La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la seconde partie du projet de loi. Je vous rappelle que nous allons d’abord examiner l’amendement no 573 portant article additionnel après l’article 31, puis nous reprendrons le cours normal de notre discussion.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les députés, je reviens devant vous pour vous présenter cet amendement, qui concerne le placement de détenus et de prévenus en cellule individuelle. Vous vous souvenez que, lors du débat sur la mission « Justice », je vous ai présenté, au nom du Gouvernement, un amendement ayant pour objet d’instituer un plan d’accompagnement et une obligation de présentation au Parlement d’un rapport dans le courant de l’année 2016.
Vous aviez souhaité, puisque vous y avez travaillé ardemment en commission des lois, que l’on aille plus loin. L’amendement du Gouvernement présenté lors de la discussion de la mission « Justice » était d’une nature différente de celle des moratoires précédents – qui étaient pour ainsi dire, des moratoires « secs » – en ce qu’il avait pour objet d’instituer des étapes et, surtout, cette présentation circonstanciée devant le Parlement. Vous avez souhaité aller plus vite. Dominique Raimbourg, vice-président de la commission des lois, a accepté de travailler sur ce sujet dans des conditions difficiles, en faisant preuve d’une grande célérité. Il m’a remis un rapport le 2 décembre.
Sur la base du contenu de ce rapport, qui va effectivement au-delà de ce qu’avait prévu le Gouvernement, je vous présente aujourd’hui un amendement qui a pour objet d’instituer un moratoire de cinq années, soit de reporter à 2019 l’application générale de l’obligation de l’encellulement individuel, qui est inscrite dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Cette loi avait mis en place cette obligation, tout en soumettant son application à un moratoire de cinq ans, que l’on peut qualifier de « moratoire sec », dans la mesure où aucune disposition n’avait été prise pour respecter cet engagement.
Nous avons complètement changé de méthode. L’amendement que je vous présente aujourd’hui, qui, je viens de le dire, est nourri des propositions de la mission et du rapport Raimbourg, vise à reporter cette obligation à la fin de l’année 2019, mais avec une étape intermédiaire importante : celle qui, à la mi-2016, contraindra le Gouvernement à vous présenter un rapport sur l’exécution des programmes immobiliers pénitentiaires et l’impact de ces derniers au regard de l’objectif du placement en cellule individuelle. Ce moratoire comporte donc, j’y insiste, une étape. Il s’agit surtout, pour le Gouvernement, d’assumer ses obligations en cette matière. Ce moratoire est indispensable car, évidemment, les risques de contentieux existent ; la période non couverte par le contentieux serait très brève, si vous acceptiez de voter cet amendement aujourd’hui. En 2009, un contentieux a couru sur une période plus longue.
Malgré ce moratoire, le Gouvernement s’engage évidemment à respecter la contrainte, la norme de l’encellulement individuel mais, comme l’indique très clairement le rapport – sur une base que nous approuvons, pour avoir déjà eu des échanges en la matière –, il ne s’agit pas de prendre en compte l’encellulement individuel sur une base absolue et de le considérer comme une contrainte, sans la moindre nuance, mais bien de réfléchir aux conditions dignes de détention, aux conditions correctes de travail pour les personnels et à la gestion de la population carcérale, dans la perspective d’une exécution de peine utile et efficace, et d’une préparation à la réinsertion.
Je rappelle que le Gouvernement a pris en considération cette nécessité de l’encellulement individuel puisque, depuis que nous sommes aux responsabilités, nous nous sommes engagés sur un programme pénitentiaire, avec la construction de 6 500 places, qui permettra au parc immobilier de passer de 57 860 à 63 500 places – je dis les chiffres précis car, s’il en était autrement, M. le député Raimbourg les corrigerait
Sourires.
Ces chiffres concernent le premier triennal. Pour le prochain triennal, nous disposons d’autorisations d’engagement d’1 milliard d’euros, qui nous permettront de construire 3 200 places nettes supplémentaires.
Je dois indiquer que, depuis que nous sommes aux responsabilités, dans toutes nos nouvelles constructions, nous imposons 90 % d’encellulement individuel, niveau qui nous paraît tout à fait raisonnable car il y a des détenus qui, par choix ou par nécessité, ne doivent pas être seuls en cellule. Je sais que le vice-président Raimbourg pense plutôt à un taux de 80 % mais notre programme actuel, je le répète, c’est 90 % d’encellulement individuel.
Par ailleurs, vous avez voté la loi d’individualisation des peines et de renforcement de l’efficacité des sanctions pénales. Elle aura évidemment des effets, puisque vous avez créé la contrainte pénale, qui est une peine en milieu ouvert, avec suivi et encadrement, ainsi que la liberté sous contrainte, qui met un terme à ces sorties sèches, qui contribuent à la récidive et donc à la surpopulation carcérale.
Le rapport propose également la mise en place d’indicateurs statistiques. De fait, nous nous rendons compte que, étant donné la mobilité de la population carcérale, nous avons à établir des indicateurs quantitatifs et qualitatifs qui nous permettront de mieux savoir, au jour le jour, le nombre de personnes qui se trouvent en cellule individuelle.
Le rapport suggère également de formaliser l’existence de la commission d’exécution des peines, ce que nous sommes tout à fait prêts à faire. Cette commission a été créée par une circulaire de 2011 ; nous allons formaliser son existence et systématiser son intervention, en instituant, tous les deux mois, des réunions associant les personnels pénitentiaires – en tout cas les directeurs.
Enfin, je vous rappelle que le texte de transposition de directives européennes, qui a commencé son parcours parlementaire au Sénat, nous permettra, dans les toutes prochaines semaines, de tenir compte des propositions faites par la commission Raimbourg, notamment de l’obligation d’amélioration des activités.
Nous installons, sur la base du rapport Raimbourg, un comité de pilotage à la Chancellerie, au niveau de l’administration pénitentiaire, qui aura notamment pour mission d’exécuter les préconisations de ce rapport, puisque j’ai retenu l’ensemble d’entre elles.
Voilà l’objet de cet amendement, que je vous demande de bien vouloir adopter.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir le sous-amendement no 579 .
Ce sous-amendement se situe dans le prolongement de l’amendement qu’avait défendu notre collègue Coronado lors de la discussion de la mission « Justice » du projet de loi de finances 2015. À l’époque, le Gouvernement avait retiré, à la suite du débat en séance, son amendement prévoyant le report du moratoire sur l’encellulement individuel à 2019.
Depuis, notre collègue Raimbourg a produit un rapport exposant différentes pistes pour mettre fin aux reports répétés du principe de l’encellulement individuel, qui figure dans notre droit depuis la loi du 5 juin 1875. Je rappelle qu’après 2000, puis 2003, puis 2009, nous sommes sur le point de voter un quatrième report de l’application de ce principe en quinze ans. À force de repousser l’application d’un principe, on le tue, et notre crédibilité est en cause.
Cependant, madame la ministre, tous conviennent qu’avec un taux d’occupation des maisons d’arrêt de 134 %, il est certain que le principe ne peut être appliqué en l’état et de façon aussi ambitieuse. C’est pourquoi nous défendons une mise en place progressive, en douceur, qui éviterait un énième report, tout en prenant en compte la réalité telle qu’elle est.
Je note que le rapport de Dominique Raimbourg, comme l’avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté du 24 mars 2014, ont préconisé cette stratégie de progressivité. Avec ce sous-amendement, dans un an, l’encellulement individuel serait ainsi de droit pour certains détenus, dont la situation particulière l’imposerait, ou pour ceux incarcérés pour la première fois. Les catégories de personnes seraient fixées par décret en Conseil d’État et pourraient évoluer jusqu’en 2019.
Bien sûr, la mise en place progressive doit s’accompagner d’une politique active de lutte contre l’inflation carcérale. La prison doit cesser d’être la peine de référence. Des alternatives plus efficaces et moins coûteuses doivent êtres mises en place. Pour nous, les propositions contenues dans le rapport Raimbourg doivent donc être suivies d’effet. Pour que le débat que vous avez évoqué à l’instant, madame la ministre, sur l’ambition à nourrir – 80 ou 90 % – puisse vraiment avoir du sens, il faut enclencher ce projet.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement.
Nous avons eu connaissance de l’amendement du Gouvernement à dix-huit heures, la commission n’a donc pas pu l’examiner. Cela étant, je donnerai un avis favorable à cet amendement, qui permet de protéger l’État au regard des contingences existantes. Le rapport qui devra être remis constitue une donnée importante pour que la représentation nationale puisse évaluer dans le temps la progression vers l’atteinte de cet objectif ; c’est un point très important.
J’avoue ne pas avoir d’avis particulier sur le sous-amendement. Je veux simplement dire qu’il ne faudrait pas introduire une rupture d’égalité – pour prendre un exemple parmi d’autres – entre les personnes condamnées pour la première fois et les autres. Aussi, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur ce sous-amendement.
Merci madame la rapporteure générale pour votre appréciation de cet amendement. Je suis profondément désolée qu’il ait été transmis aussi tardivement ; il était prêt, puisque c’est un sujet sur lequel nous travaillons de façon continue. Je préfère également que la commission puisse débattre d’un sujet aussi important et approfondir les choses. En tout cas, je vous sais gré de l’avoir examiné.
S’agissant du sous-amendement, on ne peut bien entendu désapprouver ni la démarche et l’intention qui l’ont inspiré, ni son contenu. Toutefois, la date du 1er janvier 2016 me paraît prématurée. En raison de réalités objectives, il ne serait pas honnête, de la part du Gouvernement, de dire qu’il serait en mesure de procéder aux mesures que vous envisagez, s’agissant, il faut le préciser, de ces publics particuliers – j’ai bien compris que votre sous-amendement restait raisonnable.
Nous sommes en train d’améliorer un applicatif informatique sur ce point. Mais peut-être faut-il que je rappelle, pour celles et ceux qui, éventuellement, suivent moins ces questions, que le problème du placement en cellule individuelle concerne essentiellement les maisons d’arrêt. En effet, dans les établissements pour peine, dans les maisons centrales, le principe est l’encellulement individuel, et il est appliqué. C’est dans les maisons d’arrêt – qui accueillent, d’une part, des prévenus, c’est-à-dire des personnes en attente de jugement, et d’autre part, des personnes condamnées, mais qui le sont, le plus souvent, à de courtes peines – qu’existe la surpopulation carcérale. Il y a donc, dans ces maisons d’arrêt et de courtes peines, une mobilité de ces populations.
Vous appelez l’attention sur les personnes qui font l’objet d’une première condamnation. Dans le rapport de Dominique Raimbourg, c’est un point qui est travaillé précisément car la question se pose, effectivement, d’une priorité de ce type de public, dont on sait qu’il est plus fragile, parce que confronté pour la première fois à la difficulté objective de l’incarcération. Il y a aussi des personnes souffrant d’autres formes de fragilité, pour qui l’administration pénitentiaire fait déjà attention et veille autant que possible à les placer dans des cellules individuelles. Elle fait d’ailleurs doublement attention, car il peut arriver qu’il vaille mieux éviter l’encellulement individuel pour ces personnes présentant des fragilités : il peut être préférable, pour leur sécurité, qu’il y ait quelqu’un d’autre dans la cellule.
Ce que je vous propose, monsieur le député, c’est que nous travaillions ensemble à la mise en oeuvre des préconisations du rapport Raimbourg. Je vous ai dit que, dès lundi, le comité de pilotage sera en place ; nous pourrons avancer de façon globale sur cette obligation, que le Gouvernement, je le répète, est tout à fait déterminé à respecter. Ce que nous vous proposons là, c’est un processus : on ne peut pas comparer cette demande de moratoire aux trois précédentes parce que nous nous engageons dans un processus avec un accomplissement possible, réel, compte tenu des étapes que nous nous imposons et de ce que nous mettons en place dès maintenant.
Autrement dit, nous prenons en considération les propositions que vous faites, mais nous souhaitons qu’elles soient intégrées dans un plan qui se réalisera par étapes.
J’ai pris la peine de fournir toutes ces explications d’abord par respect pour le travail des députés, ensuite parce que je souhaite proposer aux signataires de l’amendement de le retirer et de s’associer à notre travail de mise en place d’un tel plan. À défaut de retrait, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Je dirai rapidement quelques mots afin de ne pas alourdir inutilement un débat au cours duquel beaucoup a déjà été dit.
La prolongation du moratoire est nécessaire et satisfaisante et s’inscrit dans une continuité.
Sans la prolongation, il y aurait en effet un risque de contentieux : des détenus pourraient se plaindre de conditions de détention contraires à la loi. En outre, nous sommes confrontés à une double difficulté : d’une part, la surpopulation – 67 000 détenus pour 58 000 places – et, d’autre part, l’inadéquation de l’architecture intérieure des prisons ; sur les 48 000 cellules, seules 40 000 sont individuelles.
On ne peut pas venir à bout de ces deux problèmes en quelques mois, ni même en quelques années. Il faudra pour cela du temps.
Cette prolongation est par ailleurs satisfaisante parce qu’elle est échelonnée dans le temps et assortie d’un programme d’action.
Enfin, elle s’inscrit dans une continuité car, indirectement, nous avons déjà travaillé sur ces questions avec l’adoption de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, qui prévoit une nouvelle peine, la contrainte pénale, et des libérations sous contrainte.
Quant au sous-amendement, nous souhaiterions tous voir réaliser son objet, mais nous sommes confrontés à une difficulté importante : nous ne disposons pas du nombre précis de primo-incarcérés, car les chiffres s’appuient sur une déclaration. Seuls 17 % des personnes entrant en prison déclarent y avoir déjà été, ce qui ne correspond pas à la réalité compte tenu des chiffres de la récidive. Il serait par conséquent prématuré de s’engager de façon trop précise sur ce point, même si nous partageons le souhait des auteurs du sous-amendement.
Il convient de ne pas trop encadrer le programme, au risque d’aller au devant de déconvenues et d’être contraints de décréter de nouveaux moratoires.
Madame la garde des sceaux, mon intervention ne portera pas sur le fond. J’aimerais plutôt vous poser les deux questions suivantes.
Premièrement, le moratoire expirait le 24 novembre 2014, comme vous l’avez expliqué tout à l’heure, et la loi de finances rectificative ne sera publiée qu’à la fin du mois de décembre. Que se passe-t-il entre le 24 novembre 2014 et, disons, le 30 décembre 2014 ? Notre collègue Raimbourg a soulevé cette difficulté voilà quelques instants : ne risque-t-on pas d’avoir des contentieux ? N’allons-nous pas devoir libérer des prisonniers au motif qu’on ne peut les enfermer dans une cellule individuelle ? Il pourrait y avoir d’autres conséquences encore.
Deuxièmement, êtes-vous certaine, madame la garde des sceaux, que votre amendement n’est pas un cavalier budgétaire ? En effet, quel est le lien entre la loi de finances et cet amendement, qui relève d’un texte spécifique sur les prisons et la politique pénale ?
Je vous mets en garde, car le Conseil constitutionnel soulève d’autorité tous les cavaliers, et il est de plus en plus courant que trois, quatre, cinq dispositions de loi de finances ou de loi de finances rectificative soient invalidées, au motif qu’elles n’ont pas leur place dans une loi de finances.
Il faudrait interroger le président de la commission des finances, le grand prêtre chargé de ces vérifications : n’y a-t-il pas un très fort risque que cette proposition soit considérée comme un cavalier budgétaire ? Dans ce cas, elle ne sera pas dans la loi de finances publiée le 30 décembre, et il faudra un véhicule spécifique pour tenter de combler ce trou à toute vitesse.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Je ne reviendrai pas sur la question constitutionnelle que pose notre collègue Charles de Courson. Pour ma part, madame la garde des sceaux, je voulais vous interroger sur la date retenue pour la présentation du rapport, qui comprend en particulier une information financière et budgétaire. Vous avez fixé comme date butoir le dernier trimestre de l’année 2019.
Or, si on veut se garder la possibilité d’ajuster les choses et de rattraper un éventuel retard, il vaudrait mieux dresser un bilan à la fin de l’année 2018, afin de profiter de l’année 2019 pour procéder aux derniers ajustements. Je ne comprends donc pas très bien pourquoi vous avez choisi cette date pour la remise du second rapport.
Madame la garde des sceaux, d’un côté, nous craignons que le troisième report que vous proposez ne soit suivi d’un quatrième, voire d’un cinquième, d’un autre côté, nous saluons le processus dans lequel vous vous êtes engagée. Nous choisissons donc de placer notre confiance dans ce processus et de retirer notre sous-amendement.
Le sous-amendement no 579 est retiré.
Je vous remercie de me redonner la parole, madame la présidente. Je vous promets d’être brève.
Je tiens à remercier le député Éric Alauzet d’avoir retiré son sous-amendement. Si vous en êtes d’accord, monsieur Alauzet, je suis disposée à vous associer de très près à la mise en oeuvre et au contrôle d’un tel processus.
Monsieur le député Charles de Courson, ceux qui doivent juger de la qualité de ma disposition en jugeront. Permettez-moi simplement de rappeler qu’elle évite un risque de dépenses de l’État, puisque, comme vous venez de l’indiquer par votre question, le risque contentieux est réel. Nous pensons que nous le contenons.
Parce que j’avais le souci d’éviter un tel risque, j’avais présenté dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Justice » un amendement du Gouvernement tendant à reporter l’application du principe de l’encellulement individuel. L’Assemblée nationale en ayant décidé autrement, je me suis inclinée sans la moindre difficulté, tout en rappelant le risque de contentieux, que nous avions estimé.
Je pense que ce risque de contentieux est contenu. La période d’attente entre la fin du moratoire et la publication de la loi de finances rectificative est d’environ cinq semaines. Vous avez pu constater que la question est posée dans le débat public : celles et ceux qui sont exigeants, comme vous tous ici, sur le respect du principe de l’encellulement individuel se sont exprimés de façon extrêmement responsable.
Pour notre part, nous estimons que le risque contentieux est contenu, même si, de façon responsable également, nous ne l’avons pas sous-estimé. Cela étant dit, le risque de contentieux réel ne sera apprécié qu’au titre de décisions très urgentes qu’il y aurait lieu de prendre car, pour le reste, la loi prévoit pour la contestation éventuelle de non-placement en cellule individuelle un temps d’examen. Et je mentionne les situations d’urgence car l’administration pénitentiaire elle-même y est confrontée et veille à y répondre. Ce ne serait que dans le cas où elle ne le ferait pas que l’on pourrait envisager, par référé, un contentieux de cette nature.
Monsieur le président de la commission des finances, pourquoi avons-nous retenu la fin de l’année 2019 pour la remise du second rapport ? Nous prenons très au sérieux l’étape de la mi-2016, dans la mesure où, comme je l’ai dit, il s’agit bien d’un processus : il n’est pas question de nous retrouver en 2016 devant le Parlement pour nous contenter de constater que nous n’avons pas très sérieusement avancé. Nous avons indiqué, et le rapport Raimbourg en fait état, tous les critères que nous allons prendre en considération pour dire où nous en sommes et comment nous avons vraiment enclenché cette dynamique, qui a commencé avec la construction d’établissements pénitentiaires dont 90 % des cellules seront individuelles.
Je vous informe par ailleurs que j’ai mis en place depuis un peu plus d’un an le Conseil national de l’exécution des peines et que nous travaillons en ce moment intensément sur la question de l’architecture pénitentiaire, qui est un vrai sujet. Nous avons par exemple examiné l’hypothèse de restructuration des dortoirs, mais les établissements qui en sont dotés datent, pour les plus récents, du XIXe siècle, et il n’est pas possible d’envisager leur restructuration, sauf à engager des dépenses complètement déraisonnables.
Ce sont donc tous ces éléments – le programme immobilier, l’architecture pénitentiaire, le développement des activités à l’intérieur des établissements, la mise en place de la contrainte pénale et ses effets, la mesure de la réduction de la récidive, car j’ose dire qu’il y aura réduction de la récidive grâce notamment à la libération sous contrainte – que nous mettrons à la disposition des parlementaires à la mi-2016. Cela signifie que nous serons alors en mesure d’évaluer si dans les trois années suivantes nous aurons les moyens de respecter l’obligation d’encellulement individuel.
Il est vrai que j’avais promis d’être brève, je m’arrêterai donc là. Mais il me semble que sur un sujet d’une telle importance et compte tenu de la curiosité et de l’exigence des parlementaires, le Gouvernement se devait, pour marquer son respect, de faire droit aux demandes d’explication parfaitement légitimes qui lui ont été adressées.
L’amendement no 573 est adopté.
amendements précédemment réservés
Nous en revenons maintenant aux amendements portant article additionnel après l’article 20.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 43 .
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
Les prélèvements qui font l’objet du présent amendement sont la contrepartie d’un service rendu par l’État aux affectataires des impôts locaux et de leurs taxes additionnelles. Surtout, ils ont déjà été diminués de façon considérable dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle. Il n’est donc pas envisageable d’aller au-delà.
De plus, votre amendement, tel qu’il est rédigé, dépasse votre objectif. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
L’amendement no 43 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 27 .
Je voudrais essayer pour la troisième fois et sur un sujet différent de vous convaincre, monsieur le secrétaire d’État. La taxe d’aménagement des abris de jardin, soumise à déclaration préalable, soulève en effet le même problème que celui que nous avons évoqué au sujet des résidences secondaires et du foncier constructible non bâti.
Votre position actuelle, qui est particulière, consiste à dire que si les communes n’ont pas délibéré pour exonérer les particuliers de la taxe d’aménagement des abris de jardin, alors celle-ci sera applicable à toute nouvelle surface et couverture supérieure à 5 mètres carrés sous une hauteur d’au moins 1,80 mètre et son calcul sera établi à partir d’une valeur forfaitaire du mètre carré qui est de 712 euros en 2014, à multiplier par un taux communal, départemental et régional. Je ne conteste pas ce dispositif, mais il me semble que les communes devraient pouvoir décider, directement, si elles souhaitent ou non imposer les propriétaires d’abris de jardin. Or, si elles ne délibèrent pas, c’est l’imposition forfaitaire qui s’applique, ce qui est tout de même invraisemblable.
En d’autres termes, les communes n’ont plus rien à dire et c’est l’État qui fixe par la loi les critères de fiscalité des particuliers.
Nous avons eu à plusieurs reprises ce débat. Les abris de jardin peuvent être exonérés de la taxe d’aménagement, à condition que la commune en décide. Nous souhaitons maintenir ce principe. A contrario, vous proposez de rendre facultative la taxe d’aménagement.
Mais elles le font si elles veulent exonérer les abris de jardin de la taxe d’aménagement ! Cela se passe très bien dans de nombreuses communes. Avis défavorable.
Très franchement, pourquoi inverser la logique ? Pourquoi prévoir que la taxe n’est valable nulle part sauf si les communes sont pour ? Le Gouvernement a pleinement confiance dans les capacités intellectuelles des élus locaux, qui connaissent tous les dispositifs. Il est vain de faire des allers-retours pour les modifier. Ne perdons pas notre temps sur des questions futiles et faisons confiance aux élus locaux !
Je souhaite convaincre Mme Dalloz : cette faculté laissée aux communes leur permet de prendre cette délibération et, croyez-moi, lorsqu’elles le font, les conseils municipaux et les maires deviennent très populaires ! Laissons de temps en temps aux élus la possibilité de se faire apprécier par la population.
J’admire l’homme de raison qu’est M. Carrez, mais il vient de dire un non-sens !
Je suggère à ma collègue d’inventer une nouvelle taxe… sur les nains de jardin !
L’amendement no 27 n’est pas adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 374 .
Cet amendement est extrêmement important, car il permettra de vérifier, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez de la suite dans les idées et que vous êtes capable de progresser dans votre cheminement intellectuel.
Quel est le périmètre de la confiance que vous placez dans les élus locaux ? Porte-t-elle uniquement sur les abris de jardin ou s’exerce-t-elle au-delà ? Peut-elle aussi concerner les pigeonniers ?
Par le passé, monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait preuve de mansuétude envers les pigeons. Vous avez montré à quel point vous étiez capable de conduire une réflexion et de prendre en compte certaines réalités économiques. Pouvez-vous tenir compte ce soir de la situation des éleveurs de pigeons, et notamment des taxes sur les pigeonniers dont ils doivent s’acquitter ?
Effectivement, l’article 90 de la loi de finances pour 2014 permet aux collectivités territoriales d’exonérer les abris de jardin de tout ou partie de la taxe d’aménagement. Il n’a toutefois pas été envisagé de permettre aussi l’exonération des pigeonniers, qui ne sauraient être taxés comme une surface habitable – vous pouvez le comprendre. Nous proposons de combler cette lacune.
Les propriétaires de pigeonniers et de colombiers attendent cette mesure. La pratique de cet élevage, qui n’est pas réservée aux châtelains, monsieur de Courson, s’est raréfiée, mais il existe nombre d’associations colombophiles, notamment dans le nord de la France, et en Limagne, dans nos circonscriptions respectives, madame Pires Beaune.
Dans le nord de la France, il existe un terme pour désigner les propriétaires de pigeonniers : les « coulonneux ».
Je vous assure que je n’insisterai pas, madame la présidente !
Mais je ne résiste pas au plaisir de vous citer le refrain d’une chanson populaire locale : « Les coulonneux quand is parlent de leurs oeufs, les coulonneux is sont toudis joyeux Les coulonneux les jeunes comme les vieux, les coulonneux ce sont des gins heureux. » Si vous souhaitez éviter la disparition de nombreux pigeonniers, dont la pratique est héritée de la Révolution française, je vous invite à adopter le présent amendement !
La commission a repoussé cet amendement. Permettez-moi de préciser que les pigeonniers ne sont pas taxés comme des surfaces habitables, mais comme des annexes à des surfaces habitables. Ils ont donc déjà un petit avantage, un peu comme les garages.
La disposition spécifique aux abris de jardin a été prise pour éviter que des constructions ne soient pas déclarées en mairie. Avis défavorable.
Rires.
Monsieur le député, vous vouliez savoir si j’avais de la suite dans les idées concernant les pigeons. C’est curieux : lors du dîner, nous avons évoqué un été lors duquel les pigeons ont beaucoup fait parler d’eux. Je pense que c’est à ce fameux épisode que vous faisiez référence.
Pour rester sérieux, la loi de finances pour 2014 a ajouté la catégorie des abris de jardin aux constructions ou aux aménagements faisant l’objet d’une exonération. Pourquoi les colombiers ou pigeonniers n’en font-ils pas partie ? Parce que le coût de leur construction n’est pas comparable à celui de la construction d’un abri de jardin et n’est pas susceptible d’être inférieur au montant de la taxe. Cela ne correspond pas aux objectifs initiaux de l’exonération. Il ne semble donc pas pertinent d’étendre l’exonération prévue par l’article L. 331-9 du code de l’urbanisme à cette catégorie.
Tout le monde ici adore les pigeons, cultive les petits pois et apprécie le mariage des deux ! Monsieur Chassaigne, vous avez fait preuve d’humour dans cette soirée un peu triste. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Je suis un peu choqué par cet amendement ! Même si vous avez évoqué la Nuit du 4-Août, cher collègue, il s’agit tout de même d’un amendement en faveur des châtelains. Puis-je vous rappeler que beaucoup d’entre eux – j’en connais dans ma circonscription – ont transformé leur pigeonnier en annexe habitable ?
Je suis pour l’égalité, monsieur Chassaigne ; pas de privilèges pour les châtelains !
Durant l’époque médiévale, posséder un colombier était effectivement un privilège accordé aux nobles. Les messageries seigneuriales et royales avaient le privilège de ces pigeonniers, ce qui leur permettait de profiter de la chair mais aussi de la fiente des pigeons, laquelle est, vous le savez, un engrais naturel. Monsieur de Courson, ce privilège a peu à peu disparu à partir de la Renaissance et l’élevage s’est démocratisé, si bien qu’en Auvergne, particulièrement en Limagne, il existe de nombreux pigeonniers, dont la conservation exige quelques deniers. Une fois n’est pas coutume, je soutiendrai l’amendement de M. Chassaigne !
L’amendement no 374 est adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 381 .
Sourires.
L’amendement no 381 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements, nos 456 et 293 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Olivier Faure, pour soutenir l’amendement no 456 , qui fait l’objet d’un sous-amendement 568 rectifié .
Même si ce n’est pas mon rôle de donner un avis sur ce sous-amendement, je dis d’avance que j’y suis favorable.
L’amendement no 456 fait suite au pacte pour le développement économique en Île-de-France conclu entre la chambre de commerce et d’industrie Paris Île-de-France et la région. Il prévoit de rétablir l’exonération de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux, de locaux et de locaux de stockage, et même de la pérenniser.
Cet amendement pourra faire l’objet d’un large consensus puisque, hormis la date d’effet, qui fait débat entre nous, cette proposition est partagée sur tous les bancs. L’attractivité de la région dépend notamment de sa capacité à maintenir une offre de bureaux importante. Si nous ne voulons pas voir naître des friches, notre intérêt est de privilégier la restructuration à la construction de nouveaux bureaux. Toutes ces raisons nous font militer pour le rétablissement et la pérennisation de cette exonération.
La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour soutenir le sous-amendement no 568 rectifié .
Ce sous-amendement vise à renforcer le dispositif d’exonération. Afin de ne pas pénaliser les entreprises qui se sont lancées dans des opérations de reconstruction en 2014, il est proposé d’appliquer l’exonération de redevance pour création de bureau à toutes les opérations pour lesquelles l’avis de mise en recouvrement n’a pas été émis au 1er décembre 2014.
Il est important de soutenir l’installation de bureaux et de locaux industriels. La réforme de 2010 a affecté l’équilibre économique des entreprises franciliennes, notamment en grande couronne, et bloqué des projets d’investissement. C’est une première étape ; j’espère que nous irons plus loin encore.
J’ai présenté cet amendement à chaque loi de finances depuis 2012, mais M. Faure ne m’aidait pas, à l’époque. Si j’avais bénéficié de son appui, j’aurais pu convaincre le ministre. Je vois avec satisfaction que cet amendement est repris, et j’espère que M. Faure, dans sa magnanimité, acceptera d’y associer le président de la commission, qui l’a présenté durant deux ans, en vain.
Je souligne, pour que ce soit au compte rendu, l’art de la négociation de la chambre de commerce et d’industrie Paris Île-de-France. Celle-ci a réussi à troquer une augmentation du versement transport – 210 millions d’euros de prélèvements supplémentaires sur les entreprises – contre un allégement de taxe que j’évalue à 5 millions d’euros par an !
Cela étant, cet amendement va dans le bon sens et, comme je me suis toujours battu pour le financement des transports en Île-de-France et pour la possibilité de rénover les bureaux, je n’irai pas contre !
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements et sur le sous-amendement ?
Le rétablissement de l’exonération représente un coût que nous estimons à 20 millions plutôt qu’à 5 millions d’euros. L’amendement no 456 prévoit que l’exonération prend effet au 1er décembre 2014 ; et il n’est pas, contrairement à l’amendement no 293 , borné dans le temps. La commission a donc adopté l’amendement de M. Faure.
Quant au sous-amendement no 568 rectifié que la commission n’a pas examiné, j’y suis favorable et je suis d’accord avec le président de la commission des finances : les lettres qui peuvent nous être adressées ne peuvent constituer, pour les législateurs, un ordre qui leur serait donné de voter telle ou telle disposition, mais cela ne nous empêche pas d’être sensibles aux aspects économiques.
Pour récapituler, avis favorable à l’amendement no 456 et au sous-amendement no 568 rectifié mais avis défavorable à l’amendement no 293 .
Même avis que la commission. Le coût de cet amendement, entre 20 et 30 millions d’euros, n’est pas supporté par le budget de l’État, je tiens à le dire, mais par celui de la région Île-de-France, qui percevait le produit de la taxe.
Nous aurons l’occasion de reprendre ce débat à l’occasion de l’amendement relatif au versement transport déposé par M. Faure mais je voudrais répondre au président de la commission des finances.
De nombreux élus d’Ile-de-France souhaitent que soit supprimée cette taxe qui a déjà bloqué un certain nombre d’opérations et freiné le développement économique de la région. Sachant que nous serons très nombreux à vouloir lever les obstacles à la croissance dans le cadre d’un projet de loi dont nous débattrons en janvier, cette mesure est salutaire.
Pour le reste, reprocher aux responsables de l’économie et des entreprises en Île-de-France d’avoir conclu un mauvais accord avec la région parce que l’augmentation du versement transport ne serait pas compensée par d’autres réductions de taxes traduit une incompréhension du fonctionnement des entreprises d’Ile-de-France, qui ont besoin, comme leurs habitants, d’un système de transports favorisant la mobilité, indispensable au développement de l’activité économique. La chambre de commerce et d’industrie d’Ile-de-France a fait ce choix parce qu’elle a réalisé qu’une mesure de justice sociale, le tarif unique, aurait un effet dynamique sur l’économie, la croissance et l’emploi en favorisant la mobilité – vous êtes en première couronne, nous en deuxième. Nous y reviendrons mais ce ne sont pas que des comptes d’apothicaire.
Le sous-amendement no 568 rectifié est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 384 rectifié .
Cet amendement, cosigné par M. Jean-Louis Dumont et M. Cornut-Gentille et adopté par la commission, est satisfait par un amendement gouvernemental précédemment adopté par notre assemblée. Je propose donc de le retirer.
Je voudrais, juste avant qu’il ne soit retiré, m’exprimer quelques instants. Cet amendement est légèrement différent de celui du Gouvernement et je me demande si la nuance ne serait pas de nature à remettre en cause la philosophie de cette disposition et les objectifs que nous poursuivons. Je suis d’accord pour retirer cet amendement mais rappelons qu’il n’a pour seul objectif que de valoriser auprès des collectivités la présence d’un laboratoire de recherche et d’essais sur la tectonique des sols et les richesses d’un sol aussi argileux que celui de Bure-Saudron. Je souhaite que l’on comprenne bien qu’il s’agit d’un laboratoire. L’on sait qu’un vocabulaire inadapté peut être source de confusions. Laissons le soin au Gouvernement de présenter rapidement, si possible en début d’année – le passage en conseil des ministres est prévu, me semble-t-il, pour la semaine prochaine – un texte de loi qui porte la création du projet « Cigéo » et marque ainsi le passage à la phase industrielle. Tant que le laboratoire de Bure-Saudron est autorisé pour les études, l’ensemble des collectivités départementales doivent obtenir la compensation décidée par notre assemblée à travers les deux premières lois dites loi Bataille et loi Loos.
Je voudrais comprendre. Nous avions porté, en 2010, de 20 à 30 millions le montant des taxes reversées chaque année aux GIP de Meuse et de Haute-Marne. Cette disposition s’arrêtait fin 2014. Par conséquent, en 2015, si rien n’est voté, nous en revenons à 20 millions. Quelle est la position du Gouvernement ?
La question de M. de Courson, qui est aussi un élu du secteur, peut-être même, demain, de la même région, n’est pas neutre. Les lois Bataille et Loos ont donné naissance à un laboratoire. Les collectivités doivent recevoir une contribution financière de l’ensemble des industriels de la filière de production électrique, pour ce laboratoire. Contrairement à l’amendement du Gouvernement, celui déposé par les députés du secteur visait à proroger de quatre années supplémentaires, et non de deux, la disposition qui, en 2010, portait le montant cumulé des taxes de 20 à 30 millions.
Il ne tiendrait qu’à moi, le laboratoire recevrait une contribution tant qu’il est en exploitation, et cette contribution évoluerait chaque année en fonction de l’inflation ou de certains indices. Nous n’en sommes pas encore là mais nous y viendrons certainement, monsieur le secrétaire d’État.
L’amendement no 384 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 44 .
L’amendement no 44 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 21 tendait à proroger d’un an plusieurs mesures favorisant la création ou la reprise d’entreprises en zone de revitalisation rurale ainsi que des dispositifs relatifs aux investissements des PME dans les zones d’aide à finalité régionale et dans les ZRR.
Grâce à la pertinence de M. Charles de Courson, cette prorogation, qui concerne une dizaine d’allégements fiscaux zonés, a été repoussée de deux ans.
Cet article est le symbole de la politique fiscale de notre pays, complexe, alambiquée et changeant sans cesse. Les ZRR en sont devenus le symbole : un méandre de mesures diverses relevant de critères opaques.
Un récent rapport souligne que les critères de classement et de zonage sont à revoir et que nous manquons de lisibilité sur les retombées des exonérations fiscales ou sociales liées aux ZRR. Or, nos élus locaux ont besoin de clarté, de simplification et d’efficacité, comme d’ailleurs tous les Français.
À l’heure où la situation de nos communes rurales se détériore, où la politique gouvernementale menée ces deux dernières années a des effets catastrophiques sur les petites entreprises qui forment le vivier économique des territoires ruraux, les élus locaux vous demandent d’améliorer la lisibilité et de clarifier les dispositifs, sans que cela se traduise pour autant par un nouveau désengagement de l’État qui mettrait en péril beaucoup de communes rurales.
Les Assises de la ruralité, qui viennent de commencer, ne doivent pas être une occasion manquée. L’attente est grande et l’urgence est là !
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 399 .
Je laisse à M. de Courson le soin de le défendre, madame la présidente.
Cet amendement tend à proroger d’une année supplémentaire, c’est-à-dire pour deux ans, le dispositif en faveur des entreprises créées ou reprises en zone de revitalisation rurale ainsi que les dispositifs relatifs aux investissements des PME dans des immeubles à usage commercial et industriel, situés en zone à finalité régionale et en ZRR, d’une part, et la possibilité pour les entreprises souhaitant bénéficier de l’exonération de cotisation foncière des entreprises en ZRR prévue à l’article 1465A du code général des impôts, d’opter pour l’encadrement communautaire prévu à l’article 14 du règlement général d’exemption par catégorie, d’autre part.
De mémoire, il me semble que la commission des finances a adopté cet amendement à l’unanimité.
Je préférerais que nous nous en tenions à l’année supplémentaire prévue par l’article, pour deux raisons : ces différents dispositifs devront être remaniés suite aux Assises de la ruralité et le zonage devra être revu.
Avis défavorable.
Je voudrais préciser que cet amendement représente un coût budgétaire de 3 millions d’euros par an. Malgré une légère montée en puissance, l’impact budgétaire reste limité.
Je comprends les arguments du Gouvernement mais une fois que les Assises se seront déroulées, des arbitrages internes auront lieu et les conclusions devront être prises en compte dans un prochain projet de loi de finances, probablement en fin d’année. Le temps de sortir les décrets d’application, ils ne pourront pas entrer en vigueur début 2016. Par conséquent, mieux vaudrait maintenir le délai de deux ans, prendre le temps nécessaire après les Assises de la ruralité, et inscrire dans le projet de loi de finances pour 2016 le dispositif applicable au 1er janvier 2017. La proposition de la commission des finances est plutôt une mesure de bonne administration qui nous éviterait d’être, une nouvelle fois, en retard de six ou neuf mois.
Mme la rapporteure générale évoque un coût de 3 millions d’euros, mais il me semble qu’il serait plutôt de 18 millions d’euros.
En effet, dans ce type de dispositifs, il faut distinguer entre le coût de la génération et le coût annuel. Ce dispositif-ci est prévu sur une durée de cinq ans à raison d’un coût annuel de 3 millions d’euros. Le fait générateur représente donc bien 18 millions d’euros, mais le coût budgétaire, lui, n’est que de 3 millions.
Certes, mais l’exonération est acquise pour cinq ans !
L’amendement no 399 n’est pas adopté.
L’article 21, amendé, est adopté.
La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement n° 120 .
Nous abordons une longue série d’amendements portant sur les zones franches urbaines. Le Gouvernement a en effet accepté, au terme de plusieurs discussions, de réintroduire les zones franches urbaines et de les prolonger.
Cet amendement, adopté par la commission des affaires économiques, vise à ce que les commerces de détail qui se trouvent dans ces zones franches et qui ne sont plus éligibles à aucune exonération puissent bénéficier du nouveau texte, afin d’éviter l’installation de nouveaux commerces qui leur feraient une concurrence quelque peu déloyale. La proposition du Gouvernement va dans le bon sens, mais nous estimons qu’il faut tout à la fois limiter les effets d’aubaine et éviter la concurrence déloyale.
La commission des finances ne partage pas tout à fait l’analyse de la commission des affaires économiques. Parmi les établissements que vous ciblez, ceux qui sont en cours de création bénéficieront des exonérations, et ceux qui sont déjà implantés auraient dû en bénéficier, puisque ces exonérations existent depuis 1996, 2003 ou 2006, selon les zones. Cela signifie qu’il s’agit d’établissements créés depuis au moins sept, onze ou dix-huit ans.
Or, l’objectif du dispositif est bien de favoriser l’installation de nouveaux établissements, l’implantation d’activités, le démarrage de commerces, et non pas nécessairement d’accompagner des établissements qui seraient déjà implantés depuis plusieurs années.
C’est vrai. Telle est en tout état de cause l’analyse de la commission des finances, qui justifie son avis défavorable.
La notion de « commerce de détail » est trop imprécise pour être fiscalement pertinente. De ce point de vue, cet amendement pose donc un premier problème d’ordre opérationnel. D’autre part, en visant une catégorie spécifique d’activités commerciales sans justification, cette mesure constitue une rupture d’égalité devant l’impôt.
Je ne suis donc pas favorable à cette proposition. J’ajoute néanmoins que le Gouvernement est conscient du fait que le commerce de proximité souffre de lourds désavantages compétitifs dans ces quartiers prioritaires, désavantages qui justifient l’existence d’un mécanisme de soutien public via le redéploiement des exonérations d’impôts locaux.
C’est pourquoi le Gouvernement sera favorable à l’amendement no 460 rectifié portant article additionnel après l’article 22 que défendra le fameux tandem Pupponi-Jibrayel, et qui exonère d’impôts locaux les activités commerciales existantes, mais aussi celles qui se créeront à partir du 1er janvier 2015 dans l’ensemble des 1 300 nouveaux quartiers de la géographie prioritaire, et non plus seulement dans les cent zones franches urbaines.
S’agissant de l’exonération d’impôt sur les bénéfices, le Gouvernement a fait le choix de la réserver aux nouvelles activités qui se créeraient en ZFU à partir du 1er janvier 2015.
Compte tenu de ces précisions, je souhaiterais que cet amendement soit retiré en attendant que nous examinions l’amendement no 460 rectifié . À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.
Je me réjouis de la proposition que fait le Gouvernement non seulement concernant l’article 22, mais aussi en vue de soutenir les aides aux petits commerces de proximité dans les 1 300 nouveaux quartiers prioritaires ; nous risquons cependant de nous heurter à une difficulté dans les zones franches urbaines, madame la rapporteure générale. Il existera en effet trois types de commerces : ceux qui ont bénéficié des premières zones franches et auxquels plus aucune exonération ne s’appliquera, ceux qui bénéficient des zones franches actuelles et ceux qui bénéficieront des zones franches de demain. Nous risquons donc de créer une forme de distorsion qui susciterait une concurrence quelque peu déloyale dans des quartiers qui donnent lieu à une opération de rénovation urbaine, y compris avec l’implantation de nouveaux centres commerciaux.
Les commerces qui étaient là avant doivent être maintenus, tout en aidant à la création de nouveaux commerces, mais sans pour autant mettre en difficulté ceux qui existent déjà. L’amendement visait donc à garantir un traitement égalitaire pour que chacun se retrouve au même niveau. Les centres commerciaux ne sont pas si nombreux dans les cent zones franches urbaines. Nous proposons donc, dans des cas très limités, de permettre au commerce de proximité – et à lui seul – de vivre et de rester là où il est, pour éviter le syndrome du rideau baissé, lorsque des commerces cessent de fonctionner sans être forcément remplacés.
S’agissant d’un amendement de la commission des affaires économiques, monsieur le secrétaire d’État, je ne peux naturellement pas décider seul de le retirer. Je le maintiens donc, quitte à en reparler en deuxième lecture s’il n’est pas adopté.
L’amendement no 120 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Léonard, pour soutenir l’amendement no 333 .
Je profite de l’occasion pour défendre également l’amendement no 337 . Ce n’est pas la première fois que j’interviens dans l’hémicycle au sujet des zones franches urbaines. Je veux notamment rappeler leur objectif, qui vise avant toute chose à ce que des emplois y soient créés pour y apporter des activités et, ainsi, résorber les difficultés sociales que connaissent les quartiers concernés.
Nous avons ici même évoqué ce sujet le 16 octobre dernier, à l’occasion de la première lecture de la loi de finances pour 2015, et nous avions convenu – avec M. Pupponi également – qu’il faudrait intégrer différents paramètres, notamment des zones franches urbaines qui se trouvent dans des territoires moins urbains que celle que connaît M. Pupponi à Sarcelles.
L’objet de l’amendement no 333 est donc d’éviter qu’il se produise vers les zones franches urbaines des transferts d’activité qui ne créent pas d’emplois. J’ai proposé une zone d’exclusion de vingt kilomètres, car cette notion existe d’ores et déjà dans le code général des impôts, notamment pour ce qui concerne les travailleurs transfrontaliers.
L’amendement no 337 vise à éviter la pratique des « boîtes aux lettres fiscales » qui consiste à implanter une activité dans les quartiers concernés dans le seul but de profiter d’un effet d’aubaine. Je propose donc que, pour bénéficier du dispositif d’exonération applicable en zone franche urbaine, il faille non plus y faire au moins 25 % de son chiffre d’affaires ou créer un emploi, mais y faire un tiers de son chiffre d’affaires et créer un emploi.
Le principal objectif de ces deux amendements est de veiller à ce que l’argent public, qui se fait rare, soit dépensé le mieux possible et favorise la création d’emplois.
Votre objectif consiste en effet à éviter que les ZFU ne favorisent les transferts d’activités déjà existantes par rapport à la création d’activités nouvelles dans ces zones. Trois éléments ont éclairé l’avis de la commission : le rapport que M. Jibrayel a rédigé en 2013, tout d’abord, qui revient sur le reproche pouvant être fait concernant la réalité – ou non – d’un tel effet d’aubaine. Je cite : « Si cet effet d’aubaine a pu être important à l’origine du dispositif, il est aujourd’hui limité. Selon le rapport 2012 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, les transferts d’entreprises n’ont représenté en 2011 que 23,6 % des installations en ZFU et la part des créations d’entreprises, 76,4 %, à peine moins que dans les zones urbaines de référence ». La critique concernant les effets d’aubaine n’est donc pas totalement justifiée : voilà ce qui ressort du rapport de M. Jibrayel.
D’autre part, quand bien même il existerait un problème de transfert en ZFU, l’intérêt du dispositif consiste à attirer ces implantations dans des quartiers où elles sont tout particulièrement nécessaires, comme l’a déjà expliqué M. Pupponi lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2015. L’objectif, en effet, est que ces activités demeurent dans ces quartiers après la période d’exonération.
Enfin, votre amendement ne fixe pas de borne temporelle à la condition que vous proposez d’introduire. Il est donc insuffisamment précis. Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Nous avons déjà eu cette discussion, monsieur Léonard. Je comprends votre point de vue et je vous remercie du souci que vous manifestez de veiller à la bonne utilisation de l’argent public.
Cela étant, il existe des dispositifs de lutte contre les abus, qui sont visés à l’article 44 octies A du code général des impôts. Sous certaines conditions, sont ainsi exclues les activités transférées par des entreprises ayant déjà bénéficié de certains régimes de faveur, notamment les mesures d’exonération applicables dans les zones de revitalisation rurale, ou pour les entreprises nouvelles. De même, une entreprise qui transférerait son activité d’une ZFU à une autre bénéficie du régime de faveur uniquement pendant la durée d’application du dispositif restant à courir.
Les mesures de lutte contre les abus existent donc déjà et nous semblent suffisantes. Dès lors, cet amendement n’est pas opportun ; s’il était maintenu, le Gouvernement préconiserait son rejet.
J’entends bien les arguments de M. Léonard, et nous avons souvent parlé de ce sujet. Il est vrai qu’il existe peut-être une ou quelques zones franches dans lesquelles se sont produits des effets quelque peu pervers, les centres anciens se vidant en effet de leurs commerces et de leurs professions libérales au profit des quartiers prioritaires.
Il n’en reste pas moins que ces zones franches urbaines, comme l’ont rappelé Mme la rapporteure et M. le secrétaire d’État, ont été créées pour attirer des entreprises dans des quartiers où il n’y en avait pas, et pour y créer de l’activité. Naturellement, il a pu se produire des effets d’aubaine très limités, voire des déséquilibres, mais globalement, comme MM. Jibrayel et Sordi l’ont indiqué dans leur rapport, les choses ont plutôt bien fonctionné dans les 101 ZFU. J’ajoute qu’il appartient aux services fiscaux de vérifier que les textes sont appliqués avec rigueur.
La commission des affaires économiques n’a pas étudié ces deux amendements, sur lesquels je ne peux donc pas me prononcer en qualité de rapporteur mais, s’ils dénoncent certaines limites du dispositif, rappelons tout de même que les choses, dans la quasi-totalité des zones franches, se sont plutôt bien passées.
Je voudrais apporter un élément de réponse à Mme la rapporteure générale. Je n’avais pas calé ces deux amendements dans le temps puisqu’ils venaient idéalement s’insérer dans le I de l’article 22, dont le II précise qu’il s’applique aux entreprises qui créent des activités dans une zone franche urbaine à compter du 1er janvier 2015. Sans instaurer une rétroactivité fiscale, qui n’est pas de bon ton, je souhaite que cet article s’applique dès le début de l’année 2015.
Je voulais apporter un éclairage à cet échange. J’ai entendu les chiffres tirés du rapport de M. Jibrayel, mais dans la zone franche urbaine que je connais bien, malheureusement, ces chiffres sont quasiment inversés, au moins pour certaines professions, puisque 76 % des implantations sont issues de transfert d’activités sans créations d’emploi, contre seulement 23 % qui correspondent à des créations simples.
L’amendement no 337 a pour but de nous assurer qu’un contribuable qui s’implante dans une zone franche urbaine crée de l’emploi. C’est l’enjeu essentiel de la politique conduite par le Gouvernement et nous devons, à chaque fois que nous en avons l’occasion, le réaffirmer de façon claire par le biais de dispositions législatives. Je maintiens ces deux amendements.
L’amendement no 333 n’est pas adopté.
L’amendement no 337 de M. Christophe Léonard a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Cette mesure restreint le champ d’application du dispositif d’exonération et à ce titre, elle pourrait avoir les faveurs du secrétaire d’État au budget. Néanmoins, l’enjeu est de développer l’emploi et je vous indique que nous examinerons dans quelques instants l’amendement no 531 deuxième rectification du Gouvernement, qui vise à rétablir une clause d’embauche qui impose que l’exonération fiscale soit subordonnée à l’obligation d’une proportion de 50 % de salariés résidant dans la zone franche urbaine.
Cet amendement répond, au moins en partie, à votre préoccupation. Je vous suggère donc de retirer cet amendement au profit de celui du Gouvernement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Il est toujours compliqué d’examiner les amendements les uns après les autres alors qu’ils ont une cohérence. Lorsque je me suis exprimé dans la discussion générale, j’ai proposé de revenir à l’esprit initial des zones franches urbaines en consentant des exonérations pour les bénéfices de 61 000 euros et non plus de 100 000 euros. J’ai constaté avec satisfaction que l’article 22 ramène le montant du bénéfice exonéré à 50 000 euros. Mais en compensation, si j’ose dire, je voulais doper la création d’emplois et c’est pourquoi, dans l’amendement no 343 , qui va vous être présenté tout à l’heure, je propose de porter le bonus de création d’emploi de 5 000 à 7 000 euros.
J’ai bien entendu les arguments de M. le secrétaire d’État. Je retire donc l’amendement no 337 au profit de celui du Gouvernement, mais j’appelle toutefois son attention sur l’amendement no 343 à venir.
L’amendement no 337 est retiré.
Nous proposons par cet amendement une modulation des exonérations d’impôt pour les entreprises implantées en zone franche urbaine en fonction du nombre de salariés. Le dispositif applicable dans les zones franches urbaines semble conserver sa pertinence et il est prolongé jusqu’en 2020, mais la durée des exonérations a été diminuée.
Il nous semble que ce dispositif pourrait être plus juste, plus efficient, si le montant des exonérations était modulé en fonction du nombre de salariés au sein de l’entreprise. En effet, la réduction de l’exonération peut être adaptée pour certaines petites entreprises, mais le dispositif risque d’être moins attractif pour les grandes entreprises. À l’inverse, il pourrait constituer une aubaine pour les très petites entreprises de deux ou trois salariés.
L’amendement que je vous propose tend à maintenir un montant de 100 000 euros d’exonération pour les entreprises de plus de dix salariés, mais de l’abaisser à 50 000 euros pour une entreprise de cinq à dix salariés, à 25 000 euros pour une entreprise de moins de cinq salariés, et à 10 000 euros pour une entreprise qui n’a pas de salarié.
Avis défavorable. Compte tenu de la distribution des entreprises implantées en ZFU, dont la taille moyenne est de cinq salariés, il est probable que votre amendement conduirait à une diminution des exonérations pour un certain nombre d’entre elles. C’est la raison pour laquelle la commission n’a pas donné un avis favorable à votre amendement.
On peut comprendre la logique de l’amendement, favoriser la création d’emplois, mais nous constatons que les zones franches abritent beaucoup de micro-entreprises d’un ou deux salariés, la plupart d’entre elles ayant été créées par des habitants de ces territoires. Il serait contre-productif de minorer les exonérations pour les habitants qui créent leur propre entreprise, souvent un petit commerce. Il serait paradoxal qu’ils soient moins exonérés que quelqu’un qui viendrait de l’extérieur, pour créer une entreprise de cinq salariés par exemple. Il faut aider l’implantation d’entreprises, mais aussi soutenir la création d’activités. Le fait de dire à quelqu’un qui crée son entreprise ou son commerce, même s’il n’a aucun salarié, qu’il sera aidé est un avantage réaliste dans ces territoires. Nous devons donc favoriser cette création d’activités qui est aussi une façon de lutter contre le chômage dans ces quartiers.
Je comprends parfaitement ce que vient d’expliquer M. Pupponi concernant les très petites entreprises, mais il a à l’esprit celles qui sont à la peine. Je pense pour ma part à des entreprises qui sont extrêmement profitables, les professions libérales par exemple, pour qui cette mesure constitue une aubaine extraordinaire.
À l’inverse, l’amendement vise à renforcer le soutien aux entreprises de plus de dix salariés. Car aujourd’hui, du fait du plafonnement, plus une entreprise a de salariés, moins le soutien de l’État est utile.
L’amendement no 303 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Léonard, pour soutenir l’amendement no 343 .
J’ai déjà en partie défendu cet amendement, qui est lié à l’abaissement de 100 000 à 50 000 euros du bénéfice exonéré et qui, parallèlement, incite à la création d’emplois en remontant le bonus par emploi créé de 5 000 à 7 000 euros tel qu’il est prévu dans l’article instaurant les zones franches urbaines. Cet amendement est en parfaite adéquation avec l’amendement no 531 deuxième rectification du Gouvernement qui dispose que 50 % des salariés embauchés doivent être issus de la zone franche urbaine.
L’amendement que je vous propose permettra de créer davantage d’emplois et celui du Gouvernement fera en sorte que ces emplois créés soient, pour la moitié d’entre eux, occupés par des salariés vivant dans la zone franche urbaine. Nous atteindrons ainsi parfaitement l’objectif du dispositif, qui est de créer des emplois dans ces zones en difficulté.
À titre personnel, j’émets un avis de sagesse sur cet amendement qui a été examiné en commission au titre de l’article 88 du règlement et a recueilli un avis défavorable.
Je ne suis pas sûr que le fait de porter le bonus de 5 000 à 7 000 euros changera considérablement la donne, mais cela augmentera forcément le coût du dispositif. Je ne suis pas sûr que cela améliorera fondamentalement le caractère incitatif du bonus.
Le Gouvernement, lorsqu’il a fixé ce bonus à 5 000 euros, s’est appuyé sur un rapport du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, qui préconisait un resserrement du dispositif, d’où l’abaissement du plafond à 50 000 euros, et estimait le montant de l’aide à 5 000 euros.
Ce que vous proposez représente une majoration de 40 % du coût du dispositif, ce qui, même s’il est resserré, me semble trop élevé. Le Gouvernement reste donc défavorable à cet amendement.
L’amendement no 343 n’est pas adopté.
Lors du démarrage du dispositif, la clause d’embauche locale imposait que 30 % des personnes embauchées résident en zone franche. En 2012, nous sommes passés à 50 %. Lorsque nous avons préparé notre rapport d’information, mon collègue Michel Sordi et moi-même, les chefs d’entreprise, compte tenu de la pauvreté de leur carnet de commandes, nous ont demandé de revenir à 30 %. C’est la proposition que je fais au Gouvernement.
Cet amendement, que j’ai évoqué tout à l’heure, tend à conditionner le bénéfice des aides au fait que 50 % des salariés embauchés résident dans la zone considérée. Tout le monde comprend l’intérêt de cette disposition.
L’amendement présenté par M. Jibrayel fixe ce seuil à 33 %. Il faut bien fixer un seuil. Il me semble que celui de 50 % n’est pas trop contraignant et est de nature à garantir l’efficience du dispositif pour l’emploi des résidents à l’intérieur des zones franches urbaines. Le Gouvernement propose donc à M. Jibrayel de retirer son amendement au profit de l’amendement no 531 deuxième rectification.
La commission a reconnu la nécessité de maintenir les exonérations sociales au-delà du 31 décembre 2014, car ne pas le faire reviendrait à interdire les clauses d’embauche locale, mais elle a préféré retenir l’amendement de la commission des affaires économiques en s’appuyant sur un rapport du CESE et sur celui de M. Jibrayel.
Pour savoir si le seuil le plus approprié est de 30 ou de 50 %, notre commission s’est inspirée de ces deux rapports, en particulier des travaux de la commission des affaires économiques. Elle émet donc un avis favorable à l’amendement no 121 mais un avis défavorable à l’amendement no 531 deuxième rectification.
Nous souhaitons maintenir et promouvoir les zones franches, mais si nous ne prenons pas en considération les difficultés des chefs d’entreprise, le processus ne fonctionnera pas.
Lorsque nous avons établi notre rapport, les chefs d’entreprise nous ont indiqué qu’ils se trouvaient dans une situation difficile due au fait que leurs carnets de commandes ne sont pas remplis. La clause d’embauche locale fixée à 50 %, que propose le secrétaire d’État, ne correspond pas à un objectif susceptible d’être atteint et n’est pas acceptable. Je maintiens donc mon amendement qui fixe ce seuil à 30 %.
Il est dommage que Mme Linkenheld et M. Goldberg ne soient pas présents car ils avaient déposé un amendement dans lequel ils proposent une solution intermédiaire. Le seuil de 50 % pose un problème dans les zones franches qui n’ont pas une forte population et où il est donc difficile de parvenir à ce seuil. Dans ces cas-là, le dispositif ne fonctionne pas. Dans les zones urbaines plus denses, là où le nombre d’habitants est suffisant, il est tout à fait possible de passer à 50 %. Nos collègues proposaient d’adapter le dispositif en portant le seuil à 30 % là où il n’y a pas suffisamment d’habitants et à 50 % là où il y en a trop. Mais la commission des affaires économiques a proposé 30 % et c’est ce seuil que nous maintenons.
Le dispositif est prolongé et il est recentré. Nous ne souhaitons pas trop de dispositifs anti-abus, mais nous souhaitons quand même, parce que c’est un dispositif important, que ce soit bien la population de ces zones franches urbaines qui soit employée par les entreprises de ces zones. Ou alors, on aurait affaire à une localisation factice d’entreprises installées à l’extérieur, qui embauchent des gens de l’extérieur et ne s’implantent en zone franche urbaine que pour bénéficier d’aides à l’embauche ou d’exonérations diverses et variées. Je maintiens que le seuil de 33 % me semble trop faible. Je suis donc défavorable à l’amendement qui a été soutenu par la commission des affaires économiques, et je suis bien entendu favorable à l’amendement que j’ai présenté tout à l’heure.
Je salue l’amendement du Gouvernement. Comme j’ai eu l’occasion de le dire tout à l’heure, dans certaines zones franches urbaines nous constatons des effets d’aubaine massifs, en particulier en ce qui concerne un certain nombre de professions libérales. Certaines créations d’entreprise ne sont, en fait, que des boîtes aux lettres fiscales. J’ai proposé tout à l’heure de conditionner l’éligibilité aux exonérations d’impôt applicables dans les zones franches urbaines à l’obligation de créer un emploi. Cela m’a été refusé. J’ai proposé que lorsque l’activité de l’entreprise est exercée en partie en dehors de la zone franche urbaine, l’exonération ne s’applique que si au moins un tiers du chiffre d’affaires est réalisé auprès de clients situés dans cette zone. Cela m’a également été refusé. J’ai accepté de retirer mon amendement no 337 au profit de l’amendement présenté par le Gouvernement, parce que celui-ci ajoute, et ceci me paraît raisonnable, une autre condition d’éligibilité : qu’au moins 50 % des personnes embauchées suite à l’implantation de l’entreprise dans la zone franche urbaine soient des personnes qui y résident.
L’objectif des zones franches urbaines, ce n’est pas de permettre à des entreprises de bénéficier d’aubaines fiscales. C’est de créer de l’emploi dans ces zones, et que les personnes qui y habitent en profitent. Et pour rebondir sur ce que disait François Pupponi, la plupart du temps, les zones franches urbaines sont situées dans la partie la plus urbanisée des villes concernées. Il y a donc forcément matière à y créer des emplois. C’est aussi dans ces zones-là que les taux de chômage sont le plus élevés. Cela me semble donc un minimum que de demander que 50 % des embauches s’adressent à des personnes qui habitent ces secteurs en grande souffrance économique et sociale.
Dans notre rapport, Michel Sordi et moi-même rappelons que toutes les professions libérales n’exerçant pas dans une zone franche doivent sortir du dispositif : c’est bien ce que prévoit notre amendement, qui évite tous les effets d’aubaine. Le tour de France que mon collègue Michel Sordi et moi-même avons fait a démontré que, compte tenu de la situation actuelle, les chefs d’entreprise ne peuvent pas s’aligner sur une clause d’embauche locale de 50 %. J’entends bien les propositions de mon collègue Léonard, mais tout ce qui était néfaste, tels les effets d’aubaine et les fausses boîtes aux lettres, notre amendement permet de l’éviter. Nous avons en outre été confortés par le rapport du Conseil économique, social et environnemental. Je maintiens donc la proposition de fixer le seuil à 33 %.
Vive les boîtes aux lettres !
Je demande une suspension de séance, madame la présidente.
La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quinze.
La séance est reprise.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 122 .
Le présent amendement vise à prolonger les exonérations d’impôts locaux dans les ZFU, en s’alignant, par une sorte de parallélisme des formes, sur les exonérations d’impôt sur les sociétés ou sur les revenus déjà prévues par le présent article. Les communes concernées auraient toutefois la possibilité de ne pas accepter ces exonérations qui se traduisent par une perte de recettes fiscales.
Cet amendement vise à proroger jusqu’en 2020 les exonérations de fiscalité locale dans les ZFU, qui viennent à leur terme au 31 décembre 2014, de même que les exonérations d’impôt sur les bénéfices. Pour mémoire, le coût de ces exonérations a beaucoup diminué au cours des dernières années, puisque la dépense fiscale au titre de la taxe foncière est estimée à 3 millions d’euros en 2014, contre 5 millions d’euros en 2012. Au titre de la contribution économique territoriale – la CET –, elle s’élève à 10 millions d’euros.
L’amendement no 460 rectifié portant article additionnel après l’article 22 vise à instaurer un autre dispositif d’exonération de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises – la CFE –, qui serait applicable entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2020 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et non dans les seules ZFU. Ces exonérations concernent les activités commerciales exercées par les entreprises comptant moins de dix salariés. Le dispositif est donc plus ciblé que celui que vous proposez. Sans présager de l’avis du Gouvernement, je vous suggère de retirer le présent amendement, au profit de l’amendement no 460 rectifié . À défaut, avis défavorable.
Le Gouvernement partage l’analyse de la rapporteure générale. Comme elle l’a présagé, je suggère que les auteurs de cet amendement se rallient à no 460 rectifié, que j’avais d’ailleurs évoqué à l’occasion de l’examen d’un autre amendement, tout à l’heure. À défaut, avis défavorable.
J’ai bien entendu les arguments de la rapporteure générale et du secrétaire d’État. Il s’agit effectivement d’un choix : soit on exonère de fiscalité locale l’ensemble des entreprises situées dans les zones franches urbaines, soit on essaie de cibler ces exonérations sur les commerces employant moins de dix salariés dans l’ensemble des quartiers de la politique de la ville – les QPV –, ce qui permettrait d’élargir le champ d’application. Je retire à la fois l’amendement no 122 et l’amendement no 123 , qui allait dans le même sens que l’amendement no 460 rectifié , mais était moins précis et solide sur le plan juridique.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 124 .
Actuellement, des exonérations de cotisations sociales sont consenties aux entreprises installées en ZFU qui embauchent des salariés. À compter de l’année prochaine, les entrepreneurs des ZFU bénéficieront des exonérations de droit commun, lesquelles seront d’ailleurs plus favorables que celles qui étaient prévues par le dispositif des zones franches.
Néanmoins, il a été proposé en commission, notamment par Mme Linkenheld, de favoriser encore plus l’embauche de jeunes diplômés de ces quartiers en instaurant des exonérations pour les salaires supérieurs à 1,6 fois le SMIC. Le présent amendement vise quant à lui à limiter ces exonérations jusqu’à 1,6 SMIC, tout en permettant aux personnes gagnant jusqu’à 2,5 SMIC d’en profiter. Il faudra peut-être le réécrire d’ici à la prochaine lecture, mais telle est l’idée : encourager l’embauche des jeunes diplômés dans les ZFU.
Dans un souci de rationalisation et d’efficacité de la dépense, le Gouvernement ne souhaite pas rétablir une exonération patronale spécifique pour les ZFU. Les employeurs des ZFU bénéficieront pleinement du pacte de responsabilité et de solidarité. Ainsi, ils tireront bénéfice de l’allégement général de cotisations patronales, qui a été renforcé, et de la réduction des cotisations famille de 1,8 point pour les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC.
Le pacte de responsabilité et le CICE répondent déjà à l’objectif poursuivi par votre amendement. Le coût du dispositif est élevé – 118 millions d’euros pour l’année 2013 –, comme l’ont montré différents rapports d’évaluation, dont celui du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Nous allons retirer cet amendement, mais il s’agissait, en quelque sorte, d’un amendement d’appel. C’est tout le problème lorsque l’on adopte des amendements portant sur une exonération sociale : on ignore le coût réel de la mesure, puisqu’on ne connaît pas le nombre de salariés susceptibles d’en bénéficier. La commission des affaires économiques souhaitait donc élaborer un dispositif permettant de réserver les exonérations possibles à certains emplois dans les territoires concernés, de manière à maîtriser la dépense fiscale et éviter les dérapages.
Je retire cet amendement mais souhaite que l’on puisse discuter de nouveau, à l’avenir, de ce sujet. Il faudrait par exemple, comme dans le dispositif des emplois francs, déterminer un nombre d’emplois auquel la mesure serait applicable, afin d’en maîtriser complètement le coût.
L’amendement no 124 est retiré.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 461 .
Cet amendement ne devrait pas trop contrarier M. le secrétaire d’État, car il ne coûte rien ! Il vise à changer le nom du dispositif : les zones franches urbaines deviendraient « zones franches urbaines – territoires entrepreneurs ».
Sourires.
Cette mesure, quoique symbolique, traduira la volonté du législateur d’affirmer qu’il s’agit bien de territoires d’entrepreneurs et de création d’activité : ce non pas seulement des zones franches urbaines permettant de bénéficier d’exonération d’impôts.
Cet amendement a été repoussé par la commission, mais, comme il s’agit d’une modification purement sémantique, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Je tiens à rassurer M. Pupponi : le Gouvernement n’est pas contrarié par les amendements, même lorsqu’ils sont adoptés contre son avis, au seul motif qu’ils sont coûteux ! L’objectif poursuivi est de recentrer le dispositif et de donner une autre image. En effet, on a beau dire que les effets d’aubaine ont disparu, certains ont cité – mais je ne l’ai pas fait – des professions qui en bénéficieraient de façon relativement indue. Un changement de nom peut donc contribuer à une réhabilitation du dispositif. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée sur ce sujet. Si l’acronyme est peut-être difficilement prononçable, la notion de « territoires entrepreneurs » donne une image positive. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée, tout en marquant sa bienveillance.
L’amendement no 461 est adopté.
L’article 22, amendé, est adopté.
Je suis saisie d’un amendement, no 460 rectifié , portant article additionnel après l’article 22.
La parole est à M. François Pupponi, pour le soutenir.
Je l’ai déjà défendu tout à l’heure. Il vise à élargir le champ d’application des exonérations de fiscalité aux commerces de proximité situés dans l’ensemble des 1 300 QPV, ce qui permet d’envoyer un message aux territoires qui sont situés en dehors des zones franches urbaines.
La commission a repoussé cet amendement, mais nous ne disposions pas du chiffrage lors de son examen. Pour les raisons évoquées précédemment, j’émets un avis favorable.
Nous avons évoqué ce sujet à plusieurs reprises, et j’ai dit que le Gouvernement soutiendrait cet amendement. Avis favorable et, s’il est adopté, le Gouvernement lève le gage.
L’amendement no 460 rectifié , modifié par la suppression du gage, est adopté.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, orateur inscrit sur l’article 23.
Cet article est important, car il prévoit d’augmenter le crédit d’impôt destiné à soutenir la production phonographique, pour un coût très modeste, puisqu’il passera de 11 millions d’euros à 13 millions d’euros. Il vise à soutenir les petits labels francophones, puisqu’il est essentiellement destiné aux PME, la réduction d’impôt étant plus faible pour les grandes entreprises. Dans ce domaine, comme dans tous les champs de la culture, nous avons besoin d’action publique. C’est elle qui a permis de maintenir un réseau de libraires et de soutenir le cinéma en France, alors qu’il s’est effondré partout en Europe. Il faut donc voter cet article 23, d’autant que le coût de la mesure n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de nos déficits.
Enfin, parce que l’art est le ciment le plus fondamental d’une société, il est encore plus indispensable en temps de crise. On dit que, lorsque le chancelier de l’Échiquier britannique demanda au Premier ministre Winston Churchill de réduire le budget de la culture pour financer l’effort de guerre, celui-ci répondit : « Mais alors, pourquoi nous battons-nous ? » La culture, c’est fondamental.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Après le festival d’exonérations défendu par notre cher collègue – c’est le cas de le dire ! – M. Pupponi, je propose à M. le secrétaire d’État de se refaire, par cet amendement, une toute petite santé budgétaire.
Il s’agit, dans cet article, d’un crédit d’impôt pour la production phonographique, qui a été créé en 2006 à la suite de l’adoption d’un amendement présenté par un député tout aussi efficace que M. Pupponi, Patrice Martin-Lalande. Celui-ci a ainsi créé différentes niches fiscales dans le domaine culturel tout au long des précédentes législatures : niche fiscale sur les jeux vidéos, sur la production phonographique, ou encore sur le cinéma.
Ces niches ont ensuite prospéré, alors même qu’on nous a toujours dit qu’elles ne coûteraient presque rien – 1 million d’euros, par exemple – et que le montant n’évoluerait pas. Or, cela représente maintenant 10, 20, 30 ou 40 millions d’euros.
En 2012, on a lancé une mission d’évaluation des dépenses fiscales, car il est de notre rôle de contrôler l’utilisation de l’argent public. Or, cette mission, confiée à l’Inspection générale des finances, a attribué à cette niche fiscale la note de zéro pointé ! Il suffit d’ailleurs de lire l’excellent rapport de notre rapporteure générale pour avoir les plus grands doutes sur l’efficacité de cette niche fiscale.
Or on nous propose, en particulier, d’augmenter le plafond de dépenses de 800 000 euros à 1,1 million d’euros. Qui plus est, ce sont principalement les trois majors qui en profiteront. À raison de 300 000 euros pour chacune d’entre elles, cela représente automatiquement une dépense fiscale supplémentaire de 900 000 euros.
Le Gouvernement nous dit que le coût supplémentaire de la prorogation et de l’augmentation du plafond serait de 2 millions d’euros. La moitié sera donc empochée par les trois majors. En outre, cette niche fiscale a progressé ces dernières années de façon exponentielle : 2, 4, puis 6 millions.
C’est un simple calcul arithmétique.
Bref, cela ne me paraît pas raisonnable. À quoi sert-il de confier des missions d’évaluation et de contrôle à des corps d’inspection, qui attribuent la note de zéro à ces niches, et de continuer malgré tout à les faire prospérer ?
Cet amendement, monsieur le secrétaire d’État, devrait donc vous plaire, après ceux que l’on vient d’examiner, car il vise à supprimer cet article.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 190 .
Mes chers collègues, je sais bien que quand, à gauche, on parle culture, rien n’est trop beau.
Notre collègue M. Muet même a cité Winston Chruchill, qu’on peut difficilement qualifier de gauchiste... On peut toujours s’amuser à ce type de citation.
Mais, mes chers collègues, pour ceux qui ont lu cet article 23, quel en est le contenu ? Il propose une baisse du taux applicable aux grandes entreprises, ce qui va plutôt dans la bonne direction, ainsi qu’une réduction de la durée – de trois ans, on passe à un an –, ce qui devrait contribuer à réduire le coût de la mesure.
Dans le même temps, on permet la déduction d’une partie du salaire du gérant. Le texte prévoit qu’un décret en fixera le montant, dans la limite de 50 000 euros par an. Excusez du peu ! Cela représente, pour ceux qui l’ignoreraient, plus de deux fois le salaire moyen.
Vous me direz : « Comme vous êtes ennuyeux, à la commission des finances ! Tout cela pour 2 millions d’euros ! » Mais peut-on vraiment, dans la situation actuelle, adopter de pareilles dispositions ? Qui plus est, l’évaluation du dispositif montre que son résultat est catastrophique. Ce n’est pas moi qui le dit : dans le rapport de la rapporteure générale, on lit que ce crédit d’impôt a reçu un zéro pointé.
De deux choses l’une : soit nous avons foi dans ces évaluations, et nous en tirons les conséquences en adoptant ces amendements de suppression, soit nous continuons bien gentiment – et en chantant – d’aller vers le gouffre. Vous me direz que ce n’est pas avec une telle disposition que nous redresserons le budget de l’État. Certes, mais à un moment, il faut arrêter !
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements de suppression ?
Je ne peux être favorable à un amendement qui vise supprimer un article du projet de loi déposé par le Gouvernement.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 400 rectifié .
Sourires.
…circonscrire l’éligibilité des rémunérations des dirigeants aux plus petites entreprises. En effet, quand on regarde la répartition des entreprises entre les majors, d’une part, et les plus petites entreprises, d’autre part, on constate que l’utilisation de ce crédit d’impôt profitera surtout aux premières.
L’amendement no 400 rectifié est adopté.
L’article 23, amendé, est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 24.
La parole est d’abord à M. Pascal Cherki.
Je voudrais saluer la présence du secrétaire d’État chargé des sports dans l’hémicycle. Je le fais d’autant plus volontiers qu’étant lyonnais il a passé un très mauvais week-end, compte tenu de la victoire, pour la première fois depuis vingt ans, de l’AS-Saint-Étienne sur l’Olympique lyonnais par trois buts à zéro, au stade Geoffroy Guichard.
Sourires.
Cela étant dit, j’en reviens à l’article 24, qui nous a beaucoup occupés et a occasionné de multiples débats, au sein de la commission des finances comme en dehors de l’Assemblée nationale. Il vise à exonérer de toute contribution fiscale ou sociale l’ensemble des compétitions internationales se déroulant sur le territoire national. Il s’agit, non pas uniquement du championnat d’Europe de football – l’Euro 2016 –, mais de bien d’autres manifestations sportives.
Nous sommes, il est vrai, confrontés à une difficulté : la parole de la France a été engagée, concernant l’Euro 2016, de manière un peu cavalière, ce qui pose problème. Le même problème se pose d’ailleurs pour toute une série d’autres compétitions, puisque la France accueillera, entre autres, le championnat du monde de cyclisme sur piste, prévu en 2015, le championnat d’Europe de badminton par équipe mixte, qui doit se dérouler en 2020, sans oublier le championnat du monde de hockey sur glace, le championnat du monde de handball masculin, ou encore, dans la même discipline, le championnat d’Europe féminin.
Quels sont les problèmes soulevés par cette situation ? Pour être candidat à l’organisation de ces compétitions, il nous faut accepter leurs cahiers des charges, qui prévoient l’exonération de tout impôt ou cotisation sociale.
Cela nous choque d’autant plus que notre majorité se bat, à l’Assemblée nationale, pour lutter contre tous les mécanismes d’optimisation fiscale et que, au niveau européen, nous voulons porter le fer contre ces abus.
Comment pouvons-nous régler le problème ? Nous avons déposé plusieurs amendements – l’un d’entre eux a été adopté par la commission des finances. J’avais, pour ma part, déposé un amendement de suppression de l’article. Quoi qu’il en soit, il faut que le Gouvernement sorte par le haut de cette situation.
Il faut que nous parvenions à sécuriser l’organisation des compétitions pour lesquels notre pays s’est engagé, afin, notamment, de ne pas pénaliser le mouvement sportif en raison de décisions prises, avec son aval, par la précédente majorité.
Il nous faut aussi trouver une solution pour que, à l’avenir, nous ne soyons plus victimes de cette mise en concurrence entre pays et que le moins-disant fiscal et social ne constitue plus une des conditions à remplir pour que la France puisse continuer à organiser des compétitions sportives internationales. J’attends donc beaucoup de la réponse du Gouvernement, en fonction de laquelle je déciderai de maintenir ou non mes amendements.
Je m’exprime en tant que rapporteur spécial en charge des crédits du sport. Vous ne serez pas étonnés, dans la mesure où nous avons déjà eu le débat en commission des finances, que je soutienne cet article 24, que le Gouvernement proposera d’ailleurs d’amender.
La France a fait le choix stratégique et politique d’attirer et d’organiser sur son sol de grands événements sportifs. C’est une bonne chose. On parle beaucoup de l’Euro 2016 de football, et parfois de la Ryder Cup, mais il faut savoir qu’une dizaine d’autres grands événements sportifs s’y dérouleront entre 2015 et 2020.
Pascal Cherki vient de l’évoquer : de multiples disciplines sportives sont concernées, qu’il s’agisse du hockey sur glace, de la lutte, du badminton, du cross-country, du basket-ball et du handball. Or les fédérations chargées de l’organisation et de la pratique de ces différentes disciplines sportives ne sont pas les plus favorisées sur le plan financier.
Cela signifie que le savoir-faire français en matière d’organisation de grands événements sportifs fait l’objet d’une reconnaissance de la part des instances internationales du sport. Ce savoir-faire est celui de tous les acteurs de notre pays : les institutions publiques, les partenaires économiques et les bénévoles associatifs.
Ces événements ont un rayonnement international. Ils ont aussi des retombées économiques sur notre territoire et créent des emplois. Ils suscitent également – on l’a vu avec la coupe Davis – un véritable engouement populaire, une mobilisation de tous les Français.
Sourires sur certains bancs du groupe SRC.
Ces événements permettent également, en amont, pendant et après, de mettre en valeur nos bénévoles, mais aussi d’augmenter le nombre de licenciés auprès des fédérations sportives concernées. Ces grands rendez-vous favorisent donc également le sport pour tous.
Je rappelle que l’article 24 prévoit non pas une dérogation accordée de façon générale, mais un dispositif très encadré. En effet, la dérogation est réservée aux candidatures présentées par les personnes publiques auprès des instances internationales et ne concerne que les compétitions de niveau au moins égal au championnat d’Europe. Pour toutes ces raisons, je soutiens l’article 24 du PLFR.
Les grands événements sportifs sont effectivement importants pour notre pays. On parle de l’Euro 2016 mais, comme mes collègues l’ont rappelé, de multiples disciplines sportives sont également concernées par cet article 24. Je me bornerais à évoquer le championnat d’Europe de basket-ball en 2015 et les championnats du monde de handball masculin en 2017 et féminin en 2018 – mais la France sera amenée à accueillir bien d’autres compétitions.
Ces événements sont importants car ils ont un impact sur l’image autant que sur le rayonnement de notre pays sur la scène internationale. Ils sont également bénéfiques pour notre économie, que ce soit en termes d’infrastructures ou de création d’emplois. Ils participent, de plus, au développement de la pratique sportive, comme l’ont montré la coupe du monde de rugby, organisée en France en 2007, ou la coupe du monde de rugby féminin, que notre pays a accueillie cet été.
Les grands événements sportifs se révèlent également importants pour la cohésion de nos territoires tout autant que pour celle de notre société. Ils ont également un impact positif sur les fédérations sportives, sur le mouvement sportif amateur ainsi que sur le sport pour personnes handicapées.
Que la France puisse accorder, comme d’autres pays européens, des dérogations fiscales dans le cadre de l’organisation de ces événements, me paraît donc une bonne chose.
Je le rappelle, ces décisions ont fait l’objet d’engagements pris par le gouvernement en place lors de la précédente législature. Le Gouvernement d’aujourd’hui se propose d’étendre le bénéfice de ces dérogations à l’ensemble des disciplines sportives concernées. Je me félicite de la transparence de sa démarche, car c’est la première fois que nous avons un débat sur ces dérogations fiscales à l’Assemblée nationale. Je me réjouis par ailleurs de l’élargissement du dispositif à toutes les disciplines. Je me réjouis également du fait que ce débat soit enfin lancé au niveau européen par le Gouvernement, parce que cette question doit se traiter à ce niveau, notamment afin que tous les pays puissent adopter une approche commune de cette question.
Mes chers collègues, cet article pose trois questions importantes, auxquelles il nous faut répondre. Pour le reste, n’instrumentalisons pas ce texte et ne nous égarons pas dans des débats qui n’ont rien à voir avec lui.
Première question : la France a-t-elle vocation à accueillir des manifestations sportives de niveau international ? Peut-elle et doit-elle le faire ?
Pour le groupe SRC, la réponse est oui.
Deuxième question : la parole de la France, qui a été engagée, doit-elle être tenue ?
La réponse est également oui.
La troisième question, déjà posée par d’autres orateurs, et à laquelle nous aurons l’occasion de revenir lors de l’examen des amendements, est la suivante : est-il nécessaire d’avoir un cadre de discussion plus large, une régulation internationale, avec les fédérations sportives internationales ? Faut-il, par exemple, bâtir ce cadre à l’échelle de l’OCDE ? A-t-on la possibilité de résoudre ce problème rapidement au niveau européen ? La réponse est également oui.
Je souhaite, sur ce sujet, que nous en restions à ces trois questions plutôt que de nous égarer, comme nous avons pu le faire lors de l’examen du projet de loi en commission des finances, dans des débats qui n’ont rien à voir.
N’en faisant pas partie, je n’ai pas pu participer à la réunion de la commission des finances au cours de laquelle a été examiné le projet de finances rectificative pour 2014, mais j’ai su que les débats y avaient été sérieux et approfondis.
Cet article m’amène à considérer qu’il est nécessaire de faire preuve d’une certaine hauteur de vue. À cet égard, il me semble important de renforcer quelques principes, parmi lesquels le civisme et le consentement à l’impôt. Je me suis exprimé, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, sur ce dernier thème, que je considère comme particulièrement important en ces temps de crise économique, sociale et morale – il suffit, pour s’en convaincre, de rencontrer nos concitoyens.
Payer l’impôt fixé par la loi est un devoir. Quand une entreprise fait des bénéfices, elle doit payer des impôts.
J’aime voir de belles compétitions sportives. Mais je voudrais vous rendre attentifs à une réalité du domaine sportif. Notre pays vient d’accueillir une très belle compétition de tennis, la coupe Davis. J’ai interrogé interrogé à ce propos les habitants de ma circonscription et de ma commune. Eh bien, savez-vous ce qu’ils m’ont dit ? Au-delà de la défaite de notre équipe, qui les a peinés et attristés, ils m’ont parlé des primes très élevées accordées aux joueurs et du fait que notre équipe nationale se compose de citoyens installés en Suisse.
Cela nous ramène à un devoir qui est, mes chers collègues, de ramener le sport de très haut niveau sur terre, et de remettre à l’honneur le sens républicain, ainsi que l’appartenance à une patrie.
J’apporterai plus de précisions quand je défendrai l’amendement de suppression que je présente avec une dizaine de mes collègues.
Applaudissements sur certains bancs des groupes SRC et UDI et sur les bancs du groupe écologiste.
Ce n’est pas simplement un sujet franco-français. La question qui nous est directement posée est de savoir si nous souhaitons créer les conditions nécessaires pour organiser de grands événements sportifs internationaux. Ensuite, sommes-nous prêts à faire un effort fiscal, un effort d’équipement aussi parce que, lorsque l’on accueille l’Euro, par exemple, un certain nombre de collectivités doivent faire des investissements, qui seront utiles par la suite ?
Faut-il aider le sport de haut niveau ? C’est une question que se posent aussi ceux qui siègent dans les collectivités. Si nous voulons que les jeunes soient fiers de pratiquer un sport, ils doivent avoir des images emblématiques.
La question que vous posez est légitime mais je souhaite, et, pour une fois, je serai d’accord avec le Président de la République, que la France ne renonce pas à accueillir de grandes manifestations sportives…
…au nom d’une éthique, que je comprends par ailleurs, en refusant d’accorder une exonération au moment où le peuple est appelé à faire des efforts.
La question doit être posée dans les fédérations internationales. Faut-il que le sport soit exonéré ? Peut-on changer les règles du jeu lorsque l’on accueille de grandes manifestations sportives ? Franchement, nous qui sommes une grande nation sportive – j’ai d’ailleurs écouté ce qu’a dit le comité national olympique et sportif français sur cette disposition –, allons-nous nous priver, au nom d’une forme d’éthique supérieure, d’accueillir des manifestations qui vont concourir à la notoriété de notre pays et, d’une certaine manière, à la fierté nationale ?
Je suis d’accord avec M. de Courson et d’autres pour dire qu’il faut faire de sérieuses économies,…
…qu’il est juste de participer à l’effort collectif, mais, de grâce, n’entachons pas une règle simple, le fait que nous contribuons ainsi à l’attractivité d’un grand pays, d’une grande nation sportive.
Je pense aussi à tous les bénévoles qui se désespéreraient de voir que nous ne créons pas les conditions nécessaires pour accueillir tous les grands sportifs sur notre terre nationale.
Nous avons un vrai débat ce soir. La question est la suivante : jusqu’à quel point la France peut-elle accepter de céder à un chantage à l’impôt ?
M. Sauvadet l’a expliqué, c’est une question d’ordre international. Si nous ne disons pas oui, si nous ne cédons pas à ce chantage, nous ne pourrons pas accueillir les grandes compétitions internationales. C’est un vrai problème.
Ce n’est pas un problème éthique ; il s’agit du respect de notre propre Constitution, selon laquelle, M. Laurent l’a rappelé, c’est un devoir citoyen que d’accepter de se soumettre à l’impôt, que l’on soit une personne physique ou une personne morale, sur le territoire français.
Pour répondre aux questions qu’a posées M. Lefebvre, la France doit-elle respecter sa parole ? Oui, évidemment, mais on peut se demander comment elle a pu donner sa parole il y a quatre ans que l’UEFA n’aurait pas à payer d’impôts pour la coupe d’Europe de football. La réponse donnée par notre rapporteure générale en commission des finances me paraît la bonne, et j’espère que nous la suivrons de nouveau dans l’hémicycle : il s’agit, certes, de respecter la parole de la France, mais celle-ci concerne exclusivement la coupe d’Europe de football et aucune autre manifestation.
La France a-t-elle vocation à accueillir des compétitions sportives internationales ? Oui et c’est d’ailleurs un si grand pays qu’elle a vocation à accueillir également des compétitions culturelles ou scientifiques internationales. Vous n’êtes pas d’accord, monsieur Sauvadet ?
Si nous nous mettons d’accord sur une exonération fiscale pour toutes les compétitions sportives, je vous inviterai tous, par respect du principe d’égalité devant l’impôt, à exonérer l’ensemble des compétitions culturelles et scientifiques qui souhaiteraient se tenir dans notre pays.
Mes chers collègues, l’article 24 pose de nombreuses questions.
D’abord, on nous demande de régulariser un accord donné par deux ministres sous forme de lettre. Dans ce domaine, ce n’est pas le Président de la République qui peut écrire quoi que ce soit, c’est le ministre des finances. Il y a deux lettres, de deux ministres des finances, qui ont accepté une exonération. Ces deux ministres n’étaient pas de vos rangs, mesdames, messieurs de la majorité. Ce n’est pas un problème de tel ou tel bord : par principe, cela me choque. Cela aurait dû faire l’objet d’un article de loi de finances ou d’un amendement du Gouvernement.
Comme je suis peut-être l’un des derniers démocrates de cet hémicycle (Exclamations sur divers bancs)…
Si vous votez cet article, cela signifie que vous acceptez que des ministres donnent des largesses sans même en avoir parlé au Parlement. Excusez-moi de rappeler quelques bases, à commencer par l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui fait partie de notre bloc constitutionnel : le consentement à l’impôt ne peut être le fait que des représentants du peuple et non pas des ministres.
Ensuite, quel est le fondement de cette demande d’exonération ? Si nous n’accordons pas d’exonération, nous n’aurons pas un certain nombre de grandes compétitions sportives.
C’est exact, mais quel est l’intérêt d’avoir de grandes compétitions sportives ? Y a-t-il un intérêt économique ?
« Oui ! » sur plusieurs bancs.
En fait, ce n’est pas du tout rentable. On ruine les collectivités locales dans des équipements publics totalement surdimensionnés, et on contribue donc au déficit public.
Si nous étions sérieux,…
…nous demanderions une directive communautaire en expliquant que cela ne peut pas continuer ainsi, chacun se disant que, s’il refuse, la compétition aura lieu chez son voisin. Ce n’est pas possible.
Vous finirez sur cette question, monsieur de Courson.
La parole est à M. Yann Galut.
Nous avons un vrai débat de fond, et je rejoindrai sur un point M. de Courson : quand un gouvernement précédent a pris une mauvaise décision, par lettre, sans passer devant l’Assemblée nationale, souveraine sur cette question, doit-on respecter la parole de la France ?
Moi, je ne me sens pas du tout engagé par la parole de deux ministres d’un gouvernement précédent qui ne sont pas venus devant l’Assemblée nationale, là où l’on doit discuter de l’impôt, et je considère donc que nous devons revenir sur cet accord.
La France est en pointe au niveau européen et international dans la lutte contre les paradis fiscaux, l’évasion fiscale, l’optimisation fiscale et le chantage fiscal et là, une organisation domiciliée en Suisse nous oblige à lui permettre de ne pas payer d’impôts sur le territoire national comme elle l’impose à d’autres pays, en Europe et dans le reste du monde. Et nous céderions à ce chantage ? Et le Gouvernement irait encore plus loin parce qu’il en ferait un principe général ? Là, il y a un vrai problème de fond.
Au moment où nous nous battons toutes et tous, où cette majorité peut être fière du travail réalisé pour lutter contre l’optimisation fiscale et l’évasion fiscale, que l’on soit obligé par des organisations internationales – qu’elles soient sportives ou pas, d’ailleurs – de créer les conditions d’un paradis fiscal me pose un vrai problème.
Nous devons donc non seulement voter la suppression de l’article 24, qui n’engage que les deux ministres ayant pris cette initiative malheureuse il y a quelque temps,…
…mais également mener le combat au niveau européen et au niveau international. Il ne revient pas à cette majorité de valider pour l’avenir un dispositif tel que celui-ci.
Nous avons un engagement du précédent gouvernement qui date de 2010 – les conditions viennent d’être rappelées par les deux orateurs précédents. La question est simple : devons-nous en faire un cheval de Troie ? Décidons-nous que l’ensemble des compétitions nationales, européennes et internationales bénéficieront d’un régime fiscal privilégié, qui s’apparente malheureusement au tax ruling que nous critiquons tant ici et qui nous fait tant de mal ?
Nous sommes face à des organisations qui se comportent comme des multinationales, qui choisissent soigneusement le lieu de leur implantation. En l’occurrence, l’UEFA, dont le siège est situé dans le canton de Vaud, en Suisse, n’est redevable que de très faibles taxes locales – 405 euros en 2013, 365 euros en 2012, avec des bénéfices de 2 milliards. Elles négocient avec les États pour obtenir un régime de faveur et n’ont rien à envier à ces centaines de multinationales que j’évoquais précédemment, impliquées dans le Lux Leaks. Elles obtiennent déjà, d’ailleurs, de grandes faveurs puisque l’État français a accepté d’investir 1,6 milliard dans les stades pour les mettre aux normes de la compétition internationale, et quelque 400 autres millions d’euros pour diverses dépenses.
Cette mise en concurrence des territoires est devenue la règle. On a notamment vu quelles étaient les pratiques des fédérations sportives dans notre pays – je pense aux sports les plus populaires, où il y a aussi le plus d’argent, le football ou d’autres. Des territoires ont été obligés de mettre des stades aux normes pour leur permettre d’accueillir 8 000, 12 000 ou 20 000 spectateurs, selon le niveau de la compétition. Après un bref éclair sur deux ou trois saisons, les sportifs sont retombés au niveau inférieur en laissant aux territoires des équipements surdimensionnés. Voilà où conduit la compétition entre territoires.
Je voudrais corriger des propos, que j’ai entendus ce soir et qui me gênent un peu, laissant entendre que la commission des finances n’aurait pas analysé la question de manière sereine et rigoureuse.
Quatre points ont été abordés en commission des finances.
Premier point, le contexte. Avec le président Carrez, nous avons rencontré le président de la filiale française de l’UEFA qui nous a donné tous les documents dont nous avions besoin, M. Eckert également, notamment les lettres, qui sont couvertes par le secret fiscal, je le répète, mais que nous avons.
Deuxième point, la question économique, en d’autres termes le coût, à mettre en regard des retombées. Vous trouvez dans le rapport, aux pages 346 et 347, les coûts directs et indirects, les retombées directes et indirectes, sachant que, comme il y a une exonération de cotisations, les retombées directes sont assez faibles.
Troisième point, quel doit être le positionnement de la France, vu la multiplication d’un certain nombre de pratiques, par rapport au fait que de grandes organisations internationales vont faire leur marché auprès des États les plus offrants ? Nous avons eu un débat extrêmement précis, lancé notamment par M. Lamour.
Quatrième point, la question de la constitutionnalité. Nous répétons à longueur de temps en commission des finances qu’un impôt, c’est une assiette et un taux. En l’occurrence, l’assiette n’est pas très précise puisque l’on ne connaît pas tous les événements.
Je ne voudrais pas que certains croient que les débats n’auraient pas été menés de manière rigoureuse et sérieuse en commission des finances.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Je voulais simplement expliquer pourquoi j’ai cosigné l’amendement no 191 de Charles de Courson, qui vise à supprimer un régime fiscal dérogatoire en direction des organismes chargés de l’organisation de manifestations de niveau européen ou international.
Le message que je souhaite adresser à mes concitoyens, c’est que l’on ne peut pas leur demander des efforts depuis 2008, année du début de la crise financière et économique, laquelle s’enracine sur le territoire national, et, en même temps, envoyer des signes laissant penser que le gigantisme financier, qui dépasse l’entendement humain, serait exonéré de toute solidarité.
Éthiquement, cela me gêne. Compte tenu de la crise nationale, européenne et internationale, la France s’honorerait d’organiser un débat européen et international, afin de réfléchir à l’organisation d’une solidarité nouvelle.
L’amendement no 191 de Charles de Courson va dans ce sens et c’est pour cela que je l’ai cosigné. Ce gigantisme financier qui nous dépasse doit faire l’objet de la plus grande attention et de la réflexion de chacun d’entre nous.
Les députés du Front de gauche sont favorables à la suppression de l’article 24, cela ne vous surprendra pas. Je suis toutefois assez étonné par certains arguments avancés pour justifier l’exonération. Dans certaines bouches, le fait d’exonérer et de donner des avantages extrêmement importants aux fédérations internationales se transformerait presque en épopée napoléonienne. Ce serait une très grande victoire. On nous dit que cela va permettre de maintenir les retombées économiques et qu’il faut regarder les bénéfices.
Mais il est incroyable que, sous prétexte qu’il y aurait des bénéfices et des retombées économiques, il ne devrait plus y avoir de taxation.
Dans ce cas-là, partout où une richesse économique est créée, partout où il y a des entreprises, supprimons l’imposition, ce sera beaucoup plus simple !
Applaudissements sur certains bancs des groupes SRC et UDI et sur les bancs du groupe écologiste.
Le deuxième argument avancé par certains, c’est de redonner de la fierté à la France. Il faudrait aider le sport de haut niveau pour que notre peuple soit fier.
Quelle fierté y a-t-il à suivre des diktats tels que ceux-là ? La fierté, pour notre jeunesse, ce sont des efforts partagés par tout le monde, comme cela l’est demandé. Je trouve, au contraire, cette proposition indécente.
Enfin, il y a l’argument de ceux qui se disent, tout à fait sincèrement, que nous n’accueillerons plus de grandes compétitions internationales. Cela ne tient pas, parce que cela voudrait dire que la France serait isolée. Or, je pense que ce ne sera pas forcément le cas et qu’un refus, tel que celui que nous témoignons ici, peut grandir dans d’autres pays. En revanche, si nous nous laissons emporter dans le flot du moins-disant fiscal, nous ne pourrons plus en sortir.
Sourires.
…Charles de Courson et Thierry Benoit, sur cette question. Comme l’a dit très justement François Sauvadet, un engagement a été pris et il doit être respecté. Nous accueillerons donc le championnat d’Europe de football. Je rappelle simplement qu’il y a eu, à cette occasion, une surenchère entre certaines collectivités pour obtenir cette compétition, comme cela avait été le cas quelques années auparavant pour la coupe du monde. Ces compétitions internationales ont d’ailleurs permis de mettre nos stades aux normes, et je suis d’ailleurs très heureux de voir qu’un stade moderne va être réalisé à Lyon – ce n’est pas M. Braillard qui me contredira.
Sourires.
Comme le ministre le dira certainement, il suffit d’aller en Allemagne, en Italie, en Espagne ou en Angleterre pour voir que nous avons un retard considérable. Les manifestations internationales sont l’occasion de mettre aux normes un certain nombre d’équipements. Pour en revenir à la coupe d’Europe, l’engagement pris doit être respecté ; mais comme le dispose l’article 24, je pense que le principe d’exonération doit être étendu à toutes les disciplines sportives.
Je ne suis pas un spécialiste des questions sportives, mais je voudrais vous faire part d’une certaine gêne qui m’a saisi pour trois raisons. Comme l’a dit Charles de Courson, nous honorons aujourd’hui un engagement pris par le gouvernement précédent, sans l’aval du Parlement, ce qui représente en soi une difficulté. Toutefois, je suis partisan d’honorer cet engagement et donc de faire en sorte que nous ne revenions pas sur les engagements pris avec l’UEFA, même si les rétrocessions sur les bénéfices que tireront les villes seront extrêmement faibles, puisque chaque commune organisatrice recevra 2 millions d’euros de la part de l’UEFA sur des bénéfices estimés à 1 milliard d’euros.
Ensuite, je suis gêné, comme M. Chassaigne, par les propos tenus sur l’attractivité du pavillon français. L’argumentaire développé est celui du moins-disant fiscal, ce qui est extrêmement gênant, si nous devons l’étendre non seulement au domaine sportif, mais également au domaine économique. De fait, des entreprises pourraient venir sur le sol français, qui permettraient de renforcer l’attractivité de la France, de réaliser des bénéfices et de créer de l’emploi et de l’activité : pourquoi ne pas les exonérer, elles aussi ? Ce raisonnement-là, pour moi, ne tient pas.
Enfin, la disposition s’applique dans le cadre de manifestations sportives. Le chef de l’État, il y a quelques jours, a appelé à ce que la France organise deux grandes manifestations : les Jeux Olympiques et l’exposition universelle. Dans un cas, il y aurait une exonération de toute taxe, de toute imposition, de toute fiscalité ; dans l’autre, les organisateurs seraient imposés.
Cette inégalité de traitement entre les différentes disciplines me paraît assez difficile à saisir.
En même temps, nous voulons accueillir ces grands événements, car la question n’est pas seulement nationale ; elle est aussi internationale. J’aimerais que le ministre nous dise quelles sont ses intentions pour que l’Union européenne prenne ses responsabilités et fasse en sorte que nous ayons une réponse collective cohérente, pour que le moins-disant fiscal ne soit plus un argument pour accueillir des grands événements en Europe.
J’éprouve également une certaine gêne. Si les organisateurs, français ou étrangers, de compétitions sportives lisent demain le Journal officiel pour savoir ce qui a été dit, je suis convaincu que nous n’aurons plus, demain, de compétitions sportives en France.
Le message envoyé n’est ni positif, ni attractif. Nous sommes là, en tant que députés, pour exprimer la voix de la France sur un certain nombre de sujets. Certes, nous devons avoir ce débat entre nous, au préalable, mais, une fois au sein de l’hémicycle, nous sommes regardés et écoutés ; or, ce que j’entends ce soir m’effraie un peu.
De fait, quelques engagements ont été pris, dont certains par le précédent gouvernement, sans respecter les règles. Mais je pose aussi cette question, en étant d’accord avec Charles de Courson : que doivent faire des villes, des départements ou des régions qui postulent pour organiser une grande compétition ? Par exemple, que peut faire demain la ville de Paris, ou la région Île-de-France, si elle décide de candidater et que, dans le cahier des charges de la candidature, il faut un engagement de nature fiscale ? Faudra-il venir devant le Parlement avant de déposer la candidature, pour obtenir l’autorisation préalable d’une éventuelle exonération ?
J’espère que l’Île-de-France le sera, parce que d’autres villes ont envie d’accueillir cette compétition, y compris pour mettre aux normes l’ensemble de leurs installations, car la France est le seul pays où il n’y a pas suffisamment d’arénas capables de recevoir les grandes compétitions. Mais nous pouvons très bien décider de ne plus les accueillir : c’est affaire de choix.
Quoi qu’il en soit, mettons-nous d’accord sur les procédures que devront respecter les organisateurs et les candidats pour être aux normes. Or les organisateurs demandent, en effet, un engagement en matière fiscale.
Trois engagements ont été pris : celui du précédent gouvernement et les deux du Président de la République, relativement aux jeux Olympiques et à l’exposition universelle. Voyons tout de même qui organiserait l’exposition universelle.
J’interviens ici à titre strictement personnel. Depuis la semaine dernière et la réunion de la commission des finances, j’ai beaucoup réfléchi à la question posée par l’article 24, contre lequel j’étais a priori.
Je me suis demandé de qui l’on parlait. Le monde sportif représente en France 17 millions de licenciés…
…et 33 millions de Français pratiquent une activité sportive.
Je me suis ensuite demandé pourquoi nous abordions ce sujet. J’ai entendu parler tout à l’heure des fédérations internationales, mais l’enjeu n’est pas de les faire grossir ou de les enrichir. Ce sont d’abord les fédérations nationales qui seront les bénéficiaires de la mesure, puisque c’est nécessairement sous l’égide d’une fédération nationale qu’une compétition internationale est organisée dans notre territoire. Or vous devriez examiner le niveau des finances de certaines fédérations françaises.
Ce serait tout à fait édifiant et cela vous permettrait de vous rendre compte que certains sports sont loin d’être trop subventionnés. Quand les fédérations reçoivent des recettes des manifestations, ce sont celles des droits de retransmission télévisée des manifestations internationales.
Enfin, je me suis demandé combien cette mesure allait coûter.
Combien cela coûterait-il si nous n’accueillions plus de compétitions demain ? Vous êtes-vous posé la question ? Selon vous, cela ne nous rapporterait rien, mais cela ne nous coûterait rien non plus. Pourtant, s’il n’y avait plus de compétition, il n’y aurait plus de revenus.
Madame Berger, malgré votre science aiguë des finances, si nous n’avons pas de compétition, nous n’avons pas de revenus.
Aujourd’hui, plus qu’hier encore et peut-être moins que demain, la France a besoin de liesse et d’unité nationale. Or, les compétitions sportives internationales peuvent offrir à l’ensemble de la nation un grand moment de liesse et de rassemblement.
J’interviendrai peu dans la suite de la discussion sur l’article 24, mais je veux m’exprimer ici afin d’essayer de trouver une solution à un débat parfaitement légitime.
Le sujet n’est pas si clair. S’il y a autant de passions – et de députés présents ce soir –, c’est que le sujet n’est pas binaire. Devant une telle situation, je cherche d’abord à trouver ce qui peut nous rassembler pour essayer de définir une solution. Tout le monde s’accorde pour dire que les engagements qui ont été pris l’ont été d’une curieuse façon, puisqu’ils ne reposaient sur aucun élément législatif, et que cela pose question – M. de Courson l’a dit, d’autres l’ont évoqué et le secrétaire d’État chargé du budget que je suis fait la même analyse.
Trois éléments peuvent nous rassembler. Le premier, c’est le constat que le Gouvernement prend ses responsabilités et vient devant le Parlement pour essayer de résoudre un problème par la voie législative.
Nous pouvons aussi nous accorder sur la dimension européenne de cette question – d’autres l’ont dit avant moi, et je me souviens aussi de réflexions d’un certain nombre de parlementaires dans d’autres enceintes. Les membres du Gouvernement ici présents pourront en témoigner : des réflexions ont déjà été engagées sur cette question. Ce problème doit être traité, pour le moins, au niveau européen.
S’agissant de compétitions de cette nature, il n’est pas normal que la position européenne ne soit pas uniforme.
Troisième point : si nous ne résolvions pas le problème posé, la France serait susceptible d’être attaquée pour manquement à la parole donnée. Nous avons bien évidemment fait procéder à quelques analyses juridiques avant de venir devant le Parlement. Il n’est pas question ici de la personne qui aurait écrit ou non en engageant la parole de la France : laissons ce sujet de côté. Ce n’est pas la peur de la condamnation qui nous fait trembler, mais nous ne pouvons pas courir le risque de voir notre pays poursuivi dans le cadre d’un procès pour manquement à la parole donnée. De telles procédures sont possibles et elles pourraient être engagées.
Voilà les trois éléments qui peuvent éventuellement faire consensus. Ensuite, il faut résoudre ce problème…
Là, il faut regarder en direction de la majorité, monsieur le secrétaire d’État !
…et répondre à la question de l’UEFA tout en respectant le principe d’égalité. Je doute que le fait de légiférer sur une seule manifestation soit parfaitement conforme au principe d’égalité devant l’impôt.
Cela a déjà été fait ! Le Parlement a déjà voté une loi relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016 !
En revanche, je pense qu’une position commune doit être adoptée au niveau européen. Cela nous laisse un peu de temps, même si nous ne devons pas nous donner dix ans ! Nous pourrions peut-être modifier l’article 24 afin de le borner dans le temps…
…et de décrire précisément le type de manifestation et le contexte pouvant bénéficier de ces « aménagements », pour utiliser un terme politiquement correct.
Ces mesures pourraient donc être bornées dans le temps afin que le Parlement soit parfaitement éclairé. Les dispositions de l’article 24 sont claires s’agissant du type de manifestation concerné et des conditions à remplir pour qu’elles s’appliquent. Nous pourrions éventuellement envisager de les renforcer. Je pense que c’est la meilleure façon de nous en sortir,…
…en respectant à la fois la parole donnée et une forme d’égalité, même si cette dernière ne sera pas parfaite.
Il est vrai que nous pourrions aussi parler de la culture et d’initiatives économiques. Nous avons bien débattu des zones franches urbaines tout à l’heure – pardon de faire ce clin d’oeil, la question n’a pas la même ampleur.
Nous pourrions peut-être trouver un accord sur ces bases, dans le cadre d’un amendement que nous examinerons un peu plus tard et qui pourra être rectifié sur la question des dates. Un tel accord pourrait, à mon avis, donner une image tout à fait positive et respectable d’une assemblée qui, à l’évidence, est partagée…
…et se trouve comme une poule devant un couteau. Il nous permettrait de résoudre ce problème en respectant à la fois l’éthique et l’engagement qui a été pris au nom de la France.
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Je m’exprimerai en écho à ce que vient de dire mon collègue Christian Eckert. Quel message voulons-nous donner aux 17 millions de licenciés sportifs en France ?
Quel message voulons-nous donner à autant de Français qui pratiquent le sport et qui sont aujourd’hui capables de se rassembler, comme je l’ai vu de mes yeux, lors de grands événements sportifs – je pense en particulier à la Coupe Davis ? Nous devons envoyer un message à ces Français, à moins de considérer que le sport et les événements populaires qui l’entourent ne sont pas dignes d’intérêt de la part du Gouvernement ou de la représentation nationale.
Je suis d’accord avec M. Cherki quand il dit que la France doit prendre une initiative au niveau européen pour que l’harmonisation fiscale devienne un objectif et pour éviter la surenchère que nous connaissons aujourd’hui. Cette initiative sera prise : nous la porterons, nous la défendrons et nous essaierons d’en faire un modèle à l’échelle internationale.
Cela dit, nous avons des événements à gérer à court et moyen termes. Le premier d’entre eux est l’Euro 2016. Un engagement a été pris par deux membres du gouvernement de M. Fillon qui se sont succédé. Il doit être tenu, dans les règles et dans le respect des députés ici présents. Nous voulons justement donner de la transparence à notre démarche en vous permettant de choisir quels événements pourront bénéficier de ces exonérations fiscales, à quels moments et pour quelle durée.
Pour nous, l’objectif est de montrer que le rayonnement de la France est suffisamment important pour attirer ce type d’événements – je pense que vous partagez ce sentiment –, mais que ce rayonnement est aussi exportable et que notre expérience pourra profiter à d’autres pays qui, demain, voudront organiser des événements de type. Ainsi, demain soir, je me rendrai avec le Président de la République au Kazakhstan, candidat à l’organisation des jeux Olympiques de 2022.
Il n’y aura bientôt plus que ces pays qui pourront organiser de grands événements sportifs !
Si le Kazakhstan remporte la compétition interne au Comité international olympique pour l’organisation de cet événement, il aura besoin d’un soutien technique qui pourra notamment lui être apporté par de grandes entreprises françaises. Mesdames et messieurs les députés, gardons à l’esprit cet aspect économique !
En outre, quand beaucoup défendent ici – à juste titre – l’investissement public local, pouvons-nous critiquer le fait que notre pays a engagé des travaux, à hauteur de 2 milliards d’euros, pour mettre ses stades à niveau,…
…permettant ainsi de préserver 20 000 emplois dans le bâtiment ? Cela doit-il être passé par pertes et profits, au regard de l’importance de la compétition que nous allons organiser pour l’UEFA ?
Je tiens d’ailleurs à préciser que l’UEFA est non pas une société internationale, mais une association, qui reverse 100 % de ses bénéfices au monde sportif. L’UEFA n’a pas d’actionnaire : les actionnaires, ce sont les sportifs !
L’UEFA devrait quand même réaliser un bénéfice de 900 millions d’euros qui ne sera pas fiscalisé !
Madame la rapporteure générale, ces 900 millions d’euros seront reversés à l’ensemble des fédérations sportives européennes.
Permettez-moi de vous le rappeler très simplement. D’ailleurs, si j’avais pu vous rencontrer au ministère, je vous l’aurais expliqué dans le détail.
Si la compétition était organisée en Allemagne, les fédérations sportives bénéficieraient aussi de ces 900 millions !
Par ailleurs, mesdames et messieurs les députés, certains pays pratiquent les exonérations fiscales : je pense à l’Allemagne, à la Pologne, à l’Autriche et à l’Angleterre.
Allons-nous laisser ces pays européens récupérer l’organisation de l’ensemble des manifestations sportives que nous souhaitons voir se dérouler dans notre pays ?
Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement souhaite tout simplement que la France puisse accueillir ces événements sportifs dans d’excellentes conditions de transparence…
…et devenir un exemple pour ses partenaires européens en matière de pratiques égalitaires. Avec les propositions d’amendement éventuel de M. Eckert, l’article 24 est donc tout à fait bienvenu : il mettra la France au plus haut niveau des compétitions sportives européennes et mondiales.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, UMP et UDI.
Madame la présidente, je crois avoir longuement expliqué l’origine de cet amendement.
Au cours de ce débat, je ne pouvais m’empêcher de penser aux discussions que nous avons eues sur le CICE, notamment à gauche de cet hémicycle. Nous avions tous le souhait, l’obsession que les exonérations fiscales pour les entreprises ne bénéficient pas aux salaires exorbitants, aux dividendes ou à l’évasion fiscale. Les propos que j’entends aujourd’hui me laissent donc songeur.
Nous nous retrouvons ici en situation d’injonction paradoxale. D’un côté, nous dénonçons les tax rulings et les négociations que les multinationales engagent au Luxembourg, en Irlande ou ailleurs.
De l’autre côté, nous acceptons des régimes fiscaux dérogatoires. Pour ma part, je ne peux pas admettre cet écartèlement.
Au nom de la continuité de l’État, nonobstant les conditions dans lesquelles cette affaire s’est déroulée, peut-être faut-il soutenir l’Euro 2016 et mettre en place des exonérations fiscales. Mais au nom de la justice fiscale et de la lutte contre l’endettement du pays, arrêtons là ! Limitons ces dispositions dans le temps, pour une période allant, non pas jusqu’au 31 décembre 2016, mais jusqu’au 31 décembre 2014.
Nous nous sommes trompés : nous avons pris un engagement dans une période de fort endettement – il y avait déjà une crise financière en 2010. Aujourd’hui, la France est endettée : il faut donc choisir.
En 1998, la coupe du monde de la FIFA a été organisée en France et il n’y a pas eu d’exonérations fiscales.
Si ! Il y en a eu !
Cela a pourtant été une réussite parfaite. On peut dire que quinze ans ont passé et que les choses ont changé. Certains diront que c’est le progrès. Ce n’est pas mon cas : je parlerai plutôt de régression.
Si le problème de la dette ne se pose qu’à partir de 2017, alors maintenons ces exonérations jusqu’en 2017 ! Mais si la France est déjà endettée, alors il faut faire cesser le dispositif maintenant, à la fin de l’année 2014. Nous avons fait une erreur, mais nous devons l’arrêter maintenant.
À la différence du CICE, monsieur Alauzet, les exonérations dont nous discutons comportent une contrepartie : la France va organiser l’Euro 2016.
Sourires.
La question est la suivante : comment pouvons-nous sortir de ce régime de concurrence entre les pays ? Ces derniers veulent organiser des compétitions sportives : c’est tout à fait légitime. Mais comme il n’existe pas de règle européenne, ils entrent en concurrence.
Pour trouver une solution pérenne, il faut que l’Europe se saisisse du dossier. Je remercie d’ailleurs le Gouvernement d’avoir pris un engagement politique à cet égard.
Par le passé, l’Europe a déjà agi dans le domaine sportif, lorsque les villes étaient confrontées au chantage des clubs de football professionnel qui arguaient du fait qu’un arrêt des subventions les placerait en position de faiblesse par rapport à l’Espagne, à l’Allemagne ou à l’Italie.
Une directive européenne a alors plafonné le subventionnement aux clubs de football professionnel. En France, la loi Buffet a permis aux collectivités locales de se dégager de la pression des clubs et d’arrêter progressivement de verser ces subventions. Nous l’avons bien vu à Paris, monsieur Lamour !
La résolution du problème passe donc par la mise en place d’une réglementation au niveau européen. Il faut que l’Europe soit suffisamment forte et crée un rapport de force pour que le cahier des charges soit supportable par le pays d’accueil lorsque des compétitions sont organisées sur le territoire européen. Je pense principalement à des championnats d’Europe, mais cela vaut aussi pour les compétitions internationales.
Les modalités d’organisation de l’Euro sont un vrai scandale : des sommes exorbitantes vont échapper à la collectivité nationale, contrairement à ce qui s’était passé lors du Mondial de 1998. Mes chers collègues, croyez-vous que le championnat d’Europe de badminton par équipe mixte de 2020, le championnat d’Europe de cross-country de 2015 et l’Euro féminin de handball de 2018 posent un problème ?
La question ne se limite donc pas à l’Euro : il faut créer les conditions de mise en place d’une réglementation européenne.
J’attends du Gouvernement qu’il dépose un amendement très précis visant à fixer des limites temporelles à cette exonération et qu’il permette d’avancer sur ce dossier au niveau européen.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 467 .
Je ne répéterai pas mes arguments, mais je tiens à dire à quel point j’ai été subjugué par l’exercice de style de M. le ministre.
Monsieur le ministre, vous avez été remarquable…
…quand vous avez essayé de nous démontrer que le sport en France ne pouvait passer que par la course à l’échalote que vous êtes en train de défendre.
Oui, je parle bien de course à l’échalote en ce qui concerne le moins-disant fiscal.
On nous dit que ceux qui s’opposent à cet article seraient, en quelque sorte, des gens opposés au sport.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UDI.
Comme si le sport ne pouvait se concevoir qu’avec des capitaux – je veux parler du « foot business ». Je ne partage pas cette analyse.
Je le dis avec sévérité, en pesant mes mots : derrière ces grandes envolées lyriques, il y a une forme de malhonnêteté intellectuelle.
Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui aiment le sport et qui seraient favorables au moins-disant fiscal, et de l’autre, ceux qui seraient opposés au sport parce qu’ils veulent un peu de rigueur et d’éthique.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 495 .
Cet amendement a également pour objet la suppression de l’article.
Je voudrais rappeler deux choses à mes collègues.
Tout d’abord, de quoi parlons-nous ? Nous parlons des recettes d’une société – Euro 2016 SAS – et de ses éventuelles filiales, non connues à ce jour. Ces recettes, d’où viennent-elles ? Pour l’essentiel, elles sont issus de la billetterie et des droits audiovisuels.
Je dis bien « pour l’essentiel », cher collègue, et il s’agit de sommes significatives. Or les retransmissions seront faites par une chaîne à péage. Non seulement on accorde une exonération fiscale mais, en plus, ceux qui voudront voir tous les matchs devront prendre un abonnement payant à une chaîne cryptée, puisque le décret permettant la retransmission de tous les matchs n’a pas été modifié.
Deuxième chose, cette mesure de défiscalisation est justifiée par la parole donnée par la France. Mes chers collègues, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, j’ai la faiblesse de penser qu’il serait bon de ne pas confondre un contrat et un traité. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, de relations internationales ; nous ne sommes pas engagés et liés par un traité international. En matière contractuelle, rien n’empêche de renégocier l’accord conclu si une volonté s’exprime en ce sens.
On n’est pas sur le terrain du droit, on est sur le terrain de la morale et du respect des engagements pris !
En l’absence de geste et de démarche de ce type, je maintiendrai cet amendement de suppression pure et simple de l’article 24.
La commission est défavorable à ces amendements de suppression. Elle présente elle-même un amendement qui sera examiné un tout petit peu plus tard. J’aurai alors l’occasion d’argumenter un peu plus.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces amendements de suppression d’un article du projet de loi de finances rectificative, puisqu’il en est lui-même l’auteur.
Le Gouvernement est attentif à ce débat. Il a déjà dit, par la voix du ministre des sports et par la mienne, qu’il n’était pas opposé à des ouvertures qui limitent le champ de ces exonérations à un certain nombre de compétitions et qui les limitent dans le temps. Il a d’ailleurs lui-même déposé un amendement qui sera examiné après les autres amendements à cet article 24. Le Gouvernement est même ouvert à la possibilité de rectifier l’amendement en question, dont le dispositif serait ainsi amélioré au cours de la discussion parlementaire.
Le Gouvernement est donc bien entendu défavorable à ces amendements de suppression.
Cher collègue Jean-Luc Laurent, vous avez parlé de la Coupe Davis. Moi aussi, comme vous, comme nous tous, durant le week-end, je vois beaucoup de monde. Certes, le résultat de cette compétition n’a pas été favorable, mais, enfin, nous sommes arrivés en finale, ce n’est déjà pas mal. Et personne ne m’a parlé des primes des joueurs ! Peut-être est-ce particulier chez vous, mais, chez moi, personne ne m’en a parlé.
Je voudrais remercier le ministre des sports et le secrétaire d’État chargé du budget. Leurs propos sont particulièrement apaisants et réfléchis. Ils nous permettent effectivement de régler le problème de l’UEFA et, ensuite, d’accueillir des compétitions. Je suis tout à fait d’accord pour qu’il y ait des règles qui permettent d’accueillir d’autres compétitions et aussi pour qu’on prenne un certain nombre de précautions.
Je rappellerai simplement que, dans le texte initial, l’article 24 prévoyait des règles de nature à encadrer strictement l’application de ces dispositions fiscales. Pour bénéficier du régime défini par l’article, une compétition sportive internationale doit « être attribuée dans le cadre d’une sélection par un comité international, sur candidature d’une personne publique ou d’une fédération sportive nationale délégataire », « être de niveau au moins équivalent à un championnat d’Europe » et, enfin, « être organisée de façon exceptionnelle sur le territoire français », ce qui exclut, de fait, les manifestations récurrentes. Je crois ces garanties suffisantes et, tout naturellement, je suivrai l’avis formulé par le secrétaire d’État, qui a appelé à rejeter ces amendements qui vont à l’encontre du sport.
Au cours de notre discussion en commission des finances, animée, à certains moments, d’ailleurs, j’ai senti, tant chez le ministre et les secrétaires d’État que chez un certain nombre de nos collègues, la volonté d’essayer de trouver une solution.
Avant même d’engager un débat – légitime, je vous le dis –, je comprends, même lorsque cela vous conduit à tenir des propos excessifs, que vous vous interrogiez sur les principes qui régissent l’examen des candidatures et l’organisation de ces événements. Ils sont même critiquables, c’est vrai, sur le fond.
Pourquoi, finalement, a-t-on, est-on soumis à une pression aussi forte quand il s’agit d’organiser un tel événement ? Parce que la concurrence est rude.
Contrairement à ce que dit M. Chassaigne et comme vous l’avez très bien dit, monsieur le ministre, le sport, ce ne sont pas, d’un côté, les 17 millions de licenciés et les 33 millions de Français qui, d’une façon ou d’une autre, pratiquent le sport et, de l’autre, le spectacle sportif : le sport, c’est un tout. Et les fédérations sportives nationales, dont je rappelle que la quasi-totalité sont présidées et animées par des bénévoles, ont souvent envie d’organiser des événements de cette nature. Il faut donc les aider et les accompagner. Peut-être faut-il d’ailleurs les aider aussi à résister elles-mêmes à cette pression qu’exercent les détenteurs des droits. De qui s’agit-il ? Des fédérations internationales.
Ce débat est donc légitime. Simplement, il intervient à un moment qui n’est pas très opportun. Notre collègue Pupponi le disait : tout ce que nous disons ce soir, dans l’hémicycle, sera demain sur les bureaux des fédérations internationales ou du CIO.
Ce sont donc des signaux que nous envoyons. On peut décider, d’une manière ou d’une autre…
Je n’ai pas pris la parole tout à l’heure sur l’article, madame la présidente. Laissez-moi juste…
Sourires.
Je vous remercie, mais on a laissé les uns et les autres s’exprimer.
On peut effectivement décider, un jour, de ne plus organiser d’événement majeur dans notre pays, mais alors faisons-le en pleine connaissance de cause.
Il faut que nous trouvions aujourd’hui une solution, une sorte de sortie par le haut. J’ai cru comprendre que des propositions allaient être faites. J’ai déjà entendu certains collègues émettre l’idée d’une limitation dans le temps du bénéfice de ce régime, d’une vérification, mais il faut aussi faire un travail de fond – je le dis au ministre et aux deux secrétaires d’État qui sont avec nous ce soir.
Vous avez parlé, monsieur le ministre, d’un contact au niveau européen. Il faut effectivement que nous trouvions un cadre qui nous permettra, tant au niveau européen qu’au niveau international, de résister à cette pression tout en continuant à présenter des candidatures à l’organisation de manifestations de ce type. C’est ce que nous voulons faire, et je pense franchement que ces amendements de suppression n’ont pas leur place dans ce débat.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je veux tout d’abord répondre à Éric Alauzet, qui a évoqué tout à l’heure la question du CICE. C’est très important. Le CICE n’est pas fait pour le secteur non lucratif. En l’occurrence, les organisateurs dont on parle sont des personnes publiques ou des fédérations sportives délégataires d’un service public qui n’oeuvrent pas dans le secteur lucratif ou commercial. N’ayons donc pas l’indignation sélective ! J’aurais aimé que nous soyons un peu plus nombreux aussi à dire que, si le secteur non lucratif ne bénéficie pas du CICE, le secteur sportif n’en bénéficie pas non plus.
Quant à la comparaison avec les paradis fiscaux, le tax ruling ou les comportements d’optimisation fiscale, je crois qu’elle n’est pas appropriée. Il ne s’agit pas de mécanismes d’optimisation pérennes, il s’agit d’événements exceptionnels, qui durent quelques jours ou quelques semaines sur un territoire donné. L’article a pour objet d’offrir, dans cette perspective, un cadre équitable, qui vaille pour toutes les disciplines sportives. J’ai eu des contacts, notamment avec le président de la fédération de badminton. Certains se sentent insultés d’être comparés à des personnes qui pratiquent l’optimisation fiscale ou qui voudraient s’adonner à ce genre de comportement. Ceux qui organisent ces grands événements sportifs sont, dans leur très grande majorité, des bénévoles.
Cela ne nous empêche pas de demander plus de contreparties. Pour l’Euro 2016, par exemple, il y aura 40 millions à 50 millions d’euros de retours sur les territoires, les villes hôtes, sans parler des clubs amateurs. On peut demander plus ; il faut même le faire.
Ces grands événements sportifs internationaux sont aussi de formidables moteurs pour le développement du sport pour tous. Chaque fois qu’on organise un grand championnat du monde et que les résultats de l’équipe de France sont bons, le nombre de licenciés de nos clubs – des jeunes, notamment – progresse de 30 % ou 40 %.
Je n’avais pas prévu d’intervenir mais les propos qu’a tenus tout à l’heure le ministre des sports m’ont quand même beaucoup surpris. D’abord, invoquer – j’ai entendu certains collègues le faire aussi – les 17 millions de licenciés ou les 33 millions de personnes qui pratiquent le sport, comme si c’étaient eux les bénéficiaires, en quelque sorte, c’est un peu choquant.
On voit bien quelle confusion est entretenue dans les esprits.
Par ailleurs, nous parlons d’organisations dont la gouvernance mériterait, je crois, quelques analyses un tout petit peu critiques. Je pense à de grandes organisations sportives comme l’UEFA ou la Fédération internationale automobile. À mon avis, nous avons bien fait, à une époque, de résister au diktat qu’on voulait nous imposer pour l’organisation d’un grand prix de Formule 1 en France, aux frais de la collectivité.
Ensuite, il y a vraiment deux poids, deux mesures. Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, vous vous en souvenez, je vous ai interrogé cette semaine même, mardi matin, sur les pénalités infligées aux entreprises en cas de retards – de simples retards – de paiement. Pour la taxe d’apprentissage, par exemple, elles s’élèvent à 100 %. Vous avez un retard de paiement sur la taxe d’apprentissage ? C’est 100 % de pénalités ! C’est clair, c’est net et ça s’applique. Quand on est, en France, un petit contribuable captif, il n’y a pas de régime de faveur, pas d’exonération. Pourtant, il y a des retombées économiques ! S’il est question de retombées économiques, toutes les activités de notre pays, lucratives ou non, en ont.
Quant aux infrastructures, comme les grands stades, je suis élu d’une ville, Nantes, qui a refusé de présenter sa candidature pour l’Euro 2016 parce que c’était trop cher – le maire était, à l’époque, Jean-Marc Ayrault. Ces infrastructures sont payées par la collectivité, et celle-ci se prive de recettes fiscales ! Cela veut dire, au niveau européen, qu’on justifie, qu’on acte l’existence d’une mise en concurrence des États en matière fiscale. Je trouve ça inacceptable ! Le moindre mal, c’est, en effet, au moins, de limiter le bénéfice d’un tel régime dans le temps. Il faut aussi qu’une directive européenne encadre cela, même si je ne me fais guère d’illusions vu la faiblesse de l’harmonisation fiscale européenne.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les parlementaires, ce n’est pas un chant à trois voix, mais je veux livrer au Parlement une précision importante, notamment par rapport à l’intervention de Pascal Cherki. Je réagis non pas à la sollicitude qu’il a manifestée à propos du mauvais week-end que j’ai passé
Sourires
mais aux interrogations qu’il a exprimées sur la question européenne.
Il se trouve qu’au mois de mai 2014, j’ai représenté notre pays au conseil des ministres européens des sports. La réunion portait sur l’organisation des manifestations sportives et son devenir, compte tenu de deux problèmes. Le premier est celui du dumping fiscal, qui concerne certaines organisations sportives internationales, dont l’UEFA faisait partie. Le second est la concurrence effrénée, qui devient déloyale, des pays du Golfe, voire de ceux d’Europe de l’Est, qui voulaient organiser toutes les manifestations sportives internationales.
Il a été décidé que, dans un premier temps, l’Europe étudierait la possibilité, pour faire face à cette concurrence, que certains événements soient organisés en commun. Le championnat du monde de hockey sur glace, qui sera organisé conjointement par la France et par l’Allemagne, en offre déjà un exemple très précis.
Il a également été décidé d’engager une réflexion approfondie pour essayer de parvenir à une sorte de solidarité européenne face à ces demandes excessives, qui imposent à ceux qui veulent présenter leur candidature de prendre tel ou tel engagement, comme ce fut le cas pour l’Euro 2016.
La question de la solidarité européenne a été soulevée par plusieurs parlementaires, et particulièrement par vous, monsieur Cherki. Vous le voyez, la réflexion est bel et bien engagée, et nous allons avancer. Comme l’a indiqué Patrick Kanner, nous prenons devant vous l’engagement que la France poursuivra ce débat et prendra même une initiative pour qu’il aboutisse. Sachez, en tout cas, que cette question a déjà été évoquée au mois de mai 2014, au niveau de l’Union européenne.
L’amendement no 338 est retiré.
Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai simultanément les amendements nos 445 rectifié , 454 , 457 , 504 , 505 , 508 et 82 , qui appuient le même raisonnement.
L’article 24 de ce projet de loi de finances rectificative vise à exonérer les compétitions sportives internationales. Or d’autres compétitions internationales se déroulent sur notre territoire, que nous pourrions aussi envisager d’exonérer. L’amendement no 444 propose ainsi d’exonérer l’Eurovision ; le no 445 rectifié, la Foire internationale d’art contemporain, qui s’est tenue récemment ; le no 454, le Congrès mondial des parcs, événement important pour tous les amoureux de la nature ; le no 457, le Congrès mondial de philosophie, qui se tient tous les quatre ans, et est important pour les amoureux de l’esprit et de la réflexion ; le no 504, le festival international du film de Cannes, connu de tous dans cet hémicycle ; le no 505, le salon international de l’aéronautique et de l’espace, plus connu sous le nom de Salon du Bourget ; le no 508, le festival international de la bande dessinée ; enfin, l’amendement no 82 propose d’appliquer ce dispositif au Congrès international des mathématiciens.
Monsieur le secrétaire d’État, en tant que mathématicien, vous ne pouvez ignorer que le Congrès international de mathématiques se tient tous les quatre ans ; c’est à cette occasion que sont remises les médailles Fields, qui récompensent les meilleurs mathématiciens du monde. Je me rappelle que lors de l’un de ces congrès à Pékin, toute la circulation avait été bloquée, pour que la médaille Fields soit remise à mon ami Laurent Lafforgue.
Ces congrès internationaux font tous l’objet de prélèvements fiscaux ou sociaux. Si les organisateurs de ces congrès venaient vous voir, monsieur le secrétaire d’État – ou s’ils allaient voir vos collègues chargés des questions culturelles, scientifiques ou écologiques –, seriez-vous prêt à accepter une exonération du type de celle que vous proposez pour les compétitions sportives internationales ?
Nous espérons que votre réponse sera positive, car cela nous permettrait d’éviter une situation dangereuse de rupture d’égalité devant l’impôt.
Monsieur le secrétaire d’État, l’Eurovision, le cinéma, la musique, les parcs, l’écologie et les mathématiques sont aussi très importants pour l’image de la France dans le monde, pour la gloire de notre pays.
Le public qui suit ces manifestations y est très attaché. Je suis certaine que cette importance suffirait à justifier que l’on applique à ces manifestations le même raisonnement que le Gouvernement tient au sujet des compétitions sportives.
C’est la même chose : il faut donc traiter ces manifestations de la même manière du point de vue de la fiscalité. Vous l’avez dit tout à l’heure : tous ces amendements, toutes ces suggestions, seront publiés au Journal officiel. Ainsi, ils parviendront aux organisateurs de toutes ces compétitions. Si, dans les prochains mois, ils venaient vous voir pour vous demander le même traitement que les organisateurs de compétitions sportives, accéderiez-vous à leur demande ?
Quel est l’avis de la commission sur les amendements présentés par Mme Berger ?
Juste une remarque concernant l’Eurovision : pour pouvoir l’organiser, il faudrait d’abord que nous la gagnions, ce qui pose quelques problèmes.
Sourires.
En examinant ces amendements, notre commission s’est interrogée à propos du principe d’égalité face à l’impôt. Certes, les disciplines sportives comptent 17 millions de licenciés, et 33 millions de Français pratiquent un sport. Cependant, parmi les loisirs, il y a aussi les activités culturelles : la commission s’est demandée s’il fallait que ces activités jouissent aussi du dispositif proposé par l’article 24 de ce projet de loi.
Nous avons donc pris cette question au sérieux. La commission est malgré cela défavorable à ces amendements, car elle a déposé un amendement sur cette question qui viendra ultérieurement en discussion.
Nous cherchons toujours le successeur de Marie Myriam : la question de l’Eurovision n’est donc pas la plus pressante !
Sourires.
La légitimité des questions soulevées ne fait pas de doute, madame Berger, mais le Gouvernement entend limiter le champ de ces exonérations au secteur sportif ; cela ressort clairement de la rédaction de l’article 24. J’ajoute que le critère relatif à la dimension de la compétition, actuellement rédigé en ces termes : « de niveau au moins équivalent à un championnat d’Europe », pourrait être précisé.
J’ai peu parlé – d’autres l’ont fait – de l’importance économique des compétitions visées par cet article. Certes, les critères de l’importance économique sont assez difficiles à définir, et il y a toujours des effets de seuil. Néanmoins, les compétitions visées ont une dimension économique particulière : cela ne fait pas de doute.
Puisque vous m’avez posé une question claire, madame Berger, j’y répondrai clairement : c’est non ! Le Gouvernement assume son choix : il entend limiter la portée de cet article aux compétitions de nature sportive. Je pense que la formulation que nous avons retenue est suffisamment claire à cet égard. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
De toutes façons, il manquait un amendement à propos de la fête de la truffe.
Sourires.
Je suis stupéfaite que les questions culturelles et scientifiques ne soient pas traitées au même niveau que les questions sportives par notre gouvernement !
J’ai bien pris note de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, mais je ne suis pas certaine qu’elle soit très compréhensible d’un point de vue juridique. Par ailleurs, vous avez parlé des compétitions sportives, sans préciser qu’elles doivent être « internationales ». À ce sujet, j’aurais pu déposer des amendements visant à exonérer aussi les compétitions sportives nationales, comme le Tour de France. Là encore, je redoute une rupture d’égalité devant l’impôt.
Quoi qu’il en soit, à ce stade, je retire tous ces amendements.
Toutes les questions portant sur des points de droit sont importantes. Je précise donc, à l’attention de Mme Berger, qu’à l’alinéa 15 de l’article 24, il est écrit : « la compétition sportive internationale ». C’est clair : il faut qu’il s’agisse d’une compétition sportive internationale. Les alinéas 16, 17 et 18 fixent clairement les critères définissant une compétition sportive internationale au sens de la loi. Le champ de cet article est donc clairement délimité.
Notre commission, qui s’est réunie il y a dix jours, a souhaité présenter cet amendement en séance. Nous nous sommes posé la question suivante : permet-il, oui ou non, de respecter la parole de la France ? L’ensemble des membres de la commission des finances veulent en effet que la France tienne l’engagement qu’elle a pris par deux lettres, l’une de février 2010, l’autre d’avril 2011. La réponse est oui.
Cet amendement vise à réserver les exonérations prévues à l’article 24 de ce PLFR uniquement à l’Euro 2016. Pour les autres compétitions sportives internationales, il faudrait à nouveau débattre des exonérations au Parlement. Cela ne devrait pas poser de problème, car nous avons chaque année au moins deux débats budgétaires au Parlement : sur le projet de loi de finances initiale et sur le projet de loi de finances rectificative. Je le répète : nous avons de toute façon deux occasions chaque année de discuter des demandes d’exonérations qui pourraient être formulées par certaines fédérations internationales.
Cet amendement n’empêcherait donc pas la France de tenir sa parole. Deuxième question : peut-on se limiter à un seul événement ?
La réponse est encore oui ! La loi du 1er juin 2011 – que vous avez votée – instaurait un régime dérogatoire pour la construction de stades pour l’Euro 2016. Cette loi a été soumise au Conseil constitutionnel, qui n’y a rien trouvé à redire. Le Conseil constitutionnel a donc accepté qu’une loi ne porte que sur un seul événement international.
Cela n’a rien à voir !
C’était pour la construction de stades !
De la même manière, l’amendement no 401 vise donc à limiter le dispositif d’exonération fiscale à l’Euro 2016.
J’en viens à la question budgétaire. Selon les hypothèses que nous avons examinées, le manque à gagner pour l’État serait compris entre 150 et 200 millions d’euros pour l’Euro 2016, ce qui représente, pour faire une comparaison, la moitié du fonds de soutien pour la réforme des rythmes scolaires.
Cela n’a rien à voir !
Le rapport détaille également l’impact économique, compte tenu des bénéfices indirects. Les simulations ont été faites avec l’UEFA, notamment pour ce qui concerne ces bénéfices indirects. On estime qu’1 million de visiteurs étrangers se rendront en France à l’occasion de cette compétition, ce qui entraînera un surcroît d’activité de l’ordre d’1 milliard d’euros, somme sur laquelle la TVA s’appliquera.
Toujours est-il que pour d’autres événements passés, comme la coupe du monde de football en 1998 et la coupe du monde de rugby en 2007, une toute petite exonération avait été prévue.
Ce n’est pas vrai, parce que les stades étaient exonérés !
Troisième point : les 17 millions de licenciés. J’ai reçu beaucoup de courriers, non seulement de la part des instances dirigeantes des fédérations, mais aussi de la part de sportifs qui sont simplement membres de ces fédérations – ni président, ni secrétaire général : simples membres.
Les fédérations veulent bénéficier elles aussi des avantages proposés aux organisateurs de l’Euro 2016, mais les adhérents de ces fédérations sont d’un avis contraire. Ce sont des gens qui payent des impôts, qui ne bénéficient pas d’exonérations : ils posent légitimement la question de l’acceptation de l’impôt.
Cet amendement de la commission respecte la parole de la France ; il est conforme à la Constitution, comme l’a montré la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 1er juin 2011 ; et s’il était besoin de prévoir des exonérations pour d’autres compétitions internationales, le Parlement pourrait le faire à l’occasion d’un projet de loi de finances.
Je trouve que ces amendements identiques sont très bons. Je les soutiens sans réserve.
Sourires.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Je l’ai dit, je le répète : le dispositif est déjà bien encadré et il ne faut pas le limiter à une seule compétition. Pour que les choses soient bien claires, je répète qu’il doit s’agir d’une compétition sportive internationale, qu’elle doit « être attribuée dans le cadre d’une sélection par un comité international, sur candidature d’une personne publique », qu’elle doit « être de niveau au moins équivalent à un championnat d’Europe », et qu’elle doit « être organisée de façon exceptionnelle sur le territoire français ». La portée de cet article est donc parfaitement définie. Je laisse chacun libre d’interpréter comme il l’entend ces dispositions du point de vue de l’égalité devant l’impôt.
Vous avez fait référence à une loi, madame la rapporteure générale, mais s’agissait là d’un cas particulier, lié à la construction des stades. Il s’agissait d’urbanisme et non d’exonération de bénéfices. Nous pourrons, le cas échéant, y revenir à un autre moment de nos débats, voire en seconde délibération, pour que le Parlement soit parfaitement éclairé.
En tout cas, le Gouvernement n’entend pas limiter à cette seule manifestation le bénéfice de ces exonérations, précisément pour des raisons d’égalité. Le dispositif est bien circonscrit : sa portée est limitée au champ sportif et au type de manifestations décrit dans l’article. Le Gouvernement n’entend pas le circonscrire davantage ; il est défavorable à cet amendement.
Votre amendement souffre d’une légère incohérence. Vous avez été très nombreux, dans cet hémicycle, à montrer du doigt le football et ses excès. Il faut bien se rendre compte que les dispositifs relatifs au football, que ce soit en Europe ou ailleurs dans le monde, doivent être bornés. Nous avons d’ailleurs fait beaucoup d’efforts dans ce domaine en France.
Pascal Cherki a évoqué à juste titre les subventions octroyées aux clubs jusqu’en l’an 2000, que Mme Buffet s’était employée à limiter à la suite de la décision prise au niveau européen. Il reste à régler le problème du modèle économique des clubs de football.
Faut-il encore de l’argent public pour construire les stades ? Quel que soit le pourcentage, la question doit être posée – je le dis devant M. le secrétaire d’État chargé des sports. À Lyon, M. Aulas construit son stade quasiment sur ses fonds propres : il me semble que nous allons dans la bonne direction, et que les autres villes devraient s’inspirer de ce dispositif-là pour améliorer ou construire leurs stades.
Il y a cependant un point sur lequel je ne suis pas d’accord avec vous, madame la rapporteure générale. Alors que vous tapez beaucoup sur le football, le seul sport que vous protégiez aujourd’hui avec cet amendement est précisément celui-là.
Il y a là une légère incohérence.
Par ailleurs, vous nous expliquez que la perte pour l’État est importante. Mais la quasi-totalité, sauf la billetterie, et encore – 60 % seulement de la billetterie et de l’hospitalité – est décidé et vendu en Suisse. Autrement dit, presque tout échappe à l’impôt et aux taxes…
…puisque de fait, tout – droits de télévision, sponsoring, billetterie et hospitalité – est géré depuis la Suisse.
En gros, le manque à gagner serait de l’ordre d’une quarantaine de millions d’euros, tandis que l’on gagnerait à peu près l’équivalent en TVA sur toutes les opérations ayant lieu en France, à quoi s’ajoute ce qui a pu être apporté, d’une manière ou d’une autre, par l’UEFA aux collectivités, aux clubs et à la Fédération française de football. Dans ce domaine, c’est donc à peu près équilibré, hors les investissements financés en particulier par l’État pour la rénovation et l’amélioration des stades de football – sur ce point, il subsiste un problème.
Votre amendement ne règle donc pas la question. Aussi, je lui préfère celui du Gouvernement, qui nous laisse du temps pour réfléchir et travailler à l’échelle européenne tout en nous permettant de concourir pour d’autres événements sportifs de niveau international.
Puisqu’il y a manifestement quelques incompréhensions, permettez-moi de dire que je n’ai jamais mis en cause le travail de la commission des finances. Ce que j’ai mis en cause, c’est l’instrumentalisation de ce sujet avec des effets de tribune faciles, pour éviter d’aborder le fond du débat.
Je me rallie volontiers à l’amendement du Gouvernement, qui sera probablement rectifié ou sous-amendé en ce qui concerne l’échéance. Pour le mouvement sportif français, eu égard à ce que sont les autres modèles économiques et à l’intérêt qui s’attache à ce que des manifestations sportives aient lieu dans notre pays, mais aussi pour les dossiers en cours, il est important d’avoir de la visibilité.
J’ai lu l’amendement du Gouvernement. Il prévoit que le dispositif s’appliquera pour toutes les compétitions qui seraient attribuées avant une certaine date – qu’il serait d’ailleurs souhaitable de modifier. Cela garantira une stabilité pour les dossiers en cours. Nous avons tous reçu un certain nombre de fédérations, qui n’ont pas le même modèle économique que le football, et nous sommes tous tombés d’accord pour dire qu’il ne fallait pas de système pérenne.
L’amendement du Gouvernement aboutit au même résultat, de manière plus souple et plus intelligente, en nous donnant davantage de perspectives de résultats sur le front de la directive européenne. Mieux vaut donc le privilégier. Les objectifs sont les mêmes : ne pas avoir un dispositif pérenne, régler la question de la régulation au niveau international adéquat, Europe ou OCDE, et laisser entre-temps un certain nombre de sports – le handball, le basket, le hockey, le badminton ou l’athlétisme – qui ne reposent pas sur des modèles économiques coûteux.
Pour ma part, je vais retirer mes amendements.
Permettez-moi de faire deux remarques rapides. J’avais voté l’amendement de la commission des finances, car je souhaitais interpeller le Gouvernement. La réponse de ce dernier, qui propose une échéance au 31 décembre 2016 et qui prend l’engagement de poursuivre les négociations pour parvenir à une réglementation européenne nouvelle, est de nature à ramener le débat aux proportions que nous souhaitions lui donner. Nous ne voulons pas instaurer un régime fiscal dérogatoire pérenne ; en même temps, il y a tout de même sept ou huit compétitions dans lesquelles la France est engagée et qu’elle va organiser.
Le scandale économique, c’est bien le football, plus exactement l’Euro, avec cette organisation dérogatoire, pour ne pas dire abracadabrantesque, qui choque tout le monde, notamment par comparaison avec la coupe du monde de 1998. Mais sur les championnats d’Europe mixtes de badminton, les championnats du monde de cross-country, le Mondial de lutte, l’Euro de basket féminin ou les championnats du monde de handball, quel est le manque à gagner ? Pour avoir été adjoint aux sports au maire de Paris, je peux vous dire que les sommes sont dérisoires par rapport à l’Euro, aux championnats du monde d’athlétisme ou à la coupe du monde de rugby – ce sont ces événements qui drainent de l’argent.
Le dispositif doit donc être limité dans le temps ; et bien entendu, une harmonisation européenne est nécessaire.
Si ma préférence va à l’amendement du Gouvernement, la commission des finances a eu raison de voter le sien pour engager le débat et amener le Gouvernement à nous apporter les réponses qu’il nous a données aujourd’hui en séance publique.
Je ne voudrais pas que notre assemblée avalise ce soir le fait que, lorsqu’on demande une exonération fiscale, on l’obtient, puisque tel est l’esprit de l’amendement du Gouvernement.
Protestations sur plusieurs bancs.
Ce serait terrible – et plus encore plus parce que cela vient d’une majorité de gauche –, mais c’est ce qu’il nous faudra retenir de cette soirée si cela devait être fait.
Je suis un peu troublé par l’intervention de Pascal Cherki. Sans doute existe-t-il des fédérations ou des compétitions économiquement fragiles, mais on peut leur apporter des aides financières sous d’autres formes. Gardons-nous de le faire par le biais de la réduction d’impôt : c’est donner un signal contre-productif et très négatif. S’il y a un problème, il faut le régler par des outils adaptés, et surtout pas par un message délétère et si mauvais pour les combats que nous menons par ailleurs. Bref, ce n’est pas le bon outil !
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 246 .
L’amendement no 246 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 247 .
L’amendement no 247 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 248 .
L’amendement no 248 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous en arrivons à l’amendement no 581 , deuxième rectification, du Gouvernement.
Vous avez la parole pour le soutenir, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget.
Cet amendement vise donc à préciser les conditions dans lesquelles le régime fiscal proposé dans cet article pourrait s’appliquer aux organisateurs d’une compétition sportive internationale.
Il limite le bénéfice de ce régime fiscal aux compétitions dont la décision d’attribution à la France est intervenue ou interviendra avant le 31 décembre 2017 – et non plus 2016, comme nous l’avions prévu initialement – et ce quelle que soit leur date ultérieure d’organisation.
Cette mesure permet de limiter l’effet de l’article 24 aux engagements déjà pris par la France, ou aux compétitions de même nature qui pourraient lui être attribuées avant cette date – certains d’entre eux ont déjà été évoqués. Je rappelle que l’essentiel de l’article ne change pas : la liste et les caractéristiques des compétitions que j’ai évoquées tout à l’heure restent les mêmes. Le Gouvernement ajoute simplement une condition supplémentaire pour limiter l’effet du dispositif dans le temps. Et comme les ministres plus compétents que moi l’ont dit, la France s’engage à stimuler la réflexion à l’échelle internationale pour pouvoir aboutir à une harmonisation du comportement des États européens sur ces questions, et par là même éviter toute surenchère.
Cet amendement vient d’être déposé ; la commission ne l’a donc pas examiné. Elle s’en remettra donc à la sagesse de l’Assemblée.
Le 31 décembre 2016 était une excellente date. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi celle de 2017 pose problème.
Le Comité international olympique se prononce sept ans avant les jeux. Cela veut donc dire que, si une ville française est candidate à l’organisation des jeux de 2024, la décision sera prise en 2017. Or nous essayons ici de régler le problème de l’Euro 2016 – c’est tout l’objet de l’article 24, que nous sommes sur le point d’adopter –, tout en en profitant pour sécuriser les autres compétitions qui sont déjà engagées – je vous fais grâce de la liste. Vous savez fort bien que les jeux de Londres ont été exonérés de toute taxe. En repoussant l’échéance à 2017, nous acceptons donc par avance les règles du CIO, à savoir l’exonération d’impôt de la ville qui se porterait candidate, ce qui, nous l’avons dit pendant pendant tout ce débat, pose problème. Nous ne pouvons donc pas à la fois fixer cette échéance et oeuvrer pour faire aboutir une directive européenne sur ces compétitions. Il faut en rester au 31 décembre 2016 ; autrement, je ne voterai pas l’amendement.
Je suis tout à fait favorable à l’amendement tel qu’il a été rectifié, à savoir à l’échéance du 31 décembre 2017. Une décision doit être prise pour l’attribution des jeux Olympiques. Si nous voulons donner une mauvaise image de notre candidature, retenons la date du 31 décembre 2016. Ce ne sera déjà pas facile, croyez-moi ! Alors, si nous en rajoutons encore, ce n’est même pas la peine de candidater !
Il y a dans la proposition du Gouvernement la volonté de limiter le bénéfice de ce régime fiscal à une échéance précise. C’est un bon principe, qui combine la précaution et la visibilité, en nous évitant de nous retrouver dans une situation où nous serions « hors mandat », comme cela s’est passé pour l’Euro 2016 avec les lettres des précédents ministres.
Ce faisant, nous considérons que, dans un cadre donné, avec une date butoir donnée, il y a un certain nombre de principes, de soutiens et d’aides, notamment celle-ci, qui peuvent être utilisés – ce qui n’empêche pas que nous appelions de nos voeux une démarche européenne.
Néanmoins, il y a bien une séquence, et celle-ci se termine non au 31 décembre 2016, mais en 2017. Bien entendu, elle englobe la question de la candidature aux jeux Olympiques, et c’est l’une des raisons pour lesquelles je soutiens cet amendement.
Pascal Cherki veut se contenter de régler un problème particulier, ce qui est précisément ce que l’on a pu reprocher à cet article 24. Je ne nie pas que le CIO ait une décision à prendre en 2017, mais je voudrais en revenir à notre démarche. Nous souhaitons encadrer, ce qui suppose une directive, qu’il faut négocier.
Si l’on fixe la date butoir au 31 décembre 2016, il n’y aura pas, au moment où sera prise la décision de l’attribution, de visibilité sur le cadre ultérieur. En effet, compte tenu du cheminement d’une directive, le cadre ne sera probablement connu qu’au cours de l’année 2016. Or, les candidatures se préparent un an, dix-huit mois, deux ans, voire trois ans avant.
Il y a un engagement du Gouvernement et de la majorité, qui ont la responsabilité de ce dossier jusqu’en 2017. Il nous appartient de fixer le cadre pour les dossiers ultérieurs, à partir du 1er janvier 2018. Je pense que cette date est la bonne. Je ne voudrais pas que l’on rejette cet amendement rectifié du Gouvernement au motif que l’on veut circonscrire ce débat, car il y a aussi bien d’autres manifestations sportives que les jeux Olympiques.
Je veux exprimer mon soutien à l’amendement rectifié par le secrétaire d’État et à la limite temporelle qu’il fixe. Cet amendement sécurise-t-il les événements internationaux d’ores et déjà acquis par les fédérations sportives nationales ? Oui. Sécurise-t-il, du point de vue fiscal, les compétitions qui seront attribuées d’ici au 31 décembre 2017 ? Je crois qu’il y aurait plus d’inconvénients à fixer cette limite au 31 décembre 2016, sans dire ce que nous ferons en 2017,…
…eu égard à la décision très importante qui sera prise à l’été 2017, même si l’on ne sait pas, aujourd’hui, ce qu’il en sera d’une éventuelle candidature française.
À tout le moins sait-on que le fait d’accueillir une dizaine, une quinzaine, voire une vingtaine de grands événements sportifs internationaux sur notre sol d’ici à 2020, 2022 ou 2024 est une aide précieuse à l’obtention d’un succès à notre candidature éventuelle aux jeux Olympiques. Voulons-nous cette candidature ? Dans quelques mois, nous serons fixés sur ce point.
Je rejoins Pascal Cherki lorsqu’il dit que nous devons conduire une réflexion sur le cahier des charges des grands événements sportifs internationaux. Dès décembre, un séminaire du CIO doit évoquer la question de la transparence, de l’éthique, des coûts financiers et de l’impact sociétal, social et en termes de développement durable des grands événements sportifs. Je crois que c’est dans cette direction-là que nous devons nous engager tous ensemble, en particulier au sein de la représentation nationale française.
Un peu d’histoire et un propos prêtant à sourire au terme de ce débat : selon le mot de Clemenceau, « on ne ment jamais autant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse ». On peut ajouter ce soir : « et avant les événements sportifs ».
L’amendement no 581 , deuxième rectification, est adopté.
L’article 24, amendé, est adopté.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à instaurer un principe d’innovation responsable ;
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les démarches engagées pour obtenir une gestation pour autrui ;
Discussion de la proposition de loi visant à déchoir de la nationalité française tout individu portant les armes contre les forces armées et de police.
La séance est levée.
La séance est levée jeudi 4 décembre à une heure vingt.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly