La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à M. Ranko Krivokapi, président du Parlement du Monténégro.
Mmes et MM les députés et membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Je salue également la présence dans les tribunes d’une délégation de l’Assemblée législative nationale de la République du Soudan du Sud, conduite par M. Joseph Bol Chan, président du Conseil des États de la République du Soudan du Sud.
Mmes et MM les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. Éric Woerth, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Mme Ségolène Royal, et concerne la grève à la SNCF, qui perdure, même si elle s’éteint progressivement. Cette grève, qui aura duré très longtemps, est inexcusable, inadmissible et inexplicable, le Gouvernement ayant pratiquement tout lâché dès le premier jour du conflit.
Cette grève a engendré des difficultés considérables pour les usagers. Partout, des trains ont été supprimés, ce dont nos concitoyens ont beaucoup souffert – de même, d’ailleurs, que presque tous les membres de cette assemblée.
Ma question est donc simple. Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, que les jours de grève ne seront pas payés, ni directement, ni indirectement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le Secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, à quelques minutes du vote, par votre assemblée, de la réforme ferroviaire, il me paraît important de reparler de l’essentiel, c’est-à-dire de la reprise en mains, et surtout du contrôle par la Nation, de notre grand système ferroviaire ; de l’avenir du transport ferroviaire et de sa modernisation ; …
…de la qualité du débat qui a eu lieu pendant trois jours dans cette assemblée à l’occasion de l’examen de cette importante réforme.
« La question ! » sur les bancs du groupe UMP.
Je salue d’ailleurs toutes celles et ceux qui ont participé à cette discussion parlementaire. À n’en pas douter, une grande majorité d’entre vous fera preuve d’un esprit de responsabilité en se prononçant en faveur du projet de loi.
Mêmes mouvements.
Pour le reste, la question que vous me posez, monsieur Woerth, s’adresse au président de la SNCF,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
et je crois qu’il y a déjà répondu dans les médias. Il a en effet confirmé que les jours de grève ne seraient pas payés.
Pour autant, le droit de grève est un droit constitutionnel,…
…s’exerçant dans des conditions qui ont ici été respectées : en particulier, un service minimum a été organisé.
En tout état de cause, ce qui importe, pour le Gouvernement, ce n’est pas les provocations auxquelles il est en butte lors des questions d’actualité,
Protestations sur les bancs du groupe UMP
mais bien le dialogue social ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à Mme Clotilde Valter, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie.
En exprimant, la semaine dernière, sa position à propos de l’avenir d’Alstom, le Gouvernement a marqué sa détermination à agir par tous les moyens à sa disposition pour défendre nos fleurons industriels, nos technologies et nos emplois. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner les grandes lignes de ce que doit être, aujourd’hui, la position de l’État à l’égard de toutes les entreprises qui seraient, demain, dans la même situation ?
La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.
Madame la députée, il est vrai que dans la situation que vous évoquez, une industrie de souveraineté était l’objet d’une offre d’achat conduisant à une sorte d’absorption, et courait un risque de disparition. Avec le Premier ministre et le Président de la République, nous avons fait le choix de maintenir Alstom dans le cadre d’une alliance avec un autre groupe, pour être plus forts dans la mondialisation.
Cette stratégie nous a conduits à choisir de faire entrer l’État au capital de la société Alstom ainsi maintenue.
Pourquoi avons-nous fait ce choix ? Le chiffre d’affaires de General Electric est de 250 milliards ; Alstom est dix fois plus petit : son chiffre d’affaires n’est que de 20 milliards. Comment garantir la durabilité de cette alliance, comment maintenir son équilibre ? C’est la présence de l’État au capital d’Alstom qui le permettra. L’État a ainsi passé un accord à la fois avec Alstom et avec General Electric.
Notre vision est pragmatique. Dans chaque cas, nous analysons les questions, nous regardons les dangers. Dans le cas de l’alliance entre Lafarge et Holcim, madame la députée, nous avons considéré qu’il s’agissait d’une alliance entre égaux, dans laquelle la France est gagnante, et qui permettra de transformer deux leaders européens en un leader mondial.
Le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable nous permet d’intervenir pour contrôler les investissements étrangers en France. Il a été utilisé vis-à-vis de General Electric dans le dossier Alstom. Cet outil nous permet ainsi d’adapter l’investissement étranger en France aux intérêts essentiels de notre pays. Nous travaillons donc dans un esprit de coopération avec les investisseurs étrangers ; nous allions ainsi les valeurs du patriotisme économique avec une politique pragmatique visant à mieux nous organiser pour être plus forts dans la mondialisation.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, le débat sur les budgets rectificatifs est engagé. Ces textes mettent en oeuvre le plan d’économie que vous avez annoncé en avril dernier.
Vous le savez, ce plan fait débat dans notre majorité. Certains députés du parti socialiste, que la presse qualifie de « frondeurs », s’interrogent. Quant à moi, progressiste, je m’inquiète : la gauche au pouvoir ne serait-elle devenue qu’un gestionnaire des déficits publics ?
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
On demande beaucoup d’efforts à nos concitoyens, et le sentiment d’injustice dans notre peuple est grand. Pourtant, des solutions trop peu utilisées peuvent améliorer la situation. Renforcer la lutte contre l’évasion fiscale, augmenter les contributions de la finance, préserver le pouvoir d’achat des ménages : c’est avec des mesures positives et non restrictives que nous retrouverons la confiance.
C’est d’ailleurs dans cet esprit, contrairement à la droite, que plusieurs groupes de la majorité font des propositions pour améliorer le quotidien des Français. Certaines d’entre elles ont reçu un écho favorable de votre Gouvernement : je m’en félicite. D’autres, non : c’est dommage !
On le voit, monsieur le Premier ministre, des désaccords à l’intérieur de notre majorité demeurent. Pour autant, son rassemblement dans sa diversité est essentiel. Il conditionne la réussite d’une politique plus juste pour laquelle les Français se sont exprimés en 2012.
Aussi, au-delà des discussions budgétaires d’aujourd’hui, je souhaite savoir comment vous envisagez de répondre aux inquiétudes de la majorité, et, ce faisant, aux attentes des Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et GDR.
Monsieur le député, il faut agir, et tenir. Agir, parce que notre pays a besoin de réformes. C’est tout le sens des chantiers que nous avons engagés : la transition énergétique, la réforme territoriale – le Sénat vient de s’emparer du projet de loi modifiant la carte des régions. Nous évoquions aussi, la semaine dernière, dans cet hémicycle, la question de la santé. Il s’agit aussi de la réforme de l’État, central et territorial, à laquelle travaille Thierry Mandon, le nouveau secrétaire d’État à la réforme de l’État et à la simplification. Nous devons agir pour réformer et pour faire en sorte que notre pays soit plus fort pour affronter les défis de la compétitivité : les Français nous le demandent.
Nous devons aussi agir pour nos entreprises : il est nécessaire de leur redonner des marges. Depuis douze ans, nous avons en effet perdu des milliers d’emplois dans l’industrie, car nos entreprises sont moins compétitives sur la scène européenne et internationale. Nous avons besoin, oui, de baisser le coût du travail, et d’agir pour nos compatriotes les plus modestes, mais aussi pour les couches populaires et les classes moyennes, en baissant les impôts : c’est le sens des deux collectifs – budgétaire et social – que l’Assemblée examinera au cours des jours prochains. Nous devons, là aussi, dire la vérité aux Français : nous vivons au-dessus de nos moyens. Nos entreprises ont besoin de soutien : n’opposons pas l’offre à la demande, car nous avons besoin d’être plus forts et plus compétitifs.
C’est pour cela qu’il faut agir, mais c’est aussi pour cela qu’il faut tenir, monsieur le député. Un cap a été défini par le Président de la République le 14 janvier dernier. J’ai présenté les axes de la politique de mon Gouvernement et j’ai reçu la confiance de l’Assemblée nationale. J’ai donné la feuille de route du Gouvernement à la représentation parlementaire : c’est le sens du programme de stabilité, qui passe aussi par un engagement fort au niveau européen. Le Président de la République souhaite que l’Europe – il l’a écrit dans une lettre adressée au président du Conseil européen, M. Van Rompuy, qui engage la France et le Gouvernement – soit au rendez-vous en matière d’investissements d’avenir, d’énergie, de numérique, et qu’elle entende la voix des Européens, qui se sont exprimés le 25 mai dernier pour l’emploi et la croissance. Il plaide aussi pour que le pacte de stabilité soit mis en oeuvre avec lucidité, souplesse, et suffisamment d’intelligence pour ne pas casser la croissance qui, aujourd’hui, s’installe en Europe, notamment en France.
Mais il faut tenir, loin de toute politique en zigzag, au gré d’amendements ! Le Parlement, évidemment, débat, et le Gouvernement débat aussi bien avec la majorité qu’avec l’opposition : c’est normal. Et des amendements seront évidemment intégrés aux deux collectifs, mais il y a une ligne, un cap, une volonté.
Nous devons agir et tenir : la cohérence de notre politique doit aller de pair avec la confiance de la majorité, avec la loyauté de tous les parlementaires qui sont dans la majorité. C’est comme cela que j’entends l’action du Gouvernement et de la majorité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche et j’y associe mes collègues Alfred Marie-Jeanne et Bruno Azerot. L’université des Antilles-Guyane connaît une situation d’instabilité depuis son démembrement organisé avec le départ du pôle Guyane.
Nous adhérons aux grandes orientations du projet d’ordonnance que vous avez transmis récemment à la communauté universitaire, notamment la création d’une université des Antilles avec deux pôles autonomes et équilibrés et le maintien des instances élues jusqu’au terme de leur mandat en 2016.
Il apparaît qu’une stratégie de déstabilisation est dans le même temps conduite par des parlementaires de la majorité, visant à destituer l’actuel président de l’université, remettant ainsi en question le principe de continuité des mandats, pourtant prévu expressément par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche de 2013.
Que lui reprochent-ils, au fait ? D’être une femme debout, ça en indispose certains ; d’être une Martiniquaise ayant succédé à un président martiniquais, ça en dérange d’autres ; d’être surtout celle qui a eu le courage de dénoncer des malversations et des méthodes condamnables, banalisées jusque-là au sein d’un laboratoire de l’université. Ces pratiques ont été mises au jour par Médiapart, par la Cour des comptes et par une mission sénatoriale.
N’en déplaise à ceux qui, craignant peut-être d’être éclaboussés par ces affaires en cours, s’en prennent personnellement à la présidente et à son équipe, notre jeunesse a besoin de moralité, d’exemplarité, de sérénité et de pérennité.
Madame la secrétaire d’État, nous attendons une position claire du Gouvernement. Allez-vous céder aux manoeuvres et stratégies dilatoires visant à évincer l’actuelle présidence, ou allez-vous appuyer et accompagner la démarche courageuse et salutaire de la présidente de l’université Antilles-Guyane et de toute son équipe ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à Mme la Secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.
La création de l’université de Guyane a effectivement donné lieu à la constitution d’une nouvelle université, l’université des Antilles, composée de deux pôles : celui de la Martinique et celui de la Guadeloupe.
À la demande des acteurs eux-mêmes, ces deux pôles vont être organisés d’une façon autonome, tant pour la pédagogie que pour le budget. Deux décrets et une ordonnance sont en cours d’élaboration et font l’objet d’une large concertation, à laquelle le ministère a souhaité associer les collectivités territoriales, dans un contexte qui est toujours assez sensible, comme vous le savez.
Au demeurant, ces décrets ne prévoient pas qu’il soit mis un terme au mandat de l’actuelle présidente de l’université des Antilles. Il n’y a donc pas lieu de craindre une quelconque déstabilisation de la gouvernance de cette université. Le ministère veillera à ce qu’elle s’exerce dans les conditions requises, notamment après les quelques bouleversements que la présidence a connus au cours des derniers mois. Nous avons veillé à ce que les personnes responsables soient suspendues, comme le prévoyait le rapport des inspecteurs.
Vous le voyez, monsieur le député, nous voulons, en Guyane et dans les Antilles, constituer deux universités, qui continueront à travailler ensemble sur des projets de recherche intéressants, mais qui ont voulu toutes les deux conserver leur autonomie.
Le secrétariat d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche accompagne les initiatives de terrain, celles des élus qui veulent améliorer la formation et la qualification des jeunes, beaucoup trop souvent au chômage et trop peu formés dans vos territoires. En définitive, ces initiatives contribuent à les accompagner vers l’emploi et à dynamiser vos territoires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Monsieur le ministre, vendredi dernier, le Gouvernement a choisi de soutenir l’offre de General Electric, en vue de préserver les activités de la branche énergie d’Alstom.
Dans un secteur aussi sensible, cette opération, qui prévoit un rachat des titres de Bouygues par l’État pour lui permettre de disposer de 20 % des droits de vote, peut se concevoir. Cependant, dans un contexte budgétaire très tendu, la question de son financement se pose.
Vous avez évoqué la cession de participations de l’État. Pourriez-vous nous dire quelles entreprises seront concernées ? Localement, en particulier dans le territoire de Belfort, les salariés d’Alstom ont accueilli ces annonces avec espoir. Ils souhaitent que les prévisions en matière d’emploi et d’implantation de centre de décision et de recherche se concrétisent.
Au-delà de ces aspects, c’est bien la question de la capacité des industries françaises à se développer ou à parvenir à construire des leaders européens, capables de rivaliser avec des géants mondiaux, qui se pose. Même si cette construction de l’industrie européenne doit prendre du temps, nous aimerions connaître les moyens que vous comptez mettre en oeuvre pour y arriver.
Enfin, les membres du groupe UDI restent très vigilants sur la situation de la branche ferroviaire d’Alstom, qui emploie plus de 9 000 personnes en France, principalement à Belfort et à Ornans.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer en nous garantissant que la solution choisie permet tout à la fois d’assurer l’emploi, l’implantation de centre de décision et de recherche sur notre territoire et un développement de la branche ferroviaire d’Alstom ? Cela nous permettrait d’espérer un avenir pour notre industrie.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.
Monsieur le député, je vais tâcher de répondre à l’ensemble des questions que vous posez. Oui, nous avons pris la décision d’entrer dans le capital d’Alstom pour garantir la pérennité de l’alliance entre General Electric, immense conglomérat, et Alstom, qui reste petit, malgré sa force et sa puissance.
Cette alliance à trois, en quelque sorte, permet d’abord de garantir les engagements pris par General Electric. Ils sont nombreux, notamment en matière d’emploi. Ainsi, General Electric a annoncé la création de 1 000 emplois nouveaux sur le territoire français. Il a d’ailleurs proposé d’assortir d’une pénalité financière le non-respect de ses propres engagements, ce qui n’a jamais été fait et crée un précédent. Nous avons donc un accord assez ambitieux, qui profitera certainement aux régions naturelles d’implantation d’Alstom et de General Electric, comme celle de Belfort.
Comment allons-nous financer le rachat des parts du groupe Bouygues pour entrer dans le capital d’Alstom ? Comme vous le savez, la loi de finance pour 2014 nous a permis de procéder à un certain nombre de cessions de participations. Une partie de ces 110 milliards d’euros de participations dans soixante-dix entreprises cotées ou non cotées, qui appartiennent à tous les Français, doivent être utilisées, non pas pour boucler les fins de mois du budget de l’État, mais pour désendetter ou réinvestir dans d’autres entreprises.
C’est ce que nous avons choisi de faire pour Alstom. Grâce aux cessions de participations dans Airbus, Safran et Aéroports de Paris, nous disposons aujourd’hui de plus de deux milliards d’euros, qui serviront à la prise de participation dans Alstom.
S’agissant de la branche ferroviaire, je me rendrai demain à l’établissement d’Alstom Transport au Creusot, pour donner les détails du renforcement d’Alstom. Je vous remercie, monsieur le député, de votre participation à cette grande bataille, qui permet de maintenir, renforcer, désendetter Alstom et de le tourner vers l’avenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Mes chers collègues, je salue la présence dans les tribunes d’une délégation du groupe d’amitié Corée du Sud-France de l’Assemblée nationale de la République de Corée conduite par son président M. Syekyun Chung.
Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à nos collègues.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent vivement.
La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, vous avez demandé, au cours des mois qui se sont écoulés, des efforts considérables aux Français : 10 milliards d’impôts supplémentaires pesant principalement sur les classes moyennes et les familles modestes dans une année théorique de pause fiscale.
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Dans le même temps, nous apprenons que les dépenses d’assistanat, notamment l’aide médicale d’État qui permet à des étrangers en situation irrégulière d’accéder gratuitement à notre système de santé,…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC. –Applaudissements sur les bancs du groupe UMP
…ont, quant à elles, explosé. Ces dépenses devaient se monter, cette année, à 588 millions d’euros, mais ont atteint744 millions d’euros, soit une augmentation de 25 %.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
C’est le fruit d’abus sans cesse plus importants sur lequel notre collègue Dominique Tian, notamment, vous a alertés.
À l’époque, Mme Marisol Touraine nous avait répondu de façon extrêmement arrogante…
…, je la cite : « Il n’y a pas de fraude. Ce sont des fantasmes. » Où sont les fantasmes quand nous apprenons, par exemple, que certains sites internet proposent rien de moins que des cartes d’aide médicale payantes pour permettre à des étrangers irréguliers d’accéder gratuitement à notre système de santé ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous y avez contribué en faisant sauter la franchise de 30 euros qui permettait de responsabiliser les personnes.
Aujourd’hui, ce système est déraisonnable. Quel message envoie-t-on quand un étranger en situation régulière qui vient pour travailler bénéficie de moins d’aides qu’un étranger en situation irrégulière ? Quel message envoie-t-on quand un retraité devient, grâce à vous, imposable, alors que, dans le même temps, l’étranger en situation irrégulière bénéficie de l’accès à notre système de soins ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vives protestations sur les mêmes bancs.
Les efforts sont toujours pour les mêmes et vous laissez exploser, dans le même temps, l’assistanat !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.
On se calme, mes chers collègues !
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Quel message envoie-t-on, monsieur le député, quand on bafoue comme vous les valeurs de la République,
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP
les valeurs de solidarité et d’humanisme (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP), les valeurs qui fondent notre système de santé et qui font qu’il doit être respecté ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.
Où est l’arrogance, monsieur le député, lorsque, d’un geste de la main, vous balayez ces femmes et ces hommes qui sont confrontés à la maladie et qui ont besoin d’être soignés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, ce sont les médecins eux-mêmes, quels que soient leurs engagements, par ailleurs, et quelles que soient leurs convictions qui affirment qu’il convient de soigner ces femmes et ces femmes suffisamment tôt pour éviter la contagion des maladies !
Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.
Ce sont les médecins qui demandent que l’on prenne en charge des malades porteurs, par exemple, de la tuberculose ou d’autres maladies infectieuses pour que la population qui vit sur notre territoire soit protégée.
Monsieur le député, la défense de nos valeurs, la protection de tous ceux qui se trouvent sur notre territoire n’exclut pas la lutte contre la fraude, lutte que nous menons avec détermination !
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est cette lutte qui nous permet de faire en sorte que nos valeurs d’humanisme et de solidarité soient respectées.
Exclamations sur les mêmes bancs.
J’ai demandé à l’ensemble des caisses primaires d’assurance maladie de faire très exactement le point sur les pourcentages d’aide médicale d’État acceptée et refusée, territoire par territoire, département par département.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, il ne s’agit pas de faire de l’idéologie.,
Exclamations sur les mêmes bancs
de brandir des étendards pour effrayer et faire lever toutes les oppositions dans notre pays,…
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP
…mais de rassembler et de défendre les valeurs de la République !
Mmes et MM. les députés des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent vivement. – Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR et RRDP. – Huées sur les bancs du groupe UMP.
Mes chers collègues, l’assemblée va maintenant retrouver son calme légendaire !
La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
L’écotaxe, créée par le gouvernement Fillon, a été repoussée à plusieurs reprises en raison de la complexité des modalités de mise en oeuvre envisagées. En effet, le décret d’application initial avait été publié le 6 mai 2012 par l’ancienne majorité alors que la conjoncture économique était déjà celle que nous connaissons.
Considérée comme inapplicable par les professionnels, le Gouvernement s’est, par conséquent, trouvé dans l’obligation, au lendemain de l’élection du Président de la République, de proposer la mise en place d’un système opérationnel dans un cadre contraint. C’est ce travail visant à proposer un dispositif fonctionnel et concerté qu’a engagé Frédéric Cuvillier dès sa prise de fonction. Face aux inquiétudes exprimées par de nombreux acteurs économiques cet automne, en particulier en Bretagne, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a suspendu l’écotaxe.
Cette décision marquait une volonté d’écoute et réaffirmait l’exigence de prendre le temps nécessaire pour aboutir à une fiscalité écologique juste et acceptable. Elle a aussi permis de prolonger le travail de concertation engagé depuis plus d’un an au sein des missions parlementaires à l’Assemblée nationale et au Sénat, missions qui ont remis leurs conclusions le mois dernier. Il convient d’ailleurs de saluer ici les rapporteurs de ces missions M. Jean-Paul Chanteguet et Mme Virginie Klès qui, par les travaux qu’ils ont conduits, ont contribué à la définition d’une solution pérenne.
Madame la ministre, en avril dernier, vous indiquiez votre volonté de remettre à plat l’écotaxe poids lourd et d’explorer d’autres possibilités de financement des infrastructures de transport afin de permettre une sortie par le haut à l’ensemble des parties prenantes. Ce week-end, vous avez annoncé la décision du Gouvernement de remplacer l’écotaxe poids lourds par un péage de transit poids lourds. Pouvez-vous détailler à la représentation nationale les contours de ce dispositif ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur le député, le Gouvernement a, en effet, décidé de remplacer un système controversé et incompris par le péage de transit poids lourds. C’est un système de bon sens, juste, efficace et sous contrôle.
« Ben voyons ! » sur les bancs du groupe UMP.
est, premièrement, de bon sens parce qu’il est logique que les gros camions de plus de 3,5 tonnes, notamment ceux du transit international, 80 % des camions étrangers empruntant les routes pour éviter les autoroutes payantes, soient mis à contribution, évitant au contribuable français de payer ces usages. Au nom du principe « utilisateur-payeur », ces gros camions paieront désormais 13 centimes d’euros par kilomètre sur les axes concernés.
C’est, deuxièmement, un système juste parce que sont concernés les grands axes de transit fréquentés journellement par 2 500 camions de plus de trois tonnes et demie.
C’est, troisièmement, un système efficace : 4 000 kilomètres de réseaux sont concernés. Ce prélèvement contribuera à payer les grandes infrastructures de transport du pays à hauteur de 550 millions d’euros. Une expérimentation se déroulera à l’automne pour un dispositif opérationnel en janvier.
Enfin, c’est un système sous contrôle, car la société Écomouv’ avec laquelle, vous l’avez rappelé, le gouvernement Fillon avait signé un marché exorbitant sera mise sous contrôle avec une éventuelle entrée dans son capital de la puissance publique pour que le rendement de ce péage bénéficie massivement à nos infrastructures nationales.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Dans quelques minutes, monsieur le Premier ministre, le Conseil d’État se prononcera sur la situation douloureuse de Vincent Lambert. Cette attente insupportable d’une décision de justice illustre l’impérieuse nécessité de légiférer enfin sur la fin de vie. C’est le droit de chacun d’avoir une ultime liberté de choix qui est en cause.
Depuis 2012, une commission, la commission Sicard, s’est prononcée sur le sujet. Le Comité consultatif national d’éthique a appelé à un débat, qui s’est traduit par la formation d’un jury citoyen. Ces citoyens ont formulé un avis, favorable au suicide assisté et ouvert à une aide active à la mort, dans un cadre extrêmement strict.
Et voilà que le Président de la République confie à deux de nos collègues, les deux mêmes qui avaient travaillé à la loi inadaptée de 2005, le soin de faire des propositions pour un projet de loi qu’on nous annonce pour 2015 !
Monsieur le Premier ministre, on n’y comprend plus rien et, parmi celles et ceux qui se battent, sur ces bancs mais aussi dans la société, pour que la loi évolue vraiment, l’indignation le dispute à la stupéfaction, indignation parce que cette question de la fin de vie ne peut être confisquée par des spécialistes, stupéfaction parce que l’un d’entre eux s’est toujours illustré par un refus obstiné d’envisager suicide assisté et aide active à mourir.
En cet instant, je pense à ces femmes et à ces hommes – des malades, leurs familles, le personnel soignant – que j’ai rencontrés dans le cadre de mon engagement et qui n’en peuvent plus d’attendre. Je pense à celles et à ceux qui n’ont pas la possibilité de bénéficier d’une législation comparable à la loi belge, une législation que je connais bien pour avoir vu des proches en bénéficier.
C’est au nom de ces femmes et de ces hommes que je m’adresse à vous, pour vous demander de nous dire clairement si le débat aura bien lieu sans tabou, pour savoir si votre gouvernement est bien décidé à mettre en oeuvre un engagement qui fut celui du Président de la République et qui demeure une attente des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, sur de nombreux bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je sais, madame la députée, que la question que vous soulevez vous tient très à coeur. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire à plusieurs reprises, le Gouvernement est attaché à faire en sorte que la loi évolue. Le statu quo n’est pas possible, et le Président de la République lui-même a pris l’engagement de faire évoluer le cadre législatif applicable à la fin de vie.
C’est aujourd’hui une journée particulière en quelque sorte puisque, vous l’avez indiqué, le Conseil d’État se prononcera dans quelques instants sur la situation de Vincent Lambert mais, au-delà de ces cas qui occupent l’actualité médiatique, des milliers d’hommes et de femmes ne se retrouvent pas dans la manière dont, actuellement, ils peuvent exprimer leur volonté lorsque vient le moment pour eux de mourir.
C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a nommé deux parlementaires en mission pour voir comment on peut faire évoluer le cadre législatif : pour mieux assurer d’abord le développement de la médecine palliative, c’est un point important ; pour mieux organiser le recueil et la prise en compte des directives anticipées ; enfin pour définir les conditions et les circonstances précises dans lesquelles l’apaisement des souffrances peut conduire à abréger la vie, dans le respect de l’autonomie de la personne.
Alain Claeys et Jean Leonetti vont travailler ensemble. Le débat parlementaire sera ouvert. C’est un débat dont doit se saisir également la société. C’est d’ailleurs ce qui a été engagé à travers de nombreux rapports. Le Gouvernement, je le répète, souhaite faire évoluer le cadre législatif applicable, avec une volonté d’apaisement et de rassemblement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. David Douillet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Aujourd’hui, madame la ministre, les agriculteurs sont en colère contre votre gouvernement. Début mai, une vingtaine d’enfants et une enseignante d’une école primaire de Gironde avaient été pris de malaises après l’épandage d’un produit à base de soufre dédié spécifiquement au traitement de la vigne. La préfecture du département avait alors relevé que ce produit avait été utilisé dans des conditions inappropriées.
Le projet de loi d’avenir de l’agriculture prévoit la définition d’une zone d’interdiction de toute intervention phytosanitaire à proximité des zones d’habitation et des lieux publics, y compris pour les produits homologués en agriculture biologique. En réponse à un malheureux incident isolé, vous appliquez un principe de précaution excessif. Un accident est toujours possible. Ce n’est pas parce qu’il y a des accidents de la route que toute circulation automobile est interdite.
Selon les premières estimations, ce sont 13 millions d’hectares qui sortiraient de la production agricole. Sachez que, pour l’Île-de-France, cette mesure que vous défendez vivement concernera plus de 100 000 hectares de surface agricole, soit 25 % des terres cultivables. Pour les agriculteurs, ce sont au bas mot 250 millions de revenus qui seront sacrifiés.
Sur les filières de l’amont et de l’aval du secteur agricole, les impacts seraient considérables, particulièrement en destruction d’emplois. Est-ce bien ce que vous souhaitez ?
C’est pourquoi je vous demande, avec tous les agriculteurs de France, de ne pas multiplier les contraintes envers les agriculteurs et de revenir en urgence sur l’instauration de cette interdiction.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Il serait inacceptable que toute surface agricole, si minime soit-elle, puisse se voir imposer une restriction aussi arbitraire.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
La loi d’avenir sera discutée cette semaine, monsieur le député, mais, lorsque l’on pose une question, encore faudrait-il préciser avec exactitude de quoi l’on parle.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Jamais vous ne trouverez dans la loi d’avenir ce à quoi vous avez fait référence.
Il va de soi, je l’ai dit et je le répète, que l’objectif de protéger les populations des risques liés à des pesticides est tout à fait conciliable avec celui de permettre aux agriculteurs de protéger leurs productions. Nous aurons l’occasion d’en discuter, si vous participez au débat.
Nous agirons sur les outils à utiliser, tout en protégeant de manière spécifique un certain nombre de lieux publics qui méritent effectivement que l’on fasse attention. Jamais il n’a été question d’instaurer cette limite de 200 mètres autour de toutes les habitations.
Ne relayez pas des affirmations qui ne sont pas vraies. Discutons du fond et vous verrez qu’ensemble, nous serons capables de trouver la bonne solution pour, je le répète, protéger les personnes et protéger les cultures.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la ministre du logement et de l’égalité des territoires, semaine après semaine, les chiffres du logement s’aggravent, confirmant l’effondrement de la construction dans notre pays. Ainsi, les mises en chantier accusent un nouveau recul de près de 20 % sur un an, tandis que le nombre de permis de construire a chuté de plus de 16 % sur la même période. Comment ne pas voir qu’après les 332 000 logements construits en 2013, chaque mois nous éloigne un peu plus des objectifs présidentiels, qui visaient, je le rappelle, 500 000 logements par an ?
Certaines causes sont connues et même très majoritairement reconnues : la question non résolue de l’offre foncière ; le mauvais réglage du prêt à taux zéro qui conditionne l’accession des plus modestes à la propriété ; l’instabilité des règles fiscales et les conséquences directes de la hausse de la TVA, sur laquelle Jean-Louis Borloo avait fortement alerté le gouvernement précédent.
Mais nous voyons en outre apparaître maintenant les suites de l’incroyable accumulation de normes et de règlements produits au cours de ces dernières années. Cette accumulation, qui explique largement l’augmentation des coûts de construction de plus de 50 % en dix ans, ralentit de plus en plus – avec la loi ALUR – les ouvertures de chantiers, bloquant la machine à instruire et à construire au point que c’est désormais la filière du bâtiment tout entière qui est menacée d’effondrement. Faut-il rappeler que, par rapport aux chiffres de 450 000 logements construits en 2007, 120 000 logements de moins, c’est 200 000 emplois perdus ?
Face à un tel constat, qui devrait s’imposer à tous, madame la ministre, quelles mesures urgentes et vigoureuses comptez-vous prendre dans le cadre – et même au-delà – des ordonnances de simplification que nous attendons ?
La parole est à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires.
Monsieur le député, vous avez rappelé les chiffres de la construction, et je partage vos préoccupations, qui sont d’ailleurs celles de nombreux élus sur tous les bancs de cette assemblée. J’aurai, comme vous le savez, l’occasion de présenter demain en conseil des ministres un certain nombre de mesures visant à relancer la construction. C’est en effet essentiel pour soutenir un secteur économique stratégique qui irrigue l’ensemble de nos territoires et permet de créer de la croissance et de nombreux emplois. C’est aussi une exigence sociale : permettre à nos concitoyens d’avoir accès à un logement abordable dans l’ensemble de nos régions. Tel est le sens des mesures que je présenterai demain.
Nous avons d’ailleurs repris plusieurs propositions que le Conseil national de l’habitat, que vous présidez, avait formulées. Je tiens à cette occasion à saluer le travail que vous conduisez.
Des mesures de simplification seront ainsi proposées. Vous avez évoqué le problème des normes qui ralentissent les chantiers. Vous avez également évoqué le prêt à taux zéro pour l’accession à la propriété, que nous voulons en effet rendre plus efficace et plus accessible. Vous avez évoqué aussi la nécessité de soutenir les projets et les chantiers de logements sociaux et intermédiaires ; c’est ce que nous souhaitons tous. J’espère que, sur ces mesures que nous aurons l’occasion d’aborder plus longuement, nous nous rassemblerons et nous mobiliserons, car il y a effectivement urgence à agir en faveur du logement et du redressement économique de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Lucien Degauchy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le Premier ministre, en l’espace de dix mois, trois orages de grêle d’une violence inouïe se sont abattus sur des régions qui n’avaient jamais connu de tels phénomènes, tant par leur intensité que par la grosseur et surtout la forme des grêlons. Ces orages ont causé des millions d’euros de dégâts, sur des centaines, voire des milliers d’hectares de culture. Des hectares de serres et de vérandas ont été pulvérisés, ainsi que des milliers de toitures de maisons et de bâtiments, faisant des milliers de sinistrés, dont certains vivent encore avec des bâches en guise de toiture.
Des rumeurs de plus en plus insistantes, émanant de personnes se disant très bien informées,
« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC
font état d’expériences anti-grêle, menées notamment à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, avec des techniques et des produits nouveaux, ce qui provoquerait des formations de grêlons de taille et de forme peu courantes, dont certains se sont abattus entre vingt et quatre-vingts kilomètres autour de Roissy.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le Premier ministre, j’ai deux questions à vous poser. Tout d’abord, compte tenu de ces événements, allez-vous faire déclencher rapidement l’état de catastrophe naturelle ? Ensuite, s’agissant du dispositif anti-orage installé à Roissy, pouvez-vous nous dire s’il existe réellement ou s’il s’agit d’une rumeur, et, s’il existe, quel peut être son impact ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche… et non des rumeurs !
Rires.
Monsieur le député, nous ne pouvons qu’adresser toute notre sympathie aux populations, notamment du sud-est de l’Oise, qui ont été victimes de ces événements météorologiques extrêmement graves et successifs.
En ce qui concerne un classement en catastrophe naturelle, cela relève de la compétence du ministre de l’intérieur, lequel vous aurait expliqué que la procédure ne peut malheureusement être enclenchée dans la mesure où le préjudice entre dans le champ assurantiel et peut donc être couvert par des contrats d’assurance.
Vous m’avez fait parvenir une revue de presse tout à fait éloquente sur les différents villages touchés ainsi que l’état des serres, notamment des serres de Gauchy, massacrées par la tempête.
Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.
Cela nous permet de mesurer les difficultés rencontrées par les populations et l’ensemble des acteurs économiques.
Je tiens à vous répondre très précisément sur la rumeur dont vous faites état. Il s’agit bien d’une rumeur et je vais vous expliquer pourquoi. Stéphane Le Foll pourrait vous détailler les conditions d’utilisation des canons à nitrate d’argent qui permettent d’éloigner les orages. Dans une zone aéroportuaire, fréquentée par les avions,
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI
…ous ne faisons évidemment pas usage de tels canons car cela pourrait, vous vous en doutez, avoir des conséquences dommageables. Je vous confirme donc que c’est là pure rumeur, et la direction générale de l’aviation civile est à votre disposition pour vous apporter la même confirmation de cette réalité, plutôt heureuse, vous en conviendrez.
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.
La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, l’état calamiteux de la planète n’est plus nié par personne et le projet de loi de programmation d’un nouveau modèle énergétique français que vous avez présenté acte ce constat et traduit une volonté concrète de mettre en oeuvre les mesures qui s’imposent. Permettez-moi tout d’abord de vous remercier ainsi que vos prédécesseurs, Delphine Batho et Philippe Martin, pour avoir associé les députés de la commission du développement durable à la préfiguration de la loi au sein de la commission spécialisée du conseil national de la transition écologique. La démocratie participative est au coeur du développement durable. La question aujourd’hui est de savoir s’il s’agit simplement de changer l’air, très pollué, ou de changer d’ère, c’est-à-dire d’enclencher la troisième révolution industrielle. Vous avez vu le jeu de mots !
Sourires.
Les principes généraux du projet, tels que la baisse des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030, la diminution de notre consommation d’énergie de 50 % d’ici à 2050 et la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité, vont incontestablement dans le bon sens. Cette loi offre aussi un levier de sortie de crise : investir dans la transition énergétique permettra non seulement de réduire nos importations de pétrole et de gaz, mais aussi de créer des emplois non délocalisables et ainsi, au bout du compte, de nous prémunir contre la déflation. Le président de la République avait présenté ce texte comme l’un des plus importants du quinquennat. Madame la ministre, ma question est double. Dans cette période de restrictions budgétaires, l’État se donnera-t-il les moyens de dégager les crédits nécessaires à la mise en oeuvre du grand chantier de la rénovation énergétique ? Et au-delà de cette indispensable transition énergétique, allons-nous, grâce à ce texte, porter l’ambition du véritable changement de mode de développement que nous appelons de nos voeux ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
L’Assemblée nationale sera bientôt saisie du projet de loi portant un nouveau modèle énergétique français pour réussir la transition énergétique. Ce projet s’organise autour de trois idées principales. Il est d’abord une loi d’action et de mobilisation et rassemble des points de vue très divers autour d’un objectif commun : économiser l’énergie, diversifier nos sources d’énergie et créer des emplois durables. Cette loi est accompagnée d’actions concrètes issues de la généralisation de ce qui se fait de mieux dans nos territoires, lesquels ont déjà bien souvent anticipé la mutation énergétique, ainsi que d’actions portées par nos entreprises, notamment dans les filières d’excellence de l’industrie verte et des services verts, qui ont déjà bien souvent aussi anticipé ce changement. C’est pourquoi cette loi est une loi d’action et de mobilisation et non pas une loi de normes ou une loi punitive.
La deuxième idée est de combattre le chômage par la croissance verte et par les énergies d’avenir, en créant des emplois durables, en particulier autour d’une priorité majeure, celle des économies d’énergie par la rénovation des logements. Les ménages français vont pouvoir bénéficier d’allégements d’impôts, de prêts à taux zéro et du tiers financement que les sociétés régionales créées à cette fin pourront désormais leur délivrer. Enfin, ce vaste chantier permettra de concilier une exigence de responsabilité collective, à savoir la lutte contre le réchauffement climatique et les dégâts humains qu’il entraîne, et l’amélioration de la vie quotidienne par une meilleure santé et un plus grand bien-être, grâce au recul des pollutions. Cela permettra aussi de diminuer la facture énergétique de notre pays qui s’élève à 65 milliards d’euros et celle des ménages, en particulier grâce aux bâtiments à énergie positive et aux territoires à énergie positive. Ce modèle de développement est porté par la volonté et l’espoir de réussir notre avenir commun.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Bernard Debré, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre du logement, il y a quelques jours un hebdomadaire révélait qu’une vice-présidente socialiste du conseil régional d’Île-de-France et présidente de la commission d’attribution des logements sociaux de cette région, logeait elle-même dans un logement social.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Qu’une élue, en charge de l’attribution des logements, soit logée dans le parc social d’une collectivité constitue, en soi, une grave entorse à l’éthique publique. C’est une situation qui est d’autant plus choquante quand on sait que 500 000 personnes attendent un logement dans la seule Île-de-France. Elle est d’autant plus choquante aussi qu’au conseil régional, l’opposition UMP conduite par Valérie Pécresse avait demandé la création d’une mission d’information dont le travail a été sciemment entravé par le président, Jean-Paul Huchon.
Ce matin, un autre hebdomadaire révèle que la promesse d’Anne Hidalgo vient se fracasser contre la réalité, puisque certains de ses adjoints – cinq, vraisemblablement – occupent également des logements sociaux.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Bien sûr, ce n’est pas parce que l’on vit dans un logement social que l’on ne peut pas être élu. Mais une fois élu, il faut se mettre en conformité avec les promesses faites. Au moment où la confiance des Français dans les politiques de tous bords s’effrite, au moment où la crise du logement n’a jamais été aussi forte en France, n’est-il pas de notre responsabilité collective de nous imposer des règles éthiques irréprochables et, a minima, de faire la transparence sur cette question des logements ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
J’ai souvent eu l’occasion de dire ici combien il me paraissait important que le débat politique et la manière de s’interpeller de l’un et l’autre camp changent, car, comme vous venez de le rappeler, nous avons les uns et les autres besoin d’agir pour que les Français retrouvent confiance dans la parole et dans l’action publiques. Chacun doit faire un effort et partager cette responsabilité.
Je suis le premier à m’imposer des règles en ce sens et à dire surtout que la majorité, par son comportement politique, doit permettre aux Français de se rassembler autour de l’intérêt général. Mais le rôle de l’opposition est aussi important, parce qu’elle a gouverné et parce qu’elle aspire à gouverner de nouveau. J’ai dit ici même combien je regrettais parfois certaines de nos prises de position quand nous étions dans l’opposition. Mais à voir deux des questions…
…que vous avez posées aujourd’hui, je crois qu’il reste de votre côté beaucoup de chemin à faire. La première, même s’il n’y a pas de tabou, concernait la question de l’immigration. Vous n’avez toujours pas compris qu’à force de jeter les Français les uns contre les autres,
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste – Exclamations sur les bancs du groupe UMP
vous faites le jeu du Front national. Monsieur Debré, il appartiendra au président et aux responsables des collectivités territoriales que vous avez interpellés ici de répondre à votre question, mais pensez-vous sincèrement que c’est aujourd’hui que votre groupe doit nous rappeler quelles sont les règles d’éthique ?
Je ne le crois pas !
De nombreux députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.
La parole est à M. Jacques Cresta, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, comme votre prédécesseur, vous construisez avec tous les acteurs de l’école de la République de demain, et développez une ambition éducative qui a fait cruellement défaut à notre pays durant les dix années pendant lesquelles nous étions dans l’opposition.
Alors que les vacances approchent, ce n’est pas encore l’heure des bilans mais bien celle des ambitions pour les années qui viennent, plus précisément pour la prochaine rentrée scolaire. Vous faites la démonstration, aujourd’hui même, de cette projection dans l’avenir avec le lancement de la conférence nationale sur l’évaluation des élèves. Quand dans notre pays trop d’élèves n’osent plus s’exprimer de peur de commettre une faute, nous avons le devoir de réfléchir et d’agir collectivement.
Sur un tel sujet, parent pauvre des réflexions des politiques depuis trop longtemps, chacun a son point de vue, chacun a son expérience et celles-ci sont souvent contradictoires. Vous l’avez bien compris, car c’est dans un dialogue ouvert avec l’ensemble de la communauté éducative et plus largement avec l’ensemble de nos concitoyens que vous souhaitez mener cette réflexion au bénéfice de tous les élèves, au bénéfice de l’avenir de notre pays.
Dans la perspective de la rentrée 2014, je vous sais comme moi soucieux de l’avenir des enfants des quartiers populaires, trop souvent oubliés auparavant. Votre collègue Mme Najat Vallaud-Belkacem a récemment annoncé les nouveaux quartiers qui bénéficieront de la politique de la ville. Dans le même esprit et dans le même élan, quelles seront, à la rentrée, les actions menées par votre ministère en direction des zones géographiques nécessitant une attention plus importante et comment entendez-vous faire évoluer les dispositifs d’éducation prioritaire ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur Cresta, le Premier ministre vient de rappeler qu’il est de notre responsabilité de redonner confiance dans les institutions de la République, et notre conviction, c’est qu’il y a peu de chance que la France s’apaise si nous n’apaisons pas l’école.
Apaiser l’école, c’est redonner confiance dans l’institution scolaire
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
…et dans sa capacité à tenir sa promesse d’égalité : les 60 000 professeurs de plus, le retour de la formation initiale des enseignants, la réforme des rythmes éducatives, la priorité à l’école primaire …
…ont rythmé les choix politiques du Gouvernement depuis deux ans.
Cette année, nous allons ouvrir deux chantiers supplémentaires.
Il s’agit, d’une part, de la refonte de l’éducation prioritaire, qui va nous amener à déterminer les territoires dans lesquels nous devons concentrer qualitativement et quantitativement les moyens de façon à permettre aux élèves les plus en difficulté de pouvoir, eux aussi, réussir. Ce sera mis en oeuvre à partir d’un indicateur robuste, nouveau, sur le nombre d’élèves en situation d’échec en sixième, le nombre de boursiers, le nombre d’élèves appartenant à des familles défavorisées ou vivant en zone urbaine sensible. En fonction des résultats de cet indicateur, le Gouvernement redéfinira la carte de l’éducation prioritaire ; les professeurs y seront mieux payés, mieux formés et y disposeront de plus de temps collectif pour préparer leur projet éducatif, ayant ainsi davantage de stabilité pour répondre à la promesse de l’école républicaine à l’égard de tous les enfants.
D’autre part, nous allons ouvrir le chantier de l’évaluation. Il est conjoint de celui des programmes et du socle commun de compétences, de connaissances et de culture – ce que nul n’est censé ignorer au terme de la scolarité obligatoire – car nous avons constaté qu’aujourd’hui, l’évaluation à la française stigmatise trop les lacunes et qu’elle n’est pas assez adaptée à la nécessité de valoriser les progrès, différenciant ce qui est acquis par l’élève et ce qui lui reste à acquérir. C’est la raison pour laquelle j’ai confié au physicien et philosophe Étienne Klein le soin de présider un jury, dans le cadre de la conférence nationale sur l’évaluation, jury qui me fera des propositions pour évaluer de manière plus exigeante et plus bienveillante les élèves de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes GDR et RRDP.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le 13 mai dernier, répondant à une question d’actualité, vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre : « Le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays est devenu insupportable. La hausse de la fiscalité de ces dernières années est elle-même devenue insupportable. » Depuis 2012, la fiscalité sur les entreprises et sur les ménages a en effet augmenté de 30 milliards d’euros. Nous allons examiner le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale dès cet après-midi en commission. Mais, au-delà de cet exercice attendu, il est à craindre que la déception ne soit une nouvelle fois ressentie par nos concitoyens.
Si le projet de loi prévoit une baisse du coût du travail de 6,5 milliards d’euros, ce n’est pas avant 2015. S’il annonce un milliard d’allégements supplémentaires de la C3S, c’est en 2016. S’il envisage 4,5 milliards de baisse des cotisations d’allocations familiales pour les salaires inférieurs à 3,5 SMIC, c’est en 2015. Pourquoi la suppression de la C3S est-elle renvoyée à 2017 ?
Par ailleurs, vous avez annoncé 21 milliards d’économies sur le budget de la Sécurité sociale, dont 10 milliards sur l’assurance maladie, suscitant l’inquiétude légitime et grandissante des hôpitaux de proximité.
Le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale risque donc d’être un coup d’épée dans l’eau en ne répondant pas aux défis. Le gel des prestations semble plus aisé à réaliser que l’engagement de réformes structurelles. Ainsi, vous avez reporté pour six mois d’abord, puis jusqu’au 1er octobre 2015, la revalorisation des pensions de retraite. Une nouvelle fois, voilà un texte qui va peser sur le pouvoir d’achat des classes moyennes, gelant les retraites pendant dix-huit mois, c’est-à-dire du 1er avril 2014 au 1er octobre 2015.
Quand donc allez-vous engager une réforme durable, ambitieuse et pérenne de notre système de protection sociale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame Louwagie, je vous remercie d’avoir rappelé les principaux éléments – en faisant quelques erreurs que je vais me permettre de corriger –
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
qui caractérisent les textes qui vous sont présentés et que vous allez débattre, textes qui, je l’espère, seront largement soutenus. Il s’agit du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, soit l’acte I et l’acte II du pacte de responsabilité et de solidarité, qui entre ainsi dans les faits.
Ce dispositif va d’abord permettre aux entreprises françaises de bénéficier d’un certain nombre d’allégements de leurs cotisations ou de leurs impôts pour investir et pour embaucher. Depuis douze ans – pas depuis deux ans ! –, la marge des entreprises françaises n’a cessé de diminuer,…
…et c’est nous qui dès maintenant, avec le CICE, leur apportons 7 milliards d’euros pour investir et pour embaucher, ainsi qu’avec la baisse des cotisations jusqu’à 1,6 SMIC dès le 1er janvier ! Et puis il y aura la diminution de la C3S dès 2015 – et non pas 2016 – à hauteur d’un milliard, ce qui leur permettra également d’investir et d’embaucher.
Mais dans le pacte de responsabilité et de solidarité, il y a aussi le pouvoir d’achat, celui des plus modestes mais également celui d’une grande partie des classes moyennes. Nous allons ainsi faire sortir de l’impôt sur le revenu des ménages que les décisions de votre majorité d’alors – mais les nôtres aussi – ont fait entrer dans l’assiette. Soyez suffisamment perspicaces, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, pour reconnaître vos responsabilités et pas seulement la nôtre dans cette affaire.
Oui, c’est du pouvoir d’achat pour les plus modestes, avec la baisse de l’impôt sur le revenu et avec la diminution des cotisations sur les bas salaires ; oui, c’est du pouvoir d’achat qui va être rendu aux ménages les plus modestes de France, le tout financé par des économies et non pas par des augmentations d’impôt. Voilà le pacte de responsabilité ! Discutez-en et votez-le !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Réforme de la protection sociale
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis pour faire face à la crise du secteur ferroviaire – un secteur on ne peut plus endetté avec, aujourd’hui, 40 milliards d’euros de dettes – et pour saisir l’opportunité d’un changement, afin d’engager un développement nouveau de notre système de transport.
La bonne compréhension d’une crise nous aide à en sortir dans des conditions acceptables : constater le problème, comprendre les erreurs du passé et mettre en oeuvre une stratégie collective permet de transformer les menaces en opportunités.
Nous connaissons tous de façon précise les erreurs qui ont été commises. Des décisions d’investissement ont été prises sans être suivies d’une réflexion concernant l’équilibre d’exploitation des lignes nouvelles – il était d’autant plus facile pour l’État de créer des lignes à grande vitesse que l’on transférait la charge à RFF. La dette a été cachée et mise à l’abri du regard de l’Union européenne, donc non liée aux engagements d’équilibre budgétaire de notre pays – quoi de plus simple que de payer des investissements par de l’endettement ? La séparation entre RFF et SNCF, qui date de 1997, n’a pas réussi à faire ses preuves et a souffert d’un manque flagrant de cohérence et de communication.
Par ailleurs, il a été difficile de reconnaître que le monde avait changé dans le transport ferroviaire et que l’époque des monopoles et du service public était révolue. Enfin, l’idée d’envisager des financements innovants, ceux qui, tôt ou tard, s’imposeront à tous, est paralysante : je pense très précisément à la fiscalité environnementale et à l’écotaxe. Comme à l’époque de la crise de 1929, la pensée officielle est tétanisée. Quelle faute politique grave, mes chers collègues, que de vouloir passer par pertes et profits une bonne partie de l’écotaxe, alors que chacun sait que ce type de redevance est le levier du financement du transport durable !
À l’UDI, nous croyons aux modèles, car ils donnent du sens, et à ceux qui les mettent en oeuvre. En matière de transport, nous pensons qu’il est impossible de dissocier les infrastructures des exploitants commerciaux. La concurrence sans règles des sociétés de transport, déconnectées des équipements, n’est pas un modèle adapté à notre histoire et à notre culture. Nous n’aimons pas non plus brader notre patrimoine. Nous privilégions l’exemple de la Deutsche Bahn, l’opérateur historique allemand, confronté aux mêmes difficultés il y a vingt ans, et qui a réussi à les surmonter en restant accolé au réseau.
Nous croyons aussi aux femmes et aux hommes qui travaillent dans le secteur ferroviaire, notamment aux dirigeants qui se sont engagés, par le regroupement des activités de réseau et d’exploitation, à réaliser des économies d’échelle de l’ordre d’un milliard d’euros par an.
C’est pourquoi nous apportons un soutien de principe à ce texte, d’autant que nous voyons une stratégie publique se mettre en place et que les amendements déposés par notre rapporteur afin d’éviter des erreurs d’investissement du passé nous rassurent.
Restent – ou restaient – d’autres exigences, fondamentales à nos yeux. S’agissant du renforcement du rôle de l’autorité indépendante de régulation ferroviaire, l’ARAF, un marqueur de ce texte, des amendements ont été adoptés qui nous rassurent. Il s’agit de s’assurer du contrôle de l’exploitant historique et de veiller à sa neutralité vis-à-vis de la concurrence actuelle et future.
D’autres domaines n’ont pas été abordés, ce qui est d’autant plus regrettable que nous devrons y revenir tôt ou tard. Alors que l’ouverture à la concurrence du secteur du transport voyageurs est inéluctable, ce texte ne la prépare en aucune façon. Il aurait suffi de renforcer le pouvoir des régions.
Alors que dans le transport de marchandises, secteur déjà ouvert, les concurrents ont pris 26 % des parts de marché en sept ans sur la base d’un temps de travail et d’une mutualisation des tâches mieux organisés, ce texte se garde bien d’évoquer une quelconque remise à plat de certains postes de cheminots.
Enfin, la question de la reprise de la dette par l’État se pose. Cette réforme, si elle conduit aux économies escomptées, ne réglera qu’une partie du déficit actuel.
Le groupe UDI a choisi une attitude constructive et responsable face à un texte, certes très perfectible, mais absolument nécessaire. Mes chers collègues, la création de trois établissements publics industriels et commerciaux – EPIC – n’est pas une solution idéale, l’ouverture à la concurrence n’est pas abordée, le texte manque d’ambition…
…mais, tout en mettant en garde le Gouvernement, le groupe UDI votera cette réforme nécessaire. Nous devons accepter une première solution de sauvetage du système ferroviaire et faire confiance aux cheminots.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, dans quelques instants, nous procéderons au vote solennel du projet de loi portant réforme ferroviaire.
Nous l’avions dit avant même que ne débute son examen, ce texte était attendu et nécessaire. D’abord, en raison de la crise profonde que traverse le système ferroviaire français : la séparation, d’ailleurs inaboutie, de la SNCF et de RFF a été un échec sur les plans opérationnel et financier. La dette cumulée a atteint le seuil critique de 44 milliards d’euros ; les doublons, et surtout les conflits entre les structures, se sont multipliés. Les usagers, comme les autorités organisatrices de transports, ont souffert des nombreux dysfonctionnements du système.
L’agenda européen, également, rend nécessaire ce texte : les eurodéputés ont adopté en février le quatrième paquet ferroviaire, qui prévoit notamment l’ouverture du transport de passagers à la concurrence et la séparation des activités réseaux et exploitation d’ici 2022. Dans ce contexte, il était urgent d’élaborer une réforme qui réponde à un double impératif : proposer un montage juridique compatible avec le droit européen ; moderniser notre système ferroviaire pour répondre aux attentes des usagers, des cheminots et des dirigeants de la SNCF et de RFF. Quand les problèmes sont identifiés depuis plusieurs années, notre devoir de législateur est de les résoudre !
La création d’un groupe public ferroviaire, constitué de trois EPIC – la SNCF, pour le pilotage stratégique, SNCF Réseau, pour les voies, et SNCF Mobilités, pour l’exploitation – permet de répondre efficacement à ce double impératif. Cette nouvelle structure garantit un haut niveau de service public ; elle préserve et renforce même le caractère public de notre système ferroviaire et elle est conforme au droit européen. Elle s’inspire de l’exemple allemand de la Deutsche Bahn, qui a montré son efficacité.
Les députés écologistes ont souhaité être force de proposition pour améliorer ce texte sur trois volets. Nous avons souhaité que le rôle stratège de l’État soit renforcé, car nous voulons développer le transport ferroviaire en France, qu’il s’agisse du transport de passagers, à tous les niveaux, du local à l’international, ou de transport de marchandises.
Nous avons donc insisté sur la programmation pluriannuelle, la stratégie ferroviaire, ainsi que sur la valorisation et la modernisation du réseau interrégional, mieux connu sous le nom d’« Intercités » ou de « Corail ». Nous avons également considéré que le rôle des régions devait être valorisé, au nom du principe « payeur décisionnaire ».
La régionalisation des trains express régionaux – les TER – est un succès, mais cela a amené les régions à consentir les investissements et les subventions de fonctionnement importants. Il est donc logique que les régions soient davantage impliquées dans la gouvernance du système ferroviaire. Pour nous, ce chantier ne fait que commencer.
Enfin, les écologistes, comme d’autres groupes, ont jugé nécessaire de consolider le volet social du texte, afin que les salariés et les partenaires sociaux disposent de toutes les garanties requises sur les questions de régime, de représentativité syndicale et de conditions du dialogue social – des inquiétudes s’étaient exprimées.
Sur une trentaine d’amendements déposés par les écologistes, plus de la moitié ont été adoptés. Je me réjouis de la qualité du dialogue que nous avons pu nourrir, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur. Cette réforme porte la marque d’un partenariat constructif entre les diverses sensibilités de la majorité, et même au-delà. Bien entendu, ce texte pourra encore être amélioré lors de la navette parlementaire, afin que notre système ferroviaire puisse pleinement s’inscrire dans une vision stratégique et intégrée des services de mobilité. Mais nous disposons, avec cette réforme, d’une base solide.
Enfin, ce débat a questionné la pertinence de certains grands projets. Alors que se profile le chantier crucial de la transition énergétique et que les transports représentent – je le rappelle – 26 % de nos émissions de gaz à effet de serre, nous ne pouvons occulter la question des financements nécessaires à la conversion de nos modes de transports et celle des choix budgétaires.
Dans ce contexte, le maintien de projets tels que la ligne Lyon Turin, qui coûterait près de 25 milliards d’euros, ou l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes vient percuter les nouvelles priorités affichées par le Gouvernement, en faveur des transports du quotidien.
L’actualité nous rappelle également que la ressource que constituait la taxe poids lourds va nous manquer cruellement, puisque le dispositif dit « des péages de transit » rapportera 650 millions d’euros de moins que prévu. Nous attendons du Gouvernement qu’il présente des garanties afin que les investissements, sur les infrastructures ferroviaires notamment, soient financés.
Les écologistes voteront pour ce projet de loi, texte nécessaire, responsable et prometteur.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons déjà salué la performance du Gouvernement, qui a conçu sa réforme en intégrant en amont les exigences du monde cheminot, en préservant le statut public d’EPIC et un grand groupe intégré. Il y est parvenu, après avoir remporté, avec nos alliés allemands, une belle victoire du pragmatisme sur les idéologues aveugles de la concurrence frénétique au sein de la Commission européenne.
Le chemin de fer est un transport public. Par rapport à ses concurrents, la voiture, le camion ou l’avion, il est contraint par de grandes rigidités en termes d’exploitation. Ses caractéristiques propres limitent les effets positifs que la concurrence, par ailleurs, peut avoir sur d’autres secteurs. Il eût été absurde et vain de vouloir lui appliquer des paradigmes inconciliables avec ses spécificités.
N’oublions pas que le secteur ferroviaire est stratégique pour la France. La SNCF réalise un chiffre d’affaires de 32 milliards d’euros, emploie 155 000 cheminots et plusieurs dizaines de milliers de salariés et collaborateurs. En réponse à un modèle économique en échec, à une dette difficilement soutenable de 43 milliards d’euros, et à la désintégration du gestionnaire de l’infrastructure, cette réforme était attendue.
Elle est d’ailleurs issue des longues réflexions menées par toutes les sensibilités politiques de notre hémicycle, puisqu’elle reprend en grande partie les conclusions des Assises du ferroviaire de 2011, en particulier la gestion initiée de l’infrastructure. Le volume et la technicité des travaux exigent une étroite collaboration entre les différentes activités de l’infrastructure ainsi qu’entre l’infrastructure et l’exploitation.
Les députés du groupe RRDP sont favorables à l’architecture du projet de loi pour distinguer entre infrastructure et transports mais pas pour les séparer. Le texte a ainsi pour ambitions de préparer l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, de donner une meilleure cohérence opérationnelle et fonctionnelle à la SNCF et de consolider le groupe public pour préserver son avenir industriel en lui donnant les moyens de rivaliser face aux opérateurs étrangers comme la Deutsche Bahn, qui lui a aussi servi de modèle.
C’est un texte nettement amélioré, enrichi de plus de trois cents amendements adoptés en commission et en séance qui est aujourd’hui soumis à nos suffrages. Si ces amendements sont essentiellement rédactionnels, de nombreux autres, significatifs, ont été adoptés et le groupe RRDP n’est pas étranger à une bonne partie d’entre eux.
Avec plus de trente amendements adoptés et plus de quarante satisfaits, nous avons largement contribué au perfectionnement de ce texte et nous nous réjouissons de ce que nos collègues, dépassant les clivages classiques, tout comme le Gouvernement, n’aient pas été insensibles à nos propositions.
Dans l’ensemble, nos amendements tendaient à trouver un compromis équilibré entre la consolidation du groupe public ferroviaire SNCF, la préparation de la possibilité de la concurrence, le renforcement du modèle économique et financier du système ferroviaire et une meilleure reconnaissance des autorités organisatrices de transports régionales comme autorités de plein exercice, dotées de responsabilités à la hauteur de leurs participations au financement du système ferroviaire.
Ainsi, nous avons défendu et fait adopter de nombreux amendements pour renforcer la sécurisation juridique et l’unité du groupe public ferroviaire, améliorer la mutualisation des fonctions pour la négociation sociale et la mobilité des salariés entre les trois EPIC que créé le projet de loi. Nous avons également participé à l’adoption de nombreux amendements qui visaient à clarifier et renforcer le rôle, le pouvoir et les missions de l’autorité de régulation des activités ferroviaires – l’ARAF.
Enfin nous avons fait adopter des amendements relatifs à l’intermodalité, à la conformité au droit issu de l’Union européenne, à l’optimisation de l’utilisation du réseau au bénéfice du service rendu aux utilisateurs et nous ne sommes pas étrangers à l’adoption de quelques amendements rédactionnels forcément majeurs.
Qu’il s’agisse du rôle de l’État stratège, du groupe public ferroviaire unifié, des gares, du régulateur, du décret-socle, de la convention collective ou du rôle des régions, même si toutes nos propositions n’ont pas été satisfaites, nous sommes globalement heureux des débats parlementaires qui ont permis d’enrichir considérablement le texte et se sont déroulés dans d’excellentes conditions. J’en remercie le secrétaire d’État, ses collaborateurs, le rapporteur ainsi que tous nos collègues, sur tous les bancs de l’Assemblée.
Monsieur le secrétaire d’État, vous l’aurez compris, ce n’est pas une surprise, vous pourrez compter sur les députés du groupe RRDP pour soutenir cette réforme. À l’heure où le système ferroviaire est fortement critiqué, parfois légitimement, je profite de cette tribune pour redire, au nom des députés de mon groupe, notre attachement au monde cheminot et au grand groupe public SNCF. Le chemin de fer français a une belle histoire, une tradition d’excellence, un savoir-faire réputé, et il est considéré comme l’un des meilleurs du monde. Si nous nous devons de relever les dysfonctionnements afin de les améliorer, ce que nous venons de faire, nous devons également réaffirmer notre fierté du système ferroviaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes engagés en Europe, depuis plus de vingt ans, dans un processus continu de libéralisation des services publics des transports.
Depuis la première directive européenne de libéralisation du secteur des transports, en 1991, la Commission poursuit le dogme de l’efficience du marché en s’appuyant sur le principe de la « concurrence libre et non faussée » inscrit dans les traités européens.
Le projet de réforme soumis à notre vote aujourd’hui s’intègre à ce vaste programme de libéralisation. Il anticipe le quatrième paquet ferroviaire européen dont l’unique préoccupation est de « fournir des services ferroviaires efficients, de supprimer les défaillances du marché, les entraves à l’entrée et les procédures administratives contraignantes, qui nuisent à l’efficience et à la compétitivité du secteur ».
Ce processus de libéralisation ne porte aucune volonté d’améliorer la qualité du transport due aux populations dans le cadre d’un service public. Il ne porte aucune ambition de report modal, qui est pourtant un élément clef de la transition écologique.
Le seul but est de disloquer les entreprises publiques historiques, de garantir le libre accès au réseau ferroviaire et de mettre en concurrence des entreprises privées, sur fond de dumping social.
Certes, le droit des États membres à organiser leurs services publics a permis à la France, à la suite de l’Allemagne, d’ impulser une démarche moins radicale que celle préconisée par Bruxelles. Certes, la Commission a ouvert une brèche en acceptant qu’« une structure verticalement intégrée, en holding, puisse aussi assurer l’indépendance requise », sous réserve que des murailles strictes garantissent la séparation juridique, financière et opérationnelle nécessaire.
Pour autant, ce texte est tributaire du compromis passé avec la Commission. Malgré le volontarisme et l’engagement du ministre, il reste donc profondément ambivalent.
Il met fin à la séparation stricte des activités entre RFF et SNCF intervenue en 1997, mais pas à l’émiettement en activités de plus en plus autonomes, à la multiplication des filiales, à la généralisation de la sous-traitance, à l’abandon du fret.
La nouvelle architecture se plie aux injonctions de la Commission européenne qui exige que le holding de tête n’empiète pas sur les fonctions dévolues à SNCF Réseau et que SNCF Mobilités ne puisse exercer d’influence sur les décisions tenant au réseau.
Cela étant, le débat parlementaire aura permis d’enregistrer quelques avancées. Des pas ont été franchis pour garantir une plus grande unicité économique, sociale et technique du nouveau groupe ferroviaire public. Les trois EPIC auront ainsi un caractère indissociable et solidaire et disposeront d’un comité central de groupe. Le débat aura également permis de mutualiser quelques fonctions sociales dans l’EPIC de tête.
Nous prenons acte que le Gouvernement s’est engagé à proposer au Parlement des solutions pour régler le problème de la dette et à enfin verser au débat notre proposition de créer une caisse d’amortissement.
En l’état, votre texte n’ouvre cependant aucune perspective nouvelle sur le financement de la rénovation et du développement du réseau, à l’origine de la majorité des désagréments quotidiens des usagers. Il insiste au contraire sur la nécessité pour le système ferroviaire de réaliser des gains de productivité qui se traduiront immanquablement par une diminution des investissements, une hausse des tarifs, une pression supplémentaire sur l’emploi et les conditions de travail, au détriment du service public.
Sans moyens de financement renouvelés, il ne sera pas possible de rebâtir le grand service public ferroviaire que nous appelons tous de nos voeux, un service public qui réponde aux attentes des usagers et relève le défi de la transition écologique.
C’est cette aspiration à rebâtir un grand service public ferroviaire qui était au coeur des revendications des cheminots. Le scandaleux lynchage médiatique de la semaine dernière n’a pas permis d’entendre leurs revendications ni de faire droit à leurs légitimes préoccupations.
Leurs craintes comme leurs aspirations rejoignent notre appréciation sur un texte qui n’est pas à la hauteur des enjeux.
À l’issue de cette première lecture, nous sommes conduits à émettre un vote négatif.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. Rémi Pauvros, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, la loi que nous allons voter permet aux Françaises et aux Français de rester, le plus longtemps possible, propriétaires de notre grande entreprise du ferroviaire, la SNCF, à travers la création d’un groupe public intégré. C’est de cela qu’il s’agit !
Aux cheminots qui en douteraient encore et à ceux qui ont repris, dans leur immense majorité, le travail, je veux dire que leurs inquiétudes, qu’elles aient été exprimées dans la rue ou à travers leurs syndicats, ont été entendues. Plus que cela : elles ont été traduites, par la représentation nationale, dans le texte de la réforme. J’en appelle maintenant à la responsabilité de chacun afin d’accorder au débat qui vient d’avoir lieu dans cet hémicycle tout le respect qu’il mérite. Si les insatisfactions peuvent bien entendu continuer de s’exprimer, le travail parlementaire doit aussi être respecté à sa juste valeur, c’est-à-dire comme l’expression de la représentation nationale. L’enfumage est un mot qui fait penser au XIXe siècle, et non au XXIe. J’adresse à cet égard un message de solidarité aux usagers qui ont souffert des interruptions de service la semaine dernière.
Je souhaite également saluer le travail remarquable de mes collègues, du président Jean-Paul Chanteguet, de Philippe Duron ainsi que de notre rapporteur Gilles Savary lors de l’examen de ce texte,
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC
tout en remerciant Frédéric Cuvillier pour la qualité des relations qu’il a su instituer entre le Parlement et le Gouvernement sur le sujet.
Ce texte répond donc à un certain nombre d’objectifs clairs et précis que je souhaite ici rappeler.
Notre premier objectif est simple : nous devons conforter notre outil ferroviaire et le préparer à affronter l’avenir plutôt qu’à le subir. C’est la raison pour laquelle nous mettons en place un groupe public ferroviaire totalement intégré. Cette réforme doit en effet créer les conditions de l’enracinement d’une nouvelle culture transversale de notre outil ferroviaire. Un comité d’entreprise commun, des élections professionnelles anticipées, l’indissociabilité des trois EPIC qui composent le groupe, le rappel de la hiérarchie des normes entre accord d’entreprise et accord de branche pour éviter le moins-disant social, sont autant d’attentions et de garanties portées par la majorité pour redonner confiance à la nouvelle SNCF et à ses salariés et pour se tourner sereinement vers l’avenir.
Notre deuxième objectif est tout aussi important à nos yeux : remettre au coeur du système la notion de service public. Le modèle du ferroviaire est en train de changer dans notre pays. Les lignes à grande vitesse ne représentent désormais plus la priorité de notre politique ferroviaire, la SNCF doit résolument se tourner vers les nouvelles attentes de la population que sont les trains de proximité. Dans cette nouvelle géographie du transport ferroviaire, la séparation entre le rail et le train n’a pas de sens. L’Europe, sous l’influence de la France et en particulier de l’action de notre secrétaire d’État aux transports l’a compris. La SNCF ainsi réunifiée doit plus que jamais répondre à cet objectif de service public en développant l’accès au train à tous ceux qui en sont aujourd’hui privés pour des raisons de proximité, de desserte, ou de coût.
Notre troisième objectif concerne évidemment la famille cheminote. La réunir et la conforter dans son statut était pour nous une condition indispensable au redressement de notre système ferroviaire et à son ouverture sur l’Europe et le monde. C’est en remettant le cheminot au coeur du système ferroviaire que nous pourrons réussir son redressement.
Notre quatrième objectif a été rappelé avec force au cours des débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle : la maîtrise de notre dette ferroviaire. Je dis bien « notre dette », car sa responsabilité pèse sur les épaules de chacun d’entre nous, et il est tout à l’honneur de notre majorité d’avoir su créer les conditions de sa rémission. Une règle d’or viendra ainsi dégager le gestionnaire d’infrastructure de toute responsabilité financière vis-à-vis des nouveaux investissements non-rentables tandis que le Gouvernement s’engage à travailler plus efficacement à la réduction de la dette en cours.
Notre dernier objectif, amorcé à travers ce texte, est plus général. En effet, notre réforme ferroviaire est également une première étape permettant d’accompagner les mutations importantes que connaît la mobilité dans notre pays et en Europe. Tous les jours, près de 4 millions de voyageurs voyagent avec la SNCF. Plus que jamais, la mobilité fait partie des facteurs principaux d’intégration sociale pour les citoyens et de développement économique pour les entreprises. La France a toujours été reconnue à travers le monde pour la qualité de ses infrastructures de transport et il faut que cela continue.
La question de la mobilité est également étroitement associée à celle de la transition énergétique et de l’intermobilité intelligente. Ces questions seront plus amplement développées à l’occasion de futurs débats notamment dans le cadre de la loi sur la transition énergétique. L’État et le Parlement seront là pour accompagner la SNCF dans cette nouvelle ère du transport ferroviaire qui s’ouvre pour les voyageurs ou les marchandises car nous n’oublions pas le fret, secteur stratégique sur lequel nous sommes en retard.
Voici, en quelques mots, l’horizon que nous donnons à cette réforme : garantir l’avenir de l’une des plus belles entreprises publiques et lui donner les moyens de replacer la notion de service public au coeur de son ADN. Ce texte permet de franchir un cap et de poser les bases d’une nouvelle période de développement de la SNCF, car des retours en arrière seront toujours possibles après l’adoption de ce projet de loi. La voix de ceux qui croient en l’avenir de la SNCF s’exprimera toujours plus fort que ceux qui ne voient dans notre système de transport ferroviaire qu’un marché supplémentaire à découper pour mieux l’offrir à la concurrence.
C’est pourquoi, chers collègues, je vous appelle à voter en faveur de ces deux lois, la loi organique complétant spécifiquement le dispositif, afin d’envoyer collectivement un signal fort à l’ensemble des acteurs concernés qui nous regardent, et de leur dire que nous comprenons leurs craintes et que nous les jugeons légitimes. À cet égard, nous pouvons tous être fiers du travail accompli !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.
La parole est à M. Dominique Bussereau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Dans sa très grande majorité, le groupe UMP ne votera naturellement pas en faveur de ce projet de loi.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Votre Gouvernement, monsieur le Premier ministre, a réussi un exploit qui restera dans les annales des universités politiques d’été – vous pourrez en parler à La Rochelle dès la fin du mois d’août – et dans les écoles de journalisme : comment faire une réforme pour la gauche de la gauche syndicale en la mettant sur-le-champ sur les rails et dans la rue ! Bravo : il fallait le faire !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Hélas, cette petite plaisanterie coûte environ 200 millions d’euros à la SNCF, un coût lié aux salaires des grévistes – M. Woerth vient de soulever cette question à juste titre – mais aussi à l’abaissement de notre système ferroviaire, à la perte de parts de trafic, en particulier dans le fret, qui ne pourront pas être récupérées et, naturellement et surtout, à la gêne induite pour nos compatriotes.
Nous ne voterons pas cette réforme, monsieur le Premier ministre, parce qu’elle est antieuropéenne.
Quelles qu’aient été les démonstrations de M. Cuvillier, y compris au moyen de la lettre de M. Kallas, dont il ne nous a lu qu’une partie, il va de soi que cette réforme ne saurait être acceptée par l’Europe et qu’elle sera un jour remise en cause.
De même que le système de la Deutsche Bahn faitactuellement l’objet de procédures devant la Cour de justice de Luxembourg et qu’il a été condamné, votre futur système le sera aussi.
D’autre part, cette réforme qui consiste a créer des EPIC – un de plus, alors même que l’Europe nous demande de créer des sociétés anonymes : décidément, vous n’êtes pas à une incongruité près ! – est anticoncurrentielle. Aujourd’hui, plus de 30 % du trafic de fret ferroviaire en France est réalisé par des sociétés autres que la SNCF et par des opérateurs ferroviaires de proximité, et c’est heureux. Avec le décret-socle que vous voulez imposer aux uns et aux autres, le système que vous allez instaurer comportera des contraintes anciennes qui ne sont pas forcément adaptées au modèle économique moderne de la SNCF mais qui s’appliqueront à celles et ceux qui sont compétitifs, y compris les propres filiales de la SNCF qui parvenaient à prendre des parts de trafic à leur opérateur historique parce qu’elles appliquaient des règles sociales plus souples.
La troisième raison qui nous incite à ne pas voter en faveur de ce projet, c’est qu’il ne règle aucun problème d’ordre financier. Chacun sait bien qu’il faudra que l’État reprenne la dette un jour, car il s’agit de la dette de l’État liée aux lignes à grande vitesse et aux investissements réalisés sur notre réseau.
Votre réforme ne répond pas à la question de la dette. Elle ne produira aucune économie d’échelle. Dans un an, monsieur le ministre, nous vous interrogerons séance après séance pour que vous nous indiquiez si ces économies d’échelle – le fameux milliard et demi – ont été réalisées. Je peux d’ores et déjà vous dire que les deux EPIC réunis coûteront davantage que le système actuel.
De surcroît, vous venez de prendre une mesure concernant l’écotaxe, qui satisfait naturellement – au moins en partie – notre collègue et ami Marc Le Fur, mais qui vous prive de toute ressource pour le système ferroviaire. Au lieu de 700 à 800 millions d’euros, vous ne disposerez que de 300 millions une fois la société Écomouv’ payée. Autrement dit, son coût sera bien plus important sur un réseau de 4 000 ilomètres que sur un réseau de 15 000 kilomètres. En outre, vous nous enlevez les routes départementales : de ce fait, les poids lourds qui ne circuleront plus sur les routes nationales se retrouveront sur les routes départementales sans apporter aucune ressource aux collectivités locales !
Ainsi, l’argent destiné aux contrats de plan ne sera pas mobilisable et les projets d’infrastructures ferroviaires ne pourront être réglés.
Enfin, ce projet de loi ne règle pas le problème des gares. Nous étions nombreux, sur tous les bancs, à souhaiter que les régions, les départements et les autorités organisatrices de transports, qui paient la modernisation des gares et leur intermodalité, puissent être impliqués dans la gestion des gares et que celles-ci soient gérées par le gestionnaire d’infrastructures. Vous avez fait l’inverse : pas de place pour les régions, moins de place pour l’ARAF car, malgré les amendements déposés par M. le rapporteur, l’ARAF n’aura pas le rôle indépendant qu’elle devrait avoir.
La réforme que vous nous proposez, monsieur le ministre, est une mauvaise réforme.
En cas d’alternance politique, nous serons naturellement amenés à supprimer l’EPIC de tête dans les meilleurs délais…
…et à rétablir un système ferroviaire français moderne et adapté à la concurrence. Avec la concurrence, la SNCF est capable grâce à ses filiales exerçant en Allemagne de faire baisser le prix du transport pour les régions et les citoyens de ce pays et d’y améliorer la qualité du service. Or, vous faites exactement l’inverse de ce qu’il faut faire : en la matière, vous restez prisonniers de dogmes. Les amendements votés à la demande des députés communistes et Verts – dont certains posent un véritable problème de constitutionnalité et nous permettront de saisir le Conseil constitutionnel – ont renforcé le caractère archaïque de cette réforme. C’est dommage, car il y avait mieux à faire. C’est la raison pour laquelle une très grande majorité des membres du groupe UMP s’apprête à voter contre cette réforme.
En effet, une grande majorité, car nous sommes un groupe libre où chacun vote comme il l’entend !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi portant réforme ferroviaire.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 550 Nombre de suffrages exprimés: 523 Majorité absolue: 262 Pour l’adoption: 355 contre: 168 (Le projet de loi est adopté.)
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 546 Nombre de suffrages exprimés: 513 Majorité absolue: 257 Pour l’adoption: 346 contre: 167 (La proposition de loi organique est adoptée.)
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de vous remercier d’avoir adopté ces textes à une majorité qui dépasse la majorité parlementaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Cela montre combien vous avez souhaité accompagner la volonté très largement partagée par nos concitoyens de doter la France d’un système ferroviaire moderne qui soit capable de relever les défis de l’avenir, d’offrir des perspectives industrielles et de répondre aux attentes quotidiennes des usagers en matière de régularité, de sécurité et de désenclavement. Il s’agit d’un enjeu majeur, que vous avez partagé.
Je tiens à remercier M. Gilles Savary pour la qualité de son rapport et du travail parlementaire qu’il a fourni.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Je remercie l’ensemble des parlementaires qui ont participé à ce débat de très grande qualité, comme il m’en a souvent été porté témoignage.
Au terme des discussions exigeantes qu’elle a eues avec la Commission européenne, la France peut être fière d’offrir un nouveau modèle d’organisation ferroviaire en Europe et de pouvoir faire face aux enjeux de l’avenir, qu’il s’agisse de la dette, de la modernisation du système ferroviaire ou de l’aménagement du territoire. Nous avons la volonté de porter haut les couleurs d’un service public ferroviaire réunifié et d’un grand groupe prêt à affronter l’avenir ! Je vous remercie pour votre confiance, monsieur le Premier ministre, et je remercie l’ensemble des parlementaires !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Vote sur l’ensemble de la proposition de loi organique
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.
Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no4 , portant article additionnel après l’article 1er.
suite
Cet amendement vise à supprimer la fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions pour les parents de trois enfants ou plus, adoptée par la majorité dans le cadre de l’article 5 de la loi de finances du 29 décembre 2013.
Il s’agit de revenir sur votre funeste décision d’imposer les rares avantages familiaux dont bénéficient jusqu’à présent les retraités ayant élevé trois enfants ou plus. Nous voyons là une véritable difficulté, et je crois que vous regretterez tous cette décision, comme nous regrettons la décision prise dans le passé, concernant particulièrement les veuves.
Je souhaiterais, madame la rapporteure générale, que nous réexaminions cette affaire. Pouvez-vous nous indiquer combien de nouveaux contribuables sont concernés par cette décision et de quels contribuables il s’agit ? Selon les informations dont je dispose, certains régimes sont particulièrement affectés, j’en veux pour preuve celui des agriculteurs. Il se trouve que, sociologiquement, ce sont des familles qui ont eu beaucoup d’enfants. Donc, proportionnellement, il y a beaucoup plus de retraités affectés par cette disposition. Il s’agit de petits retraités qui, jusqu’à présent, étaient épargnés, grâce, notamment, à ces dispositions favorables concernant la majoration de 10 % pour les familles ayant élevé trois enfants. En l’occurrence, ces dernières vont tomber dans la catégorie des nouveaux contribuables.
Je souhaiterais savoir combien de retraités sont concernés et comment vous envisagez d’atténuer l’effet de cette mesure qui va peser, non seulement sur des contribuables des classes moyennes, mais également sur des contribuables retraités aux revenus très modestes.
J’insiste sur le fait que ces familles ont élevé les enfants qui, une fois en activité, paient la retraite des autres. Il n’est donc pas illégitime que la société reconnaisse leur contribution.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 215 .
La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements.
Monsieur Le Fur, c’est un débat que nous avons déjà eu hier soir, au cours duquel nous avons été amenés à préciser un certain nombre de chiffres.
On estime le nombre de retraités qui entrent dans l’impôt sur le revenu du fait de cette mesure à 337 000. Ce chiffre, qui nous a été communiqué par le ministère de l’économie et des finances, est indiqué dans le rapport.
Vous souhaitez relancer le débat sur une mesure qui a été adoptée lors du précédent projet de loi de finances. Les mesures proposées par le Gouvernement à l’article 1er prévoient, pour un couple retraité ou en activité, une réduction d’impôt de 700 euros, qui va bénéficier aux retraités ayant eu trois enfants, que vous visez dans votre amendement. Nous avions précisé le caractère antiredistributif de la mesure, mais je ne vais pas relancer le débat que nous avons eu l’an dernier.
Avis défavorable aux trois amendements.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
Le Gouvernement partage l’avis de Mme la rapporteure générale. Pourraient être concernés environ 300 000 foyers. Je rappelle que la mesure prévue à l’article 1er porte sur 1,9 million de foyers qui seraient sortis de l’impôt, plus ceux qui bénéficieraient pour partie de la réduction d’impôt prévue par ce même article.
Je rappelle également que, dans la loi de finances, nous avons revalorisé et indexé le barème de l’impôt sur le revenu de 0,8 % et que le montant de la décote a été porté de 480 à 508 euros. Nous avons également revalorisé de 4 %, c’est-à-dire cinq fois plus que l’inflation, les seuils d’exonérations et d’allégements applicables en matière de fiscalité locale, mais aussi en matière de CSG et de CRDS, ce qui, s’agissant des retraités, est un élément important.
D’ailleurs, monsieur Le Fur, votre argumentation m’étonne : vous dites qu’il s’agit essentiellement de petits retraités.
Cette catégorie de petits retraités ne sera pas affectée par la mesure. Si elle l’était, elle bénéficierait de la réduction d’impôt.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements, par ailleurs très coûteux.
Comme l’a rappelé Mme la rapporteure générale, nous avions déposé des amendements hier soir.
Monsieur le secrétaire d’État, la vraie question est la suivante : cette mesure, dont vous dites qu’elle est coûteuse, a rapporté 1,2 milliard. Sa suppression coûterait donc 1,2 milliard, c’est-à-dire le même montant que ce que vous consacrez à l’article 1er puisque sont coût est de 1,15 milliard. Ce n’est donc pas un bon argument.
Le problème est que, quand vous l’avez votée, cette disposition a affecté 3,8 millions de foyers fiscaux et que vous n’avez pas été capables, à l’époque, de dire combien d’entre eux allaient, de ce fait, devenir imposables. C’est seulement dans le rapport de notre rapporteur général que nous l’avons appris, cette mesure concerne 337 000 foyers.
Parmi ces 337 000 foyers, devenus imposables du fait de la fiscalisation, combien redeviendront non imposables du fait de l’article 1er, que vous avez adopté cette nuit ? Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, nous donner un ordre de grandeur ?
Dans le droit-fil des propos de M. de Courson, qui parlait hier de « tango argentin », vous allez pénaliser les retraités qui ont eu trois enfants puisque la majoration de 10 % sera imposée dès les revenus de 2013. Vous faites entrer, par ce biais, 337 000 foyers fiscaux dans l’imposition - et je ne parle pas de 337 000 personnes, car on peut considérer que ce sont des couples qui vont être imposés.
Leur revenu, pourtant, n’a pas augmenté d’un euro. Alors que vous parlez sans cesse de justice sociale et fiscale, ces couples vont, au contraire, voir l’augmentation de leur retraite différée puisqu’elle va être reportée du 1er avril au 1er octobre. Parallèlement, vous dites que vous faites sortir 3,7 millions de foyers de l’impôt sur le revenu. Mais où est l’intérêt de faire rentrer dans l’imposition ces 337 000 foyers, pour les en faire ressortir ensuite ?
Personne ne s’y retrouve ! Votre démarche fiscale n’est pas claire. Nous vous le disons depuis trois ans…
C’est la troisième année – fin 2012, 2013 et 2014 – que nous vous disons la même chose et que nous n’obtenons pas de réponse. 337 000 foyers de personnes âgées qui bénéficient d’une retraite vont être pénalisés, alors que vous annoncez de colossaux allégements d’impôts. C’est incompréhensible !
Ce sont de très mauvais signaux pour les familles de retraités qui ont élevé des enfants, mais plus généralement pour l’ensemble des familles. Je reviens un instant sur l’article 1er – je n’ai malheureusement pas pu être des vôtres hier soir. J’insiste sur le fait que cet article oublie complètement la dimension familiale, qui est constitutive de notre organisation fiscale.
Vous accordez des réductions d’impôt à des contribuables qui bénéficient d’un revenu inférieur à 14 145 euros lorsqu’ils sont célibataires et inférieur à 28 290 euros lorsqu’ils sont en couple. En revanche, s’ils ont des enfants, la réduction supplémentaire ne concerne que 3 536 euros. La logique voudrait qu’elle porte sur la moitié de la part, c’est-à-dire la moitié de 14 145 euros, soit environ 7 000 euros. Là non plus, vous ne tenez pas compte de la dimension familiale.
De la même façon, vous dites que le montant de la réduction est de 350 euros pour les contribuables célibataires et de 700 euros pour les contribuables en couple, mais il n’y a pas de réduction supplémentaire pour les couples qui élèvent des enfants.
Le signal est toujours le même : la non-prise en compte de la logique familiale. Vous vous en éloignez subrepticement, en veillant à ne pas en faire une théorie, parce que cela pourrait heurter des gens, y compris dans votre famille politique. Vous vous éloignez de notre logique, qui consiste à prendre en compte, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, non seulement les revenus, mais aussi les charges, et en particulier les charges familiales, ce que vous semblez oublier. L’article 1er marque un recul considérable en la matière.
J’ai l’impression que d’aucuns souhaitent rendre notre débat extrêmement confus.
Je rappelle à nos collègues que nous ne parlons pas de la suppression de la majoration de 10 % des pensions, qui existe et qui, en soi, est une mesure d’autant plus favorable que la pension est élevée. Cette majoration n’est donc pas une mesure particulièrement redistributive. Nous parlons ici de la suppression de l’avantage fiscal consistant à ne pas imposer ce supplément de revenu. Personne, dans cet hémicycle, ne peut justifier cela.
Sa suppression a été décidée dans le cadre de la réforme des retraites pour financer les régimes de retraites. Objectivement, la non-fiscalisation – une fois de plus – est d’autant plus favorable que le revenu est élevé. Aujourd’hui, la majoration de 10 % défiscalisée est une machine d’autant plus favorable, et ce à un double titre, que l’on a des revenus élevés. C’est donc une mesure de solidarité que de la remettre en question. Elle renvoie en effet à des sujets que nous avons abordés dans le rapport sur la fiscalité des ménages, mais on pourrait aussi parler de la CSG déductible, qui concerne tout autant le bas du barème.
L’essentiel de cet avantage fiscal, sur le plan monétaire, bénéficie au dernier décile des foyers fiscaux dans l’impôt sur le revenu. Budgétairement, c’est une mesure qui touche essentiellement les foyers aux revenus plus élevés. Pour les foyers modestes, et ceux qui étaient au seuil de l’impôt, nous avons adopté hier soir une mesure, que vous n’avez pas votée : la réduction d’impôt qui, pour l’année 2014, règle ce problème.
Monsieur le secrétaire d’État, Dominique Lefebvre vient de dire que personne dans cet hémicycle ne pouvait justifier la suppression de cette fiscalisation. Je peux, moi, vous donner une raison précise. C’est très simple, monsieur Lefebvre. Ne hochez pas la tête avant même que je ne commence !
Certaines femmes ayant deux, trois ou quatre enfants doivent parfois interrompre leur carrière, dans le public comme dans le privé, et d’autres doivent aménager leur temps de travail faute d’être accompagnées dans l’éducation des enfants si leur conjoint n’est pas disponible. Elles n’auront donc pas les mêmes profils de carrière ni de rémunération que les autres et il en résultera un manque lors du calcul du montant de leur retraite. Vous ne pouvez l’ignorer, monsieur Lefebvre !
Vous ne pouvez pas plaider pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes lors de la discussion de textes de loi et refuser la compensation que nous proposons pour les femmes ayant élevé leurs enfants qui n’ont pas pu mener la carrière qu’elles auraient menée si elles n’avaient pas accueilli d’enfants dans leur foyer. Admettez au moins cet argument ! En outre, la majoration n’est pas toujours limitée à 10 % : elle peut atteindre jusqu’à 30 % dans certains régimes spéciaux, vous le savez bien, monsieur Lefebvre !
Cet amendement traite d’un sujet qui préoccupe sur tous les bancs de cette assemblée. Après la suppression brutale, au début du quinquennat du Président de la République, de l’acquis social dû à la précédente équipe gouvernementale et à la précédente majorité que constituait la défiscalisation des heures supplémentaires, nous sommes aujourd’hui confrontés à une injustice qui s’ajoute à l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu dont nous venons de discuter. En outre, alors même que la question du pouvoir d’achat de nos compatriotes taraude les esprits, cette mesure a considérablement pénalisé les contribuables les plus modestes de notre pays qui travaillent souvent très dur.
L’actuelle majorité a pris la décision, dont il faut bien dire qu’elle est très idéologique, de supprimer le mécanisme d’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires et le mécanisme d’exonération de cotisations salariales et patronales. Mon amendement propose de les rétablir, ce qui constitue un bon moyen de soutenir le pouvoir d’achat des plus modestes. Je rappelle tout de même que les suppressions que je viens d’évoquer ont touché neuf millions de personnes, chacune ayant été privée en moyenne de 500 euros par an. J’ai discuté de cette réalité du terrain avec des députés de la majorité, qui en sont parfaitement conscients.
Certaines personnes ne peuvent plus partir en vacances, d’autres ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois et certaines sont entrées dans l’impôt, ce qui fait partie de vos préoccupations, monsieur le secrétaire d’État. Tout cela me semble constituer de bonnes raisons de voter l’amendement.
Pour prendre une comparaison d’actualité, vous vous trouvez un peu, chers collègues de la majorité, dans la situation du médiocre candidat au bac se rendant compte au bout de deux heures d’épreuve que sa copie est tout à fait quelconque et essayant de rattraper ses erreurs, mais sans recommencer à zéro et donc sans remettre en cause ses erreurs initiales. La vôtre, c’est la suppression des avantages liés aux heures supplémentaires, et vous essayez de la corriger par des mécanismes compliqués qui ne bénéficieront pas à ceux qui ont perdu le plus en matière d’heures supplémentaires. En effet, ces mécanismes très compliqués touchent une frange de contribuables limitée qui sauf erreur de ma part s’arrête à 1,13 fois le SMIC, ce qui laisse de côté une bonne partie du monde ouvrier situé légèrement au-dessus en raison d’un revenu un peu plus conséquent produit par un plus grand nombre d’heures supplémentaires dont l’avantage relatif est maintenant perdu.
Ces gens-là, mes chers collègues, seront encore plus irrités aux mois de septembre et d’octobre prochains. En effet, la décision a été prise à l’été 2012, à votre arrivée, et n’a donc concerné que les revenus des cinq derniers mois de l’année 2012, d’août à décembre. On ne s’est encore que partiellement rendu compte des effets très négatifs de la mesure, en particulier chez les ouvriers qui font des heures supplémentaires et qui, payant cette année l’impôt sur le revenu au titre des revenus de l’année 2013, verront donc les effets de la mesure en année pleine. Permettez-moi de vous dire, chers collègues de la majorité, que vous allez subir dès l’automne un harcèlement dans vos permanences, car les gens se rendront compte que l’augmentation de leur impôt est double de celle de l’an dernier !
En outre, les mesures que vous prenez n’épargneront pas les salariés effectuant des heures supplémentaires, car ils gagnent très légèrement plus que le SMIC et sont donc de fait au-dessus de la barre !
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 183 .
Nous voulons mettre un terme à une injustice créée par l’actuelle majorité, dont plusieurs membres reconnaissent aujourd’hui qu’elle a fait une énorme erreur en supprimant le dispositif de défiscalisation, ce qui a pénalisé 8,2 millions de salariés qui ne sont pas des riches mais des gens modestes.
Et M. Dominique Lefebvre aura bien du mal à expliquer qu’il s’agissait d’une mesure juste ! Combien de personnes qui n’étaient pas imposables le sont devenues en raison de cette mesure ? Nous avons enfin la réponse que nous n’avons pas obtenue il y a dix-huit mois lors de son vote : 355 000 salariés modestes non imposables le sont devenus en raison d’une mesure qui a touché 156 000 personnes l’année dernière puis 199 000 de plus car, comme chacun s’en souvient, les heures supplémentaires n’étaient taxables en 2013 qu’à compter du 1er août 2012, alors qu’elles le sont cette année sur la totalité des revenus de l’année 2013.
Répondez à la question au lieu d’éluder, monsieur Emmanuelli ! Quant au gel du barème, vous l’avez maintenu ! Un peu de pudeur !
Il s’agit donc d’une mesure fondamentalement antisociale. Certains membres de la majorité ont même publiquement reconnu s’être trompés. Nous vous donnons l’occasion de vous rattraper, chers collègues de la majorité, rattrapez-vous au lieu de persister dans l’erreur ! Pouvez-vous par ailleurs nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, combien des 355 000 contribuables devenus imposables en raison de la fiscalisation des heures supplémentaires vont redevenir non imposables en raison des mesures de l’article 1er ? Informer l’Assemblée nationale des ordres de grandeur avant le vote est tout de même un minimum ! On nous répond qu’on ne peut pas le savoir ! Est-ce bien sérieux ? J’attends également une réponse des membres de la majorité !
Je vous répondrai dans le cadre des amendements qui nous occupent, monsieur Le Fur. Vous avez précisé à juste titre que la fiscalisation des heures supplémentaires entre en année pleine. Au cours des deux années cumulées, 355 000 personnes sont concernées par la fiscalisation des heures supplémentaires.
Laissez s’exprimer Mme la rapporteure générale, s’il vous plaît, mes chers collègues.
Le Gouvernement a fait le choix, dans le cadre de l’article 1er, d’un ciblage assez large. En effet, près de quatre millions de foyers fiscaux sont concernés par la réduction d’impôt, et 1,7 million de foyers fiscaux vont sortir de l’impôt sur le revenu au mois de septembre 2014 ou ne pas y entrer.
Un tel choix de la cible, volontairement assez large, vise à couvrir un nombre maximal d’entrées dans l’impôt sur le revenu au mois de septembre 2014. Quant aux simulations disponibles, elles sont en effet difficiles à réaliser, l’exemple proposé le montre bien. En effet, on ne peut pas demander aux gens de déclarer des revenus qui ne sont pas fiscalisés. L’information n’est donc pas disponible à la direction générale des finances publiques, monsieur de Courson. Je vous emmènerai avec moi la prochaine fois que je m’y rendrai, si vous le souhaitez !
Sourires.
Quoi qu’il en soit, l’information n’est pas disponible. Les premières exploitations de bases de données seront disponibles à la fin du mois de juillet et je ne doute pas que le Gouvernement nous en fera part. Par ailleurs, il ne vous aura pas échappé, monsieur Le Fur, que le Gouvernement propose dans le PLFSSR une exonération de cotisations sociales pour tous les salariés payés entre une fois et 1,3 fois le SMIC, qu’ils fassent des heures supplémentaires ou non.
C’est cela, la justice sociale, car tous les salariés en bénéficieront, y compris dans ces tranches de salaires. La combinaison des deux mesures – exonération de cotisations sociales et article 1er – touche une population volontairement assez large, qui bénéficiera d’une réduction d’impôt, voire ne sera plus assujettie. Pour toutes ces raisons, notre commission, qui a analysé vos amendements et qui en a débattu, chers collègues, a émis un avis défavorable.
Il s’agit d’un débat récurrent. Une question de principe se pose en effet. Pourquoi le salaire correspondant aux heures supplémentaires ne serait-il pas fiscalisé ? Quelle est la justification économique selon laquelle une partie d’un salaire, qui résulte d’un travail, serait défiscalisée ?
En outre, des effets d’aubaine massifs se sont produits, car tous les salariés et pas seulement les salariés modestes, mais j’éviterai de citer telle ou telle catégorie socioprofessionnelle…
Sourires.
…dont le salaire était…
Epsilon ? Par exemple ! Il n’existe aucune justification économique d’une telle mesure. Pour le reste, il y a certes lieu de corriger par la mesure de l’article 1er un certain nombre d’avantages acquis grâce à une mesure dépourvue selon moi de justification économique.
Nous pourrions continuer longtemps ainsi. J’imagine, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, que vous rouvrirez ce type de débat lors de chaque loi de finances. Vous vous attirerez à chaque fois le même type de réponse. Avis défavorable.
Sourires.
…mais je me souviens des débats parlementaires sur la loi de finances lorsque vous étiez rapporteur général, monsieur le secrétaire d’État, M. Cahuzac occupant votre place. Vous expliquiez déjà, avec beaucoup de fougue, que supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires créerait de l’emploi, ce qui nous avait occupés quasiment toute une nuit.
L’idée générale était que le travail se partage comme un gâteau et qu’en supprimant les heures supplémentaires on créerait de l’emploi. Chacun en avait des exemples, et les usines textiles de Tourcoing dont je suis l’élu, me disait-on, allaient embaucher. Deux ans plus tard, monsieur le secrétaire d’État, votre argument est complètement tombé à l’eau. Dès 2013, Thierry Mandon qui était alors porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, ce qui n’est pas rien, et qui est désormais votre collègue au secrétariat d’État à la réforme de l’État, déclarait lui-même que vous êtes allés un peu vite, non pour des raisons politiciennes, ce qui est un péché après tout avouable car chacun fait des erreurs politiciennes, mais pour des raisons d’analyse économique.
Vous avez donc privé un certain nombre de salariés très modestes, qui n’ont pas bénéficié des effets d’aubaine que vous dénoncez, monsieur le secrétaire d’État, des 200, voire 300 euros qu’ils pensaient gagner en travaillant plus à la demande de leur entreprise afin de payer un petit peu plus de vie à leurs familles, par exemple des cours supplémentaires à leurs enfants pour qu’ils fassent des études, des vacances ou le remboursement d’un prêt. Vous leur avez coupé l’envie de travailler faute d’être capable d’imaginer que vous aviez tort économiquement. Vous avez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires et avez en plus créé du chômage.
Je tiens à dire à Mme la rapporteure générale que son argument ne tient pas.
Sourires.
La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a été votée en 2012, vous disposiez donc dans les bases de données du nombre de personnes pénalisées par cette mesure entre le 1er août 2012 et le 31 décembre.
Vous êtes donc parfaitement en mesure de répondre au sujet de la première tranche de 156 000 personnes devenues imposables en raison des heures supplémentaires effectuées entre le 1er août et fin décembre 2012 ! Vous pouviez parfaitement demander aux services de Bercy d’extraire de ces 156 000 personnes ceux qui basculent dans l’impôt si on vote l’article 1er !
Par extrapolation des données relatives aux mois d’août à décembre, soit cinq douzièmes, vous auriez pu déterminer un ordre de grandeur. Votre argument, madame la rapporteure générale, ne tient donc pas. Vous disposiez de tous les éléments. Si la prochaine fois vous me faites l’honneur d’accepter que je vous accompagne à Bercy, si d’aventure les agents de la DGFiP nous répondaient l’inverse, je leur dirais que cela n’est pas sérieux.
Quant au deuxième argument concernant le pouvoir d’achat, mais oui, la défiscalisation des heures supplémentaires était bien une mesure de pouvoir d’achat. Quand M. le secrétaire d’État nous dit que le dispositif a été perverti, il sait bien que son argument, à lui non plus, ne tient pas. En effet, avec la crise économique qui a éclaté quelques mois après le vote de cette mesure, le nombre d’heures supplémentaires a baissé. Comment soutenir qu’il a explosé et que des excès s’en seraient suivis ?
Oui, celle d’avoir défiscalisé les heures supplémentaires !
…, qui marquera le Parti socialiste et qui est d’avoir adopté les 35 heures, avec lesquelles vous aviez imaginé qu’il serait possible d’offrir du travail à beaucoup plus de gens. Et voilà que vous récidivez avec les heures supplémentaires. Dès votre arrivée au pouvoir en 2012, vous les avez supprimées…
Ne dites pas n’importe quoi ! Nous n’avons pas supprimé les heures supplémentaires !
…parce que vous pensiez que le travail serait partagé entre tous.
Je vais vous donner un exemple très concret, pris dans la vie réelle. Une entreprise de production industrielle, quelle qu’elle soit, travaille souvent en trois équipes postées, ce qu’on appelle les « trois huit ». Un salarié qui travaille soit de quatre heures du matin à midi, soit de midi à vingt heures, soit de vingt heures à quatre heures du matin, accomplit de fait des heures supplémentaires. Il ne l’a pas choisi. Ce sont les termes même de son contrat de travail qui font qu’il travaille huit heures par jour cinq jours par semaine, soit quarante heures par semaine. Or, ce salarié-là, bien qu’il ne perçoive souvent que le SMIC, va voir ses revenus, pourtant faibles, durablement affectés par vos mesures. Il ne percevra rien de plus qu’auparavant, il n’a rien choisi, et il va se trouver systématiquement pénalisé sur le plan fiscal du fait de vos décisions.
Est-ce là votre conception de la justice fiscale ? Je ne peux me résoudre à le croire. Ce sont ces ouvriers, situés tout au bas de l’échelle tant par les postes qu’ils occupent, toujours à très faible responsabilité, que par leur rémunération, que vous vous apprêtez à pénaliser par cette fiscalisation en année pleine d’heures supplémentaires que, pour beaucoup d’entre eux, ils subissent.
Quelques mots pour expliquer pourquoi nous voterons contre ces amendements de nos collègues de l’opposition. Comme l’a d’ailleurs souligné Mme Dalloz, les heures supplémentaires sont subies, et non choisies.
Ce n’est pas possible d’entendre ça ! Trois millions de chômeurs, et ils parlent de travail subi !
Tel est en règle générale le cas. On peut toujours prétendre que les gens choisissent de faire des heures supplémentaires. a réalité est que lorsqu’il y a du travail dans une entreprise, le chef d’entreprise demande aux salariés d’en faire.
En fait, toute heure travaillée devrait être fiscalisée et soumise à cotisations sociales. Il devrait d’ailleurs en être de même de tout revenu, notamment si notre impôt sur le revenu était totalement transparent, sans niche fiscale d’aucune sorte. Voilà le sens même du principe selon lequel chacun a le devoir de contribuer à hauteur de ses capacités financières. Toute heure, la première, la dixième, la douzième ou la trente-sixième, devrait être fiscalisée et soumise à cotisations sociales. Pourquoi la trente-sixième ne le serait-elle pas ?
M. de Courson nous explique qu’il s’agit d’une mesure de pouvoir d’achat. Mais en ce cas, allons jusqu’au bout et prenons une véritable mesure de pouvoir d’achat : augmentons le SMIC.
C’est d’ailleurs pour cela que nous voterons contre la mesure du projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif concernant les cotisations salariales, à tort présentée comme une mesure de pouvoir d’achat. Ce n’est pas ainsi qu’on augmente le pouvoir d’achat des salariés car les cotisations sociales, ce sont du salaire différé, si bien que les réduire, c’est en apparence donner, mais pour reprendre ensuite.
La vraie solution, car on voit bien qu’on est en train ici de bricoler, réside dans une réelle refonte du barème de l’impôt sur le revenu, intégrant tous les revenus perçus par tous, salariés et non-salariés.
Ce débat est récurrent. En matière d’heures supplémentaires, tous les pays ont trouvé le bon équilibre. En effet, l’heure supplémentaire coûte moins cher à l’entreprise, alors qu’elle est plus coûteuse pour le salarié, exigeant de lui un effort accru. La logique pertinente est donc de faire en sorte que l’entreprise paie plus cher l’heure supplémentaire, au total quand même moins coûteuse pour elle, et que celle-ci soit mieux rémunérée pour le salarié. L’État n’a pas à intervenir dans cet équilibre. Dans une situation normale, il n’y a aucune raison de subventionner les heures supplémentaires. Si on connaissait une situation de plein emploi, avec pénurie de travailleurs comme dans les années cinquante, on pourrait se poser la question d’une telle subvention. Mais, en période de chômage, c’est l’inverse qu’il faut faire. C’est la première heure de travail qui devrait être subventionnée. C’était d’ailleurs la logique de la réduction du temps de travail. Dans la situation actuelle, il n’y a aucune raison économique de subventionner les heures supplémentaires.
Et s’il s’agit d’une mesure de pouvoir d’achat, il faut utiliser les instruments adéquats, en jouant sur l’impôt sur le revenu ou en allégeant les cotisations sociales, voire les deux, ce que fait le Gouvernement, ce qui est une manière de donner du pouvoir d’achat sans effet négatif sur l’emploi.
Croyez-vous ce que vous dites ? Il y a deux ans que le chômage augmente.
Non, pas deux ans ! Il y a bien plus que cela. Vous vous trompez sur la durée.
J’ai lu avec attention le rapport de la rapporteure générale. Autant nous avons pu avoir hier des discussions sans fin sur les prévisions de croissance, autant il est un sujet qui ne fait pas débat : on connaît bien dans notre pays une baisse nette du pouvoir d’achat. Cela vous préoccupe, cela nous préoccupe également.
Nous venons de discuter des moyens de faire sortir de l’impôt sur le revenu des personnes qui y sont entrées du fait d’une fiscalisation à outrance. Mais il ne s’agit plus ici seulement des 350 000 personnes tout à coup devenues imposables, mais de millions de nos compatriotes, dont environ la moitié, soit quatre à cinq millions, travaillent dans des entreprises de moins de vingt salariés, chez des artisans et des commerçants, et qui ont subi une perte sèche de pouvoir d’achat. Nous pouvons bien ici nous opposer arguments théoriques ou idéologiques. Telle est la réalité, comme en attestent d’ailleurs les chiffres que vous citez vous-même dans votre rapport, madame la rapporteure.
Se donne-t-on aujourd’hui les moyens de réparer l’erreur commise par la majorité au début du quinquennat ? Je ne suis pas le seul à parler ainsi. Beaucoup d’élus de la majorité le font également haut et fort. Certains, tout à l’heure, nous ont confié qu’ils préféraient quitter l’hémicycle…
…plutôt que d’entendre certains raisonnements, notamment sur le partage du travail. Après l’échec des 35 heures, ils ont compris que la refiscalisation des heures supplémentaires constituait un nouvel échec.
Merci, monsieur Lefebvre. Il y a beaucoup d’inscrits. Si chacun ne se tient pas à ses deux minutes, nous ne nous en sortions pas.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
J’ai regretté qu’en juillet 2012, la majorité supprime sans autre forme de procès l’ensemble du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires. M. le secrétaire d’État a parlé d’effet d’aubaine.
Il faut se rappeler que les 35 heures ont été mises en place en deux temps, tout d’abord dans les grandes entreprises, puis dans les entreprises de moins de vingt salariés. Dans celles-ci, les heures supplémentaires n’étaient majorées que de 15 %, contre 25 % dans celles-là. Le résultat est qu’en 2007 toutes les PME de moins de vingt salariés qui avaient des carnets de commande suffisamment remplis étaient encore à 39 heures. La défiscalisation des heures supplémentaires a permis d’accroître le pouvoir d’achat, de donner un coup de pouce, à tous les salariés de ces PME, dont les salaires sont, d’une manière générale, beaucoup moins élevés. Toutes les études en attestent et Pierre-Alain Muet ne peut qu’être d’accord avec cette analyse. Étant entendu que les salariés des grandes entreprises s’y sont, eux, retrouvés car en contrepartie des 35 heures, leur temps de travail a bien souvent été annualisé.
Je trouve vraiment dommage que la majorité n’ait pas à l’époque perçu l’incidence très positive de la mesure dans nos petites entreprises. Vous avez, chers collègues, commis une erreur dont j’espère qu’elle pourra, un jour, être rattrapée. Mais, pour l’heure, il y a bel et bien une baisse du pouvoir d’achat là où il aurait fallu l’éviter.
En même temps que la suppression de cette défiscalisation, en juillet 2012, vous avez proposé deux formules assez classiques avec les contrats d’avenir et les contrats de génération. Pour ce qui est des contrats d’avenir, j’en suis d’accord avec vous, il s’agit d’un bon outil en temps de crise, qui permet notamment à des jeunes de trouver un emploi, en tout cas de passer un cap difficile. En revanche, les contrats de génération, eux, ne marchent pas. Vous vous en êtes d’ailleurs aperçus, votre collègue, M. Sapin, expliquant que le dispositif allait être ouvert maintenant aux seniors.
Votre erreur a été de supprimer à la fois une possibilité d’augmentation du pouvoir d’achat pour les salariés et une souplesse pour les entreprises. Pour essayer de réparer cette erreur, comme l’a souligné notre collègue Le Fur, vous avez proposé le CICE, et maintenant le pacte de responsabilité, mais il est trop tard, à mon avis.
Il serait particulièrement important de rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires afin, comme le disait le président de la commission des finances, de permettre à nos entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, de disposer de la souplesse dont elles ont besoin et à leurs salariés qui en ont bien besoin eux aussi de bénéficier d’un surcroît de pouvoir d’achat.
Mme Dalloz a pris l’exemple du travail posté, mais elle oublie dans son raisonnement que si, en effet, cinq fois huit heures par semaine font bien quarante heures, il y a eu annualisation du temps de travail avec les 35 heures et que ces quatre heures, de la trente-sixième à la trente-neuvième heure, sont bien souvent récupérées en période creuse.
Si ! On peut faire dire ce que l’on veut à des exemples, mais en l’espèce le vôtre était bien mal choisi.
M. Lefebvre ne sais sans doute pas que ce débat a déjà eu lieu à plusieurs reprises, car il ne siégeait pas encore parmi nous à l’automne dernier. Notre décision se justifie par le fait que le nombre d’heures travaillées en France était plus faible après la défiscalisation des heures supplémentaires qu’avant, et ce pour une raison d’ailleurs très simple. C’est que, hélas, sous la majorité de droite, était majoritaire, le chômage avait considérablement progressé.
Les problèmes de pouvoir d’achat doivent être traités d’abord au travers de la création d’emplois, de la diminution du chômage, et certainement pas au travers de la défiscalisation des heures supplémentaires qui, en l’occurrence, a conduit à une paupérisation globale de notre pays.
Notre collègue Karine Berger, que j’ai écoutée avec attention, n’ignore pas que le volume d’heures travaillées a diminué du fait de la crise économique. Comme l’a dit tout à l’heure Charles de Courson, s’il y avait eu effet d’aubaine, le nombre d’heures supplémentaires aurait dû augmenter. Or, tous les rapports en attestent, il a régressé.
Enfin, j’ai encore en mémoire une belle phrase prononcée par Pierre-Alain Muet il y a deux ans : « Les heures supplémentaires défiscalisées, c’est une arme de destruction massive contre l’emploi. » Eh bien, avec 400 000 chômeurs de plus deux ans après leur refiscalisation, je me dis que le diagnostic était mal posé !
Je répondrai à nos collègues que le problème de ces heures supplémentaires défiscalisées est qu’elles étaient payées par la dette ou par ceux qui justement n’en bénéficiaient pas. Il était donc totalement irréaliste de maintenir une telle mesure qui pesait sur les chômeurs, les retraités, ceux qui ne faisaient pas d’heures supplémentaires.
Puisque vous évoquez le sujet du pouvoir d’achat, cette mesure rapportait en moyenne 8 euros par mois : le rapport Gorges-Mallot en avait fait le calcul à la fin de la précédente législature. Pour toutes ces raisons, cette mesure faisait peser 4,5 milliards d’euros sur la collectivité, mais rapportait en réalité très peu à chaque individu.
Merci de votre indulgence, madame la présidente. Notre collègue Darmanin a posé une question très simple : vous nous avez vendu la suppression des avantages fiscaux sur les heures supplémentaires en nous expliquant que cela se traduirait par une augmentation de l’emploi, et en particulier de l’emploi industriel puisque cela concerne essentiellement le monde ouvrier. Aujourd’hui, donnez-nous les chiffres dont vous disposez concernant cette éventuelle augmentation de l’emploi que vous attendiez. Personnellement, je ne la constate pas, mais je n’ai pas vos informations : je souhaite donc que vous répondiez très explicitement à cette question. On ne peut pas dire quelque chose au mois de juillet 2012, fonder une politique, fonder une évolution fiscale, sur une promesse à venir, et refuser deux ans après de donner des chiffres précis quant à ses résultats.
Il est procédé au scrutin.
J’espère, tout comme mes collègues UMP, obtenir enfin des réponses de la part du Gouvernement lorsque nous posons des questions : cela nous permettrait d’avoir un débat enrichi – il s’agit simplement du budget de notre nation : une broutille, manifestement, surtout concernant les engagements du Gouvernement votés deux ans plus tôt par la majorité du Parlement !
Cet amendement tend à revenir sur l’article 4 de la loi de finances du 29 décembre 2013, qui prévoit la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé. En effet, nous considérons qu’il s’agit ni plus ni moins d’une augmentation d’impôt pour 13,2 millions de salariés, qui ne peuvent plus déduire de leurs revenus imposables la part des contrats santé payée par leur employeur. Afin de soulager le pouvoir d’achat des salariés impactés par cette mesure, notre amendement propose la suppression de cette disposition.
Notre collègue Darmanin ayant parfaitement explicité nos amendements, je ne prolongerai donc pas notre débat.
Je souhaite, car nous n’en sommes encore qu’au début de la discussion, que le secrétaire d’État et la rapporteure générale – et je ne doute de la compétence ni de l’un ni de l’autre – répondent très explicitement à nos questions, en particulier concernant ce que vous nous aviez promis il y a deux ans – ce n’était pas vous mais vos prédécesseurs : j’en conviens –, à savoir une augmentation de l’emploi liée à la suppression des avantages fiscaux des heures supplémentaires.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 104 .
Cet amendement de bon sens vise très simplement à rétablir l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé. Un beau matin, investis d’une vision très solidaire, vous avez souhaité mettre en oeuvre la complémentaire santé et la rendre obligatoire pour tous les employeurs de France. Mais vous n’en aviez pas perçu la conséquence directe pour l’ensemble des salariés : la fiscalisation de la part employeur de la complémentaire santé. Si les salariés ne verront toujours pas leurs revenus augmenter, ils verront en revanche leur fiscalité progresser : voilà ce que dénonce notre amendement, qui a donc pour objet de rétablir l’exonération fiscale de la partie complémentaire santé.
Une fois de plus, nous n’allons pas relancer le débat que nous avions eu l’année dernière.
Je constate simplement que M. Carrez est signataire de cet amendement alors que, lors du débat sur la loi de finances initiale pour 2014, il avait soutenu l’intégration de la part patronale des mutuelles dans le revenu fiscal.
Peut-être aurons-nous une clarification sur ce point ?
Je me permets de revenir à l’article 1er proposé par le Gouvernement : avec une cible aussi large, il englobe aussi le cas des foyers fiscaux qui, pour ceux qui ont les revenus les plus modestes, seront concernés par cette mesure et qui de ce fait n’entreront pas dans l’impôt sur le revenu sur ce point. Avis défavorable.
On peut toujours rouvrir une discussion ! Ces débats ont eu lieu il y a six mois, voire un peu plus ; ils ont eu lieu la nuit dernière ; ils auront lieu probablement encore aujourd’hui : pour ma part, je suis tout à fait respectueux des droits du Parlement.
Je souhaiterais néanmoins préciser un point, car certaines allusions ont été faites avec une franchise que je souhaite conserver : toutes les questions qui ont été posées sur les chiffres ont trouvé des réponses, que j’ai moi-même apportées – en grandes masses, certes – à votre rapporteure générale il y a déjà plusieurs semaines ; celle-ci a ensuite obtenu des réponses un peu plus précises récemment. Toutefois, je voudrais lever ce doute que je sens poindre de façon feutrée, tantôt ironique, tantôt un peu plus agressive, sur le fait que nous disposerions d’informations que nous ne communiquerions pas. J’ai expliqué à votre commission, lors d’une audition assez longue, quelles étaient les difficultés techniques et temporelles de mesures qui se superposent et ne permettent pas de donner des résultats plus précis – cela étant dit pour M. Darmanin et pour tous ceux qui laissent entendre que je m’obstinerais à ne pas vouloir répondre à vos questions !
Sur le fond, la question soulevée par les amendements que nous examinons a déjà été largement débattue : il y a lieu de considérer qu’il s’agit là d’un revenu, puisque c’est une part que les employeurs payent pour leurs salariés. Ce n’est d’ailleurs pas le cas de tous les salariés : je rappelle que cela ne concerne que les salariés du privé bénéficiant d’un contrat collectif, ce qui, pour l’heure n’est pas encore le cas de l’ensemble des salariés – indépendamment du coût de la mesure, qui est bien évidemment trop important pour ne pas dégrader significativement le solde. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Gilles Carrez, en cosignant cet amendement, reconnaît a posteriori qu’il s’est trompé l’année dernière et que l’on est allé trop loin : nous voyons bien le résultat puisque le pouvoir d’achat des salariés se trouve étranglé !
J’entends ce que disait notre collègue Sansu tout à l’heure, avec le bon sens qui l’anime régulièrement : selon lui, si l’on veut restaurer le pouvoir d’achat, autant augmenter le salaire minimum et les salaires – très bien ! Sur le principe, il a parfaitement raison, mais chacun connaît la situation de nos entreprises : que se passera-t-il si les salaires sont augmentés ? La compétitivité des entreprises en sera immédiatement atteinte ! C’est la raison pour laquelle, dans cette loi de finances rectificative, et plus encore dans la prochaine loi de finances, vous nous expliquez que le problème de la compétitivité est tellement majeur qu’il faut maintenant – enfin ! – baisser le coût du travail.
Nous demandons donc que l’on revienne en arrière sur cette question des cotisations aux mutuelles, que vous voulez refiscaliser parce que vous n’avez pas de solution alternative pour redonner du pouvoir d’achat. Comme vous l’avez compris, on ne peut plus affirmer que neuf Français sur dix échappent aux augmentations d’impôts : en réalité, neuf Français sur dix payent plus d’impôts !
Vous avez souhaité, monsieur le secrétaire d’État, apporter des précisions, ce dont je vous remercie. Mais même si nous vous savons respectueux des parlementaires et très attentif à leurs questions, vous n’avez pas répondu à la question qui vous a été posée. Vous avez certes affirmé avoir communiqué les réponses à la commission des finances et à la rapporteure générale, mais la question de Marc Le Fur, de nos collègues et de moi-même était la suivante : en tant que rapporteur général, lorsque vous défendiez vos amendements de suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires en 2012 et en 2013, vous avez pris l’engagement que cette mesure créerait de l’emploi puisque les heures supplémentaires, partant de ce principe, étaient censées supprimer de l’emploi. Or nous avons constaté que nous seulement vous avez supprimé du pouvoir d’achat, mais qu’en plus le Gouvernement a supprimé de l’emploi par sa politique économique !
La question que nous vous avons posée est donc toute simple, même si nous comprenons qu’elle soit gênante politiquement : vous avez supprimé les heures supplémentaires – ça, c’est fait ! –, vous ne souhaitez pas revenir sur cette suppression : tant pis ! L’ancienne majorité – et future, je l’espère ! – continuera chaque année à proposer ce qu’elle propose à la majorité d’aujourd’hui, c’est-à-dire de revenir sur les bêtises que vous avez faites. Combien avez-vous créé d’emplois à la suite de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ? C’est un engagement que vous aviez pris ici !
Je voudrais simplement vous répondre, monsieur Darmanin. Je comprendrais tant l’amendement que vous avez défendu que ce que vous venez de dire à l’instant à la condition que le parti auquel vous appartenez maintienne l’idée d’une durée légale du travail. Or, quand je vous lis, je vois que vous voulez la supprimer ! Si vous étiez logique avec vous-même, dès lors que vous supprimez la durée légale du travail, il n’y a plus d’heure supplémentaire !
À partir de quel seuil voulez-vous donc déclencher cette défiscalisation ? Cela est rendu tout à fait impossible par votre propre proposition ! Alors soyez donc cohérents avec vous-mêmes, cela faciliterait le débat pour tout le monde !
Le présent amendement porte sur une petite difficulté dont nous avons parlé en commission : il s’agit des plans d’épargne logement qui, au bout de douze ans, ne bénéficient plus d’avantages fiscaux, ce qui surprend un certain nombre de titulaires de ces plans. Vous m’aviez laissé entendre en commission que des évolutions étaient de l’ordre du possible et que vous nous préciseriez cela au moment de notre discussion en séance. Si les choses peuvent évoluer dans le bon sens, cela serait très bien et je vous écouterai avec la plus grande attention, madame la rapporteure générale !
Je vais tenter de préciser les choses. Les plans d’épargne logement bénéficient d’une exonération jusqu’à douze ans ; cette période était même plus longue avant que votre majorité n’intervienne puisqu’en 2006, c’est vous qui l’avez limitée à douze ans ! C’était en 2006 : je connais un peu l’historique et je sais lire les débats, même ceux de 2006 !
Au-delà de douze ans, les intérêts que vous percevez sont taxés à 24 % pourvu que votre revenu de référence, si vous êtes célibataire, soit inférieur à 25 000 euros – ou 50 000 euros pour un couple. Au-delà, ils entrent dans le barème de l’impôt sur le revenu. Pour conclure, votre amendement est satisfait puisque, avec un revenu fiscal de référence inférieur à 25 000 euros ou 50 000 euros selon qu’on est célibataire ou marié, ils sont bien assujettis au prélèvement à 24 %.
Votre amendement a donc été repoussé par la commission puisqu’il est déjà satisfait.
Au-delà de douze ans, monsieur Le Fur ! Je demande donc le retrait de cet amendement, à défaut de quoi l’avis sera défavorable.
Le Gouvernement a exactement le même avis et considère que la mesure proposée est déjà satisfaite par la législation en vigueur, comme vient de l’expliquer excellemment Mme la rapporteure générale. Je propose donc à M. Le Fur de retirer son amendement, faute de quoi je proposerai à l’Assemblée de le rejeter.
Je remercie notre rapporteure générale de ses explications, même si elles nécessiteraient d’être approfondies, car le sujet est assez pointu, et je retire mon amendement.
L’amendement no 43 est retiré.
Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, cet amendement est de nature à vous contenter, car son adoption aurait pour conséquence de faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État.
Il vise en effet à rééquilibrer l’imposition des entreprises entre grandes entreprises et PME. Les auteurs du rapport d’information de juillet 2013 sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international rappelaient les chiffres suivants : « Pour les grandes entreprises – définies comme celles comptant plus de 5 000 personnes – l’écart est de 8,4 points, soit 24,9 % de taux implicite contre 33,33 % de taux nominal. » Cet écart s’explique par l’optimisation fiscale, qui est l’apanage des plus grandes sociétés, voire par la fraude, vous le savez bien.
La concentration des régimes dérogatoires et l’optimisation fiscale au plan international aboutissent à des écarts qui pénalisent les PME et, par extension, les ménages. Certains régimes ne profitent qu’aux grands groupes. Je donnerai quelques chiffres pour illustrer mon propos : 43 000 entreprises bénéficient du régime « mère-fille » – la non-imposition des produits de participation représentant au moins 5 % du capital d’autres sociétés – dont le coût s’élevait à 24 milliards d’euros en 2013 ; 105 000 entreprises bénéficient du régime d’intégration fiscale, qui a représenté 18 milliards d’euros en 2013 ; 5 300 entreprises bénéficient d’une exonération sur certaines plus-values, ce qui a coûté 3 milliards d’euros en 2013.
En outre, selon le rapport sénatorial sur le projet de loi de finances pour 2011, le seuil de 5 % permet au groupe TF1 d’être la fille, au sens du régime fiscal mère-fille, de quatre de ses actionnaires ; le groupe Bouygues, naturellement, mais aussi Société générale Asset Managament, Morgan Stanley et Harris associates, chacun de ces investisseurs détenant juste au-dessus de 5 % du capital, respectivement 5,09 %, 5,93 %, et 10,03 %.
S’agissant de ce régime fiscal, plusieurs groupes de gauche proposaient d’ailleurs sous la précédente législature un aménagement visant à en contenir le coût en portant de 5 % à 10 % le seuil de titres de filiales ouvrant droit à son application. Tel est le sens du présent amendement, dont le bien-fondé était reconnu sur tous les bancs de la gauche avant 2012.
Monsieur Sansu, vous évoquez le montant que rapporterait l’application de la disposition que vous proposez – 24 milliards d’euros – et c’est le chiffre qui figurait dans l’évaluation des voies et moyens du projet de loi de finances pour 2014. Cependant, c’est un peu plus compliqué que cela.
Lors de l’examen d’une précédente proposition de loi, vous défendiez les PME et TPE et les petites structures ; or, celles-ci seraient pénalisées par votre amendement, cher collègue, puisque pour passer de 5 % à 10 % de détention de capital, il faut avoir des disponibilités, ce qui n’est pas toujours possible pour des entreprises de petite taille. Celles-ci ne pourraient donc plus bénéficier du régime permettant la remontée des dividendes vers une société mère.
Par ailleurs, tel qu’il est rédigé, votre amendement serait d’application immédiate et pénaliserait donc dès à présent les sociétés existantes, qui n’auraient pas le temps de revoir l’organisation de leur structure capitalistique.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, et y sera défavorable si celui-ci était maintenu, pour des raisons proches de celles que la rapporteure générale vient d’évoquer.
Je souhaite indiquer que notre pays est soumis à une comparaison, ce que certains appellent du benchmarking, avec l’ensemble des États européens, parmi lesquels douze États, dont l’Italie et le Royaume-Uni, n’exigent aucun seuil de détention. L’Irlande, les Pays-Bas et l’Espagne retiennent quant à eux un seuil de 5 %, identique au seuil français, que vous souhaitez faire passer à 10 %. Sur ce point, nous nous situons donc dans la bonne moyenne, compte tenu de la compétition qui existe entre les pays pour attirer les grandes entreprises multinationales.
Par ailleurs, je rappelle que le régime français « mère-fille » est conditionné par une exigence de durée minimale de conservation des titres de deux ans, alors que la très grande majorité de nos voisins – c’est le cas notamment de l’Allemagne – ne prévoient aucune durée minimale.
En comparaison de celui de nos voisins, le régime fiscal dit « mère-fille » appliqué en France est parfois plus dur, parfois moins dur, donc dans une moyenne convenable. Cela n’exclut pas que nous travaillions avec nos voisins sur le sujet ; un certain nombre de travaux sont en cours pour essayer d’homogénéiser les dispositifs, et c’est ce que nous souhaitons.
Madame la rapporteure générale, j’entends bien que certaines PME pourraient être pénalisées, mais cette exonération bénéficie en premier lieu aux grands groupes et vous le savez. Ne vous cachez pas derrière un tel paravent pour éviter de revoir le régime « mère-fille ». Je rappelle que M. le secrétaire d’État a signé un certain nombre d’amendements de ce type sous la précédente législature.
L’amendement no 206 n’est pas adopté.
La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 194 .
Il s’agit de lever une ambiguïté concernant les bons de souscription d’actions, monsieur le secrétaire d’État.
En effet, dans le cadre de la réforme du régime fiscal des valeurs mobilières, il a été décidé d’intégrer les plus-values au barème progressif de l’impôt sur le revenu. En contrepartie, un mécanisme d’abattement pour durée de détention a été mis en place. Il y a cependant une ambiguïté dans la rédaction : les bons de souscription d’actions, qui font pourtant partie de l’ensemble des valeurs mobilières, très largement visées par la réforme, semblent être traités différemment. Le présent amendement vise à rappeler que ces derniers représentent eux aussi des valeurs mobilières.
Monsieur le président de la commission, vous proposez d’apporter une modification rédactionnelle au texte instaurant l’abattement pour durée de détention afin de faire bénéficier du dispositif les gains de cession des bons de souscription autonomes ou détachés.
Sur le fond, donc au-delà de la question rédactionnelle, je ne suis pas favorable à votre proposition.
Je rappelle tout d’abord que l’instauration du dispositif d’abattement pour durée de détention a pour objectif de renforcer le financement en fonds propres des entreprises en favorisant la prise de risque et la détention longue d’actions et de parts sociales. Or, les bons de souscription d’actions et les droits détachés ne répondent pas à l’objectif poursuivi par la réforme.
En effet, vous comprendrez qu’il ne peut être accordé un régime fiscal favorable à des produits non risqués représentant en eux-mêmes non pas un investissement effectif mais le droit d’investir dans une entreprise, qui plus est dans des conditions privilégiées. C’est la raison pour laquelle le champ du régime de taxation des plus-values mobilières est plus large que celui de l’abattement pour durée de détention, puisqu’il s’applique notamment à l’ensemble des valeurs mobilières et droits sociaux. C’est tout à fait sciemment que le Gouvernement n’a pas souhaité que ces deux champs soient identiques.
Afin de clarifier encore les choses, cette différence de champ sera explicitée dans l’instruction fiscale commentant le nouveau régime fiscal des gains de cession de valeurs mobilières, en cours de finalisation.
Au bénéfice de ces explications, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur le président de la commission. À défaut, le Gouvernement en propose le rejet.
La réponse du ministre est claire et lève complètement l’ambiguïté : les bons de souscription d’actions font partie du champ des valeurs mobilières et relèvent donc du régime des plus-values ; le régime favorable d’abattement pour durée de détention ne s’applique donc pas à ces titres. Cette décision peut avoir des conséquences assez lourdes. L’ambiguïté étant levée, et sauf si Mme la rapporteure générale voulait le maintenir, l’amendement est retiré.
L’amendement no 194 est retiré.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 283 .
Il s’agit d’un amendement de précision sur le champ de l’abattement applicable aux plus-values imposées au barème.
Sont exclus de ce champ, au titre de la réforme des plus-values mobilières, les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, qui bénéficient de l’application d’un taux forfaitaire de 19 % ou de 30 %, et les gains de levée d’options attribuées avant le 20 juin 2007.
Le Gouvernement accueille favorablement cet amendement.
Celui-ci vise en effet à confirmer que les gains nets réalisés lors de la cession des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise ou BSPCE sont exclus du champ des abattements pour durée de détention proportionnelle applicable aux gains de cession d’actions ou parts de société et de celui de l’abattement fixe de 500 000 euros applicable aux gains de cession de titres ou droits sociaux réalisés par les dirigeants partant à la retraite. Cet amendement apporte donc une précision utile.
L’amendement no 283 est adopté.
La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement no 279 .
Monsieur le secrétaire d’État a évoqué à fort juste titre la notion de prise de risque ; nous sommes là dans le vif du sujet, puisque cet amendement a pour objet de conforter le statut des business angels, dont le rôle positif dans l’accompagnement et la création d’entreprises n’est plus à démontrer.
Au cours des cinq dernières années, les business angels ont investi 200 millions d’euros dans la création et le développement d’entreprises. Au cours de la seule année 2012, ils ont contribué à créer plus de 2 600 emplois dans les entreprises qu’ils ont financées.
Vous le savez, le mal français est de ne pas diriger l’épargne vers l’investissement productif, vers les entreprises. À cet égard, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite LME, a permis la création de sociétés de capitaux transparentes fiscalement qui s’inspirent de la société dite Subchapter S, l’une des sources de l’expansion économique américaine. Cependant, cette incitation échoue en grande partie à cause d’une disposition du code général des impôts, l’article 156, qui « tunnélise » les revenus en ne permettant la déduction des pertes qu’au sein des bénéfices de même nature, ce qui élimine la plupart des investisseurs potentiels, car les pertes portent le plus souvent sur les bénéfices industriels et commerciaux alors que les revenus des investisseurs sont le plus souvent salariaux ou mobiliers.
Cet amendement a pour but de renforcer les fonds propres des PME, lesquelles se transformeront certainement, si on les encourage et qu’on les aide et qu’elles bénéficient d’un environnement économique favorable, en entreprises de taille intermédiaire – ETI –, dont manque cruellement notre pays.
Madame la députée, nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut davantage orienter l’épargne financière vers l’investissement productif, comme le décrivait parfaitement le rapport Berger-Lefebvre publié en 2013.
Vous souhaitez que les avantages fiscaux existant en matière de bénéfices industriels et commerciaux soient étendus aux investisseurs. Mais le fait d’investir 100 000 euros dans une société de capitaux n’équivaut pas à exercer une activité professionnelle. Sur cette question, et nous rejoignons ici un débat que nous avons déjà eu en commission, il faudrait que nous puissions avoir des données très précises, car tous les investissements d’un tel montant au sein d’une société ne sont pas équivalents. En outre, des questions se posent plus largement quant aux structures capitalistiques que peuvent adopter les 4 600 ETI françaises.
Pour toutes ces raisons, et nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion de la prochaine loi de finances, la commission a émis un avis défavorable.
Le Gouvernement a émis le même avis que la commission.
Je vous rappelle en effet que le régime de l’article 239 bis AB permet une dérogation au régime applicable aux sociétés de capitaux relevant de l’impôt sur les sociétés. Il permet à la société, pourvu qu’elle soit constituée d’au moins 50 % d’associés personnes physiques, d’opter pour l’application de l’impôt sur le revenu pendant cinq exercices.
L’enjeu, à l’époque, était de permettre aux associés professionnels personnellement impliqués dans le développement d’une entreprise d’imputer les déficits des premières années d’exercice sur leur revenu global.
Or vous proposez d’aller bien plus loin en disposant que l’option des sociétés de capitaux pour l’impôt sur le revenu permette à tout associé d’imputer sur son revenu imposable une quote-part des déficits de l’exercice correspondant à sa part dans le capital, à la seule condition qu’il ait investi plus de 100 000 euros.
Vous comprendrez bien, dans un contexte de rationalisation des dépenses, qu’un tel avantage fiscal ne fasse pas partie des priorités du Gouvernement. Le dispositif existant est suffisamment incitatif. Ne serait-ce que pour des raisons budgétaires, cet amendement nous apparaît donc inopportun. J’en demande le retrait et, à défaut, j’appelle l’Assemblée à le rejeter.
L’amendement no 279 n’est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 16 .
Monsieur le secrétaire d’État, cet amendement concerne une question déjà évoquée avec votre prédécesseur, alors que vous étiez encore rapporteur général. À l’époque, chacun avait admis l’existence d’une injustice.
Les non-résidents percevant des revenus en France sont imposés tout comme les résidents. Ils ne peuvent toutefois pas déduire de leur revenu imposable des charges liées notamment à des situations familiales particulières telles que le versement d’une pension alimentaire, les frais liés à la prise en charge d’une personne en situation de dépendance, le loyer d’un parent âgé demeurant en France.
Ainsi, certains Français expatriés en Amérique du Nord, qui contribuent à financer l’hébergement d’une personne âgée dans un EHPAD – établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendante – public, ne peuvent pas déduire de leur impôt la part du loyer versée chaque mois au trésor public, contrairement à leur proches restés en France qui contribuent également à ce loyer.
C’est une question de justice : les Français doivent bénéficier du même avantage fiscal, qu’ils résident ou non au sein de l’Union européenne.
Je précise que les personnes non domiciliées fiscalement en France peuvent bénéficier, sous certaines conditions, de réductions ou de crédits d’impôt. Je pense par exemple aux crédits d’impôt accordés au titre des primes d’assurance pour loyer impayé ou de travaux prescrits dans le cadre d’un plan de prévention des risques technologiques, ou encore à la réduction d’impôt pour investissement locatif dans le secteur touristique. Il existe donc d’ores et déjà des exceptions au principe selon lequel les non-résidents n’ont pas accès à ces avantages fiscaux.
Par ailleurs, vous êtes élu dans un territoire, l’Amérique du Nord, où l’on pratique l’impôt universel. L’imposition y est considérée de façon globale, en prenant en compte les revenus perçus dans le pays de résidence, ainsi que les éventuels avantages fiscaux qui y sont applicables.
C’est le sujet, dans la mesure où il faut envisager tous les aspects de l’imposition des expatriés. En tout état de cause, à ce stade, j’émets un avis défavorable à votre amendement.
C’est parce que les personnes domiciliées hors de France sont soumises à une obligation fiscale limitée en France – elles ne sont imposables que sur leurs seuls revenus de source française – qu’elles ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global. L’exception prévue pour les non-résidents dits « Schumacker » – en référence à un arrêt de la Cour de justice européenne du 14 février 1995 – n’est pas transposable aux Français établis hors d’Europe.
Les non-résidents « Schumacker », domiciliés dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen, peuvent en effet, de la même manière que les contribuables français domiciliés en France, faire état, pour le calcul de leur impôt, des charges admises en déduction sur leur revenu global lorsqu’ils tirent de la France la majorité ou la quasi-totalité de leur revenu. Tel est l’état du droit.
Cette règle est pourtant issue de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE. Elle s’applique à tous les États membres, ce qui implique une réciprocité au terme de laquelle un Français imposé dans un autre État peut, le cas échéant, se prévaloir des mêmes principes.
Les Français qui résident dans des États tiers à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen ne peuvent pas bénéficier d’une telle réciprocité. C’est pour cette raison, et dans le respect de l’égalité de traitement entre contribuables, que la déductibilité des charges ne leur est pas applicable. Lorsqu’une pension alimentaire est versée par une personne fiscalement domiciliée à l’étranger, c’est à l’État dans lequel elle a son domicile d’en tenir compte selon sa législation, …
…y compris lorsque son bénéficiaire est fiscalement domicilié en France.
Telles sont, monsieur le député, les raisons pour lesquelles le Gouvernement propose le rejet de votre amendement, faute de le voir retiré. Avis défavorable.
Je m’interroge sur la constitutionnalité de cette position. Madame la rapporteure générale, monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous qu’il soit conforme au principe d’égalité de séparer les citoyens français en deux catégories, selon qu’ils sont ou non domiciliés dans un pays de l’Union, les uns pouvant déduire ces charges de leur impôt, et les autres non ?
Et ce, alors que les uns comme les autres paient des impôts en France !
En effet, le principe d’égalité ne dépend pas du territoire de résidence : il s’applique à tout le monde. C’est pourquoi je doute que la position rappelée par M. le secrétaire d’État soit tenable au regard de la Constitution.
Je n’aurai pas la prétention de répondre en lieu et place du Conseil constitutionnel. On pourrait également invoquer le principe de libre circulation des personnes mais, je le répète, c’est le principe de réciprocité qui conduit les résidents de l’Union européenne à bénéficier de cet avantage fiscal. Pour les autres personnes résidant à l’étranger, la situation varie selon la législation locale en matière de fiscalité ou la nature des relations fiscales entre la France et le pays concerné. Je suis donc assez tranquille pour ce qui concerne la constitutionnalité de cette disposition. Pour autant, il appartient au Conseil constitutionnel – saisi par exemple dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité – de répondre à votre objection.
La fiscalité des Français expatriés est l’objet d’un vaste débat. Rappelons que seule la part des revenus perçue en France est soumise à l’impôt sur le revenu : si, par exemple, vous gagnez 10 000 euros en France et 100 000 dollars aux États-Unis, vous bénéficierez de l’effet du barème progressif d’imposition : les revenus perçus en France ne seront soumis qu’aux taux des premières tranches. L’impôt serait donc bien plus élevé s’il était calculé sur le total de vos revenus.
Je crois donc nécessaire d’apprécier la fiscalité dans son ensemble, et non pas sur le seul plan des charges déductibles. Dès lors que la fiscalité française ne prend en compte que les revenus perçus en France, l’application du barème a pour effet de réduire le montant finalement prélevé. Aux États-Unis, c’est le revenu global qui est pris en compte, et l’expatrié contribue à la fois dans le pays de résidence et à l’impôt américain.
Je le répète, il faut envisager la situation dans son ensemble, et ne pas chercher à obtenir des avantages des deux côtés.
Le problème ne se pose pas qu’aux États-Unis, mais dans tous les pays situés hors de l’Union européenne !
L’amendement no 16 n’est pas adopté.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 223 rectifié , 212 , 125 rectifié et 160 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 223 rectifié .
L’amendement no 223 rectifié concerne la refonte du barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. C’est donc un classique du Front de gauche, mais je souhaite lui donner une résonance particulière.
La refonte du barème est devenue une nécessité en raison des difficultés causées par les réductions forfaitaires et des problèmes de décote liés au gel du barème. En outre, selon l’Observatoire des inégalités, qui vient de publier son analyse pour les années 2008 à 2011, en moyenne pendant cette période les cadres supérieurs ont enregistré un gain de 1 000 euros et les ouvriers, une perte de 200 euros de pouvoir d’achat. Telle est la réalité : les inégalités de revenus ne cessent de s’aggraver dans notre pays. Et je ne parle même pas des inégalités de patrimoine : en 2013, les 500 plus grosses fortunes ont augmenté leur patrimoine de 25 %, ce qui n’est évidemment pas le cas des foyers modestes.
Pour répondre à ces inégalités de revenus, notre groupe propose un barème en neuf tranches visant à alléger l’impôt pour les revenus inférieurs à 45 000 euros et à l’augmenter pour les revenus supérieurs. Pour tenir compte de l’état de nos finances publiques, une refonte du barème ne doit en effet pas concerner que les premières tranches.
Quant à l’amendement no 212 , il vise à modifier les effets du « dégel » du barème. On se souvient, en effet, que la droite avait gelé le barème de l’impôt sur le revenu.
Le nouveau gouvernement a en effet maintenu ce gel pendant une année, ce à quoi je me suis d’ailleurs opposé. L’amendement a donc pour objet de compenser les effets de ce gel sans recourir à un mécanisme exceptionnel de décote ou de réduction forfaitaire. La création d’une nouvelle tranche est destinée à financer cette mesure en obtenant même un surcroît de recettes.
L’amendement no 212 a donc été défendu.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 125 rectifié .
Dans le même esprit que les amendements défendus par Nicolas Sansu, nous proposons d’améliorer la progressivité de l’impôt, mais en nous concentrant sur le haut du barème. En effet, les faibles gains de croissance enregistrés ces dernières années ont bénéficié aux plus favorisés. Il est donc normal que ces derniers contribuent un peu plus au moment où la volonté d’équilibrer les comptes publics exige plus d’efforts de la part des Français.
En réalité, cet amendement d’appel n’a pas vocation à s’appliquer en 2014, mais cherche à anticiper la fin, en 2015, de la contribution exceptionnelle de 50 % appliquée aux rémunérations dépassant un million d’euros. Pour se substituer à cette mesure, nous proposons d’appliquer une nouvelle tranche d’imposition de 49 % sur la part de revenus dépassant 200 000 euros. Un tel montant, qui bien entendu peut être discuté, signifie que les personnes dont le revenu net est inférieur à 15 000 euros par mois ne seraient pas concernées par cette nouvelle tranche, ce qui ne peut qu’inciter à voter aisément l’amendement.
Avis défavorable. De tels sujets trouveraient une meilleure place dans le projet de loi de finances pour 2015 dont nous discuterons à l’automne.
Je rappelle par ailleurs à notre collègue Nicolas Sansu que beaucoup a déjà été fait en ce domaine, qu’il s’agisse de la création d’une tranche d’imposition à 45 % ou de l’abaissement à 10 000 euros du plafond global des niches fiscales.
Je pense donc qu’il vaut mieux discuter de cela à l’automne : nous pourrons alors réfléchir à l’impôt sur le revenu. À ce stade, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, cette discussion n’a pas lieu d’être.
Je constate, madame Dalloz, que votre amendement prévoit une revalorisation de la décote. Pourtant, cette décote n’a jamais été revalorisée lors de la législature précédente, quand vous étiez majoritaires !
L’avis de la commission est donc défavorable à ces quatre amendements.
Je crois qu’il serait prématuré de toucher au barème de l’impôt sur le revenu. Le Gouvernement n’a pas l’intention de le faire tout de suite, dans ce projet de loi de finances rectificative. En revanche, je confirme ce que j’ai déjà dit à plusieurs reprises concernant le bas du barème, à propos duquel plusieurs députés ont exprimé leurs préoccupations – même si j’ai bien compris que l’amendement présenté par notre collègue Éric Alauzet traitait, lui, plutôt du haut du barème – : le Gouvernement est prêt à travailler avec la commission des finances et les parlementaires qui le souhaitent à un aménagement du bas du barème de l’impôt sur le revenu, dans la limite des volumes dont il est question dans cette loi de finances. Au terme de cet aménagement, le produit de l’impôt sur le revenu devra, bien sûr, rester équivalent, sauf s’il se produisait une embellie économique considérable, qui permettrait de se passer d’une partie de ces recettes.
Dans le cadre de ce réaménagement, de ce reprofilage, les réductions d’impôt sur le revenu représentant 1,1 milliard d’euros qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale la nuit dernière pourront être reconduites. La question de la décote et celle des tranches basses du barème pourront aussi y figurer. Dans tous les cas, je répète que le Gouvernement est ouvert sur ce sujet.
Merci, monsieur le ministre. Pourriez-vous préciser l’avis du Gouvernement sur chacun de ces amendements ?
Vous l’aurez compris, mais cela va mieux en le disant : le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements.
J’ai bien pris note de l’argument développé par Mme la rapporteure générale et par M. le ministre, selon lequel ce n’est pas dans le cadre de la discussion d’un projet de loi de finances rectificative que l’on doit aborder la question des tranches de l’impôt sur le revenu. Cette question serait en effet plus à sa place dans le cadre du débat sur la loi de finances initiale. Cela dit, la question posée par notre collègue Nicolas Sansu dépasse celle du bas du barème de l’impôt sur le revenu.
On a disserté à loisir sur le sentiment de « ras-le-bol fiscal », terme auquel ont recouru des membres du Gouvernement eux-mêmes il y a quelque temps. Le problème principal est le suivant : l’impôt n’est bien supporté par nos concitoyens que s’il est ressenti comme juste ; or l’impôt sur le revenu n’est pas juste parce qu’il n’est pas suffisamment progressif. Cette situation ne résulte pas de la politique menée par notre gouvernement ; nous l’avons héritée des précédents gouvernements. L’impôt sur le revenu ne comporte pas suffisamment de tranches : il n’est donc pas suffisamment progressif. Les écarts de revenus à l’intérieur d’une même tranche donnent lieu à des disparités. Je pense donc que le Gouvernement ne doit pas abandonner l’immense aspiration à la justice fiscale qui avait animé François Hollande lors de l’élection présidentielle, et qui visait à redonner de la progressivité à nos impôts.
Cette question ne concerne donc pas que les tranches basses du barème. Si nous ne votons pas de réforme des tranches de l’impôt sur le revenu dans le cadre de ce PLFR, il faudrait que le Gouvernement engage un travail sérieux et sincère avec la représentation nationale sur ce sujet, car il est nécessaire de rendre les impôts français plus progressifs.
Je reviens à l’amendement no 125 rectifié . Sans insister pour son adoption, je voudrais que le Gouvernement précise sa volonté pour les années à venir sur le point suivant.
Ce gouvernement procède, qu’on le veuille ou non, à une rupture fiscale : le Premier ministre lui-même insiste sur le fait qu’il ne souhaite plus augmenter l’impôt. Je souhaite savoir, pour ma part, si cette nouvelle ligne durera simplement quelques mois, ou si vous vous engagez pour les années à venir, en particulier pour les revenus de l’année 2014, c’est-à-dire pour l’impôt de l’année 2015.
Il me paraît assez logique de vous poser cette question ! Nous sommes à mi-mandat, et une évolution du discours gouvernemental à propos de l’impôt est intervenue. Au-delà du discours, se traduira-telle dans la réalité ? S’agit-il là d’un vrai changement de politique, ou l’objectif n’est-il que d’apaiser momentanément les contribuables ?
Je peux comprendre, pour des raisons de procédure, qu’il ne soit pas opportun d’adopter l’amendement no 125 rectifié . Quoi qu’il en soit, nous voulons connaître les grandes lignes de la politique du Gouvernement en matière fiscale – et notamment en matière d’impôt sur le revenu – pour les mois et les années à venir.
Je reviens d’abord sur les propos tenus par Pascal Cherki. Il est vrai que j’ai plutôt évoqué la question des basses tranches du barème de l’impôt sur le revenu, en disant que le Gouvernement est ouvert sur ce sujet. Je crois qu’il est un peu trop facile de dire que le Gouvernement n’a pas travaillé sérieusement…
… – je vous ai entendu prononcer ces mots, monsieur Cherki, mais peut-être ai-je mal compris – sur la progressivité de l’impôt, notamment sur le revenu.
D’abord, madame la rapporteure générale a eu la gentillesse de rappeler tout à l’heure qu’en matière de progressivité de l’impôt, un certain nombre de mesures ont été prises, comme la création d’une tranche à 45 % et l’alignement de la taxation d’une grande partie des revenus du capital sur le barème de l’impôt sur le revenu. Ce qui n’était pas progressif l’est devenu. Ensuite, nous avons mis en place une taxation spécifique pour les entreprises qui versent des salaires supérieurs à un million d’euros par an à certains de leurs salariés. Je pourrais poursuivre cette énumération.
J’invite chacun à consulter la multitude de rapports qui analysent, décile par décile, le montant de l’impôt acquitté en fonction du revenu. Je ne prétends pas que notre système fiscal soit idéal et merveilleux, mais il ne faut pas généraliser en présentant ce qui n’est que le le sentiment de certains comme une réalité d’ensemble.
Dans la suite du débat, je ne répondrai pas en détail à chaque amendement portant sur le barème de l’impôt sur le revenu, quoique cette question soit tout à fait légitime. Je vous demande donc, madame la présidente, de me pardonner d’être un peu long cette fois-ci.
Je veux répondre aussi à notre collègue Marc Le Fur. Monsieur Le Fur, vous proposez une indexation du barème ; vous faisiez pourtant partie de la précédente majorité, qui a été à l’initiative du gel du barème.
Vous aussi, vous avez gelé le barème de l’impôt sur le revenu, mon cher collègue !
Ce gel a duré plusieurs années consécutives, avant que la majorité actuelle décide, cette année, de le lever.
J’ai dit clairement les intentions du Gouvernement sur la prochaine loi de finances initiale. Peut-être, là aussi, n’avez-vous pas été attentif, ou moins attentif encore que je l’ai été, pour ma part, lorsque M. Cherki s’est exprimé. J’ai dit clairement que le Gouvernement est ouvert à un travail sur le bas du barème, afin que l’entrée dans l’impôt sur le revenu soit plus lisible, dans la limite des masses qui figurent dans le présent projet de loi de finances rectificative. S’il faut le répéter une quatrième fois, je le ferai !
Pour une fois, je voudrais soutenir M. le secrétaire d’État. Ce qu’il dit est parfaitement exact. Savez-vous quelle est la proportion du produit de l’impôt sur le revenu et de la CSG payée par les contribuables du décile supérieur ? Elle est de 49 % ! Et il y en a qui disent que l’impôt sur le revenu n’est pas progressif…
Savez-vous, à l’inverse, quelle proportion de l’impôt sur le revenu et de la CSG-CRDS est payée par les contribuables les plus modestes, ceux des quatre derniers déciles ? En avez-vous une idée ? Elle est de 4 % !
Alors de grâce, comme vient de le dire M. le secrétaire d’État, arrêtons de faire croire à nos concitoyens que l’impôt n’est pas progressif : au contraire, il est hyper-progressif ! Le vrai problème, c’est que le barème est beaucoup trop progressif, et que l’assiette est beaucoup trop étroite – ceci, d’ailleurs, explique cela. La progressivité de l’impôt est pour partie minée par des dépenses fiscales, mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, ces dépenses fiscales ne bénéficient pas à tous les déciles de la même manière. Contrairement aussi à ce qu’on prétend parfois, elles ne profitent pas uniquement au dernier décile. Malgré ces niches fiscales, en effet, le dernier décile représente 49 % de l’impôt sur le revenu et de la CSG. De grâce, arrêtons d’en rajouter ! Ce qu’il faut faire, c’est baisser le barème et élargir l’assiette.
Un débat de cette nature relève évidemment d’un projet de loi de finances initiale. Cela permettra à celles et ceux qui souhaitent s’engager fortement dans ce débat de profiter du rapport réalisé par le groupe de travail sur la fiscalité des ménages qui a été mis en place par Jean-Marc Ayrault et que j’ai présidé avec M. François Auvigne. Plusieurs annexes accompagnent ce rapport ; elles fournissent beaucoup d’éléments d’information, qui doivent permettre d’aborder les questions de manière plus objective.
Nous ne prétendrons pas – en tout cas, pas de ce côté-ci de l’hémicycle – que le système fiscal actuel est juste. Certains de nos collègues, comme Pascal Cherki, pensent que la priorité doit être donnée à la progressivité de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée. Je voudrais leur répondre la chose suivante : la réalité des chiffres montre que notre système est déjà progressif pour l’essentiel des foyers fiscaux. Les éléments de dégressivité interviennent à l’intérieur du dernier décile, plus précisément à hauteur des derniers centiles ; c’est d’ailleurs aussi le cas de la fiscalité indirecte, qui est proportionnelle pour 90 % des ménages.
Pour compléter les chiffres qui viennent d’être donnés, s’agissant du seul impôt sur le revenu, les 2 % des foyers fiscaux ayant les revenus les plus élevés – je rappelle que cette catégorie commence à 90 000 euros de revenus annuels : cela peut être le cas d’un célibataire qui gagnerait très bien sa vie, mais aussi le cas d’un couple de cadres supérieurs – représentent 20 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu, 40 % de son produit, et 25 % de la totalité de l’impôt sur le revenu et de la CSG.
On le voit, la concentration sur cette catégorie est forte.
Nous indiquons, dans notre rapport, que les injustices les plus importantes, celles qui suscitent l’incompréhension et posent le problème de la progressivité, touchent les contribuables entre le quatrième et le sixième décile. Ces déciles représentent la catégorie des Français qui rentrent dans l’impôt : nous en avons parlé hier, nous en reparlerons ensuite. Il ne faut pas se tromper de niveau d’analyse : je crois que c’est à ce niveau-là que l’impôt est le plus fortement rejeté, qu’il est le plus mal compris, qu’il est considéré le plus profondément comme injuste.
Les amendements nos 223 rectifié , 212 , 125 rectifié et 160 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, vous pouvez compter sur notre constance, en particulier pour défendre ce que nous considérons comme un élément fondateur de notre système fiscal : la familialisation de l’impôt, que vous avez mise à mal en réduisant le quotient familial de 2 000 euros à 1 500 euros.
La solidarité familiale n’est pas une solidarité sociale classique. Il s’agit de prendre en compte des charges spécifiques liées à l’éducation des enfants, et donc de préparer l’avenir de notre pays. Votre logique est uniquement redistributive : vous considérez que les familles aisées doivent être solidaires des familles modestes ; pour notre part, nous considérons que la solidarité doit s’exercer entre les célibataires – ou, d’une manière plus générale, ceux qui ont des charges de famille limitées – et ceux qui ont des charges de famille ou des charges plus lourdes. Il faut qu’à revenus comparables, les familles avec enfants ne soient pas défavorisées par rapport aux couples sans enfants, ou n’ayant qu’un seul enfant.
C’est pourquoi nous insistons sur ce point, sur lequel nous reviendrons constamment. Si nos compatriotes nous font confiance, nous serons inflexibles : nous devons revenir à une conception du quotient familial plus respectueuse des familles, en particulier des familles à revenus moyens.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 102 .
Il s’agit bien de la familialisation de l’impôt, car le quotient familial a bien pour objet de prendre en compte les charges inhérentes à l’éducation des enfants.
Permettez-moi de faire un parallèle avec un texte que nous avons examiné il y a un peu plus d’une semaine. Dans ce cadre, le Gouvernement et la majorité ont rejeté l’idée de ne plus verser intégralement l’allocation de rentrée scolaire à des familles dont les enfants ont été confiés durablement aux services d’action sociale, par exemple en raison de violences.
La ministre nous a expliqué que ces familles modestes devaient bénéficier d’un revenu complémentaire. Il est paradoxal de maintenir les allocations de rentrée scolaire et les allocations familiales des familles provisoirement ou durablement déchues de leurs droits parentaux et, parallèlement, de réduire l’avantage du quotient familial de celles qui ont la charge de l’éducation des enfants. C’est un non-sens total ! Cet amendement vise donc à rétablir une certaine logique, au profit des familles nombreuses.
Nous avons déjà eu ce débat. Je souhaite simplement apporter une précision à M. Le Fur : le quotient familial n’a pas été mis à mal, mais son plafond a été abaissé, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Je citerai deux chiffres à l’appui de mon avis défavorable à cet amendement. Premièrement, l’abaissement du plafond du quotient familial commence à se faire sentir, pour une famille avec trois enfants, à partir d’un seuil de revenus équivalant à six fois le SMIC.
Deuxièmement, cette mesure a permis d’économiser 1 milliard d’euros, qui ont été reversés à la Caisse nationale des allocations familiales, de façon à ce qu’un certain nombre d’enfants puissent précisément en bénéficier.
Avis défavorable. Il a été rappelé à l’instant les raisons de la mise en place de cette mesure destinée à résorber le déficit de la branche famille, afin de préserver le principe d’universalité des allocations familiales, principe qui a obtenu l’assentiment des associations, quasiment à l’unanimité.
J’ajouterai un exemple à celui donné par Mme la rapporteure générale : pour un couple marié avec deux enfants, le plafonnement s’applique uniquement si le revenu déclaré est supérieur à 5 850 euros par mois, hors allocations familiales et autres prestations sociales. Nous touchons là des familles dont les revenus ne sont pas franchement les plus modestes.
Pour assurer l’universalité des allocations familiales, principe qui fait l’objet d’un certain consensus, le Gouvernement a souhaité prendre cette mesure et appelle à rejeter votre amendement.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 127 .
Il a trait à la décote de l’impôt sur le revenu. Prenons l’exemple d’un retraité, d’une personne disposant de faibles revenus ou de personnes travaillant en trois huit dans une industrie : ils auront un taux d’imposition plus élevé en raison de mesures telles que la fiscalisation en année pleine des heures supplémentaires ou de la part employeur des complémentaires santé. La décote permet de faire sortir de l’imposition un certain nombre de personnes, notamment les retraités.
Notre amendement vise donc à relever la décote au titre de l’imposition des revenus de l’année 2013 de 508 à 550 euros. Cela s’inscrit dans la logique de l’article 1er du projet de loi de finances rectificative, qui vise à sortir ou à ne pas faire entrer dans l’impôt des personnes ayant de faibles revenus. La décote, mécanisme simple, compréhensible et facilement utilisable, est un excellent moyen d’éviter de faire entrer dans l’impôt des personnes qui y sont entrées en raison d’un cumul de mesures néfastes sur le plan fiscal.
Je remercie Mme Dalloz de vouloir revaloriser la décote, mais, en 2011, lorsque vous aviez gelé le barème de l’impôt sur le revenu…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Certes, errare humanum est ! Vous n’étiez alors pas pressés d’augmenter cette décote !
Je me permets de rappeler que, pour les revenus 2013, nous avons d’ores et déjà revalorisé la décote à hauteur de 5,8 %. Avis défavorable à votre amendement.
Que rajouter ? La qualité du débat parlementaire requiert une certaine cohérence dans le temps, ce qui n’exclut pas la possibilité de changer d’avis parfois, nous sommes d’accord. Le Parlement a, par deux fois, fortement revalorisé la décote, fin 2012 et fin 2013 et nous renouvellerons cette opération. Cela n’apporte pas grand-chose au débat que de demander toujours un peu plus. L’action du Gouvernement est cohérente. Ces postures et ces propos peu nuancés méritent que l’on rejette cet amendement.
L’amendement no 127 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 114 .
Puisque M. le secrétaire d’État parle de cohérence, je voudrais lui indiquer que l’on pourrait lui reprocher son incohérence, et ce dès cet été. Certes, il n’y a pas eu de projet de loi de finances rectificative l’an dernier, et nous l’avons suffisamment déploré. Pour autant, dès l’adoption du projet de loi de finances pour 2013, nous avons tous pu constater les effets néfastes de vos mesures fiscales, vous y compris, chers collègues de la majorité !
Dans nos permanences parlementaires, des retraités et des salariés sont venus manifester leur incompréhension et leur mécontentement devant les mesures fiscales que vous aviez adoptés dans les différents projets de loi de finances. Ce n’est pas faute de vous avoir prévenus ! Nous vous avons bien alertés sur ces dispositions et les dangers qu’elles comportaient !
Force est de constater aujourd’hui que vous tentez, avec ce projet de loi de finances rectificative, de rectifier le tir et de sortir de l’impôt un certain nombre de personnes. Vous vous rendez bien compte que trop, c’est trop. Le Premier ministre lui-même a déclaré que trop d’impôt tuait l’impôt !
Cet amendement vise à plafonner la hausse d’impôt à 10 % par contribuable, à revenus identiques. Il faut impérativement essayer de préserver le consentement à la progression de l’impôt de chaque foyer fiscal.
La commission a émis un avis défavorable, pour deux raisons. Premièrement, plafonner à 10 % l’augmentation d’impôt induit une rupture dans la progressivité de l’impôt. Deuxièmement, le Gouvernement a déjà apporté une réponse à l’article 1, qui permet d’accorder une réduction d’impôt à près de 4 millions de foyers fiscaux.
S’il fallait ajouter une troisième raison, c’est celle de l’impossibilité technique de mettre en oeuvre une telle mesure. Vous me direz que Bercy est capable de tout.
Eh bien non ! Nos services ne sont pas capables de mettre en oeuvre un tel dispositif, qui est d’une complexité incommensurable.
Vous savez, les logiciels coûtent parfois cher et ne marchent pas forcément. Vous pourriez demander à certains de mes prédécesseurs, ils vous le confirmeraient !
Avis défavorable, donc.
L’amendement no 114 n’est pas adopté.
Le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre immédiatement l’une des mesures qui a été récemment présentée dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique. Il part du constat de l’inefficience de l’éco-PTZ, en raison du manque d’enthousiasme du secteur bancaire pour développer le produit.
La raison en est facile à comprendre : la responsabilité de la banque peut être engagée lorsque les travaux ne remplissent pas les objectifs fixés pour la délivrance de cet éco-PTZ en matière d’économie d’énergie ou de rénovation intelligente du bâtiment.
L’objet du présent amendement est donc de rendre les entreprises responsables de la conformité des travaux aux objectifs affichés lors de l’accord du prêt et d’appliquer des pénalités à celles qui auraient indûment bénéficié de la mesure.
Ce dispositif assouplit le fonctionnement de l’éco-PTZ, qui est un produit peu utilisé. Cela permet de transférer la responsabilité de la banque vers l’entreprise.
Le Gouvernement a raison de déposer cet amendement. En effet, nous devons modifier ce dispositif car il fonctionne mal, pour les raisons évoquées par M. le secrétaire d’État. Il est demandé à des banquiers d’attester de l’écoconditionnalité de travaux, et ils sont responsables si les objectifs ne sont pas atteints ! Cela ne peut pas fonctionner !
Permettez-moi simplement de vous dire, monsieur le secrétaire d’État, que la solution proposée est incomplète, car elle revient à transférer cette responsabilité vers les entreprises. Or, un problème va se poser : pensez-vous que des petites et moyennes entreprises puissent accepter d’endosser cette responsabilité et d’encourir le risque d’une amende ?
Les deux sous-amendements que nous proposons, en lien avec la profession, visent à introduire le dispositif du tiers certificateur, avec deux variantes. Le sous-amendement no 371 vise à permettre un recours facultatif à un tiers vérificateur, qui engage sa responsabilité lorsqu’il intervient.
Le sous-amendement no 372 , un peu plus subtil, reprend la même idée. Il permet à la banque, en cas de pluralité d’entreprises, ou à l’entreprise elle-même, lorsqu’elle est seule à intervenir, de recourir à un tiers vérificateur.
Vous soulevez, monsieur le secrétaire d’État, un vrai problème, mais la solution que vous préconisez n’est pas, à mon sens, tout à fait adaptée. Le recours facultatif au tiers vérificateur serait probablement un dispositif satisfaisant. Mon sous-amendement est complémentaire au vôtre. Il ne s’y oppose pas.
En effet, l’entreprise et la banque ne seraient pas contraintes de faire appel à lui, mais elles en assumeraient alors la responsabilité. Elles ne pourraient pas opposer l’argument selon lequel elles n’auraient pas voulu assumer cette responsabilité : elles auraient alors dû faire appel à un tiers vérificateur, lequel aurait pris en charge contre rémunération la responsabilité de certifier la conformité des travaux aux règles permettant d’être éligible à ce crédit d’impôt.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 368 et sur les sous-amendements n°s 371 rectifié et 372 ?
L’amendement du Gouvernement vise effectivement à clarifier une situation pour faire décoller les prêts éco-PTZ. Une banque qui accorde un prêt pour un projet certifié lui applique des intérêts. Par exemple, les intérêts étant de 2 %, cela représente deux euros pour une somme de 100 euros. Le crédit d’impôt en découlant permettra de bénéficier d’un prêt à taux zéro pour financer lesdits travaux. S’il arrivait, pour une raison X ou Y, que le projet ne soit pas qualifié, le bénéfice de ce crédit d’impôt serait supprimé et l’établissement de crédit aurait moins 2 euros dans sa compatibilité.
L’amendement du Gouvernement tend à clarifier cette responsabilité. La commission, laquelle a examiné cet amendement hier, a émis un avis favorable.
J’en arrive à vos deux sous-amendements, monsieur de Courson.
Ils ne sont pas alternatifs, ils apportent des précisions. À ce stade, ils n’ont pas été examinés par la commission. À titre personnel, j’y serai défavorable, parce que vous ne dites pas dans quel cas l’entreprise chargée des travaux ou la banque devra payer. Vous ne précisez pas les critères qui feraient que l’une ou l’autre serait engagée. Il en va de même pour le tiers vérificateur.
Je suis donc favorable à l’amendement du Gouvernement tel qu’il est rédigé.
Je comprends la motivation de M. Charles de Courson, et peut-être ne faut-il pas fermer la porte pour le moment. Vous examinerez prochainement le projet élaboré par la ministre de l’environnement. Vous serez donc amenés à compléter les dispositifs existants.
Par cet amendement, j’entends que soit mentionné dans le texte que les travaux éligibles à l’éco-PTZ doivent être réalisés par les entreprises répondant aux critères de qualification RGE, c’est-à-dire « reconnus Grenelle de l’environnement ». Nous pouvons présupposer, monsieur le député, que les entreprises labellisées RGE agissent en connaissance de cause, sauf à ne plus croire en aucun label.
Je propose donc de ne pas adopter pour l’instant ces deux sous-amendements qui pourront être présentés le moment venu, considérant les discussions en cours avec la profession. Il y a eu, en effet, lundi matin, un premier contact entre les fédérations du bâtiment et le ministre des finances Michel Sapin et la ministre de l’environnement.
Sans doute conviendra-t-il de compléter le dispositif tel qu’il est prévu aujourd’hui. Je préférerai toutefois que l’on s’en tienne à l’avancée proposée par le Gouvernement. Vous pouvez maintenir ou retirer vos amendements. Si vous les maintenez, j’y serai défavorable.
Vous avez au moins le mérite de faire preuve d’ouverture, monsieur le secrétaire d’État ! Je pense, en effet, que vous avez correctement posé le problème et que la solution préconisée n’est que partielle. L’idée lancée par la profession et que je partage, à savoir la possibilité de recourir à un tiers vérificateur, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, est très intéressante, car elle offrirait aux entreprises et aux banques, moyennant une légère rémunération, une plus grande sécurité juridique et permettrait le développement des prêts à taux zéro.
Nous réexaminerons ce texte en commission mixte paritaire, puisque vous avez déclaré l’urgence. Serez-vous toutefois davantage ouvert au Sénat, puisque vous aurez eu le temps de vous concerter avec la profession, comme vous venez de l’indiquer ? Si vous me le confirmez, je serai prêt à retirer mes deux sous-amendements.
L’expérience montre, et j’en veux pour preuve les derniers textes financiers examinés, que les amendements introduits au Sénat ne prospèrent pas ! Je m’en suis d’ailleurs entretenu avec les sénateurs pas plus tard que ce midi. Soyons donc réalistes.
Je compléterai ma précédente réponse. Je me méfie de votre proposition parce que je crains qu’il n’y ait une généralisation de l’appel à un tiers vérificateur qui, comme vous l’avez envisagé, ne travaillera pas gratuitement. Les élus locaux eux-mêmes déplorent la multiplication de bureaux d’études, des contrôles, des tiers vérificateurs et autres compte tenu des contraintes financières et des lourdeurs que cela engendre.
Telle est ma réticence face à vos sous-amendements, monsieur de Courson. Je ne vous promets rien, mais vous allez examiner un projet de loi de finances et un texte sur la transition énergétique, lesquels seront autant d’opportunités d’introduire ces sous-amendements. Je maintiens donc que je suis défavorable à vos deux sous-amendements.
Si j’ai bien compris, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes hostile à titre provisoire – je vous vois opiner du chef. Dans ces conditions, je retire ces sous-amendements, mais je compte sur vous pour m’aider en les peaufinant éventuellement. Le coût excessif du tiers vérificateur vous soucie. Une mesure réglementaire permettrait peut-être de le limiter. Nous pourrons discuter avec la profession et obtenir que les tiers vérificateurs soient liés par un contrat, afin que la somme soit la plus réduite possible.
Les sous-amendements nos 371 rectifié et 372 sont retirés.
L’amendement no 368 est adopté.
Nous assistons à un phénomène très inquiétant dans le domaine de l’emploi à domicile. En effet, en une année, le nombre d’employeurs a baissé de 33,2 %, le volume horaire déclaré de 6,1 % et la masse salariale de 5,7 %. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes conscient de cette difficulté dénoncée par les organisations d’employeurs à domicile. Or ces évolutions très négatives en masquent d’autres. Ainsi, le travail au « gris », puisque déclaré partiellement, se développe.
Tout cela est objectivement inquiétant et révèle une baisse du pouvoir d’achat. C’est la conséquence de mesures négatives prises, je vous l’accorde, par les différentes majorités, mais j’aimerais connaître vos perspectives. Tel est l’objet de cet amendement.
Vous avez évoqué, tout comme Mme la rapporteure générale, la possibilité d’augmenter l’exonération de 0,75 euro par heure travaillée des cotisations patronales, initiative que vous avez prise lorsque vous étiez rapporteur général. Il semble toutefois que cela relève d’un décret. On ne peut donc que l’évoquer ici. Il serait utile que vous nous apportiez des précisions en la matière.
Par ailleurs, mon amendement pose un problème sur lequel je reviens inlassablement. Il existe deux systèmes de soutien à l’emploi à domicile : la déduction fiscale et le crédit d’impôt. Or le crédit d’impôt ne bénéficie aux ménages que dans la mesure où les deux personnes travaillent. Le cas des retraités nous soucie par conséquent.
Les retraités aisés bénéficient des déductions fiscales, mais ceux qui le sont un peu moins, et qui ne paient pas d’impôts, ne profitent ni des déductions fiscales ni du crédit d’impôt. Il y a là une injustice. Je suis d’ailleurs très surpris que la gauche ne s’en soit pas émue, alors qu’elle grimpe souvent aux arbres lorsqu’il s’agit d’évoquer les injustices.
Un ménage composé de deux personnes qui travaillent bénéficie d’un crédit d’impôt. Il y a réduction d’impôt lorsque seule une des deux personnes est active ou s’il s’agit d’un couple de retraités. J’appellerai votre attention sur un point, monsieur Le Fur. Ainsi, un retraité âgé de plus de soixante-dix ans est totalement exonéré des cotisations sociales lorsqu’il emploie une personne à domicile, et ce dans la limite des soixante-cinq heures mensuelles. Un retraité de plus de soixante-cinq ans bénéficie d’ores et déjà d’un abattement.
Votre argumentation aurait été parfaite si vous aviez pris toutes ces données en considération. Vous auriez alors pu dresser un véritable bilan. J’émets, de ce fait, un avis défavorable à votre amendement. Mais cela me donne l’occasion de demander à M. le secrétaire d’État qui, alors rapporteur général, avait déposé un amendement tendant à exonérer de 75 centimes par heure travaillée les cotisations patronales, s’il envisage de doubler ce montant.
Le Gouvernement n’entend pas suivre M. Le Fur pour des raisons de coût et de plafond. Le plafond de 10 000 euros nous paraît tout à fait suffisant pour empêcher de cumuler certaines niches, sachant qu’il existe également un deuxième plafond de 7 500 euros pour un couple. Concernant la question de l’exonération de 75 centimes, un modeste secrétaire d’État ne peut préjuger la signature d’un décret par son ministre de tutelle.
Non, je ne suis pas le seul, monsieur de Courson ! Tous les secrétaires d’État sont disciplinés de même que tous les ministres le sont face au premier d’entre eux ! S’agissant d’exonération de charges sociales, il reviendra au ministre des finances ou à d’autres de s’exprimer sur le sujet. J’ai dit ma recommandation dont je crois qu’elle est assez largement partagée. Un décret fixera effectivement le montant. Si tel devait être le cas, les crédits seront inscrits dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale.
Concernant les emplois à domicile, nous devons faire un constat réaliste. Deux mesures successives ont vraiment contribué à ce que nous en arrivions à cette situation. Première mesure : François Baroin a supprimé l’abattement de quinze points sur les cotisations patronales, cause d’un premier recul de l’emploi à domicile. Seconde mesure conséquente, la suppression de l’assiette forfaitaire, qui est, elle, est de votre fait.
Chacun a donc sa responsabilité. Pour autant, cela représente tout de même 37 000 emplois perdus sur trois ans. Jusqu’où ira-t-on ?
Le plan dépendance, sur lequel la majorité est en train de travailler, c’est aussi de l’accompagnement des personnes âgées, donc de l’emploi à domicile. Si vous ne trouvez pas une solution pour conforter ces emplois, je ne vois pas comment vous pourrez assurer l’accompagnement du vieillissement, qui est de l’emploi à domicile. Sans mesures d’aide et d’accompagnement, on continuera à faire reculer ce secteur alors que ce sont des emplois non délocalisables.
Je suis un peu surpris par votre propos, monsieur le secrétaire d’État : selon vous, autant vous pouvez ici concourir à l’élaboration de la loi, autant, s’agissant d’un décret si important qu’il ne peut relever de votre compétence, vous ne pouvez en la circonstance que vous en remettre au ministre qui est au-dessus de vous. Non, nous devons avoir ce débat, car la situation est grave. Pour la seule année 2013, mes collègues l’ont souligné, la perte de 6 % des heures correspond à une perte de 16 500 emplois. Nous devons donc réagir vite. Par définition, dans ce domaine, il faut être prêt pour la rentrée afin que les familles s’organisent en conséquence. Il faut donc prendre rapidement des décisions.
J’entends bien qu’il y a des contraintes mais, objectivement, l’avantage éventuel accordé, avec le passage de 0,75 euro à 1,5 ou 2 euros par heure, n’est qu’une opération gagnante puisque cela générera des heures nouvelles, qui permettront d’avoir de nouvelles cotisations. Cela me semble donc assez positif.
J’ai bien noté malgré tout, puisque je suis un esprit positif, que vous n’étiez pas fermé, même si vous ne nous donniez pas de réponses tout à fait explicites.
Il ne faut pas non plus me chercher !
Sourires.
Sinon, on va me trouver.
D’abord, il y a des impacts évidents entre différents budgets – il y a des tuyaux. Que ceux qui étaient assidus et attentifs lorsque nous avons mis en place cette réduction de 75 centimes d’euro s’en souviennent, cela a été très complexe.
Ensuite, madame Dalloz, je ne vous autorise pas à dire que les deux mesures sont de même nature. La suppression de l’abattement de quinze points sur les cotisations des particuliers employeurs était une mesure purement budgétaire. Les salariés n’ont vu aucun changement. Lorsque nous avons obligé tous les particuliers employeurs à cotiser au réel, c’était pour donner à leurs salariés les mêmes droits qu’aux autres. Il n’y a pas de raison qu’il y ait des salariés pour lesquels on cotise sur la base du SMIC et qui perçoivent retraite, indemnités journalières et autres prestations sociales sur une base inférieure au salaire auquel ils sont payés.
Il y avait un rendement budgétaire, mais il y avait aussi une dépense. L’ampleur de ces deux mesures était à peu près équivalente, mais la seconde protégeait les salariés et a donné lieu à l’instauration d’une compensation de 75 centimes, qui représentait une petite moitié du coût de la mesure pour les employeurs.
Je veux bien qu’on renvoie de temps en temps les gens dos à dos mais tout de même pas sur deux mesures radicalement différentes. Pardon de ma passion, mais cela peut m’arriver aussi d’être passionné !
Vous oubliez une troisième mesure négative, monsieur le secrétaire d’État. Le CICE bénéficie à tous les employeurs, sauf quelques exceptions, mais pas à l’employeur à domicile. Voilà donc encore une mesure défavorable à l’emploi à domicile. J’attendais des propos plus positifs de votre part.
L’amendement no 44 n’est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 20 .
L’article 199 septvicies du code général des impôts dispose que peuvent bénéficier du dispositif de réduction d’impôt Scellier les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l’état futur d’achèvement, à condition qu’ils s’engagent à le louer nu à usage d’habitation principale pendant une durée de neuf ans.
Certains de nos compatriotes ont investi dans le cadre de ce dispositif avant leur expatriation, en respectant l’engagement de location et perdent le bénéfice de la réduction d’impôt parce qu’ils sont partis à l’étranger.
L’expatriation au cours de la période de l’engagement de location ne remet pas en cause la réduction obtenue jusqu’à la date du transfert du domicile fiscal. En revanche, durant les périodes d’imposition au cours desquelles le contribuable n’est plus considéré comme fiscalement domicilié en France, la réduction d’impôt ne peut être imputée ni faire l’objet d’aucune imputation ultérieure.
Si le contribuable rétablit son domicile fiscal en France après la période d’engagement de location, l’impôt sur le revenu dû au titre des années postérieures à cet engagement ne pourra être diminué des fractions de réduction d’impôt non imputées. La réduction ne peut s’imputer que lorsque le contribuable rétablit son domicile fiscal en France, à hauteur d’un neuvième de son montant sur l’impôt dû au titre des années d’imputation restant à courir à la date du rétablissement du domicile fiscal en France. Les fractions de réduction d’impôt correspondant aux années de non-domiciliation fiscale en France sont donc perdues, bien que l’engagement de location demeure.
La perte de cette réduction se cumule pour les Français qui ont décidé de s’établir hors de France après avoir investi, par la soumission de leurs revenus locatifs à la CSG et à la CRDS à hauteur de 15,5 %.
C’est donc une double peine fiscale. C’est pourquoi je propose de préciser que la condition de domiciliation permettant de bénéficier du dispositif Scellier s’apprécie à la date d’acquisition du bien.
Pour les mêmes raisons que celles que nous avons évoquées précédemment sur un amendement qui n’avait pas tout à fait le même objet mais qui avait la même mécanique, la commission a émis un avis défavorable à cet amendement.
Nous avons longuement expliqué que l’obligation fiscale était limitée pour ceux dont le domicile fiscal est situé à l’étranger. Notre législation prévoit que les personnes n’ayant pas leur domicile fiscal en France ne peuvent bénéficier des réductions et des crédits d’impôt. Vous comprendrez que je ne puisse déroger à cette règle, et je suis clairement et nettement défavorable à votre amendement.
L’amendement no 20 n’est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 21 .
Votre réponse sera la même, monsieur le secrétaire d’État, mais, pour le Duflot, la question se pose dans les mêmes termes.
Il arrive que le salarié d’une entreprise soit envoyé dans tel ou tel pays pour un ou deux ans, ce qui pour lui est une contrainte. Quand on investit dans un dispositif sur du long terme, que ce soit le Scellier ou le Duflot, avec des conditions et des obligations que l’on remplit, est-il bien normal que l’on se retrouve pénalisé à la sortie comme c’est le cas aujourd’hui pour le salarié en question ?
Ce n’est pas le même sujet que celui que nous avons évoqué tout à l’heure – j’avais alors parlé, comme M. de Courson, d’un manque d’équité –, mais en l’occurrence, à dispositif identique, on va pénaliser quelqu’un qui, ayant dû partir à cause de son travail, ne bénéficiera pas de l’avantage dont peuvent jouir les autres Français. Il y a là une inégalité.
Vous posez la même question, je donne la même réponse, monsieur Lefebvre. Je suis donc défavorable à votre amendement.
L’amendement no 21 n’est pas adopté.
Cet amendement concerne les aides au logement. Vous savez qu’il y a différentes zones A, B1, B2 et C. En zone C, madame la rapporteure générale, vous devez connaître cela dans votre secteur, il n’y a pratiquement pas d’aides.
Nous avions appelé l’attention sur cette question, avec notamment Pierre Méhaignerie, et nous avions eu des débats avec notre excellent rapporteur général de l’époque, devenu président de la commission des finances. Aujourd’hui, ce que nous avions prévu se réalise, il n’y a plus de constructions locatives privées en zone C et en zone B2, c’est-à-dire dans le territoire rural ou le territoire rurbain. Il n’y a plus d’investisseur, et nous sommes en pleine crise du logement.
La question que nous posions il y a deux ans était importante, elle devient essentielle du fait de la crise du logement, accentuée encore par l’inquiétude soulevée par la loi ALUR. J’ai bien entendu le Premier ministre expliquer qu’il la mettait en quelque sorte aux oubliettes, il n’empêche que, pour le moment, elle s’applique pour partie. Tout cela est donc objectivement très inquiétant pour l’emploi.
S’il y a un secteur qui perd de l’emploi en ce moment, c’est tout ce qui concerne la construction, le gros oeuvre, le second oeuvre, tout ce qui est bâtiment et travaux publics. Que peut-on faire, madame la rapporteure générale, monsieur le secrétaire d’État, pour éviter en particulier que les secteurs B2 et C soient les plus pénalisés en matière de construction ?
Vous avez raison, le logement souffre. Nous manquons de constructions. L’objectif de la loi Duflot était de cibler les territoires les plus tendus. Nous sommes donc peut-être moins concernés en Bretagne et en Tarn-et-Garonne que sur d’autres territoires. Toujours est-il que la ministre du logement, Sylvia Pinel, devrait demain annoncer un certain nombre de mesures qui vont compléter les dispositions prises.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à votre amendement.
Cette question des zonages en matière de logement est récurrente. Tout le monde veut un jour les supprimer, un jour les renforcer, suivant qu’on est situé dans tel ou tel territoire.
Il y a déjà un problème de sémantique, monsieur Le Fur. Vous prétendez que certaines zones seraient pénalisées, ce n’est pas le cas. La zone C n’est pas aidée, mais elle n’est pas pénalisée.
Le Gouvernement a mis en oeuvre des politiques pour aider à construire des logements là où il y en a le plus besoin. Tels sont les principes qui s’appliquent à toute la politique du logement, avec les difficultés que cela peut représenter pour choisir ces zones. Cela concerne les zones A, B1 et, exceptionnellement, B2, je crois, sur décision des préfets. Cela permet de couvrir assez largement toutes les situations et il n’y a pas lieu de modifier le dispositif. Je suis donc défavorable à votre amendement.
Je maintiens mon propos, les zones B2 et C sont pénalisées. Lorsqu’un investisseur envisage d’investir de l’argent dans la construction locative – ce qui n’arrive pas beaucoup en ce moment –, il étudie les avantages relatifs des différentes zones. Quel que soit l’endroit où il habite, même si c’est en pleine zone rurale, on lui conseillera d’investir dans les zones favorisées par votre dispositif. Les autres sont donc effectivement pénalisées.
C’était un débat un peu théorique il y a quelques années. Maintenant que nous sommes en pleine crise du logement, il est très concret. J’ai bien entendu votre propos, madame la rapporteure générale. J’espère que le Gouvernement prendra en compte cette nouvelle réalité.
L’amendement no 45 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement no 277 .
Nous savons tous, sur ces bancs, que la plus grande entreprise en France, c’est celle que composent toutes nos petites entreprises, nos artisans et commerçants qui créent de la richesse et de l’emploi. Pour autant, on constate très souvent qu’il manque à ces petites entreprises du haut de bilan, des fonds propres, qui leur permettent, pas seulement d’investir, mais d’avoir une meilleure trésorerie, un fonds de roulement positif. Tel était l’objet, quand elle a été mise en place, de la déductibilité de l’épargne vers ces petites entreprises. Depuis, je ne peux que constater, en le déplorant, que nous n’avons cessé de raboter cette possibilité. À l’époque, le seuil était de 25 000 euros ; aujourd’hui, il n’est plus que de 10 000 euros. Afin de rendre du souffle à ces PME, nous proposons de relever ce seuil.
Vous proposez de revenir à un plafonnement de 25 000 euros et 10 % du revenu imposable ce qui laisse déjà une certaine latitude. Ce n’est pas l’objectif que nous visons puisque, dans les précédentes lois de finances, nous avons ramené le plafond de 18 000 euros et 4 % du revenu imposable à 10 000 euros, un certain nombre de niches se trouvant toujours sous ce plafond. L’avis est donc défavorable. Du reste, il s’agit sans doute davantage d’un débat de loi de finances initiale que d’un débat de loi de finances rectificative.
La démarche proposée est orthogonale par rapport à celle qui a été engagée et qui n’est pas, comme Mme Grosskost l’a elle-même reconnu, de notre seul fait. Nous ne souhaitons pas développer les niches fiscales. L’avis est donc défavorable.
Je partage le diagnostic de Mme Grosskost sur la faiblesse du haut de bilan dans nos PME et, sans doute aussi, sur le manque d’attention prêtée, pendant des décennies, à la plus grosse entreprise de France, qui s’appelle l’artisanat, avec ses 800 000 ou 900 000 entreprises, mais je ne pense pas que la solution soit de créer de nouvelles niches fiscales.
Je vous rappelle, madame Grosskost, que nous avons créé la BPI, de même que le précédent gouvernement avait créé le fonds stratégique d’investissement, même si celui-ci ne faisait pas tout à fait correctement son travail. Si l’on regarde aujourd’hui le rapport du capital aux investissements dans la BPI, on s’aperçoit que c’est plutôt la demande qui fait défaut.
Sur le haut de bilan, le problème, c’est que la psychologie française est peu ouverte à l’accueil d’actionnaires, fussent-ils minoritaires, dans le capital ; on préfère rester en famille. C’est un problème culturel avant que d’être un problème financier, car l’argent existe, vous le savez, que ce soit dans les fonds d’épargne, avec 357 milliards d’euros surliquides, dont 150 milliards dans le logement social, ou à la BPI, surliquide elle aussi. Ce qui ne vient pas, c’est la demande. Je compte donc sur vous, madame Grosskost, pour nous aider à convaincre les PME de la nécessité d’accueillir les actionnaires pour renforcer leurs fonds propres.
L’amendement no 277 n’est pas adopté.
Je reconnais qu’il s’agit d’un amendement récurrent à chaque loi de finances : nous avons été merveilleusement inspirés par l’ancien rapporteur général, aujourd’hui secrétaire d’État. Cet amendement propose tout simplement d’augmenter la niche dite Madelin.
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 116 .
Il ne s’agit pas de créer une niche fiscale supplémentaire. L’incitation fiscale à l’investissement dans les fonds propres des PME a été créée en 1986 et elle a survécu à toutes les alternances ; c’est dire son intérêt. Le problème, c’est que cette incitation fiscale sur le haut de bilan des PME, dont Henri Emmanuelli vient de rappeler l’importance, est aujourd’hui très contrainte par le plafond de 10 000 euros. Comme il existe, M. Eckert le sait bien, un second plafond à 18 000 euros, il conviendrait de loger cette incitation fiscale, notée A++ dans tous les rapports – c’est une de celles qui apparaissent les plus performantes –, sous le plafond de 18 000 euros de la réduction dite Madein plutôt que sous celui de 10 000 euros. Je suis sûr que je serai entendu de l’ancien rapporteur général, parce que, sous le plafond de 18 000 euros, nous trouvons deux choses : l’outre-mer, ce que l’on peut comprendre, mais aussi les SOFICA, et traiter plus favorablement les SOFICA que l’investissement en fonds propres de nos PME a quelque chose de choquant.
D’où cet amendement, qui, je le répète, ne consiste pas à créer une nouvelle niche fiscale.
Supposons, sur le Madelin, que vous ayez une économie d’impôt de 20 000 euros ; la première année, le plafond étant à 10 000 euros, vous ne pouvez en bénéficier qu’à hauteur de 10 000 euros, mais vous pouvez la reporter, ce qui vous laisse tout de même une marge de manoeuvre et peut permettre d’atteindre en quelques années les 18 000 euros. La dépense fiscale au titre du Madelin est d’environ 200 millions d’euros ; si nous adoptions votre mesure, cela l’augmenterait…
Il est probable que cela augmenterait la dépense fiscale. En tout cas, ce crédit d’impôt peut déjà être étendu sur plusieurs années. Pour cette raison, l’avis est défavorable sur l’amendement no 278 .
L’amendement no 116 vise à intervertir les plafonds des SOFICA et du Madelin. Le Madelin, je l’ai dit, représente une dépense fiscale de 200 millions d’euros, les SOFICA de 20 millions : l’ordre de grandeur étant d’un à dix, je ne suis pas sûre, si l’on intervertissait les plafonds, que l’on y retrouverait tous nos petits fiscalement. L’avis est donc également défavorable.
Mme la rapporteure générale a utilement rappelé que le Madelin était reportable. Vous avez, monsieur le président Carrez, évoqué les SOFICA ainsi que les niches outre-mer.
Pour en avoir été, comme vous, un observateur attentif, je rappelle que, l’an dernier, un progrès substantiel est intervenu sur les niches outre-mer, afin d’éviter, pour le dire pudiquement, les fuites en ligne, en passant par des crédits d’impôt pour les grosses entreprises et en laissant une option. Je souhaite que nous approfondissions cette démarche. On nous avait prédit l’apocalypse et la disparition des investissements en outre-mer, mais les premiers éléments dont nous disposons ne montrent pas un changement radical de la part des investisseurs.
Au vu de ces premiers éléments – je reste prudent –, nous pourrons probablement poursuivre le travail sur l’outre-mer, qui apporte un peu plus de clarté. En revanche, je donne un avis défavorable aux amendements, pour les raisons qui ont été dites. En outre, le débat aurait été plus indiqué en projet de loi de finances initiale.
Si nous ouvrons le débat, monsieur le secrétaire d’État, en PLFR, c’est parce qu’il a sa pleine place dans la discussion du pacte de responsabilité,…
…ce pacte dont pas un jour ne passe sans que l’on en parle dans les médias, et qui montre que vous avez enfin pris en considération l’urgence de l’emploi et du pouvoir d’achat des Français !
Vous allez donc le voter !
Concernant la niche Madelin, plafonnée à 10 000 euros, on passerait, selon Mme la rapporteure générale, de 192 millions d’euros par an à l’heure actuelle à 250 millions. Sur ces 58 millions de delta, en imaginant une utilisation à plein, on a déjà 20 millions de gagés avec les SOFICA. Or la création d’emplois se fait plus dans les entreprises qui pourraient bénéficier du Madelin que dans le cadre des SOFICA. Soyons réalistes. Si le dispositif des SOFICA fonctionnait, cela se saurait ! Le Madelin, lui, est un dispositif qui a fait ses preuves, qui assure, comme l’a dit le président de la commission, une garantie en haut de bilan pouvant conduire à la création d’emplois non délocalisables, et l’on passe à côté de cette opportunité. Essayons, pendant l’exercice, de voir quels seraient les effets d’un appel d’air.
Dans le domaine agricole, il existe différentes formes de groupements, dont une organisation assez singulière, celle des groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC. Dans ces organisations, on applique ce que l’on appelle la transparence fiscale : on considère que le GAEC est composé de plusieurs chefs d’exploitation, et l’avantage fiscal dont bénéficie chacun de ces chefs d’exploitation est démultiplié au niveau du groupement. Cela vaut pour l’ensemble des dispositifs fiscaux, sauf un, qui a été oublié, celui du remplacement.
Le dispositif du remplacement est très utile et très apprécié ; il consiste à permettre aux agriculteurs, qui sont parmi les rares personnes à ne pouvoir prendre de vacances, de s’absenter quelques jours en étant remplacés. En GAEC, ils n’ont droit qu’à un remplacement, même s’ils sont trois dans le groupement. L’idée de l’amendement est donc simple : il s’agit d’appliquer le principe de la transparence fiscale à ce dispositif. Vous auriez là l’occasion de corriger une injustice, en incluant le remplacement dans l’ensemble des dispositifs fiscaux auxquels s’applique le principe de transparence au bénéfice des GAEC.
Défavorable. Les GAEC bénéficient déjà d’un régime dérogatoire. La proposition de l’amendement bénéficierait au GAEC quel que soit le nombre d’agriculteurs qui en font partie, aucun d’eux ne pouvant remplacer les autres, ce qui est assez logique. Nous ne souhaitons pas multiplier les régimes dérogatoires.
Il ne s’agit pas de multiplier les dérogations, mais d’appliquer au remplacement ce qui vaut pour l’ensemble des dispositifs fiscaux. Ce n’est pas une dérogation en plus, c’est l’application de la règle de la transparence aux GAE.
J’entends bien que l’on ne puisse pas tout faire à l’occasion d’un PLFR ; je croyais, comme ma collègue Marie-Christine Dalloz, qu’il s’agissait d’un grand PLFR, que l’on appliquait la nouvelle politique gouvernementale, mais on s’aperçoit que c’est un PLFR où l’on réduit les dispositifs a minima, où l’on s’interdit toute évolution vers un peu plus de justice, et je le regrette. Ce que je propose ne coûte pas grand-chose, tout en répondant aux demandes on ne peut plus légitimes des exploitants agricoles.
L’amendement no 41 n’est pas adopté.
Il s’agit de créer une compensation sociale à la contribution climat-énergie. Pour faire écho à certains propos ministériels, pour nous, les écologistes, la fiscalité verte n’est pas et ne doit jamais être punitive, mais doit inciter au changement de comportement des acteurs économiques.
C’est la raison pour laquelle nous proposons par cet amendement une compensation intégrale pour les ménages de la mise en place par la loi de finances de l’assiette carbone dans les taxes sur les carburants. Nous proposons un crédit d’impôt juste, pour tous, progressif selon les conditions de ressources des ménages et en fonction de leur accès aux transports en commun.
Cet amendement a essentiellement pour objet de rappeler que, pour nous, la fiscalité écologique n’a jamais été une fiscalité de rendement, mais bien une fiscalité incitative pour créer un signal et favoriser les comportements non polluants.
La commission a émis un avis défavorable au motif que le crédit d’impôt défini n’est pas suffisamment précis et qu’il nous exposerait à un risque pour cause d’incompétence négative auprès du Conseil constitutionnel, qui estimerait que le législateur n’utilise pas toute sa compétence pour définir lui-même la calibration du crédit d’impôt pouvant être appliquée.
Le Gouvernement est du même avis que la commission. Le Conseil constitutionnel risquerait d’annuler cet amendement. Toutefois, madame Sas, je comprends votre motivation. Le Gouvernement a décidé de faire un effort important pour réduire la facture énergétique des ménages modestes. Le tarif de solidarité du gaz a été étendu, ce qui a permis de doubler le nombre de foyers bénéficiaires qui s’élève désormais à 1,5 million. La TICPE a été épargnée aux ménages modestes, grâce aux nouveaux critères d’éligibilité aux tarifs sociaux. Je peux encore citer la prime de rénovation énergétique de 1 350 euros pour les ménages aux revenus moyens ou la baisse de la TVA sur les travaux d’isolation thermique qui permettent également de réduire la facture énergétique.
Je vous propose de vous en remettre au texte à venir sur la transition énergétique qui traitera cette question. Si vous mainteniez votre amendement, madame Sas, j’inviterais l’Assemblée à le rejeter.
Je souhaiterais avant le vote une petite explication sur le III de cet amendement : « Les montants du crédit d’impôt mentionné au I sont déterminés progressivement sous condition de ressources par décret en Conseil d’État. » Ce n’est pas possible ! Qu’est-ce que cela signifie « sont déterminés progressivement » ?
On ne peut pas renvoyer à un décret la fixation de ces conditions, puisque cela relève de la loi.
Nous avons déjà été deux à le dire, monsieur de Courson !
L’amendement no 132 n’est pas adopté.
À l’initiative de la majorité parlementaire, nous avons voté dans le cadre du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire une quinzaine de mesures favorables à la vie associative, qu’il s’agisse de mesures de simplification administrative, de sécurisation financière et juridique, de reconnaissance du bénévolat et de l’engagement associatif ou de nouveaux outils de financement. Suite au rapport sur la fiscalité du secteur privé non lucratif réalisé avec Yves Blein et Laurent Grandguillaume, remis au Premier ministre en décembre dernier, nous avons souhaité, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, compléter ces mesures positives pour les associations par des dispositions de nature fiscale.
Nous allons examiner un peu plus tard dans la discussion un amendement sur l’exonération du versement transport et je vous soumets à l’instant un amendement sur la question des seuils de lucrativité. Le code général des impôts dispose que les organismes sans but lucratif n’ont pas à soumettre leurs activités aux impôts commerciaux, notamment à l’impôt sur les sociétés, si les conditions suivantes sont remplies : les activités non lucratives doivent demeurer significativement prépondérantes et les recettes d’exploitation liées aux activités lucratives doivent être inférieures à 60 000 euros. Or cette franchise a été instaurée en 2000 et n’a pas été relevée depuis 2002. Mon amendement propose de relever son montant à 77 000 euros et de l’indexer chaque année sur l’inflation.
La commission a émis un avis favorable à cet amendement. J’ai quant à moi un avis de sagesse. Il peut en effet paraître intéressant d’avoir une revalorisation selon l’inflation ; mais je crois comprendre que certains problèmes sous-jacents se posent, notamment d’ordre juridique.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement pour un certain nombre de raisons. La rapporteure générale a pudiquement évoqué des problèmes juridiques, mais cet amendement pose notamment la question de la concurrence. Aussi le Gouvernement craint-il que porter le seuil de 60 000 à 77 000 euros ne donne lieu à un certain nombre de contentieux, lesquels par jurisprudence, soit par rapport au droit français, soit par rapport au droit communautaire, pourraient nous conduire à quelques désillusions, même si, comme vous l’avez parfaitement expliqué dans la présentation, monsieur Juanico, c’est une interprétation à titre accessoire qui a fait choisir ce plafond de 60 000 euros. Le Gouvernement souhaite soutenir l’économie sociale et solidaire et un certain nombre d’amendements permettront de concrétiser cette volonté. Quant à celui-ci, il présente des inconvénients majeurs.
En commission, nous avions soulevé quelques objections sur la première version de cet amendement, parce que notre collègue avait parlé d’un certain montant ou de 4 %…
…ou 5 % du chiffre d’affaires. Ce n’était pas possible, car on risquait ainsi de transformer des associations à but non lucratif en associations lucratives sans but.
Sourires.
Il y avait également un second problème que n’avait pas relevé notre collègue : celui de l’indexation du seuil. M. Juanico avait alors proposé de déposer un amendement avec une autre rédaction : c’est celui-ci.
À l’UDI, nous sommes tout à fait favorables à l’indexation du seuil, et s’agissant du seuil lui-même, le remonter de 60 000 à 77 000 euros ne nous semble que l’application de l’indexation si celle-ci avait été faite depuis 2002. Cette mesure paraît plus sage et pondérée que le texte initial de notre collègue, et l’amendement a été amélioré dans le sens demandé par Mme la rapporteure générale.
J’ai du mal à comprendre la position du Gouvernement. On nous a affirmé que l’économie sociale et solidaire était une priorité et une préoccupation gouvernementales – il y avait d’ailleurs un ministre qui naguère en était chargé au Gouvernement. Or que constate-t-on ? Ce secteur est victime d’un oubli majeur dans le cadre du CICE. Ce dernier bénéficie aux entreprises à structure capitaliste, mais pas aux coopératives ni aux associations, alors qu’elles sont employeurs et parfois de gros employeurs. On ne peut donc pas prétendre en permanence que l’on favorise l’économie sociale et solidaire et priver ces entreprises de l’équivalent de 10 % de leur masse salariale, puisqu’elles ont perdu l’an dernier 4 % de masse salariale et 6 % cette année. Il faut rattraper cette perte du CICE d’une manière ou d’une autre : c’est pourquoi nous voterons cet amendement.
J’ai bien écouté les arguments avancés par M. Eckert qui ne l’avaient pas été au moment où nous avons déposé notre rapport. Si nous avons légèrement rectifié notre proposition, comme l’a dit avec raison Charles de Courson, c’est à la suite d’un rapport d’une mission de quatre parlementaires sur la fiscalité du secteur non lucratif.
J’ai essayé de rester dans les clous. En effet, j’ai d’abord retiré mon amendement en commission des finances au moment où on l’examinait dans le cadre du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire : puisqu’il s’agissait d’un amendement de nature fiscale, on m’avait alors dit de le présenter dans un projet de loi de finances, ce que je fais aujourd’hui. Aujourd’hui, je tiens compte des arguments relatifs au droit communautaire et à la concurrence, même si je pense qu’une disposition figurant dans le code général des impôts aurait dû éveiller les soupçons de l’Union européenne depuis de très nombreuses années maintenant. Je suis donc prêt à retirer mon amendement, à
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
condition que l’on puisse travailler dans le cadre du comité de suivi du rapport au Premier ministre avec les services des différents ministères pour trouver une solution dans les prochains mois.
L’amendement no 90 est retiré.
Il n’y a pas d’ambiguïté par rapport au soutien du secteur de l’économie sociale et solidaire. Je pourrais reprendre un à un les arguments ou les faits qui ont conduit le Gouvernement à montrer sa disponibilité sur le sujet, et nous aurons l’occasion d’y revenir.
S’agissant du CICE, un amendement avait été déposé, permettant de réduire les conditions d’application de la taxe sur les salaires, et il a bénéficié à un grand nombre d’associations. De plus, l’ensemble des mesures du pacte s’appliqueront également aux salariés de ce secteur. D’autres mesures, relatives à la TVA notamment, ont été incluses dans le texte sur l’économie sociale et solidaire. Nous ne sommes donc pas fermés sur ce sujet.
Je vous dis qu’il y a eu un amendement sur la taxe sur les salaires qui a été voté, monsieur Le Fur !
Il y a des problèmes communautaires s’agissant des coopératives, monsieur Le Fur, et vous le savez.
Nous sommes prêts à reprendre éventuellement cet amendement en loi de finances, à condition de le retravailler et de vérifier sa compatibilité avec un certain nombre de législations. Je vous remercie donc, monsieur Juanico, de l’avoir retiré.
Vous m’avez convaincu, madame la rapporteure générale, en disant que la commission était favorable à cet amendement : nous le reprenons !
Nous croyons sur les bancs de l’UDI, comme sur d’autres, au secteur de l’économie sociale et solidaire qui est porteur d’emplois – je vous renvoie au débat qui s’est tenu il y a quelques semaines dans cet hémicycle. L’argument selon lequel le CICE ne peut pas s’appliquer à ce type d’entreprises n’est pas valable, alors que le plafond de 60 000 euros n’a pas été réévalué – et les modifications proposées par notre collègue Juanico nous paraissent à cet égard aller dans le bon sens.
Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, qu’il faudra revenir plus tard sur cet amendement, mais c’est maintenant qu’il faut le voter ! La relance, c’est maintenant ! Le soutien de l’emploi, c’est maintenant !
Monsieur le secrétaire d’État, parmi les arguments que vous avez utilisés, il y en a au moins qui n’est pas recevable : l’argument européen. En effet, que le seuil soit de 60 000 euros ou de 77 000 euros, ce n’est pas ce qui va perturber les relations intracommunautaires ! Quitte à échanger des arguments, faisons en sorte qu’ils soient bons plutôt qu’un peu faibles.
Avant la mise aux voix, je rappelle que la commission a émis un avis favorable !
Pour être complet, je précise que la rapporteure générale a émis un avis de sagesse et le Gouvernement un avis défavorable.
L’amendement no 90 n’est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2014.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron