La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles de la troisième partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 828 rectifié portant article additionnel après l’article 8.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, pour soutenir l’amendement no 828 rectifié .
Il existe aujourd’hui un régime favorable d’exemption de cotisations et de contributions sociales pour les arbitres et juges sportifs amateurs qui les exonère dans la limite annuelle de 5 600 euros. Le Gouvernement entend laisser perdurer cette exemption. Néanmoins, il a pris note que la fonction évolue pour se professionnaliser, notamment pour ce qui concerne les grands championnats, encourage cette évolution – un texte est d’ailleurs actuellement à l’étude sur ces questions au Parlement – et est favorable à la signature de contrats de travail entre les fédérations et les juges et arbitres concernés. Aussi, est-il souhaitable de clarifier le champ du dispositif dérogatoire existant afin d’en réserver le bénéfice au sport amateur et d’en exclure les rémunérations des arbitres et juges professionnels qui concluraient à ce titre un contrat de travail avec leur fédération. Une telle clarification renforcerait par ailleurs la protection sociale de ces derniers car il n’est pas équitable qu’une part importante de ce qui constitue leur principale ressource de revenus ne leur permette pas de se constituer les mêmes droits que les autres salariés, en particulier en matière de retraite.
La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général, pour donner l’avis de la commission.
L’amendement no 828 rectifié est adopté.
Cet amendement porte sur un sujet que je sais extrêmement fédérateur sur nos bancs puisqu’il s’agit de l’économie sociale et solidaire. Il vise à ouvrir aux travailleurs non salariés la possibilité de bénéficier du titre-restaurant, dispositif social plébiscité par les millions de salariés français qui l’utilisent chaque jour. Serait ainsi mise en place la possibilité d’une prise en charge des titres-restaurant pour les non-salariés. Cet objectif est d’autant plus justifié qu’ils sont, chacun l’aura noté, de plus en plus nombreux dans notre pays, ce qui correspond évidemment aux nouvelles formes sociales du travail.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement no 351 .
Il s’agit en en effet d’ouvrir aux travailleurs non salariés la faculté de bénéficier du dispositif social du titre-restaurant. Plusieurs raisons le justifient, à commencer par le fait que l’évolution des formes sociales prises par le travail remet en cause la couverture généralisée d’un avantage socio-économique devenu un symbole du dialogue social et qui fêtera, comme on le sait, ses cinquante ans en 2017, alors qu’il y a actuellement 2,3 millions de travailleurs non salariés, et ce chiffre va continuer à augmenter. S’ils ont accès à certains avantages sociaux tels que les chèques-vacances, les chèques emploi-service universels, voire l’épargne salariale, ils ne peuvent bénéficier du titre-restaurant, alors même que leur activité professionnelle justifie à elle seule la prise en charge d’une partie de leur pause méridienne. Il faut savoir que ce dispositif social original est également un moteur de l’économie et de l’emploi grâce à son effet multiplicateur puisque l’on sait que trente bénéficiaires supplémentaires correspondent à un emploi créé. En étant favorable à ces amendements, l’État amorcerait donc un cercle vertueux, d’autant que les recettes supplémentaires qui en découleraient, pour lui comme pour les régimes sociaux, sont évaluées à 250 millions d’euros.
Je précise que l’accès au titre-restaurant ne se substituerait pas à la possibilité de continuer à bénéficier du régime actuel de prise en charge des indemnités de frais de repas puisque chaque travailleur non salarié serait libre de choisir l’un ou l’autre de ces dispositifs. Mais le cumul des avantages ne serait pas autorisé.
La commission a repoussé ces amendements car, bien qu’elle ait évalué l’intérêt social d’étendre le bénéfice des titres-restaurant aux travailleurs indépendants, nos collègues prévoient d’exonérer de cotisations sociales l’acquisition desdits titres dans les mêmes limites que celles actuellement prévues en matière d’impôt sur le revenu pour les salariés en bénéficiant. Or nous ne disposons pas d’étude d’impact mesurant les effets de ces amendements. Les services du ministère contestent d’ailleurs les 250 millions d’euros de recettes publiques supplémentaires que vous annoncez, madame Orliac.
Par ailleurs, les indépendants peuvent, en l’état actuel du droit, déduire leurs frais de repas au réel pour l’établissement de leur impôt sur le revenu. Si ces amendements s’ajoutaient à ce régime fiscal, cela créerait un double mécanisme, dont il n’est pas sûr de toute façon qu’ils sortiraient gagnants. Mieux vaut en effet déduire un repas de 20 euros à son coût réel que de bénéficier d’une exonération sociale sur le même repas à hauteur du prix d’un titre-restaurant.
J’ai un peu de mal à comprendre les arguments développés par les auteurs de ces amendements. Je note au passage, monsieur Bachelay, que vous faites référence à l’économie sociale et solidaire, mais je ne vois pas le rapport puisque votre proposition s’adresse aux travailleurs indépendants.
Madame Orliac, vous faites référence entre autres aux chèques-vacances, mais la déduction ne peut évidemment pas être possible pour les frais de vacances, qui ne sont pas des charges du point de vue du calcul de leur revenu imposable – pas plus d’ailleurs que pour les salariés. Et puis comme l’a opportunément rappelé votre rapporteur, les travailleurs indépendants peuvent déjà déduire leurs frais de repas de l’assiette de leur bénéfice imposable, lequel sert lui-même d’assiette pour le calcul des contributions sociales. Je ne vois pas plus que le rapporteur pourquoi créer un double dispositif qui serait redondant. En revanche, je le répète, le droit prévoit clairement que les frais de repas des travailleurs indépendants sont déductibles sur la base des frais réels en tant que charge. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à ces amendements. J’ajoute que s’agissant du chiffrage de la mesure, nos services l’évaluent à près d’1 milliard d’euros de dépense fiscale parce que, vous l’avez dit, les travailleurs indépendants sont nombreux. De plus, si on leur donnait le choix entre l’un ou l’autre des dispositifs comme vos amendements le proposent, il vaudrait mieux évidemment pour eux déduire la totalité de leurs frais réels de restauration que des sommes forfaitaires et de toute façon plafonnées comme pour les salariés utilisant des titres-restaurant.
Cet amendement, cosigné par soixante-six de mes collègues, vise à instaurer une exonération de charges sociales, dégressive dans le temps, pour les entreprises artisanales ayant formé durant plusieurs années un apprenti et le recrutant en contrat à durée indéterminée à l’issue de son temps de formation. Il s’agirait d’une exonération totale la première année, puis dégressive de 20 % les quatre années suivantes, pour atteindre le taux plein la cinquième année. L’artisanat est l’un des poumons économiques de notre pays et son dynamisme n’est plus à prouver : avec plus d’un million d’entreprises, plus de trois millions d’actifs et plus de cent mille recrutements chaque année, il reste indéniablement la première entreprise de France.
En parallèle, la France peine à accélérer la part de l’apprentissage dans les volumes de formation. Fin 2015, on dénombre ainsi 403 000 apprentis en France – c’est encore loin de l’objectif fixé par le Gouvernement de 500 000 apprentis en 2017. De même, sept mois après la fin de leur formation, 35 % de jeunes apprentis restent sans emploi. L’une des explications de ce phénomène est l’écart du poids des charges sociales entre le moment où l’entreprise artisanale forme un apprenti dont le salaire est totalement exonéré de charges sociales et salariales, et l’embauche de ce même apprenti à l’issue de sa formation, où l’entreprise devra supporter pleinement et de plein fouet un accroissement des charges.
Il n’y a rien de pire pour une entreprise artisanale, notamment en période de crise, que de former pendant des années un jeune apprenti et de ne pouvoir l’embaucher en CDI en raison de l’absence pour l’employeur de ce que j’appelle un « sas de décompression » de charges.
Cet amendement vise donc à soutenir l’activité artisanale, autant en ville qu’en milieu rural, et à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes qui ont choisi cette filière.
La commission a rejeté cet amendement, dont l’intention positive est pourtant parfaitement compréhensible. Ses auteurs souhaitent rendre l’exonération de cotisations dégressive sur cinq ans. Je vous fais néanmoins remarquer que le dispositif Embauche PME permet aux entreprises de moins de 250 salariés d’embaucher en CDI grâce à une aide de 4 000 euros sur deux ans.
Étant donné le bas niveau des cotisations sur les salaires, notamment au niveau auquel, après leur apprentissage, sont rémunérés ces jeunes salariés, je pense qu’il est plus intéressant pour une PME de bénéficier d’une prime que d’une exonération totale de cotisations, dans la mesure où celles-ci, au niveau du SMIC, sont quasiment nulles.
Par ailleurs, nous ne connaissons pas, à l’heure actuelle, le coût de la mesure qui est proposée. La commission a donc repoussé cet amendement.
Même avis, sur la base d’arguments tout à fait similaires.
M. le rapporteur a opportunément rappelé que dans une PME, l’embauche en CDI d’un nouveau salarié, fût-il anciennement apprenti, donne lieu à la prime à l’embauche de deux fois 2 000 euros, soit 4 000 euros sur deux ans. J’ajoute, s’agissant de l’apprentissage dans les plus petites entreprises, qu’une aide de 4 400 euros est versée la première année aux entreprises de moins de onze salariés qui concluent depuis le 1er juin 2015 un contrat d’apprentissage avec un jeune de moins de dix-huit ans. D’après la DARES – Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques –, cette disposition a provoqué une augmentation de 10 % du nombre de recrutements de jeunes apprentis dans les entreprises.
Le dispositif de l’apprentissage permet à sept jeunes sur dix, ce qui est assez proche des chiffres que vous avez évoqués, de trouver un emploi dans les six mois à l’issue de leur formation.
Outre de la prime à l’embauche, les entreprises qui embauchent un apprenti bénéficient également du CICE – crédit d’impôt compétitivité emploi – lorsque le salaire de cet apprenti se situe dans la fourchette concernée, ce qui est généralement le cas. Le taux du CICE, actuellement fixé à 6 % de la masse salariale, sera porté à 7 %si le projet de loi de finances est approuvé dans les termes proposés par le Gouvernement.
Il n’y a donc pas lieu d’adopter cet amendement. Les dispositifs d’aide destinés aussi bien aux apprentis qu’aux entreprises qui les embauchent constituent déjà de très bonnes réponses à la préoccupation commune qui est la nôtre.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, il n’y a pas eu d’étude d’impact, dites-vous. Mais il suffit de multiplier le nombre d’apprentis concernés par le coût du dispositif et vous obtiendrez une évaluation.
Je ne suis pas totalement convaincu par votre argument, d’abord parce que le dispositif proposé par notre collègue Julien Dive, dont j’ai eu le plaisir de cosigner l’amendement, serait cumulable avec le dispositif de prime à l’embauche. Pour agir véritablement sur la bascule en faveur des apprentis dans le monde du travail, il faut mener une politique très ciblée sur les petites et moyennes entreprises.
En outre, le dispositif que vous avez cité, détrompez-moi si je fais erreur, est limité aux salaires jusqu’à 1,3 fois le SMIC, ce qui n’est pas le cas dans l’amendement qui vous est proposé. Il serait ainsi possible aux entreprises de proposer aux apprentis des salaires plus élevés et de monter en gamme. La précarité n’est pas le seul avenir des apprentis recrutés !
Enfin, la prime à l’embauche concerne les entreprises jusqu’à 250 salariés alors que ce que nous vous proposons cible les plus petites entreprises de notre pays, là où le gisement d’emplois est le plus important.
Je comprends votre argument mais je pense qu’il n’est pas totalement valide, d’abord parce que les dispositifs seraient cumulables, ensuite parce qu’ils n’ont pas exactement le même périmètre.
Nous pourrions sans doute discuter de l’impact budgétaire de l’amendement – il y en a toujours un – mais ce n’est pas parce qu’on ne l’a pas évalué qu’on ne peut pas apprécier l’intérêt de cette mesure proposée par soixante-six d’entre nous.
Je voudrais dire à M. le rapporteur que ce n’est pas exactement cet amendement qui a été défendu en commission des affaires sociales. En effet, une erreur s’était glissée dans ce dernier puisqu’il était proposé que le taux de cotisations diminue progressivement année après année. Or, dans l’amendement que nous examinons, de façon parfaitement logique, il est bien proposé qu’il augmente.
Je vous ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, en ce qui concerne la prime à l’embauche et l’aide de 4 400 euros réservée aux entreprises de moins de onze salariés. Mais il serait intéressant de favoriser le développement de l’apprentissage chez les jeunes de plus de dix-huit ans car ce type de formation commence en effet à intéresser un certain nombre d’entre eux qui, après avoir échoué à la faculté, reviennent vers l’apprentissage. La rémunération des apprentis dépendant de leur âge, ceux qui ont plus de dix-huit ans ne peuvent pas être rémunérés au même niveau que les jeunes que vous avez cités, monsieur le rapporteur. Ainsi un jeune de moins de dix-huit ans percevra en première année une rémunération de 366 euros, tandis qu’en troisième année, un jeune âgé de plus de vingt-et-un ans percevra, lui, 1 143 euros.
L’argument selon lequel il s’agit de salaires faibles et que ce n’est pas la peine d’ajouter un dispositif ne tient pas puisque la fourchette des rémunérations, qui est fonction de l’âge des apprentis, est de plus en plus large. Si nous voulons que l’apprentissage se développe dans les entreprises, sachant, comme vient de le rappeler notre collègue, que le taux d’insertion à l’issue d’une période d’apprentissage est beaucoup plus élevé que la moyenne, notamment qu’après un emploi d’avenir, nous sommes en présence d’un excellent amendement et notre groupe le votera.
L’amendement no 651 n’est pas adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 9.
La parole est à M. Dominique Tian.
J’avoue ne pas comprendre cet article. J’ai interrogé quelques professionnels de l’URSSAF et du RSI qui ont reconnu ne pas comprendre, eux non plus, cette nouvelle organisation.
Il est indiqué dans l’exposé des motifs de l’article que « les efforts déployés ont largement permis de normaliser la situation du régime du RSI grâce à l’engagement des équipes […] » Après avoir ainsi essayé de convaincre que la situation s’améliore au RSI, il est surprenant de conclure qu’il faut mettre en place « une nouvelle organisation de recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants du RSI ».
Monsieur le secrétaire d’État, la mise en place du RSI, vous l’avez souvent dit vous-même, a été une catastrophe industrielle. Mon collègue Frédéric Lefebvre, qui a été secrétaire d’État chargé du commerce et de l’artisanat et s’est heurté au problème pendant de nombreuses années, peut témoigner du mécontentement général des assurés – artisans, commerçants et professions libérales.
Vous reconnaissez que la situation s’améliore et que nous sommes sur la voie de l’apaisement tout en nous proposant la mise en place dans des délais extrêmement brefs d’une nouvelle organisation non concertée, d’une grande complexité, sans que les intéressés n’aient été entendus, alors même que l’on sait tous les problèmes informatiques qu’il y a. M. le rapporteur a d’ailleurs reconnu en commission qu’il serait peut-être préférable que les professions libérales n’entrent dans le système qu’un an plus tard. Aveu qui en dit long !
Nous risquons une deuxième catastrophe industrielle. Ce serait tout à fait incompréhensible. C’est pourquoi je proposerai un amendement de suppression de l’article 9.
Cet article concerne, entre autres, enjeu important, le maintien dans l’emploi des salariés des organismes conventionnés qui gèrent actuellement le recouvrement des cotisations du RSI professions libérales et dont les activités ont été transférées aux URSSAF l’an dernier avec une mise en application en 2018.
À l’époque, je vous avais interpellé, monsieur le secrétaire d’État, comme j’avais interpellé la ministre chargée du dossier, sur l’article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 qui prévoit ce transfert.
Ce sont les salariés effectuant aujourd’hui cette tâche au sein des organismes conventionnés, dont ceux du site de l’entreprise APRIA R.S.A à Bourges, dans le Cher, qui, très inquiets pour l’avenir de leur emploi, m’ont alerté. Vous m’aviez alors répondu et le Gouvernement s’était engagé sur le principe du maintien dans l’emploi des salariés et de leur transfert au sein des URSSAF.
Les salariés, toujours extrêmement vigilants, m’ont à nouveau alerté il y a quelques semaines pour avoir la garantie que tout le stock des activités de recouvrement sera transféré et non seulement celles postérieures à la date de transfert, comme il était prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, afin de permettre effectivement le maintien dans l’emploi de tous les salariés.
Après vous avoir de nouveau sollicité dans un courrier en date du 12 octobre, à l’issue d’une réunion de préparation du PLFSS pour 2017, je constate que le Gouvernement a déposé des amendements à cet article pour tenter de trouver une solution. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que votre collègue, pour la réactivité dont vous avez fait preuve pour répondre à ma demande et à celle des salariés. Je remercie également M. le rapporteur Gérard Bapt qui a été, lui aussi, à l’écoute de nos arguments sur cette problématique sensible.
Je souhaite donc que nous ayons un débat sur cet article et les amendements présentés par le Gouvernement pour que celui-ci puisse, de manière extrêmement claire, nous expliquer la solution qu’il propose.
Nous en avons déjà longuement parlé, je ne reviendrai pas sur le bricolage dont fait l’objet le RSI depuis sa création, mais je pense que nous assistons à un énième épisode de ce bricolage.
Je voudrais revenir plus longuement sur ce que j’ai évoqué rapidement tout à l’heure. J’ai saisi le Défenseur des droits sur l’absence de base légale du RSI. En effet, les caisses régionales du RSI ont été constituées sans que la loi soit respectée. La consultation du Pr Prévost, professeur de droit à l’université de Paris, que j’ai transmise au Défenseur des droits, montre que ces caisses régionales, n’ayant pas d’existence légale, n’ont pas qualité à agir. Contrairement à ce que leur impose la loi, elles n’ont pas été créées par arrêtés préfectoraux alors même, c’est là le paradoxe, que les statuts-types, sur lesquels sont fondés les arrêtés d’approbation, font référence à un arrêté du préfet de région. C’est d’ailleurs plutôt une bonne nouvelle pour les acteurs économiques qui, vous le savez, sont régulièrement poursuivis, notamment à la suite des nombreuses erreurs que commet le RSI.
Quand je qualifie la solution que vous proposez de énième bricolage, c’est que je crains malheureusement que cette fusion rende plus efficace le recouvrement, – c’est certes une bonne nouvelle pour ceux qui recouvrent et pour le Gouvernement – alors même qu’il y a en permanence des erreurs dans le calcul des sommes mises en recouvrement et que, problème plus général, les travailleurs indépendants français sont moins bien protégés et paient pourtant plus cher que leurs homologues dans les autres pays d’Europe. C’est la raison pour laquelle je voterai contre ce dispositif.
Monsieur Lefebvre, je voudrais revenir sur les propos blessants que vous avez tenus à la fin de la séance de cet après-midi, et encore à l’instant. C’est en tout cas ainsi que je les ai ressentis. Ces propos sont méprisants lorsque vous parlez de « bricolage » – je pense notamment aux personnels du RSI qui, depuis pas mal d’années, s’adaptent à tous les changements et à tous les efforts qu’on leur demande.
Je pense aussi aux administrateurs du RSI qui, au niveau national comme au niveau régional, sont des représentants des professions indépendantes, qui travaillent et qui ont leur propre entreprise.
Eux aussi s’adaptent ! Malheureusement, ce sont eux aussi des victimes du RSI.
Il n’est pas très malin, si je puis me permettre d’utiliser ce terme, de dénigrer ainsi le RSI. Je tenais à vous faire part de la colère qui est la mienne lorsque j’entends l’opposition, sans cesse, dénigrer le RSI.
Je rappelle que plus de six millions de personnes sont couvertes par le RSI pour la maladie et la retraite. Je ne comprends pas quel intérêt vous trouvez – ou plutôt je l’imagine – à dénigrer sans cesse une prétendue catastrophe industrielle, qu’en fait vous avez provoquée.
Aujourd’hui, vous feriez mieux de vous intéresser à ce qui se passe vraiment. Des rapports ont été rédigés par des sénateurs et des députés. Des améliorations ont été apportées au quotidien.
À quoi tend l’article 9 ? Je vais vous l’expliquer car ce RSI dont vous parlez beaucoup, j’ai l’impression que vous le connaissez peu. Le RSI procède à l’affiliation, gère les déclarations annuelles, réalise le recouvrement amiable après mise en demeure et s’occupe enfin de l’action sociale, ce qui est très important, auprès des indépendants en difficulté.
De son côté, l’URSSAF calcule et encaisse les cotisations. Elle procède au recouvrement amiable jusqu’à l’envoi de la mise en demeure et contrôle les opérations de recouvrement.
La répartition des activités et des responsabilités s’étant rapidement révélée inopérante, nous essayons de l’améliorer.
Encore un mot, monsieur le président, pour répondre à une question que Mme Le Callennec a posée en commission la semaine dernière : oui, un directeur national sera recruté pour les deux structures. Il n’y aura par conséquent qu’un seul pilote dans l’avion.
Je suis content que nous puissions débattre non d’une réformette, mais d’une véritable réforme du RSI. Hélas, il y a quelques mois, quand l’opposition avait proposé une réforme d’envergure, le débat n’avait pas eu lieu.
Chers collègues, l’opposition avait essayé de vous amener à réfléchir sur le fond et avait formulé des propositions, mais aucune des douze ou treize mesures envisagées n’avait trouvé grâce à vos yeux.
Parce que je crois que le débat parlementaire peut être enrichi, je m’abstiendrai d’adopter pareille attitude. Par conséquent, débattons !
Vous avez pointé le mauvais fonctionnement de l’ISU – interlocuteur social unique. Ce diagnostic est couramment partagé. De fait, le RSI est comme un side-car qui serait conduit par deux personnes. Chacune ayant un volant, il arrive que l’une veuille tourner à droite et l’autre à gauche.
En tout cas, il y a un vrai problème de pilotage.
Votre proposition m’inspire trois questions.
Quel sera le statut juridique du directeur national chargé du recouvrement ? Disposera-t-il d’une personnalité juridique ? Sera-t-il rattaché à tel ou tel régime ? M. Frédéric Lefebvre s’est interrogé tout à l’heure sur la base juridique du RSI. Veillons à ne pas ajouter de l’instabilité à l’instabilité : il faut que la base juridique de ce directeur national chargé du recouvrement soit très claire.
Deuxièmement, il faut balayer une suspicion. Si le directeur national chargé du recouvrement et les directeurs territoriaux viennent tous des URSSAF, ne risque-t-on pas d’assister à une cannibalisation du RSI par les URSSAF ?
Mais le vrai problème, sur lequel porte ma troisième question, c’est que ces deux réseaux ne se parlent pas.
Le RSI n’a aucun pouvoir de contrôle sur les URSSAF, qui ont leur propre système informatique et refusent d’en changer, car il s’agit pour eux d’un enjeu mineur. Est-ce là l’ambitieuse réforme à mener ? Ou faut-il être plus courageux et retirer aux URSSAF la gestion informatique ? Si le RSI l’assumait lui-même, il n’y aurait plus qu’un seul pilote.
Même si, dans un temps passé, le RSI a été qualifié de « catastrophe industrielle », l’idée d’origine, qui consistait à fusionner plusieurs caisses servant des prestations aux artisans, aux commerçants et aux indépendants, était judicieuse. J’en suis convaincu.
Et puis, répétons-le : si les indépendants, qui sont, comme je le dis souvent, d’obédience entrepreneuriale, comme le veut leur métier, étaient affiliés au régime général, ils cotiseraient plus.
En Bretagne – Mme Le Callennec le confirmera –, nous avons la chance d’avoir un RSI dynamique et transparent, qui travaille très bien, et qui vient dans les territoires expliquer son activité et son fonctionnement. Ses représentants rappellent chaque jour qu’à l’origine, le RSI a été conçu pour les indépendants.
Au passage, je salue la qualité du travail effectué par Mme Bulteau et M. Verdier. J’ai lu leur rapport avec intérêt. Mon inquiétude, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur et madame la présidente de la commission, porte sur le pilotage, la gouvernance du RSI envisagée à l’article 9.
Il faut mettre de l’ordre dans les relations entre celui qui recouvre les cotisations et celui qui sert les prestations. Si l’on considère, ce dont je suis convaincu, que le RSI est une belle structure, notre but doit être de lui apporter une réelle souveraineté, de le sanctuariser. Pour cela, il faut qu’à terme le même opérateur serve les prestations et procède au recouvrement.
L’existence d’une direction nationale du recouvrement, telle que prévue dans l’article 9, me convient. J’ai cependant rencontré quelques représentants territoriaux préoccupés par l’organisation territoriale, qui pose un vrai problème. À la faveur des amendements qui seront examinés dans un instant, j’espère que nous pourrons le clarifier.
Si l’on en croit l’exposé des motifs, l’article 9 vise à améliorer la qualité du service à laquelle les six millions d’assurés relevant du RSI sont en droit de prétendre. À ce titre, il crée une nouvelle organisation du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants.
À mes yeux, la coresponsabilité du RSI et de l’ACOSS, et l’existence d’un directeur national unique ne sont en rien la garantie d’une gouvernance efficiente. Le Gouvernement, qui prétend à tort qu’il n’y aura qu’un pilote dans l’avion,…
…s’expose à voir les difficultés perdurer. Il suffit de consulter l’annexe pour comprendre que certaines responsabilités seront partagées, et qu’il existera des compétences exclusives dévolues d’une part au RSI, d’autre part aux URSSAF.
C’est pourquoi je tiens, comme l’a annoncé Mme Bulteau, à poser plusieurs questions.
Les URSSAF seront-elles des prestataires du RSI ou exerceront-elles d’autres responsabilités ?
Le directeur national aura-t-il le pouvoir d’imposer à l’ACOSS et au RSI les mesures à prendre, en cas de désaccord entre les deux réseaux, ce qui est déjà arrivé et risque de se reproduire ?
Quels seront les moyens dévolus à la mise en oeuvre de cette nouvelle gouvernance pour le financement, les ressources humaines et particulièrement le système d’information, qui pose problème depuis l’origine ? On travaille sur un logiciel V2 dont le prix est évalué entre 20 et 30 millions d’euros. Une partie de ce logiciel sera-t-elle dédiée aux travailleurs indépendants, qui constituent un système à part entière ?
Des réponses précises à ces questions nous rassureraient sur la capacité du Gouvernement à faire réellement évoluer ce service, ce qui fait l’objet d’une attente réelle.
Tous les élus qui ont vécu les débuts du RSI en ont gardé un souvenir amer. Les professionnels ont vécu alors une période difficile. Je pense qu’on a voulu aller trop vite, alors que les systèmes d’information n’étaient pas prêts.
Aujourd’hui, à la lecture de cet article 9, les professionnels expriment les mêmes inquiétudes. Ils craignent qu’on aille trop vite et que les systèmes d’information ne soient pas prêts à absorber la réforme. Nous devons les entendre.
Même si la situation du RSI s’est améliorée, elle demeure inégale d’une région à l’autre. Dans la région Grand Est, ou du moins en Champagne-Ardenne, elle s’est stabilisée. J’entends beaucoup moins de plaintes. D’autres régions ont moins de chance. Tout dépend de la gouvernance des différentes caisses, mais dans tous les cas, les dispositions de l’article 9 me semblent prématurées.
Si une réforme doit se poursuivre, il faut lui donner du temps, expérimenter et consulter les professionnels. Répétons-le, ils ont raison quand ils disent que les systèmes d’information ne sont pas prêts à absorber la réforme.
Je souhaite répondre aux orateurs pour ouvrir le débat et expliquer dans quel état d’esprit le Gouvernement l’aborde. Je vous remercie de vos témoignages et vos prises de position, qui témoignent d’une bonne connaissance des problèmes.
Je ne vais pas me lancer dans un historique du RSI ni de l’ISU, ni tenter de rejeter les responsabilités sur tel ou tel. Chacun connaît les siennes, comme le montre votre parfaite connaissance de ce dossier. Mais je tiens à revenir sur le fondement juridique du RSI. Il existe en effet une rumeur selon laquelle les régimes obligatoires de sécurité sociale français n’auraient pas de base légale, en raison du droit communautaire. En la matière, je tiens à apporter le point de vue du Gouvernement.
Les régimes de sécurité sociale sont prévus par le code de la sécurité sociale. On ne peut y échapper qu’en se mettant dans l’illégalité et en perdant du même coup sa couverture sociale.
L’article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale dispose que sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans le cadre du présent code, quel que soit leur âge, leur sexe, leur nationalité ou leur lieu de résidence, toutes les personnes exerçant sur le territoire français, à titre temporaire ou permanent, une activité professionnelle non salariée.
Le même code rappelle par son article L. 133-6-1 que « le régime social des indépendants affilie les personnes exerçant les professions artisanales, industrielles et commerciales redevables des cotisations et contributions sociales mentionnées à l’article L. 133-6. »
Enfin, l’ordonnance 2005-1528 dispose, à l’article 1er : « Il est créé un régime social des travailleurs indépendants dénommé "régime social des indépendants" […]. »
Enfin, puisque M. Lefebvre a fait allusion aux caisses régionales, l’article L. 611-8 du code de la sécurité sociale, auquel fait référence l’article R. 611-21 du même code, instaure les caisses de base du RSI, qui sont régionales. Il indique en effet : « Les caisses de base communes aux groupes professionnels des artisans, des industriels et des commerçants assurent pour leurs ressortissants, sous le contrôle de la caisse nationale, les missions du service des prestations, des allocations et du recouvrement des cotisations […] »
Pardon d’être long, mais puisque M. Lefebvre a fait allusion à des procédures devant la justice, il faut que les juristes qui auraient à se pencher sur cette question puissent trouver dans nos débats le point de vue du Gouvernement, qui assoit, selon nous, l’existence du RSI.
Libre à chacun, notamment via ou non le Défenseur des droits, d’en contester la base légale. Le cas échéant, les juridictions répondront.
D’autres questions ont été posées. Soyons clairs ! Compte tenu des dysfonctionnements dont chacun a eu connaissance, nous nous sommes interrogés sur l’avenir et sur l’existence même du RSI.
Pour différentes raisons, nous avons souhaité maintenir ce régime, dont les administrateurs se sont investis dans leur mission et qui nous fournit, en la personne des représentants des cotisants, des interlocuteurs les plus représentatifs possible des affiliés.
Nous avons travaillé pour réparer les erreurs – ne voyez dans mes propos aucune intention polémique – et améliorer le fonctionnement du dispositif. Certains appellent cela du bricolage. Je leur laisse la responsabilité de ce terme. En tout cas, nous avons travaillé et je remercie ceux qui, comme M. Benoit ou Mme Poletti, ont signalé les améliorations dont ils ont été témoins – même si tout n’est pas parfait.
Je me suis rendu en Bretagne pour rencontrer les conseils d’administration des caisses. J’étais récemment à Tours, où j’ai rencontré des experts-comptables, des acteurs qui m’ont dit, sans d’ailleurs que ce soit l’objet de la réunion, qu’ils avaient beaucoup moins de problèmes avec le RSI.
Je leur ai demandé de me faire un certificat daté et signé.
Sourires.
Je ne dis pas qu’il n’y a plus de dysfonctionnements mais les experts-comptables, qui sont généralement les mieux placés pour témoigner de la situation, puisqu’ils sont en prise avec ces réalités, constatent une forte amélioration. Pour autant, l’ensemble des problèmes ne sont pas résolus et je partage les inquiétudes qui s’expriment. Quelles questions reste-t-il à régler ? Nous avons décidé, par cet article, d’instituer un chapeau, un directeur qui chapeaute, qui a compétence pour traiter des différends qui peuvent exister entre les URSSAF et le RSI au niveau national. Cela ne veut pas dire, pour répondre à une interpellation légitime, qu’au niveau régional, il ne faut pas avoir le même type de déclinaison, disposer d’une même coordination : c’est au contraire important et nécessaire.
Plusieurs d’entre vous se sont inquiétés, et je partage cette inquiétude, de l’organisation des systèmes informatiques. Le rapport de Fabrice Verdier et de Sylviane Bulteau y faisait déjà allusion. Madame Bulteau, nous avons évoqué cette question quand vous avez présenté votre rapport. Vous aviez soulevé la question du logiciel V2 ; vous vous étiez interrogée sur la manière d’intégrer ce logiciel « indépendant », c’est le cas de le dire, ou du moins autonome, au sein d’un logiciel plus global. Fabrice Verdier a déposé un amendement no 713 visant à ce qu’un rapport soit établi à ce sujet.
En tout cas, nous nous montrerons favorables à ce que le Parlement puisse être informé, voire associé, comme nous l’avons déjà fait, au traitement de cette question informatique, qui est un sujet central. Si des investissements doivent être réalisés, il faudra leur affecter les moyens nécessaires.
Je vous remercie, monsieur Benoit, d’avoir rappelé que l’affiliation des indépendants au régime général se traduirait par des cotisations bien supérieures pour des prestations qui ne seraient pas meilleures. Ce régime est déficitaire, certes, mais ce n’est pas le seul ! Bien des régimes le sont. Je suis élu de Lorraine : le régime minier est évidemment déficitaire. On a aussi évoqué le régime agricole. Ce n’est pas honteux, ce n’est pas condamner ni stigmatiser le RSI que de dire qu’il n’est pas équilibré actuellement, que les cotisations sont inférieures à ce qu’elles seraient en cas d’affiliation des indépendants au régime général.
Tel est l’état d’esprit du Gouvernement. C’est un sujet très sensible, très important, qui a donné lieu à des mouvements de colère compréhensibles. Chacune et chacun a entendu, à sa place, apporter une réponse à cette difficulté. Le Gouvernement sera attentif aux amendements. Je remercie M. Galut des propos qu’il a bien voulu tenir.
Je n’ai pas été particulièrement rassuré par les propos de M. le secrétaire d’État, qui nous indique que, lors d’un déplacement, il a noté les progrès importants accomplis par le RSI. Même les experts-comptables, ajoute-t-il, lui ont dit que le système allait plutôt bien.
Nettement mieux !
Aussi, quel n’est pas mon étonnement de constater que vous proposez de tout remettre à plat ! Sur le plan intellectuel, c’est assez difficile à comprendre. Pour une fois que quelque chose marchait maintenant plutôt bien, monsieur le secrétaire d’État, peut-être fallait-il s’occuper d’autres choses ? Cela m’aurait semblé logique. Je pense que vous allez ajouter de la complexité, que la mise en place de ce directeur national du recouvrement correspond exactement à ce que la Cour des comptes vous a dit de ne pas faire. La Cour des comptes vous a dit de prendre le temps de mesurer les enjeux avant toute réforme, de ne pas vous précipiter. Vous faites exactement le contraire. Vous allez supprimer l’ISU et créer de nouvelles confusions entre les compétences du RSI, de l’URSSAF et de l’ACOSS. Vous affirmez à nouveau dans le texte le principe de la responsabilité conjointe du RSI et de l’ACOSS. On vous aura prévenu. Je pense que vous auriez pu attendre quelques mois ; on se serait employé à ne pas remettre les artisans et autres dans la rue. Je vous rappelle que vous êtes si peu sûr de vous que vous préférez que les professions libérales ne rejoignent le système qu’un an plus tard, M. le rapporteur a en tout cas déposé un amendement en ce sens.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement identique no 555 .
Je me permets d’insister, monsieur le secrétaire d’État, sur ce nouveau schéma d’organisation, qui n’a apparemment pas fait l’objet d’une concertation totalement aboutie. À un moment donné, il était question de créer un groupement d’intérêt public, puis une idée a germé, selon laquelle l’ACOSS et le RSI pourraient désigner une personne. Or, vous savez bien que les cultures de l’URSSAF et du RSI ne sont pas du tout les mêmes. Selon que le directeur viendra de l’un ou l’autre de ces organismes, la problématique des travailleurs indépendants sera prise en compte de manière complètement différente. Si l’ACOSS collecte 465 milliards d’euros, le RSI, lui, perçoit 10 à 15 % de ce montant, mais les agents de l’URSSAF font souvent remarquer à ceux du RSI que la collecte de ces 10 à 15 % représente 70 % de leur travail. L’entente ne règne donc pas nécessairement entre ces deux structures. Je sais bien – pour me l’être entendu dire en commission des affaires sociales – que l’on ne va pas me communiquer le nom du futur directeur, mais j’appelle l’attention sur sa désignation. Encore une fois, on se trouve face à une coresponsabilité et à des compétences exclusives de part et d’autre ; rien n’est défini. S’ajoute à cela la question de l’action sociale. Un décret sera pris en Conseil d’État à ce sujet. D’où viendront les fonds ? Quelle sera la part de chaque système pour alimenter ce fonds ? On n’a pas encore de réponse à ces questions. Nous disons attention, car on ajoute une strate et on additionne deux structures qui n’ont pas la même culture, alors que l’objectif, je le rappelle, est de se préoccuper des travailleurs indépendants, qui ont un statut et un mode de fonctionnement très différents des salariés que prennent en charge les URSSAF.
La commission a rejeté les amendements de suppression. Ce qui est étonnant, c’est que l’on nous reproche de ne pas faire de réformes de structure, et que, chaque fois que l’on en propose une…
…on nous dit soit que cela va trop vite, soit que cela va trop lentement, soit que ce n’est pas celle-là qu’il fallait faire.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Madame Le Callennec, s’agissant des questions que vous avez posées dans votre intervention sur l’article concernant les compétences du futur pilote national, je vous invite à vous reporter à la page 115 du rapport, où elles sont précisément énumérées.
Chers collègues de l’opposition, vous développez des arguments complètement opposés. Mme Le Callennec et Mme Poletti nous ont dit : attention, cela va trop vite, il ne faut pas risquer un bug informatique, les cultures ne sont pas les mêmes, il faut prendre son temps. Un autre de vos collègues a dit au contraire que la réforme n’était pas assez ambitieuse, qu’il fallait aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite. En réalité, cette réforme a été lancée en 2012 et se déroule à son rythme. Elle produit des résultats positifs chez les assurés, artisans et commerçants qui, il y a un certain temps, défilaient sur l’esplanade des Invalides.
On n’en est plus là ! Rendez au moins justice à ceux qui, au terme d’une longue concertation avec le Parlement – à l’Assemblée nationale, comme vient de le rappeler Mme Bulteau, et au Sénat – et avec les organismes professionnels, ont mené cette réforme. La désignation d’un pilote national est précisément motivée par le fait que les cultures sont différentes et que les uns et les autres doivent se parler. Dans les caisses des URSSAF et du RSI, les agents de recouvrement ont commencé à travailler ensemble. Ils le feront davantage. Parallèlement, la réforme des systèmes d’information est en cours, et l’on sait qu’une telle réforme, au sein d’une caisse de Sécurité sociale, n’est pas évidente à mener. J’ai vécu celle de la Caisse nationale d’allocations familiales, que nous avons ici, à la MECSS – Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale – contribué à impulser. J’ai aussi suivi celle de l’URSSAF, car les salariés, localement, étaient inquiets ; en concertation avec leur direction, ils ont défini des procédures permettant de tendre vers l’unification, la rationalisation du système d’information.
Voilà pourquoi il faut rejeter ces amendements et continuer à travailler pour aller vers des systèmes d’information plus cohérents et le rapprochement du recouvrement. Si j’ai proposé, par l’amendement no 135 , de reporter d’un an, s’agissant des professions libérales, le recouvrement des cotisations d’assurance famille, des contributions sociales – CSG et CRDS – et de la contribution à la formation professionnelle, c’est précisément pour répondre à la volonté de respiration que vous exprimiez tout à l’heure. Aussi vous devriez ne pas voter cet amendement de suppression et continuer à mener la réforme avec nous.
Il est bien sûr défavorable. J’observe d’ailleurs que plusieurs des arguments employés par les députés de l’opposition n’étaient pas complètement opposés à l’article. Madame Le Callennec, comme beaucoup le savent, la création d’un groupement d’intérêt public, avait en effet été évoquée, mais le Gouvernement n’a pas souhaité suivre cette voie. Pourquoi ? Tout simplement pour ne pas créer une troisième structure, alors même qu’il en existe deux ayant des cultures différentes, ce que personne ne conteste, mais qui ont commencé à se parler et à travailler ensemble, de manière certes variable selon les régions et les caisses. J’ai visité – beaucoup ont fait cette expérience – des bureaux où les agents avaient deux ordinateurs – une connexion RSI et une connexion URSSAF – et pouvaient agir en même temps sur les deux systèmes, de façon à éviter les contradictions. Nous n’avons pas souhaité, je le répète, avoir une troisième structure qui engloberait, chapeauterait les autres, mais fait le choix d’une coresponsabilité, qui n’exclut pas un pilotage unique. On peut être responsable, au sens propre, tout en étant piloté par un nouveau directeur.
Madame Le Callennec, je ne peux pas vous laisser dire qu’il n’y a pas eu de concertation.
Mon cabinet a ainsi reçu, à plusieurs reprises, le président Quevillon, que j’ai personnellement rencontré. Ma collègue, ministre des affaires sociales et de la santé, l’a fait aussi. Je ne parle pas que de M. Quevillon : bien évidemment, le directeur de l’ACOSS a été également reçu. Nous avons demandé à ces personnes, par courrier, de nous faire ensemble des propositions. Cela a été long et compliqué, mais ils ont fini par le faire. C’est ce qui a inspiré l’article qui vous est proposé. On ne peut donc pas dire qu’il n’y a pas eu de concertation. On n’a évidemment pas été consulter l’ensemble des personnels, mais concertation il y a eu, et prise de responsabilité, il y a, par cet article.
Monsieur Tian, libre à vous d’interpréter mes propos et, le cas échéant, de les exploiter. On connaît les règles de ce jeu. Mais je n’ai pas dit que tout allait bien : relisez le compte rendu, regardez la vidéo. J’ai dit que les choses allaient mieux. Je n’ignore pas qu’il y a encore des dysfonctionnements. Je ne voudrais pas que vous laissiez entendre que le ministre avait dit que tout allait bien et que l’on n’allait rien changer, ou que vous nous traitiez de fous, puisque, tout en disant que tout va bien, nous changeons tout.
C’est ce que vous avez dit : assumez la responsabilité de vos propos. Je vous ai dit que cela s’est amélioré, et certains de vos collègues, pas nécessairement complaisants à l’égard du Gouvernement, ont abondé dans le même sens. Si, du point de vue du fonctionnement, cela va mieux, cela ne marche pas encore parfaitement bien. Il faut donc poursuivre le travail, surtout sur les systèmes d’information. Si nous avons souhaité aller plus loin, c’est pour clarifier les choses, instituer un pilotage, avec des instructions claires et une responsabilité de chacun sur l’ensemble des chaînes de la filière. De fait, aujourd’hui, chacun est responsable de sa partie, et, globalement, cela ne marche pas bien. Mais avec un pilote et une responsabilité de tout le monde sur l’ensemble, nous pensons que cela peut aller mieux ; l’avenir nous le dira.
Je ferai une précision très courte. M. le secrétaire d’État a voulu rappeler tout à l’heure un certain nombre d’éléments sur la base légale pour la clarté de nos débats. Il a mentionné à juste titre l’article L. 611-8 du code de la sécurité sociale, qui dispose que les caisses de base sont créées par arrêté du préfet de région. Or, ces arrêtés préfectoraux n’ont jamais été pris : aucune caisse n’est en mesure de présenter cet acte de baptême administratif. Les caisses prétendent pourtant qu’elles tiennent leur existence d’un arrêté préfectoral approuvant les statuts, lesquels sont des statuts-types imposés par arrêté ministériel et disposant : « La caisse est créée par arrêté du préfet de région en date du … en application des dispositions de l’article L. 611-8 du code de la sécurité sociale. » Par conséquent, inévitablement se pose un problème d’existence légale et de capacité à agir.
Il me semblait important que ces éléments figurent au compte rendu de nos débats.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je vous ai posé trois questions ; aucune d’entre elles n’a reçu de réponse.
Je n’ai en particulier toujours pas compris quel était le statut juridique du directeur national du recouvrement. Vous avez expliqué à quelle entité il n’était pas relié, puisqu’il n’y aura pas de groupement d’intérêt public, mais j’aimerais savoir d’où il vient. En effet, s’il vient des URSSAF et qu’il est en charge du RSI, cela revient à tout détricoter. S’il vient du RSI et qu’il dirige les URSSAF, il risque d’être confronté à des problèmes culturels.
Mettons de côté ce problème, et entrons dans le détail de la mécanique administrative. Nous avons un directeur national désigné par les deux têtes de pont nationales du RSI et de l’URSSAF qui a l’autorité sur un réseau, mais comment la hiérarchie va-t-elle fonctionner à l’échelle locale ? Le responsable local du recouvrement va obéir à son directeur national, mais il aura également affaire au directeur de la caisse régionale du RSI et au directeur régional de l’URSSAF. En outre, corrigez-moi si je me trompe, on compte vingt-huit caisses régionales du RSI et vingt-deux de l’URSSAF, donc les deux réseaux sont dissymétriques.
Par conséquent, ce que je crains, c’est que ce responsable local du recouvrement éprouve quelque difficulté à savoir à qui il doit rendre des comptes. Doit-il avoir comme interlocuteur le directeur régional du RSI, le directeur régional des URSSAF ?
Doit-il répondre de ses décisions auprès du directeur national du RSI, du directeur national des URSSAF ou du directeur national du recouvrement ?
Je vous parlais du manque d’ambition, monsieur Bapt, et il est vrai que cette réforme est une feuille de vigne. Le vrai problème, en effet, c’est le système informatique : les URSSAF sont un État dans l’État, et le RSI n’a pas la main sur cela. Êtes-vous sûr que ce que vous nous proposez, qui en réalité complexifie le modèle administratif, constitue une réponse qui permettra au RSI de reprendre la main ?
Je serai bref pour que nous puissions avancer. Le RSI n’allait pas très bien ; c’est une évidence. Je ne jette cependant la pierre à personne. Ceux qui ont créé ce régime en 2006 ont cru bien faire, et ce fut un échec en particulier sur le plan informatique, ce qui peut arriver.
Nous pensons cependant, et cette position a été confortée par le rapport de Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier sur le fonctionnement du RSI dans sa relation avec les usagers, que ce régime a sa raison d’être. En effet, les indépendants exercent des professions particulières, ce ne sont pas des salariés ordinaires. Prélever des cotisations sur les revenus de salariés qui perçoivent chaque mois le même salaire est chose aisée ; les revenus des indépendants connaissent à l’inverse d’énormes fluctuations. L’activité peut être florissante un mois, une année, puis se dégrader très rapidement. Dans ces conditions, l’action sociale que mène le RSI au plus près des travailleurs indépendants est essentielle, et c’est pourquoi il faut le conserver.
Certes, la tentation fut grande, à un moment donné, de le raccrocher au régime général, d’aligner les cotisations et de remuer le tout par un grand maelström. Cela aurait éloigné l’indépendant de son réseau, distendu le lien direct avec le gestionnaire de son dossier. Il n’y a donc aucune raison de s’affoler au sujet de l’organisation qui est ici proposée, car elle est relativement simple : de la coopération, un directeur unique. En outre, elle sera évaluée régulièrement au travers d’un rapport, car c’est notre travail de parlementaires de suivre l’application des lois que nous votons. Assurons donc ce suivi, année après année, et nous pourrons constater que le RSI a toutes les chances de continuer de remonter la pente qu’il avait hélas descendue.
Il s’agit donc d’une bonne mesure, et il faut bien entendu maintenir cet article.
Il est défendu verbalement, monsieur le président ; je constate qu’il est également défendu au Gouvernement de répondre aux questions que j’ai posées précédemment, mais il est de toute façon trop tard, à présent.
Le présent amendement est issu de la proposition de loi que Bruno Le Maire et moi-même avions déposée avec 140 collègues parlementaires et qui visait à mettre en oeuvre une autre réforme du RSI. Vous le savez, le véritable problème est celui du dysfonctionnement du recouvrement. Les artisans, commerçants et autres indépendants ne comprennent pas toujours la façon dont leurs cotisations ont été calculées. Au surplus, lorsque l’administration se trompe, ils se retrouvent face à des huissiers, doivent s’acquitter des frais induits et gérer des problèmes très concrets pour eux-mêmes et leur famille.
Nous proposons ici une révolution copernicienne qui consiste à permettre aux artisans et aux commerçants de calculer eux-mêmes le montant de leurs cotisations, de les auto-déclarer et de les auto-liquider. La charge de la preuve serait ainsi renversée, et porterait non plus sur l’indépendant mais sur le RSI, qui aura à expliquer pourquoi il estime que le montant qui a été auto-calculé et auto-liquidé est erroné. Les dysfonctionnements informatiques seront ainsi contournés, car leur coût sera supporté non pas par l’indépendant mais par le RSI.
Cette demande est une attente de tous les indépendants, quel que soit leur champ d’activité. Si donc nous voulons vraiment avancer sur ce sujet, c’est sur cette voie qu’il faut s’engager. C’est un petit pas pour nous, ce serait un grand pas pour le RSI.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Soit ce que propose M. Aubert est une réforme du passé, car les dysfonctionnements de recouvrement qu’il entend corriger appartiennent à un temps révolu, puisque le fonctionnement est aujourd’hui satisfaisant au sein des URRSAF et en amélioration au sein du RSI ; soit c’est une réforme tout à fait différente de celle que nous avons engagée depuis 2012, et dans ce cas elle risque d’entrer en collision avec elle. Si une autre majorité devait arriver aux responsabilités, elle décidera peut-être d’amorcer une autre réforme, mais j’espère qu’on évitera le bug que nous avons connu avec celle de 2008. L’avis est donc défavorable, parce que l’amendement vise indirectement à supprimer l’article 9.
Par ailleurs, M. Aubert nous a de nouveau interrogés sur les missions du directeur national chargé du recouvrement ; je profite d’avoir la parole pour lui répondre. Le directeur national sera désigné conjointement par le directeur de l’ACOSS et par le directeur général de la Caisse nationale du RSI. Cette réforme du pilotage est déclinée au niveau local : les deux directeurs susnommés désignent également conjointement des responsables locaux.
Cela signifie, pour répondre à la préoccupation exprimée par Mme Poletti tout à l’heure, qu’on va agir progressivement pour dépasser les problèmes culturels qui se posent entre les deux systèmes de recouvrement. On peut raisonnablement penser que l’origine de ce directeur national et de ces responsables locaux sera pondérée : ils ne viendront pas tous du RSI ou de l’URRSAF, un partage équitable se fera.
Et, bien entendu, comme c’est le cas pour toute réforme et chaque fois qu’il faut décloisonner, le succès de cette nouvelle organisation dépendra de la personnalité des acteurs choisis pour sa mise en oeuvre.
Au directeur national du recouvrement, qui reste salarié de sa caisse, sont déléguées les signatures…
Monsieur le président, je réponds à M. Aubert ; mais je peux m’arrêter…
Le directeur national fixe les orientations et l’organisation des missions, il suit l’exécution des conventions d’objectifs et de gestion, et il est responsable de la maîtrise d’oeuvre des systèmes d’information concourant au recouvrement des cotisations et contributions sociales. Dès que les deux systèmes seront mieux coordonnés, qu’un système d’information unique aura éventuellement été mis en place, que les problèmes culturels auront été dépassés, on aboutira à la simplification ultime, à savoir l’unification de l’ensemble du recouvrement des cotisations.
Défavorable.
Vous affirmez que le recouvrement fonctionne bien, mais je vais vous donner un exemple qui prouve le contraire. Les exemples permettent en effet d’illustrer ce qui se passe sur le terrain. Voilà six mois, un monsieur voit arriver chez lui les huissiers, qui lui indiquent qu’il n’a pas payé ses cotisations au RSI. Le mis en cause présente les souches de son chéquier pour prouver qu’il s’en est bien acquitté. Une recherche est lancée qui prend deux mois, délai durant lequel l’assuré est bien embêté. On s’aperçoit alors que c’est la machine opérant le tri des chèques entre le RSI et les URRSAF qui a dysfonctionné : les chèques que l’assuré a envoyés au RSI ont été expédiés à l’URRSAF, qui les a encaissés, tandis que le RSI a considéré qu’il était encore débiteur et lui a envoyé les huissiers.
Telle est la réalité. Certes, vous avez le droit de dire que le fonctionnement s’améliore, de la même façon que vous pouvez bien dire que la courbe du chômage s’inverse, mais de grâce ne nous expliquez pas que le cache-sexe que vous mettez en oeuvre aujourd’hui suffira à réformer le régime.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je vous ai écouté, monsieur Bapt, et vous nous avez dit, chose incroyable, que le directeur national du recouvrement ne nommerait même pas les responsables locaux. Dans quelle administration française avez-vous un réseau où la personne chargée du pilotage à l’échelon national n’a pas le pouvoir de désigner ses subordonnés à l’échelle locale, et où ces derniers relèvent d’autres personnalités qui ne sont pas même placées sous l’autorité de ce même pilote ? Cette structure sera parfaitement ingouvernable. Soit vous donnez au directeur national la capacité de nommer les responsables locaux et vous créez alors une troisième administration interstitielle entre le RSI et l’ACOSS, soit en voulant absolument conserver la consanguinité entre les uns et les autres vous privez votre directeur national de toute autorité hiérarchique sur le réseau.
Rassurez-vous, monsieur le président, je serai très bref.
Avec les amendements de suppression à l’article 9, nous avons évoqué la gouvernance et la mise en place d’un directeur unique ; les amendements ont été rejetés, dont acte. Avec le présent amendement, en revanche, on s’intéresse enfin aux cotisants, c’est-à-dire aux artisans, aux commerçants, qui souvent sont dans la panade. On connaît les situations catastrophiques de beaucoup de professionnels indépendants par rapport au RSI. Je remercie M. Aubert d’évoquer enfin la possibilité pour les cotisants de s’adresser au RSI pour savoir exactement à quoi correspond le montant de leurs cotisations ou de leurs rappels, alors qu’il y avait jusqu’à présent un fossé, voire un ravin entre l’organisme et ses adhérents.
L’amendement no 260 n’est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 832 .
Je n’ai pas réagi à vos propos, monsieur Door, mais l’amendement qui vient d’être rejeté visait à mettre en place l’auto-liquidation, ce qui n’a rien à voir avec le débat que nous avons eu sur l’organisation du réseau, notamment la nomination des directeurs.
Je suis pour ma part défavorable à l’auto-liquidation, que ce soit pour les cotisations ou pour la TVA.
Et je pourrais vous en expliquer les raisons. Mais, bref, l’amendement a été rejeté.
Le Gouvernement vous propose avec l’amendement no 832 de tirer les conséquences de l’organisation partagée de la gestion du recouvrement applicable aux calculs, à l’encaissement ou au recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale des travailleurs indépendants. Le renvoi global aux règles de recouvrement applicables pour le régime général permettra de rendre plus opérationnel le dispositif de recouvrement partagé des caisses du RSI et des URSSAF. Tel est l’objet du renvoi aux chapitres III et IV du titre IV du livre II, sous réserve d’adaptations par décret en Conseil d’État.
La commission a émis un avis favorable. Mentionner les chapitres III et IV du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, qui définissent les règles applicables au recouvrement des cotisations au régime général de la Sécurité sociale, permet de les étendre au recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs indépendants, sous réserve d’adaptations par décret. Il s’agit donc, dans l’esprit de la réforme, à la fois de simplification et d’unification.
Selon l’exposé des motifs de l’amendement que nous nous apprêtons à voter, « le présent amendement vise à apporter des précisions quant aux règles de recouvrement applicables à cette nouvelle organisation et aux missions des URSSAF ». Quant au texte de l’amendement, il complète l’alinéa 5 par les mots « selon les dispositions des chapitres III et IV du titre IV du livre II, sous réserve d’adaptations par décret en Conseil d’État ». Cela ne me semble pas très précis. Nous aimerions donc en savoir un peu plus.
Par ailleurs, je reviens un instant sur ce qui a été dit tout à l’heure. L’amendement proposé par notre collègue Julien Aubert était davantage de nature à améliorer le système, car il replace le cotisant en son coeur plutôt que la machine administrative, comme l’a fait observer Jean-Pierre Door. Nous sommes déjà sur-administrés et sous-organisés dans notre pays. L’amendement proposé tout à l’heure aurait inversé cet ordre de choses. J’espère qu’il sera possible un jour d’auto-déclarer et d’auto-liquider. On pourrait à tout le moins proposer de mener une expérimentation dans deux ou trois régions.
L’amendement no 832 est adopté.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement no 353 .
Cet amendement vise la simplification du pilotage du recouvrement et propose de modifier la procédure de désignation du directeur national chargé du recouvrement en faisant en sorte que seul le directeur général du RSI soit chargé de le désigner, après avis du directeur de l’ACOSS, afin de peser réellement sur les évolutions du système et sur le rythme de sa mise en oeuvre.
L’avis de la commission est défavorable. Cet amendement va complètement à l’encontre de ce qui a été dit tout à l’heure, sur plusieurs bancs d’ailleurs, au sujet du rapprochement des deux organismes et des cultures de leurs salariés.
Même avis.
Pardonnez-moi d’insister, chers collègues de la majorité, mais comment tout cela se passera-t-il concrètement ? Y aura-t-il un appel à candidatures à l’ACOSS ? Au RSI ? On ne se pose jamais ces questions, dans cet hémicycle, mais les problèmes surviennent une fois les textes votés. Désignera-t-on quelqu’un de l’ACOSS ? Quelqu’un du RSI ? Sera-ce une personne de l’extérieur ? Y aura-t-il appel à candidatures ? Si nous adoptons cet article – et il risque de l’être puisque vous êtes majoritaires – la question se posera concrètement sur le terrain. C’est l’affaire de quelques mois. Il est surprenant que M. le secrétaire d’État ne puisse pas nous répondre aujourd’hui ! Vous affirmez en outre avoir procédé à des concertations, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez rencontré le directeur de l’ACOSS et celui du RSI. Ces questions, je suppose que vous vous les êtes posées. Peut-être avez-vous une réponse ? Je ne vous demande pas le nom de la personne qui sera désignée sélectionnée mais comment elle le sera. Le pilotage a beaucoup plus d’importance qu’on ne le pense.
Cet amendement permet de clarifier les choses compte tenu de l’incertitude de l’organigramme tel qu’il nous est présenté. Il permet au moins d’être certain que c’est bien le RSI, connu comme interlocuteur des indépendants, qui aura la main sur le recouvrement. À choisir, puisque vous avez décidé de passer en force pour instaurer ce système dont on ne comprend pas exactement comment il fonctionnera en matière de pilotage, chers collègues de la majorité, au moins en votant cet amendement enverrions-nous un message selon lequel c’est bien le RSI qui a la main sur le recouvrement, ce qui obligera peut-être les URSAAF à faire un peu plus d’efforts qu’elles n’en font actuellement. Je suis donc favorable à cet amendement et regrette qu’on n’engage pas un débat sur le pilotage de ce réseau, dont on peut très clairement prédire qu’il ne fonctionnera pas car obéir à des impulsions devient très compliqué dès que trois chefs coexistent. C’est ainsi dans toutes les administrations !
L’amendement no 353 n’est pas adopté.
Excellent amendement ! Avis favorable !
Sourires.
L’amendement no 811 est adopté.
L’amendement no 812 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement no 354 .
Il s’agit d’un amendement de simplification du pilotage du recouvrement qui propose de modifier la procédure de désignation des responsables locaux chargés du recouvrement afin que seul le directeur général du RSI soit chargé de les désigner, après avis du directeur national chargé du recouvrement et du directeur de l’ACOSS.
L’avis est défavorable, selon le même esprit qui a mené au rejet du précédent amendement présenté par Mme Orliac. J’ai reçu à la fois les administrateurs salariés de l’URSSAF et ceux représentant la direction. Puisque nous sommes de la même région, chère collègue, je vais leur proposer de venir vous expliquer les raisons pour lesquelles ils seraient complètement opposés à votre amendement.
Même avis.
Au fil des réponses de MM. le rapporteur et le secrétaire d’État, il apparaît clairement que cette proposition de réforme procède uniquement de considérations internes à l’organisation du RSI et de l’URSAAF en particulier et qu’à aucun moment on ne se préoccupe des conséquences qu’elle aura sur les ressortissants de ces régimes. L’amendement de Mme Orliac…
Au moins sommes-nous cohérents, car ceux qui se sont exprimés avant moi ont convenu qu’un problème se pose depuis la création du régime. Ce qui nous intéresse, aujourd’hui, c’est de répondre aux attentes des indépendants.
Sur le terrain, ils n’en peuvent plus d’attendre des réponses aux problèmes auxquels ils sont confrontés, dont je rappelle tout de même qu’ils entraînent la fermeture d’entreprises tous les jours faute qu’ils aient pu obtenir des explications sur des trop-payés de cotisations ou sur des calculs qu’ils ne comprennent pas. L’amendement précédemment présenté par Mme Orliac, qui visait le champ national, a été rejeté. Celui-ci se rapproche des cotisants puisqu’il vise le champ local. À aucun moment vous ne voulez entendre, chers collègues de la majorité, le trouble que sème la réforme en raison de la façon dont elle est amenée, y compris lorsqu’il s’exprime dans des groupes proches du vôtre. C’est vraiment grave.
L’amendement no 354 n’est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 833 .
Il s’agit de préciser le champ d’intervention du fonds d’action sociale créé pour venir en aide aux travailleurs indépendants qui rencontrent des difficultés pour s’acquitter de leurs cotisations et contributions sociales. Le fonds d’action sociale, placé auprès du RSI depuis l’instauration de l’ISU, permet une prise en charge de tout ou partie des cotisations et contributions de certains assurés pour un budget de près de 34 millions d’euros. Ce fonds est maintenu ; le but de cet amendement est d’en clarifier le périmètre d’intervention afin de tenir compte de l’évolution de l’organisation du recouvrement opéré par l’article 9. Ainsi, le fonds d’action sociale pourra prendre en charge l’ensemble des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants dont le recouvrement est opéré dans le cadre de la nouvelle procédure fixée par l’article 9. Il s’adressera aux artisans, aux commerçants et aux professions libérales pour toutes les cotisations recouvrées par les URSAAF et les caisses du RSI.
La commission n’a pas examiné cet amendement mais j’y suis favorable à titre personnel car il s’agit d’un amendement de cohérence.
Pouvez-vous préciser la portée de votre amendement, monsieur le secrétaire d’État ? Actuellement, le fonds d’action sociale ne sert pas simplement à prendre en charge les cotisations impayées, il sert aussi à mener une action sociale proprement dite. Votre amendement n’a-t-il pas pour objet de restreindre le champ d’intervention du fonds d’action sociale ? Si tel est le cas, je voterai contre ; si vous m’assurez du contraire, nous pourrions accepter cet amendement. Pouvez-vous préciser ce point très important ? L’action sociale des caisses, pour ceux qui s’y sont intéressés, ne consiste pas uniquement à prendre en charge des cotisations impayées.
J’aimerais savoir ce que cet amendement change précisément, monsieur le secrétaire d’État. Il consiste à substituer, à la fin de l’alinéa 22, aux mots « dues auprès de ce régime » les mots « mentionnées à l’article L. 133-1-1 », lequel traite du recouvrement des cotisations et contributions sociales. D’une part, je ne comprends pas ce que cela change ; d’autre part, un alinéa ultérieur précise qu’un « décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article et notamment le taux du prélèvement à opérer sur les ressources de chaque régime pour alimenter le fonds ». Avez-vous déjà une idée de ce taux ?
Je réponds à M. de Courson que l’amendement ne modifie pas le champ d’intervention du fonds d’action sociale mais remplace simplement, à propos des cotisations, les mots « dues auprès de ce régime », relatifs à l’une des actions du fonds, par « mentionnées à l’article L. 133-1-1 ». Cela permet d’inclure les professions libérales en les rendant éligibles à une prise en charge de leurs cotisations par le fonds d’action sociale.
L’amendement no 833 est adopté.
L’amendement no 822 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 901 rectifié .
Cet amendement tire les conséquences de la nouvelle organisation entre le RSI et l’ACOSS dans les missions des URSSAF et clarifie la rédaction retenue pour l’ensemble des missions des URSSAF.
Mais l’article 9 concerne également les professions libérales, dans la mesure où la majorité de leurs cotisations seront gérées en 2018 comme celles des autres travailleurs indépendants, dans le cadre de l’organisation désormais partagée. Dans ce cadre, il est proposé de prévoir que le transfert du recouvrement de la cotisation maladie, actuellement effectué par les organismes conventionnés déjà prévus dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, interviendra pour l’ensemble des créances de cotisations, y compris celles nées antérieurement, afin d’éviter une rupture dans le traitement des dossiers.
Ce transfert s’accompagne également d’une reprise de la totalité du personnel des organismes conventionnés concernés par les missions de recouvrement vers les URSSAF, monsieur Galut !
Enfin, la mesure vise, au travers d’un ajustement rédactionnel, à rétablir la possibilité pour les organismes délégataires du RSI d’assurer la gestion des prestations en espèces de l’assurance maladie et maternité. En effet, les dispositions antérieures qui prévoyaient cette possibilité ont été abrogées par erreur dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 et de la mise en place de la protection universelle maladie.
Avis favorable. Je note que M. le secrétaire d’État en profite pour répondre à la préoccupation, que je partage avec Yann Galut, au sujet des salariés concernés.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que vous nous confirmiez que la totalité de l’activité de recouvrement sera transférée à la date retenue et qu’ainsi, tous les salariés des organismes conventionnés, notamment ceux d’Apria R.S.A à Bourges auront la possibilité d’être transférés vers les URSSAF à la date prévue.
Je remercie encore Gérard Bapt de son intervention en faveur de l’ensemble des salariés, et en effet, monsieur Viala, pas seulement pour ceux de Bourges.
L’amendement no 901 rectifié est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements rédactionnels nos 823 à 827 de M. Gérard Bapt.
J’ai la conviction profonde que les systèmes ne sont pas prêts, et qu’ils ne le seront pas davantage dans six mois. Il faudra au moins une année. C’est pourquoi cet amendement propose de reporter l’entrée en vigueur de la nouvelle organisation au 1er janvier 2018.
La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement no 298 .
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l’amendement no 556 .
Il s’agit d’un amendement de repli, puisqu’il reporte l’entrée en vigueur de la nouvelle organisation au 1er juillet 2017, ce qui ferait gagner six mois.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements soumis à discussion commune ?
Avis défavorable aux quatre amendements. Un certain nombre des remarques qui viennent d’être formulées ont trouvé écho au sein de la commission puisque je défendrai en son nom un amendement répondant pour partie aux préoccupations exprimées.
Contrairement à ce que certains laissent entendre depuis le début de l’examen de l’article 9, cette réforme ne sort pas de nulle part et s’est faite dans la concertation. Je rappelle l’existence de rapports parlementaires, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, les multiples rencontres qui ont eu lieu au sein de l’exécutif ainsi que les entretiens que les rapporteurs ont eus au fil des ans avec les responsables de ACOSS, du RSI et les salariés de ces deux organismes, afin de suivre cette réforme.
Pour éviter toute confusion sur la date d’entrée en vigueur de l’article, il convient de distinguer deux populations. Pour les artisans et commerçants, dont le recouvrement des cotisations est déjà assuré par le RSI, avec des délégations complexes aux URSSAF, la réforme s’appliquera dès le 1er janvier 2017, sans difficultés.
Pour les professions libérales, qui ne relèvent pas de la même organisation de recouvrement que les autres travailleurs indépendants, et qui sont intégrées dans le champ de la réforme, le recouvrement est particulièrement varié, complexe. Les modifications qu’entraînera la réforme sont plus importantes. Une entrée en vigueur différée me paraît justifiée dans ce cas. L’article 9 prévoit déjà une entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2018 pour la majorité des cotisations dues par les professions libérales. J’ai proposé par l’amendement no 135 , adopté par la commission, que cette date s’applique à l’ensemble des cotisations et contributions sociales dues par les professions libérales.
Ces préoccupations ayant été prises en compte par la commission, l’avis est défavorable sur les quatre amendements.
Avis défavorable. Madame Le Callennec, vous dites que votre amendement no 556 ferait gagner six mois. Au contraire, je pense que l’on perdrait six mois. Il s’agit de nommer un directeur national et de généraliser ce qui se fait déjà, un travail en commun sur la base d’un pilotage par un directeur unique. Il faut donc publier une fiche de poste et que les directeurs de l’ACOSS et du RSI fassent conjointement un choix. Il n’y a pas lieu d’attendre six mois !
Quant à l’amendement no 135 , que M. Bapt vient de défendre par anticipation, le Gouvernement s’y montrera ouvert pour faire coïncider les dates de transfert pour les professions libérales. Il s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée.
Je veux remercier M. Bapt, qui a indiqué, en défendant par avance l’amendement n° 135 , qu’après des travaux très enrichissants au sein de la commission des affaires sociales – laquelle a pleinement joué son rôle – l’inquiétude l’avait gagné, lui et les membres de la commission. La commission a alors décidé de proposer un report, très sage, de l’entrée en vigueur de la réforme pour les professions libérales. Les représentants ce ces professions, que j’ai contactés, m’ont fait part de leur grande satisfaction, tant ils redoutent la catastrophe que nous prévoyons tous.
Une catastrophe que vous avez provoquée ! Le pire, c’est que, dans la vie politique française, les fautifs reviennent toujours…
L’amendement no 448 n’est pas adopté.
Peut-on considérer, monsieur Bapt, que vous avez déjà défendu l’amendement no 135 de la commission des affaires sociales ?
Sagesse.
Monsieur le rapporteur, pensez-vous que l’on puisse, pour les autres travailleurs indépendants, qui constituent l’essentiel des adhérents du RSI, tenir les délais prévus ? J’ai rencontré les dirigeants, qui disent que la sagesse voudrait que l’on reporte l’entrée en vigueur au 1er septembre 2017. Le 1er juillet leur semble incertain. Je salue votre sagesse mais ne serait-il pas prudent de compléter votre amendement et de reporter la date à la rentrée ? Il y a eu tellement de cas de figure semblables, où l’on a voulu aller trop vite, avant d’échouer, avec d’énormes problèmes !
Il est certain que les systèmes informatiques centralisés, comme celui de l’AP-HP, réservent toujours des surprises. Toutefois, le directeur du RSI que j’ai croisé la semaine dernière ne m’a pas fait part de préoccupations particulières sur ce point. Si cela devait être le cas, il pourrait en être tenu compte lors de la lecture du texte au Sénat.
Monsieur le rapporteur, je confirme que le directeur et le président du RSI, que j’ai rencontrés ensemble, ont dit qu’ils n’étaient pas certains de tenir la date du 1er juillet, mais celle du 1er septembre.
L’amendement no 135 est adopté.
La parole est à Mme Sylviane Bulteau, pour soutenir l’amendement no 713 .
Cet amendement propose que l’ACOSS remette aux deux ministres chargés des affaires sociales et du budget un rapport sur le découplage des systèmes d’information utilisés pour le recouvrement des cotisations des travailleurs salariés et des cotisations personnelles des travailleurs indépendants. Cela fait quelques heures que nous débattons du sujet, afin d’aboutir à un système plus perfectionné et plus performant de recouvrement.
Une coresponsabilité du RSI et de l’URSSAF, telle que la prévoit l’article 9, est nécessaire, mais il faut aussi travailler sur le système d’information, le fameux logiciel V2 qui pose des problèmes depuis la création du RSI. Nous attendons donc avec impatience la remise de ce rapport.
Je me permets d’adresser une petite mise en garde à l’attention du Gouvernement : l’ACOSS a tendance à dire que tout va bien avec le système informatique… (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains), une version que Fabrice Verdier et moi-même avons plutôt remise en cause dans notre rapport. Nous sommes persuadés qu’il faudra, à un moment donné, passer à un seul pilote informatique.
Les préoccupations sur le système informatique sont largement partagées. Je suis favorable à un rapport, tout en sachant qu’il ne répondra pas aux inquiétudes exprimées par M. de Courson, puisqu’il sera livré six mois après la promulgation de la loi, au moment où des difficultés pourraient survenir.
Votre rapport, madame Bulteau, date de septembre 2015. Depuis, l’URSSAF a engagé la réforme de son système informatique, en concertation avec les salariés et les différents centres qui assurent le recouvrement dans les régions, et tout se passe bien. J’espère que cela aura répondu aux préoccupations exprimées dans votre rapport.
Oui, monsieur le président. Et, comme le suggère M. de Courson, nous pourrons voir après le passage du texte au Sénat s’il y a lieu de déplacer un peu le curseur s’agissant de la date.
Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Notre discussion avait bien commencé, je crois, avec une analyse claire des responsabilités, des progrès et du chemin restant à parcourir pour arriver à la nécessaire perfection de l’ensemble du système. Aussi, lorsque vous parlez de catastrophe annoncée, monsieur Tian, c’est de la provocation ! Je pourrais vous parler, moi, de ce rapport de la Cour des comptes qui évoquait une « catastrophe industrielle » ! Je pourrais vous rappeler les dates, les noms des ministres, ceux des promoteurs de l’ISU – qui d’ailleurs, curieusement, reviennent de l’étranger pour recommencer leur vie politique en France ; mais c’est une autre histoire… Nous en reparlerons quand vous voulez !
Jusqu’à présent, j’ai entendu des arguments factuels et tout à fait légitimes. Chacun va sur le terrain, et cela nous arrive aussi : Marisol Touraine, Martine Pinville et moi-même sommes allés voir les administrateurs du RSI pour donner un signal, celui du soutien du Gouvernement à l’ensemble de ces réformes. Après, on peut toujours discuter des personnes : il est vrai qu’il y a eu des luttes d’influence pour savoir si le pilotage revenait à l’un des deux directeurs… Mais vous avez raison, madame Bulteau : le coeur du réacteur, c’est le système informatique. Tous les acteurs sur le terrain, et le président du RSI lui-même, nous l’ont signalé.
Nous serons donc vigilants. Nous avons déjà mobilisé des moyens financiers et les travaux ont commencé, notamment sur la possibilité d’inclure dans le système un autre système pouvant fonctionner de manière autonome en cas de dysfonctionnement.
Bref, le Gouvernement est favorable à cette demande de rapport. Rien n’empêche l’ACOSS de le remettre avant le délai prévu, de manière à marquer son engagement clair et net sur les conditions dans lesquelles les systèmes informatiques seront revus.
Cet amendement montre bien où l’on veut en venir. Il y aura bien un découplage des systèmes d’information. La V2 sera découplée, avec un système pour les salariés et un autre pour les travailleurs indépendants – cela fait des mois que la question se pose. Le seul fait d’indiquer que c’est l’ACOSS qui remettra ce rapport au ministre chargé de la sécurité sociale prouve que le pilotage reviendra à l’ACOSS et non au RSI.
Vous auriez au moins pu écrire que le rapport serait remis par les deux organismes conjointement ! Car la coresponsabilité, cela englobe la collecte et le traitement, le calcul, l’encaissement et le recouvrement des cotisations et contributions, toutes opérations qui se font via le système informatique. Qu’il ne soit fait mention que de l’ACOSS dans cet amendement est bien la preuve qu’il y aura encore des discussions sur le pilotage, tant au niveau national qu’au niveau régional, comme le disait Mme Orliac.
Je suis d’accord. Cet amendement qui arrive à la fin de l’examen de l’article 9 montre à quel point le regard que vous portez sur les modifications est biaisé. Seule l’ACOSS va commettre ce rapport, qui suivra de quelques mois seulement celui que vous venez de réaliser, madame Bulteau. Bref, on persiste à ne pas agir concrètement et à différer une expérimentation qui mette ACOSS et RSI côte à côte pour trouver de manière définitive les solutions pragmatiques aux problèmes rencontrés par les indépendants.
Bla-bla-bla ! En disant cela, vous ne dites rien.
Si nous avons prévu que c’est l’ACOSS qui remettra le rapport sur les systèmes d’information, c’est parce que c’est elle qui gère le système !
Évidemment !
Le système d’information lui appartient ! En l’espèce, le RSI n’a pas la main. Ce sont évidemment les responsables et les informaticiens qui connaissent le système – Fabrice Verdier et moi-même les avons auditionnés il y a quelques mois – qui remettront le rapport. N’y voyez donc pas malice : cela ne préjuge en rien de la responsabilité future du pilotage.
Mes chers collègues de l’opposition, je crains que vous ne soyez un peu dans le délire, si je peux m’exprimer ainsi. Le directeur national qui conduira la coresponsabilité sera recruté en toute transparence par le biais d’un appel à candidature, et je crois que c’est clair au niveau du président du RSI. Madame Le Callennec, nous pourrons vous donner la photo, le numéro de téléphone et toutes les informations que vous voudrez sur le nouveau directeur quand il sera nommé !
Sourires.
Il y aura également des recrutements dans les douze régions du RSI, puisque le régime a son propre découpage, pour exercer cette coresponsabilité. Nous aurons donc, enfin, des interlocuteurs régionaux qui pourront répondre à nos questions sur les problèmes de recouvrement ou les problèmes informatiques.
Tout cela se met aujourd’hui en route. Mais il faudra encore un peu de temps, tant il y a eu d’obstacles à cette réforme qui, au départ, se voulait certainement une simplification.
L’amendement no 713 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 51 Nombre de suffrages exprimés: 50 Majorité absolue: 26 Pour l’adoption: 31 contre: 19 (L’article 9, amendé, est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements portant article additionnel après l’article 9.
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 261 .
Je regrette que vous ne nous ayez pas accordé des explications de vote sur l’article 9, monsieur le président.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous en aurions profité pour dire au Gouvernement qu’au bout de quatre ans, accoucher d’une réformette consistant à mettre des petites roues sur le vélo pour en faire tricycle, ce n’est pas forcément accomplir la réforme d’ampleur que les gens attendaient.
Ce que vous dites est proprement scandaleux ! C’est une honte !
Nous proposons par cet amendement que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant les conditions de création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au RSI ayant subi un préjudice du fait des dysfonctionnements de ce régime. Nous sommes tous d’accord ici pour dire que, si la situation s’améliore, il y a eu néanmoins, depuis le milieu des années 2000 et jusqu’à une période très récente encore, des personnes et des familles qui ont souffert, des entreprises qui ont disparu, des vies qui ont été brisées par ces dysfonctionnements.
Il existe donc une responsabilité de l’État. Pour cette raison, avec mes collègues qui ont cosigné cet amendement, nous croyons qu’il est nécessaire d’examiner dans quelles conditions, selon quel périmètre et sur quelle base juridique on pourrait aider les indépendants concernés, afin, le cas échéant, de permettre à ceux qui ont vu leur entreprise sombrer à la suite de dysfonctionnements du régime de commencer une nouvelle vie professionnelle.
Défavorable. Ce rapport nous semble superfétatoire puisque différentes mesures ont déjà été prises depuis 2012 pour limiter ces dysfonctionnements, que nous regrettons du reste tous et dont la responsabilité a déjà été indiquée. Dans le prolongement des actions engagées, la réforme d’ensemble du recouvrement améliorera le service rendu à ces populations et évitera de nouveaux dysfonctionnements.
Je vais essayer de rester calme.
Les propos de M. Aubert sont proprement inacceptables. L’ISU a été créé en 2008. De 2008 à 2012, rien n’a fonctionné, à tel point que le rapport de la Cour des comptes parle en 2012 de « catastrophe industrielle ». Derrière cette expression, il y a, entre autres, la perte nette d’environ 1,5 milliard d’euros de cotisations, auxquelles le régime a dû renoncer car tout dysfonctionnait. Derrière cette expression, il y a aussi des centaines de milliers de dossiers individuels qui ont été perdus et que l’on a dû reconstituer à la main, les systèmes informatiques ayant perdu les informations sur les salariés.
Aujourd’hui, nous reconnaissons avec humilité que tout n’est pas parfait, mais beaucoup s’accordent à reconnaître que de nombreux progrès ont été réalisés. Et c’est maintenant que vous voulez créer un fonds d’indemnisation ? Les bras m’en tombent !
Oui, nous recevons tous, vous dans vos permanences et nous dans nos ministères, des signalements de dysfonctionnements qui ne sont assurément pas acceptables mais qui sont en général réparés, même avec retard. Mais venir nous parler d’un fonds d’indemnisation, comme si l’actuel gouvernement était responsable… Mais enfin, ce truc a mis les gens dans la rue, il a fait qu’ils ne croient plus en rien ! Ce qu’il faut leur dire, c’est que les erreurs appartiennent au passé et qu’aujourd’hui nous remettons les choses en route.
À l’époque, vous n’aviez même pas imaginé de créer un fonds, et voilà que vous nous le réclamez en affirmant que ce que nous sommes en train de faire est une catastrophe. Ce n’est pas juste, monsieur Aubert ! Nous pouvons être en désaccord sur toutes sortes de choses, mais ce que vous dites là n’est pas juste, en termes de responsabilité.
Bien sûr, et la continuité de l’État nous a conduits à analyser l’hypothèse d’une suppression, à écarter cette hypothèse – j’ai dit pourquoi tout à l’heure – et à trouver les moyens d’améliorer la situation.
Vous en faites aujourd’hui une affaire de tribune.
C’est un peu facile, et ce n’est pas juste. Voilà qui contribue, je pense, à faire perdre leur crédit aux élus – moi compris, car j’ai pu avoir parfois ce genre de comportement. Nous devrions plutôt convenir que nous avons commencé à remettre le système debout. Si l’on renonce à vouloir un peu de confiance et de crédibilité, il ne faut pas s’étonner que des mouvements populistes se développent !
L’avis du Gouvernement sur l’amendement no 261 est donc défavorable, monsieur le secrétaire d’État.
Oui, monsieur le président.
Monsieur Aubert, vous souhaitez répondre à la commission ou au Gouvernement…
Oh oui, monsieur le président ! Les propos tenus par le secrétaire d’État sont parfaitement choquants.
Tout d’abord, le rapporteur nous explique que ce n’est pas la peine d’indemniser les gens parce que les choses vont mieux. Cela fait une belle jambe, passez-moi l’expression, à ceux qui, entre 2008 et 2012, ont beaucoup perdu !
Et ensuite, voilà un secrétaire d’État, un ministre de la République, qui nous explique que, parce qu’il y a eu un changement de gouvernement en 2012, la responsabilité de faits commis sous d’autres gouvernements ne peut pas se perpétuer aujourd’hui ! Quelle est donc cette leçon de droit, monsieur le secrétaire d’État ?
Ce n’est pas une leçon de droit, c’est une leçon de morale !
Heureusement que la responsabilité se perpétue, c’est la continuité d’exercice des pouvoirs publics !
Avec des raisonnements comme le vôtre, monsieur le secrétaire d’État, aucun gouvernement n’aurait jamais fait acte de repentance, quarante ou cinquante ans après, pour des faits beaucoup plus graves !
Comment pouvez-vous invoquer le populisme alors que des millions d’indépendants souffrent du RSI, que certains ont tout perdu ? Nous assumons nos responsabilités : c’est bien l’honneur de la droite, parce qu’elle a inventé l’ISU, de déposer un amendement pour tirer au clair les responsabilités. Et il vous revient, monsieur le secrétaire d’État, d’assurer la continuité de la République en assumant cette responsabilité, qui se transmet d’un gouvernement à l’autre.
Si, un jour, la majorité vient à changer, nous serons bien obligés d’assumer la responsabilité de vos actes, monsieur le secrétaire d’État. Je ne suis donc pas d’accord avec votre doctrine juridique, comme, à mon avis, tous les juristes de ce pays.
L’amendement no 261 n’est pas adopté.
Vous gardez la parole, monsieur Aubert, pour soutenir votre amendement no 262 .
C’est en proposant diverses mesures que nous parviendrons peut-être à enclencher un véritable débat sur le fond.
Le présent amendement propose que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Haut conseil du financement de la protection sociale remette un rapport au Parlement sur la mise en place d’un bouclier social.
Le mécanisme de calcul des cotisations du RSI est tel que leur montant peut être bien trop élevé pour laisser un reste à vivre honorable aux indépendants, notamment par comparaison avec les inactifs. Pour encourager les Français à fonder des entreprises, à devenir indépendants, ce reste à vivre doit être calculé par rapport aux minima sociaux et au salaire minimum.
J’avais demandé à un chauffeur de taxi, il y a un an, s’il était affilié au RSI.
Il ne voulait pas en entendre parler ! Il remboursait son taxi 1 500 euros par mois, il payait ses impôts, et après, sur les 2 500 euros qu’il gagnait par mois, il devait choisir entre nourrir ses enfants et les envoyer à l’école ou payer le RSI. Il n’avait pas choisi le RSI.
Il faudrait un plafond, un bouclier social qui garantirait que les cotisations n’excèdent pas un certain montant, compte tenu du revenu que les indépendants perçoivent dans l’année.
Avis défavorable. En juin 2015, le Gouvernement a engagé vingt actions afin d’améliorer le fonctionnement du RSI, qui ont déjà permis certaines avancées. Le dispositif du « 3 en 1 », notamment, répond en partie aux préoccupations de M. Aubert puisqu’il vise à réduire le décalage entre le moment où les revenus sont perçus et celui où les cotisations correspondantes sont prélevées.
En outre, l’amendement n’évoque qu’un rapport et il n’y a donc pas matière à le gager, mais en diminuant les cotisations sociales, il entraînerait encore une perte pour la Sécurité sociale. Je suis toujours curieux d’entendre, après toute proposition de dépense ou de limitation des recettes de la Sécurité sociale, des propositions pour compenser ces pertes.
Le débat a été long et il a été au fond, de façon constructive et intéressante, indépendamment des effets de manche ou de tribune ci ou là. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Je souhaite par ailleurs, monsieur le président, une suspension de séance de quelques minutes.
Je propose de donner auparavant la parole à M. Julien Aubert, pour répondre à la commission et au Gouvernement.
J’ignore s’il y a un effet de tribune, monsieur le secrétaire d’État, mais l’effet de tribu, lui, est clairement présent : même dans un débat d’intérêt général, il semble impossible de dépasser le clivage partisan.
Le rapporteur a évoqué la réforme du « 3 en 1 », effectivement. Mais quelle que soit la date de paiement, si votre niveau de cotisation est de toute façon trop élevé par rapport à vos revenus, de toute façon vous serez rattrapé par les problèmes ! Lorsque vous étalez vos dépenses de consommation sur plusieurs mois, la somme finit quand même par être payée en intégralité ! Cela ne permet donc pas de résoudre le problème.
Lorsque cela vient des rangs de la gauche, nous venons de le voir, la demande d’un rapport, en l’espèce sur le système informatique, ne choque personne. Mais dès lors qu’un rapport est demandé par la droite, de toute évidence, c’est une perte de temps. Pourtant, évaluer cette mesure, en calculer le coût, permettrait de juger de sa faisabilité. Cela montrerait aussi qu’il y a bien un élan bipartisan sur le sujet. J’espère que nous parviendrons à avancer sur le fond.
L’amendement no 262 n’est pas adopté.
La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.
Nous en arrivons à la discussion sur l’article 10. Il y a de nombreux inscrits.
La parole est à M. Dominique Tian, pour deux minutes maximum.
J’irai donc à l’essentiel, monsieur le président.
L’article 10 crée une obligation d’affiliation au régime des travailleurs indépendants pour un certain nombre de personnes qui mettent leur bien en location, que ce soit des appartements, avec une franchise jusqu’à 23 000 euros, ou des biens dès lors que le revenu annuel qu’elles en tirent est supérieur à 3 860 euros. Cela veut dire que si vous louez un de vos biens – une tondeuse, un camping-car, une voiture, un zodiac – et que cela dépasse 321 euros par mois, vous êtes obligé de devenir un travailleur indépendant.
Le rapport Terrasse ne prévoyait pas cela : il envisageait plutôt une modulation de la CSG. Vous avez préparé quelque chose de complètement différent, qui, à mon avis, pose des problèmes juridiques, et aussi moraux : 3 800 euros par an, en l’espèce ce n’est quand même pas grand-chose ! Considérer que l’on exerce un métier parce que l’on a loué, pour 3 800 euros, sa voiture ou son camping-car paraît quand même abusif.
En outre, vous vous heurtez directement à l’article 7 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, selon lequel il est interdit au fonctionnaire « de créer ou de reprendre une entreprise » et autres – je ne vais pas vous le lire en entier. Cela veut dire que vous excluez du champ de la location l’ensemble des fonctionnaires de notre pays, ainsi, probablement, que d’autres professions réglementées. Vous allez de surcroît poser des problèmes juridiques extrêmement importants à des personnes qui sont déjà affiliées au régime général de la sécurité sociale et qui ne sont évidemment pas des professionnels – surtout pas pour un montant de 3 800 euros annuels !
On poursuit avec une nouvelle forme de bricolage : voilà que l’on veut faire entrer dans le régime social des indépendants des activités lucratives réalisées sur des plateformes d’achat, de revente ou de prestation de services qui ne sont pas très différentes des mêmes activités réalisées dans le cadre de l’économie dite traditionnelle. On va le faire via une disposition législative qui va entraîner un certain nombre de cas ubuesques dont j’aimerais savoir comment ils seront tranchés.
Prenons l’exemple d’une personne qui, grâce à l’application Drivy, va louer son véhicule. Dès lors qu’elle aura engrangé 3 800 euros, on considérera qu’elle doit entrer dans le RSI – qui avait bien besoin de cela : récupérer les particuliers qui utilisent les plateformes ! On ne tiendra pas compte du coût du parking – peut-être 4 000 ou 5 000 euros par an ?
Exclamations sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
On va se retrouver du coup à faire entrer dans le RSI des gens qui, en réalité, ne gagneront pas d’argent et seront simplement en train de réduire leurs frais. Honnêtement, depuis tout à l’heure, ce sont les Shadoks !
Je vous donne donc rendez-vous : il faudra un nouveau texte, sans doute issu d’une autre majorité, pour corriger le bricolage qui est fait aujourd’hui. Votre dispositif sur l’économie collaborative n’a aucun sens, et sera bien évidemment contre-productif.
J’ai pris l’exemple de Drivy, mais il y en a quantité d’autres. Ainsi, pour Yescapa, comment fera-t-on pour tenir compte du coût d’entretien du camping ou du gardiennage dans les 3 860 euros ? Et il y aura de tels problèmes pour l’ensemble de ces services qui sont de plus en plus utilisés par nos compatriotes, lesquels vont bientôt devoir subir, comme les indépendants, les joyeusetés du RSI.
Je voudrais dire pour commencer que nous partageons la volonté d’encadrer certaines activités de l’économie collaborative. Toutefois, cet article 10 nous préoccupe. Je pense qu’il est prématuré.
Il vise en effet à taxer non pas les plateformes collaboratives, mais les particuliers qui les utilisent.
Dont beaucoup de gens très modestes, des personnes qui n’ont pas d’autre choix !
Et il le fait dans des conditions très discutables.
En l’état, cet article sème plutôt la confusion entre l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales qui s’appliquent sur les salaires. Exiger des plateformes qui emploient des salariés qu’elles paient des cotisations sociales sur les salaires qu’elles distribuent et des impôts sur les bénéfices qu’elles réalisent est bien évidemment normal, mais ce n’est pas l’objet de l’article. Au passage, je signale que la plateforme Airbnb n’a payé que 69 168 euros d’impôts en France en 2015, ce qui, pour le coup, ne me paraît pas très normal.
Surtout, cet article vise le citoyen qui tire des revenus de l’utilisation de ces plateformes, parfois d’ailleurs en les payant. S’il est normal qu’il acquitte des impôts sur les revenus complémentaires obtenus par cette activité, il est plus discutable d’exiger son affiliation au régime social des travailleurs indépendants et, par conséquent, qu’il acquitte des cotisations sociales sur ses revenus. Cela suppose, en tout état de cause, de clarifier les différentes situations. De ce point de vue, plusieurs questions se posent.
D’abord, pourquoi introduire une disparité aussi injustifiée qu’incompréhensible entre les personnes bénéficiant de ressources issues de locations de biens immobiliers, qui sont censées s’affilier au RSI à partir de 23 000 euros de revenus annuels, et celles bénéficiant de ressources issues de la location de biens mobiliers, qui sont elles aussi censées s’affilier au RSI, mais dès 3 860 euros de revenus annuels, soit 321 euros par mois ?
Ensuite, comment distinguer une activité régulière et lucrative d’une activité ponctuelle ?
Tous ces éléments me conduisent à penser qu’en l’état, notre réflexion n’est pas assez aboutie, et qu’une telle réforme mériterait de ne pas être traitée à la va-vite, au détour d’un article du PLFSS.
C’est pourquoi je soutiendrai les amendements de suppression présentés par mes collègues.
Le débat a déjà eu lieu en commission, mais je pense qu’il sera encore très nourri ce soir. Je trouve pour ma part que l’article 10, tel qu’il nous est proposé, vise des objectifs que nous pouvons partager sur tous les bancs, du moins pour un certain nombre d’entre nous. Cela va d’ailleurs dans le sens des conclusions du rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale, qui vient d’être remis au Premier ministre, en vue de favoriser le développement harmonieux des activités nouvelles. Celles-ci ne doivent pas être laissées dans des zones de non-droit, afin que leur développement soit réel et profitable aux particuliers comme à la collectivité.
On voit bien que c’est un sujet très difficile, car certaines personnes ont aujourd’hui des activités qui, du fait qu’elles se multiplient, deviennent des activités professionnelles. L’année dernière, la loi de finances a réglé en partie le problème de la fiscalisation du revenu, mais il serait aussi utile, je crois, que ces personnes cotisent pour cette activité ! Sinon en effet, dans quelques années, quand elles feront le bilan, elles verront certes le revenu qu’elles auront perçu, et pour lequel elles se seront acquittées de ce qu’elles devaient, mais elles n’auront aucun droit ouvert. Or je crois que nous sommes là pour protéger aussi. Il s’agit donc de veiller à ce qu’au-delà d’un certain seuil, nous puissions apporter à nos concitoyens une protection par la cotisation. C’est en tout cas mon point de vue.
Alors ça, vous êtes forts ! Nous faire croire que cette mesure, c’est de la protection !
Il y a en revanche un débat concernant le seuil, on l’a vu en commission – un seuil qui est mentionné non pas dans le texte, mais dans l’étude d’impact et dans l’exposé des motifs. Vraisemblablement, 3 800 et quelques euros, c’est excessivement bas pour des activités qui peuvent effectivement parfois représenter une charge, comme cela a été signalé. Néanmoins, je crois que vous aurez une réponse sur ce sujet, monsieur le secrétaire d’État.
C’est dommage : son rapport est intéressant, et en contradiction avec ce qui est proposé par le Gouvernement.
On peut noter que de nombreuses d’interrogations émergent sur tous les bancs de l’hémicycle à propos de cet article. Même si l’on peut comprendre l’objectif louable de définition d’un cadre juridique stable susceptible de permettre le développement de l’économie du partage entre particuliers tout en garantissant les professionnels des secteurs concernés contre l’émergence d’une concurrence déloyale – car je crois que c’est le résultat que vous recherchez –…
…cet article soulève néanmoins certaines questions : non seulement celle du seuil, qui vient d’être évoquée par Mme Laclais, mais aussi celle de savoir ce qui entre en ligne de compte dans les revenus.
J’ai à ce propos deux questions bien précises à vous poser, monsieur le secrétaire d’État – et j’aimerais avoir des réponses. Premièrement, les recettes annuelles tirées des activités mentionnées à cet article sont-elles bien considérées hors partage des frais par les particuliers qui fournissent ces services ? Deuxièmement, considérez-vous que pour un particulier, la seule recherche de la couverture des coûts d’usage d’un bien meuble ne constitue pas, par définition, l’exercice d’une activité à but lucratif ?
Globalement, qu’est-ce qui, dans cet article 10, est pris en compte comme « revenu » ? Quels sont les revenus soumis au seuil de 3 860 euros que vous avez mentionné ? Cela s’entend-il bien hors partage de frais ?
Monsieur le secrétaire d’État, si nous sommes tous soucieux du développement de l’économie collaborative, nous sommes également vigilants, comme cela vient d’être rappelé, quant à ce que ce développement soit compatible avec les règles de concurrence, notamment vis-à-vis de l’économie traditionnelle.
Le débat porte sur deux sujets : la fiscalité et la protection sociale. Ce soir, il ne sera pas question de fiscalité, puisque le sujet est en passe d’être clarifié, mais de protection sociale.
La question est d’autant plus compliquée que certaines activités de l’économie traditionnelle, qui sont proches, sont aujourd’hui soumises à des régimes et à des seuils différents : les meublés, les chambres d’hôtes et les gîtes n’ont pas le même seuil de caractérisation en tant que prestation professionnelle et ne sont donc pas affiliés de la même façon au RSI.
L’article 10 distingue la location de biens immobiliers, de type meublés, de la location de biens meubles, de type voitures. Or sur une même plateforme peut être proposée la location de biens immobiliers – comme des appartements – ou celle de biens meubles – comme des bateaux ou des camping-cars – qui répondent tous à un même usage : se loger. La distinction que vous opérez entre deux types de biens relevant, dans votre proposition, de deux seuils très différents de déclaration en tant qu’auto-entrepreneur ne me paraît donc pas pertinente.
Cet article inaugure certainement toute une série de débats et de discussions qui tourneront autour de la mutation profonde provoquée par la nouvelle économie. En France, nous avons manqué le tournant du financement de la protection sociale : celle-ci était totalement assurée par la production, qui est devenue de plus en plus rare, et l’on a laissé passer l’occasion de faire évoluer l’assiette de prélèvement.
Là, nous sommes confrontés à un nouveau problème. On voit déjà poindre des difficultés très graves dans certains domaines, en particulier celui du tourisme, où la concurrence déloyale que des plateformes telles que Airbnb fait aux artisans et aux entreprises touristiques devient problématique.
Les effets de cette concurrence déloyale peuvent se chiffrer : l’hôtellerie a perdu des milliers d’emplois cette année. La création de 1 000 chambres d’hôtel, en France, s’accompagne de la création nette de 300 emplois en moyenne, alors que la mise à disposition de 1 000 chambres sur une plateforme n’en crée quasiment aucun. Évidemment, cela pose un problème de survie pour un certain nombre d’entreprises, qui doivent acquitter des charges, qu’elles soient salariales, fiscales ou sociales. Sur le principe, on ne peut donc qu’approuver le principe d’une nouvelle forme de financement de la protection sociale et d’un traitement fiscal.
Le présent article, toutefois, pose plusieurs problèmes. Le premier tient au seuil prévu, 23 000 euros, pour les locations meublées : s’agit-il seulement des recettes ou du bénéfice net ? Surtout, pour les locations de biens meubles, le seuil apparaît bien trop bas. Aussi devrions-nous écarter de l’article tout ce qui concerne ces locations.
Nous n’avons pas fini de discuter, en ce domaine, à la fois de la fiscalité – même si ce n’est pas le sujet ce soir – et du financement social. Quoi qu’il en soit, je suis favorable à l’article, pour peu que l’on en retranche tout ce qui concerne les locations de biens autres que les logements.
Avec cet article le Gouvernement court après la nouvelle économie, l’économie numérique et collaborative, qui se développe très rapidement. Hélas, il prend le problème par le plus mauvais bout – la fiscalité, les cotisations sociales, l’affiliation à un régime – au lieu de réfléchir à un texte global, fondé sur l’analyse des avantages et des inconvénients de cette nouvelle économie qui crée de l’emploi et de l’activité, mais qui peut aussi, bien entendu, générer une concurrence déloyale.
Nous aurions préféré, donc, un texte indépendant du PLFSS pour étudier ces questions, assorti d’une véritable étude d’impact : nous aurions pu, ainsi, réfléchir à toute cette économie collaborative et numérique ou au problème des plateformes.
Ma crainte est que l’on finisse par inclure dans le dispositif tout ce qui touche au partage des frais. On l’a vu tout à l’heure, les URSSAF ont tendance assimiler la mise à disposition d’une salle de sport à un avantage en nature. Qu’est-ce qui nous garantit que, demain, le partage de frais ne sera pas, à son tour, analysé comme une mise en location de biens meubles ? Le dispositif pourra alors s’appliquer à l’étudiant qui loue sa voiture pour arrondir ses fins de mois et payer son loyer, ou pour emmener quelques amis en vacances en partageant les frais avec eux. De fait, il n’existe aucune définition claire permettant de distinguer entre ce qui relève ou non du partage de frais : cela aussi aurait pu être traité dans un texte plus global.
Nous avons déposé plusieurs amendements : l’un de suppression, d’autres pour relever les seuils. On se doute bien en effet, monsieur le secrétaire d’État, que l’opposition aura du mal à obtenir la majorité dans l’hémicycle,…
…sauf si nos amis de la majorité prennent enfin conscience que l’on ne peut taxer à tour de bras et pénaliser ceux qui font du petit commerce dont nous parlons un moyen d’arrondir leurs fins de mois.
Je vois une contradiction entre cet article, qui vise à faire payer des charges sociales et à affilier au RSI des personnes qui louent un bien meuble ou immeuble, et l’instruction que l’administration fiscale a publiée début septembre par laquelle elle estimait normal d’exonérer d’impôt les revenus perçus dans le cadre d’une activité de co-consommation. Car nous parlons bien, en l’espèce, de co-consommation. Cette instruction précise les conditions d’exonération, les revenus perçus, la nature et le montant des frais, l’activité et le barème.
Avec le présent article, le Gouvernement entend imposer une activité émergente. Il pose des problèmes de seuils qui ont été soulevés en commission des affaires sociales. D’ailleurs, le rapporteur semblait assez ouvert à l’idée de retravailler la question. L’exposé des motifs précise aussi qu’il s’agit de locations de « courtes durées » : qu’entend-on par là ? Et quid des seuils de recettes, de 23 000 euros de chiffre d’affaires pour la location de biens immeubles et de 3 860 euros pour les autres biens, sachant que par exemple le tarif d’un meublé n’est pas du tout le même à Paris et en province ? Le seuil sera donc très vite atteint dans la capitale, et beaucoup moins vite en province.
Bref, cet article va « corseter » une activité qui émerge et qui, pour le moment, concerne plutôt des personnes désireuses d’arrondir leurs fins de mois. Il est trop tôt, me semble-t-il, pour légiférer et encadrer, d’autant que l’on va se heurter à la question des seuils.
Enfin, je le répète, cet article est assez contradictoire avec l’idée d’exonérer d’impôt les activités de co-consommation, que l’administration fiscale a encouragées à travers son instruction.
Je serai très bref.
Nous vivons, bien sûr, une révolution économique qui tient non pas tant à l’évolution des pratiques qu’à des systèmes informatiques conviviaux, où tout un chacun peut participer à un réseau et mettre son bien sur le marché. Sur le plan économique, c’est une avancée extraordinaire car cela permet l’utilisation de biens, de services ou de capacités qui, sans cela, seraient gravement sous-utilisés, comme le sont les véhicules particuliers en ville, les maisons de campagne – aberrations économiques de ce point de vue, quoi qu’en pensent les Français – et, bien entendu, les logements vides, où l’on ne réside qu’occasionnellement.
Il y a bien sûr une limite à tout cela. Oui à la fluidité, oui à l’utilisation des facteurs, mais la limite, c’est la concurrence déloyale que cela peut induire vis-à-vis du secteur professionnel. Et je n’utilise pas ce terme au hasard : dans des pays libres et libéraux, le problème est posé de la même façon. Aux États-Unis, par exemple à New York – M. Lefebvre ne me démentira pas – ou à Barcelone, les municipalités partent en guerre, de façon bien plus forte qu’à Paris, contre la multiplication des logements proposés qui empêchent l’exploitation normale des biens hôteliers.
On est quand même étonné, monsieur le secrétaire d’État, pour autant que l’on comprenne les intentions du Gouvernement, que tout cela apparaisse au détour d’une phrase, de manière d’ailleurs assez contradictoire ou en tout cas sans coordination avec les régimes fiscaux en vigueur. Les mesures envisagées poseraient quand même des problèmes sur le plan social car, pour beaucoup de gens, qui n’ont pas envie de basculer dans la professionnalisation, ces locations constituent un complément de revenus. De fait, la professionnalisation est un vaste problème qui, au-delà du coût, recouvre, nous venons d’en parler, mille et une misères…
Qu’il s’agisse des documents à remplir ou du seuil, fixé à 300 euros par mois pour la location de certains biens, le groupe RRDP, monsieur le secrétaire d’État, juge les dispositions visées difficilement acceptables en l’état. On a d’ailleurs l’impression qu’il s’agit plutôt d’un article d’appel…
J’ai signé un amendement de suppression de cet article car le débat, me semble-t-il, n’est pas mûr. Nos échanges, d’ailleurs, le montrent. Une vraie question est posée, mais la réponse du Gouvernement est extrêmement bancale.
Tout d’abord, on vient d’exonérer de prélèvements, pour des milliards d’euros, certaines entreprises, et ce sans conditions de charges sociales ; et voici que l’on entend traquer des particuliers, pour des petites sommes, 3 860 euros par an, sans même vérifier s’il s’agit de revenus professionnels ou de simples revenus complémentaires, puisque l’article se fonde sur des seuils et non sur des statuts ? Le message politique est évidemment insoutenable, et l’on ne peut l’accepter.
Surtout, l’article rate l’essentiel de l’économie dont nous parlons, qui ne se résume pas à la concurrence qu’elle peut faire à l’économie traditionnelle : elle crée des secteurs d’activité nouveaux. Pour celui qui loue, il ne s’agit pas toujours de gagner de l’argent ou d’exercer une activité professionnelle, mais parfois simplement de conserver son patrimoine, sa maison, ou de payer ses charges, par exemple ses impôts locaux.
Cela permet de payer le petit bateau de pêche et de garder la place au port. Cela permet à des gens qui n’iraient pas dans des hôtels de partir en vacances en louant un bien sur Airbnb ou sur d’autres plateformes. Cette économie fait revivre des secteurs entiers du tourisme dans de petites villes privées d’offre touristique. Et l’on va peut-être tuer tout cela pour satisfaire des lobbies professionnels !
On est en train de rater quelque chose de fondamental. Cette réforme est malvenue et injuste. J’engage donc vivement le Gouvernement à renoncer à cet article et à revoir sa copie. Oui, il convient de distinguer entre, d’une part, activités ou revenus professionnels et, de l’autre, revenus complémentaires.
Enfin, s’il s’agit de prélever des cotisations sociales, pourquoi le faire à travers l’affiliation au RSI, si peu adapté en l’espèce ? Pourquoi ne pas opter pour la CSG ou pour d’autres solutions, bien plus souples ?
Je terminerai brièvement cette série d’interventions sur l’article.
S’il s’agit de mettre de l’ordre dans ces activités qui peuvent effectivement générer des effets d’aubaine, nous pouvons bien entendu être d’accord. Évitons, en revanche, toute voie contraignante pour celles et ceux qui souhaitent toucher un petit revenu complémentaire dont ils ont besoin, par exemple des retraités ou des personnes aux revenus modestes.
La question qui se pose est donc, peut-être, celle de la frontière entre ces personnes-là, qu’il ne faut pas pénaliser, et d’autres. Le risque existerait, en effet, de voir se développer toute une activité au noir qui passerait à travers les mailles du filet. Ces frontières, nous pouvons les fixer par voie d’amendement : c’est toute la question des seuils. Celui de 3 860 euros annuels, en particulier, me paraît très faible pour les personnes ayant de petits revenus.
Pourquoi, d’autre part, imposer une affiliation au RSI, d’autant que les intéressés sont peut-être déjà affiliés à d’autres caisses ?
Je vous pose cette question, car il n’y a pas été répondu en commission. Que se passerait-il si, étant assuré auprès d’une caisse, on vous demandait de vous assurer auprès d’une autre ? La situation, avouez-le, serait un peu particulière, surtout pour des sommes aussi modestes. Tout cela demande donc quelques explications.
Le sujet est éminemment important. Il ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui : on l’a souvent évoqué à l’occasion du PLF ou du PLFSS. Je me souviens même d’interventions, nombreuses, de Charles de Courson,…
Sourires.
…qui évoquait des activités en plein développement et dont on ne savait pas trop comment il fallait les considérer, d’un point de vue fiscal ou d’un point de vue social. Aujourd’hui, nous parlons du volet social mais je dirai peut-être un mot, également, du volet fiscal, car les deux sont liés.
Disons-le clairement : cet article ne prétend pas tout régler.
Nous aurons à y revenir, peut-être avant la fin de l’année et probablement aussi dans les années qui viennent.
Mais nous étions face à un choix. La première solution consiste à laisser s’installer des usages parfois hors du droit, parfois à la frontière du droit et parfois conformes au droit. Les exemples sont effectivement divers et variés, entre le partage de frais ou la co-consommation – qui sont un peu la même chose, pour répondre à votre question, madame Le Callennec – l’activité annexe ou principale, les polyactivités, sans oublier la question que pose la concurrence de cette activité avec les secteurs organisés, existants, « traditionnels » en un mot. De tout cela, l’actualité nous parle tous les jours.
La question de Uber, la question de Airbnb, la question de Drivy, la question d’un nombre considérable de plateformes se pose à nous quotidiennement. On peut choisir de ne rien faire, parce qu’il faut laisser le secteur se développer, que c’est merveilleux, que tout est bien comme ça. Mais un jour, je ne sais pas quand, on se réveillera et on constatera que beaucoup de choses échappent à l’impôt et à la cotisation sociale, et que des zones de non-droit se sont développées ! On se rendra compte que certaines personnes ne sont plus protégées socialement, et que des concurrences déloyales se sont installées, M. Accoyer en a parlé !
Les représentants de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie nous le disent. À l’occasion de l’Euro 2016, le taux de remplissage des hôtels et celui des logements loués via Airbnb était sans comparaison !
Donc, soit nous nous mettons la tête dans le sable en remettant à plus tard, auquel cas les usages vont s’installer, rendant encore plus difficile d’y revenir quand tout le monde aura pris l’habitude de faire ce qui, pour le moment, ne nous dérange pas trop parce qu’il s’agit de revenus modestes, soit nous traitons le problème, en ayant bien sûr conscience que cela sera difficile et qu’il faudra sûrement y revenir, car tous les jours des activités nouvelles se créent dans ce secteur – personne ne saura s’y opposer, et personne ne le veut, je pense, particulièrement au sein des nouvelles générations.
La position du Gouvernement est donc qu’il faut traiter ce problème. Et encore, il y a de nombreuses questions que nous ne traiterons pas, ne serait-ce que parce qu’elles n’entrent pas dans le cadre d’un PLFSS, comme la subordination des « salariés » aux plateformes – je suis presque obligé d’utiliser ce mot : je parle de ceux dont l’activité principale se fait sur ces plateformes.
C’est une question importante, qui recouvre celle du droit à la formation, celle du droit à la protection sociale ou celle de la retraite, sans même parler du droit de grève. En effet, que vous le vouliez ou non, certains de nos concitoyens font désormais de cette activité leur activité principale. C’est tant mieux, mais cela veut dire que nous devons également protéger les salariés, ainsi que les recettes.
J’ai entendu dire que nous allions traquer les revenus pour les assujettir à cotisations : ce n’est pas la question ! Mais toutes les études montrent que, dans les cinq ou dix années qui viennent, la croissance de ces secteurs d’activités sera exponentielle. Ce sera énorme. L’une de ces études, selon un article de presse d’il y a quelques semaines, faisait état de 450 milliards d’euros de chiffre d’affaires attendu dans un avenir assez proche.
Le Gouvernement vous propose donc des solutions, qui, encore une fois, devront être améliorées. Il faudra vraisemblablement y revenir, dans un processus itératif, les modifier, les coordonner.
Premièrement, ces solutions visent à définir le partage de frais. Je réponds ainsi à la question qui m’a été posée : le partage de frais est défini. Il avait été précisé dans une instruction fiscale, mais que nous entendons naturellement coordonner avec la politique sociale.
Certains nous ont demandé s’il fallait prendre en compte l’amortissement du bien : nous l’avons fait par exemple pour BlaBlaCar – je cite des noms, pour que les images soient claires. Dans ce cas, nous avons considéré que le tarif pratiqué, qui se cale sur l’indemnité kilométrique au sens fiscal, est une référence. À partir du moment où l’on utilise ce tarif, on peut donc considérer qu’il y a partage de frais.
Mais ne nous voilons pas la face : il y a des abus ! Sur certaines plateformes comme Drivy, certains individus exploitent plusieurs véhicules. Grâce au droit de communication qui a été instauré au bénéfice de l’administration fiscale, qui est aujourd’hui en mesure d’obtenir les informations relatives aux revenus versées par certaines plateformes, nous nous sommes aperçus, c’est même très facile à constater, que certaines situations sont manifestement anormales. Des sommes ne sont effectivement pas déclarées et, par conséquent, encore moins assujetties aux cotisations sociales.
Quand un contribuable tire 30 000, 40 000 ou 50 000 euros de revenus d’une plateforme de location ou de prétendu partage de véhicules, c’est bien qu’il y a une déviance !
Ce type de comportement donne lieu à redressement. Et, madame Fraysse, concernant la fiscalisation des plateformes, un certain nombre de procédures dont je ne peux pas donner le détail ici sont en cours sur la qualification de l’établissement stable : les choses ont donc été activées sur un certain nombre de dossiers bien connus.
Sur cette base, vous avez été nombreux à soulever la question des seuils. Cet après-midi, lors de la séance de questions au Gouvernement, j’ai détaillé la position du Gouvernement sur les grands principes et l’équité dans le jeu concurrentiel, et j’ai ajouté qu’il restait ouvert sur la question des seuils. Divers amendements ont été déposés : certains même proposent de les réduire, les plus nombreux proposant de les relever.
Je suis, en ce qui me concerne, prêt à en discuter avec vous ce soir. J’ai vu que la commission des affaires sociales avait adopté un amendement : il pourrait constituer la base d’un consensus qui nous permettra de poser les choses de façon claire.
Je vais vous donner des chiffres émanant des plateformes. Car on nous reproche de ne pas avoir mené de concertation : nous avons pourtant rencontré des plateformes, et à plusieurs reprises ! Nous devions d’ailleurs traiter en parallèle une autre question : je rappelle que vous aviez voté l’année dernière un amendement obligeant les plateformes à mettre en ligne, au plus tard le 1er juillet 2016, toutes les informations relatives au traitement fiscal et social des revenus perçus par leur intermédiaire ! Je confesse que nous sommes, sur ce point, en défaut : à ce jour, nous n’avons pas transmis ces informations. Nous avons néanmoins travaillé avec elles et regardé comment présenter les choses.
Selon la plateforme Drivy donc, le revenu annuel moyen perçu par ses utilisateurs est de 672 euros.
Vous avez raison, madame la députée, tout cela est appelé à évoluer : je n’ai pas dit autre chose. Selon le rapport déposé en 2015 par vos collègues sénateurs, le revenu moyen généré par Airbnb en France s’élève à 300 euros par mois, c’est-à-dire à 3 600 euros par an. Je sais que ces chiffres évoluent et peuvent être sujets à caution. Le Gouvernement pourra peut-être vous en fournir d’autres d’ici la fin de nos travaux.
Voilà ce que je souhaitais dire, monsieur le président. Pardons d’avoir été un peu long. Le sujet est lourd et si nous ne le traitons pas, sans prétention et avec l’humilité qui convient, nous laisserons s’installer des habitudes sur lesquelles il sera extrêmement difficile de revenir. Plus nous attendrons – et je pense que nous avons déjà, collectivement, trop attendu – plus il sera difficile de revenir à des pratiques cohérentes.
Il ne s’agit pas de « corseter », comme je l’ai entendu tout à l’heure, mais d’accompagner. Si nous ne le faisions pas, nous ne ferions pas notre travail et nous refilerions, si j’ose dire, la patate chaude à nos successeurs, quels qu’ils soient.
Nous en venons aux amendements.
Je suis saisi de quatre amendements de suppression de l’article, nos 7, 48, 112 et 599.
La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou, pour soutenir l’amendement no 7 .
Je le redis : nous comprenons l’intention du Gouvernement. En revanche, peut-être parce qu’il s’agit d’activités émergentes, nous avons le sentiment que l’ensemble du dispositif qui nous est proposé n’est pas suffisamment pensé et manque de cohérence.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous dites avoir mené une concertation avec les plateformes, mais ce ne sont pas elles qui sont visées par vos propositions : ce sont les citoyens.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
De ce point de vue-là, deux choses nous gênent. D’abord, il y a la question des seuils : aujourd’hui, y compris dans les activités traditionnelles de location de meublés, de chambres d’hôtes, ou de gîtes ruraux, les seuils ne sont pas les mêmes. Nous avons été alertés par les exploitants de gîtes, qui nous ont indiqué qu’aujourd’hui le seuil d’assujettissement est supérieur à 23 000 euros. Bref, les seuils en vigueur au sein de l’économie traditionnelle ne sont pas les mêmes. Ensuite, vous nous proposez des seuils différents selon qu’il s’agit de location de biens immeubles ou de biens meubles, avec un écart considérable.
S’ajoute enfin à ces seuils une obligation de statut et d’affiliation au RSI, qui pose toute une série de questions. Quel sens a, pour un agriculteur qui loue un gîte, l’obligation de s’affilier par ailleurs au RSI ?
La question des seuils comme l’obligation de s’affilier au RSI à partir d’un certain niveau de revenus – ou de bénéfices, ce n’est pas tranché – nous pose effectivement problème.
Je poursuis cette discussion, car nous n’avons obtenu aucune réponse de M. le secrétaire d’État. Dans la mesure où il ne s’agit pas d’une profession, vous ne pouvez pas obliger un contribuable à s’affilier au RSI alors qu’il cotise déjà probablement à la Sécurité sociale via le régime général.
Il ne s’agit en effet que de compléments de revenus, déjà fiscalisés, et non d’un statut professionnel. Vous ne pouvez pas obliger les plateformes à dénoncer les personnes qui passent par leur intermédiaire, car dans ce cas ces personnes cesseront d’y avoir recours. C’est aussi simple que cela : dans cette éventualité, elles passeront bien évidemment par d’autres réseaux.
Cela pose aussi un problème de droits individuels : si vous êtes propriétaire d’une maison, d’un garage ou d’un bateau que vous décidez de louer pour percevoir quelque argent, ce n’est pas pour autant que vous en faites votre profession ! Pourquoi obliger les intéressés à adhérer au RSI ? En outre, avec tout ce que nous avons dit du RSI ce soir, nous n’allons pas imposer à des gens qui n’ont rien à y voir d’y adhérer ! Cela pose un véritable problème de droit.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai aussi demandé tout à l’heure s’il est possible d’obliger un fonctionnaire, un agent de l’État, à adhérer au RSI alors que la loi dit le contraire. En a-t-il seulement le droit ? Peut-être pas, dans la mesure où il doit consacrer l’ensemble de son activité professionnelle – professionnelle ! – au service de la fonction publique. Il ne peut donc pas légalement adhérer, et c’est le cas de beaucoup d’autres personnes : un chômeur ne perdrait-il pas son statut, un salarié en pré-retraite ou un membre d’une profession libérale ne rencontreraient-ils pas quelques difficultés ?
Certains de nos concitoyens s’en sortent difficilement : ils sont au chômage, ils sont malades, ils ont des difficultés… Voulez-vous que, pour 320 euros par mois, ils soient qualifiés de travailleurs indépendants ? Vous voyez que cela ne tient pas une seconde.
Monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas qu’une question de seuil, même si c’est important – et je note votre intention de le doubler. Il y a aussi, me semble-t-il, une impossibilité matérielle.
La parole est à M. Jean-Louis Roumégas, pour soutenir l’amendement no 112 .
Toutes les questions qui fusent des divers bancs de cette assemblée montrent que la solution proposée n’est pas mûre. J’ai écouté attentivement M. le secrétaire d’État, mais il n’a pas répondu aux questions qui se posent.
Monsieur le secrétaire d’État, en quoi votre dispositif distingue-t-il l’abus de l’usage normal ? On ne voit pas. La question des seuils ne le permet pas, en tout cas. Comment distinguez-vous le revenu complémentaire de l’usage professionnel ? En quoi vous attaquez-vous, au-delà des usagers, aux plateformes qui, elles, s’enrichissent vraiment en pratiquant une concurrence déloyale ? Pour quelle raison le seuil est-il différent selon qu’il s’agit de biens mobiliers ou immobiliers ? Rien ne le justifie. De l’argent gagné en louant sa voiture vaut-il plus que celui gagné en louant son appartement ? C’est incompréhensible.
Par ailleurs, vous ne tenez pas compte de l’économie de l’usage que sont en train d’édifier les plateformes collaboratives, qui ont également une valeur du point de vue environnemental : un autre type d’économie se développe, qui fait qu’au lieu d’acheter sa tondeuse à gazon, son petit bateau, sa caravane ou son camping-car, les gens ont accès à toute sorte de biens dont ils n’auraient pas eu le moyen de disposer autrement. Vous ne tenez absolument pas compte de cela. Les services proposés sont aussi parfois moins chers, et vous n’en tenez pas compte.
Et pourquoi avoir choisi le RSI ? Ce n’est pas logique. On peut accepter qu’il y ait des cotisations sociales pour certains types de revenus, mais pourquoi ce choix ? Cela ressemble vraiment à une usine à gaz.
Je ne vois vraiment pas comment nous pourrions passer à l’acte avec cet article aujourd’hui. Il faut revoir la copie. Il ne faut pas ne rien faire, vous avez raison, mais le rapport Terrasse propose des pistes beaucoup plus larges qui traitent l’ensemble du problème. Fondez-vous au moins sur ce rapport…
C’est exactement ce qu’il propose !
Rires.
Je serai très court.
Vous venez de dire, monsieur le secrétaire d’État, que le rapport Terrasse proposait la même chose que vous. M. Roumégas a pourtant parfaitement raison sur ce point. D’ailleurs, l’amendement no 7 de M. Terrasse est un amendement de suppression !
Sourires.
Je vais vous le dire. Le Gouvernement demande au Parlement de faire un rapport. Ce rapport a été rendu il y a quelques mois. Le Gouvernement explique qu’il en tiendra compte et nous sort un dispositif de bricolage qui, tout le monde le voit, passe à côté de la cible et ne respecte pas le rapport qui a été demandé au Parlement. C’est donc bien un rappel au règlement.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 599 .
Je vous ai écouté avec attention, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez tenu des propos très intéressants sur cette économie qui se développe de manière exponentielle et pour laquelle nous devons prendre des mesures de façon à éviter une concurrence déloyale et à nous assurer qu’elle participe à la protection sociale. Nous sommes tout à fait d’accord.
Le seul problème, c’est de mettre votre dispositif dans ce PLFSS malgré toutes les questions qui se posent, sur l’affiliation au RSI – mais pourquoi donc une affiliation au RSI ? – sur les conséquences des seuils dont on a parlé tout à l’heure ou sur le développement de cette économie qui crée de l’emploi.
Je ne voudrais pas que l’on fasse la même chose que pour l’aide à la personne. Sous prétexte qu’il y avait une manne financière qui y était consacrée, prétendument inefficace, monsieur Dominique Lefebvre, on a décidé de supprimer l’aide : il y a eu quantité d’emplois perdus dans l’aide à la personne, si bien que le Gouvernement a dû rétablir cette année les dispositions fiscales qu’il avait supprimées auparavant ! Nous nous étions battus et nous avions déposé plusieurs fois des amendements pour essayer de les rétablir.
Vous avez expliqué, monsieur le secrétaire d’État, qu’on allait faire des tests, quitte à revenir en arrière. Il n’y a rien de tel pour tuer une économie. Il n’y a pas de visibilité, pas de lisibilité sur votre politique. C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement de suppression afin qu’il y ait une réflexion, puis un texte qui mette en perspective cette économie numérique, qui est vraiment l’économie de demain.
La commission a rejeté les amendements de suppression. Une fois de plus, le cheval refuse l’obstacle. Une fois de plus, on recule devant la réforme.
M. Door lui-même a parlé de la concurrence déloyale dans certains secteurs. On a vu ce qui s’est passé avec les taxis, on sait ce qui se passe avec les hôtels. Il faut donc réguler ce secteur et avancer sur cette réforme.
Mais arrêtez de vous agiter ainsi ! Revenez sur votre réforme de l’ISU, et quand vous aurez tout réglé, vous pourrez interrompre !
L’article 10 apporte une première réponse à des questions qui se posent. Le rapport de M. Terrasse n’est pas contradictoire avec ce que propose le Gouvernement.
Le Gouvernement lui-même est ouvert à des évolutions et prêt à accepter des amendements.
Pourquoi une affiliation au RSI ? Certains se demandent pourquoi on ne pourrait pas choisir sa caisse : parce que le RSI, par définition, ce sont les cotisations des professions indépendantes, et qu’en l’espèce il s’agit d’un travail indépendant ! Cela ne peut pas être une cotisation agricole, cela ne peut pas être une cotisation salariée, c’est une cotisation indépendante.
L’article se contente donc de prévoir l’affiliation au régime social des indépendants des personnes qui tirent d’une activité de location entre particuliers des revenus dépassant certains seuils permettant de les considérer comme des revenus d’activité – on passe là du revenu accessoire au revenu professionnel.
On peut certes discuter du seuil, mais de là à tout supprimer et à refuser la réforme alors que l’on nous reproche sans arrêt de ne pas faire de réforme de structure…
Il n’est plus temps d’attendre, il faut agir, et rejeter ces amendements de suppression.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Défavorable bien sûr, mais je voudrais apporter une réponse à quelques questions qui ont été posées.
Pour les agriculteurs, monsieur Door, il existe déjà une disposition leur permettant d’avoir des activités accessoires, secondaires. Ils peuvent ainsi proposer des chambres d’hôtes ou des gîtes ruraux.
Bien entendu.
Quel est le fond du problème ? C’est que nombre de secteurs d’activité fonctionnent avec des régimes fiscaux et sociaux bien connus et habituels mais que si vous faites la même activité via une plateforme, les conditions sont totalement différentes. Peut-on accepter cela ? Ce n’est pas possible.
Sur les seuils, j’ai dit que le Gouvernement était ouvert. Un amendement a d’ailleurs été déposé par votre rapporteur. Il n’y a pas dans le texte de seuil inscrit en dur : il est fait référence à un décret. L’étude d’impact évoque, il est vrai, un seuil de 3 860 euros, parce que c’est l’un des seuils qui existent, mais si l’Assemblée considère qu’il faut le doubler, le Gouvernement est prêt à accepter.
Le seuil de 23 000 euros concernant les biens meublés est aussi un seuil existant. Si vous proposez de le modifier, j’y suis moins favorable mais, pour avancer, je suis prêt également à considérer la question.
Dans vos exemples, il ne s’agit que de gens qui vont louer vaguement leur garage. Mais nous parlons déjà de sommes importantes ! Je proposais 2 000 euros par mois. Vous demandez à ce que ce soit doublé, ce qui fait 4 000 euros par mois. Ce sont tout de même des niveaux qui permettent à la très grande majorité de ceux qui utilisent les plateformes d’échapper à ce que vous appelez ce corset ! Je vous rappelle les chiffres que j’ai cités tout à l’heure.
Ce que nous voulons, c’est réguler, encadrer, assurer de la sécurité, préserver l’avenir et ne pas laisser s’installer des pratiques que personne ici, je crois, ne souhaite. Voilà pourquoi il faut rejeter ces amendements. Sinon, on laissera se développer des zones de non droit, de non imposition, de non cotisation, de non affiliation.
Pourquoi le RSI ? Mais quel régime aurait-il fallu : voulez-vous qu’ils soient aux Urssaf ? Le RSI est prévu pour les travailleurs indépendants. Compte tenu des seuils que j’évoquais tout à l’heure, je ne pense pas que cela représente une quantité impressionnante de dossiers à gérer : il ne s’agit que de celles ou ceux qui en feraient une activité principale, et qui ont tout à fait le droit de le faire.
Il y a donc tout lieu de rejeter ces amendements.
Mais auparavant, monsieur le président, le Gouvernement, en accord avec Michel Issindou, demande une suspension de séance.
J’avais été saisi d’une demande de parole de M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je la lui donne avant la suspension.
La commission des finances a rejeté les amendements de suppression et adopté l’article 10 en l’état, pour les raisons qui ont été parfaitement expliquées par M. le secrétaire d’État.
De nouvelles activités se développent. On le voit bien, elles traduisent des changements de comportement, dans le sens de la convivialité, elles permettent, je crois, de la création de richesse… et elles finissent par créer des problèmes.
Arrive d’abord le moment où il faut tracer une frontière entre ce qui relève du partage de frais et ce qui devient une activité professionnelle. La jurisprudence fiscale est en train d’essayer de fixer une ligne entre les deux.
Lorsqu’il s’agit d’une activité professionnelle, tout va bien tant que cela crée de l’activité supplémentaire, mais les problèmes commencent quand cela se substitue à des activités existantes. Dans ce cas, il y a deux problèmes.
On a d’abord un problème de concurrence. C’est un sujet qui a déjà été traité. Tout le monde se souvient de la réforme des auto-entrepreneurs et de la manière dont, à un moment, cela percute des activités économiques existantes. Comme, on le sait, ce secteur ne fera que se développer, on aura de plus en plus deux activités économiques sur un même secteur, avec des charges et des obligations différentes, ce qui va créer des difficultés de concurrence et contribuer à l’effondrement partiel de certains secteurs de l’économie. Je ne suis donc pas certain que l’on y gagnera collectivement, en termes de richesse.
Par ailleurs, il y a peut-être dans l’Assemblée nationale comme aux États-Unis quelques libertariens. Si l’on remplace des activités économiques connues et reconnues, qui donnent lieu aux règles fiscales et sociales habituelles, par des activités échappant à toute règle et toute imposition, comme le souhaitent d’ailleurs certains dans la société,…
…il faudra en assumer les conséquences.
Nous ne sommes qu’au début du processus, cela ne pèse que quelques centaines de millions d’euros et un petit pourcentage de PIB, mais il faut dès à présent fixer une règle et mettre un point d’arrêt. C’est la raison pour laquelle la commission des finances a indiqué très clairement qu’elle souhaitait que l’article 10 soit adopté, mais que l’on relève les seuils.
J’ai discuté avec Pascal Terrasse, qui est membre de notre commission, et j’ai bien compris qu’il ne remettait pas en cause la régulation.
Nous avons beaucoup discuté de la question des gîtes ruraux, parce qu’il y en a beaucoup en Ardèche et un peu partout, et j’ai compris qu’il y avait un problème de seuils. En dessous d’un certain seuil, il risquerait de ne pas y avoir de déclaration. Mais si on les remonte, je pense qu’on fixera un point d’arrêt. C’est pour cela que la commission des finances souhaite le rejet de ces amendements.
La séance, suspendue le jeudi 27 octobre 2016 à zéro heure quarante-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.
Je voudrais revenir sur un point. Supposons que je loue un bien : que je mette à ma fenêtre une pancarte bien visible depuis la rue ou que je le place sur une plateforme, pour moi le revenu est le même et je paierai le même niveau de RSI. En revanche, si je passe par la plateforme, cela crée du buzz sur internet et la plateforme a plus d’annonces publicitaires, qui la rémunèrent. Or, nous savons que celle-ci s’acquitte rarement de l’impôt, en tout cas en France.
J’entends bien votre argument, monsieur le secrétaire d’État, mais alors pourquoi, la semaine dernière, l’amendement « Youtube » a-t-il été refusé par le Gouvernement ? Ne sommes-nous pas en train de créer deux poids et deux mesures ? C’est cela qui m’inquiète. Il est évident qu’il faut encadrer cette économie et l’intégrer à notre activité économique globale, de sorte qu’elle soit soumise à imposition – nous serons tous d’accord sur ce point. Mais ne crée-t-on pas une différence de traitement entre le particulier et la plateforme, qui a toute capacité à engranger des recettes publicitaires dues au flux des annonces qu’elle publie, à se loger dans certains États à fiscalité « avantageuse » et à échapper à une forme d’imposition ?
Nous sommes toujours un peu surpris du décalage entre les déclarations du Gouvernement en faveur du numérique et de l’économie collaborative et ses actes. Dans ce cas, toute personne tirant de l’activité de location meublée de courte durée des recettes supérieures à 23 000 euros devrait être affiliée au RSI. C’est très clairement un mauvais coup porté à l’économie collaborative.
Je suis totalement favorable à la distinction entre activité professionnelle et non-professionnelle, car il ne doit pas y avoir de distorsion de concurrence, notamment vis-à-vis des hôteliers. À ce titre, nous sommes parvenus à plusieurs avancées dans la loi pour une République numérique : enregistrement de ce type de location, ou obligation pour les opérateurs de plateforme de s’assurer que les résidences principales sont mises en location au maximum 120 nuitées par an.
Cet article ne tient nullement compte de ces avancées, ni même du droit fiscal existant. En matière de fiscalité, plusieurs critères cumulatifs sont nécessaires pour que l’activité soit qualifiée de professionnelle : l’inscription d’au moins un membre du foyer au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur professionnel, le dépassement d’un seuil de 23 000 euros de recettes, et le fait que les recettes générées par l’activité de location meublée excèdent les autres revenus du foyer fiscal.
En matière sociale, seul le seuil compterait ? Cela signifie qu’une même activité aurait potentiellement une qualification différente en droit fiscal et en droit social. À part l’instabilité juridique et la complexité, je ne vois pas l’intérêt de cet article qui sera surtout contre-productif puisque la frontière entre professionnels et non-professionnels sera rendue illisible et, partant, moins appliquée. C’est pour toutes ces raisons qu’il faut supprimer l’article 10.
Je ne comprends pourquoi vous voulez assujettir ces activités à des charges sociales. Elles génèrent un revenu complémentaire, soumis à l’impôt sur le revenu : pourquoi ne s’arrête-t-on pas à cette imposition ?
Par ailleurs, s’agissant des seuils, on peut parler de les multiplier par deux ou par trois ou encore de les diviser, mais à un moment donné il faudra décider. Et l’on se retrouvera avec le même problème : d’un territoire à l’autre, on n’atteint pas le seuil à la même vitesse. Il y aura donc une inégalité de traitement, parce que le seuil des 23 000 euros sera plus vite atteint pour la location d’un bien immobilier à Paris et en région parisienne qu’en province.
Nous avons tous compris que c’est une activité nouvelle, qui suscite des débats qui sont loin d’être épuisés. Il faut distinguer entre ceux qui en tirent un complément de revenus occasionnel – la location de la tondeuse ou de la tronçonneuse, celle d’un meublé pour se payer un séjour au mois d’août – de ceux qui en font véritablement profession. Car aujourd’hui, Airbnb est devenu une affaire de professionnels : des réseaux s’organisent pour acheter des appartements et les louer par ce biais. Nous avons intérêt à y mettre le nez, car on ne peut pas laisser filer cette économie-là. Tout le monde est d’accord sur ce point.
Je considère qu’à partir de 23 000 euros de revenus sur un meublé, ce qui correspond tout de même à 2 000 euros par mois – on est loin de la retraite ordinaire – c’est une activité commerciale. Je suis plus sceptique sur le seuil de 3 860 euros, qui peut être vite atteint et en commission, nous avons convenu, avec l’accord du Gouvernement, qu’il était possible de le doubler. Mais, au-delà de ces seuils, 7 720 euros dans un cas et 23 000 euros dans l’autre, il s’agit manifestement d’une activité commerciale, qui doit être soumise aux mêmes cotisations et aux mêmes impôts que celui qui exerce avec pignon sur rue une activité hôtelière ou autre. Nous voyons bien, par exemple avec les taxis et Uber, que tous les secteurs seront mis en compétition. Nous ne devons pas en laisser s’instaurer une qui serait déloyale, parce qu’on nous le reprocherait.
Il n’est pas normal que des revenus ne soient pas soumis à taxation. Il ne s’agit pas de taxer pour taxer cela relève de la loyauté et de la justice. Je nous conseille donc vivement, et j’espère que notre majorité suivra, de considérer que ce qui a été adopté en commission est raisonnable. Peut-être faudra-t-il réviser les choses au cours de la navette, mais pour l’instant tenons-nous-en au doublement du seuil de 3 860 euros.
Mme la rapporteure générale vient de légitimement relancer un sujet qui a été esquissé tout à l’heure. La taxation ou l’imposition des plateformes représente évidemment un sujet important. Les exemples sont connus, et il ne faudrait pas que s’installe l’idée que rien n’est fait. Le droit de communication permet aujourd’hui de traiter le cas de certains particuliers, et le problème des cotisations lorsque la relation peut manifestement être caractérisée comme un contrat de travail. Mais la caractérisation d’établissement stable, car c’est le coeur de l’enjeu, ou encore les transferts d’un pays à l’autre sont également traités.
Tous les sujets sont importants, et cet article ne prétend pas régler la question de l’imposition des plateformes. Cette question, bien connue, est traitée et elle le sera de mieux en mieux si ces questions progressent enfin au niveau international.
Je rappelle que sur les amendements nos 7 et identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public, qui a été annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée. Nous allons procéder au scrutin.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 , 48 , 112 et 599 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 32 Nombre de suffrages exprimés: 32 Majorité absolue: 17 Pour l’adoption: 18 contre: 14 (Les amendements identiques nos 7 , 48 , 112 et 599 sont adoptés et l’article 10 est supprimé. Les amendements nos 69 , 68 , 214 , 49 , 194 , 675 , 591 , 640 , 50 , 195 , 456 , 598 , 875 , 642 , 196 , 498 , 197 , 230 , 497 et 876 rectifié tombent.)
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 27 octobre 2016, à une heure.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly