La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Mercredi soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 4.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à Mme Nathalie Chabanne.
Je ne voudrais pas que l’on réduise l’article 4 de ce projet de loi de programmation militaire à une diminution des effectifs de nos armées. Soyons minutieux et exigeants quand nous parlons de choses aussi sérieuses que le format de nos troupes. La diminution en volume est cohérente avec les nouveaux contrats opérationnels définis par le Livre blanc. Qui peut croire que la loi de programmation militaire va mettre en péril nos moyens d’action et notre influence, alors même qu’elle améliore et optimise les ressources de notre défense nationale ?
Nos moyens d’intervention doivent être à la pointe de ce qu’il est possible de faire avec la technologie actuelle. C’est pour cela que nous renforçons les forces spéciales, dont la loi de programmation militaire fait sa priorité. Leurs effectifs seront renforcés de 1 000 postes afin de disposer d’une force adaptée aux besoins accrus de réaction dans l’urgence.
La diminution des emplois militaires qui correspond aux objectifs fixés par le Livre blanc est ainsi engagée avec le souci de privilégier ces forces opérationnelles. En effet, leur rôle dans la séquence qui s’ouvre s’avérera fondamental. Les forces spéciales se sont d’ores et déjà imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les opérations récentes. Elles sont particulièrement adaptées aux besoins accrus de réaction dans l’urgence, en souplesse et dans la profondeur contre un dispositif hostile ou complexe. Elles offrent au commandement militaire et aux autorités politiques des options diverses et adaptées, souvent fondées sur la surprise. Elles disposent d’une chaîne de commandement direct dont les moyens seront accrus et la dimension interarmées confortée.
Je connais moi-même très bien la brigade des forces spéciales de Pau, proche de ma circonscription. Je sais à quel point nous pouvons compter sur leur entraînement et la qualité de leurs interventions. Les forces spéciales sont tout autant que moi attachées à leurs conditions d’entraînement privilégiées sur le site de Pau, notamment en raison des moyens mis à leur disposition.
En tant que députée, je suis attentive aux mutations en cours et je salue l’effort que représente la loi de programmation militaire.
Lors de nos débats de mercredi soir, nous avons démontré, à propos de l’article 3, que vous ne pourrez pas tenir les engagements budgétaires pris à travers cette loi de programmation militaire. En effet, Bercy a déjà réussi une prise de guerre sur vos crédits de 650 millions d’euros dans le cadre de la loi de finances rectificative, que vous essayez d’équilibrer par des recettes fictives à hauteur de 500 millions.
Tout cela ne tient pas la route. Les militaires et les Français ont bien compris qu’il s’agit là d’un tour de passe-passe. Nous démontrerons que cet article doit être supprimé à l’occasion de la défense de notre premier amendement de la matinée.
Je voudrais d’abord essayer de lever la confusion entre les deux motivations que vous donnez à la réduction des effectifs. D’un côté, vous dites que, selon le Livre blanc et les analyses qui en découlent, il n’est pas besoin d’une armée aussi importante que celle qui existe aujourd’hui. Au final, le nouveau format correspondrait très exactement à vos ambitions – ce qui est tout de même très difficile à prouver ! De l’autre, vous dites que vous réduisez les effectifs pour faire des économies, lesquelles serviront à autre chose. Nous aimerions donc savoir de quoi il retourne exactement : voulez-vous faire des économies, ou bien est-ce votre analyse générale des choses qui vous amène à diminuer les effectifs ?
Ensuite, je répondrai à Mme Chabanne qui vient de parler des forces spéciales, auxquelles j’ai eu l’honneur d’appartenir. Ne nous y trompons pas : les forces spéciales ne peuvent pas remplacer les forces conventionnelles. Pas un officier ou responsable de bon sens ne tiendra des propos comme ceux que nous venons d’entendre.
Les forces spéciales sont un corps très particulier. Elles sont non pas une armée dans l’armée, mais un moyen parmi d’autres. Elles se nourrissent d’ailleurs des forces conventionnelles puisque, généralement, elles recrutent leurs membres dans les régiments conventionnels. Sur le terrain, l’action des deux n’est pas non plus la même. Certes, dans certaines configurations, les forces spéciales ont un rôle majeur, mais arrêtons de dire qu’elles sont l’alpha et l’oméga de l’action militaire aujourd’hui ! C’est un moyen remarquable, on a pu le constater, mais cessons de penser que l’on peut réduire tout le reste pour accroître les forces spéciales. C’est un non-sens militaire ! Ceux qui s’engageront dans cette voie se tromperont, tromperont tout le monde, cruellement.
Alors que les élus socialistes criaient au scandale à propos des réductions d’effectifs de la loi de programmation 2009-2014, force est de constater que la nouvelle LPM les poursuit. La déflation de 23 500 postes entre 2014 et 2019, auxquels s’ajoutent les 10 176 postes en reliquat de la LPM 2009-2014, représentera 60 % des baisses totales des effectifs de l’État.
Dès 2013, les différents chefs d’état-major auditionnés par la commission de la défense et des forces armées faisaient part de leurs difficultés à mener à bien la politique de déflation prévue par la LPM 2009-2014, laquelle n’a d’ailleurs pas été réalisée pleinement, puisque 10 176 postes doivent encore être supprimés dans les armées pour atteindre les objectifs fixés. Les députés UMP proposent donc, en cohérence avec la LPM votée en 2009, de poursuivre la déflation des effectifs de 10 000 postes, mais en la lissant sur les cinq années de la programmation.
Je suis saisi d’un amendement no 65 , tendant à supprimer l’article 4.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour le soutenir.
Les faits sont têtus. Comme l’a très bien dit M. Tardy, ce sont bien, malgré vos dénégations, 33 675 postes qui sont supprimés. Vous reprenez à votre compte les 10 000 suppressions de postes qui n’ont pas été effectuées alors qu’elles étaient inscrites dans la précédente LPM et vous en ajoutez plus de 23 000.
Voulez-vous dire que c’était une erreur de votre part de supprimer tous ces postes ?
Au cours de nos débats, vous avez souvent voulu nous faire croire, monsieur le ministre, que les 10 000 postes qui restaient à supprimer étaient le fait de l’ancienne majorité et que vous n’y pouviez rien. Mais quand vous êtes arrivés au pouvoir, votre gouvernement a bien supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires ! La majorité politique a alors pris ses responsabilités. C’est vous qui êtes au pouvoir et qui avez la majorité. Vous pouvez tout à fait revenir sur la suppression de ces 10 000 postes. Vous ne pouvez dire une chose et son contraire, il faut assumer. Dans l’article 4, il est bien écrit que l’on supprime plus de 33 000 postes. C’est votre texte, cela veut dire que vous reprenez à votre compte les 10 000 suppressions précédemment programmées, et que vous en ajoutez encore 23 000. Ces 33 000 postes sont bien de votre responsabilité politique, car quand vous voulez revenir en arrière, vous le faites, comme en témoigne l’affaire des heures supplémentaires. Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 4.
La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement de suppression.
Monsieur Meunier, nous avons déjà expliqué en commission que, à budget constant, si la LPM doit à la fois préserver la force de dissuasion, poursuivre et développer les programmes d’équipement et renforcer la préparation opérationnelle de nos forces, il faut avoir recours à une déflation.
Cette déflation concerne effectivement 23 000 nouveaux postes. C’est moitié moins que les 54 000 postes que vous aviez prévu de supprimer dans la précédente LPM.
Nous avons donné un avis défavorable à la suppression de cet article, car il est nécessaire d’opérer une déflation pour maintenir le reste des programmes.
La parole est à M. le ministre de la défense, pour donner l’avis du Gouvernement.
Comme je me suis déjà expliqué à trois ou quatre reprises en séance publique sur cette affaire, je ne répéterai pas mes arguments. Je voudrais, en revanche, faire une observation à M. Fromion en ce qui concerne les forces spéciales. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de préciser le concept mercredi soir et d’expliquer les raisons pour lesquelles leurs effectifs passeront de 3 000 à 4 000. Il ne s’agit pas de créer une armée nouvelle !
On a seulement vu, au cours des dernières opérations que nous avons été amenés à initier et à conduire, que nous étions aux limites de nos capacités.
C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de faire des forces spéciales une priorité dans cette loi de programmation militaire. Je tenais à le préciser pour clarifier le débat. Pour le reste, je m’abstiendrai de commentaires supplémentaires, m’étant déjà exprimé à de nombreuses reprises sur le sujet. Avis défavorable.
Il n’est pas très correct, parce que pas très cohérent, de présenter cet amendement de suppression. Vous n’assumez pas ce que vous avez enclenché au cours de la précédente législature. En effet, vous proposez de supprimer purement et simplement le tableau qui précise les réductions d’effectifs dans les années à venir, alors même, et vous le savez très bien, qu’une partie d’entre elles ont été décidées sous la précédente majorité.
Je suis déjà intervenu à plusieurs reprises sur le taux d’encadrement, donc je n’y reviens pas. On entend parler de réduction d’effectifs, de déflation. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : mon groupe y est favorable, et je voterai donc naturellement contre cet amendement de suppression. Toutefois, cette réduction des effectifs serait sans doute plus cohérente si elle était perçue comme la traduction de choix stratégiques, qui, certes, commencent à se dessiner, mais qui pourraient être plus affirmés. Or, elle donne l’impression, et ce n’est sans doute qu’une impression, de répondre uniquement à des motifs budgétaires et de s’inscrire dans la continuité de ce qui s’est fait précédemment plutôt que d’être le fruit d’un renouvellement et d’une remise à plat des choix stratégiques.
L’amendement no 65 n’est pas adopté.
M. de Rugy a tenu des propos très éloignés de la vérité, et de surcroît contradictoires. Nous ne revenons pas sur les suppressions que nous avions décidées dans la loi de programmation militaire 2009-2014.
L’exposé des motifs du présent amendement est très clair. Nous disons simplement qu’il n’est ni nécessaire ni souhaitable d’ajouter une nouvelle déflation à la première. La déflation résiduelle, je dis bien résiduelle résultant de la précédente loi de programmation militaire doit être maintenue, car nous devons être cohérents avec ce que nous avons voté.
Mais elle doit être lissée sur la totalité de la période couverte par la prochaine loi de programmation militaire. Voilà ce que je voulais préciser pour que les choses soient claires. Il ne s’agit pas, pour l’UMP, de renier ce qui a été décidé, mais simplement, je le répète, de lisser la fin de la déflation précédemment décidée.
Avis défavorable pour les raisons déjà évoquées à propos de l’amendement de M. Meunier.
Monsieur de Rugy, je vous combats politiquement mais je vous reconnais le mérite de la cohérence : vous avez raison, le premier amendement avait pour objet de revenir sur toutes les suppressions d’effectifs, y compris sur les 10 000 postes qui étaient prévus dans la précédente loi de programmation militaire. Cela s’explique par la bonne raison que ce gouvernement a décidé de recruter 60 000 fonctionnaires dans l’éducation nationale.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Or, nous ne pouvons accepter que, d’un côté, l’on recrute 60 000 fonctionnaires à l’éducation nationale et que de l’autre, on en supprime 33 000 dans nos armées.
Monsieur le ministre, comme nous essayons de vous trouver une porte de sortie, car nous défendons avant tout l’intérêt national, nous vous proposons cet amendement qui vous permet de vous en sortir par le haut, au moyen d’une petite pirouette. En effet, nous assumons la suppression des 10 000 postes décidée par la précédente majorité, nous vous permettons de la mettre en oeuvre, et vous pouvez d’ailleurs, si vous le souhaitez, nous en faire porter la responsabilité. Mais nous vous demandons de ne pas en rajouter 23 500 supplémentaires. Nos armées ont déjà assez souffert comme cela et il n’y a pas de raison qu’elles continuent à souffrir alors que d’autres administrations vont procéder à des recrutements, à commencer par l’éducation nationale, qui va bénéficier, je le répète, de 60 000 postes supplémentaires alors même que le Premier président de la Cour des comptes, qui n’est pas un sarkozyste convaincu, a affirmé que le problème pour l’éducation nationale ne résidait pas dans les effectifs mais dans leur utilisation.
L’amendement no 66 n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement no 67 .
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées.
L’amendement no 67 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 119 .
Je l’ai déjà défendu, d’une certaine manière, en tout cas dans son esprit, puisqu’il porte sur le taux d’encadrement des armées. Mais les militaires apprécieront le qualificatif que M. Fromion leur a appliqué : à propos des 10 000 postes non encore supprimés, il a parlé d’un effectif « résiduel ».
Les personnes concernées apprécieront. Quant à l’amendement que vient de défendre M. Meunier, il vient fort à propos rappeler que l’effectif des armées s’élèvera à 242 279 postes : je ne pense pas qu’on puisse dire que l’armée française est sacrifiée ou que l’intérêt national est en jeu. S’agissant enfin de l’appréciation de M. Meunier sur le fait que les effectifs de l’éducation nationale ne relèvent pas de l’intérêt national, chacun, là encore, appréciera.
Monsieur de Rugy, il est défavorable, pour les mêmes raisons que celles que j’avais développées au sujet de votre amendement relatif au rapport annexé.
Même avis. Je me suis déjà exprimé sur le sujet.
Monsieur de Rugy, l’argumentation que vous avez développée est minable.
« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.
Comment pouvez-vous dire que quelqu’un qui a porté dix-sept ans l’uniforme qualifie des militaires d’effectif résiduel ? Je parlais de l’effectif résiduel des suppressions d’emplois décidées par la précédente loi de programmation militaire. Vous dites n’importe quoi, ce n’est pas glorieux pour vous.
Monsieur de Rugy, je n’ai jamais dit que l’éducation nationale n’était pas d’intérêt national
« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC
et ce ne sont pas vos méthodes de trotskyste de bas étage qui vont m’impressionner.
M. de Rugy éclate de rire.– Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous n’arriverez pas à vos fins, monsieur de Rugy. Je n’ai pas dit que l’éducation nationale n’est pas d’intérêt national, j’ai dit que l’armée est d’intérêt national. Le Premier président de la Cour des comptes a affirmé qu’il ne servait à rien de recruter 60 000 personnes alors que le problème était de mieux organiser les effectifs. Ne sacrifions donc pas 33 000 postes dans nos armées pour en créer 60 000 à l’éducation nationale, qui n’en a pas l’utilité…
…comme l’a rappelé M. Migaud, qui, nous le savons tous, n’est pas un sarkozyste convaincu.
Sourires.
L’amendement no 119 n’est pas adopté.
L’article 4 est adopté.
Article 4
Monsieur le ministre, nous voterons cet article parce qu’il apporte certaines précisions, notamment en ce qui concerne les actualisations concernant par exemple les drones et les Rafale. Vous vous êtes engagé sur le canon Caesar…
Aussi, sur le Scalp naval, ainsi que sur d’autres matériels. Le groupe UMP votera donc cet article 4 bis.
Il convient de féliciter nos collègues du Sénat, qui ont beaucoup oeuvré pour introduire dans cet article 4 bis un alinéa extrêmement intéressant évoquant la nécessité de faire tendre le budget de la défense vers le niveau de 2 % du produit intérieur brut. Sans doute nous dira-t-on que c’est difficile à atteindre, compte tenu des contraintes budgétaires qui s’imposent à nous, mais c’est intéressant : cela veut montrer qu’il faudra rompre avec la dynamique de baisse budgétaire pour tenter, lorsque ce sera possible et surtout lorsque le pouvoir politique le voudra, d’engager une dynamique plus positive, qui permette d’atteindre des niveaux budgétaires en cohérence avec les besoins de notre pays.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 122 .
J’invite M. Meunier à consulter ma fiche biographique : il verra que je n’ai jamais entretenu la moindre sympathie pour quelque courant trotskiste que ce soit, et Dieu sait s’il y en a.
J’aurais pu proposer la suppression pure et simple de cet article 4 bis, que, de manière assez logique, M. Fromion défend, mais l’amendement no 122 a simplement pour objet de supprimer, à l’alinéa 2, la référence à un pourcentage du PIB.
D’abord, cette disposition est de pur affichage. Il faut, et c’est valable pour d’autres textes, sortir de cette logique d’affichage. C’est de surcroît un affichage totalement irréaliste : tout le monde sait très bien, dans cet hémicycle, qu’il est parfaitement hors de portée d’élever le budget de la défense à 2 % du PIB. Par ailleurs, une fois de plus, on tombe dans le panneau : par cette mention, on laisse entendre, on diffuse le sentiment sous-jacent que si l’on réduit un peu le format des armées, c’est uniquement sous la contrainte budgétaire mais qu’il serait bon, en soi, d’avoir un budget de la défense, des effectifs et des équipements toujours plus importants.
Eh bien non. Je pense pour ma part qu’il faut avant tout essayer de formater nos armées en tenant compte, bien sûr, comme dans tous les secteurs, de la contrainte budgétaire, mais aussi en fonction de nos objectifs diplomatiques et politiques : notre armée, notre outil de défense est là pour les poursuivre. Cela n’a rien à voir avec un pourcentage du PIB. Aussi, je souhaite que l’on supprime cette référence à un niveau de 2 %. Cette disposition introduite par le Sénat n’a véritablement pas sa place dans la loi de programmation militaire.
La parole est à Mme Patricia Adam, présidente et rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l’avis de la commission.
Je rappelle que cette disposition a été votée de manière tout à fait consensuelle au Sénat.
Un gros travail a été fait, que nous avons suivi de très près. Monsieur de Rugy, nous avons émis un avis défavorable sur votre amendement. Vous venez de dire que 2 % ne sont pas un niveau soutenable et que par ailleurs, les finances publiques ne sont pas le seul élément à prendre en considération pour la détermination du format des armées. Ce dernier point est vrai, mais je voudrais préciser que ce chiffre de 2 % inclut les pensions. Il faut bien garder cela à l’esprit.
Or, pensions comprises, le budget de la défense se situe actuellement, de mémoire, à 1,89 % du PIB, et non pas, comme j’ai pu l’entendre dans la discussion générale, à 1,35 ou 1,36 % du PIB. Nous ne sommes donc pas loin des 2%. Le Gouvernement, grâce à la volonté du ministre, a bien pour objectif d’atteindre ce niveau, si, bien évidemment, nous revenons à meilleure fortune et à un meilleur équilibre budgétaire. Cela justifie notre avis défavorable. J’ajoute que grâce à cet article, pour la première fois, et c’est un engagement du ministre de la défense, un projet de loi de programmation militaire prévoit des actualisations. Cela nous permettra de revenir en 2015 sur le déroulé de la loi et sa bonne exécution.
Le Gouvernement est du même avis que la commission. Je précise à nouveau à la représentation nationale qu’il s’agissait d’un amendement consensuel de la commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat, approuvé par le Gouvernement lors du débat au Sénat.
Je tiens à préciser mes propos, monsieur de Rugy : je ne vous ai pas traité de trotskiste, j’ai dit que vous utilisiez des méthodes trotskistes. C’est aussi le cas pour l’amendement que vous venez de présenter, comme pour ceux qui portent sur la dissuasion nucléaire. Vous et votre groupe cherchez en permanence à déstabiliser notre force de frappe aéroportée et navale. Le groupe UMP le déplore.
La parole est à M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Cet amendement me donne l’occasion donner l’avis de la commission des finances. Notre objectif, pour la LPM, est qu’elle soit au cours des cinq ans à venir respectée au plus près. Par-delà les légitimes différences d’appréciation politique, inscrire dans la loi ce niveau de 2 % ne constitue pas seulement un signal d’appel, mais est aussi une marque de la volonté de la représentation nationale dont tous les membres, sur tous les bancs, sont attachés à la défense et à la crédibilité de son avenir.
Il s’agit donc de montrer qu’un tel objectif peut et doit être tenu, grâce à la surveillance au plus près par chacun de la mise en oeuvre de la LPM. En outre, monsieur de Rugy, un effet purement mécanique se produit : dans un contexte de stabilisation de la dépense publique et de progression des objectifs du budget de la défense, la tendance vers 2 % s’accélère mécaniquement. Mon argumentaire vient compléter celui de Mme la présidente de la commission de la défense en défaveur de cet amendement.
Les débats sur les chiffres ne sont jamais clos : 1,35 % ou 1,89 %… Honnêtement, je préfère parler hors pensions. Certes, il faut bien à un moment donné intégrer l’effort consenti par le passé, mais il me semble que dans d’autres domaines, on ne procède pas comme vous le faites…
Quant à l’actualisation, cela ne me semble pas très cohérent avec l’idée même de programmation. Par ailleurs, sans vouloir rouvrir des débats que nous avons déjà eus, cela laisse entendre qu’une actualisation à la baisse est également possible. En réalité, cela fait peser un aléa sur l’ensemble du contenu du texte.
Quant aux éventuelles marges de manoeuvre supplémentaires, je tiens à dire à notre collègue de la commission des finances que dans une situation où le budget national et celui de la défense seraient stabilisés et où la croissance économique connaîtrait un fort redémarrage, à l’inverse de ce qu’il dit, le pourcentage du budget de la défense par rapport au PIB aurait mécaniquement tendance à baisser, ou du moins à se stabiliser. Si l’on voulait vraiment augmenter son poids dans le PIB dans un contexte budgétaire relativement stable, c’est-à-dire avec une tendance aux économies de dépenses, il faudrait consentir un effort colossal en faveur de la défense, bien plus avantagée que d’autres secteurs. Nous avons sur ce point une divergence marquée : s’il y avait des marges de manoeuvre supplémentaires, ce que l’on peut tous souhaiter, nous préférerions qu’elles soient affectées à d’autres secteurs d’intervention de l’État, d’autres investissements et d’autres services publics comme les transports, l’éducation et la santé.
L’amendement no 122 n’est pas adopté.
L’article 4 bis, amendé, est adopté.
Article 4
Nous entamons l’examen d’une série d’articles relatifs à la programmation militaire et surtout aux rapports entre le Parlement et le Gouvernement. Disons-le clairement, le rôle législatif en la matière n’est pas considérable. En revanche, en matière de contrôle, nous avons une véritable place à tenir. Les articles dont nous allons débattre, introduits par le Sénat pour la plupart, vont dans le bon sens. Ils ne doivent pas pour autant constituer le sujet principal du texte. Il faut à tout prix éviter de créer des instances supplémentaires ou des demandes de rapport qui feront doublon avec des rapports existants.
Nous en venons à l’examen des amendements. La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement no 26 .
L’amendement no 26 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean Launay, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 13 .
Le Sénat dans cet article a considérablement étendu les pouvoirs d’investigation en matière de suivi financier. Les membres de la commission de la défense se voient confier un pouvoir d’investigation sur pièces et sur place. La commission des finances, lors de sa réunion consacrée à la loi de programmation militaire, a proposé un amendement de transaction, pour ainsi dire, qui restreint la possibilité ouverte par le Sénat à la seule présidente de la commission de la défense. Mes collègues de la commission des finances, et en particulier M. le rapporteur général du budget, entendent ainsi ne pas trop ouvrir la boîte de Pandore. D’autres commissions pourraient en effet être amenées dans d’autres domaines à faire valoir la même clause, alors que le contrôle budgétaire relève traditionnellement des rapporteurs spéciaux de la commission des finances.
Voilà : en tant que rapporteur pour avis, je ne pouvais pas ne pas défendre la position de la commission des finances, dont cet amendement est la traduction. Cela dit, à titre personnel, je comprends que vous souhaitiez, monsieur le ministre, aboutir à une rédaction aussi proche que possible de celle du Sénat, dont vous aviez approuvé les arguments sur ce point. Mes collègues de la commission des finances comprendront que l’avis de la commission de la défense et plus généralement tout ce qui concourt à l’application la plus fidèle possible de la loi de programmation militaire doit être mis en oeuvre. Bien entendu, la commission des finances et son rapporteur spécial y prendront toute leur part.
Bien entendu, nous avons repoussé cet amendement et je constate que son auteur n’est pas loin de partager notre avis. Certains amendements sont parfois difficiles à défendre !
Sourires.
La commission a adopté des amendements qui n’enlèvent rien à ce qui a été discuté et voté au Sénat. Ils permettent de respecter certains aspects du contrôle financier de la loi de programmation militaire, en particulier en matière de secret défense, qui relève spécialement de la délégation parlementaire au renseignement et d’elle seule. Le texte s’en trouve donc légèrement modifié. Par ailleurs, les pouvoirs supplémentaires conférés aujourd’hui à la commission de la défense et à ses rapporteurs portent uniquement sur la loi de programmation et non sur les lois de finances. En outre, ils n’enlèvent absolument rien aux prérogatives de la commission des finances, que bien évidemment nous respectons. Avis donc défavorable.
Cet avis est aussi le nôtre. La loi de programmation militaire est une loi très particulière, comme l’a rappelé Mme la présidente de la commission à l’instant. Les rapporteurs de la commission de la défense doivent mener un examen extrêmement approfondi et si possible continu des différents programmes constituant le budget de la défense. Un tel travail est particulièrement compliqué et par ailleurs essentiel pour éclairer l’avis de la commission. Or le débat a montré que les rapporteurs, afin de comprendre vraiment comment fonctionnent les programmes, comment on aboutit à des décisions autant politiques que militaires, doivent être à même d’aller au fond de leurs investigations. Si les sénateurs, dont je salue la sagesse, ont prévu une disposition conférant plus de pouvoir aux rapporteurs, nous, qui sommes nombreux à l’avoir été et qui savons les difficultés à aller au fond des choses faute de pouvoirs, ne pouvons que nous en féliciter. Il s’agit selon moi d’une disposition extrêmement importante de la loi. J’y suis personnellement très favorable et le groupe UMP aussi.
L’amendement no 13 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement no 33 .
Il s’agit aussi d’un amendement rédactionnel, mais qui a toute son importance, monsieur le président !
Sourires.
L’amendement no 33 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 4 ter, amendé, est adopté.
Article 4
La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement no 34 .
Il s’agit également d’un amendement important. Nous avons assorti la présentation du bilan d’un facteur de temps, que je propose de réduire du semestre au trimestre. Certes, cela représenterait une charge de travail supplémentaire mais favoriserait un travail législatif bien fait et la bonne information du Parlement.
La commission a repoussé cet amendement pour deux raisons. Comme nous avons pu le constater à l’article précédent, nous avons considérablement augmenté les pouvoirs de contrôle de la commission de la défense, ce qui nous permettra de travailler de façon plus approfondie au suivi de la loi de programmation. En outre, à l’origine, le suivi des lois de programmation et des lois de finances devait se faire en quatre réunions, que nous n’avons jamais été en capacité de tenir, pour différentes raisons. Au fil du temps, il s’est avéré qu’un rythme bisannuel constituait une bonne mesure. Cela fonctionne ainsi depuis maintenant quatre ans. Il me semble qu’il faut continuer comme cela. Avis donc défavorable.
L’amendement no 34 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean Launay, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 9 .
Il s’agit d’un amendement quasi-rédactionnel, qui tend à supprimer une occurrence du mot « présente » car, comme la disposition en cause est bonne, il n’y a pas de raison de la limiter à la seule LPM dont nous débattons.
L’amendement no 9 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’article 4 quater, amendé, est adopté.
Article 4
L’article 4 quinquies est adopté.
Article 4
L’article prévoit un rapport sur l’exécution de la loi de programmation militaire dont le contenu est extrêmement large. Je m’interroge sur sa place. Il est lié aux questions budgétaires et sa remise est prévue préalablement au débat d’orientation budgétaire. Il existe à mon avis d’autres possibilités d’interroger le ministre sur des questions budgétaires sans avoir recours à un énième rapport. Surtout, ce rapport fait doublon avec l’article 4 ter, qui prévoit que les commissions chargées de la défense suivent l’application de la programmation militaire, et avec l’article 4 quater qui prévoit un bilan semestriel de l’exécution des crédits. Je pense donc que ce rapport supplémentaire n’est pas indispensable.
La commission a émis un avis défavorable pour les mêmes raisons que celles que j’ai évoquées tout à l’heure : nous souhaitons véritablement, à l’instar du ministre, pouvoir suivre de manière continue l’exécution de la loi de programmation. Ce rapport ne nous semble donc pas inutile, comme nous avons pu le vérifier pour la loi de programmation précédente.
Je rappelle que l’une des prérogatives du Parlement est le droit de contrôle, un droit que d’ailleurs nous n’exerçons pas. J’estime que nous disposons déjà de tous les outils pour faire ce travail de suivi et que ce rapport supplémentaire est donc inutile.
Je suis contre cet amendement, ainsi que celui qui va suivre. Contrairement à ce que vient d’affirmer M. Tardy, le fait que le Gouvernement s’exprime sur l’exécution de la loi de programmation militaire dans un rapport est tout à fait utile. Cela étant dit, le choix des mots prête à sourire : l’article dispose que ce rapport « peut faire l’objet d’un débat au Parlement. » Comme s’il était besoin que ce soit inscrit dans la loi ! J’ose espérer que nous pouvons organiser les débats que nous souhaitons ! Il en irait de même si l’on écrivait que ce rapport « doit » faire l’objet d’un débat. De la même façon, le président de la commission des lois M. Urvoas donne toujours un avis défavorable aux amendements qui demandent la présentation d’un rapport, parce qu’il estime que c’est à nous de décider de le faire, sans que cela soit inscrit dans la loi.
L’amendement no 92 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Léonard, pour soutenir l’amendement no 90 .
La mise en oeuvre de la loi de programmation militaire doit être l’occasion pour les Français de se rassembler derrière notre armée, les femmes et les hommes qui la composent et, au-delà, les valeurs de notre République. Le rapport annuel sur l’exécution de la loi de programmation militaire – la présente et, le cas échéant, les prochaines – doit donc impérativement faire l’objet d’un débat. Je propose donc d’écrire que ce rapport annuel d’exécution, établi préalablement au débat d’orientation budgétaire, « fait l’objet d’un débat » plutôt « peut faire l’objet d’un débat ».
Cet amendement a donc un triple objectif, en cohérence avec l’équilibre de la LPM 2014-2019 et avec la volonté exprimée par le ministre de la défense tout au long du parcours législatif de ce texte : le respect des droits du Parlement, le respect de nos soldats et le respect des territoires.
Cet amendement a été repoussé par la commission réunie au titre de l’article 88 du Règlement. À la réflexion et à titre personnel, j’y donnerai cependant un avis favorable, car des amendements similaires ont été acceptés par la commission dans le même cadre, en particulier un amendement de M. Lefebvre, qui n’est pas là aujourd’hui.
Le texte initial prévoit une possibilité de débat. Plusieurs amendements veulent le rendre obligatoire, dont l’amendement no 2 de M. Lefebvre que vous avez évoqué, madame la présidente, mais aussi l’amendement de M. Launay. L’amendement de M. Léonard présente l’avantage de renforcer l’autorité de la LPM sur l’exercice budgétaire, ce qui est à mes yeux le point le plus important. En outre, j’imagine que le Sénat, qui comme vous l’avez rappelé était très vigilant sur le suivi et le contrôle de la mise en oeuvre de la LPM, sera d’accord avec cette idée. Avis donc favorable.
La parole est à M. Christophe Guilloteau, pour soutenir l’amendement no 37 .
Permettez-moi de revenir un instant sur la modification que nous venons d’apporter : M. de Rugy n’a pas forcément raison de minimiser la différence entre « fait » et « peut faire », car « fait » c’est mieux que « peut faire » dans la langue française.
C’était l’objet de l’amendement no 35 que j’avais déposé, qui ne portait que sur ce mot. Si le président de la commission des lois n’accorde pas la même importance que nous à la dimension rédactionnelle, j’estime pour ma part que la différence entre « fait » et « peut faire » a toute son importance pour le Parlement.
Quant à l’amendement no 37 , il est rédactionnel. Et, bien que portant sur un seul mot, il a également toute son importance !
Cet amendement a été repoussé par la commission pour une raison simple : compte tenu de ce qui figure déjà dans le texte, il sera tout à fait possible pour l’ensemble des parlementaires d’interroger le ministre à l’occasion des débats prévus dans le cadre de la loi de programmation.
L’amendement no 37 n’est pas adopté.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 120 .
Je considère que cet amendement est défendu, puisque nous avons déjà eu ce débat à propos d’un précédent amendement.
Nous avons déjà largement évoqué ce sujet. La commission a émis un avis défavorable.
L’amendement no 120 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean Launay, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 11 .
Le rapport d’exécution de la LPM est désormais définitivement acté et il sera débattu. Le présent amendement porte plus précisément sur la question des recettes exceptionnelles, qui a été beaucoup débattue lors de la discussion générale. Le ministre n’a rien éludé dans ses réponses aux différents intervenants.
Tous les orateurs ont souligné l’importance de ces recettes exceptionnelles dans l’équilibre global de la loi de programmation militaire. Au sein de la commission des finances, nous pensons, et j’en suis convaincu, qu’il faut en assurer un suivi étroit. Nous souhaitons donc que le rapport identifie de manière détaillée les programmes abondés par les recettes exceptionnelles à l’échelle des actions et des sous-actions concernées, monsieur le ministre, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
La commission a émis un avis favorable, sous réserve que cette ventilation des ressources exceptionnelles soit dans le domaine du possible. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ?
Le Gouvernement est favorable à cet amendement. La question de Mme la présidente est opportune, mais je confirme qu’il nous est tout à fait possible de préciser les détails de l’affectation de ces recettes.
Le groupe UMP est d’autant plus favorable à cet amendement que se pose, nous avons pu le constater précédemment, le problème du gel définitif, éternel si j’ose dire, des 650 millions d’euros du budget de la défense dans le projet de loi de finances rectificative de 2013.
Le ministre nous a expliqué que les 6,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles pourraient éventuellement être augmentés de 500 millions d’euros. Même si nous ne mettons pas en doute sa bonne volonté, nous voyons bien qu’il y a là des manoeuvres susceptibles de créer le doute, la confusion chez les comptables même les plus affûtés.
Il est donc important que nous disposions du détail exact de la ventilation des recettes exceptionnelles.
L’amendement no 11 est adopté.
L’article 4 sexies, amendé, est adopté.
Je suis saisi de deux amendements portant article additionnel après l’article 4 sexies. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 121 .
Toujours dans l’idée de renforcer le contrôle parlementaire sur les questions de défense, qui mobilisent un budget très important, concernent un certain nombre d’industries de notre pays et, enfin, sont étroitement imbriquées avec la diplomatie et les affaires internationales, cet amendement s’intéresse aux exportations d’armes.
Ce sujet a été maintes fois évoqué. Je ne souhaite pas parler des éventuelles irrégularités et autres actes de corruption qui peuvent entourer les contrats d’armement : c’est un autre problème. Cet amendement vise plutôt à savoir à qui l’on vend un certain nombre d’armements et, par la suite, par qui ils sont susceptibles d’être utilisés. La question est bien de savoir quel type d’armement est vendu et quelle utilisation peut en être faite.
Nous proposons à cette fin de créer une délégation parlementaire qui aurait pour objet de contrôler les exportations d’armement. Cette idée a déjà été émise il y a longtemps par d’autres ; j’ai notamment retrouvé une proposition de loi de M. François Fillon, déposée en 1990. Je sais que M. Urvoas s’est également exprimé sur le sujet : il estime que nous ne disposons pas d’une information suffisante sur ces exportations et que les rapports disponibles aujourd’hui sont souvent incomplets et approximatifs.
Je suis bien conscient que le sujet est délicat et qu’il est difficile de trouver le bon outil. Le contrôle des parlementaires a priori est complexe. Nous avons pourtant su progresser, et il faudra sans doute continuer, sur la délégation au renseignement, dont nous discuterons dans quelques instants. Or, il s’agit également d’une question très délicate et sensible.
Même si le présent amendement n’est pas adopté, je souhaiterais que l’on avance sur la question du contrôle des exportations d’armes.
Permettez-moi tout d’abord de préciser, à l’instar de M. de Rugy, que la présente loi de programmation militaire renforce considérablement le contrôle du Parlement, en particulier de la commission de la défense, sur l’exercice de la loi de programmation et des lois de finances afférentes. Il existe aussi aujourd’hui une instance, la CIEEMG, Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre, qui instruit les demandes d’exportations et les autorise ou non. Cette instance fonctionne.
Par ailleurs, la nouvelle délégation dont vous proposez la création pourrait revenir sur des décisions qu’aurait prises l’exécutif, ce qui pourrait créer de la confusion dans le fonctionnement de nos institutions entre le rôle du Parlement, dans sa mission de contrôle, et le rôle de l’exécutif. Les exportations d’armement relèvent véritablement des compétences du Gouvernement.
Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable. Je profite de l’occasion pour préciser que la commission entend régulièrement le ministre et les industriels lors d’auditions et que nos rapporteurs examinent l’ensemble des programmes militaires et leur exécution. Nous disposons donc des moyens d’intervenir et d’interroger le Gouvernement le cas échéant.
Je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises sur cette question. Je suis défavorable à cet amendement qui aboutirait à ce que le Parlement sorte de son rôle de contrôle et d’évaluation de la politique du Gouvernement et s’immisce dans le processus de décision.
En outre, je présente tous les ans un rapport complet sur nos exportations d’armement à l’Assemblée nationale et au Sénat. D’ailleurs, malgré les demandes régulières, et justifiée, d’information des parlementaires, j’avoue que je n’ai qu’un maigre succès d’affluence, ce qui est dommage… Votre amendement permettrait peut-être de mobiliser l’ensemble des groupes pour l’occasion. J’ajoute, monsieur de Rugy, que je demande à chaque fois de tenir la réunion à huis clos pour pouvoir donner toutes les informations nécessaires aux parlementaires malheureusement très peu nombreux qui me font l’honneur d’être présents.
La présidente de la commission et le ministre ont donné les explications techniques nécessaires. En tant que législateur, nous avons tout loisir, en commission, d’auditionner les entreprises. Nous pouvons ainsi obtenir les renseignements nécessaires sur les exportations. Certes, les procédures sont lourdes, certains industriels du reste trouvent qu’elles le sont trop, mais ce sont les impératifs fiscaux et de défense qui justifient cet encadrement des exportations.
Puis, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, il existe maintenant un rapport annuel, assez détaillé, où l’on trouve ligne par ligne tout ce que l’on veut y trouver. Je regrette, comme vous, que peu de parlementaires assistent à sa présentation. Monsieur de Rugy, je vous invite, l’année prochaine, à traverser la rue avec moi, cela ne fait que douze mètres cinquante, pour vous rendre en commission. Vous aurez alors tous les renseignements que vous souhaitez. Ce serait déjà un grand pas vers le contrôle que vous souhaitez mettre en place.
Nous avons déjà eu ce débat en commission. En présentant l’amendement en séance, je souhaitais progresser. Si nous en sommes à compter le nombre de mètres qui nous séparent de la salle de la commission, assurément, nous élevons le niveau du débat !
Je préfère répondre sur le fond, à commencer par la confusion des rôles. C’est une question de conception mais pour ce qui est du contrôle a priori, je ne crois pas qu’il y ait confusion des rôles.
Il y a une mystique autour de la Ve République, selon laquelle la politique de la défense et celle des affaires étrangères seraient le domaine réservé non seulement de l’exécutif, mais tout particulièrement du chef de l’État. Cela n’existe nulle part dans la Constitution. Vous imaginez bien d’ailleurs qu’inscrire une chose pareille dans une Constitution contreviendrait aux principes fondamentaux d’une république et d’une démocratie ! Bref, on a laissé s’installer cette idée et l’on y annexe maintenant la question des exportations d’armes.
Je ne suis pas d’accord avec cette vision qui, heureusement, a évolué ces dernières années sous l’effet d’initiatives parlementaires : je citais Jean-Jacques Urvoas tout à l’heure, et je pense aussi à ce qui a été fait pour le renseignement, dont on pourrait aussi bien dire que les députés n’ont pas à y mettre leur nez.
Quoi qu’il en soit, en l’occurrence, un rapport est présenté devant la commission par an et l’on considère que le contrôle est fait. Un rapport par an, c’est bien, mais c’est le strict minimum. Je pense que si l’on avait répondu à ceux qui voulaient créer une délégation au renseignement qu’un rapport par an suffisait bien et qu’ils pouvaient auditionner qui ils voulaient en commission, ils n’auraient pas trouvé cela bien sérieux.
En effet, les députés doivent pouvoir s’investir. Je vous le dis, monsieur Guilloteau, ainsi qu’au ministre, en toute amitié, n’importe quel député, moi ou un autre, membre d’une délégation s’investit davantage qu’un député qui n’a que la possibilité d’assister à la présentation d’un rapport.
Enfin, les auditions d’industriels… Ce n’est pas sérieux ! Personnellement, je ne demanderais jamais aux industriels de faire toute la lumière sur la question des exportations, et en tout cas je ne leur ferais pas confiance ! Ce n’est pas à eux de se prononcer devant une commission parlementaire sur ce sujet.
Monsieur de Rugy, nous avons eu tout à l’heure un échange sur les méthodes de fonctionnement de nos groupes politiques. Là encore, je cite votre amendement : « En cas de désaccord avec la délivrance totale ou partielle d’une autorisation d’exportation de matériels de guerre, la délégation peut demander sa suspension ». Mais il y a des pouvoirs séparés, dans notre République ! Il y a le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et l’autorité judiciaire ! Comment pouvez-vous dire qu’une délégation parlementaire peut suspendre une décision prise par le pouvoir exécutif ?
Pour ma part, je combats le pouvoir exécutif en place…
Sourires.
…parce que ce ne sont pas mes convictions politiques. D’ailleurs, monsieur le ministre, je pense que nous ferions mieux si nous étions à votre place !
Rires.
Cela étant, le ministre est le représentant du pouvoir exécutif issu d’une majorité parlementaire. Vous ne pouvez pas demander à des parlementaires de contrôler ce qui relève de l’exécutif ! Il ne s’agit même pas d’un contrôle, d’ailleurs, car vous voulez véritablement vous substituer au pouvoir exécutif. Cela, nous ne pouvons pas le tolérer, monsieur de Rugy, même si nous nous opposons à l’actuelle majorité.
L’amendement no 121 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean Launay, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 12 .
Il s’agit toujours du rapport annuel sur les exportations d’armement. Monsieur Meunier, les résultats de la précédente LPM n’ont probablement pas été à la hauteur de vos ambitions. C’est justement parce que nous sommes attachés à la réussite de la prochaine que nous voulons préciser le texte et assurer un meilleur suivi. Dans la discussion générale, il a été souligné que la question des exportations d’armement participait à l’équilibre des ressources exceptionnelles. Nous avons salué le fait que la perspective d’amélioration réelle des exportations, illustrée par l’exemple des Rafale, conditionnait aussi l’équilibre de la LPM.
Avec cet amendement déposé au nom de la commission des finances, je souhaite, si cela est possible, monsieur le ministre, pour associer au plus près le Parlement au suivi de cette trajectoire, que le rapport sur les exportations d’armement soit adressé dans la mesure du possible aux parlementaires à la date du 1er juin de chaque année, à compter de l’exercice budgétaire 2015.
L’objectif que nous devons partager, c’est une bonne information, et si les parlementaires, tous bancs confondus, s’attachent à la réussite de la LPM, de tels éléments d’information peuvent y concourir.
Monsieur le rapporteur pour avis, ce que vous venez de dire est très inquiétant ! Selon vous, tout l’équilibre de notre loi de programmation militaire dépendrait des exportations ? Vraiment très inquiétant. Cela étant, nous ne sommes pas en désaccord avec votre amendement, qui est par ailleurs très intéressant, et nous le voterons. Mais vous venez de dire clairement que l’équilibre de votre loi de programmation militaire repose sur l’exportation. C’est un pari que vous faites. Vous pouvez le gagner, ce que je vous souhaite, à titre personnel et au nom de mon groupe, mais cela n’en reste pas moins un pari, monsieur Launay.
Monsieur Meunier, je ne peux pas vous laisser dire cela. Je vous remercie pour votre vote, mais reportez-vous à la discussion générale et à la présentation du rapport ! C’est mon rôle au sein de la commission des finances et, déjà au moment du débat sur le Livre blanc, j’avais appelé l’attention du ministre sur le fait que les recettes exceptionnelles étaient essentielles pour l’exécution correcte de la trajectoire financière prévue par la LPM.
Dans ma présentation, j’ai cité quatre sujets qui méritaient notre suivi et l’attention de tous pour la réussite de cette LPM. Le rapport sur les exportations d’armement n’en est qu’un parmi les quatre. Cet amendement de précision concourra à la bonne connaissance des objectifs par notre assemblée et je souhaite, chers collègues, que vous partagiez notre volonté de les atteindre.
L’amendement no 12 est adopté.
À ce stade de nos débats, je profite de cette intervention pour faire une remarque de forme. M. Guilloteau a fait remarquer tout à l’heure que j’étais le seul à voter pour un de mes amendements. En effet, ce matin, je suis le seul représentant de mon groupe ! Cela étant, vous n’êtes que trois ou quatre sur les bancs de l’UMP et il y a dans l’hémicycle trois groupes qui ne sont pas représentés. Nous sommes tous logés à la même enseigne…
Pour ma part, je regrette profondément la façon dont sont organisés nos débats. Cette semaine parlementaire est la preuve par l’absurde que cela ne peut pas continuer ainsi. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été examiné lundi après-midi, le soir et dans la nuit jusqu’à quatre heures et demie du matin. La loi de programmation militaire a été examinée mardi et mercredi, avec une interruption pour cause de niche parlementaire toute la journée de jeudi. Nous n’avons malheureusement pas pu siéger hier soir pour des raisons de forme, alors que la séance était libre… Nous poursuivons donc ce matin. Et cet après-midi doit arriver en séance, sans faire la moindre allusion à la concordance des sujets, le projet de loi sur la prostitution !
Sourires.
Cette organisation, sur un sujet aussi important que la loi de programmation militaire, est franchement insupportable. Je regrette que trois groupes de cette assemblée n’aient pas pu siéger ce matin. J’aurais voulu que soient défendus, à l’article 5, l’amendement du groupe GDR et celui de Mme Mazetier qui proposent d’élargir et de mettre du pluralisme dans la délégation au renseignement. Cette délégation comporte quatre membres, dont deux de droit. Dès lors qu’il n’y a plus que deux membres désignés par l’Assemblée et par le Sénat, on voit bien qu’il n’y aura pas de pluralisme.
De telles instances sont importantes et leur crédibilité serait renforcée si toutes les sensibilités politiques de notre assemblée pouvaient être représentées. Pour tout ce qui touche au contrôle, c’est le principe d’une représentation pluraliste qui garantit l’indépendance de ces instances.
Nous avons eu un précédent fâcheux : la commission sur le Livre blanc, dans laquelle seuls deux groupes de notre assemblée étaient représentés. Les autres groupes ou partis politiques n’ont même pas été auditionnés et n’ont pas non plus été appelés à apporter leur contribution.
Il est donc dommage que nos collègues n’aient pas pu être là, et je ne leur jette pas la pierre. Je regrette simplement que ces amendements visant à élargir et à introduire du pluralisme dans la délégation au renseignement ne puissent pas être examinés et votés.
Je suis d’accord avec M. de Rugy, nos conditions de travail deviennent insupportables. Alain Tourret l’a déjà dit il y a quelques semaines. Nous ne pouvons pas continuer à siéger comme cela, avec un ordre du jour aussi chargé. Ce matin, il est question de 200 milliards d’euros ! C’est une course permanente. Nous avons l’impression que l’ordre du jour s’accélère en permanence.
Je profite de la présence de Bruno Le Roux et de son influence pour lui demander de partager ces interventions. Nous ne pourrons pas continuer à faire un travail parlementaire crédible vis-à-vis de nos compatriotes si nous continuons à ce rythme démentiel.
Il est très rare que je sois d’accord avec M. de Rugy ! Mais ce n’est pas tant l’ordre du jour qui me gêne. Comme l’a souligné Philippe Meunier, il s’agit d’un budget de presque 200 milliards, d’un texte qui engage la défense jusqu’en 2019 ! Pour ma part, j’en veux cruellement à certains de nos collègues qui l’autre jour sont montés à la tribune pour aboyer ou faire leur numéro, alors que nous nous retrouvons ce matin à cinq députés de notre groupe et trois groupes même pas représentés. Ce n’est pas une bonne chose pour la défense, alors que nous allons peut-être encore envoyer des soldats en Afrique. Ce non-respect de l’institution militaire me gêne.
Cela étant, je suis d’accord avec vous, monsieur de Rugy, il y a un problème d’ordre du jour. Il faudra certainement le revoir, car nous ne pouvons pas continuer à travailler dans de telles conditions. Hier, la journée n’était pas très chargée et nous aurions pu travailler le soir. Aujourd’hui, on nous demande d’aller à toute vitesse de l’article 4 à l’article 37. C’est insupportable.
La parole est à Mme la Présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Je ne ferai pas de commentaire sur le déroulé de nos travaux, ce n’est pas le sujet. Je voudrais simplement préciser à M. de Rugy que la délégation parlementaire au renseignement n’est pas composée de quatre parlementaires mais de huit, quatre de droit – les deux présidents des commissions des lois et de la défense de l’Assemblée nationale et du Sénat – et quatre autres, deux sénateurs et deux députés, désignés par les deux chambres.
Par ailleurs, il est déjà inscrit dans le texte que cette représentation est pluraliste. Il appartient dès lors aux présidents, à l’Assemblée comme au Sénat, de faire respecter ce pluralisme.
Je vais le retirer pour laisser M. Verchère présenter l’amendement no 133 qui me semble bien meilleur.
L’amendement no 22 est retiré.
La parole est à M. Patrice Verchère, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 133 .
Ce n’est pas qu’il soit meilleur, puisque c’est le même, il est simplement mieux placé ! Nous avons débattu en commission de la question des membres de droit, et la commission des lois apprécie votre effort, madame la présidente. Il s’agit, par mesure de cohérence, de regrouper au I de l’article 6 nonies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 les dispositions relatives aux attributions, aux missions et aux moyens de la délégation parlementaire au renseignement, et au II sa composition. Nous aurions souhaité cette dernière différente, mais chaque commission faisant un pas vers l’autre, nous pouvons nous féliciter de ce compromis.
L’amendement no 133 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Patrice Verchère, rapporteur pour avis, pour soutenir l’amendement no 134 .
Il reprend lui aussi une disposition adoptée par la commission des lois. Il vise à ce que les membres de la délégation parlementaire au renseignement désignent chaque année leur président. Actuellement, il s’agit alternativement du président de la commission de la défense ou du président de la commission des lois de chacune des deux assemblées. Il importe de prévoir que ce ne sera plus nécessairement à eux d’assurer cette présidence, car les présidents de commission ont déjà beaucoup de travail. Bien évidemment, ils pourront se faire élire s’ils le souhaitent, mais il conviendrait que les quatre autres membres puissent aussi présider la délégation.
Sourires.
Nous avons souvent un avis commun, avec la commission des lois, quant au fonctionnement de cette délégation mais je rendrai tout de même un avis défavorable, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, pour faire partie de la délégation depuis un peu plus d’un an et demi, il me semble important que la présidence soit assurée par le président d’une des quatre commissions, ne serait-ce qu’en raison de la qualité de sa représentation et du dialogue construit et également apprécié qu’il peut nouer avec les différents services de renseignement. La présence et l’alternance des présidents de ces quatre commissions sont des avantages.
Ce fonctionnement permet par ailleurs à chaque président d’apporter son regard particulier sur les questions intéressant le service des renseignements, ce qui est essentiel. Enfin, si la présidence pouvait être assurée par l’un des quatre autres parlementaires présents, je crains que certains ne deviennent des spécialistes de la matière, ce qui ne serait pas souhaitable pour le fonctionnement de nos institutions. La présidence dure un an et elle ne représente pas, pour l’avoir déjà assurée, une charge si importante que nous ne pourrions la remplir.
J’ai trop de considération pour le Parlement pour m’immiscer dans ce débat majeur et juger si la délégation parlementaire au renseignement a besoin d’un président permanent ou pas. Je laisse ce soin à l’Assemblée nationale et au Sénat.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.
Cet amendement n’empêche rien mais permet tout, et c’est essentiel car le texte que le ministre nous propose confère une nouvelle dimension à la délégation parlementaire au renseignement. Jusqu’à présent chargée du suivi de l’activité des services, elle devra dorénavant contrôler cette activité et la politique que le Gouvernement conduit, ce qui amènera d’ailleurs des changements, d’ordre matériel en particulier, dans notre maison. Nous ne pourrons plus continuer à nous réunir dans des salles qui ne sont pas prévues pour cet usage. J’ai d’ailleurs écrit au président Bartolone pour qu’une salle soit dédiée à la délégation parlementaire au renseignement, car nombre de nos échanges devront rester confidentiels, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. Nos conditions de travail sont souvent baroques et il faudra que cela change.
Cet amendement permet de tirer les enseignements du fonctionnement actuel de la délégation. Que les présidents de commission en soient membres, comme le souhaite la commission de la défense, ne pose aucun problème. Il peut arriver en revanche qu’ils ne soient pas intéressés par le renseignement et ne souhaitent pas assurer la présidence de la délégation, même si elle ne dure qu’un an – car, monsieur le ministre, la présidence sera annuelle dans tous les cas. Permettre à un parlementaire qui n’est pas président de commission de présider une année la délégation parlementaire permettrait de fluidifier le fonctionnement de l’Assemblée nationale.
Rappelons que Jean-Luc Warsmann, mon prédécesseur lors de la précédente législature, qui a présidé en son temps la délégation, avait justement regretté que la charge de président de la commission des lois lui ait imposé de faire des choix qu’il aurait préféré éviter. C’est la raison pour laquelle nous aurions d’abord préféré que les présidents ne soient pas membres de droit, et puisqu’il en est ainsi, que l’on permette au moins aux parlementaires qui y siègent de présider la délégation s’ils en ont envie.
À la suite du ministre, je salue le juridisme poussé de nos collègues de la commission des lois avec un peu d’amusement, mais je les soutiendrai néanmoins. Sur le fond, l’élargissement de la composition de la commission au-delà des membres de droit, le fait de ne pas toujours tout concentrer sur les mêmes personnes est une bonne idée. Cela rejoint mes propos précédents. Je regrette d’ailleurs que nos collègues de la commission des lois n’aient pas fait preuve d’un juridisme aussi pointilleux tout à l’heure car, même avec seulement deux membres de droit et deux députés comme représentants, et je parle pour l’Assemblée nationale, madame la présidente, nous aurions pu préciser que ces députés n’appartenaient pas au même groupe que les présidents des commissions des lois et de la défense, améliorant ainsi, même à nombre constant, le pluralisme de la délégation. Toutes les propositions qui iront dans ce sens, sur un sujet aussi sensible que le renseignement, où la crédibilité est essentielle, sont à retenir. Le pluralisme en est un gage, tout comme l’alternance de la présidence.
Le débat n’est pas anodin, car vous aurez remarqué que la délégation au renseignement comprend désormais la commission de vérification des fonds spéciaux. Or, cette dernière choisit elle-même son président parmi ses quatre membres, sénateurs ou députés. Soyons cohérents. Si cette commission, au sein de la délégation, peut elle-même choisir son président mais que la délégation ne le peut pas, ce n’est pas logique.
Pour avoir moi-même présidé cette commission de vérification des comptes avant M. le président Urvoas, je peux vous assurer que la charge est importante. Il faut que les gens puissent libérer du temps, sans compter que la vérification des fonds spéciaux nécessite parfois de se déplacer fort loin. Nous devons introduire de la souplesse dans le fonctionnement de cette structure si nous voulons qu’elle soit efficace.
La parole est à Mme la Présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
M. Urvoas considère que les modifications que nous apportons au texte, c’est-à-dire le passage du suivi au contrôle, se traduiront par un surcroît de travail pour la délégation. Cela étant, le contrôle, nous avons pu le vérifier ensemble, s’exerce déjà ! C’est d’ailleurs pour cette raison que nous souhaitons ce changement : le travail réalisé par la délégation parlementaire au renseignement, les relations de confiance qui se sont établies entre les parlementaires présents avant moi et les services de renseignement montrent aujourd’hui qu’un contrôle s’est véritablement exercé. Le Gouvernement le souhaite également et c’est une bonne chose.
Par ailleurs, une législature dure cinq ans. Avec un nouveau président chaque année, il y aura quatre présidents différents par législature.
S’agissant des fonds spéciaux, je n’ai jamais participé à la commission mais je sais, pour l’avoir entendu, que le suivi régulier chaque semaine….
…ou un peu moins imposera à cette commission de se réunir sans doute plus fréquemment. Je conçois que le rythme et la disponibilité des parlementaires qui en feront partie seront peut-être un peu différents. Je ne pense pas dans ces conditions que les présidents de commission choisiront d’assurer la vérification des comptes spéciaux, même si le texte ne l’interdit pas, ce qui permettra aux autres parlementaires nommés de s’investir sur ce dossier – ce qui nous ramène à la question du pluralisme d’ailleurs. Il leur appartiendra bien évidemment de choisir celui qui présidera leurs travaux.
L’amendement no 134 n’est pas adopté.
Sur la question du contrôle du Parlement sur les exportations d’armement, je suis un récidiviste, et j’assume : cet amendement reprend une démarche que j’avais engagée il y a plusieurs années, qui avait été soutenue par les groupes socialiste et communiste à l’époque et sur laquelle j’avais été battu par ma propre majorité. Cela arrive parfois !
Cet amendement vise à conférer à l’Assemblée nationale une fonction de contrôle a posteriori sur les ventes d’armement, en confiant cette mission aux quatre membres de la délégation au renseignement qui ne sont pas déjà chargés de la vérification des fonds spéciaux.
Cette commission d’examen des contrats de vente de matériel de guerre à l’exportation se verrait ainsi transmettre la liste des contrats déjà visés par la CIEMMG. Il lui appartiendrait ensuite de décider des contrôles qu’elle pourrait effectuer. Il s’agirait donc d’un contrôle par sondage, pas systématique. Le Parlement pourrait ainsi assurer un contrôle effectif a posteriori, sans entraver l’action de l’exécutif, au même titre que la commission de vérification des fonds spéciaux ne contrôle pas la totalité des dossiers qui lui sont transmis.
Je suis sans papier, monsieur le président Baupin, ne me pourchassez pas !
Sourires
Bref, il s’agit d’un affichage politique visant à montrer que le Parlement français ne se ferme pas la possibilité de garder un oeil sur les contrats d’armement. Merci, monsieur le président, pour votre bienveillance.
Cet amendement a été rejeté par la commission, qui ne voit pas le lien qui pourrait exister entre le contrôle des exportations d’armement et la délégation parlementaire au renseignement.
Comme la présidente, je ne vois pas non plus le lien – mais il peut y en avoir, ne soyons pas trop naïfs – avec la délégation parlementaire au renseignement. Toutefois, je voterai cet amendement : même si M. Fromion a usé de moult précautions oratoires pour le distinguer de celui que j’ai défendu tout à l’heure, il va dans le même sens, celui d’un contrôle, certes très encadré, des exportations d’armes. Le plus simple serait de créer une délégation, pourquoi pas sur le modèle de la délégation au renseignement, qui serait chargée de ce contrôle a posteriori.
L’amendement no 74 n’est pas adopté.
La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement no 73 rectifié .
L’amendement no 73 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 5, amendé, est adopté.
L’article 6 est adopté.
L’article 7 est adopté.
Cet article vise à accorder à l’ensemble des services de renseignement les droits d’accès à cinq fichiers administratifs aujourd’hui mis en oeuvre par les services du ministère de l’intérieur. Cette extension est fondée sur la « défense des intérêts fondamentaux de la nation », une expression consacrée en plusieurs endroits du texte, mais qui reste trop floue à mon sens. Le décret d’application devra encadrer précisément l’accès aux fichiers.
L’article 8 est adopté.
L’article 9 est adopté.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement de suppression no 93.
Fait assez rare, voire inédit dans cette enceinte, l’article 10 anticipe la transposition d’une directive. D’habitude, c’est sur le tard, voire hors délai !
Il s’agit d’expérimenter un fichier automatisé des passagers aériens. Le mieux étant souvent l’ennemi du bien, il faut savoir que la directive PNR, « Passenger name record », n’est pas vraiment en phase de transposition : elle a été rejetée par la commission des libertés civiles du Parlement européen. Je sais que la connexion entre députés européens et cadres nationaux du PS n’est pas toujours bonne, mais je précise qu’en l’occurrence, le rejet a été soutenu par les socialistes et les écologistes européens ! Un comble, monsieur de Rugy !
Je fais confiance au Parlement européen en matière de libertés. Dans le domaine du fichage, la prudence et la réflexion doivent être de mise. Une harmonisation est certes nécessaire, mais la France serait bien inspirée d’attendre : je ne vois pas l’urgence qu’il peut y avoir à mettre la charrue avant les boeufs.
La commission a rejeté cet amendement. Le dispositif créé par l’article 10 est très important, car il permettra à nos services de détecter, grâce à l’exploitation des données de réservation, les déplacements à l’étranger des personnes considérées à risque, comme le font déjà les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie ou le Canada.
Nous avons pu vérifier les garanties en matière de libertés publiques prévues dans ce texte. Les services n’auront pas directement accès à cette base de données. Celle-ci sera mise en oeuvre par une unité de gestion que les services interrogeront. Le système de collecte des données sera précisé par un décret en Conseil d’État, et après avis de la CNIL. Enfin, nous avons adopté, à l’initiative de la commission des lois, un amendement à l’alinéa 3, qui vise à garantir la confidentialité des informations personnelles sensibles, sur les convictions religieuses ou politiques et la vie sexuelle par exemple.
Cet article est là par la responsabilité du Gouvernement, par ma responsabilité, sans qu’il soit besoin de faire référence à aucune directive. Je suis fermement opposé à sa suppression. Le fichier PNR est indispensable à nos services de renseignement, mais aussi aux services de police judiciaire compte tenu des enjeux attachés à la connaissance des déplacements internationaux d’individus rattachés aux mouvances al-quaïdistes et aux trafics criminels, et Dieu sait si cette question est majeure.
En outre, ces données sont déjà largement communiquées par les compagnies aériennes aux services américains, en vertu des lois américaines adoptées après les attentats du 11 septembre. Je m’étonne même de cet amendement, monsieur le député.
J’aurais pu saluer la volonté de Lionel Tardy de se prémunir contre toute dérive dans l’utilisation des fichiers, mais je ne partage pas sa volonté de supprimer cet article.
La commission d’enquête sur les dysfonctionnements autour de l’affaire Merah, présidée par M. Cavard, a mis en lumière les problèmes de la traçabilité des déplacements internationaux. Il est surprenant, et je le dis à nos collègues du Parlement européen, que l’on accepte que des sociétés privées fassent du business en exploitant les données privées des citoyens, y compris celles détenues par les compagnies aériennes, mais que l’on refuse ces mêmes données à des services de sécurité, de police, de justice, qui, eux, accomplissent un travail de prévention dans la lutte contre le terrorisme.
Encore tout récemment, l’affaire Dekhar a montré combien il était difficile de retrouver la trace d’une personne. Il faut savoir ce que l’on veut : pour surveiller des individus soupçonnés d’implication dans des réseaux extrémistes, et susceptibles de mener des actions terroristes, cet outil de traçabilité des déplacements aériens est important.
Je suis étonné de votre étonnement, monsieur le ministre ! Je rappelle que cette directive a été rejetée au Parlement européen par les députés socialistes et écologistes. C’est donc plutôt le peu de réaction de nos collègues socialistes qui est surprenant : ils devraient s’interroger un minimum plutôt que de se satisfaire de la volonté du Gouvernement et de la décision propre du ministre.
Nous sommes à fronts renversés. En tant que membres d’un parlement national, les députés du groupe UMP voteront l’article 10. Nous considérons que les services doivent disposer de tous les moyens pour protéger nos compatriotes.
L’amendement no 93 n’est pas adopté.
L’article 10 est adopté.
L’article 11 est adopté.
Cet article porte sur l’extension de la consultation des fichiers de police judicaire aux services de renseignement. Lorsque l’on traite de données personnelles, il est logique de prendre l’avis de la CNIL sur un projet de décret d’application. Il convient de systématiser les avis de cette commission, particulièrement détaillés et précieux, et bien sûr d’en demander un pour le décret prévu par cet article.
Ce fichier d’antécédents dont l’accès est ouvert aux services de renseignement, a été créé par la loi du 14 mars 2011 dite LOPPSI 1. Le traitement de ces données est opéré sous contrôle du procureur de la République territorialement compétent et un magistrat est spécialement chargé de suivre la mise en oeuvre du fichier au ministère de la justice. Je pense que les garanties actuelles sont largement suffisantes et que l’avis de la CNIL sur ce projet de décret d’application est superfétatoire.
L’amendement no 94 n’est pas adopté.
L’article 12 est adopté.
Je suis saisi de trois amendements portant articles additionnels après l’article 12.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement no 131 .
Cet amendement vise à inscrire dans le droit ce qui est une pratique constante depuis 1991. La commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, où j’ai l’honneur de siéger avec le sénateur Jean-Jacques Hyest, soit un représentant de la majorité et un de l’opposition, doit donner son avis sur les écoutes téléphoniques. Dans le texte de 1991, il était prévu que le Premier ministre donne son avis et qu’a posteriori, la CNCIS confirme ou invalide. Dans la pratique, et dès 1991, la CNCIS a estimé qu’il était plus normal qu’elle donne son avis avant que l’interception soit exécutée. Lionel Jospin puis François Fillon ont confirmé cette pratique.
La commission de la défense a examiné cet amendement ainsi que les deux qui suivent au titre de l’article 88 du règlement. Sur les trois amendements, elle a émis un avis défavorable, car ils réécrivent totalement la procédure d’autorisation des interceptions de sécurité. S’ils étaient adoptés, le Premier ministre devrait alors recueillir l’avis préalable du président de la CNCIS avant d’autoriser une interception.
Le président Urvoas a raison d’évoquer ce sujet mais, eu égard à son importance, et compte tenu du fait qu’il ne relève pas précisément des compétences de la commission de la défense ni du champ de la LPM, il aurait été préférable que ces amendements soient examinés en détail avant d’arriver en séance ou, mieux encore, qu’ils le soient dans le cadre d’un projet de loi spécifique, que le ministre nous a annoncé mercredi vouloir présenter, plutôt que dans le présent projet de loi. D’autre part, le fonctionnement normal de nos assemblées exige que les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat procèdent à un examen approfondi de ces amendements avec lesquels, sur le fond, je ne suis par ailleurs pas en désaccord.
J’ai déjà eu l’occasion de répondre au président Urvoas à la fin de la discussion générale. Les trois amendements nos 131 , 130 et 129 retouchent la législation relative aux interceptions de sécurité, dont le caractère extrêmement sensible nous contraint d’envisager toute modification avec une grande prudence.
Sur le fond, je n’ai aucun désaccord avec le président Urvoas. Je souhaiterais néanmoins que l’on prenne le temps d’analyser précisément en quoi la législation sur les interceptions mérite d’être modernisée ou mise en cohérence avec la pratique actuelle de la CNCIS. En outre, comme l’a rappelé Mme la présidente, cette disposition ne relève pas forcément de la compétence de la commission de la défense, même si elle est directement intéressée.
Je l’ai dit au président Urvoas mercredi dernier : le Gouvernement sera amené à proposer au Parlement de se prononcer assez rapidement sur les questions relatives aux services de renseignement et sur les outils qui sont mis à leur disposition. À cet instant, je ne peux guère en dire davantage. En dépit de mon accord sur le fond des amendements, ils nécessitent une analyse plus approfondie. C’est pourquoi, à ce stade du débat, j’émets un avis défavorable à titre provisoire.
Disons-le : ces amendements du président Urvoas vont dans le bon sens. Ils traitent des interceptions de sécurité et prévoient que l’avis de la CNCIS intervienne avant l’interception, ce qui est tout à fait primordial. Cela paraît d’ailleurs logique, même si ce n’était pas le cas jusqu’à présent. Cette commission nationale n’est pas un comité Théodule – vous savez combien je lutte contre leur prolifération – mais une autorité administrative indépendante. Il est donc satisfaisant de renforcer son rôle et de lui donner une place de garde-fou.
On peut regretter qu’à l’article 13, que nous allons examiner, l’avis a posteriori la règle concernant les données en temps réel. Cela étant, ce premier changement de paradigme est satisfaisant et, pour ma part, je soutiendrai ces trois amendements.
J’ai bien entendu les arguments de Mme Adam et de M. le ministre. Je veux leur dire de la plus respectueuse des manières que nous examinons actuellement une loi de programmation militaire et de sécurité nationale ; par conséquent, les amendements que je présente ne sont pas totalement exorbitants au regard du sujet que nous traitons.
Il me semble en effet que les interceptions de sécurité sont un outil régalien de sécurité nationale.
J’entends les arguments de M. le ministre et, le sachant homme de parole, je lui fais confiance. Je veux tout de même dire que cela fait vingt ans que la pratique est constante…
… au fil de plusieurs législatures et quels que soient les membres concernés – car les députés ne siègent qu’une seule fois à la CNCIS : mon prédécesseur était Daniel Vaillant, qui avait lui-même succédé à Jean-Michel Boucheron. Je lutte ici contre le désordre normatif. Pour que la loi soit claire, le droit doit correspondre à la réalité. Or, la réalité, c’est que depuis 1991, la CNCIS, à la demande du Premier ministre, donne son avis avant les interceptions. Si le texte de loi était appliqué stricto sensu, elle devrait donner son avis a posteriori. Je comprends que vos arguments vaillent pour les deux amendements suivants mais, sur le sujet abordé par l’amendement no 131 , outre qu’il relève de la loi conformément à l’article 34 de la Constitution, il me semble que nous devrions sécuriser le droit, c’est-à-dire permettre sa clarté – ce qui est un objectif constitutionnel.
En tant que membre de la commission de la défense et de la délégation parlementaire au renseignement, il me semble que la proposition de M. Urvoas est pertinente, mais je m’interroge sur la manière dont elle arrive dans le débat sans que l’ensemble de ses tenants et aboutissants aient pu être examinés sur le fond par la commission des lois aussi bien que par celle de la défense qui, à mon sens, doit également se saisir de ce problème. Je partage donc l’avis défavorable de Mme la présidente de la commission de la défense.
L’amendement no 131 n’est pas adopté.
Sur le vote précédent, je vous le dis : les bras m’en tombent ! Je ne comprends pas pourquoi le Parlement n’inscrit pas la pratique dans le droit !
Que chacun s’en rende compte : il y a aujourd’hui en France 1 480 interceptions de sécurité, décidées par décret du Premier ministre. Depuis 1991, tous les mois – depuis dix-huit mois pour ce qui me concerne – les membres de la CNCIS donnent, à la demande du directeur de cabinet du Premier ministre, du ministre de l’intérieur et du ministre de la défense, un avis préalable à une interception. Or, l’Assemblée nationale vient de nous dire que nous avons tort et que nous devrions le faire après !
Voilà en effet ce que signifie ce vote : désormais, la CNCIS ne donnera plus d’avis préalable à l’interception, pour respecter le droit. Pourquoi ne l’avons-nous pas fait avant ? Parce que l’opportunité ne s’est pas présentée, et parce que le texte de 1991 n’a pas été discuté.
Je vais retirer les amendements suivants, nos 130 et 129, qui portent sur des sujets différents. Je proposais notamment, et je crois que c’est l’intérêt de la sécurité nationale, que Tracfin ait accès aux interceptions de sécurité. Cinq des six services de renseignement dont nous disposons peuvent procéder à des interceptions de sécurité ; seul Tracfin n’y est pas autorisé. Le sujet est complexe, soit : reparlons-en plus tard. En revanche, le vote auquel l’Assemblée vient de procéder rend insécures les interceptions de sécurité ! À titre personnel, je le regrette.
Je trouve honnêtement que les débats prennent une tournure incroyable. Venons-en néanmoins à l’article 13, sur lequel il y a également beaucoup à dire.
Cet article traite des interceptions de sécurité et vise à mettre fin au dispositif antiterroriste temporaire adopté suite aux attentats du 11 septembre 2001, et reconduit depuis lors. Avant de défendre mes amendements, je voudrais dire que le texte tel qu’il a été réécrit par le Sénat est beaucoup plus satisfaisant que la version initiale, et surtout beaucoup plus encadré que les dispositions actuellement en vigueur. Néanmoins, nous allons traiter ici de l’accès aux données en temps réel : on touche donc aux libertés publiques.
Dans ce domaine, nous ne serons jamais trop prudents. Le scandale Prism est une preuve supplémentaire de l’extrême vigilance dont il faut faire preuve sur ces questions de données personnelles. À la lumière de cette affaire, aucun amendement venant renforcer le dispositif ne peut être balayé d’un revers de main, tant les attentes sont fortes et tant les risques de mésemploi sont grands.
Je salue une nouvelle fois le travail effectué par le président de la commission des lois du Sénat, mais il est nécessaire de mieux encadrer et préciser le dispositif, qui ne le sera jamais trop. La CNIL a regretté hier de ne pas avoir été saisie des dispositions de cet article 13, ce qui ne me rassure pas vraiment. La procédure, dans son ensemble et dans les détails, doit offrir le maximum de garanties possible afin de ne pas laisser la place aux dérives et aux détournements, et surtout afin d’éviter les erreurs.
Sur cet article, j’émettrai une réserve de taille, qu’il est difficile de modifier, concernant les finalités du recueil. En effet, les finalités énumérées à l’article L. 241-2 du code de la sécurité intérieure sont extrêmement larges. La lutte contre le terrorisme devait être l’un des seuls objectifs de ce recueil ; or, on y trouve aussi la prévention de la criminalité, par exemple. Je crains fort que cela ne revienne à une autorisation générale, car sous l’expression de « prévention de la criminalité », on peut englober tout et n’importe quoi.
Ce genre de détail, qui n’en est pas un, n’a rien de rassurant. Même si les questions de budget et de moyens sont importantes, celles de protection des données et de cyberdéfense ne doivent pas, je le répète, être traitées à la légère.
Permettez-moi d’intervenir à ce stade du débat pour que nous puissions examiner plus rapidement, je l’espère, les amendements qui suivent. Le texte qui vous est proposé, monsieur Tardy, offre des garanties très importantes en termes de libertés publiques, puisque le décret en Conseil d’État sera pris après avis de la CNIL et de la CNCIS. Voilà qui donne donc toutes les garanties nécessaires s’agissant de l’application ultérieure de l’article.
Je ne partage pas l’avis de Mme la présidente de la commission. Un premier encadrement me paraît ici nécessaire concernant les données de connexion. L’article fixe une liste non exhaustive, j’y reviendrai, des données de connexion pouvant être interceptées : les données relatives à l’identification des numéros d’abonnement de connexion, à l’ensemble des numéros d’abonnement de connexion d’une personne désignée, à la localisation des terminaux utilisés, aux communications d’un abonné ainsi qu’à leur durée et à leur date.
Je ne vois dans cette liste que des données, et aucun document. Or, l’alinéa 6 de l’article mentionne des « informations ou documents ». La liste étant non exhaustive, je crains que l’emploi du terme « documents » ne risque de l’étendre à d’autres éléments que ceux qui sont cités, et cela m’inquiète. Cet amendement vise donc à exclure la notion de « documents ».
La commission a repoussé cet amendement. Je rappelle que, s’agissant du recueil de données auprès des opérateurs, les termes utilisés dans le code de la sécurité intérieure et celui des postes et des communications électroniques sont bien « informations et documents », tel que précisé dans cet article. Il n’est pas question d’en utiliser d’autres, qui risqueraient de rendre la loi moins lisible et plus difficilement applicable. Avis défavorable.
Permettez-moi, monsieur le président, de donner l’avis du Gouvernement sur toute la série d’amendements nos 95 à 105 , à l’exception de l’amendement no 103 , afin de ne pas avoir à intervenir sur chacun d’entre eux.
Au départ, le Gouvernement n’entendait traiter dans la LPM que du cas particulier et urgent de la géolocalisation en temps réel pour les services de police et de gendarmerie chargés de la prévention du terrorisme. Nous n’avions pas l’intention d’aller au-delà.
Il se trouve toutefois que la commission des lois du Sénat a eu la sagesse d’estimer qu’il ne fallait pas s’en tenir là et qu’il convenait de revisiter plus largement le régime de l’accès des services spécialisés de renseignement aux données et aux documents de connexion détenus par les opérateurs de communications électroniques.
Le texte adopté par le Sénat est issu d’un dialogue minutieux et fertile, d’abord au sein de l’exécutif puis avec les parlementaires. Ce texte, proposé par M. Hyest et conforté par le président Sueur, après consultation du président Urvoas, a été adopté à l’unanimité au Sénat. Il a été amélioré davantage encore à l’Assemblée grâce à la contribution de la commission des lois. Il me semble que nous avons désormais abouti à un équilibre entre l’efficacité opérationnelle, qu’il faut évidemment préserver, et le respect des libertés publiques auxquelles nous sommes très attachés. J’émets donc un avis défavorable à tous les amendements qui modifient cet équilibre et la rédaction finement ciselée du texte en l’état.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 96 rectifié .
L’amendement no 96 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Tout à l’heure, la présidente de la commission nous a dit qu’il fallait traiter des sujets qui relèvent de la seule compétence de la commission de la défense.
On comprend que les recueils de données puissent être demandés par les ministres de l’intérieur et de la défense. En revanche, faire apparaître celui de l’économie et des finances nous fait sortir du cadre de cette loi et mentionner le ministre délégué au budget, vous le reconnaîtrez, est beaucoup plus suspect. Nous traitons de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme : que vient faire ici l’économie ?
Sans doute va-t-on me répondre qu’il s’agit de Tracfin. Or, Tracfin traite du blanchiment d’argent et si j’en crois ses propres chiffres, les affaires de terrorisme ne représentent que 1 % de ses dossiers. Il y a sans doute d’autres moyens que de donner ce pouvoir important aux ministres de Bercy.
Nous traitons d’un sujet extrêmement sensible. Nous sommes dans le cadre de la commission de la défense. Plus le pouvoir discrétionnaire de recueil des données sera limité et encadré, mieux ce sera. Pour cette raison, il ne me paraît pas utile d’ajouter des ministres dans la boucle, notamment ceux de Bercy. C’est le sens de mon amendement et j’attends avec impatience la réponse de la présidente de la commission de la défense.
Ma réponse est simple, vous pouvez effectivement l’attendre. Cet amendement a été repoussé par la commission pour une raison simple : la communauté du renseignement, monsieur Tardy, n’est pas uniquement composée des services qui dépendent du ministère de l’intérieur et de celui de la défense. Il y a aujourd’hui dans notre pays une communauté du renseignement et les textes que nous examinons s’adressent à elle : je rappelle que l’ensemble des services de renseignement travaillent ensemble et que la délégation parlementaire au renseignement a l’habitude de rencontrer chacun d’entre eux. Il est donc normal que le texte que nous examinons s’applique à l’ensemble de la communauté du renseignement.
L’amendement no 97 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il s’agit d’une demande de précision, car la notion de « sollicitation du réseau » me pose un problème : elle est extrêmement floue, reconnaissez-le, et ne veut pas dire grand-chose, si ce n’est rien du tout.
Cet amendement vise à demander sa suppression, mais il s’agit d’un amendement d’appel pour inviter le Gouvernement et la commission à retravailler cette notion.
Si j’ai bien compris, le but est l’interconnexion directe et en temps réel sur les réseaux des opérateurs. Or, je le répète, je ne comprends pas cette notion de « sollicitation du réseau ». C’est pourtant mon métier. Soit elle va à l’encontre de l’objectif parce qu’elle est trop large et sujette à interprétation, soit elle est tellement floue qu’elle donne carte blanche à une interconnexion sans filet, ce qui serait intrusif. Dans les deux cas, ce n’est pas satisfaisant. J’aimerais savoir ce que recouvre cette notion. À mon sens, il faut que les opérateurs puissent intervenir, être consultés entre guillemets…Si c’est cela, autant le préciser car, en l’état, ce n’est pas clair du tout.
L’amendement no 98 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 99 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je vais défendre plusieurs amendements concernant la durée des autorisations et les délais prévus dans la procédure. Je m’inscris en faux contre les propos qui ont pu être tenus au Sénat : la géolocalisation en temps réel est intrusive. Peu importe si elle l’est plus ou moins que les interceptions de sécurité : elle est intrusive. L’autorisation doit donc être limitée dans le temps. Une durée de trente jours me paraît trop élevée et cet amendement vise à revenir à dix jours, durée qui me paraît plus raisonnable et qui était prévue par l’amendement de notre collègue sénateur Jean-Pierre Sueur.
Cet amendement a été repoussé par la commission pour une raison assez évidente : dix jours ne seraient pas suffisants pour permettre aux services d’effectuer correctement leur travail de surveillance et d’analyse.
Je l’ai déjà dit, le texte a fait l’objet d’un travail approfondi qui me paraît aboutir à un résultat équilibré. Je maintiens ma position de respect intégral du texte tel qu’il est rédigé, qui a fait l’objet d’un accord avec les commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Je rejoins l’avis du ministre et de la présidente de la commission. Dans les écoutes, le facteur temps est important. Dix jours, c’est extrêmement court : on peut à peine poser les balises. Certains voulaient même trois mois et j’étais plutôt d’accord, cette durée étant plus adaptée à la lutte contre certains délits, notamment ceux qui viennent de l’étranger. Un mois, c’est un minimum, mon cher collègue : je vous invite à suivre quelques dossiers et vous le verrez. C’est même, à mon avis, insuffisant.
L’amendement no 100 n’est pas adopté.
Si la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ne rend pas son avis en amont mais a posteriori, ce qui est regrettable, il faut au moins qu’elle le rende rapidement. Elle doit être saisie dans les quarante-huit heures et se réunir dans les sept jours. Son avis peut donc intervenir jusqu’à neuf jours après l’autorisation effective. Autrement dit, s’il y a manquement ou erreur, c’est déjà trop tard. Cet amendement vise donc à réduire de sept à trois jours le délai de rendu de l’avis.
L’amendement no 101 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il est prévu que si la Commission nationale de contrôle adresse une recommandation en cas de manquement, le Premier ministre a quinze jours pour le rectifier. Là encore, le délai de quinze jours me paraît trop long pour revenir sur une erreur, c’est-à-dire sur une intrusion dans la vie privée, une atteinte aux libertés qui n’avait pas lieu d’être. Mon amendement vise à ramener ce délai de rectification à sept jours, ce qui me paraît plus raisonnable.
L’amendement no 102 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 103 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour soutenir l’amendement no 23 .
L’amendement no 23 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Dans mes souvenirs, la dernière fois que j’ai vu une disposition visant à indemniser les fournisseurs d’accès Internet de leurs obligations techniques à l’égard d’une autorité publique, c’était dans la loi HADOPI. En effet, un décret similaire à l’article L. 34-1 du code des postes et communications électroniques est censé prévoir les modalités de compensation des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées par les opérateurs pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, ou d’un manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle.
Nous sommes ici exactement dans le même modèle. Or, ce décret n’est jamais paru : le ministère de la culture et HADOPI se renvoient la balle. Afin d’éviter que cela se répète pour le présent article, cet amendement vise à prévoir un délai pour le décret. il ne peut y avoir en effet d’obligation lourde sans contrepartie pour les opérateurs.
Dans la rédaction de cet article, le décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application qui ne portent pas sur les compensations financières. Cependant, faut-il prévoir un décret en Conseil d’État ? Je pense qu’il vaut mieux laisser le Gouvernement juger de cette opportunité.
L’amendement no 104 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La procédure que nous sommes en train d’avaliser ne doit pas être mise en oeuvre sans contrôle ou sans suites. Je n’ai pas l’habitude de demander des rapports, mais ici il me paraît essentiel que nous puissions avoir des retours chiffrés pour évaluer la portée du dispositif et le nombre de fois où il a été mis en oeuvre. Dans un souci de transparence, ce rapport contiendrait des statistiques sur chacune des étapes : rien sur le contenu bien sûr, mais uniquement des chiffres, pour voir si réellement la procédure s’applique ou si les erreurs sont nombreuses.
Avis défavorable. La CNCIS publie régulièrement un rapport d’activité qui est très complet. On peut penser qu’à l’avenir, il permettra d’avoir des éléments statistiques sur cette nouvelle procédure.
L’amendement no 105 n’est pas adopté.
L’article 13, amendé, est adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 128 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le soutenir.
Je vais retirer l’amendement no 128 , ainsi que l’amendement no 127 qui vient après, pour respecter l’équilibre du texte, comme l’a souhaité le ministre. Il faut prendre ces deux amendements comme des contributions à un texte futur dont le ministre a dit l’intérêt. J’ai entendu ici ou là quelques cris d’orfraie sur les propositions que je fais. Je propose simplement d’instituer dans le domaine administratif ce qui existe dans le domaine judiciaire, et je précise que ce dispositif concerne les services de renseignement qui travaillent sur le territoire national : cela ne concerne pas ceux qui s’occupent de sécurité extérieure, je le dis pour mes collègues de la défense. Cela concerne essentiellement la DCRI ou la future Direction générale de la sécurité intérieure qui, comme nous l’avions constaté avec Patrice Verchère dans notre rapport, dispose de très peu de moyens pour atteindre les objectifs que la nation lui fixe afin de protéger les habitants de ce pays et défendre nos valeurs.
Ses moyens sont les interceptions de sécurité – j’ai dit qu’il y en avait 1480 –, les données de connexion – ce qu’on appelle les « fadettes » – et puis des fichiers, et encore quand ils ne sont pas connectés. Je ne crois pas qu’avec de tels moyens on puisse combattre efficacement une menace qui est de plus en plus infranationale, diffuse et dont les signaux sont de plus en plus difficiles à repérer. Il faudra des moyens ; ils seront intrusifs, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt. Mais parce qu’ils sont intrusifs, ils doivent être contrôlés, ce qui est le rôle d’une autorité administrative indépendante : aujourd’hui c’est la CNCIS, demain j’espère qu’elle s’appellera la Commission de contrôle des activités du renseignement. Nous serons ainsi en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et nous respecterons l’article 66 de la Constitution.
Je veux dire au président Urvoas que les deux amendements qu’il a déposés, puis retirés, renvoient à un vrai problème. Le rapport que le président Urvoas a rédigé avec M. Verchère posait de vraies questions et les avoir reposées devant l’Assemblée nationale était utile.
Je voudrais simplement dire au président Urvoas et à M. Verchère que nous comprenons leur préoccupation, nous la vivons même, d’une certaine manière, dans certaines situations que j’ai moi-même rencontrées. Il importe de faire en sorte qu’un texte plus global sur l’ensemble de ces problèmes, texte que j’ai annoncé à la fin de la discussion générale, puisse venir devant le Parlement assez vite. Je le redis au président Urvoas, le Gouvernement a pris en compte ses observations, connaît la nécessité de légiférer sur ce sujet et veut le faire avec à la fois précaution et urgence. L’objectif est 2014, au plus tard 2015 ; mais 2014 est un bon objectif.
Je reviendrai sur les questions que soulèvent les amendements retirés par M. Urvoas lors d’un prochain débat ; j’ai beaucoup de choses à dire.
Les articles 14 et suivants contribuent à renforcer significativement l’Agence nationale pour la sécurité des systèmes informatiques. Se pose logiquement la question des moyens budgétaires et en personnel. Ces moyens ont été augmentés cette année, le seront-ils de nouveau suite à l’adoption de ce texte ? L’ANSSI est véritablement consacrée comme le référent officiel sur ces questions : il ne faudrait pas qu’elle soit bloquée dans l’exercice des missions hautement importantes qui lui sont confiées, faute de capacités, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres organismes tels que la DGCCRF.
L’article 14 est adopté.
Il s’agit d’un amendement de précision.
Pour faire court, le Premier ministre peut ordonner aux opérateurs d’importance vitale, les OIV, de mettre en place des mesures dont le type n’est cependant pas précisé. Je propose donc de limiter le champ de celles qui peuvent être imposées en précisant qu’il s’agit exclusivement de mesures « techniques nécessaires à la protection des systèmes d’information ».
L’amendement no 107 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 15 est adopté.
L’article 16 est adopté.
Article 16
L’amendement no 108 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement vise à préciser les raisons pour lesquelles les données listées sont collectées. En effet, l’identité, l’adresse postale et l’adresse électronique peuvent être demandées aux opérateurs sans que l’on sache pourquoi.
A priori, comme le précise le rapport sénatorial, le but est d’alerter ces personnes sur la vulnérabilité ou la compromission de leur système. Dans ce cas, autant le préciser car, dans la version actuelle, nous avons l’impression que cette extraction de données se fait un peu sans raison.
L’amendement no 109 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Décidément, voilà un nouveau lien avec la loi Hadopi puisque c’était dans ce cadre-là qu’une exception au III de l’article L.34-1 du code des postes et des communications électroniques avait été prévue pour la dernière fois ! Il s’agissait en fait de prévoir une exception à la mise à disposition des données, qui se fait en temps normal à l’autorité judiciaire, mais qui peut se faire à la HADOPI pour tout ce qui relève du droit d’auteur.
Ici, pour les atteintes aux fichiers, c’est l’ANSSI qui sera compétente alors que ces atteintes relèvent du code pénal. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait délester l’autorité judiciaire de ces questions. En outre, le cadre est extrêmement large puisqu’il s’agit également de la prévention des atteintes.
En résumé, tout cela n’est pas satisfaisant à mes yeux en termes de protection des données.
Avis défavorable puisque la suppression de l’alinéa 5 rendrait impossible l’identification des détenteurs de systèmes d’information qui ne pourraient dès lors être informés des risques qu’ils encourent.
S’agissant de la durée – un an ou plus – un décret sera pris en Conseil d’État après l’avis de la CNIL.
L’amendement no 110 n’est pas adopté.
L’article 16 bis, amendé, est adopté.
Article 16
L’article 16 ter est adopté.
Article 16
L’article 16 quater est adopté.
Article 16
La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 45 .
L’amendement no 45 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 16 quinquies, amendé, est adopté.
Article 16
L’article 16 sexies est adopté.
L’article 17 est adopté.
L’article 18 est adopté.
Les articles 19, 20, 21, 22 A, 22 et 23 sont successivement adoptés.
L’article 24 est adopté.
Cet amendement est de pure cohérence.
Nous avons exclu que le pécule puisse être conservé en cas de retour dans l’armée ou de recrutement comme titulaire dans l’une des trois fonctions publiques. Il convient également de prévoir le même régime pour les contractuels.
L’amendement no 135 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 28 .
L’amendement no 28 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 25, amendé, est adopté.
Les articles 26, 27 et 28 sont successivement adoptés.
La commission ayant supprimé l’article 28 bis, je suis saisi d’un amendement no 123 tendant à le rétablir.
La parole est à M. François de Rugy pour le soutenir.
Cet amendement vise à réintroduire dans le texte une disposition d’accompagnement médical et psychologique pour tous nos soldats ayant participé à des Opex. Chacun sait, en effet, que la participation à certaines opérations peut provoquer des séquelles, et pas simplement physiques. Nous n’oublions évidemment pas nos morts, non plus que nos blessés ; mais les soldats de nos armées, comme d’ailleurs ceux d’autres armées dans le monde, peuvent parfois être aussi victimes de traumatismes psychologiques.
Nous souhaitons que cette disposition, qui se réfère d’ailleurs à des pratiques dans lesquelles l’armée française est plutôt en pointe, soit inscrite noir sur blanc dans la loi.
Cet amendement a été repoussé parce qu’il ne comporte pas de teneur normative. En outre, il est satisfait par le rapport annexé de la LPM, alinéa 202.2.9, où la préoccupation dont vous faites état a beaucoup plus sa place.
L’amendement no 123 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 29 .
L’amendement no 29 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 30 .
L’amendement no 30 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 28 ter A, amendé, est adopté.
L’exposé des motifs est très clair.
Le Gouvernement soutient bien volontiers l’initiative de la commission de la défense visant à abolir l’exception actuellement prévue au pouvoir des comités techniques du ministère de la défense – et du ministère de l’Intérieur s’agissant de la Gendarmerie nationale – qui interdit de les saisir des questions concernant l’organisation ou le fonctionnement des services, contrairement au droit commun.
En effet, dans l’état du droit et dans ces seuls ministères, les comités techniques sont privés du droit d’être consultés sur les projets de textes relatifs à l’organisation ou au fonctionnement des services. Il s’agit d’une exception bien trop générale au droit commun de ces comités.
J’ai présidé hier après-midi un comité technique ministériel et je le dis devant la représentation nationale : dans les faits, nous parlons de l’organisation des services car nous ne pouvons pas ne pas en parler quoique les textes ne le prévoient pas.
La commission de la défense a souhaité que cette exclusion de compétence ne s’applique qu’aux seuls « organismes à vocation opérationnelle dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État ».
Néanmoins, cette expression de « vocation opérationnelle » peut être diversement reçue par les ministères de la défense et de l’intérieur, la notion d’organismes militaires – qui existe d’ailleurs dans le droit positif – ne faisant en revanche quant à elle l’objet d’aucune ambiguïté.
C’est pourquoi le Gouvernement vous suggère d’écrire que l’exclusion de compétence des comités techniques en matière d’organisation et de fonctionnement ne s’applique qu’aux organismes militaires énumérés par décret en Conseil d’État. Cela éviterait sans doute toute complication.
La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury, rapporteure, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement et soutenir l’amendement no 145 .
La commission a émis un avis défavorable car elle considère qu’en utilisant le mot « militaires », l’amendement qui avait été retenu en commission était un peu vidé de sa substance.
Nous avons donc déposé un amendement no 145 , qui offre une synthèse entre celui du Gouvernement et notre amendement initial. Il propose qu’après le mot « organismes » soit inséré le mot « militaires » de manière à ce que la loi mentionne « les organismes militaires à vocation opérationnelle…
Dont la liste sera fixée par un décret en Conseil d’État.
…dont la liste est fixée par un décret en Conseil d’État », en effet.
Ce compromis me semble acceptable dès lors que la liste de ces organismes sera établie par un décret en Conseil d’État. Dans l’élaboration de cette liste, il conviendra de tenir compte de la situation particulière de la Gendarmerie, organisme militaire dépendant du ministère de l’Intérieur. Je me permets d’attirer l’attention sur une telle nécessité si l’on veut bien prendre en considération la formulation « organismes militaires à vocation opérationnelle. »
Je retire donc l’amendement 136 .
L’amendement no 136 est retiré.
L’amendement no 145 est adopté.
L’article 28 ter B, amendé, est adopté.
L’article 28 ter est adopté.
Article 28
L’article 28 quater est adopté.
Article 28
La parole est à Mme Patricia Adam, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 31 .
L’amendement no 31 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 28 quinquies, amendé, est adopté.
Cet amendement vise à faire en sorte que l’état moral de nos forces armées, y compris celui des personnels civils de la défense, puisse faire l’objet d’une synthèse annuelle présentée au Parlement, et notamment devant la commission de la défense.
Tout le monde constate que les réformes qui se succèdent depuis la professionnalisation de 1997 et qui ont marqué l’organisation de la défense ont fini par créer un stress permanent – il me semble que la formule n’est pas trop forte – au sein de nos forces armées. Nous constatons que nos personnels ne manquent pas d’en subir les conséquences, notamment, les militaires qui plus que les autres sont touchés par toutes ces réformes…
Lorsque l’on est au contact de nos forces armées, on constate que leur état moral n’est peut-être pas exempt de toute difficulté.
J’ai bien compris le ministre de la défense qui, en commission, a rappelé que le rapport sur l’état moral dont il est le destinataire est un document administratif interne, ce qui constitue un argument tout à fait recevable. Cependant, rien n’interdit la rédaction d’un rapport reprenant les conclusions de ce que les chefs d’état-major ont rapporté, de façon à ce que le Parlement ne soit pas déconnecté de ce qu’il en est quant à l’état moral de la défense.
Nous sommes en effet amenés à prendre des décisions et à voter des lois, notamment la LPM, qui ont un impact direct sur la vie de nos hommes et de nos unités. Il est donc profondément anormal que nous ne puissions pas être informés des conséquences et du retour de ces décisions pour nos militaires et nos forces armées. Je considère qu’il est franchement peu concevable que l’état moral de nos forces ne soit pas porté à notre connaissance.
La commission a repoussé cet amendement. D’abord, et M. Fromion le sait bien, les documents qu’il demande à voir sont des documents classifiés, puisqu’il s’agit par nature de documents de commandement à usage interne. Deuxièmement, notre commission auditionne chaque année le ministre de la défense, mais aussi les chefs d’état-major, auxquels nous pouvons poser nos questions sur le sujet. Troisièmement, le travail de la commission en matière de contrôle, les visites régulières que nous faisons sur le terrain auprès de nos forces, la présence, enfin, de quelques-uns d’entre nous, en particulier les plus jeunes, dans la réserve opérationnelle – je pense entre autres à M. Nicolas Bays, qui exerce aujourd’hui cette fonction importante…
…tout cela nous permet d’observer ce qui se passe sur le terrain et d’avoir une véritable discussion avec l’ensemble de nos forces. Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté cet amendement.
J’ai cru comprendre, madame la présidente de la commission, que le commandant Nicolas Bays avait un très bon moral.
J’ai d’ailleurs pu l’observer lors d’un exercice récent dans les plaines de Pologne. Il y avait de la chaleur dans le coeur, même si on ne peut pas en dire autant de l’atmosphère extérieure…
Je ne vais tout de même pas rendre compte de vos propres faits d’armes, monsieur Fromion, même si je sais qu’ils sont grands, eux aussi.
Monsieur Fromion, le Gouvernement est défavorable à votre amendement. Je vous rappelle que les commissions parlementaires auditionnent chaque année, non seulement le ministre de la défense, mais aussi les grands responsables du ministère et les chefs d’état-major, et que ces auditions ont toujours été un lieu privilégié d’échanges sur les conditions du personnel et sur son moral. J’ajoute un fait que l’on oublie trop souvent : le Haut comité d’évaluation de la condition militaire, un organisme indépendant du ministère, diffuse une revue annuelle de la condition militaire, qui inclut le suivi des recommandations effectuées. Par ailleurs, le ministère diffuse également un bilan annuel.
Au-delà de ces rapports et des possibilités d’auditions, on touche à la question des rapports sur le moral. Permettez-moi de rappeler ce que j’ai déjà dit à ce sujet en commission : les rapports sur le moral sont des moyens de commandement et je n’ai pas l’intention de les communiquer, même si je suis très ouvert, vous le savez, aux visites ou aux rencontres que vous pouvez effectuer dans les unités et dans les forces. Je me suis déjà exprimé hier sur la question du moral des forces, et vous savez que le principal motif d’inquiétude vient du dispositif Louvois…
…ce à quoi je suis en train de remédier.
J’ai l’impression que nous sommes un peu à front renversé avec M. Fromion, pour reprendre une expression de M. Meunier, dont je serais d’ailleurs curieux d’entendre le point de vue sur cet amendement.
On m’a objecté tout à l’heure que je faisais une confusion entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, lorsqu’il a été question du contrôle des exportations d’armement, un sujet qui n’est pas anodin et qui ne relève pas de la gestion interne du ministère de la défense et des troupes françaises. On m’a également objecté que la commission pouvait parfaitement interroger, non seulement le ministre, dont je tiens d’ailleurs à saluer la disponibilité à l’égard de la commission de la défense…
…où il est très présent et répond avec beaucoup de précision à toutes nos questions, mais aussi les gens que nous auditionnons. Il a même été dit que nous pourrions demander aux industriels comment ils gèrent leurs exportations d’armes, ce qui ne semblait pas tout à fait adapté… Mais s’agissant du moral des troupes et des armées, je me souviens que lorsque nous avons auditionné les chefs d’état-major de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine et que nous les avons interrogés sur ces questions, j’ai plutôt été frappé par leur franchise et par le caractère assez direct de leurs propos. Les rapports officiels dont a parlé le ministre ne sont peut-être pas suffisants, l’armée étant, comme chacun sait, parfois qualifiée de « grande muette » ; en revanche, les personnes que nous avons interrogées en commission se sont toujours exprimées clairement.
Le ministre a eu raison de rappeler que le système Louvois constituait un problème majeur ; or ce n’est pas un énième rapport qui aurait permis de le pointer. S’il l’a été, c’est parce que le ministre, puis les parlementaires, s’en sont saisis ; et c’est ce qui fait que la question est désormais en voie de règlement.
Vous me surprenez, monsieur de Rugy, mais à moitié seulement…
Monsieur le ministre, je ne demande pas que les documents internes qui vous sont communiqués nous soient transmis, mais je considère que le Parlement, notamment l’Assemblée nationale, et en son sein notre commission, qui fait l’essentiel du lien entre l’armée et la nation – je dirais même qu’elle est l’âme de ce lien –, doit jouer un rôle particulier. Je maintiens donc mon amendement, car j’estime qu’il est absolument indispensable que nous nous intéressions officiellement, par une procédure reconnue, à autre chose qu’au coût des matériels et aux questions d’équipement. On me demande de représenter l’Assemblée nationale au comité des prix de revient des fabrications d’armement, et je ne pourrais pas m’intéresser au moral de nos militaires ? Il y a là quelque chose de profondément choquant.
Monsieur de Rugy, vous devriez être satisfait de l’amendement de M. Fromion. Pour ma part, je le suis.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas vous en sortir par une pirouette consistant à rappeler le logiciel Louvois, dont tout le monde sait que c’est un échec.
« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.
Cela fait dix-huit ou dix-neuf mois que vous êtes au pouvoir, et c’est maintenant que vous décidez de l’arrêter ? Soit, mais on aurait peut-être pu le faire plus tôt, monsieur le ministre.
Rires sur les bancs du groupe SRC.
C’est la même chose pour le programme Scorpion : vous avez mis du temps pour lancer le marché ! Cela fait dix-neuf mois que vous êtes là, je le répète…
…vous auriez donc pu régler le problème plus tôt, puisque vous aviez connaissance de ses graves dysfonctionnements.
M. Fromion, qui est un parlementaire reconnu au sein de cette assemblée, n’est pas en train de faire des stratégies avec la procédure, comme M. de Rugy le fait parfois. Il est là pour informer le Parlement et la commission compétente. Comme il l’a dit, la transmission d’un rapport à la commission de la défense pourrait être intéressante pour ses membres, et cette audition pourrait du reste se faire à huis clos. Je pense en tout cas que c’est vraiment le rôle du Parlement que d’en faire la demande et que ce n’est pas là, monsieur de Rugy, empiéter sur le pouvoir exécutif et sur ses compétences. Il s’agit bien d’effectuer une activité de contrôle, et non de prendre une décision, à la différence de votre amendement qui cherchait à interrompre des commandes d’armement.
L’amendement no 126 n’est pas adopté.
Les articles 29, 29 bis, 30, 31 et 32 sont successivement adoptés.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement no 40 .
Cet amendement est important.
L’article 33 entend rétablir, à l’article 9 de la loi no 87-549 du 16 juillet 1987, la mention « de statut civil de droit local », afin de limiter aux seules formations supplétives relevant de ce statut le bénéfice de l’attribution de l’allocation de reconnaissance aux membres des formations supplétives engagées aux côtés de l’armée française lors de la guerre d’Algérie.
Nous souhaitons mettre en conformité cet article avec l’article 40 de la Constitution, pour qu’il soit reconnu recevable.
La commission a rejeté cet amendement. Il y a un réel malentendu autour de cet article, que vous me donnez l’occasion de lever. La situation actuelle est née d’une décision du Conseil constitutionnel du 4 février 2011, qui a supprimé, dans les différentes lois relatives à l’allocation de reconnaissance, toute référence au critère de nationalité. Il n’est évidemment pas question de revenir sur l’abrogation de ce critère, et le dispositif proposé par cet article est beaucoup plus restreint. Il rétablit l’intention initiale – et je crois que c’est important de le dire – du législateur à l’époque, de réserver l’allocation de reconnaissance aux seuls supplétifs de statut civil de droit local.
En abrogeant toute référence au critère de nationalité, le Conseil a en effet censuré, par la même occasion, la seule référence législative au statut civil de droit local. Il est donc proposé de rétablir cette référence dans la loi de 1987, ce qui relève pleinement, bien évidemment, de la compétence de notre assemblée. Il s’agit en fait d’éviter tout effet d’aubaine de la part des anciens supplétifs de souche européenne. L’allocation de reconnaissance est destinée aux anciens harkis qui ont souffert de leur rapatriement et de leurs conditions d’intégration en France, et pas aux soldats qui les ont encadrés et qui sont de souche européenne.
Depuis la censure du Conseil constitutionnel, 300 supplétifs européens ont déposé des demandes d’allocation. Le ministère estime par ailleurs à 9 000 le nombre de personnes de statut civil de droit commun potentiellement concernées par la situation née de cette décision du Conseil constitutionnel, pour un coût d’environ 270 millions d’euros. Il faut donc refermer cette page et sécuriser l’allocation de reconnaissance au seul profit des harkis, ceux qui relevaient du statut civil de droit local. C’est précisément ce que propose cet article 33. Il ne faut pas qu’il y ait de confusions et de malentendus au moment de voter cet article.
La présidente de la commission a fait un exposé très clair de la situation et je ne peux que la suivre. Avis défavorable.
L’amendement no 40 n’est pas adopté.
Mon excellent collègue, M. Meunier, a défendu un amendement similaire à celui-ci. Je me rallie à ce qu’il a dit, tout en regrettant la décision qui a été prise par l’Assemblée, car c’était une occasion de mettre un point final à cette affaire de la guerre d’Algérie, qui a créé des meurtrissures partout, pas seulement chez ceux qui sont de souche locale, mais également chez les personnes de souche européenne. C’était une occasion de montrer l’unité de la nation. On ne le fait pas et je le regrette.
L’amendement no 79 n’est pas adopté.
L’amendement no 80 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 33 est adopté.
Article 33
Lors de la dernière réunion de la commission de suivi de l’application de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, dite loi Morin, les représentants de la Polynésie française ont demandé que le champ d’application de cette loi inclue l’ensemble de la Polynésie française. J’ai répondu favorablement à cette demande lors de la réunion de la commission et je concrétise aujourd’hui l’engagement pris par cet amendement no 137 , ainsi que par les amendements nos 138 et 139 rectifié , de coordination.
Cette extension du périmètre géographique au-delà des atolls qui ont été directement concernés par les essais permet de manifester à la Polynésie française la reconnaissance de la nation pour sa contribution à l’efficacité de notre politique de dissuasion.
Avis favorable à cet amendement du Gouvernement. L’adoption de cet article permettra de véritables avancées au bénéfice des victimes des essais nucléaires. Grâce aux nouvelles dispositions prévues, nous disposerons d’un nouveau texte sur cette question sensible. Jusqu’à présent, la loi Morin ne permettait pas de répondre favorablement – en tout cas pas de manière tout à fait lisible – à l’ensemble de ces victimes. Ces avancées sont donc très importantes.
Je salue le travail effectué autant au Sénat qu’au sein de cette assemblée, en particulier par François André et ceux nos collègues qui ont travaillé avec lui.
Monsieur le président, permettez-moi à mon tour de remercier François André de son travail. Ce débat s’est déjà tenu il y a quelques semaines dans le cadre du projet de loi de finances, à l’initiative de nos collègues députés de Polynésie. Je tiens à remercier la commission et le ministre pour ces amendements qui, véritablement, changent profondément les possibilités offertes aux habitants de ce territoire de la France. Je sais à quel point ils sont sensibles sur cette question qui constituait un véritable problème, pour les députés sur tous les bancs de cet hémicycle, tant la loi Morin était difficile d’application.
Je me félicite donc également de ces amendements portés par la Gouvernement, et je remercie le ministre et ceux qui y ont travaillé dans nos deux assemblées.
Le groupe UMP s’associe aux propos qui viennent d’être tenus sur cet amendement. La loi que nous avions votée – après de longues années de revendications et de contradictions diverses et variées sur lesquelles nous n’allons pas revenir – avait ouvert la possibilité à ceux qui se considéraient comme les victimes des essais nucléaires d’obtenir les indemnisations auxquelles ils avaient légitimement droit. Il s’est avéré que le mécanisme n’était pas satisfaisant, en tout cas il était trop restrictif.
Disons qu’il était insuffisant.
Nous souhaitons, comme l’a dit la présidente de la commission, que les nouvelles dispositions soient de nature à offrir l’objectivité souhaitée par ceux qui demandent une indemnisation. Il faut en tout cas que nous y soyons attentifs. En tout cas, nous nous rallions naturellement à cette disposition.
L’amendement no 137 est adopté à l’unanimité.
Je suis saisi par le Gouvernement d’un amendement de coordination, no 138.
L’amendement no 138 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour soutenir l’amendement no 21 .
L’amendement no 21 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour soutenir l’amendement no 20 .
L’amendement no 20 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 33 bis, amendé, est adopté.
Article 33
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 139 rectifié .
L’amendement no 139 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
L’article 33 ter, amendé, est adopté.
Je retire naturellement cet amendement, puisqu’il a été satisfait par un vote unanime de l’Assemblée nationale, et non pas seulement de la commission de la défense. Je me réjouis que l’Assemblée ait repris cette initiative.
L’amendement no 116 est retiré.
Les articles 34, 35, 36 et 37 sont successivement adoptés.
Nous avons achevé la discussion des articles du projet de loi. Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote, et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi, auraient lieu le mardi 3 décembre, après les questions au Gouvernement.
Articles 34 à 37
La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à douze heures trente.
La parole est à Mme Maud Olivier, rapporteure de la commission spéciale pour l’examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, ce jour est important pour toutes les femmes, et pour notre société.
Débattre de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel la semaine du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, n’a rien d’un hasard. La prostitution, en soi, est la première de ces violences. Dans une société où le corps des femmes peut constituer une marchandise, être vendu, loué, approprié par autrui, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas possible.
Dans une société où les hommes sont considérés comme des êtres dotés de pulsions sexuelles irrépressibles devant être assouvies, quand le désir et le plaisir ne sont pas partagés, l’égalité femmes-hommes n’est pas possible. Et là où l’égalité femmes-hommes n’existe pas, les violences faites aux femmes perdurent. Alors, c’est bien en imposant le respect de l’intégrité du corps humain et le refus de sa marchandisation que nous pourrons éliminer durablement ces violences, dont la prostitution est l’expression la plus criante.
Ce texte s’inscrit dans la continuité des lois contre les violences faites aux femmes votées depuis plusieurs années, de la pénalisation des violences conjugales au harcèlement sexuel, en passant par la criminalisation du viol. Tous ces textes ont posé des interdits pour extraire la violence de la sexualité. Il ne manquait plus que la prostitution : nous y voilà.
Comme l’écrivait Victor Hugo dans Les Misérables, la prostitution, « c’est la société achetant une esclave. À qui ? À la misère. À la faim, au froid, à l’isolement, à l’abandon, au dénuement. Marché douloureux. […] La misère offre, la société accepte. »
Alors, de quoi parle-t-on ? Nous parlons, pour la majorité, d’êtres humains qui sont vendus, transportés, dressés, pour devenir des choses dont on peut tirer des bénéfices. L’âge moyen d’entrée dans la prostitution est de 14 ans. L’espérance de vie moyenne est de 42 ans. 90 % des personnes prostituées dans notre pays sont étrangères, parlant à peine le français. Évidemment, l’extrême majorité d’entre elles sont victimes de proxénètes, de réseaux mafieux qui les obligent à vendre des rapports sexuels. Et il suffirait qu’une seule prostituée se dise libre pour que l’esclavage de toutes les autres devienne respectable et acceptable ?
Bien sûr, il est beaucoup moins sexy et glamour de parler de violences, de victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle d’êtres humains que de se revendiquer adepte de la liberté sexuelle, même si on ne parle, en l’occurrence, que de la liberté des hommes – 99 % des clients de la prostitution sont des hommes. Comment trouver glamour les dix ou quinze pénétrations par jour d’hommes qu’on ne connaît pas subies par les personnes prostituées, contraintes par des raisons évidemment économiques, avec des conséquences dramatiques sur leur santé ? Comme l’affirme l’anthropologue Françoise Héritier, « dire que les femmes ont le droit de se vendre, c’est masquer que les hommes ont le droit de les acheter ».
Entre les fantasmes de certains et la réalité que vivent 90 % des personnes prostituées victimes du proxénétisme et de la traite, il y a le monde de la violence et l’argent de la traite géré par les réseaux internationaux du crime organisé, dont le chiffre d’affaires s’élève à 3 milliards de dollars en Europe. Comment faire semblant d’ignorer que c’est l’argent des clients qui alimente les proxénètes ? Alors, assez d’hypocrisie ! Soyons sérieux et responsables. À l’instar de la ministre des droits des femmes, je considère que l’abolition de la prostitution relève d’une obligation pour toute société qui respecte les droits humains.
Permettez-moi de rappeler très brièvement quelques constats qui heurtent profondément plusieurs principes fondamentaux de notre droit. En ratifiant la convention des Nations Unies du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, la France a affirmé que la prostitution est « incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine ». Ensuite, l’existence même de la prostitution va à l’encontre des dispositions de notre code civil qui, en posant le principe de la non-patrimonialité du corps humain, fait obstacle à ce qu’il soit considéré comme une source de profit. Là encore, il me semble que l’objectif poursuivi par la proposition de loi – à savoir la lutte contre le système prostitutionnel et non, comme certains veulent le faire croire, contre les personnes prostituées – va dans le sens d’un plus grand respect de nos principes juridiques.
Notre assemblée est aujourd’hui appelée à se prononcer, en première lecture, sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, adoptée le 19 novembre dernier par la commission spéciale chargée de son examen. Je veux d’emblée saluer la qualité de nos échanges en commission, qui ont permis d’améliorer les dispositifs.
Vous le savez : cette proposition de loi est le produit d’une réflexion entamée il y a plusieurs années au Parlement. Je souhaite rappeler l’excellent travail de nos collègues Danielle Bousquet et Guy Geoffroy, respectivement présidente et rapporteur de la mission d’information sur la prostitution en France, dont le rapport, remis au mois d’avril 2011, a permis de dresser un bilan approfondi des connaissances sur le système prostitutionnel dans notre pays et des politiques publiques mises en oeuvre en France comme à l’étranger. Ce travail s’est conclu par l’adoption à l’unanimité, le 6 décembre 2011, d’une résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France et mettant en avant les lacunes de notre législation.
Au début de la présente législature, la délégation aux droits des femmes a créé, en son sein, un groupe de travail entièrement consacré à la question de la prostitution, que j’ai eu l’honneur d’animer durant près d’un an. C’est dans le cadre de ce groupe de travail qu’ont été élaborés le rapport d’information et ses quarante recommandations sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, qui ont été – et je m’en félicite – adoptés à l’unanimité en septembre dernier.
Nous souhaitons nous inspirer du modèle mis en place en Suède, où l’achat d’actes sexuels est sanctionné. Dans ce pays, la prostitution de rue a été divisée par deux en dix ans. D’après une étude de législation comparée réalisée par le Sénat en mars 2013, rien n’indique que la prostitution dans des lieux fermés ait augmenté du fait de l’interdiction. Il n’existe pas non plus de preuve démontrant l’existence d’un lien entre la pénalisation de l’achat d’actes sexuels et la hausse des violences subies par les personnes prostituées, contrairement à ce qu’avancent certains opposants à la présente réforme. Plus généralement, il ressort de l’évaluation de la réforme suédoise réalisée en 2010, à la demande du gouvernement suédois, par la chancelière de justice de la Suède, que le vote de la loi de 1998 ne s’est pas traduit par un accroissement de l’insécurité des personnes prostituées.
La présente proposition de loi, qui a reçu l’avis favorable du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, met en place un dispositif d’actions cohérent bâti sur quatre piliers.
Le premier pilier porte sur le renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. Pour ce faire, l’article 1er de la proposition de loi appelle les fournisseurs d’accès à Internet et les hébergeurs de sites à concourir à la lutte contre la diffusion des infractions de traite des êtres humains et de proxénétisme.
Le deuxième pilier vise à améliorer la protection des victimes de la prostitution. Dans cette perspective, l’article 3 renforce les missions de l’État dans le département, en mettant en place un parcours de sortie de la prostitution. Cette véritable innovation introduite par le texte ouvrira des droits aux victimes du système prostitutionnel. L’article 6 sécurise la situation des personnes de nationalité étrangère engagées dans ce parcours en leur reconnaissant un droit temporaire au séjour, indépendamment de leur coopération avec les autorités judiciaires. Le financement des actions induites par la création du parcours de sortie de la prostitution reviendra au fonds mis en place par l’article 4 de la proposition de loi. Enfin, le délit de racolage sera abrogé pour supprimer toute forme de pénalisation des personnes prostituées.
Le troisième pilier a trait à la prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution. Il a pour objet d’améliorer les mesures de sensibilisation et d’éducation indispensables pour déconstruire les représentations erronées de la prostitution ainsi que toute forme de stéréotype sexiste. C’est l’objet de l’article 15 de la proposition de loi.
Le quatrième et dernier pilier pose les règles relatives à l’interdiction de l’achat d’actes sexuels afin de décourager la demande, qui est à la base du développement de la prostitution et des réseaux d’exploitation sexuelle. Il est important de poser un interdit dans la loi. Il n’est pas inutile de rappeler ici que l’article 6 de la convention de Varsovie, entrée en vigueur en France le 1er mai 2008, stipule que la demande « favorise toutes les formes d’exploitation des personnes, en particulier des femmes et des enfants, aboutissant à la traite » et qu’elle doit, en conséquence, être découragée. À cette fin, l’article 16 de la proposition de loi crée une contravention de cinquième classe pour réprimer le recours à l’achat d’actes sexuels, infraction qui pourra également être punie des peines complémentaires prévues par le code pénal. Quant à l’article 17, il prévoit que les personnes reconnues coupables de cette infraction pourront être condamnées à effectuer un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat de ce type d’actes. Là encore, cette mesure a pour objet de responsabiliser le client face à un phénomène dont il ne connaît pas toujours la réalité.
Comme vous pouvez le constater, le présent texte va plus loin que la proposition de loi adoptée par le Sénat le 28 mars 2013 visant à abroger le délit de racolage public. Cette seule disposition ne faisait que laisser libre cours aux réseaux proxénètes et n’apportait aucune protection ni réponse sociale et sanitaire à la situation vécue par les personnes prostituées.
En conclusion, la proposition de loi sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer aujourd’hui tire les conséquences de la situation dramatique dans laquelle se trouvent la majorité des personnes prostituées. Elle prévoit, pour y répondre, un ensemble cohérent d’actions destinées à mieux protéger les victimes de la prostitution, à faciliter leur sortie du système prostitutionnel, ainsi qu’à transformer en profondeur les représentations et les comportements.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, avant qu’un client puisse acheter une prestation sexuelle, dans l’une de nos rues ou à la lisière de nos bois, il y a des femmes, et parfois des hommes, qui sont vendus, achetés, échangés, séquestrés, violés, torturés, trompés, rackettés, soumis aux pires chantages – ainsi que leur famille et leurs enfants –, exportés et importés comme n’importe quels marchandises, animaux ou denrées périssables. Ensuite, seulement, leur vie de prostituée peut commencer. N’oublions pas, n’oubliez pas, avant de les considérer comme des prostituées, que l’on parle d’êtres humains. Si vous manquez de force pour imaginer ces derniers, pensez simplement à ces jeunes femmes africaines dont le réseau de proxénétisme nigérian a été démantelé hier soir en Espagne. Les enfants de ces jeunes femmes avaient été séquestrés et attachés au pied d’un lit pendant plus de deux ans pour obliger leur mère à se prostituer, vendue au Maroc avant d’être exploitée en Europe.
Pourquoi tant de violence ? Précisément parce que, si la prostitution pouvait vraiment être exercée sans souffrance et sans répugnance, il serait moins nécessaire d’utiliser de tels moyens. Que les visages, les corps et les destins de ces victimes à jamais abîmés ne vous quittent pas ! Ces victimes représentent l’essentiel de la prostitution aujourd’hui : elles sont l’essentiel de l’enjeu du système prostitutionnel.
Ce système brasse 40 milliards de dollars chaque année dans le monde. Il enrichit d’abord ceux qui vivent de la traite, du crime et du trafic de drogue. Il n’existerait pas s’il n’y avait pas, à l’autre bout de la chaîne, quelqu’un pour accepter et pour payer.
Pourquoi payer le corps d’une femme ? J’entends les arguments exprimés depuis quelques jours de la façon la plus décomplexée. Ce débat est, d’ailleurs, un moment de révélation pour notre société.
Au coeur de ce débat se déroulent les travaux du Parlement : il s’agit donc aussi d’un moment de démocratie, que je salue.
Pourquoi, donc, payer le corps d’une femme ? Parce que cela a toujours été comme cela, disent certains : les femmes s’achètent. Ce serait une loi cachée du monde : il existerait sur notre planète une loi de gravité qui ramènerait systématiquement les femmes en-dessous des hommes. Quelle chose curieuse ! Quelle paresse intellectuelle que de s’arrêter là ! Je n’ose croire que vous, qui faites les lois et suivez leurs effets jour après jour, mois après mois, puissiez être atteints par cette idée.
« La doctrine de fatalité qu’on nous oppose, disait Jaurès, je crois pouvoir dire qu’elle est contraire à ce que l’humanité, depuis deux mille ans, a pensé de plus haut et rêvé de plus noble. […] De quel droit une société qui, par égoïsme, par inertie, par complaisance pour les jouissances faciles de quelques-uns, n’a tari aucune des sources du crime qu’il dépendait d’elle de tarir, ni l’alcoolisme, ni le vagabondage, ni le chômage, ni la prostitution, de quel droit cette société vient-elle frapper ensuite, en la personne de quelques individus misérables, le crime même dont elle n’a pas surveillé les origines ? » Ce n’est pas la fatalité qui fait les lois, mais vous, les parlementaires. C’est à vous, mesdames et messieurs les députés, qu’il revient d’éviter que la liberté opprime et de veiller à affranchir le faible.
C’est vous qui avez décidé, à l’époque du Général de Gaulle, de la position abolitionniste de la France en matière de prostitution. Vous avez d’abord ratifié la convention de 1949 sur l’exploitation de la prostitution. Faut-il en rappeler les termes ici ? Aux termes de cette convention, « la prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ». Vous avez ensuite, toujours dans ce même Parlement, renouvelé cet engagement abolitionniste avec la résolution que vous avez votée à l’unanimité en décembre 2011. Ce sont toujours les députés qui, en 1946, ont adopté la loi Marthe Richard et fermé les maisons closes. C’est votre Parlement qui a réformé le code pénal pour en faire sortir la notion de débauche et renforcer encore la lutte contre le proxénétisme. Mesdames et messieurs les députés, le mot « fatalité » n’a pas droit de cité dans votre hémicycle.
Pourquoi admettre, donc, que l’on paie le corps d’une femme ? Combien de fois ai-je entendu parler des « besoins irrépressibles des hommes » ? Cette expression est terrible, insupportable, scandaleuse.
Elle revient comme l’ultime justification de la demande de certains d’une perpétuation du droit de cuissage, il ne s’agit de rien d’autre. Comment y répondre autrement qu’avec des mots simples ? Je les utiliserai ici. Nous ne sommes pas des bêtes. Nous valons mieux que l’état de nature. Nous devons faire confiance à l’humanité qui est en tout homme et en toute femme. C’est la noblesse même de votre fonction, mesdames et messieurs les députés, que de faire ce pari.
Les besoins irrépressibles, donc. Cela me rappelle le rapport d’Alexandre Parent-Duchâtelet, l’un des médecins qui fut parmi les tout premiers à soutenir des positions réglementaristes et qui assimilait les personnes prostituées à un réseau d’égout ou à une vidange organique. L’un d’entre vous récemment les a aussi comparées au sel, au sucre ou au gras. À l’orée de nos travaux sur ce texte, je voudrais vous exhorter au débat le plus digne, le plus respectueux.
Pourquoi admettre que l’on paye le corps d’une femme ? Parce que, nous dit-on, le client est parfois en souffrance, souffrance sexuelle, souffrance sentimentale, souffrance affective. Je ne nie pas que cela existe. Je constate chaque jour la grande détresse dans laquelle sont certains de nos concitoyens. Les violences faites aux femmes ont presque toujours pour origine cette détresse de la part des auteurs. Mais la détresse de l’un ne se soigne pas par l’exploitation de la détresse de l’autre. Elle n’est jamais une justification. Depuis quand notre pays admettrait-il que la liberté aille au-delà de ce qui ne nuit pas à autrui ? Depuis quand privilégerions-nous une souffrance par rapport à une autre ? Depuis quand le corps humain devrait-il être assimilé à un médicament ? Depuis quand se soignerait-on aux dépens d’une autre personne humaine ?
Le coeur de ma conviction est là. On ne peut pas vendre son corps à un autre pour le soin d’un autre sans en être soi-même affecté. La dissociation entre le corps et la personne est une chimère. Quand elle se répète, elle crée un sentiment d’irréalité, d’étrangeté à soi-même, d’indifférence, d’insensibilité. Savez-vous que la prévalence des troubles psychotraumatiques sévères est équivalente chez les personnes prostituées à celle que l’on trouve parmi les personnes victimes de tortures ou parmi les prisonniers politiques ?
« De nos maladies, la plus sauvage c’est de mépriser notre être » disait Montaigne. Notre loi ne doit jamais dissocier les droits sur le corps et les droits de la personne. Ne plus permettre cette dissociation, voilà la vraie clé pour améliorer durablement la santé des personnes prostituées.
Mesdames et messieurs les députés, les femmes ont chèrement conquis le droit à la libre disposition de leur corps. Ce droit est essentiel et c’est bien sûr un droit sexuel, un droit que je soutiens pleinement, vous le savez. Mais c’est précisément parce que je le soutiens sans faille que je ne reconnais pas le droit à disposer du corps d’autrui et que je réfute de toutes mes forces cette vision archaïque selon laquelle le corps des femmes serait un corps disponible. Je ne veux pas d’une société dans laquelle le sexe serait un service fourni à des voitures qui défilent, un peu comme des hamburgers à partir d’un menu qui détaille avec des noms de fleurs les prestations dans lesquelles il faudrait piocher.
Je ne veux pas d’une société où les femmes ont un prix. Je ne veux pas d’une société où les femmes font l’objet, c’est le cas dans quelques pays, d’une ristourne pour les clients seniors, d’une autre ristourne pour les titulaires de minima sociaux, d’une autre ristourne pour ceux qui viennent à vélo !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je n’en veux pas. Pouvez-vous l’admettre, vous, cette assemblée qui avait décidé à l’unanimité de faire un principe intangible de la règle selon laquelle chacun a droit au respect de son corps ? Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments, ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. Voilà ce qui est écrit à l’article 16 du code civil et qui fait partie désormais de notre Constitution.
Pourquoi payer le corps des femmes ? Parce qu’elles y consentiraient. Voilà l’argument le plus récurrent, le plus facile, le plus choquant et, là encore, le plus paresseux, le plus inopérant qui puisse être avancé pour justifier l’achat de services sexuels. Jamais votre Parlement n’a considéré qu’on pouvait consentir à mettre son corps dans le commerce. Le sujet avec la prostitution, ce n’est pas la sexualité, qu’elle se déroule d’une façon ou d’une autre, qu’elle soit libérée ou pudibonde, ce n’est pas notre sujet. Nous ne sommes pas là pour faire la police des moeurs. Nous sommes là pour donner corps à nos principes les plus essentiels.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Le sujet, avec la prostitution, c’est l’argent. C’est l’argent qui détermine la volonté des parties, et c’est ce même argent qui nourrit le proxénétisme. Dans la prostitution, le consentement à l’acte sexuel, c’est un consentement dans lequel ceux qui ont de quoi payer ont droit à la soumission de ceux qui n’ont pas d’autres choix. Chair à canon pour les hommes, chair à prostitution pour les femmes, disait le journal Le populaire au début du siècle dernier. Ces mots sonnent encore très justes. Quand la domination de l’argent s’ajoute à la domination masculine, l’emprise devient insupportable.
Mesdames et messieurs les députés, autrefois, pour évoquer les personnes prostituées, on parlait de filles de noces, de filles de joie, de filles publiques ou encore d’enjôleuses, par pudeur devant une réalité qui avait envahi tout le corps social. Aujourd’hui, on parle des Nigérianes, des Chinoises, des Roumaines, des Bulgares, des Moldaves. On désigne les prostituées selon leur nationalité. La prostitution a changé de visage et avec elle, les mots. On décrit une réalité toujours plus crue. On parle de « pute ». Pourquoi ne pas le dire tout simplement puisque c’est un mot qui a envahi notre vocabulaire ? Pute, vous m’excuserez de l’introduire dans votre hémicycle, mais c’est le mot d’une réalité. Il nous rappelle des choses intéressantes. Il nous rappelle qu’au commencement des violences faites aux femmes, il y a souvent l’insulte avec sa charge haineuse : pute. Ce mot est devenu un mot-valise dans lequel se déverse l’oppression ordinaire des femmes, une insulte que les enfants s’envoient en cour de récréation sans forcément en connaître le sens. Une insulte qui est lancée comme par réflexe au détour d’une phrase et qu’on entend au coin d’une rue, à la fenêtre d’une voiture. Une insulte que les hommes violents utilisent toujours comme une arme pour humilier leur victime. Curieux paradoxe que le mot pute soit partout alors que la prostitution, elle, se cache.
À cette tribune, je pense à ces femmes, parfois à ces hommes, que l’on réduit à leur condition de pute alors qu’ils sont d’abord des femmes et des hommes. Je veux leur dire qu’elles, qu’ils ont une place, toute leur place dans notre société comme citoyennes, comme citoyens, une place égale à celle de tous les autres. Je veux leur reconnaître le droit à être autre chose que des marchandises. Oui, mesdames et messieurs les députés, il est légitime de prendre quelques heures dans votre agenda, qui leur a été si rarement consacré, pour ces êtres qui souffrent et qui se trouvent emprisonnés dans des vies de misère et de violences.
Une prostituée m’a dit un jour : vous savez, ce n’est pas un métier que l’on quitte un soir en claquant la porte. Une autre est venue me voir, elle était même accompagnée de militants qui ne partageaient pas mon point de vue. Nous avons discuté et elle m’a parlé de sa fille, une fille pour laquelle elle voulait le mieux, pour laquelle elle donnait sa vie et son corps. Lorsque je lui ai demandé si elle envisageait que sa fille se prostitue un jour elle aussi, sa réponse a fusé, immédiate : non, je fais justement ça pour qu’elle n’ait pas à se prostituer elle aussi. Eh bien, c’est tout le sens de la proposition de loi que vous avez déposée : offrir des alternatives et préparer l’avenir.
À ces femmes, à ces hommes, nous devons un discours clair et digne, eux que l’on relègue loin de nos centres-villes, loin de notre vue. À eux, nous devons au contraire la protection et des alternatives crédibles. Nous devons la cohérence entre nos discours et nos actes. Nous nous devons d’être à la hauteur de la position abolitionniste de la France, dans les faits, pas simplement dans les textes. Nous devons faire bloc. C’est dans un esprit de rassemblement qu’a été préparé ce texte et ce rassemblement en fait tout le prix. Je voudrais saluer le travail remarquable et opiniâtre qu’a accompli Guy Geoffroy avec Danielle Bousquet sur ce texte depuis 2011. Ce travail a permis de libérer la parole. Il a permis d’auditionner plus de deux cents personnes, de donner évidemment la parole aux prostituées elles-mêmes. Ce travail, c’est la clé de tout. Il a montré le visage de la prostitution, ses nouveaux défis.
Monsieur le député Guy Geoffroy, je veux vous dire de la façon la plus simple l’admiration que j’ai pour le travail que vous avez accompli.
Applaudissements sur tous les bancs.
Ce travail a montré clairement le chemin qu’il nous reste à accomplir. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en découle naturellement. Elle se situe dans une tradition humaniste, un humanisme assumé et responsable qui ne se contente pas, pour reprendre les mots de Gambetta, de reconnaître des égaux, mais veut en faire. Je veux saluer l’implication du groupe socialiste dans ce texte. Merci à Maud Olivier, merci à Catherine Coutelle pour la force de conviction qu’elles ont mises à chaque étape.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Merci pour l’esprit d’écoute, le souci de rassemblement qui a été le leur. Merci à Bruno Le Roux, premier signataire de ce texte pour son implication exemplaire à leurs côtés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Souvent, mesdames et messieurs les députés, les voix qui s’expriment au sujet de la prostitution sont assez éloignées des réalités du terrain, assez éloignées des victimes elles-mêmes. Parfois, malgré tout, les personnes prostituées, et celles qui l’ont été et qui en sont sorties, avec combien de difficultés, ont l’occasion de s’exprimer. Ce sont ces témoignages qui me paraissent les plus importants et vous avez construit votre proposition de loi à partir de ces expériences, de ces témoignages, de ces contacts. Je crois que c’est ce qui donne autant de valeur à ce texte.
Monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, votre trio a montré que toutes les forces de la République sont capables de se retrouver autour de cet humanisme assumé. Je veux saluer le travail de l’ensemble des membres de la commission et la contribution de tous les groupes parlementaires qui ont décidé de surmonter les clivages partisans. C’est suffisamment rare pour le souligner.
À cette tribune, souvenons-nous d’une chose : c’est que le combat pour l’abolition de la prostitution est jalonné de promesses non tenues et de rendez-vous manqués. Un premier rendez-vous manqué fut la commission d’enquête parlementaire organisée à l’époque par Victor Schoelcher. On était en 1879. Après l’abolition de l’esclavage, à la fin de sa vie, Victor Schoelcher et Victor Hugo avaient lancé le combat pour l’abolition de la prostitution. C’est pour cela que nous tenons tellement au mot « abolition ». La préfecture de police à l’époque empêcha que le travail n’aboutisse et il fallut attendre soixante-dix ans pour que le combat reprenne enfin.
Un autre rendez-vous se présenta sous le Front populaire. En 1936, Henri Sellier, le ministre de la santé, avait alors reçu le soutien actif de Léon Blum pour déposer un projet de loi abolitionniste. Ce texte mettait fin aux maisons closes et prévoyait même la création d’un délit de contamination pour les clients atteints de maladies vénériennes. Mais certains députés, que l’amicale des maîtres et maîtresses d’hôtels meublés de France avait mobilisés, s’y opposèrent sans autre motif que : « les maisons de tolérance subsisteront autant que l’humanité ». Ce n’est pas la fatalité qui emporta ce texte, mais plutôt l’histoire qui ne permit pas au Front populaire d’achever son programme pour notre pays.
En 1976, ce furent Simone Veil et Françoise Giroud qui tentèrent à leur tour, mais en vain aussi, de reprendre le fil abolitionniste de notre pays. Le 2 juin 1975, une centaine de prostituées lyonnaises avaient occupé l’église Saint-Nizier ; ces femmes demandaient déjà l’abrogation du délit de racolage qui pesait sur elles. Simone Veil avait demandé au magistrat Guy Pinot, celui que les médias appelaient Monsieur prostitution, de préparer un rapport, qui confirma la nécessité de l’abrogation du délit de racolage sur les personnes prostituées. Quelques mois plus tard, le conseil des ministres décida qu’aucune suite ne serait donnée aux propositions de M. Prostitution.
Nous ne pouvons pas nous permettre un nouveau rendez-vous manqué. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre encore un demi-siècle que le débat revienne. Il y a au moins 20 000 femmes et hommes sur notre territoire qui ne veulent plus être des coupables, qui ont besoin des soutiens prévus par votre texte, du parcours de sortie de la prostitution, des moyens du fonds d’insertion, et qui souhaitent avoir l’assurance que leurs enfants vivront dans une société à l’abri de la prostitution. Rien ne nous autorise à attendre plus longtemps.
Le rapport que l’inspection générale des affaires sociales m’a remis en décembre dernier met en évidence un accroissement très rapide dans notre pays des risques sanitaires, des risques infectieux, des traumatismes subis par les personnes prostituées, en l’état actuel. D’après le rapport du Conseil national du sida, entre 10 et 50 % des clients demanderaient désormais des rapports non protégés aux personnes prostituées. Une étude canadienne a établi que les personnes prostituées ont entre soixante et cent fois plus de risques d’être battues ou assassinées que le reste de la population. Enfin, d’après une étude américaine, le taux de mortalité est deux fois plus élevé chez les femmes qui se prostituent dans la rue que chez les femmes d’âge comparable.
La prostitution, mesdames et messieurs les députés, n’ayez pas le moindre doute à ce sujet, est en elle-même un drame sanitaire. Nombre d’associations le savent bien. Si la loi que vous proposez aujourd’hui est adoptée, les personnes en situation de prostitution pourront, bien plus que par le passé, être protégées, poser leurs conditions, dénoncer les agressions, être libres, se voir offrir des alternatives de sortie de la prostitution. Les pouvoirs publics ont été très longtemps piégés dans leurs hésitations et leurs contradictions. Aujourd’hui, nous n’avons pas d’hésitations. Nous sommes portés par une conviction, la conviction qu’aider les victimes de la traite, en particulier, c’est les protéger, leur offrir des moyens véritables d’en sortir, mais c’est aussi faire la chasse aux réseaux, toujours plus, c’est ce que prévoit votre texte, et c’est responsabiliser chacun des acteurs du système prostitutionnel. C’est le coeur de la proposition de loi.
Toutes les autres politiques, car la question des autres politiques pourrait se poser, qui ont été essayées ne marchent pas. Les pays qui ont fait le choix de rouvrir les maisons closes ont aussi, dans le même geste, fait le choix de la traite. Ils reconnaissent leurs difficultés.
Savez-vous que les Pays-Bas font partie de la liste des lieux de destination privilégiés de la traite établie par l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime ? Un projet de loi-cadre sur la prostitution est d’ailleurs en préparation dans ce pays pour prévoir la création d’une peine à destination des clients de la traite.
Savez-vous qu’en Allemagne – où les maisons closes ont été rouvertes et où l’on estime le nombre de personnes prostituées à 400 000 dont seulement 42 officiellement déclarées, et donc protégées –, l’accord de coalition du gouvernement signé ce mercredi même, qui porte notamment sur l’instauration d’un salaire minimum, prévoit aussi une révision en profondeur de la législation sur la prostitution ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
N’ayons pas de doute à ce sujet, les pays qui ont fait le choix de la réglementation reconnaissent tous leurs difficultés. A contrario, notre pays, grâce à la politique abolitionniste que nous vous proposons d’approfondir aujourd’hui, est vu par les réseaux de traite comme un pays qui refuse la prostitution.
Ces réseaux nous regardent, ils suivent ce que nous faisons avec la plus grande attention, nous le savons, ils guettent les failles de notre législation dont ils se nourrissent depuis quelques années.
Les organisations transnationales étrangères spécialisées dans la traite des êtres humains ont largement pris la place de ce qu’elles appellent elles-mêmes les « traditionnelles ». Il s’agit de mafias qui recrutent les victimes dans leurs pays d’origine et les conduisent là où elles n’ont aucune attache. Elles ne parlent pas la langue du pays, vivent sans titre de séjour et doivent rembourser aux criminels le coût très élevé de leur migration.
Ces réseaux, mesdames, messieurs les députés, ne comprennent qu’un message : celui de la fermeté.
À cette tribune, je voudrais dire les choses en toute clarté : la France n’est pas un pays d’accueil de la prostitution. Nos portes doivent rester et resteront fermées au vent mauvais des trafics.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
C’est le sens de votre proposition de loi que de s’adapter à cette nouvelle réalité. Elle entend remettre à l’endroit un système législatif qui fait aujourd’hui peser la responsabilité du crime organisé sur les victimes et qui se désintéresse de la responsabilité des clients, sans donner à la police et à la justice tous les moyens d’enquêter, d’arrêter, de condamner, de démanteler les réseaux criminels qui sont les vrais coupables.
Votre proposition de loi repose sur une tout autre logique, et nous y adhérons sans réserve : lier indissolublement l’efficacité et la fermeté pénales à la protection des victimes grâce à l’insertion sociale des personnes prostituées.
Votre proposition de loi crée d’abord les conditions d’un démantèlement efficace des réseaux. Parce que démanteler les réseaux, c’est d’abord libérer les victimes de leur emprise. À cet égard, reconnaître un droit au séjour pour les personnes prostituées qui s’engagent dans un parcours de sortie de la prostitution est une disposition absolument essentielle. Ce parcours permettra un soutien financier, une annulation des dettes fiscales ; il créera un moment pour se reconstruire, un moment qui devra durer le temps qu’il faudra.
Votre proposition de loi construit une véritable réponse sociale, sanitaire, professionnelle à la détresse à laquelle sont confrontées les personnes prostituées. Nous devons l’envisager comme le point de départ d’un large plan pour l’inclusion sociale et professionnelle de ces personnes, qui puisse leur donner accès à des mesures de prévention efficace, des programmes d’insertion professionnelle adaptés.
Rien à cet égard ne remplace le travail des acteurs de terrain, notamment pour aller vers les personnes prostituées et mettre en oeuvre des actions de prévention. Rien ne remplace les associations, du moment que l’État ne se désengage pas. Or votre proposition réaffirme le rôle de l’État et l’organise. C’est essentiel.
Réussir la sortie de prostitution implique en effet une prise en charge complexe : l’État ne doit pas ajouter à cette complexité sa propre complexité. Il doit s’organiser pour assurer la coordination du soutien public aux initiatives locales, accompagner, héberger, soigner les personnes prostituées. Il doit accompagner tous les professionnels, que leur action soit spécifiquement centrée sur la réduction des risques sanitaires, sur le logement, ou qu’elle soit plus globalement consacrée aux projets de la personne.
La clef pour réussir les programmes que vous prévoyez à l’article 3 de votre proposition de loi, c’est de s’appuyer sur les besoins des personnes et de construire avec elles les solutions. Je fais complètement miennes les recommandations de l’IGAS sur la nécessité de consolider et d’amplifier notre financement aux acteurs et aux associations qui participent à l’insertion des personnes prostituées.
Votre proposition de loi nous invite à aller encore plus loin et à organiser ce soutien de façon plus pérenne. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous l’indiquer, le Gouvernement appuie cette proposition et s’engage, y compris en prévoyant les crédits budgétaires qui permettront d’abonder ce fonds de façon satisfaisante, dès le vote de la loi.
C’est un effort dédié de 20 millions d’euros par an sur le budget de l’État qui sera dégagé pour soutenir cet accompagnement spécialisé, un meilleur accès au droit, des programmes de réduction des risques. Cet effort correspond à dix fois les crédits actuellement consacrés par l’État au soutien aux associations. Cet engagement que nous prenons ne peut être plus clair.
Les pouvoirs publics ont longtemps été piégés dans leurs contradictions, craignant notamment que l’accompagnement social des personnes prostituées ne génère un appel d’air migratoire. Nous n’avons pas, nous, cette hésitation car nous renforçons en même temps notre politique de fermeté à l’égard des réseaux. Protéger les personnes prostituées, développer leur accompagnement, faciliter la sortie de prostitution sont des missions qui doivent être exercées par l’État et pour que tout cela soit possible, la contrepartie est bien évidemment de ne plus laisser un millimètre de terrain aux réseaux.
Les victimes de la prostitution, comme toutes les victimes de la traite, ce sont les personnes prostituées elles-mêmes. Or la création en 2003 du délit de racolage passif a conduit, là où il a donné lieu à des poursuites, à des situations inacceptables. On marchait sur la tête en punissant les victimes. Nous nous sommes engagés à abroger ce délit, conformément à l’engagement du Président de la République. Cette abrogation s’impose, par ailleurs, pour mettre en conformité notre droit avec la directive 201136 dont l’article 8 dicte le principe d’une absence de poursuite des victimes.
Je suis toutefois sensible au fait que cette abrogation ne doit pas induire une moindre capacité à lutter contre les proxénètes. Nous l’avons bien mesuré dans nos débats et nous veillerons à ce que cette capacité soit au contraire renforcée.
Cette proposition de loi offre un véritable changement de perspective, une alternative au délit de racolage que nous supprimons. Pour lutter efficacement contre les réseaux, nous allons faire jouer la responsabilité tout au long de la chaîne. Vous prévoyez ainsi la création de la contravention de recours à la prostitution et de nouvelles peines de stages de responsabilisation à destination des clients pour leur faire prendre conscience de leur rôle dans le système prostitutionnel et pour prévenir la récidive.
C’est une réponse dont je sais bien qu’elle a été très longuement mûrie jusqu’à trouver son équilibre. Elle correspond à un impératif d’efficacité dans l’action de terrain. Il s’agit de mettre ces clients face à la responsabilité de leurs actes, de prévoir des peines pédagogiques. Il s’agit aussi de ne pas laisser les maires assumer seuls les questions d’ordre public que peut poser la prostitution.
Adopter cette disposition, mesdames, messieurs les députés, c’est non seulement changer de regard, comprendre qui sont les victimes, qui sont les responsables, mais c’est aussi – et j’y tiens – accélérer la transformation de notre société vers plus d’égalité entre les sexes.
À ce jeune garçon qui voudra savoir comment faire ses premières armes avec les filles, nous apprenons que l’achat du corps d’une autre contre quelques billets de banque ne pourra plus être une option. À cette jeune étudiante qui voudra savoir comment mieux boucler ses fins de mois, nous proposons des alternatives à l’asservissement de son propre être.
Mesdames et messieurs, les pays qui ont fait le choix de l’abolition sont ceux où l’égalité entre les sexes n’est plus une utopie mais une réalité. Est-ce une coïncidence ? Je ne le crois pas.
Enfin, votre proposition de loi va renforcer notre lutte contre le proxénétisme qui doit rester une infraction à large spectre. Avec le ministre de l’intérieur, nous donnons les consignes les plus claires aux forces de sécurité sur ce sujet.
Je voudrais notamment rendre hommage ici au travail de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, qui a intensifié son action contre les réseaux, qui a mobilisé un plus large nombre de groupes d’intervention régionaux, et qui a permis que cinquante et un réseaux soient démantelés en 2012, soit 30 % de plus qu’il y a deux ans, pour un total de 572 proxénètes arrêtés.
Ce sont de bons résultats que nous voulons encore amplifier, notamment en renforçant la coopération internationale dans les zones transfrontalières. Je pense en particulier à cette zone de tension particulière, à proximité de La Jonquera, haut-lieu du proxénétisme et de la traite à propos duquel certains d’entre vous m’ont alertée – et je salue en particulier Ségolène Neuville.
Disons-le, la faiblesse des réponses de l’Union européenne contre la traite n’est pas acceptable. Là encore, il y a un combat à mener. Je réunissais il y a quelques semaines, avec ma collègue belge Joëlle Milquet, des représentants de dix-huit États membres signataires du protocole de Palerme pour réaffirmer l’actualité de ce texte visant à lutter contre la prostitution et ses potentialités dans un cadre européen.
J’ai participé il y a quelques jours à la réunion du conseil d’Interpol et je ferai dans ce cadre des propositions au nom de la France pour renforcer les capacités de l’agence contre les réseaux de traite en favorisant les échanges d’informations. C’est une dimension essentielle qui nous mobilise pleinement.
Dans quelques semaines, enfin, je présenterai le premier plan gouvernemental contre la traite des êtres humains qui a fait l’objet d’échanges intensifs ces dernières semaines avec toutes les associations concernées. Il est conçu pour renforcer notre action contre les réseaux, pour renforcer la coopération internationale mais aussi pour faciliter l’identification des victimes et permettre leur accès au droit.
Votre commission spéciale a adopté des dispositions très importantes en la matière, et je l’en remercie, notamment celle reconnaissant un statut aux mineurs victimes de la traite. C’est une initiative clef dont les effets concerneront toutes les formes de traite.
En conclusion, mesdames, messieurs les députés, je soulignerai que cette proposition de loi est clairement une proposition de loi d’abolition de la prostitution. Ce n’est pas un hasard si elle dépasse les clivages traditionnels et si elle peut rassembler aujourd’hui l’ensemble des familles politiques de notre pays.
Je remercie chacun d’entre vous d’avoir su éviter les postures héroïques, les injonctions morales, les positions de principe. Je sais que la pression est forte pour que notre débat d’aujourd’hui ne soit pas un débat sur le texte, un débat sur le fond, un débat de raison, mais au contraire un affrontement stérile de postures philosophiques, idéologiques, morales dont nous savons qu’aucune d’elles n’a jamais constitué ne serait-ce qu’un début de réponse au défi qui nous est jeté au visage par les réseaux de proxénétisme internationaux.
Beaucoup d’entre vous sont absents, je ne peux que le constater, le regretter aussi. De nombreux députés m’ont fait part de leur regret de ne pouvoir être présents aujourd’hui. Merci à ceux qui sont présents. Merci à toutes celles et tous ceux qui ont permis à ce texte d’être inscrit à l’ordre du jour malgré les résistances. Le jour choisi, un vendredi, ne sera pas la plus difficile d’entre elles à surmonter. La loi Marthe Richard, pour votre information, avait été examinée dans les mêmes conditions.
Rires.
Je ne doute pas que le sursaut viendra.
Beaucoup de pays nous regardent parce qu’ils attendent de la France un haut niveau d’exigence dans la défense du droit des femmes et dans la lutte contre le crime à l’échelle internationale. Parmi les pays qui nous regardent, il y a notamment nos voisins européens qui ont fait le choix de la réglementation et qui s’interrogent aujourd’hui.
Nous n’avons pas le droit de manquer ce rendez-vous. L’indifférence, le silence, c’est le lot commun des personnes prostituées. Mais je le dis clairement à tous ceux qui seraient tentés de ne pas voter ce texte alors qu’ils n’ont pas participé aux débats d’aujourd’hui : l’indifférence quand elle conduit à un refus porte un nom, le mépris. Et je ne l’imagine pas se manifester dans votre assemblée.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Au moment de franchir une nouvelle étape, nous devons garder à l’esprit que nous faisons en moyenne une loi sur la prostitution tous les demi-siècles. Nous devons garder à l’esprit que les occasions manquées sont une insulte aux souffrances des victimes. Vous devez garder à l’esprit que votre choix, celui de chacun d’entre vous, comptera dans le message qui leur sera envoyé.
Ce message doit être le suivant : nous passons de la parole aux actes, de la prise de conscience à la prise de responsabilités.
Mesdames, messieurs, je vous remercie pour votre présence, pour votre soutien à ce texte auquel le Gouvernement adhère sans réserve, dans toutes ses dimensions, forcément multiples, forcément complexes, mais claires et sans ambiguïtés.
Mmes et MM. les députés des groupes SRC et GDR se lèvent et applaudissent ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures quinze.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron