La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. (nos 2447, 2498).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de douze heures et vingt-cinq minutes pour le groupe SRC, dont 591 amendements sont en discussion ; treize heures et treize minutes pour le groupe UMP, dont 1 287 amendements sont en discussion ; trois heures et quarante-deux minutes pour le groupe UDI, dont 142 amendements sont en discussion ; deux heures et vingt et une minutes pour le groupe RRDP, dont 68 amendements sont en discussion ; deux heures et onze minutes pour le groupe écologiste, dont 148 amendements sont en discussion ; deux heures et vingt-deux minutes pour le groupe GDR, dont 112 amendements sont en discussion ; quarante-quatre minutes pour les députés non-inscrits.
Ce rappel relatif au bon déroulement de nos travaux se fonde sur l’article 58 alinéa 1er de notre règlement.
Samedi matin, vers minuit dix, j’ai déploré, au nom de mon groupe, les conditions d’examen de ce texte, un examen à marche forcée en commission spéciale, et maintenant dans l’hémicycle. La discussion qui a débuté sur les professions juridiques réglementées, qui nous occupera probablement jusqu’à mercredi, intéresse tout particulièrement les membres de la commission des lois,…
…qui sont directement concernés par la matière dont nous allons débattre, hélas, je le dis une nouvelle fois, sans Mme la garde des sceaux.
Or la commission des lois est convoquée demain, après-midi et soir, mercredi, matin, après-midi et soir, et éventuellement jeudi matin, pour examiner le projet de loi adopté par le Sénat portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit projet de loi NOTRe. Il Vous comprenez bien qu’il est très difficile à un membre de la commission des lois d’être présent à la fois dans l’hémicycle et en commission pour examiner ces deux textes tout à fait essentiels.
Aussi je vous demande, monsieur le président, de faire en sorte que cette question soit examinée demain par la Conférence des présidents, afin que celle-ci puisse arrêter des conditions décentes d’examen de ces deux textes.
La Conférence des présidents sera certainement saisie de ce point demain par vous-même, mais je rendrai également compte au président Bartolone de vos observations.
La parole est à M. Philippe Houillon.
Lors de nos débats en commission spéciale, M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, que nous interrogions régulièrement sur la présence de Mme Taubira, nous avait indiqué qu’elle serait au banc du Gouvernement pour la discussion relative aux professions réglementées.
Peut-être viendra-t-elle ? Si la réponse à cette question est positive, la parole du ministre aura été respectée. Dans le cas contraire, pourquoi ne l’est-elle pas ?
S’agissant de ces rappels au règlement parfaitement fondés, je rappelle, pour clore le propos, que Mme la garde des sceaux était bien présente au début de nos débats.
Par ailleurs, il est habituel que nous siégions dans l’hémicycle pendant que des commissions se réunissent. Ce qui ne l’est pas, c’est que les membres d’une commission saisie au fond participent à la discussion en séance publique en même temps que cette commission se saisit d’un autre texte. Comme d’autres commissions, la commission des affaires économiques, que je préside, se réunira ainsi demain pour examiner le projet de loi NOTRe, dont elle s’est saisie pour avis.
Quant au projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, il a été examiné par une commission spéciale, qui est par nature transversale à l’ensemble des commissions de l’Assemblée. Ce cas de figure s’est déjà produit : le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, par exemple, a vu se réunir simultanément la commission spéciale et d’autres commissions.
Le Parlement manque déjà de temps. Si les réunions des commissions et la discussion des textes en séance publique devaient alterner de semaine en semaine, les lois attendraient longtemps.
Vous noterez, monsieur le président, même si vous en avez certainement conscience, que si ces réunions simultanées sont habituelles, elles ne sont pas pratiques pour nos collègues. Je ne peux que l’admettre.
Vendredi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 324 à l’article 12.
L’absence de madame le ministre de la justice, chargée des professions réglementées, dans cette discussion me déçoit un peu.
J’ai entendu le président Brottes rappeler que Mme Taubira était présente au début de l’examen du texte en commission. Ainsi, comme la comète de Halley, Mme Taubira vient voir l’Assemblée tous les dix jours !
J’espère que nous aurons l’occasion d’apercevoir madame le ministre, qui, en revanche, ne boude pas les plateaux de télévision. Elle montrera ainsi qu’elle s’intéresse à l’avenir des professions dont elle a la charge.
Je remercie toutefois M. le ministre de l’économie de représenter Mme le ministre de la justice, avec le talent qu’on lui connaît, mais également avec certaines limites, étant donné qu’il ne s’agit pas là de son domaine de compétence.
S’agissant de l’amendement, nous considérons que les tarifs des professions réglementées n’ont rien à faire dans le code de commerce. Les professions ainsi visées tantôt s’attachent à la notion d’auxiliaires de justice ou de service public, tantôt réalisent des actes liés à l’autorité publique. En raison de ces subtiles distinctions de fonctions, il est tout à fait déplacé de les rattacher à la sphère marchande, donc à des professions avec lesquelles elles n’entretiennent aucun lien.
C’est parce que nous défendons cette spécificité, parce que nous considérons que le droit n’est pas un produit commercial, qu’il n’est pas un produit comme les autres, que nous ne souhaitons pas que l’Autorité de la concurrence y soit mêlée et que le prix soit la seule variable d’ajustement de la concurrence. En effet, nous considérons également que la mise en concurrence n’est pas toujours synonyme de modernité et de qualité de service public.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’ai déposé avec mes collègues cet amendement, qui vise à supprimer l’article 12.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 736 .
Je regrette que la profession notariale fasse l’objet d’une véritable stigmatisation qui, à mon sens, n’est pas digne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je regrette en particulier les propos tenus par le rapporteur général de la commission spéciale, notre collègue Ferrand, qui semble avoir été un tantinet agacé par les manifestations des notaires et de leurs salariés.
Il me semblait pourtant que la liberté d’expression était largement revendiquée dans notre pays. Pourquoi les notaires et leurs 48 000 salariés devraient-ils se taire ?
Officiers publics et ministériels, les notaires sont délégataires de la puissance de l’État. Ils réalisent des actes authentiques, qui ont une force probante équivalente à celle des décisions de justice. De plus, ils effectuent un grand nombre de consultations gratuites au profit des particuliers, des entreprises et des collectivités territoriales. Toucher aujourd’hui à leurs tarifs sans une étude d’impact préalable n’est pas tout à fait normal.
La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement no 1505 .
L’article 12 instaure de nouveaux principes de fixation et de révision des tarifs réglementés de certaines professions juridiques – administrateurs judiciaires, commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunaux de commerce, huissiers de justice, mandataires judiciaires et notaires. Ces professionnels sont ouverts à l’évolution de leur profession, notamment au développement de la dématérialisation des actes et du recours au numérique, à l’accès à la profession des plus jeunes ou à une meilleure transparence des tarifs.
Malheureusement, le présent projet de loi ne propose pas une évolution de ces professions, mais la mise en cause totale et complète, improvisée, sans aucune concertation ni réflexion préalable sérieuse, d’un modèle juridique et économique ayant fait ses preuves depuis de nombreuses décennies. Il remet en cause un modèle fondé sur la qualité et l’impartialité du service rendu, garant de sécurité juridique pour la société française. Ainsi, un acte immobilier sur 1 100 fait l’objet d’un contentieux en France, contre un sur trois dans les pays anglo-saxons.
Dans ce projet d’affichage, ce texte fourre-tout, bâti pour démontrer sa prétendue volonté de réforme, le Gouvernement n’hésite pas à stigmatiser les membres des professions réglementées, qu’il apparente à des nantis. Ceux-ci sont accusés d’être à l’origine de tous les maux dont souffre notre pays.
Cette démarche stigmatisante s’apparente à une sorte de croisade poujadiste du Gouvernement contre les professions réglementées.
Elle est fondée sur le seul prisme économique et concurrentiel, sans prendre vraiment en compte les conséquences des mesures proposées sur l’économie de ces professions et sur l’économie française dans son ensemble.
En premier lieu, ce projet de loi – et cet article en particulier – introduit de la complexité et de l’insécurité dans l’architecture et la mise en oeuvre des tarifs des professions en cause. L’instauration du corridor tarifaire que nous propose le Gouvernement va à l’encontre des règles qui régissent les tarifs publics et de la mission d’intérêt général confiée aux professions en cause. Un tarif public ne peut être qu’unique, c’est-à-dire non négociable. Il ne peut faire l’objet d’une variabilité, qui serait source d’inégalité des citoyens devant les charges publiques. Au plan déontologique, la négociabilité des tarifs fera entrer ces professions réglementées, et tout particulièrement les notaires, dans une logique concurrentielle et mercantile vis-à-vis des tiers et en interne, sur la base d’une optimisation des rendements.
Ensuite, loin de profiter au consommateur, le corridor tarifaire que le Gouvernement et sa majorité veulent imposer aura des effets contraires à ceux qui sont espérés. Ainsi, aujourd’hui, dans les offices notariaux, la proportionnalité, déjà contrôlée, du tarif, a pour conséquence que les gros dossiers financent les dossiers à perte, qui représentent plus de la moitié des actes. Le système tarifaire actuel permet de garantir un modèle juridique et économique pérenne et de préserver l’accès au droit de tous. Si le tarif devait être plafonné – à la baisse, évidemment – il est à craindre que ces petits dossiers soient délaissés, puisque non rentables et non compensés par d’autres. En déstabilisant le modèle économique des professions réglementées, le Gouvernement et sa majorité prennent donc le risque de provoquer la disparition de plusieurs milliers d’offices concernés, qui constituent un véritable maillage juridique de proximité garantissant un service juridique de qualité pour tous les citoyens.
Les effets potentiels de ce texte sur la rentabilité des offices et, partant, sur l’emploi et l’investissement, seront désastreux, et créeront autant de véritables déserts juridiques sur notre territoire. Les conséquences de la dérégulation subie par le notariat hollandais dans les années 1990 donnent l’exemple frappant des conséquences d’une réforme mal pensée. En France, selon les syndicats des salariés en cause, ce sont 15 000 emplois qui pourraient être menacés dans les offices notariaux par ce projet de loi. Nous avons été informés cette semaine du détail de ces suppressions d’emplois.
Mes chers collègues, le travail accompli par la commission spéciale sur le dispositif des tarifs réglementés n’a rien amélioré. Il a même accru la complexité et l’absence de lisibilité des tarifs, en totale contradiction avec l’objectif affiché par le Gouvernement. Monsieur le ministre, à force de bricolages, de reculs, de compromis bancals, vous avez encore renforcé la complexité de cette usine à gaz. Il serait préférable que vous renonciez complètement à ce dispositif. Si vous ne voulez pas suivre ce chemin, certainement le plus sage, nous défendrons, avec mes collègues du groupe UMP, plusieurs amendements pour réécrire entièrement cet article, supprimer la notion de « rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs » – qui n’a pas de sens juridique et correspond à une vision égalitariste de la société –, supprimer l’alinéa trop complexe relatif à la péréquation nationale – qui va financer ce fonds de péréquation nationale, et sur quelle base sera-t-elle pratiquée ? – et supprimer les corridors tarifaires, dont nous avons cru comprendre qu’ils suscitaient également des interrogations chez les rapporteurs eux-mêmes.
Monsieur le ministre, renoncez à cet article, prenez en compte ces propositions d’amendements, ne prenez pas le risque de détruire un modèle juridique et économique solide et efficace, des milliers d’emplois et, ce faisant, d’une certaine façon, le modèle juridique français !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur les propos que j’ai tenus vendredi soir à minuit et demi, si ce n’est pour dire que je m’attendais à obtenir quelques mots de réponse de votre part.
Cet amendement de notre collègue Abad vise essentiellement à supprimer les nouveaux principes de fixation et de révision des tarifs réglementés de certaines professions juridiques. Je ne peux que soutenir cet amendement de suppression : je vois en effet dans cet article 12 une inquiétante stigmatisation de certaines professions juridiques réglementées par le Gouvernement.
Je ne suis opposé ni à une meilleure lisibilité des tarifs, ni à leur révision régulière, mais, monsieur le ministre, la réforme tarifaire proposée n’est pas satisfaisante. Nous avons notamment insisté sur le fait qu’elle allait ouvrir une guerre des prix, dans laquelle le droit, comme la sécurité juridique, n’ont vraiment rien à gagner.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La simple lecture de cet article 12, tel qu’il a été réécrit par la commission, suffit à prouver que l’objectif avancé de simplification est évidemment loin d’être atteint. La rédaction fait appel à des notions soit imprécises, comme le « coût pertinent » ou la « rémunération raisonnable », soit d’articulation pour le moins difficile, comme le « tarif », le « tarif de référence » ou le « seuil ». Ainsi, le tarif fixé pour chaque prestation en fonction du coût pertinent et de la rémunération raisonnable est fixe ou variable, selon qu’il est égal ou supérieur à un seuil. Dans ce dernier cas intervient la notion de « tarif de référence ». La variabilité du tarif, même réduite à des cas limités, reste pour nous incompatible avec le principe constitutionnel d’égalité des citoyens face au coût des prestations assumées par les professions juridiques réglementées. De fait, le tarif variera – c’est inévitable – en fonction de paramètres étrangers à la prestation elle-même. La mise en place de tarifications différentes est contraire au principe d’égalité devant le service public et le maintien du corridor tarifaire, même limité, remet en cause l’obligation d’instrumenter.
Les exigences d’accès au droit et les missions d’intérêt général, assurées par délégation de l’autorité publique, sont incompatibles avec des tarifs variables selon les professionnels qui les exercent et les territoires où ils sont implantés. Du reste, on ne peut que craindre que la concurrence entre professionnels conduise à une réduction de la masse salariale, avec tout ce que cela peut avoir comme conséquences sur l’emploi. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, qui entraînera, s’il était appliqué, une dégradation de la qualité du service public et de la sécurité juridique.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 2098 .
Nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 12, qui a trait aux professions réglementées, en raison d’un certain nombre de ses dispositions qui nous paraissent discutables, à commencer par le fait qu’il introduit dans le code de commerce une certaine marchandisation du droit. Je reconnais que la rédaction de cet article a évolué en commission spéciale, mais il suscite encore de nombreuses questions. Pour le groupe UDI, la première d’entre elles tient à l’homogénéisation des règles tarifaires, qui apparaît comme une fausse bonne idée. Chaque métier ayant ses propres spécificités, cette homogénéisation risque de mettre à mal un certain nombre de professions juridiques : elle aura des conséquences sur leur fonctionnement et remettra en cause les principes fondamentaux les régissant, à savoir l’égal accès au droit, la qualité juridique et le maillage territorial – je connaissais la lutte contre les déserts médicaux mais, en l’occurrence, il s’agit de la lutte contre les déserts juridiques.
Même si l’on peut se réjouir de l’adoption, en commission, d’une révision quinquennale des tarifs, cet article ne nous paraît pas encore satisfaisant. Tout d’abord, les critères sont encore trop vagues, s’agissant par exemple des « coûts pertinents du service rendu » ou de la « rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs », chacune de ces notions pouvant faire l’objet de plusieurs interprétations. Nous redoutons ainsi que la tarification résulte simplement d’une décision arbitraire, sans raison compréhensible. On peut d’ailleurs se demander ce qu’est une rémunération raisonnable. Cette incertitude risque d’engendrer un nombre incalculable de contentieux.
Ensuite, le corridor tarifaire induit un risque d’inflation. La version initiale instaurait une fourchette comprise entre un minimum et un maximum : les tarifs devaient donc être définis entre un prix plancher et un prix plafond. Il était difficilement envisageable qu’un client puisse négocier les tarifs avec un membre d’une profession juridique, en particulier un notaire. Les personnes les plus en difficulté auraient donc risqué de se voir appliquer le tarif le plus élevé. Aussi était-ce une disposition qui ne nous plaisait guère.
La nouvelle rédaction issue des travaux de la commission ne nous satisfait pas, dans la mesure où elle a remplacé la fourchette par un seuil, ce qui revient quasiment au même. Nous pensions que la première version du corridor tarifaire avait disparu : la voilà qui réapparaît avec cette nouvelle rédaction, complexe, qui risque de produire les mêmes conséquences. En effet, l’instauration d’un tel mécanisme engendrera de la même façon une hausse des prix, qui impactera directement les clients.
Il faut rappeler que 70 % des actes notariés sont effectués à perte et sont financés par les 30 % restants. Actuellement, un petit acte ne coûte pas moins cher à effectuer qu’un gros acte. Le fragile équilibre risque donc d’exploser, sous l’effet de la mise en place de ce corridor instauré au-dessus d’un seuil dont nous ne connaissons d’ailleurs pas encore les modalités de détermination. Nous risquons d’aller vers une libéralisation totale des tarifs qui ne peut que desservir le client. Nous avons déposé un certain nombre d’amendements, qui ont notamment trait à la forfaitisation des actes les plus courants et à la taxation, ce dernier sujet devant faire l’objet d’un travail approfondi. Rappelons en effet que 80 % de ce que l’on nomme les « frais de notaire » sont constitués de taxes.
La péréquation interprofessionnelle nous conduit également à nous interroger. Qui chapeautera le fonds interprofessionnel ? Pourquoi créer un fonds commun à l’ensemble des professions, et non pas un fonds spécifique à chacune d’elles ? Pourquoi cette péréquation finance-t-elle l’aide juridictionnelle et les maisons de la justice et du droit, alors que l’objectif de cette péréquation est de soutenir les offices en danger ?
Le groupe UDI présentera donc des amendements de repli.
Enfin, le contrôle de l’Autorité de la concurrence ne nous paraît absolument pas pertinent, le droit n’étant pas un secteur marchand.
Telles sont les raisons qui nous ont conduits à déposer cet amendement de suppression. J’y reviendrai tout à l’heure lors de la présentation des amendements de repli que nous avons déposés.
Monsieur le ministre, lors de la discussion générale qui a eu lieu au cours de la première réunion de la commission spéciale, je vous avais dit que la partie de votre projet de loi relative aux professions réglementées n’avait pas fait l’objet d’une concertation suffisante avec les intéressés. Vous m’aviez répondu que, s’il y avait un reproche que l’on ne pouvait pas vous faire, c’était bien celui-là. Et pourtant, monsieur le ministre, c’est vraiment ce que chacun de nous a ressenti à travers les auditions que nous avons menées. Cette impression est générale : lorsque les organisations professionnelles ont été reçues par votre ministère, elles ont toutes eu le sentiment que le projet était bouclé et qu’elles ne pourraient pas être entendues, ni même discuter sur le fond.
Pis encore, M. le rapporteur général nous a dit samedi matin que les représentants des professions de mandataires judiciaires, d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs avaient, au cours des auditions, montré leur volonté de voir, en quelque sorte, leur profession évoluer et étaient prêts à accepter ce projet de loi. Je m’interroge sur l’identité des personnes qui ont pu lui dire cela. En tout état de cause, ces propos sont très éloignés de ceux qui nous parviennent des représentants de ces professions.
L’article 12, que cet amendement propose de supprimer, institue entre autres une fourchette tarifaire comprenant un tarif bas et un tarif haut, que les professions réglementées pourront désormais pratiquer. J’ai bien compris, au travers des amendements à venir, que vous alliez revenir sur cette disposition et, finalement, accepter – du moins en partie – ce que vous nous avez refusé en commission spéciale. Cet amendement de M. le rapporteur général et de Mme la rapporteure thématique justifie à lui seul notre demande de suppression de cet article 12.
Je me suis déjà longuement exprimé, lors de la discussion générale relative à votre texte puis à propos de cet article, sur les conséquences qu’aurait une baisse des tarifs sur le fonctionnement des professions réglementées. Monsieur le ministre, votre texte est véritablement contre-productif pour la croissance et l’activité. L’incertitude qu’il fait peser depuis plusieurs mois déjà sur les études notariales comme sur les autres professions réglementées les a conduites à geler leurs recrutements et leur développement, ce qui freine encore plus la reprise de la croissance dans notre pays.
Enfin, monsieur le ministre, je considère l’absence de Mme la ministre de la justice comme méprisante pour la représentation nationale.
Les membres de la commission des affaires sociales devraient quant à eux être, à cette même heure, en train d’examiner le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Nous ne pouvons être à la fois en commission et dans l’hémicycle ; cette situation est profondément regrettable.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous faire part rapidement des réflexions que m’inspirent les échanges de vendredi soir. Cette réforme était nécessaire depuis des dizaines d’années. Dernièrement, en 2008 et en 2009, un projet de réforme avait été proposé, mais il n’a pas été concrétisé.
Ce texte répond donc à un besoin ; mais l’exercice est difficile, et je voudrais nous encourager chaleureusement, les uns et les autres, à nous engager dans la voie du changement.
Non, ce n’est pas sans rapport. Nous vous proposons une nouvelle organisation de ces professions, selon une nouvelle méthode, applicable à l’ensemble des professions juridiques réglementées, mais aussi aux professions judiciaires, au travers de la fixation des prix, de la régulation de la liberté d’installation et d’un mode d’exercice différent de ces métiers.
Ce dispositif doit nous permettre d’entrer dans la justice du vingt et unième siècle sans pour autant détruire le modèle auquel nous sommes tous attachés.
Nous sommes attachés au droit français autant que vous pouvez l’être – lisez ce que nous avons pu écrire, tant Richard Ferrand que moi-même. Nous tenons à la sécurité juridique et nous n’avons pas remis en question l’acte authentique.
Nous sommes attachés aux offices publics ministériels, mais nous le sommes encore plus au maillage territorial – autant que vous, voire davantage. L’une des raisons d’être de cette réforme est justement de conserver sur nos territoires ruraux des professions juridiques dont nous avons bien besoin.
Nous n’en n’avons pas seulement besoin pour eux-mêmes, mais aussi pour les salariés qui y travaillent et la « matière grise » que cela permet de maintenir sur ces territoires.
Vous avez prétendu que nous voudrions créer des déserts juridiques. C’est tout le contraire.
C’est précisément parce que nous ne voulons pas de déserts juridiques que nous vous proposons de conserver notre modèle, en le modernisant.
Vous voyez dans l’intervention de l’Autorité de la concurrence et du ministère de l’économie un risque de marchandisation du droit. Je ne comprends pas ces propos, car le statut des officiers publics ministériels relève toujours du code civil et du code de procédure civile. Je ne vois pas en quoi soumettre à une norme l’ensemble des tarifs des professions réglementées, comme c’est déjà le cas pour ceux des greffiers des tribunaux de commerce – ce qui n’est pas rien – serait une marchandisation du droit.
Pour ce qui est du corridor tarifaire simplifié, que nous espérons prochainement instaurer, nous avons compris que nous ne pouvions pas balayer d’un revers de main un certain gain entrepreneurial. Si la révision des tarifs s’impose, elle s’impose différemment. En permettant à l’Autorité de la concurrence de publier un avis dans un domaine très délicat, et de s’associer ainsi à l’élaboration des arrêtés de révision pris par les ministres de la justice et de l’économie, nous aurons rempli notre devoir.
Enfin, M. Zumkeller n’est pas là, mais je tenais à relever ses observations, très intéressantes. La première concernait la formation. Rien n’a changé en ce domaine : la formation continuera, et il n’y a aucune raison pour qu’il en aille autrement. S’agissant de la financiarisation des dispositifs, notamment au travers de l’article 21, nous en reparlerons, mais nous sommes tous aussi attachés les uns que les autres à ce que cette financiarisation ne se produise pas. Nous y serons en tout cas très vigilants, tant le rapporteur général que moi-même et mes collègues ici présents.
Enfin, nous sommes là pour purger le système de ses archaïsmes et permettre à une profession de survivre.
Revenons-en à l’article 12. La dispersion normative était telle que nous avons proposé un nouveau dispositif, en y intégrant l’Autorité de la concurrence, mais en permettant aussi qu’une discussion soit menée avec les professionnels et les associations de consommateurs. Un véritable travail de clarification s’impose à nous. Nous avons tous entendu que les tarifs étaient devenus d’une telle opacité que les notaires étaient contraints d’entrer les données pour savoir combien cela allait coûter à l’usager du droit. Ce dispositif vous convient peut-être, mais pas à moi.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Enfin, notre dispositif tient compte des réalités, avec la possibilité d’une péréquation et de tarifs proportionnels. Nous sommes attachés, tout autant que vous, à la viabilité des études et des offices, en particulier sur les territoires ruraux.
Nous souhaitons également renforcer la transparence. Un chèque, qu’il soit établi à l’ordre du notaire ou du banquier, reste un chèque. L’usager se moque de savoir s’il s’agit d’un chèque civil ou d’un chèque commerçant.
Enfin, la péréquation nationale est toujours possible. Un premier équilibre naîtra d’une péréquation au sein même de l’étude, mais la péréquation nationale sera rendue possible, de même qu’une péréquation interprofessionnelle, car la solidarité entre les professions juridiques réglementées n’est pas un vain mot.
Il me paraît intéressant de se poser la question de la justesse des remises : doit-on les réserver à des achats importants, ou au contraire les destiner aux classes moyennes et aux primo-accédants ?
Telles sont les observations que je voulais faire en première analyse. Avis défavorable, bien évidemment, à ces amendements de suppression de l’article.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.
Pour répondre à M. Houillon et à M. Dolez, je vous confirme que la garde des sceaux était présente lors de la discussion générale, comme le Gouvernement s’y était engagé, mais que le Premier ministre a décidé que je porterais sur cette partie du texte, comme je l’ai fait pour le permis de conduire, qui relevait du ministre de l’intérieur, les arbitrages pris sur le plan interministériel, avec la loyauté qui est la mienne à l’égard des décisions arbitrées par le Premier ministre.
J’en viens aux différents points que vous avez soulevés, tant dans la discussion sur l’article qu’à l’occasion de la défense des amendements de suppression, auxquels je répondrai sans être trop long. Resituons d’abord l’ambition de ces articles et de cette réforme. Il ne s’agit pas de revenir sur la sécurité juridique de notre système, et encore moins sur ce qui constitue son fondement. Nous parlons de la tarification des actes, non de leur nature ni de ce qu’ils peuvent recouvrir. Il est donc important de ne pas laisser croire à ceux qui nous écoutent, car ce débat est suivi, que nous remettrions en cause ce qui fonde le droit continental français.
Comme l’évoquait Mme la rapporteure, la loi du 28 mars 2011, en créant l’acte d’avocat, remettait bien davantage en cause l’essence même de l’acte authentique que les dispositions de ce texte. Restons sérieux.
Nous parlons de tarifs, pas de la sécurité juridique des actes.
Par ailleurs, jamais vous ne m’avez entendu stigmatiser telle ou telle profession. Ce débat a suscité une émotion trop vive. Notre travail consiste à moderniser une partie du fonctionnement de ces professions réglementées – et c’est normal. Ce n’est pas parce qu’un tarif est réglementé qu’il ne doit pas s’appuyer sur des bases transparentes. Là est toute l’ambition de ce projet de loi. Un tarif réglementé ne doit pas être un tarif opaque. C’est le seul point que nous entendons aborder ici.
Il ne s’agit pas pour autant de stigmatiser des professionnels du droit, qui sont des respectables, accomplissent un travail important pour la sécurité juridique, comme vous avez été plusieurs à le rappeler, et qui sont appréciés de nos concitoyens. Pas de stigmatisation, mais pas davantage de comparaison inappropriée. La réforme hollandaise….
...souvent citée en référence par le Conseil supérieur du notariat – j’ai lu comme vous les éléments de langage diffusés par les professionnels – n’a rien à voir avec celle-ci. C’était une réforme d’ouverture complète des tarifs et de déréglementation des tarifs. Ce n’est pas ce que nous proposons. Cette réforme n’est une réforme de déréglementation des tarifs des notaires, des huissiers, des commissaires-priseurs judiciaires. Toutes ces professions sont aussi importantes les unes que les autres. Comparaison n’est pas raison, surtout quand cela n’a rien à voir.
Par ailleurs, plusieurs d’entre vous ont évoqué les chiffres de suppression d’emplois. Les études d’impact ont soulevé une certaine émotion. Je peux le comprendre, car j’ai moi-même demandé des évaluations objectives. En revanche, je n’accepte pas comme argument des chiffres que, d’une manière scandaleuse, certains professionnels ont pu mettre en avant, sans aucun fondement, sans aucune preuve et sans aucun sérieux.
Prétendre que cette réforme de la libre installation et des tarifs conduira à la suppression de plusieurs dizaines de milliers d’emplois ne vise qu’un objectif, celui d’agiter les peurs des salariés et des plus fragiles qui travaillent dans ces offices. Ce n’est pas à la hauteur du débat ; c’est même presque inquiétant de la part d’officiers publics ministériels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
On ne peut pas en même temps demander à être traité avec dignité, ce qui est légitime, et se comporter de la sorte. Je nous invite collectivement à prendre beaucoup de distance par rapport à ces chiffres, car certains de ces professionnels ne sont pas sérieux. Et je ne fais même pas référence aux menaces de mort que j’ai reçues de la part de certains officiers publics ministériels, et contre lesquelles j’ai porté plainte.
Il faut conserver son sang-froid et rester sérieux. Je n’accepte pas ces procédés, et je veux le dire solennellement aux salariés qui ont pu prendre pour eux les missives envoyées par certains notaires à leurs députés, consistant parfois à leur demander de cocher des noms. Ce n’est pas à la hauteur du débat, et cela ne relève en rien de la réalité de cette réforme.
Revenons à l’article 12 et aux tarifs. Nous proposons une méthode qui permettra d’assurer la transparence dans la formation des tarifs réglementés. En effet, c’est encore le régime de la loi de mars 1944 qui s’applique. Vous avez raison, ces dispositions ne figurent pas dans le code de commerce – ni, d’ailleurs, dans aucun code – alors même que les tarifs pratiqués par de nombreuses professions figurent aujourd’hui dans le code de commerce – dont certaines professions juridiques réglementées, celles qui ont été codifiées, et d’autres professions qui relèvent d’aménagements et de régulations sectoriels. Il ne faut donc pas voir dans la codification des règles de transparence desdits tarifs, par une forme de simplisme ou d’esprit réflexe, une sorte de marchandisation. Nous sortons simplement de la loi de mars 1944, qui ne contient pas d’éléments tarifaires.
Nous l’avons constaté avec Christiane Taubira, que vous interrogiez les professionnels ou les services de l’État, personne ne vous dit sur quelle base ces tarifs sont formés. Nous avons des tarifs réglementés, mais nous n’avons pas d’éléments objectifs pour les former.
Vous considérez que les éléments qui figurent dans la loi, laquelle renvoie à un décret, ne sont pas satisfaisants. Or, les notions de coûts pertinents et de rémunération raisonnable sont bien connues de notre système juridique. Nous les appliquons en droit interne dans beaucoup de systèmes régulés où nous avons des tarifs réglementés – l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – ARCEP – les applique, et la plupart des services d’intérêt général y font référence. Elles consistent simplement à étudier les tarifs à la lumière des coûts réels d’une part et des investissements réalisés par les professionnels d’autre part. C’est cela la notion de rémunération raisonnable.
Nous construisons dans la loi l’architecture juridique qui donnera la transparence à la formation de ces tarifs, lesquels sont ensuite renvoyés à une mécanique qui permettra à la transparence de jouer pleinement.
En somme, vous allez chercher bien loin vos arguments en dramatisant la situation au-delà de ce qui est raisonnable. En effet, nous créons une mécanique claire, en renforçons la transparence et l’inscrivons dans un code dont il est normal qu’il comporte des tarifs, sans pour autant qu’il entache en rien le fond même de ces actes qui, à l’évidence, demeurent constitutifs de la sécurité juridique de nos concitoyens.
Encore une fois, personne parmi les professionnels et les différents services compétents que nous avons interrogés n’a su nous fournir une réponse satisfaisante concernant les règles actuellement en vigueur. De ce point de vue, le projet de loi est un progrès, car il apporte des éléments de transparence qui, aujourd’hui, n’existent pas, et qui garantissent la rémunération des professionnels à la lumière des coûts réels.
J’en viens au double sujet de la péréquation. Soyons sérieux tous ensemble : on argue du fait que certains actes sont effectués à perte, voire que certains actes de conseil ne sont pas rémunérés…
... tandis que d’autres dégagent des marges. C’est parfaitement exact, et ce texte ne changera rien au fait que le conseil des officiers publics ministériels pourra demeurer gracieux, et que d’autres actes se trouveront sur le seuil de la marge et y resteront, puisque nous préservons le principe de proportionnalité – mais cela se fera en toute transparence.
Quant au principe de péréquation, de quoi s’agit-il au fond ?
La péréquation peut exister au sein d’un même cabinet, qui effectue certains actes à perte ou ne générant qu’une marge minime, et d’autres plus profitables – parfois avec le même concitoyen qu’il continue d’accompagner. En règle générale, néanmoins, la péréquation macro-économique dont nous parlent les professionnels n’existe pas, sauf à ce que vous prétendiez que le notaire des beaux quartiers parisiens reverse une somme au notaire de Lozère – mais personne à ce jour n’a su le prouver, et pour cause : cela n’existe pas !
Ce serait en effet une péréquation professionnelle, mais elle ne me semble pas exister aujourd’hui.
Il existe en effet de petits offices notariaux qui réalisent de nombreux actes faiblement rémunérateurs, et d’autres notaires qui génèrent des marges nettement supérieures non pas sur des actes authentiques, mais bien souvent grâce à leurs activités de conseil – ce dont il faut se réjouir pour le notariat.
Dès lors, la péréquation correspond aujourd’hui – pardonnez le terme brusque que je vais employer – à une forme d’opacité.
Si : il s’agit d’une opacité qui se légitime elle-même. Or, parce qu’une forme de péréquation existe, nous dit-on, il faudrait ne pas examiner les tarifs.
Je crois au contraire qu’il faut préserver la péréquation – nous y reviendrons – mais que celle-ci doit reposer sur la transparence des prix. Qui peut légitimement s’opposer à la transparence des prix réglementés ? Personne, car c’est une mesure de justice.
La péréquation proposée dans ce texte à l’initiative de la commission spéciale se fait au sein même des professions et entre elles. Il me semble qu’il s’agit là d’un véritable apport, puisque l’ensemble des professionnels sera mis à contribution. À cet égard, j’entends beaucoup parler d’une profession en particulier, mais le texte couvre toutes les professions réglementées !
Il est donc proposé de définir le principe de péréquation et ses modalités par décret, à l’issue d’une réelle concertation, l’idée étant de créer des éléments de rééquilibrage – à définir – au sein des professions et entre elles. Ainsi, nous pourrons aller jusqu’au bout de la logique de ce qui constitue le service public et l’égal accès au droit – et nous allons débattre de plusieurs amendements très importants qui permettront d’enrichir le bon fonctionnement de ce fonds de péréquation.
Votre raisonnement, en effet, possède – pardonnez-moi de vous le dire – un angle mort : on ne saurait d’une part, la main sur le coeur, se dire officier public ministériel, et considérer d’autre part qu’il appartient à ces officiers de déterminer toutes les modalités de régulation et de tarification qui s’appliquent à leur profession ! (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.) C’est pourtant la réalité du monde dans lequel nous vivons !
Si, vous le savez bien, à moins que vous ne craigniez la transparence et l’objectivité.
En effet, pour rendre le dispositif objectif, ce texte vise à ce que les officiers publics ministériels participent selon des règles définies au bon financement du service public et de l’égal accès au droit. Telle est la philosophie de ce projet de loi.
Je conclurai par la question du corridor tarifaire, en plaidant coupable, en quelque sorte, puisque j’ai moi-même introduit cette subtilité dans le texte lors du premier échange que nous avons eu en commission spéciale. Je m’exprimerai en toute transparence, car si je parle avec conviction de ce en quoi je crois, je suis tout aussi lucide lorsque je me trompe.
Sourires.
J’ai souhaité instaurer ce corridor pour permettre à de jeunes professionnels de s’installer. En toute franchise, chacun connaît les difficultés qu’éprouvent sur le terrain les jeunes professionnels pour s’installer, quel que soit leur secteur d’activité, car ceux qui exercent déjà leur font la pire des vies.
L’âme humaine est ainsi faite, et nous ne légiférons pas sur l’âme humaine. Quoi qu’il en soit, l’installation est difficile.
Envisageant le problème sous l’angle de l’offre, je pensais qu’avec quelque latitude, les jeunes professionnels tout juste installés pourraient introduire une dose de concurrence en baissant les prix sur certains actes par rapport à leurs collègues.
Cependant, je n’avais pas alors tenu compte de l’effet pervers que cette mesure pouvait entraîner du côté de la demande. Certains, en effet, auraient été en mesure de négocier le corridor par le bas et d’autres non, ce qui aurait suscité de nombreux effets pervers en matière d’égal accès au droit.
En commission spéciale, les rapporteurs ont fait pression et voulaient même aller plus loin pour améliorer le système, mais j’ai résisté. Ma résistance a débouché sur la création d’un système compliqué.
Il faut être lucide sur soi-même. Nous y viendrons plus tard, mais la remise qui, aujourd’hui, existe partout en pratique et dont personne ne se demande comment elle fonctionne…
... alors qu’elle porte sur des tarifs opaques, ne poserait pas problème et protégerait l’égal accès au droit ? Au contraire, ce projet de loi instaure la transparence des tarifs et celle de la remise, car c’est une mesure juste, une mesure de progrès ! En contrepartie, je proposerai de revenir sur le corridor tarifaire, qui est un élément de complexité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
En tout état de cause, la transparence sur les tarifs et sur les remises constitue une véritable avancée, que j’assume de bout en bout ! Que l’on vienne mettre cela en cause : cela, ce serait être rétrograde !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Vous nous avez livré un beau discours, monsieur le ministre, arguant que les tarifs réglementés ne doivent pas être opaques et qu’il faut davantage de transparence. Comme tout bon citoyen, j’ai fait une recherche sur internet concernant les tarifs des notaires : j’ai été orienté vers le site officiel de l’administration française qui détaille ces tarifs en toute clarté.
Tous les tarifs y figurent, qu’il s’agisse d’une donation acceptée ou refusée, d’un testament, ou de tout autre acte. Compte tenu de l’existence de ces informations, je ne comprends pas vos propos : pourquoi vouloir mettre en cause l’honnêteté des notaires ?
Nous prônons quant à nous le rejet de ces amendements de suppression. En premier lieu, nous sommes tous d’accord sur le fait qu’en 2015, les tarifs des professions juridiques réglementées sont inadaptés, obsolètes, opaques et complexes, illisibles, difficiles à décortiquer et sans lien avec la réalité ou avec la complexité des actes réalisés. Dans toutes ces professions, il faut dépoussiérer cette matière.
Le précédent intervenant a évoqué ce que l’on appelle communément les frais de notaire. Il n’est évidemment pas question de mettre en cause l’honnêteté des notaires. Cependant, comment voulez-vous que nos concitoyens s’y retrouvent ? Certains droits sont dus au Trésor public, tout d’abord. Ensuite, qui peut savoir, sans s’être renseigné auprès de professionnels, ce que sont des débours ? Il s’agit de sommes avancées à des tiers, qu’il faut rembourser. Et qu’en est-il des émoluments ? Vous constaterez sur les sites d’information qu’il existe des émoluments – autrement dit des honoraires – proportionnels, d’autres fixes et des honoraires libres. En clair, les « frais de notaire », aujourd’hui, manquent totalement de transparence.
Il est vrai qu’il existe d’un côté une attente parfaitement légitime de la part des usagers du droit, qui doit être prise en compte, mais il existe aussi – et surtout – une demande de transparence et une prise de conscience de la part de la très grande majorité des professionnels que nous avons entendus. Et pour cause : l’opacité peut entraîner une suspicion, d’ailleurs illégitime, à laquelle il nous faut justement répondre, comme M. le ministre vient de le faire aujourd’hui.
L’article 12 comporte deux points qui constituent une avancée majeure. Tout d’abord, obligation est enfin faite aux professionnels d’afficher leurs tarifs dans leur lieu d’exercice et sur les sites internet. Ensuite, il comporte un mécanisme extraordinairement innovant, mis en place par Mme la rapporteure thématique et adopté par la commission spéciale avec l’avis favorable de M. le ministre. Cette très belle réforme consiste à créer un fonds de péréquation et de rééquilibrage infraprofessionnel et intraprofessionnel, non seulement pour la profession de notaire – ce qui est tout à fait novateur – mais aussi pour l’ensemble des professions réglementées. C’est une mesure de justice sociale : les actes les plus rémunérateurs – qui ne sont pas toujours les plus compliqués – permettront de donner corps à cette fameuse solidarité.
Ce dispositif financera l’accès au droit et, pour partie, l’aide juridictionnelle et les maisons du droit. Autrement dit, il permettra à ceux qui ne vont pas souvent, voire presque jamais chez le notaire d’exercer leurs droits fondamentaux.
Pour conclure, je voudrais apporter tout mon soutien et celui de l’ensemble du groupe socialiste à M. le ministre pour la franchise et l’honnêteté intellectuelle qui ont caractérisé son propos, et qui sont tout à son honneur. C’est une nouvelle manière de faire de la politique, qui nous rend fiers, monsieur le ministre, de pouvoir vous accompagner dans vos explications. Je tiens également à apporter tout le soutien de notre groupe à Mme Untermaier, rapporteure thématique, et à M. Ferrand, rapporteur général, face aux attaques ignominieuses, aux menaces et aux critiques qu’ils ont subies, qui sont inadmissibles. Nous avons tous fait l’objet d’attaques à caractère très inhabituel, et je ne recommanderai pas l’agence de lobbying qui a préparé les fameux kits : trop de lobbying tue le lobbying !
Nous avons atteint là des limites extrêmes. J’avoue m’être sentie comme un article de porcelaine dans un magasin envahi par les éléphants…
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous nous demandons pourquoi, monsieur le ministre, vous vous en prenez à cette profession de notaire…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Il va de soi que toutes les professions doivent évoluer, car elles ont toutes leurs défauts. Il faut vivre avec son temps.
Cela étant, en quoi ces mesures servent-elles la croissance et l’activité dans notre pays ? Vous n’avez pas chiffré le dispositif. Vous avez prétendu tout à l’heure que ce que disent les notaires est complètement faux. Je n’ai pas les éléments me permettant de le confirmer ou de l’infirmer, mais il doit, comme toujours, y avoir une part de vérité dans leurs propos, et leur inquiétude concernant les salariés est très forte.
Quoi qu’il en soit, je n’ai pas de raisons de considérer que les quelques chiffres de Bercy sont plus exacts que ceux que fournissent les notaires.
De ce point de vue, l’indigence de l’étude d’impact a été cruellement dénoncée – et nous en avons longuement parlé en commission spéciale.
Cette réforme suscite la crainte légitime des salariés, des notaires et des clercs de notaires. Il n’y avait donc ni urgence ni nécessité absolue de la mener ; nous sommes là hors du sujet, qui est celui de la croissance.
Vous nous dites que les tarifs doivent être plus transparents. En réalité, c’est la fiscalité qui doit l’être ! On nous parle des frais de notaires, mais ceux-ci représentent aux yeux du public un ensemble fait de beaucoup de fiscalité et d’un peu d’honoraires. Avant de commencer à clarifier les tarifs, qui ne sont d’ailleurs pas si compliqués puisqu’il suffit de les consulter sur internet, nous aurions dû saisir l’occasion pour simplifier la fiscalité des actes, car c’est elle qui est compliquée ! Hélas, ce n’est pas le cas.
D’autre part, vous vous défendez de toute stigmatisation, mais elle est bien réelle. Il est donc naturel qu’une profession se défende.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Certaines le font en descendant dans la rue : vous ne les stigmatisez pas ! Encore une fois, lorsqu’une profession exerce sérieusement son métier, il est normal qu’elle se défende.
J’en viens à la notion fameuse de simplification. Croyez-vous vraiment que la simplification peut prendre la forme de corridors tarifaires et de fonds de péréquation ? Je n’en suis pas sûr ; cela ressemble bien davantage à une entreprise de complexification.
Enfin, personne ici ne souhaite fragiliser la sécurité juridique, mais force est de constater que l’on fragilise la profession garante de la sécurité juridique de la plupart des actes qui jalonnent la vie civile et commerciale d’un citoyen français. D’une certaine manière, vous allez donc participer à l’insécurité juridique.
Par ailleurs, vous vous attaquez à la liberté d’installation, mais cela aura certainement un coût. Combien tout cela va-t-il coûter ?
Tout cela est très éloigné des réalités et des véritables sujets qui engorgent notre économie et empêchent notre pays d’être compétitif. Je regrette que nous passions autant de temps à parler de ces professions qui, certes, doivent évoluer, mais pas de la façon que vous proposez.
Si une profession doit évoluer sur le plan des dépenses publiques, c’est la fonction publique, qui représente à elle seule 45 % des dépenses publiques !
Le statut de la fonction publique immobilise notre pays. En outre, il empêche les fonctionnaires d’être bien rémunérés et de percevoir la juste rémunération correspondant à la responsabilité qu’ils occupent. En vous emparant de ce dossier, vous auriez fait oeuvre utile pour notre pays.
Votre loi n’est ni héroïque ni historique, elle est juste à côté de la plaque.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Cet article porte une attaque sans précédent contre les professions juridiques réglementées. C’est par le biais du tarif que vous aurez leur peau et que vous allez créer des déserts juridiques sur l’ensemble de notre territoire.
C’est par le biais du tarif que vous allez mettre fin au conseil juridique gratuit que les professions réglementées, dont les avocats dispensent sur le terrain à nos concitoyens – le pro bono.
Cet article illustre parfaitement le problème fondamental posé par le texte s’agissant des professions juridiques réglementées : il s’agit d’un choc des cultures, entre la culture économique pure, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et la culture juridique de droit continental, que vous semblez découvrir.
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
En faisant intervenir l’Autorité de la concurrence, vous méconnaissez de manière fondamentale la nature même de la matière juridique, qui est civile et non commerciale, sauf à vouloir en faire une marchandise comme les autres, ce qui procède de ce que j’avais appelé en commission l’« anglo-saxonisation » de notre droit.
C’est donc l’Autorité de la concurrence qui fixera les tarifs, en fonction des coûts pertinents du service rendu et d’une rémunération raisonnable…
…dont vous précisez qu’elle est « définie sur la base de critères objectifs ». En la matière, les « coûts pertinents » sont tout sauf objectifs ! Il existe des actes complexes et des actes simples, et la législation évolue et se complexifie tous les jours, en partie à cause de nous, mes chers collègues, et en partie à cause de l’administration.
Qu’est-ce qu’une rémunération raisonnable ? Sur quelle base sera-t-elle établie, selon quels critères et quels comparatifs ? Sera-t-elle comparée à la rémunération du président de l’Autorité de la concurrence, à celle d’un banquier d’affaires ou à celle d’un ministre ? Vous êtes là dans l’aberration la plus totale.
Dans un amendement que nous examinerons plus loin, nous vous proposerons de revenir à un système beaucoup plus logique, qui consiste à confier ce dossier à la garde des sceaux, qui connaît bien ces professions et dont je souligne l’absence criante.
Monsieur le ministre, nous dire en commission que la garde des sceaux participerait aux débats alors qu’elle n’est apparue que quelques instants pour faire un discours lors de la discussion générale relève de la malhonnêteté intellectuelle !
Vous nous rappelez que notre majorité, durant la législature précédente, avait créé l’acte contresigné. C’est vrai – je m’étais d’ailleurs moi-même opposé à ce texte. Mais tout de même, monsieur le ministre ! Vous connaissez peut-être cette locution latine bien connue des juristes : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans – Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. J’étais membre de la commission Darrois, dont vous étiez le rapporteur. C’est vous qui avez écrit les dispositions relatives à l’acte contresigné par l’avocat. Comment pouvez-vous nous reprocher d’avoir voté un dispositif que vous avez vous-même rédigé ?
Vous affirmez par ailleurs que vous n’avez jamais directement remis en cause ces professions. Mais vous êtes beaucoup plus fin que cela, monsieur le ministre ! Lorsque vous parlez de supprimer les rentes, vous ne visez personne, bien sûr, mais nous savons à qui vous pensez. Vous avez envoyé vos chevau-légers attaquer ces professions, et ce que je peux vous dire, c’est qu’ils ont parfois été lourds.
Vous voulez établir un tarif en fonction des investissements. Mais pour les professions juridiques réglementées, les investissements mobiliers sont très faibles – il suffit d’un ordinateur et de quelques livres de droit. Le véritable investissement est intellectuel. Comment allez-vous évaluer les véritables investissements de ces professions pour fixer les tarifs ?
Vous expliquez que les tarifs sont opaques. Mon collègue vient pourtant d’expliquer qu’on pouvait facilement en obtenir une copie sur un site gouvernemental. Plutôt que de les remettre fondamentalement en cause, il vous suffisait d’inviter les professionnels à imposer, comme une grande majorité d’entre eux le font déjà, une taxe prévisionnelle à l’ensemble de leurs clients. Rendre cette taxe prévisionnelle obligatoire éliminerait toute opacité : avant même que le premier mot d’un acte soit rédigé, nos concitoyens sauraient exactement quelle somme ils auront à payer.
Vous avez évoqué des menaces. Je les regrette, monsieur le ministre.
Toutes les menaces adressées aux élus, quels qu’ils soient, à raison de leurs fonctions, sont indignes. Mais lorsque nous avons engagé l’indispensable réforme des retraites de nos concitoyens, que n’avons-nous pas entendu ? Combien de pétitions, de lettres d’insultes avons-nous reçues sur nos boîtes mails ?
J’ai moi-même reçu des menaces de mort. Je ne vous ai pourtant pas entendus nous soutenir lorsque nous avons reçu des milliers, voire des dizaines de milliers de courriels de la part de personnes qui étaient opposées à ce texte !
Monsieur le ministre, il y a dans vos déclarations deux poids et deux mesures. Je vous demande de revenir à de meilleurs sentiments vis-à-vis de ces professionnels, qui se sentent en danger. Et lorsqu’une profession se sent en danger, elle fait tout pour essayer de se sauver, y compris des opérations de lobbying et d’explication. Ne les prenez pas comme des menaces !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
J’ai bien entendu votre réponse, monsieur le ministre. Ce qui m’a frappé, ce sont les paradoxes qui émaillent votre argumentaire.
Vous nous dites qu’il ne faut pas stigmatiser les professions réglementées, mais, quelques minutes plus tard, vous vous attaquez au lobbying des notaires, en ajoutant que leur conduite n’est pas acceptable. Vous déclarez ensuite que leurs tarifs sont opaques, ce qui sous-entend qu’il se passe peut-être des choses difficiles à évaluer. Et vous terminez en disant qu’il n’est pas question de les laisser s’auto-réguler, contestant par là même leur honnêteté.
Il me semble paradoxal de dire d’un côté qu’on ne stigmatise pas, et, de l’autre, de multiplier les arguments qui montrent que vous les avez « dans le collimateur ».
L’autre paradoxe est d’ordre économique, ce que, pour ma part, je comprends pas. Si le garde des sceaux était parmi nous et tenait un mauvais raisonnement économique, je pourrais le comprendre, puisqu’elle est compétente dans le domaine du droit ; mais vous, en tant que ministre de l’économie, vous êtes notre Fouquet, notre super-intendant…
C’est vrai… Je ne comprends pas votre raisonnement sur le plan économique.
D’un côté, vous nous expliquez que vous allez créer de la croissance et pour cela baisser les tarifs. Expliquez-moi comment la baisse du chiffre d’affaires d’un office ne se répercutera pas, d’une façon ou d’une autre, sur la masse salariale !
Si vous baissez le chiffre d’affaires d’un office notarial, sur quel poste devra-t-il rogner pour conserver son personnel ?
Nous avons en effet reçu des simulations, mais, même si je défends les professions réglementées, j’ai considéré, comme mes collègues de la majorité, que ces courriers faisaient du « rentre-dedans », voire qu’ils étaient agressifs. Il ne tenait pourtant qu’à Bercy de faire une simulation et une étude d’impact pour pouvoir confronter les chiffres du ministère et ceux avancés par les notaires. Mais nous avons d’un côté l’étude d’impact réalisée par les notaires, et de l’autre, aucune étude sérieuse. Je veux bien entendre que les chiffres cités sont faux, mais permettez-moi vous poser une question économique de base : si je réduis votre chiffre d’affaires, comment pouvez-vous garantir que vous conserverez le même nombre d’employés ?
J’ai bien compris qu’un nouvel élément de langage avait surgi dans la discussion : si on nous parlait jusqu’ici de croissance et d’activité, le maître mot est aujourd’hui la transparence.
Cette transparence, vous l’avez faite avec une certaine sincérité, puisque vous avez reconnu votre erreur. Or « faute avouée est à moitié pardonnée ». Il ne vous reste plus qu’à balayer ce qui reste de scories dans les professions réglementées, et nous serons d’accord avec vous – peut-être même trouverez-vous des parlementaires de l’UMP pour voter votre projet de loi dans un esprit consensuel.
En attendant cette transparence, si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous ne souhaitez plus toucher au tarif, puisque vous supprimez le corridor et labellisez une ristourne qui existait déjà en la rendant transparente. Soit : qui peut s’opposer à la transparence ? Mais faites tout de même attention à la manifestation de cette transparence. Je ne pense d’ailleurs pas que toute transparence soit nécessairement un progrès. Les hommes politiques adorent la transparence, soit – mais n’oublions pas qu’elle est aussi le début du voyeurisme.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
C’est une différence d’appréciation avec les Saint-Just au petit pied !
Concernant la notion d’investissement, je partage ce qui a été dit par mon collègue Huyghe. Vous voulez calculer le tarif en fonction des investissements engagés, mais les professions intellectuelles ont besoin de très peu d’investissements matériels. Ceux-ci ne sont pas un poste important, contrairement aux taxes ou aux charges de l’État.
Vous dites que le conseil restera gracieux. Pas du tout ! Vous savez très bien que si l’on touche à leur équilibre économique, les notaires se rattraperont où ils pourront en faisant payer ce qu’ils ne faisaient pas payer auparavant.
Enfin, votre argument concernant la péréquation est paradoxal. Selon vous, il n’y aurait pas aujourd’hui de péréquation entre les plus riches et les plus pauvres. Dont acte. Vous proposez de la remplacer par une péréquation interprofessionnelle qui financera l’aide juridictionnelle et les maisons de justice et du droit. Citez-moi un domaine économique dans lequel on dit aux gens qu’au titre de la péréquation, on va leur prendre une partie de leur revenu pour régler des dépenses qui n’ont rien à voir avec leur activité. Cela ne s’appelle pas une péréquation, mais une taxe ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Pardonnez-moi, mais le rapport entre l’aide juridictionnelle et les notaires est assez ténu. Et je ne vois pas pourquoi, parce que l’État refuse d’investir un kopeck pour des dispositions qu’il a fait voter en sachant pertinemment qu’il ne peut les financer, on fait payer les acteurs du droit pour financer des missions de service public qu’il ne veut plus assurer.
À un moment donné, il faut arrêter ! Peut-être subsiste-t-il des phénomènes d’opacité, mais les avocats nous confient que l’aide juridictionnelle, ils la paient de leur poche. Ce sont des affaires non rentables, et ils l’assument. Mais aujourd’hui, vous voulez faire payer les notaires pour financer l’aide juridictionnelle et les maisons du droit. Il faut savoir raison garder. Faire de la péréquation entre les plus riches et les plus pauvres, soit ; mais le Président de la République a annoncé qu’il n’y aurait pas de nouvelles taxes en 2015. Il faut donc supprimer cette péréquation, qui n’est autre qu’une taxe qui ne dit pas son nom, une taxe honteuse !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale.
J’ai bien noté que certains de nos collègues peinaient à transférer l’affection qu’ils portent à Mme Taubira sur M. Macron. Nous lui dirons naturellement à quel point elle vous manque…
…mais je ne suis pas certain que vous lui manquiez.
J’en reviens à ce qui nous préoccupe. Nous émettons naturellement un avis défavorable à l’ensemble des amendements de suppression de l’article. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant…
Aux termes de cet article 12, un certain nombre d’actes relèveront d’un tarif fixe, comme c’est le cas actuellement, qui fera l’objet d’un rebasage afin de le rendre plus proche des coûts réels ; par ailleurs, des tarifs proportionnels seront conservés et un système de remise sera introduit. Il deviendra le corridor tarifaire simplifié…
…comme nous l’avions proposé en commission. Vous avez d’ailleurs eu l’honnêteté de reconnaître, monsieur le ministre, qu’après réflexion vous donniez raison à la proposition que nous avions formulée, Cécile Untermaier et moi-même.
Enfin, pour les transactions dépassant un certain plancher, un système d’écrêtement sera mis en place afin d’abonder un fonds interprofessionnel de péréquation. Voilà en quoi consiste l’article 12 ! À force de digressions, j’ai peur que nous finissions par nous y perdre ! Quel est le but ? Nullement, comme nous avons pu l’entendre, la destruction d’un modèle ! C’est justement pour le sauver qu’il faut le moderniser !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Le discours de plusieurs orateurs ressortit finalement à la définition la plus limpide du conservatisme : en l’absence d’urgence, il ne faut rien faire !
Brouhaha sur les bancs du groupe UMP.
Nous considérons pour notre part qu’il faut anticiper, moderniser et adapter un certain nombre de métiers. Le conservatisme consiste à ne jamais rien changer et laisser perdurer des systèmes atteignant leurs limites ! Garantir le caractère réglementé d’un certain nombre de tarifs, les réviser tous les cinq ans et permettre des remises encadrées en lieu et place du corridor initial, ce n’est pas casser un modèle, en vérité, mais le consacrer ! Il ne s’agit pas de savoir si la réforme est héroïque ou historique ! Il n’y aucune vanité dans ce travail, mais simplement la volonté d’être utile et de servir notre modèle juridique !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Vous m’excuserez, monsieur le rapporteur, de faire une digression supplémentaire. Mes collègues ont évoqué beaucoup de conséquences néfastes. Dont acte ! Je ne peux qu’acquiescer à tout ce qui a été dit pour l’instant. Par ailleurs, j’insiste une nouvelle fois sur une conséquence qui vous a peut-être échappé, monsieur le ministre. Et si d’aventure les professions juridiques boycottaient le partenariat historique des notaires et des professions juridiques en général avec la Caisse des dépôts et consignations ?
Je rappelle que la Caisse des dépôts et consignations gère les fonds de tiers, dont ceux des notaires et des professions juridiques en règle générale, qui constituent pour elle une ressource stable. Et si ces 30 milliards d’euros, pas moins, venaient à disparaître en raison du boycott peut-être envisagé ? Que ferait la Caisse des dépôts et consignations ? Que feraient les agences de notation si celle-ci manquait de fonds propres ?
Le dépôt des notaires, et dans une moindre mesure des administrateurs judiciaires et avocats, constitue une spécificité française. Si ces fonds étaient déplacés dans d’autres institutions financières, quelle en serait la conséquence ? Je sais bien que les notaires en profitent aussi, car ils bénéficient d’investissements financés par la Caisse des dépôts et consignations, mais à ce niveau, c’est accessoire. Je vous pose simplement la question, monsieur le ministre : que ferons-nous dans le cadre de la section générale si les fonds sont déplacés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je vous ai écouté avec attention, monsieur le ministre. Vous avez eu l’honnêteté tout à l’heure de nous faire part du cheminement de votre pensée au sujet du corridor tarifaire et de l’erreur que vous aviez commise. Vous vous souvenez combien mon collègue Vigier et moi-même vous avions alerté sur ce point. Nous avions évoqué le risque de fragiliser les petites études qu’il représentait tout en étant contre-productif, comme vous l’avez admis, voire en ayant des conséquences négatives sur les usagers.
Le débat donne le sentiment d’opposer d’un côté ceux qui veulent réformer les professions réglementées, et de l’autre ceux qui ne le voudraient pas. Je rappelle tout de même que tout ce travail a pour origine le rapport Attali, qui avait été commandé par la précédente majorité. La loi de modernisation de l’économie, votée en 2008, s’est d’abord intéressée, avec les professionnels, aux géomètres experts et aux architectes.
L’objectif de tels textes, qui est d’intensifier la concurrence, ne doit en aucun cas relever de l’idéologie. Je me réjouis que l’accroissement du pouvoir d’achat des Français par l’encouragement de la baisse des prix constitue désormais un élément fort de la politique de la majorité, ou soit en tout cas revendiqué comme tel. Tant mieux ! Faciliter le développement d’activités aujourd’hui bridées par des réglementations anciennes à l’heure de l’Europe et de la mondialisation, tel est bien sûr l’objectif qui doit nous réunir sur tous les bancs ! C’est certes un enjeu de croissance. Est-ce le seul moyen de la ramener ? Je ne le pense pas. Supprimer les barrières qui existent dans différentes professions réglementées est bien sûr utile, si tant est que l’on tienne compte des réalités de la profession. Certes, la pression est toujours forte sur tous les gouvernements et toutes les majorités. Nous-mêmes avons dû résister, dans les années 2007-2012, à un certain nombre de réactions, bien normales, de professions défendant leur cadre d’exercice.
Mais après la loi de modernisation de l’économie concernant les géomètres experts, nous avons fait voter la suppression des régimes d’autorisation pour les professions du tourisme dans la loi du 22 juillet 2009, assoupli les règles d’exercice des vétérinaires par décret au mois de juillet 2010, et autorisé les experts-comptables, les agents d’artistes et les organismes privés de placement à choisir la forme sociale de leur entreprise et à faire appel à des capitaux tiers dans la limite de 49 %. Mon collègue Huyghe a fait allusion tout à l’heure au rapport de Jean-Michel Darrois dont vous connaissez bien les travaux, comme vous connaissez bien ceux du rapport Attali. Nous avons réformé les professions juridiques réglementées par trois lois successives au cours de l’hiver 2011. Nous avons refusé de supprimer les professions délégataires d’une mission de service public comme les huissiers de justice, les notaires et les greffiers des tribunaux de commerce, contre la recommandation de la commission Attali. Les professions d’avocat et d’avoué ont été fusionnées.
Toutes ces réformes, il a fallu les faire en négociant et en écoutant, y compris parfois certaines personnalités de l’opposition de l’époque. Notre objectif a toujours été, et je ne doute pas que ce soit le vôtre, mais nous reviendrons sur la méthode ensuite, de faire en sorte que les cabinets français exerçant des métiers de droit soient en mesure de faire face à la concurrence de plus en plus forte des cabinets anglo-saxons et allemands. Je pourrais aussi évoquer la réforme portuaire menée en 2008 et modifiant le statut des grutiers. Quant aux propos relatifs au corridor tarifaire que vous avez tenus tout à l’heure, monsieur le ministre, vous avez eu l’honnêteté d’expliquer comment il s’est construit lors des discussions en commission spéciale avec les rapporteurs du texte, dont je ne doute pas qu’ils se sont fait l’écho des inquiétudes formulées sur le terrain. La loi dont nous débattons sera discutée au Sénat, puis en deuxième lecture, et nous traitons là d’un sujet majeur.
Vous avez expliqué votre attachement à la transparence, considérant qu’elle est aujourd’hui indispensable. Chacun sait en effet que la transparence des tarifs est nécessaire au bon fonctionnement de la concurrence. Mais comme l’ont demandé plusieurs de mes collègues, j’aimerais que nous nous penchions sur la transparence de la construction des tarifs, car c’est toute la question ! J’ai dit à plusieurs reprises combien le corridor tarifaire me paraissait dangereux. Mais sur le « rebasage » et les « remises » évoqués par M. le rapporteur, sur la question des investissements, nous avons besoin de visibilité. Je me permets de vous dire, monsieur le ministre, que les professionnels consultés à l’orée de la réforme doivent l’être à nouveau, car le système présenté initialement a tellement changé qu’on n’ose imaginer – sur aucun banc – construire un dispositif sans visibilité ni transparence en matière de construction même du tarif. Il faut me semble-t-il que vous vous engagiez à consulter dans les prochains jours, et dans la perspective des discussions futures, l’ensemble des professionnels à propos des nouvelles propositions afin de construire avec eux le dispositif.
L’amendement que j’ai déposé propose très simplement que les tarifs soient fixés par les ministres de la justice et de l’économie, ce qui permettrait de négocier avec la profession. Mais si nous modifions complètement les paramètres au fil de la discussion, il me semble indispensable de réunir à nouveau les professionnels autour de la table afin de discuter et négocier.
Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre, et j’ai apprécié l’honnêteté dont vous avez fait preuve en vous livrant à un début de mea culpa. En somme, le seul argument que vous avancez en faveur de l’encadrement des tarifs et des évolutions que vous proposez, c’est la transparence. Or, à propos de transparence, chacun sait que les frais de notaire stricto sensu s’élèvent en moyenne dans notre pays à 1,33 % par acte. L’essentiel de leur coût provient des droits de mutation à titre onéreux – DMTO – dont je vous rappelle, monsieur le ministre, que le gouvernement dont vous êtes membre les a déplafonnés il y a un an par la loi de finances initiale pour 2014 et, il y a quelques mois, par la loi de finances initiale pour 2015, autorisant au passage les départements à prélever 1,3 milliard d’euros supplémentaire, sans la moindre transparence d’un département à l’autre !
Les droits de mutation s’élèvent donc à 3,5 % dans un département, de 4 % dans un autre, voire, grâce à vous, de 4,5 % ! Où est alors la transparence ? Il s’agit en outre de sommes bien plus importantes que les sommes réellement payées par les Français en frais de notaire stricto sensu ! J’accepte tous les arguments qu’on voudra sur la transparence, mais il faudrait de votre part une cohérence plus solide en matière de transparence des DMTO d’un département à l’autre, et donc une réforme complète de ce dispositif, faute de quoi on ne peut s’empêcher de voir dans votre réformette une simple hostilité de principe aux professions réglementées, et aux notaires en particulier.
Tout d’abord, afin que les choses soient parfaitement et définitivement claires, j’assure M. le rapporteur général que notre groupe tient Mme la garde des sceaux en haute estime et a soutenu et voté depuis près de trois ans toutes les réformes qu’elle a proposées, en particulier la réforme pénale. Cela ne nous empêche pas de penser qu’elle devrait être dans l’hémicycle afin de discuter avec nous des conditions d’exercice des professions réglementées !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Pour ma part, je ne comprends toujours pas pourquoi ce qui a été possible pour les professions de santé, qui ont été exclues de votre projet de loi afin de discuter avec leur ministre de tutelle, ne l’est pas pour les professions juridiques réglementées !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
Deuxièmement, vous avez affirmé tout à l’heure ne stigmatiser aucunement les professions juridiques réglementées, monsieur le ministre. Permettez-moi de vous dire que la stigmatisation a commencé avant votre arrivée à Bercy, avec le rapport de l’IGF !
Selon le professeur Georges Decocq, agrégé des Facultés de droit et professeur à l’Université de Paris XII, spécialiste du droit de la concurrence, ce rapport qui est à l’origine de la réforme serait « truffé d’erreurs, de lacunes et de jugements à l’emporte-pièce qui trahissent une méconnaissance profonde du monde judiciaire. »
Troisièmement, monsieur le ministre, et vous l’avez d’ailleurs vous-même reconnu, comme chacun : qu’il s’agisse du tarif ou d’autres dispositions de ce projet de loi – nous y reviendrons au sujet des avocats –, il n’y a pas d’étude d’impact digne de ce nom. Vous contestez les conclusions ou les fondements des études qui ont été menées par les professions elles-mêmes, mais vous ne vous appuyez pour cela sur aucune étude ; c’est un peu facile de balayer ces documents d’un revers de main alors que vous proposez une réforme dont on ne mesure pas véritablement les conséquences aujourd’hui. Celles-ci doivent être analysées à la lumière non seulement des dispositions de votre projet de loi, bien entendu, mais aussi des propositions de l’Autorité de la concurrence, à laquelle, sur bien des points, vous allez confier un rôle majeur, ce qui, vous l’aurez compris, nous inquiète particulièrement.
Enfin, vous venez de fournir vous-même la preuve qu’il fallait avancer sur ces terrains avec beaucoup de précaution, en nous livrant très honnêtement votre position sur le corridor tarifaire.
Voilà quinze jours, en commission spéciale, vous n’avez pas retenu les arguments que nous vous avions opposés sur le sujet. Aujourd’hui, encore une fois avec honnêteté, vous concédez qu’après réflexion, tout compte fait, vous revenez un peu sur votre position et êtes davantage à l’écoute des rapporteurs, et je vous en remercie. Ces derniers retiennent en effet la position de la mission d’information qui avait été mise en place au sein de la commission des lois et qui avait affirmé son opposition à l’établissement d’un corridor tarifaire.
Ce que je souhaite pour ma part, si cela doit désormais être votre ligne de conduite, c’est que sur cette disposition comme sur toutes celles qui viendront en discussion, on fasse preuve du même pragmatisme en essayant d’en analyser les conséquences. Évidemment, et je rejoins un propos qui a été tenu voilà quelques instants, cela ne peut se faire que dans la concertation étroite avec les différentes professions.
Je voulais, par correction, revenir une dernière fois sur quelques-uns des points qui ont été soulevés.
Premièrement, je souhaite opérer un distinguo. Vous parliez de menaces – je ne veux faire grand cas ni de celles-ci, ni du peu de solidarité que certains ou certaines ont pu manifester dans d’autres cas ou pour d’autres réformes passées –, mais il s’agit d’officiers publics ministériels. On est donc en droit d’attendre d’eux qu’ils agissent différemment du commun des mortels ou de tout autre de nos concitoyens.
Deuxièmement, monsieur le député Sébastien Huyghe, vous avez évoqué la commission Darrois, dont nous étions membres l’un et l’autre – je n’en étais pas rapporteur. J’assume comme vous parfaitement les positions que j’ai pu exprimer alors. La différence tient à ce que vous légifériez, contrairement à moi.
Il faut à chaque instant de sa vie se souvenir d’où l’on parle et quelle est notre condition. Pour ma part, je n’ai jamais caché mes responsabilités passées ou présentes ; j’espère qu’il en est de même pour vous.
Troisièmement, concernant le raisonnement économique qui doit être ici retenu, je n’ai jamais parlé de rentiers : j’ai parlé de rente. En effet, la rente peut être qualifiée économiquement. Certaines sont justifiées, telle la rente d’innovation, d’autres non. Un tarif réglementé doit ainsi être révisé de manière régulière afin d’éviter les effets de rente ; ce n’est pas une insulte, c’est une notion économique qu’on doit pouvoir caractériser et dont on doit pouvoir parler.
Et cela existe : quand, pour certaines transactions, l’application d’un principe de proportionnalité entraîne une tarification totalement déconnectée des coûts réels, cela crée un effet de rente par le tarif réglementé qui n’a de justification ni en termes d’investissement intellectuel, ni en termes de mobilisation de personnel. Telles sont les conséquences réelles de la formation du tarif ; c’est la raison pour laquelle il est nécessaire de le rendre plus transparent.
Absolument pas, et c’est ce que j’ai dit tout à l’heure, je n’y reviens pas.
C’est en effet très minoritaire, vous avez tout à fait raison de le rappeler, monsieur Censi.
La rente est une notion économique bien définie, qui s’applique légitimement pour les professions dotées de certaines caractéristiques économiques. Il existe des rentes d’innovation ; en l’espèce, il s’agit d’une rente réglementaire, mais elle est extrêmement marginale, vous avez tout à fait raison de le rappeler, et elle est liée à la formation du tarif.
Un autre distinguo me paraît devoir être fait, il me semble que c’est un point sur lequel vous avez fait une confusion, monsieur le député : je n’ai jamais dit que les tarifs n’étaient pas transparents, car, vous avez raison, ils sont disponibles. En revanche, donnez-moi la formation des tarifs ! Les tarifs sont disponibles et le resteront, mais personne ne nous a donné les critères permettant de définir les tarifs actuels. Savez-vous pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas transparents. Notre objectif est d’instaurer des critères pour la formation de ces tarifs, critères qui prendront en compte, précisément, la réalité des coûts et des situations.
D’ailleurs, et je reviens sur votre intervention, monsieur le député Lefebvre, il est prévu dans le texte que les professionnels soient consultés ; nous avons même explicité ce point par voie d’amendement, et nous le renforcerons si nécessaire.
S’il s’agit d’une concertation semblable à celle que vous avez organisée pour le texte, c’est inutile !
Un principe de concertation a été arrêté, sur une base objective, ce qui me semble la moindre des choses pour des tarifs réglementés.
Vous recevez les représentants des professions, mais vous ne les entendez pas !
La définition des tarifs ne sera pas inscrite dans la loi. Elle relève aujourd’hui du domaine du règlement, mais la loi de mars 1944 n’a fixé pour cela aucun critère. Nous allons ici adopter des critères et une procédure pour que ces tarifs soient fixés par voie réglementaire. Nous instaurons donc la transparence quant aux modalités de fixation de ces tarifs, et nous prévoyons que les professionnels seront entendus pour les former. C’est donc une avancée. Nous prévoyons d’insérer des règles de concertation dans les modalités de formation des tarifs.
Monsieur le député Dolez, j’ai entendu une critique sur le rapport de l’inspection des finances, mais je l’ai rendu public. En outre, il a fait l’objet d’une procédure contradictoire.
Il a été utilisé par vos collègues pour leurs travaux dans le cadre des différentes missions. Or à ma connaissance, et ils auront la possibilité d’intervenir sur ce point dans la suite de la discussion, chaque fois qu’ils ont demandé qu’une procédure contradictoire soit menée, très peu d’éléments factuels ont été opposés à ce rapport. Une erreur a été commise sur la TVA sur les médicaments, qui a été rapportée et a fait l’objet d’une correction.
Pardonnez-moi de vous le faire remarquer, mais il est normal que des fonctionnaires, à la demande de leur ministre – c’est Pierre Moscovici qui avait saisi ce corps d’inspection du ministère –, travaillent sur les conditions de transparence de plusieurs professions, tous secteurs confondus – les professions du droit ne sont pas les seules couvertes par ce rapport, cela ne vous a pas échappé –, pour mieux en comprendre les éléments de fonctionnement et essayer d’apporter des solutions aux problèmes posés.
S’agissant des droits de mutation, vous avez tout à fait raison de dire qu’ils pèsent plus que les tarifs, et je n’ai jamais dit le contraire. Cependant, ces derniers, sauf erreur de ma part, comme tous les impôts, sont délibérés et publics. Il est donc normal, et cela n’a rien de choquant, que les tarifs soient réglés de manière transparente selon une procédure définie par la loi. L’articulation de la réforme des professions réglementées se fait entre les tarifs, la libre installation et l’interprofession ; nous ne parlons ici que d’une partie. Plus de transparence, un fonctionnement amélioré, des conditions de plus grande concurrence là où c’est nécessaire concourront à un meilleur fonctionnement économique, car il y a une part économique.
Madame la députée Arlette Grosskost, j’en viens pour finir au dépôt à la Caisse des dépôts et consignations ; votre collègue Patrick Hetzel m’avait en effet interrogé à ce sujet vendredi soir et je ne lui avais pas répondu, vous avez donc raison de me rappeler à l’ordre.
Cette pratique, vous n’êtes pas sans le savoir, n’est pas nouvelle, et je souhaiterais qu’on se souvienne de son origine. Il s’agit non pas des fonds propres de ces professions, mais des dépôts des citoyens qui procèdent à des opérations auprès de ces derniers.
Cette disposition est vieille de cent trente ans. L’article 2 du décret du 30 janvier 1890 dispose que : « les notaires ne peuvent conserver durant plus de six mois les sommes qu’ils détiennent pour le compte de tiers, à quelque titre que ce soit. Toute somme qui, avant l’expiration de ce délai, n’a pas été remise aux ayants droit sera versée par le notaire à la Caisse des dépôts et consignations. » Des notes et des décrets successifs ont rappelé cette obligation, jusqu’au décret du 30 novembre 2000.
Les officiers publics ministériels peuvent décider de ne pas respecter un décret ; vous conviendrez avec moi que ce serait relativement baroque.
Sourires.
J’appelle votre attention et celle de vos collègues sur le fait que le dépôt des fonds à la Caisse des dépôts et consignations est suivi attentivement sur le plan du droit communautaire. Les notaires ont un monopole qui a toujours été reconnu conforme au droit communautaire, et ce, uniquement parce qu’ils agissent en délégation de l’autorité publique. Le dépôt constitue précisément l’une des caractéristiques de cette délégation. Ils peuvent librement décider de contrevenir à un décret, ils peuvent librement décider d’ouvrir cette brèche ; je ne le leur recommande pas. Et il me semble que le non-respect d’un décret par un officier public ministériel serait une forme de remise en cause du principe de sécurité juridique auquel vous êtes toutes et tous tant attachés.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre, je regrette que vous continuiez de jouer la petite musique de la stigmatisation. Certes, vous le faites plus discrètement que par le passé, mais vous vous référez au mot « rente » et aux résultats disproportionnés pour un certain nombre d’actes. Vous oubliez de dire que les notaires – ils l’ont sans doute expliqué à l’ensemble des parlementaires –, sur un certain nombre de petits actes, agissent à perte et, ceux qui ont eu affaire à eux pour un conseil le savent, ces derniers ne sont bien souvent pas facturés.
C’est tout cela qu’il faut prendre en compte. Cessons donc de jouer cette petite musique de la stigmatisation !
Je suis convaincu que les notaires auraient parfaitement pu comprendre que l’on envisage une évolution, des réformes, même significatives, pour leur profession, si l’on n’avait commencé par les accuser de tous les maux et insister sur le caractère prétendument protégé de leur profession. Ces allégations visaient à mieux préparer une réforme inspirée par l’idée de rompre avec notre tradition juridique, notamment en introduisant des éléments financiers dans l’organisation de ce type de professions.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous ne répondez absolument pas à la question des conséquences de votre texte pour les notaires de province, en particulier des zones rurales, question qui a pourtant été posée par un certain nombre de collègues. Le maillage actuel, qui n’existe pas ailleurs, offre un certain nombre de garanties et, de ce point de vue, il est satisfaisant.
Il se trouve que, pas plus tard que la semaine dernière, je devais me rendre à Rennes pour évoquer d’autres difficultés, celles du désert médical. Las ! si cette réforme intervient, nous serons aussi confrontés à un désert juridique. Sachez qu’il y a actuellement 9 900 notaires installés en province. Ils souffriront, plus que d’autres, de la mise en place de ces supermarchés du droit que vous voulez nous imposer. Je n’entends pas de réponse de votre part sur ce sujet.
Je n’en entends pas non plus sur une préoccupation qui est celle non seulement des notaires, mais aussi des clercs et, plus largement, de l’ensemble de leurs salariés. Nous ne disposons pas, d’autres que moi l’ont dit, d’étude d’impact sur les conséquences de votre texte sur l’emploi. En revanche, nous disposons de manière précise et objective des conséquences en termes d’emploi pour chacun de nos départements ; j’ai moi aussi interrogé les notaires de ma circonscription à ce sujet.
Dans le département des Côtes-d’Armor, qui représente environ 1 % de la population française, ce sont 153 emplois qui sont menacés.
Je demande là aussi des éléments de réponse, et regrette qu’ils ne figurent pas dans les dossiers initiaux, préalables à nos travaux, en particulier dans les études d’impact habituellement associées aux réformes de cette ampleur. En tout état de cause, je souhaiterais que vous apportiez des réponses, non seulement aux notaires, mais aussi aux clercs et à leurs familles. Cela a une certaine importance, dans un pays où l’on compte 1 000 chômeurs de plus chaque jour !
Enfin, je ne voudrais pas que l’on oublie les usagers – les familles – qui attendent de leurs notaires une relation non pas commerciale, mais de confiance. Devant le notaire, on évoque les réalités familiales et patrimoniales, ce qui exige une confiance que l’on n’accordera pas aux boutiques ou aux supermarchés du droit qui se dessinent à travers cette réforme.
Le notaire ne peut choisir son client, ni concourir à la promotion de son office ; en contrepartie de ces contraintes, il dispose d’un certain nombre de protections. L’activité notariale est par nature civile et se situe « hors commerce », ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État dans un arrêt du 23 mars 2000. C’est cela que vous risquez de mettre à bas, monsieur le ministre ! Je souhaiterais que vous en finissiez avec cette stigmatisation systématique, même si elle est plus discrète aujourd’hui qu’hier, que vous nous donniez des réponses très précises sur le maillage territorial et que vous répondiez aux clercs, aux salariés des études et aux usagers.
L’authentification des actes – de fait très rarement contestés – était une chose qui marchait à peu près dans notre droit français. Au lieu de nous en féliciter, nous tapons dessus, ce qui est une attitude somme toute fréquente en France.
Je constate que les pays qui ont engagé des réformes semblables, comme les Pays-Bas, commencent à s’interroger. Au lieu de taper sur ce qui fonctionne, il serait bon de conforter – quitte à réformer – ces professions, qui n’envisagent que le dialogue et la concertation. Encore faut-il que ce dialogue et cette concertation soient réels, et que l’on ne soit pas dans une logique d’oukase !
La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement no 380 .
Cet amendement vise à réécrire l’article 12, pour les raisons que j’ai déjà développées vendredi soir et que mes collègues viennent d’exposer. Monsieur le ministre, j’écoute avec beaucoup d’attention vos réponses, et je les trouve parfois irritantes.
Vous employez sans cesse le mot « transparence » : dans ce cas, dites-nous pourquoi nous n’avons pas entendu un mot de la garde des sceaux sur ces questions qui pourtant la concernent ! C’est tout de même ahurissant ! C’est comme si le ministre de la défense venait défendre le budget ! Certes, elle est venue lors de la discussion générale, écouter avec attention – je peux la comprendre – le discours de François Fillon. Mais elle est repartie sans intervenir.
Que la garde des sceaux, dont c’est le rôle, ne s’exprime pas un instant sur les différents sujets dont nous avons commencé à débattre est inadmissible et témoigne d’un mépris à l’égard du Parlement.
La transparence voudrait que vous reconnaissiez que ses positions, qu’elle a exprimées publiquement à de multiples reprises, sont différentes des vôtres. Vous devriez au moins nous dire cela, au lieu de vous borner à nous dire, par la voix du rapporteur général, que vous allez lui transmettre notre affection.
Vous employez également le mot « moderne », pour caractériser ce que vous faites. Je l’ai dit en commission spéciale : ce qui est moderne est simple ; ce qui relève de l’usine à gaz est archaïque. Or votre texte contient beaucoup de dispositions très complexes, difficiles à mettre en oeuvre et qui seront source de contentieux. Je ne considère pas que votre approche soit « moderne ». C’est une approche archaïque, parce que complexe.
Vous venez d’ailleurs de revenir sur les corridors tarifaires, réalisant que le corridor était une impasse. Je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas tenu compte des travaux de la mission d’information. Il est vrai que ses conclusions, sous la signature de Mme Untermaier et de moi-même, étaient communes et consensuelles. Mais depuis lors, convaincue sans doute par vous, Mme la rapporteure thématique a changé d’avis sur un certain nombre de sujets.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Oui, on a le droit de le dire, et ce n’est pas méchant ! C’est la stricte réalité.
Mais puisque nous parlons de l’article 12, il faut que vous nous expliquiez ce qu’est cette « péréquation nationale ». Le texte prévoit qu’une partie des sommes payées par les clients des différentes professions sera redistribuée à l’aide juridictionnelle et aux maisons de justice et du droit. Ce n’est pas de la péréquation, puisque ces prélèvements serviront au financement d’autre chose. Soyez donc transparent et employez les termes exacts : il s’agit d’une taxe parafiscale !
Enfin, vous parlez d’« opacité » s’agissant des tarifs, ajoutant que leur élaboration doit être transparente. Si vous considérez que ces tarifs ne sont pas « pertinents », il faut nous dire pourquoi. Est-ce parce qu’ils sont trop élevés ? Dans son avis – dont on parle finalement assez peu –, l’Autorité de la concurrence préconise une baisse de nombre d’entre eux. Envisagez-vous de suivre l’avis de cette instance ? La transparence, c’est cela : répondre à des questions simples. Et à question simple, réponse simple ! Or ce n’est pas toujours le cas…
J’en reviens à l’Autroité de la concurrence, une instance que vous mettez à toutes les sauces, en dénaturant son rôle. Cette autorité indépendante est en passe de devenir une sorte de Conseil d’État bis, puisqu’elle s’occupe de tout, donne un avis sur tout ou à peu près, depuis son champ de compétence jusqu’à l’urbanisme, en passant par les tarifs des professions réglementées.
Nous proposons de réécrire cet article, comme le préconisait la mission d’information – et je pense que j’aurai de ce point de vue le soutien de Mme Untermaier. C’est au pouvoir réglementaire qu’il revient de définir les tarifs – contrairement à vous, je ne pense pas qu’ils en seront moins pertinents – ; le garde des sceaux les arrête, après consultation des professions. Je vous rappelle que cette consultation, que vous n’aviez même pas prévue, a été intégrée via un amendement que nous avons déposé et que vous avez accepté.
Par ailleurs, ce qui manquait au dispositif actuel, c’était la périodicité de la révision. Cet amendement, que je vous propose d’adopter, la prévoit.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Houillon, je vous rappelle que Christiane Taubira est intervenue durant quinze minutes à cette tribune…
… quinze minutes durant lesquelles elle a eu le loisir de dire tout ce qu’elle pensait de la loi.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Mais laissez-moi parler ! Est-ce parce que je suis une femme que vous ne me laissez pas parler ?
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je pose la question, car je trouve votre conduite un peu curieuse !
Je tiens également à dire que la mission d’information, dont M. Houillon se plaît à rappeler constamment l’existence, a commencé par entendre Christiane Taubira. Nous avons par la suite auditionné les services de son ministère, et avons pu contacter, à chaque fois que nous en avons éprouvé le besoin, la ministre ou ses services.
Monsieur Houillon, la transparence n’est pas un objectif en soi, mais simplement une méthode de travail. Nous en avons usé sur cette question, car nous aimerions bien savoir, en effet, comment ces tarifs s’appliquent. C’est, par ailleurs, un respect que nous nous devons d’avoir vis-à-vis des usagers, et c’est ce que nous recherchons au travers de cette réforme.
Sur la mission d’information, nous allons avoir une explication claire, et j’espère que nous n’y reviendrons pas. Lorsque nous avons appris l’existence d’un projet d’ordonnance, la commission des lois a souhaité constituer une mission d’information, dont vous avez été le co-rapporteur. Nous avons effectué un travail sérieux, entendant les syndicats de salariés, les employeurs, les instances ordinales, tous les intervenants. Les professionnels louent chaque jour la qualité de notre travail.
Ce n’est pas à vous, monsieur Houillon, qui avez été président de la commission des lois, que je vais expliquer comment se fabrique la loi. Pensiez-vous que les conclusions de la mission allaient se retrouver de facto dans le projet de loi ? Ne savez-vous pas que la loi s’élabore dans un dialogue constant avec le Gouvernement, dans des recherches d’équilibre, pour le meilleur du dispositif législatif ?
On peut retrouver le souffle de cette mission dans le projet de loi. Parce que nous avons en face de nous un gouvernement respectueux du travail parlementaire, qui a su, comme je l’ai rarement vu jusqu’à présent, nous écouter et comprendre ce que nous voulions.
Loin de tourner le dos à la mission d’information, monsieur Houillon, nous nous en sommes inspirés. Ses travaux nous ont aidés à comprendre les problèmes, à ne pas être soumis aux lobbies et à convaincre le Gouvernement. Je me réjouis pour ma part de la qualité des relations que nous avons eues avec le ministre et son équipe.
À la proposition no 12 du rapport de la mission, vous prévoyiez, monsieur Houillon, de « confier à l’Autorité de la concurrence le soin de publier une proposition de grilles de tarifs uniques ». Or je constate que l’Autorité de la concurrence, vous n’en voulez plus.
Je n’allais pas pour autant vous faire le procès d’avoir reculé sur ce point. Je le comprends : vous avez vous aussi un groupe politique avec lequel vous devez vous entendre. Comprenez dès lors que je suis dans la même position que vous et qu’il m’est impossible, d’un coup de baguette magique, de faire valoir les vingt propositions que nous avions présentées ensemble. Le projet de loi comportant de très nombreuses dispositions, cela n’aurait aucun sens que j’en fasse une étude comparée au cours de nos débats.
Quoi qu’il en soit, vous me faites un mauvais procès, monsieur Houillon. Je tenais à vous le dire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je suis attachée à l’honnêteté intellectuelle et celle-ci a prévalu lors des travaux de la mission. Poursuivons ainsi !
Que propose votre amendement ? Surtout ne rien changer, en rester au dispositif de la loi du 29 mars 1944.
Le second objet de votre amendement est de prévoir une périodicité de la révision des tarifs fixée par décret, et intervenant au minimum tous les cinq ans.
Pour ma part, je considère qu’un tel dispositif n’est plus approprié et qu’il est nécessaire de changer la méthode de calcul et de présentation des tarifs. Ce que vous proposez n’apporterait aucun remède aux difficultés que nous avions évoquées dans le cadre de la mission d’information.
Permettez-moi tout de même de rappeler que jamais aucun des professionnels auditionnés ne nous a demandé de conserver le dispositif législatif de 1944. Au contraire, ils ont tous dit, y compris les associations de consommateurs, qu’il fallait changer le système et aller vers plus de transparence.
Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je ne reviendrai pas sur les points de fond évoqués par Mme la rapporteure thématique, mais répondrai sur les différents sujets qui ont été abordés.
Monsieur Houillon, il y a une forme de paradoxe à vouloir écrire dans la loi que nous allons baisser les tarifs tout en se satisfaisant du dispositif actuel, lequel, précisément, ne prévoit rien. Vous me demandez si nous allons baisser les tarifs. Non, monsieur Houillon : nous allons simplement créer les mécanismes permettant que les tarifs ne connaissent pas la progression qui a eu cours ces vingt dernières années. Proportionnels au prix de l’immobilier, qui a augmenté de 250 % en vingt ans, ces tarifs ont augmenté de manière artificielle et non justifiée – vous en conviendrez avec moi – pour des tarifs réglementés.
Nous créons seulement un mécanisme mieux articulé, revu au plus tous les cinq ans, selon des critères objectifs. Je ne vais pas affirmer que nous allons urbi et orbi décider par la loi une baisse de tarifs ; cela n’aurait pas de sens. Nous revenons sur la loi de mars 1944, laquelle ne prévoit précisément rien sur la façon de régler les tarifs.
De la même façon, je ne suis pas en train de vous dire que j’ai de la défiance envers le pouvoir réglementaire. Depuis plusieurs années, plusieurs décennies même, nous n’avons pas réussi, collectivement, à définir les bonnes modalités de fixation des tarifs, car nous avons laissé certaines tarifications suivre la hausse des prix de l’immobilier, ce qui n’est pas satisfaisant pour notre économie, tant pour les particuliers que pour les entreprises.
Les dispositions prévues par la loi permettent une meilleure régulation. Elles ne jettent en rien la suspicion sur le pouvoir réglementaire ; elles précisent simplement que celui-ci est éclairé par une analyse objective.
Le paradoxe est à son comble lorsque vous affirmez que grâce à moi, saluant ce faisant – ce dont je vous remercie – l’esprit d’ouverture et de dialogue qui ont prévalu lors de la commission spéciale, vous avez inclus la concertation des professionnels, oubliant que votre loi chérie de mars 1944 ne le prévoyait pas. Rien n’interdit au pouvoir réglementaire de les associer, il le fait même de manière systématique. Croyez-vous que demain, par une grâce dont je ne m’explique la source, le pouvoir réglementaire n’associera plus les professions concernées ? Nous avons néanmoins tenu à le rappeler pour dissiper tout soupçon. Dans cette affaire, vous me faites donc un mauvais procès.
Nous vous avons entendus, puisque nous avons ajouté un certain nombre de détails qui n’existaient pas dans les dispositions actuellement en vigueur, dont la loi de 1944. En tout état de cause, il ne s’agit pas, par principe et par la loi, de baisser les tarifs, mais de créer les conditions de la transparence, dans la concertation.
Quant au maillage territorial évoqué par M. Le Fur, et au notariat rural, il faudra m’expliquer en quoi ce que nous créons aujourd’hui le menace.
Allons au bout du raisonnement. Dans quelle situation sommes-nous ? Les déserts notariaux existent, c’est indéniable, mais ils sont rarement situés dans les zones rurales. On les trouve plutôt dans les zones périurbaines.
Ce n’est pas dans les zones dans lesquelles il y a suffisamment de notaires que l’on va permettre la libre installation régulée – je vous renvoie aux dispositions contenues dans le texte, dont nous aurons l’occasion de discuter ultérieurement.
Dans les zones rurales, y a-t-il beaucoup d’actes très profitables ? Les zones rurales dont vous parlez sont-elles celles où le prix de l’immobilier a flambé ? Non. Au demeurant, les offices nous alertent sur le fait qu’ils font beaucoup d’actes qui sont à la limite de la rentabilité.
Précisément parce que le dispositif sera plus transparent, illustré notamment par les coûts, il n’y aura pas de pertes pour ces offices. Au contraire, nous allons même protéger davantage leur chiffre d’affaires. Il y aura peut-être moins de rentabilité pour les offices importants, qui multiplient des actes sur des opérations immobilières d’envergure, dont les prix ont augmenté durant les dernières décennies, en raison d’une mauvaise régulation.
Ce dont nous discutons depuis tout à l’heure est donc plutôt protecteur pour les offices ruraux. Réfléchissez avec moi sur la mécanique à l’oeuvre et les corrections que nous apportons : cela viendra réduire les bénéfices de certains offices très importants qui se sont parfois spécialisés dans l’immobilier, qui a fortement augmenté, sans corrélation avec les coûts ou la réalité de leur activité.
Le principal reproche que je peux adresser aux analyses qui ont été présentées porte précisément sur ce point, car les professionnels qui en ont tiré argument ont fait un contresens sur notre disposition : nous proposons une mécanique qui prendra en compte les coûts, qui sera plus transparente et qui aura fait l’objet d’une concertation. Je ne vois donc pas en quoi les offices ruraux seraient pénalisés.
J’irai même plus loin, monsieur le député. Souvenez-vous de la concertation avec le Conseil supérieur du notariat. Celui-ci a proposé, jusqu’à un certain seuil qui oscille entre 150 000 et 200 000 euros, de baisser les tarifs de 10 %.
Faites le calcul et dites-moi si cette proposition-là ne pénalise pas davantage les offices ruraux !
C’est cela la réalité ; c’est cela que l’on a évité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La loi ne prévoit pas de fixer les tarifs, avez-vous indiqué, monsieur le ministre. Mais alors, pourquoi abroger l’article 1er de la loi du 29 mars 1944 relative aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels, qui constituait en quelque sorte, pour les professions réglementées, une base pour la fixation des tarifs ?
Le plus important ne réside pas là, même si vous vous devez de répondre à cette question. Alors que le projet de loi est censé parler de croissance, d’activité et d’égalité des chances économiques, pourquoi, selon vous, y a-t-il eu un tel tir de barrage de la part des professionnels à la suite d’un rapport de l’Inspection générale des finances, considéré comme écrit à charge et dont elles se sont émues ? De fait, les négociations avec les organisations syndicales et professionnelles n’ont pas abouti.
En l’espèce, sont concernés les commissaires-priseurs judiciaires, les greffiers des tribunaux de commerce, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les notaires. Cela fait beaucoup de professions, monsieur le ministre, auxquelles, vous et vos collègues de l’Inspection générale des finances, vous avez des reproches à adresser. Mais au fond, que leur reprochez-vous ? Ces professions sont plutôt appréciées par les Français ; ceux qui les exercent font bien leur travail.
Elles participent à l’ensemble juridique français depuis très longtemps. Pourquoi vous en prendre à elles, en les nommant explicitement ? Pourquoi un tel discours de propagande ? Pour plaire à qui ? Sur le plan économique, on ne voit pas trop où vous voulez en venir et l’on ne voit pas trop non plus comment cela provoquera une augmentation du pouvoir d’achat, plus de liberté, d’efficacité ou de souplesse dans le système français, lequel est plutôt équilibré.
Votre texte inquiète les professionnels, Philippe Houillon l’a rappelé. La preuve en est que les discussions que vous avez eues avec eux ont été un échec. Vous n’êtes pas parvenus à un accord. Le seul gage que vous ayez donné a consisté à annoncer que vous n’alliez pas immédiatement procéder par voie réglementaire, mais que vous passeriez d’abord par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat.
Parler de péréquation nationale sans en fixer les règles, annoncer que le tarif de chaque prestation est arrêté conjointement par le ministre de la justice et par le ministre de l’économie, pensez-vous que de tels propos sont de nature à rassurer les professionnels du droit ?
Monsieur le ministre, vous avez pu constater, lors des discussions que vous avez eues avec eux, que ces professionnels sont des personnes plutôt civilisées et ouvertes à la discussion. Pour notre part, en tant que députés, nous les rencontrons tous les jours. Ils ont manifesté par dizaines de milliers, alors qu’ils n’ont pas l’habitude de le faire. C’est dire leur inquiétude ! Hélas, vous n’avez pas réussi à les rassurer.
Votre texte ne nous rassure pas non plus et le groupe UMP exprime ses plus vives craintes. Il risque de poser des problèmes en termes d’insécurité juridique et, plus grave sans doute, de conduire à un appauvrissement général de ces professions.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je souhaite réagir aux propos de Mme le rapporteur thématique. Selon elle, nous aurions dû être satisfaits parce que nous avons entendu Mme la garde des sceaux s’exprimer pendant quinze minutes lors de la présentation du texte. S’agissant d’un texte d’une telle importance – il comporte 200 articles –, considérer que l’opinion du ministre de la justice se limite à quinze minutes, c’est se moquer du monde !
Mme la rapporteure thématique évoquait tout à l’heure l’honnêteté intellectuelle. Mais, alors que les professions réglementées sont au coeur de ce projet de loi, comment peut-on prétendre que l’opinion du ministre en charge de ces professions peut tenir en quinze minutes ? Circulez, il n’y a rien à voir !
Vous conviendrez, mes chers collègues, qu’en matière de respect du Parlement, dans ce pays, il y a des progrès à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J’ai d’ailleurs connu des débats où l’on a beaucoup entendu Mme Taubira, voire beaucoup trop plutôt que pas assez !
Pour la première fois, je souhaite intervenir dans le débat. Il est difficile de rester silencieux pendant plus d’une semaine.
Sourires.
Pour moi, en particulier, vous me connaissez, mes chers collègues, mais j’assume volontiers ce travers.
Je suis un peu désespéré.
En effet, j’ai le sentiment que tout le monde considère, du côté droit de l’hémicycle, qu’il n’y avait aucun problème de tarification des professions réglementées. J’ai le sentiment que ce problème n’existait pas, alors que nous savons tous qu’il existe depuis plus de quinze ans. Vous avez tenté, avec les moyens qui étaient les vôtres – et j’admets que cela n’était pas aisé – d’aborder ces sujets, mais sans succès.
On peut tout à fait contester les solutions proposées par le texte, mais on ne peut pas asséner des jugements de valeur et prétendre que cette majorité et ce gouvernement en veulent à telle ou telle profession.
C’est une aberration sans nom.
Par ailleurs, je me permets de dire à mes collègues – notamment ceux de la commission des lois – que nous sommes gardiens d’un certain nombre de réalités et je ne peux pas admettre que certains d’entre vous considèrent que d’autres ont failli à cette tâche. Je tiens à rendre hommage à la commission des lois. Lorsqu’elle a souhaité investir ce chantier,…
Sourires.
…nous avons essayé d’approfondir au maximum la question. Ces professions sont nos interlocuteurs habituels. Tous ceux qui ont présenté des rapports sur des projets de loi dans ce domaine ont été amenés à solliciter ces professions que nous connaissons tous.
Lorsque M. Urvoas a ouvert le champ de la mission d’information, c’était pour reprendre ce dialogue, déjà fortement marqué par la pertinence des questions soulevées.
Par ailleurs, après avoir bien travaillé sous l’autorité de Mme Cécile Untermaier et de M. Philippe Houillon, nous avons formulé 20 conclusions. Nous avons en effet entendu nos ministres et questionné tous les interlocuteurs possibles – tout le monde voulait venir et tout le monde est venu. Chaque fois donc que nous aborderons un sujet, je rappellerai celle de ces 20 propositions de notre commission qui s’y applique et vous verrez qu’il y en aura une pour chacun de ces sujets. Il est certes légitime qu’il y ait des évolutions et des stratégies – M. Houillon lui-même a évolué –, mais nous avons vu tous les problèmes et un grand nombre de solutions procèdent directement des propositions de la commission.
Pour ce qui concerne la définition d’une tarification « raisonnable », je rappelle que le fait, pour celui qui détient le savoir et qui va accompagner le justiciable, de ne pas abuser de cette situation prédominante s’inscrit depuis toujours dans la tradition des professions du droit qui rendent aux citoyens et aux justiciables le service de l’accès au droit. Le terme « raisonnable » figure ainsi dans les décisions de la chambre des notaires et celui de « modération », dans le vocabulaire de l’ordre des avocats.
Vous ne pouvez pas contester, chers collègues, l’introduction d’une notion qui existe déjà pour désigner le comportement des professionnels du droit face aux justiciables qui ont impérativement besoin d’eux. Le caractère « raisonnable » de la demande financière a, je le répète, la même portée que la notion de « modération » pour le calcul des honoraires des avocats et les éventuels manquements à cette modération relèvent de sanctions disciplinaires. Vous vous offusquez donc de termes que vous savez être couramment employés.
Pour ce qui est enfin de la péréquation, la profession de notaire doit adopter une stratégie de péréquation pour prendre en compte la diversité de son exercice sur tout le territoire. C’est là un impératif car, si elle ne le fait pas, une grande partie de ses membres rencontreront d’énormes difficultés et la désertifications sera la conséquence, non pas d’un manque d’attention portée à tel territoire, mais du refus de l’idée que la solidarité entre les professionnels est nécessaire pour maintenir l’accès aux droits – et donc aux professionnels – sur tous les territoires. Cette approche est du reste soutenue par de nombreuses autres professions, notamment les huissiers et les avocats – même si c’est un peu compliqué.
Je tiens à évoquer à cet égard le problème de l’aide juridictionnelle, à propos de laquelle j’ai déposé un rapport que je conclus par la nécessité de mobiliser l’ensemble des professions du droit pour permettre le financement de ce dispositif. En effet, si la plupart des professions ne veulent pas agir seules, elles se déclarent prêtes à le faire si le mouvement est général. Toutes les professions du droit nous ont demandé de recourir à la taxation des contrats d’assurance, qui contribuent certes au conseil juridique, mais ne participent actuellement que pour une part infime à l’accès aux juridictions, lequel est pourtant la préoccupation des professionnels et, surtout, de l’État et des pouvoirs publics – c’est-à-dire la nôtre.
Depuis plusieurs années, une multitude de rapports – le dernier en date émane du Sénat – ont donc conclu qu’on ne pouvait pas continuer à faire assumer par l’État l’élargissement de l’accès à l’aide juridictionnelle, compte tenu de l’ensemble des dispositions en jeu – garde à vue, comparution immédiate, hospitalisation sous contrainte et, demain, d’autres dispositifs, liés notamment aux obligations européennes qu’il nous faudra assumer. Le problème est donc réel, même s’il ne date pas d’aujourd’hui, et l’État peine à assumer la montée en charge du financement de l’aide juridictionnelle.
Les professions concernées conviennent donc, comme je l’ai constaté moi-même lorsque je les ai toutes interrogées pour ce rapport, puis à nouveau lors de la mission de préfiguration, que l’accès à l’aide juridictionnelle impose la mobilisation des professions, à condition que cette mobilisation soit partagée par tous. C’est dans cette perspective qu’est posée la question d’une solidarité entre les notaires – entre eux et pour leur profession – et d’une solidarité pour l’accès à l’aide juridictionnelle. De fait, un tel dispositif est également défini pour les avocats, auxquels nous demandons de le mettre en oeuvre, ainsi que pour les huissiers de justice. Ces derniers participent du reste déjà à l’aide juridictionnelle – il s’agit en effet des premiers professionnels impliqués, dès la loi de 1971, dans ce processus. Je tiens à rappeler cette réalité, car certains semblent nier toutes les difficultés – celles que relevait le rapport Darrois et celles que vous avez tenté de corriger, ce qui n’a pas été simple, car la matière ne l’est guère non plus.
Je rappelle enfin que l’objectif numéro un est l’accès aux professionnels du droit, car nos concitoyens ont besoin d’eux. De fait, il n’y a pas d’accès au droit sans accès aux professionnels du droit. Le problème financier ne doit pas y faire obstacle. Or on ne peut plus nier l’importance des questions économiques dans ce domaine.
Quand on connaît, comme bon nombre d’entre vous, la profession d’avocat, on sait quelle est la proportion de ceux qui ne portent jamais la robe et ne plaident pas. Cette profession connaît donc une situation entièrement nouvelle et très complexe. Comment, alors qu’elle absorbe 3 500 avocats par an, assumera-t-elle une réalité dans laquelle plus de la moitié des avocats, tout en exerçant pleinement la profession, ne savent pas ce qu’est un juge ? Que va-t-il se passer ? La question est la même pour les huissiers et pour les notaires.
C’est la raison pour laquelle, chers collègues, au lieu de vous draper dans des positionnements qui n’étaient pas les vôtres lorsque vous étiez en responsabilité – certains d’entre vous ont en effet formulé à cette époque des réflexions très pertinentes sur ce sujet –, mieux vaut entrer dans ces sujets et faire avancer les choses. À défaut de résoudre définitivement des problèmes d’une grande complexité, je vous propose au moins d’écarter les pressions que nous subissons tous pour entrer dans ce qui est à la fois le sujet et l’objet de ce dispositif : pouvons-nous faciliter l’accès au droit pour les justiciables ? C’est cela, le progrès.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 63 Nombre de suffrages exprimés: 63 Majorité absolue: 32 Pour l’adoption: 29 contre: 34 (L’amendement no 380 n’est pas adopté.)
Cet amendement, relatif à la tarification des greffiers des tribunaux de commerce, est motivé par la crainte d’une augmentation des coûts pour les entreprises. Je souhaiterais recevoir à ce propos des assurances de la part de M. le ministre.
En réponse à la demande formulée, j’apporterai quelques éléments de clarification.
Ces amendements identiques ont pour objet d’exclure les greffiers des tribunaux de commerce du champ de la réglementation des tarifs. Or, c’est justement parce qu’ils assurent leur mission pour le compte de l’État que leur rémunération doit être raisonnable.
Nous aborderons tout à l’heure un autre élément lié à cette profession, à savoir Infogreffe, mais il faut déjà souligner que le caractère « raisonnable » de cette rémunération signifie qu’elle ne doit être ni trop faible ni excessive. Les tarifs sont en effet à la charge des usagers, principalement des très petites entreprises – tel est du reste, madame Capdevielle, le souci que vous exprimez : ce sont les plus de 3 millions de toutes petites entreprises françaises qui financent les greffiers, l’élaboration du Kbis de ces entreprises étant à cet égard un élément important.
C’est aussi parce que les greffiers agissent par délégation de l’autorité publique que l’État peut légitimement fixer les règles qui les régissent. Le dispositif prendra donc en compte l’ensemble des caractéristiques que j’ai évoquées tout à l’heure.
De fait, la volonté du Gouvernement d’inclure les greffiers des tribunaux de commerce dans ce dispositif répond à la fois au souci de parvenir à un tarif réglementé présentant un caractère raisonnable et de tenir compte des investissements réalisés par ces derniers – nous y reviendrons à propos d’Infogreffe et de l’Institut national de la propriété intellectuelle, l’INPI. Il s’agit donc, en somme, de prendre en compte à la fois les prestations délivrées, les investissements réalisés et les marges et coûts réels pour appliquer des règles tarifaires.
Les rapports de l’IGF ou de l’Autorité de la concurrence, dont les chiffres n’ont pas été démentis, font apparaître que les marges des greffiers des tribunaux de commerce sont aujourd’hui très élevées en pourcentage. Or, les investissements réalisés sont largement amortis par la profession. Il s’agit donc de faire en sorte que les tarifs permettent à ces professionnels de percevoir une rémunération raisonnable, dans le cadre de la philosophie qu’expliquait tout à l’heure M. Le Bouillonnec, sans donner lieu à une charge excessive pour nos entreprises.
Le Gouvernement peut ainsi vous apporter, madame la députée, une garantie quant à la définition du terme « raisonnable » et émettra donc un avis défavorable sur ces amendements s’ils devaient être maintenus.
Sur la foi des explications rassurantes données par M. le ministre, je retire mon amendement no 2169 .
L’amendement no 2169 est retiré.
L’amendement no 2415 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement no 1172 .
Cet amendement, qui concerne les huissiers de justice, tend à supprimer de l’article 12 la référence aux greffiers des tribunaux de commerce. Le rapport de l’IGF souligne que « le tarif des greffiers, sans corrélation avec le coût de revient des actes, masque des phénomènes de péréquation non quantifiés » et recommande de « privilégier dans la définition des tarifs une approche analytique et non globale, liée au coût réel efficient supporté par le professionnel ». Cette proposition est reprise par le projet de loi, qui recommande que les tarifs soient réorientés vers les coûts réels de production.
Je souligne une fois encore qu’une telle évolution serait à la fois un recul politique, une régression économique et un non-sens comptable. Je souhaiterais donc que, pour cet amendement au moins, le bon sens prévale.
Cet amendement pose un petit problème, puisqu’il vise à supprimer les mots : « des huissiers de justice », alors que vous développez votre exposé sur les greffiers de commerce. Il faudrait savoir !
C’est pour cela qu’il faut supprimer les mots : « huissiers de justice » !
Je pense en effet qu’il y a une confusion, mais qu’importe. Si les huissiers de justice sont bien l’objet de l’amendement, ils ont été retirés du corridor tarifaire ; mais en voulant les retirer de l’article 12, vous tenez un raisonnement qui consiste à dire qu’il ne devrait pas y avoir de tarifs réglementés ou que l’on en exempterait l’ensemble des autres professions : cela n’aurait pas de sens.
En l’espèce, et sans revenir sur ce que j’ai déjà dit sur le corridor tarifaire et la remise, si une partie de votre argumentation consiste à ne pas appliquer le corridor tarifaire, j’y souscris : nous avions déjà eu cette discussion en commission spéciale, qui avait conduit à les en sortir. Mais je pense que les huissiers de justice ont des tarifs réglementés qui doivent relever de la même logique que celle dont nous discutons depuis tout à l’heure. Avis défavorable.
L’amendement no 1172 n’est pas adopté.
Je voulais intervenir, dans cet article, sur les notaires. Notre ami Le Bouillonnec a assez bien résumé la philosophie du groupe socialiste et que je voudrais moi-même rappeler à l’occasion de la défense de cet amendement, auquel j’associe ma collègue Sabine Buis.
J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’intervention du ministre Emmanuel Macron sur la réforme de la tarification des actes notariés. Après discussion avec la majorité parlementaire, les membres de la commission, mais aussi toute une série de personnes ayant une connaissance de ce dossier, il a souhaité revoir sa position sur le corridor tarifaire. Je voudrais le remercier pour son écoute, parce que légiférer, c’est aussi un travail de co-construction et que lui-même, en entrant dans ce débat, a souhaité que l’on puisse avancer.
Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui gagnent et, de l’autre, ceux qui perdent, mais tout simplement une discussion qui doit se faire dans la transparence et correspondre à la réalité. Or la réalité, on la connaît : un notaire en province – en Lozère, en Ardèche ou dans le Cantal – n’a pas la même fonction, la même mission, qu’un notaire en région parisienne – Paris en particulier – ou dans les Alpes-Maritimes. Même s’ils appliquent tous le droit en s’appuyant sur des textes qui sont identiques partout en France, les situations sont évidemment différentes.
Le chiffre d’affaires d’un notaire ardéchois, par exemple, est aujourd’hui à moins d’1 million d’euros, l’essentiel des actes étant de moins de 500 000 euros : on est très loin de ce qui se passe dans certaines régions. Ainsi, le dispositif, tel qu’il est présenté, correspond au souhait qui est le nôtre de sortir de ce corridor tarifaire parce que, à terme, on aurait pu constater une évasion de certaines clientèles ou, du moins, de personnes vers les grands groupes.
La question que je voulais poser au travers de cet amendement concerne le fonds de péréquation. Nous sommes tous pour la péréquation, comme l’a montré encore récemment le débat que nous avons eu sur la fiscalité locale. Cela consiste à dire à ceux qui ont plus de payer pour ceux qui ont moins. Le ministre a souhaité, au travers du dispositif de péréquation, que les actes les plus rentables puissent soutenir les actes les moins rentables.
Vous avez souhaité donner plus de transparence aux remises. Ma première question sera simple : ces remises seront-elles sous le contrôle du parquet, lequel est bien placé pour indiquer, dans chaque cour d’appel, quel doit être leur ?
J’aimerais, en outre, avoir une précision en ce qui concerne l’aide juridictionnelle, qu’a évoquée notre ami Le Bouillonnec. Ma seconde question est la suivante : puisqu’une partie de la péréquation servira au financement de l’aide juridictionnelle, je voudrais savoir si un certain nombre de notaires qui, aujourd’hui, font indirectement de l’aide juridictionnelle en délivrant des actes gratuits ou de l’information juridique, pourront eux aussi bénéficier de ces financements au titre de l’aide juridictionnelle en raison de leurs consultations gratuites. Je n’ai pas compris, de ce point de vue, la réponse que vous avez apportée à M. Le Bouillonnec.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 1043 .
Je partage le point de vue de Pascal Terrasse : pourquoi les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires devraient-ils être concernés par ce texte ? Je reprends les termes de Pascal Terrasse qui, concernant « le dispositif actuel forgé par la Chancellerie de rémunération des diligences », rappelle que « lorsqu’elle est versée, cette rémunération l’est en vertu d’une décision du président de la cour d’appel après avis du juge, du débiteur et du parquet, ce qui constitue un mécanisme de régulation particulièrement rigoureux et satisfaisant. » Ce tarif est donc très encadré, puisque le juge et le parquet interviennent ; je ne vois pas pourquoi il devrait l’être autrement.
Mais surtout, ne s’agit-il pas en l’occurrence d’une absurdité totale ? Vous êtes en effet en train de dire qu’il y aura une péréquation nationale entre les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires selon qu’ils aient ou non beaucoup de travail. Ainsi, l’administrateur judiciaire qui aura en charge un gros dossier marseillais concernant une société maritime bien connue aura un énorme travail ; une partie de son tarif, pour un travail dont on suppose qu’il sera de grande qualité et qu’il demandera technicité, moyens et engagement, servira à rémunérer des administrateurs judiciaires qui n’ont pas beaucoup de travail dans certains départements ruraux.
Votre péréquation nationale est fondée sur un impôt sur la misère, en quelque sorte. Moins les entreprises se cassent la figure, plus la situation s’améliore sur le plan économique, et moins vous avez de travail : vous bénéficiez alors de la rémunération des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires qui eux, en revanche, sont dans des régions largement sinistrées. Cette péréquation nationale me paraît donc totalement absurde : c’est un impôt sur la misère !
La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement no 1344 .
Je suis totalement en phase avec les propos tenus par M. Terrasse et M. Tian, qui ont par là même défendu cet amendement.
La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l’amendement no 1489 .
Je me permets d’insister sur le coût pertinent, en ce qui concerne les mandataires judiciaires tout particulièrement. Je rejoins donc M. Tian sur ce point : qu’est-ce que cela veut dire, les « coûts pertinents » ? C’est totalement aléatoire, d’autant que les missions des administrateurs judiciaires, des liquidateurs judiciaires, diffèrent selon les régions et selon les missions. Il y a donc une vraie interrogation et j’estime que, pour plus de transparence et moins d’opacité, il convient de régler ce problème les concernant.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement no 1915 .
Lors de la discussion de l’amendement précédent, vous m’avez oublié ; je vais donc me permettre d’en dire un petit mot à l’occasion de la défense de cet amendement, me contentant, à son propos, de faire mienne l’argumentation utilisée par notre collègue Tian.
Je voudrais simplement réagir à ce qu’a dit M. Le Bouillonnec tout à l’heure. Dans une grande envolée lyrique, il a affirmé que cela faisait quinze ans que les tarifs réglementés posaient problème. Or il se trouve que je suis parlementaire depuis douze ans et que jamais nous n’avons évoqué la question des tarifs réglementés. Tout au plus avons-nous évoqué le coût des droits de mutation, que l’on appelle improprement les frais de notaire ; mais si ceux-ci sont trop élevés, c’est en vérité parce que les taxations sont bien trop élevées, puisque sur environ 7 % de taxes, plus de 6 % reviennent à l’État ou aux collectivités territoriales.
Je souhaite ensuite répondre à M. le ministre : celui-ci nous a expliqué qu’il veut faire évoluer les tarifs pour les petites études rurales, qui garderaient un tarif sensiblement équivalent à celui existant, et que seules les grandes études, notamment les études parisiennes, pourraient voir leurs tarifs évoluer.
Est-ce à dire, monsieur le ministre, que les actes courants, telles que les acquisitions immobilières, verraient leur tarif maintenu dans les tranches concernant nos concitoyens modestes, voire les classes moyennes, et que seuls les immeubles parisiens, notamment ceux acquis par des gens fortunés, voire de grandes entreprises, verraient la tarification diminuer ? Il y a là un contresens par rapport à la réalité de ce que vivent nos concitoyens.
Dernier élément, monsieur le ministre : j’évoquais le fait que vous aviez été l’un des rapporteurs de la commission Darrois. Je ne comprends pas pourquoi vous l’avez contesté et avez affirmé que vous en aviez été membre : je viens de vérifier l’annexe 2 du rapport, vous étiez bien l’un des rapporteurs de la commission Darrois. Je ne comprends pas cette modification de la réalité !
Les mandataires et les administrateurs sont des professions réglementées comme les autres ; leurs tarifs sont fixés par décret, comme les autres, et sont même codifiés dans le code de commerce. Ils travaillent sous mandat justice et n’ont pas de clientèle ; pour autant, on ne voit pas pour quelle raison il faudrait écarter de ce dispositif ces tarifs fixés par décret.
Il faut quand même préciser que, dès lors qu’ils atteignent 100 000 euros, le magistrat intervient à ce stade pour convenir d’une rémunération. En deçà de 100 000 euros, le rôle du juge est simplement de s’assurer de la diligence de l’administrateur ou du mandataire sur ces questions. Mais nous avons des tarifs fixes, variables, proportionnels extrêmement complexes ; il faut bien au contraire aller vers un dispositif normatif qui rassemble également les mandataires et les administrateurs. J’émets donc un avis défavorable.
Avis défavorable pour les mêmes raisons. Mme la rapporteure thématique a bien rappelé que ces professions sont déjà dans le code de commerce, pour ce qui est de leurs tarifs : il n’est pas inutile de le rappeler compte tenu du débat que nous avons eu tout à l’heure – preuve, si besoin en était, que le code de commerce ne vaut pas infamie et ne correspond pas à une marchandisation d’une profession réglementée du droit.
Le deuxième élément que je voulais apporter ici concerne votre préoccupation, monsieur Terrasse : les administrateurs et les mandataires ne sont pas dans la même situation que les notaires. On reviendra plus précisément sur la remise dans le cadre de l’amendement qui vise à apporter cette modification importante et des contrôles très légitimes que vous évoquez. Mais, en l’espèce, le juge désignant le professionnel, il n’y a pas d’éléments de désignation, ainsi que Mme la rapporteure vient de le rappeler.
Par ailleurs, concernant la péréquation entre les grands et les petits offices – c’est un point important –, les petites liquidations ont un tarif forfaitaire qui est considéré comme souvent très élevé parce que le tarif, tel qu’il est fixé, est aujourd’hui déconnecté. La philosophie de la péréquation proposée par les rapporteurs et votée en commission spéciale permettra vraisemblablement – puisque tel est l’objectif poursuivi – aux professionnels de compenser les actes les plus réduits avec les actes les plus substantiels, la définition des modalités étant quant à elle renvoyée au décret.
Les retours d’expériences, s’agissant de la tarification, permettent de constater que cela représente aujourd’hui une charge importante. Vous avez raison de préciser que cela représente aussi une ponction sur l’économie et qu’il y a une forme d’injustice parfois ; mais c’est précisément parce que la tarification actuelle n’est pas totalement satisfaisante.
En mettant les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires dans le cadre du dispositif de tarification, on introduit la possibilité de prendre en compte les coûts réels ; on garde un mécanisme de proportionnalité pour les actes les plus importants, et la péréquation permettra un rééquilibrage limitant cet effet de ponction, en particulier dans les territoires les plus difficiles ou dans les situations qui sont parfois les plus cruelles.
Je crois que cela répond à la préoccupation qui était la vôtre ; l’avis est donc défavorable.
Je voudrais simplement rappeler la proposition no 10 de la mission d’information, soutenue conjointement par ses deux co-rapporteurs, Philippe Houillon et Cécile Untermaier : « pour les officiers publics etou ministériels, ainsi que pour les administrateurs et mandataires judiciaires, établir une tarification transparente, tenant davantage compte du coût réel des prestations, assurant une péréquation entre actes rémunérateurs et actes réalisés à perte grâce au maintien d’un caractère proportionnel ».
La mission avait donc présenté cette proposition et je rappelle que la publication de notre rapport a été autorisée par la commission des lois.
Je voudrais mettre en évidence un certain nombre d’absences de réponses aux questions que nous avons posées. J’avais évoqué devant vous, monsieur le ministre, il y a de cela quelques minutes, la situation des clercs de notaire et des employés d’études de notaires d’une manière générale : la menace, d’après ce que nous disent les professionnels – je ne demande qu’à entendre les uns et les autres –, porte sur 15 000 emplois. Très concrètement, cela représente 133 emplois dans le département des Côtes-d’Armor, pour que chacun se fasse une idée précise.
Deuxièmement, en réponse à la question extrêmement pertinente de notre collègue Huyghe, vous nous expliquez qu’il y a eu des excès dans la tarification de certains actes très rémunérateurs,…
…en raison de prix immobiliers élevés, en particulier dans la capitale, et que votre réforme permettra de faire baisser ces tarifs. Il y aurait donc en quelque sorte une tarification à deux vitesses : l’une pour les actes intéressant M. Tout-le-monde, dont le tarif ne changerait pas, et l’autre pour les actes intéressant des clients relativement fortunés, dont le tarif baisserait. Du point de vue de l’usager, il y a là quelque chose de difficile à suivre, mais peut-être allez-vous nous rassurer sur ce point.
Troisièmement, en ce qui concerne la péréquation, je n’ai entendu aucun notaire solliciter la charité, ou je ne sais quelle compensation. Ils ne souhaitent pas s’inscrire dans une logique salariale, pas plus que les médecins. Ce qu’ils veulent, c’est pouvoir vivre de leur travail grâce à une rémunération correspondant aux actes qu’ils effectuent, de façon à pouvoir dire clairement ce qu’il en est à leurs clients.
Ils refusent d’autant plus cette péréquation que cet argent sera destiné à financer les maisons de la justice et du droit et autres services de ce genre, certes utiles, mais relevant directement de la compétence de l’État ou des collectivités locales. Ayant eu le privilège de participer à la création de maison de la justice et du droit, je considère que c’est une bonne chose, mais en tout état de cause les notaires n’ont pas grand-chose à y voir.
Je voudrais, monsieur le ministre, que vous répondiez très précisément à ces trois questions.
Vous n’étiez peut-être pas là au tout début de mon propos, monsieur le député, quand j’ai apporté des éléments d’éclaircissement à ce sujet. Je me suis toujours tenu à la discipline, y compris devant la commission spéciale, de répondre point par point à vos questions.
S’agissant du nombre de licenciements que, à en croire le Conseil supérieur du notariat, la réforme entraînerait, je n’ai pas vu sur quel raisonnement le CSN se fondait pour lancer un tel chiffre sur la place publique. Il me paraît extrêmement peu fiable, pour ne pas dire à vocation essentiellement anxiogène. C’est lui qui a servi de point d’appui à la polémique évoquée tout à l’heure et sur laquelle je ne veux pas revenir ici.
Ce texte propose l’interprofessionnalité, le libre accès à la profession dans des territoires où il n’y a pas assez d’offices ou dans ceux où il est possible d’ouvrir de nouveaux offices sans déstabiliser les offices en place, ainsi qu’une plus grande transparence tarifaire.
Je vous prie, monsieur Houillon, de me pardonner si vous avez vu dans l’emploi de ce mot une manifestation de harcèlement, mais transparence ne signifie pas nécessairement baisse. J’ai toujours été très prudent quant à l’incidence de ces nouvelles règles sur les tarifs et c’est d’ailleurs pourquoi je ne souscris pas aux inquiétudes que certains nourrissent à l’égard de ce texte. Il ne s’agit pas de dire que les tarifs vont toujours et partout baisser. Il s’agit simplement de mieux réguler et d’éviter ainsi des hausses de tarifs non justifiées comme celles qu’on a pu connaître par le passé.
Nous avons eu un débat similaire à propos des tarifs des concessions autoroutières, qui pèsent de la même façon sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens : un mécanisme mal régulé a conduit à une hausse nettement supérieure à l’inflation, sans véritable justification. C’est une simple question de formation des tarifs, qui n’a rien à voir avec la sécurité juridique.
Il ne s’agit pas de mettre en place un couperet qui réduirait mécaniquement les tarifs des notaires. Il s’agit simplement d’engager une autre dynamique tarifaire, plus transparente, avec une révision des tarifs intervenant au minimum tous les cinq ans, selon des critères objectifs définis en concertation avec les professionnels.
La liberté d’installation, à la condition qu’elle ne déstabilise pas les offices en place, la possibilité reconnue aux professionnels de s’organiser, voire de se regrouper, pour mutualiser leurs coûts fixes et les investissements nécessaires à leur modernisation, et une plus grande transparence tarifaire : très honnêtement, je peux vous dire les yeux dans les yeux que rien de cela n’est susceptible de provoquer plusieurs dizaines de milliers de licenciements.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Ce chiffre n’est pas sérieux. Il n’est pas à la hauteur du débat rigoureux et précis que nous avons depuis des semaines.
Nous proposons même de permettre aux clercs de notaire habilités de devenir des notaires de plein exercice, alors que le système actuel est extraordinairement pénalisant pour les offices ruraux, où des actes qui relèvent normalement d’un notaire sont très souvent accomplis par des professionnels qui n’ont pas cette qualité. Ce système fait l’unanimité contre lui.
Nous allons y mettre fin par une mesure de justice, qui permettra à beaucoup de ces professionnels, dont les compétences sont attestées par un diplôme, de devenir notaires. Dans le même esprit, le passage de deux à quatre salariés par notaire associé permettra également d’intégrer ces professionnels.
Vous voyez bien qu’on ne peut pas soutenir sérieusement que les dispositions que nous sommes en train de discuter conduiront au nombre de licenciements qui a été évoqué.
Sur les rémunérations, le raisonnement est le même. Je vous répète ce que j’ai dit à M. Houillon : on ne baisse pas les tarifs par la loi ; on crée simplement les conditions d’une meilleure régulation tarifaire. Il s’agit simplement de dire que les tarifs réglementés ne doivent pas être fixés selon des formules, qui ne sont d’ailleurs pas définies par la loi de manière claire, valant pour l’éternité, mais qu’ils doivent faire l’objet de révisions périodiques.
Alors c’est vrai, les tarifs qui ont fini par perdre tout lien avec les coûts réels seront revus, mais je ne peux pas vous donner l’ordre du tiercé avant la course puisque ce n’est pas la loi qui va les définir. Il seront fixés à la suite d’une analyse des coûts réels et de ce que doit être une rémunération raisonnable, dans le cadre d’échanges avec les professionnels.
Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il y aura une plus grande clarté. Ce que nous voulons éviter, c’est que les tarifs de certains actes connaissent l’inflation à laquelle nous avons assisté ces dernières années, au point d’être déconnectés des coûts réels.
Quant à l’inquiétude que vous avez exprimée en ce qui concerne les ménages les plus modestes ou les classes moyennes, l’amendement de vos rapporteurs relatif à l’encadrement de la remise qui va venir bientôt en discussion est susceptible de l’apaiser en y apportant une réponse satisfaisante, à la main des professionnels quoique de manière moins discrétionnaire qu’aujourd’hui.
Enfin, sur le fonds de péréquation, ses modalités en seront définies par décret. Un rapport parlementaire avait proposé la création d’un tel fonds, qui faisait même partie des propositions du CSN.
Permettre que les équilibres financiers soient préservés au sein de la profession est un objectif qui a du sens et de la pertinence, et cela n’a rien à voir avec la charité.
Il s’agit de l’accès au droit. Ce n’est pas une profession libérale : ce sont des officiers publics ministériels, ce qui justifie que l’on régule leur installation, et même que l’on renforce leur maillage territorial. C’est un objectif que nous avons toujours défendu, puisque c’est lui qui commande les critères de libre installation.
Eh bien, il serait là aussi un tantinet baroque, pour ne pas dire incohérent, de considérer que ces professionnels n’ont pas à contribuer à une politique visant à favoriser l’accès au droit de toutes et tous, alors que c’est au nom de l’accès de tous au droit qu’ils profitent d’une réglementation qui limite les possibilités d’installation professionnelle.
La création de ce fonds ne figurait d’ailleurs pas dans le projet de loi initial. Il s’agit d’une initiative parlementaire à laquelle le Gouvernement s’est déclaré favorable, parce qu’elle permettra un meilleur accès au droit.
Cette solution a quelque chose de très pervers, monsieur le ministre, puisque c’est une partie des honoraires du notaire qui va servir à alimenter ce fonds de péréquation. Cela signifie que le notaire ne pourra pas l’exiger de ses clients au titre des impôts et des taxes en faveur de l’État et des collectivités territoriales, alors qu’il s’agit bien d’une taxe puisqu’il devra ensuite verser cette partie au fonds de péréquation. Vous contribuerez à nourrir la vindicte de nos concitoyens envers ces professionnels en leur faisant croire qu’il se mettent encore plus d’argent dans la poche, alors que cette part ira en fait dans le fonds de péréquation.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
L’amendement no 1049 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Le présent amendement vise à intégrer dans le dispositif relatif aux tarifs des professions juridiques réglementées les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, dans un souci d’équité. Nous y reviendrons à l’occasion de l’examen de l’article 17 bis, mais nous voulons le mentionner dès maintenant par souci de cohérence.
Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont certes des officiers ministériels, mais nous avons considéré qu’il fallait, dans leur cas, adopter le dispositif de convention d’honoraires libres qui est celui des avocats parce que la tendance est de les rapprocher de cette profession. C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable.
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement no 1675 .
L’amendement no 1675 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 2101 .
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.
Les amendements nos 2122 et 2100 sont des amendements de repli par rapport à l’amendement no 2101 , lequel vise à redéfinir les critères encadrant le corridor tarifaire des tarifs réglementés ainsi que le fonctionnement de la péréquation.
Nous proposons de fixer les tarifs réglementés selon la valeur exprimée dans l’acte ou selon le coût de l’acte. Ces deux références nous semblent beaucoup plus compréhensibles pour le professionnel et le client. Déterminés ainsi, les tarifs réglementés tiendront compte de la valeur du bien ou du coût réel du service fourni. Par ailleurs, nous pensons qu’il est absolument primordial que ces tarifs tiennent également compte du type de mission de service public effectué, ainsi que des objectifs d’accessibilité au droit, de sécurité et d’efficacité juridiques, qui constituent la pierre angulaire des professions juridiques.
Par ailleurs, nous adhérons à l’idée d’une péréquation des tarifs applicables à l’ensemble des prestations servies, mais nous pensons qu’il est nécessaire de créer un fonds particulier propre à chacune des professions concernées. En effet, un tel fonds serait certainement plus à même de gérer les systèmes de péréquation qu’un fonds interprofessionnel dont nous ne comprenons d’ailleurs pas vraiment le mécanisme.
Enfin, nous proposons de supprimer la mention faite à l’aide juridictionnelle et aux maisons de justice et du droit. Selon nous, en effet, la mission première d’un fonds de péréquation est bien de veiller à la conservation du maillage territorial en aidant les offices qui seraient en danger.
Aussi, nous ne comprenons pas bien pourquoi un fonds interprofessionnel viendrait financer l’aide juridictionnelle et les maisons de justice et du droit, même si nous reconnaissons qu’il convient en effet de financer ce genre de structures. Nous ne comprenons pas, je le répète, pourquoi cela se ferait dans le cadre de ce fonds de péréquation, celle-ci devant s’effectuer entre les offices d’une même profession afin de tenir compte des particularités de chaque métier. J’ajoute qu’il serait d’ailleurs intéressant de réfléchir à une cotisation de solidarité pour enrichir ce fonds. Voilà pour l’amendement no 2101 .
L’amendement no 2122 ne traite que de la partie concernant la péréquation – que je viens d’exposer – et l’amendement no 2100 , également de repli, ne traite quant à lui que de la partie relative aux critères des tarifs réglementés, dont je viens là encore de parler.
Avis défavorable sur ces trois amendements, pour les motifs que nous avons précédemment évoqués.
Même avis sur les trois amendements.
Je vous ai écouté, monsieur Vercamer, et je peux vous assurer que nombre de vos préoccupations seront traitées par la suite…
…quand nous examinerons les alinéas suivants, en particulier s’agissant du corridor, dont nous réexaminerons les modalités, mais aussi du mécanisme de remises.
S’agissant de votre préoccupation en matière de tarifs, les préconisations de votre amendement sont satisfaites par ce que nous appelons la « rémunération raisonnable », notion qui, je l’ai dit, existe déjà. Nous renvoyons à un décret pour en définir les critères spécifiques.
Je rappelle que nous partons d’une loi de 1944 qui ne prévoit absolument aucun critère et se contente de renvoyer à un décret.
Il est évident que la mission de service public justifie par essence la réglementation du tarif, puisqu’il s’agit d’un officier public et ministériel, un OPM. La notion de rémunération raisonnable inclut le coût et la valeur des actes ainsi que les investissements réalisés par le professionnel.
Il me semble que nous partageons sur ce plan la même philosophie et que la rédaction actuelle satisfait votre demande, compte tenu des aménagements que j’ai évoqués.
Il s’agit, monsieur le ministre, d’établir une tarification raisonnable pour une égalité devant les charges publiques.
Avis défavorable, puisque les termes « pertinents » et « raisonnable », qui figurent dans la rédaction actuelle, nous semblent répondre à cette préoccupation. En outre, le « bien-être des usagers » paraît très difficile à définir.
L’amendement no 527 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer la notion de rémunération raisonnable, dont nous avons déjà beaucoup parlé. Nous considérons en effet qu’en l’état elle ne veut rien dire et que, contrairement à ce que vient de prétendre à l’instant M. le ministre, elle ne correspond à rien de connu.
Sur le plan de la méthode, nous sommes en train de faire la loi, c’est-à-dire que, si ce texte est voté, nous allons adopter la notion de rémunération raisonnable. Puis, un décret du ministre de l’économie – on ne peut que se réjouir, pour le coup, de l’avoir au banc – en exposera les critères.
Or, je ne vois pas que nous puissions voter ce texte et introduire cette notion dans ce cas-là – puisque vous ne manquerez pas de répondre qu’elle existe déjà ailleurs. Je le répète, dans ce cadre-là, ce n’est pas possible, à moins que vous ne nous disiez, monsieur le ministre, ce qu’il en sera précisément, puisque c’est vous qui, le moment venu, rédigerez le décret – après avis, certes, de l’Autorité de la concurrence, mais je suppose que vous avez votre propre idée.
Sur le fond, dites-nous donc en quoi consiste, selon vous, la rémunération raisonnable. À quoi pensez-vous ? Quels sont les critères que vous avez en tête ? Je suppose que vous ne vous bornerez pas à nous répondre que vous attendez l’avis de l’Autorité de la concurrence pour avoir une idée. Si vous faites voter cette loi au Parlement, si vous demandez à ce dernier de l’adopter, c’est que vous avez, je suppose, une idée de ces critères. Quelle est donc votre idée de la rémunération raisonnable ?
L’article dispose que les tarifs « prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs. » Qu’est-ce que cela signifie ? Que seuls deux ministres pourront fixer un prix parce qu’ils sont plus intelligents, plus raisonnables, plus transparents, mieux informés quant à la situation de l’ensemble de ces professions ?
Est-ce parce que vous avez une vision assez soviétique de notre temps, selon laquelle l’État aurait raison contre tout le monde ? Cette vision égalitaire des choses vous poussera bientôt à fixer les prix du fromage, du pain, du beurre et du reste,…
…puisque vous êtes les meilleurs !
Pour quelqu’un qui a été présenté comme un libéral – d’aucuns, au MEDEF, ont même applaudi à votre entrée au Gouvernement, monsieur le ministre –, vous êtes maintenant en train de réglementer à travers un dispositif que vous jugez pertinent, raisonnable et objectif. Mais pourquoi ? Qui êtes-vous pour fixer ce genre de critères ? Pourquoi les rédacteurs d’un décret seraient-ils plus intelligents que l’ensemble des professionnels concernés ?
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 1069 .
Je soutiens l’argumentation développée par M. Philippe Houillon.
Vous soulevez une question extrêmement juridique, monsieur le ministre. Vous vous apprêtez en effet à écrire dans la loi qu’une « rémunération raisonnable » sera « définie sur la base de critères objectifs », mais sans en dire plus. Il me semble que cela soulève deux questions.
Tout d’abord, au regard du principe d’intelligibilité de la loi, lequel est contrôlé par le Conseil constitutionnel. C’est la première fragilité de cette rédaction.
Ensuite, au regard de l’« incompétence négative ». L’article 34 de la Constitution, vous le savez, oblige en quelque sorte le législateur à « épuiser » sa compétence et, en l’occurrence, à ne pas déléguer au pouvoir réglementaire la définition de critères qui relèvent du domaine législatif.
Techniquement, je crains que cette approche très vague et très large…
En effet.
Notre débat montre bien qu’il n’existe pas de consensus sur ce qu’est une rémunération raisonnable et encore moins sur ce que seraient ces critères objectifs qui ne sont pas encore définis et qui permettraient de la définir. Il me semble que la loi en dit trop ou pas assez – plutôt pas assez, d’ailleurs, en raison de son imprécision. Elle est donc probablement anticonstitutionnelle en tant qu’inintelligible et creuse. Vous ne pouvez pas déléguer votre propre compétence au pouvoir réglementaire.
Lorsque nous saisirons le Conseil constitutionnel, ceux qui nous liront attentivement – si par malheur ce texte funeste devait être adopté en l’état – devront répondre sur ce terrain constitutionnel.
Notre droit national emploie déjà la notion de rémunération raisonnable, comme M. le ministre l’a rappelé précédemment.
Je renvoie M. Houillon, par exemple, à l’article L. 134-5 du code de commerce qui dispose que, en l’absence d’usages, « l’agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l’opération. » J’ajoute que ces dispositions résultent d’une loi de 2003 ; je vous renvoie donc également à vos propres responsabilités.
Avis défavorable.
Monsieur Tian, si les fromagers étaient des OPM, leurs tarifs seraient définis par la loi mais, jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas le cas.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Tel est d’ailleurs bien l’objet de notre discussion depuis tout à l’heure !
S’agissant du principe de rémunération raisonnable, je répondrai tout d’abord aux arguments très juridiques de M. Larrivé, qui a tout à fait raison de les soulever.
D’où partons-nous ? Je cite la loi de 1944 : « Tous droits ou émoluments au profit des officiers publics ou ministériels peuvent être créés par décret en Conseil d’État ; ils peuvent être, dans la même forme, modifiés ou supprimés, même s’ils ont fait l’objet de dispositions législatives. »
Non, monsieur Larrivé : deux recours ont été validés à ce sujet. J’ajoute que le Conseil d’État a validé la rédaction que nous vous proposons.
Par la loi, nous précisons les dispositions en cours. Nous encadrons, nous définissons un motif d’utilité publique et en aucun cas on ne peut parler d’incompétence négative puisque la formule de « rémunération raisonnable » a été définie à plusieurs reprises dans des textes de loi.
Mme la rapporteure thématique a cité le code de commerce. Je pourrais moi aussi en citer d’autres : j’en ai cinq ou six à votre disposition, qu’il s’agisse de ceux l’énergie, de la santé…
…des télécommunications ou encore des transports ferroviaires. Plus précisément, par exemple, l’article L. 314-7 du code de l’énergie définit de la même façon ce qu’est une rémunération raisonnable.
Pour vous rassurer pleinement, monsieur Houillon, je n’ai pas à attendre l’avis de l’Autorité de la concurrence, puisqu’elle l’a déjà rendu – je l’ai d’ailleurs mis à votre disposition lors des réunions de la commission spéciale – et définit même le mécanisme. Je vous invite donc à le lire, je vous l’ai moi-même remis voilà quinze jours, à la seconde où je l’ai reçu. En trois pages très bien rédigées, il explique ce qu’est la rémunération raisonnable, à savoir la prise en compte des coûts réels, des investissements réalisés et du coût du capital ainsi que des risques encourus.
La définition de la rémunération raisonnable existe donc déjà. Une fois de plus, je vous invite à lire ce document.
Sachons ensemble raison garder : jusqu’ici, la loi n’avait défini aucun critère. Or vous êtes en quelque sorte en train de me dire que la loi introduit maintenant des critères que vous jugez trop brumeux. Non : ces critères existent dans la législation française et européenne. Ils sont même éclairés par cet avis de l’Autorité de la concurrence et ils seront pris par un décret de la garde des sceaux et du ministre de l’économie, qui sera soumis au Conseil d’État.
Je suis désolée, monsieur le ministre, mais je n’ai pas été convaincue par les arguments que vous venez de développer.
Je suis tout de même assez surprise de constater que, alors que nous sommes en train d’examiner un texte qui devrait simplifier la vie de nos concitoyens et créer de la croissance, ce projet est bavard et organise l’opacité.
Lors des nombreuses lois sur la santé que nous discutons, nous évoquons les notions de « tact » et de « mesure » qui nous permettent, régulièrement, de revenir sur un certain nombre de choses. Pourquoi ne pas profiter de ce texte pour rédiger un article plus objectif et plus sérieux, permettant à tous de comprendre ce dont il s’agit ?
Je ne vois pas comment une rémunération raisonnable pourrait être définie. En tout cas, je n’ai pas été convaincue par les arguments que vous avez développés. Je pense au contraire que cela introduit de l’opacité.
En outre, les expressions « rémunération raisonnable », « critères objectifs » et « coûts pertinents du service » sont bavardes et imprécises. On a l’impression que, parce que vous avez le pouvoir, vous considérez que vous êtes dans le camp du bien et que vous pouvez définir ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas. Mais ce n’est pas comme cela que l’on peut libérer l’économie et les énergies. C’est exactement l’inverse qu’il faut faire, et je suis très étonnée que nous ayons à débattre de textes de ce genre.
Je vous renvoie aux arguments que mes collègues ont excellemment développés. Je ne vois pas en quoi ces notions vont nous permettre de faire avancer les choses dans les professions du droit, ni comment elles vont permettre à nos concitoyens de mieux s’y retrouver. Je pense, au contraire, que vous introduisez des difficultés là où il n’y en avait pas.
Il y a une chose que je n’arrive pas bien à comprendre : d’un côté, on va définir des critères objectifs et une rémunération raisonnable, et de l’autre, on va créer un fonds de péréquation. Or qui dit fonds de péréquation dit prélèvement. Cela voudrait donc dire que les rémunérations, émoluments et honoraires considérés comme déraisonnables vont faire l’objet d’un écrêtement qui alimentera le fonds de péréquation.
Il y a là pour moi une forme d’incohérence, sauf – et je pense que nous y reviendrons quand nous examinerons l’alinéa 7 – si ce fonds de péréquation est vraiment un moyen de financer une mission qui est aujourd’hui assurée par l’État. Mais alors, on en revient à certaines démonstrations qui tendent à montrer que l’on est plus proche d’une taxe que d’un véritable écrêtement. C’est là que réside, pour moi, une réelle ambiguïté.
Je ne reviendrai pas sur la notion de rémunération raisonnable, qui a été suffisamment justifiée, mais je rappellerai qu’il est pertinent d’appliquer l’adjectif « raisonnable » à une tarification qui a pour objet d’établir un lien entre un professionnel du droit et un justiciable, ce qui n’est pas toujours aisé. Les ordres professionnels et les chambres s’attachent déjà à défendre cette notion de « rémunération raisonnable », tout comme l’idée de modération, lorsque certains professionnels s’en éloignent, ce qui, heureusement, arrive rarement.
Par ailleurs, qui peut prétendre que les deux ministres vont définir les tarifs tous seuls, dans leur coin ? Ce n’est absolument pas ce que prévoit le dispositif ! Je note, au passage, que c’était le cas auparavant…
Ce qui change, c’est que l’on demande à l’Autorité de la concurrence de donner un avis au ministre. Et cet avis – c’est là un vrai progrès – s’appuiera à la fois sur celui des associations de consommateurs et sur celui des représentations ordinales, si bien que la construction du processus tarifaire sera beaucoup plus intelligente et beaucoup plus transparente – puisque l’avis de la haute autorité sera rendu public – qu’elle ne l’était jusqu’à présent.
Si cela n’est pas un progrès, je vous demande ce que c’est ! La question de la construction tarifaire, essentielle dans la relation entre le justiciable et les professionnels du droit, fait là un progrès considérable.
Je ne suis pas très convaincu par votre réponse, monsieur le ministre, et ce, pour deux raisons.
La première, c’est que la référence à une loi de 1944 me semble assez inopérante pour évaluer la répartition entre la loi et le règlement, qui est née en 1958.
Surtout, vous avez esquissé ce que pourraient être les critères objectifs, et vous avez évoqué l’avis de l’Autorité de la concurrence. Il me semblerait de bonne législation d’inclure directement ces critères dans le texte de la loi pour guider la main du pouvoir réglementaire. À ce titre, un amendement du Gouvernement confortant votre propre position m’aurait paru utile.
J’avoue qu’il y a des choses qui m’échappent ! Ce débat me semble très abstrait, et nous gagnerions tous, monsieur le ministre, à ce que vous nous donniez des exemples précis de ce que vous jugez déraisonnable. Cela donnerait un caractère un peu plus concret à ce débat.
Par ailleurs, je commence à comprendre que le véritable arbitre, demain, sera l’Autorité de la concurrence.
Mais si, mes chers collègues ! Et notre collègue Dominique Tian a eu raison d’évoquer les fromagers et les crémiers, car ils dépendent de la même police : l’Autorité de la concurrence ! Quelles sont les affaires que cette autorité a eues à traiter ? Des affaires concernant Coca-Cola, la grande distribution, les automobiles, ou encore les pièces détachées. Mais là, nous ne sommes pas du tout dans la même logique, puisque nous parlons d’une profession réglementée, c’est-à-dire offrant des garanties précises. On voit bien le risque de dérive : vous confiez la police des professions réglementées à une structure dont la logique leur est totalement étrangère. La logique de l’Autorité de la concurrence, mes chers collègues, c’est la pure logique du marché, pas autre chose.
Vous vous apprêtez à rompre avec notre tradition juridique, fondée sur le principe d’une réglementation s’appliquant à tout le territoire. C’est pour cela que la comparaison de notre collègue Dominique Tian était bonne. Pourquoi retirer au garde des sceaux, dont c’est le rôle, cette mission de police, pour la confier à l’Autorité de la concurrence ?
Pour finir, monsieur le ministre, je vous invite de nouveau à nous donner des exemples de ce que vous jugez déraisonnable.
Il s’agit, non de donner un pouvoir à l’Autorité de la concurrence, mais de lui demander un avis, ce qui est différent. Les mots ont un sens et vous le savez bien, monsieur le député.
L’Autorité de la concurrence donnera un avis, dans le cadre du dispositif, ce qui ne signifie nullement qu’elle régulera, de quelque façon que ce soit, les professions concernées.
Je n’ai fait que répondre à votre collègue Dominique Tian, qui me parlait d’une réglementation des prix des fromagers. Je crois que nous nous sommes un peu embrouillés, car cela n’a pas grand-chose à voir avec notre sujet.
Je vais vous donner un exemple très simple, monsieur Le Fur : je pense à certains actes dont la rentabilité avoisine les 100 %, comme la transmission électronique d’un Kbis par le greffier d’un tribunal de commerce. La rémunération actuelle de ce genre d’acte peut être jugée déraisonnable.
Je m’en tiens aux faits : la réalité du coût humain et de l’investissement ne justifie pas le tarif pratiqué. Voilà un exemple de rémunération déraisonnable : quand vous avez quasiment 100 % de marge, il y a un problème.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je viens de vous donner un exemple, monsieur Le Fur ! J’ai toujours été très courtois avec l’ensemble des membres de la commission spéciale et des parlementaires. Je m’astreins à toujours répondre, mais il ne faudrait pas me donner le sentiment que je suis en classe – même si j’ai toujours été un élève discipliné –, car ce n’est pas exactement la dynamique de nos relations.
Je viens de vous donner un exemple concernant un greffier de tribunal de commerce : voulez-vous que je l’expose à nouveau ? Pour déterminer si une rémunération est raisonnable, il faut examiner les coûts réels, la rémunération du capital et le risque pris.
Monsieur Larrivé, pour répondre à votre intervention, cette notion de « rémunération raisonnable » existe déjà dans notre code. J’ai la même préoccupation que vous, et je ne veux pas faire une loi verbeuse.
Et, de même que l’on ne peut nous taxer d’incompétence négative dans la mesure où la notion de « rémunération raisonnable » est déjà définie dans plusieurs lois récentes, de la même façon, je ne souscris pas à la tendance qui consiste à vouloir mettre au niveau de la loi ce qui relève du règlement. En l’espèce, les différents critères que je viens d’évoquer – le coût réel, la rémunération du capital et le risque pris – me semblent relever du décret que nous prendrons en Conseil d’État. Mon rôle est d’éclairer les parlementaires sur les notions qui seront ensuite exposées dans le décret. C’est ce que je crois avoir fait.
Monsieur Carré, je comprends votre raisonnement. Si nous n’avions pas prévu, par dérogation, d’appliquer une proportionnalité des tarifs à certains endroits, votre raisonnement se tiendrait, parce que nous serions toujours au coût réel. Or il est prévu, dans la tarification, un principe de proportionnalité, qui fait que l’on peut se détacher, par dérogation, de la mécanique que nous sommes en train de décrire.
Ce principe de proportionnalité existe déjà ; nous ne faisons que le préserver. Il existera donc un décalage par rapport au coût réel, qui permettra d’abonder un fonds de péréquation, lequel sera défini par décret, en fonction de l’ensemble économique ainsi défini.
Votre raisonnement serait juste si le coût réel s’appliquait sur toute la chaîne des actes, ce qui n’est pas le cas. L’alinéa 6 précise cela ; nous y reviendrons donc.
Monsieur le ministre, on ne peut se satisfaire d’un débat législatif aussi court sur la définition des coûts. Il est clair, comme le disait notre collègue Guillaume Larrivé, que nous avons un désaccord sur ce qui relève du législatif et du réglementaire, et que la sanction pourra venir soit d’un recours soit d’une question prioritaire de constitutionnalité. La chose s’est déjà produite l’été dernier : certaines dispositions de la loi de 2008 ont été annulées à l’occasion d’une QPC, au simple motif que le Conseil constitutionnel avait considéré que le pouvoir législatif n’avait pas suffisamment joué son rôle et que cela portait atteinte aux principes fondamentaux de la Constitution. C’était, je crois, au sujet d’un article sur le portage salarial.
Il est donc très dangereux d’en rester à cette définition insuffisante et trop imprécise de la fixation des tarifs.
Vous nous dites en effet que parler de critères objectifs, de coûts pertinents du service et de rémunération raisonnable est suffisant pour éclairer ceux qui vont rédiger le décret. Vous dites que l’Autorité de la concurrence ne donnera rien de plus qu’un avis, mais vous savez très bien que les ministres invoquent toujours ce genre d’avis pour dire qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Chaque fois que de tels avis sont donnés, les ministres se sentent liés par eux.
Votre texte laisse donc une marge d’interprétation immense et n’éclaire rien du tout. Il laisse finalement à penser que vous cédez peu à peu aux injonctions de la Commission européenne, notamment à sa directive sur les qualifications professionnelles, qui prône la déréglementation et constitue une attaque directe de la vision du droit anglo-saxon contre le droit continental.
Nous en avons là un parfait exemple : désormais, le débat tournera autour de la seule notion de concurrence, et ne portera plus sur celles de certitude des règles, d’accès au droit et de coût de l’application du droit Ce ne sont pas ces critères, propres au droit continental, que vous avez retenus, mais des critères tout droit issus du droit anglo-saxon, fixés par la Commission européenne. Mme la rapporteure thématique nous a dit que cela allait mettre fin à une solution archaïque : voilà encore une rhétorique venue tout droit de la Commission européenne, dans le cadre de la directive sur les professions réglementées. Tout cela nous inquiète.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.
La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement no 1 rectifié .
Cet amendement vise à ce que l’on tienne compte de l’identité de chacune des professions, lorsque l’on va créer ce fonds de péréquation. Ce fonds est destiné à préserver le maillage territorial par une péréquation entre les offices d’une même profession, mais celle-ci ne peut être réalisée que par un fonds propre à chaque profession, parce que chacune d’elle a ses particularités.
La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 59 rectifié .
Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur la vision assez schématique du notariat français dont vous nous avez fait part. Vous considérez – avec une certaine condescendance – qu’il y aurait d’un côté des notaires ruraux qui font des petits actes…
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre est bien bon, il nous a dit qu’il n’entendait pas toucher à ces petits actes faits par les petits notaires ruraux ! Puis il y aurait les notaires urbains, qui feraient de très gros actes, très rémunérateurs, et l’on sent bien que ce sont plutôt eux qui sont dans le viseur. Opposer les riches aux autres est un élément de dialectique bien connu, je ne développerai pas.
Mais la réalité est un peu différente, monsieur le ministre. Oui, les notaires ruraux sont sur des marchés immobiliers souvent moins florissants et font beaucoup d’actes qui coûtent plus qu’ils ne leur rapportent, mais heureusement, de temps en temps, même en milieu rural, il leur arrive de faire un acte un peu plus rémunérateur. Et ce sont justement ces actes plus rémunérateurs qui permettent à leurs études de s’en sortir. C’est pourquoi votre idée de corridor nous faisait peur, et nous sommes très heureux qu’au terme de longs débats, au cours desquels les députés UMP se sont largement exprimés, vous ayez fini par y renoncer.
Mais votre vision nous inquiète malgré tout. La péréquation est une chose très concrète, et c’est pour cela que l’amendement que je défends tend à ce que la péréquation se fasse au sein d’une même profession, et qu’elle ne soit pas utilisée pour se substituer à l’impôt en finançant des maisons de la justice et du droit. Le but est de sauver le maillage rural du notariat.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 104 rectifié .
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement no 185 rectifié .
La parole est à M. Pascal Terrasse, pour soutenir l’amendement no 295 rectifié .
L’amendement no 295 rectifié est retiré.
La parole est à M. Michel Terrot, pour soutenir l’amendement no 296 rectifié .
Je souhaite poursuivre la discussion ouverte par M. Vitel il y a un instant. Il est évident que les notaires voient avec une certaine crainte l’existence d’un fonds de péréquation, particulièrement s’il est multi-professionnel.
Nous voyons bien que, derrière un tel fonds de péréquation multi-professionnel, se cache ce que l’on ne veut pas dire, et M. Le Bouillonnec vient de le rappeler : l’État a de grandes difficultés aujourd’hui à faire face au besoin de financement de l’aide juridictionnelle. L’État et les collectivités ont de grandes difficultés à faire face au besoin de création de maisons du droit. Il ne faut pas douter du fait que ce fonds, s’il est créé et s’il est multi-professionnel, sera largement affecté au financement de l’aide juridictionnelle et des maisons du droit. L’État se défausse complètement. C’est là un problème important.
Il ne faut pas tout mélanger : il doit y avoir, si c’est nécessaire, un fonds de péréquation par profession.
Je souhaite également interroger le ministre à propos d’une question qui a déjà été posée mais à laquelle il n’a pas répondu. Aujourd’hui, nous le savons bien, l’activité de conseil des notaires est très largement gratuite – on peut au moins s’entendre sur cette évidence. Demain, s’ils doivent renoncer à la gratuité, pourront-ils utiliser le fonds en question pour rémunérer l’activité de conseil qu’ils donnent aujourd’hui gratuitement ? J’aimerais avoir une réponse précise à cette question.
La parole est à M. Michel Sordi, pour soutenir l’amendement no 213 rectifié .
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement no 529 rectifié .
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement no 839 rectifié .
Monsieur le ministre, nous avons essayé à plusieurs reprises de vous expliquer, ou d’appeler votre attention, sur la réalité notariale. Vous avez déjà reconnu une certaine erreur sur le corridor tarifaire – dont acte, nous vous en remercions.
Il semble que cette profession n’ait jamais rien demandé, et aujourd’hui elle est attaquée, d’où les réactions parfois violentes que vous avez connues ou subies. Elle s’est par ailleurs organisée en réseau, avec les centres de recherches, d’information et de documentation notariales – ou CRIDON –, une mutuelle interne, mais aussi une caisse de retraite indépendante. Aujourd’hui, nous ne comprenons pas du tout pourquoi vous voulez porter atteinte à cette profession importante, qui fonctionne bien. La péréquation que vous proposez est bel et bien une taxe supplémentaire sur cette profession, comme l’a dit notre collègue Huyghe.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 2007 rectifié .
Notre groupe a déposé cet amendement de repli qui a pour objet de créer un fonds destiné à préserver le maillage territorial par une péréquation entre les offices d’une même profession. Nous considérons en effet que cette proposition est bien plus adaptée aux professions concernées, dans la mesure où la création d’un fonds propre à chaque profession est une cohérence qui s’impose de fait, chacune de ces professions ayant ses particularités.
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement no 2909 rectifié .
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 2969 rectifié .
Monsieur le ministre, en créant ce fonds de péréquation, vous créez une nouvelle taxe qui pèsera lourdement sur les études qui font le plus d’actes peu rémunérateurs, celles dont nous parlions tout à l’heure, c’est-à-dire les études situées en zone rurale.
J’ai sous les yeux un graphique détaillant les taxes qui sont appliquées aux études sur une vente de maison d’habitation d’une valeur de 100 000 euros. On voit très bien que les trois quarts des frais sont des impôts qui ne reviennent pas au notaire. Avec ce fonds de péréquation, vous n’allez faire qu’accroître ce montant.
Je note avec satisfaction que ces amendements mentionnent « une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs ». Nous arrivons donc finalement à intégrer cette rédaction dans la réflexion.
S’agissant de la péréquation, je comprends vos interrogations, et je vais essayer d’être très claire. Cette idée nous est venue parce que nous savons que le calcul se fait de façon proportionnelle. Or à partir d’un certain seuil, cette méthode aboutit à une rémunération du notaire qui ne correspond plus à la réalité du travail qu’il effectue. Néanmoins, par rapport à un petit acheteur, il est normal qu’on s’oriente vers un tarif proportionnel qui ne soit pas nécessairement dégressif.
Vous admettrez donc avec moi que cette somme dégagée, une fois la rémunération raisonnable attribuée au notaire, n’appartient ni au notaire ni à aucune autre profession juridique réglementée. Nous considérons qu’il est intéressant pour l’ensemble des professions juridiques de créer ce fonds de péréquation interprofessionnel, alimenté par une ressource prélevée sur de gros acheteurs, ayant la capacité de s’acquitter d’une somme proportionnellement identique à celle que verserait un petit acheteur.
L’interprofessionnalité des professions juridiques réglementées nous semble tout à fait essentielle, parce que nous en aurons besoin par la suite, pour un développement au niveau des territoires. C’est un bon signe que nous adressons à l’ensemble des professions du droit en vue de défendre le droit français – comme vous le souhaitez vous aussi.
Cette péréquation va sans doute alimenter l’aide juridictionnelle et les maisons du droit. En assurant la solvabilité de la demande sur le territoire, on préserve aussi le maillage territorial et le besoin de professions juridiques et judiciaires sur ce territoire.
En ce qui concerne les maisons du droit, nous obéissons au même principe. La péréquation, quant à elle, pourra soutenir la profession de notaire elle-même, en fonction des situations, au moyen du fonds – l’interprofession en décidera. Ce dispositif sera finalisé par les textes réglementaires.
Une intervention a soulevé la question de l’activité de conseil gratuit des notaires. Beaucoup de professionnels qui font du conseil gratuit : quand un plombier vient chez vous pour vous expliquer quelle méthode de chauffage vous convient, il fait du conseil gratuit
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
; quand vous allez chez votre banquier pour savoir quel type de prêt vous devez souscrire, il fait du conseil gratuit. En ce qui me concerne, je ne suis jamais allée chez mon notaire pour lui demander un conseil qui n’était pas en relation avec sa profession.
Cela dit, si ce conseil gratuit existe, je m’en félicite et je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas, dans une certaine mesure, l’organiser au sein de maisons du droit ou dans les dispositifs d’accès au droit, pour les personnes rencontrant des difficultés majeures. Cela permettrait en effet aux notaires qui se dévouent de façon tout à fait bénévole de bénéficier de ce dispositif.
Mme la rapporteure a été précise sur le fonds de péréquation. Pour ce qui est du conseil, monsieur le député, votre question était de savoir si le conseil gratuit perdurera. En aucun cas cet article ne vient le modifier, puisqu’il porte sur la tarification des actes. Aujourd’hui, des actes sont tarifés et nous précisons les modalités de cette tarification. Mais le conseil gratuit pourra tout à fait continuer à être prodigué.
Le conseil gratuit se fait parfois auprès d’élus. Vous reconnaîtrez qu’il est bien souvent attaché à un acte, et dans la perspective d’un acte.
C’est tout de même assez souvent le cas, reconnaissons-le.
Non, c’est tout à fait vrai pour les notaires. Ils donnent beaucoup de conseils, parfois même aux élus, et continueront à le faire puisque ce texte ne modifie rien sur ce point. À aucun moment ce texte n’évoque le fait que la tarification des conseils se ferait par le biais de la péréquation, et à l’inverse, d’ores et déjà, ces conseils sont souvent donnés dans la perspective d’un acte. Là non plus, cela ne changera rien.
En ce qui concerne les explications de Mme la rapporteure thématique, je note que ce qu’elle a dit sur la péréquation n’est pas écrit dans le texte. Le seul usage prévu – et c’est là où le bât blesse – concerne des missions qui sont aujourd’hui couvertes par le budget de l’État. De mémoire, ce sont à peu près 250 millions d’euros qui sont apportés aux avocats, et environ 70 millions d’euros dans le cadre de professions réglementées. Ces sommes sont loin d’être négligeables.
De plus, il faudra expliquer pourquoi c’est l’écrêtement des sommes les plus importantes sur un acte – qui dépassent très largement le prix de revient de cet acte, marge de l’étude comprise – qui va financer une charge qui est aujourd’hui d’ordre public. Cela s’appelle une taxe, un impôt, pas du tout un fonds de péréquation.
Vous auriez raison si vous vous en teniez à la première partie de votre explication, c’est-à-dire un renforcement des professionnels, de leur encadrement. Je pense à tout ce qui concerne la formation professionnelle, la documentation, tous ces éléments qui vont rendre plus forte la profession, même si, dès aujourd’hui, elle s’organise un peu de cette manière. Admettons que ce soit l’objet du fonds de péréquation. Nous serions d’accord. Le problème est que le texte ne prévoit pas cela : le fonds va se substituer à ce qui est aujourd’hui financé directement par le contribuable, ce qui est normal s’agissant de politiques de solidarité et d’accès au droit.
Le rapprochement entre le prélèvement tel qu’il est prévu aujourd’hui et l’impôt découle du fonctionnement de cette disposition. Il me semble d’ailleurs que nous sommes là face à un problème constitutionnel.
Monsieur le ministre, je pense que votre véritable problème est le financement de l’aide juridictionnelle. Par ce fonds de péréquation, vous entendez financer l’aide juridictionnelle. Vous verrez : ce sont les notaires qui y contribueront le plus et qui en verront le moins le retour.
Il faut relire la dernière phrase de l’alinéa 7 : « Cette péréquation assure également une redistribution, au niveau national, des sommes perçues au titre de ces tarifs proportionnels, au bénéfice d’un fonds interprofessionnel destiné à financer notamment l’aide juridictionnelle et les maisons de justice et du droit. » Il est donc bien question d’un impôt. Je ne vois pas très bien comment ce projet de loi peut favoriser la croissance et l’activité…
Mes chers collègues, je vous suggère de relire la première phrase de l’alinéa 7 : « Par dérogation au premier alinéa du présent article, peut être prévue une péréquation des tarifs applicables à l’ensemble des prestations servies. » Il s’agit donc d’une péréquation interne à la profession des notaires.
À la fin de l’alinéa est ajoutée la phrase : « Cette péréquation assure également une redistribution, au niveau national, des sommes perçues au titre de ces tarifs proportionnels, au bénéfice d’un fonds interprofessionnel destiné à financer notamment l’aide juridictionnelle et les maisons de justice et du droit. »
Ainsi, ce régime de péréquation comporte deux dispositifs : d’une part, l’alimentation d’un système de solidarité entre les territoires et les études par le biais d’une régulation des tarifs ; d’autre part, la participation de la profession notariée à une démarche de solidarité des acteurs du droit en faveur de l’aide juridictionnelle.
S’agissant du second dispositif, je confirme que l’ensemble des professions avaient reconnu la pertinence d’une participation des acteurs juridiques qui élaborent les contrats et documents à l’aide juridictionnelle qui, je vous le rappelle, est la traduction dans le conflit de l’ensemble de ces actes.
Cela fait un certain temps que tout le monde envisage de mobiliser l’ensemble de ces professionnels au bénéfice du financement de l’aide juridictionnelle. Un point recueille l’unanimité : le fait d’aller solliciter les assurances, qui gèrent plusieurs centaines de millions d’euros – on a parlé d’1 milliard d’euros…
Permettez-moi de vous rappeler que nous avons mis en place un tel dispositif dans le cadre de la loi de finances : nous avons accru la mise en oeuvre de la solidarité pour les compagnies d’assurance…
Dans la dernière loi de finances, nous avons également augmenté la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers.
Les avocats sont actuellement interrogés au sujet d’un dispositif qui viserait à mobiliser l’ensemble des professions du droit dans le cadre d’un système de solidarité.
Je pense notamment à cette part importante de la profession qui ne plaide pas – ce qui est tout à fait légitime – et qui est donc très éloignée de l’enjeu de l’aide juridictionnelle.
Jusqu’à présent, l’ensemble des professions ont admis la pertinence de cette mobilisation des acteurs du droit pour favoriser l’accès des justiciables aux juridictions dans le cadre de l’aide juridictionnelle. Cependant, tous les acteurs concernés – les avocats, les notaires – ont toujours déclaré qu’ils ne voulaient pas être les seuls à le faire. C’est pourquoi nous voulons mettre en place un système auquel tous les professionnels participent, dans des conditions largement accessibles eu égard à leur rémunération – je ne peux imaginer qu’il en soit autrement. Pour les huissiers et les compagnies d’assurance, ce dispositif a été instauré dans le cadre de la dernière loi de finances.
Nous n’avions pas encore créé de nouvel impôt aujourd’hui. Il était temps de le faire avant de lever la séance de cet après-midi !
Je croyais que le Président de la République avait déclaré qu’il n’y aurait pas d’impôt supplémentaire.
Il est vrai que son secrétaire d’État chargé du budget l’avait démenti dans la journée. Une fois de plus, l’alinéa 7 nous apporte un démenti.
La majorité prétend que cet impôt servira à créer des maisons de la justice et du droit.
Monsieur le ministre, vous ne connaissez peut-être pas le fonctionnement des maisons de la justice et du droit. Je vous invite à visiter celle de Loudéac – commune qui m’est chère –, à la création de laquelle j’ai concouru. On est à cent lieues des notaires ! Les maisons de la justice et du droit sont des lieux où se tiennent des permanences associatives ou des audiences foraines de diverses juridictions.
Enfin, monsieur le ministre, je veux vous poser une question précise : qui va gérer ce nouveau fonds interprofessionnel ? J’imagine qu’une instance professionnelle sera chargée de la gestion du fond, de la collecte des prélèvements et de la distribution des recettes. Elle devra déterminer un taux de prélèvement et des critères d’attribution de l’argent collecté. Puisqu’il s’agit d’une organisation interprofessionnelle, j’imagine qu’elle sera gérée par les professions du droit. Merci de nous le préciser.
Sourires sur les bancs du groupe UMP.
Plus j’entends les explications du Gouvernement et de la majorité, moins je comprends quelque chose. Sans doute est-ce parce que ce dispositif est moderne !
L’alinéa 6 évoque une « rémunération raisonnable » et des « coûts pertinents ». L’alinéa 7 dispose que, par dérogation à l’alinéa précédent, une péréquation peut être prévue. La dérogation consiste donc à sortir des « coûts pertinents » et de la « rémunération raisonnable » : la mise en oeuvre de ces dispositions par décret constituera une belle source de contentieux !
À l’alinéa 7, donc, on ne prévoit plus de tarifs raisonnables, on ne s’occupe plus des coûts pertinents et on met en place une péréquation. Cette dernière poursuit apparemment deux objectifs.
La péréquation est d’abord interne, même si le texte ne le précise pas explicitement. Vous prenez d’ailleurs pour seul exemple celui des notaires – sauf erreur de ma part, toutes les interventions que j’ai entendues concernaient les notaires,…
Si j’ai parlé des notaires, c’est parce que tout le monde ne parle que d’eux !
…alors que cet article est général et qu’il s’applique à l’ensemble des professions du droit.
L’alinéa 7 mentionne même « les tarifs des transactions portant sur des biens ou des droits immobiliers d’une valeur supérieure à un seuil fixé » par arrêté. Une telle disposition, qui concerne un commissaire-priseur judiciaire ou un huissier de justice, n’a évidemment aucun rapport avec les missions exercées par un certain nombre de professions réglementées,…
Bien sûr que si !
…à moins que vous ne souhaitiez que ce soient les notaires qui paient l’intégralité.
On peut comprendre qu’au sein d’une même profession, certains actes ne soient pas très rentables et que, pour compenser, on en tarifie d’autres de manière non raisonnable – c’est une dérogation – afin d’assurer une péréquation. Nous en avons déjà débattu. Cependant, vous n’avez précisé aucune modalité de cette péréquation interne : il faudrait donc que vous nous expliquiez le fonctionnement d’un tel dispositif.
Cette péréquation assure également une redistribution. Elle alimente un fonds interprofessionnel. Quand et comment sera-t-il créé ? Selon quelles modalités ? Vous ne le précisez pas.
Ce fonds interprofessionnel est destiné à financer un service public, puisque l’aide juridictionnelle et les maisons de la justice et du droit sont des services publics. Par conséquent, comme nous l’avons dit cent fois depuis tout à l’heure, c’est bien une nouvelle taxe qui est créée pour financer un service public ; or il n’appartient pas à ces professions de financer un service public.
Je vous ai déjà proposé de qualifier ce nouveau prélèvement de « taxe parafiscale » mise à la charge des utilisateurs pour financer l’aide juridictionnelle : ce serait alors clair ! Tel qu’elles sont actuellement rédigées, ces dispositions sont incompréhensibles. D’ailleurs, les explications laborieuses que nous entendons sont bien la preuve que ce texte manque singulièrement de clarté.
M. Le Bouillonnec a apporté des précisions assez éclairantes sur la nature d’un prélèvement qui est, en fait, une taxe. Les critères dont nous parlions tout à l’heure sont extrêmement flous.
Laissez-moi aller jusqu’au bout de mon explication !
Philippe Houillon a expliqué en quoi le financement par ce fonds de l’aide juridictionnelle posait un problème.
M. Le Bouillonnec a décrit une taxe fiscale, ce qu’on appelle une « contribution volontaire obligatoire », ou CVO. Ces taxes servent notamment à financer les différents comités professionnels, comme les comités des arts de la table ou les centres techniques industriels ; elles existent également dans le secteur agricole. C’est tout à fait ce que prévoient les dispositions que vous nous proposez : vous voulez instaurer une taxe parafiscale, dont la création relève normalement de la loi de finances et non d’un texte comme celui dont nous discutons aujourd’hui. De telles contributions sont normalement négociées en interprofession, puis proposées au Gouvernement et votées par le Parlement. Vous proposez le schéma inverse : vous essayez d’imposer par la loi quelque chose dont on ne connaît ni la nature ni le fonctionnement, et dont les professions et les interprofessions ne veulent pas.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
C’est la vérité ! Vous êtes obsédés par le fait de jouer en permanence avec l’argent des autres.
Là encore, vous créez des impôts. Les professionnels vont financer un service public en subissant des coûts cachés. Encore une fois, vous organisez l’opacité en instaurant un dispositif extrêmement flou. Ces dispositions sont anxiogènes.
Ce texte est censé libérer la croissance, les énergies et procéder à une simplification. Or il opère une complexification permanente. L’impôt s’insinue partout, au détriment des professionnels qui ne demandent qu’à continuer à travailler librement, tranquillement, comme ils l’ont fait jusqu’à présent. Nous parlons de professions qui fonctionnent bien, qui donnent satisfaction, qui sont exemplaires au niveau national parce qu’elles sont des forces vives. Elles subiront des coûts cachés et des impôts supplémentaires.
Encore une fois, la libération des énergies et de la croissance que vous attendez va nous tirer vers le bas, car les professionnels du droit embauchent des milliers de personnes qui se trouveront fragilisées. On s’achemine non seulement vers des coûts supplémentaires, vers une complexification de ces métiers, mais également vers une fragilisation de l’emploi. C’est pourtant exactement l’inverse que vous prônez.
Il serait temps de revenir à des principes plus simples et de renoncer à ces nouvelles dispositions.
Monsieur Le Bouillonnec, vous avez tenu des propos extrêmement intéressants : je ne voudrais pas qu’ils échappent à nos collègues ! Vous essayez de monter les professions les unes contre les autres : c’est une méthode qui n’échappe à personne, et surtout pas aux professionnels du droit. Vous dites que ce seront les commissaires-priseurs, les greffiers, les huissiers de justice, les administrateurs et les notaires qui abonderont ce fonds interprofessionnel ; les avocats seront satisfaits de ce système qui leur apportera des financements que l’État ne peut pas assurer.
Pour vous, ces professionnels gagnent trop d’argent, ils vivent sur des rentes – M. le ministre l’a dit tout à l’heure à propos des greffiers, dont le bénéfice serait parfois de 100 %, au regard de leur marge. Il faut pourtant regarder le travail assuré par les greffiers des tribunaux, qui ne se résume pas à un envoi de mail ou une photocopie. Mais c’est un autre problème.
Ainsi, monsieur Le Bouillonnec, vous pensez que ces professionnels gagnent trop d’argent et qu’il faudrait donner cet argent aux avocats, le consacrer à l’aide juridictionnelle. C’est intéressant !
Mais surtout, monsieur Le Bouillonnec, vous avez affirmé qu’il existait deux types d’avocats : les avocats qui plaident et ceux qui ne plaident pas – c’est un vieux sujet, nous y reviendrons à l’article 13. Vous avez dit tout à l’heure que les avocats qui ne plaident pas pourraient participer à l’aide juridictionnelle de ceux qui plaident. Est-ce bien cela ?
Cela signifie que, dans quelques minutes, vous allez taxer les avocats qui ne plaident pas au profit de ceux qui plaident.
On peut toujours caricaturer et mépriser son interlocuteur sur les bancs de notre assemblée. Cependant, personne ne peut donner des leçons aux autres.
Nous sommes un certain nombre à connaître ces sujets et à y travailler depuis longtemps. Tout le monde sait que le problème du financement de l’aide juridictionnelle se pose depuis dix ans,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
quelle que soit la majorité au gouvernement. Il y a peut-être quand même une petite différence : depuis deux ans, le financement de l’aide juridictionnelle par l’État a progressé, ce qui n’était pas le cas avant.
Au fond, quel est le vrai problème de l’aide juridictionnelle ? Ce n’est pas le sujet dont traite ce texte, mais il faut l’évoquer. L’aide juridictionnelle vise à garantir l’accès des justiciables aux juridictions et leur assistance, dans tous les contentieux, par des professionnels du droit – pas seulement par des avocats.
…à la garde à vue, à l’hospitalisation sous contrainte, aux déférés… Il s’élargit sans cesse, et ce n’est pas fini, au nom de principes conventionnels comme de principes constitutionnels.
S’agissant des dispositifs qui contraindront l’État à assurer l’assistance des justiciables pour que ces derniers bénéficient de la plénitude de leurs droits, nous sommes au milieu du gué.
Depuis longtemps, on met en avant le fait que toutes les professions du droit contribuent à la production juridique, et que celle-ci ne saurait être détachée du processus juridictionnel.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est pour cela que l’hypothèse de la mobilisation de tous les professionnels a été évoquée. Les responsables ordinaux, les chefs des professions ont toujours admis qu’ils ne pouvaient pas se tenir à l’écart de ce processus.
Je ne fais pas un procès aux avocats, monsieur Tian ! Nous savons tous qu’un nombre grandissant d’avocats ne plaident plus, car beaucoup exercent le conseil ; c’est une véritable difficulté pour cette profession. Les avocats qui ne participent plus au processus juridictionnel n’assurent plus la défense des justiciables devant les juridictions. Le problème se pose dans beaucoup de barreaux, y compris le plus important d’entre eux, celui de Paris, qui est celui dont le concours à l’aide juridictionnelle est le plus limité.
Loin de reprocher cette réalité aux avocats, nous les appelons à entrer dans un espace de solidarité…
…au nom du principe même de solidarité, qui doit être celui de cette profession.
Comme tous, sans exception, l’ont dit, ce dispositif concerne l’ensemble des professions créatrices du droit et des relations juridiques ; il permettra l’accès des plus démunis à la juridiction et à la plénitude de leurs droits.
Peut-être n’êtes vous pas d’accord ; je considère pour ma part que c’est un enjeu de la justice du XXIe siècle.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Nous souhaiterions que M. le ministre nous explique ce que prévoit l’alinéa 7 : s’agit-il d’un prélèvement, d’une redistribution interprofessionnelle ou d’un impôt nouveau destiné à financer un désengagement de l’État ? On ne comprend plus grand-chose à l’objectif visé par cet alinéa. Cela pose la question de l’intelligibilité de la loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je vais mettre aux voix l’amendement no 1 rectifié et les autres amendements identiques.
Monsieur le président Le Fur, laissez-moi présider. M. le ministre s’exprimera lorsqu’il l’aura décidé. Je suis persuadé qu’il apportera les réponses aux questions que vous avez posées, ainsi qu’il l’a fait jusqu’à présent.
Les amendements identiques nos 1 rectifié , 59 rectifié , 104 rectifié , 185 rectifié , 213 rectifié , 295 rectifié , 296 rectifié , 529 rectifié , 839 rectifié , 2007 rectifié , 2909 rectifié et 2969 rectifié ne sont pas adoptés.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly