La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Je rappelle qu’à la demande du Gouvernement, nous commençons nos travaux par l’examen prioritaire de l’amendement no 1167 portant article additionnel avant l’article 34, puis nous en viendrons, comme prévu, à l’article 34 et aux amendements portant articles additionnels après l’article 34 relatifs à la modernisation de l’impôt sur le revenu et au prélèvement à la source.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour soutenir l’amendement no 1167 , portant article additionnel avant l’article 34.
Monsieur le président, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire,madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, le présent amendement a pour objet de répondre à une préoccupation qui s’est révélée au grand jour il y a quelques semaines. La suppression de la demi-part des veuves, décidée à la fin de l’année 2008 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, a en effet eu des conséquences : d’abord sur l’impôt sur le revenu – je ne m’y attarderai pas –, mais nous avons réglé ce problème l’année dernière en supprimant la première tranche de cet impôt ; ensuite sur le seuil de revenus à partir duquel les contribuables de plus de soixante ans, pour ce qui concerne la taxe d’habitation, ou de plus de soixante-quinze ans, pour ce qui est de la taxe foncière, peuvent bénéficier soit d’une réduction, soit d’une exonération de ces impôts locaux.
Avec cet amendement, le Gouvernement vous propose de reconduire pour deux ans – 2015 et 2016 – les exonérations de ceux qui en bénéficiaient en 2014. Les dispositifs techniques, qui ont été largement développés dans la presse et dans l’hémicycle, ont fait l’objet d’instructions à la Direction générale des finances publiques pour un effet immédiat. Par souci de clarté et de transparence, le Gouvernement souhaite corriger le dispositif pour l’avenir, c’est-à-dire à partir de 2017, avec deux dispositions.
La première consiste à créer une nouvelle catégorie de contribuables, celles et ceux qui étaient déjà exonérés, pour lesquels un revenu fiscal de référence nouveau sera fixé et qui correspondra à l’équivalent d’une part et demie précédente. Cela permettra le maintien dans l’exonération au-delà de 2015 et de 2016 de celles et ceux qui auraient pâti de la suppression de la demi-part.
La seconde permettra à celles et ceux qui sortiraient de l’exonération, du fait des conditions de revenus, de ne rentrer dans les impôts locaux que de façon progressive, avec un étalement prévu sur quatre ans – 25 %, 50 %, 75 % pour les années suivantes. Une telle disposition évitera les ressauts brutaux d’impôt sur le revenu, mais uniquement pour cette dernière catégorie : celles et ceux qui auraient un revenu fiscal de référence supérieur à une part et demie. On annulera ainsi les effets de la suppression de la demi-part sur l’impôt local : totalement en 2015 et 2016 ; et au-delà, pour celles et ceux qui avaient déjà bénéficié de l’exonération.
J’en viens aux conséquences de cette mesure sur le budget de l’État et sur celui des collectivités locales. En régime de croisière, à partir de 2017, cela représentera environ 400 millions d’euros qui seront supportés, comme d’habitude, par compensation à l’État sur les collectivités locales mais, pour des raisons techniques que les spécialistes connaissent, en se basant sur les taux historiques des impôts locaux, la dépense pour l’État sera de 260 millions d’euros environ, somme correspondant pratiquement à ce que rapportera la disposition dite « plus 1, moins 1 ». En effet, l’augmentation de 1 centime de la taxation du gazole et la diminution de 1centime de celle sur l’essence, produira, compte tenu de la différence de consommation, une recette supplémentaire de 245 millions d’euros. Cela devrait donc être neutre à terme pour le budget de l’État.
Quant aux collectivités locales, elles auront perçu, en 2015, des revenus supérieurs à ceux qui étaient attendus. Elles ont en effet touché des contributions qui ont été versées par les contribuables, mais que l’État remboursera. En 2015 et 2016, cela aura un effet positif pour leur trésorerie, la compensation par l’État n’intervenant que l’année suivante pour l’année précédente. L’effet sera donc positif pour les collectivités territoriales pour les années 2015 et 2016, et il sera neutre en 2017.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour cet amendement qui répond aux préoccupations exprimées par nos collègues sur ces bancs
En effet, nous ne voulions pas que les retraités qui bénéficiaient de ce que l’on appelle la demi-part des veuves paient cette année la taxe d’habitation, la taxe foncière et la redevance télévision. Votre amendement correspond à ce souhait.
Par ailleurs, combien de contribuables seront concernés par cette mesure ? Le chiffre de 600 000 a circulé. Le confirmez-vous ? Et si oui, comment faire le lien avec les 900 000 qui ont été évoqués il y a une dizaine de jours ?
Enfin, j’avoue ne pas avoir compris quel était l’équilibre budgétaire et financier pour 2015.
Pourriez-vous donc, monsieur le secrétaire d’État, nous communiquer à nouveau les chiffres sur l’équilibre financier pour 2015 ?
La commission n’a pas examiné cet amendement, mais à titre personnel, j’émets un avis favorable.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Lorsque la demi-part pour personnes seules ayant eu des enfants a été supprimée,…
…cela ne concernait pas seulement les veufs et les veuves. Il y avait un problème de justice fiscale, et cela concernait aussi les personnes séparées, divorcées. C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État – vous voyez que je présente les choses de manière tout à fait objective –, vous avez maintenu ce dispositif en 2012, bien que vous l’ayez combattu en 2008.
Je me souviens très bien, et je prends à témoin Charles de Courson, qu’à la fin de l’année 2008, lorsque ce débat a eu lieu, nous avions déjà identifié le problème que poserait la suppression totale de la demi-part au terme de la période de transition qui avait été fixée à cinq ans.
Nous avions notamment évoqué le problème du rehaussement du revenu fiscal de référence, qui aurait un impact sur les exonérations de taxe d’habitation pour les contribuables âgés de plus de soixante ans et de foncier bâti pour ceux âgés de plus de soixante-quinze ans.
Et, sans vouloir polémiquer, il y a un facteur aggravant : lorsque vous avez fiscalisé la majoration de retraite de 10 %, Charles de Courson et moi-même avions appelé votre attention sur le fait que certains veufs et veuves, notamment de la fonction publique, pouvant avoir une majoration allant jusqu’à 30 %, il faudrait faire très attention à l’impact sur le revenu fiscal de référence d’une telle mesure, car ces personnes perdraient le bénéfice de ces exonérations d’impôts locaux.
Nous avions alerté plusieurs députés de la majorité – le rapport de Dominique Lefebvre a du reste mis ce point en évidence –mais le Gouvernement n’a pas voulu traiter le sujet alors même qu’il était identifié depuis un certain temps.
L’amendement que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d’État, est nécessaire et va dans le bon sens, mais il est un peu tardif, et je partage les interrogations de Mme la rapporteure générale. Vous nous obligez à travailler dans l’improvisation, ce qui est fâcheux.
Je vous indique d’ores et déjà que l’amendement de M. Ayrault, si vous l’adoptez tout à l’heure, aura les mêmes conséquences sur le revenu fiscal de référence.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il faudra donc, le moment venu – et je ne sais pas si Jean-Marc Ayrault y a pensé – procéder à une coordination en la matière.
Ce sont des sujets extrêmement importants que j’aborde sans aucun esprit polémique, mais je regrette que nous ne disposions pas des éléments d’information nécessaires sur un amendement qui arrive dans la discussion au dernier moment.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Sur l’amendement no 1167 , je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mon intervention est fondée sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement.
Comme l’a bien souligné M. le président de la commission des finances, cette discussion, qui nous fait jongler entre articles réservés et appelés en priorité, est marquée par l’impréparation.
J’ajoute, pour faire écho à M. Carrez, qu’en 2008, lors de la discussion sur le sujet que nous évoquons, et alors qu’était en place un gouvernement que je soutenais, plusieurs de mes collègues et moi-même avions émis les plus grandes réserves, notamment sur les conditions de cette discussion.
Comme vient donc de le dire M. Carrez et comme l’a aussi rappelé Mme la rapporteure générale, nous manquons aujourd’hui des éléments propres à éclairer la discussion.
Ce n’est pas un rappel au règlement !
C’en est bien un, monsieur le secrétaire d’État, car comme vient de le dire le président de la commission des finances, nous souhaiterions, sur un sujet aussi sensible, éviter de nous prononcer à nouveau sans connaître les conséquences de nos décisions.
Sur le sujet suivant aussi, du reste, comme j’aurai l’occasion de le redire, notre assemblée travaillera dans un cadre tout aussi improvisé. Ce sont là de très mauvaises conditions de travail – de celles qui nous conduisent, quelques années plus tard, à corriger…
…le fait que ni les uns ni les autres n’aient veillé à la qualité du travail parlementaire.
Ce rappel au règlement avait donc pour objet, monsieur le président, de déplorer l’imprécision de nos travaux, lesquels, faute d’anticipation, produisent des résultats qu’il faut réparer, ce qui est toujours préjudiciable à la lisibilité de l’action publique et aux contribuables de notre pays.
Je vais maintenant donner la parole aux orateurs qui l’ont demandée, sans appliquer à la lettre notre règlement. Je demande néanmoins à chacun de s’en tenir strictement à un temps de parole de deux minutes.
La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.
Monsieur le secrétaire d’État, merci pour votre réactivité face à ce problème de l’entrée dans l’impôt – taxe foncière et taxe d’habitation – des personnes de plus de 75 ans qui en étaient jusqu’alors exonérées. M. Jean-Louis Bricout et moi-même avons eu l’occasion de faire remonter les nombreuses demandes exprimées par les personnes âgées à ce sujet et relayées par les députés socialistes et par le président de notre groupe, M. Bruno Le Roux.
Cette demande émanant du terrain a été prise en compte, et c’est important, car de nombreuses personnes aux revenus très modestes allaient être très significativement touchées par les taxes locales. Il s’agit là, comme cela vient d’être dit, de la conséquence de la suppression, en 2008, de la demi-part des veufs et parents isolés, qui continue à nous poser problème.
Aujourd’hui est proposé un amendement qui va dans le bon sens pour les personnes peu fortunées, dont certaines se sentaient accablées, et c’est un grand soulagement pour nous tous.
Après le vote, il y aura sans doute lieu de formuler des consignes sur le terrain pour éclairer les personnes touchées par cette mesure, car un certain flou subsiste aujourd’hui. Toujours est-il que nous attendions cet amendement pour lever tous les doutes.
Au-delà et pour les années futures, un travail a déjà été entrepris et doit se poursuivre, sans laisser de côté aucune question, en vue de traiter le problème de la fiscalité, avec des mesures telles que la majoration du revenu fiscal de référence que vous venez d’évoquer, monsieur le secrétaire d’État, un travail – pourquoi pas ? – sur les abattements ou, comme le propose également l’amendement, une atténuation par lissage d’un effet de seuil qui pourrait être brutal.
Le chantier est ouvert et il faut continuer à s’y attaquer pour plus de justice fiscale. C’est ce que souhaite le Gouvernement, et nous avec lui.
Monsieur le président, ce n’est pas la première fois – nous espérions du reste en avoir terminé – qu’il nous faut tenter de réparer, comme M. Lefebvre l’a du reste rappelé avec beaucoup de bonne foi, les mesures prises par le gouvernement précédent.
Nous avons déjà pris dès notre arrivée diverses mesures pour les corriger, comme la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu, la revalorisation de la décote, la relève de 4 % du seuil du revenu fiscal de référence, la revalorisation des seuils d’exonérations et des abattements en matière de fiscalité directe locale au bénéfice des ménages modestes,…
…afin de tenter d’annihiler les effets, notamment sur les plus modestes, des décisions prises par la précédente majorité.
Aujourd’hui, je me félicite que les exonérations puissent être poursuivies pour les retraités, les veufs et les personnes âgées les plus modestes qui en bénéficiaient. Je me félicite que soit créée une nouvelle catégorie, qui bénéficie aussi, dans le temps et par lissage, aux plus modestes.
Nous faisons là simplement un travail de réparation des mesures prises avant nous.
Notre groupe est entièrement mobilisé, comme l’a été Mme Christine Pires Beaune en séance, pour réagir dès que la question nous a été posée par les personnes âgées retraitées.
Je comprends que cela vous fasse mal que, trois ans après, nous soyons encore en mesure de démontrer, avec l’aide du reste de certains d’entre vous, la mauvaise manière que vous aviez faite aux Français et aux retraités en supprimant cette demi-part des veuves.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je n’étais pas présent dans l’hémicycle lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2009 mais, cher collègue homonyme, je me suis référé au compte rendu des débats de notre assemblée, qui sont publics et retranscrits. C’est ce qui me permet, cher Charles Amédée de Courson, d’affirmer en conclusion qu’en matière fiscale, il est toujours dangereux de procéder à des réformes empreintes d’idéologie. Je vous rappelle en effet que vous aviez déposé cet amendement et proposé cette réforme parce que la mesure visée était défavorable aux couples mariés, en même temps que M. Philippe Marini, au Sénat, expliquait qu’il s’agissait d’une prime au divorce. Au fond, vous aviez déposé cet amendement au nom de la défense des valeurs du mariage. Ce n’est qu’en 2010, cher Frédéric Lefebvre, dans le cadre d’une question d’un sénateur, qu’a été effectivement évoqué l’impact qu’il aurait à partir de 2013 sur la fiscalité locale – et que vous n’avez jamais traité.
Je me félicite donc de cet amendement, qui ira plus loin qu’une simple conservation de l’avantage acquis par certaines personnes au titre de dispositions dont on pourrait débattre à l’infini. Il revient en fait sur l’un des points essentiels du rapport que j’avais remis au Premier ministre après avoir présidé, à la demande de Jean-Marc Ayrault, un groupe de travail sur la fiscalité des ménages.
Nous disions alors que le prélèvement à la source, dont nous allons débattre, était faisable – et, de fait, il va être fait. Nous disions aussi que, plutôt que d’engager une vaste réforme fiscale, il fallait s’intéresser aux points de notre système sociofiscal qui occasionnaient le plus d’effets pervers, à savoir les effets de bas de barème et de taux de prélèvements importants.
L’amendement corrige donc l’effet couperet du revenu fiscal de référence. En effet, à l’heure actuelle, un contribuable dont le revenu se situe dix euros au-dessous de ce seuil ne paie rien, tandis que celui qui perçoit dix euros de plus paie tout. Nous permettrons donc non seulement aux personnes retraitées qui ne payaient pas l’impôt local du fait de l’avantage de la demi-part de continuer à ne pas le payer, mais aussi à ceux qui, à l’avenir, pour d’autres raisons que les mesures votées ici, verraient leur revenu augmenter et dépasser du jour au lendemain le revenu fiscal de référence, d’entrer progressivement, au bout de deux ans, dans cet impôt.
Il s’agit là d’une très bonne mesure et je me félicite qu’elle mette en oeuvre des recommandations formulées par un groupe de travail pluraliste composé de parlementaires et de partenaires sociaux.
Je ne reviendrai pas sur la question de forme touchant aux conditions dans lesquelles nous travaillons, comme l’absence d’étude d’impact ou le fait que ce problème soit identifié depuis plus de sept ans et ait été rappelé par M. Lefebvre dans son rapport. Tout cela était connu et voilà qu’au dernier moment, parce que la maison brûle, on nous propose un amendement !
J’en viens au fond : ce que nous propose le Gouvernement est-il conforme à la Constitution française ? Selon moi, non.
En effet, monsieur Lefebvre, vous qui avez relu les comptes rendus de nos débats, il faut remonter à une décision de décembre 1996, qui posait un véritable problème constitutionnel autour de cette demi-part. Le problème était très simple : de deux ménages comparables, celui qui avait connu la douleur de la perte de l’un des conjoints avant que le dernier enfant n’ait quitté le foyer bénéficiait à vie de l’avantage d’une demi-part, tandis que celui dont l’un des deux conjoints était décédé après le départ du dernier enfant à charge n’avait droit à rien. Tous les veufs n’étaient donc pas traités de la même façon.
Soit donc on généralisait à tous la demi-part, y compris à ceux qui perdaient leur conjoint alors qu’ils n’avaient plus d’enfants à charge – ce qui aurait représenté un coût considérable –, soit on supprimait progressivement cette demi-part. Voilà quelle était la question. Or, cette question demeure dans le dispositif proposé par l’amendement gouvernemental.
Vous allez en effet vous heurter aux problèmes que nous avons rencontrés durant des années à ce propos : les dispositions que vous proposez ne touchant qu’une partie des personnes concernées par cette situation, comment défendrez-vous donc devant le Conseil constitutionnel le fait que, sur deux foyers fiscaux ayant les mêmes revenus et la même situation, l’un bénéficie de ces dispositions et l’autre non ? Ce n’est pas plus compliqué que cela !
Deuxième remarque : vous ne réglez pas le problème, mais passez la patate chaude à vos successeurs. Vous maintenez en effet l’exonération pendant deux ans, après quoi vous la faites disparaître. Vous faites donc la même chose que vos prédécesseurs.
…vous faites payer un gros tiers de la note, soit 140 millions d’euros sur 400 millions, aux collectivités territoriales. Je rappelle en effet, car je fais partie de ceux qui, voilà très longtemps, ont fait voter cet amendement, que le dispositif prévoit un taux stabilisé.
Dernier point : pourrez-vous faire payer cela aux collectivités territoriales ?
Selon M. Le Roux, président du groupe socialiste, il faudrait réparer ce qu’avait commis la précédente majorité.
Or, il n’y a pas de réparation dans ce que vous proposez. Tout d’abord, ce n’était pas une erreur que de voter cela. Il y avait en effet une justice fiscale à rétablir face à au fait que des personnes se trouvant dans la même situation ne disposaient pas des mêmes avantages. Je rappelle en effet que la demi-part dite « des veuves » existe toujours, du moins pour les personnes ayant élevé seules un enfant pendant au moins cinq ans. C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit que cette dépense fiscale avait été initialement votée.
Aujourd’hui, la situation sociale des uns et des autres a beaucoup évolué, certains bénéficiant de cette mesure tandis que d’autres, dans une même situation, n’en bénéficient pas.
J’observe en outre qu’il n’y a pas réparation, car vous n’êtes jamais revenus sur cette mesure, comme vous auriez pu le faire si la situation était aussi horrible. De fait, vous qui, en 2012, avez terriblement détricoté les années Sarkozy, n’êtes curieusement pas revenus sur ce dispositif. Il semble donc que vous ayez considéré qu’il s’agissait d’une bonne idée.
De la part de gens qui ont hyperfiscalisé la société française, c’est assez gonflé de venir nous donner des leçons de fiscalité !
La vérité, c’est que le Gouvernement s’est pris les pieds dans le tapis. Voilà en effet des années qu’il est possible d’anticiper en la matière, car cette mesure a été votée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009. Nous lui avons donné du temps pour atteindre sa pleine puissance, afin que les uns et les autres puissent s’adapter, et elle a encore fait l’objet de délais supplémentaires : vous aviez donc tout à fait le temps de le voir, mais vous vous êtes pris les pieds dans le tapis.
Vous pourriez même dire que vous ne l’aviez pas vu, en expliquant que vous étiez concentrés sur d’autres mesures – et nous vous croirions, car c’est la vérité. Or, vous ne l’avez pas fait et vous êtes maintenant pris de panique, comme l’a très bien dit tout à l’heure Charles Amédée de Courson – la maison brûle : les élections régionales arrivent, des bruits qui ne vous sont pas favorables remontent du terrain et vous vous dites qu’il faut faire quelque chose.
La vérité est aussi que, dès lors que vous avez voté certaines mesures, notamment, comme l’a très bien dit Gilles Carrez, la fiscalisation de la majoration de pension, vous avez augmenté le revenu fiscal de référence et fait entrer dans l’imposition, notamment locale, des personnes qui n’étaient pas imposées.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je poserai quelques questions en vue d’informer les personnes qui nous ont envoyés siéger ici. Tout d’abord, je ne comprends pas bien si 140 millions d’euros, sur les 400 millions concernés par cette mesure, vont rester à la charge des collectivités territoriales. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État me fournir une précision à cet égard ?
Deuxièmement, Mme la rapporteure générale a indiqué que 600 000 ou 900 000 personnes seraient concernées par cette mesure. Est-il possible d’avoir des précisions quant à ce nombre ? Les maires pourront-ils connaître les personnes qui auront été ainsi rattrapées ?
Troisièmement, c’est, après tout, le rôle du Parlement que d’agir pour rectifier ou compléter ce qui ne va pas, et l’on ne peut que s’en féliciter. On ne peut à la fois se plaindre que les choses aillent trop vite ou qu’elles aillent mal, et dénier aux parlementaires leur rôle en la matière. Les parlementaires, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, ont très bien rempli leur rôle et l’on ne peut que s’en féliciter.
Je n’étais, moi non plus, pas encore députée en 2008, lorsque l’ancien gouvernement a décidé de supprimer la demi-part des veuves – du reste improprement dénommée ainsi. En revanche, c’est bien moi qui ai reçu à ma permanence les enfants des veuves, ainsi que de nombreux courriers signalant que, du jour au lendemain, leurs parents, qui ne payaient précédemment pas d’impôts locaux, se trouvaient redevables de sommes astronomiques, dépassant parfois 1 000 euros. C’est d’ailleurs ce qui m’avait conduite à déposer ici en catastrophe, le 7 octobre, un amendement que nous avons voté en première partie de loi de finances, mais qui n’allait pas assez loin.
Je voudrais donc remercier le Gouvernement, car aujourd’hui, avec cet amendement, nous allons rattraper tous les contribuables qui ne payaient pas d’impôts locaux hier et qui, à revenus constants – c’est important – n’en paieront ni aujourd’hui ni demain.
J’ai d’ailleurs du mal à comprendre que nous ne nous réjouissions pas tous, dans cette assemblée, de cette nouvelle qui permettra à des retraités modestes de conserver du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, pour des personnes ayant une retraite modeste – ce sont des gens qui n’aiment pas devoir et qui veulent payer –, il est très difficile de devoir payer des sommes aussi astronomiques. Aussi, je dis : merci !
Je voudrais apporter quelques informations complémentaires en réponse à certaines remarques. Monsieur le président Carrez, vous posez une question légitime : « Pourquoi n’êtes-vous pas revenus globalement sur la question de la demi-part ? » Mais, vous connaissez la réponse : vous aviez inscrit dans votre trajectoire des finances publiques, qui était déjà assez lourde à porter, pour ne pas dire plus, une moindre dépense fiscale de plus de 1 milliard – entre 1,2 et 1,4 milliard. Étions-nous en capacité budgétairement de revenir sur cette décision ? Vous le savez très bien : la réponse est non.
Nous sommes parvenus, par d’autres moyens que j’ai évoqués tout à l’heure, comme la suppression de la première tranche, à corriger progressivement ses effets. En conséquence, disons-le très tranquillement, certains sont entrés dans l’impôt sur le revenu, mais en sont ressortis à la suite des décisions prises l’année dernière.
Ensuite, vous nous dites que vous aviez parfaitement identifié la question – c’est facile ! Mais l’aviez-vous traitée ? Que nenni ! Vous n’aviez pas traité la question de l’entrée dans l’impôt sur le revenu !
Il eût été plus légitime, quand vous avez pris la décision, de traiter tout de suite les effets secondaires puisque vous reconnaissez vous-même que vous les connaissiez ! Je trouve donc ces arguments un peu spécieux.
S’agissant du nombre de personnes concernées, nous estimons – ce n’est pas facile mais nous pouvons le dire de façon approximative – que les personnes concernées par la seule question de la demi-part sont au nombre de 250 000. Nous estimons aussi que les personnes concernées par la fiscalisation des majorations de pension sont autour de 200 000.
Enfin, nous estimons que 150 000 autres contribuables sont concernés, du fait du fameux amendement Lefebvre adopté en projet de loi de finances rectificative pour 2014, qui a provoqué des effets d’aubaine pour ceux qui n’étaient pas concernés par ces deux premières mesures mais qui, exonérés l’année précédente, ont vu leur exonération prolongée. Ainsi, le nombre de personnes concernées s’établit, avec les précautions d’usage, à 600 000.
C’est du bricolage ! Dans certains cas, il y a un effet d’aubaine et dans d’autres, les gens sont pénalisés : on le constate en permanence !
Nous avons identifié cette question il y a déjà une quinzaine de jours. Nous avions annoncé que nous donnerions un avis favorable à l’amendement de Christine Pires Beaune et que nous y reviendrions pour compléter une disposition que nous avions tout de suite pointée comme étant probablement encore insuffisante pour gommer tous les effets ici dénoncés.
Par ailleurs, le coût pour les collectivités locales n’est ni plus ni moins que celui qu’elles supportaient déjà.
Un gros tiers – 40 % – de l’exonération a été, pour les raisons de taux historiques évoquées à l’instant par le président Carrez, supportée comme un manque à gagner. Or, en 2015, les personnes n’ayant pas été exonérées, les collectivités ont touché plein pot et c’est l’État qui remboursera : il y a donc là un gain pour les collectivités locales. Ensuite, en régime permanent, la situation sera la même que celle que les collectivités locales connaissaient jusque-là.
Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour ces informations ; mais cela signifie que deux tiers du problème sont liés à des amendements ou à des textes que vous avez votés.
En effet, 200 000 personnes sont touchées par la fiscalisation de la majoration pour enfant, et 200 000 veuves sont de ce fait concernées par cette mesure : ce sont les chiffres que vous venez de donner. De plus, 200 000 personnes ont bénéficié de l’opportunité de l’amendement Lefebvre et 200 000 constituent le solde. Ainsi, votre majorité a créé les deux tiers du problème !
Quant à votre argument sur les collectivités territoriales, pour lesquelles cette mesure serait neutre, il faut être subtil, monsieur le secrétaire d’État : ce sont en fait des non-recettes, voilà la vérité ! Elles auraient dû percevoir ces recettes !
Vous avez donc créé deux tiers du problème par deux mesures : la fiscalisation des majorations pour enfant et la mesure Lefebvre, mal ciblée et permettant à 200 000 personnes qui n’en bénéficiaient pas d’en bénéficier. Cela représente 400 000 personnes sur les 600 000 concernées : cela signifie que vous êtes à l’origine des deux tiers du problème !
Le groupe RRDP votera bien entendu cet amendement, mais sans y joindre les félicitations que certains intervenants précédents ont cru bon d’ajouter à leur vote. En effet, pour notre part, et c’est vrai aussi pour d’autres députés, nous sommes souvent intervenus lors des débats budgétaires pour signaler les effets qu’aurait cette suppression de la demi-part des veuves.
Ce problème était identifié par le Gouvernement, qui le connaissait. Nous aurions donc souhaité que des modifications interviennent plus rapidement, et pas simplement aujourd’hui, d’autant qu’elles sont examinées dans des conditions de rapidité de délibération qui ne sont pas très habituelles.
Je sais bien que c’est la majorité précédente qui, en 2008, a supprimé cette demi-part ; mais enfin, 2008, cela laisse le temps de réfléchir ! Depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, en 2012 – nous sommes là depuis trois ans ! –, il eût été possible d’imaginer plus rapidement des solutions pour remédier à cet inconvénient créé par d’autres.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 59 Nombre de suffrages exprimés: 54 Majorité absolue: 28 Pour l’adoption: 53 contre: 1 (L’amendement no 1167 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, premier orateur inscrit sur l’article 34.
Nous avons, avec Pierre-Alain Muet et 160 députés du groupe socialiste, déposé un amendement qui vise à prolonger ce qui a déjà été entrepris par le Gouvernement en matière de baisse d’impôts. C’est dans ce cadre que l’amendement concernant la baisse du taux de CSG intervient, et rien d’autre.
Je tiens à préciser cela car j’ai pu lire et entendre des objections, venant parfois de l’opposition, qui portaient essentiellement sur ce point, affirmant que la baisse du taux de CSG se traduirait par une augmentation de la CSG ou d’autres impôts pour les autres catégories de contribuables.
C’est également inexact !
J’en reviens donc au principe qui est à la base de notre amendement en partant, tout d’abord, d’un constat qu’il serait bon de rappeler, même si c’est peut-être une évidence pour ceux qui siègent ici : il y a en France deux impôts. L’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée sont bien deux impôts : l’un est proportionnel, l’autre est progressif.
Quel est l’objectif de notre amendement ? Il s’agit de prendre en compte la situation de contribuables qui, pour beaucoup d’entre eux, ne paient pas l’impôt sur le revenu, mais ne bénéficient pas pour autant des baisses d’impôt votées par la majorité sur la proposition du Gouvernement. C’est vers ces contribuables que nous nous tournons : les travailleurs, ceux qui veulent retourner au travail, et qui, pour autant, lorsqu’ils seront imposés, le seront essentiellement à travers la CSG, c’est-à-dire à 8 % dès le départ.
Dans d’autres pays, dans d’autres démocraties, il n’y a très souvent qu’un seul impôt :…
…l’impôt sur le revenu, avec un taux progressif mais qui ne démarre pas à 8 %.
Nous vous proposons donc de traiter ce point sans aborder la question d’ensemble, qui est complexe et que l’on ne peut traiter par le biais d’un seul amendement. J’avais parlé de remise à plat nécessaire et de simplification de notre système fiscal.
Cette question reste entière ; elle sera d’ailleurs plus claire et lisible lorsque sera mis en place le prélèvement à la source. Mais le message que nous voulons adresser aujourd’hui est celui d’une mesure fiscale de baisse de la CSG pour les salariés à 1,34 fois le SMIC : nous avons pris pour référence la prime d’activité. Pour ces salariés, la prime d’activité sera remplacée, pour la part individuelle, par une baisse d’impôt, avec un taux à 1,5 %.
Nous avons calculé que cela pouvait représenter une augmentation de pouvoir d’achat mensuelle pour les salariés payés au SMIC d’environ 100 euros – je dis bien 100 euros : ce n’est pas rien !
Il y a certes des objections techniques ; le président Carrez vient d’en mentionner une. Je ne vais pas y répondre pour l’instant, car je n’ai pas un temps de parole illimité – je dépasse déjà celui que vous m’avez imparti, monsieur le président.
J’en arrive donc à ma conclusion : vous avez objecté des problèmes techniques, mais nous en sommes conscients ! Lorsque nous avons discuté, en juillet dernier, avec Michel Sapin et Christian Eckert, nous avons présenté avec Pierre-Alain Muet notre projet, qui a fait l’objet d’échanges avec le Gouvernement, encore récemment. Nous avons pris en compte certaines questions qui nous étaient posées, notamment sur le délai de mise en oeuvre de ces dispositions fiscales nouvelles aux conséquences positives en matière de pouvoir d’achat pour ces travailleurs payés au SMIC et un tout petit peu plus.
Nous avons un an pour mettre au point toutes les questions techniques et éviter tout malentendu ou tout effet retard qui pourrait être préjudiciable à l’esprit de la mesure. Un an, car nous voulons faire démarrer notre dispositif nouveau au 1er janvier 2017. Si tous les problèmes techniques sont résolus à cette date, alors, sur la feuille de paye des salariés concernés, cela se traduira par environ 100 euros de plus par mois !
Cette mesure mérite donc d’être débattue et, si elle est votée, cela sera, en direction des catégories populaires, un signal de justice, de solidarité nationale,…
…mais qui ne serait pas porté par les autres contribuables. J’en prends l’engagement ici : il ne s’agit pas de faire un transfert ; nous voulons agir concrètement pour la justice fiscale dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur Darmanin, il m’est arrivé de laisser à M. Frédéric Lefebvre, lorsque des sujets relevaient de son mandat de parlementaire représentant les Français de l’étranger, bien plus de temps que le règlement ne le prévoyait ; il peut en témoigner. Il y a des moments où nous pouvons nous accorder, dans une sorte de consensus, au moins sur la forme.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre.
Merci, monsieur le président : je veux vous en donner acte et vous remercier à l’avance de me donner un temps de parole…
Non, mais nous allons parler d’un sujet important. S’agissant de l’organisation de nos débats, je veux remercier le Gouvernement de nous avoir donné un cas pratique avec la demi-part des veuves. En effet, je regarde avec attention et sans aucun esprit polémique la proposition qui est faite par M. le Premier ministre Ayrault sur la CSG.
Cela étant, je comprends pourquoi le Gouvernement hésite : nous venons d’avoir un exemple de bricolage qui, au fil des majorités, a montré à quel point l’impréparation pouvait conduire à des difficultés concrètes ; aujourd’hui, nous allons avoir la même difficulté.
C’est la raison pour laquelle je reprendrai la parole tout à l’heure. Je regrette qu’un de mes amendements après l’article 47 n’ait pu être examiné ce matin. Il portait sur un problème très proche : la question du revenu universel de base. C’est un sujet sur lequel je travaille avec un certain nombre de personnalités. Il y a d’ailleurs des élus, dans cet hémicycle, qui étudient aussi cette question.
C’est loin d’être un thème nouveau, puisqu’un rapport de Lionel Stoléru, en 1974, au nom du groupe d’études pour l’impôt négatif, développait cette idée. Michel Foucault faisait de même en 1979, puis Jean-Marc Ferry dans son article sur le revenu universel. Le rapport Belorgey sur les minima sociaux, que beaucoup ont lu, préconisait la même idée en 1999.
Aujourd’hui, avec Gaspard Koenig et Marc de Basquiat, nous travaillons sur ces questions.
Il faut arrêter de bricoler : la question essentielle du revenu minimum de base impose de remettre à plat le système, plutôt que de poser une rustine. Je ne vise personne, mais il y a un vrai problème dans l’organisation de nos débats.
Je souhaiterais, monsieur le président de la commission des finances, pour aboutir à une simplification du système au lieu de découvrir des perdants au bout de six mois faute d’avoir anticipé les effets d’une mesure, que nous puissions travailler, droite et gauche confondues, avec la commission des finances et avec l’expérience que vous avez bien voulu souligner, monsieur le président, des députés représentant les Français de l’étranger : cela permet de faire du benchmarking. C’est ainsi que nous pourrions travailler dans de bonnes conditions dans cet hémicycle.
Vous aviez indiqué que neuf Français sur dix ne seraient pas touchés par l’hyper-fiscalisation que vous avez déclenchée : dix sur dix ont été touchés. Il y avait juste une petite erreur de cible.
Aujourd’hui, vous voulez marier la CSG et l’impôt sur le revenu. C’est une erreur fondamentale : il s’agit de 150 milliards d’euros, avec des transferts de charge dans tous les sens à partir du moment où vous multiplierez les échanges entre les deux impôts. Et vous envisagez cette mesure au moment même où vous faites voter la prime d’activité, c’est-à-dire la fusion du revenu de solidarité active et de la prime pour l’emploi. Avant même que cette prime d’activité soit créée, vous considérez qu’il faut renoncer à la mettre en place pour un certain nombre de personnes, dans certaines conditions. Nous en discuterons tout à l’heure.
Rendre progressive la CSG, c’est cela que vous souhaitez en réalité ! Cela signifie une augmentation massive des impôts pour une grande partie des Français. Ce n’est pas acceptable.
La CSG, créée par Michel Rocard dans les années 90, s’est substituée aux cotisations sociales. Il y a tout de même un lien entre cette contribution et la Sécurité sociale : on parle encore d’assurance sociale. Vous allez délier les deux alors qu’il faudrait au contraire les lier plus étroitement.
La vérité est qu’un bon impôt se caractérise par une base très large et des taux relativement faibles, ce qui assure la neutralité de l’impôt. Or, vous êtes en train d’attaquer la CSG qui est le prélèvement le plus conforme à cette définition. Vous vous trompez totalement. Vous avez malheureusement causé une augmentation de la fiscalité sur les ménages de plus de 50 milliards d’euros ; vous voyez les élections régionales approcher à grands pas ; encore une fois, c’est la panique à bord ! On ne joue pas avec la fiscalité sans vision d’ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je voudrais surtout parler de l’amendement Ayrault.
En premier lieu, je partage les deux critiques adressées par MM. Ayrault et Muet au système de prime d’activité.
D’abord, s’agissant de son caractère non automatique, je rappelle que seulement un tiers des allocataires potentiels bénéficiaient du RSA d’activité. Pour la prime d’activité, le Gouvernement a estimé cette proportion à 50 %.
Ensuite, la prime d’activité apparaît comme une forme d’assistance pour les salariés payés au niveau du SMIC. J’irai même plus loin : plus que de l’assistance, c’est une trappe à bas salaires, toutes les études l’ont montré.
Je partage donc votre double critique, mais votre remède constitue-t-il la bonne réponse ? Eh bien non, pour plusieurs raisons.
Votre dispositif se heurte en effet à un énorme problème d’inconstitutionnalité.
La CSG, par nature, est affectée à la protection sociale. Vous essayez de contourner la décision du Conseil constitutionnel concernant les cotisations sociales et vous vous heurterez au même problème.
En outre, la prime d’activité est partiellement familialisée, et enfin, à revenus identiques, on ne sera pas traité de la même façon. À mon avis, ce sont donc deux ou trois motifs d’inconstitutionnalité que comporte votre amendement.
L’idée qui le sous-tend est de faire un premier pas vers la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Je vous renvoie au petit document commis par MM. Ayrault et Muet : notre collègue Muet me l’a dédicacé oralement
Sourires
et je l’ai lu. Il est très clair : vous présentez cette mesure comme un premier pas vers la fusion et la progressivité. C’est une multiple erreur, car les couches moyennes et les familles paieront plus.
Merci, monsieur de Courson : vous aurez le temps de développer vos arguments dans le débat.
Nous aurons l’occasion, en examinant l’amendement, de répondre en détail.
Je voudrais, pour ma part, en rester à l’article 34 pour saluer la mise en oeuvre du prélèvement à la source. C’est un serpent de mer depuis 1967. On n’a jamais réussi à prendre cette mesure, mais il y a une vraie opportunité à saisir aujourd’hui : en effet, avec la déclaration sociale nominative, nous pourrons faire un vrai prélèvement à la source, adapté aux revenus contemporains. C’est un vrai changement, parce qu’un prélèvement à la source au taux de l’année précédente conserve les défauts de l’imposition retardée que nous sommes les seuls en Europe à pratiquer. Nous sommes en effet le seul pays de l’Union européenne à ne pas prélever à la source. L’article 34 prévoit donc une grande avancée que je salue.
La deuxième caractéristique de notre imposition des revenus est d’être double : nous avons l’impôt sur le revenu proprement dit, qui représente 3,5 % du PIB, et la CSG, à hauteur de 4,8 % du PIB. La somme des deux – 8,3 % – équivaut à l’impôt sur le revenu seul dans tous les autres pays : 9 % au Royaume-uni, 9,5 % en Allemagne, 10 % aux États-Unis. Dans tous les pays, ce taux se situe entre 8 % et 10 %.
Quelle est la caractéristique de notre imposition des revenus ?
Ce n’est pas, comme on le dit, que seule la moitié des Français paierait l’impôt sur le revenu : c’est que nous avons une flat tax, la CSG à 8 %, dès le premier euro pour un salarié à temps plein, ce qu’on ne trouve dans aucun autre pays.
Je vous invite à regarder l’imposition des revenus chez nos voisins : aucune ne commence à un taux moyen de 8 %.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ce taux n’est atteint qu’à un certain niveau de revenu. Il faut donc corriger notre imposition des revenus pour la rendre comparable à ce qu’elle est partout : le prélèvement à la source est une première mesure, la seconde consiste à abaisser la CSG pour les revenus les plus modestes, en dessous de 1,3 ou 1,4 fois le SMIC, de façon à obtenir une entrée dans l’imposition des revenus cohérente et progressive. Il n’y a aucune augmentation d’impôts en perspective : il s’agit simplement de baisser l’impôt qui est trop élevé sur les revenus les plus modestes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le débat fiscal étant par nature complexe, je suggère que nous n’ajoutions pas à la confusion en confondant les débats. Nous n’examinons pas les amendements après l’article 34, nous parlons de l’article 34 et il n’y a aucun lien, direct ou indirect, à faire entre les deux.
Je voudrais donc m’en tenir à l’article 34 qui engage le processus de mise en oeuvre, à partir de 2018, du prélèvement à la source et qui tend à moderniser notre imposition en généralisant la télédéclaration.
Je veux rappeler à ce propos, en faisant référence aux travaux sur la fiscalité des ménages que j’avais présidés à la demande de Jean-Marc Ayrault, que selon notre rapport, plusieurs options étaient possibles pour faciliter la vie de nos concitoyens et améliorer leur compréhension de l’impôt. Nous ajoutions que c’était un choix politique.
Je me félicite que ce choix politique soit fait et je veux simplement dire qu’indépendamment des modalités techniques dont nous débattrons en 2016, les principaux problèmes en matière fiscale concernent celles et ceux qui ont le plus de mal à payer l’impôt : ceux qui sont au seuil d’imposition ou un peu au-delà.
Le prélèvement à la source est une mesure extrêmement simple : vous payez l’impôt de l’année n sur le revenu que vous percevez l’année n, et non l’année n + 1. Or on sait que chaque année, pour diverses raisons – maladie, retraite… – les revenus de nos concitoyens baissent : ils se retrouvent à payer des impôts sur des revenus antérieurs d’un montant élevé, à un moment où ils n’ont pas forcément pu mettre de l’argent de côté.
D’ailleurs, tous les économistes – Pierre-Alain Muet et moi serons au moins d’accord sur ce point – disent que faire payer aux ménages l’impôt de l’année n en année n est performant parce que cela évite des thésaurisations inutiles, ce qui permet de mieux financer l’économie.
Je pense donc qu’il faut que nous votions ce très bon article qui va moderniser notre système fiscal, le simplifier et le rendre plus lisible.
Moi aussi je voudrais soutenir avec force cet article, qui permettra de réconcilier les Français avec l’impôt.
Il fallait rétablir la justice : nous nous y sommes attelés depuis le début du quinquennat. Je pense en particulier à cette mesure symbolique et forte qui veut que les revenus du capital soient autant imposés que ceux du travail.
Nous avons beaucoup avancé dans cette voie.
Le deuxième chantier, c’est celui-ci : le prélèvement à la source. C’est sans doute le plus compliqué, la mesure la plus courageuse, mais une fois que nous nous serons engagés dans cette voie, nous aurons fait un grand pas en avant, vers une plus grande transparence, tout en renforçant le lien entre les revenus perçus et l’impôt.
Le troisième chantier est contenu dans l’amendement de Jean-Marc Ayrault et de Pierre-Alain Muet : c’est introduire de la progressivité dans la CSG.
Telle qu’elle a été conçue initialement, à un taux très faible pour assurer les fins de mois de la Sécurité sociale, la CSG se comprenait. Aujourd’hui, elle s’établit à 8 %, c’est-à-dire à un niveau souvent supérieur à celui de l’impôt sur le revenu. Son absence de progressivité pose un problème majeur aux progressistes que nous sommes, pour qui chacun doit payer en fonction de ses moyens : quand on a plus, on paie proportionnellement plus. C’est cela qui s’amorce aujourd’hui pour qu’à terme, en France, il y ait comme dans toutes les grandes nations un prélèvement à la source, sur une assiette large, réellement progressif de bas en haut de l’échelle. J’espère que, sur ces deux points, nous allons aboutir dans les heures qui viennent.
Il y a fort à parier, comme l’a dit notre collègue de Courson, que le Conseil constitutionnel, dans sa grande sagesse, se penche sur nos débats. Cela lui rappellera les années 2000, quand déjà on voulait modifier la CSG : le Conseil constitutionnel avait censuré cette mesure et je suis sûr qu’il fera de même si l’amendement de M. Ayrault est adopté.
Quelque chose nous sépare de M. Germain, qui s’esbaudit du bilan fiscal de votre majorité : je pense que les Français sont plutôt de l’avis de l’opposition.
Par ailleurs, il considère que la justice est désormais au rendez-vous en matière fiscale. M. Ayrault a pourtant pris soin de nous dire qu’il aurait voulu, en tant que Premier ministre, faire venir ce Grand Soir fiscal qui n’arrive toujours pas. On en est à bricoler, sinon le dimanche, du moins au lendemain du 11-Novembre.
Enfin, monsieur Germain, vous nous dites que vous êtes pour la proportionnalité sur tous les revenus : c’est bien ce qui nous différencie, parce que si l’amendement de M. Ayrault était adopté, les classes moyennes qui ont déjà très chèrement payé votre politique fiscale paieraient encore plus ! En effet, il faut bien que les gens comprennent que si vous diminuez les impôts d’un côté, sachant que les dépenses ne se réduisent pas de manière importante, ce sont bien les classes moyennes – celles qui font la richesse de notre pays, celles qui paient tout le temps – qui vont financer vos propositions et vos bricolages. Malheureusement, les longues heures qui nous séparent de la fin de cette discussion budgétaire seront couronnées, mon cher collègue Germain, par la censure du Conseil constitutionnel.
Il faudra recommencer l’année prochaine : vous nous direz, j’en suis sûr, que tout est formidable et que le Gouvernement a un magnifique bilan, après avoir perdu de nombreuses élections.
Mais les Français n’auront toujours pas vu votre égalité fiscale se réaliser.
Il y a de la passion dans l’air !
La question fiscale est effectivement politique car nous devons tous prendre la mesure de ce constat : le consentement des citoyens à l’impôt s’est altéré. Or, nous devons rétablir ce consentement, en tenant compte du fait que nos concitoyens ne s’y retrouvent pas…
… face à la multiplicité des impôts et à la complexité des dispositifs en vigueur.
Pour ma part, je plaide pour un rétablissement du consentement à l’impôt et pour un impôt citoyen…
… au sein du Mouvement républicain et citoyen et, depuis mon élection comme député en 2012, au sein du groupe SRC, y compris lors de mes interventions dans la discussion générale des PLF pour 2015 et 2016.
Comment restaurer le consentement à l’impôt ? Il faut considérer qu’une question politique se pose : beaucoup de citoyens se jugent aujourd’hui orphelins – je m’adresse plus à la gauche qu’à la droite – des engagements que le Président Hollande a pris lors du discours du Bourget et qui font l’objet d’un abandon, d’un renoncement. Les citoyens témoignent alors de leur désaccord en s’abstenant de voter ou en faisant la grève civique.
L’amendement de Jean-Marc Ayrault – dont je suis signataire – vise à engager un mouvement afin que l’on puisse aborder la question d’une réforme fiscale juste.
Il ne s’agit pas de tout chambouler, mais il faut enclencher ce mouvement. C’est pourquoi je soutiens cet amendement.
Le groupe écologiste a déposé un amendement identique à celui de Pierre-Alain Muet et Jean-Marc Ayrault car cette mesure, monsieur le secrétaire d’État, faisait partie des cinq priorités que nous vous avions adressées lorsque nous avons commencé à discuter de ce projet de loi de finances.
Votre position me surprend, messieurs Woerth et Darmanin : vous ne voulez pas alléger l’imposition des ménages puisque vous vous opposez à un amendement qui poursuit cet objectif.
En outre, vous trouvez normal que, quels que soient les revenus, tout le monde paie le même taux de CSG – 8 %. Cela ne vous choque donc pas que le taux de cette imposition soit le même pour les riches et pour les pauvres.
Je ne peux comprendre une telle position et soutiendrai donc avec ferveur l’amendement déposé par Pierre-Alain Muet et Jean-Marc Ayrault, car il va dans le bon sens : celui de l’allégement de l’imposition des ménages et de la justice fiscale dont notre pays a besoin en ce moment.
Au nom de mon groupe, j’exprime notre accord avec les analyses et les propositions de Jean-Marc Ayrault – nous avons d’ailleurs déposé un amendement identique.
Les Radicaux – comme d’autres d’ailleurs – ont toujours été pour la justice fiscale.
C’est en effet un ministre des finances radical, Joseph Caillaux, d’un Président du Conseil radical, Clemenceau, qui a présenté en 1907 le premier projet en faveur d’un impôt progressif sur le revenu.
Comme cela a été rappelé, nous avons maintenant un double système d’imposition sur le revenu : le traditionnel impôt sur le revenu et la CSG, qui s’y est superposée, dont on se demande si l’acronyme ne signifie pas « cerise sur le gâteau »…
… puisqu’il s’agit d’une sorte d’adjonction à l’IR.
Le grand inconvénient de la CSG telle qu’elle est conçue, c’est son taux identique quelle que soit la situation des redevables, c’est donc son absence de progressivité et de prise en compte de la situation de chacun. En outre, cette cotisation génère, du fait de sa large assiette, un produit très élevé : 90 milliards, contre 75 milliards pour l’impôt sur le revenu.
Nous souhaitons donc que les salariés modestes dont les revenus se situent entre 1 et 1,3 SMIC, qui sont les plus pénalisés par l’uniformité du taux de CSG, soient exonérés de celle-ci, ou profitent d’un allègement.
Ensuite, nous souhaitons que la période qui ira jusqu’au 1er janvier 2017, date de l’application de cette réforme, soit l’occasion de réfléchir à l’ensemble des modalités techniques et juridiques de sa mise en oeuvre.
Enfin, il est indispensable que la nécessaire dégressivité de la CSG ne s’accompagne pas d’une augmentation de la pression fiscale sur les autres contribuables…
… et spécialement ceux des classes moyennes.
Je remercie très sincèrement le président de faire respecter de cette manière héroïque et très digne les différents horaires,…
… comme dans une sorte de gare. Nous sommes en effet une sorte de gare parlementaire et, au fond, nous aimons tous beaucoup les cheminots.
Sourires.
Plusieurs collègues l’ont rappelé : l’article 34 vise à moderniser l’impôt sur le revenu traditionnel des Français en le rendant plus direct via le prélèvement à la source. Nous devons tous avoir conscience que cela peut simplifier considérablement leur vie.
Pourquoi est-il intéressant de discuter aussi de l’amendement défendu par nos collègues Ayrault et Muet ?
Parce qu’un impôt sur le revenu prélevé à la source existe déjà, c’est la CSG. Les deux sujets sont donc totalement liés : l’un est déjà prélevé à la source et nous souhaitons qu’il en soit de même pour l’autre. La démarche de nos collègues vise à une mise en cohérence.
J’ai surtout demandé la parole pour répondre à notre collègue Darmanin, qui a d’ailleurs choisi de prendre la fuite !
Sourires
La précédente majorité n’a jamais songé à moderniser l’impôt sur le revenu. La seule mesure dont tout le monde se rappelle, c’est le bouclier fiscal dont les personnes qui disposent des revenus les plus élevés ont bénéficié.
M. Darmanin n’est plus là mais j’aurais voulu lui rappeler qu’en ce moment même, au Sénat, la droite est en train de faire baisser les prélèvements sur les parachutes dorés, que nous essayons quant à nous d’aligner sur les autres.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Chaque fois que nous essayons d’instaurer de la justice dans les prélèvements, la position de la droite est très claire – j’imagine que M. Darmanin en est totalement solidaire : baisser l’imposition des plus riches et tant pis pour les plus pauvres, on s’en occupera une autre fois !
Voilà pourquoi il est important de voter cet article 34. Quant à l’amendement Ayrault-Muet, il s’inscrit dans cette logique de justice fiscale.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Une nouvelle fois, comme nous l’avons fait ce matin à plusieurs reprises en discutant de l’érosion de la base d’imposition et du transfert des bénéfices – BEPS – et de différents points concernant les retraités, je rappelle que notre groupe est entièrement mobilisé afin d’appliquer le plus vite possible le prélèvement à la source prévu par l’article 34.
Il ne s’agit pas simplement d’une proposition que nous faisons depuis longtemps ; c’est une revendication majeure des Français en matière d’impôt car, chaque fois que la question leur a été posée, leur acquiescement était très large.
Les Français y voient en effet un élément de simplification et de justice. Bien entendu, ce prélèvement s’accompagne de l’ensemble des mesures de justice que nous avons mises en place – je songe notamment à la lutte contre la fraude, qui nous permet de dire aux Français, après les efforts qu’ils ont consentis, qu’il est temps de procéder à des redistributions, notamment en faveur des plus modestes. C’est ce que nous avons commencé à faire, mesure après mesure.
Il y a quelques semaines, nous avons voté la prime d’activité, qui sera mise en oeuvre à partir du 1er janvier prochain. Je pense qu’il faudra aller plus loin en matière d’automaticité de façon à ce que tous ceux qui y ont droit la perçoivent, mais il ne faut pas passer sous silence cette avancée en faveur des plus modestes qui accompagnera ceux ayant retrouvé un emploi après avoir été au chômage.
Je souhaite que nous puissions capitaliser notre action en faveur des plus modestes, semaine après semaine, sans toujours passer à l’étape suivante.
Nous sommes une nouvelle fois mobilisés et unis pour accompagner le Gouvernement dans la mise en oeuvre du prélèvement à la source.
Au-delà des problèmes que suscitera sa mise en place – je pense notamment à la confidentialité – deux raisons majeures justifient la mise en place du prélèvement à la source.
D’abord, comme l’ont dit certains orateurs, l’instantanéité du prélèvement, le « temps réel », renforce le consentement à l’impôt. Bien sûr, on peut toujours nous rétorquer qu’avec la mensualisation, cela présente beaucoup moins d’intérêt qu’auparavant, mais il faut tenir compte de la volatilité des situations – changements de travail, de situation conjugale et familiale – qui est plus importante qu’auparavant. Les situations des uns et des autres changent en effet énormément et très rapidement, ce qui justifie encore un peu plus le prélèvement à la source.
En outre, c’est une mesure qui sera particulièrement favorable aux personnes les plus fragiles. En effet, lorsque vous avez de l’argent et que vous êtes bien dans votre peau, vous pouvez prévoir le paiement de vos impôts l’année n +1. Mais les gens les plus vulnérables et les plus fragiles pour des raisons psychologiques ou financières ne peuvent pas se projeter en évaluant l’impôt que susciteront un an plus tard leurs gains actuels. Pour eux, cette mesure sera extrêmement salutaire et utile.
Mais cela veut aussi dire que tel n’est pas le cas pour les professionnels indépendants et libéraux. Là, il existe une vraie faille, d’autant qu’en plus du décalage de l’impôt, il faut compter avec celui de l’acquittement des cotisations sociales qui a lieu un an, voire deux ans plus tard. Il faut vraiment trouver des solutions pour eux.
Pour la bonne organisation de nos débats – bien qu’elle ne m’appartienne pas – je n’interviendrai que sur le contenu de l’article 34. Les questions légitimement soulevées par d’autres amendements portant articles additionnels après l’article 34 seront bien entendu précisées en temps voulu.
Avec l’article 34, le Gouvernement vous propose de mettre en oeuvre le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu dans un délai qui est précisé. C’est sans doute l’une des plus grandes modifications de l’IR depuis des décennies.
Le décalage d’un an entre le moment où le revenu est perçu et celui où l’impôt est acquitté peut entraîner des difficultés – M. Alauzet vient d’y faire allusion. En effet, 30 % des contribuable connaissent une dégradation de leur situation dans la mesure où ils subissent le décalage entre des revenus perçus qui sont corrects mais qui ne le sont plus lorsqu’ils doivent s’acquitter de l’impôt.
La France est l’un des derniers pays à mettre en oeuvre cette mesure, qui sera effective le 1er janvier 2018.
Le Gouvernement vous propose de poursuivre le travail, que l’administration a d’ailleurs très largement commencé. Nous devrons en effet résoudre beaucoup de problèmes techniques : la question du collecteur, qui reste à déterminer, celle du type et du champ des revenus concernés – quelqu’un a fait allusion à la différence entre les salariés et les indépendants – et celle de l’année de transition qui, à l’évidence, peut soulever des problèmes en cas de revenus exceptionnels – plus-values, perception de rentes, etc – qui auraient été perçus une année.
Nous allons y travailler, et le Gouvernement s’engage à vous présenter le résultat de son travail avant le 1er octobre 2016, de façon à ce que tous les acteurs de cette réforme puissent s’adapter aux choix qui auront été faits et se doter des outils nécessaires. Comme nombre d’entre vous l’ont souligné, c’est une réforme extrêmement importante que celle qui est introduite à l’article 34.
Deux autres dispositions font débat, dont je voudrais dire un mot.
L’automaticité de la télédéclaration, d’abord, qui sera mise en oeuvre progressivement : elle s’appliquera à partir de 2016 aux contribuables ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 40 000 euros, ce qui représentera 2 millions de contribuables supplémentaires. Je précise que ne seront concernés que les contribuables ayant la possibilité de le faire. J’ajoute que la télédéclaration présente de très nombreux avantages. Tout le monde reconnaît qu’il existe désormais une bonne interactivité : le contribuable qui remplit sa déclaration sur internet est guidé et dispose d’éléments préremplis – il n’est donc pas face à une page blanche. Le système, chacun le reconnaît, a gagné en interactivité, et cette modernisation assurera également des gains d’efficacité à l’administration fiscale, ce qui est toujours important.
Quant au télépaiement, qui deviendra également obligatoire de manière progressive, en fonction du niveau de paiement, il assurera, lui aussi, des gains de productivité. Il s’agit là non pas de contraindre, mais d’être moderne en faisant preuve de toute la souplesse nécessaire. Nombreux sont ceux qui ont pointé du doigt la pénalité de 15 euros, mais tout le monde sait qu’elle ne s’appliquera qu’au bout de deux ans à ceux qui n’auront pas coché la case indiquant qu’ils sont dans l’impossibilité de payer en ligne.
Compte tenu des technologies dont nous disposons en ce début de XXIe siècle, il serait curieux de voir nos fonctionnaires passer leur temps à transcrire sur des systèmes informatiques des déclarations faites par écrit. Ce n’est pas leur vocation et ils ont beaucoup mieux à faire.
Voilà ce que j’avais à dire sur cet article 34. Le reste sera abordé le moment venu.
La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 609 .
Vous allez être satisfait, monsieur le secrétaire d’État, car mon amendement traite exclusivement du prélèvement à la source.
Alors que cette réforme pouvait se justifier il y a quelque année, aucune raison technique ne la justifie plus aujourd’hui. Avec la généralisation de la télédéclaration, les déclarations préremplies, la généralisation en cours de la mensualisation de l’impôt et un très bon taux de recouvrement, on ne peut pas espérer d’importants gains de productivité. En outre – j’en profite pour le souligner – les relations avec l’administration fiscale se sont beaucoup améliorées et il est vrai que celle-ci se montre très réactive en cas de variation de revenus.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de cette réforme posera un certain nombre de problèmes : celui de la déclaration des revenus qui ne sont pas de nature salariale ; celui de la confidentialité, lié à la familialisation de l’impôt, qui est une singularité française ; celui, enfin, de l’année de transition. Bref, tout un faisceau d’arguments techniques plaide aujourd’hui pour que l’on n’engage pas cette réforme.
D’où mon interrogation : s’il n’y a plus d’argument technique pour justifier cette réforme, c’est qu’il y a des arguments politiques. Pour ma part, je vois deux arguments politiques majeurs, dont il faut que nos concitoyens soient bien conscients. D’abord, le Gouvernement veut mettre fin à la singularité française de la familialisation de l’impôt.
À terme, le prélèvement à la source nous amènera à faire comme dans les autres pays, à savoir une simple réduction d’impôt par enfant à charge. Vous avez d’ailleurs commencé à aller dans ce sens, puisque le quotient familial, qui était plafonné à 2 300 euros en début de législature, ne l’est plus aujourd’hui qu’à 1 500 euros. Il y a donc de nombreux couples pour qui l’on se borne à faire une réduction d’impôt. C’est la mort de la familialisation de l’impôt, et c’est regrettable.
Ensuite, et je me tourne vers Jean-Marc Ayrault, ce prélèvement à la source facilitera à l’évidence la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG – Karine Berger vient d’ailleurs de le dire. Et les classes moyennes ont beaucoup de souci à se faire car, contrairement à ce que vous avez dit en septembre 2012, monsieur Ayrault, 40 % des Français ont connu des augmentations d’impôt…
…et l’impôt sur le revenu ne représente que 75 milliards. Alors imaginez la progressivité sur 90 milliards de CSG ! Je pense que ce sont là vos vraies motivations. C’est la raison pour laquelle je souhaite la suppression de l’alinéa 1 de l’article 34.
Je vous remercie, monsieur le président Carrez, d’avoir rappelé les avancées techniques qu’a connues l’impôt sur le revenu, et qui sont tout à l’honneur de l’administration fiscale.
Mais la question qui se pose est celle des revenus : M. le secrétaire d’État l’a rappelé tout à l’heure, 30 % des foyers voient leurs revenus varier de manière importante d’une année sur l’autre. Or 30 % d’entre eux, soit un peu moins de 10 % des Français, voient leurs revenus baisser de plus de 30 % d’une année sur l’autre, ce qui veut dire qu’ils sont imposés, en année n, sur des revenus qui étaient de 30 % supérieurs l’année n-1. Au moment où ils paient leur impôt sur le revenu, ils le font sur un montant qui est supérieur de 30 % à celui de l’année en cours. C’est ce point clé que vise à régler l’article 34.
Cela ne remet évidemment pas en cause toutes les avancées que vous avez mentionnées, parmi lesquelles la mensualisation et la télédéclaration préremplie : ces avantages sont acquis. Il s’agit seulement de mettre en adéquation le moment où l’on paie l’impôt et celui où l’on touche ses revenus. C’est précisément le problème que l’article 34 permet de résoudre. Voter l’amendement reviendrait à annuler cette avancée : avis défavorable de la commission.
Je voudrais répondre à plusieurs interrogations. La première concerne l’obligation de télédéclaration. On nous donne souvent l’exemple de personnes âgées ou vivant à l’étranger, qui pourraient avoir des difficultés à télédéclarer. Je rappelle qu’il suffira de cocher une case sur sa déclaration papier pour indiquer que l’on est dans l’impossibilité de le faire. On ne va pas vous demander si c’est parce que vous n’avez pas internet chez vous, parce que vous êtes trop âgé ou parce que vous ne savez pas le faire. Il vous suffira de cocher cette case pour ne pas être tenu de télédéclarer, et vous n’aurez aucune sanction. J’espère avoir rassuré celles et ceux qui pouvaient encore avoir des inquiétudes à ce sujet.
Je voudrais répondre, deuxièmement, à ceux qui disent que la mensualisation permet de régler le problème. Aujourd’hui, les contribuables ont déjà la possibilité d’adapter leurs mensualités en fonction des évolutions de leur situation. Or ils ne le font pas, ou très peu. Qu’ils ne le fassent pas à la hausse, on peut le comprendre, mais ils ne le font pas non plus à la baisse, alors même que la télédéclaration permet de le faire très facilement, grâce à une simulation immédiate. En cas de baisse de votre impôt sur le revenu, vous pouvez immédiatement diminuer, voire supprimer vos mensualités si vous estimez rester dans la fourchette de 10 %, en plus ou en moins, qui est tolérée par l’administration fiscale. Voilà encore un avantage important.
S’agissant, troisièmement, de la concertation, nous avons travaillé avec les organisations syndicales. Disons-le très franchement : des inquiétudes s’expriment au sein de nos services, qui craignent d’être dépossédés de leur mission traditionnelle et régalienne. J’ai reçu personnellement, et séparément, l’ensemble des organisations syndicales, afin de leur exposer la méthode que nous utiliserons pour construire nos nouveaux dispositifs. Il y a des inquiétudes, c’est vrai, mais il y aura une concertation, et des rendez-vous sont prévus.
Enfin, monsieur le président de la commission : vous avez demandé si cette réforme n’ouvrait pas la porte à l’abandon d’un certain nombre de nos principes. Vous avez évoqué la progressivité, la conjugalisation et la familialisation de l’impôt.
J’ai eu l’occasion de dire, comme le ministre des finances, qu’il n’était pas question de créer une interférence avec nos principes traditionnels de familialisation, de progressivité et de conjugalisation. Je le répète ici, pour ceux qui voudraient nous faire ce mauvais procès. Vous l’aurez compris : le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Le prélèvement à la source est une très grande réforme, qui n’a jamais abouti chez nous, alors même que tous les autres pays de l’Union européenne prélèvent l’impôt à la source. Or nous avons une vraie opportunité de le mettre en oeuvre aujourd’hui.
D’après le rapport que le Conseil des prélèvements obligatoires a consacré à cette question, le prélèvement à la source présente l’avantage considérable d’imposer les revenus au moment où ils sont perçus, et non avec un an et demi de retard, comme c’est le cas avec notre système d’imposition. Il permet ainsi de répondre à tous les accidents de la vie professionnelle ou familiale – baisse brutale de revenus ou mise au chômage, par exemple.
Une occasion se présente aujourd’hui de réaliser cette réforme : avec les progrès de l’informatique, avec la déclaration sociale nominative, il sera possible de faire un prélèvement à la source, dont le taux sera exactement ajusté, avec deux mois de retard seulement, à la situation du contribuable. Une simulation du Conseil des prélèvements obligatoires montre que lorsque le prélèvement à la source est réalisé avec le taux de l’année précédente, comme cela était proposé dans tous les rapports antérieurs, l’ajustement est presque aussi mauvais qu’avec l’imposition actuelle. Certes, on a la bonne assiette, et on applique un taux à l’assiette exacte du revenu, mais on n’applique pas le bon taux. Or nous avons aujourd’hui, avec la déclaration sociale nominative, la possibilité d’appliquer le bon taux, de le faire en conservant la familialisation de l’impôt, tout en respectant strictement la confidentialité.
Il suffit de prendre le revenu de chacun des contribuables, de partir du taux qui s’appliquerait s’il était célibataire, puis de télécharger la réduction de taux qui s’applique compte tenu de sa situation familiale. Cela n’apporte aucune information à l’entreprise et respecte parfaitement la confidentialité et la hiérarchie des revenus. Nombreux sont ceux qui disent que cela va accentuer le défaut de notre impôt familialisé, qui est de trop taxer le revenu le plus faible. En réalité, cela permettra d’avoir un prélèvement totalement ajusté.
C’est une réforme fondamentale, citoyenne, et je salue la volonté du Gouvernement de la mener à bien.
Je ne pouvais pas laisser passer l’intervention du président de la commission des finances sans réagir. Le débat fiscal est complexe et il n’est pas toujours facile à appréhender. Le mieux, lorsqu’on vote une disposition fiscale, est de savoir ce que l’on vote et ce que l’on ne vote pas – nous y reviendrons à l’occasion d’un amendement portant article additionnel après l’article 34. Monsieur le président de la commission des finances, deux règles s’appliquent dans cet hémicycle, en matière de fiscalité : il ne faut pas faire dire aux amendements ce qu’ils ne font pas, et il ne faut pas ne pas dire ce qu’ils font réellement.
Cela étant posé, qu’est ce qu’un impôt ? C’est une assiette, un ou plusieurs taux, et un mode de recouvrement. Dire que lorsque l’on agit sur le mode de recouvrement, on agira aussi demain sur l’assiette ou sur le taux est une contre-vérité absolue. Je ne vois pas, sur ces sujets complexes, qui inquiètent nos concitoyens, pourquoi on passe son temps à ajouter de la confusion.
D’ailleurs, le seul point d’accord que j’ai avec Jean-Marc Ayrault et Pierre-Alain Muet sur leur amendement, c’est que, ni de près, ni de loin, il n’implique en quoi que ce soit une éventuelle fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG.
Aucune disposition juridique, dans cet amendement, n’y conduit. Et il n’y a rien non plus en ce sens dans ce que propose le Gouvernement.
Je voulais féliciter le Gouvernement pour sa politique de brouillage épistémologique en matière fiscale.
On n’y comprend plus rien ! On discute du 1er alinéa de l’article 34, qui ne dit rien, puisqu’il dispose seulement que « le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard le 1er octobre 2016, les modalités de mise en oeuvre du prélèvement à la source sur le revenu à compter de 2018 ». Qu’on supprime ou non cet alinéa, cela ne change rien : le Gouvernement pourra toujours faire un rapport. Ce qui est plus intéressant, c’est l’exposé des motifs, où le Gouvernement s’engage à mettre en oeuvre ce prélèvement à la source à compter du 1er janvier 2018.
C’est bizarre ! Cela me rappelle – ce n’est que mon cinquième mandat – ces réformes qui interviennent en fin de mandat et que l’on n’applique surtout pas. Pourquoi ne l’avez-vous pas faite au début du mandat ? Peut-être parce que ce n’est pas une idée aussi bonne que d’aucuns le prétendent. On veut faire croire des choses qui ne sont pas réelles.
Je tiens, pour finir, à m’adresser à ceux qui aiment le droit fiscal international. Savez-vous quel est le premier État qui a mis en place le prélèvement à la source ? De mémoire, c’est la Nouvelle-Zélande en 1850. Le Japon a suivi en 1905. Quant aux Britanniques, ils l’ont instauré entre 1945 et 1950. C’est un problème technique que certains transforment en problème politique parce qu’ils conçoivent le prélèvement à la source comme la première phase de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG – vieille idée folle de la majorité du parti socialiste, idée à laquelle, au sein de ce même parti, quelques personnes raisonnables s’opposent encore, pensant qu’une telle réforme conduirait tout droit dans le mur. Voilà ce qui pollue le débat.
Alors que le Gouvernement assure dans l’exposé des motifs de l’article que telle n’est pas son intention, ceux qui sont défavorables à l’amendement no 609 de M. Carrez affirment au contraire que le prélèvement à la source est bien une première étape qui permettra d’aller plus loin. Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes en plein brouillage épistémologique. Et personne n’y comprend plus rien.
Dominique Lefebvre a raison d’affirmer que, techniquement parlant, le prélèvement à la source ne préjuge en rien de la fusion de l’IR et de la CSG. En revanche, la grande majorité des députés socialistes affirment l’inverse.
On peut discuter de l’opportunité du prélèvement à la source. Vous le présentez comme une énorme réforme fiscale : ce n’est pas vrai, c’est une réforme portant sur les modalités du prélèvement de l’impôt.
Ramenons-la à sa juste mesure. Si vous voulez conduire de vraies réformes fiscales, alors, posez la question – M. Germain l’a évoquée – de l’unicité des taux appliqués aujourd’hui à l’imposition sur le travail et à l’imposition sur le capital. Cette question, qui est fondamentale, peut susciter le débat. Nous pensons, pour notre part, que le capital doit être moins taxé que le travail parce qu’il a déjà été taxé comme travail et qu’une trop forte taxation empêche les investissements. Il s’agit là d’un débat portant sur la fiscalité elle-même. Il en est de même des débats relatifs à la neutralité de la fiscalité, celle-ci pouvant avoir, à travers les choix qu’elle favorise ou défavorise, des conséquences malheureuses.
Ce qui est vrai, c’est que marier les deux sujets aujourd’hui débattus que sont le prélèvement à la source et l’amendement de M. Ayrault sur la CSG, traduit la volonté de fusionner, un jour ou l’autre, la CSG et l’impôt sur le revenu. Vos dénégations sont du reste si fortes qu’elles font soupçonner une arrière-pensée puissante.
Vous voudriez arriver un jour, avec la fusion de l’IR et de la CSG, à un impôt sur le revenu très important ayant une progressivité très forte. Ce n’est pas le choix de la France et la CSG n’a pas été faite pour cela. Elle a été instaurée en substitution de cotisations sociales qui ne sont pas progressives. Vous devez vous le rappeler. Si vous avez bien l’arrière-pensée que je soupçonne, alors 50 % des personnes qui paient l’impôt sur le revenu verront celui-ci augmenter très fortement. Du reste, le Gouvernement n’est pas favorable à une telle fusion : il fait tout pour l’éviter.
L’amendement no 609 n’est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 953 .
L’objet de cet amendement est de faire cesser le brouillage épistémologique.
Sourires.
Le Gouvernement dit qu’il remettra un rapport au Parlement avant le 1er octobre 2016. Vous avez remarqué qu’il ne précise pas s’il envisage de faire passer cette mesure dans le cadre d’un texte spécifique ou sous la forme d’un article du projet de loi de finances pour 2017 : il serait intéressant que le Gouvernement précise ses intentions.
Comme il existe un brouillage épistémologique entre la majorité de nos collègues socialistes, qui prétend que cette mesure sera le préalable à la fusion de la CSG et de l’IR, et une minorité qui affirme l’inverse – heureusement, certains, au parti socialiste ont encore un peu de bon sens – suivant en cela la position du Gouvernement qui, dans l’exposé des motifs, assure que le prélèvement à la source n’est pas le préalable à cette fusion, eh bien, je vous propose de préciser que l’étude sur le prélèvement à la source sera effectuée « sans perspective de fusion, à terme, de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée ». Comme ça, il n’y aura plus de débat et de brouillage épistémologique !
L’amendement no 953 n’est pas adopté.
M. le secrétaire d’État a déjà évoqué la télédéclaration. Nous ne sommes pas favorables à l’obligation d’effectuer sa déclaration fiscale par internet : nous sommes au contraire favorables au maintien du libre choix.
La manie que nous avons d’instaurer des contraintes dans les différents domaines de la vie, y compris fiscale, n’est pas une tendance indispensable. Le projet de loi prévoit du reste une case à cocher pour les personnes qui, peu accoutumées à l’usage de l’ordinateur, rencontreraient des difficultés pour effectuer une télédéclaration. En revanche, une majoration habituelle de 0,2% est prévue pour ceux qui commettraient le scandale d’effectuer leur déclaration fiscale par la voie ordinaire, à savoir la voie postale, et non par télédéclaration. Ce souci de contraindre ne nous paraît pas opportun.
Je me rallie aux propos de M. Schwartzenberg : aujourd’hui, tous les Français ne sont pas à même d’utiliser un ordinateur et de recourir au numérique. Hier, avant et après les cérémonies du 11-Novembre, j’ai été interpellé sur l’anxiété que provoque, surtout chez les personnes âgées, cette disposition législative qui vise à rendre obligatoire la télédéclaration des revenus.
De plus l’objectif économique de la mesure – passer du papier au numérique – n’a pas, contrairement aux idées reçues, d’intérêt écologique. En effet, l’analyse du cycle de vie complet d’un document transmis par la voie électronique et de celui du même document transmis par la voie papier permet d’établir qu’en termes d’émission de CO2 la transmission numérique d’une facture équivaut à la transmission postale de douze factures papier. Compte tenu des aspects environnementaux d’une telle mesure, rendre obligatoire la télédéclaration est donc un très mauvais signal envoyé à la veille de la COP 21.
Il est enfin nécessaire de prendre en compte les aspects économiques de cette proposition : de nombreux emplois dépendent de l’industrie du papier qui, elle en donne la preuve, gère durablement sa ressource, à savoir les forêts. Le recours au papier est donc, aujourd’hui encore, beaucoup plus écologique.
Il faut lire avec précision le texte et non prendre pour argent comptant les informations qui ont pu circuler dans la presse, et qui ne sont pas toujours vraies. En l’occurrence, l’article 34 rend obligatoire la télédéclaration au-dessus de 40 000 euros de revenus. Toutefois, si vous possédez internet mais que vous ne souhaitez pas effectuer votre déclaration en usant de cet outil, vous cocherez sur la déclaration papier la case indiquant que vous ne souhaitez pas effectuer une télédéclaration. Je le répète : vous pourrez continuer d’effectuer une déclaration sur papier, que vous ayez ou non accès à internet.
Le contribuable paiera l’amende de 15 euros si ses revenus dépassent 40 000 euros et s’il n’a pas informé l’administration fiscale de son souhait d’effectuer sa déclaration sur papier. Le cas est donc très limité. Je le répète : il suffira au contribuable ne souhaitant pas effectuer sa déclaration par internet de cocher la case prévue à cet effet pour ne pas avoir à payer une amende, et cela quel que soit son revenu. La souplesse de la mesure proposée par le Gouvernement est suffisante pour, à la fois, inciter un plus grand nombre de contribuables à déclarer leurs revenus par internet et permettre à ceux qui ne le peuvent pas ou ne le souhaitent pas de continuer à utiliser le support papier, pourvu qu’ils aient coché la case adéquate. Un rattrapage est par ailleurs prévu : on a jusqu’à la deuxième année pour cocher la case si on a oublié de le faire la première année.
En conséquence, avis défavorable aux deux amendements identiques.
Monsieur le ministre, la mauvaise perception par l’opinion de ce dispositif, qui est pourtant assez libéral, me semble avoir pour origine la notion d’amende. Ne serait-il pas possible de qualifier plutôt ces 15 euros de contribution ou de participation au surcoût généré pour l’administration fiscale par le traitement des déclarations papier ? Il est dès lors compréhensible que le contribuable participe à ce surcoût. La qualification d’amende est regrettable en raison de son caractère inutilement répressif. Cela dit, peut-être le livre des procédures fiscales ne permet-il aucune autre possibilité ! Mais je pose la question.
La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements.
Christian Eckert et moi-même attachons beaucoup d’importance à ce dispositif, mais nous attachons aussi beaucoup d’importance au respect des contribuables. C’est pourquoi la mesure prévue incite à choisir le système de la télédéclaration, qui est en fait beaucoup plus simple pour le contribuable, sans parler des avantages considérables qu’il présente en termes de trésorerie.
Le texte prévoit en outre le cas de ceux qui n’ont pas la capacité physique de recourir à la télédéclaration : il n’y aura aucune obligation pour eux. Ainsi, la mesure ne s’appliquera pas aux personnes qui ont un handicap visuel, ou autre, ou à celles qui ne sont pas couvertes par le réseau internet. Quant à ceux qui ne voudront pas effectuer une télédéclaration, ils n’y seront pas obligés puisqu’il leur suffira de cocher une case, ce qui répond parfaitement à votre légitime préoccupation : respecter la liberté de chacun.
Reste la question de la pénalité. Celle-ci ne s’appliquera pas dès la première déclaration.
Non, elle ne s’appliquera qu’à partir de la deuxième déclaration, si la case n’est toujours pas cochée !
C’est donc la troisième année qu’elle s’appliquera, si, je le répète, on envoie deux années de suite une déclaration papier dont la case adéquate n’aura pas été cochée. Le mécanisme fait donc toute sa place à l’accompagnement du contribuable dans un souci d’adaptation à des modalités qui sont meilleures à la fois pour lui et pour le traitement de l’impôt.
Nous avons fixé cette amende à 15 euros parce que c’est le montant que prévoit le livre des procédures fiscales pour des déclarations de même nature.
Mesdames, messieurs les députés, cette réforme de modernisation de l’impôt facilitera le mécanisme du prélèvement à la source auquel nous sommes ici presque tous favorables.
Je vous incite à le faire, en faisant preuve de pédagogie à l’égard des contribuables. La liberté est respectée, mais l’incitation est forte.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je pense que vous avez fait une erreur : celle de rendre obligatoire la déclaration en ligne, à partir du moment où les contribuables disposent d’une connexion à internet, sous peine d’une amende de 15 euros.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ce n’est pas ce qu’il fallait faire ! Au contraire, il fallait accorder une remise de 10 euros, par exemple, à ceux qui utilisent la télédéclaration. Cette mesure était toute simple, et elle avait un caractère incitatif et non répressif.
Allez-vous mettre en place un corps de contrôle qui va vérifier si les contribuables sont connectés à internet ? Je rappelle que l’obligation de déclaration en ligne ne s’applique que si le contribuable concerné dispose d’une connexion à internet ! Ce n’est pas tout à fait ce que vous dites, mais c’est bien ce que prévoit l’alinéa 4 de l’article 34 : « La déclaration prévue à l’article 170 et ses annexes sont souscrites par voie électronique par les contribuables dont la résidence principale est équipée d’un accès à internet. » Dans les alinéas 8 à 12, vous abaissez progressivement le seuil de revenus en deçà duquel la déclaration peut être faite par un autre moyen, de sorte qu’en 2019, tout le monde utilise la télédéclaration. Voilà ce qui ne va pas dans cet article !
Pour ma part, je voterai l’article 34, car je considère qu’il va dans la bonne direction. Cependant, ces dispositions sont répressives : c’est pour cela qu’elles ont suscité des réticences ! Il aurait fallu accorder aux contribuables utilisant la télédéclaration une réduction d’impôt de 10 euros : cela aurait été incitatif. La méthode que vous employez est contre-productive : vous allez dresser les contribuables contre cette mesure, alors qu’elle va dans la bonne direction.
L’article 34, amendé, est adopté.
Je me suis déjà exprimé par anticipation, lors du débat sur le prélèvement à la source, au sujet de l’amendement no 928 , que je présente avec Pierre-Alain Muet.
Des objections à cet amendement ont été exprimées, notamment du côté de l’opposition. Aussi, je le répète : il ne s’agit pas de bâtir un système que nous aurions improvisé en quelques mois. Nous ne devons pas abandonner le chantier de la réforme en profondeur de notre système fiscal. Il faut aller vers plus de simplicité et plus de clarté afin de garantir l’adhésion à l’impôt, qui reflète la confiance de nos concitoyens et sur laquelle repose le pacte social français.
Nous venons de franchir la première étape de cette réforme en lançant enfin le chantier du prélèvement à la source. C’est une étape extrêmement importante en matière de simplification pour les Français. Tout à l’heure, M. Woerth a affirmé que le prélèvement à la source ne constituait pas une réforme fiscale. Il s’agit pourtant d’un élément de réforme fiscale : en effet, lorsque le prélèvement à la source sera mis en place, le contribuable paiera des impôts sur ses revenus du moment, et non sur ses revenus de l’année précédente. D’autres arguments ont été développés tout à l’heure. En tout cas, je me félicite de ce qui vient d’être voté.
Avec cet amendement no 928 , il s’agit d’aller plus loin en matière de baisse des impôts. Dans ce domaine, le Gouvernement a engagé, l’année dernière et cette année, plusieurs mesures qui vont dans le bon sens. Nous voulons compléter ces mesures par un amendement qui s’adresse à des salariés qui ne bénéficient pas de ces baisses d’impôts – je pense en particulier aux salariés payés au SMIC.
Je ne développerai pas une nouvelle fois les explications que j’ai déjà données tout à l’heure. Il s’agit d’une mesure claire, simple, dont les salariés constateront les effets sur leur feuille de paie à partir du 1er janvier 2017. C’est extrêmement important !
S’agissant des modalités de mise en oeuvre de cette mesure et de la référence à la prime d’activité, nous allons maintenant devoir entrer dans les détails. Je sais qu’un certain nombre de questions seront posées au cours de l’année prochaine. La mesure que nous allons adopter sera effective au 1erjanvier 2017 : nous avons donc toute l’année 2016 pour la finaliser et apporter les précisions nécessaires, afin qu’il n’y ait absolument aucun risque.
Mes chers collègues, je vous propose de voter cette mesure dès maintenant et d’affirmer très clairement notre volonté réformatrice. La majorité est engagée en faveur de la réforme. Celle-ci est inspirée en permanence par la justice fiscale. Nous proposons de franchir ensemble une nouvelle étape dans cette direction.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je qualifierai ce sous-amendement de « rédactionnel ».
L’un des objectifs poursuivis par l’amendement cosigné par Jean-Marc Ayrault, Pierre-Alain Muet et de nombreux autres parlementaires vise aussi à accroître l’intelligibilité de la loi et à simplifier un système fiscal devenu, à bien des égards, trop complexe.
Pour simplifier le débat, je suggère simplement de nommer les deux composantes de « l’impôt citoyen sur le revenu » en France par les appellations que nous connaissons tous. Ainsi, je propose de conserver les dénominations « impôt sur le revenu » et « contribution sociale généralisée », que tout le monde connaît, et de ne pas ajouter à cette mesure une forme de confusion.
L’amendement no 928 a deux mérites. D’une part, il rappelle que chaque habitant de ce pays est imposé sur ses revenus ; contrairement à ce qu’on entend fréquemment, via la CSG, aucun salarié n’échappe aujourd’hui à l’imposition de ses revenus. D’autre part, il rend cette CSG dégressive.
Par mesure de simplification, mon sous-amendement vise à conserver les dénominations des deux impôts que nous connaissons déjà.
Mon collègue Jean-Marc Ayrault a très bien expliqué son amendement, qui est identique au nôtre, soutenu par l’ensemble du groupe écologiste puisqu’il a été signé par ses dix-huit membres.
Cela a déjà été dit : l’objet de notre amendement est d’alléger l’imposition des personnes aux revenus modestes, par le biais d’une réduction automatique et dégressive de la CSG sur les salaires jusqu’à 1,34 fois le SMIC.
Nous sommes très heureux de déposer et de soutenir cet amendement. Je l’ai rappelé tout à l’heure : il s’agit de l’une des cinq propositions prioritaires que nous avions énoncées au début de la discussion de ce projet de loi de finances.
Cet amendement est important pour deux raisons.
D’une part, il permet de rendre du pouvoir d’achat aux ménages, très directement, sur leur feuille de paie. Nous l’avons dit à plusieurs reprises : le déséquilibre entre les allégements d’impôts pour les entreprises et l’alourdissement de la fiscalité sur les ménages n’était ni justifié, ni tenable au cours de cette législature. D’un point de vue macroéconomique, ce déséquilibre a été néfaste : en effet, depuis 2012, l’économie française a souffert d’un affaiblissement de la demande intérieure.
D’autre part, il permet de rendre l’impôt plus juste – c’est peut-être le point le plus important. Jusqu’à présent, chacun payait la CSG au même taux, quel que soit son revenu : 7,5 % pour les revenus d’activité, 6,6 % pour les pensions de retraite et de préretraite. Rendre la CSG dégressive, c’est donc rendre cet impôt plus juste tout en l’allégeant.
Ainsi, cet amendement est nécessaire et juste. Les ménages français l’attendent. Il est en même temps réaliste. Une fois de plus, Jean-Marc Ayrault l’a très bien dit : il ne modifie pas l’équilibre du budget pour 2016, ni celui des comptes sociaux, et il laisse aux entreprises et à l’administration fiscale le temps de mettre en place les modalités concrètes d’application de cet allégement de la CSG, qui n’interviendrait qu’au 1er janvier 2017.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 1018 .
La contribution sociale généralisée fait partie de ce que l’article 34 de la Constitution appelle « impositions de toute nature ». En d’autres termes, c’est un impôt. Malgré son nom, ce n’est pas une contribution sociale. Le Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs souligné dans sa décision du 28 décembre 1990. Comme beaucoup l’ont dit, il y a donc actuellement un double système d’impôt sur le revenu.
Je souhaite développer quelques arguments supplémentaires pour soutenir, moi aussi, l’analyse et les propositions de Jean-Marc Ayrault.
Tout d’abord, les salariés les plus modestes, dont les revenus sont compris dans la fourchette citée tout à l’heure, ne peuvent bénéficier d’aucune autre mesure en matière de baisse d’impôts, puisqu’ils ne sont pas imposables au titre de l’impôt sur le revenu. Ils ne font donc pas partie des millions de foyers qui vont connaître une baisse de l’imposition sur le revenu, en tout cas par le canal de l’impôt sur le revenu classique.
Par ailleurs, la prime d’activité risque de connaître, comme dans le système antérieur, un taux de recours limité, qu’on situe généralement autour de 50 %. Au contraire, la dégressivité de la CSG profitera automatiquement à ceux qui y ont droit. C’est une grande différence ! Il y a d’ailleurs un certain cynisme chez ceux qui expliquent que ce système coûtera plus cher, dans la mesure où la faiblesse du taux de recours à la prime d’activité aurait permis de faire des économies. Il ne s’agit pas de faire des économies sur le dos de ceux qui ont le droit à des rémunérations !
Non, monsieur Schwartzenberg. Douze orateurs doivent encore s’exprimer après vous.
Monsieur le président, si vous me permettez de vous demander une suspension de séance, j’en serai heureux.
Vous aurez votre suspension de séance.
Je le répète : il reste douze intervenants, nous examinons des amendements importants, et il est normal que le débat puisse avoir lieu dans cet hémicycle. Mais la raison impose aux uns et aux autres de respecter le temps de parole qui leur est concédé par le règlement.
Je prends acte de votre demande de suspension de séance, monsieur Schwartzenberg. Il y sera fait droit, mais j’avertis les prochains orateurs que leurs interventions ne pourront dépasser les deux minutes fixées par le règlement.
Pendant combien de temps souhaitez-vous que je suspende la séance, monsieur Schwartzenberg ?
Sourires.
La séance, suspendue à seize heures cinquante-sept, est reprise à dix-sept heures sept.
Notre commission n’a examiné ces amendements que formellement. Ils ont en effet été vus lors de la réunion tenue ce matin en application de l’article 88 du règlement de notre assemblée, et je ne vous cacherai pas que nous n’étions pas très nombreux…
Sourires.
Les absents avaient, j’imagine, de très bonnes raisons.
J’évoquerai trois points au sujet de ces amendements identiques, émanant de différents groupes parlementaires.
Premier point : comme tous les orateurs l’ont rappelé, notre système d’imposition des revenus est dual, composé d’une part de l’impôt sur le revenu, d’autre part de la CSG. J’ai entendu parler, à propos de ces amendements, de progressivité ; il s’agit plutôt d’une réduction dégressive de CSG pour les personnes gagnant jusqu’à 1,34 SMIC. Comme l’a rappelé M. le Premier ministre Ayrault, cela se traduirait pour les personnes concernées par une augmentation directement sur leur feuille de paie.
Deuxième point, toujours sur le fond : le dispositif proposé par ces amendements permettrait une forme de généralisation de la prime d’activité. Avec ce dispositif, en effet, le taux de réduction de la CSG dépendrait du montant de prime d’activité réinjecté.
Troisième point : une difficulté a été signalée par un certain nombre d’entre vous, au sujet de la constitutionnalité de ce dispositif. Je ne me permettrai certainement pas de parler à la place du Conseil constitutionnel, mais les auteurs de ces amendements ont bien pris en compte les difficultés inhérentes à l’application de taux dégressifs de CSG. La CSG repose sur le revenu individuel, or le Conseil constitutionnel, pour ce qui est des impositions, se fonde sur le revenu fiscal de référence du foyer ; en tentant de calibrer la dégressivité de la réduction de CSG sur la prime d’activité, les auteurs de l’amendement ont tenu compte de cet aspect.
Je voudrais à présent poser quelques questions aux auteurs de ces amendements car, comme M. Muet et M. le Premier ministre Ayrault l’ont dit tout à l’heure, certains aspects opérationnels restent à régler. Notre commission y attache évidemment beaucoup d’importance, car l’on sait que des questions non réglées, des paramètres pas totalement encadrés, peuvent causer par la suite des effets collatéraux dommageables.
Une première question a trait à l’articulation des trois assiettes dans ce dispositif : le revenu individuel, base de calcul de la CSG, le revenu de référence pris en compte pour le calcul de la prime d’activité, et le revenu fiscal de référence, pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu. La rédaction de ces amendements contourne la difficulté en permettant une régularisation l’année n+1 : il sera possible de régulariser ce qui sera considéré comme un trop-perçu.
C’est une question très importante, qui pourrait susciter des difficultés opérationnelles – vous ne les avez d’ailleurs pas éludées : vous avez bien expliqué qu’en fixant la date d’entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2017, il serait possible de les régler. Je me permets de rappeler ces difficultés, car il importe d’éviter tout effet collatéral néfaste. Mais les deux objectifs économiques visés par ces amendements – instaurer une réduction dégressive de CSG et généraliser de facto la prime d’activité – ont très souvent été plébiscités sur les rangs de la gauche.
Nous n’étions que trois ou quatre en commission ce matin : l’avis de la commission n’est donc pas, je le répète, représentatif. C’est pour cela que je me suis permis de revenir sur l’ensemble des questions d’ordre opérationnel liées à ce dispositif, qui ont été évoquées ce matin en commission, et de rappeler les objectifs économiques visés par ces amendements.
Je m’exprimerai tout à l’heure, en réponse aux orateurs.
Je suis fier d’avoir cosigné l’amendement no 928 ; je souhaite qu’il soit adopté dans quelques minutes pour trois raisons.
Premièrement, comme cela a été dit, ce dispositif est une mesure importante de soutien du pouvoir d’achat des Français les plus modestes, qui complétera utilement les baisses d’impôts amorcées depuis deux ans.
Deuxièmement, c’est une première étape dans la mise en place de la progressivité de la CSG. Je rappelle que la CSG est le premier impôt sur le revenu en France, et que son caractère proportionnel contribue fortement au caractère globalement injuste de notre système fiscal. En tant que parlementaires, il me semble que nous ne pouvons accepter l’idée que notre Constitution nous empêcherait de rendre progressif un impôt sur le revenu dans notre pays. En adoptant cet amendement tout à l’heure, nous rendrions hommage à nos prédécesseurs qui, il y a tout juste un siècle, ont instauré – après moult débats – l’impôt progressif sur le revenu.
Troisième et dernière raison : c’est un amendement d’initiative parlementaire, mais pas un amendement d’appel. Il traduit la volonté des parlementaires de se saisir du droit souverain, que leur donne la Constitution, de faire la loi,…
…notamment la loi fiscale. Les députés doivent relayer la réalité sociale de notre pays ; le fait qu’ils se saisissent du pouvoir de faire la loi, en jouant pleinement leur rôle d’élus de la nation, me paraît donc, dans la période que nous vivons, une très bonne nouvelle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Cet amendement, dont la portée est forte, aurait mérité un examen approfondi en commission des finances au vu des questions qu’il pose.
Je n’entrerai pas, comme l’a fait M. Baumel, dans un débat de politique générale : je me suis plutôt penché sur les conséquences de l’amendement dans notre droit positif et pour nos concitoyens, et je me référerai, s’agissant du vote que nous devons lui réserver, au débat que nous avons eu antérieurement sur la suppression de la demi-part des veuves.
Je fais partie, monsieur le Premier ministre Ayrault, de ceux qui, dans cette partie de l’hémicycle, vous ont soutenu loyalement lorsque vous étiez à Matignon ; aussi dois-je à la vérité de vous dire que le seul effet que j’aie pu identifier, dans les trois pages de l’amendement, est potentiellement négatif pour nos concitoyens.
Dans sa première partie, qui fait l’objet d’ un sous-amendement, cet amendement évoque un impôt unifié. Or son impact me semble nul de ce point de vue, que ce soit en droit fiscal ou en droit constitutionnel, puisque l’on est en présence de deux impôts ayant chacun son assiette, son taux et son mode de recouvrement. Votre amendement, je l’ai dit tout à l’heure, n’engage en aucun cas un rapprochement de ces deux impôts.
Aux termes de son VI, « une fraction de la prime d’activité […] est versée dans [d]es conditions » particulières, de sorte que cette prime sera versée en deux parties, via la feuille de paie et via les caisses d’allocations familiales, les CAF. En réalité, l’amendement n’ouvre aucun droit nouveau.
Le SMIC mensuel brut se monte à 1 457 euros, et le SMIC net, à 1 121 euros, déduction faite de 109 euros de CSG. Au 1erjanvier 2016, grâce à la loi que nous avons votée en août, un smicard percevra donc, en plus de ces 1 121 euros, 132 euros, non imposables, au titre de la prime d’activité ; avec votre amendement il verra sa CSG, pour une part non déductible, réduite de 98 euros sur sa feuille de paie, ce qui aura pour effet d’augmenter son revenu imposable ;…
…quant à la prime d’activité, elle sera ramenée à 34 euros, si bien qu’au total, il n’y aura pas un seul euro de revenu disponible supplémentaire. Tous ceux qui touchent la prime d’activité sont logés à la même enseigne sur ce plan, la prime d’activité n’allant être versée que dans de très rares cas par les deux voies que j’indiquais.
Je passe sur les problèmes rédactionnels. Un même alinéa, par exemple, évoque « les salariés visés à l’article L. 136-1 » du code de la Sécurité sociale, lequel article ne fait pas mention du terme « salarié ». La référence est donc erronée.
Cela me permet de rappeler que cette dégressivité de la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement ne concernerait que les salariés, à l’exclusion, donc, des non-salariés, qui peuvent pourtant bénéficier de la prime d’activité. J’y vois une rupture du principe d’égalité devant l’impôt, d’autant qu’en 1990, lorsque nous avions débattu de la CSG proposée par Michel Rocard, le Conseil constitutionnel avait été très attentif sur ce point.
Il me reste deux ou trois autres questions à poser.
La déduction sur la prime d’activité, dites-vous, sera accordée pour tout revenu fiscal de référence inférieur, si j’ai bien compris, au revenu fiscal actualisé de la prime pour l’emploi –PPE – de 2007. Vous créez en réalité deux dispositifs différents sur des périmètres tout aussi différents : dans un cas, la référence est le foyer fiscal et, dans l’autre, le ménage au sens visé pour les prestations familiales, les conditions de ressources étant différentes. Cela ne me paraît pas contribuer à l’intelligibilité de l’impôt.
Je le répète, monsieur le Premier ministre Ayrault, les salariés ne toucheront pas un euro de revenu disponible supplémentaire ; en revanche le revenu fiscal de référence, lui, pourra augmenter de 4,35 à 5 %,…
…ce qui, l’année suivante, pourrait conduire à la réduction d’avantages fiscaux ou sociaux.
Comme le dit la sagesse populaire dans un dicton, « un "tiens" vaut mieux que deux "tu l’auras" ». Ce « tiens » », c’est la prime d’activité que nous avons votée il y a moins de six mois : ce que cette majorité a fait en augmentant tous les minima sociaux et en supprimant la première tranche de l’impôt sur le revenu, elle voulait le compléter pour les travailleurs à temps partiel – en l’occurrence majoritairement des travailleuses – et pour les smicards en CDI, bref pour les travailleurs à revenus modestes qui n’étaient concernés ni par l’augmentation de l’ensemble des minima sociaux, dont nous sommes fiers, ni par les baisses d’impôt, dont nous ne sommes pas moins fiers.
Nous avons traité cette question car elle reste pendante au regard de l’égalité, de la redistribution de l’effort par la prime d’activité votée, au mois de juillet dernier, par l’ensemble du groupe SRC moins une voix ; elle le fut précisément parce qu’elle répondait à des préoccupations que nous partageons toutes et tous, comme nous partageons l’objectif de reconsidérer la non-progressivité – ou la non-dégressivité, comme l’on voudra – de la CSG.
Mme la rapporteure générale a cependant évoqué les difficultés que posent ces amendements s’agissant des trop-perçus, une fois faite l’addition des deux dispositifs pour le foyer fiscal. Les régularisations, en cas de trop- perçus, par exemple de prestations sociales, provoquent des drames. Ce n’est assurément pas, je suppose, l’objectif poursuivi par les auteurs de l’amendement, mais, à titre personnel, c’est pour cette raison que je ne l’ai pas cosigné.
J’en partage les intentions, je le répète, s’agissant du traitement des catégories modestes, mais nous avons, je crois, répondu à leurs préoccupations à travers la prime d’activité.
J’ai écouté avec attention les orateurs précédents, mais je crois doublement utile de voter l’amendement. La première raison est qu’il répond à un enjeu de pouvoir d’achat, le recours à la prime pour l’emploi, demain prime d’activité, restant très faible chez les salariés français. De ce point de vue, Jean-Marc Ayrault l’a rappelé, la baisse de la CSG constituera un changement très clair sur la feuille de paie.
La deuxième raison est que cette mesure est l’occasion de mettre sur les rails une réforme fiscale qui, en plus d’être souhaitable et attendue, est l’un de nos engagements collectifs. Nul n’a souhaité faire cet après-midi un Big bang ou un grand soir fiscal : ce n’est pas le sujet. Il a d’ailleurs fallu attendre trente ans, faut-il le rappeler, et deux cents propositions, toutes rejetées par l’Assemblée nationale, avant que l’impôt sur le revenu ne voie le jour.
Si nous votions le prélèvement à la source et la baisse de la CSG pour les salariés les plus modestes, ce serait donc un bel après-midi pour la démocratie parlementaire.
Avec le présent amendement, c’est en effet une vraie réforme structurelle qui se profile : outre qu’il instaurerait davantage de justice pour les prélèvements sur le revenu, on l’a largement démontré, il préparerait le terrain, ne le cachons pas, pour une réforme ultérieure, structurelle, de la répartition entre imposition directe, progressive, et imposition indirecte, la première étant actuellement trop faible et la seconde trop forte.
Nous ferions en tout cas, avec cet amendement, un premier pas en ce sens.
L’objectif de conjuguer simplification, stabilité – puisque, je le répète, il n’est nullement question de tsunami budgétaire – et justice fiscale peut être, pour une majorité de gauche, l’occasion d’un vrai rassemblement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous avons beaucoup évoqué le sujet, que ce soit lors des réunions de la commission des finances ou dans les discussions que nous avons pu avoir, notamment avec Pierre-Alain Muet.
Mme Rabault et M. Dominique Lefebvre ont évoqué un point dont j’ai moi-même discuté, plus tôt dans la matinée, avec des députés soutenant cet amendement. Je veux parler de son impact sur le revenu fiscal de référence à l’année n + 1, notamment pour les couples. J’ai personnellement cosigné l’amendement pour ouvrir le débat, mais la représentation nationale doit avoir une réponse sur ce point. On peut être profane sur un certain nombre de sujets, être membre de la commission des finances et s’interroger sur des éléments précis ; et sur celui dont je parle, mon doute est fort, notamment, je le répète, s’agissant de la prise en compte des revenus du couple, à l’année n + 1, pour l’entrée dans le dispositif du prélèvement à la source.
Enfin, puisque l’on parle d’impôt citoyen et d’universalité de l’impôt, débat que nous avons eu il y a quinze jours, je rappelle que la CSG a été créée pour financer la Sécurité sociale ; l’impôt sur le revenu, lui, finance notamment les services publics. La notion d’impôt universel me semble claire : je ne vois pas pourquoi certains contribueraient seulement aux comptes sociaux et pas aux services publics, y compris dans une réforme fiscale beaucoup plus large.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, j’entends aborder ce débat hors de tout esprit polémique, même si je déplore l’organisation de nos travaux et l’examen des articles en ordre dispersé.
Sur un sujet comme celui-ci, monsieur le Premier ministre Ayrault, on voit bien quels peuvent être les effets induits, comme on voit les objectifs poursuivis. Pour ma part je défends une autre logique, celle du revenu universel de base, seule solution viable à mes yeux pour traiter du sujet dont nous parlons sans avoir à réparer ultérieurement les effets induits pour telle ou telle catégorie de contribuables.
Nous devons, en premier lieu, avoir le temps de travailler. S’agissant du revenu minimum de base, j’ai évoqué un certain nombre d’hommes et de femmes, de gauche comme de droite. Que ce soit à travers le RSA, le RMI, la prime pour l’emploi ou la prime d’activité, nous avons constamment cherché le moyen de traiter la situation des travailleurs pauvres. Bref, le débat est loin d’être nouveau.
Il serait sain, en tout cas, d’ouvrir, avec le Gouvernement et la commission des finances, le débat sur le revenu universel de base, quitte à prendre le temps, par la suite, de réfléchir, par exemple, à une flat tax ou à une fusion entre CSG et impôt sur le revenu.
Sur la demi-part des veuves, j’étais moi-même intervenu dans le débat en 2008 pour alerter sur les risques.
J’en ai encore pour quelques secondes, monsieur le président.
Nous avons été contraints, les uns et les autres, de revenir sur des dispositifs dont nous nous rejetons mutuellement la responsabilité à la figure. Je ne sais si le revenu universel de base doit être de 524 euros comme le RSA socle, de 700 ou de 800, mais il supprimerait, de façon immédiate, la grande pauvreté.
Certains pays, comme la Finlande, la Suisse – laquelle organise d’ailleurs une votation sur cette question – le Brésil et l’Inde, sont en train de mettre en place un revenu universel. Monsieur le Premier ministre Ayrault, prenons le temps de travailler tous sur ce sujet, dans l’intérêt de notre pays.
Je souhaite rappeler ici le fondement de cet amendement : il est intimement lié à la réforme du prélèvement à la source qui sera réalisée l’année prochaine. La prime d’activité, qui rassemble le RSA activité et l’ancienne prime pour l’emploi, est effectivement une bonne mesure. Mais lorsqu’en 2018, aura été mis en place le prélèvement à la source, se posera la question de la façon dont cette prime sera versée.
Notre amendement propose d’amorcer ce changement dès 2017. En effet, le vrai problème relatif à notre imposition des revenus peut se résumer ainsi : la France est le seul pays où le taux d’imposition des revenus commence à un niveau aussi élevé. Vous ne trouverez aucun autre pays où, au niveau du salaire minimum, le taux d’imposition du revenu est de 8 %.
Que cette imposition ne porte pas le nom d’impôt sur le revenu n’empêche pas qu’il s’agit bien d’une imposition du revenu. Globalement, notre dispositif d’imposition est comparable à ce qui existe dans tous les autres pays, hormis ce taux d’entrée qui est trop élevé.
On nous dit que la mesure va accroître l’imposition des classes moyennes : cela n’a aucun sens. Ce que nous disons avec Jean-Marc Ayrault, aussi bien dans l’ouvrage que nous avons publié ensemble qu’au travers cet amendement, est que notre dispositif d’imposition des revenus doit être corrigé sur un point important : il faut abaisser l’imposition là où elle est trop haute, à savoir là où commence, avec la CSG, l’imposition des revenus.
L’adoption de notre amendement aurait pour conséquence de rétablir une progressivité normale et cohérente du taux d’imposition de l’ensemble des revenus : il ne s’agit nullement d’augmenter l’imposition des revenus ou de rendre la CSG progressive en l’augmentant – elle est déjà très élevée. Il s’agit juste d’en abaisser le taux au niveau d’entrée.
Cela peut être fait dans le cadre de la prime d’activité.
Pourquoi la gauche a-t-elle créé la prime pour l’emploi et la droite le RSA activité ? Tout simplement pour corriger cette particularité liée à un taux d’imposition trop élevé au niveau de l’entrée dans l’impôt et soutenir les revenus les plus modestes – notamment ceux issus du temps partiel.
Ce soutien demeure, puisque la prime d’activité continuera de s’appliquer. La fraction qui est versée à nos concitoyens qui travaillent, souvent à temps complet, pour un salaire compris entre 1 et 1,34 fois le SMIC, et qui ne demanderont pas la prime d’activité, leur sera simplement versée sous la forme d’un allègement de CSG, à la condition de ne pas dépasser un certain revenu fiscal de référence. C’est en effet la seule façon qu’une CSG dégressive soit conforme aux principes constitutionnels : le Conseil constitutionnel ne s’y est jamais opposé, il a simplement fait valoir qu’elle devait être cohérente avec la familialisation de l’impôt, ce qui est bien le cas dans notre amendement.
Celui-ci ne pose pas de difficultés autres que techniques, qu’il sera tout à fait possible de résoudre dans l’année qui vient.
Monsieur le Premier ministre Ayrault, vous tentez d’insérer cet amendement à la hussarde dans le projet de loi de finances.
Pas vraiment car, sinon, nous serions déjà passés au vote !
Mme la rapporteure générale a elle-même dit que la commission n’avait pas vraiment discuté cet amendement, très peu de députés ayant assisté à la réunion qui s’est tenue au titre de l’article 88. Peut-être était-ce dû au brouillard ?
Sourires.
Sur le fond, vous souhaitez remplacer une partie de la prime d’activité par une réduction automatique et dégressive de la CSG pour les salariés gagnant jusqu’à 1,34 fois le SMIC. Il est tout de même très curieux qu’aujourd’hui, en novembre 2015, vous prévoyiez de remplacer, dès 2017, une mesure qui ne prendra effet qu’en 2016. Nous nous demandons donc comment et pourquoi vous avez voté la prime d’activité !
Monsieur le Premier ministre Ayrault, vous avez beau dire le contraire, mais ceux qui gagnent plus de 1,34 fois le SMIC paieront bel et bien la facture. Quant aux autres, qui touchent 1,34 fois le SMIC ou moins, ils ne gagneront, en réalité, rien du tout. Un orateur de votre groupe l’a fort bien démontré tout à l’heure.
Si ces amendements étaient adoptés, cela créerait, de fait, une rupture d’égalité devant l’impôt que le Conseil constitutionnel a déjà, en 2001, censurée. C’est pour cette raison que beaucoup critiquent votre amendement et que nous voterons contre.
Pour nous, de ce côté-ci de l’hémicycle, l’égalité en matière fiscale est d’abord assurée par la progressivité, laquelle fait défaut à notre système fiscal. Nous en avons débattu, et c’est sans doute ce qui nous sépare de vous, chers collègues de l’opposition. Nous parlons cet après-midi, à juste titre, de l’impôt sur le revenu et de la CSG, mais nous pourrions également évoquer le produit de la TVA, qui est bien supérieur à celui des deux impôts précédents.
La base de ce qui nous rassemble reste, en tout cas de côté-ci de l’hémicycle, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. On a souvent en tête la première phrase de son article 1er mais on oublie souvent la seconde : « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
L’article 13 de cette même déclaration, à laquelle renvoie le préambule de notre Constitution, dispose : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
C’est bien pour ces raisons, et parce que l’égalité devant l’impôt et, donc la progressivité de l’impôt, sont inscrites dans notre Constitution, qu’il faut rendre notre système fiscal plus intelligible, plus accessible et transparent. C’est pour cette raison que, pour ma part, j’ai choisi de soutenir la démarche engagée par Jean-Marc Ayrault et Pierre-Alain Muet.
Il est aujourd’hui essentiel, et peut-être même vital pour notre démocratie, de redonner des possibilités d’acceptation plus grandes à l’ensemble de nos concitoyens. Il ne s’agit pas que d’une question fiscale : c’est un enjeu démocratique, citoyen et républicain.
Mettons-nous déjà d’accord sur cela et examinons ensuite les éventuelles difficultés techniques s’il s’en pose. Mais ce point-là est fondamental.
Je conclus. S’agissant des points techniques qui ont été soulevés, Pierre-Alain Muet vient d’apporter un certain nombre de réponses. Il faut instaurer une progressivité au bas de notre échelle d’imposition, c’est-à-dire au bénéfice de ceux qui, proportionnellement, payent le plus. Cela passera par une baisse de la CSG.
Ce n’est pas un bon après-midi pour la cohérence, la stabilité et l’efficacité de notre système fiscal. Vous avez, à deux reprises, ouvert la voie à la fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu, qui est une vieille et dangereuse lune de nos débats fiscaux et financiers.
Il y a de la fusion – et de la confusion – dans l’air. Tout d’abord, la CSG finance la protection sociale : tel est le principe. C’est d’ailleurs pour cette raison que son taux commence à 8 % et qu’elle n’est pas progressive. Telle est la vérité : la CSG permet de financer la protection sociale et ouvre des droits moyennant cotisation. Monsieur Muet, c’est pour cette raison que l’on commence à en payer dès le premier euro.
Comment, en outre, ébaucher ou vouloir ébaucher une proportionnalité de la CSG sans étendre le dispositif à toute la CSG ? Quand vous commencez – vous connaissez comme moi les débats fiscaux – vous optez d’abord pour 1 %, puis vous passez à 1,34 %, à 2 %, etc, et c’est ainsi que s’opère immanquablement une stratification.
Et cela, c’est tout bonnement impossible, pour une raison simple : la CSG est aujourd’hui plutôt un bon impôt, à l’assiette large et qui rapporte beaucoup – 90 milliards d’euros.
Si vous décidez de rendre progressif l’ensemble constitué de l’impôt sur le revenu et de la CSG, alors vous mettez au point une bombe fiscale, qui explosera dans des catégories sociales qui ne sont pas composées de gens riches, mais de gens aisés ou aux revenus moyens, comme on en rencontre partout dans nos circonscriptions : bref, des Français qui travaillent, souvent des couples où les deux travaillent. Vous allez créer une véritable bombe fiscale car les transferts seront considérables.
Enfin, vous venez juste de créer la prime d’activité : et en effet, pourquoi ne pas fusionner le RSA et la PPE ? L’idée était bonne. Mais voilà qu’aussitôt créée cette prime, vous allez la supprimer pour une partie des Français : c’est là une idée saugrenue et ces allers-retours incessants en matière de fiscalité ruinent la confiance.
Or la confiance est, comme vous le savez, un élément primordial dans ce domaine : vous mettez pourtant en place une sorte d’instabilité compulsive de l’impôt.
Il faut enfin nous dire combien la mesure va coûter. Le débat est technique et vous devez préciser ce point. Car, contrairement à ce que vous dites, la mesure ne sera pas neutre sur le plan fiscal et financier.
Je veux rendre hommage à nos collègues Ayrault et Muet, car les deux critiques fondamentales qu’ils adressent à la nouvelle prime d’activité sont celles que nous avions développées. La première est qu’il s’agit d’un système déclaratif. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement n’estimait qu’à 50 % la proportion des personnes éligibles qui y auraient effectivement recours. Nous n’avons d’ailleurs jamais compris pourquoi il avait estimé ce taux de recours à 50 %, alors que celui-ci n’était que de 30 % dans le cas du RSA activité.
Ensuite, et je cite là l’exposé sommaire même de votre amendement, cette prime apparaît « comme une forme d’assistance pour les salariés au voisinage du SMIC ». Vous avez raison sur ces deux points.
Mais vous avez tous voté ce qu’aujourd’hui vous brûlez. Alors, excusez-moi, c’est tout de même un peu bizarre !
Mais enfin, mieux vaut reconnaître ses erreurs avant qu’il ne soit trop tard. Bravo donc à nos collègues Ayrault et Muet pour avoir retourné 160 collègues qui avaient voté pour la prime d’activité et qui maintenant pensent qu’il s’agit d’une erreur !
Troisième observation : votre idée est-elle bonne ? Ah non : elle est épouvantable !
Tout d’abord, elle est inconstitutionnelle : d’ailleurs, si je me trouvais à la place du Gouvernement, je ne m’enquiquinerais pas avec la majorité, je laisserais passer cela, sachant que l’opposition s’occupera de déférer la loi au Conseil constitutionnel. D’ailleurs, chers collègues qui avez cosigné cet amendement, vous devriez écouter davantage votre collègue Dominique Lefebvre car, s’il n’est pas drôle tous les jours, il est plutôt du genre sérieux.
Rires sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La mesure est anticonstitutionnelle, disais-je. En effet, salariés et non-salariés seront traités de façon différente, et je pourrais multiplier les exemples. Vous allez donc, de nouveau, vous heurter au problème que nous avons, comme vous, déjà rencontré. Bravo, donc, pour l’inconstitutionnalité !
Pire : avez-vous réfléchi à la vraie nature de Bernadette ? Quelle est la vraie nature de la CSG ? Il s’agit d’une « imposition de toute nature » – le président Roger-Gérard Schwartzenberg a raison sur ce point – mais qui est entièrement affectée à la protection sociale et à certaines prestations qui sont fonction du revenu.
Mes chers collègues, si vous votez l’amendement Ayrault, vous dynamitez le système de démocratie sociale à la française. On peut certes penser que celui-ci a vécu et qu’il faut le supprimer. Mais il faut que vous soyez conscient que vous le dynamitez : avez-vous mesuré la portée de vos propositions ?
Enfin, il faut aborder le problème du coût. L’un de vos collègues a fort bien expliqué qu’ainsi, tout le monde bénéficierait de la mesure alors que la moitié seulement des personnes éligibles auraient touché la prime d’activité : le coût sera donc double par rapport à l’estimation du Gouvernement.
Dénégations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Tout cela me paraît suffire à expliquer pourquoi le groupe UDI votera contre.
Je voudrais revenir sur quelques points abordés jusqu’à présent dans ce débat. Le dispositif a-t-il un effet ? Oui, bien sûr, comme notre collègue Jean-Marc Ayrault l’a très clairement dit. La différence entre le système proposé et la prime d’activité réside dans le fait que les personnes qui bénéficieront de cette dégressivité de la CSG le verront directement – directement ! – sur leur feuille de paye, dès le 1er janvier 2017.
On peut dire beaucoup de choses, mais pas que le dispositif n’aura pas d’impact sur le pouvoir d’achat : il y aura un gain direct et concret pour tous ceux qui sont concernés. Nous avons malheureusement vu, même si cette solution permettait d’avancer, que la prime d’activité n’aurait pas été réclamée par toutes les personnes qui y avaient droit.
Deuxième sujet : ce dispositif attaque-t-il les fondements du financement de la sécurité sociale, comme vient de le dire avec emphase notre collègue de Courson ? Mais enfin, mes chers collègues, chaque fois que l’on diminue les cotisations patronales – et elles ont été diminuées massivement –, le mécanisme de financement affecté de la sécurité sociale se trouve remis en cause.
Il ne s’agit donc absolument pas de cela. La question est bel et bien de savoir si nous voulons simplifier au maximum notre mécanisme de prélèvements. À partir du moment où un prélèvement est clair, simple et qu’il recueille l’adhésion, il ne reste plus qu’à voir comment on utilise son produit pour financer les services de l’État, la Sécurité sociale, etc.
Il y a un troisième sujet, qu’a soulevé notre collègue Razzy Hammadi : les incidences sur le revenu fiscal de référence – RFR. Ce matin, nous avons justement eu à traiter l’un des multiples effets collatéraux, notamment sur le RFR, de la suppression de la demi-part des veuves et des veufs – mesure décidée par l’actuelle opposition lorsqu’elle était au pouvoir. Nous avons ainsi été obligés trois ans après de prévoir une exonération spéciale pour les mécanismes liés au revenu fiscal de référence.
Chaque fois que nous instituons un mécanisme, s’esnuit de fait un impact sur le revenu fiscal de référence. Il faut donc savoir corriger cet impact. Si cet amendement est adopté, nous aurons un an pour ce faire.
Enfin, si cette disposition était jugée inconstitutionnelle, la prime d’activité le serait également !
Nous avons un double rendez-vous.
Le premier, c’est un rendez-vous avec une promesse de 2012. Nous avions annoncé clairement aux Français qu’il y aurait des efforts à faire mais qu’à partir de 2015, il y aurait des baisses d’impôt. Il y en a eu en 2015, avec la suppression de la première tranche. Il y en aura en 2016, nous les avons votées en première partie. Ce sont les efforts sur l’entrée de barème, une plus grande progressivité, 2 milliards de baisses d’impôt. Grâce à cet amendement, que j’ai cosigné, il y en aura en 2017. Elles concerneront les salariés qui n’ont pas été touchés par celles de 2015 et de 2016 parce qu’ils ne paient pas l’un des deux impôts sur le revenu, celui qu’on appelle l’impôt sur le revenu, alors qu’ils paient bel et bien un impôt sur le revenu à travers la CSG.
Nous avons aussi rendez-vous avec l’avenir. Il s’agit au fond de bâtir une imposition sur le revenu digne de ce nom. C’est essentiel, je l’ai dit tout à l’heure, pour réconcilier les Français avec l’impôt et avec ce à quoi nous croyons profondément.
Nous avons un désaccord très profond avec vous, monsieur Woerth. Pour nous, le système fiscal, avec la montée de la CSG, qui est une flat tax à la Thatcher,…
…n’est pas du tout conforme aux valeurs que nous portons et qu’a rappelées M. Goldberg tout à l’heure, selon lesquelles chacun contribue en fonction de ses capacités contributives. Les impôts sur le revenu doivent donc être progressifs.
Avec cet amendement, nous instituons une progressivité. Nous aurons accompli une très grande réforme fiscale au cours de ce quinquennat.
Dernier point, je rejoins ce qu’a dit Karine Berger sur la constitutionnalité. Il y a deux éléments pour lesquels les juges constitutionnels vont regarder positivement cet amendement. Le premier, c’est que nous réaffirmons très fortement que la CSG est une composante de l’impôt sur le revenu. L’autre composante, l’impôt sur le revenu à proprement parler, prend en compte les revenus du foyer. La CSG peut donc être rendue progressive. Le second, qu’a rappelé M. Muet, c’est que le mécanisme proposé est un précompte sur la prime d’activité. Tous ceux qui s’inquiètent de la cohérence du dispositif peuvent donc être rassurés.
Je voterai cet amendement, en tout point conforme aux intentions du Premier ministre dans sa déclaration de politique générale quand il a expliqué que le pacte de responsabilité était aussi un pacte de solidarité qui devait améliorer le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes. La réduction de cotisations sociales qui devait améliorer la situation de ces salariés ayant été annulée par le Conseil constitutionnel, on l’a remplacée par une diminution d’impôt sur le revenu, qui n’a pas directement touché les plus bas salaires. Or, dans une région comme la mienne, il y a des salaires très faibles.
Par conséquent, nous décidons d’agir sur la prime d’activité. Une partie de cette prime sera versée directement sur le salaire par une baisse de la CSG et, pour le reste, ceux qui peuvent en bénéficier devront évidemment faire une déclaration pour que l’on prenne en compte les ressources de leur foyer fiscal, leur situation, leur temps de travail, c’est-à-dire tous les éléments familiaux qui font que, de mon point de vue, cette disposition n’est pas anticonstitutionnelle, contrairement à ce que le Conseil constitutionnel avait dit pour la baisse des cotisations sociales.
Les ressources de la Sécurité sociale n’en pâtiront pas pour autant, comme l’a expliqué Karine Berger. Toute baisse des ressources de la Sécurité sociale est immédiatement compensée. Ce n’est pas différent des baisses de cotisation dites Fillon, qui sont compensées.
On voit bien qu’il peut y avoir quelques difficultés techniques à régler. Le fait d’avoir renvoyé l’application de cette disposition à 2017 permet d’avoir une année pour réaliser toutes les simulations nécessaires, en espérant que Bercy pourra cette fois-ci fournir les simulations que, sur une disposition de ce type, j’ai réclamées depuis un an en vain.
Le débat est tout sauf anodin et nous devons l’avoir sereinement pour ce qu’il représente pour nous tous et aussi pour la personnalité de celui qui en est le premier signataire.
Premier élément, il est tout de même curieux, après les débats que nous avons eus toute la journée, de délibérer sur un amendement fiscal en expliquant qu’il y a des problèmes techniques à résoudre et qu’il faudrait une étude d’impact. Quand on connaît la sensibilité de nos concitoyens à ces questions, quand on sait de quelle façon on peut en parler et de quelle façon on rendra compte de nos débats, et alors que nous avons évoqué il y a moins d’une heure la question du consentement à l’impôt, avoir un tel débat en n’étant sûrs ni des modalités techniques ni des impacts est un pari très risqué.
Deuxième élément, car il convient en cette période d’être très clair vis-à-vis des Français, c’est une disposition qui, dans l’esprit de ceux qui la défendent, correspond à un engagement qui nous est commun à tous : une meilleure progressivité.
Or cet amendement ne concerne pas le pouvoir d’achat. Sinon, on laisserait penser que le fait de baisser la CSG pour les bas salaires serait forcément compensé par une augmentation de la CSG pour les autres. C’est d’ailleurs ce qu’affirme l’opposition. Or, ce ne sera pas le cas parce qu’un transfert de cette prestation sociale qu’est la prime d’activité, que nous avons créée, aura lieu le 1er janvier 2016 pour financer cette baisse de la CSG pour les bas salaires. Il s’agit donc de transférer une prestation sociale pour baisser la CSG.
Cela dit, je ne suis pas convaincu par l’argument du taux de recours et je préférerais que, dans les semaines ou les mois qui viennent, on regarde quelles sont les possibilités d’optimisation, voire d’automatisation, du versement de cette prime d’activité. Un taux de 50 % n’est pas satisfaisant et il faut en faire la plus grande publicité pour que ceux qui ont droit à cette prestation de soutien du pouvoir d’achat puissent demain en bénéficier.
Enfin, dernier élément, il faut faire attention – depuis trois ans, nous sommes ici bien placés pour le savoir – à tout ce qui a une incidence sur le revenu imposable et le revenu fiscal de référence. Or, à l’évidence, à moins que le contraire ne soit prouvé, le remplacement d’une prestation sociale par une baisse de la CSG aboutira à une augmentation du revenu fiscal de référence dont il faudra prendre en compte les effets.
Bref, tout laisse à penser qu’il y a encore beaucoup de travail et la sagesse voudrait, mais je n’irai pas jusque-là, que nous travaillions davantage avant d’adopter cet amendement.
« Très bien ! sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
…présente de gros avantages.
J’en évoque rapidement certains car on en a déjà parlé : une conséquence directe sur le pouvoir d’achat des citoyens avec un taux de recours à 100 %, une inversion de la courbe de la redistribution, qui s’effondre depuis des années. Il n’y a plus que 20 % de l’ensemble des taxes et impôts – TVA, CSG, impôt sur le revenu – qui contribuent à la redistribution.
Je voudrais apporter deux éléments complémentaires.
D’abord, cela nous permettra peut-être enfin de sortir du débat sur une prétendue exemption de l’impôt pour la moitié de nos concitoyens. Le taux initial, qui était élevé, 8 %, va certes baisser mais démonstration serai ainsi faite avec ce dispositif que tous nos concitoyens paient l’impôt.
Il y a aussi un avantage sur le plan européen. Nous nous sommes aperçus ces dernières années que la réduction des déficits était liée en permanence à la baisse de la dépense publique et que l’Union européenne était un peu plus bienveillante quand il s’agissait d’une baisse de dépenses fiscales. On l’a vu avec la baisse de l’impôt sur les sociétés, on le voit aussi avec la baisse des dépenses fiscales des ménages. Nous avons gagné deux ans avec le report de 2015 à 2017 de l’objectif d’un déficit ne dépassant pas 3 % du PIB, parce que le pacte de responsabilité reposait sur des déductions fiscales pour les entreprises. Je pense donc que l’on peut gagner un peu de mou sur les équilibres budgétaires.
Cela dit, j’ai écouté avec attention, même s’ils ne défendent pas le même point de vue que le mien, Dominique Lefebvre et Sandrine Mazetier. Ils posent de vraies questions, auxquelles nous devons être attentifs, sur les conséquences réelles pour chaque ménage d’un tel dispositif, et une étude d’impact est indispensable. Y aura-t-il un surcoût ou pas ? Est-ce que ce sera 2, 3, 4 milliards de plus ? Nous avons absolument besoin de le savoir.
Moi, je suis favorable à cette mesure depuis longtemps et, quand je l’ai défendue il y a deux ans, on n’avait rien fusionné du tout ni fait les 5 milliards de baisses d’impôt. Il faut absolument consolider tout cela et avoir une évaluation des conséquences.
Je regrette beaucoup les conditions dans lesquelles la commission des finances a travaillé.
Monsieur le Premier ministre Ayrault, vous aviez proposé cet amendement avec Pierre-Alain Muet en première partie. Il ne pouvait pas être discuté en première partie puisqu’il s’appuyait sur une prime d’activité qui ne sera créée qu’à partir de 2016. Nous n’avons malheureusement pu y travailler que ce matin lorsque la commission s’est réunie en application de l’article 88 et, entre neuf heures et neuf heures et demie, avant l’ouverture de la séance, nous avions 400 amendements à examiner. Or, si le débat est très intéressant, votre amendement soulève tout de même quelques problèmes techniques ou juridiques qui auraient nécessité que nous ayons au moins un début d’expertise.
Je vois trois problèmes, je les résume très rapidement, rassurez-vous.
Le premier est de nature juridique. Ainsi que cela a été dit et répété, la CSG finance la protection sociale, et c’est l’héritière, pour la partie concernant les revenus d’activité, des cotisations maladie des salariés. Par conséquent, même si certains d’entre vous ont avancé l’argument selon lequel la prime d’activité, prenant en compte, d’une part, la structure du foyer et, d’autre part, l’ensemble des ressources, permettait d’éviter de ce fait l’une des critiques du Conseil constitutionnel justifiant sa décision de 2000, il y a un autre point sur lequel aucune réponse n’a été apportée. La lecture que je fais des décisions successives du Conseil constitutionnel est que, dans la mesure où la CSG finance des prestations de protection sociale, dès lors que des ristournes sont accordées, que des taux – progressifs ou dégressifs, comme vous voulez – sont institués, il y a une rupture d’égalité parce que la CSG est proportionnée à ces prestations. Il subsiste donc un problème.
Deuxième problème, qui a été soulevé avec raison par Dominique Lefebvre : je ne suis pas sûr que votre disposition apporte le moindre euro supplémentaire aux salariés modestes alors que c’est votre objectif.
Le rôle de la rapporteure générale comme du président de la commission, c’est aussi de faire un petit peu de technique fiscale !
La prime d’activité n’est pas, à ma connaissance, intégrée dans le revenu fiscal. Elle ne majore donc pas l’impôt sur le revenu et, surtout, elle n’impacte pas le revenu fiscal de référence alors que, si on la remplace par une réduction de CSG, d’une part, on augmente le revenu imposable et, d’autre part, on impacte le revenu fiscal de référence.
Il faudrait donc au moins avoir des évaluations.
Enfin, le troisième point, déjà évoqué par certains, relève d’un aspect purement budgétaire. Le coût de la prime d’activité a été évalué à 4 milliards d’euros. Or, qu’est-ce qui nous dit que votre dispositif coûtera 4 milliards d’euros ? J’ai tendance à penser que ce sera beaucoup plus, même si ce ne sera sans doute pas le double, comme l’a dit Charles de Courson. Ce sont toutes ces questions, monsieur le Premier ministre Ayrault, que nous aurions aimé pouvoir étudier la semaine dernière. La commission des finances, dont fait partie Pierre-Alain Muet, a tenu plusieurs réunions, et je regrette que cet amendement soit venu en dernière minute.
Je redonne la parole à M. Olivier Faure, pour exposer le contenu de son sous-amendement no 1168 deuxième rectification, qui vient de vous être distribué.
Pour revenir sur notre débat, quand on ne veut rien faire, c’est une tradition de tout compliquer. Et, de fait, on complique tout dans ce débat pour ne rien faire. La rengaine est connue. Il y a quelques mois à peine, dans ce même hémicycle, lorsque nous demandions la retenue à la source, les services du ministère nous disaient exactement la même chose. Or, aujourd’hui, c’est chose faite : la retenue à la source sera instituée en 2018.
L’amendement défendu par Jean-Marc Ayrault, Pierre-Alain Muet et de nombreux autres collègues est à la fois ambitieux et modeste, car le dispositif n’entrera pas en vigueur le 1erjanvier 2016, mais le 1erjanvier 2017. Laisser penser qu’une administration comme celle de Bercy ne pourrait pas, en douze mois, lever les obstacles techniques qui subsisteraient revient à douter d’elle profondément. Je pense qu’il s’agit d’une administration de qualité, capable de résoudre les problèmes qui sont discutés çà et là.
S’agissant des obstacles constitutionnels, je vous rappelle que le Conseil constitutionnel, y compris sur le principe d’égalité, est beaucoup moins virulent que ce vous rappelez.
Monsieur Faure, le débat n’est pas rouvert ! Dans la mesure où une nouvelle version de votre sous-amendement vient d’être distribuée, je vous ai donné la parole pour que vous puissiez préciser les modifications qui lui ont été apportées.
Le Conseil constitutionnel a considéré que le critère de différenciation pouvait être justifié par une différence objective et singulière de situation. Il y a donc un certain nombre de critères qui nous permettent aujourd’hui d’avancer, y compris les avis du Conseil constitutionnel.
S’agissant du sous-amendement, pour tenir compte de la discussion et éviter toute confusion et tout faux débat sur une fusion prématurée de l’IR et de la CSG, j’ai supprimé la référence à un impôt citoyen sur le revenu et simplement rappelé que, dans notre pays, l’imposition des revenus comportait deux composantes : l’impôt sur le revenu et la CSG.
Ce sous-amendement renforce les propos que je tenais tout à l’heure. M. Faure considère que l’administration de Bercy aura le temps de travailler sur ce sujet, puisque le dispositif ne sera applicable qu’en janvier 2017. Pour éviter une forme d’effet d’annonce qui ferait croire à beaucoup de nos concitoyens qu’un dispositif dégressif serait mis en place, je suggère que nous prenions le temps de nous mettre au travail, au lieu de voter de façon précipitée un dispositif dont chacun, M. Faure le premier, reconnaît qu’il a besoin d’être retravaillé. J’aimerais bien que M. le Premier ministre Ayrault s’exprime à ce sujet.
Si nous nous retrouvons autour d’une table de travail pour discuter du revenu universel de base, nous en viendrons à aborder l’ensemble de ces questions, sans risquer de donner l’impression qu’une mesure va être prise immédiatement alors que ce ne sera pas le cas.
Ce sous-amendement rectifié montre bien que le débat n’est pas stabilisé.
Je veux simplement rappeler ce que je disais tout à l’heure : quelle que soit la rédaction qui sera retenue pour l’amendement ou le sous-amendement, aucune n’aura un quelconque effet en droit fiscal et en droit constitutionnel. Que les auteurs de l’amendement choisissent la rédaction qu’ils souhaitent, nous reviendrons au fond du débat au moment du vote.
Je donne maintenant la parole à M. le ministre qui avait sollicité de ne s’exprimer sur ces amendements qu’après avoir entendu tous les orateurs.
Beaucoup de points de vue se sont exprimés dans cet hémicycle. Cela n’est pas étonnant, compte tenu du sujet, des auteurs des amendements identiques et de l’identité de l’auteur de l’amendement principal pour le groupe socialiste. Je prendrai un peu de temps, monsieur le président, pour essayer d’apporter quelques commentaires que je veux les plus sincères possibles. Aucun d’entre nous ne peut penser qu’il détient la vérité absolue…
… mais chacun peut s’exprimer avec sincérité sur un sujet aussi important.
Tout d’abord, ce débat a une vertu : il démontre que tous les Français paient un impôt sur le revenu, ce qui est souvent nié. Il n’y a pas si longtemps, quand nous avons réduit le nombre des foyers qui auront à payer l’impôt sur le revenu en 2015 et surtout en 2016, il y a eu un débat sur la concentration de l’impôt sur le revenu sur 47 % uniquement des Français.
Non ! La totalité des Français, d’une manière ou d’une autre, paient un impôt sur le revenu. C’est bien que nous puissions l’affirmer et que chacun ait cela en tête.
Deuxièmement, ce débat s’inscrit dans la continuité d’un certain nombre de débats que nous avons depuis longtemps à gauche, presque depuis le premier jour de la création de la CSG. Ce jour-là, d’ailleurs, j’étais dans cet hémicycle et j’ai voté contre la motion de censure. Peut-être que certains ici s’en souviennent. La CSG était alors à 1,1 % ; elle est aujourd’hui à 7,5 %. Chacun voit bien qu’elle a changé de nature. Cela justifie la volonté d’essayer d’introduire, d’une manière ou d’une autre, de la progressivité ou de la dégressivité – à un moment donné, cela doit revenir à peu près au même – dans cette CSG.
Du point de vue constitutionnel, des obstacles considérables nous ont empêchés d’introduire cette progressivité ou cette dégressivité – nous avons même essayé de passer par les cotisations. Nous nous inscrivons dans une continuité de pensée parfaitement honorable, que je respecte aussi bien personnellement qu’en tant que membre de ce gouvernement.
J’aimerais dire ce que, pour ma part, cet amendement, tel que modifié par le sous-amendement rectifié, n’est pas. Il ne s’agit pas d’une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. La dénomination « impôt citoyen sur le revenu », au singulier, pouvait donner l’impression de proposer une fusion. Peut-être était-ce d’ailleurs l’idée de certains qui y voyaient un chemin merveilleux vers la fusion. Si cette fusion pourrait permettre d’injecter de la progressivité dans l’ensemble du dispositif, pour que cela n’ait pas un impact considérable sur une moitié des Français, en augmentant leur contribution, il faudrait disposer de marges de manoeuvre suffisantes. Malheureusement, malgré les très grands progrès que nous faisons en termes de maîtrise de nos finances publiques et de nos déficits, nous ne sommes pas encore en mesure de disposer des milliards d’euros nécessaires.
Je dois aussi vous dire – je ne veux pas être désagréable, mais sincère et au plus près de la vérité – que ce n’est pas un amendement qui redistribue du pouvoir d’achat, pour une raison très simple que chacun doit avoir en tête. Ceux qui pourraient bénéficier du dispositif contenu dans cet amendement sont ceux qui toucheront l’année prochaine la prime d’activité. Cette prime sera répartie de deux manières : pour une partie, ce sera la baisse de la CSG – le salaire sera donc plus élevé sur la feuille de paie ; quant à l’autre, le salarié devra continuer à aller la chercher auprès de la caisse d’allocations familiales.
In fine, l’amendement touchera de manière différente ceux qu’il touchait déjà précédemment.
Je le dis pour que les choses soient claires. Cet amendement ne permettra pas de faire gagner du pouvoir d’achat.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il demeure néanmoins intéressant, parce que ce qui se passe sur une feuille de paie n’est pas anodin.
Je comprends bien l’intérêt d’avoir quelque chose sur sa feuille de paie plutôt que d’aller le chercher auprès de la caisse d’allocations familiales. Mais, en toute vérité et en toute sincérité, cet amendement ne donnerait pas en soi du pouvoir d’achat aux Français. C’est la prime d’activité qui offrira du pouvoir d’achat.
Pour continuer d’être sincère, je dois aussi dire que ce texte soulève un certain nombre d’interrogations, tel qu’il est écrit aujourd’hui. La question de sa rédaction est extrêmement complexe, compliquée et subtile de tous points de vue et je comprends qu’elle soit difficile, puisqu’il est parfois difficile pour mon administration elle-même de rédiger parfaitement. Il pose en effet des questions d’ordre constitutionnel. Il ne s’agit pas des interrogations précédentes qui ont mené à l’annulation de la modulation de la CSG sous le gouvernement de Lionel Jospin ou de la modulation des cotisations récemment, puisque, par le biais de la prime d’activité, vous avez tenu compte des revenus du ménage.
Le risque, c’est de créer des situations différentes entre des gens qui ne sont pas réellement dans des situations différentes. Pour prendre l’exemple le plus frappant, vous parlez des travailleurs salariés, et moi-même je parlais de la feuille de paie, mais il y a d’autres moyens de gagner sa vie et des gens qui auraient tout à fait le droit à la prime d’activité et à une diminution de CSG ne sont pas concernés par ce texte. Nous allons créer des différences. Si quelqu’un a des certitudes absolues dans le domaine constitutionnel, qu’il me le dise, mais je m’interroge sérieusement sur la constitutionnalité de cet amendement.
Enfin, il existe des problèmes opérationnels importants. L’exonération, comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, n’est accordée que sous la condition de respecter des critères de ressources et de charges qui doivent être évalués a posteriori, soit après la fin de l’année, lors du calcul de l’impôt sur le revenu. Cette contrainte, à la fois juridique et opérationnelle, pourrait aboutir à ce qu’il faille récupérer un trop-perçu.
Je prends l’exemple d’un couple marié, dans lequel une personne est rémunérée trois fois le SMIC, la femme, et l’autre au niveau du SMIC. Aujourd’hui, ce ménage n’est éligible ni à la prime, ni à l’exonération de CSG. Pourtant, la personne qui est rémunérée au SMIC aura bénéficié, à titre provisoire, d’une exonération qui sera appliquée par son employeur lors du calcul de sa paie. Il faudra donc que ce ménage rembourse, lors du paiement de l’impôt sur le revenu, l’exonération attribuée à tort, soit 1 200 euros dans ce cas.
Je ne dis pas que cela est impossible à faire, ni que cela ne se fait jamais. Il y a des cas de crédits d’impôt où des mécanismes de cette nature existent, mais chacun doit avoir en tête que cette difficulté se posera. Je pourrais aussi donner des exemples relatifs à des jeunes. Les cas en question ne sont pas une broutille. D’après des calculs, qui sont sans doute contestables, parce que nous en sommes réduits aux évaluations dans ces domaines, ce sont entre 10 et 20 % des bénéficiaires de l’exonération qui seraient concernés, soit environ 2 millions de personnes.
Cela pose aussi bien entendu des problèmes par rapport à la mise en place de la prime d’activité cette année : c’est très compliqué de la mettre en place si on sait qu’elle sera modifiée l’année d’après – il est vrai que la date prévue pour la mise en vigueur du dispositif, soit le 1er janvier 2017, pourrait être une réponse.
Je ne cherche pas à plaire ou à déplaire, mais à expliquer le plus sincèrement possible quelles sont les difficultés qui d’ailleurs, je crois, sont reconnues par les auteurs de l’amendement puisque beaucoup d’entre eux disent qu’il faudra continuer à travailler sur le sujet.
En l’état actuel de sa rédaction, même sous-amendée tel qu’il est proposé, en raison des interrogations d’ordre juridique ou opérationnel dont je viens de faire mention, le Gouvernement ne peut donc pas être favorable à cet amendement. Je m’en remets donc au vote de votre assemblée.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mais en tout état de cause, et je le dis avec le respect que je dois au uns et aux autres, et par-dessus tout au suffrage de cette assemblée, s’il était rejeté, cela vaudrait tout de même la peine de continuer à travailler sur le sujet parce qu’il renvoie à des principes importants, et s’il était adopté, il conviendrait évidemment, vous l’avez dit vous-même, monsieur le Premier ministre Ayrault, de s’atteler à surmonter certains des inconvénients que je viens de décrire par des modifications – qui ne seraient d’ailleurs pas mineures – du dispositif aujourd’hui présenté.
Avant de mettre aux voix le sous-amendement no 1168 deuxième rectification, je demande à Mme la rapporteure générale de rappeler son avis sur ce sous-amendement.
Le sous-amendement no 1168 deuxième rectification est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Mes chers collègues, chacun aura compris qu’on ne pourra pas multiplier des débats de ce type sur tous les amendements. Je compte sur votre sagesse à tous pour que le règlement puisse être appliqué avec la plus grande rigueur.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 909 .
L’amendement no 909 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 1007 .
Vous souhaitez par cet amendement, monsieur Schwartzenberg, que les indemnités journalières versées par les organismes de Sécurité sociale aux travailleurs non salariés atteints d’une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique coûteuse ne soient pas prises en compte pour la détermination de leur revenu imposable, à l’instar de ce qui est prévu pour les salariés. Je pense que cet amendement est de bon aloi et l’avis est favorable.
L’amendement no 1007 est adopté.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 6 .
Nous avons déjà évoqué le sujet dans cet hémicycle, madame la rapporteure générale, et il était question de faire le point : il s’agit de la distorsion de traitement entre nos compatriotes qui vivent à l’étranger en Europe et ceux qui vivent hors d’Europe en matière de déductibilité des charges sur leurs revenus de source française. J’aimerais donc savoir précisément où on en est aujourd’hui. Vous savez qu’un certain nombre de nos compatriotes sont confrontés à des difficultés pour prendre en charge les loyers d’un parent âgé vivant dans un établissement public d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – car ils ne peuvent pas les déduire de leur revenu imposable. Il y a donc des distorsions à l’intérieur même de certaines familles lorsqu’une partie des enfants qui vit en France ou ailleurs en Europe peut déduire de telles charges, tandis que l’autre qui vit hors d’Europe ne peut le faire.
C’est effectivement une question que nous avons déjà examinée l’an dernier à l’occasion d’un amendement que vous aviez déposé.
Si nous avions, comme aux États-Unis – je cite ce pays puisque vous êtes député des Français de l’étranger pour le continent américain –, un modèle d’impôt universel, on pourrait considérer l’ensemble des revenus du contribuable au niveau mondial et, en ce cas, prendre en compte toutes les charges ouvrant droit à réduction ou déduction d’impôt. Mais si l’on est imposé en France uniquement sur ses revenus de source française, ce qui limite bien sûr la progressivité de l’imposition, cela ne permet évidemment pas de bénéficier ni de certaines réductions d’impôt ni des déductions de charges que vous évoquez. La question qui se pose, c’est bien la manière dont on appréhende le revenu mondial du contribuable : une partie est taxée au titre de l’impôt sur le revenu en France, une autre au titre de l’impôt dans le pays de résidence. Il n’y a pas dès lors la progressivité qui existerait si la fiscalité française prenait en compte la totalité des revenus.
Je parle de la distorsion entre la situation en Europe et hors Europe !
J’entends bien, monsieur le député, qu’il peut y avoir une distorsion, mais c’est aussi le cas en termes de progressivité. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable à votre amendement.
C’est un débat que nous avons déjà eu et que nous aurons sans doute encore. L’exception existe pour les non-résidents français domiciliés dans l’Union européenne ou dans l’Espace économique européen, ceux dits « Schumacker », mais elle n’est à notre sens pas transposable à ceux établis ailleurs parce que ces non-résidents sont soumis à une obligation fiscale limitée en France et qu’ils ne peuvent dès lors déduire aucune charge sur leur revenu global puisqu’il n’y a pas nécessairement réciprocité fiscale, contrairement à ce qui se passe dans l’Union. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement.
L’amendement no 6 n’est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 745 .
Actuellement, le dispositif Malraux s’applique dans ce qu’on appelle le « PNRQAD » – Plan national de requalification des quartiers anciens dégradés – pour une vingtaine de sites. Celui-ci s’arrête et sera repris par l’Agence nationale de la rénovation urbaine – ANRU –dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain – NPNRU. On m’a dit en commission que l’amendement n’était pas chiffré. Après études, il apparaît qu’il en coûterait autour de 2,5 millions d’euros. Les communes qui en bénéficient continueraient ainsi à en bénéficier demain, de même que les autres quartiers anciens dégradés inclus dans le NPNRU afin de respecter le parallélisme des formes et que l’effort important pour ces sites, qui justifient des exonérations fiscales particulières, soit maintenu.
C’est un exemple de la philosophie que la commission des finances cherche à appliquer : elle n’était pas contre votre amendement, monsieur Pupponi, mais elle ne pouvait l’accepter car il ne comportait pas de chiffrage lors de la réunion tenue au titre de l’article 86. Depuis, nous avons reçu une évaluation entre 2,5 millions et 3 millions d’euros. C’est pour cette raison que la commission a donné ce matin un avis favorable.
Vous proposez, monsieur Pupponi, d’étendre jusqu’au 31 décembre 2017 la réduction d’impôt Malraux – soit 30 % – aux quartiers anciens présentant une concentration élevée d’habitats anciens dégradés et faisant l’objet d’une convention pluriannuelle dans le cadre du NPNRU. Ce serait une disposition de plus. L’Assemblée a déjà adopté à l’article 2 quater du présent projet de loi de finances une prolongation de deux ans du dispositif Malraux dans son volet QAD, ce qui répond déjà partiellement à votre demande. Vous souhaitez élargir le dispositif à d’autres quartiers anciens dégradés. En raison de l’augmentation du coût de la dépense fiscale qui en résulterait, le Gouvernement a proposé qu’une réflexion soit menée en 2016 sur le champ géographique de cette réduction d’impôt. Il souhaite plutôt en attendre les conclusions. Si l’amendement était maintenu, l’avis serait défavorable.
Monsieur le secrétaire d’État, il ne s’agit pas d’étendre le dispositif mais de prendre en compte le fait qu’il s’applique aujourd’hui dans le cadre du PNRQAD, et demain dans celui du NPNRU. Il ne s’agit que de laisser continuer un dispositif qui existe.
Son champ d’application actuel dans le cadre du PNRQAD s’arrêtera au 31 décembre 2015, le NPNRU prenant le relais à cette date. Vous me demandez de retirer cet amendement. Cela me paraît difficile car il a reçu un avis favorable de la commission et, en tant que président de l’ANRU, c’est un projet que je porte. Sinon, certains quartiers qui vont commencer à être rénovés en 2016 ne bénéficieraient pas de ce dispositif.
L’amendement no 745 est adopté.
Il concerne le dispositif dit Censi-Bouvard. Un rapport d’information sénatorial datant du 19 février 2014, intitulé « Patrimoine naturel de la montagne : concilier protection et développement », est très sévère avec ce dispositif. La proposition no 47 suggère de « supprimer les incitations fiscales à l’investissement locatif dans l’immobilier de loisir neuf, et instaurer un dispositif fiscal incitant à la réhabilitation du parc locatif existant, sous la condition d’une obligation de mise en location d’une durée au moins égale à quinze ans ». Nous suivrons l’application de cette proposition extrêmement intéressante.
Le système en place pose différents problèmes. La multiplication des constructions génère en effet des dégâts environnementaux importants, du fait d’« un rythme de construction trop élevé au détriment des espaces naturels », ce type d’immobilier se construisant en général dans des zones particulièrement remarquables, que ce soit à la campagne, en bord de mer ou à la montagne.
L’amendement vise donc à arrêter le financement de la partie résidence de tourisme de l’article 199 sexvicies du code général des impôts, qui encourage à poursuivre dans cet impasse.
Il n’y plus de raison de prolonger le dispositif Censi-Bouvard, qui est en question depuis plusieurs années, puisqu’il ne semble souhaitable d’encourager les résidences de tourisme ni sur le plan des finances publiques ni sur le plan environnemental.
Avis défavorable. Nous avons examiné le même amendement à l’automne 2013, puis à l’automne 2014. À cette occasion, j’avais signalé qu’aux termes de la loi ALUR, le Gouvernement devait transmettre au Parlement avant la fin de 2014 un rapport évaluant le dispositif de défiscalisation prévu à l’article 199 sexvicies du code général des impôts, et portant notamment sur le nombre de logements de chaque catégorie ayant bénéficié du dispositif. Je n’ai pas reçu ce rapport, et je ne suis même pas sûre qu’il ait été rédigé. Peut-être le secrétaire d’État nous éclairera-t-il sur ce point.
Quoi qu’il en soit, l’entrée en vigueur de cet amendement est prévue le 1er janvier 2017. Il concernerait donc les dépenses payées en 2017 et ouvrant droit à réduction d’impôt au cours de l’exercice 2018. Or la réduction d’impôt prévue par l’article 199 sexvicies prend fin au 31 décembre 2016. L’amendement n’aurait donc pas l’effet qui en est attendu.
Je vous invite à le retirer, quitte à le redéposer sous une nouvelle forme quand nous examinerons le projet de loi de finances rectificative. Entre-temps, nous saurons sans doute où en est le rapport prévu par la loi ALUR.
Je comprends effectivement assez mal qu’on veuille supprimer à partir du 1er janvier 2017 un dispositif qui s’éteint le 31 décembre 2016. Peut-être les auteurs de l’amendement devraient-ils revoir sa rédaction s’ils veulent ouvrir le débat sur la date d’extinction du dispositif. En l’état, je leur suggère de le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La rapporteure générale a mis l’accent sur une des questions qui nous préoccupent : à notre connaissance, le rapport sur le dispositif Censi-Bouvard n’a jamais été remis au Parlement, ce qui est parfaitement anormal.
Quant à la date d’extinction du dispositif, elle change tous les ans ! Voilà trois ans que je suis députée et chaque année, j’entends qu’il est sur le point de s’éteindre, avant de constater qu’il est prorogé par amendement. J’émets donc quelques réserves sur la réalité de sa disparition au 31 décembre 2016.
Je retire l’amendement, consciente qu’il n’est pas possible d’abroger un dispositif qui n’a pas encore été prolongé, mais je n’ai aucun doute sur le fait que des pressions s’exerceront en ce sens. C’est pour cela qu’il est tellement regrettable que nous ne puissions pas discuter de l’opportunité d’un dispositif que tout le monde juge maintenant inapproprié, sur le plan des finances publiques comme de l’environnement. Il serait temps de faire le bilan de ses avantages et de ses inconvénients. Le secrétaire d’État peut-il nous confirmer que le rapport n’a pas été publié ?
L’amendement no 873 est retiré.
Ces amendements concernent un sujet que nous avons évoqué plusieurs fois. Parce qu’ils ont été envoyés à l’étranger par leur entreprise, qui ne leur laisse souvent pas d’autre choix que s’expatrier pendant quelques années, certains de nos compatriotes ayant investi dans les dispositifs Duflot dit Pinel et Scellier perdent le bénéfice d’une réduction de leur capital imposable, alors même qu’ils restent tenus par l’engagement de location – et qu’ils respectent donc leur part du contrat. Il s’agit d’un dysfonctionnement, voire d’une injustice que mes amendements visent à corriger.
Avis défavorable sur les deux amendements. Sur ce sujet, je dois reconnaître que nous avons peu progressé depuis l’an dernier. Nous manquons de données et nous connaissons mal d’impact financier du problème.
Néanmoins, je reviens à ce que j’ai dit tout à l’heure : dans un système comme celui des États-Unis, qui prend en compte un revenu mondial…
Il n’empêche qu’une réduction d’impôt s’applique à l’impôt sur le revenu, dont en l’occurrence une partie est perçue en France et l’autre à l’étranger. Si la progressivité qui existe dans notre impôt sur le revenu ne s’applique plus, la prise en compte d’un revenu mondial permettrait de la reconsidérer.
Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements. En particulier, de manière assez curieuse, l’amendement no 5 propose de rétablir un crédit d’impôt sur le dispositif Scellier, qui est fermé, qui n’existe plus, au bénéfice de personnes qui ne paient pas d’impôts dans notre pays ou du moins qui acquittent une forme d’impôt qui n’est pas classique – en tout cas qui ne sont pas soumis à une obligation fiscale illimitée.
On est vraiment en pleine schizophrénie. On me renvoie en permanence à la question de l’impôt mondial, mais on oublie au passage que nous sommes liés par des conventions de non double imposition. On oublie aussi, et voilà pourquoi je parle de schizophrénie, la situation ubuesque dans laquelle nous sommes en ce qui concerne la CSG.
Notre pays a été condamné à deux reprises sur le sujet. L’administration fiscale sait parfaitement, puisque je lui en ai apporté la preuve, que des tax courts, aux États-Unis, empêchent la déduction, à l’intérieur du dispositif prévu dans la convention de non double imposition, sur les sommes payées au titre de la CSG.
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui considère la CSG comme un impôt, tout en admettant des conditions qui montrent que la situation est plus compliquée. Selon la jurisprudence européenne, en tout cas, ce n’est pas un impôt, ce qui rejoint le point de vue de plusieurs tribunaux étrangers.
En attendant, les Français de l’étranger, dont beaucoup ont l’intention de revenir s’installer en France, perdent sur tous les tableaux. La France ne fait pas respecter la convention de non double imposition. Elle leur explique qu’elle accepterait le principe d’une déduction s’il existait un impôt mondial. Elle ne soucie pas de la distorsion entre les Français qui vivent dans l’Union européenne et ceux qui vivent hors de ses frontières. Peu lui importe qu’ils soient ou non traités avec justice.
Le pire, c’est qu’au sein du groupe de travail que votre prédécesseur, à ma demande, a bien voulu mettre en place, j’ai constaté, avec d’autres parlementaires, députés et sénateurs, que l’administration joue la montre et mise sur la jurisprudence. Elle sait parfaitement que des injustices sont commises. J’en ai signalé plusieurs qui s’ajoutent à la question de la CSG, mais elle s’en lave les mains. Le traitement de nos compatriotes vivant à l’étranger est vraiment inapproprié.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 948 .
C’est un tout petit amendement qui vise à relever de 10 000 à 18 000 euros le plafonnement des services à la personne et de l’emploi à domicile, c’est-à-dire à revenir au montant qui s’appliquait avant le 1er janvier 2013.
Officiellement, le nombre d’heures d’emploi à domicile baisse constamment, ce qui a déjà coûté des dizaines de milliers d’emplois dont une partie, aux dires de certains, serait compensée par du travail au noir. En tout cas, l’abaissement du plafond était une erreur, que nous vous proposons de corriger.
L’amendement no 948 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 964 .
L’amendement no 964 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 961 .
L’amendement no 961 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement propose de remplacer les références aux gîtes ruraux par des références aux meublés de tourisme, ce qui n’est pas sans conséquences, car le gîte rural est actuellement défini, sur le plan fiscal, de manière autonome. Notre objectif est que le texte prenne en compte de la même manière tous les hébergements meublés.
Je note avec satisfaction que la rapporteure propose de doubler les pénalités éventuelles, ce qui permettra que ces logements soient davantage loués ou vendus.
L’amendement no 1065 avait été débattu en commission des finances, et récrit en fonction de nos propositions. Avis favorable.
Le sous-amendement est rédactionnel.
Avis favorable. Le sous-amendement apporte une précision rédactionnelle en traitant une conséquence à l’article L. 422-2 du code du tourisme. Le Gouvernement remercie les auteurs de l’amendement qui remplacent opportunément la notion de gîtes ruraux par celle, plus large, de meublés de tourisme, en matière d’exonération d’impôt directs locaux et d’éligibilité au régime des micro-entreprises.
Je me félicite de la position prise par le secrétaire d’État sur le sujet. Nous visions, avec les auteurs de l’amendement, un double objectif : d’une part, mettre fin à des différences de traitement fiscal injustifiées entre les acteurs du tourisme chez l’habitant, et d’autre part valoriser la procédure administrative de classement des hébergements touristiques. Ces disparités sont, à certains égards, proches de la distorsion de concurrence – le ministre Laurent Fabius les a lui-même qualifiées ainsi.
Cet amendement va donc dans le bon sens, en supprimant la définition juridique du gîte rural. Celle-ci alimentait une certaine confusion, les services de l’État réservant le bénéfice d’un régime fiscal particulier aux adhérents d’une marque privée. L’adoption de cet amendement permettra d’aller vers une égalité de traitement réelle et une simplification de la fiscalité sur les hébergements.
Je vais vous expliquer pourquoi je suis contre cet amendement.
Derrière en effet, l’idée est de mettre l’ensemble des locations de meublés au même niveau. La fédération des gîtes ruraux, dont on connaît l’histoire, permet très souvent à des agriculteurs de compléter leurs sources de revenus, selon une économie générale qui répond à des enjeux d’aménagement du territoire, et même de valorisation de leur propre immobilier. Or si l’on met au même niveau les gîtes ruraux et la catégorie des meublés classés, les gîtes ruraux trois ou quatre épis seront demain classés trois ou quatre étoiles ; comme, en raison de la réforme que nous avons adoptée l’année passée, la taxe de séjour est désormais la même pour les meublés et pour les hôtels, cela signifie très concrètement qu’il faudra expliquer aux gestionnaires de gîtes ruraux familiaux qu’ils vont devoir acquitter une taxe de séjour identique à celle d’un palace, d’un quatre étoiles !
Je vous le dis : si cet amendement est adopté, cela aura des conséquences très lourdes sur l’activité des gîtes de France. Le classement des gîtes de France ne dépend pas des préfectures, il s’agit d’une procédure interne à l’organisation. S’il est déclaré identique à celui visé par les préfectures, la taxe de séjour, que nous avons réformée l’an passé, s’appliquera aux meublés de la même façon que pour les quatre étoiles, l’hôtellerie de plein air ayant pu sortir du dispositif, mais pas les meublés. Cela fera vraiment problème – sauf à adopter l’amendement que j’ai déposé, mais j’ignore s’il sera examiné, qui vise à sortir les gîtes et les meublés du dispositif relatif à la taxe de séjour.
Le sous-amendement no 1169 est adopté.
L’amendement no 1065 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 896 .
L’amendement no 896 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 1041 .
Il s’agit d’exonérer de taxe foncière les organismes privés à but non lucratif intervenant dans le champ sanitaire, social et médico-social, à l’instar des établissements publics oeuvrant dans le même champ.
En faisant une telle proposition, on cherche aussi à trouver une solution au problème du « versement transport », dont nous avons beaucoup débattu lors de l’examen des projets de loi de finances rectificatives précédents. En effet, comme vous le savez, un certain nombre d’organismes privés à but non lucratif du secteur médico-social ne sont plus exonérés du versement transport. Une exonération de taxe foncière serait une sorte de compensation.
Cette proposition s’inscrit enfin dans un contexte global où l’économie sociale et solidaire rencontre des difficultés depuis maintenant deux ans. Nous avons fait une belle loi pour développer ce secteur, et en particulier les organismes privés à but non lucratifs qui y oeuvrent, mais des difficultés continuent à se poser au plan fiscal, les organismes en question ne pouvant bénéficier d’un certain nombre de dispositifs, dont le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Il y a là une discrimination qui me paraît très préjudiciable. L’adoption du présent amendement permettrait de remédier aux difficultés que rencontrent ces structures.
La commission des finances a fait le point sur l’ensemble des exonérations existant pour le secteur non lucratif. Je n’ai pas le tableau ici, mais je vous le transmettrai. Il répertorie l’ensemble des dispositions dont bénéficie le secteur non lucratif – exonération de taxe sur les salaires et d’impôt sur les sociétés, notamment. On y voit que pour 1 euro de chiffre d’affaires – le terme n’est pas très approprié – des efforts importants sont déjà consentis par notre pays.
Au regard de ce bilan, la commission des finances a décidé de repousser les amendements allant dans ce sens. Certains collègues qui avaient déposé des amendements similaires les ont d’ailleurs retirés.
Ces amendements posent plusieurs problèmes, techniques et budgétaires.
D’abord, les établissements privés visés sont définis de manière très large : les « établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux gérés par des organismes privés non lucratifs ». Vu ce que vous en dites et l’analyse que nous en faisons, cela concernerait une quinzaine de catégories d’établissements, aux contours parfois très imprécis.
La mesure est par conséquent difficile à cerner, donc à évaluer. Elle risque en outre d’être une source de contentieux et d’avoir un coût pour les finances publiques, puisqu’il reste à savoir si cette exonération sera ou non compensée par l’État. En l’état actuel de la rédaction, nul doute qu’une telle compensation serait demandée par les collectivités, seules bénéficiaires de la taxe foncière.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques.
C’est bien sympathique d’exonérer, mais comment équilibre-t-on les comptes du budget « Transports » ?
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous devriez vous poser la même question quand vous proposez des exonérations !
Eh bien, on augmente les autres, jusqu’au moment où on se réveille en se rendant compte que les taux sont affreux et qu’il faut absolument revenir en arrière !
Tout à l’heure, quand il s’agissait d’augmenter les niches fiscales, cela ne vous posait pas de problème !
Il convient de prendre en considération le fait que des maisons de santé pluriprofessionnelles sont ouvertes de-ci de-là, surtout sur les territoires ruraux « délaissés » comme on dit maintenant, ou isolés. Souvent les communes prennent en charge la maîtrise d’ouvrage et n’arrivent pas à boucler le plan de financement.
Aussi l’amendement propose-t-il que l’État les fasse bénéficier d’une exonération permanente de taxe foncière, dans le cas où les revenus tirés de l’exploitation de l’immeuble serviraient exclusivement au remboursement des frais de construction et fonctionnement des maisons de santé.
Cet amendement concernerait, fin 2015, quelque 800 maisons et pôles de santé, parmi lesquels de nombreuses maisons pluriprofessionnelles, en zone urbaine sensible également.
La parole est à M. Pascal Terrasse, pour soutenir l’amendement no 1087 .
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 838 .
Cet amendement adopté par la commission est très proche de celui de M. Moignard. Je propose de le retirer et de donner un avis favorable à ce dernier.
Je souligne qu’il s’agit d’exonérations décidées par les communes pour les maisons de santé : elles seront à la charge des communes, l’État ne remboursera rien. C’est un moyen pour les communes de conforter leur politique d’installation de maisons de santé, qu’elles utilisent à leur gré.
Le Gouvernement se félicite du consensus qui se dégage sur ces amendements. Celui de la commission des finances posait quelques problèmes rédactionnels, et nous avions une préférence pour les deux amendements identiques.
Il a été bien été précisé que c’est sur délibération des collectivités qu’une telle exonération pourra être accordée et qu’il n’y aura pas de compensation versée par l’État. Mais vu les volumes financiers en jeu, il semble légitime d’autoriser les collectivités à exonérer ce type d’établissements.
Le Gouvernement est donc favorable aux amendements identiques.
L’amendement no 838 est donc retiré au bénéfice du no 1087, madame la rapporteure générale ?
Le mien est identique, mais j’ai bien compris que Mme la rapporteure préférait les radicaux…
Sourires.
L’amendement no 838 est retiré.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 839 de la commission.
Le présent amendement vise à donner la possibilité aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale d’instituer une exonération temporaire de taxe foncière sur les propriétés bâties, pendant cinq ans, afin de permettre la transformation de bureaux vacants en logements. Il s’agit d’une faculté, en aucun cas d’une obligation.
À Paris, quelque 800 000 mètres carrés de bureaux vides sont installés dans d’anciens bâtiments d’habitation. Il serait très aisé de les transformer en logements, d’autant qu’ils ne sont plus adaptés aux besoins des utilisateurs de bureaux actuels. Cela permettrait de résoudre une situation particulièrement tendue en matière de logement. Le dispositif que nous proposons viserait à accélérer la transformation de ces bureaux vides, dont l’existence, en zone tendue, est incompréhensible pour nos concitoyens.
Il est bien précisé que cette exonération est instituée à la suite d’une délibération de la commune ou de l’EPCI et se fait donc, si j’ose dire, aux frais de la collectivité. Cette précision étant apportée, le Gouvernement n’y est pas défavorable. On peut même dire qu’il y est favorable. J’aurais pu m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée, mais je ne doute pas de l’issue du vote, compte tenu du pouvoir de conviction de Sandrine Mazetier sur cet amendement.
L’amendement no 839 , modifié par la suppression du gage, est adopté.
Mme Sandrine Mazetier remplace M. David Habib au fauteuil de la présidence.
La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement no 914 .
L’article 26 de la loi du 29 décembre 2013 avait supprimé l’exonération de taxe foncière sur le foncier non bâti en zones humides. Cette exonération avait été instaurée par l’article 137 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Elle faisait suite aux propositions du plan d’action national pour les zones humides adopté en 1995. L’objectif était de favoriser la protection des espaces naturels sensibles par le biais d’une réduction d’imposition directe.
L’exonération était portée à 100 % lorsque les propriétés sont situées dans certaines zones naturelles. Une compensation de l’exonération était versée par allocation de l’État aux collectivités. L’exonération partielle ou totale était accordée de plein droit pour une durée de cinq ans sous réserve que les terrains figurent sur une liste dressée par le maire sur proposition de la commission communale des impôts directs et qu’un engagement de gestion soit souscrit, ayant pour objet de conserver la parcelle en l’état. La neutralisation de l’effet fiscal était la contrepartie de la préservation de l’état du terrain.
Cet amendement vise à réinsérer ce dispositif à la même place dans le code général des impôts. Le rétablissement de cette mesure serait dans la cohérence de l’annonce du troisième plan national pour les zones humides. Il s’inscrirait également dans le cadre du sommet de Paris de la COP 21.
Les zones humides jouent un rôle d’« amortisseur » climatique. Ce sont des puits de carbone naturel qui participent également, sur le littoral, à la prévention des risques naturels avec les mangroves, les deltas, les marais et les estuaires. Il convient de rétablir un régime fiscal favorable à la préservation de ces milieux.
Cette exonération avait été créée en 2005 par la loi relative au développement des territoires ruraux. Jugée inefficace, elle a été annulée en avril 2014, mais de nouveau proposée dans le cadre du projet de loi relatif à la biodiversité en cours de navette parlementaire. Du fait de ce cheminement, et sachant que vous proposez une exonération obligatoire, qui n’est pas compensée par l’État, notre commission propose d’en rester là et de repousser l’amendement.
Créé en 2005, ce dispositif a été supprimé en 2014 car il n’a jamais été utilisé. En outre, le Gouvernement est en train de mener le troisième plan national d’action en faveur des milieux humides, qui comprend cinquante-deux actions et autant de mesures efficaces en faveur des zones humides. Il est donc inutile de rajouter ce dispositif fiscal complexe dont beaucoup ont reconnu qu’il était inefficace.
Le Gouvernement ne souhaite pas l’adoption de cet amendement. S’il était maintenu, il appellerait à son rejet.
J’entends bien les arguments de la commission et du Gouvernement. Je rappelle cependant que le dispositif a été présenté dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, actuellement en attente au Sénat. Quand reverrons-nous ce texte à l’Assemblée ?
Les zones humides sont un facteur essentiel de la biodiversité, dans son aspect le plus « ordinaire ». Les préserver est indispensable pour l’avenir. Cela étant, je retire l’amendement.
L’amendement no 914 est retiré.
À plusieurs reprises, le Gouvernement s’est engagé, par ma voix, à revoir le dispositif au moment du projet de loi de finances rectificative. Je maintiens cette position. Je préférerais donc que ces amendements soient retirés et que le débat ait lieu dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, lequel sera examiné demain matin en conseil des ministres.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 929 .
Le présent amendement permet aux communes de majorer leur taxe d’habitation au-delà des 20 % supplémentaires qui ont été votés l’an dernier. Notre commission a émis un avis défavorable, considérant que la majoration adoptée l’an dernier était suffisante au vu des communes qui ont décidé de l’appliquer.
Même avis. En outre, je doute de la constitutionnalité de l’amendement dans la mesure où il propose d’aller au-delà de 20 % mais sans fixer de plafond.
L’amendement no 929 est retiré.
Le présent amendement vise à clarifier la situation des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux gérés par des organismes privés à but non lucratif en matière d’exonération de redevance transport, sujet qui avait été discuté l’année dernière en loi de finances rectificative.
Compte tenu de tous les dispositifs qui existent déjà et que j’ai évoqués tout à l’heure, touchant à l’impôt sur les sociétés par exemple, la commission a émis un avis défavorable.
Même position que pour l’amendement de tout à l’heure sur l’exonération de taxe foncière : avis défavorable.
L’amendement no 45 n’est pas adopté.
Voilà des amendements qui devraient vous être sympathiques, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’ils ne coûtent rien à l’État et ne concernent que les impositions locales, pour me référer à vos propos de tout à l’heure.
Sourires.
S’agissant de ces impositions locales, parmi les abattements aux valeurs locatives de l’article 1411 du code général des impôts, j’avais fait créer lors de la précédente législature, à compter des impositions de 2008, un abattement de 10 % pour les personnes handicapées.
Afin que cet abattement s’applique, la commune doit le créer, en délibérant à cet effet, et le contribuable doit demander à en bénéficier. Ces deux conditions font que ce dispositif, vrai geste en direction des personnes handicapées, est trop peu utilisé. Autre raison : son importance financière relativement limitée, il faut bien en convenir. Sans doute l’économie de 10 % de son imposition locale n’est-elle pas suffisamment incitative pour inciter un contribuable à demander le bénéfice de l’abattement.
Quoi qu’il en soit, après le débat que nous avons eu en commission des finances, je retire l’amendement no 186 qui porte cet abattement de 10 à 30 %, au profit du no 187 qui le porte de 10 à 20 %.
L’amendement no 186 est retiré.
Il existe déjà une exonération de taxe d’habitation, obligatoire et nationale, soumise à un certain nombre de critères, compensée par l’État, pour tous les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 10 686 euros pour une part et qui occupent leur habitation principale soit seuls, soit avec leur famille proche, la notion de famille proche étant définie.
Vous évoquez l’abattement spécial de 10 % dont vous étiez à l’origine il y a quelques années. Vous proposez de le porter à 20 %. La commission ne vous a pas suivi et a émis un avis défavorable.
Mme la rapporteure générale a opportunément signalé qu’il existait un abattement général soumis au revenu fiscal de référence, dont je n’ai guère eu le temps ni l’occasion de dire qu’il était visé par les amendements que nous avons examinés en début d’après-midi, lesquels ne concernaient pas seulement les personnes âgées, comme la demi-part des veuves, mais aussi les personnes handicapées, bénéficiant du même type de traitement en termes de glissement et de maintien de l’exonération antérieure.
Cette parenthèse refermée – à dire vrai, je ne l’avais pas même complètement ouverte – le Gouvernement considère qu’il s’agit là encore d’une exonération sur délibération des collectivités, non compensée par l’État. Il ne s’oppose donc pas à une augmentation du niveau de l’exonération possible et s’en remet à la sagesse bienveillante de l’Assemblée.
Oui, madame la présidente.
L’amendement no 187 , modifié par la suppression du gage, est adopté.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 840 de la commission des finances.
Dans la première partie du texte, nous avons déjà voté deux amendements relatifs au même sujet. La loi sur l’économie sociale a permis la création de groupements de sociétés coopératives sans les dispositions d’ordre fiscal adéquates, ce qui rendait l’intérêt de ces groupements quelconque pour ces sociétés.
La présente disposition, la troisième, ne pouvait être débattue dans le cadre de l’examen de la première partie car, conformément à la loi organique relative aux lois de finances, elle relève de la seconde. L’adoption de cet amendement serait donc un vote de conséquence complétant le dispositif que nous avons voté en première partie.
M. David Habib remplace Mme Sandrine Mazetier au fauteuil de la présidence.
L’amendement no 840 est adopté.
Nous avons voté l’année dernière une exonération pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville – QPV. Or, il arrive parfois que la délimitation opérée ait pour effet que, dans la même rue, une partie soit classée en quartier prioritaire de la ville et qu’une autre partie, l’autre trottoir par exemple, ne le soit pas. Bref, les commerces d’une même rue bénéficient ou non de l’exonération.
Le problème posé est donc celui de la délimitation exacte de ces quartiers prioritaires. L’amendement tend à ce qu’il soit vérifié à la marge, lorsque le trait de délimitation passe dans une rue, que l’ensemble des commerces de cette rue font bien l’objet de l’exonération.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 1024 .
Il est identique, et je remercie M. Pupponi d’avoir déposé le même texte. Cet amendement a été rédigé avec les services du ministère de la ville. Il tend à corriger cette situation ahurissante où, dans une rue commerçante d’un QPV, la frontière passant au milieu de la rue, la moitié des commerçants bénéficient des exonérations de taxe foncière, de cotisation foncière des entreprises – CFE – et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, exonérations qui ont justement été votées pour relancer le commerce de centre ville, alors que les commerçants de l’autre partie de la rue n’en bénéficient pas. L’amendement tend donc à ce que, dans ce cas de figure, l’autre moitié de la rue soit également couverte par le dispositif.
Cet amendement a été, je le répète, écrit avec le ministère de la ville. La commission des finances avait en effet adopté une première rédaction qui ne convenait pas tout à fait et le ministère a alors proposé de la corriger, afin de répondre à l’objectif sans pour autant en étendre trop largement les exonérations supplémentaires. Je souhaiterais donc vraiment que cet amendement soit adopté.
J’entends évoquer un éventuel changement d’avis du Gouvernement sur ce point, et je le regrette, car cette rédaction a été élaborée en concertation avec le ministère de la ville. Il s’agit là d’un cas typique de bug que notre Assemblée a le devoir de corriger.
Imaginez la situation : alors qu’on veut revaloriser le commerce de centre ville grâce aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, la moitié d’une des rues concernées bénéficie d’exonérations, mais pas l’autre moitié ! C’est pousser à la guerre civile ! Sans aller jusque là, on voit bien que les commerçants ne comprennent pas pourquoi on bénéficie des exonérations du côté des numéros impairs, mais pas des numéros pairs. Il faut vraiment corriger cette situation.
Lorsque nous avons voté ces exonérations, c’était pour relancer le commerce de centre ville, à l’intérieur des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il n’est pas concevable que la moitié d’une rue soit exclue parce que la délimitation passe au milieu. Il suffit d’étendre le tracé, comme cet amendement propose de le faire. Cela relève du bon sens et l’Assemblée s’honorerait en le votant.
Madame la rapporteure générale, laissez le Gouvernement donner son avis et vous verrez ensuite s’il en change.
Nous touchons là au problème des frontières. Permettez-moi, à cette heure avancée de notre débat, une anecdote sur le ton de la plaisanterie. Je connais une rue dont un côté est au Luxembourg et l’autre en Belgique, ce qui provoque une concentration de bureaux de tabac d’un seul côté, pour des raisons que vous imaginez aisément. De l’autre côté de la rue, les gens font la tronche parce qu’ils ne peuvent pas ouvrir ce type de commerces – bien contents, au demeurant, de pouvoir traverser la rue pour faire leurs emplettes.
Ce problème des frontières, nous le rencontrons sur de nombreux sujets, y compris pour l’évaluation des bases de valeur locative, sur lesquelles nous travaillons notamment dans les commissions communales ou départementales des impôts locaux, dans le cadre des expérimentations consacrées à la révision des valeurs locatives. Tout cela est très complexe.
Le Gouvernement n’est pas opposé à votre amendement et s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Cet amendement est un amendement de bon sens, malgré un petit problème de rédaction. En effet, certains immeubles en bordure d’une rue peuvent être de grands massifs qui s’étendent jusqu’à une autre rue, de l’autre côté. Nous avions évoqué cette question en commission des finances et la rédaction devra sans doute être peaufinée mais, sur le fond, cet amendement est logique.
Soit dit par parenthèse, nous avons connu les mêmes problèmes pour la délimitation des secteurs cadastraux, lors de l’essai de révision des bases, et nous avons modifié le périmètre.
On peut découper, pour les valeurs cadastrales. Peut-être pourrait-on se caler sur ce système.
Oui, monsieur le président.
La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement no 841 de la commission des finances.
C’est une question de cohérence. Les entreprises de commerce situées dans les quartiers prioritaires peuvent bénéficier d’une exonération de CFE. Cette exonération ne s’applique, en revanche, qu’aux entreprises exerçant une activité commerciale et non pas aux activités artisanales. L’amendement tend donc à ce que ces dernières puissent bénéficier aussi de cette exonération.
Vous proposez d’étendre l’exonération de CFE des entreprises aux activités artisanales. Il est actuellement admis par voie doctrinale que les artisans, personnes physiques ou morales, qui exercent une activité commerciale telle que la boulangerie, la boucherie ou la coiffure, entrent dans le champ d’application de l’exonération de CFE en QPV, sauf délibération contraire, dès lors qu’ils sont conjointement immatriculés au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés.
Le Gouvernement considère donc que votre amendement est satisfait. Au bénéfice de ces explications, qui figureront bien entendu au compte rendu des débats, il serait plus sage de le retirer. À défaut, le Gouvernement s’y montrerait défavorable.
Pouvez-vous préciser si tous les artisans sont pris en compte ? Imaginons qu’un plombier ou un peintre s’installe dans ces quartiers prioritaires. Pourra-t-on également l’exonérer de la CFE ?
Oui : s’il est enregistré au registre de commerce, il pourra bénéficier de l’exonération de la CFE.
Madame la rapporteure générale, retirez-vous cet amendement de la commission ?
L’amendement no 841 est retiré.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 885 .
L’an dernier, nous avons voté des exonérations pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville, limitées à certaines entreprises. Nous avons observé que très peu de très grandes entreprises étaient concernées. Si – peut-être est-ce abuser un peu, monsieur le secrétaire d’État – nous élargissions l’exonération à l’ensemble des entreprises de ces quartiers, le surcoût, même s’il s’agit toujours d’un coût, se situerait, selon les chiffres fournis par les services du ministère de la ville, autour de 250 000 euros, ou un peu plus, ce qui n’est pas énorme.
En outre, si nous avons voté ces exonérations l’an dernier, peu d’entreprises en bénéficieront car les services de Bercy ont rédigé des textes d’application leur demandant de faire acte de candidature quinze jours après la publication de la note, avec un délai fixé, je crois, autour du 30 juillet. Peu d’entreprises ont donc répondu. Les autres ne bénéficieront donc pas de l’exonération non seulement pour 2015, mais aussi pour 2016. C’était là une manière de faire en sorte que de nombreuses entreprises ne bénéficient pas de ce dispositif – elles devraient pouvoir le faire en 2017 car j’espère qu’elles répondront d’ici là.
L’amendement tend ainsi à ne pas limiter le bénéfice de la mesure, afin de permettre la création et le maintien de l’activité dans ces quartiers.
Monsieur Pupponi, ce que vous proposez avec cet amendement, c’est de supprimer tous les seuils existants ! Avis défavorable, donc.
Si l’on ne fixe pas de seuil à une mesure destinée à aider les petits commerces, ce n’est plus la même mesure. Le Gouvernement y est donc défavorable.
L’amendement no 885 est retiré.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 842 .
Cet amendement de simplification, qui a été adopté par la commission des finances, vise à répondre au problème suivant. Lorsque des professions libérales ont constitué une société civile de moyens – SCM –, l’administration fiscale découpe l’immeuble qu’elles louent, en isolant les parties communes, pour lesquelles l’impôt est facturé à la SCM, et en répartissant le reste entre les différentes professions libérales, qui se le voient directement imputer. Ce dispositif est d’une extrême complexité pour l’administration fiscale.
Afin de simplifier la vie des services fiscaux, cet amendement tend à faire en sorte que la SCM paie la totalité, puis répartisse le montant de la CFE entre les professions libérales concernés.
Il s’agit donc d’un amendement de simplification. À ce titre, mes collègues de la commission des finances ont trouvé que c’était une bonne idée. Ce n’est pas une invention : cela a déjà existé, avant d’être modifié par une circulaire de 2011. Ce serait beaucoup plus simple comme cela et on allégerait la charge administrative des services fiscaux.
La mesure proposée sera sans effet sur le budget de l’État ; mais, selon notre analyse, elle privera les collectivités locales d’une partie de leurs ressources puisque le dispositif tel que vous le suggérez conduira forcément les collectivités locales à percevoir moins qu’actuellement. Je tenais à vous le dire, tel est, de façon évidente, le cas.
C’est au Parlement de voir s’il souhaite une baisse des recettes des collectivités locales concernées : il est vrai que cela ne concerne peut-être pas des dizaines de milliers de cas, mais il nous semble qu’il y aura là une perte pour les collectivités bénéficiaires de ce type d’imposition. Le Gouvernement est pour sa part défavorable à cet amendement. Au Parlement d’aviser ensuite.
Je souhaite retranscrire la manière dont nos débats se sont déroulés. Cet amendement a été proposé par M. de Courson dans un objectif de simplification.
On connaît M. de Courson et ses « tout petits amendements » !
Sourires.
Après discussion – différence entre société des médecins et médecins pris individuellement, répartition des quotes-parts, etc... – et dans un but de simplification, notre commission a décidé d’adopter cet amendement afin d’obtenir l’avis du Gouvernement sur ce sujet. Nous avions précisé, lors du débat, que nous souhaitions connaître la position du ministère des finances pour comprendre les tenants et les aboutissants qui, il faut le reconnaître, avaient peut-être échappé à notre commission. Voilà exactement comment s’est déroulé notre débat en commission.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai cru comprendre que vous doutiez que cela soit un amendement de simplification. Mais si ! Pour le reste, je ne comprends pas votre argument concernant les pertes de recettes de cotisation foncière des entreprises. Pourquoi y aurait-il des pertes de CFE si c’est la SCM qui paye ? Elle paye, et elle se débrouille ensuite dans ses comptes pour la réimputer entre les professions libérales. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi il y aurait une perte.
L’effet se produit au niveau de la cotisation minimum. Si l’on découpe, un certain nombre de personnes peuvent être soumises à la cotisation minimum. L’addition des morceaux découpés peut ainsi être supérieure au produit globalisé. C’est notre analyse. Mais encore une fois, c’est votre choix : je ne ferai pas d’autre commentaire. La simplification conduit parfois à des effets secondaires… Je ne nie pas que cela puisse être plus simple pour les services fiscaux de n’émettre qu’un rôle plutôt que de découper en morceaux, c’est évident ; mais si, ensuite, cela provoque des pertes, il ne faudra pas s’en étonner !
J’ai un peu de mal à suivre le raisonnement. J’allais poser la même question que M. de Courson, et la réponse du secrétaire d’État m’amène en fait à une autre. Le vrai sujet n’est pas tant qu’il existe des cotisations minimum, mais qu’un certain nombre d’entreprises ont un chiffre d’affaires tellement bas qu’elles sont exonérées de CFE. Dans ma modeste ville de Gap, le conseil municipal les exonère en dessous d’un certain chiffre d’affaires. La consolidation des chiffres d’affaires des médecins de la société en question aura donc plutôt tendance, à mon avis, à augmenter les recettes de CFE.
J’aimerais comprendre si les deux cas ont été évalués par le ministère des finances, c’est-à-dire s’il y a beaucoup plus de cas de CFE minimum en France que de cas d’exonération. Mais je serais étonnée que Gap soit une exception.
Nous avons bien eu un débat en commission entre, d’un côté, la possibilité de simplification et, d’un autre côté, ce qu’en seraient les conséquences financières. Je partage avec le ministre l’avis que, de toute façon, la conséquence financière ne porte pas sur le budget de l’État mais sur ce que percevront les collectivités locales.
Compte tenu de l’état du débat, je trouve, mes chers collègues, qu’il ne serait pas sage d’adopter cet amendement en l’état car si le Sénat le votait conforme, il serait définitivement adopté. Nous devrions profiter de la navette pour clarifier ce point par un travail plus approfondi avec le Gouvernement, permettant de déposer un nouvel amendement en deuxième lecture. En l’état, en effet, on n’y voit pas clair et je ne veux pas voter une disposition qui aura in fine pour conséquence une perte de ressources pour les collectivités territoriales.
Comme Karine Berger, j’aurais défendu la thèse inverse, monsieur le secrétaire d’État : si l’on regroupe, les seuils minima ne joueront plus dans certains cas.
Deuxième réflexion : ce dispositif a existé jusqu’à sa modification par une circulaire du 8 juillet 2011. Je n’ai rien inventé ! Des collègues qui gèrent ce type de structures m’ont dit que c’était une usine à gaz et demandent un système simple : la société civile de moyens paye l’ensemble, et ses membres se débrouillent entre eux pour la répartir.
Je vais inverser la conclusion de Dominique Lefebvre : nous avons tout notre temps, votons cette disposition, puis le Sénat s’y intéressera et nous nous coordonnerons en commission mixte paritaire. Nous avons encore le temps !
Nous nous sommes livrés à une simulation sur un exemple : une SCM avec deux associés, située dans une commune dans laquelle la base minimum de CFE est fixée à 2 500 euros avec un taux global d’imposition de 32,77 %. Si la SCM a une valeur locative réduite de taxe foncière de 1 300 et la société de 2 600, soit un total de 3 900, la CFE qui est due de façon individualisée est de 2 490 euros. Si l’on globalise, la CFE due avec 3 900 euros de valeur locative est de 1 278 euros, soit une perte de 1 212 euros du produit de CFE.
C’est un exemple : on peut certainement trouver des exemples inverses, en fonction de la proportion de la valeur locative des biens communs par rapport à la valeur locative des biens individuels. Je tiens à votre disposition cet exemple, même si d’autres donneront un calcul différent. Mais en l’espèce, il y a bien une perte de 1 212 euros entre le droit existant et le droit qui existerait en cas d’adoption de cet amendement. Je pense qu’il serait plus sage de le retirer et de voir en deuxième lecture si vous confirmez votre option.
L’amendement no 842 est retiré.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1073 , 1072 , 843 , 188 et 1163 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 843 et 188 sont identiques. L’amendement no 843 fait l’objet d’un sous-amendement no 1164 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir les amendements nos 1073 et 1072 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Ces deux amendements portent sur la traditionnelle revalorisation forfaitaire des valeurs locatives proposée par la commission des finances en général et en particulier par Dominique Baert.
Dans ce cadre, je propose de tenir compte de la création en septembre des zones touristiques internationales, lesquelles ont la possibilité, ainsi que certaines gares dans ce pays, d’ouvrir des commerces jusqu’à minuit, 7 jours sur 7. Outre la revalorisation forfaitaire proposée donc par la commission des finances, à laquelle je souscris pleinement, je propose une revalorisation spéciale pour ces zones touristiques internationales, qui sont d’une profitabilité extrême – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elles ont été créées.
Des commerces pouvant ouvrir 7 jours sur 7 jusqu’à minuit dans ces zones, cela emporte, pour garantir leur attractivité, qu’elles soient propres, connues, bien indiquées, correctement desservies par les transports – bref, autant de frais induits pour les collectivités locales.
Mes amendements ont donc pour objet une revalorisation calquée sur ce que nous avons prévu dans la loi de Mme Pinel sur le commerce et l’artisanat qui, pour la première fois, empêche les baux commerciaux de flamber comme ils le faisaient avant. Pour protéger le petit commerce et l’artisanat, je propose donc de revaloriser les valeurs locatives dans ces zones hyper profitables – et seulement dans ces zones, malheureusement – de 10 % pour ce qui est de l’amendement no 1073 et de la moitié pour ce qui est du no 1072.
Je tiens à dire que nous constatons d’ores et déjà une inflation des baux commerciaux, évidemment dans les zones touristiques internationales, mais aussi hors de ces zones : ce sont les effets de bord que, malheureusement, je ne peux pas traiter à travers cet amendement. Mais je suis sûre qu’on pourra au moins les traiter à l’intérieur de ces zones.
L’amendement no 843 a été adopté par la commission des finances. J’avais aussi déposé un amendement identique, le no 188, qui viendra immédiatement après.
Cet amendement classique est bien connu, et attendu par l’ensemble des élus locaux. Il s’agit de revaloriser les valeurs locatives sur la base de 1 %, c’est-à-dire le taux de l’inflation prévisionnelle. En effet, il faut tenir compte du fait que les charges, les dépenses des collectivités locales augmentent aussi du fait de l’inflation. D’où cette revalorisation de 1 % pour l’exercice 2016.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir le sous-amendement no 1164 .
Il s’agissait en fait d’une précaution : j’avais peur que l’amendement de la commission des finances ne soit placé avant les miens et ne les fasse tomber.
La parole est à M. Dominique Baert, pour soutenir l’amendement no 188 .
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement de la commission no 1163.
J’ai déposé cet amendement à la suite de la réunion de la commission des finances qui s’est tenue la semaine dernière. À l’article 33, il est proposé une harmonisation des index qui sont utilisés pour la revalorisation des prestations sociales. On passe ainsi d’une inflation prévisionnelle à une inflation constatée sur les douze derniers mois glissants. Puisque l’article 33 vise à une harmonisation, le présent amendement en tire les conséquences : si les prestations sociales sont valorisées sur la base d’un indice qui reprend l’inflation glissante sur les douze derniers mois, ne devrait-on pas souhaiter souhaite étendre ce principe d’harmonisation également aux valeurs locatives ? Tel est l’objet de cet amendement.
L’amendement no 1073 prévoit une revalorisation de 10 %, et le no 1072 de 5 %. La commission a jugé que les revalorisations étaient assez importantes, surtout si l’on fait le parallèle avec le débat qui est mené actuellement dans les différents départements sur la revalorisation des valeurs locatives des locaux professionnels. Avis défavorable également au sous-amendement no 1164 .
Traditionnellement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée pour ce qui est de la revalorisation des bases des valeurs locatives.
J’avoue toutefois ne pas bien comprendre que la commission des finances ait adopté à la fois les amendements no 843 et le no 1163, qui me semblent être concurrents puisque l’un tend à revaloriser les bases de 1 % et l’autre de 0,1 %. C’est un simple problème personnel, mais j’avoue ne pas comprendre la position de la commission. Mais c’est votre problème : de toute façon, le Gouvernement s’en remet à votre sagesse.
S’agissant du sous-amendement et des amendements de Mme Mazetier, ils posent un autre problème : je pense que la revalorisation forfaitaire des bases n’est pas le bon outil pour répondre à sa préoccupation, que je peux parfaitement comprendre. La réponse, me semble-t-il, se trouve dans l’évaluation des bases des valeurs locatives, et ce de deux façons.
Premièrement, elle se trouve dans l’opération de revalorisation que nous sommes en train de conduire et dont nous reparlerons en examinant le projet de loi de finances rectificative. Dans ce texte, je peux d’ores et déjà le dire, nous proposerons que la revalorisation des bases des valeurs locatives comprenne une fourchette plus large à l’intérieur d’une même section cadastrale. Aujourd’hui, la commission communale peut la faire évoluer de plus ou moins 15 % par rapport à la valeur moyenne des bases ; nous proposerons qu’elle puisse aller jusqu’à plus ou moins 30 %.
Mme Mazetier peut trouver là une forme de réponse à ses préoccupations. Par ailleurs, indépendamment même de la revalorisation, je rappelle qu’à tout moment les commissions communales peuvent proposer un certain nombre de modifications des valeurs locatives, en respectant bien sûr les critères généraux fixés par les textes, critères qui vont être assouplis, y compris dans le projet de loi de finances rectificative.
N’y voyez pas malice, mais je trouverais curieux d’utiliser le système de revalorisation forfaitaire des bases de l’ensemble des valeurs locatives pour traiter ce problème, même si je peux en comprendre l’ampleur.
Pour en revenir à mon propos initial, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement et aux amendements de Mme Mazetier, mais s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée pour choisir entre l’amendement no 843 et l’amendement no 1163 .
La commission a examiné deux amendements en effet contradictoires, mais à deux moments différents. Nous avons, de façon presque unanime, adopté l’amendement proposé par Dominique Baert qui prévoit une revalorisation de 1 %. J’avoue ma préférence claire pour cet amendement.
Mais nous avons une rapporteure générale à l’esprit de rigueur extrême : elle a fait le rapprochement avec d’autres revalorisations et nous avons tenu un débat théorique sur la nécessité d’adopter la même méthodologie dans les différentes indexations. De là vient le second amendement.
Je veux redire, comme je le fais depuis des années, que si le 1 % prévisionnel peut paraître assez avantageux pour les collectivités, il a également un effet vertueux : une revalorisation assez substantielle permet à un certain nombre de collectivités de décider si elles touchent ou non à leurs taux.
Dès lors, elles peuvent choisir de faire des efforts supplémentaires de maîtrise des dépenses pour ne pas toucher aux taux. Je plaide donc clairement en faveur de la revalorisation de 1 %.
Quant aux amendements de Mme Mazetier, je partage pleinement leur objectif, mais la revalorisation forfaitaire n’est pas la bonne méthode : j’approuve ce que vient de dire le secrétaire d’État, c’est à travers les commissions communales ou l’assouplissement des révisions des valeurs locatives des locaux professionnels que cette question devra être traitée. Mais vous avez parfaitement raison, il faudra qu’il y ait des valeurs locatives spécifiques, notamment dans les gares, pour ces locaux professionnels ouverts 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Cela fait vingt-deux ans que je soulève le problème et que chaque année nous examinons le même amendement.
Juridiquement, les valeurs locatives devraient être représentatives de la réalité des loyers et de leur évolution. Or, nous avons un système national de revalorisation forfaitaire qui ne s’appuie sur rien.
Nous devrions nous demander de combien les loyers vont évoluer en France. Les situations sont extrêmement diverses ! Je suis persuadé que nous errons depuis des dizaines d’années sur cette question. Et, au bout de vingt ans, on s’étonne que les valeurs locatives n’aient plus rien à voir avec les valeurs du marché ! Comment pourrait-il en être autrement, puisque la revalorisation est forfaitaire, alors qu’il y a des endroits où les loyers baissent et d’autres où ils augmentent ? Il faudrait renoncer à ce système national. Ce que dit le secrétaire d’État est exact, mais il faudrait aller au bout de sa réflexion : il devrait y avoir des commissions départementales pour calculer l’évolution des loyers et revaloriser les bases en fonction des marchés, plutôt que d’un indice national.
Prenons l’exemple du foncier non bâti, puisqu’il y a un indice national de réévaluation qui est maintenant éclaté par département, en fonction de l’évolution du revenu brut agricole par exemple. La revalorisation de 1 % ne correspond à rien du tout : dans certains endroits les loyers stagnent voire baissent, dans d’autres ils augmentent et les écarts vont croissant. Je crois donc qu’il faudrait abandonner le système actuel – mais cela demande beaucoup de réflexion.
S’agissant des deux amendements approuvés par la commission, je soutiendrai quant à moi le second. L’opposition estime que la revalorisation de 1 % est excessive. Nous verrons qui a raison, mais en tout état de cause, il faut tout de même réajuster les valeurs puisqu’il y aura de l’inflation cette année. Nous avions prévu 0,9 %, monsieur le secrétaire d’État, n’est-ce pas ? Nous allons finir à 0,1. Nous avons donc un différentiel de 0,8 dans cette logique infernale de l’inflation. Il faut bien le récupérer. Notre rapporteure générale a donc raison en soutenant l’amendement no 1163 .
Enfin, ce n’est pas souvent le cas mais je ne suis pas d’accord avec le président de la commission des finances. J’ai d’ailleurs l’impression que le secrétaire d’État n’admettait que couci-couça son argument sur la responsabilité des communes. La responsabilité tient à des revalorisations les plus basses possible, parce que c’est dans ce cas qu’on se pose la question. Trop d’élus prétendent ne pas augmenter les impôts. Quand les électeurs se plaignent, ils répondent que c’est l’État, les services fiscaux qui ont élargi l’assiette ! Ce n’est pas responsable.
La question que pose la commission des finances à travers ces deux amendements contradictoires est de savoir quand on établira une cohérence entre l’évolution des prestations sociales et celle de l’imposition locale par rapport au pouvoir d’achat.
M. le président Carrez nous dit que la revalorisation évite aux communes de relever leurs taux. Peut-être, mais cela n’empêche pas une augmentation des impôts. Par définition, un impôt se calculant en multipliant la base par le taux, si votre base augmente de 1 %, votre impôt augmente lui aussi.
La question posée est donc de savoir si on change de braquet concernant les prestations sociales, en revenant à une progression forfaitaire comme on le fait depuis toujours pour les impôts locaux, ou si au contraire on indexe les impôts locaux sur le coût de la vie, ce qui permettrait de solliciter des efforts d’économies supplémentaires de la part des collectivités locales.
C’est une vraie question. Peut-être la réflexion n’est-elle pas suffisamment mûre pour trancher, mais il y a une incohérence que la commission a relevée en adoptant deux amendements.
Quant à ceux de Mme Mazetier, je les trouve très bons. Puisque l’Assemblée nationale prend la main sur les bases de l’imposition locale, sans laisser une grande marge de manoeuvre aux collectivités locales, qu’elle le fasse aussi dans les zones touristiques internationales, d’autant que celles-ci, ai-je cru comprendre, sont plutôt dessinées par le pouvoir exécutif central que par les collectivités locales. Leur passer la main serait peu judicieux.
Ce débat nous permet de constater l’impuissance permanente de Charles Amédée de Courson, depuis vingt-deux ans, à traiter ce problème. D’ailleurs, s’il en est ainsi depuis vingt-deux ans, c’est sans doute qu’il y a des raisons. Je pense que la démarche du Gouvernement est la bonne.
Accessoirement, je rappelle que ces valeurs locatives s’appliquent à des impôts de natures assez différentes : la taxe foncière est un impôt sur le patrimoine, la taxe d’habitation est assise sur une valeur locative alors que c’est une participation des habitants aux services publics locaux. Nous avons déjà débattu, il y a de nombreuses années, de l’absence de corrélation avec l’impôt sur le revenu.
Je m’inquiète du risque d’inconstitutionnalité que présentent le sous-amendement et les amendements de Mme Mazetier. Je ne sais pas s’il y a eu dans le passé des revalorisations différenciées suivant les catégories de valeurs locatives, mais en l’espèce je pense, comme le secrétaire d’État, qu’une revalorisation différenciée relève davantage d’une commission locale que d’index d’évaluation dont on se demande le sens.
Seconde observation, on voit bien le problème : il n’y a pas vraiment de relation entre l’indice des prix à la consommation de l’INSEE et l’évolution du panier de la collectivité locale, ni entre ce même indice et les valeurs réelles de marché dans les différents territoires. La sagesse consisterait pour moi à faire, sur ce sujet complexe, comme chaque année : une revalorisation sur l’évolution prévisionnelle des prix, en ayant bien conscience que revaloriser les bases, c’est augmenter le montant de l’impôt payé par nos concitoyens. Mais Gilles Carrez l’a dit, dans certains cas cela évite aux élus locaux de l’augmenter davantage.
Après les amendements nos 1173 et 1172 de Sandrine Mazetier, je voudrais signifier à notre assemblée que la même question se pose dans les zones commerciales, et non dans les seules zones touristiques internationales.
Dans les zones commerciales, certes les commerces ne sont pas ouverts en soirée, mais ils ouvrent 52 dimanches par an, avec les frais inhérents pour les collectivités, les mêmes que ceux décrits à propos des zones touristiques internationales. Si la question se pose pour celles-ci, elle doit se poser de la même manière pour les zones commerciales.
Je viens soutenir M. Baert et son amendement no 843 . Il est vrai que la commission des finances a adopté deux amendements, mais ils sont différents plutôt que contradictoires. Je préfère quant à moi celui de M. Baert parce que, madame Berger, je ne suis pas d’accord avec vous : les élus locaux ont besoin d’une certaine marge de manoeuvre et il faut leur faire confiance.
Compte tenu de la part prise par les collectivités locales dans l’effort d’économies de l’État, les communes ayant perdu des moyens de fonctionnement considérables, la possibilité d’un surplus de recettes n’est pas à négliger.
Je suis d’accord en outre avec M. Lefebvre : madame Mazetier, vos amendements se heurteraient au Conseil constitutionnel. Il faut laisser la commission locale décider de ce genre de choses.
J’ai déposé l’amendement no 1163 pour que nous ayons cette discussion dans l’hémicycle. Je vois que l’objectif est atteint et je le retire.
L’amendement no 1163 est retiré.
Chers collègues, la liberté des collectivités locales est bonne partout. Sauf que, sur ces questions-là, Paris en est privée. Bizarrement, la maire de Paris est la seule à ne pas disposer par exemple des douze dimanches du maire. Deux millions de Parisiens sont donc des sous-citoyens par rapport à leurs compatriotes.
Ce qui vous semble évident parce que cela l’est partout ne l’est donc pas forcément à Paris et je ne peux que le déplorer.
J’entends les objections de M. le secrétaire d’État jugeant que ce texte n’est pas le bon véhicule. Avant de retirer mes amendements, je voudrais toutefois être sûre que ce qui est vrai partout en France le sera aussi à Paris.
Dans le cas contraire, je préfère les maintenir afin que l’Assemblée nationale décide souverainement de leur sort. Parce qu’en l’état, la souveraineté de tous les maires de France s’arrête aux limites de la ville et du département de Paris…
Sur un plan constitutionnel enfin, je me demande si je ne suis pas justement obligée de passer par ces dispositions-là. J’en suis bien navrée, et je ne suis pas la seule.
Je ne souhaitais pas discuter d’une manière aussi approfondie de la question des bases des valeurs locatives des locaux professionnels mais vous m’y conduisez, et c’est bien légitime. Mais je ne parlerai que de la fixation de ces bases des valeurs locatives, sans sortir de mon champ de compétence : vous avez évoqué l’absence de pouvoir de la maire de Paris quant à un certain nombre de dispositions, mais ce n’est pas mon sujet.
En la matière donc, la règle est la même à Paris que dans l’ensemble des communes et des départements français. Le pouvoir de fixation des valeurs locatives de la commission communale des impôts de la Ville de Paris est le même qu’ailleurs.
Je le dis également par expérience personnelle : les communes se saisissent parfois assez peu de ce pouvoir de modification des valeurs locatives, parce que c’est complexe et, il faut le dire, parce que les services fiscaux n’y mettent pas non plus un empressement considérable, pour la même raison. Je l’ai mesuré parfois personnellement, en tant que maire.
Avant même notre débat, mon intention était de demander à la commission des finances de travailler avec le Gouvernement sur cette question lourde de la révision des valeurs locatives. Je l’ai déjà annoncé : nous proposerons un décalage d’un an de la mise en oeuvre de la réforme et, au-delà, un certain nombre de modifications issues de l’expérience, dont l’une est proche de celle que vous avez décrite.
Aujourd’hui, les valeurs locatives moyennes sont fixées en fonction des zones cadastrales. À Toulon, nos services m’ont indiqué que, pour une section cadastrale en bord de mer, ils devaient prendre les mêmes valeurs locatives pour un commerce en front de mer – la situation est évidemment plutôt bonne – que pour celui qui se trouve à l’autre bout de la section cadastrale, avec simplement une variation entre plus ou moins 10 %.
Nous avons considéré qu’il fallait disposer d’une amplitude plus large pour pouvoir apprécier les différences au sein d’une même section cadastrale. Cela peut évidemment être le cas à Paris, où telle partie de telle section cadastrale serait zone touristique internationale et l’autre non. Bref, nous devons travailler à cette question – c’est d’ailleurs l’une des raisons du report.
Voici la seconde – je vous prie de m’excuser d’être un peu long, mais le sujet est très important : il y a quelques jours, quelques semaines, pour être honnête avec vous, nous avons reçu le rapport de la direction générale des finances publiques sur les conséquences prévisibles de l’évolution des bases cadastrales pour les locaux professionnels. Nous vous le remettrons dès demain, je crois, puisque nous présenterons le PLFR en conseil des ministres. Vous y verrez que nos soucis – le constat est assez largement partagé – tiennent au fait que les valeurs locatives d’aujourd’hui comportent de très nombreuses anomalies. Nous ne manquerons pas d’être interpellés par un certain nombre de situations.
Un exemple m’a frappé, puisque nous avons commencé à regarder ce sujet : des établissements d’enseignement, parfois importants, ont des valeurs locatives ridiculement faibles. Des établissements médico-sociaux, publics ou privés, là n’est pas la question, connaissent le même type d’anomalie – et je ne parle pas des grandes ou des petites surfaces par exemple.
Nous vous proposerons donc un certain nombre de dispositions. J’ai évoqué l’écart de plus ou moins 30 %, mais il y en a d’autres. Beaucoup ont reculé devant les difficultés de mise en oeuvre, mais notre volonté est réelle : nous vous proposerons de continuer à avancer.
Je ne sais pas si cela peut vous rassurer mais la dimension que vous avez évoquée, de même que celle dont M. Daniel Goldberg a fait état parce qu’elle relève du même type d’analyse, pourront être prises en compte, s’il le faut pas voie d’amendements parlementaires.
En tout cas, monsieur le président Carrez, nous avons besoin d’une bonne réunion de la commission des finances avec les services du Gouvernement, en ma présence si je peux trouver le temps, afin de réaliser un bon travail dans le cadre du PLFR sur ce sujet extrêmement difficile, comme tous ceux qui sont ici l’ont manifestement compris.
Madame Mazetier, acceptez-vous d’engager le débat avec le Gouvernement, donc, de retirer vos amendements ?
Je fais pleinement confiance à M. le secrétaire d’État et je retire amendements et sous-amendement.
Le sous-amendement no 1164 est retiré.
Cet amendement vise à accorder une facilité aux collectivités – nous en avons déjà voté plusieurs ce soir – en autorisant l’abattement d’un tiers de la valeur locative pour les entreprises qui font de la recherche industrielle.
L’Europe qui invente et l’Asie qui produit, c’est un peu fini ! Des entreprises, aujourd’hui, délocalisent jusqu’à leur recherche. Il convient donc de permettre aux collectivités qui le souhaitent d’abattre un tiers de la valeur locative afin que les entreprises paient moins de CFE et de taxe foncière.
Abattement facultatif en effet, monsieur Carrez, donc non compensé par l’État.
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement no 119 .
Cet amendement qui concerne les lofts est né en 2008 des oeuvres de M. Baert.
Je rends donc à M. Baert ce qui appartient à M. Baert. M. le président de la commission des finances avait alors donné un avis favorable à son adoption et le gouvernement Fillon l’avait accepté. Mais il se trouve qu’il a été supprimé dans la loi Lamy, qui n’est pas une loi fiscale.
Les collectivités et les EPCI doivent pouvoir instituer un abattement de 30 % sur la valeur locative des lofts dans les terres industrielles, en l’occurrence où il y avait des usines textiles, notamment à Roubaix, terre d’élection de M. Baert et de Guillaume Delbar, maire de cette ville, ainsi que chez moi, à Tourcoing.
Le rétablissement de cet abattement favoriserait la mixité sociale. Il convient de mettre en place le dégrèvement pour cette année 2015, pour 2016 et 2017.
Pour gagner du temps, monsieur le président, je retire mon amendement, en présumant que l’amendement de M. Baert sera adopté comme il l’a été en commission.
L’amendement no 119 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 844 de la commission et 190.
La parole est à M. Dominique Baert, pour les soutenir.
Cet amendement est très important parce qu’il vise à réparer une erreur, à corriger une injustice et à favoriser la mixité sociale.
Comme cela vient d’être dit, j’avais fait adopter dans la loi de finances rectificative pour 2008 un amendement créant un abattement de 30 % de la valeur locative pour les impositions locales des logements créés dans les friches industrielles et commerciales, dans les quartiers en politique de la ville. Mais rien n’a été fait, compte tenu des modes de calcul des valeurs locatives par l’administration fiscale – la taxe d’habitation, pour ne citer qu’elle, aurait risqué de devenir prohibitive.
Pour éviter que des quartiers ne restent en déshérence et pour faire venir de nouveaux habitants, cet article du code général des impôts était très utile, pour des villes comme Roubaix et Tourcoing, cela vient d’être dit, et plus généralement pour les villes qui ont connu de graves crises industrielles. Malheureusement, lors de la redéfinition des critères de la politique de la ville, il a été abrogé pour des raisons techniques, mettant ainsi nombre de contribuables en difficulté. Cela risque de remettre en cause la crédibilité de plusieurs aménagements urbains.
Cet amendement que je présente, adopté par la commission des finances, rétablit l’abattement mais il l’adapte et le simplifie puisque chaque collectivité décidera pour ce qui la concerne. Le texte tient compte de la nouvelle loi sur la politique de la ville. Le principe déclaratif est conservé et il prévoit également le dégrèvement de fait pour 2015 et 2016.
Comme le no 498 n’a aucun lien avec les autres, je répondrai sur chacun d’entre eux bien distinctement.
L’amendement de par Mme Pires Beaune ouvre la possibilité d’avoir un abattement non remboursé par l’État, à la charge des collectivités qui le votent. Il a été rejeté en commission ce matin. Avis défavorable, donc, même si je ne partage pas forcément cet avis. Je redis que les possibilités ouvertes ne sont pas compensées par l’État.
La commission a par ailleurs adopté l’amendement de M. Baert et a déposé l’amendement identique no 844 . Celui de M. Darmanin comportait quant à lui des difficultés rédactionnelles. Mais là encore, aucun remboursement par l’État n’est prévu. Chaque collectivité locale prend ses responsabilités sur ce point.
Avis favorable à l’amendement de Mme Pires Beaune concernant les centres de recherche, sous réserve de la modification d’un petit problème rédactionnel, soit tout de suite, soit dans le cadre de la navette.
Même avis sur les autres amendements concernant les lofts. On revient sur une disposition qui avait été votée : cela peut arriver…
Effectivement, mon amendement n’avait strictement rien à voir avec les autres.
Pour ce qui est de la rédaction, dans le premier paragraphe, je souhaite remplacer la valeur locative « des immeubles mentionnés » par « des bâtiments affectés directement aux opérations mentionnées », le a visant les opérations et non les immeubles.
Cet amendement a été placé en discussion commune parce qu’il réécrit le même article que les autres.
L’amendement no 498 rectifié se lit donc ainsi, au milieu du deuxième alinéa : « instituer un abattement d’un tiers appliqué à la valeur locative des bâtiments affectés directement aux opérations mentionnées au a du II de l’article 244 quater B ».
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement accepté par le Gouvernement ?
L’amendement no 498 rectifié est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 : suite de l’examen des articles non rattachés.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly