elle est simple et lisible : de 1 à 1,3 SMIC, les employeurs sont exonérés de cotisations patronales. La question du coût du travail était donc essentielle, et nous l’avons prise en compte.
Au-delà de ce sujet, vous avez évoqué l’adéquation entre l’offre et la demande. Sur ce point, j’ai déjà répondu tout à l’heure à Michel Issindou.
Comment avons-nous bâti le plan « 500 000 formations supplémentaires » ? Nous sommes partis des besoins en matière d’emploi de chaque entreprise, bassin d’emploi par bassin d’emploi. Nous avons interrogé les directeurs de Pôle emploi, ainsi que les DIRECCTE. En 2015, nous avons nommé 4 000 conseillers dédiés aux entreprises au sein de Pôle emploi : ils ont identifié les métiers qui connaissaient des tensions – entre 150 000 et 200 000 – et recensé les intentions d’embauche. Dans 80 % des cas, les difficultés étaient liées à un manque de qualification. Par ailleurs, nous avons pris en compte les métiers d’avenir, dans les domaines de la transition énergétique, du numérique, dans les services à la personne, l’hôtellerie ou encore la restauration, qui connaissent des difficultés de recrutement.
Nous avons recensé tous les besoins à partir du mois de décembre. Sur cette base, nous avons bâti, avec les présidents de région, des plans de formation s’inscrivant dans des parcours. Nous avons développé des outils comme les préparations opérationnelles à l’emploi, collectives ou individuelles – les secondes marchent souvent beaucoup mieux que les premières –, et les contrats de professionnalisation. D’ailleurs, l’aide à l’embauche pour les PME est aussi accessible aux contrats de professionnalisation. Le projet de loi dont nous commencerons à discuter le 3 mai prochain – notez bien que je ne parle pas encore de loi – prévoit justement une expérimentation autour du contrat de professionnalisation, notamment dans certaines branches professionnelles.
Nous avons donc réalisé un travail avec les chambres de commerce et les branches professionnelles, bassin d’emploi par bassin d’emploi.
Vous avez posé la question des territoires. Nous avons déjà eu ce débat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, concernant notamment les maisons de l’emploi. Comme vous le savez, je n’ai pas souhaité sabrer les budgets des maisons de l’emploi : au contraire, j’ai invité l’ensemble des préfets à étudier, dans les territoires, la façon dont nous pourrions cibler la mission de ces maisons sur la question de l’adéquation entre l’offre et la demande et sur celle des besoins des entreprises en termes de compétences et de mutations. Ce travail est en cours : il nous permettra d’avoir un débat très serein et sincère, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, sur les apports potentiels des maisons de l’emploi, qui constituent un très bel outil en soutien de nos politiques de l’emploi.
Il est bien évidemment essentiel de parler d’investissement : je veux donc citer l’action de la Banque publique d’investissement – BPI –, signataire de nombreuses conventions, et le crédit d’impôt recherche.
Au-delà de ces divers outils, il convient de réfléchir à la façon dont nous pouvons mieux organiser la gestion des compétences sur le territoire au niveau des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP. Ces comités pourraient agir en soutien des entreprises, puisqu’ils réunissent à la fois les organisations patronales et syndicales.
Merci, madame la ministre, pour toutes ces réponses très précises.
Nous avons terminé les questions sur la politique gouvernementale en matière d’emploi.
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.
L’ordre du jour appelle les questions sur les projets d’accords de libre-échange.
La Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse. Je demande à tous les orateurs de bien vouloir respecter ce temps de parole.
Nous commençons par les questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. François Asensi.
Monsieur le secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie, le treizième cycle de négociations du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement – Transatlantic Free Trade Area, ou TAFTA – vient de débuter ce lundi 25 avril. L’objectif est de conclure un accord entre l’Europe et les États-Unis avant la fin de l’année 2016 et le terme du mandat du président Obama. Pourtant, le Parlement français n’est toujours pas informé du cours de ces négociations, alors que les enjeux sont fondamentaux. Le manque de transparence et l’absence totale de débat nous poussent aujourd’hui à imposer ce sujet à l’ordre du jour de notre assemblée.
Monsieur le secrétaire d’État, vous acceptez que les négociations soient menées dans un cadre foncièrement antidémocratique. Le pouvoir de codécision du Parlement européen n’est absolument pas respecté par la Commission européenne. Sans donner plus d’informations sur l’avancée des discussions, c’est la Direction générale du commerce de la Commission européenne qui négocie au nom des États membres, alors qu’elle n’a aucune légitimité démocratique.
Nous vous demandons solennellement de prendre vos responsabilités pour que la démocratie cesse d’être bafouée. Nous appelons le Gouvernement à organiser un référendum sur la participation de notre pays au partenariat transatlantique, afin que le peuple soit informé des conséquences d’un tel accord et puisse décider de son avenir.
Vous ne pouvez faire fi de cette opposition aux accords de libre-échange, qui grandit chaque jour. Plus de 3 millions de citoyens ont signé la pétition européenne contre le projet, tandis que près de 650 collectivités territoriales ont fait acte de résistance en se déclarant en dehors de la zone couverte par le TAFTA et le Comprehensive Economic and Trade Agreement – CETA –, conclu avec le Canada.
Quand allez-vous entendre la colère des Européens et décider d’organiser ce référendum que nos concitoyens demandent ?
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie.
Monsieur le député, permettez-moi d’abord de remercier votre groupe, qui a pris l’initiative de ces questions sur les accords de libre-échange.
Je vous prie d’excuser M. Fekl, en déplacement en Côte d’Ivoire pour un important forum économique, qui regrette beaucoup de ne pas être devant vous, tant il suit de près toutes ces questions.
Vous avez raison, monsieur le député : l’opacité dans laquelle se déroulent ces négociations ne correspond pas à notre conception de la démocratie. En effet, la transparence dans les négociations commerciales est indispensable pour garantir la légitimité des accords. C’est pourquoi mon collègue Matthias Fekl a fait de la transparence une priorité dans la négociation.
Depuis le début de l’année, une salle de lecture des documents relatifs au Transatlantic Trade and Investment Partnership – TTIP – est ouverte au Secrétariat général des affaires européennes, le SGAE. Les parlementaires ont accès aux comptes rendus exhaustifs, mais aussi aux documents consolidés.
L’ouverture de cette salle est le fruit des efforts de M. Fekl en faveur de la transparence. Je rappelle en effet que les États-Unis refusaient jusqu’ici qu’un accès à Paris soit ouvert dans une administration nationale. Ils voulaient contraindre les membres du Gouvernement et les représentants de la nation que vous êtes à se rendre dans leur ambassade pour consulter les documents. C’était inacceptable.
Nous avons conscience que les conditions d’accès au SGAE peuvent être contraignantes. Nous travaillons à les améliorer, mais elles sont identiques pour tous les parlementaires en Europe.
Le Gouvernement a construit un véritable « agenda de la transparence », qui s’adresse aux parlementaires mais également à nos concitoyens. De nombreuses informations relatives aux négociations ont été mises en ligne sur le site du ministère des affaires étrangères et du développement international, dont la partie consacrée aux négociations commerciales a été rénovée.
Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place en 2013 un comité de suivi stratégique de la politique commerciale afin d’associer les parties prenantes. Initialement composé d’élus et de fédérations professionnelles, il a été ouvert aux représentants de la société civile, des syndicats et des ONG.
Mais tous ces efforts resteront vains si nos partenaires américains ne s’engagent pas, eux aussi, dans une démarche de transparence. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, nous constatons que l’offre américaine est pour l’instant totalement insuffisante.
Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement menace quasiment de quitter la table des négociations. Hier, pourtant, vous promettiez qu’avec le TAFTA se concrétiserait un nouvel eldorado, fait de croissance économique et d’emplois – c’était la volonté des initiateurs de cet accord. D’un côté, vous tentez d’apparaître comme le nouveau porte-parole de la contestation européenne anti-TAFTA, et je m’en félicite. Mais de l’autre, vous encouragez un libéralisme à outrance et un atlantisme assumé avec la ratification du CETA, ce partenariat commercial avec le Canada tout aussi décrié, et vous persistez à laisser la porte ouverte aux négociations sur le TAFTA, par le biais de la Commission européenne que vous laissez agir en votre nom. Alors que nous sommes à un moment charnière de ces discussions, le Gouvernement semble donc adopter une position ambiguë.
Nous n’oublions pas qu’en 2014, le Gouvernement et la majorité ont refusé d’inscrire dans la loi la nécessité d’un contrôle parlementaire par la ratification d’un éventuel accord. Face à un traité qui marquerait l’aboutissement de l’idéologie libérale, le Gouvernement doit faire toute la lumière sur son positionnement dans les négociations et cesser de tenir ce que je considère comme un double discours.
Mes questions sont donc simples, monsieur le secrétaire d’État. Le Parlement s’exprimera-t-il sur cet accord, ou resterons-nous dans un débat phagocyté par les institutions européennes ? Il y va de la souveraineté de la France. Le Gouvernement avait défini des lignes rouges, mais vos positions ont été battues en brèche. Il est aujourd’hui temps de tirer les conséquences de cette situation : le Gouvernement va-t-il enfin prendre conscience de ce marché de dupes et sortir de ces négociations ?
Monsieur le député, à travers le sujet de la transparence, vous posez la question de l’exigence démocratique. Dans le contexte de crise de la démocratie que nous vivons, des négociations opaques, secrètes et confisquées par des professionnels ne sont plus envisageables.
La transparence est indispensable pour garantir la légitimité des accords commerciaux. La négociation des droits de douane pouvait, à la rigueur, se tenir à huis clos. Mais l’opacité totale n’est pas acceptable quand il s’agit de négocier des règles qui vont avoir un impact direct sur les citoyens. De plus, elle est contre-productive, car elle attise la théorie du complot et tous les fantasmes.
Je l’ai dit à l’instant : le Gouvernement a fait de la transparence une priorité dans la négociation. Plusieurs avancées doivent être soulignées, parmi lesquelles la déclassification du mandat de négociations relatif au TTIP et l’ouverture d’une salle de lecture pour les parlementaires dans une administration française. Si le niveau d’information des députés et des sénateurs a été rehaussé, des progrès doivent encore être réalisés, notamment dans l’accès aux offres américaines.
L’information des parlementaires nationaux et des citoyens européens est d’autant plus essentielle que, de l’avis unanime des États membres, il s’agit d’un accord dit « mixte », et qu’en conséquence, les parlements nationaux auront à s’exprimer sur cet accord. Pour rappel, un accord est dit « mixte » s’il comporte à la fois des dispositions relevant de la compétence de l’Union européenne et des dispositions relevant de la compétence des États membres. C’est bien le cas en l’occurrence.
J’ai lu avec intérêt la tribune que soixante parlementaires, députés et sénateurs, ont signée.
Vous demandez solennellement au Gouvernement, mesdames et messieurs les parlementaires, de refuser que le Parlement soit réduit au silence. Je vous réponds, comme mon collègue Matthias Fekl l’a fait avant moi, que le Parlement français aura le dernier mot. Il n’est pas question qu’il en soit autrement.
Les procédures ISDS – Investor-State Dispute Settlement – représentent l’un des points les plus contestés du traité transatlantique. Il s’agit d’instaurer des tribunaux arbitraux privés pour régler les différends entre les investisseurs et les États. Ces tribunaux offrent de nouveaux moyens de pression aux entreprises en leur donnant la possibilité d’attaquer un État et de lui réclamer un dédommagement s’il adopte des mesures qui ne favorisent pas leurs affaires.
Le code du travail, les conventions collectives ou les statuts des fonctionnaires pourraient être soumis à la pression sous prétexte d’une entrave à la liberté de concurrence.
Ce dispositif neutralise les instances de décision légitimes et met en cause la souveraineté des États, qui serait en effet transférée vers le secteur privé, plaçant ainsi les peuples sous la coupe d’intérêts économiques qui n’ont que faire de leur niveau de vie, de leur santé, de leurs emplois et de leur liberté. C’est une aberration.
À vrai dire, ces procédures sont d’ores et déjà présentes dans plusieurs accords de libre-échange. Plusieurs décisions de ces tribunaux privés ont déjà permis à des entreprises de faire plier des États du fait de législations environnementales, sociales ou sanitaires allant à l’encontre de leurs désirs. Consacrant la suprématie du droit des affaires sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ces tribunaux, inscrits dans le TAFTA et le CETA, sont inadmissibles.
En acceptant que de telles procédures figurent dans ces traités, vous consentez à gouverner le couteau sous la gorge et à voir votre politique dictée par les intérêts privés, contre l’intérêt du plus grand nombre. Il est donc temps de fermer la porte à ces procédures d’arbitrage.
Monsieur le secrétaire d’État, face à ce qui paraît ambigu, nous vous demandons de la clarté : dans ces négociations, quelle est la position du Gouvernement concernant les tribunaux arbitraux privés ?
Monsieur le député, la France a contribué à l’élaboration de la nouvelle approche européenne en matière de règlement des différends investisseur-État. La Commission européenne a ainsi publiquement repris en septembre dernier la proposition présentée par Matthias Fekl en juin 2015. Celle-ci figure d’ores et déjà dans les accords récemment conclus avec le Canada et le Vietnam, ce qui est une bonne nouvelle, vous en conviendrez.
Je tiens à souligner que l’accord avec le Canada, le CETA, intègre l’engagement ferme de l’Union européenne et du Canada, par l’intermédiaire du gouvernement de Justin Trudeau, à entamer des démarches en vue d’instaurer une cour multilatérale de règlement des différends. Cet acquis renforce la crédibilité de la proposition européenne tendant à créer une cour de justice des investissements, qui a également été soumise aux États-Unis et au Japon.
Cette approche doit désormais servir de modèle à l’ensemble des négociations commerciales dans lesquelles est engagée l’Europe. En effet, ce nouveau modèle marque une véritable rupture avec la pratique actuelle de l’arbitrage investisseur-États – ou ISDS, selon l’acronyme anglais. Ce mécanisme, nous le savons, a suscité un certain nombre de dérives, notamment la plainte de Philip Morris contre l’Australie et l’Uruguay pour leur législation sur le tabac ou, plus près de nous, la plainte de Vattenfall en Allemagne sur la sortie anticipée du nucléaire.
La nouvelle approche européenne permettra donc de corriger le texte en mettant l’accent sur la transparence et la légitimité des procédures de règlement des différends. Elle constitue une première étape vers l’établissement d’une véritable cour multilatérale permanente – à l’image de l’organe de règlement des différends de l’OMC – que la France appelle de ses voeux.
Bien sûr, nous allons voir si le texte pourrait encore être renforcé, en particulier en ce qui concerne les plaintes abusives ou la préservation des conflits d’intérêts – dans ces domaines, le résultat n’est pas encore parfait. Ces éléments devraient être de nature à vous rassurer, monsieur le député.
Monsieur le secrétaire d’État, l’objectif principal des négociations commerciales actuelles est de réduire ce que l’on appelle les barrières non tarifaires entre l’Union européenne et les États-Unis, lesquelles recouvrent les normes réglementaires et techniques qui permettent de protéger et réguler un marché. Elles découlent de choix souverains et démocratiques faits par la puissance publique.
Monsieur le secrétaire d’État, à quel prix ce rapprochement réglementaire se fera-t-il ? De toute évidence, il débouchera sur une harmonisation des normes par le bas ; ce sera une course vers le moins-disant. On voit mal comment un tel traité pourrait faciliter les échanges s’il reposait sur un renforcement des normes. En réalité, la réduction qualitative des normes est même l’une des pierres angulaires de ces négociations.
Le TAFTA, et tous les autres traités de libre-échange, représentent de véritables menaces.
Ce traité fait d’abord peser une menace sur la protection des citoyens européens, car il conduit à porter atteinte au principe de précaution, diminuer les contrôles sanitaires, commercialiser des OGM – par exemple le maïs Monsanto – ou encore du boeuf aux hormones, pourtant largement rejetés par nos concitoyens. Le TAFTA porte en effet irréversiblement atteinte à l’environnement : comment peut-on croire que la multiplication forcenée des échanges commerciaux permettra de préserver l’avenir et de protéger l’environnement ? Il portera un coup fatal au secteur agricole, déjà plongé dans une crise sans précédent.
C’est également une menace pour notre modèle de développement : à coup sûr, les multinationales seront les principales bénéficiaires d’un partenariat auquel ne pourront résister les TPE et PME.
En définitive, c’est un désastre social qui s’annonce. Il suffit de regarder le bilan social de l’ALENA – l’accord de libre-échange nord-américain – pour en être définitivement persuadé. Le TAFTA et les autres traités de libre-échange ne créeront pas d’emplois ; ils ne feront qu’aggraver la concurrence entre les peuples. Monsieur le secrétaire d’État serez-vous prêt à concéder un accord aussi lourd de conséquences pour nos concitoyens ?
La réponse est non !
Monsieur le député, la convergence réglementaire est un élément clé des nouveaux accords commerciaux dits de nouvelle génération, qui dépassent les simples négociations sur les droits de douane. Dans les négociations transatlantiques, l’Union européenne a intérêt à obtenir un chapitre ambitieux en matière de convergence réglementaire, permettant notamment de lever les barrières non tarifaires.
Nous y avons intérêt dans nombre de secteurs, monsieur le député, particulièrement pour l’accès aux marchés publics, pour le commerce des services et pour exporter nos produits agricoles. Les États-Unis et l’Union européenne négocient bien un volet convergence réglementaire, avec des mesures spécifiques concernant dix secteurs pour éviter les normes redondantes et coûteuses et créer une solution institutionnelle en vue d’éviter, pour l’avenir, des divergences entre les deux zones.
L’objectif est d’arriver à un niveau ambitieux d’harmonisation et de reconnaissance mutuelle des normes les plus élevées. Mais pour le moment, les discussions n’ont pas permis des avancées significatives. Cette question cristallise des inquiétudes – vous les avez soulevées, monsieur le député, et elles sont légitimes. Il incombe au Gouvernement de pouvoir donner toutes les garanties nécessaires aux citoyens.
Sur ce point, la France a demandé – et obtenu – des lignes rouges dans le mandat de négociation. C’est le cas pour les OGM, pour ce que l’on appelle communément le « boeuf aux hormones » ou encore pour le poulet chloré. La législation européenne ne sera pas modifiée.
Au niveau institutionnel, il est question de créer un espace de discussion entre les organismes pour faire vivre l’accord et, en aucun cas, d’édicter de nouvelles règles échappant au contrôle politique. Surtout, il n’aura pas de pouvoir réglementaire et le conseil de coopération réglementaire devra intégrer les États membres pour que les gouvernements, sous le contrôle de leur parlement, aient leur mot à dire.
La convergence réglementaire est un enjeu fort et la France est pleinement engagée pour peser sur l’élaboration des normes de demain.
Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Seybah Dagoma.
Délocalisations, accroissement des inégalités, dérégulation financière, concurrence déloyale, libre-échange font pêle-mêle partie des critiques adressées à la mondialisation. Celles-ci ont pris une acuité particulière ces dernières années où l’Europe n’apparaît plus ni comme un pôle de stabilité ni comme un bouclier, mais au contraire comme le cheval de Troie de la mondialisation.
La conséquence en est une dégradation de la confiance vis-à-vis d’elle pour certains, la tentation du repli ou des extrêmes pour les autres.
La mobilisation de la société civile contre le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, plus connu sous l’acronyme TAFTA est une illustration de cette méfiance. Cela impose un changement de méthode ; cela impose plus de transparence, notamment en matière commerciale.
Or, depuis quelques années, l’Union européenne multiplie les accords bilatéraux avec ses partenaires. Plusieurs sont actuellement en cours de négociation sans que les citoyens européens sachent ce qui a présidé à celles-ci.
Pouvez-vous nous expliquer quelle est la stratégie de l’Union européenne en matière d’accords bilatéraux ? Avons-nous renoncé à notre préférence pour le multilatéralisme ? Surtout, disposons-nous d’évaluations des effets des accords de libre-échange en vigueur sur notre économie et nos emplois ?
Madame la députée, vous connaissez la stratégie de la France en matière de commerce extérieur : elle a été élaborée au sein du Comité de suivi stratégique animé par Matthias Fekl. Le rapport sur la stratégie du commerce extérieur a ainsi été présenté au Parlement, et est consultable sur le site du ministère des affaires étrangères.
Contrairement à une image simplificatrice que certains voudraient faire valoir, la France a su prendre toute sa place dans la mondialisation, attirer des investissements productifs. Elle prend pleinement en compte la nouvelle stratégie commerciale adoptée par l’Union européenne pour la période 2015-2020, qui s’articule autour de trois piliers : efficacité, transparence et respect des valeurs.
Je sais votre engagement, madame la députée, en faveur du juste échange. Les objectifs de développement durable, de promotion du commerce équitable ou de renforcement de la lutte contre la corruption – sujets qui vous tiennent à coeur – ont ainsi vocation à imprégner et guider notre politique commerciale.
L’Union européenne, en tant que premier marché mondial, avec 500 millions de consommateurs, mène une politique commerciale offensive. Elle a conclu, par mandat donné par les États membres, des accords de libre-échange avec un grand nombre de pays sur l’ensemble des continents et continue de négocier, comme vous le savez, avec les États-Unis ou la Tunisie.
La vérité, c’est qu’il y a des choses à gagner dans ces négociations, pour nos entreprises, notamment nos PME. Je cite quatre exemples : libérer l’accès aux marchés, voire fournir des débouchés aux secteurs en crise ; créer des précédents pour un renforcement des règles multilatérales dans les domaines d’intérêt de l’Union européenne – indications géographiques, marchés publics ; retrouver des leviers d’influence à l’égard de pays peu sensibles jusque-là aux demandes de l’Union européenne ; contribuer à une meilleure gouvernance internationale à travers des clauses environnementales et sociales ambitieuses, ainsi que je l’ai indiqué à M. Candelier.
Cette stratégie économique doit être élaborée en cohérence, vous l’avez rappelé. Chaque accord fait l’objet d’une analyse d’impact préalable de la Commission européenne. La France reste très vigilante sur ce point, et insiste pour que ces études d’impact soient les plus rigoureuses possibles. La Commission européenne doit prendre en compte les engagements sociaux et environnementaux de l’Union, et les sensibilités particulières de chaque État membre, ce qu’elle s’est engagée à faire.
Ma question rejoint les préoccupations exprimées par François Asensi. Lundi 25 avril s’est ouvert le treizième cycle de négociations relatif au traité de libre-échange transatlantique, dont plusieurs leaders – à l’image du président Obama et de la chancelière Merkel – espèrent qu’il débouchera sur une signature unanime d’ici à la fin de l’année 2016.
La plupart d’entre nous ainsi qu’une grande partie de nos concitoyens s’inquiètent du contenu du projet d’accord et s’interrogent sur les avantages réels que la France et plus largement l’Union européenne sont susceptibles d’en tirer.
Première place économique mondiale, l’Europe n’a pas à faire de concessions qui la desserviraient ni à se mettre à la remorque de qui que ce soit. Au contraire, elle doit garantir une issue – si issue il y a – empreinte de réciprocité.
La France, par la voix du Président de la République, du Premier ministre et du secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, Matthias Fekl, a rappelé encore récemment cette exigence. Il serait en effet inconcevable que, sur des sujets essentiels tels que l’agriculture et les terroirs ou l’accès de nos entreprises aux marchés publics américains, les intérêts économiques et sanitaires des Européens soient bradés.
L’exigence française porte d’ailleurs ses fruits, comme en témoigne le consensus qui se dégage en Europe autour de l’abandon des tribunaux d’arbitrage privés au profit de la création d’une cour publique pour trancher les litiges opposant les États à des acteurs économiques.
À l’heure où certains veulent accélérer les négociations tout en maintenant leur opacité, il est nécessaire de réaffirmer la nécessité de la transparence et d’une participation accrue de l’ensemble des acteurs – parlements, professionnels, ONG, monde associatif – tout au long des discussions.
Comme vous l’avez évoqué, une soixantaine de parlementaires de la majorité ont récemment exprimé dans un texte leur volonté de voir le Parlement européen et les parlements nationaux bénéficier d’un vrai pouvoir de consultation et, si les négociations devaient aboutir, de ratification de la totalité des mesures prévues – et pas seulement celles concernant les prérogatives nationales.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez nous dire quelles sont les positions du Gouvernement au regard de cette légitime exigence démocratique.
Monsieur le député, le TTIP, parce qu’il va bien au-delà des questions traditionnellement abordées dans un accord commercial ne peut, vous avez raison, être négocié en secret. Bien sûr, dans une négociation – commerciale ou autre –, on ne peut communiquer sur les concessions que nous sommes, ou non, prêts à octroyer ou sur notre stratégie de négociation. Néanmoins, dans le même temps, la négociation du TTIP touche à des choix collectifs majeurs, à des choix politiques au sens noble du terme et suscite des préoccupations légitimes au sein de l’opinion publique des pays européens.
Il n’est plus possible de négocier en secret. C’est une question de confiance entre nous, les élus, et les Français – comme, d’ailleurs, dans beaucoup de pays en Europe. Vous avez vu à cet égard qu’une manifestation organisée en Allemagne à ce sujet avait rassemblé beaucoup de monde.
J’ai noté que vous étiez signataire de la tribune demandant la transparence des négociations et le droit pour les parlements nationaux de s’exprimer. Les efforts du Gouvernement en la matière et la réponse à la tribune de Mme Malmström, la commissaire européenne en charge de la négociation, sont de nature à vous rassurer. La France, de ce point de vue, regrette que la Commission européenne laisse encore planer le doute sur le caractère mixte des accords commerciaux en saisissant la Cour de justice européenne sur l’accord avec Singapour.
Aux yeux du Gouvernement français, la mixité rend nécessaire la signature de chaque gouvernement, puis la ratification du texte, selon les procédures nationales en vigueur dans chaque pays, par chaque parlement des États membres de l’Union européenne.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous soumettre deux questions qui intéressent de près la commission des lois, à laquelle j’appartiens.
La première porte sur les services publics au sein de la négociation du projet de traité de libre-échange transatlantique. Vous savez qu’il s’agit pour nous, Français, d’un motif d’inquiétude, eu égard à notre conception du service public.
Le 20 mars 2015, la commissaire européenne au commerce et le représentant américain au commerce ont publié une déclaration conjointe sur les services publics dans les accords commerciaux. Cette déclaration se veut rassurante quant au fait que « les accords commerciaux entre l’Union européenne et les États-Unis n’empêchaient pas les administrations – à tous les niveaux – de fournir ou d’encourager la fourniture de services dans des domaines tels que l’approvisionnement en eau, l’éducation, les soins de santé et les services sociaux ».
Néanmoins, comme vous le savez, des collectivités territoriales ont, ces dernières années, exprimé – avec raison – leurs inquiétudes sur ce point, notamment sur le choix d’adopter une approche par liste, dite « négative ». Le Parlement européen a exprimé la même préoccupation. Je vous remercie donc de nous indiquer où en sont les travaux de négociation sur cet aspect particulier.
Ma seconde question concerne les territoires d’outre-mer : leur situation est-elle bien prise en compte ? Récemment, en effet, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Vietnam avait créé de réelles difficultés dans plusieurs territoires ultramarins, en raison de la spécificité de leur économie. En l’occurrence, il s’agissait de la non-exclusion des sucres spéciaux du mandat de négociation confié à la Commission européenne.
Comment le Gouvernement s’assure-t-il, pour des projets de traité en cours de négociation, que les mêmes difficultés ne surgissent pas à nouveau si les négociations devaient aboutir ? Cette question est d’actualité, alors que l’Assemblée a adopté en mars dernier une proposition de loi du groupe SRC visant à renforcer la capacité des outre-mer à se développer économiquement en renforçant notamment leurs capacités vis-à-vis de leur environnement régional.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des éléments que vous pourrez apporter en réponse à ces deux questions.
Madame la députée, je vous remercie de votre question sur les services publics, qui sont un sujet majeur d’inquiétude pour nos concitoyens. La position de l’Union européenne, et particulièrement celle de la France, est constante sur ce point : nous défendons la préservation de notre capacité à créer et maintenir des services publics nationaux ou locaux.
Le mandat donné par les États à la Commission européenne pour la négociation du TTIP précise que les services publics sont exclus des négociations. Les services fournis « dans l’exercice du pouvoir gouvernemental », c’est-à-dire ceux qui ne sont fournis ni sur une base commerciale ni en concurrence avec d’autres fournisseurs, sont exclus des négociations transatlantiques. Les activités faisant partie d’un régime de sécurité sociale et les autres services publics, comme les services de santé et d’éducation, les services hospitaliers, ceux de l’emploi et d’autres encore, en sont de bons exemples.
Pour ce qui est de votre seconde question, le traitement des sucres spéciaux ne nous convient pas et le Gouvernement, par la voix de Stéphane Le Foll, George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, et Matthias Fekl, s’est fortement mobilisé. Nous avons ainsi obtenu un contingent de 400 tonnes sur la ligne utilisée pour exporter des sucres spéciaux. Cette amélioration considérable est le fruit de la mobilisation des trois ministres que je viens de citer.
La France est donc très vigilante pour que cette situation ne se reproduise pas et nous insistons pour que les études d’impact que présente la Commission européenne soient aussi solides et rigoureuses que possible avant tout accord et qu’elles prennent dûment en compte la sensibilité des États membres de l’Union dans le domaine agricole, ce que la Commission s’est engagée à faire pour l’avenir.
Monsieur le secrétaire d’État, le projet d’accord transatlantique pour le commerce et l’investissement a pour but d’ouvrir des marchés restés jusqu’à présent difficiles d’accès pour les entreprises françaises. Ce partenariat doit représenter une source de croissance et de création d’emplois, dans le respect des choix et des sensibilités des partenaires.
Dans ce contexte, l’Union européenne a posé ses conditions à la conduite des négociations et le gouvernement français s’est également mobilisé pour faire valoir la reconnaissance et la protection des normes de notre société dans les domaines de la santé, de la sécurité, du travail, des consommateurs, de l’environnement et de la diversité culturelle.
Par l’intermédiaire de Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, la France a régulièrement signifié à l’Union européenne qu’une vigilance et un effort supplémentaires étaient nécessaires en matière de transparence, notamment pour ce qui concerne l’accès aux documents en négociation. Il en va de même pour les réserves émises très tôt sur la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États dans le cadre du traité.
Monsieur le secrétaire d’État votre vigilance et celle du Gouvernement ont défendu les intérêts de la France, car la transparence des négociations commerciales transatlantiques est la condition de leur légitimité et garantit un débat public éclairé en démocratie. Il faut cependant rester prudents, au vu de cette opacité et des risques inhérents à l’introduction de certains mécanismes qui risqueraient de mettre à mal le droit de notre État et notre tissu économique local.
Pouvez-vous nous rappeler les mesures de transparence mises en place par le Gouvernement à l’égard des citoyens et les critères fondamentaux exigés dans les négociations, au-delà desquels le Gouvernement français n’acceptera pas de ratifier le traité ?
Enfin, la représentation nationale s’inquiète de savoir si elle pourra rejeter de manière unilatérale le projet de partenariat commercial transatlantique s’il contrevient aux intérêts fondamentaux de la France. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
Monsieur le député, la transparence est évidemment une préoccupation du Gouvernement, dans ce domaine comme dans les autres. Plusieurs mesures ont été prises, car la négociation est, il est vrai, trop opaque jusqu’à ce jour.
La mesure qui vous concerne le plus directement en tant que parlementaires est, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, l’ouverture d’une salle de lecture des documents relatifs au TTIP dans une administration française, et non pas à l’ambassade américaine. J’ai déjà dit également que le Gouvernement avait obtenu la déclassification du mandat de négociation relatif au TTIP en octobre 2014. Ce mandat est consultable sur le site du ministère des affaires étrangères, avec des nombreuses autres informations relatives aux négociations. Sur les pages consacrées aux négociations commerciales, le citoyen peut également consulter les comptes rendus du comité de suivi stratégique de la politique commerciale – CSS – mis en place par le Gouvernement pour associer les parties prenantes – élus, fédérations professionnelles, syndicats et ONG.
Cependant, ces efforts resteront vains si nos partenaires américains ne s’engagent pas, eux aussi, dans cette démarche de transparence. Sur ce sujet, comme sur les autres, nous constatons que l’offre américaine est, à ce jour, tout à fait insuffisante. Comme l’a dit le Président de la République, s’il n’y a pas d’avancée, la France peut toujours dire non.
Il y a certes, comme vous l’avez évoqué, un débat juridique pour savoir s’il s’agira d’un accord mixte, c’est-à-dire relevant de la compétence de l’Union européenne et des États membres. Je veux toutefois être très clair : compte tenu de sa sensibilité, la France juge politiquement indispensable que l’accord soit soutenu et accepté par l’ensemble des États membres – par leurs gouvernements, sous le contrôle de leurs parlements.
Je reprendrai donc, pour terminer, les mots du Président de la République : la France pourra toujours dire non.
Comme cela vient d’être dit, les négociations du partenariat commercial transatlantique porteront également sur l’agriculture. L’objectif d’ouverture des marchés agricoles est une occasion importante, mais il doit s’agir d’un processus à double sens, qui doit bénéficier aussi bien à l’Union européenne qu’aux États-Unis. Ces derniers souhaitent exporter une plus grande partie de leurs produits agricoles de base, tels que le blé, le soja ou la viande. Toutefois, dans la mesure où l’agriculture européenne – et française, en particulier – ne produit pas dans les mêmes conditions que l’agriculture américaine, du fait des différences de réglementation, nous devons rester vigilants à ce que les produits identifiés comme sensibles ne fassent pas l’objet d’une libéralisation dommageable à notre agriculture.
Je sais que le gouvernement français est très attentif à la préservation du modèle alimentaire européen, auquel sont attachés les consommateurs et les citoyens français. Je tiens particulièrement à saluer votre engagement, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que celui du ministre de l’agriculture, M. Stéphane Le Foll, dans votre volonté de défendre les produits de nos terroirs et la spécificité des produits agricoles français dans leur ensemble, au moyen d’une traçabilité. Les produits importés devront respecter la réglementation européenne, notamment en matière d’interdiction de traitement aux hormones des viandes d’animaux, d’interdiction d’une décontamination chimique des viandes, laquelle n’est pas autorisée dans l’Union européenne, ou encore d’OGM.
Le Gouvernement veille à ce que ces exigences s’appliquent pour l’ensemble des accords commerciaux du partenariat commercial transatlantique et à ce que celui-ci n’induise aucune modification négative de notre législation. Le fait de rendre nos réglementations plus compatibles entre elles ne doit pas aboutir à abaisser nos exigences au plus petit dénominateur commun. Sur ce point, le consensus est très large, même sur nos bancs.
Pourtant, une bonne partie de l’opinion redoute, à tort ou à raison, que l’Union abandonne certaines de ses normes protectrices, notamment dans le domaine alimentaire ou environnemental.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que l’objectif du partenariat commercial transatlantique n’est pas d’aboutir à un nivellement par le bas et que ce qui est aujourd’hui interdit en Europe le restera, et cela dans tous les domaines ? Comment le Gouvernement entend-il assurer la réciprocité des engagements de part et d’autre de l’Atlantique ?
Monsieur le député, vous avez raison de le souligner : le traité transatlantique, dont la treizième session de négociations a commencé lundi à New York, est au coeur des inquiétudes des agriculteurs, notamment des éleveurs français. Comme Stéphane Le Foll et Matthias Fekl ont déjà eu l’occasion de le rappeler, dès le début, la France a posé des lignes rouges.
En matière agricole, nous avons demandé et obtenu l’exclusion des principales productions « sensibles » de la liste des produits entièrement libéralisés, notamment la viande de boeuf ou de porc. De plus, les viandes qui ne respectent pas les exigences européennes, par exemple en matière d’utilisation d’hormones de croissance, ne pourront en aucun cas être mises sur le marché en Europe – c’est une position constante, et depuis longtemps, dans toutes les négociations commerciales.
Si notre production agricole peut parfois être moins compétitive, c’est aussi – il faut en être conscient – parce qu’elle est le résultat d’un choix de société, de normes strictes et de pratiques en phase avec nos préférences collectives. La diversité et la qualité des produits en sont les témoins. Dans le cadre de la négociation transatlantique, le Gouvernement défend ce modèle agricole – exigeant, il est vrai, mais reconnu. Nous l’assumons complètement.
Les négociations commerciales sont une occasion précieuse d’exiger de la réciprocité de la part de nos partenaires. Cela signifie, concrètement, la mise à bas des pratiques anticoncurrentielles, des réglementations douteuses et des doublons si coûteux. C’est aussi en ouvrant les marchés que nous améliorerons la situation de nos producteurs.
Enfin, l’occasion nous est donnée de promouvoir nos appellations d’origine, qui font l’objet d’une véritable bataille internationale dans laquelle la France est une figure de proue. Nous menons cette bataille avec conviction.
Nous en venons à une série de questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Pierre Lellouche.
Monsieur le secrétaire d’État, depuis plusieurs semaines, je sens monter du côté du Gouvernement une certaine fébrilité à propos du projet de traité et, en filigrane, la volonté de la France d’en sortir le plus vite possible. C’est, du reste, un sacré contraste avec la communication du conseil des ministres du 10 avril 2013, dans laquelle vous souligniez combien cet accord était bienvenu, un paragraphe entier étant consacré à expliquer notamment que les États-Unis ont créé 450 000 emplois en France et combien cet accord serait utile pour l’économie française – j’en passe, et des meilleures !
Aujourd’hui, je ne puis qu’imaginer que la situation politique dans laquelle vous vous trouvez, les records d’impopularité du Président de la République et du Gouvernement, la situation économique du pays et les divisions de votre propre majorité vous entraînent à penser que vous ne pourrez pas faire ratifier ce traité, ni même le signer, et que vous essayez donc d’en sortir.
Je tiens tout de même à rappeler que, sur le fond, le commerce extérieur et une compétence fédérale de l’Union : dès lors que les États donnent mandat au commissaire européen, c’est lui – ou, en l’occurrence, elle : Mme Malmstöm – qui négocie au nom de l’Union et arbitre entre les différentes lignes rouges.
Monsieur le secrétaire d’État, je crains qu’avant vous, malheureusement, le Gouvernement n’ait pas préparé soigneusement le mandat en 2012-2013 et qu’on se trouve aujourd’hui, en bout de course, dans une situation où, comme je l’imagine, les Américains n’ont pas beaucoup donné – je ne puis que l’imaginer, car j’ignore ce qu’il en est, puisqu’on n’a pas accès au contenu de la négociation, malgré ce que vous en dites. Pour m’être rendu dans les salles où l’on pouvait consulter les documents, je puis affirmer qu’ils sont incompréhensibles et incomplets : la transparence n’existe donc pas. Je me doute cependant que les Américains ont négocié durement.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, formuler au nom du groupe Les Républicains deux demandes solennelles.
La première est que nous voudrions avoir communication du mandat tel qu’il a été donné par le gouvernement français à la Commission européenne en 2013.
La seconde est d’insister auprès de Mme Malmström pour qu’elle vienne rendre compte devant l’Assemblée nationale du contenu de la négociation qui vient de démarrer à New York.
Monsieur le député, en réponse à votre première question, je peux vous dire que le mandat est public.
Le mandat, disais-je, est public. Vous pouvez le consulter.
C’est faux ! N’essayez pas de répondre à côté de la question, cela ne marchera pas !
Monsieur Lellouche, c’est M. Vallini qui est au banc du Gouvernement, pas vous !
Le mandat européen a été rendu public ; il est consultable sur internet.
S’agissant du second point, je pense que rien n’interdit à la commission des affaires étrangères ou à la commission des affaires européennes de demander à la commissaire européenne Mme Malmström de venir devant la représentation nationale, non pas dans l’hémicycle mais devant l’une de ces deux commissions, pour parler de ce traité.
Sur le fond, monsieur Lellouche, nous, le Gouvernement français, comme tous les gouvernements des États membres de l’Union européenne, considérons qu’il s’agit d’un accord mixte, c’est-à-dire qui devra passer par le gouvernement de chacun des États, sous le contrôle des parlements nationaux.
Sur le plan juridique, du fait de la présence des stipulations relatives aux investissements, aux transports et à la propriété intellectuelle, nous considérons qu’il s’agit d’un accord mixte. Il devra donc, s’il aboutit – ce qui est loin d’être certain à l’heure où nous parlons – être ratifié par chaque Parlement des pays de l’Union européenne.
L’application provisoire dont vous parlez concernera seulement les stipulations relevant d’une compétence exclusive de l’Union européenne, ce qui n’est pas le cas de plusieurs des aspects de l’accord en cours de négociation. Cela n’enlève rien à la nécessité de ratification au niveau national de l’accord global, si un jour il intervient.
Je vous répète, monsieur Lellouche, même si la Commission entretient l’ambiguïté sur cette question, que les vingt-huit États européens sont sur la même ligne que la France : ils considèrent qu’il s’agit d’un accord mixte, qui devra être soumis par leur gouvernement à chaque Parlement des vingt-huit États membres de l’Union européenne.
Je voudrais revenir sur un point : le mandat français transmis à la Commission n’est pas public. Le mandat européen l’est, lui, mais le travail interministériel qui a été fait au niveau français, je ne l’ai pas trouvé, en dépit de mes recherches.
S’agissant de la transparence, monsieur le secrétaire d’État, je reconnais les efforts que fait Matthias Fekl dans ce domaine, mais je vous affirme qu’il n’en sait pas plus que moi sur le contenu de la négociation, simplement parce que la personne qui négocie s’appelle Mme Malmström. Je souhaite donc que le gouvernement français, et pas seulement le Parlement car c’est le Gouvernement qui est l’interlocuteur de la Commission, demande à Mme Malmström de venir s’expliquer devant les commissions compétentes de l’Assemblée.
Par ailleurs, je voudrais vous dire que l’un des aspects les plus importants de cet accord, dont je ne sais pas s’il sera traité, est ce que j’appelle le « rouleau compresseur normatif » américain, qui se déroule accord après accord. Nous venons ainsi de traduire en droit français la fiscalité américaine sur la taxation des résidents américains, sans qu’il y ait réciprocité. Nous sommes en train, avec la loi FATCA – Foreign Account Tax Compliance Act – et la prochaine loi pour la transparence et la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin II », de transcrire dans le droit français les lois américaines sur la lutte contre la corruption. Je vous signale que la justice américaine punit directement les entreprises françaises, sans passer par la coopération gouvernementale en matière judiciaire. Elle a ainsi imposé des pénalités à BNP, Alstom et bien d’autres.
Ce sont des questions absolument fondamentales et j’aimerais que vous nous éclairiez sur ce que j’appelle le « rouleau compresseur normatif ».
Enfin, puisque vous représentez aujourd’hui le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous poser une question : quelle sera la position du gouvernement français, cette année, sur le statut d’économie de marché accordé à la Chine ? Plusieurs millions d’emplois en France sont en jeu si nous donnons le statut d’économie de marché à la République populaire de Chine. Cette question n’est pas directement liée à l’accord avec les États-Unis – encore que, puisque ces derniers viennent de signer un accord de libre-échange transpacifique –, mais j’aimerais que vous nous éclairiez également sur ce point.
Sur le premier point, monsieur Lellouche, vous dites vous-même que la politique commerciale est entièrement communautaire – « fédérale », avez-vous dit.
Je ne savais pas que l’Europe était fédérale… Si donc il s’agit d’une compétence communautaire, vous devez savoir que le mandat est donné, non par chaque État membre, mais par la Commission à ceux ou celles qui négocient. Ce n’est donc pas la France qui a donné un mandat à Mme Malmström…
Bien sûr que si ! Je sais tout de même comment les choses se passent : j’ai été en charge du commerce extérieur !
…mais la Commission, et ce mandat est consultable.
Pour ce qui est de la visite de Mme Malmström à Paris, elle est en réalité déjà venue et s’est exprimée dans des débats publics, sur l’initiative de Matthias Fekl, et elle est sans doute prête à venir devant le Parlement. Si vous souhaitez que nous en fassions officiellement la demande, je ferai cette proposition au Premier ministre et je suis certain qu’il accédera à votre souhait de voir Mme Malmström s’exprimer devant les parlementaires français.
Il faut toutefois préciser que lorsqu’on négocie un accord de cette importance, on ne peut pas tout porter sur la place publique, notamment certains points qui se trouvent au coeur de la négociation. On ne peut pas non plus dévoiler sa stratégie de communication.
On peut parler de transparence sans nuire à l’intérêt des parties qui négocient, notamment de la partie dans laquelle on se reconnaît.
Les États-Unis ont sanctionné lourdement la banque BNP Paribas au motif qu’elle avait financé des transactions en dollars, qui sont interdites au regard de la réglementation américaine. Selon les États-Unis, il existe un lien permettant de rattacher les transactions financées par la banque à la juridiction américaine.
Il s’agit pour la France d’un enjeu européen : il est indispensable, pour protéger nos entreprises des effets extra-territoriaux des lois américaines, de développer une solution alternative au dollar, monnaie de référence des échanges commerciaux internationaux.
C’est pourquoi la France, par la voix de son ministre des finances Michel Sapin, a demandé à l’Union européenne de se pencher sur cette question et de tout mettre en oeuvre pour renforcer l’internationalisation de l’euro et son poids dans les échanges commerciaux internationaux.
Enfin, en ce qui concerne la Chine, à ce stade, monsieur Lellouche, aucune proposition législative n’a été présentée en ce sens par la Commission. À l’évidence, toute initiative qui irait dans ce sens devrait être discutée et approuvée par le Conseil et par le Parlement européen, ce qui, à l’heure où nous parlons, n’est pas à l’ordre du jour.
Monsieur le secrétaire d’État, initié en 2013, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Thaïlande a été suspendu à la suite d’une crise politique survenue dans ce pays.
Depuis lors, et au vu de l’évolution de la situation intérieure de la Thaïlande, un consensus s’est dégagé au niveau européen pour la reprise de la négociation afin de permettre la signature de l’accord le plus rapidement possible, après le rétablissement d’institutions démocratiques et la tenue d’élections générales au second semestre 2017.
La Thaïlande est le troisième partenaire commercial de la France dans l’ASEAN – Association of Southeast Asian Nations –, elle compte la deuxième plus importante classe moyenne de la région et trois cents de nos entreprises y sont installées, dont de nombreux grands groupes – Michelin, Essilor, Faurecia, ou encore Total. Cet accord de libre-échange améliorera l’accès de nos entreprises à un marché fortement concurrentiel.
Nos entreprises sont en effet pénalisées par les nombreuses barrières tarifaires et non tarifaires, contrairement aux pays qui, eux, bénéficient en Thaïlande d’un accord de libre-échange : États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon, Corée du Sud, Chine, Inde, Chili, Pérou. À titre d’exemple, les vins français sont taxés à 58 % alors que leurs concurrents australiens le sont à 4 % seulement.
Les droits de douane sont élevés sur les premiers postes d’exportation de la France : équipements de transport, produits pharmaceutiques, fibre optique, produits électriques et électroniques, cosmétique, produits chimiques.
Un tel accord entraînerait une diminution des droits de douane et, grâce à l’inclusion d’un chapitre sur les services et l’investissement, permettrait de remédier à l’absence d’accord bilatéral de protection des investissements.
Dans ces conditions, et en gardant à l’esprit le fait que le coup d’État n’a pas été suivi d’atteintes majeures aux droits de l’homme et qu’un retour à des institutions démocratiques doit être sanctionné par des élections générales en 2017, je voudrais savoir si le Gouvernement a l’intention d’intervenir auprès de la Commission européenne pour demander sans attendre la reprise des négociations de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Thaïlande. C’est une demande de toutes nos entreprises implantées sur place et de tous nos exportateurs, notamment dans le secteur agro-alimentaire qui représente un marché important. Or, à l’heure actuelle, ceux-ci se battent dans des conditions inégales parce que cet accord n’a toujours pas été conclu.
Monsieur le député, les négociations de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Thaïlande ont débuté en 2013 et quatre séances ont déjà eu lieu. À partir de la fin 2013, la situation politique intérieure thaïlandaise a entravé la poursuite des réunions. La crise institutionnelle qui s’est ensuivie dans le pays début 2014 a conduit à suspendre ces négociations.
Mais les pays membres de l’Union européenne, comme d’autres pays occidentaux et asiatiques, ont, à la fin de l’année dernière, décidé d’engager le dialogue avec les nouvelles autorités, tout en confirmant la décision de ne pas avoir de contacts bilatéraux au niveau ministériel. La stratégie commerciale de l’Union européenne est claire à ce sujet : efficacité, transparence et respect des valeurs.
Mais, c’est un fait, nos produits sont pénalisés face à la concurrence des pays qui ont déjà conclu un accord de libre-échange avec la Thaïlande.
Or les consommateurs thaïlandais apprécient particulièrement – on les comprend – les produits français, notamment les vins et spiritueux, dont les exportations vers la Thaïlande ont représenté 19 millions d’euros en 2014.
Ce secteur souffre de tarifs douaniers très élevés et de barrières non tarifaires. Il en va de même pour les produits laitiers français, troisième poste à l’exportation pour les produits agricoles, qui souffrent aussi d’une taxation importante – 30 %.
Cependant, il serait faux de dire que le Gouvernement met des freins à l’export. Au contraire, je tiens à souligner l’engagement de Stéphane Le Foll et de Matthias Fekl aux côtés de nos entreprises, notamment dans le secteur des vins et spiritueux.
À la suite d’une modification par les autorités thaïlandaises, en septembre dernier, des lignes directrices sur les modalités d’application de nouvelles règles d’étiquetage, les deux ministres ont écrit au gouvernement thaïlandais pour les alerter sur les difficultés rencontrées par les entreprises françaises. La France a également appelé l’attention de la Commission européenne sur ces difficultés et elle continuera à le faire, afin de trouver des solutions pérennes au problème réel que vous venez de soulever.
Ma question concerne la nécessaire convergence, par le haut si possible, entre les États-Unis et l’Union européenne s’agissant des réglementations et des standards en matière de protection des données personnelles.
Le Parlement européen vient d’adopter, le 14 avril dernier, le nouveau règlement sur la protection des données personnelles.
La Commission européenne a annoncé début février avoir conclu un « accord-cadre de principe » avec les États-Unis, baptisé Privacy Shield, pour une nouvelle réglementation du transfert des données personnelles entre les deux continents.
Mais, pour les CNIL européennes, regroupées dans ce que l’on appelle le « G 29 », cet accord est insuffisant.
D’une part, les principes clés de la protection européenne des données, comme la finalité limitée ou la limitation de la durée de conservation, n’ont pas leur équivalent dans cet accord. D’autre part, les autorités américaines n’apportent pas d’éléments suffisamment précis pour écarter la possibilité d’une surveillance massive et indiscriminée des données des citoyens européens.
Que veulent la France et l’Union européenne : transcrire ce dispositif insatisfaisant dans le futur traité ou faire en sorte que les États-Unis partagent, dans ce traité, les normes européennes adoptées le 14 avril dans le nouveau règlement ?
La hiérarchie des normes juridiques imposera que le nouveau règlement européen et les lois américaines respectent les normes du futur traité en matière de protection des données personnelles.
Nous souhaitons tous que le traité conduise à aligner les lois américaines sur le règlement européen. Mais il faut clairement dire qu’au contraire le traité peut aboutir à nous obliger à réduire notre protection pour l’aligner sur les normes qu’il définit, ce qui serait en totale contradiction avec les objectifs du nouveau règlement européen et ceux de la loi pour une République numérique que nous sommes en train d’adopter en France. Mieux vaudrait, dans ces conditions, ne pas inclure les données personnelles dans un tel traité.
Ma question est simple : quelles mesures le Gouvernement français compte-il prendre pour que les accords de libre-échange garantissent un niveau de protection des données personnelles équivalent au niveau exigé par l’Union européenne ?
Monsieur le député, la France soutient la régulation du secteur numérique dans l’objectif de concilier son développement avec la protection de la vie privée.
Le partenariat transatlantique comporte un volet numérique, mais les données personnelles et fiscales ne font pas partie des négociations. Ce point-là aussi fait l’objet d’une position constante de la part de l’Union européenne et constitue une ligne rouge pour la France.
L’édification d’un marché unique numérique en Europe, avec le nouveau règlement voté par le Parlement, nous conduit à redoubler de vigilance. L’objectif est d’assurer la cohérence des avancées commerciales avec les discussions intra-européennes.
Et si la France a salué l’accord trouvé entre la Commission européenne et les États-Unis en matière de protection et de transfert sécurisé des données personnelles, à la suite des problèmes du Safe Harbor, la protection des données n’en reste pas moins non négociable. Nous veillons à préserver notre capacité à fixer nos propres standards dans ce domaine.
Une fois ces lignes rouges posées, il faut souligner que la France a aussi des intérêts offensifs à promouvoir l’instauration de conditions d’une concurrence équitable – levée des barrières au e-commerce, renforcement de la protection des consommateurs en ligne.
Les accords commerciaux doivent prévoir la transparence et la loyauté des plateformes et permettre une concurrence numérique équitable.
Cependant, force est de constater que, dans le cadre du TTIP, les discussions sur le numérique ne progressent guère en raison des réticences américaines, sur les chapitres relatifs au e-commerce comme sur les chapitres relatifs aux télécoms. Actuellement, la question des flux de données freine les discussions sur les télécoms.
À la demande de la France, la Commission refuse de s’engager sur ce sujet tant qu’elle n’aura pas reçu d’assurances suffisantes sur le niveau de protection des données personnelles aux États-Unis.
Le 16 avril 2015, l’Assemblée nationale a autorisé la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la République de Moldavie. Ce petit pays, le plus pauvre du continent européen, est peu connu de nos compatriotes. C’est pourtant le bastion le plus solide de la francophonie parmi les pays européens où le français n’est pas la langue officielle.
La France y bénéficie encore d’une véritable cote d’amour. Il y a vingt ans, le pourcentage des enfants apprenant le Français à l’école était de 75 % ; il est encore de 50 % aujourd’hui. Je profite de l’occasion pour souligner le travail remarquable de l’Alliance français à Chisinau, que le gouvernement français se doit de soutenir.
Il faut espérer qu’après une période de turbulences politiques, la situation puisse se stabiliser dans ce pays qui fête cette année ses vingt-cinq années d’existence.
L’Union européenne se doit d’offrir à celui-ci des perspectives de développement, sans que cela implique une future adhésion à l’Union – ou alors à long terme – ni ne crée de troubles accrus avec Moscou.
La Moldavie est un pays ouvert, affichant un positionnement proeuropéen qui ne s’est jamais démenti, mais les pro-russes sont à l’affût. Aujourd’hui même, à l’Assemblée nationale, une réunion conjointe des groupes d’amitié France-Moldavie et France-Roumanie, en présence des ambassadeurs respectifs, a conclu que la Moldavie mérite tout notre soutien.
Il s’agit de faire vivre pleinement l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Moldavie, en déployant une politique économique active et efficace au sein du partenariat oriental. De même, une convention fiscale avec la Moldavie serait bénéfique à nos compatriotes français qui ont investi dans ce pays.
Enfin, il serait bon que la France, peut-être par le biais de la commission des affaires européennes, adopte une résolution visant à soutenir le parcours européen de la Moldavie.
Monsieur le député, la Moldavie fait partie intégrante du partenariat oriental, lancé en 2009 pour soutenir les efforts des pays d’Europe orientale en matière de réformes politiques, sociales et économiques.
La Moldavie, la Géorgie et l’Ukraine ont conclu avec l’Union européenne des accords d’association, comprenant notamment la mise en place de zones de libre-échange. Le second Conseil d’association Union européenne-Moldavie s’est tenu le 14 février dernier.
À cette occasion, le ministre des finances a demandé à l’Union européenne et aux États membres une aide financière afin de faire face à des arriérés de budget.
La position de l’Union européenne, largement soutenue par plusieurs États membres, reste constante : la poursuite d’une aide est strictement conditionnée à des progrès réels. Il est en effet primordial que le gouvernement moldave mette en oeuvre les mesures que prévoit l’agenda des réformes de l’accord d’association Union européenne-Moldavie.
À ce titre, la France a pris bonne note de l’envoi par le gouvernement moldave à la Commission européenne et au Service européen d’action extérieure d’une feuille de route des projets de réforme prioritaires pour le premier semestre 2016.
J’ajoute qu’un accord doit être conclu avec le FMI avant d’envisager une reprise de l’aide européenne.
L’un comme l’autre nécessitent des actions concrètes de la part du gouvernement moldave. Le renforcement de l’indépendance de la Banque nationale de Moldavie ou les mesures du paquet climat énergie sont des réformes que la France soutient et souhaite voir pleinement mises en oeuvre. Néanmoins, la feuille de route reste floue, voire muette sur des points essentiels à la reprise de l’aide européenne : sur la fiscalité notamment, la Moldavie doit pouvoir se conformer aux normes récentes en matière de transparence et d’échange des informations.
La France a des relations fortes avec la Moldavie, historiquement – vous avez raison – francophone et francophile. L’Union européenne se doit de mener une politique orientale ambitieuse. C’est ce que nous essayons de faire en fixant des objectifs clairs.
L’Alliance française à Chisinau, qui possède plusieurs antennes en province, est une vitrine formidable pour la France en Moldavie – c’est le secrétaire d’État chargé de la francophonie qui parle. Elle est notamment l’opérateur de l’ambassade de France pour la coopération culturelle et linguistique.
Malgré les contraintes budgétaires, que vous connaissez, nous continuerons donc à soutenir autant que possible l’activité de cette Alliance française qui joue un rôle important dans les relations franco-moldaves et concourt, comme toutes les Alliances françaises, au rayonnement de notre langue.
Nous en venons aux questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Thierry Benoit.
Monsieur le secrétaire d’État, je vais ajuster ma question pour tenir compte des réponses que vous avez déjà fournies.
Il y a quelque temps, l’Europe a accordé un accès de son marché à droits de douane nuls à près de 65 000 tonnes de viande bovine canadienne, dans le cadre du fameux CETA.
La Commission envisage aujourd’hui d’ouvrir un nouveau contingent d’importation de viandes bovines aux États du MERCOSUR, alors que le différentiel de coût de production entre viandes françaises et sud-américaines est supérieur à 2 euros par kilo.
Si l’on se place sur le plan purement commercial, il est judicieux et pertinent de nouer des partenariats avec des États aussi prestigieux que les États-Unis. Mais cela n’est pas sans poser quelques problèmes, si l’on songe aux efforts que l’Europe, particulièrement la France, exige de ses ressortissants, notamment de ses agriculteurs, en termes de traçabilité, d’identification et de qualité des produits mis sur le marché – je songe en particulier aux appellations d’origine protégée ou contrôlée ou aux indications géographiques protégées.
Au-delà de l’angle purement réglementaire, on ne peut oublier les aspects sanitaires. Il est impossible de transposer le modèle américain pour l’imposer aux ressortissants européens.
Je m’étonne que le président Obama, qui s’est déplacé pour rencontrer Angela Merkel il y a quelques jours n’ait pratiquement pas daigné rencontrer le président Hollande. Je souhaiterais que le gouvernement français soit beaucoup plus exigeant sur la question des traités internationaux.
Monsieur le député, le président Hollande a rencontré le président Obama en Allemagne, avec le président du Conseil italien et le Premier ministre britannique.
Nous veillons à ce que le modèle de production agricole européen, qui correspond aux attentes des consommateurs et aux choix des citoyens, soit préservé, et à ce que les accords ne soient pas déséquilibrés aux dépens de nos producteurs.
La France possède de nombreux intérêts non seulement défensifs mais offensifs en matière agricole. Nous souhaitons notamment la levée des barrières non tarifaires qui empêchent les exportations agricoles européennes, et la protection des indications géographiques, que j’ai déjà mentionnée.
D’ailleurs, le CETA ouvre largement le marché canadien agricole et agroalimentaire à nos producteurs, ce qui est une bonne nouvelle pour nos entreprises. Ainsi, le Canada a accepté l’importation d’un quota de 18 500 tonnes de fromages européens par an, exempts de droits de douane.
Dans le TTIP, des clauses de sauvegarde sont prévues par le mandat, à l’article 14. Pour la France, les produits de l’élevage, certaines céréales et certains produits issus de céréales ou le rhum par exemple, ce qui est important pour les territoires d’outre-mer, sont classés dans la catégorie « produits sensibles ».
Les normes de protection des consommateurs et les normes environnementales européennes ne seront pas touchées.
Concernant le MERCOSUR, Matthias Fekl s’est exprimé publiquement : céder dès le début des contingents tarifaires est une erreur tactique majeure, que la France regrette avec force. Il a écrit avec Stéphane Le Foll aux commissaires chargés du commerce et de l’agriculture pour leur faire part des positions de la France. Il est en effet absurde de se lancer dans des négociations sans étude d’impact actualisée et alors même que nous venons de prendre des mesures exceptionnelles pour sauvegarder notre agriculture.
Monsieur le député, vous pouvez compter sur l’entière mobilisation du Gouvernement pour veiller à ce que les intérêts du secteur agricole soient bien pris en compte dans les négociations commerciales, au nom de ce qu’on nomme la « diplomatie des terroirs », lancée par Stéphane Le Foll et Matthias Fekl.
Monsieur le secrétaire d’État, depuis le 13 février 2013, des discussions sont organisées par la Commission et le Conseil européens au sujet d’un accord transatlantique de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe. Sur le papier, l’objectif premier était plutôt louable.
Néanmoins, le développement de ces négociations s’est fait à l’encontre des principes de transparence dont l’Europe doit être la garante, tandis que de nombreuses dispositions du texte – accessible seulement à quelques dizaines de personnes, et sous haute surveillance, faut-il le rappeler ? – allaient à l’encontre des intérêts français et européens.
Le 22 mai 2014, dans cet hémicycle, je faisais part à Fleur Pellerin, alors secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, des quatre lignes rouges à ne jamais franchir. Je me permets aujourd’hui de vous les répéter.
La première est l’arbitrage privé entre les États et les multinationales, tout à fait contraire au concept de souveraineté. Notez en outre qu’en l’espèce, le principe de réciprocité ne s’applique pas : tandis que la multinationale peut attaquer l’État, le contraire n’est pas vrai.
La deuxième ligne rouge est la remise en cause de la protection des données personnelles, qui suscite une inquiétude très forte.
Troisième ligne rouge : une redéfinition moins contraignante de la protection sanitaire et environnementale européenne.
La dernière ligne rouge – qui concerne les appellations d’origine – a été appelée par Thierry Benoit.
Deux ans plus tard, mon discours, pardonnez-moi, est exactement le même, mais les peuples ont compris ce qui était en train de se tramer dans cet accord de libre-échange d’une opacité aussi terrifiante pour les citoyens que pour la représentation nationale.
Mme Pellerin m’expliquait à l’époque que la transparence maximale des négociations serait assurée, mais j’attends toujours le début d’un commencement de concertation, même si votre collègue Matthias Fekl est venu s’expliquer devant notre commission. En la matière, je trouve qu’il se comporte bien, voire très bien.
Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, cet accord pourrait être un moteur pour la croissance. Au sortir du treizième round des négociations, pouvez-vous enfin nous expliquer, avec la clarté et l’honnêteté qui vous caractérisent, comment l’Europe et la France appréhendent cet accord ? Dans quelles conditions le Gouvernement décidera-t-il de sortir des négociations sine die, issue que M. Fekl ne cesse d’évoquer et qu’il a rappelée récemment sur France Inter ?
Monsieur le député, vous avez évoqué un grand nombre de sujets. Nous partageons le même avis sur l’identification des lignes rouges, que j’ai rappelées à plusieurs reprises au cours de ce débat : préférences collectives, exclusion du secteur audiovisuel des négociations, ou encore protection des données personnelles. Il n’est pas question de négocier nos préférences de société ni nos choix alimentaires – j’ai parlé de la décontamination chimique des viandes, des hormones, des OGM, ou encore du clonage à but alimentaire, qui seront exclus du traité, si traité il y a.
Le secteur audiovisuel, je l’ai dit, est lui aussi exclu des négociations, comme il l’a été de celles que nous avons menées avec le Canada.
En ce qui concerne le règlement des conflits commerciaux, nous ne ratifierons pas un accord qui comprendrait une justice privée, aux dépens d’instances juridictionnelles publiques, qu’elles soient nationales ou internationales – nous oeuvrons d’ailleurs dans ce sens : il faut aller vers la création d’une cour de justice publique internationale pour remplacer les mécanismes d’arbitrage que vous avez évoqués, dont nous connaissons les dérives.
Enfin, vous me demandez comment le Gouvernement appréhende la négociation et le traité lui-même.
Le verbe a deux sens. L’opinion appréhende cette négociation et le traité qui pourrait en découler. Elle a raison, en France comme dans de nombreux pays européens.
Quant à la manière dont nous appréhendons le traité, c’est-à-dire à l’approche que nous avons des négociations en cours, j’ai expliqué la position de la France sur tous les sujets au cours de cette séance de questions.
Nous sommes très vigilants et, si la négociation aboutit à un traité qui ne lui convient pas, la France pourra toujours le refuser par la voix de son gouvernement ou de son parlement, car l’Assemblée nationale et le Sénat seront associés à la décision finale.
À nos yeux, en effet, le traité est mixte par nature. S’il possède un aspect multilatéral et européen, certains aspects sont nationaux. C’est pourquoi la France tient sur cette ligne, comme les vingt-huit États membres. Malgré l’ambiguïté de la Commission, nous considérons que, si la négociation aboutit, il faudra que, dans chaque État, le parlement soit saisi par le gouvernement de ce traité.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, qui posera deux questions pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le secrétaire d’État, le traité de libre-échange actuellement en discussion entre l’Europe et les États-Unis, le fameux TAFTA, comme celui qui a été négocié avec le Canada, le CETA, inquiète légitimement les opinions publiques.
On soupçonne qu’ils privilégient les intérêts des grandes multinationales au détriment des États et des peuples. Ils tendent même à instaurer des tribunaux spéciaux permettant aux grands groupes de contester les politiques publiques s’ils jugent que celles-ci rognent leurs bénéfices.
À quelle sauce allons-nous être mangés ? Pour ma part, je ne remets pas en cause la mondialisation – elle existe, elle est là –, mais je la veux respectueuse des droits humains et environnementaux.
Le business à tout prix, la finance, la marchandisation généralisée en quelque sorte, tout cela aurait finalement gagné avec ce traité tel qu’on nous le présente. Comme si les peuples ne comptaient plus, comme si la qualité de vie des gens comptait moins que la rentabilité des grandes firmes internationales.
L’abaissement des normes sociales, environnementales et sanitaires est le vrai risque de ces traités commerciaux.
Alors qu’il nous faut déjà – nous le voyons chaque jour, chaque semaine – empêcher le nivellement par le bas de nos normes au sein de l’Europe, ces traités font aujourd’hui peser de nouveaux dangers. Que vont devenir les normes pour l’alimentation ? La « malbouffe » va-t-elle triompher ?
Les efforts de la COP21 pour l’écologie vont-ils vraiment voir le jour ? Et dans le domaine social, va-t-on accepter le chantage du dumping social, qui tire les salaires et les droits sociaux vers le bas ?
Franchement, monsieur le secrétaire d’État, ces perspectives, vous en conviendrez, ne sont pas réjouissantes. Même l’ONU s’inquiète, à tel point qu’un de ses dirigeants appelle à suspendre les négociations.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est double. Le Gouvernement a dit récemment son scepticisme ; tant mieux. Mais ira-t-il jusqu’à suspendre les négociations pour exiger un débat public transparent sur ces traités ? Et si par malheur l’Union européenne les validait en l’état, exigerez-vous l’accord formel des parlements nationaux avant toute application partielle ou provisoire, comme le prévoit le traité ?
Vous l’avez dit, monsieur le député, l’opinion publique s’inquiète – et elle a raison. Des débats publics ont lieu à Paris et en province ; Matthias Fekl y participe régulièrement. Dans votre circonscription, comme dans tous les territoires de notre pays, on sent monter l’inquiétude des citoyens. Les syndicats relayent ces inquiétudes, les organisations non gouvernementales, les fédérations professionnelles et les élus locaux également. Bref, l’opinion publique est en alerte. C’est d’ailleurs une bonne chose à l’heure où l’on déplore plutôt que les gens se désintéressent de la politique.
Cette inquiétude n’est pas une spécificité française. J’ai évoqué ce qui se passe en Allemagne, mais vous savez sans doute que les choses commencent également à bouger aux États-Unis, et que les citoyens américains sont en train de se mobiliser.
À ce stade, je le répète, il n’y a pas de texte d’accord, puisque les négociations sont en cours. Il n’est pas question de les suspendre. Elles continuent, mais nous restons très vigilants et très exigeants. Le treizième cycle s’est ouvert avant-hier à New York.
Quant à l’entrée en vigueur provisoire après signature d’un accord mixte, elle ne concernerait que les stipulations relevant de la compétence exclusive de l’Union européenne ; mais l’entrée en vigueur provisoire n’enlève rien à la nécessité d’une ratification au niveau national par le parlement de chaque pays, saisi par son gouvernement.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous poser cette question au nom de notre collègue Jacques Krabal, souffrant, que je remplace au pied levé.
Les États-Unis et l’Union européenne poursuivent la négociation du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, le TAFTA. Barack Obama souhaite accélérer les discussions en vue de la conclusion d’un accord en toute hâte, d’ici la fin de l’année. Cela doit nous inquiéter fortement.
Regardons la réalité en face. Bien sûr, le libre-échange peut contribuer à l’accroissement des richesses – mais aussi, malheureusement, à celui des inégalités. Aussi, ces projets d’accord, discutés à huis clos, s’apparentent plus à une entreprise de dérégulation, de « libre-dumping » et de suppression des protections collectives qu’à une quête de progrès humain.
Qui pourrait les accepter en l’état, alors qu’ils visent en fait à abaisser le niveau des normes environnementales, alimentaires, sanitaires et sociales ?
De même, qui pourrait prétendre que les États-Unis et l’Union européenne seront sur un pied d’égalité ? Qui garantira cette réciprocité ? La concurrence déloyale irait en s’accélérant, car les États-Unis mettraient à mal nos appellations d’origine, les fameuses AOC. Voilà ce que redoutent nos agriculteurs et nos viticulteurs. Et puis, qu’adviendra-t-il des combats que nous avons menés ici même, dans cet hémicycle, sur les OGM, pour défendre la qualité de notre alimentation, ou encore contre les gaz de schiste ?
La question de M. Krabal est donc simple : comment garantirez-vous que le TAFTA ne remette pas en cause l’accord de Paris obtenu à l’occasion de la COP21 ?
Monsieur le député, les négociations commerciales bilatérales ou régionales se multiplient et portent essentiellement sur les enjeux réglementaires, vous l’avez dit, qui détrônent les discussions tarifaires traditionnelles ; et les réalités géopolitiques se font plus prégnantes sur ces sujets.
Je le répète, il n’est pas question de négocier nos préférences collectives, ni nos choix alimentaires. La législation européenne ne sera pas modifiée dans les domaines les plus sensibles, notamment en matière de décontaminationchimique des viandes, d’OGM ou d’utilisation des hormones.
En outre, les accords commerciaux ne peuvent défaire ce qui a été fait lors de la COP21 et de la négociation de l’accord de Paris, signé vendredi dernier à New York. La France assume cette cohérence, et Matthias Fekl continue de plaider pour que les règles relatives au développement durable soient contraignantes dans les accords commerciaux. Le Président de la République a confirmé lundi ce principe défendu par la France lors de la conférence environnementale 2016.
C’est dans cet objectif que la négociation sur les biens environnementaux, qui consiste à réduire les droits de douane sur les biens « verts », a été lancée. La France attache une grande crédibilité environnementale à cette initiative.
Sur ces sujets, il est essentiel d’associer la société civile pour définir avec elle les enjeux des négociations commerciales. C’est d’ailleurs dans cette perspective que Matthias Fekl a souhaité ouvrir le comité de suivi stratégique à la société civile.
Nous en venons aux questions du groupe écologiste.
La parole est à Mme Michèle Bonneton.
Beaucoup a déjà été dit à propos du TAFTA. La consultation des documents – en fait des synthèses très incomplètes – se fait dans des conditions très restrictives, que j’ai personnellement testées. Cela ne permet pas aux citoyens de se faire une opinion.
Ma première question sera donc la suivante, monsieur le secrétaire d’État : n’est-il pas temps de mettre sur la place publique le contenu des discussions, puisque les lobbies, eux, y ont accès ?
Dans un récent séminaire auquel a participé Matthias Fekl, certains sujets sont apparus comme particulièrement difficiles à régler : sécurisation des investissements – arbitrage privé ou cour internationale indépendante –, organe de coopération réglementaire, ou encore ouverture des marchés publics… Sur ce dernier point, rappelons qu’une loi qui vient d’être votée aux États-Unis réserve 70 % des marchés publics américains aux entreprises américaines.
Autre sujet délicat, l’agriculture, avec les quotas d’importation et d’exportation dans les deux sens, sans oublier bien sûr nos labels de qualité et indications géographiques, dont moins de 10 % pourraient être reconnus : lorsque Mme Malmström, commissaire européenne au commerce, est venue répondre à nos questions, elle a expliqué que si 42 d’entre eux pouvaient être protégés, comme dans le CETA, elle serait très satisfaite. Mais, rien qu’en France, nous en avons plus de 600. Cette non-reconnaissance de nos indications géographiques et autres labels ouvrirait la porte à des imitations et à une concurrence déloyale. On pourrait ainsi – je sais que vous y serez sensible, monsieur le secrétaire d’État – trouver en Europe et en France des noix de Grenoble provenant de Californie, ou bien encore du camembert produit aux États-Unis. Je ne fantasme pas : c’est une réalité.
La capacité de l’État fédéral américain à imposer aux États fédérés d’éventuelles normes communes est un autre sujet.
Il semble bien que les États-Unis ne soient pas prêts à faire beaucoup de concessions. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, ne faut-il pas sortir certains secteurs des négociations ? Je pense en particulier à l’agriculture et à l’ensemble des domaines de la culture. Ne faut-il pas prendre le temps nécessaire à une négociation équilibrée ? Enfin, la persistance de certains points de désaccord pourrait-elle conduire la France à s’opposer à ce traité ?
Vous soulevez là de nombreuses questions, madame la députée de la neuvième circonscription de l’Isère.
Sourires.
Tout d’abord, le secteur audiovisuel, autrement dit la culture, est exclu des négociations avec les États-Unis, tout comme il avait été exclu de celles avec le Canada. C’est ce que l’on appelle l’exception culturelle.
Ensuite, en matière agricole, j’ai déjà dit à plusieurs reprises que nous avions demandé – et obtenu – l’exclusion des principales productions dites « sensibles » de la liste des produits entièrement libéralisés. Je pense notamment à la viande de boeuf ou de porc.
Concernant l’accord en tant que tel, la position de la France est très claire, et la Commission européenne le dit également : la substance doit prévaloir sur le calendrier. S’il faut prendre encore des mois, voire une année pour aboutir à un bon accord, nous le ferons. Et si l’accord final n’est pas bon, la France pourra toujours, je le répète, dire non.
Il ne s’agit pas, sous prétexte d’accélérer les négociations et parce que M. Obama souhaite que cet accord soit conclu avant la fin de son mandat, de signer n’importe quel accord et de le signer à tout prix.
L’accord final devra prendre en compte nos intérêts offensifs, notamment en faveur de notre agriculture. Vous souhaitez que l’on sorte l’agriculture des négociations, mais cela pourrait être dommageable pour nos agriculteurs, car nous avons aussi des intérêts offensifs à faire valoir en la matière.
L’accord devra être fondé sur la transparence et la réciprocité ; et s’il ne fait pas du développement durable un chapitre contraignant, nous ne le signerons pas.
La position de notre pays n’a jamais varié sur ces sujets. Si aucun progrès significatif n’est fait, la France en tirera les conséquences, et le Gouvernement ne soumettra pas cet accord au Parlement.
Le règlement des différends par une procédure d’arbitrage privée, que prônent les États-Unis, serait une grave attaque contre la démocratie. Cette question a déjà été évoquée. Matthias Fekl a fait une proposition intéressante, à savoir la mise en place d’une cour permanente d’arbitrage, avec des arbitres nommés pour six ans en dehors de tout conflit d’intérêts. Bien que déjà signé, l’accord CETA avec le Canada a été modifié pour reprendre en partie cette proposition.
Il semble que la solution proposée par l’Union européenne, qui est en deçà de celle proposée par M. Fekl, ne reçoive pas un accueil favorable des États-Unis. On parle même d’une fin de non-recevoir. Quelle est précisément la ligne rouge que se fixe la France en ce domaine ?
En second lieu, j’aborderai le problème des services publics. Il existe en France, et dans une certaine mesure en Europe, une culture des services publics très différente de celle des États-Unis. En France, les services publics sont un élément essentiel pour l’égalité entre les Français et la cohésion sociale. Les États-Unis ne semblent pas prêts à faire évoluer leur position. Les négociations menées à Genève entre 23 États et l’Union européenne sur les services publics dans le cadre du TISA – le Trade in Services Agreement, ou accord sur le commerce des services – ne nous rassurent pas. Est-il exact que les points d’accord trouvés dans ce cadre seront intégrés au TTIP ? Dans ce contexte, comment le Gouvernement envisage-t-il d’affirmer notre conception des services publics dans les négociations sur le TTIP ?
En ce qui concerne enfin la procédure de ratification par les parlements nationaux, le fait que ce soit un accord mixte est-il une condition non négociable pour la France ?
En ce qui concerne le règlement des différends entre investisseur et État, madame la députée, un travail de fond a été conduit après qu’un texte sur l’accord entre l’Union européenne et le Canada a été stabilisé à l’été 2014. La France a été en pointe sur ce sujet : Matthias Fekl a proposé dès le mois de mai 2015 la création d’une cour publique et a su créer le consensus européen autour de cette proposition.
Sur le fond, la rupture avec l’ISDS est radicale. Le CETA crée en effet un tribunal permanent, doté d’une instance d’appel, composé de juges nommés par les États. Là où ces derniers pouvaient craindre de voir leurs décisions souveraines remises en cause devant des tribunaux privés, le CETA protège strictement le droit à réguler de toute collectivité publique.
Un retour en arrière dans le cadre des négociations avec les États-Unis n’est pas envisageable. Nous n’accepterons pas de revenir sur cette conquête démocratique, et nos partenaires américains doivent comprendre qu’ils se heurteront, s’ils souhaitent nous faire reculer, à un refus définitif et irrévocable.
Je tiens à vous rassurer aussi en ce qui concerne les services publics. La position européenne est sans ambiguïté : la préservation de notre capacité de créer et de maintenir des services publics nationaux et locaux est une ligne rouge – je l’ai dit précédemment en réponse à plusieurs députés.
Vous avez mentionné la négociation sur le TISA, qui rassemble vingt-trois pays. C’est un enjeu important, compte tenu de l’expertise française en la matière. Nous en attendons un accès amélioré à l’export. Là aussi, le mandat de négociation de la Commission exclut les services audiovisuels et garantit une protection efficace des services publics. Il est très clair que l’Union européenne ne reviendra pas sur le principe de l’exclusion des services publics et des services audiovisuels. L’accord ne pourra pas remettre en cause la capacité de chaque État de réguler ses services publics.
Enfin, je termine cette séance de questions-réponses par un sujet primordial pour le Parlement français, qui est au coeur de ses préoccupations : le pouvoir des parlements nationaux. Ceux-ci devront se prononcer sur l’accord transatlantique, s’il est un jour conclu par la Commission européenne. Matthias Fekl a été très clair sur ce sujet : un accord aussi sensible doit être mixte ; autrement dit, le Parlement européen et les parlements nationaux doivent se prononcer. Je le répète : la France aura toujours la possibilité de dire non.
Nous avons terminé les questions sur les projets d’accords de libre-échange.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Discussion de la proposition de résolution invitant le Gouvernement à ne pas renouveler les mesures restrictives et les sanctions économiques imposées par l’Union européenne à la Fédération de Russie ;
Discussion de la proposition de loi visant à mieux définir l’abus de dépendance économique ;
Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme ;
Discussion de la proposition de loi visant à étendre aux collectivités locales le mécanisme de déclassement anticipé ;
Discussion de la proposition de loi organique et de la proposition de loi portant statut des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly