La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mmes et MM. les députés, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent.
Déjà endeuillée par les attentats d’Ankara et d’Istanbul, la Turquie a, une nouvelle fois, été la cible d’attaques terroristes, hier, à l’aéroport international Atatürk. Au moins quarante et une personnes ont trouvé la mort et de nombreuses autres ont été gravement blessées.
En cet instant, nos pensées vont d’abord à toutes les victimes : à celles qui ont perdu la vie, à celles qui luttent contre la mort.
Au nom de la représentation nationale, j’adresse à leurs familles et à leurs proches le témoignage de notre compassion et j’exprime notre solidarité au peuple turc.
Partout dans le monde, la menace terroriste est permanente et veille à faire peser sur nos peuples un climat de terreur. Plus que jamais, nous sommes résolus à combattre cette folie meurtrière.
Je vous invite à observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés, ainsi que les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre de l’intérieur, « La démocratie, c’est le mal », « La démocratie, c’est la mort », « La démocratie, c’est le mensonge » : voilà la profession de foi de l’officine catholique intégriste Civitas.
C’est donc avec stupeur que j’ai découvert que Civitas venait d’obtenir l’agrément pour devenir un parti politique. D’ailleurs, par une terrible coïncidence, cette décision a été publiée au Journal officiel le jour de l’horrible attentat islamiste contre des homosexuels à Orlando.
Dois-je en effet rappeler que Civitas a organisé des manifestations contre « l’homofolie » – aux cris de : « Non aux pédés, la famille c’est sacré » –, dans lesquelles de nombreux militants assimilaient ouvertement l’homosexualité à la zoophilie et à la pédophilie ? Rien d’étonnant à cela, d’ailleurs : tous les fanatismes, qu’ils soient islamistes ou intégristes, se retrouvent souvent pour propager les mêmes abominations.
Ainsi donc Civitas, organisation violemment hostile aux droits de l’homme, considérés comme « diaboliques », va être désormais être en partie financée par le contribuable français, c’est-à-dire par nous tous.
Mes chers collègues, notre démocratie doit être sans faiblesse face à tous ceux qui veulent éteindre l’esprit des Lumières pour plonger notre pays dans l’obscurantisme le plus moyenâgeux.
Notre démocratie doit être sans faiblesse face à tous les fanatismes prêcheurs de haine, quels qu’ils soient.
Alors, monsieur le ministre, je m’adresse au grand républicain que vous êtes. Il faut retirer l’agrément de Civitas,…
…car je ne veux pas, un jour, dans un bureau de vote de la République, avoir à choisir entre un candidat salafiste et un candidat intégriste.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le député, la question que vous posez renvoie à des choses essentielles : le respect du principe républicain et le respect, en toutes circonstances, des principes de droit.
Lorsqu’il s’agit de la création d’un groupe politique, ce sont ces seules considérations, inscrites notamment dans la Constitution, qui doivent inspirer la démarche du Gouvernement, quoi qu’il pense des orientations définies par ceux qui procèdent à la création de ladite organisation.
D’abord, je veux vous donner des informations concernant Civitas. Selon celles dont je dispose, le parti politique Civitas a fait l’objet d’une déclaration en préfecture en 1999. Les Amis de Civitas ont fait l’objet d’une déclaration en préfecture en 2006, et l’association de financement du parti politique, le 20 mars dernier.
Les principes qui régissent la création des partis politiques et des associations de financement sont définis par l’article 4 de la Constitution, qui établit le principe de la libre création des partis politique. Les principes relatifs aux structures de financement, qui rappellent ceux de l’article 4 de la Constitution, résultent quant à eux de la loi de mars 1988.
Il n’y a donc pas de procédure d’agrément, puisque c’est un processus déclaratif qui conduit les partis politiques à signaler leur création à la préfecture. Il n’existe pas, en la matière, de pouvoir discrétionnaire.
En revanche, la Commission nationale de financement des partis politique devra veiller, lorsqu’elle examinera les comptes de Civitas, au respect très rigoureux des règles en vigueur.
Je le rappelle : la démocratie a cette force, que vous considérez dans votre question comme une faiblesse, de permettre l’expression de ceux qui ne pensent pas comme ceux qui, dans la démocratie, défendent les valeurs. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, la Constitution a retenu non un principe d’agrément, mais un principe déclaratif.
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, un traité peut en cacher un autre. Derrière le TAFTA – Trans-Atlantic free trade agreement, ou accord commercial transatlantique – , il y a aussi le TISA – Trade in services agreement, ou accord sur le commerce des services ! Dans une totale opacité, l’Union européenne, les États-Unis, le Canada et une vingtaine d’autres pays négocient actuellement un accord sur le commerce des services. Ce traité de libre échange, le TISA, vise à libéraliser les activités de services, qu’il s’agisse des transports, des télécommunications, des services financiers, mais aussi de l’eau, de l’éducation ou de la santé. Sous l’influence du lobbying des multinationales américaines, l’objectif est limpide : réduire autant que possible les barrières de la concurrence, accélérer privatisations et dérégulations, endiguer toute velléité de réglementation par les États. L’égalité de concurrence irait jusqu’à exiger que tout soutien financier apporté aux services publics soit explicitement exclu, ou également ouvert aux prestataires de services privés à but lucratif. De surcroît, une clause du traité rendrait impossible tout retour en arrière.
Devant une telle atteinte à la souveraineté de la France et une telle menace pour nos services publics, ma question est double : le Gouvernement est-il prêt à demander l’arrêt immédiat de ces négociations dont la conclusion est annoncée pour la fin de l’année ? En tout état de cause, s’engage-t-il à exclure toute ratification ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
Monsieur le député, je vous remercie pour votre question. Concernant le TAFTA, je vous renvoie aux déclarations du Premier ministre devant votre assemblée hier. Je vous rappelle aussi que le chef de l’État, le chef du Gouvernement et moi-même, dans mes fonctions au commerce extérieur, avons été les premiers – et à ce stade les seuls – à poser ce degré-là d’exigence et ce degré-là de précision dans nos interventions sur ce thème.
Vous m’interrogez sur une autre négociation en cours, celle du TISA, qui concerne spécifiquement les services. Le but de ces négociations, telles qu’elles sont conduites, n’est pas de procéder à la libéralisation tous azimuts de ce qui existe. Ce n’est pas le souhait de la France et sincèrement, ce n’est pas non plus ce que défend l’Union européenne aujourd’hui. Le secteur des services, à savoir les transports, les services financiers et toute une série d’activités importantes pour la France, est un secteur très fort dans notre économie. Nous avons plus de 10 milliards d’euros d’excédent dans ce domaine. Notre économie et nos salariés ont donc intérêt à ce que des règles ambitieuses et exigeantes soient fixées à l’échelle mondiale.
Nous avons des réserves très précises sur les points que vous avez évoqués. Les services publics tout d’abord : en l’état actuel des négociations, ils sont protégés par ce que l’on appelle une clause transversale, c’est-à-dire que quel que soit le secteur concerné, il ne sera pas possible de remettre en cause les services publics existants, ni les services publics futurs qu’un État souhaiterait créer. C’est pour nous une ligne rouge très claire. Concernant la transparence, nous avons obtenu la publicité du mandat de négociation en mars 2015, et je suis à votre disposition pour vous apporter des précisions complémentaires. L’audiovisuel est exclu de ces négociations, et avec la ministre de la culture, Audrey Azoulay, nous sommes plus particulièrement attentifs à la question de la diversité culturelle. Vous le voyez, les exigences posées sur le TAFTA sont aussi d’actualité sur ce sujet-là. C’est la cohérence de notre diplomatie qui est ici en jeu.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Dimanche dernier, les électeurs de la Loire-Atlantique ont clairement tranché, à plus de 55 %, en faveur du projet d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, avec une participation supérieure à 51 %.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Avec Bruno Retailleau, président de la région des Pays de la Loire, nous n’avons jamais douté, monsieur le Premier ministre…
…de votre volonté de faire aboutir ce projet. Cette volonté est renforcée par la quasi-unanimité des collectivités de notre territoire qui sont favorables au nouvel aéroport et des cent soixante décisions de justice validant le projet.
Aujourd’hui, le résultat de la consultation des habitants de la Loire-Atlantique, qui ont dit oui à une large majorité, doit également renforcer votre détermination. Vous êtes, avec le Président de la République, le garant des institutions républicaines, et vous devez donc faire respecter le choix issu des urnes.
Deux questions simples, qui attendent des réponses claires. À quand l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ? À quand le démarrage des travaux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, je vous réponds, comme je répondrai dans un instant à votre collègue de la Loire-Atlantique Karine Daniel, en vous remerciant de votre question. Je salue tout d’abord la participation à ce référendum en Loire-Atlantique. Plus de 52 % des électeurs se sont déplacés. Beaucoup avaient contesté l’idée même de ce référendum ; certains y avaient vu une manoeuvre dilatoire. Les électeurs ont donné raison au Président de la République d’avoir voulu cette consultation et au Gouvernement de l’avoir mise en oeuvre.
Elle a permis de légitimer un projet. Il avait il est vrai été légitimé par les procédures, mais compte tenu des blocages que nous constations, il était important que les électeurs l’approuvent.
Grâce au débat qui a eu lieu, à la qualité des documents qui ont été adressés aux électeurs, à la haute conscience civique des habitants de ce département, donc à la participation et, bien sûr, au résultat, les choses sont désormais très claires. Il ne peut y avoir de contestation. Je vois que certains des opposants au projet acceptent le verdict ; je m’étonne que d’autres le contestent alors qu’il est incontestable.
Dès lors, et dans le respect de l’ensemble des procédures européennes et nationales, les travaux doivent commencer cet automne. Se préparera donc, avec le ministre de l’intérieur et avec toute l’autorité nécessaire, l’évacuation de la ZAD…
…car il est intolérable que ces terrains soient occupés. La loi s’applique, et quand elle reçoit en plus le soutien direct des électeurs, la loi de la République et l’autorité de l’État doivent s’appliquer. Il ne pourra y avoir aucune concession à la violence. Je le dis très clairement à ceux qui s’opposent par la violence aux décisions de l’État. La réponse de l’État devra être sereine, bien sûr, mais elle sera extrêmement claire, nette, précise et ferme.
Il y va de l’autorité de l’État et de ce que pensent – chacun le sait désormais – les électeurs de ce département.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Guillaume Bachelay, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi à mon tour et au nom de notre groupe, d’exprimer notre solidarité avec le peuple turc après le terrible attentat d’Istanbul.
Monsieur le Premier ministre, un Conseil européen est réuni depuis hier à Bruxelles. Dans le moment historique que vit l’Europe, il y a une double urgence : mettre en oeuvre le retrait britannique et engager le sursaut européen. Vous l’avez dit hier dans notre hémicycle : l’Europe a besoin de clarté. Cette clarté tient en un principe : quand on est dehors, on n’est pas dedans.
Rires sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les Britanniques ont fait un choix souverain. Il doit être respecté, donc concrétisé. Il n’y a pas de temps à perdre car il n’y a pas de place pour l’incertitude. Telle est la position qui a été exprimée dès vendredi par le chef de l’État. Lundi, Paris, Berlin et Rome l’ont affirmé ensemble, tout comme hier le Parlement européen et les présidents de la Commission et du Conseil. Cette fermeté n’est pas une punition du Royaume-Uni, c’est un facteur de cohésion pour l’Europe.
L’autre défi, c’est le nouveau commencement européen. Le chef de l’État l’a dit : « Pour aller de l’avant, l’Europe ne peut plus faire comme avant ». Cela veut dire des projets plutôt que des procédures, des investissements autant que des règles, faire société et pas seulement un marché. La France est à l’initiative pour une Europe qui protège et qui progresse.
Elle propose, avec l’Allemagne notamment, d’avancer dans trois directions : la sécurité, parce que, dans un monde chaotique, il faut faire face aux menaces, et d’abord à celle du terrorisme ; la croissance et l’emploi durables, par le soutien massif à la transition écologique et énergétique ; la jeunesse, car c’est pour elle que chaque génération d’Européens se doit d’agir.
Monsieur le Premier ministre, le Conseil européen se réunit aujourd’hui pour la première fois à vingt-sept et non plus à vingt-huit. Pouvez-vous nous indiquer les enjeux à ce stade ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le député, les Britanniques ont fait un choix clair, que nous pouvons regretter mais que nous respectons. Je l’ai dit hier devant vous : nous avons une longue histoire commune avec le Royaume-Uni. Nous allons naturellement coopérer avec ce pays ami dans le domaine de la défense – il faudra sans doute encore faire davantage, monsieur le ministre de la défense, renforcer nos liens avec le Royaume-Uni dans ce domaine –, ainsi que, notamment, sur les plans économique et migratoire. Nous y reviendrons tout à l’heure à l’occasion d’une question qui sera posée au ministre de l’intérieur.
L’Europe a besoin de clarté, car rien ne serait pire que l’incertitude. L’Europe doit être ferme sur la défense de ses intérêts propres. Nous comprenons que le Royaume-Uni défende ses intérêts, mais l’Europe, et parmi elle la France, doit agir de même. Le Royaume-Uni doit donc clarifier le plus rapidement possible ses intentions quant à l’activation de l’article 50 du traité de Lisbonne. Tel est le message de fermeté que le Président de la République a porté hier soir à Bruxelles. Les Vingt-Sept ont d’ailleurs demandé aujourd’hui même au Royaume-Uni de procéder le plus rapidement possible.
Un autre point essentiel défendu par la France fait également consensus. Comme les Vingt-Sept l’ont déclaré, il n’y aura aucune négociation d’aucune sorte sur le futur statut du Royaume-Uni vis-à-vis de l’Europe tant que les Britanniques n’auront pas notifié clairement le souhait de sortir.
Enfin, tous les États membres conviennent que l’accord qui sera conclu avec le Royaume-Uni comme pays tiers « devra être équilibré en ce qui concerne les droits et les obligations ».
La déclaration adoptée par les Vingt-Sept précise expressément, comme le voulait la France, que l’accès au marché intérieur exige « l’acceptation de chacune des quatre grandes libertés » de circulation : marchandises, services, capitaux et personnes. Il n’y aura donc ni passe-droit ni statut dérogatoire.
Au-delà des conséquences immédiates du référendum britannique, nous sommes – nous l’avons tous dit, hier, à l’occasion du débat souhaité par le président de l’Assemblée nationale – à un moment crucial pour le projet européen. En effet, le vote des Britanniques, au-delà des spécificités de ce pays, est aussi l’expression d’un sentiment trop répandu en Europe, notamment en France : celui d’une Europe éloignée des préoccupations des peuples. Nous ne pouvons pas rester sourds à l’expression de ce sentiment.
À de nombreuses reprises, les peuples se sont exprimés pour dire que l’Europe ne fonctionnait pas, et nous avons cru pouvoir dépasser les fractures, panser les plaies en repoussant les débats : ce n’est plus possible. Il faut donc traiter aussi cette crise de confiance. Un nouveau sommet européen se tiendra à la rentrée. D’ici là, le Président de la République continuera à prendre des initiatives en rencontrant la plupart de ses homologues.
Il y a urgence sur deux sujets que vous avez évoqués. Il s’agit en premier lieu de la croissance, bien sûr, et du soutien à l’investissement. Les peuples disent clairement – et c’est aussi la position de la France – que nous ne voulons pas d’une Europe punitive, et nous n’accepterions pas que les premières décisions de la Commission européenne à la suite du référendum britannique consistent à punir, par exemple, le Portugal ou l’Espagne. Nous avons besoin d’une Europe qui s’affiche clairement en faveur de la croissance, de la compétitivité, de l’emploi et de la jeunesse.
Il s’agit, en second lieu, de la sécurité de nos frontières. Ce qui s’est passé hier – j’exprime à nouveau, à cette occasion, ma solidarité au peuple turc – montre bien que la menace terroriste, que les actes terroristes de Daech concernent l’ensemble du monde : le terrorisme mène une guerre contre l’ensemble du monde. Nous avons besoin de coopération : nous ne pouvons pas nous enfermer dans nos propres frontières nationales.
Nous devons bâtir des coopérations dans tous ces domaines ; nous avons besoin de frontières sûres, fortes, protégées par des gardes-frontières. C’est la position de la France, exprimée notamment par le ministre de l’intérieur au cours de ces derniers mois, qui a fait avancer des propositions. Elles doivent à présent être mises en oeuvre. En effet, pour que les peuples retrouvent confiance dans l’Europe, il faut que le sentiment national, le sentiment patriotique perdure. Nous l’avons exprimé hier, je l’ai exprimé hier à la tribune de l’Assemblée nationale. Il faut des actes pour protéger, assurer les frontières de l’Europe. C’est à ces conditions que la confiance dans l’Europe renaîtra.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le Premier ministre, dans le prolongement de la réponse que vous venez d’apporter, je veux vous dire que, comme beaucoup, j’ai écouté, hier, votre discours avec beaucoup d’intérêt, et j’ai noté que nous avions au moins une convergence sur la gravité de la situation et l’urgence d’y répondre.
Cependant, comme le dit Edgar Morin : « À force de sacrifier l’essentiel à l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel ». Or l’Europe a très souvent réagi en urgence aux crises en oubliant l’essentiel, à savoir les peuples, les nations.
Ma question porte sur deux sujets, qui me paraissent aujourd’hui essentiels. Le premier, que vous avez évoqué, est celui des frontières. Nous voulons des frontières sûres et stables.
Monsieur le Premier ministre, vous avez laissé Angela Merkel négocier seule avec la Turquie la gestion des frontières et des réfugiés. Même si nous devons avoir un partenariat privilégié avec ce grand peuple, dont nous partageons aujourd’hui la peine, la Turquie ne fait pas partie de l’Europe, et nous devons l’affirmer clairement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Le second sujet essentiel est l’identité européenne. L’Europe n’est pas uniquement un marché commercial et financier ; l’Europe, c’est une âme. À Paris, à Berlin, à Madrid ou à Bruxelles, nous avons en commun un même héritage, une même destinée. Nous avons la même idée de la dignité de la personne humaine, de l’ouverture à la modernité, du refus du fanatisme et de l’amour de la liberté. Ces idées doivent s’incarner dans de grands projets, qui rejettent les normes de détail qui encombrent les réglementations de nos entreprises, pour faire en sorte que nous donnions une espérance à la jeunesse, au travers de la culture, de l’éducation, de l’innovation, du numérique et que nous portions enfin une espérance européenne.
Monsieur le Premier ministre, depuis quatre ans, vous avez déserté la scène européenne. La voix de la France doit redevenir audible. Quelle est votre position…
Monsieur Leonetti, vous avez été ministre chargé des affaires européennes en 2011, pendant plusieurs mois, et vous connaissez donc bien ces sujets et la machine européenne. Dès lors, pourquoi dire qu’il n’y aurait qu’un seul sujet sur lequel nous pourrions nous accorder, c’est-à-dire sur le constat, le fait que l’on n’a pas suffisamment écouté les peuples ?
Je pourrais aisément vous renvoyer au précédent quinquennat, et nous pourrions nous mettre d’accord aussi sur ce point : c’est sous la présidence de Nicolas Sarkozy que l’on a décidé d’adopter le traité de Lisbonne, en dépit du référendum et du choix du peuple français en 2005.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Mais, par-delà ces aspects, vous avez traité de deux sujets. Le premier renvoie, au fond, à la question de savoir ce qu’est l’Europe. J’ai essayé de le dire hier ; d’autres voix – je pense à François Fillon – ont également fait écho à mes propos.
Nous sommes un espace, une culture, une civilisation, une histoire, avec son cortège de drames, car c’est en Europe que sont nées les pires idéologies au XXe siècle, qui ont conduit au désastre. C’est pour cette raison qu’un certain nombre d’hommes ont décidé de la construction européenne après la Deuxième Guerre mondiale et la Shoah. Nous sommes donc cet espace de civilisation, une culture caractérisée par nos libertés, par le progrès, par l’égalité entre les femmes et les hommes.
Cet espace de progrès est évidemment contenu dans des frontières, qui peuvent nous permettre aussi de défendre un modèle social. C’était cela, aussi, l’Europe, sous l’impulsion du modèle social français et du modèle rhénan allemand. Nous l’avons toujours défendu. Il est contenu, je le répète, dans un espace, ce qui ne nous empêche pas de bâtir de grandes alliances stratégiques avec la Russie, la Turquie, le Proche et le Moyen-Orient, ou encore l’Afrique, pour ne parler que de nos voisins. Je pense que nous pouvons nous mettre d’accord là-dessus également, à condition qu’il s’agisse d’un modèle généreux, ouvert et tourné résolument vers l’avenir. C’est cette idée de l’Europe que, je crois, nous pouvons défendre.
Nous pouvons d’autant plus la défendre, monsieur Leonetti – je l’ai dit hier en réponse aux orateurs – qu’un débat se tiendra en 2017 sur l’idée que l’on se fait de la France dans l’Union européenne. Sans vouloir caricaturer le débat, ceux qui sont désireux que la France continue de compter dans ce modèle européen s’opposeront à ceux qui, tels le Front national ou d’autres, qui se sont exprimés hier, pris par leur élan aux seules fins de politique interne, voudront que la France sorte de l’Union européenne. Ce sera l’un des clivages essentiels en 2017.
L’autre sujet est celui des frontières. J’ai répondu à ce propos à Guillaume Bachelay. Ne créons pas des débats là où il n’y en a pas. Les frontières européennes ont sans conteste connu une situation difficile, avec la crise des réfugiés. Ce drame épouvantable nous oblige aussi à mettre en oeuvre pleinement notre modèle en matière d’asile. Ce problème est incontestable. Il a fallu la force et la combativité de la France, du Président de la République, du ministre de l’intérieur…
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
…pour faire avancer nos propositions. S’il n’y avait plus d’espace Schengen, les frontières nationales reviendraient, évidemment, ce qui marquerait la fin du modèle européen que vous évoquiez. Les décisions qui ont été prises au niveau européen doivent donc être mises en oeuvre.
Monsieur Leonetti, pourquoi vouloir toujours terminer par une note négative ? C’est par la voix du Président de la République, qui a décidé de l’intervention française, c’est par l’action de la France que, d’une certaine manière, l’Europe a pu faire en sorte que nous sauvions le Mali. C’est toujours la France et ses armées qui interviennent aujourd’hui au Levant ; c’est encore la voix de la France qui a permis de faire en sorte que la Grèce reste dans la zone euro. Oui, c’est grâce à la voix de la France, monsieur Leonetti !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur Jacob, puisque vous étiez peu entouré hier lors du débat, je veux rappeler que, grâce, notamment, à la majorité, à la gauche
Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
et à certains orateurs de l’opposition, tels François Fillon, c’est une certaine idée de l’Europe qui s’est fait entendre.
Je vous le dis très clairement et très sereinement : il y en a assez de ces mises en cause du Président de la République dans l’hémicycle,…
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste
…il y en a assez de ceux qui remettent en cause en permanence la voix de la France ! Soyez un peu plus fiers, dans ces moments-là, où tout se bouscule, de ce que fait la France et de ce qu’incarne François Hollande !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, hier soir, une fois de plus, hélas ! une fois de trop, le terrorisme a frappé. Pour la quatrième fois cette année, Istanbul en a été la cible. Après le coeur historique en janvier, l’artère la plus fréquentée de la ville en mars et l’aéroport de Gökçen en décembre, c’est cette fois l’aéroport Atatürk qui est atteint.
Il s’agit d’un attentat-suicide : des assassins, après avoir tiré sur la foule, se sont fait exploser au milieu de celle-ci. Ces kamikazes sont les auteurs d’un véritable carnage qui a coûté la vie à quarante et une personnes et blessé de très nombreuses personnes de tout âge et de toutes nationalités. Ainsi que le disait tout à l’heure le président de notre Assemblée, nous exprimons notre solidarité aux familles et aux proches des victimes, ainsi qu’au peuple turc, bien sûr, face à ce drame.
Cet attentat nous rappelle tristement que le terrorisme que nous combattons avec détermination ne connaît pas de frontières et peut frapper partout, à tout instant. Notre pays en a malheureusement déjà été victime.
Face à cette menace permanente, nous nous devons d’être unis car les terroristes cherchent toujours à nous diviser. La lutte contre le terrorisme est un combat de tous les instants à l’échelle tant nationale qu’internationale. Et la sécurité est plus que jamais une priorité à l’échelle européenne et nécessite des contrôles aux frontières et une coopération renforcée.
Monsieur le ministre, ne laissons pas la peur et le doute s’installer face à ces actions criminelles, face à ces actes de barbarie. Ne nous laissons pas déstabiliser, car c’est là le projet des terroristes.
Monsieur le ministre, quelles sont les actions que vous menez sur le territoire national pour nous préserver de ces attentats aveugles ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le député Bacquet, je voudrais tout d’abord exprimer notre immense compassion après les attentats terribles qui se sont produits en Turquie hier et qui font écho à d’autres perpétrés sur le même sol et en Europe au cours des derniers mois.
Vous me demandez ce que nous faisons collectivement et en France pour faire face à ce terrible défi qu’est la menace terroriste. En France, nous avons pris de nombreuses dispositions législatives pour renforcer les moyens des services de renseignement au travers de la loi relative au renseignement et pour renforcer les moyens des forces de sécurité intérieure, en créant près de 9 000 emplois dans la police et dans la gendarmerie, dont une grande partie bénéficie aux services de renseignement.
Nous avons aussi équipé nos forces de sécurité intérieure de moyens dont elles ne disposaient pas jusqu’à présent, notamment des moyens numériques, des moyens de protection, des armes nouvelles dont sont désormais dotées les brigades anticriminalité et les PSIG, pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie. Nous avons réparti les forces spécialisées – le GIGN, groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, le RAID, recherche, assistance, intervention, dissuasion, et la BRI, la brigade de recherche et d’intervention – sur l’ensemble du territoire national de manière à ce qu’en cas de tuerie de masse, nous puissions faire intervenir immédiatement ceux qui sont en mesure de mettre hors d’état de nuire les terroristes les plus dangereux.
Nous avons par ailleurs multiplié les actions européennes. Ainsi que le Premier ministre l’indiquait à l’instant, une modification du code frontières Schengen a été acceptée le 15 septembre dernier pour renforcer le contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne, une montée en puissance de l’agence FRONTEX a été entérinée par un supplément au budget de 250 millions d’euros…
… et la création d’un corps européen de garde-côtes et de garde-frontières, le système d’information Schengen est interrogé de façon systématique, l’interconnexion des fichiers criminels se met en place ainsi qu’un dispositif de lutte contre la fraude documentaire. Nous avons en outre développé notre coopération avec la Turquie depuis le 26 septembre 2014 en mettant en place un protocole qui normalise les conditions de retour des combattants étrangers sur le territoire national de manière à pouvoir le judiciariser dès lors qu’ils ont quitté le théâtre des opérations terroristes.
Ce sont l’ensemble de ces actions qui ont permis d’éviter quinze attentats en France au cours des derniers mois.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Après avoir, au début du quinquennat, pratiqué un matraquage fiscal sans précédent, votre majorité, même si ce terme ne signifie plus grand-chose aujourd’hui, a annoncé à de multiples reprises que le Gouvernement se lançait dans un vaste plan d’économies pour réduire les déficits. La réduction a en réalité été fort modeste en 2015, de l’ordre de 0,4 point de produit intérieur brut. Le solde public comme la dette de notre pays sont donc demeurés plus dégradés que ceux de la plupart des pays de la zone euro.
Vous avez néanmoins annoncé un objectif de réduction du déficit à 2,7 % en 2017. Nos compatriotes constatent cependant jour après jour une avalanche de dépenses nouvelles au gré des mouvements sociaux ou des cadeaux tous azimuts accordés par le Président de la République dans sa recherche désespérée de reconquête de son électorat.
Ces dépenses sont évaluées à 6 milliards d’euros. La liste est tellement longue que je ne l’illustrerai que par quelques exemples : plan d’urgence pour l’emploi, plan élevage, dégel du point d’indice de la fonction publique,…
… mesures pour les jeunes, crédits en augmentation pour les demandeurs d’asile, prime pour les enseignants
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain
Je pourrais y ajouter les conséquences de l’échec des négociations de l’UNEDIC et les sous-budgétisations.
En conséquence, la trajectoire de limitation des déficits connaît une véritable embardée. C’est non pas notre groupe qui le dit, mais la Cour des comptes dans son rapport annuel, publié ce matin. Où sont les économies pour financer certaines de ces mesures, au demeurant utiles ? Je sais bien que votre ministre des finances évoque toujours la fameuse réserve de précaution, en d’autres termes les gels de crédits. Toutefois, sur ce sujet également, la Cour des comptes insiste sur les limites de l’exercice, surtout lorsque le Président de la République revient sur certains arbitrages.
Monsieur le Premier ministre, malgré vos promesses réitérées,…
Monsieur le député Alain Gest, je vous propose de remonter un peu le temps,
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
pour revenir non pas à la période 2007-2012, au cours de laquelle la dépense publique a augmenté de 3,5 %, mais seulement d’une année.
Voilà un an jour pour jour, ceux qui siègent sur les bancs de l’opposition nous annonçaient l’apocalypse pour l’exercice 2015, affirmant que 10 milliards d’euros manqueraient et que l’objectif de 3,8 % de déficit risquait de n’être pas atteint. Or, le déficit a été de 3,6 %, c’est-à-dire inférieur à nos prévisions.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le député, nous examinerons lundi le projet de loi de règlement pour l’exercice 2015, et aujourd’hui vous évoquez les dépenses de 2017, alors que nous sommes en juin 2016. Le débat d’orientation des finances publiques n’a pas eu lieu, monsieur le député.
Nous vous transmettrons dans les prochains jours les arbitrages que le Premier ministre rendra dans les prochaines heures sur nos prévisions de dépenses pour 2017.
Soyez rassuré, monsieur le député : le débat d’orientation des finances publiques vous permettra d’apprécier que les dépenses annoncées par le Président de la République ou par d’autres pour 2017 seront parfaitement intégrées dans notre trajectoire.
Mais vous ne les avez pas encore reçues, monsieur Mariton ! Vous le vérifierez. La prévision de croissance est raisonnable, chacun s’accorde à le dire.
L’objectif de 2,7 % de déficit fin 2017 est maintenu.
Rendez-vous est pris jeudi. Je comprends votre impatience, mais que celle-ci ne se transforme pas en suspicion ou en angoisse.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Karine Daniel, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes Atlantique vers le site de Notre-Dame-des-Landes. J’y associe les députés socialistes de Loire-Atlantique.
Après de longues années de débats et face à une situation de blocage politique manifeste, le Président de la République a choisi de laisser la décision finale aux électeurs et électrices de Loire-Atlantique. Dimanche dernier, ceux-ci ont tranché et se sont clairement prononcés, à plus de 55 %, en faveur du transfert.
Je salue la forte mobilisation citoyenne qui donne de la force à ce vote. J’entends néanmoins depuis trois jours des propos qui m’inquiètent et ne contribuent pas au nécessaire apaisement que nous devons retrouver sur ce sujet. Des responsables politiques et associatifs, dont je ne doute pas qu’ils adhèrent aux valeurs de notre démocratie, semblent pourtant refuser d’entendre et de respecter le verdict des urnes. Cette logique est extrêmement dangereuse.
Le débat démocratique a eu lieu et toutes les opinions se sont fait entendre. Si elles sont toutes respectables, le vote permet de trancher par le fait majoritaire. Ne pas le respecter, c’est s’inscrire dans une logique qui ne peut qu’aboutir au renforcement de la violence. Il incombe aux démocrates que nous sommes d’entendre et de respecter le choix exprimé par la majorité des électeurs et des électrices. Par-delà le résultat, la forte participation à la consultation démontre que les habitants et les habitantes de Loire-Atlantique attendent qu’une décision soit enfin prise et appliquée.
Nous devons maintenant faire progresser l’aménagement du site actuel de Nantes Atlantique et celui du futur aéroport. Il y va de la crédibilité de la consultation ainsi que du respect des citoyens et des citoyennes et de l’autorité de l’État. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, préciser les modalités et les étapes de la mise en oeuvre du projet de transfert ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’est vous qui devriez prendre quelques vacances, monsieur Jacob ! Mais vous savez que je vous aime bien. Si vous n’existiez pas, ça nous manquerait !
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame Daniel, cette validation démocratique renforce en effet la légitimité d’un projet déjà promu par les élus et les milieux économiques locaux car il offre au développement du territoire comme aux habitants des opportunités importantes.
Je répondrai très directement à votre question : l’État est déterminé à faire respecter le résultat du scrutin. Les travaux préparatoires à la réalisation du projet seront engagés à l’automne, dans le respect scrupuleux des réglementations nationale et européenne. L’État informera officiellement le concessionnaire du calendrier des travaux et les derniers actes juridiques préalables seront prochainement réalisés. Toutes ces procédures seront menées en lien étroit avec la Commission européenne.
J’ai demandé au préfet de réunir les collectivités locales concernées afin de leur présenter le calendrier d’engagement des travaux. Je souhaite que la population soit régulièrement informée de l’avancement du projet.
Enfin, nos concitoyens ne comprendraient pas que certains continuent à faire obstacle à la réalisation du projet. Les personnes qui occupent illégalement des propriétés sur le site du futur aéroport doivent quitter les lieux dès à présent. Sur ce sujet également, je puis vous assurer que le Gouvernement prendra ses responsabilités et fera respecter l’État de droit.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture.
Fin des quotas laitiers, non-paiement des aides de la PAC, embargo russe, chute de la demande mondiale : les producteurs de lait sont dans une situation extrêmement grave. Les prix baissent, les marges s’amenuisent, les trésoreries se dégradent. Les contrôles inopinés, souvent injustifiés, s’intensifient. Les banquiers ferment le robinet. La tension est vive et le moral de nos producteurs de lait est au plus bas ; beaucoup songent d’ailleurs à abandonner le métier. Nous vivons une crise sociale certes silencieuse mais non moins violente.
Rien n’a été entrepris au niveau européen pour enrayer l’augmentation de la production laitière, laquelle a augmenté de 6 % depuis le début de l’année. Il existe d’ailleurs un contraste entre les pratiques de l’Europe et celles des autres grands ensembles économiques qui garantissent, eux, des revenus à leurs agriculteurs et disposent de mécanismes destinés à compenser les pertes importantes.
C’est pourquoi il est urgent de mettre en place des mesures visant à soulager nos producteurs. Cela implique une amélioration de la gestion de l’offre pour éviter une augmentation de la production laitière qui tend à faire baisser les prix, la mise en place d’un système d’intervention plus efficace afin que l’Europe puisse réagir plus rapidement et un équilibrage de la chaîne d’approvisionnement pour que les agriculteurs tirent enfin un juste revenu de leur travail.
La Commission européenne a la possibilité de mettre un terme à cette crise par des actions fortes permettant de relancer le prix du lait. Monsieur le ministre, quelles initiatives comptez-vous prendre pour agir rapidement et efficacement en ce sens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je vous demande d’abord, monsieur le député, de bien vouloir excuser l’absence de Stéphane Le Foll, qui est en déplacement en Provence.
Vous avez raison de souligner la gravité de la situation des éleveurs de lait, notamment à la suite de la décision tout à fait malencontreuse mettant fin aux quotas laitiers.
Le ministre de l’agriculture et le Gouvernement avec lui se sont engagés depuis plusieurs mois pour faire prendre conscience à la Commission européenne de la gravité de la situation et de la nécessité de prendre des mesures structurelles. Ainsi, elle a permis aux éleveurs, dérogeant au moins pour cette fois à ses principes de concurrence habituels, de se coordonner, notamment en matière de prix. Cette mesure est néanmoins insuffisante. Il faut aussi faire usage de moyens financiers pour aider les éleveurs. Sur l’initiative de la France également, les homologues polonais et allemand de Stéphane Le Foll ont convenu d’intervenir auprès de la Commission. D’autres pays les ont rejoints, notamment des pays d’Europe du Sud comme l’Espagne et le Portugal.
Le Conseil européen qui s’est tenu sous le regard des éleveurs a véritablement abouti à une position consistant à s’adresser à la Commission pour lui demander d’apporter un certain nombre de réponses structurelles. Nous attendons qu’elle prenne dans le courant du mois de juillet, grâce à l’action de la France et du Conseil européen, un certain nombre de décisions très importantes relatives à l’incitation financière à la régulation volontaire.
Je tiens à dire qu’il n’est pas envisageable de reconduire un paquet d’aides directes non conditionnées à une discipline de la production et de l’intervention publique. La décision du commissaire Hogan de relever les plafonds des quantités de poudre de lait exigibles a été saluée. Il faudra évidemment réfléchir collectivement aux modalités de mise en oeuvre de cette mesure.
Monsieur le Premier ministre, la Grande-Bretagne a décidé de quitter l’Europe. La question migratoire n’explique pas tout de ce choix mais elle a sans doute fortement influencé l’opinion britannique. Pour notre région Hauts-de-France, cette question trouve ici un nouveau rebondissement, puisque c’est sur son sol que se situe la frontière britannique ! Cas rare et singulier dans toute l’histoire géopolitique que celui d’une frontière d’un pays déplacée chez le voisin, non pas de manière autoritaire mais négociée. Avec ce déplacement de Douvres à Calais, la France est devenue de facto le bras policier de la politique migratoire britannique.
Depuis plusieurs mois, derrière son président Xavier Bertrand, la région Hauts-de-France appelle à la renégociation des accords du Touquet. Aujourd’hui, face à cette nouvelle donne, nous vous demandons solennellement de les dénoncer. Nous entendons déjà des voix s’élever pour nous opposer l’appel d’air que pourrait provoquer cet acte. Nous affirmons que l’appel d’air, au contraire, a déjà eu lieu, du fait même d’une législation britannique favorable aux illégaux. Seule une dénonciation des accords du Touquet, sera en mesure de contraindre le gouvernement britannique à réformer sa législation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Cet acte fort, nous le devons à la population courageuse du Calaisis, à Natacha Bouchard, la maire de Calais, aux acteurs économiques à bout de souffle…
… et aux migrants eux-mêmes, dont certains se trouvent dans des situations intenables, comme ces mineurs isolés.
Depuis le 24 juin, la frontière britannique ne peut implicitement être à Calais ! Êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à dénoncer ces accords qui ont vécu, et à resituer nos amis britanniques – le Royaume-Uni, comme vous l’avez indiqué, est désormais un pays tiers – dans la perspective du choix qu’ils ont fait démocratiquement et dont ils doivent aujourd’hui assumer pleinement les conséquences ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, je vous remercie pour cette question qui permet de préciser ce que sont les accords du Touquet, qui les a signés,
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
quel est l’esprit qui a présidé à leur mise en oeuvre et quelles seraient les conséquences d’une éventuelle dénonciation.
Les accords de Canterbury et les accords du Touquet, signés entre 1990 et 2003, régissent la relation entre la Grande-Bretagne et la France, pour ce qui concerne la frontière et le passage des personnes, qu’il s’agisse ou non de migrants. Ils prévoient que des forces de police, placées de part et d’autre de la frontière, à la fois en France et en Grande-Bretagne, assurent le contrôle des personnes et notamment la lutte contre l’immigration irrégulière. L’existence du tunnel sous la Manche suppose des contrôles renforcés.
Un de mes prédécesseurs, Nicolas Sarkozy, a eu une inspiration juste en signant ces accords.
Protestations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Il ne faut pas faire de petite politique sur ce sujet, mais regarder les questions telles qu’elles se présentent.
Mêmes mouvements.
Me reprocher de dire qu’il avait raison, c’est considérer qu’il avait tort !
Compte tenu de la situation migratoire en Europe, du cynisme de ses acteurs et du nombre de migrants qui cherchent à se rendre en Grande-Bretagne, envoyer le signal que l’on ouvre la frontière, face aux organisations de passeurs, c’est risquer que demain, il n’y ait pas 4 400 migrants à Calais, mais 10 000 ou 15 000. Si c’est cela que vous voulez, alors il faut revenir sur les accords du Touquet.
C’est ce que je ne veux pas faire. Je recevrai tout à l’heure les élus de Calais pour leur dire le contenu de ces accords et m’exprimerai au terme de cette rencontre pour dire quelle est la position du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Notre politique de la ville est au bord de l’implosion, victime sans doute, et une nouvelle fois, de notre bureaucratie. Lors des débats sur le budget 2016, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants vous avait alerté sur la baisse des crédits qui lui étaient consacrés, crédits pourtant essentiels aux politiques de cohésion sociale, dont le modèle fut impulsé par Jean-Louis Borloo, et qui sont, avec le projet de loi Égalité et citoyenneté, de nouveau au centre des discussions.
La cohésion sociale ne saurait se résumer à l’affichage de grands principes, qui négligerait les mesures de solidarité concrètes attendues par les territoires en difficulté. Or certains choix techniques, sinon politiques, menacent aujourd’hui une grande partie des projets locaux.
Ainsi, la dissolution, fin 2015, de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances n’a pas été correctement anticipée par votre gouvernement. L’État se révèle aujourd’hui incapable de débloquer les financements nécessaires à des projets pourtant indispensables à l’accompagnement quotidien des populations en difficulté, tels les programmes de réussite éducative ou les opérations « Ville Vie Vacances ». Ainsi, seuls 5 % des 260 millions d’euros votés et prévus en 2016 ont été engagés, du fait des dysfonctionnements engendrés par le système de gestion Chorus.
Si nous sommes décentralisateurs, nous n’en continuons pas moins de penser que l’État doit demeurer le garant des solidarités nationales. Que le Gouvernement compte-t-il faire pour sortir de cette situation aussi kafkaïenne qu’insoutenable ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député Piron, la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, adoptée en 2014, a inscrit le principe d’une politique de la ville alliant l’urbain à l’humain. Elle associe la transformation physique des quartiers populaires aux questions d’accès à l’emploi, à l’éducation et à la culture.
Pour ce qui est de l’urbain, votre majorité, avec Jean-Louis Borloo, avait lancé un programme de rénovation urbaine. Notre gouvernement a su en sécuriser les ressources : ces cinq dernières années, près d’un milliard d’euros a été affecté à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU – pour terminer le premier programme, et nous avons lancé l’acte II de la rénovation urbaine.
La politique de la ville, c’est aussi l’humain et donc le tissu associatif, acteur essentiel de notre cohésion. Alors que les crédits d’intervention du ministère de la ville avaient baissé de 31 % entre 2009 et 2012, notre majorité les a sanctuarisés : 337 millions d’euros ont été votés en loi de finances, malgré le contexte de redressement des finances publiques. Aujourd’hui, la dépense de l’État par habitant dans les quartiers est supérieure de 13 % à ce qu’elle était en 2012.
La gestion des subventions de la politique de la ville s’effectue, comme pour l’ensemble des crédits de l’État, dans des circuits financiers comptables, dits Chorus, suite à la création d’un interlocuteur unique, le Commissariat général à l’égalité des territoires – CGET –, qui a permis de mieux concentrer nos moyens.
Je le concède, ce transfert a eu pour conséquence un retard dans l’engagement des crédits. Mais il s’agit d’un retard de trésorerie, pas de moyens. J’ai entrepris, avec le CGET, la mise en place d’un plan de rattrapage, qui portera pleinement ses fruits : aujourd’hui, 11 % des crédits, sont engagés ; nous serons à 30 % fin juillet et à 60 % fin septembre, soit au même niveau que les années précédentes. Les outils sont là, les moyens sont consolidés. Il nous reste maintenant à faire vivre le projet dans les 1 500 quartiers prioritaires, avec tous les élus !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe Les Républicains.
Dans le projet de loi travail, il n’y a pas que l’article 2 : il y a aussi l’article 21, qui vise à sanctuariser le compte pénibilité au sein du compte personnel d’activité.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ce compte pénibilité cristallise les mécontentements – c’est peu de le dire ! – en particulier dans l’agriculture, l’industrie et le BTP.
Il alourdira dangereusement les charges qui pèsent déjà sur toutes les entreprises. Non seulement c’est une bombe à retardement sur le plan financier, mais c’est aussi un casse-tête à mettre en oeuvre : il y a 260 pages de textes d’application !
Au 1er juillet, soit dans deux jours, chaque entreprise devra s’équiper d’un chronomètre pour mesurer le temps écoulé entre les différents gestes répétitifs, d’un rapporteur pour mesurer la position des membres supérieurs, d’une balance pour évaluer les charges soulevées, poussées ou tractées, d’un logiciel pour faire évaluer les risques chimiques par des laboratoires indépendants et « cofraqués » – c’est-à-dire reconnus par le COFRAC, le Comité français d’accréditation.
Il faudra en conséquence se poster derrière chaque salarié pour procéder, par cycle et au cours d’une journée, à l’observation des tâches et à l’évaluation individuelle des facteurs d’exposition ; il faudra recourir à un laboratoire indépendant pour mesurer les vibrations au poste de travail ; il faudra enfin dégager du temps pour recenser les évaluations et calculer les cotisations pour les organismes sociaux à leur place. Sans compter que ce dispositif entraînera inévitablement des contentieux, peu propices à l’amélioration du dialogue social dans les entreprises.
Nous partageons l’objectif d’améliorer les conditions de travail. Mais le compte personnel de prévention de la pénibilité – ou C3P – plombera littéralement la compétitivité des entreprises françaises – et vous le savez très bien, monsieur le Premier ministre. Allez-vous enfin y renoncer ? À défaut, il faudra cesser de dire que vous aimez les entreprises !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la députée, il y a en effet deux visions, deux projets de société différents. Le Sénat a supprimé, dans le projet de loi travail, non seulement le compte engagement citoyen, mais aussi le compte personnel de prévention de la pénibilité,…
…ce qui est tout à fait conforme à la vision que vous avez développée à l’instant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Que signifie la pénibilité ? Que l’espérance de vie d’une certaine partie des salariés est beaucoup moins longue que celle des autres. C’est cela, la réalité !
Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Dans le cadre de la réforme des retraites, quatre facteurs de pénibilité ont été identifiés. Au total, 500 000 personnes au sein de 26 000 entreprises ont ainsi pu bénéficier de points de pénibilité.
« Mensonges ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
C’est une mesure de justice sociale : les personnes qui ont accompli des travaux pénibles peuvent partir plus tôt à la retraite, ou accéder à un premier niveau de qualification et changer de métier. Ce n’est pas là le modèle social que vous proposez.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Les organisations patronales estiment que c’est trop compliqué, et qu’il faut alléger les charges pour les entreprises. C’est pourquoi, afin de faciliter le travail des chefs d’entreprise, nous avons supprimé la fiche individuelle, mais à une condition : que les branches professionnelles fixent des référentiels. Le ministère de la santé et le ministère du travail se tiennent totalement à la disposition des branches professionnelles pour les aider dans cette tâche.
Certaines branches l’ont fait : dans les boissons, par exemple, il y a un référentiel homologué par le ministère du travail. D’autres ne l’ont pas fait. Nous ne savons pas si c’est de la mauvaise volonté, ou si c’est à cause de la complexité du processus. Quoi qu’il en soit, nous sommes prêts à aider les entreprises, car nous savons bien que sans référentiel de branche, les choses seront beaucoup plus compliquées pour les chefs d’entreprise.
Enfin, permettez-moi de vous dire que je condamne les propos de Pierre Gattaz, qui a appelé à ne pas respecter la loi. Il n’est pas possible, dans un État de droit, d’appeler à ne pas respecter la loi…
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez présenté lundi dernier, avec Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, un plan de lutte contre l’insécurité dans les territoires d’outre-mer. Ce plan est organisé autour de trois axes.
En Guyane, sa déclinaison implique nécessairement la construction d’un nouveau commissariat de police à Cayenne, la mise en place d’une zone de sécurité prioritaire à Saint-Laurent du Maroni, et une lutte accrue contre le trafic de stupéfiants.
Parallèlement à ces mesures concrètes, j’insiste sur les autres formes de lutte contre les insécurités. Je m’adresse à ce sujet à M. le Premier ministre : il s’agit de l’éducation, la prévention et la lutte contre toutes les formes d’inégalité. Ces questions sont à mon sens aussi déterminantes – sinon plus – que la seule augmentation des moyens répressifs.
Il y va de notre responsabilité collective : nous devons nous interroger sur les tendances de fond qui structurent nos sociétés, en évitant de résumer nos territoires à leurs particularités folkloriques, pour faire face à leurs réalités, quelque désagréables à entendre qu’elles soient : analphabétisme, chômage, exclusion, inégalités – bref, une société à deux vitesses, sans égalité réelle, sans égalité républicaine.
Pour relever ces défis, le Président de la République s’est engagé, le 13 décembre 2013, devant les élus de Guyane, à mettre en place un pacte d’avenir pour la Guyane. Le 28 octobre 2015, monsieur le Premier ministre, vous décliniez, dans cet hémicycle, les axes prioritaires de ce pacte d’avenir, qui organisera de manière concrète l’action de l’État pour les quinze prochaines années, et guidera la Guyane vers le progrès social et économique.
Comme vous le précisiez avec justesse, le progrès passe « par la lutte déterminée contre le chômage, contre la pauvreté, contre les inégalités et contre l’insécurité ». C’est vrai partout, mais encore plus en outre-mer, et en particulier en Guyane.
Monsieur le ministre de l’intérieur, pourriez-vous décliner les mesures de ce plan pour la sécurité en outre-mer ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Votre question, madame la députée, aborde beaucoup de sujets qui ne relèvent pas tous de la compétence du ministère de l’intérieur. Je me rendrai prochainement dans votre département, à la fin du mois de juillet : vous ne m’en voudrez donc pas de centrer ma réponse sur les grands axes du plan de lutte contre l’insécurité dans les territoires d’outre-mer, que j’ai présenté avant-hier avec la ministre des outre-mer.
Ce plan est très volontariste ; il vise à associer l’ensemble des administrations de l’État à la lutte contre l’insécurité et à la prévention de la délinquance, en leur donnant les moyens de le faire. Le premier axe consiste à donner aux forces de sécurité intérieure les moyens d’accomplir effectivement leurs missions. En 2016, 433 policiers et gendarmes seront affectés dans les territoires d’outre-mer ; cela représente un effort considérable par rapport à ce qui avait été fait jusqu’alors. La gendarmerie d’outre-mer bénéficiera notamment de 300 effectifs supplémentaires, dont 179 dès l’an prochain.
J’ai voulu cet effort, car l’on ne peut assurer la sécurité de départements où l’insécurité augmente depuis quinze ans si on ne donne pas aux forces de sécurité intérieure les moyens nécessaires pour cela. Nous augmenterons en outre les crédits hors titre 2, c’est-à-dire hors charges de personnel, afin qu’elles acquièrent des armes, des protections et des véhicules.
Deuxième axe : la mobilisation de l’ensemble des administrations concernées. En effet, si l’on ne mobilise pas à la fois le ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, dirigé par Patrick Kanner, et le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, dirigé par Najat Vallaud-Belkacem, afin d’employer, en amont, la totalité des moyens de prévention, nous aurons des difficultés à atteindre nos objectifs.
Enfin, le troisième axe consiste en la mobilisation des collectivités territoriales, par la signature de conventions avec les polices municipales. Elles seront en outre associées au comité de lutte contre la délinquance.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
J’ai appris hier en fin d’après-midi, par les médias, une bien triste nouvelle : la fermeture de la maternité de Pithiviers. Je suis très déçue et contrariée. Je me suis battue sans relâche aux côtés du personnel, des habitants et de nombreux élus pour le maintien de cette maternité si chère au coeur des nord-Loiretains.
Il est inadmissible que cet établissement qui assurait encore plus de cinq cents naissances par an soit sacrifié. Dorénavant, les femmes auront de quarante-cinq minutes à une heure trente de trajet pour aller donner la vie. C’est la disparition d’un nouveau service de santé de proximité.
La fermeture de notre maternité n’est pas un cas isolé dans nos territoires ruraux. C’est une conséquence de la politique de santé mise en place par votre gouvernement. Là où il y avait entraide et cohésion dans nos communautés hospitalières, c’est une concurrence exacerbée qui s’installe entre les établissements pour leur survie à travers les GHT, les groupements hospitaliers de territoire. Dans le même temps, les agences régionales de santé, ou ARS, organisatrices de la politique de soins sur les territoires, se limitent à un rôle de spectateur et de liquidateur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Madame la ministre, vous nous avez reçus, avec le sénateur Sueur, jeudi dernier à votre ministère et nous avez indiqué que toutes les pistes restaient à l’étude. Moins d’une semaine après, c’est la fermeture qui est décidée !
Vous avez déclaré aussi vouloir préserver dans la durée les hôpitaux locaux de proximité et donner de la force aux petits établissements. Un de vos lointains prédécesseurs, Bernard Kouchner, avait, lui, fait le déplacement en 1997 pour annoncer la fermeture de la maternité, avant de faire en sorte qu’elle puisse ouvrir à nouveau neuf mois plus tard. Allez-vous suivre ce précédent ? Allez-vous prendre effectivement la mesure des difficultés que nous rencontrons pour le recrutement de professionnels ? Allez-vous effectivement demander aux ARS de remplir leur rôle d’organisation de la politique de santé, ou continuerez-vous de les conforter dans leur rôle de bureau d’enregistrement des fermetures d’établissements ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – M. Jean Lassalle, Mme Isabelle Attard et Mme Brigitte Allain applaudissent.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Je vous prie tout d’abord d’excuser la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, qui est en déplacement dans le Finistère.
Ce gouvernement, madame la députée, est attaché plus qu’aucun autre auparavant au maintien d’une offre hospitalière de proximité partout en France.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous avons par exemple décidé, vous vous en souvenez certainement, de mieux financer les hôpitaux locaux et les hôpitaux isolés via le projet de loi de finances.
Nous mettons actuellement en place les groupes hospitaliers de territoire, destinés à maintenir les filières de soins. J’aimerais savoir comme ce dispositif qui n’est même pas encore effectif a pu condamner la maternité de Pithiviers comme vous venez de l’affirmer !
Nous prenons également des mesures incitatives pour attirer les médecins hospitaliers et les médecins libéraux dans les zones sous-dotées.
Parfois, malheureusement, l’équipe médicale nécessaire ne parvient pas à être constituée de manière stable, et c’est le cas pour la maternité de Pithiviers, alors que des efforts considérables ont été déployés pour réussir.
Et là, quelle est notre responsabilité ?
Notre responsabilité, c’est avant tout de garantir à chaque femme qui accouche les conditions de sécurité maximum. Oui, il y a deux exigences essentielles : proximité, mais aussi sécurité.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
À Pithiviers, c’est l’hôpital lui-même, à la suite d’un événement indésirable grave, qui a enclenché la procédure de fermeture. Je vous le redis, aucun poste n’a été supprimé et aucune mesure d’économie n’a été demandée. C’est la difficulté à recruter des médecins et à assurer le fonctionnement normal de la maternité qui a obligé l’agence régionale de santé à prendre cette décision.
Marisol Touraine vous a indiqué sa volonté d’aider fortement l’hôpital de Pithiviers. Eh bien, c’est la réalité. Un centre périnatal de proximité ouvrira pour assurer le suivi des femmes avant et après leur accouchement et le service d’urgences sera conforté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Jean-Pierre Allossery, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse à Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité réelle.
Madame la secrétaire d’État, il y a peu, la Commission nationale consultative des droits de l’homme vous a remis son rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Ce document réaffirme plus que jamais la nécessité de mener ce combat républicain. Cela passe bien sûr par la lutte contre les discriminations, dont le racisme est souvent à l’origine.
Les discriminations sont encore une réalité pour nos concitoyens. Vous le savez, les actes à caractère raciste ont augmenté de 22 % l’an dernier. Plus récemment, l’observatoire de la diversité du Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA –, dans un rapport publié le 1er juin, révélait qu’il avait reçu en 2015 trois fois plus de plaintes relatives à des discriminations qu’en 2014. Dans ce même rapport, le CSA soulignait la quasi-inexistence de la représentation de toute la diversité française dans les médias. Nos valeurs républicaines sont donc mises à mal.
Le Gouvernement a réagi en renforçant son action : opérations de testing, campagne pour lutter contre les discriminations à l’embauche, amélioration de l’accès aux droits, portail « stop discrimination »… C’est un chantier colossal. Les discriminations prennent des formes insidieuses. Elles concernent chaque territoire, chaque Française et Français, chacun d’entre nous. Les prétextes pour exclure sont nombreux : handicap, origines, sexe, orientation sexuelle, et maintenant précarité sociale.
Aujourd’hui, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, que nous avons…
Merci.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle.
Monsieur le député, les discriminations sont un véritable poison pour notre société. Elles déconstruisent le lien social et favorisent le repli sur soi. Les chiffres que vous avez rappelés exigent que l’on agisse. C’est ce que fait le Gouvernement. Par l’installation et le travail de trois comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté et par la création du secrétariat d’État à l’égalité réelle, placé auprès du Premier ministre, il affirme sa volonté d’intensifier cette bataille républicaine.
Le Premier ministre m’a chargé d’animer et de coordonner ces comités. Nous intensifierons leur travail et leur déclinaison dans tous les territoires, je m’y engage.
Ensuite, le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, que nous portons avec Emmanuel Cosse et Patrick Kanner et qui est en cours de discussion devant votre assemblée, a l’ambition de lutter contre l’exclusion. L’accentuation de la lutte contre les discriminations et toutes les formes de racisme est au coeur du titre III, « Pour l’égalité réelle ». Renforcer les peines, généraliser les circonstances aggravantes de racisme, de sexisme et d’homophobie à tous les crimes et délits, faciliter les procédures pour les victimes : voilà des signes forts. La fermeté s’impose et nous savons l’assumer.
Au-delà de la sanction et pour que chaque Français trouve sa place dans la société, je souhaite aussi que la lutte contre les discriminations passe par un travail de pédagogie. Lutter contre toutes les discriminations, c’est faire en sorte que la France se regarde telle qu’elle est, forte de toute sa diversité, et redonne tout son sens à l’égalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
J’informe l’Assemblée qu’à la demande du Gouvernement, la discussion du projet de loi de règlement du budget de l’année 2015 débutera le lundi 4 juillet à dix-huit heures au lieu de seize heures.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté (nos 3679, 3851).
Je vous informe qu’à la demande de la commission spéciale, l’Assemblée examinera par priorité, demain matin à neuf heures trente, après la discussion des projets de ratification de sept conventions internationales, les articles 33 undecies, 33 duodecies, 33 terdecies, 33 quaterdecies, 33 quindecies, 48, 49 et 50, ainsi que les amendements portant articles additionnels après l’article 33 undecies et après l’article 50, relatifs aux gens du voyage.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 1 de notre règlement.
Nous poursuivons cet après-midi la discussion du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Nous avons démarré lundi après-midi à seize heures et aujourd’hui, mercredi après-midi, nous n’en sommes qu’à l’article 14. Comment comptez-vous organiser les débats ? Jusqu’à quand sont-ils prévus ? Vous venez de nous informer que certains articles seront examinés demain matin et que nous ne poursuivrons pas nos travaux en respectant l’ordre chronologique des articles.
Je tenais à vous interroger sur l’organisation de nos travaux, car il y a dans ce projet de loi des articles et des amendements importants à discuter. Pour que nos collègues qui souhaitent s’exprimer sur ces articles puissent s’organiser, nous aimerions avoir plus de visibilité sur ce que sera la fin de la semaine. Je vous remercie.
Ma chère collègue, la Conférence des présidents a prévu des séances jusqu’à vendredi soir et je pense qu’un certain nombre d’entre nous seront présents. Soyez assurée que nous faisons en sorte que nos travaux se déroulent au mieux.
La parole est à M. Razzy Hammadi, rapporteur général de la commission spéciale chargée de l’examen du texte.
Après l’échange que nous avons eu hier, nous savons que nous pouvons compter sur la majorité, et je pense que l’opposition adoptera le même état d’esprit. Vous avez pu constater que sur les bancs de la commission, nous essayons de répondre directement sur le fond. Pour ma part, en qualité de rapporteur général, j’interviens le plus souvent une fois sur chaque thématique sans y revenir sur les autres amendements.
Si nous respectons une discipline collective, si nous renonçons à une intervention sur un article lorsque nous sommes déjà intervenus plusieurs fois et que nous avons dit ce que nous voulions dire, nous gagnerons du temps. Notre responsabilité collective est d’aller au fond des choses tout en faisant en sorte que nos travaux avancent.
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 14.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, mes chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur ce qui fait l’objet de cet article 14 : l’instruction dispensée en famille, même si elle ne représente que 0,09 % des enfants entre six et seize ans.
Ce n’est pas le bon article !
Ça ne fait rien. Nous savons que les parents qui enseignent à leurs enfants le font remarquablement bien – j’en connais un certain nombre.
Bien sûr, on a pu craindre que cela ne puisse servir telle ou telle secte. Fort heureusement, la lumière a pu être faite sur le sujet : il n’en était rien.
On a craint aussi que les parents ne puissent pas assumer leurs responsabilités. Et pourtant, dans certains cas, il n’y a pas d’autre solution. Je connais comme vous tous des cas d’enfants qui ont eu des débuts difficiles à cause d’un problème qui n’avait pas forcément été identifié : dyslexie, autisme, daltonisme, phobie scolaire ou trop grande précocité… Ces enfants réussissent souvent très bien en travaillant à la maison : je connais le cas d’enfants entrés à l’école à dix ans et devenus immédiatement chefs de classe.
Les familles concernées craignent qu’on les oblige à changer de lieu d’évaluation, alors que les modalités de contrôle étaient jusqu’alors précises.
Il y a donc une certaine inquiétude dans ces familles qui s’occupent très bien de leur enfant et qui souhaitent pouvoir continuer à le faire.
Nous en venons aux amendements. Je suis saisi de deux amendements de suppression, nos 1213 et 1299.
La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement no 1213 .
La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour soutenir l’amendement no 1299 .
Je propose la suppression de cet article. Sans nier votre volonté d’encourager l’engagement, en particulier chez les jeunes, j’observe que celui-ci doit être reconnu chez tous les jeunes accomplissant le service civique en milieu associatif. Il serait donc préférable de réfléchir à une reconnaissance de l’apprentissage informel et non formel pour tous plutôt que de réserver la validation à une catégorie, comme le fait l’article 14 du projet de loi, qui crée une discrimination entre les jeunes en ne reconnaissant et ne valorisant que l’engagement des seuls étudiants.
L’article exclut en effet les jeunes qui ne suivent pas d’études supérieures, dont ceux qui sont sortis du système scolaire, c’est-à-dire ceux qui devraient pourtant bénéficier le plus du service civique ainsi que du service volontaire européen, qui se fait sans condition de diplôme. N’offrir la possibilité de valider les compétences acquises qu’aux étudiants, à travers des crédits ECTS, peut apparaître comme une différenciation, pour ne pas dire une discrimination.
Nous pensons préférable d’instituer un système conforme à la recommandation du Conseil de l’Union européenne de décembre 2012 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel : il faut valider des savoirs, des aptitudes, des compétences acquis par différents apprentissages s’adressant à tous les jeunes et pas seulement à ceux qui sont dans l’enseignement supérieur. Votre système risque aussi d’exclure ceux qui sont inscrits en classes préparatoires artistiques, puisque ces derniers n’ont pas pu accéder au statut d’étudiant.
La parole est à Mme Valérie Corre, rapporteure thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
Avis défavorable. L’article 14 vise à encourager l’engagement des étudiants par la reconnaissance des compétences acquises dans ce cadre. Cela se fait déjà dans certaines universités et cet article ne vise qu’à généraliser cette possibilité. Nous cherchons en fait à généraliser aux universités ce qui est déjà acquis dans les grandes écoles, afin de garantir l’équité de traitement entre les étudiants.
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, pour donner l’avis du Gouvernement.
Madame Doucet, je tiens d’abord à vous remercier pour le rapport pour avis que vous avez présenté ce matin devant la commission des affaires européennes.
Je vous confirme que le Gouvernement est défavorable à votre amendement. Nous souhaitons le maintien de l’article 14 qui pose en principe la validation obligatoire, au sein des formations supérieures, des compétences, connaissances et aptitudes acquises par les étudiants à l’occasion d’activités extra-académiques.
Il s’agit d’encourager les étudiants à s’engager et à faire reconnaître leur engagement dans le cadre de leurs études : c’est important, selon nous, pour la cohésion de notre société.
Madame Doucet, l’existence dans ce projet de loi d’une validation de l’engagement des étudiants ne signifie nullement, et c’est heureux, que le Gouvernement se désintéresse de celui des autres jeunes, que vous défendez. Les jeunes pourront d’ailleurs, dès seize ans, valoriser leur engagement et accéder à des droits en matière de formation à travers leur futur compte personnel d’activité – CPA – prévu dans la loi travail.
Cet article ne comporte donc aucune ségrégation : il vise les étudiants, sans exclure les autres jeunes qui pourront eux aussi s’engager.
On a parlé d’enseignement supérieur et de grandes écoles. Or, j’ai eu l’occasion d’auditionner les responsables d’organisations de jeunesse au niveau européen, qui plaident pour des politiques qui ne soient pas sectorielles et qui s’adressent à tous les jeunes.
Je vais retirer mon amendement, puisque M. le ministre a parlé d’autres dispositifs qui s’adressent aux jeunes salariés, mais je crains un éparpillement des mesures et je continuerai à proposer d’autres modifications du texte.
L’amendement no 1299 est retiré.
L’amendement no 1213 n’est pas adopté.
L’amendement no 1212 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1025 .
Cet amendement est important puisqu’il vise à encourager le tutorat, tout particulièrement entre étudiants et élèves de collège et de lycée. Cette idée a été avancée par Claude Bartolone dans le rapport qu’il a publié l’an dernier, Libérer l’engagement des Français et refonder le lien civique. L’idée serait que 100 000 étudiants se mettent au service de 100 000 collégiens ou lycéens. Cela permettrait d’accompagner ces élèves dans leur cursus scolaire, dans leur orientation et dans la découverte des métiers.
Nous souhaitons qu’il puisse y avoir une reconnaissance de cet accompagnement par l’attribution de crédits universitaires. C’est une mesure qui ne coûte rien, une mesure de citoyenneté qui renforcerait le lien social et la cohésion. Le tutorat mérite d’être encouragé. Puisque le président de notre assemblée y a pensé, faisons en sorte de transformer l’essai.
La commission a émis un avis défavorable, tout simplement parce que la rédaction que vous proposez, après les modifications introduites en commission, ne s’insérerait pas bien dans l’article.
Nous sommes tous pour le tutorat, qui se développe de plus en plus. Nous pourrons voir comment l’intégrer à l’occasion de la prochaine lecture, mais il n’est pas possible de le faire comme vous le proposez, car cela aboutirait à instituer le tutorat à l’intérieur des associations, ce qui n’est pas ce que vous recherchez.
Monsieur le président Vigier, le Gouvernement donnera lui aussi un avis défavorable, mais il est intéressé par la réflexion en la matière : nous pourrons peut-être avancer ensemble. Votre amendement en l’état actuel ne peut pas être retenu pour les raisons que vient d’évoquer Mme la rapporteure thématique, mais votre préoccupation doit être prise en compte.
Monsieur le ministre, par moment il faut être ambitieux ! L’idée est de donner une impulsion forte en affichant 100 000 tutorats. À un moment où l’accès à l’enseignement supérieur est difficile, où un jeune sur quatre est au chômage, l’idée est que quelqu’un tende la main à ces jeunes, les accompagne, et cela sans coût budgétaire. Il serait dommage de laisser passer cette occasion.
Monsieur Vigier, pour être constructif, je vous dirai que la réponse du ministre est dans l’esprit de la commission spéciale, qui n’a pas travaillé sur cet amendement.
Cet article renvoie au code de l’éducation. Nous avons eu d’importants débats en la matière sur des dispositions techniques, concernant par exemple la prise en compte de l’engagement au sein de l’université comme à l’extérieur de celle-ci, ou la rupture d’égalité vis-à-vis de ceux qui ne peuvent pas s’engager parce qu’ils travaillent…
Certes, nous n’avons pas traité la question du tutorat, mais comme l’a dit la rapporteure thématique, seules des raisons de forme s’opposent à l’adoption de votre amendement. À titre personnel, je crois qu’une solution peut être trouvée avant l’examen du texte au Sénat. Le Gouvernement, par la voix du ministre, a exprimé sa bonne volonté et même sa volonté tout court. Je propose un retrait intelligent et constructif.
Sourires.
Je retire l’amendement mais serai vigilant sur le chemin qui nous reste à parcourir.
L’amendement no 1025 est retiré.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 709 .
Dans la rédaction actuelle subsiste une certaine incertitude sur la question de savoir qui délivre quoi et qui valide quoi. Il est dit en effet que les étudiants qui ont eu dans leur cursus un engagement associatif ou militaire, ou qui ont servi au sein des sapeurs-pompiers, peuvent faire valider leur formation selon des modalités définies par décret.
Mon amendement se borne à préciser « hormis le doctorat », et cela pour une raison très simple. Aujourd’hui en France, et depuis toujours, on peut soutenir une thèse de doctorat et obtenir le diplôme de docteur des universités sans être passé par la licence et le master. C’est vieux comme l’histoire de France et ça marche très bien : le diplôme de doctorat est reconnu dans le monde entier. C’est un diplôme de base – le PhD – et le doctorat français a une très belle image au plan mondial. Il serait dommage de laisser entendre qu’on puisse le délivrer au titre d’un engagement civique.
D’autant qu’il n’y a plus d’examens intermédiaires, quand on prépare un doctorat. La liberté pour les universités de décerner ou non le doctorat à une personne est véritablement une liberté intellectuelle, une liberté scientifique et universitaire : celle de considérer qu’une personne a fait un travail, l’a écrit, déposé, soutenu en public, comme c’est la règle. Il s’agit d’ailleurs d’une règle mondiale et dans les jurys, il y a des professeurs des universités et des chercheurs français mais aussi, de plus en plus souvent, des chercheurs étrangers.
Nous déqualifierions le doctorat si par hasard nous laissions entendre, dans un texte aussi important que le présent projet de loi, qu’il pourrait être validé uniquement à travers des engagements citoyens, d’autant qu’en l’absence d’examens intermédiaires, il n’est pas possible d’accorder des unités de valeur.
Je voudrais dire également que dans le contexte actuel, on lit dans la presse, on entend dans les dîners en ville par exemple, que les grandes écoles, et en particulier celles qui forment des ingénieurs, pourraient se mettre à délivrer toutes seules le doctorat, sans avoir à faire passer les candidats par ce travail de qualification, au motif que ces écoles sont prestigieuses, qu’il faut être très brillant pour réussir les concours d’entrée et que donc, par nature et par fonction, ces personnes seraient naturellement méritantes.
Mais le diplôme de doctorat est le seul reconnu mondialement. Le diplôme d’ingénieur relève du Master 2. Ne nous y trompons pas…
La commission a émis un avis défavorable sur votre amendement, non parce que nous ne serions pas d’accord sur le fond mais pour une question de forme : cela relève du domaine réglementaire. En effet, l’alinéa 2 que vous visez prévoit que les modalités d’application du dispositif seront précisées par décret. C’est vrai, le doctorat valide un travail de recherche et n’est pas fondé sur le modèle des licences, nous sommes d’accord, mais, je le répète, les modalités d’application relèvent du décret.
Madame la députée Le Dain, je comprends votre préoccupation.
Cet article 14 vise à valoriser les compétences acquises dans le cadre d’un engagement, reconnaissance qui est d’ailleurs relativement limitée aujourd’hui. Ainsi, la plupart des dispositifs de reconnaissance octroient des crédits – entre 2 et 4 par unité d’enseignement alors qu’il en faut 30 pour valider un semestre et 180 pour valider une licence. Vous le constatez : il n’y a ni risques, ni concurrences possibles.
Une telle reconnaissance ne remplacera donc jamais les enseignements et travaux de recherche demandés aux étudiants, notamment dans le cadre d’un doctorat, de la même manière qu’ils ne peuvent pas se substituer aux enseignements de licence ou de maîtrise. Le Gouvernement est donc défavorable à l’adoption de cet amendement, même si votre préoccupation est effectivement intéressante.
À mon tour, je souhaite soutenir cet excellent amendement qui soulève clairement le problème qui se pose pour le doctorat, qui, comme Anne-Yvonne Le Dain vient de le dire, est un diplôme très particulier de notre enseignement supérieur. Je suis un peu étonné de la réponse de Mme la rapporteure et de M. le ministre, pour une raison toute simple : les choses vont beaucoup mieux lorsqu’on les écrit ! Bien sûr, cela peut relever du décret. Mais comme vous ne nous avez pas garanti clairement que le doctorat était exclu de ce dispositif, cet amendement conserve tout son sens. Je le voterai…
Je soutiens également l’amendement de Mme Le Dain, pour les raisons qu’elle a données et aussi pour une autre. Je souhaite ici insister sur le caractère collégial du diplôme de doctorat.
Il y a en effet deux versants dans ce diplôme : la sanction de la réussite d’une recherche, et l’admission au sein de la communauté universitaire au titre de la qualité des travaux de recherche présentés par le doctorant. Cette collégialité constitue le coeur même de la liberté des universités, le coeur de la liberté d’enseignement, de recherche et de pensée de tous les universitaires français. Je ne vois pas dès lors comment, sans rogner sur cette liberté, il serait possible d’obliger une université à délivrer un diplôme de doctorat.
Je soutiens bien entendu cet amendement dont je suis signataire. Nous devons aujourd’hui donner un signal politique. Dans la loi de 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche, nous nous sommes battus pour la reconnaissance du diplôme de doctorat. Trois ans après, des inerties demeurent.
Même si nous sommes en train d’y réfléchir, nous n’avons pas encore organisé les concours de la fonction publique pouvant reconnaître ce diplôme.
Surtout, rien ne figure dans les conventions collectives du secteur privé. Nous sommes ainsi le seul pays au monde où des docteurs ne réussissent pas, finalement, à s’insérer à leur niveau dans le monde du travail.
Nous sommes bien sûr favorables à la reconnaissance et à la valorisation des acquis de l’expérience, monsieur le ministre, et nous soutenons totalement ce texte. En effet, il est important d’affirmer que tout ce qui peut contribuer à valoriser l’expérience et les acquis d’une personne doit se retrouver sur le plan des diplômes. Néanmoins, le contexte est particulier. D’une part, la valorisation du doctorat laisse à désirer. D’autre part, comme Mme Le Dain l’a évoqué, certaines écoles refusent d’intégrer une COMUE – communauté d’universités et établissements, qui permet d’associer écoles et universités.
Un problème s’est récemment posé sur le plateau de Saclay, où un jury international a remis sa décision à 18 mois parce que cette liaison entre établissements se faisait mal… Je vous invite à lire des articles parus dans L’Obs : certaines écoles voudraient délivrer le diplôme de doctorat sans avoir travaillé dans le cadre universitaire ! C’est pourtant un cadre important dans la reconnaissance des acquis d’une personne.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, et puisque vous êtes d’accord avec nous, je ne fais pas confiance au décret.
Il n’est qu’à voir le contexte d’inertie dans lequel nous nous trouvons ! Nombreux sont ceux qui, au sein de notre groupe ont d’ailleurs co-signé cet amendement. En effet, il est aujourd’hui patent que les personnes qui devront préparer le décret sont les mêmes qui refusent l’application de la loi de 2013…
La parole est à M. Benoist Apparu. Je prie chacun de respecter ses deux minutes de temps de parole.
J’ai juste deux questions très simples, monsieur le président, qui appellent me semble-t-il deux réponses très simples. Monsieur le ministre, le décret que vous prévoyez exclura-t-il ou non le doctorat ? Et qu’en sera-t-il du master ? En effet, autant on peut comprendre le dispositif s’agissant des premiers cycles universitaires, autant la question se pose dès qu’on entre dans un principe de recherche, ce qui est évidemment le cas avec le doctorat, et aussi pour partie avec le master.
Je soutiens également cet amendement. Nous sommes en effet l’un des rares pays d’Europe à ne pas prévoir de passerelles pour les docteurs, même si certaines initiatives ont été prises – je pense aux Doctoriales d’Aquitaine, qui se déroulent chaque année, ou à d’autres encore.
Il n’en demeure pas moins que la promotion sociale des docteurs en souffre et qu’il n’est pas très heureux que le doctorat soit un diplôme déphasé par rapport à l’ensemble de la société. Depuis un certain nombre d’année, l’Association Bernard Grégory se bat pour qu’un plus grand nombre de passerelles existent entre le monde de la recherche et la société.
Je peux comprendre que, sociologiquement, il existe des blocages parmi les rédacteurs des décrets – mais ne refaisons pas ici le débat sur la loi de 2013 !
En revanche, il y a une idée que je ne veux pas laisser s’insinuer ici, selon quoi ce dispositif affaiblirait la valeur des diplômes. Je rappelle que les diplômes les plus prestigieux, aujourd’hui, sont délivrés par des écoles, que je ne citerai pas, qui sont celles qui sélectionnent le plus et souvent les plus chères, mais qui prennent aussi en compte l’engagement, l’expérience internationale, l’engagement entrepreneurial. Ceux qui connaissent le monde de la formation universitaire qualifiante et de la recherche peuvent en attester.
Première idée que je souhaite donc battre en brèche : ce type de dispositif remettrait en cause ou affaiblirait un certain nombre de qualifications. Non ! C’est faux !
Deuxièmement : je rappelle que de nombreuses universités prennent déjà en compte l’engagement dans la notation. M. le ministre a d’ailleurs répondu clairement. Mais peut-être, monsieur le ministre, les parlementaires pourraient-ils être associés à la rédaction de ce décret ? Certains d’entre eux ont une expérience en la matière et la prise en compte de leur préoccupation permettrait de se montrer solidaire du groupe SER.
Tel est donc l’esprit de cet article. Quant à la collégialité de la notation, monsieur Poisson, elle n’est en aucun cas remise en cause.
Lisez l’article 14 et vous verrez qu’aucun mot, aucune phrase ne justifient votre intervention.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain – très brièvement s’il vous plaît.
Je serai aussi brève que mes prédécesseurs. Ce qui est écrit, dans l’alinéa 2, c’est que les modalités seront fixées par décret. Mais aujourd’hui, nul besoin de décret : le diplôme de doctorat, de droit, est délivré par les universitaires !
Cela relève de leur choix pédagogique, éducatif et de l’image qu’ils souhaitent donner de leur université. Ne pas préciser, comme en dispose mon amendement, « hormis le doctorat » et renvoyer au décret affaiblira la puissance universitaire. Je tenais à le dire.
Par ailleurs, il n’existe pas en France deux types de formation – le tout-venant, à l’université, et l’élite avec les grandes écoles, l’agrégation, le Capes, l’accès aux écoles d’avocat et de la magistrature, à l’ENA et à toutes les autres…
Bref, il n’y a pas deux cursus qui pourraient, au bout du compte, délivrer un seul doctorat, mais l’un pour des jeunes qualifiés à 16 ans, et l’autre pour ceux qui galèrent.
Je n’imaginais pas que cet article susciterait autant de débats.
Je le dis très simplement : le diplôme de doctorat ne peut pas, par construction, faire l’objet d’unités de valeur délivrées au titre de l’engagement citoyen – que vous semblez peut-être contester – puisque, précisément, le diplôme n’en comporte pas. L’engagement citoyen ne peut pas avoir un impact sur le doctorat puisque ce diplôme n’est pas concerné.
En revanche, le détail des mécanismes de reconnaissance des unités de valeur relève du domaine réglementaire – d’où la référence au décret, à la rédaction duquel je suis évidemment prêt à vous associer, mesdames et messieurs les députés – ou même de la seule université.
Je trouve donc, pardon de le dire, que notre débat a un caractère un peu surréaliste et je maintiens l’avis défavorable du Gouvernement.
L’amendement no 709 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Anne-Christine Lang, pour soutenir l’amendement no 721 .
Dans un souci d’équité entre les étudiants qui travaillent pour financer leurs études et ceux qui n’en ont pas besoin, et qui peuvent donc s’investir dans des activités associatives, cet amendement propose que les compétences, connaissances et aptitudes acquises dans le cadre des activités salariées ou entrepreneuriales des étudiants puissent être valorisées et considérées comme des activités extra-académiques pouvant donner lieu à validation par le système européen d’ECTS, un décret fixant les conditions de validation de ces compétences.
La commission a émis un avis défavorable, non parce qu’elle serait hostile à l’idée de reconnaître les compétences acquises par les étudiants dans cette situation mais parce qu’il s’agit d’un article visant à reconnaître l’engagement des étudiants, ce qui n’est pas l’objet de votre amendement. Nous verrons ultérieurement que certains articles reconnaissent la possibilité d’aménager du temps universitaire pour les étudiants qui travaillent.
Non, monsieur le président ! Le Gouvernement est favorable à l’adoption de cet amendement qui permet de traduire l’un des engagements du plan national de la vie étudiante présenté par le Président de la République le 1er octobre 2015. L’élargissement du principe législatif de validation des connaissances, connaissances et aptitudes aux activités salariées et aux activités entrepreneuriales contribue également à la reconnaissance d’activités par lesquelles les étudiants se préparent à leur future insertion professionnelle. Nous estimons que cela constitue une réelle opportunité. Avis favorable.
L’amendement no 721 est adopté.
L’article 14, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 14.
La parole est à M. Bernard Debré, pour soutenir l’amendement no 58 .
Monsieur le ministre, cette proposition de loi a pour titre « Égalité et citoyenneté ». Depuis un certain temps règne dans certaines écoles, et même dans de nombreuses écoles, l’indiscipline, voire le rejet des valeurs de notre République, comme en témoignent les réactions de certains élèves aux attentats survenus à Paris en janvier et en novembre de l’année dernière. Les comportements communautaires, les atteintes à l’autorité et les manifestations de rejet de la République s’y multiplient. On a entendu « Je ne suis pas Charlie » ou encore des soutiens affichés aux actes de terrorisme perpétrés sur le territoire national.
C’est la raison pour laquelle cet amendement propose que les paroles de notre hymne national soient affichées dans les salles de classe.
Il est défavorable. Conformément aux dispositions de la loi sur la refondation de l’école, les frontons des écoles se parent progressivement, depuis 2015, de la devise républicaine et du drapeau français.
Il paraît compliqué d’ajouter les paroles de notre hymne national dans toutes les classes.
Cet amendement propose d’apposer le drapeau tricolore, l’un des emblèmes de notre République, qui symbolise les valeurs de notre pays depuis 1812, dans chaque classe de notre République.
Je suis stupéfait, madame la rapporteure thématique, par la réponse que vous venez de faire à Bernard Debré. Vous dites que c’est compliqué. Aimer la France, c’est compliqué ? Transmettre les valeurs de la République, c’est compliqué ? N’est-ce pas un vrai enjeu aujourd’hui ?
Au moment de l’affaire Benzema, j’ai entendu quelqu’un déclarer, lors d’une interview, « On ne nous a pas appris à aimer la France. » Tout le problème est là ! C’est le problème d’une grande partie de la jeunesse.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Aujourd’hui, nous avons besoin de réécrire notre roman national ; nous avons besoin de brandir nos drapeaux, comme les Américains le font dans chacun de leurs jardins, devant chacune de leurs maisons.
Il faut aujourd’hui avoir la fierté d’aimer la France, et de le dire. C’est un enjeu essentiel, ce n’est pas anecdotique !
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Vous allez me dire que c’est symbolique, mais les symboles, dans une République, dans une démocratie, sont essentiels, surtout lorsqu’on ne cesse de porter atteinte à ces symboles et à ces valeurs.
Un petit effort ! On peut comprendre que cela heurte certains d’entre vous…
…mais les symboles de la République ont bien leur place dans l’école de la République.
Nous avons déjà entendu l’avis de la commission. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Messieurs les députés, je crois que nous pouvons aborder cette question calmement, sans nous énerver inutilement,…
…d’autant que nous avons encore quelques heures de débat devant nous !
Vous êtes passionné, monsieur Ciotti, mais on peut être passionné en restant raisonnable. Acceptez le fait que vous n’avez pas le monopole du patriotisme.
Nous sommes très sensibles à ce sujet et avons déjà pris des dispositions importantes. Je vous rappelle en effet que, dans le cadre de l’enseignement moral et civique, toutes ces questions sont abordées avec les enfants dès le plus jeune âge. L’éducation nationale et sa ministre dédient leurs efforts à l’affirmation des principes que sont l’amour de la patrie, la reconnaissance de ses valeurs et la défense de la République. Comme Mme la rapporteure l’a rappelé, depuis l’adoption de la loi de refondation de l’école de la République, cette loi extrêmement importante…
…qui a permis de corriger les errements de votre ancienne majorité,…
…le code de l’éducation dispose que la devise de la République, le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur le fronton des écoles et des établissements d’enseignement du second degré, publics et privés sous contrat. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 est par ailleurs affichée de manière visible dans les locaux des mêmes écoles et établissements.
J’ai donc envie de vous dire, messieurs les députés, que l’affichage est une chose, et que la promotion effective des principes de la République en est une autre. Or la détermination de notre gouvernement est totale en la matière. Avis défavorable à ces deux amendements.
Monsieur le ministre, je suis tout à fait serein, même si ce débat est à mes yeux essentiel. Je vous invite à lire l’interview de Lilian Thuram parue dans L’Équipe magazine il y a quelques semaines. Il disait justement qu’il faut apprendre à aimer la France. Il faut apprendre à aimer l’hymne tricolore, apprendre à aimer le drapeau, parce qu’on n’a pas suffisamment enseigné aux jeunes cet amour des symboles de la République.
Nous avons été témoins, depuis un an et demi, de l’affaiblissement de ces valeurs tricolores…
…aux yeux de beaucoup de jeunes, de trop de jeunes, qui nourrissent même une haine de ce que représente leur pays, ce pays où ils sont nés et pour lequel ils nourrissent pourtant une haine viscérale. Nous devons donc agir collectivement – car je veux bien vous accorder, monsieur le ministre, que cette préoccupation dépasse fort heureusement les clivages partisans. Nous devrions nous retrouver sur cette question. Le fait même que nous ayons un débat sur cette question me paraît totalement inopportun. Comment ne pas être d’accord avec l’idée d’apposer dans chaque salle de classe les paroles de l’hymne national et le drapeau national ?
Qu’est-ce qui vous surprend là-dedans ? Qu’est-ce qui vous choque, qu’est-ce qui vous contrarie dans cette proposition ? Notre société connaît assez de maux et de difficultés, elle est suffisamment marquée par la désagrégation sociale, avec une jeunesse en perte de repères, de valeurs et de garde-fous, pour que nous nous accordions sur l’importance d’aller plus loin dans l’affirmation des symboles de la nation.
C’est trop long ! Les deux minutes sont dépassées !
Il faut que l’école de la République, qui apporte un savoir aux jeunes, transmette aussi des repères et les valeurs de la République. Sincèrement, j’avoue ne pas comprendre votre réaction.
J’avoue ne pas comprendre non plus pourquoi ce qui se fait dans tous les pays du monde, ou presque, à savoir l’affichage de l’hymne national et du drapeau, serait inconvenant ou incongru dans nos classes.
C’est ce que j’ai entendu ! Je trouve un peu incongru de refuser notre proposition. Il y a tant d’hommes et de femmes qui sont tombés sous ce drapeau, et vous, vous refusez de l’apposer dans nos classes !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’est notre histoire, c’est notre drapeau ! Ce n’est pas parce que cette proposition est faite par l’opposition qu’il faut la balayer d’un revers de main.
Je ne veux pas alourdir ce débat, qui me paraît un peu surréaliste. Je rappellerai simplement que la loi de refondation de l’école, qui prévoit l’apposition des drapeaux français et européens ainsi que de la devise républicaine sur les façades des écoles, c’est nous qui l’avons voulue.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Alors, ne nous faites pas le procès de ne pas vouloir rendre visibles les insignes de la République !
J’ajoute que la charte de la laïcité, qui est importante par les temps qui courent, a elle aussi été affichée dans toutes les écoles de France, afin de rappeler les principes laïques de notre République.
Ne nous faites pas le procès d’être moins patriotes que vous ! Notre patriotisme, nous l’avons exprimé. Il nous paraît néanmoins superfétatoire d’inscrire les paroles de la Marseillaise dans les classes dans la mesure où nos enfants l’apprennent déjà à l’école, comme ils dessinent souvent le drapeau français dans le cadre de travaux pratiques. Tout cela, ils le font, encadrés par leurs enseignants.
Faisons confiance aux enseignants, ils enseignent bien des choses à nos enfants sur la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Sur l’amendement no 58 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Isabelle Attard.
J’aimerais rappeler à nos collègues du groupe Les Républicains que, pour développer le sentiment d’appartenance à une communauté, pour développer le sentiment d’appartenance à un pays, il ne suffit pas d’inviter les citoyens à lire les paroles de la Marseillaise sur un fronton ou à regarder un drapeau.
Les actes comptent beaucoup plus que les mots que vous inscrirez de force sur un fronton. Comment agir pour que tout le monde ait le sentiment d’appartenir à la communauté nationale ? Agir, c’est aussi promouvoir certaines valeurs, comme la solidarité et la justice sociale. Ce sont ces actes-là qui permettront de renforcer le sentiment d’appartenance et d’éviter que les jeunes ne partent combattre au loin, avant de revenir nous combattre à l’intérieur de nos frontières.
Pourquoi vous échiner à défendre des propositions ultra-symboliques, qui nous ramènent finalement à une période assez sombre de notre histoire ?
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le drapeau est important, mais il figure déjà dans nos écoles, monsieur Ciotti. Vous vous battez pour des choses qui existent déjà, comme l’a rappelé Lucette Lousteau.
Mêmes mouvements.
Nos écoles arborent déjà le drapeau et les trois mots qui fondent notre République : c’est très bien ainsi, mais à présent il faut agir, et non rouvrir un débat sur la Marseillaise.
Ce débat est tout à fait incroyable : il n’y a pas un patriotisme de droite et un patriotisme de gauche ! Je voudrais juste vous rappeler un fait qui plaide en faveur de l’intégration des symboles dans les classes, et qu’on trouve dans un rapport publié par la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme – LICRA – après les attentats. Il souligne combien, dans certaines classes – je dis bien « classes », et non « écoles » – les professeurs ont eu du mal à faire respecter une minute de silence au lendemain des attentats.
Regardez ce rapport, il émane de la LICRA ! Dans certaines classes, la minute de silence n’a pas été respectée, après cinquante morts ! Cela montre combien il importe que les symboles de la République soient présents jusqu’à l’intérieur des classes, et pas seulement des écoles. C’est pourquoi je soutiens l’amendement de Bernard Debré.
Sur l’amendement no 45 , je suis également saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
Je tiens à dire combien je suis étonné par l’intervention d’Isabelle Attard. Personne ne pense ici qu’il suffit de mettre des drapeaux dans les salles de classe et d’afficher la Marseillaise pour régler tous les problèmes relevant de l’intégration et du sentiment d’appartenance. Personne n’a dit cela, mais personne ne peut nier non plus que cela y participe, ma chère collègue ! En tout état de cause, et compte tenu des éléments que vient de rappeler Jean-Christophe Fromantin, toutes ces dispositions semblent nécessaires, même si elles ne seront pas suffisantes.
Personne ne doute de l’utilité des dispositions de la loi de refondation de l’école relatives à l’apposition des drapeaux, qui sont parfaitement satisfaisantes. Dès lors, j’avoue ne pas comprendre ce qui vous gêne dans le fait de faire figurer dans les salles de classe le drapeau et les paroles de l’hymne national.
Si c’est un choix tactique, monsieur Hammadi, dites-le. Si c’est parce que ces amendements sont présentés par Bernard Debré et Éric Ciotti, c’est détestable. Pour le coup, vous devriez tranquillement accepter ces deux dispositions, et nous gagnerions du temps.
…et même de révolte, après les propos de Mme Attard. Je ne sais pas si vous avez mesuré la portée de vos propos, madame. Nous évoquons le drapeau tricolore, nous évoquons l’hymne national, et vous dites que cela se rattache aux périodes les plus sombres de notre histoire ?
Mon discours se rattache aux périodes les plus sombres de notre histoire ? Mais qu’ai-je dit qui vous choque ? J’ai évoqué la portée symbolique du drapeau, j’ai évoqué ceux qui se sont battus derrière ce drapeau pour nos libertés ! C’est ça qui vous choque ?
Votre propos est honteux.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il est scandaleux. Il est indigne de tous ceux qui ont défendu le drapeau tricolore.
Applaudissements sur certains bancs du groupe Les Républicains.– Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Vous devriez avoir honte ! Votre propos soulève des enjeux graves, liés à ceux qui portent la haine de la France !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Mêmes mouvements.
Je demande à tout le monde de se calmer. Des scrutins publics sont prévus : nous allons voter et nous respecterons le résultat des scrutins.
J’ai un trop grand nombre de demandes de prise de parole ; je ne pourrai pas faire droit à toutes.
La parole est à M. André Chassaigne.
Sur ces amendements, chacun votera en fonction de ses convictions, mais abandonnons les postures et ne nous laissons pas aller à une telle violence !
On peut concevoir que certains considèrent qu’il n’est pas utile d’avoir un drapeau tricolore et la totalité de la Marseillaise affichée dans chaque salle de classe : il faut le respecter !
D’autres ont une autre approche, et je la respecte aussi.
Moi, si j’avais anticipé, j’aurais pu voter le deuxième alinéa de l’amendement no 58 avec une modification afin de n’afficher que le refrain de la Marseillaise, le premier couplet et le couplet des enfants, dont la portée est peut-être plus « facile ».
Mais je fais le constat, et je pense que l’ensemble des députés peuvent faire le même, qu’il y a depuis deux ou trois ans une évolution : nos enseignants accomplissent aujourd’hui des actes destinés à valoriser les symboles de la République.
Alors qu’il n’y avait presque plus de scolaires qui venaient devant les monuments aux morts, j’ai l’immense bonheur de constater aujourd’hui que les instituteurs viennent le dimanche avec les élèves, et avec eux les parents d’élèves.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Quelque chose a bougé dans ce pays. Nous avons organisé une manifestation dans un arrondissement de la circonscription dont je suis le représentant ; autour de la Marianne, il y avait des centaines d’élèves, avec leurs instituteurs, qui ont chanté la Marseillaise – le premier couplet et le couplet des enfants. Cela avait une grande force.
Au lieu d’adopter des postures et d’avoir des mots forts, ce qui serait important, c’est que chacun s’imprègne de cette exigence et le fasse en fonction des réalités locales et de sa propre conception de l’approche éducative. Mais qu’on n’instrumentalise pas ce type d’amendement !
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
C’était exactement ce que je voulais dire : nos enseignants pratiquent au quotidien l’éducation civique, et cela de plus en plus.
Mais je voudrais aussi vous faire part d’une interrogation. Nous sommes ici plusieurs à avoir vu nos amendements rejetés au titre de l’article 40 – c’est le jeu. Je suis très étonnée que les présents amendements aient été validés, car, vu le nombre de classes concernées, vu le nombre de drapeaux à fabriquer et de textes à imprimer, leur coût serait très important. Il me semble qu’en période de pénurie et de difficultés budgétaires, l’éducation nationale a mieux à faire pour équiper nos classes et nos enfants !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame Capdevielle, ces amendements ont, comme tous les autres, été envoyés à la commission des finances, qui n’a fait aucune remarque.
Je mets aux voix l’amendement no 58 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 69 Nombre de suffrages exprimés: 69 Majorité absolue: 35 Pour l’adoption: 23 contre: 46 (L’amendement no 58 n’est pas adopté.)
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 68 Nombre de suffrages exprimés: 67 Majorité absolue: 34 Pour l’adoption: 22 contre: 45 (L’amendement no 45 n’est pas adopté.)
Comme beaucoup ici, j’ai voyagé de par le monde, et j’ai vu une chose très bénéfique : le port d’une tenue commune dans les écoles – je n’emploie pas le mot d’« uniforme ». Cela existe d’ailleurs dans les écoles de Martinique et de Guadeloupe, mais aussi dans la quasi-totalité des pays.
Pourquoi est-ce important ? Parce que cela permet d’assurer l’égalité entre les enfants. On voit trop souvent, en France, des enfants sujets à l’emprise de certaines marques : ils portent des chaussures de telle ou telle marque, des habits de telle ou telle autre… Mais ceux qui le peuvent, bien entendu !
Et ceux qui ne le peuvent pas ne sont pas aussi « bien ». Cela crée des tensions, des envies, des vols parfois. Si nous faisions comme la quasi-totalité des pays du monde, cela apporterait un apaisement et renforcerait l’égalité entre les enfants.
Cet amendement vise à instaurer, dans le règlement intérieur des écoles et des collèges, la définition d’une tenue uniforme, propre à chaque établissement, qui serait portée par les élèves.
Aujourd’hui, l’école de la République doit veiller à abolir les différences, à transmettre les repères et les valeurs que nous évoquions tout à l’heure. On retiendra, chers collègues de la majorité, que vous vous êtes opposés, avec des paroles particulièrement choquantes – même si je n’associe pas tout le monde aux propos de Mme Attard – à ce qu’il y ait l’hymne national et le drapeau tricolore dans les classes de la République.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Cela restera comme un élément de votre bilan, qui traduit assez bien la perte de repères de l’actuelle majorité.
Mêmes mouvements.
Mes chers collègues, quand un orateur défend son amendement, écoutez-le !
Oui, je souhaite qu’il y ait un uniforme à l’école pour faire en sorte qu’il y ait des repères, qu’il n’y ait pas de distinctions sociales et de considérations religieuses qui pénètrent dans les enceintes scolaires, et que l’on renoue avec ce qui était la règle à l’époque de ces « hussards noirs » qui ont transmis à tant de générations à la fois des savoirs et des repères.
Je crois qu’il faut renouer avec cette histoire qui a contribué à l’écriture de notre roman national, avec des vertus qu’il faudrait, je crois, retrouver.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
La commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements. Certes, l’uniforme existe dans certains pays, et même parfois en France, mais je ne suis pas sûre qu’il soit judicieux de le réintroduire de force.
En outre, vous affirmiez, monsieur Ciotti, vouloir effacer les différences sociales, mais je suis au regret de vous dire que ce n’est pas parce que nous portons tous le même costume qu’il n’y a pas de différences sociales. Il est illusoire de le penser !
Et, monsieur le député, quand on vote contre le projet de loi pour la refondation de l’école de la République, qui restaure l’enseignement moral et civique et prévoit que le drapeau français doit être apposé sur les façades de nos écoles, on n’a pas de leçons à donner sur le respect des valeurs de la République. Cela suffit !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur Debré, monsieur Ciotti, l’école est en effet en première ligne dans la transmission des valeurs de la République, mais elle est aussi, chacun le reconnaîtra, le reflet des tensions qui traversent nos sociétés. L’accroissement des inégalités, le déterminisme social ont entamé la promotion de l’égalité à l’école. C’est pour cela que la majorité a adopté le projet de loi pour la refondation de l’école de la République, qui est un des volets essentiels de la reconstruction républicaine que nous appelons tous, je crois, de nos voeux.
Cette loi a aussi eu le mérite de réparer les conséquences désastreuses des politiques précédentes en la matière.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Car permettez-moi de vous dire que quand on supprime 80 000 postes dans l’éducation nationale,…
…quand on supprime les IUFM, établissements qui n’assuraient rien moins que la formation des maîtres, bref quand on affaiblit l’école, on affaiblit aussi la République !
Notre volonté, ce n’est pas de changer les élèves ou de leur donner l’apparence de l’égalité, c’est d’avancer concrètement en utilisant le levier le plus efficace dont dispose l’école, c’est-à-dire le savoir, la connaissance, l’esprit de responsabilité.
Très honnêtement, je ne pense pas que ce soit avec des uniformes, même appelés « tenues communes », que l’on luttera contre le déterminisme social : on y arrivera en renforçant les moyens de l’école. Je ne pense pas non plus que le sentiment d’appartenance à la République puisse être renforcé sous la contrainte, y compris celle d’un uniforme ou d’une tenue unique. Et nous ne sommes pas les seuls à penser cela, messieurs les députés.
Et mesdames les députées ? Vous féminisez tous les noms et vous oubliez systématiquement qu’il y a des femmes dans cet hémicycle !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’est que je m’adressais aux députés qui ont présenté les amendements, chère madame.
Madame la députée, donc, et messieurs les députés, c’est aussi le sentiment unanime des fédérations de parents d’élèves : elles sont toutes opposées à une telle mesure. Et je pourrais évoquer aussi les syndicats d’enseignement.
Je tiens en outre à préciser que l’enjeu de la transmission des valeurs de la République ne saurait être réduit ni à une question vestimentaire ni à la nostalgie d’un autre temps – que j’ai connu, à titre personnel : on peut en guérir !
Sourires.
Cela suppose un engagement et des moyens, et tel est le sens de la politique éducative de cette majorité. Nous croyons à l’autorité de l’État et de la République, non à l’autoritarisme qui sous-tend ces deux amendements. Avis défavorable, donc.
La parole est à Mme Isabelle Attard – qui va contribuer à l’apaisement du débat.
Sourires.
Tout à fait, monsieur le président ! Je voudrais signaler à MM. Debré et Ciotti que dans les années soixante-dix, des colonies de vacances – je me souviens plus particulièrement de celles organisées par la ville de Malakoff – fournissaient aux enfants qui y participaient leurs tenues vestimentaires, de façon que tout signe extérieur de richesse soit aboli pendant la durée des vacances.
Sourires.
Souhaiteriez-vous revenir à une vision communiste de l’école ? En tout cas, vos propos me rappellent cette période où, pour atténuer les distinctions sociales, on faisait en sorte que les enfants soient tous habillés pareil durant un mois ou deux !
Vous avez voyagé, moi aussi. Et vous avez oublié de citer, parmi les exemples de pays où le port de l’uniforme est la règle, celui de l’Afrique du Sud. Je ne pense pas que là-bas, cela ait participé à l’apaisement.
En tout cas, cela n’a pas empêché l’apartheid – mais c’est un débat que nous pourrons avoir.
Ce que l’on constate, c’est que quand la tenue vestimentaire est imposée, le choix des familles fait que l’on retrouve la discrimination, la distinction en fonction des marques. Et les élèves entre eux ne se font pas de cadeaux !
Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que ce soit avec ce genre d’amendements que l’on réglera les problèmes de l’école. Nos rapporteurs ont raison d’avoir émis un avis défavorable.
Cette discussion aurait pu avoir lieu en un autre temps : l’examen du projet de loi pour la refondation de la République aurait été le moment opportun. Mais je ne pense pas qu’elle ait sa place ici, ni qu’elle contribue à un quelconque apaisement.
Madame Attard, j’ai justement dirigé un centre de vacances de la commune de Malakoff !
Rires.
C’était à Fulvy dans l’Yonne. J’avais eu à l’époque la visite de Léo Figuères, que certains ici ont peut-être connu. C’était en 1976 et, déjà à cette époque, la municipalité communiste de Malakoff n’imposait plus le port de l’uniforme dans les centres de vacances !
En revanche, j’ai connu, en tant que colon, l’uniforme dans les centres de vacances Michelin, gérés par le patronat. Nous portions un blouson pour nous distinguer.
S’agissant plus généralement du port de tenues uniformes dans les établissements scolaires, je tiens à rappeler qu’il peut faire l’objet d’une décision du conseil d’administration, à condition qu’elle soit partagée par les parents d’élèves et les professeurs. J’ai été principal de collège : mon conseil d’administration et moi-même ne nous sommes jamais posé la question d’une tenue vestimentaire unique, dont je ne suis pas un adepte. Toutefois, ce choix, je le répète, est possible dans le cadre réglementaire actuel. N’allons pas imposer à tous les établissements de France une tenue comme c’était le cas en Union soviétique, où elle était prônée par Makarenko.
Sourires.– Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous n’allons pas rouvrir les débats sur la loi dite de refondation de l’école.
Mais puisque M. le ministre et Mme la rapporteure les ont évoqués en invoquant les vertus républicaines de cette loi, je tiens à rappeler les débats de l’époque, qui font écho à celui que nous avons aujourd’hui. Lorsque le texte a proposé l’inscription dans le code de l’éducation des valeurs de la bienveillance et du plaisir d’apprendre, nous avons déposé des amendements sur le respect de l’autorité et la récompense de l’effort et du mérite. Or ces amendements ont été refusés. C’est la preuve que vous ne partagez pas les valeurs d’exigence, raison pour laquelle elles n’apparaissent pas dans la loi dite de refondation de l’école.
Je suis surpris de ceux qui arguent que l’uniforme – j’ai pour ma part parlé d’une tenue commune – rappelle le régime communiste. Comment peut-on oser dire cela, monsieur Chassaigne ?
Sourires.
Je ne sache pas que les États-Unis sont membres de l’internationale communiste, eux qui imposent l’uniforme ou les tenues communes ! Je ne sache pas non plus que, dans tous les pays du monde que nous avons et que vous avez visités, ces tenues communes marquent un épouvantable « totalitarisme », comme vous l’évoquiez, monsieur le ministre. Cette proposition vise simplement non pas à imposer l’égalitarisme mais à permettre plus d’égalité, afin que les élèves ne se différencient pas par des tenues quelquefois très coûteuses ou quelquefois très miteuses.
Ce débat est très important car il permet de clarifier les positions de chacun de façon très opportune tout en apportant des explications aux dérives que connaît notre société. M. Fromantin l’a rappelé : après les attentats qui ont frappé notre pays, notamment Charlie Hebdo, dans un trop grand nombre d’établissements un trop grand nombre d’élèves ont refusé d’observer la minute de silence à la mémoire des victimes de la barbarie islamiste. Je souhaite, par cet amendement, inscrire dans ce texte, comme j’avais déjà voulu le faire dans d’autres, la possibilité de responsabiliser non seulement les mineurs – des dispositions existent déjà qui permettent de les sanctionner – mais également leurs parents. Il est en effet nécessaire de redonner des repères à ces mineurs, qui sont souvent des adolescents sous influence.
C’est la raison pour laquelle je propose de réinstaurer un dispositif que vous avez supprimé, celui des contrats de responsabilité parentale, introduits par la loi de 2006 pour l’égalité des chances, contrats qui, signés entre l’État et les parents, reposent sur un équilibre entre droits et devoirs.
Je propose que la loi impose aux parents des enfants qui ne respectent pas les valeurs de la République au sein de l’école de signer un contrat de responsabilité parentale. Il est évidemment possible d’accompagner ces parents : c’était le sens de ces contrats, qui prévoyaient, dans le cadre de l’équilibre entre droits et devoirs, des dispositifs d’aides. Ceux que le conseil général des Alpes-Maritimes avaient pris à l’époque pouvaient inclure une aide financière aux parents.
Si le contrat, en termes de devoirs, n’était pas respecté, alors l’État devait prendre des mesures plus coercitives et sanctionner ceux qui ne respectent pas les valeurs de la République. Ce dispositif permettait de suspendre le versement des allocations familiales aux parents qui ne respectaient pas leur devoir d’éducation.
Tel est le dispositif que cet amendement propose de réinstaurer.
Monsieur Ciotti, puis-je considérer que vous avez également défendu l’amendement no 531 ?
Je partage le jugement de M. Ciotti sur la grande importance des contrats de responsabilité parentale, qui permettaient aux présidents des départements de responsabiliser davantage les parents dans les établissements publics qui relèvent de leur compétence, à savoir les collèges.
La question de la responsabilité est essentielle dans la lutte, tout aussi essentielle, contre l’absentéisme scolaire. Chacun sait que, malheureusement, les décrocheurs scolaires sont nombreux dans notre pays, et qu’en grande partie les causes du décrochage résident dans le milieu familial. La famille elle-même, en effet, peut décrocher de l’objectif d’éducation de ses enfants.
C’est la raison pour laquelle ces amendements proposent de moduler les allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire chronique. Les grandes enquêtes internationales montrent le caractère crucial de l’implication des parents dans l’éducation scolaire des enfants, quelles que soient l’origine, la catégorie socio-professionnelle ou même la situation de fortune des familles. Les parents doivent au moins veiller à la présence de leurs enfants à l’école. L’assiduité est importante pour lutter contre le décrochage scolaire. Tel est le sens de ces amendements.
Messieurs les députés, la commission a émis un avis défavorable. La lutte contre l’absentéisme et l’accompagnement des familles sont assurément de vraies questions : en revanche, nous ne sommes pas d’accord avec vous sur les mesures à prendre pour y répondre.
Nous avons abrogé cette disposition en 2013 pour des raisons qui sont toujours valables aujourd’hui : elle est inefficace, tout en étant très discriminante. C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur ces amendements.
Nous devons travailler sur les dispositifs d’accompagnement parental. Nous en avons du reste déjà adopté, dont le plan « Tous mobilisés pour vaincre le décrochage scolaire ». Nous, nous mettons en oeuvre des mesures d’accompagnement positives, alors que vous êtes dans la sanction et la récrimination. Nous sommes en total désaccord dans nos approches.
« Dispositif caduc et inopérant » : telle la conclusion d’un rapport sénatorial, je vous le concède de 2012. Mais vous préférez la politique du bâton.
Pourtant, elle est inefficace car le bâton frappe à côté de son objectif.
Je tiens à vous rappeler le nombre des contrats signés en 2010, à savoir sous l’ancienne majorité : 194 contrats au niveau national, dont 180 dans les Alpes-Maritimes et 14 en Vendée. Deux départements s’étaient donc mobilisés pour la mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale.
Permettez-moi donc de douter de son efficacité réelle.
La prévention de l’absentéisme constitue pour le Gouvernement une priorité absolue, que nous avons inscrite dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Comme vous, monsieur Ciotti, je pense que l’implication des parents dans la prévention et le traitement du phénomène de l’absentéisme est essentielle. Nous divergeons en revanche fondamentalement sur la méthode à suivre : nous préférons le dialogue, l’accompagnement des parents et la conviction, alors que vous faites le choix dogmatique et inefficace de la sanction en vous attaquant au porte-monnaie des familles. Il nous faut confirmer les choix qui ont été les nôtres, le 31 janvier 2013 en abrogeant vos dispositions législatives.
Les causes de l’absentéisme scolaire sont multiples. La mesure que vous préconisez cible les familles les plus nombreuses et les plus pauvres ainsi que les familles monoparentales. D’ailleurs, une telle mesure sanctionne non seulement les parents, mais également la fratrie, ajoutant de l’injustice à l’inégalité entre les familles.
Votre amendement est profondément injuste. Il s’inscrit dans une logique punitive. Le Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, préfère travailler avec les parents et non pas contre eux. Il est donc très défavorable à ces amendements.
Je soutiens ces amendements présentés par Éric Ciotti et Damien Abad. Monsieur le ministre, il ne s’agit pas de travailler contre les parents. Vous l’avez vous-même souligné, nous connaissons tous des décrocheurs scolaires. Quelque 300 000 jeunes, des gamins, ne viennent pas à l’école, alors que l’obligation scolaire est inscrite dans la loi – nous la défendons tous. Or, vous le savez très bien, monsieur le ministre, une obligation sans sanction finit par ne plus être au rendez-vous, les juristes nous le rappellent sans cesse. Des familles attendent d’être réveillées : celles qui ont démissionné, qui sont dépassées, qui ont besoin d’être accompagnées doivent être également conduites sur la voie de la responsabilisation. Ce n’est donc pas une question de bâton.
La gradation peut en outre apporter une réponse circonstanciée qui prend en compte les familles. Entendez cet argument du décrochage ! Il est insupportable que des gamins n’aient pas compris que tout se décide dans les premières années de la vie. Guidons-les pour retrouver les bancs de l’école.
Lorsque nous avons abrogé ce dispositif au mois de janvier 2013, nous sommes partis de l’évidence, rappelée par M. le ministre, que la famille ne doit pas être le lieu de la sanction. Une famille entière n’a pas à être sanctionnée parce qu’un des enfants est absentéiste. Je rappelle également que cette mesure, visant à sanctionner les familles en supprimant les allocations familiales, avait été adoptée en 2011, alors qu’à la même date la Commission européenne, en matière d’éducation et de lutte contre le décrochage, préconisait différentes mesures dont l’accompagnement financier des familles en vue de les aider dans l’éducation de leurs enfants.
C’est ce que nous avons fait en augmentant les bourses des étudiants. Nous avons également créé différents dispositifs dans le cadre de la loi de refondation de l’école, visant notamment à prévoir un plus grand nombre de maîtres que de classes ou à favoriser la scolarisation des enfants de moins de trois ans.
Ces amendements sont déconnectés à la fois de la réalité de la loi de refondation de l’école et des résultats positifs qu’elle a eus, et des propositions de la Commission européenne en la matière. Puisque nous parlons tant d’Europe aujourd’hui, eh bien, suivons-la !
Monsieur Vigier, vous avez évoqué 300 000 décrocheurs scolaires : c’est un chiffre hors de propos.
Soit. Mais la frontière entre absentéisme et décrochage n’est pas toujours très précise...
Je tiens à vous rappeler que, si 150 000 décrocheurs scolaires étaient recensés en 2012, l’action des différents gouvernements qui se sont succédé depuis lors a permis de passer sous la barre des 110 000. C’est encore beaucoup trop mais nous sommes sur la bonne voie.
Je soutiens totalement les amendements de Damien Abad et d’Éric Ciotti. En effet, je vis cette situation au quotidien à Marseille, où environ 5 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucun diplôme.
Chacun connaît la situation dramatique des jeunes à Marseille. Un grand nombre d’entre eux basculent dans la délinquance.
Il faut tout essayer pour les sortir des chemins non vertueux. La situation est vraiment dramatique : des jeunes sont malheureusement récupérés et instrumentalisés par des réseaux. On ne peut pas regarder cela avec indifférence !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Excusez-moi, c’est du vécu ! Nous savons exactement ce qui se passe. Madame la ministre Fourneyron, vous n’avez peut-être pas vu les drames que nous vivons actuellement au pied des immeubles. Lorsque certains jeunes de 13 ou 14 ans sont guetteurs pour des réseaux, leur situation familiale doit absolument être examinée ! Les parents ayant renoncé à jouer leur rôle doivent être mis devant leurs responsabilités. Il faut du courage !
Prenons ces problèmes à bras-le-corps ! Malheureusement, la seule réponse efficace consiste en des retenues financières.
Cela n’amuse personne, ce n’est pas une solution facile à mettre en oeuvre. Cependant, à Marseille, nous vivons des drames au quotidien.
Monsieur le ministre, vous avez dit que vous ne vouliez pas du bâton. Certes… Mais vous ne voulez pas non plus de la carotte !
Sourires.
Permettez-moi de vous raconter une situation vécue ce week-end. Une jeune fille qui vient de passer le baccalauréat a une moyenne générale de 15 sur 20. Dans le système APB – admission post-bac – que vous avez mis en place, elle a fait trois voeux, dont le premier pour une filière sportive à Lyon. Malgré sa moyenne générale, l’APB l’a classée à la 646e place sur 800 élèves retenus, alors que des élèves de la même classe ayant 10 de moyenne ont obtenu leur premier choix !
Si, monsieur Durand : cet exemple est la preuve que vous ne croyez pas au mérite et que vous ne voulez pas la réussite scolaire.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Après la suppression des bourses au mérite et de la notation, on voit bien le but que vous poursuivez : vous voulez l’égalitarisme par le bas, le nivellement par le bas.
Vous ne voulez pas assumer la réussite scolaire, la progression scolaire, l’ascenseur social ni la méritocratie scolaire.
Comment pouvez-vous dire cela ? Vous avez massacré l’école !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Tout à l’heure, monsieur le ministre, je parlais d’absentéistes et non de décrocheurs – vous avez rectifié vous-même. Comme je l’ai dit le taux d’absentéisme est de 5 %, et il y a 150 000 décrocheurs.
Après la déclaration de Mme la rapporteure thématique tout à l’heure, je comprends d’autant moins que vous ayez balayé d’un revers de main ma proposition de tutorat, qui émanait d’ailleurs de Claude Bartolone. Vous affirmez pourtant que vous voulez parler aux parents et que vous essayez de trouver des solutions pour mieux accompagner les jeunes tentés de décrocher ! Ma proposition consistant à permettre à des collégiens de bénéficier d’un tutorat assuré par des étudiants est une bonne mesure pour lutter contre le décrochage.
En outre, monsieur le ministre, la commission des finances a tenu ce matin une réunion très importante. Vous rabâchez que vous avez créé 60 000 postes dans l’éducation nationale mais, aux dires de Valérie Rabault, rapporteure générale du budget, ce sont très précisément 18 232 postes qui ont été créés depuis 2012.
Arrêtez de nous parler de 60 000 postes créés, il y en a en réalité 18 232 !
Enfin, il existe un classement impitoyable, le classement PISA, où nous continuons malheureusement de régresser.
La dernière étude PISA date de 2012 ! Qui est responsable du classement de la France ?
Il s’agit de prendre en compte dans notre système scolaire les évolutions actuelles liées à la société du numérique. Cet amendement vise donc à insérer, après l’article 14, un article additionnel prévoyant que la formation à la technologie et à l’usage de l’informatique « comporte une information sur l’activité, la vocation et la localisation des ateliers de fabrication numérique du département où se situe l’école ou l’établissement d’enseignement ».
On parle souvent de fractures : l’une d’entre elles est numérique. Il faut faire en sorte que nos jeunes aient accès aux infrastructures en la matière. Beaucoup de choses ont déjà été faites, notamment avec les tableaux blancs interactifs, mais il faut aller plus loin, car l’économie du numérique est plus que jamais un sujet déterminant.
Comme je l’ai déjà dit dès les premières minutes de la discussion générale, je crois profondément que ce texte apporte de mauvaises réponses quant à l’avenir professionnel des jeunes.
Ce projet de loi porte sur l’égalité et la citoyenneté. L’égalité ne consiste-t-elle pas à donner à chacun toutes les clés qui permettent de réussir soi-même ? La citoyenneté ne consiste-t-elle pas à participer à la construction de notre société ?
Alors que vous élargissez les possibilités d’entrer dans la fonction publique, je propose d’affirmer au coeur de ce projet de loi l’esprit d’entreprendre,…
…plus particulièrement à travers les nouvelles technologies. Vous l’aurez compris, il s’agit de faire éclore les start-ups de demain en valorisant les bonnes idées là où elles se trouvent. Pour cela, l’école doit promouvoir et susciter l’envie de s’investir dans les fab labs – ateliers numériques – de manière à rompre les inégalités sociales et territoriales d’accès aux outils numériques. C’est pourquoi cet amendement vise à préciser, dans le code de l’éducation, que la formation des élèves à la technologie et à l’usage de l’informatique comporte « une information sur l’activité, la vocation et la localisation des ateliers de fabrication numérique du département où se situe l’école ou l’établissement d’enseignement ».
Défavorable. Comme nous l’avons déjà dit en commission spéciale, ces dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi.
J’aimerais revenir sur les amendements précédents, car je n’ai pas voulu reprendre la parole tout à l’heure. Je ne veux pas faire trop d’idéologie – on nous l’a suffisamment reproché hier – mais je vous incite tous, mesdames et messieurs les députés, et en particulier vous, monsieur le président Vigier, à lire un rapport que j’ai eu le plaisir de rédiger pour la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur les relations entre l’école et les parents.
Malgré les a priori d’un certain nombre de mes collègues de la commission, nous avons d’abord constaté que la démission des parents était un mythe, monsieur le président Vigier. Un mythe !
Il s’agit plutôt d’une incapacité des parents à être en capacité d’exercer leur autorité. Ce n’est pas la même chose !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Cet après-midi, dans notre hémicycle, c’est la question de la façon dont on s’adresse aux gens qui est véritablement posée. Soit on voit les choses de manière négative, on prévoit des sanctions et on ne fait qu’appuyer là où cela fait mal,…
C’est l’assistanat généralisé ! Vous ne récompensez ni le mérite, ni le travail !
…soit on essaie de prendre en compte la situation réelle des gens et on les accompagne vers le positif.
Voilà la différence fondamentale entre vous et nous ! Vous avez raison, monsieur Breton : effectivement, nous adoptons une position de bienveillance, d’accompagnement, et non de sanction systématique,…
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
…car cette dernière a montré toute son inefficacité.
Quant à la question de la démission des parents, monsieur le président Vigier, relisez, écoutez toutes les auditions !
Tous les acteurs que nous avons rencontrés, quelle que soit leur obédience, quelle que soit leur relation avec les parents, reconnaissent que l’emploi du mot « démission » est une hérésie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Pour en revenir aux amendements identiques nos 479 et 798 , le Gouvernement a créé la Grande École du numérique pour des jeunes décrocheurs qui, malgré de très bonnes connaissances dans le domaine du numérique, ne disposaient pas des diplômes pouvant valoriser leurs compétences professionnelles potentielles. C’est un très grand succès dont bénéficient les jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Naturellement, nous sommes donc d’accord sur le fond avec les auteurs de ces deux amendements. Cependant, le support n’est pas le bon : ces dispositions relèvent du domaine réglementaire. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je serai bref, d’autant que M. Hetzel sait déjà ce que je vais dire puisqu’il a participé activement aux débats sur la loi pour la refondation de l’école de la République. Cette loi, que je connais un peu puisque j’en ai été le rapporteur, a créé un service public du numérique, ce qui devrait le satisfaire. Il devrait donc retirer son amendement.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Sourires.
Je suis un peu étonné par l’argumentaire pour le moins byzantin de Mme la rapporteure thématique, à un moment où nous sommes tous navrés par ce que les Istanbuliotes ont encore supporté la nuit dernière… Les habitants de Byzance donc, l’ancienne Istanbul, avaient ce type de discussions sur le sexe des anges.
Je ne comprends pas très bien la différence entre la démission et l’incapacité à mettre ses capacités en route. Je suis désolé, mais la société actuelle, pour de très bonnes raisons au départ, a fabriqué des adultes incapables d’assumer la moindre responsabilité et totalement déshumanisés. Une partie de nos compatriotes ne vont plus voter, ne vivent plus que d’aides sociales et ne fonctionnent plus en adultes : ils sont donc incapables de donner un cadre et des repères identificatoires aux enfants. C’est une réalité clinique, que mes confrères en pédopsychiatrie voient tous les jours et que j’ai moi-même constatée en permanence !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
À l’Assemblée nationale, il faut que vous entendiez ce que vous dit le monde réel.
Le monde réel vous dit, madame la rapporteure thématique, qu’il ne comprend pas votre argumentaire. Les élus de terrain le savent pertinemment. On demande en permanence aux éducateurs, aux maîtres d’école, aux professeurs et à tous les adultes de remplacer les parents. C’est tout à fait impossible ! Nous constatons aujourd’hui l’échec de ce modèle.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 46 .
L’article 433-5-1 du code pénal dispose : « Le fait, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore est puni de 7 500 euros d’amende. » Le présent amendement propose d’ajouter à cette incrimination l’outrage à la République française. En effet, il convient de sanctionner le fait de tenir des propos injurieux à l’encontre de la France. Ces propos sont encore plus intolérables en cette période de menace terroriste.
Défavorable. Cet amendement pose un problème au regard du principe de légalité des délits et des peines, qui exige que les infractions soient suffisamment caractérisées pour ne pas laisser de place à l’arbitraire. En l’occurrence, en l’absence de précision, le dispositif proposé paraît excessivement large et donc difficilement compatible avec la liberté d’expression.
L’amendement no 46 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement vise à autoriser les établissements d’accueil de jeunes enfants à transmettre à certains organismes les données permettant une meilleure connaissance des caractéristiques socio-économiques des enfants qu’ils accueillent. Le traitement de ces données sera bien évidemment soumis à l’avis de la CNIL. La mixité sociale dans les établissements d’accueil de jeunes enfants fait partie des objectifs de la politique familiale de l’État.
Défavorable. En fait, madame la députée, vous souhaitez autoriser, dans un but de recherche, un croisement entre les données détenues par les caisses d’allocations familiales et celles des établissements d’accueil de jeunes enfants, qu’ils ne renseignent pas encore aujourd’hui. Nous ne pouvons que partager votre objectif. Pour autant, il paraît nécessaire de s’inscrire dans le nouveau cadre défini dans le projet de loi pour une République numérique, qui crée une nouvelle procédure d’interconnexion de données à caractère personnel à des fins de recherche, et qui interdit à un même opérateur de rapprocher des données à caractère personnel non anonymisées, ce que prévoit pourtant le dispositif que vous envisagez.
Même avis.
L’amendement no 992 est retiré.
Cet amendement vise à encourager le recours au travail des apprentis de moins de 18 ans, et à prendre en compte les spécificités d’un certain nombre de secteurs où le travail de nuit est indispensable. Il s’agit donc d’autoriser, de manière encadrée bien sûr, et dans les conditions fixées par la loi, le travail de nuit de l’apprenti mineur, après déclaration auprès de l’inspection du travail, dès lors que les caractéristiques de son activité le justifient et que le maître d’apprentissage est lui-même appelé à travailler la nuit.
La commission a émis un avis défavorable. Votre amendement est satisfait, dans la mesure où l’article L. 6222-26 du code du travail, s’il rappelle l’interdiction qui pèse sur le travail de nuit des mineurs, indique également que des dérogations peuvent être accordées pour des jeunes exerçant dans des établissements commerciaux et du spectacle, mais également dans les secteurs qui le justifieraient.
En l’état actuel du droit, les possibilités du travail de nuit pour les apprentis mineurs sont donc suffisamment larges.
Il me semble que certains voudraient revenir à des périodes antérieures de notre législation du travail. Je le regrette.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous semblez méconnaître la législation. Vous proposez de permettre aux apprentis mineurs de travailler la nuit, certes dans des secteurs spécifiques – mais le champ de votre amendement est tellement large que vous souhaitez, en fait, inclure d’autres types de missions. Mme la rapporteure thématique vous a rappelé que des dérogations étaient possibles. Aussi, faire une ouverture en ce sens serait particulièrement dangereux.
Pour notre part, nous voulons protéger les jeunes du travail de nuit. Quant à vous, vous semblez vouloir affaiblir cette protection, ce que je déplore. Avis défavorable, donc.
Pour ma part, je soutiens cet amendement de bon sens. Le sujet est récurrent. En 2002, lorsque je suis arrivé à l’Assemblée nationale, une de mes premières questions concernait les apprentis boulangers et visait à leur permettre de travailler avant sept heures du matin.
Lorsqu’un apprenti arrive chez son patron et que l’essentiel du travail est fait, c’est frustrant aussi bien pour le maître d’apprentissage que pour l’apprenti et sa famille. Ce sujet n’a sans doute jamais été abordé de la bonne façon. Aussi j’estime que l’amendement de M. Abad répond à une demande réelle, d’autant plus que sa proposition est assortie d’une déclaration préalable auprès de l’inspection du travail.
Moi aussi, je soutiens cet amendement. S’il est vrai qu’un article du code du travail prévoit des dérogations pour les apprentis mineurs, celles-ci dépendent de décrets qui doivent être publiés par les ministères. Or nous passons notre temps à nous battre afin qu’ils le soient !
Je suis l’élu d’une ville de marins pêcheurs où beaucoup de jeunes mineurs recherchent des contrats d’apprentissage sur les bateaux. Or ils ne peuvent pas travailler la nuit sur les bateaux qui partent à la marée ! Depuis plus d’un an et demi, la ministre de la mer, Mme Royal, comme la ministre du travail, Mme El Khomri m’ont promis un décret visant à assouplir les conditions d’embarquement de ces jeunes marins. Il y a un peu plus de trois mois, Mme la ministre du travail m’a même dit qu’elle me soumettrait ce décret qui était à l’étude au niveau interministériel. Et je ne vois toujours rien venir ! C’est dire la complexité à faire appliquer de telles mesures.
L’amendement no 6 n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1033 .
Le présent amendement pourrait faire l’objet d’un consensus et nous permettre de nous rassembler dans le calme et la sagesse. Il vise à favoriser la mobilité européenne et internationale des apprentis. Chacun s’accorde à reconnaître – cela a été rappelé hier dans le cadre du débat sur l’Europe – l’intérêt des programmes Erasmus, lesquels permettent à trois millions d’étudiants de bénéficier d’un cursus universitaire dans certains pays d’Europe.
Jean Arthuis, député européen, a imaginé un Erasmus professionnel, à destination notamment des apprentis, ce qui permettrait à un jeune en contrat d’apprentissage en France de partir quelques mois à l’étranger. Ce que nous vous proposons, c’est que pendant la durée du stage, le contrat d’apprentissage soit suspendu et que l’apprenti ne perçoive pas de rémunération de l’entreprise, mais qu’il conserve son statut de stagiaire de la formation professionnelle.
Il est très important qu’il n’y ait pas de rupture de statut et que l’apprenti puisse bénéficier d’une expérience différente, car il existe des approches spécifiques de certains métiers selon les pays. Au moment où ce processus innovant se met en place à destination des apprentis, il est indispensable de prévoir le dispositif que nous proposons.
Cet amendement ouvre également la possibilité aux organismes paritaires collecteurs agréés de prendre en charge la formation des apprentis pendant trois mois au plus, alors que leur contrat de travail est suspendu. Il devrait pouvoir nous réunir, alors que nous sommes en train de faire la promotion de l’apprentissage à un moment où l’on dénombre moins d’apprentis dans notre pays qu’il y a quelques années.
Nous partageons d’autant plus l’objectif de votre amendement que nous avons adopté en commission spéciale un article 19 septies ainsi rédigé : « La Nation reconnaît le droit de chaque jeune atteignant à compter de 2020 l’âge de 18 ans à bénéficier, avant ses 25 ans, d’une expérience professionnelle ou associative à l’étranger. »
Nous partageons donc, monsieur Richard, l’objectif que vous poursuivez. Mais il paraît difficile d’accepter votre amendement, à une époque où, vous l’avez dit vous-même, l’on compte de moins en moins d’apprentis. Votre proposition ferait peser une charge supplémentaire sur les entreprises, ce qui est contraire à ce que vous défendez. La commission spéciale a donc émis un avis défavorable.
Il est vrai que la mobilité européenne et internationale est au coeur de nos priorités, et je suis heureux que nous partagions ce souci. Dans le cadre du comité interministériel de la jeunesse, nous mettons tout en oeuvre pour permettre aux jeunes de découvrir cette mobilité, quelles que soient leurs origines sociales ou leurs conditions économiques. C’est la raison pour laquelle j’ai augmenté les crédits du programme Erasmus+ de 40 % pour la période 2014-2020 – et je pense que nous devrions aller plus loin en fonction de nos possibilités budgétaires.
Permettre aux jeunes apprentis de vivre une expérience de mobilité est une évidence. Cela n’a pas échappé au Gouvernement. Néanmoins, la mise en oeuvre de cette mobilité pour les apprentis reste complexe car les difficultés de trouver un employeur s’en trouveraient renforcées si votre amendement était adopté. En effet, les employeurs seraient d’autant plus réticents à recruter des apprentis que ceux-ci pourraient s’absenter pendant cette période de mobilité internationale. Nous prendrions le risque de créer une difficulté supplémentaire pour le développement de l’apprentissage, ce qui n’est ni votre objectif, ni le mien. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
L’amendement de nos collègues est intéressant, d’autant que cette mobilité repose sur un accord conjoint de l’employeur et de l’apprenti. C’est une possibilité qui est ouverte. Dès lors qu’il y a accord, il n’y a pas de difficulté. Jean Arthuis travaille sur ces thèmes depuis longtemps et a longuement réfléchi à un tel dispositif. Saisissons l’occasion qui nous est offerte avec ce projet de loi pour l’adopter.
Vous dites vous-même qu’il existe un dispositif, mais qu’il n’est pas suffisamment généralisé. Ce serait un apport énorme pour les jeunes apprentis d’avoir une expérience à l’étranger. C’est le moment de le faire !
Monsieur le ministre, vous admettez que l’initiative est intéressante, mais vous dites qu’elle risque d’être compliquée pour les entreprises. Non.
Je veux faire remarquer à Mme la rapporteure thématique que les apprentis ne sont pas rémunérés par l’entreprise pendant la période où ils sont à l’étranger. En outre, je lui indique que cet amendement n’arrive pas comme ça, par hasard.
Jean Arthuis, sénateur, ancien ministre, grand connaisseur de ces questions a travaillé en relation avec plusieurs pays de l’Union européenne sur cette question. Il est en train de lancer ce projet absolument magnifique, au moment même où l’on se pose la question de l’existence même de l’Europe !
Ceux-là même qui ont tenu hier des discours forts sur l’Europe à la tribune refusent une mesure qui va dans le sens d’un sentiment d’appartenance à l’Union européenne. Il est incroyable de balayer cela d’un revers de main.
Peu importe que vous n’ayez pas la paternité de cette proposition, qui est en mesure de nous rassembler sur tous les bancs. Passons des paroles aux actes !
Monsieur le ministre, vous savez bien que les problèmes de l’apprentissage ne proviennent pas de la complexité des dispositifs : c’est beaucoup plus compliqué. Dans le cadre de la loi travail, nous avons essayé d’améliorer le dispositif pour faire en sorte qu’il y ait davantage d’apprentis. Je vous invite vivement à saisir cette idée. Ce serait un magnifique clin d’oeil pour cette jeunesse. Si l’on prétend que l’apprentissage est une voie royale, il faut qu’elle puisse s’exprimer de façon royale !
J’irai dans le même sens. Monsieur le ministre, vous devez revoir votre position sur cet amendement. Rappelez-vous de la déclaration du Premier ministre, hier, sur le Brexit : il disait être favorable à la mise en place d’un Erasmus des apprentis ! Nous vous offrons cette possibilité, et vous la refusez au nom d’une trop grande complexité pour les entreprises, et en prétendant même que cette mesure empêcherait les apprentis d’accéder à des stages dans les entreprises !
Il y a là un manque de cohérence et une contradiction totale avec les déclarations du Premier ministre et du Président de la République et tout ce qui a été dit sur ces bancs s’agissant de l’importance de l’apprentissage et de la mobilité pour les apprentis.
Si l’on veut réenchanter l’Europe, si l’on veut que nos jeunes aiment l’Europe, il faut qu’ils puissent aller à sa rencontre. Il faut leur offrir cette possibilité. À tout le moins, le Gouvernement pourrait s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée sur cet amendement. Cela serait cohérent avec les propos qui ont été tenus hier sur l’Erasmus des apprentis.
Chacun aura un moment de réflexion, puisque sur l’amendement no 1033 , je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sourires.
J’entends la position de Mme la rapporteure thématique. En effet, l’article 19 septies est très ambitieux, en ce qu’il vise à reconnaître pour chaque jeune un droit général à la mobilité internationale. Vous aurez donc vocation à décliner ce droit par rapport au profil des jeunes.
Notre amendement vous donne le moyen de gagner du temps pour le décliner s’agissant des apprentis. Nous sommes vraiment sympas, nous ne présentons pas cela comme notre idée, mais comme la déclinaison de votre idée !
Sourires.
Celles et ceux qui auraient un problème à voter un amendement centriste peuvent donc être totalement détendus. Vous avez adopté l’article 19 septies qui est extrêmement volontariste – peut-être même un peu trop. Nous voulons recentrer le dispositif sur les apprentis, suite aux réflexions approfondies de Jean Arthuis. Pour ma part, je ne vois pas quelle pourrait être la contrainte pour les employeurs.
Il y en aura.
Je ne vois pas en quoi le fait de voir leurs apprentis s’enrichir, s’ouvrir au monde, et être plus forts serait une contrainte pour les employeurs. Le système est totalement abouti et même s’il n’est pas l’expression du groupe majoritaire, il n’est, monsieur le ministre, que la déclinaison de l’article 19 septies pour les apprentis.
Avec notre amendement, nous vous faisons gagner du temps. Saisissez l’occasion.
Vous aurez un article 19 septies pour les apprentis. Je ne vois pas au nom de quoi l’on pourrait s’opposer à tel amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 43 Nombre de suffrages exprimés: 42 Majorité absolue: 22 Pour l’adoption: 23 contre: 19 (L’amendement no 1033 est adopté.)
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Je vous propose de continuer dans le bon sens !
Cet amendement propose de simplifier la rupture du contrat d’apprentissage en alignant la procédure sur celle du droit commun. Il existe trois cas de rupture. Il convient donc de simplifier – et de répondre à votre objectif de simplification, monsieur le ministre – également en ce qui concerne les apprentis.
L’amendement no 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement, qui procède de la volonté de faire vivre et de promouvoir les valeurs de la République, tend à instaurer une « Journée de la République », organisée chaque année, le même jour, dans tous les établissements d’enseignement publics et privés. Cette journée concernerait les élèves du troisième cycle de l’enseignement du premier degré et ceux de l’enseignement du second degré. De tels rendez-vous avec la République me semblent en effet d’autant plus importants dans nos écoles que ses valeurs y sont, malheureusement, souvent bafouées.
L’amendement no 18 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Compte tenu de l’important taux de chômage des jeunes que nous connaissons aujourd’hui, il importe de revaloriser la filière de l’apprentissage. Dans cette perspective, cet amendement vise à demander au Gouvernement d’établir un rapport sur la prime à l’apprentissage, afin que son effectivité soit évaluée et que soit également étudiée la possibilité de son ouverture aux entreprises de moins de cinquante salariés. Ce seuil rend en effet le recours à l’apprentissage difficile pour certaines entreprises.
L’amendement no 4 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement tend à combler une lacune du texte, qui aurait dû promouvoir davantage la citoyenneté collaborative. L’économie collaborative se développe en effet beaucoup et il convient donc de supprimer certains échelons afin de rapprocher le citoyen du politique, de lutter contre le déficit de crédibilité de ce dernier et d’accroître la responsabilisation du citoyen. Il convient aussi de mettre en oeuvre le concept très important de citoyenneté connectée. Or, le texte passe sous silence l’économie collaborative, qui est pourtant un gisement de croissance et d’emplois.
L’amendement no 540 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, premier orateur inscrit sur l’article.
Nous abordons une série d’articles consacrés à des systèmes d’enseignement situés hors des organisations traditionnelles de l’éducation nationale et de l’enseignement sous contrat d’association. Ce dispositif concerne un petit nombre d’élèves : ceux qui reçoivent un enseignement à domicile ou sont scolarisés dans des établissements d’enseignement hors contrat. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mesdames les rapporteures, nous aurons l’occasion d’en évoquer plus précisément les dispositions lors de l’examen des amendements, mais je tiens, dans le cadre de la discussion générale sur cet article et au début de nos échanges à ce propos, redire ma surprise de voir votre majorité rogner la liberté d’enseignement et les garanties qui lui sont attachées.
Ma surprise tient à plusieurs raisons. La première est que, sauf exceptions, ces dispositifs pédagogiques donnent grande satisfaction en termes de résultats. Je crains donc que le ministère de l’éducation nationale – je regrette au passage que la ministre compétente et en charge ne soit pas présente –…
…ne déploie à l’égard de ces établissements et de ces familles une forme de défiance, de mépris ou de ressentiment.
Dans une large mesure, en effet, ces dispositifs d’enseignement sont en quelque sorte une preuve vivante de ce que, malheureusement, l’éducation nationale n’est souvent plus en mesure de réussir. Ils relèvent de choix personnel des familles – c’est leur droit – et concernent des enfants atteints de pathologies ou de handicaps rendant leur insertion dans les établissements scolaires affreusement difficile, voire impossible. Ils concernent également des personnes faisant d’autres choix pédagogiques ou des établissements d’enseignement hors contrat qui assurent, lorsque l’éducation nationale ne sait plus le faire, des missions d’intégration pour des familles en situation de fragilité sociale ou culturelle et dont plus personne ne s’occupe.
Au fond, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés de la majorité, si ces articles sont adoptés, en venant rogner la liberté de ces établissements ou soumettre les familles qui scolarisaient ainsi leurs enfants à des systèmes de contrôle beaucoup plus sévères et plus raides, vous affaiblirez d’une manière qu’elles ne méritent pas et dont elles n’ont pas besoin des pédagogies certes décalées par rapport au système central de l’éducation nationale, mais qui ont fait la preuve de leur efficacité.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Nous en arrivons au code de l’éducation et il n’est jamais superflu de rappeler que cette dernière est le premier droit et le premier devoir des parents vis-à-vis de leurs enfants. Rappelons que les enfants ne sont pas la propriété de la République, de l’État ou d’un ministère. C’est, au contraire, glisser vers le terrorisme intellectuel que de verser dans ces excès. Espérons que la France échappe pour quelques années encore à la Stasi de la bien-pensance.
Rires sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Comme vous le savez sans doute, la plupart des révolutionnaires dogmatiques dont vous voulez vous faire l’écho furent eux-mêmes éduqués chez eux, loin des enseignements d’État.
Évidemment, le glissement est ici déjà présent, car il s’agit de passer des connaissances aux compétences, c’est-à-dire d’un jugement objectif à un jugement subjectif. Notons d’ailleurs que les compétences acquises grâce à un cadre différent ne seront, quant à elles, pas évaluées.
On aimerait que l’État ait plus à coeur d’accueillir concrètement, et non pas seulement dans la loi, tous les élèves désireux d’aller à l’école, plutôt que de s’introduire dans des pénates qu’il est si avide de contrôler.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.
Je m’interroge également sur les risques présentés par cet article 14 bis. En effet, s’il est maintenu en l’état, il risque d’entraver la liberté d’enseigner au sein même de la famille.
Il s’agit souvent d’un choix des parents de mieux s’adapter aux besoins individuels de chaque enfant, de respecter ses rythmes de vie et d’apprentissage ainsi que ses centres d’intérêt. Ce choix est souvent fait en raison d’une situation de leur enfant incompatible avec une instruction classique en milieu scolaire normal. Nous devons accepter et respecter ce choix.
Il nous faut admettre que l’enseignement n’est pas uniforme et qu’il est progressif par nature. Or, avec cet article 14 bis, je crains que vous ne preniez le risque d’uniformiser l’enseignement, voire de l’immobiliser.
J’ai rencontré dans ma circonscription des parents qui ont fait le choix d’assurer la scolarisation de leurs enfants à domicile. Ils m’ont expliqué les raisons de ce choix, souvent fondé sur le constat d’une régression de leur enfant dans un milieu scolaire normal. Ils ne mettent nullement ce milieu scolaire en cause mais constatent simplement les difficultés de leur enfant à s’adapter à cet enseignement de groupe.
Cette situation peut d’ailleurs n’être qu’un passage dans la période de scolarisation de l’enfant et n’est pas forcément durable. Elle doit cependant être respectée quand les parents font le choix de recourir à une autre pédagogie – comme les méthodes d’enseignement de type Montessori, Steiner, Freinet ; etc. – ou encore de fonder leur pédagogie sur des apprentissages de la vie quotidienne, voire d’utiliser des supports classiques mais adaptés au rythme scolaire de leur enfant.
Je regrette que la commission spéciale n’ait pas suffisamment pris en compte cette liberté.
Certes, cet article 14 bis ne supprime pas l’instruction en famille, mais il la restreint à tel point que certains parents devront renoncer à faire ce choix.
Avec cet article 14 bis, nous atteignons un certain niveau de polémique. J’espère que nous aurons une discussion apaisée.
Cet article ne concerne finalement que très peu d’enfants : Jean Lassalle a rappelé que cela concernait 0,09 % du total des enfants relevant de l’instruction obligatoire. Il ne faudrait surtout pas confondre avec les élèves inscrits dans les cours par correspondance : on parle bien de ceux qui reçoivent l’instruction en famille.
L’alinéa 4 mentionne le choix par l’administration du lieu de contrôle : je ne peux absolument pas être d’accord avec cet alinéa et j’espère qu’il sera retiré.
Sont-ce vraiment les familles qui refusent le contrôle à domicile ? Je ne le pense absolument pas : l’administration refuse les contrôles et c’est donc bien elle la responsable, en particulier au niveau du secondaire.
J’en veux pour preuve le nombre de contrôles : leur pourcentage a augmenté entre les années 2006-2010 et l’année 2015, passant de 50 % des enfants contrôlés à 70 %. C’est bien la preuve qu’il y a une hausse du niveau de qualité et d’exigence. Il est bien normal, lorsque l’on instruit ses enfants en famille, que l’on puisse être contrôlé. Ce n’est donc pas cela qui pose problème.
J’aimerais bien comprendre pourquoi on revient sur des dispositions adoptées par le législateur en 1998, lorsque Ségolène Royal elle-même défendait des amendements précisant que le contrôle se déroulerait dans l’endroit où l’enseignement est dispensé à l’enfant.
Si l’enseignement a lieu à la maison, le contrôle doit être fait à la maison. Le but n’est pas de déplacer l’enfant dans un endroit auquel il n’est pas habitué, alors qu’on l’a extrait d’un établissement scolaire où il n’était pas à l’aise.
Cette situation peut arriver à tout le monde : à n’importe quel moment de l’éducation de ses enfants, on peut être amené à retirer un enfant d’un établissement scolaire, soit parce qu’il y est mal, soit parce qu’il est malheureux, soit parce que cela ne lui correspond pas, soit parce que l’enseignant n’est absolument pas à la hauteur – je parle en connaissance de cause. Puisque la liberté de l’instruction existe, nous devons aussi avoir la liberté du lieu de contrôle. Si l’administration veut se simplifier la vie en exigeant un lieu unique, alors c’est un autre problème !
Ce problème doit être résolu, certes, et nous pouvons en parler, mais cela signifie qu’il faut revoir les moyens d’action de l’administration elle-même et non faire porter la responsabilité sur les familles.
Une Isabelle qui ira dans le sens de l’autre Isabelle même si elles ne sont pas membres du même groupe politique – et c’est bien ainsi !
L’article 14 bis remet en cause l’instruction en famille. Première remarque : nous nous interrogeons sur les raisons de la présence de cet article dans le titre Ier de la loi Égalité et citoyenneté, qui traite de réserve civique, de service civique et autre journée défense-citoyenneté.
Deuxième remarque : compte tenu de la portée de cet article, il aurait été pour le moins opportun et courageux que la ministre de l’éducation nationale nous fasse l’honneur de sa présence…
…afin de répondre à nos interrogations et à celles des familles ayant fait le choix de l’instruction en famille, que nous avons rencontrées dans nos circonscriptions.
Malgré une hausse de 30 %, sur laquelle il faudrait s’interroger, les enfants hors école ne représentent que 0,09 %du total ; cela vient d’être rappelé.
L’article 14 bis dispose que l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation « détermine les modalités et le lieu du contrôle » et « met également en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire dans les quinze jours dans un établissement d’enseignement public ou privé lorsqu’ils ont refusé deux fois de suite, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel (…) »
Les adeptes de l’instruction en famille ne refusent absolument pas les contrôles, mais souhaitent que ces contrôles soient effectués à domicile. Ils souhaitent que soit mesurée annuellement la progression de l’acquisition des compétences et des connaissances.
Ils réfutent totalement l’accusation de refuser de se soumettre au contrôle : ils veulent juste que la législation actuelle soit respectée.
Cette législation permet déjà à l’administration de faire protéger les enfants, le cas échéant, si telle est la crainte de la ministre et de ses conseillers – mais nous ne le saurons pas puisqu’elle n’a pas participé à nos débats : c’est bien regrettable !
Plusieurs associations m’ont confié leurs craintes concernant cet article, dont l’association Les enfants d’abord et plusieurs familles de mon département, la Lozère.
Je vous fais part de leurs observations. Tout d’abord, aucune donnée chiffrée ne justifie cette modification législative soudaine. Les enfants hors école ne représentent que 0,3 %, dont 0,009 % instruits en famille. Les contrôles sont en nette progression, passant de 50 % entre 2006 et 2010 à 70 % en 2015. Il appartient donc aux inspections académiques de s’organiser – c’est peut-être cela, le problème !
S’agissant du lieu de contrôle, pourquoi vouloir imposer un lieu administratif qui contraindra les familles et perturbera les enfants ?
Concernant les modalités du contrôle, les familles craignent des évaluations scolaires ne tenant plus compte des choix éducatifs des familles. Est-ce la volonté du Gouvernement sur cette liberté ?
Quant au refus supposé de contrôle, trois moyens existent aujourd’hui : l’information préoccupante prévue à l’article R. 226-2-2 du code de l’action sociale et des familles, le signalement au procureur de la République et les poursuites pénales. Les moyens existent donc !
L’instruction à domicile, qui concerne plus de 7 000 enfants par an, fonctionne bien. Nous nous étonnons tout d’abord de trouver cette disposition dans un texte sur l’égalité et la citoyenneté, qui n’a rien à voir : cela n’a pas de rapport avec le code de l’éducation – je note du reste l’absence de la ministre.
Par ailleurs, la rudesse de l’amendement du Gouvernement surprend : il prévoit autoritairement que « l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation détermine les modalités et le lieu du contrôle. » Alors que le système fonctionne bien, on comprend que cette disposition, par sa sécheresse, inquiète l’ensemble des familles. Pour cette raison, nous présenterons des amendements de suppression.
Je m’associe à tous les propos qui ont été tenus sur le fond concernant la remise en cause de la liberté d’enseignement opérée par l’article 14 bis ainsi que par l’article 14 decies.
Je m’interroge sur la méthode : de nouveau, sur un sujet sensible concernant le fonctionnement de notre société, c’est par un amendement que vous proposez une modification importante, touchant en l’espèce la liberté de l’enseignement.
L’amendement signifie qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact ni d’avis du Conseil d’État. Nous en avons fait l’expérience, il y a quelques semaines, avec le divorce par consentement mutuel sans juge, la recherche sur l’embryon ou le don d’organe – autant de sujets sur lesquels vous imposez des modifications par amendement. Vous passez en force sur des sujets qui mériteraient pourtant réflexion.
De plus, s’agissant de la liberté de l’enseignement, on aurait pu s’attendre à dialoguer avec la ministre de l’éducation nationale. Nous l’attendions devant la commission spéciale : celle-ci s’est réunie je ne sais combien de fois, mais à aucun moment nous n’avons pu échanger avec la ministre sur ce sujet.
Elle est absente aujourd’hui alors qu’elle donne des conférences de presse pour annoncer ces modifications : elle aurait pu avoir la courtoisie de venir dialoguer avec nous – à moins qu’elle ait peur que nous n’allions au fond du débat ! C’est ce que nous ferons pour démontrer que votre texte remet en cause la liberté d’enseignement.
Il est vrai que nous avons une double contrainte : la première partie de cette double contrainte tient à la préoccupation que les pouvoirs publics doivent avoir, à l’inquiétude qui doit nous saisir lorsque nous voyons le wahhabisme être promu dans de nombreux lieux – je reconnais être cosignataire d’une proposition de loi à ce propos. Mais tel n’est malheureusement pas l’objet de l’amendement déposé par le Gouvernement, qui ne répond pas à cette interrogation.
Cela tient à la deuxième partie de la double contrainte : les sociétés modernes ont du mal à penser la complexité. Nous avons la sensation que le Gouvernement veut, par cet amendement, imposer une vision normative unique de ce que doit être non seulement l’éducation, mais aussi l’instruction.
Or, comme l’ont dit des orateurs de différents groupes, une société se porte bien quand elle cesse de parler à tout va de complexité et, qu’au lieu de se payer de mots creux, elle met en oeuvre la possibilité, pour les parents, qui sont responsables de leurs enfants, de leur transmettre des connaissances, étant entendu que le corpus central de celles-ci est naturellement vérifié et contrôlé.
Monsieur le ministre, vous tapez une fois de plus à côté de l’objectif principal. Fort logiquement, vous poursuivez l’oeuvre de M. Peillon, qui a voulu mettre en place une société d’individus normés, équivalents, interchangeables, en détruisant tous les déterminants familiaux, régionaux ou individuels.
Malheureusement, c’est une société mortifère que vous proposez. Vous devriez entendre celles et ceux qui portent, y compris au sein de votre majorité, une voix différente, une voix de pluralité.
Malgré tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, je suis étonné de ne pas voir au banc du Gouvernement la ministre de l’éducation nationale, car ce sujet mérite d’être abordé aussi sous l’angle pédagogique.
Vous semblez omettre le fait que, si l’instruction est obligatoire, rien n’indique qu’elle doive être dispensée au sein de l’éducation nationale. Elle peut l’être à domicile.
C’est un choix et, pour les familles, une liberté que vous voulez restreindre. Il suffit pour s’en convaincre de relire le texte. Vous écrivez que l’administration définira les modalités et les lieux de contrôle. C’est ce justement ce qui pose problème.
Parce que cette administration qu’est l’éducation nationale manque apparemment d’inspecteurs pouvant se rendre à domicile, vous en concluez que c’est aux élèves à se rendre à l’inspection académique.
Prenez la parole : on a l’impression que vous ne voulez pas vous exprimer !
C’est ainsi que le problème est présenté. Mais la plupart des familles sont tout à fait prêtes à recevoir l’éducation nationale à leur domicile.
Ce qui les pousse à choisir l’instruction à domicile est le fait que les enfants font une phobie scolaire ou qu’elles ont le désir de développer une pédagogie particulière. Si on leur demande de se rendre à l’inspection académique, pour que des enfants de huit ou neuf ans passent des épreuves entre huit et seize heures, dans un contexte très différent de celui qui leur est familier, le décalage entre les outils que vous souhaitez mettre en oeuvre et la situation réelle de l’instruction à domicile sera total.
Encore une fois, il serait sage de renoncer à remettre en cause la liberté fondamentale que constitue l’instruction à domicile.
Pourquoi la ministre de l’éducation nationale ne vient-elle pas s’expliquer ?
Mon point de vue surprendra peut-être certains.
Je suis un de ceux qu’on a pu qualifier de « hussard noir de la République », dans la mesure où j’ai été formé à l’école normale d’instituteur, comme d’autres ici, peut-être. Par culture, par éducation et même par héritage familial – mon père était un ouvrier très attaché à l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire –, je considère qu’il existe un lien étroit entre l’école et la République. Selon que la première est fragilisée ou renforcée, la seconde diminue ou grandit.
Je tenais à effectuer cette mise au point, car la suite de mon propos risque de surprendre. Je pense vraiment que la société a évolué. Comme père, j’étais heureux que mes enfants soient scolarisés à l’école, comme le sont aujourd’hui mes trois petites-filles. Je n’aurais pas envisagé d’autre solution, mais je pense qu’aujourd’hui, compte tenu de l’évolution de la société, nous ne devons pas nous attaquer à certaines libertés, comme la scolarisation à domicile.
Très bien ! Ce sont les socialistes qui veulent restreindre les libertés.
Pourquoi ? On constate des évolutions dans des domaines très divers. Des coopératives se forment pour construire une maison partagée. Des liens directs se créent entre producteurs et consommateurs. Des réseaux se constituent. Certains font le choix, parfois à plusieurs, de scolariser leurs enfants à domicile. Il ne s’agit pas d’un repli sur soi, comme on pourrait le penser, puisque, j’insiste sur ce point, on voit parfois s’organiser une dynamique collective.
Je crois donc inutile d’envoyer des signes qui créeraient des crispations supplémentaires. Il y en a suffisamment dans notre société. Ne multiplions pas, pour un sujet peut-être secondaire, problèmes ou difficultés.
Laissons se développer ce type de scolarisation, dont je répète cependant qu’à mes yeux, il ne s’agit sans doute pas de la meilleure formule.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’impression que nous parlons à front renversé. Le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine défend la liberté pédagogique. La droite avance ses arguments. Les écologistes approuvent la ligne défendue par André Chassaigne.
Il s’agit à présent de faire la synthèse entre les hussards noirs de la République, dont il s’est réclamé, la nécessité d’une école laïque, républicaine et gratuite, et l’héritage de mai-68, dont nous sommes les représentants. Rappelons-nous les expériences pédagogiques menées alors.
Je pense en particulier au retour à la terre et aux communautés, dans lesquelles des parents s’organisaient pour éduquer leurs enfants.
La question de fond posée par M. Dhuicq est intéressante : comment gérer la complexité d’une société ? Nous sommes dans un monde où tout va vite, où sévissent la tyrannie de l’émotion, la dictature de l’instant et la simplification. Le précédent Président de la République en était un champion. Il faisait croire que le monde était binaire, qu’il y avait le bien d’un côté et le mal, de l’autre. Une société majeure, qui n’a pas peur d’elle-même, doit accepter cette complexité, cette diversité.
Nous ne parlons ici que de 0,09 % des enfants scolarisés. Je rappelle qu’en 2014, pour des raisons techniques, le tribunal administratif de Limoges a indiqué précisément que l’administration n’a pas à fixer les modalités de l’inspection de l’instruction en famille : elle n’a pas à décider si l’inspection doit s’effectuer dans un établissement ou dans le milieu familial.
La réalité, c’est qu’il y a toujours un risque – la démocratie en est un – : on peut voir se développer des groupes sectaires, qui influenceraient durablement les enfants. Mais on peut faire confiance à l’éducation nationale. Le problème porte moins sur le nombre d’inspecteurs que sur leur formation : ceux-ci doivent être capables de comprendre comment fonctionne l’instruction dans la famille, qui n’use pas exactement de la même pédagogie que l’école.
Bien des inspecteurs de l’éducation nationale sont incapables de juger des tenants et des aboutissants des méthodes Montessori ou Freinet. Combien il a fallu se battre, depuis les années soixante-dix, pour faire admettre que celles-ci ont un sens et qu’elles peuvent former des citoyens responsables, des adultes tolérants et ouverts au monde !
Reconnaissons-le – je rejoins encore M. Dhuicq – : c’est la marque d’une conception sectaire et univoque de la pédagogie et l’éducation, que de vouloir nous fourguer ce cavalier.
En tout cas, puisqu’il s’agit d’un problème de pédagogie, nous devons en discuter dans un autre cadre, avec la ministre de l’éducation nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
…et certains collègues siégeant sur d’autres bancs.
De quoi est-il question ? Veut-on supprimer l’enseignement à domicile ou, pour lier les deux problèmes, les écoles hors contrat d’association ?
Remet-on en cause la liberté pédagogique dans les familles ou celle des écoles hors contrat ?
Remet-on en cause la liberté de créer de telles écoles ou celle, pour les familles, d’éduquer leurs enfants comme elles le souhaitent ? Absolument pas. Rien dans le texte ne vous permet de l’affirmer.
Il s’agit simplement de rappeler le respect de la loi et de l’égalité, dont vous avez longuement parlé dans vos interventions, ainsi que l’obligation de l’éducation. M. Vigier a même parlé d’obligation et de sanctions.
C’est l’intérêt de la déclaration a priori pour les écoles hors contrat et du contrôle qui doit s’exercer sur l’éducation en famille. Il est normal que chaque enfant, qu’il reçoive l’éducation dans une école hors contrat, dans sa famille ou dans une école publique, soit éduqué pour atteindre les mêmes objectifs – le socle commun de connaissances, de compétences et de culture –, objectifs que la nation, à travers vous, qui êtes ses représentants, assigne à toute éducation, où qu’elle soit dispensée. C’est cela, la réalité.
L’amendement du Gouvernement adopté par la commission ne tend à supprimer aucune liberté, quelle qu’elle soit, et certainement pas celle de l’enseignement.
Il vise à protéger chaque enfant, pour que nous ayons la certitude que, où qu’il soit éduqué, il bénéficie de la même exigence – c’est vous-mêmes qui parlez d’exigence – en matière d’éducation.
Je termine, monsieur le président. Cette disposition, loin de mettre en cause les familles et les écoles hors contrat, les sécurise au contraire, et les protège juridiquement.
Une fois que l’autorisation a priori leur aura été délivrée, elles pourront enseigner comme elles le souhaitent, débarrassées de l’épée de Damoclès que serait une remise en cause a posteriori prononcée par un juge.
C’est donc bien la liberté de l’enseignement que nous défendons par cet amendement.
Notre modèle éducatif fait référence. Nous en sommes tous fiers, même si nous sommes conscients que trop d’enfants décrochent. En même temps, nous avons tous envie de préserver des espaces de liberté, de créativité, d’expressions culturelles parfois différentes, de sauvegarde aussi, dès lors que, comme vient de le rappeler M. Durand, des objectifs sont atteints.
Cela dit, je comprends que le Gouvernement soit en alerte, compte tenu des abus constatés ici ou là. Il n’est pas illégitime qu’il se pose des questions quand les enfants sont en danger. L’administration dispose-t-elle des moyens de vérification nécessaires ? C’est ce point qui fait débat. Peut-être celle-ci est-elle suffisamment armée. Peut-être n’est-elle pas à l’abri de défaillances, d’insuffisances, d’erreurs, voire de mauvaises interprétations.
J’ai reçu le courrier d’une maman qui se plaint de contrôles abusifs infligés à des proches et du non-respect de leurs modes d’éducation. Le point est difficile à vérifier. Elle-même a été victime d’un malentendu. Elle a fait l’objet, de la part de l’éducation nationale, d’un signalement au procureur, parce que la mairie ne lui avait pas transmis les documents en temps utile, et qu’on ne lui avait pas laissé le temps de réagir. La procédure était un peu violente !
Veillons à ne pas utiliser un marteau pour écraser une mouche. Comme dans beaucoup de domaines, le tact et la mesure s’imposent.
Permettez-moi d’abord de répondre à notre excellent collègue Durand, qui a essayé de nous convaincre…
…que cet article 14 bis ne remettait rien en cause. Alors pourquoi est-il là ?
Nous constatons aujourd’hui qu’un contrôle inacceptable est opéré dans les familles. Dès lors que les programmes et les engagements des familles sont respectés, je ne vois pas pourquoi nous remettrions le dispositif existant en cause.
Comme beaucoup de nos collègues, je ne puis accepter cette remise en cause de l’instruction en famille, et je souscris aux arguments qui ont été développés en ce sens. Il faut le répéter, la situation de certains élèves est parfois incompatible avec l’instruction classique – par exemple lorsqu’il existe un problème d’ordre familial ou que l’élève est confronté à la violence, au handicap, au harcèlement. Les solutions sont alors peu nombreuses. Quand cela ne marche pas dans un établissement public, on peut se tourner vers un établissement privé sous contrat ou hors contrat. Il faut reconnaître que ces derniers rendent un immense service à notre société, car ils permettent de trouver des solutions pour un public très hétérogène.
Selon moi, la possibilité d’une scolarisation à domicile doit aussi être maintenue. Or l’article 14 bis restreint drastiquement – et de manière disproportionnée – une liberté constitutionnelle, la liberté d’enseignement. C’est pourquoi je soutiendrai les amendements de suppression de l’article.
Nous avons entendu beaucoup de choses sur l’école. Pour ma part, je suis assez d’accord avec M. Chassaigne : l’école est certes un lieu d’instruction, mais c’est aussi un lieu de sociabilisation. C’est un peu une mini-société ; les enfants y trouvent leur place – et la font parfois. Pour cette raison, je suis favorable à ce que l’on mette les enfants à l’école. Néanmoins, nous avons une possibilité qui consiste à laisser aux familles une certaine liberté. C’est sans doute une bonne chose même si, heureusement, cela concerne très peu d’enfants – sans quoi nous aurions peut-être un problème général de sociabilisation. Cette possibilité existe. Nous n’entendons ni les uns ni les autres la supprimer.
Nous avons parlé des établissements privés. Vous savez que chez nous, en Bretagne, l’enseignement confessionnel est très important. Or je n’ai été saisi par aucune organisation – direction de l’enseignement catholique ou autre – sur cette question-là.
J’aurais bien aimé qu’elles m’expliquent leur point de vue, car je ne le connais pas.
La question se pose tout de même du contrôle, car il peut y avoir des dérives, y compris des dérives sectaires. Il est donc important d’opérer des contrôles. J’entends qu’ils ne devraient avoir lieu que dans la famille. Mais le jour où ces élèves passeront leur brevet des collèges ou leur bac, ils devront le faire dans un collège ou dans un lycée. Du reste, j’ose espérer qu’ils ne sont pas totalement perdus lorsqu’ils sortent du domicile familial – ou alors, c’est qu’il y a un problème !
J’attends donc les explications du Gouvernement.
Nous avons d’ailleurs déposé un amendement de suppression pour qu’il s’exprime clairement sur ce qu’il souhaite faire ; mais je ne crois pas qu’il s’agisse de limiter la liberté d’enseignement.
Certes, l’instruction à domicile ne représente que 0,09 % du nombre total d’enfants relevant de l’instruction obligatoire, soit un peu plus de 7 000 élèves sur 8,1 millions. Bien souvent, c’est par choix pédagogique que les parents choisissent d’instruire leurs enfants en famille. L’école à la maison a beau être minoritaire, elle est en progression. Peut-être faudrait-il s’interroger sur les raisons de cette hausse continue depuis quelques années.
L’amendement qui a été présenté en commission par le Gouvernement – en l’absence de la ministre de l’éducation nationale – vise à garantir l’effectivité des contrôles. Sur la base des chiffres communiqués par la direction générale de l’enseignement scolaire, la DGESCO, 70 % des enfants instruits en famille ont pourtant été contrôlés. Les absences de contrôle sont souvent le fait de l’administration.
J’en déduis donc que cet amendement vise surtout à faciliter la vie de l’administration. Le contrôle à domicile permet pourtant à l’inspecteur de visualiser le cadre d’apprentissage de l’enfant et les multiples ressources utilisées, ce qui n’est pas réalisable dans un lieu inconnu dans lequel l’enfant peut être perturbé.
Les familles ne refusent pas le contrôle, bien au contraire. Elles demandent surtout une meilleure formation des inspecteurs afin qu’ils respectent le choix des parents de choisir une pédagogie plutôt qu’une autre, un rythme de travail plutôt qu’un autre. Pour beaucoup de parents, cette disposition signe la fin de la liberté de recours à des rythmes pédagogiques différents de ceux de l’éducation nationale.
J’ai eu l’occasion d’intervenir tout à l’heure sur cet article. Je n’y reviendrai donc pas, sauf pour dire que, si nous en sommes à une proportion de 0,09 % d’enfants instruits en famille, aucune forme d’enseignement public ou privé n’est remise en cause dans notre pays. On reproche souvent aux familles de ne pas assumer leur rôle. Pour une fois qu’elles l’assument, je demande grâce !
Permettez-moi d’utiliser mon temps de parole – précieux – pour revenir sur les notions d’égalité et de citoyenneté, car je n’aurai pas l’occasion d’en reparler. Ce qui se passe ici dans notre assemblée, deux ou trois jours après le vote du Royaume-Uni, est tout de même significatif de ce que nous ressentons tous dans notre pays. Voilà un certain temps que j’ai l’honneur de siéger sur ces bancs, mais je n’ai jamais entendu jusqu’à ce jour d’interrogations sur la présence du drapeau ou l’apprentissage de la Marseillaise. Or il me semble que bien des questions sur la citoyenneté se posent – à tel point que dans notre pays qui aime tant la politique, le pays des droits de l’homme, ce pays qui a déclaré le peuple souverain, nous constatons élection après élection que 50 % des Français ne vont plus voter, et que la moitié de ceux qui votent votent blanc, nul ou désespéré.
Quant à l’égalité, comment voulez-vous que nos concitoyens y croient quand on voit l’acharnement qu’il faut mettre à défendre une école, l’école de la République, sans laquelle un certain nombre d’entre nous ne seraient rien, à défendre une maternité, ou quand on voit dans quel état la chute de l’industrie française – car il n’y a pas d’autre mot, hormis celui d’abandon, peut-être – a mis le nord, l’est et le centre du pays ? Depuis 1983, nos compatriotes ont le sentiment que nous faisons tous le même choix et que nous sommes tous sous le diktat de la finance spéculative. Tant que nous n’aurons pas réglé cela, nous n’arriverons pas à grand chose.
J’ai entendu les interventions venues d’ici ou là. Très sincèrement, je voudrais rappeler deux choses, car je n’ose croire que certaines appréciations aient pu être portées en pleine connaissance de cause quant aux débats que nous avons eus en commission et au texte du Gouvernement.
De quoi parlons-nous ? D’une évolution qui a été constatée, y compris par la DGESCO – puisque vous l’avez citée. Tant qu’à citer des rapports, mieux vaut dire la vérité. Voici donc ce que constate la DGESCO à la page 18 de la synthèse nationale de son enquête « Instruction à domicile 2014-2015 » : « augmentation du nombre de familles procédurières, qui explique notamment le nombre croissant d’enfants ou d’enseignements non contrôlés ». Oui, nous parlons de situations marginales. C’est vrai, vous avez raison, le nombre de cas est infime. Mais je vous pose une question : demain, si un seul – je dis bien un seul et unique – cas d’enseignement fondamentaliste est constaté…
…avec les germes de dérives qui pourraient porter atteinte à l’ensemble de la société, vous serez les premiers à venir dire « Où était la République ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de contrôle ? Pourquoi n’avez-vous pas pris les bonnes mesures pour protéger les enfants ? »
C’est de cela dont il est question. Le seul objectif de l’amendement qui a été adopté est de pouvoir dire que dans certains cas, même si leur nombre est infime…
Pourquoi donc la ministre de l’éducation nationale ne le dit-elle pas elle-même ?
…lorsque nous n’avons pas la possibilité de contrôler en raison de toutes les procédures, des portes fermées, après deux rappels, je dis bien deux rappels,
Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
la République prend ses responsabilités. C’est l’unique objectif de cet amendement.
Je pense que vous tentez de caricaturer à dessein. Vous mentez sur ce que dit réellement le texte, et cela, ce n’est pas correct !
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous voulons faire deux choses – écoutez-moi, car ce point est très important ! Respecter la liberté d’enseignement,
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
mais aussi respecter tous les enfants et défendre tous les enfants, protéger tous les enfants de la République.
Vous, vous ne voulez qu’une seule chose ! Mais si un seul enfant de la République pouvait ne pas être protégé, nous ne serions pas à la hauteur de notre mission !
Il se fonde sur l’article 58, alinéa 1 de notre règlement, monsieur le président.
Vous venez de dire que nous mentons, monsieur le rapporteur général. Mais ce que nous disons depuis le début du débat est très simple ! Aujourd’hui, lorsque l’éducation nationale se rend compte qu’une famille ne veut pas permettre l’accès au domicile, un signalement au procureur est possible. Nous avons donc l’arsenal juridique nécessaire.
Pourquoi ajouter un nouveau texte alors que l’arsenal juridique existant permet déjà de faire face à la situation que vous venez d’évoquer ? Je suis désolé : le menteur, c’est vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous en venons aux amendements, chers collègues. Je suis saisi de sept amendements de suppression de l’article, nos 182, 198, 249, 331, 679, 717 et 1512.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 182 .
Pourquoi défendons-nous cet amendement de suppression ? Pour une raison très simple : le choix de l’instruction à domicile est un choix effectué par les familles.
Or, avec les dispositions que vous essayez de prendre, vous allez le remettre en cause. Car ces familles choisissent des dispositions pédagogiques qui ne sont pas celles utilisées par l’éducation nationale. Dès lors, il faudrait pouvoir mettre les élèves dans des dispositions d’évaluation et de contrôle des connaissances en pleine adéquation avec les méthodes pédagogiques utilisées par les familles. C’est de cela dont il s’agit !
Vous nous dites que c’est l’éducation nationale qui décidera du lieu et des modalités de contrôle des connaissances.
Oui, et vous allez encore aggraver le phénomène ! Car nous craignons que ses décisions ne soient pas respectueuses de la liberté des familles. Encore une fois, nous disons simplement que ce que vous écrivez dans cet article va limiter la liberté pédagogique. Ce n’est pas audible pour les familles concernées.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement identique no 198 .
Je voudrais revenir sur trois aspects, monsieur le président. Le lieu de contrôle tout d’abord. Depuis 1998, la volonté du législateur a été que le contrôle se déroule à l’endroit où l’enseignement de l’enfant a lieu. Si vous adoptez cet article, vous contraindrez les familles à emmener leurs enfants à l’inspection d’académie, peut-être, puisque l’autorité académique aura cette possibilité, et vous ne tiendrez pas compte des motifs légitimes que nous exposent aujourd’hui les parents, à savoir que le matériel pédagogique est à leur domicile, domicile qui constitue aussi pour l’enfant le contexte habituel d’instruction, sans parler des difficultés et du coût du déplacement.
Les modalités du contrôle ensuite. Si vous adoptez cet article, les personnels chargés de ce contrôle risquent de l’interpréter comme une autorisation à imposer systématiquement des évaluations scolaires.
Or, depuis 1998 – ce principe est demeuré en l’état sous les gouvernements successifs – les procédures d’évaluation ne peuvent s’appliquer aux enfants instruits en famille et l’autorité compétente en matière d’éducation doit contrôler la progression de l’enfant en fonction des choix éducatifs de ses parents, jusqu’à l’âge de seize ans.
Enfin, s’agissant du refus des contrôles, on ne cesse de vous répéter depuis l’ouverture du débat que l’on a aujourd’hui les moyens administratifs et judiciaires de réagir en cas de difficultés, de risque de radicalisation – car telle est, apparemment, l’origine de cet article – ou de suspicion de maltraitance. Les « informations préoccupantes », cela existe, tout comme le signalement au procureur de la République et les poursuites pénales.
Arrêtez donc de nous dire que cet article ne change rien et que vous ne remettez pas en cause la liberté de l’enseignement : c’est faux. Vous êtes en train d’ouvrir une brèche à ce principe, ce qui justifie le dépôt d’amendements de suppression de l’article, y compris de la part de collègues de la majorité.
Les parents qui ont choisi d’instruire leurs enfants en famille sont encadrés par le code de l’éducation et le code civil, lesquels imposent l’obligation de déclaration de l’instruction en famille et la vérification de l’instruction par les services de l’État. C’est, j’y insiste, une obligation codifiée. Un cadre juridique, qui a parfaitement joué son rôle jusqu’à présent, garantit le bon fonctionnement de l’instruction en famille. Aucun dysfonctionnement ne justifie que l’on cherche à modifier ce cadre en contraignant les familles. Tel est pourtant l’objet de cet article, qui impose une mise en demeure des parents lorsqu’ils « ont refusé deux fois de suite, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel » : cette formulation est biaisée, car elle laisse supposer que ce sont les familles qui refuseraient les contrôles. (« C’est la réalité ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Or, ce n’est pas le cas. Selon les chiffres de la direction générale de l’enseignement scolaire, les deux tiers des enfants instruits en famille ont été contrôlés.
S’agissant du tiers restant, l’absence de contrôle est très majoritairement le fait de l’administration, qui programme tardivement les contrôles, à moins qu’elle n’y procède tout simplement pas, faute de personnel. Aussi, dénommer cela un « refus de contrôle » revient à inverser la responsabilité, ce qui ne correspond pas à la réalité des faits. Nous pensons, pour notre part, que vous avez tout à fait les moyens d’imposer un contrôle à une famille qui le refuserait ou, à défaut, de prendre des sanctions.
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement no 679 .
Chacun l’a compris, les amendements de suppression attestent une inquiétude. Un certain nombre de familles, il est vrai réduit, estime être en mesure de réaliser l’instruction en famille, et, en conséquence, fait un choix que nous défendons. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous nous dites que des difficultés peuvent survenir, mais vous ne nous avez pas précisé où ces problèmes se rencontraient ni indiqué leur nombre, si du moins l’estimation a été faite. Il me paraît important de rassurer les familles et de leur dire qu’elles continueront à avoir le droit de faire ce choix et que, sous l’empire de la future loi, elles conserveront la souplesse de l’enseignement à domicile sans subir de contraintes supplémentaires. Par ailleurs, le code de l’éducation précise, en son article L. 131-1-1, le champ de l’évaluation. Pouvez-vous aussi nous rassurer sur les formes de l’évaluation et nous confirmer que des examens nouveaux n’apparaîtront pas ? À l’aune de vos réponses, nous pourrons éventuellement revoir nos positions.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement identique no 331 .
À entendre le rapporteur et le Gouvernement, on a l’impression qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de dispositif encadrant l’enseignement à domicile. Or, ce n’est pas vrai. Je crois que cette présentation n’est pas objective et occulte les moyens d’action administrative et judiciaire existants.
Tout d’abord, la réforme de la protection de l’enfance a créé et défini la notion d’ « informations préoccupantes » ; aux termes de l’article R. 226-2-2 du code de l’action sociale et des familles, « L’information préoccupante est une information transmise à la cellule départementale mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l’être. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. » Ce dispositif, on le voit, permet au département d’intervenir et d’évaluer la situation des mineurs concernés.
Parallèlement, un signalement peut être fait au procureur de la République. Les parents, détenteurs de l’autorité parentale, ont pour obligation de déclarer l’instruction en famille de leur enfant. La vérification de l’instruction par les services de l’éducation nationale est prévue par l’article L. 131-10 du code de l’éducation. Un parent qui se soustrait à ses obligations légales concernant l’éducation de son enfant peut faire l’objet de deux types d’interventions judiciaires. Le juge des enfants peut se saisir de lui-même, sur le fondement de l’article 375 du code civil, et ouvrir un dossier d’assistance éducative si les conditions de l’éducation de l’enfant sont « gravement compromises ». Aux termes de cet article, « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s’assure que la situation du mineur entre dans le champ d’application de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles. »
Je termine, monsieur le président. Enfin, les parents peuvent aussi faire l’objet de poursuites pénales pour abandon d’enfant. Aux termes de l’article 227-17 du code pénal, ce délit se définit par « le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur ». On le voit, le dispositif en vigueur est largement suffisant.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 717 .
Je n’ajouterai rien à l’exposé très complet que vient de faire notre collègue Breton. Je souhaite simplement demander au rapporteur général ce qui adviendra si les familles que l’administration entend contrôler dans ses locaux ne défèrent pas à la convocation. Que se passera-t-il ? Vous appliquerez des sanctions pénales, vous irez les chercher, vous suspendrez l’autorisation, exactement comme vous le feriez aujourd’hui.
Cette volonté de contrôler des familles qui mettent en oeuvre un droit, qui est aussi une liberté, peut être mise en parallèle avec le régime applicable aux assistantes maternelles, qui peut justifier des contrôles au domicile des personnes agréées, ou aux règles applicables à certains dispositifs écologiques, pour ne citer que quelques cas parmi de nombreux autres. À chaque fois que les contrôles à domicile et l’accès des services compétents sont refusés, un régime de sanctions s’applique, que M. Breton vient de rappeler s’agissant de l’enseignement à domicile. Il n’y a donc aucune nécessité de modifier les textes existants.
La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement identique no 1512 .
Je veux bien me laisser convaincre de l’opportunité de cette disposition, qui a été introduite par un amendement du Gouvernement, mais, pour l’heure, je n’ai pas compris son utilité.
À l’heure actuelle, les contrôles ont lieu, et leur nombre croît, même si cela reste sans doute insuffisant. Comme cela a été brillamment démontré, il existe des moyens de se préserver des dérives. J’avoue donc ne pas percevoir la valeur ajoutée de cet amendement. Contre quoi cherche-t-on à se préserver ou à préserver les enfants ? J’imagine que c’est bien l’objectif poursuivi, mais je souhaite qu’on me l’explicite davantage. Monsieur le rapporteur général, vous parlez d’un cas qui pourrait se produire, mais cela ne me suffit pas.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
N’ayant pu participer à l’ensemble de ce débat, je souhaiterais que l’on m’indique sur quels éléments se fonde cette disposition, dont je mesure mal l’utilité. Je crains que des opportunités – je pense à l’innovation pédagogique – qui sont aujourd’hui exploitées de façon très marginale soient, à l’avenir, limitées.
Ce à quoi je suis le plus sensible est la possibilité de venir en aide à des enfants – même si ce cas est très marginal – en situation de réelle souffrance scolaire. Quel que soit l’investissement de l’institution et de ses personnels, il n’est pas toujours possible de le faire. Il est sûrement possible de me rassurer en me précisant la teneur du décret qui définira le lieu du contrôle. Il ne me paraît pas très rassurant, en effet, ni même très cohérent, que l’on ne favorise pas le contrôle au domicile des parents…
…même s’il ne s’agit que de s’assurer que tout se passe bien. Pour avoir discuté avec un certain nombre de personnes, je me pose des questions. Je m’interroge sincèrement comme beaucoup de mes collègues. Encore une fois, je ne demande qu’à être convaincue et rassurée, mais, pour l’heure, je vous fais part de mes interrogations.
Il en va de même des modalités du contrôle. Si des données sont disponibles, il suffirait de nous les communiquer pour que l’on puisse décider en connaissance de cause.
Sur cette série d’amendements identiques, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
L’article dont nous débattons a été adopté en commission et a pour objet, je le rappelle, de conforter le contrôle opéré par l’État sur l’enseignement dispensé aux enfants instruits dans leur famille. Il s’agit de confier à la seule autorité administrative la responsabilité de définir le lieu et les modalités du contrôle. Cet article constitue une réponse appropriée aux failles actuelles des dispositions relatives à l’instruction dans le cadre familial. Je voudrais rappeler à chacun qu’en aucun cas cet article ne remet en cause la liberté d’enseignement à laquelle nous sommes toutes et tous évidemment attachés. C’est un article qui a pour objet de répondre à l’intérêt de tous les enfants et d’assurer leur protection. Je ne comprends pas le débat que nous tenons en ce moment.
Je ne le comprends pas, car l’objet de l’article est de permettre le contrôle. Or, lorsqu’on n’a rien à se reprocher, on ne le craint pas. Madame Romagnan, j’ai moi aussi rencontré des personnes venues m’interpeller. On se rend bien compte qu’en réalité, c’est le principe même du contrôle qui pose problème.
Je suis assez étonnée que, dans cet hémicycle, on considère, à certains moments, que le contrôle doit pouvoir déboucher sur une sanction, éventuellement sur la suppression de l’allocation familiale, et qu’à d’autres moments, quand cela vous arrange, le principe même du contrôle est contesté.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Soit on est favorable au contrôle et on va jusqu’au bout, soit on s’y oppose. J’avoue, pour ma part, n’avoir aucun problème avec le contrôle. Venez concrètement, régulièrement, contrôler ce que je fais, je n’ai rien à me reprocher. Quand on a peur du contrôle, c’est qu’il y a une difficulté dans la manière d’enseigner. Je ne comprends donc pas ce débat. Encore une fois, la détermination par l’autorité administrative du lieu et des modalités du contrôle intervient en cas de soustraction de l’enfant.
Dans une pareille hypothèse, on ne peut pas ne pas s’interroger et s’inquiéter pour l’enfant. La commission a donc émis un avis défavorable.
Je ne prétends pas convaincre, ce soir, la droite de l’hémicycle…
« Il n’y a pas que la droite ! » sur les bancs du groupe Les Républicains
…mais je vais essayer de faire un peu de pédagogie. Il n’y a pas que la droite, certes, mais ses arguments étaient particulièrement saillants.
Je n’ai pas dit « intéressants » mais « saillants » ! Première remarque : vous vous demandiez pourquoi l’amendement du Gouvernement, porté par la ministre de l’éducation nationale et adopté par la commission, avait été introduit dans ce texte relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Je pense que nous serons tous d’accord pour reconnaître que l’égalité des droits des enfants face à l’instruction est source d’une citoyenneté réussie. Égalité et citoyenneté se retrouvant dans cette approche, il n’y a aucune difficulté à ce que ce projet de loi serve à la mise en oeuvre de la proposition portée par la ministre de l’éducation nationale.
J’ai pris connaissance de vos arguments, mesdames, messieurs les députés, mais je vous invite à écouter ce qui suit : « L’instruction dans la famille doit faire l’objet d’une autorisation préalable de l’inspecteur d’académie…
…et doit être justifiée par : l’exigence des soins médicaux ; une situation de handicap […] ; des activités sportives ou artistiques ; des parents itinérants ; l’éloignement géographique d’un établissement scolaire. » Cette proposition de loi n’est ni gauchiste, contrairement à ce que j’ai pu entendre dire tout à l’heure, ni idéologique, pour reprendre le terme favori de M. Bompard. Elle est à mettre au compte de M. Ciotti, absent de cet hémicycle, qui l’a déposée le 27 avril dernier ; elle a été cosignée par MM. Morel-A-L’Huissier et Dhuicq ici présents.
Eh bien, monsieur Poisson, il est manifestement contradictoire de vouloir à la fois la « liberté » de l’enseignement et l’autorisation préalable de l’inspecteur d’académie pour l’instruction dans la famille.
C’est vrai que dans le groupe majoritaire, il n’y a aucune contradiction !
Notre proposition, mesdames, messieurs les députés, préserve totalement les libertés en la matière, et je vais tâcher de vous le démontrer.
Un enfant de la République qui est maltraité sur le plan pédagogique, c’est un enfant de trop.
Le principe de l’égalité scolaire qui a été posé en 1882 exige, vous le savez, que tous les enfants âgés de 6 à 16 ans présents sur le territoire national bénéficient d’une instruction, dont le caractère est donc obligatoire. Certaines familles ont fait le choix, respectable au demeurant, de ne pas inscrire leurs enfants dans des établissements et de les instruire à domicile ou par l’enseignement à distance. Ce choix n’est bien entendu pas remis en cause.
Ayant été enseignant moi-même, j’essaie d’être pédagogue.
Certes, la pédagogie est parfois l’art de la répétition, mais je tâcherai de ne pas vous prendre trop de temps. Il est question ici de s’assurer que les enseignements ne sont pas contraires aux valeurs de la République et permettent à l’enfant d’acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; nous pouvons tous nous accorder sur ce point. Le socle n’est autre que la référence commune, celle qui concrétise le droit à l’éducation de tous les enfants. Or, mesdames, messieurs les députés, aucun état des lieux sur l’instruction à domicile n’avait été réalisé depuis l’année scolaire 2010-2011, ce qui est un manque certain.
Afin que vous puissiez prendre votre décision en toute connaissance de cause, le Gouvernement a demandé en 2015 une enquête quantitative et qualitative. Celle-ci atteste d’une augmentation – on peut s’en inquiéter ou s’en réjouir – de plus de 30 % du nombre d’enfants instruits à domicile depuis l’année scolaire 2010-2011.
Une fois encore, on peut s’en réjouir ou s’en inquiéter, on peut s’interroger sur cette augmentation non négligeable. Aujourd’hui, 25 000 enfants sont instruits à domicile, dont 10 000 ne sont pas pris en charge par le CNED, le Centre national d’enseignement à distance.
Nous souhaitons donc, dans le cadre de ce projet de loi, garantir une chose simple, le caractère effectif des contrôles, et renforcer la qualité du contrôle pédagogique. Les académies, nos académies, vos académies, nos collaborateurs de l’État signalent des difficultés croissantes dans le dialogue avec les familles : refus de contrôle à domicile,…
…multiplication des demandes préalables à l’acceptation du contrôle, manoeuvres dilatoires ou recherche de médiatisation,…
…présence d’huissiers, d’avocats lors des contrôles, avec parfois refus de donner accès à l’enfant sur le lieu du domicile ; je le répète : refus de donner accès à l’enfant sur le lieu du domicile ! Mesdames, messieurs les députés, ce que nous souhaitons, c’est clarifier la rédaction de l’article L. 131-10 du code de l’éducation sur le lieu de contrôle, qui sera déterminé par l’éducation nationale sans que les familles puissent s’y opposer, ce qui est le cas avec la rédaction actuelle.
Une fois encore, j’essaie d’être le plus précis possible. Nous souhaitons également sanctionner le refus réitéré d’inspection sans motif légitime, car cela n’est pas prévu dans le code en vigueur, ce qui est tout de même gênant.
En s’appuyant sur l’ensemble de ces mesures, l’État se donne les moyens de faire preuve d’une vigilance égale à l’égard de tous les enfants de France pour garantir leur droit à l’éducation sans jamais sacrifier la liberté de l’enseignement, contrairement à ce que vous avez répété tout au long de nos débats. Ces dispositions renforcent à l’évidence la mobilisation de l’école pour les valeurs de la République et, soyons clairs, participent d’une action de prévention des phénomènes de radicalisation ou de sectarisation, car c’est une nécessité évidente que de protéger nos enfants mineurs de toute dérive propre à entraver leur épanouissement par le savoir et le développement de l’esprit critique.
Mesdames, messieurs les députés, on ne peut en permanence faire référence à l’autorité de l’État et se résigner à une forme d’impuissance de celui-ci dans des domaines aussi importants.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
« [L]’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté » ; ce n’est pas moi qui l’ai écrit, c’est M. Jean-Jacques Rousseau. Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements de suppression de l’article 14 bis.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Plusieurs députés souhaitent s’exprimer ; le temps de parole de deux minutes sera scrupuleusement respecté.
La parole est à M. François Pupponi, qui patiente depuis un certain temps.
Je peux comprendre les craintes de certains, car elles sont justifiées. Toutefois, je vous invite, chers collègues, à vous rendre dans certains territoires pour constater ce qui s’y passe.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Si vous ne prenez pas conscience du fait qu’un certain nombre de réseaux extrêmement dangereux utilisent des textes visant à garantir nos libertés pour manipuler une partie de la jeunesse de notre pays, notamment des enfants très jeunes, alors vous niez une certaine réalité. La rédaction qui a été retenue en commission est le fruit de l’expérience des services de l’État, ainsi que vient de l’indiquer M. le ministre, qui ne peuvent plus agir du fait de l’utilisation de certains textes par des réseaux organisés. Telle est la réalité dans un certain nombre de territoires aujourd’hui. Et ce phénomène se développe, ces réseaux se multiplient. Oui, les acteurs de terrain, les agents de l’éducation nationale ont demandé que leurs pouvoirs soient renforcés pour pouvoir agir plus efficacement. Il ne serait pas responsable de le leur refuser car, je le répète, c’est une manière comme une autre de lutter contre un certain nombre de réseaux de radicalisation qui sont en train d’infiltrer nos territoires.
Après avoir entendu le ministre, je ne comprends toujours pas la crispation de l’opposition sur ce sujet, et je cherche une explication. Celle-ci est simple : il s’agit d’une posture politicienne. Vous cherchez avec cet exemple à relancer je ne sais quelle guerre scolaire, chers collègues de l’opposition, à laisser croire que nous serions contre la liberté pédagogique, contre l’école libre. Sur des sujets aussi importants, aussi fondamentaux, je trouve que c’est petit.
Chers collègues, ma position est assez simple : je suis extrêmement attaché à la liberté pédagogique.
Je n’ai pas une confiance aveugle dans l’administration, dans les professionnels de l’enseignement. Il faut bien sûr une liberté pour les parents, nous le disons depuis fort longtemps et continuons de le défendre. Toutefois, certains peuvent en effet profiter du flou juridique pour contourner la loi et mettre en danger certains enfants ; oui, il y a un trou dans la raquette. Ce que propose l’amendement qui a été adopté en commission, c’est de le combler. N’y aurait-il qu’un enfant en danger, je voterais pour l’article dans sa rédaction actuelle, car elle pourrait sauver un enfant.
Il n’est pas question ici de remettre en cause la liberté de l’instruction.
Car de quoi parle-t-on, mesdames, messieurs les députés de l’opposition ? Ces 6 000 enfants instruits à leur domicile sont à rapporter aux 12 millions d’enfants scolarisés en France.
Pour reprendre les mots de Lénine, et c’est un clin d’oeil à notre collègue André Chassaigne, la confiance n’exclut pas le contrôle. Il faut avoir confiance dans les familles qui souhaitent éduquer elles-mêmes leurs enfants, mais il est normal que l’État exerce un contrôle sur cette instruction.
Cher collègue, nous sommes tout de même loin des postures politiciennes si l’on considère que les Verts et les communistes sont également hostiles à cette proposition. Quand Noël Mamère ou André Chassaigne prennent la parole pour aller dans le même sens que nous, on ne peut pas affirmer que nous adoptons une posture politicienne !
Pour répondre à M. Pupponi, si nous sommes d’accord sur la cible du contrôle, je suggère de préciser par un amendement que celui-ci doit être effectué en cas de suspicion d’instruction tendant vers la radicalisation et contraire aux valeurs républicaines. Nous nommerons ainsi la chose. Car nous savons fort bien que ce qui est visé aujourd’hui, ce sont non pas les réseaux de radicalisation mais les familles qui décident de dispenser une éducation différente. Ceci n’est qu’un alibi pour remettre en cause la liberté de l’enseignement.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Cela suffit, monsieur le président ! Nous pouvons considérer que le débat a eu lieu !
La seule question pertinente est celle qui a été posée par M. le rapporteur général. À cet égard, ce fut sans doute une faiblesse de ma part de cosigner la proposition de loi de mon collègue Éric Ciotti, qui était une première tentative. Après réflexion, il m’apparaît que cette solution n’est pas la bonne. Concernant la radicalisation, c’est-à-dire, en réalité, l’enseignement du wahhabisme ou du salafisme, il suffirait de nommer les choses.
Il faudrait être cohérent au regard de certains de nos contrats à l’exportation, de nos attitudes et de la remise de certaines légions d’honneur.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il faut bien comprendre, puisque tout le monde parle de guerre aujourd’hui, que ce combat est de nature culturelle, et qu’il faudrait enfin nommer les choses, ce qui n’est pas fait dans l’article introduit à l’initiative du Gouvernement en commission.
Ce dispositif, monsieur le ministre, j’y insiste, n’aura aucun effet sur la cible que j’évoquais, qui sévit depuis plus de vingt ans. Dans les hôpitaux, dans les prisons, dans les écoles,…
…dans les lieux publics : elle est présente partout ! Elle n’est pas localisée, elle est polymorphe et elle s’est adaptée à la société d’aujourd’hui. Un remarquable bretteur qui pratique la taqiya et qui s’appelle Tariq Ramadan a eu le toupet dernièrement de demander la nationalité française.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
C’est la réalité !
En conclusion, monsieur le ministre, je pense que cet article, quels que soient les arguments que vous avez avancés pour le défendre, ne permet pas de répondre à une telle question.
Il tire à côté, et risque même au contraire de mettre en danger la pluralité de la société française, la singularité des cas, certains enfants ayant besoin, pour une raison ou une autre, de cet espace de liberté au sein de la famille.
J’aimerais tout d’abord rappeler à M. le ministre, qui a conclu son intervention avec une citation de Rousseau, que les principes défendus dans Émile ou De L’Éducation ne sont pas tout à fait ceux de l’éducation républicaine.
Rousseau y interdisait en effet l’éducation pour les femmes et a introduit dans un des livres du traité la fameuse « Profession de foi du vicaire savoyard » sur le rôle de la religion dans l’éducation.
On est donc assez loin de ce que vous défendez aujourd’hui devant cet hémicycle.
Par ailleurs, j’aimerais dire à M. Pupponi qu’il ne faut pas exagérer de la sorte. L’instruction par les familles concerne 0,09 % des enfants. Il faut donc arrêter de nous faire croire que demander à ces familles de répondre aux exigences de l’administration permettrait de mieux lutter contre les dérives sectaires.
Vous êtes comme moi maire d’une ville qui connaît des problèmes, monsieur Pupponi. Demandez à ce gouvernement pourquoi il a déjà supprimé un certain nombre de subventions pour l’aide aux devoirs et pour l’aide à ces enfants…
Ah bon ? Vous affirmez pourtant que chaque enfant doit être protégé ! Si chaque enfant doit être protégé, il ne doit exister aucune école ghetto et on ne doit pas supprimer les subventions pour l’aide aux devoirs !
On doit aussi surveiller avec bien plus de vigilance qu’actuellement toutes les écoles sous contrat, qui sont des écoles religieuses en effet susceptibles de présenter des risques d’intégrisme ! Il me semble qu’il faut se calmer sur ce sujet et ne pas s’en servir, comme on le fait d’un côté et de l’autre, …
Mais monsieur le rapporteur général, vous n’êtes pas épargné par cette instrumentalisation ! Votre fausse colère de tout à l’heure ne nous a pas impressionnés !
Au motif que l’administration ne peut pas faire ce qu’elle veut, vous prétendez que nos propositions remettent en cause les principes de l’éducation et ouvrent la porte à toutes les formes d’intégrisme ! Je pense qu’il faut être raisonnable.
Si, c’est ce que vous avez dit ! Les enfants en danger ne sont pas forcément là où on croit !
Vos arguments, monsieur le ministre, montrent de manière frappante que le texte gouvernemental, compte tenu des problématiques que vous avez signalées, n’atteint pas son objectif. Non seulement il n’atteint pas son objectif mais il risque de créer des dégâts collatéraux.
Relisez le texte : il s’agit de s’intéresser à deux points, les modalités et les lieux de contrôle des connaissances. Or, ce que demandent les familles, c’est que l’éducation nationale puisse effectuer les contrôles à domicile.
C’est prévu !
L’éducation nationale quant à elle, en tant qu’institution, demande exactement l’inverse. Il y a là une vraie difficulté. En réalité, les modalités et les lieux de contrôle des connaissances retenus risquent bien de provoquer des dégâts collatéraux car ils ne prennent pas en compte les pédagogies alternatives !
Qui a supprimé les postes dédiés au contrôle ? Vous !
Je continue pour ma part à m’interroger sur l’absence de Mme la ministre de l’éducation nationale, qui n’est pas venue défendre elle-même cet article qui n’est rien d’autre qu’un cavalier législatif !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’ai écouté vos propos sur le risque de radicalisation, chers collègues. Si l’on soupçonne qu’une radicalisation…
Même mouvements.
Merci, monsieur le président. En matière de radicalisation, la législation actuelle permet déjà à l’administration d’assurer la protection des enfants. Je vous renvoie au guide interministériel de prévention de la radicalisation auquel vous faites souvent référence. Le cadre de l’instruction en famille ne permet pas de regrouper les enfants pour recevoir une instruction, or en cas de radicalisation, un regroupement a bien souvent lieu. Il s’agit donc d’écoles de fait non déclarées et illégales dont les mineurs sont susceptibles de faire l’objet de mesures de protection et les adultes de poursuites pénales. Il est donc possible actuellement, avec la législation telle qu’elle est, de lutter contre les risques de radicalisation.
Enfin, vous dites avoir commandé un rapport, monsieur le ministre. Vous auriez pu au moins en attendre les résultats, et si vous les avez, nous les communiquer !
J’en reviens à ce que nous avons dit en commission spéciale : les associations qui militent pour le maintien de l’instruction en famille, qui est actuellement menacée, ont été reçues au ministère, mais il n’a pas été possible d’obtenir un compte rendu de leur audition. C’est tout de même problématique ! C’est pourquoi j’invite nos chers collègues à voter nos amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il est procédé au scrutin.
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement no 691 .
Il s’inscrit dans le débat que nous venons d’avoir. J’aimerais interroger M. le ministre. Si j’ai retiré l’amendement de suppression que j’ai défendu précédemment, c’est parce que nous en sommes à la première lecture et qu’il nous faut obtenir certains compléments d’information. J’espère que nous les obtiendrons dans le cadre de la navette parlementaire. Vous avez fait état de certaines situations, monsieur le ministre. Il nous faudra les chiffrer et disposer d’éléments un peu plus précis, mais j’ai compris que les services travaillent en ce sens.
Je souhaite vous interroger sur la modification de l’article L. 131-10 du code de l’éducation. Il prévoit actuellement que les familles doivent fournir des explications et font l’objet de sanctions de la part de l’administration dans le cas contraire. J’essaie de comprendre ce qui justifie la modification de cet article. Alors même qu’il prévoit déjà des sanctions, vous avez dit tout à l’heure que l’administration n’a pas les moyens de sanctionner !
Il faudra donc expliquer quelles sont les sanctions que prévoit l’article actuel et pourquoi vous proposez de les durcir en cas de refus.
L’amendement no 691 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement de repli proposant de supprimer les alinéas 2 à 5 de l’article. Je me permets tout de même de rappeler, même si M. le ministre semble négliger ce point, que l’instruction, notamment en famille, est un droit formalisé dès 1882 dans le cadre des lois Ferry qui établissent en particulier le principe du droit à l’éducation.
Je l’ai dit !
D’ailleurs, les textes qui fondent ce droit, on les retrouve dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dans le protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et in fine dans notre code de l’éducation, à l’article L. 131-2. J’insiste donc, monsieur le ministre : vous prévoyez de restreindre la possibilité offerte aux familles de choisir les modalités d’instruction, car il incombera à l’État de définir le lieu et les modalités de contrôle, qui ne sont pas dissociables de l’instruction elle-même ! Que vous considériez qu’ils sont extérieurs au processus montre bien, pardonnez-moi de vous le dire, que vous ne comprenez rien à l’éducation !
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement identique no 250 .
Il propose également de supprimer les alinéas 2 à 5 de l’article qui traitent des méthodes de contrôle que vous entendez imposer, monsieur le ministre. L’état des lieux des contrôles pédagogiques réalisé par l’éducation nationale en 2011 a montré que 90 % des familles ne sont pas satisfaites de la façon dont se déroulent les contrôles de l’instruction en famille. De même, la circulaire du 26 décembre 2011 fait état de la nécessité d’un dialogue constructif avec les personnes responsables du contrôle pédagogique, mais un tel dialogue n’est pas effectif actuellement.
Les alinéas 2 à 5 de cet article dont nous proposons la suppression sont en rupture complète avec cette nécessité alors que les familles s’inscrivent elles-mêmes dans cette intention et que des groupes de parents se sont créés pour entamer un dialogue avec les rectorats. L’alinéa 4, qui remet en cause le contrôle de l’instruction à domicile, soumet les familles aux contraintes de l’administration sans tenir compte des motifs légitimes des familles et de la distance entre domicile et lieu de contrôle.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement identique no 332 .
Il s’agit d’un amendement de repli proposant la suppression des alinéas 2 à 5. Il rappelle d’une part que le législateur a voulu, lors de l’adoption en 1998 de la loi tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire, que celui-ci se déroule là où l’enseignement de l’enfant a lieu, considérant que « le choix des locaux de l’inspection académique ou d’un établissement scolaire est en général peu propice à créer un climat serein pour l’inspection ». Ces dispositions datent de 1998, lorsque la majorité était pourtant de gauche.
Par ailleurs, la possibilité de déroger à ce contrôle en famille existe déjà, comme le montre notamment le jugement rendu par le tribunal administratif de Limoges le 6 février 2014 selon lequel « l’administration ne dispose pas d’une totale liberté de choix du lieu du contrôle » et qu’elle « ne peut décider d’un contrôle hors du domicile de la famille que si des éléments objectifs lui permettent de considérer qu’il ne pourra pas se dérouler dans de bonnes conditions au domicile de la famille ». On voit bien qu’il est déjà possible de procéder exceptionnellement à des contrôles hors du domicile de la famille.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement identique no 724 .
Je tiens à dire à Mme la présidente de la commission spéciale, car je souhaite que ce point soit clarifié, qu’il n’existe aucune opposition de notre part à la réalité même du contrôle ni à sa nécessité.
Si je vous dis que non, ne dites pas le contraire, chère collègue ! Je vous affirme que je suis d’accord avec la mécanique du contrôle !
Vous ne savez pas mieux que moi ce que je pense ! Écoutez donc ce que je vous dis ! Par ailleurs, je pose la même question que celle posée à l’instant par notre collègue Cavard. Tous les instruments juridiques existent. Il suffit de renforcer les dispositions existantes.
Dès lors, monsieur le ministre, pourquoi ne renforcez-vous pas les dispositions pénales en cas de manquements objectifs à l’obligation de contrôle, lorsque les familles ne satisfont pas à leur devoir en la matière ? C’est la raison pour laquelle je souhaite la suppression des alinéas 2 à 5.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement identique no 817 .
J’affirme à mon tour à Mme la présidente de la commission spéciale que nous sommes bien sur la même longueur d’onde. Nous disons oui au contrôle, y compris au contrôle pédagogique, et non au bourrage de crâne et à la radicalisation, c’est évident ! Il me semble néanmoins que la radicalisation a bon dos. Nous modifions en effet sans en avoir l’air, par un article dont les conséquences n’ont pas été évaluées, un droit fondamental affirmé dès la Troisième République, en 1882, et réaffirmé en 1998.
Cela me semble bien regrettable. La radicalisation a vraiment bon dos !
Ce second amendement de repli porte sur les alinéas 7 et 8 de l’article. Il s’agit d’un point essentiel qui mérite toute notre attention, même si je note qu’une partie de la majorité ne l’entend pas ainsi. En matière pédagogique, le contrôle ne peut être dissocié du dispositif pédagogique lui-même. Dans le cadre de certaines pédagogies alternatives, comme les pédagogies Freinet ou Montessori, les modalités de contrôle elles-mêmes doivent prendre en compte la façon dont la pédagogie a été déployée.
Mais non ! De nombreux inspecteurs ne connaissent pas, hélas, ces pédagogies, ce qui pose déjà un premier problème ! Ces observations me semblent justifier cet amendement de suppression des alinéas 7 et 8.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement identique no 333 .
Ce nouvel amendement de repli propose la suppression des alinéas 7 et 8. Les mesures prévues sont manifestement disproportionnées. Il existe déjà, comme on l’a vu, de multiples possibilités de recours offertes aux services de l’éducation nationale pour réagir en cas de refus avéré. C’est pourquoi nous proposons la suppression de ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement identique no 727 .
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement identique no 825 .
L’avis du Gouvernement est naturellement défavorable, sans explications particulières.
Je voudrais revenir sur les propos de M. Hetzel à mon égard. Vous m’avez affublé, monsieur Hetzel, d’un « vous ne comprenez rien à l’éducation ! ».
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Cette insulte, je la prends comme elle est.
Ayant eu l’honneur de servir l’éducation nationale comme maître de conférences à l’université de Lille-III pendant 25 ans, je considère que cette insulte ne me concerne pas et s’adresse plutôt aux centaines d’étudiant que j’ai eu l’honneur d’instruire en droit public et en droit administratif.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je veux revenir quelques secondes sur la radicalisation dans les écoles, pour donner un élément patent, qui existe aussi bien à Orange qu’à Bollène, et dans de très nombreuses villes de France. La mixité que vous nous avez faite fait qu’il existe des écoles où 100 % des enfants sont issus de l’immigration.
Le racisme musulman s’y exprime, dans la mesure où des enfants en attaquent d’autres au prétexte qu’ils ne pratiquent pas suffisamment, ou pas du tout, la religion.
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Dans ce contexte, les enseignants n’ont pas la liberté d’enseigner ce qu’ils voudraient. Vous le savez ! Il faut être d’une mauvaise foi patente pour le nier. La radicalisation se fait dans l’école de la République, parce que la mixité n’existe plus du tout…
…au point que, même en le voulant, on ne pourrait plus la recréer. La folie, ça marche un moment !
Sur l’article 14 bis, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Mêmes mouvements.
Je souhaite donner un exemple concret du phénomène de radicalisation des sectes. La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a été créée en 2002. Je regrette que Georges Fenech, qui l’a présidée, ne soit pas là ce soir, car il aurait pu apporter un peu de raison dans le débat et évoquer ces enfants, qui évoluaient hors des canaux de la République, dont l’on a alors découvert l’existence. Nous devons affronter les débats et être conscients que la République est partout : le contrôle peut ramener ces enfants, prisonniers des sectes. C’est l’objectif de l’article 14 bis.
Chacun l’a bien compris, cet article est important car il modifie un principe fondamental, qui lie instruction obligatoire et liberté des familles.
Il est justifié que l’État exerce des contrôles, mais il n’est pas justifié que l’État les étende dans les conditions présentées aujourd’hui. Il s’agit clairement d’un texte à visée idéologique, et non, hélas, d’un texte à visée opérationnelle.
Que l’État exerce convenablement les possibilités de contrôle dont il dispose aujourd’hui, soit, mais vous ne devez pas déplacer l’équilibre et toucher au principe fondamental de la liberté des parents. Nous en reparlerons tout à l’heure lorsqu’il s’agira de l’enseignement hors contrat.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 49 Nombre de suffrages exprimés: 49 Majorité absolue: 25 Pour l’adoption: 32 contre: 17 (L’article 14 bis est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly