Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du 21 septembre 2016 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • alerte
  • corruption
  • lanceur
  • lanceur d'alerte
  • secret

La réunion

Source

La réunion débute à 10 heures.

Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.

La Commission examine le bilan de l'activité de la Commission et de l'application des textes relevant de sa compétence (M. Dominique Raimbourg).

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Le bilan que je vous présente témoigne tout d'abord de l'importance du travail de notre commission. Nous avons examiné 183 textes depuis 2012, dont 152 textes de loi renvoyés au fond à la commission des Lois (94 propositions et 58 projets). Ces textes ont donné lieu à 83 lois promulguées. Parmi celles-ci, 31 sont issues de propositions de loi, soit 37 % du total. Nous avons examiné 15 342 amendements, dont 6 239 ont été adoptés. Hors projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale, le travail de la commission des Lois a occupé 40 % du temps de séance depuis 2012. Ce chiffre est monté à 47 % en 2015-2016. Au cours de cette session, nous avons examiné 22 des 42 lois promulguées.

La proportion relativement importante de propositions de loi dément en partie la critique selon laquelle nous serions « sous la coupe » de l'exécutif : cette tutelle existe, mais il nous reste tout de même une marge de manoeuvre.

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Vous n'êtes pas dupe, monsieur le président !

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Il y a tout de même un certain nombre de propositions de loi qui sont adoptées.

Troisième point : les propositions de loi de l'opposition. Sept ont été adoptées. En outre, quatre sont encore en navette après un vote par l'Assemblée nationale ; sauf erreur de ma part, certaines ont été reprises dans d'autres textes ou vont être intégrées à des textes qui seront votés. Quatre autres lois nées d'une initiative conjointe de la majorité et de l'opposition ont été adoptées ; une autre est en navette au Sénat. On voit qu'un certain nombre de textes présentés par l'opposition sont adoptés.

Quatrième point : la question des décrets d'application. Pour l'étudier, nous nous sommes penchés sur les 69 lois qui datent de plus de six mois, considérant qu'il faut bien un certain temps avant que les décrets d'application ne soient pris. Parmi ces lois, 36 devaient entraîner la publication d'un décret d'application, qui concernait 284 dispositions ; 249 ont été promulguées, soit 88 % : c'est, ici encore, relativement satisfaisant. Des retards existaient pour neuf lois le 30 juin 2016, il en reste huit en tenant compte des décrets publiés cet été. Je signerai tout à l'heure, si vous m'autorisez à le faire en approuvant la publication du présent rapport, les lettres au ministre demandant la publication de ces décrets. Il faut souligner la réactivité dont fait désormais preuve le ministre des relations avec le Parlement, depuis que M. Ollier a créé le comité de suivi d'application des lois, repris par les différents ministres qui lui ont succédé.

J'aimerais que l'on aille un peu plus loin, en évaluant non seulement la publication des textes, mais l'impact réel des lois, leur effet sur la vie quotidienne de nos concitoyens, comme nous sommes en train de le faire à propos de la loi du 6 août 2012 sur le harcèlement sexuel. Je vous propose de lancer plusieurs travaux en ce sens : sur les lois du 6 décembre 2013 relatives à la fraude fiscale et au procureur financier, sous la conduite de deux rapporteurs, Mme Mazetier et M. Warsmann ; sur la loi du 20 juin 2014 relative à la révision des condamnations pénales, avec comme rapporteurs MM. Tourret et Fenech ; sur l'égalité homme-femme, en lien avec le Comité d'évaluation et de contrôle (CEC), sous l'égide de MM. Denaja et Geoffroy. Si certains parmi vous souhaitent se livrer au même travail sur d'autres sujets, nous sommes preneurs de leurs propositions.

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Plus le rôle de la commission des Lois sera important, plus le contrôle de l'exécutif sera une réalité.

La volonté d'exercer ce contrôle est réelle ; je vous en donne acte, monsieur le président, comme à votre prédécesseur. Cependant, des problèmes se posent. En particulier, les rapporteurs pour avis disposent de pouvoirs très limités, plus que s'ils étaient rapporteurs spéciaux ; c'est inconcevable. Je suis actuellement rapporteur pour avis du budget de la fonction publique, comme je l'ai été entre 1997 et 2002 ; je ne peux ni aller perquisitionner, ni proposer des sanctions dans le cas où l'administration refuse de nous communiquer certains documents, ni me faire accompagner par des experts. Je ne peux pas non plus associer l'opposition à ma démarche. Les rapporteurs pour avis devraient former un binôme majorité-opposition, comme les rapporteurs spéciaux. Rien ne sera possible sans un renforcement des droits de l'opposition. Je ne parle pas de ce qui peut nous arriver l'an prochain, mais, avec une grande sagesse, d'aujourd'hui ! (Sourires.)

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Ce rapport montre la charge de travail qui a pesé sur notre commission, l'empêchant d'assurer une veille européenne aussi complète que l'actualité le demandait. Je songe notamment aux évolutions en cours des dispositions applicables en matière de sécurité ou de droits d'auteur, ainsi qu'aux arrêts récents de la Cour européenne des droits de l'homme, en particulier concernant la violation du droit au respect de la vie privée des enfants ou la surpopulation carcérale. Voilà qui devrait nous conduire à relancer cette partie de notre activité en cette rentrée parlementaire, ainsi qu'à évaluer l'application des dispositions venant de l'Union européenne ou du Conseil de l'Europe. Je vous fais part de ma disponibilité pour mener ce travail, monsieur le président, puisque vous nous invitez à le faire.

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Merci, monsieur le président, de toutes ces données. Elles nous confortent dans la voie que nous suivons depuis 2012 en accomplissant un travail substantiel, de qualité, et en nous souciant de son application.

J'aimerais leur ajouter, au bénéfice de la commission des Lois, la création de la mission d'information sur l'application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Grâce à ce dispositif inédit, nous avons pu, compte tenu du grand nombre d'articles que comporte le texte et de décrets d'application qui en découlent, appeler le Gouvernement à s'engager sur des délais et sur le contenu des règlements qu'il doit prendre, afin que la loi soit effective et conforme – c'est bien le moins – à la volonté du législateur. Cette initiative importante et intéressante devrait pouvoir être renouvelée s'agissant des gros textes dont le suivi nécessite un tel travail, en co-construction avec le Gouvernement. Mais cela ne résout pas tout : cette mission a permis de constater que le Gouvernement pourrait mieux faire en matière de décrets, sans doute en anticipant les difficultés à résoudre compte tenu des orientations choisies par le législateur.

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Monsieur Tourret, avez-vous rencontré des obstacles que les pouvoirs que vous demandez auraient permis de lever, ou est-ce à une analyse théorique que vous vous livrez ?

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Il s'agit d'abord d'une analyse des textes. Mais la tâche du rapporteur pour avis est extraordinairement difficile. Dans le cas du budget de la fonction publique, c'est le contrôle de l'administration qui est problématique. Nous n'avons pas d'experts à nos côtés pour vérifier ce qu'avance l'administration, qui nous donne des documents très faibles lorsque nous lui en demandons, des pièces qui ont été préparées année après année et qu'elle se contente de nous envoyer. Un exemple : il a fallu un rapport spécifique sur le temps de travail des fonctionnaires pour que soient publiées des informations que j'avais demandées à neuf reprises sans jamais obtenir de réponse !

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Dont acte.

Madame Karamanli, nous allons travailler sur les questions que vous avez mentionnées.

La Commission autorise le dépôt du rapport d'information sur l'activité de la commission des Lois et l'application des textes relevant de sa compétence.

La Commission examine, en nouvelle lecture, le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n° 3939) et la proposition de loi organique, modifiée par le Sénat, relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d'alerte (n° 3937) (M. Sébastien Denaja, rapporteur).

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Les commissions mixtes paritaires (CMP), réunies au Sénat le 14 septembre dernier, n'ont pas été en mesure d'adopter un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, et de la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte.

Nous allons donc procéder, sur le rapport de Sébastien Denaja, à une nouvelle lecture des deux textes.

Je rappelle que la commission des Lois, saisie au fond, a délégué l'examen d'un certain nombre d'articles à la commission des Affaires économiques et à la commission des Finances, qui ont désigné leurs rapporteurs pour avis : M. Dominique Potier pour la première et M. Romain Colas pour la seconde. Ces deux commissions ont examiné le texte hier. En conséquence, notre commission ne statuera que formellement sur les articles « délégués » et les amendements qui s'y rattachent, et elle s'en tiendra à l'avis des rapporteurs pour avis.

Nous avons 180 amendements à examiner. Je vous invite donc à la plus grande concision.

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Le texte qui nous est soumis se situe dans le prolongement de l'action résolue menée depuis bientôt cinq ans pour la transparence et la rénovation démocratique. Citons la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui a créé la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), mais aussi celle du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui a, elle, créé le parquet national financier, un outil dont l'actualité récente nous a confirmé l'efficacité et l'opportunité : c'est lui qui instruit notamment l'affaire « du siècle », celle des Panama papers.

Mais le texte a aussi son ambition propre, que traduit son champ particulièrement large : favoriser une action publique plus transparente, garantir la probité des comportements économiques, améliorer la régulation financière, renforcer les droits des consommateurs et faciliter le financement des entreprises.

Le projet est également audacieux, car il aborde des sujets difficiles et propose des réformes trop longtemps différées : le renforcement de la lutte contre la corruption, la protection des lanceurs d'alerte – un domaine dans lequel la France non seulement fait oeuvre utile, mais se situe à l'avant-garde de l'Europe et du monde –, l'encadrement du lobbying ou encore les obligations de reporting des entreprises.

Ce texte est le fruit d'un travail mené selon une procédure originale, à laquelle notre commission n'avait recouru sous cette législature qu'une seule fois : la délégation au fond de plusieurs articles à d'autres commissions, ici celles des Affaires économiques et des Finances. Notre collaboration avec leurs deux rapporteurs pour avis a été particulièrement fructueuse.

En ce qui concerne le texte proprement dit, où en sommes-nous ?

C'est de deux textes que nous sommes en réalité saisis à l'issue de nos travaux en première lecture. Au projet de loi ordinaire préparé par le Gouvernement, nous avons en effet adjoint une proposition de loi organique étendant le domaine de compétence du Défenseur des droits afin d'en faire la clé de voûte du système de protection des lanceurs d'alerte. Il s'agit d'une initiative parlementaire, à propos de laquelle je salue le volontarisme du groupe majoritaire conduit par Mme Sandrine Mazetier, sans qui rien n'aurait été possible.

Le projet de loi comptait initialement 57 articles ; il en comporte désormais 156. Parmi eux, 50 ont été adoptés dans des termes identiques par les deux chambres. Il en reste donc 106 en discussion.

Nos échanges avec le Sénat ont commencé début juin, avant même que la chambre haute ne soit réellement saisie du texte. Les rapporteurs pour avis et moi-même avons travaillé avec nos homologues dans un climat de grande cordialité. Cela nous permet de progresser aujourd'hui de manière plus harmonieuse sur différents sujets.

Lors de nos discussions avec le Sénat, de nombreux points de consensus se sont fait jour, notamment dans les domaines financier et agricole – je laisserai MM. Colas et Potier en parler. C'est particulièrement important en matière agricole : certaines des mesures introduites dans le texte sont urgentes, singulièrement celles qu'attendent à juste titre les acteurs du secteur laitier.

D'autres points de convergence concernent la HATVP ou la vie des entreprises.

Il existe, en revanche, des « points durs », des divergences, qui ont empêché la CMP d'aboutir.

Premièrement, l'article 13, relatif à l'encadrement du lobbying. Il crée un répertoire des représentants d'intérêts intervenant auprès des pouvoirs publics, en particulier du Gouvernement, de l'Assemblée nationale et du Sénat. Nous, députés, prônons un répertoire unique pour toutes ces institutions. Le président de l'Assemblée nationale lui-même y tient beaucoup, ainsi que l'ensemble du Bureau, ce qui s'est traduit par plusieurs amendements en première lecture. Le Sénat, lui, préférerait un répertoire dont il conserverait l'entière maîtrise. Nous formulerons donc des propositions visant à préserver le répertoire unique tout en respectant le principe d'autonomie institutionnelle des assemblées.

Nos discussions ont ensuite achoppé sur les articles 6F et 6G, relatifs à certains aspects du statut des lanceurs d'alerte. Il s'agit en particulier de l'aide financière qui leur est accordée et de la suppression des dispositifs sectoriels. Dans le texte que nous avons adopté en première lecture, cette dernière mesure traduisait notre volonté de créer un statut général des lanceurs d'alerte. Telle n'était pas la volonté du Sénat ; or ce point nous semble essentiel. Nous sommes néanmoins en mesure d'aboutir à une rédaction équilibrée qui pourrait susciter l'approbation du Sénat, en améliorant la définition des lanceurs d'alerte à l'article 6A et en renforçant la responsabilité de ceux qui ne seraient pas de véritables lanceurs d'alerte.

Le troisième point d'achoppement concerne l'article 8.

Nous avons voulu, relayant les intentions du Gouvernement, doter la France d'un outil performant de prévention et de lutte contre la corruption, que nous avons baptisé, suivant ma proposition, l'Agence française anticorruption (AFA). Celle-ci doit remplacer l'actuel Service central de prévention de la corruption (SCPC), qui, doté en 2012 de 4,75 ETP, bénéficiera bientôt de 70 agents : les moyens alloués à la lutte contre la corruption augmentent notablement. Créé en 1993 par la loi dite Sapin 1, le SCPC avait été réduit aux acquêts entre 2007 et 2012 ; sans doute cette lutte n'était-elle pas alors la priorité gouvernementale.

Dans cet article, nous voulons rétablir la commission des sanctions, une instance essentielle au nouvel édifice que constituera l'AFA. Nous souhaitons également doter celle-ci de toutes les garanties d'indépendance fonctionnelle, s'agissant notamment de la nomination de son directeur ou de sa directrice.

J'en viens à l'article 54 bis. En première lecture, un amendement d'initiative parlementaire concernant la rémunération des dirigeants de grandes entreprises a été adopté en commission, puis en séance après avoir été amélioré. Nous voulons que le vote de l'assemblée générale des actionnaires précède le versement de la rémunération : il s'agit en somme d'inverser l'ordre d'intervention du conseil d'administration et de l'assemblée générale des actionnaires pour faire de celle-ci le lieu où sont prises les décisions en la matière. Nous souhaitons en outre que le vote de l'assemblée générale soit annuel et porte sur chaque rémunération dans tous les éléments qui la composent. Le Sénat a adopté une approche beaucoup plus souple et beaucoup moins volontariste : le vote aurait lieu pour une période de quatre ans et concernerait la politique de rémunération plutôt que la rémunération elle-même.

Il est un autre point de blocage à propos duquel je me suis fait avec vous, monsieur le président, le défenseur de l'Assemblée nationale et de ses prérogatives en matière d'élaboration de la loi. Les sénateurs avaient en effet incorporé au texte une part substantielle – quelque trente pages ! – d'une proposition de loi de M. Thani Mohamed Soilihi relative au droit des sociétés, que le Sénat lui-même n'avait examinée qu'en commission et dont l'Assemblée nationale n'avait donc jamais débattu. Au nom du respect des prérogatives de l'Assemblée, il me semblait absolument exclu qu'une CMP, soit sept députés et sept sénateurs seulement, entérine une réforme du droit des sociétés dont nous n'avions jamais discuté la moindre virgule. C'est même à mes yeux le point d'achoppement le plus important, bien que d'autres aient davantage focalisé l'attention, notamment celle des médias.

En ce qui concerne les lanceurs d'alerte, nous vous proposerons de perfectionner la définition sur laquelle nous avons travaillé en première lecture, notamment pour embrasser l'ensemble des cas que nous avons tous en tête, comme celui d'Antoine Deltour au Luxembourg. Nous lui intégrerons notamment la méconnaissance des conventions internationales ou des actes de droit dérivé qui en découlent et la notion de préjudice grave pour l'intérêt général, afin de tenir compte des préoccupations légitimes que relaient plusieurs organisations non gouvernementales. Le but restant de trouver des points de convergence avec le Sénat, cet enrichissement aura pour contrepartie, je l'ai dit, une responsabilité accrue, à la fois pénale et civile.

En ce qui concerne l'AFA, outre le rétablissement de la commission des sanctions qui évitera de couper les bras à l'agence tout juste créée, nous souhaitons également rétablir sa double tutelle : celle du garde des Sceaux, que le Sénat avait seule conservée, et celle du ministre du Budget. Cette double tutelle renforcera l'indépendance de la structure vis-à-vis de l'exécutif – auquel elle demeure toutefois rattachée en tant que service à compétence nationale – ainsi que son attractivité. En effet, les auditions que nous avons menées l'ont montré, l'agence pourra ainsi attirer les agents les plus spécialisés de Tracfin, les magistrats financiers, etc.

En ce qui concerne le registre unique, je vous l'ai dit, nous souhaitons revenir à la logique de nos travaux en première lecture, en particulier des amendements issus des réflexions du Bureau de l'Assemblée nationale.

Je vous remercie du travail accompli ensemble. Nous en sommes à un stade de perfectionnement du texte : c'est aussi le sens de la navette, même si certains se plaignent parfois de la longueur des procédures parlementaires, que de garantir la sécurité juridique des lois adoptées. Je vous demanderai donc de suivre mes recommandations, s'agissant notamment des nouvelles rédactions proposées, lesquelles résultent d'un gros travail de sécurisation juridique. C'était nécessaire : parce qu'il est audacieux et ambitieux, le texte s'aventure parfois en terre inconnue. Or, au sein de cette commission, nous sommes aussi garants du respect de la Constitution.

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Je partage l'analyse, l'enthousiasme et la lucidité du rapporteur au fond. Avec Romain Colas, nous avons formé tous les trois une belle équipe qui a su nouer avec nos collègues du Sénat et avec la société civile un dialogue exemplaire en matière de construction législative.

Nous souhaitions nous aussi que la CMP aboutisse ; nous y étions prêts. Toutefois, j'approuve entièrement les principes et les lignes politiques qui ont prévalu. Les divergences étaient trop importantes pour que nous cédions sur des points qui nous tenaient à coeur et à propos desquels nous avions rendez-vous avec l'histoire en cette fin de législature.

S'agissant du volet économique, toutefois, nous étions parvenus à un parfait accord avec le Sénat après un dialogue avec les parties prenantes – le monde agricole dans sa diversité, souvent ignorée, et le Gouvernement – qui a permis ce que j'ai appelé un « alignement des astres » assez rare. Un consensus s'est ainsi fait jour entre les responsables professionnels, les politiques et le Gouvernement pour apporter d'importantes corrections au libéralisme qui a provoqué, avec la fin des quotas laitiers et la loi de modernisation de l'économie (LME), les crises structurelles que nous connaissons aujourd'hui, notamment dans le secteur de l'élevage.

Ce consensus, né de l'urgence économique et du principe de responsabilité, s'est traduit hier en commission des Affaires économiques par l'approbation unanime de toutes les dispositions reprenant les accords de principe auxquels nous étions prêts au Sénat. Sans les énumérer en détail, je citerai l'équilibre retrouvé au sein des filières en amont comme en aval, la non-cessibilité et la non-marchandisation des droits à produire, ainsi qu'un dispositif né du débat parlementaire en commission des Affaires économiques et qui complète la loi d'avenir pour l'agriculture s'agissant de la lutte contre l'accaparement des terres, la concentration du foncier et la prédation des multinationales dans notre pays. Nous en éprouvons une certaine fierté : notre commission a été fidèle à notre pacte avec le Sénat et nous allons donc, si tout va bien, vers un vote conforme.

En ce qui concerne l'artisanat, l'essentiel a été réglé du point de vue économique par un rééquilibrage des dispositions voulues par le Gouvernement, dont les intentions nous semblaient trop libérales. Favoriser la création des entreprises ne devait pas conduire à déstabiliser le pacte solide qui nous lie concernant l'artisanat. Des solutions ont été trouvées, qui ont elles aussi suscité l'unanimité. Je sors d'une réunion que j'ai animée avec le sénateur Daniel Gremillet et qui rassemblait les chambres de commerce et les chambres de métiers et de l'artisanat en vue de trouver un compromis à propos du droit de suite, objet d'un conflit sous-jacent entre ces deux unités consulaires. Nous ne désespérons pas d'obtenir un accord sur ce point avant la fin de la navette parlementaire, ou du moins un compromis raisonnable ouvrant la voie à l'unification des chambres économiques, un objectif que nous partageons tous.

J'ai cru comprendre que le Sénat se réunirait à nouveau début novembre : cela me paraît tard compte tenu de l'urgence économique. Nous ne pouvons pas engager un nouveau cycle de négociations dans les filières du lait, de l'élevage et dans l'ensemble des filières agricoles sur les fondements qui ont provoqué les crises des deux années passées. J'en appelle donc à la responsabilité de tous. À l'Assemblée, le calendrier parlementaire a tenu compte de l'urgence. Je souhaite que, pour les mêmes raisons, la date de la discussion au Sénat soit avancée, afin que nous n'arrivions pas à la fin de l'année sans décrets apportant des solutions pratiques aux problèmes récurrents dont souffre notre économie rurale.

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Je m'inscris dans les pas de mes collègues rapporteurs pour me féliciter du climat qui a présidé à nos travaux. L'esprit dans lequel certains articles avaient été délégués à d'autres commissions que celle saisie au fond a été respecté et je vous en remercie, monsieur le président. Je remercie également tous nos collègues, en particulier Sandrine Mazetier, Christophe Castaner et Sophie Errante, responsables du groupe majoritaire, d'avoir accompagné nos travaux.

Je salue enfin mon homologue au Sénat, Albéric de Montgolfier, qui a collaboré avec nous dans un esprit constructif – au point que la commission des Finances de l'Assemblée, réunie hier, a pu adopter à une très large majorité, et même presque toujours à l'unanimité, des amendements qui étaient pour la plupart rédactionnels, de coordination ou de conséquence : nous sommes tombés d'accord avec les sénateurs sur la quasi-totalité des dispositions dont notre commission était saisie.

À l'article 21 bis, le Sénat avait validé le dispositif macro-prudentiel dans le secteur des assurances que nous avions introduit par voie d'amendement en première lecture ; c'est une mesure importante. De notre côté, nous avons pris acte des précisions et des exigences supplémentaires du Sénat sur ce point.

Certaines de nos modifications ne se contentaient pas d'apporter des précisions. Nous avons ainsi rétabli le livret développement durable et solidaire à l'article 29. Précisons que le Sénat, suivant la commission des Finances de l'Assemblée, avait validé le fléchage d'une partie des fonds collectés au titre du LDD vers le financement de l'économie sociale et solidaire. Nous avons également rétabli l'habilitation donnée au Gouvernement pour moderniser par voie d'ordonnance le code de la mutualité ; c'était indispensable, et la démarche était assez consensuelle puisqu'un amendement de mon collègue de Courson allait dans le même sens.

Enfin, le Sénat a repris l'ensemble des dispositions que nous avions suggérées pour mieux lutter contre l'érosion des bases fiscales, un objectif partagé par nos deux assemblées. La chambre haute a notamment validé l'abaissement des seuils d'application des obligations déclaratives des entreprises en matière de prix de transfert ; ces instruments d'évasion fiscale sont encore trop souvent utilisés par les entreprises qui réalisent des bénéfices dans notre pays.

Un dernier point, qui concerne aussi bien la commission de Finances que la commission des Lois, devrait occuper une place importante dans nos débats, tant en commission que dans l'hémicycle : le reporting public des entreprises pays par pays. Le Sénat a « rabougri » la mesure adoptée par l'Assemblée en première lecture. J'ai donc déposé avec mes collègues Potier et Denaja, et avec d'autres collègues de la majorité, un amendement tendant à la rétablir.

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La convergence assez forte dont témoignent les travaux de la CMP montre que les deux assemblées partagent plusieurs objectifs, qu'il s'agisse de la transparence et de la lutte contre la corruption ou du soutien aux lanceurs d'alerte.

Le Sénat a fait en sorte de garantir l'étanchéité de la procédure de transaction pénale. Cet apport doit être salué, car il donne corps à ce qui constitue l'un des points forts du texte et il permettra à la future agence anticorruption de faire oeuvre utile ; j'espère donc qu'il sera conservé.

Mais les rares points de désaccord qui subsistent avec le Sénat devraient nous alerter.

Je songe d'abord au reporting public. La rédaction de l'Assemblée nationale était quelque peu extravagante, il faut le reconnaître : elle s'appuyait sur l'hypothétique mise en oeuvre d'un texte qui n'existe pas encore au niveau européen. Nous devrions être attentifs aux réflexions du Sénat sur ce point, qui soulèvent un problème de constitutionnalité.

Il en va de même de la position de la chambre haute, qui rejoint celle de notre groupe, s'agissant du principal point de divergence entre l'Assemblée et le Sénat, le répertoire unique visé à l'article 13 : il y a là aussi un risque d'inconstitutionnalité. M. le rapporteur a évoqué l'« autonomie institutionnelle des assemblées » ; pour nous, les choses vont plus loin : c'est la séparation des pouvoirs qui est menacée si une autorité nommée par le Président de la République peut, fût-ce de manière indirecte, contrôler l'action des parlementaires. C'est ce point de droit qui doit nous inciter à faire mieux en nouvelle lecture.

Il est un autre point qui n'a pas particulièrement alerté le Sénat, mais auquel notre groupe restera très attentif : les obligations incombant aux entreprises en matière de prévention de la corruption. Je persiste à croire que le seuil actuellement retenu – 500 salariés et 100 millions d'euros de chiffre d'affaires – est beaucoup trop bas. Ces obligations seront lourdes pour les entreprises. Or un tel seuil est vite atteint, notamment par des petites et moyennes entreprises françaises dotées de filiales à l'étranger. Il y a ainsi en France beaucoup de PME de 200 salariés qui ont implanté une ou deux filiales sur des marchés proches, par exemple au Maghreb. Ce ne sont pourtant pas elles qui constituent la cible principale de l'agence anticorruption. Et si nous voulons bien espérer avec vous que celle-ci sera un jour dotée de très gros effectifs, ceux de l'actuel SCPC, qui n'ont jamais dépassé neuf personnes, devraient nous dissuader de nous disperser…

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En ce qui concerne l'article 21 bis, c'est-à-dire le dispositif donnant à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) des moyens de contrôle en cas de crise, notamment obligataire, un problème a été soulevé en commission des Finances : celui de l'assurance-vie. Afin d'éviter que les pouvoirs ainsi donnés à l'ACPR ne bloquent totalement le marché, je déposerai un amendement permettant de lever le blocage dans certains cas, par exemple lorsqu'un particulier veut utiliser son assurance-vie pour acheter un appartement ou en cas de décès ou de drame familial.

En ce qui concerne le reporting, ne nous faisons pas d'illusions. Ce n'est pas lui qui permettra de lutter contre la fraude ou l'optimisation fiscale ; on l'a vu lorsqu'il a été mis en place pour les banques. Il s'agit d'une simple indication dont il convient de relativiser la portée, au lieu de polémiquer.

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Monsieur le président, je vous remercie à nouveau de m'accueillir dans votre commission.

J'aimerais, tout en rendant hommage au rapporteur, appeler son attention sur quelques points qui concernent ma contribution à ce texte, c'est-à-dire la dimension internationale, notamment transatlantique.

La mission d'information sur l'extraterritorialité de certaines lois des États-Unis, que je préside et dont Mme Karine Berger est la rapporteure, a auditionné de nombreuses personnes, parmi lesquelles des chefs d'entreprise et, hier, le procureur de la République financier, Mme Éliane Houlette. Il en ressort que le dispositif de transaction pénale que nous avons introduit dans le texte, prévoyant des amendes et une procédure de mise en conformité, est de nature à permettre d'éviter ce qui se produit aujourd'hui : nos entreprises se placent d'emblée sous les fourches caudines de l'Office of Foreign Assets Control (OFAC) et du ministère américain de la justice. La loi devrait donc renouveler la coopération judiciaire.

À cette réserve près : Mme Houlette elle-même considère que l'intervention du juge d'instruction dans la procédure complique celle-ci. C'était ma position initiale ; mais le schéma a néanmoins été adopté, pour les raisons que l'on sait. S'il vous semble possible de le simplifier, ce serait utile, monsieur le rapporteur.

Deuxièmement, le texte initial comportait une disposition issue d'un amendement que j'avais déposé et qui avait été voté par la majorité, inspirée du modèle du UK Bribery Act, qui conférait une certaine extraterritorialité à la loi française en ce qui concerne des sociétés étrangères ayant une partie de leurs activités en France.

Cette disposition a été supprimée par le Sénat. Il serait utile qu'elle soit réintroduite, et je serais heureux que mon nom soit associé à l'amendement, si cette affaire extrêmement importante peut être traitée de manière bipartisane. Si le ministère de la justice américain est autorisé à poursuivre les entreprises françaises, nous devons, pour notre part, donner à l'AFA et au parquet financier les moyens de sanctionner les entreprises étrangères qui, ayant une partie de leurs activités en France, se livrent à des actes de corruption internationale.

Troisièmement, il apparaît indispensable de permettre aux autorités de lutte contre la corruption que sont l'AFA et le pôle financier d'avoir accès au premier cercle du renseignement. Ce serait assez novateur et je ne sais pas sous quelle forme il faut rédiger cela, mais c'est ce qui se passe aux États-Unis. Sur place, Mme Berger et moi-même avons appris que l'OFAC et la Securities and Exchange Commission (SEC) ont accès aux services de renseignement américain – National Security Agency (NSA), Central Intelligence Agency (CIA), etc. – pour instruire des dossiers ouverts contre les sociétés étrangères. Aujourd'hui, aucun texte n'autorise les services de renseignement français à transmettre directement des informations aux magistrats chargés de la lutte contre la corruption. C'est pourtant indispensable, car cela peut aider à l'instruction de dossiers relatifs à des entreprises étrangères opérant en France.

Quatrièmement, j'appelle votre attention, chers collègues, sur une loi adoptée à l'unanimité, il y a une quinzaine de jours, par la Chambre des représentants des États-Unis et, auparavant, par le Sénat des États-Unis. En pleine période électorale, donc ! Elle vise à donner au justiciable américain la possibilité de lever l'immunité souveraine des États dans le cas d'actions de victimes du terrorisme. Dès lors qu'un acte terroriste est commis aux États-Unis et que l'on peut démontrer l'implication directe ou indirecte d'un État étranger, les victimes ou leurs ayants droit peuvent l'attaquer directement devant les tribunaux américains. En première lecture, j'avais déposé un amendement visant à ouvrir la même possibilité en France, mais il avait été écarté. J'insiste : il faut que nous ayons une arme de réciprocité. La loi votée aux États-Unis, en pleine campagne électorale, à quelques semaines de l'élection présidentielle, exclut toute exception – ce qu'on appelle, en droit américain, un waiver. Le Président des États-Unis n'a même pas la possibilité d'exclure du champ de cette loi les États alliés des États-Unis qui combattent à leurs côtés le terrorisme. Autrement dit, si un attentat est commis aux États-Unis et qu'il peut être démontré qu'un citoyen français ou une négligence française alléguée y est pour quelque chose, alors l'immunité souveraine de la République française pourrait être levée devant les juridictions américaines. Il faut que le texte que nous examinons nous offre un instrument du même genre. Je redéposerai un amendement en ce sens et je souhaiterais que la commission des Lois le soutienne. En tout cas, une disposition, nous dotant d'un tel outil, rédigée avec ou sans moi, me paraît indispensable.

J'appelle également votre attention, chers collègues, sur le fait que les lois américaines nous empêchent de travailler dans un certain nombre de pays. Ainsi, en Iran, les Américains peuvent vendre des Boeing, mais nous ne pouvons vendre des Airbus. En effet, le système bancaire français est paralysé à la suite des sanctions infligées à BNP Paribas. La proscription de toute utilisation du dollar, de tout recours à un citoyen américain ou à la chambre de compensation américaine empêche de travailler avec certains pays, même lorsque les embargos internationaux ont été levés. Auditionnés, les représentants d'un certain nombre d'entreprises nous ont même montré des lettres de menaces émanant d'organisations américaines, de sénateurs américains leur enjoignant de ne pas travailler avec tel ou tel pays, car cela ne leur paraît pas souhaitable.

Tout cela me semble indispensable. Il faut lutter contre la corruption internationale, mais il faut une réciprocité. Dotons-nous des instruments nécessaires et réintroduisons les dispositions curieusement retirées – les joies de la politique ! – par mes amis politiques au Sénat. Je compte sur la majorité pour avancer, notamment sur la question de l'accès au renseignement.

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Je propose de passer à l'examen des articles, qui permettra de répondre aux questions soulevées pendant cette discussion générale.

La Commission en vient à l'examen des articles du projet de loi.

TITRE Ier DE LA LUTTE CONTRE LES MANQUEMENTS À LA PROBITÉ

CHAPITRE Ier De l'Agence de prévention de la corruption

Avant l'article 1er

La Commission examine l'amendement CL152 du rapporteur.

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Avant de nous demander s'il convient de renforcer les prérogatives de l'Agence française anticorruption, restaurons-en l'ambition. Je vous invite donc, chers collègues, à rétablir la dénomination que vous aviez adoptée sur ma proposition : « Agence française anticorruption ». Le Sénat, lui, a préféré la dénomination d'« Agence de prévention de la corruption », qui traduit une ambition moindre et une approche fondamentalement différente des missions de l'Agence.

Par ailleurs, et parce que nos travaux suscitent un certain intérêt, j'ai reçu hier une délégation australienne, qui parlait de la « French Anticorruption Agency ». Si cette dénomination est déjà populaire dans l'Océan Pacifique, il y a tout lieu de la rétablir !

La Commission adopte l'amendement.

L'intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé.

Article 1er : Création d'un service à compétence nationale chargé de la prévention et de l'aide à la détection de la corruption

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CL153 du rapporteur et CL52 de Mme Sandrine Mazetier, et l'amendement CL17 de M. Charles de Courson.

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Le Sénat a voulu placer l'Agence française anticorruption sous la seule tutelle du garde des Sceaux. L'amendement CL153 a pour objet de rétablir la tutelle conjointe du ministre chargé du Budget. Il s'agit de renforcer une forme d'indépendance et l'attractivité de la structure.

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L'amendement CL52 est identique à l'amendement CL153 car nos convictions sont les mêmes en ce qui concerne l'appellation, le périmètre, les tutelles et l'attractivité de cette agence.

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J'approuve la dénomination résultant de l'adoption de l'amendement CL152, mais cette agence a un côté « Canada Dry ». Nous devrions aller jusqu'au bout, et lui donner la qualification d'autorité administrative indépendante – le problème est que nous ne le pouvons pas, en raison de l'irrecevabilité financière prévue par l'article 40 de la Constitution, déposer un amendement en ce sens. Je regrette que l'amendement du rapporteur acte qu'il s'agit d'un service. Pour donner une véritable autorité à cette agence, il faudrait la qualifier d'autorité administrative indépendante. Aussi demandons-nous, par l'amendement CL17, que cette possibilité soit étudiée : le Gouvernement nous remettrait un rapport sur la question.

L'agence créée par ce projet de loi serait un service sous l'autorité des ministres… mais pas vraiment. Étrange être que celui-là ! C'est même plutôt un non-être, puisqu'il n'a pas la personnalité morale. Étudions donc au moins la possibilité d'en faire une autorité administrative indépendante.

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Je salue cette proposition de rétablir la double tutelle formulée par notre rapporteur : il importe effectivement que la culture de l'agence lui permette d'appréhender la complexité des sujets. Il faudra d'ailleurs être attentif au recrutement de son personnel.

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Nous avons déjà longuement discuté de la question que vous soulevez, monsieur de Courson. Que l'agence soit un service à compétence nationale est un choix assumé. Il est effectivement légitime que l'État ait une politique de prévention de la corruption, il est également légitime que l'Agence soit juridiquement rattachée à l'exécutif. Même réduit à la portion congrue, le SCPC a conservé une mission de coordination de la politique internationale de la France sur ces sujets – c'était sa seule utilité. Il porte d'ailleurs la parole de la France dans les instances internationales en matière de prévention de la corruption. En une matière aussi régalienne, on ne comprendrait pas que l'agence soit une autorité totalement indépendante.

Cela étant, même si elle n'est pas organiquement indépendante, elle le sera fonctionnellement, et c'est bien ce qui compte. Les garanties sont très fortes : le directeur ou la directrice sera un magistrat hors hiérarchie judiciaire, nommé par décret du Président de la République, et le texte dispose expressément qu'il ne pourra recevoir aucune instruction des ministres concernés ni d'aucune autorité. Dès lors, ses subordonnés ne pourront pas davantage en recevoir.

Nous aurions pu nous faire plaisir en créant une autorité indépendante – c'est d'ailleurs plus facile à défendre devant nos concitoyens –, mais il faut être pragmatique. Quels en auraient été les moyens ? La tutelle du ministre chargé du budget permet de penser que l'agence sera défendue au moment des arbitrages budgétaires. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons préféré une double tutelle à un rattachement au Premier ministre – la vie administrative montre que cela peut être intéressant.

Bref, nous avons de bonnes raisons d'assumer le choix fait.

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Je persiste et je signe. Monsieur le rapporteur, un chef de service dépendant de deux ministres qui ne peuvent lui donner d'instructions, cela ne s'appelle pas un chef de service ! Et s'il s'agit d'un service, ses moyens sont à tout moment à la merci d'actes réglementaires. En revanche, si l'agence était une autorité administrative indépendante, le Parlement pourrait vérifier que les moyens nécessaires lui sont bien accordés.

Vos arguments me paraissent donc faibles, d'autant que mon amendement n'a, de toute façon, pour objet que de prévoir que le Gouvernement remette un rapport relatif à la possibilité de transformer ce service en autorité administrative indépendante. Créer une autorité administrative indépendante ne figure effectivement pas parmi les prérogatives constitutionnelles des parlementaires. Seul le Gouvernement peut le faire.

Par cet amendement CL17, nous ouvrons simplement la voie à une évolution, sous ce gouvernement ou sous un gouvernement qui lui succéderait.

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Nous sommes contre l'amendement que vient de présenter M. de Courson, pour toutes les raisons indiquées par le rapporteur et aussi parce qu'un passionnant travail de nos collègues sénateurs Marie-Hélène des Esgaulx et Jacques Mézard sur les autorités administratives indépendantes a montré que le nombre de celles-ci varie en fonction inverse des moyens qui leur sont dévolus pour qu'elles remplissent leurs missions. Accompagnons donc le mouvement de réduction du nombre d'autorités administratives indépendantes et battons-nous pour que les services de l'État, également placés sous le contrôle du Parlement, gardent leurs moyens et exercent leurs missions comme le législateur l'a prévu. Nous pensons que ce schéma permettra à l'Agence française anticorruption de disposer très vite de moyens substantiels pour assumer toutes ses missions.

La Commission adopte les amendements identiques CL153 et CL52.

L'article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL17 et CL18 tombent.

Article 2 : Organisation du service chargé de la prévention et de l'aide à la détection de la corruption

La Commission se saisit des amendements identiques CL154 du rapporteur et CL53 rectifié de Mme Sandrine Mazetier.

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L'article 2 fixe l'organisation de la nouvelle agence et détermine les modalités de son indépendance, mais la commission des Lois du Sénat a supprimé toutes les dispositions relatives au pouvoir de sanctions. Je vous propose donc de rétablir le texte que nous avons adopté en première lecture.

Le Sénat, notamment son rapporteur M. Pillet, défend cette logique depuis longtemps : le pouvoir de sanction devrait être une prérogative de la seule autorité judiciaire. Des sanctions administratives nous paraissent cependant plus adaptées que des sanctions pénales pour faire respecter l'obligation de se doter d'un code de conduite interne, de procédures de contrôle comptable ou de mettre en place des actions de formation. Notre collègue le juge Fenech ne me contredira pas : il y a tout lieu de soulager le juge judiciaire de tâches de cette nature. Il est bien plus opportun qu'une telle mission soit remplie par une autorité telle que l'Agence française anticorruption.

Par ailleurs, nos collègues sénateurs sont revenus sur les dispositions relatives à la publication des déclarations de patrimoine que nous avions introduites pour le personnel de l'agence. Je vous propose donc de modifier le texte adopté en première lecture en supprimant cette obligation. La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires dispose en effet qu'un décret en Conseil d'État énumère les emplois dont les titulaires seraient soumis à la déclaration de patrimoine. Il conviendra d'y inclure les agents de la nouvelle agence s'ils y exercent des responsabilités qui le justifient.

Je souhaite répondre par anticipation aux auteurs des amendements qui tomberont si cet amendement est adopté.

M. Hetzel propose de réduire la durée du mandat du directeur de l'agence, qui passerait de six à cinq ans. J'y suis évidemment opposé : cette durée de six ans compte précisément parmi les éléments qui garantissent l'indépendance de la structure, puisqu'elle est plus longue que celle du mandat des autorités de nomination. C'est là un procédé tout à fait classique pour garantir l'autonomie de ce type de structure.

M. Hetzel propose également que la nomination du directeur de l'agence soit subordonnée à une audition préalable par les commissions parlementaires compétentes. Nous en avons déjà largement débattu en première lecture. J'avais indiqué aux tenants de cette proposition que l'introduction, en loi ordinaire, d'un tel succédané de la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Évitons de subir à nouveau une telle déconvenue.

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Nous avons déposé un amendement CL53 rectifié, identique à celui du rapporteur, pour rétablir la commission des sanctions, sans laquelle l'agence française anticorruption serait boiteuse, car démunie de pouvoirs dissuasifs. Je souligne en outre le fait que les dispositions que nous prévoyons garantissent une composition paritaire de l'instance. Il ne faut pas hésiter à rappeler en permanence aux autorités publiques qu'une composition paritaire de toutes les instances de ce type est une nécessité absolue.

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Si vous souhaitez, monsieur Hetzel, vous exprimer sur vos amendements CL4 et CL3, qui tomberont si les amendements identiques CL154 et CL53 rectifié sont adoptés, je vous invite à le faire.

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Monsieur le rapporteur, vous nous avez mis en garde contre un risque d'inconstitutionnalité. L'analyse juridique dont je dispose ne me permet pas de conclure en ce sens. Pourriez-vous donc nous éclairer ?

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C'est une loi organique qui peut prévoir les modalités d'application de l'article 13 de la Constitution. Or nous examinons un projet de loi ordinaire. Le législateur ordinaire ne peut contraindre le pouvoir de nomination du Président de la République. Le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de censurer le législateur ordinaire lorsqu'il s'aventurait ainsi dans le champ de la loi organique.

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L'objection est effectivement importante, et me conduira à retirer l'amendement CL3.

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Nous soutenons le rétablissement, proposé par le rapporteur, de la commission des sanctions. Pierre Lellouche a brillamment rappelé, tout à l'heure, à quel point nous avions besoin d'une Agence française anticorruption qui soit crédible. Cela implique qu'elle dispose de pouvoirs de sanction. Ainsi pourra-t-elle s'assurer que des mesures effectives de prévention sont prises.

J'ai bien pris connaissance des arguments du rapporteur du Sénat. L'exigence de rigueur intellectuelle et juridique devrait, selon lui, conduire à réserver le pouvoir de sanction à une autorité judiciaire. Il existe pourtant bien des exceptions à ce principe. La commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers peut ainsi prendre des sanctions. Ajoutons donc une nouvelle exception.

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Quelles voies de recours sont ouvertes en cas de sanction prononcée par ladite commission ?

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La structure en question est un service à compétence nationale et les décisions prises sont des sanctions administratives. Les règles habituelles s'appliquent, c'est donc le juge administratif qui est compétent.

L'amendement CL3 est retiré.

Les amendements identiques CL154 et CL53 rectifiés sont adoptés.

L'article 2 est ainsi rédigé.

En conséquence, l'amendement CL4 tombe.

Article 3 : Compétences du service chargé de la prévention et de l'aide à la détection de la corruption

La Commission en vient aux amendements identiques CL155 du rapporteur et CL54 rectifié de Mme Sandrine Mazetier.

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Cet article détaille les missions de la nouvelle agence. La commission des Lois du Sénat a récrit l'ensemble du dispositif, en réaffirmant la mission centrale de l'agence : la prévention de la corruption, qui se décline dans son rôle de coordination, d'élaboration, de recommandation, de contrôle et d'audit. Je vous propose de repartir de cette rédaction du Sénat, qui améliore effectivement le texte. J'ai eu l'occasion d'entendre en commission mixte paritaire que le Sénat n'avait pas vocation à jouer auprès de l'Assemblée nationale le rôle du Conseil d'État, mais enfin, il remplit parfois cet office avec une certaine efficacité !

Je vous propose cependant de réintroduire la mission de supervision de l'exécution des peines de mise en conformité, tout de même très importante, que les sénateurs ont supprimée. Pour que l'agence soit crédible, il faut qu'elle puisse édicter des sanctions mais aussi superviser elle-même l'exécution des peines de mise en conformité ordonnée par le juge – j'avoue ne pas trop saisir ce qui pourrait justifier qu'il n'y ait pas de contrôle ou de supervision.

Je réponds par anticipation aux auteurs des amendements qui tomberont si celui-ci est adopté.

M. Hetzel propose d'étendre la mission d'appui de l'agence afin qu'elle assiste également les associations reconnues d'utilité publique. Si je souscris à l'objectif visé, l'amendement n'en est pas moins satisfait puisque l'agence apportera son appui à « toute personne physique ou morale ».

M. Hetzel propose également d'étendre le pouvoir de saisine à l'ensemble des présidents d'autorité administrative indépendante ou d'autorité publique indépendante. Ouvrir la possibilité d'une telle saisine ne me paraît pertinent que pour un nombre limité d'autorités – notamment la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Je suis cependant ouvert et nous pourrons réexaminer cette question, cher collègue, en vue de l'examen en séance.

De même, M. Hetzel propose d'ouvrir ce pouvoir aux directeurs des agences régionales de santé. Précisons, en l'occurrence, que ces contrôles pourront être demandés par le ministre chargé de la santé.

M. Giraud et M. Tourret souhaitent introduire les actions de sensibilisation parmi les missions de l'agence, mais nous pensons leur demande satisfaite par la mention de la diffusion des informations permettant d'aider à prévenir et à détecter, entre autres, les faits de corruption.

Enfin, Mme Berger nous propose de punir plus sévèrement les manquements à la loi dite « de blocage ». C'est un vrai sujet, mais votre amendement, chère collègue, n'a pas de lien direct avec l'objet du projet de loi. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler, et n'ayant, en tout cas, pas pu approfondir autant que vous ces sujets, je ne peux émettre un avis favorable sur des dispositions qui me paraissent, en outre, introduites à une étape trop tardive de la navette parlementaire.

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J'ai cosigné un certain nombre d'amendements de mon collègue Patrick Hetzel. Certains sont satisfaits par la nouvelle rédaction, mais ce n'est pas le cas d'autres, notamment celui visant à ouvrir la possibilité d'une saisine aux présidents des autorités administratives indépendantes. L'adoption de l'amendement CL155 du rapporteur le fera de toute façon tomber, mais nous aurons l'occasion de reparler de la question en séance.

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J'entends les arguments de notre rapporteur. Par voie de conséquence, je retire les amendements CL5 et CL6, effectivement satisfaits.

En ce qui concerne l'ouverture du pouvoir de saisine aux présidents des autorités administratives indépendantes, dans quelle mesure devrait-elle, monsieur le rapporteur, être limitée à certaines ? Il faut aller au bout de la logique : si nous créons un tel dispositif, il faut permettre à un certain nombre de présidents d'autorités administratives indépendantes d'exercer cette prérogative.

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Nous pouvons effectivement ouvrir ce pouvoir de saisine, mais à certaines autorités précises ; je pense à l'Autorité des marchés financiers (AMF), à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et à l'Autorité de la concurrence. En revanche, cela paraît moins évident pour d'autres organismes tels que le Médiateur de l'énergie ou la Commission nationale informatique et libertés… En tout cas, je ne crois pas que toutes les autorités indépendantes énumérées à l'article 14 aient vocation à pouvoir saisir directement l'Agence française anticorruption. Établissons donc une liste, le choix se fera, à mon avis, relativement facilement ; je vous laisse d'ailleurs y travailler vous-même, et vous pourrez me la transmettre pour que nous y travaillions avant la séance. Je suis ouvert, et je souhaite que nous puissions avancer de manière consensuelle sur ce sujet en vue de l'examen du projet de loi en séance.

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Pierre Lellouche s'est déjà exprimé sur notre mission parlementaire, qui rend son rapport le 5 octobre prochain – autrement dit, dans une poignée de jours. Nous faisons un certain nombre de recommandations pour que la lutte contre la corruption ne soit pas instrumentalisée dans cette situation de guerre économique que nous connaissons avec les États-Unis, recommandations dont l'amendement CL97 est issu. Peut-être intervient-il tard dans l'examen de ce projet de loi, monsieur le rapporteur, mais ce n'est pas moi qui ai déclaré l'urgence ! Je fais ce que je peux avec les moyens institutionnels dont je dispose.

Sur le fond, la loi de blocage permet normalement à des entreprises de protéger des informations confidentielles que demanderaient des autorités policières étrangères. Elle n'est pas respectée aujourd'hui, tout simplement parce que les entreprises françaises craignent la réaction desdites autorités – et il ne s'agit pas que des autorités des États-Unis. Certaines entreprises l'utilisent, d'autres ne le font pas. Si nous ne donnons pas plus de force aux facteurs qui poussent une entreprise à appliquer la loi de blocage, elles ne l'utiliseront pas. Elles n'ont pas les moyens juridiques de se protéger contre des demandes intrusives d'informations émanant de polices étrangères. Si nous voulons aider Alstom, Dassault, Bouygues, Vinci, Total, etc., à ne pas transmettre l'intégralité de leurs comptes, de leurs marchés, de leurs projets, de leurs appels d'offres à des autorités judiciaires étrangères, nous devons renforcer la loi de blocage. Tel est le sens de l'amendement CL97.

J'ai bien entendu les propos du rapporteur, mais je ne désespère pas de le convaincre avant l'examen en séance de l'utilité d'un renforcement de la loi de blocage.

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Je participe à la mission sur l'extraterritorialité de certaines lois américaines présidée par M. Lellouche et dont Mme Berger est la rapporteure. Même si nous ne pouvons adopter cet amendement en l'état, il pose la question de l'interprétation du 4° de l'amendement CL155. Monsieur le rapporteur, que veut dire « veille[r], à la demande du Premier ministre » ? Cela veut-il dire que l'agence ne peut veiller que si le Premier ministre le lui demande ? C'est déjà un peu curieux, mais faisons abstraction de la précision « à la demande du Premier ministre ». Que signifie tout simplement « veille » ? L'amendement de Mme Berger présente tout de même l'intérêt de poser la question des raisons qui font que la loi de blocage est très mal appliquée.

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Je soutiens l'amendement de notre collègue Karine Berger. Comme l'a dit notre collègue Charles de Courson, le 4° de la rédaction de cet article fait du respect de la loi de blocage une compétence de la nouvelle agence.

Comme l'a dit Mme Berger, effectivement, aujourd'hui, un certain nombre d'entreprises sont directement sollicitées, et la loi de blocage est totalement contournée. Il faut donc s'assurer du respect d'une certaine procédure. « Veille, à la demande du Premier ministre, au respect de la loi de blocage », cela ne veut pas dire que la loi de blocage ne peut être mise en oeuvre sans l'intervention de l'agence, puisqu'elle peut être invoquée directement par le Gouvernement via le délégué à l'intelligence économique, mais, en revanche, lorsqu'il y a transmission d'informations, tout cela se fait sous le contrôle de l'agence. Préciser à cette occasion que les manquements à ce processus doivent être punis plus sévèrement me paraît tout à fait cohérent avec notre texte.

Depuis le début de l'examen de ce texte, monsieur le rapporteur, vous faites un petit blocage chaque fois que nous évoquons la loi de blocage – pardonnez-moi ce jeu de mots –, mais nous sommes vraiment au coeur du sujet et l'amendement de Mme Berger est très bienvenu. Je ne pense pas que la règle dite « de l'entonnoir » puisse lui être opposée par le Conseil constitutionnel car nous avons déjà largement évoqué ce sujet en première lecture, notamment à mon initiative, lors de l'examen de nombreux amendements. Il tendrait plutôt à asseoir la crédibilité du dispositif que nous sommes en train de mettre en place.

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Je vous renvoie aux discussions déjà approfondies que nous avions eues en première lecture.

Nous ne faisons ici que reprendre ou inscrire dans le marbre de la loi une situation que nous connaissons déjà. Lorsque des poursuites ont été engagées à l'initiative d'autorités habilitées à le faire aux États-Unis, c'est au SCPC qu'il a été demandé de superviser la nomination et les opérations du moniteur. Nous inscrivons en fait dans la loi la pratique suivie depuis, au moins, une décennie. Le Premier ministre avait chargé le SCPC d'être cette autorité qui veille au respect de la loi de blocage.

Il y a précisément une forme de continuité entre le SCPC, avec ses missions et ses prérogatives, et l'Agence française anticorruption. Que faut-il donc entendre par « veille, à la demande du Premier ministre », monsieur de Courson ? Que l'Agence se voit dotée par la loi de compétences qu'avait déjà le SCPC en vertu d'une pratique non codifiée. Faut-il trouver d'autres modalités pour veiller au respect de la loi de blocage ? C'est une autre question, qui n'est pas l'objet de ce texte.

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Si nous suivons votre raisonnement, monsieur le rapporteur, il faut supprimer les mots « à la demande du Premier ministre ». Si la loi donne cette compétence, cette précision est en effet inutile.

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À ce stade, je retire l'amendement CL97, mais je reprendrai contact avec le rapporteur pour le convaincre d'ici à l'examen en séance.

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Nous ne faisons qu'inscrire dans la loi une pratique existante : c'est le Premier ministre qui confie au service concerné la mission de veiller au respect de la loi de blocage, mais je veux bien que mes collègues Karine Berger et Charles de Courson me convainquent d'ajustements possibles, je suis ouvert à la discussion. Je propose simplement que nous nous en tenions là pour cet examen en commission, d'autant que, sous l'impulsion de Mme Mazetier, les amendements CL155 et CL54 rectifié seront adoptés et feront tomber les autres.

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Pourquoi ne pas supprimer dès à présent les mots « à la demande du Premier ministre » ?

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Renvoyons toutes ces questions à l'examen en séance et votons sur les amendements déposés.

Les amendements CL5, CL6 et CL97 sont retirés.

Les amendements identiques CL155 et CL54 rectifiés sont adoptés.

L'article 3 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL7, CL8 et CL32 tombent.

Article 4 : Attributions des agents du service chargé de la prévention et de l'aide à la détection de la corruption

La Commission examine l'amendement CL156 du rapporteur.

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Cet amendement a pour objet de rétablir les peines adoptées par l'Assemblée en première lecture en cas d'entrave au droit de communication : deux ans de prison et 50 000 euros d'amende.

La Commission adopte l'amendement.

L'article 4 est ainsi rédigé.

Article 5 (art. L. 561-29 du code monétaire et financier, art. 40-6 du code de procédure pénale, art. 1er à 6 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques) : Mesures de coordination avec la suppression de l'actuel service central de prévention de la corruption (SCPC)

La Commission se saisit de l'amendement CL157 du rapporteur.

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À l'initiative du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement reportant la disparition du SCPC à la date d'entrée en vigueur du décret de nomination du directeur de la nouvelle agence afin de prévenir toute discontinuité administrative dans la lutte contre la corruption. Je vous propose de reprendre la rédaction du Sénat, moyennant quelques corrections purement rédactionnelles.

La Commission adopte l'amendement.

L'article 5 est ainsi rédigé.

Chapitre II De la protection des lanceurs d'alerte

Article 6 A : Définition des lanceurs d'alerte

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL158 du rapporteur, CL55 rectifié de Mme Sandrine Mazetier et CL95 de M. Éric Alauzet.

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L'article 6 A est l'article fondamental de ce qu'on peut d'ores et déjà appeler un statut général du lanceur d'alerte, qui, en cette matière, placera la France aux avant-postes en Europe, sinon dans le monde. Il pose une définition du lanceur d'alerte, fondement sur lequel se fonde l'ensemble du dispositif de protection que nous avons tenté d'édifier en première lecture et dont le défenseur des droits sera la clé de voûte, notamment grâce à la proposition de loi organique déposée avec Mme Mazetier et le président Bruno Le Roux.

Il m'a semblé important de trouver une rédaction susceptible non seulement de faire consensus à l'Assemblée nationale mais aussi d'être adoptée par les sénateurs. Si ceux-ci n'étaient pas hostiles à la protection des lanceurs d'alerte, ils s'en tenaient cependant à une définition sensiblement en retrait par rapport à l'ambition que nous avions manifestée.

Nous avions immédiatement reconnu qu'il fallait corriger les éventuelles imperfections de la définition que nous avions retenue. Je vous propose donc une définition élargie de l'alerte éthique afin d'englober, d'une part, les violations du droit international et européen et, d'autre part, les menaces ou préjudices graves pour l'intérêt général. Ainsi, un lanceur d'alerte comme Antoine Deltour pourra à l'avenir être protégé, si les faits se passent en France. Cette définition a vraiment été minutieusement retravaillée, perfectionné, approfondie, sécurisée au plan juridique. Je crois qu'elle recueillera l'assentiment du Sénat si nous prévoyons aussi – nous n'y étions pas fondamentalement opposés – qu'une alerte abusive engage la responsabilité pénale mais aussi civile de son auteur. Je serai défavorable à tout amendement qui dénaturerait le compromis auquel nous avons pu parvenir au fil de discussions avec le Sénat. Je crois que nous faisons vraiment oeuvre utile.

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Notre position diffère légèrement de celle du rapporteur qui, c'est bien normal, souhaite avancer et trouver des terrains de compromis avec nos collègues sénateurs. Comme lui, nous voulons protéger ces personnes extrêmement courageuses qui prennent des risques et subissent des mesures de représailles très violentes, brutales et longues. Par conséquent, nous souhaitons que la définition du lanceur d'alerte couvre toutes les situations, y compris celle de gens comme Antoine Deltour qui ont eu l'audace de révéler des pratiques scandaleuses mais qui ne violent aucune loi. Nous avons cherché une définition large, englobant le cas d'un citoyen qui, dans l'exercice de sa profession par exemple, aurait connaissance de faits qui, tout en n'étant pas illégaux, sont contraires à l'intérêt général et à des engagements internationaux auxquels la France ou d'autres pays partenaires de conventions internationales ont souscrit. Nous partageons l'ambition du rapporteur, à une nuance près, contenue dans l'amendement CL55 rectifié.

Nous sommes en désaccord avec les sénateurs qui donnent une définition du lanceur d'alerte et, dans un même mouvement, le menacent de sanctions assez lourdes si son alerte se révélait abusive. Comme nous l'avions souligné en première lecture, la dénonciation calomnieuse est déjà sanctionnée par le code pénal et il ne nous semble pas nécessaire de le rappeler ici. Contrairement aux sénateurs, nous ne souhaitons pas non plus introduire l'engagement de la responsabilité civile.

Nous nous en tenons donc à la définition large, ambitieuse et très protectrice du lanceur d'alerte prévue à cet article 6A. Nous ne souhaitons pas ajouter, dans le même élan, des dispositions qui pourraient dissuader certains de nos concitoyens de faire des signalements et de lancer des alertes.

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Pour ma part, je crains que certaines précisions telles que l'expression « de manière désintéressée » ne réduisent très fortement la portée du texte. Si le lanceur d'alerte reçoit la moindre chose, même si ce n'est pas une somme d'argent, on pourra considérer qu'il n'a pas agi « de manière désintéressée ». Je crains qu'il n'y ait beaucoup de sous-entendus dans cette expression « de manière désintéressée », qui me semble par ailleurs compliquée à définir très précisément.

S'agissant de l'intérêt général, retient-on sa conception française, anglo-saxonne ou internationale ?

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Ce texte a beaucoup progressé mais, à l'instar de notre collègue Tourret, je pense que le qualificatif « de manière désintéressée » pose problème. Si on le garde, il faut y apporter une précision et écrire « de manière financièrement désintéressée », car un lanceur d'alerte a toujours un intérêt à agir : il peut être mû par des considérations éthiques ou un désir de vengeance, par exemple. Les motivations d'un être humain peuvent être très compliquées. D'aucuns pourront expliquer que tel lanceur d'alerte est intéressé parce qu'il vise son ancien conjoint dont il a divorcé dans la douleur. Nous avons vu ce genre de situation dans une affaire récente, mes chers collègues. En ajoutant « financièrement », il devient clair que la personne ne doit pas avoir été payée pour dénoncer. Soit on ajoute ce terme, soit on supprime toute référence au désintéressement.

Je souhaiterais aussi que le rapporteur nous précise la portée du secret des relations entre un avocat et son client, qui sont exclues du régime de l'alerte. Je rappelle que des avocats peuvent être complices de leur client dans ce genre d'affaires. Pourra-t-on opposer l'argument du secret des relations entre un avocat et son client à un membre du cabinet qui voudrait dénoncer une malversation ? Certaines décisions de justice en la matière ont fait beaucoup de bruit à l'ordre des avocats.

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Première observation : je suis plutôt favorable à l'amendement du rapporteur qui prévoit une responsabilité en cas d'abus. C'est quand même la moindre des choses ! À partir du moment où l'on prévoit un statut du lanceur d'alerte, on ne peut pas exonérer ce dernier de toute responsabilité en cas de démarche manifestement abusive, de mauvaise foi, etc. L'article 1382 du code civil, qui va devenir l'article 1240, sur le dommage causé à autrui doit effectivement s'appliquer.

Deuxième observation : le secret protégé est le coeur même des métiers de médecin ou d'avocat, et il n'est pas question de l'écorner si peu que ce soit. M. de Courson évoque une éventuelle complicité de ces professionnels. Dans ce cas, ils commettent une infraction dont la répression est prévue par un autre dispositif. Il n'est pas question de couvrir les infractions des professionnels mais il faut protéger le secret.

D'ailleurs, monsieur le rapporteur, ne peut-on pas interpréter l'article 6B, tel que rédigé par le Sénat en tout cas, comme une exception à la protection du secret ? Si le présent article est adopté, il fera peut-être tomber le 6B où, dans la rédaction du Sénat, il est dit que l'on n'est pas pénalement responsable lorsque l'on porte atteinte à un secret protégé si certaines conditions sont réunies. Il ne faudrait évidemment pas que cela vienne contredire l'amendement du rapporteur.

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Évidemment, c'est une gageure d'écrire une définition du lanceur d'alerte, comme nous l'avons constaté au cours de nos débats en première lecture. Grâce au travail des rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale, nous avons beaucoup progressé. En réalité, les lanceurs d'alerte sont en partie déjà protégés, parfois au titre de l'article 40 du code de procédure pénale qui fait de la dénonciation d'un crime ou d'un délit dont on a connaissance, une obligation légale.

Plus que la définition, c'est toute la procédure de protection du lanceur d'alerte qui est intéressante. Mais pour que cette dernière fonctionne, il faut en passer par un exercice de définition auquel les deux rapporteurs, au Sénat et à l'Assemblée nationale, se sont astreints. Notre rapporteur est parvenu à une définition tout à fait intéressante et équilibrée. Elle n'enlève rien, madame Mazetier, à l'irresponsabilité pénale du lanceur d'alerte, notamment à l'égard d'un secret protégé, à condition que la procédure décrite dans la suite du texte soit respectée.

Cet article 6A est utile en termes d'intelligibilité de la loi, comme l'expliquait François Pillet, le rapporteur au Sénat. Le lanceur d'alerte doit comprendre dans quel décor il évolue, et cet article lui rappelle qu'il existe une limite : la dénonciation calomnieuse. Entre la rédaction de notre rapporteur et celle de Mme Mazetier, le rappel de cette limite est finalement la seule différence. Pour conclure, au terme du travail tout à fait sérieux qui a été effectué, nous avons abouti à un équilibre assez intéressant qui est utile en termes de compréhension de la loi.

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Monsieur de Courson, il me semble que la formulation « de manière financièrement désintéressée » ne serait pas très heureuse sur le plan du style. De toute façon, on comprend très bien ce qu'est une démarche qui vise à défendre l'intérêt général. C'est précisément parce que la démarche est engagée au nom de cet intérêt supérieur que nous établissons les modalités d'une protection. Puisque la personne agit pour défendre l'intérêt général et non pour son compte propre, la puissance publique, dans son acception la plus large, charge des autorités de la protéger. À la lumière de nos travaux parlementaires, le juge sera suffisamment éclairé sur ce que nous entendons par « de manière désintéressée ».

Comme je l'avais dit en première lecture, nous refusons la vision anglo-saxonne qui, à certains égards, transforme les lanceurs d'alerte en chasseurs de prime. En France, au lieu de chasseurs de primes, nous voulons des gens qui défendent l'intérêt général et qui le fassent de bonne foi, ce qui est précisé dans le texte. Cette expression « de manière désintéressée » marque le refus du modèle anglo-saxon. Quant à la notion même d'intérêt général, elle découle des recommandations formulées par le Conseil de l'Europe.

S'agissant de l'appréciation des relations entre l'avocat et son client, tout a été dit par M. Houillon. Les faits seront appréciés strictement : les relations avocat-client ne sont pas le lieu de toutes les turpitudes et d'autres procédures sont appliquées en cas de commission d'une infraction dont l'avocat se rendrait complice.

Le dernier aliéna, qui précise qu'une personne qui fait un signalement abusif engage sa responsabilité civile et pénale, participe d'un équilibre loué par M. Marleix. Nous souhaitons évidemment que les fausses alertes et les dénonciations calomnieuses puissent être sanctionnées mais cet alinéa n'est, dans mon esprit, qu'un rappel de pure forme et une manière élégante à l'endroit de nos collègues du Sénat, puisque l'article 210-10 du code pénal et l'article 1240 du code civil s'appliquent. Je propose donc de supprimer le troisième alinéa de mon amendement CL158 afin de le rendre identique à celui de Mme Mazetier dont je partage totalement l'analyse, d'autant que des précisions sur la mise en oeuvre de l'article 226-10 du code pénal sur les accusations mensongères sont prévues à l'article 6G. En clair, la rectification de mon amendement n'empêchera pas l'engagement de la responsabilité pénale et civile de l'auteur d'un signalement abusif.

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L'amendement CL158 ainsi rectifié est désormais identique à l'amendement CL55 rectifié.

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Je salue l'état d'esprit du rapporteur et je voudrais rassurer nos collègues. François Pillet a parfaitement raison de souhaiter que la loi soit intelligible mais chaque mot de notre définition compte. Il s'agit de dire ce qu'est mais aussi ce que n'est pas un lanceur d'alerte, comme l'ont fait les auteurs d'une passionnante étude du Conseil d'État, que nous avons auditionnés. La définition donnée par Mme Maryvonne de Saint-Pulgent et ses coauteurs est évidemment plus développée que la nôtre. Nous nous rallions naturellement à la proposition du rapporteur qui est tout à fait satisfaisante.

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Je regrette que l'on fasse disparaître cet alinéa qui clarifie les choses et permet de faire le lien avec l'article sur le principe d'irresponsabilité pénale du lanceur d'alerte. Il y a quand même un petit problème de compréhension de la loi. Mme Mazetier défend la pureté de la lecture politique du statut de lanceur d'alerte que rien ne doit venir entraver, et vous, monsieur le rapporteur, vous signalez que les cas de dénonciation calomnieuse sont prévus. Dans l'intérêt même du lanceur d'alerte, nous gagnerions à ce que le dispositif législatif soit clair. Si le Conseil constitutionnel essaie de retrouver ses petits en reprenant nos débats, il verra que les choses n'ont pas été simples, évidentes et limpides. Rappeler qu'il y a une limite – la dénonciation calomnieuse – me paraissait tout à fait nécessaire pour que la loi soit compréhensible.

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Comme mon collègue Marleix, je pense que l'alinéa que vous envisagez de supprimer permet une meilleure lisibilité juridique du texte, au profit même du lanceur d'alerte. Le principe c'est l'irresponsabilité du lanceur d'alerte à condition que ce dernier ne franchisse pas la limite pour tomber dans la dénonciation calomnieuse qui lui fait encourir des sanctions. Si c'est déjà inscrit dans la loi, pourquoi ne pas le répéter au lanceur d'alerte ?

La Commission adopte les amendements identiques.

L'article 6A est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL95 et CL85 tombent.

Article 6 B : Conciliation du statut de lanceur d'alerte avec les secrets pénalement protégés

La Commission est saisie de l'amendement CL56 de Mme Sandrine Mazetier.

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Cet amendement vise à rétablir le principe d'une irresponsabilité pénale en cas de divulgation d'un secret protégé par la loi au profit des lanceurs d'alerte en ne maintenant que deux conditions cumulatives : la divulgation de ce secret est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause ; et la personne répond à la définition du lanceur d'alerte au sens de la présente loi. Certaines professions doivent demeurer protégées et la violation de secret professionnel doit être appréciée en fonction de la gravité du manquement constaté par le lanceur d'alerte.

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L'article 6B exonère de responsabilité pénale le lanceur d'alerte qui a émis un signalement répondant à certains critères. C'est un point important sans lequel il pourrait voir sa responsabilité engagée, par exemple pour violation du secret professionnel. Il est parfaitement légitime que cette irresponsabilité soit néanmoins subordonnée au strict respect du statut et des procédures prévus par le présent projet de loi. En supprimant le critère du respect des procédures de signalement, l'amendement de Mme Mazetier encourage les lanceurs d'alerte à s'affranchir de l'article 6C qui organise une hiérarchisation souple des canaux de signalement. Il remet ainsi en cause une forme d'équilibre du texte. Puisque Mme Mazetier a loué mon bon état d'esprit, je ne désespère pas de constater le sien. Je lui demande de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

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Cet article 6B n'est-il pas en contradiction avec le 6A qui protège le secret médical, le secret de la défense nationale et le secret des relations entre un avocat et son client ? Quelle est l'articulation entre les deux articles ?

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Je réponds favorablement à l'invitation du rapporteur et je retire mon amendement.

L'amendement est retiré.

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Ce qui n'ôte pas sa pertinence à ma question.

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Les choses sont simples : le principe, c'est l'irresponsabilité pénale sauf pour les trois secrets évoqués. Il y a donc une parfaite articulation entre les deux dispositifs, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer en première lecture.

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Avez-vous fait le travail de bénédictin qui consiste à lister et à faire une analyse fine de tous les autres secrets, ceux qui n'appartiennent pas aux trois catégories précitées ? Le secret fiscal, par exemple, était au coeur d'une affaire qui s'est déroulée au Luxembourg, impliquant des ministres qui avaient donné des passe-droits. Peut-on rétorquer à un lanceur d'alerte qu'il n'est pas couvert par le principe d'irresponsabilité parce qu'il a violé le secret fiscal ?

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En dehors des trois secrets expressément visés, le lanceur d'alerte bénéficie pour toutes les autres formes de secret – notamment les secrets professionnel, fiscal et bancaire – d'une irresponsabilité pénale, à condition qu'il ait agi de bonne foi, dans l'intérêt général et de manière désintéressée. Sinon, il n'y a plus de lanceur d'alerte ! Trois secrets sont d'une nature différente : le secret de la défense nationale, le secret médical et le secret des relations entre un avocat et son client.

La Commission adopte l'article 6B sans modification.

Article 6 C : Gradation des canaux de signalement à la disposition des lanceurs d'alerte

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL159 du rapporteur et CL57 rectifié de Mme Sandrine Mazetier.

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Cet article vise à prévoir une gradation des canaux de signalement d'une alerte éthique.

Je vous propose de modifier le texte adopté par le Sénat afin de préciser l'articulation entre les différents canaux de signalement. Le premier niveau est celui du supérieur hiérarchique ou du déontologue de l'entreprise ou de l'administration concernée ; le deuxième niveau est celui des interlocuteurs externes que sont la justice, les autorités administratives sectorielles et les ordres professionnels. Le troisième niveau, celui du dernier ressort quand l'alerte n'a pas été prise en compte précédemment ou quand l'urgence l'exige, est la divulgation à l'opinion publique.

Nous suivons les préconisations du Conseil d'État qui a effectué une étude très approfondie sur le sujet. Lors de leur audition, ses représentants ont estimé qu'il ne fallait pas nier sa légitimité au supérieur hiérarchique dont nous n'avons pas à préjuger le manque de probité éventuelle. Nous ne pouvons pas présupposer qu'il faille immédiatement rendre publique une alerte qui pourrait avoir des effets sur la structure concernée alors même que les faits ne seraient pas totalement avérés.

Il ne faut donc pas a priori nier leur légitimité au supérieur hiérarchique et aux différents canaux que j'ai présentés. Cependant, pour des raisons tout à fait fondées, le lanceur d'alerte peut parfois avoir besoin de passer outre la première étape pour s'adresser directement à une autorité judiciaire. C'est la raison pour laquelle, dans la rédaction que je vous propose, nous avons prévu de conserver la possibilité de saisir le défenseur des droits à tout moment afin d'être orienté. En cas d'urgence, le lanceur d'alerte pourra saisir directement les organismes de deuxième niveau, voire rendre publique l'alerte.

L'amendement rétablit également l'obligation pour certaines entreprises ou administrations de se doter de procédures de recueil des signalements adaptées. Dans une structure dans laquelle il n'y aurait pas de structure de recueil, le lanceur d'alerte pourra ainsi passer directement au niveau deux de la procédure préconisée. Il s'agit de prévoir une certaine souplesse qui permette de s'adapter à la situation : nature de la structure, urgence, degré de gravité de la menace apprécié par le lanceur d'alerte, etc.

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Pour revenir à une procédure plus efficace de signalement des alertes, cet amendement tend à supprimer le passage obligatoire par le référent en cas de mise en cause des supérieurs. Ce que vient de décrire le rapporteur est parfaitement juste. La volonté de ce texte, au-delà de la définition du lanceur d'alerte et de la description de la procédure qui doit être suivie, est également d'inciter les entreprises à développer – et à expliciter auprès de leurs salariés – des procédures de signalement. De ce point de vue, nous sommes sur la même longueur d'onde que le rapporteur.

Parfois, le processus de signalement est clair et connu de tous dans la structure. Parfois, il ne l'est pas. Parfois, quand un signalement a été fait, les diligences nécessaires ne sont pas au rendez-vous. C'est pourquoi nous apportons une nuance à l'amendement du rapporteur : nous avons ajouté un cas dans lequel le signalement peut être adressé à l'autorité judiciaire, celui où il n'existe pas de procédure claire et appropriée de recueil des alertes.

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À ce stade, je préférerais que l'on adopte l'amendement que je propose, quitte à faire ensuite ce qui me semble être de l'ordre du réglage.

L'amendement CL57 rectifié est retiré.

La Commission adopte l'amendement CL159.

L'article 6C est ainsi rédigé.

Article 6 D : Confidentialité des données concernant les lanceurs d'alerte et les personnes visées par une alerte

La Commission est saisie des amendements identiques CL160 du rapporteur et CL58 rectifié de Mme Sandrine Mazetier.

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L'article 6 D vise à organiser la protection de la confidentialité des éléments de nature à identifier le lanceur d'alerte ainsi que la personne physique mise en cause tant que le caractère fondé de l'alerte n'est pas établi. Cet amendement propose de modifier à la marge le texte adopté par le Sénat, afin que l'obligation de confidentialité n'empêche pas la divulgation de l'identité du lanceur d'alerte ou du mis en cause à l'autorité judiciaire dans le cadre de l'enquête.

La Commission adopte les amendements.

L'article 6D est ainsi rédigé.

Article 6 E (art. L. 1132-3-3 du code du travail et 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Protection des lanceurs d'alerte contre les représailles

La Commission examine l'amendement CL161 du rapporteur qui fait l'objet du sous-amendement CL206 de M. Lionel Tardy.

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L'article vise à protéger le lanceur d'alerte contre les mesures de représailles, notamment dans leur milieu professionnel. Il ne s'agit pas de se faire plaisir en adoptant une belle définition du lanceur d'alerte si nous ne prévoyons pas de moyens de protection concrète et réelle de ces personnes. Cet amendement procède à diverses corrections rédactionnelles sur la base du texte adopté par le Sénat.

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La proposition de loi organique fait du Défenseur des droits l'organe de protection des lanceurs d'alerte. De son côté, l'article 4 de la loi du 20 avril 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, prévoit un mécanisme de signalement pour les lanceurs d'alertes fonctionnaires. Cependant, ces derniers doivent en référer aux autorités judiciaires ou administratives. En cohérence avec la proposition de loi organique, il convient donc de prévoir également un mécanisme d'alerte du Défenseur des droits pour les délits commis dans la fonction publique. Il reviendra ensuite à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) de mettre en place une procédure de signalement.

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Je suis défavorable à ce sous-amendement car la mesure qu'il préconise me semble inutile. La rédaction des articles 6A et 6G permet aux fonctionnaires de saisir le Défenseur des droits. C'est d'ailleurs tout le sens de la suppression des dispositifs sectoriels à l'article 6G. En fait, votre sous-amendement est satisfait. À défaut de son retrait, j'émettrais un avis défavorable.

La Commission rejette le sous-amendement CL206.

Puis elle adopte l'amendement CL161.

L'article 6 E est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL88, CL86, CL87 et CL89 tombent.

Article 6 FB : Possibilité de saisir le conseil des prud'hommes statuant en la forme des référés

La Commission examine, en discussion commune, l'amendement CL162 du rapporteur et les amendements identiques CL19 de M. Charles de Courson et CL60 de Mme Sandrine Mazetier.

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Le Sénat a supprimé cet article 6 FB, l'estimant satisfait par le droit en vigueur. En effet, le conseil des prud'hommes peut d'ores et déjà être saisi par un salarié contestant la rupture du contrat de travail, en application des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail. Je vous propose de prévoir un article spécifique, tout en l'adossant aux dispositions existantes dans le code du travail.

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Mon amendement visait à rétablir l'article 6 FB dans sa rédaction initiale, un peu différente de celle de M. le rapporteur. Je peux le retirer puisqu'il est satisfait par celui du rapporteur.

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Je retire mon amendement puisqu'il est satisfait par celui du rapporteur, qui est mieux rédigé et qui prête moins le flanc à d'éventuelles remarques de nos collègues sénateurs ou du Conseil constitutionnel.

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Très franchement, monsieur le rapporteur, j'ai l'impression que votre amendement est superfétatoire. C'est déjà dans le code du travail et il est possible, en référé, d'obtenir des mesures conservatoires. Étant un avocat spécialisé en droit du travail depuis quarante ans, je ne vois pas ce que votre amendement apporte.

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Comme M. Tourret, je regrette ce léger manque de rigueur intellectuelle de notre rapporteur sur ces dispositions relatives au lanceur d'alerte. Il y a quelques minutes, il nous a expliqué que ce n'était pas la peine de faire référence à la dénonciation calomnieuse qui existe déjà dans le droit. Or certains de ses amendements font référence au droit existant sans rien apporter de nouveau. La loi n'est pas un tract ; elle doit être intelligible.

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Le choix a été fait de ne pas prévoir un référé ad hoc mais de renvoyer au droit existant. Il faut parfois transiger avec sa propre rigueur pour manifester un peu de chaleur humaine et collective à l'endroit de ceux qui défendent légitimement la protection des lanceurs d'alerte. Trop d'intelligibilité tue l'intelligibilité, selon vous. Je ne le crois pas. Il est bon que le texte puisse explicitement dire que les lanceurs d'alerte seront protégés par le juge judiciaire et par le juge du référé prud'homal. Toute ambiguïté est levée. C'est précisément en raison d'un manque d'intelligibilité sur ce point qu'il était nécessaire de faire ce rappel qui, d'un point de vue juridique, est en effet superfétatoire.

Les amendements CL19 et CL60 sont retirés.

L'amendement CL162 est adopté.

L'article 6FB est ainsi rétabli.

Article 6 FC : Délit d'entrave à l'alerte éthique

La Commission examine, en discussion commune, l'amendement CL163 du rapporteur et les amendements identiques CL9 de M. Olivier Marleix, CL20 de M. Charles de Courson et CL59 de Mme Sandrine Mazetier.

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L'article 6 FC du projet de loi, supprimé au Sénat, visait à sanctionner le délit d'obstacle au lancement d'une alerte éthique et à majorer le montant de l'amende civile en cas d'action engagée en diffamation contre un lanceur d'alerte, en le portant à 30 000 euros. Le second point n'a plus d'objet puisque nous avons prévu la possibilité d'engager la responsabilité civile du lanceur d'alerte. Je vous propose donc de rétablir le délit d'obstacle, tout en précisant davantage le champ de l'incrimination par référence aux procédures de signalement détaillées à l'article 6C. Pour en avoir parlé avec Mme Mazetier, il y a quelques instants et dans un autre cadre, je pense qu'elle pouvait à juste titre s'interroger sur le flou du texte en la matière. Pour le sécuriser et le rendre plus précis, nous avons renvoyé plus directement aux procédures de signalement de l'article 6C.

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Mon amendement vise à rétablir le délit d'entrave intentionnelle à l'exercice du signalement par le lanceur d'alerte. Le rapporteur du Sénat avait jugé la mesure superfétatoire, estimant que l'article 431-1 du code pénal couvrait déjà ce type de comportement. Je crois que l'on gagne parfois à être explicite. Il est nécessaire de prévoir des dispositions particulières, notamment lorsque l'infraction est commise en bande organisée et avec violences. Nous proposons donc de rétablir la version adoptée par l'Assemblée nationale.

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Il s'agit aussi de rétablir le texte de l'Assemblée nationale.

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Je vais retirer l'amendement CL59 qui visait à rétablir les peines que nous avions prévues en cas d'entrave parce que je considère qu'il est satisfait par l'amendement CL163 du rapporteur, dont la rédaction est plus précise que celle du texte que nous avions adopté en première lecture. Je constate avec grand plaisir que le dispositif rassemble quasiment tous les groupes de cette assemblée.

L'amendement CL59 est retiré.

La Commission adopte l'amendement. CL163.

L'article 6FC est ainsi rétabli.

En conséquence, les amendements CL9, CL20 et CL90 tombent.

Article 6 F : Soutien financier des lanceurs d'alerte par le Défenseur des droits

La Commission est saisie de l'amendement CL2 de M. Lionel Tardy.

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La proposition de loi organique dont nous allons discuter après ce projet de loi confie au Défenseur des droits la protection des lanceurs d'alerte, comme le recommandait d'ailleurs le Conseil d'État. Louer l'intérêt des lanceurs d'alerte comme on le fait depuis un moment et communiquer largement sur leur protection comme le fait le Gouvernement, c'est bien. Mais si le Défenseur des droits n'a pas les moyens d'assurer leur protection, c'est un coup d'épée dans l'eau. Cette protection nécessite une hausse importante des moyens du Défenseur des droits dont la mission n'est pas à prendre à la légère. Si les crédits ne suivent pas, les articles 6A et suivants ne sont que des déclarations d'intention. Cet amendement vise à harmoniser la rédaction prévue pour le Défenseur des droits avec celle en vigueur pour d'autres autorités administratives indépendantes. Il édicte clairement que « le Défenseur des droits dispose des crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions. » J'imagine que vous y serez favorable.

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Malheureusement, je ne suis pas favorable à ce qui me semble être un amendement d'appel. Le ministre, que j'avais moi-même alerté sur la nécessité de renforcer les moyens du Défenseur des droits à un moment où nous étendons ses compétences, nous avait rassurés sur ce point. Je vous demande de retirer votre amendement, d'autant que la loi n'a pas à se préoccuper de cet aspect des choses. En revanche, les députés que nous sommes veilleront à réinterroger le ministre sur ce point.

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Je rappelle que c'est un amendement d'harmonisation avec les dispositions similaires habituellement prévues pour les autres autorités administratives indépendantes, que ce soit la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ou autres. C'est une logique. Je ne vois pas pourquoi en rester aux intentions pour l'une et l'écrire très clairement pour les autres.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'article 6F sans modification.

Article 6 G : Coordination avec les dispositions sectorielles intéressant les lanceurs d'alerte

La Commission est saisie des amendements identiques CL164 du rapporteur et CL61 de Mme Sandrine Mazetier.

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Pour anodin qu'il puisse paraître, l'article 6 G est pourtant celui qui conditionne l'effectivité du statut commun des lanceurs d'alerte que nous venons de créer. Il vise en effet à supprimer plusieurs dispositions relatives à des régimes sectoriels d'organisation de lanceurs d'alerte afin de créer un socle unique. Je vous propose donc de rétablir le texte voté par l'Assemblée nationale, en tenant compte de la codification des dispositions introduites par l'article 6 E et en procédant à plusieurs coordinations.

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Mon amendement est identique à celui du rapporteur.

La Commission adopte les amendements.

L'article 6G est ainsi rédigé.

Article 7 (art. L. 634-1 à L. 634-4 du code monétaire et financier) : Dispositif spécifique de protection des lanceurs d'alerte dans le secteur bancaire et financier

La Commission adopte l'article 7 sans modification.

Chapitre III

Autres mesures de lutte contre la corruption et divers manquements à la probité

Article 8 : Mesures internes de prévention et de détection des risques de corruption

La Commission examine les amendements identiques CL165 du rapporteur et CL64 rectifié de Mme Sandrine Mazetier.

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L'article 8 instaure une obligation générale de prévention de la corruption qui pèse sur les sociétés employant plus de 500 salariés et réalisant plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. Le Sénat a refusé que les manquements à cette obligation puissent faire l'objet d'une injonction de mise en conformité ou d'une sanction pécuniaire prononcée par la future Agence française anticorruption. Je vous propose de rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, mais en ajustant le champ des entreprises concernées et en reportant de six mois l'entrée en vigueur du dispositif.

Monsieur Marleix, vous souhaitez que seules les sociétés ayant plus de 1 000 salariés soient concernées par cette obligation, mais nous avons déjà repoussé un tel amendement en première lecture et je demanderai à nos collègues de le rejeter à nouveau. Le Sénat, dont la majorité défend des idées plus proches des vôtres que des miennes, partage le point de vue de l'Assemblée nationale et désire que la règle s'applique aux entreprises de plus de 500 salariés. Je vous invite donc, monsieur Marleix, à rejoindre cette position commune, le seuil retenu touchant des entreprises de taille intermédiaire dont la dimension dépasse celle des petites et moyennes entreprises (PME).

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Monsieur Marleix, je vous propose de présenter votre amendement CL10 qui risque de tomber.

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Le Sénat a voulu faire une bonne grâce à notre rapporteur en ne remettant pas en cause tous les points de son texte, mais le Parlement lit deux fois le texte pour l'améliorer. Je doute, monsieur le rapporteur, que les services chargés de la lutte contre la corruption vous aient indiqué que les entreprises de 500 à 1 000 salariés constituaient une cible intéressante. On va créer beaucoup de contraintes pour ces sociétés. Dans ma circonscription, certaines d'entre elles emploient à peine 250 salariés, mais entreront dans le champ du dispositif parce qu'elles détiennent deux ou trois établissements à l'étranger ; l'encadrement, très limité, devra mettre en place ces lourdes obligations, sans qu'un avantage réel dans la lutte contre la corruption puisse en être retiré.

La Commission adopte les amendements identiques.

L'article 8 est ainsi rédigé.

En conséquence, l'amendement CL10 de M. Olivier Marleix tombe.

Article 8 bis : Saisine de l'Agence française anticorruption par les associations agréées

La Commission maintient la suppression de cet article.

Article 9 (art. 131-37, 131-39-2, 433-26, 434-48 [nouveaux], 435-15, 445-4 et 443-43-1 [nouveau], art. 705 et 764-44 [nouveau] du code de procédure pénale) : Peine de mise en conformité

La Commission étudie l'amendement CL166 du rapporteur.

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Cet amendement est relatif à la peine de mise en conformité : je vous propose le retour au texte voté par l'Assemblée nationale en première lecture, amélioré de quelques éléments rédactionnels et de coordination.

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Je présente mon amendement CL96 qui risque de tomber. L'article 3 du texte dispose que l'Agence française anti-corruption aura compétence pour faire appliquer la loi de blocage de 1968, à la différence du parquet national financier. Cet amendement vise à reconnaître également cette compétence au parquet national financier.

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Madame Berger, je ne partage pas votre point de vue, car le parquet national financier n'a pas à vérifier le respect des dispositions de la loi de blocage – je doute d'ailleurs qu'il en ait les moyens et que les magistrats qui le composent désirent obtenir cette compétence. J'émets donc un avis défavorable à l'adoption de votre amendement.

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Les membres du parquet national financier que nous avons auditionnés ont indiqué qu'ils étaient très intéressés par cette mission. Je maintiens donc mon amendement.

La Commission adopte l'amendement CL166.

L'article 9 est ainsi rédigé.

En conséquence, l'amendement CL96 de Mme Karine Berger tombe.

Article 10 (art. 432-17 et 432-22 du code pénal) : Extension de la peine de publicité aux condamnations pour atteinte à la probité

La Commission est saisie des amendements identiques CL167 du rapporteur et CL66 de Mme Sandrine Mazetier.

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Il s'agit d'un amendement rédactionnel qui supprime la disposition du Sénat ajoutant un dol spécial en matière de favoritisme. Il serait difficilement compréhensible que nous aménagions le régime juridique applicable au délit de favoritisme.

La Commission adopte les amendements.

L'article 10 est ainsi rédigé.

Article 11 (art. 435-2 et 435-4 du code pénal) : Extension de l'infraction de trafic d'influence

La Commission adopte l'article 11 sans modification.

Article 12 (art. 435-6-2 et 435-11-2 [nouveaux] du code pénal) : Compétence pour poursuivre des faits de corruption ou trafic d'influence commis à l'étranger

La Commission aborde l'amendement CL168 du rapporteur.

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Mon amendement reprend le texte du Sénat. Je propose de ne pas réintroduire les dispositions votées par l'Assemblée nationale en première lecture contre mon avis et celui du Gouvernement. M. Marleix et Mme Berger proposent de les réinsérer dans le texte, mais j'y suis défavorable.

En effet, ces mesures, extrêmement larges, permettent d'appliquer le droit français pour les faits de corruption dès lors qu'une activité économique est exercée sur le territoire français, sans qu'il soit possible de déterminer si celle-ci est substantielle ou si la conclusion d'un seul contrat suffit à emporter la compétence française. Par ailleurs, ces dispositions créent une rupture d'égalité entre les personnes morales et physiques, la loi exigeant une résidence habituelle en France, le critère de l'habitude n'étant pas repris pour l'exercice d'une activité économique. Enfin, à l'heure de la mondialisation, le critère de l'activité économique est susceptible de concerner l'ensemble des personnes morales exerçant leurs activités en dehors du cadre strictement national, ce qui rend le dispositif peu réaliste.

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Monsieur Marleix et Madame Berger, je vous propose de présenter maintenant vos amendements qui devaient faire l'objet d'une discussion commune et qui risquent de tomber.

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Je reprends l'amendement qu'avait déposé M. Pierre Lellouche et qui s'avérait très pertinent ; il concerne l'action de l'Agence française anti-corruption car l'on ne peut pas se contenter, comme vous nous y invitez monsieur le rapporteur, de la possibilité de déposer une plainte pénale. Je n'ai rien lu de très convaincant sur ce point dans le rapport de M. François Pillet. L'agence sera surtout confrontée à des enjeux de corruption transnationale et la rupture d'égalité ne se trouve pas là où vous la situez. La rédaction que vous proposez exclut de la loi des entreprises étrangères ayant ponctuellement leur activité en France, ce qui rend le texte boiteux et inopérant. Les autres pays, notamment les États-Unis, n'ont pas vos scrupules, monsieur le rapporteur.

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Cet amendement, signé par le groupe Socialiste, écologiste et républicain, vise à ce que les mesures anticorruption mises en place par la loi dite Sapin II s'appliquent à toutes les entreprises ayant une activité économique en France. Si nous suivions le Sénat – dont le choix m'étonne grandement –, seules les entreprises possédant leur siège en France pourraient être poursuivies pour des faits de corruption par la justice française ! Il s'agit d'une aberration économique. Une entreprise ayant son siège à Bruxelles, réalisant un chiffre d'affaires important en France et s'adonnant à des pratiques de corruption n'entrerait pas dans le périmètre de ce texte.

Le champ de notre amendement recouvre exactement celui des mesures anti-corruption mises en place au Royaume-Uni et aux États-Unis. S'il n'était pas adopté, les entreprises n'auraient qu'à établir leur siège au Luxembourg ou à Bruxelles pour échapper à cette loi. Lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, l'ensemble des composantes politiques avaient défendu cet amendement, que le Sénat n'a, à mon avis, pas compris.

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Dès l'instant où l'un des éléments de l'infraction est commis sur le territoire français, la loi française s'applique.

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Si l'on ne précisait pas que la mesure de compensation financière s'applique également aux entreprises ne possédant pas leur siège en France, nous serions privés de tout moyen d'agir.

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L'amendement est-il conforme au droit international ?

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Je renvoie au débat que nous avons eu lors de la première lecture. J'ai donné mon point de vue, l'amendement de Mme Berger est signé par le groupe Socialiste, écologiste et républicain, et je m'en remets donc à la sagesse de la Commission. Lors de la première lecture, le Gouvernement avait affiché son opposition à la proposition défendue par M. Marleix et Mme Berger. Je souhaite que l'on conserve la rédaction adoptée au Sénat.

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Monsieur le rapporteur, la question de la rupture d'égalité entre les entreprises me paraît importante ! Une entreprise étrangère n'ayant pas son siège en France ne serait pas soumise au dispositif de la loi Sapin II et aux obligations de conformité. Ce texte inciterait des sociétés à délocaliser !

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Les faits de corruption commis en France peuvent déjà être poursuivis. Par ailleurs, le texte porte sur le code pénal et non sur les sanctions administratives en matière de prévention de la corruption. La prévention est traitée par l'article 8 du projet de loi et non par cet article 12, qui concerne le domaine pénal. Il convient de lire la loi dans sa totalité, et le vide juridique que vous avez décrit, monsieur Marleix, n'existe pas.

Je vous propose, mes chers collègues, d'adopter mon amendement qui, empreint d'une relative sagesse, reprend la position du Gouvernement ; néanmoins, je suis ouvert à la discussion d'ici à la séance puisque Mmes Berger et Mazetier ainsi que M. Marleix présentent une position commune.

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L'amendement de M. le rapporteur remplace le texte du Sénat et les autres amendements modifient ce même texte. Si nous n'adoptions pas la proposition de M. Denaja, nous conserverions la version du Sénat. Nous devrions donc adopter l'amendement de M. le rapporteur, quitte à l'amender ensuite en séance publique.

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En effet, monsieur le président. Mais si nous votions l'amendement de M. Denaja, ceux de M. Marleix et de Mme Berger tomberaient. Ne conviendrait-il donc pas de repousser l'amendement du rapporteur pour soulever cette question en séance ?

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L'adoption de l'amendement de M. le rapporteur ferait en effet tomber les autres, ceux-ci exprimant une opposition à la rédaction du Sénat ; nous devons obtenir, d'ici à la séance publique, des garanties et une clarification de la part de l'exécutif. En attendant, nous voterons l'amendement de M. Denaja.

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Le rapport de M. Pillet évacue l'amendement présenté par M. Pierre Lellouche en première lecture en considérant que son adoption ferait entrer trop d'entreprises dans le champ de la loi ; or vous nous dites, monsieur le rapporteur, que la rédaction actuelle de la loi les intègre, si bien que nous avons besoin de clarifications.

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Monsieur le rapporteur, les établissements d'entreprises étrangères ayant leur siège à l'étranger entrent-ils dans le périmètre de votre amendement ?

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Oui, si les faits de corruption sont commis en France.

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La loi Sapin prévoit que la justice française peut poursuivre des faits pouvant être perpétrés à l'étranger par des entreprises françaises, et nous voulons que des entreprises n'ayant pas leur siège en France mais y exerçant une activité puissent également être poursuivies pour des faits de corruption commis à l'étranger.

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La loi permet déjà de poursuivre des faits commis par une entreprise étrangère en France et le projet Sapin II facilite la poursuite des faits commis par une entreprise française à l'étranger. Vous proposez, madame Berger, d'étendre encore le champ du texte pour inclure les faits commis à l'étranger par une entreprise étrangère. Nous sommes en désaccord sur ce point et je demande à la Commission de rejeter votre amendement. On peut néanmoins réfléchir à un point d'équilibre entre la compétence universelle que vous souhaitez et le texte actuel, mais ce travail ne peut se conduire en l'absence du Gouvernement.

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La proposition de Mme Berger est pleine de bon sens, mais nous n'en avons pas évalué les conséquences ; or ce vaste sujet engage la parole de la France à l'étranger.

Le risque de voir les différentes versions du texte s'entrechoquer paraît élevé, si bien qu'il nous faut faire preuve de la plus grande sagesse législative. Adoptons l'amendement de M. le rapporteur et ayons une discussion en séance publique sur ce sujet, une fois connue la position du Gouvernement.

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On a besoin d'un outil juridique de dissuasion par rapport au droit américain qui permet de sanctionner des faits commis en France pour lesquels on a, par exemple, simplement utilisé le dollar comme support. Des établissements français se font condamner pour avoir commis des actes de corruption en France, et nous devons réagir face à cette situation qui emporte des conséquences très graves. Les entreprises qui refusent ces condamnations se voient interdites d'exercer aux États-Unis. Il faut construire un droit symétrique au droit invasif américain.

Pourra-t-on techniquement sous-amender votre amendement en séance publique, monsieur le rapporteur ?

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Ce serait aujourd'hui un sous-amendement, mais si notre Commission adoptait l'amendement de M. le rapporteur, celui-ci deviendrait l'article 12 et vous auriez tout loisir de l'amender en séance publique, monsieur de Courson.

La Commission adopte l'amendement CL168.

L'article 12 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL11 et CL63 tombent.

Article 12 bis A (art. 41-1-2 et 180-2 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Report du point de départ du délai de prescription pour les infractions occultes ou dissimulées

La Commission étudie les amendements identiques CL169 du rapporteur, CL31 de M. Alain Tourret et CL67 de Mme Sandrine Mazetier.

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Mon amendement reprend les travaux de M. Tourret en matière de prescription auxquels j'adhère pleinement.

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Cet amendement réintroduit l'article 12 bis A, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale à mon initiative et à celle de M. Georges Fenech, et supprimé par le Sénat. Il reprend le dispositif de notre proposition de loi portant réforme de la prescription pénale, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le jeudi 10 mars 2016, en ce qu'elle tend à créer un nouvel article au code de procédure pénale qui prévoit le report du point de départ du délai de prescription de l'action publique des infractions « astucieuses », à savoir les infractions occultes ou dissimulées, qui font l'objet d'une définition précise.

Il s'agit de consacrer, dans la loi, la jurisprudence dont le caractère contra legem, par nature fragile, existe depuis 1935. En effet, fixer invariablement le point de départ du délai de prescription de l'action publique au jour de la commission de l'infraction encourage la délinquance opaque et habile, et entrave la répression des infractions les plus « astucieuses ».

De nombreuses personnes entendues par la mission d'information sur la prescription en matière pénale ont fait remarquer que, même en allongeant significativement la durée des délais de prescription de droit commun, certaines infractions, comme celles reliées à l'affaire dite de Karachi, pourraient échapper aux poursuites en raison de l'ingéniosité de leurs auteurs et des techniques aujourd'hui utilisées pour organiser et dissimuler la fraude.

Il convient donc, sur ce point, de déroger au principe selon lequel le point de départ du délai de prescription court à compter du jour où l'infraction a été commise. Cet amendement s'insère parfaitement dans le présent projet de loi relatif à la transparence et à la lutte contre la corruption.

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Je soutiens totalement les amendements du rapporteur et de Alain Tourret. Nous avons adopté ce dispositif à l'unanimité lors de l'examen du texte sur la prescription. Il s'agit de consacrer une jurisprudence de 1935 que l'assemblée plénière de la Cour de cassation vient récemment de confirmer. M. Renaud van Ruymbeke, membre du pôle financier du tribunal de Paris, nous avait expliqué la difficulté de retracer certaines infractions occultes, notamment transnationales ; sans la consécration législative de la théorie de la révélation et de la possibilité de mise en mouvement de l'action publique, les affaires Karachi ou Cahuzac se trouveraient prescrites, ce que ne comprendrait pas l'opinion. Comme le Sénat ne semble pas encore sur la même ligne que la nôtre, il importe que la loi consacre cette ancienne et légitime jurisprudence.

La Commission adopte les amendements.

L'article 12 bis A est ainsi rétabli.

Article 12 bis (art. 41-1-2 et 180-2 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Convention judiciaire d'intérêt public

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL170 du rapporteur et CL69 rectifié de Mme Sandrine Mazetier.

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L'article 12 bis instaure un mécanisme transactionnel dit « convention judiciaire d'intérêt public », qui doit beaucoup à la ténacité de notre collègue, Mme Sandrine Mazetier. Notre commission a introduit ce dispositif en première lecture, en vertu duquel le procureur de la République peut proposer à une personne morale mise en cause pour certains délits d'atteinte à la probité de souscrire des engagements prenant la forme d'une convention en échange de l'abandon des poursuites. Il s'agit donc d'une mesure alternative aux poursuites pénales.

Les sénateurs n'ont pas remis en question la logique du dispositif, même s'ils ont remplacé le terme de « convention » par celui de « transaction ». Nous souhaitons reprendre le mot retenu par notre Assemblée et défendu avec raison par Mme Mazetier. Par ailleurs, les sénateurs ont voulu que le droit à réparation pour les victimes soit systématique, ont précisé l'office du juge chargé de valider la convention, ont imposé le caractère public de l'audience de validation de la transaction judiciaire et ont clarifié les règles de suspension de la prescription pendant la durée d'exécution de la convention, toutes ces mesures allant dans le bon sens. Je vous suggère de revenir au texte de l'Assemblée nationale, de reprendre les termes de « convention judiciaire d'intérêt public » qui illustrent la philosophie du dispositif et d'intégrer les améliorations procédurales adoptées par le Sénat.

Mme Mazetier nous propose un dispositif voisin dont le champ est élargi au blanchiment de fraude fiscale, mais dont la rédaction apparaît moins précise. Je vous suggère d'adopter mon amendement et de débattre avec le ministre de l'économie et des finances en séance publique de l'opportunité d'élargir le mécanisme.

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L'Assemblée nationale avait adopté en première lecture une disposition novatrice, la convention judiciaire d'intérêt public, ouverte au procureur et au juge d'instruction ; ce dernier pourrait ainsi utiliser ce mécanisme afin d'obtenir plus rapidement des sanctions et des réparations de la part d'une personne morale coupable d'atteinte à la probité. Un consensus s'était dessiné autour de ce dispositif, que nous avions voulu adapter le mieux possible à notre tradition juridique.

Le Sénat a apporté des modifications dépassant le seul cadre de l'appellation, cette dernière s'avérant néanmoins importante car il ne s'agit absolument pas d'un mécanisme transactionnel. Cette nouvelle procédure permet de déboucher rapidement sur des sanctions et des réparations pour des faits qui n'ont presque jamais été punis. Les rares condamnations arrivent bien des années après la commission des actes de manquement à la probité et donnent lieu à des réparations ridiculement faibles par rapport à la gravité des faits.

À juste titre, le Sénat a élargi le champ des infractions concernées au trafic d'influence que nous avions oublié. Il convient de conserver cette disposition et d'intégrer également le blanchiment de toutes les infractions visées par cette procédure, le blanchiment aggravé et le blanchiment de fraude fiscale ; en effet, c'est l'administration fiscale et non la justice qui est directement compétente en matière de fraude fiscale, mais il arrive fréquemment et heureusement qu'un juge d'instruction se saisisse d'une affaire de fraude fiscale au motif de blanchiment.

Mon amendement répond également à la préoccupation exprimée par notre collègue, M. Olivier Marleix, qui souhaitait des garanties sur la non-communication des pièces auxquelles aurait accès le procureur procédant à une convention judiciaire d'intérêt public.

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Quel amendement a votre préférence, monsieur le président ?

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Il s'agit d'un mécanisme facultatif, et l'on peut toujours lancer une procédure classique. Le blanchiment est-il soumis au « verrou de Bercy » ?

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Le « verrou de Bercy » n'existe pas pour la justice, puisque n'importe quel juge d'instruction peut se saisir de toute affaire de fraude fiscale par la voie du blanchiment. Il n'a alors pas besoin de l'autorisation de la Commission des infractions fiscales (CIF) pour agir.

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Puisqu'il s'agit d'un mécanisme facultatif, je penche pour l'amendement de Mme Mazetier plutôt que pour le vôtre, monsieur le rapporteur.

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Éclairé par la sagesse présidentielle, je retire mon amendement au profit de celui de Mme Mazetier.

L'amendement CL170 est retiré.

La Commission adopte l'amendement CL69 rectifié.

L'article 12 bis est ainsi rédigé.

Article 12 ter (art. 705 et 705-1 du code de procédure pénale) : Extension de la compétence exclusive du parquet national financier

La Commission est saisie des amendements identiques CL171 du rapporteur et CL68 de Mme Sandrine Mazetier.

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L'article 12 ter modifie le champ de compétence exclusive du parquet national financier. En première lecture, l'Assemblée nationale avait souhaité lui confier une compétence exclusive pour les délits de corruption passive d'un agent public étranger, trafic d'influence passive d'un agent public étranger, corruption active d'un agent public étranger, trafic d'influence passif d'un agent public étranger et fraude fiscale aggravée commise en bande organisée. Tout cela s'inscrit dans la logique qui avait présidé à la création du parquet national financier.

Le Sénat avait substitué un mécanisme d'arbitrage à ce dispositif en cas de conflit de compétence entre le parquet national financier et un autre parquet, avant de l'abandonner à la demande du Gouvernement.

Il ne reste presque rien de l'article initial et je vous propose de rétablir le texte voté en première lecture en attribuant, par souci de cohérence, une compétence exclusive au parquet national financier pour la corruption du personnel judiciaire. Nous souhaitons améliorer l'entreprise initiée par notre Assemblée avec la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Cette orientation apparaîtra bientôt évidente, même si tel n'est pas encore le cas pour l'ensemble des acteurs du monde judiciaire.

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Le groupe Socialiste, écologiste et républicain soutient pleinement cet amendement et en a d'ailleurs déposé un identique.

La Commission adopte les amendements.

L'article 12 ter est ainsi rédigé.

Article 12 quater A (art. L. 228 du livre des procédures fiscales) : Assouplissement des conditions de poursuite de la fraude fiscale

La Commission aborde l'amendement CL172 du rapporteur.

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Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article.

La Commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'article 12 quater A est supprimé.

Article 12 quater (art. 706-1-1 du code de procédure pénale) : Techniques spéciales d'enquête en matière de corruption

La Commission adopte l'article 12 quater sans modification.

Article 12 quinquies (supprimé) : Rapport sur la corruption par des entreprises françaises d'agents publics étrangers

La Commission maintient la suppression de cet article.

La réunion s'achève à 13 heures 05.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

– Mme Sandrine Mazetier et M. Jean-Luc Warsmann, co-rapporteurs sur l'évaluation de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et de la loi organique n° 2013-1115 du 6 décembre 2013 relative au procureur de la République financier ;

– MM. Georges Fenech et Alain Tourret, co-rapporteurs sur l'évaluation de la loi n° 2014-640 du 20 juin 2014 relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive ;

– MM. Georges Fenech et Sébastien Pietrasanta, co-rapporteurs de suivi des conclusions de la commission d'enquête relative aux moyens mis en oeuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Erwann Binet, M. Jean-Yves Caullet, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Charles de Courson, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Philippe Houillon, Mme Marietta Karamanli, M. Olivier Marleix, Mme Sandrine Mazetier, M. Paul Molac, M. Sébastien Pietrasanta, M. Joaquim Pueyo, M. Dominique Raimbourg, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Huguette Bello, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Guy Geoffroy, M. Daniel Gibbes, M. Yves Goasdoué, Mme Françoise Guégot, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Paola Zanetti

Assistaient également à la réunion. - Mme Karine Berger, M. Romain Colas, M. Patrick Hetzel, M. Pierre Lellouche, M. Dominique Potier, M. Christophe Premat, M. Lionel Tardy