La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement no 1870 à l'article 4 et aux amendements identiques.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour le traditionnel rappel au règlement de début de séance… (Sourires.)
Monsieur le président, ce rappel au règlement a deux objets.
Le premier est de vous présenter mes respects du soir et de saluer l'ensemble des personnes présentes. (Sourires.)
Le second est un peu plus pénible pour l'ensemble de notre assemblée. Dans son journal de vingt heures, l'une des grandes chaînes nationales a évoqué l'Assemblée et s'est livrée, comme c'est trop souvent le cas, hélas ! à un certain antiparlementarisme, tirant prétexte de nos nombreuses séances de nuit pour dire que cela avait des conséquences financières importantes.
Il nous faut, en ce qui nous concerne, tirer de ces éléments deux conséquences. D'abord, il nous faut…
…ne pas multiplier à l'excès nos séances de nuit et nous donner le temps de travailler. Quand on fait une grande loi, on se donne le temps de travailler.
Ensuite, il faut pouvoir répondre, en termes financiers, de manière très précise. Je souhaiterais que le premier questeur, qui est assidu à nos séances, puisse nous dire très précisément quel est le coût de chaque heure de séance de nuit. La presse spécialisée évoque des chiffres qui sont certainement sans fondement. Il faut que nous répondions, que nous objectivions – comme on dit maintenant – ce débat, de façon à parer à toute forme d'antiparlementarisme déplacée.
Monsieur Le Fur, vous avez raison de poser cette question. On m'a parlé de ce reportage qui a été diffusé sur une chaîne de télévision publique.
Je le regrette. En même temps, nous devons assumer ensemble un certain nombre de choses.
La démocratie a un coût. Ceux qui pensent que l'on peut la faire fonctionner sans y mettre les moyens sont des populistes. Ceux qui viennent nous expliquer qu'il faut supprimer les départements, les conseils municipaux, les conseils régionaux, l'Assemblée nationale et le Sénat et que tout ira bien sont des populistes. (Applaudissements.)
Par ailleurs, j'ai déjà eu l'occasion de le dire : nous ferons tout pour voter ce texte le 12 février, comme nous en avons pris l'engagement.
Il y aura des séances de nuit s'il en faut. Nous ne réclamerons pas un seul euro supplémentaire au Gouvernement pendant les cinq années de cette législature.
Si nous devons travailler plus, nous le ferons, et ce quel que soit le coût de fonctionnement. Si nécessaire, nous ferons des économies ailleurs. Je vous le dis, et il faut que les Français le sachent : pas un euro supplémentaire ne sera réclamé, quel que soit le train du travail de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Hervé Mariton pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, je pense que vous avez commis un lapsus, car nous ne réclamons pas d'argent au Gouvernement.
Il est important que l'Assemblée assume bien cette idée : nous définissons les moyens dont nous avons besoin ; c'est un élément important de la séparation des pouvoirs. Votre langue a donc certainement fourché. Cela dit, j'approuve tout à fait votre position : l'Assemblée assume de mobiliser de l'argent public pour les travaux qui sont nécessaires.
Au demeurant, cet argent est utile pour éclairer nos concitoyens sur le contenu des textes. En ce qui nous concerne, nous assumons ces débats, pour autant qu'ils se déroulent de façon raisonnable. S'il est vrai que la séance de nuit de l'autre jour n'était peut-être pas absolument indispensable, il n'en demeure pas moins que les débats prennent du temps. Ils ont aussi un coût, mais ils ont permis, sur un certain nombre d'articles – même si après, comme vous l'avez dit tout à l'heure, chacun se fait son idée – d'éclairer les Français sur les tenants et aboutissants d'un certain nombre de dispositions, sur les conséquences possibles du texte. Je pense que ce travail n'est pas inutile.
Dans le cadre des lois de finances, nous votons chaque année les moyens dont l'Assemblée a besoin. Il me semble d'ailleurs que, sous votre présidence, comme c'était le cas de celle de votre prédécesseur, ils n'ont pas augmenté ces dernières années. Cela paraît juste et raisonnable dans la situation actuelle du pays.
Monsieur Mariton, pour mettre les points sur les i, lorsque je dis que nous ne demanderons pas un seul euro au Gouvernement, c'est pour que les Français sachent que, s'il devait y avoir un coût supplémentaire, compte tenu du travail qui est attendu dans les semaines et même les mois qui viennent en raison de l'ordre du jour annoncé, cela se fera en revenant, le cas échéant, sur un certain nombre d'autres dépenses inscrites au budget de l'Assemblée nationale. Toutefois, cela ne pénalisera pas notre travail.
Par ailleurs, si vous voulez m'entendre dire qu'il n'y aura pas de séance, et peut-être même une longue nuit, dans la nuit de dimanche à lundi, je ne le ferai pas ! (Sourires.)
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement. Elle concerne ce qui s'est passé avant que nous nous arrêtions pour aller dîner.
J'ai envie de dire à M. Le Fur – et j'associe à mes propos tous mes collègues bretons – que nous sommes choqués d'entendre présenter la Bretagne comme une terre réactionnaire et conservatrice (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), moins à même que d'autres régions de comprendre l'évolution de la société, alors même que la Bretagne a toujours su faire preuve de pondération.
Quelle image vous donnez, monsieur Le Fur, de ce territoire et de notre République ! La Bretagne est une terre de solidarité, d'accueil et de tolérance, où des hommes et des femmes aux opinions diverses vivent ensemble.
Nous, députés socialistes et de gauche, nous honorons ce qui fait notre force : la résistance à l'oppression, la résistance à l'injustice ; nous témoignons chaque jour de notre humanisme. (« Ce n'est pas un rappel au règlement ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Breton, avec un nom comme le vôtre, vous devriez respecter la Bretagne ! (Sourires.)
Nous, députés socialistes et de gauche de Bretagne, nous honorons ce passé et ces valeurs.
Je voudrais vous rappeler quelques faits. La Bretagne a voté massivement pour François Hollande : sur vingt-sept députés de Bretagne, vingt-deux sont de gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, je veux moi aussi la parole pour un rappel au règlement ; je vais parler des Hauts-de-Seine !
Vous nous accusez de ne pas avoir le courage de nos opinions, mais c'est avec fierté, conviction et détermination que nous avons défendu le mariage pour tous. Tous mes collègues ont pris clairement position, dans la presse et sur les blogs ; ils ont participé à des manifestations et organisé des débats – j'en veux pour preuve celui de Mme Annie Le Houerou.
D'ailleurs, monsieur Le Fur, si vous aviez lu Ouest-France comme vous vous en targuez, vous le sauriez, car nous avons tous été questionnés et nous avons pris position. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous sommes bretons et nous assumons nos positions. Ne confondez pas le peuple et le populisme. Comme vous le voyez, nous assumons nos choix ; nous représentons cette idée du dialogue et d'une société en paix ; nous ne refusons aucun débat et ne versons jamais dans la violence, contrairement à ce que vous faites, monsieur Le Fur, depuis une semaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, retrouvons notre calme, d'autant que la nuit va être longue…
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 1870 .
Monsieur Aubert, vous aurez l'occasion de prendre la parole plus tard. Je crois d'ailleurs que vous intervenez régulièrement ; vous n'êtes donc pas frustré… (Sourires.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
Avec l'article 375-8 du code civil, que vise cet amendement, nous étudions la question des ascendants. Nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer hier, mais pour ainsi dire en passant. Je pense en particulier au nombre effectif des ascendants qui pourraient être concernés, le cas échéant, par cet article. Il conviendrait donc, madame la ministre, que nous obtenions une réponse sur les problèmes éventuels posés par ce nombre important d'ascendants, eu égard aux dispositions qui vont être prises à travers ce texte.
Monsieur le président, j'ai été très étonné en entendant le rappel au règlement de notre collègue Mme Chapdelaine. Ce qui m'inquiète un peu, c'est que, si j'ai bien compris, elle parle au nom de Mme Guittet et de Mme Le Houerou, qui siègent parmi nous.
Le propre de la démocratie, c'est que chacun s'exprime. Or, il y a des attentes. Les gens me disent : « Mais ces socialistes qui ne parlent pas, quel est leur sentiment ? Sont-ils aux ordres ? » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
« Ont-ils conservé une once d'esprit critique ? Ont-ils une personnalité, ou bien sont-ils simplement là pour appuyer sur des boutons ? » (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
S'il vous plaît, mes chers collègues ! Je pense que vous comprenez le sens de l'intervention de M. Le Fur…
Le mieux, monsieur le président, si vous m'y autorisez, serait que je procède à un appel département par département, de façon à ce que l'on sache ce qu'il en est. (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour la réponse que vous avez faite sur les aspects financiers de la question. Il n'en demeure pas moins que l'opinion souhaite savoir combien coûte une heure ou une nuit de séance.
Un député du groupe SRC. Pourquoi pas une minute ?
Nous avons la chance d'avoir parmi nous M. Roman qui, en plus de ses qualités bien connues d'orateur sur ce sujet, est également notre excellent premier questeur – je n'ai vraiment pas lieu de m'en plaindre.
J'imagine qu'il va nous dire combien tout cela coûte – pas pour nous, mais pour l'opinion, car, à un moment donné, il faut savoir les choses.
M. Roman aura l'occasion d'intervenir sur ce sujet à la fin de nos travaux sur ce texte ; une fois que nous l'aurons voté, nous ferons une explication, y compris du point de vue financier, sur le vote de la loi.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 3594 .
Votre nom est de circonstance, après cette série d'interpellations… (Sourires.)
Je le répète, c'est une usurpation – de la même façon que cet article 4 en est une – que de me faire passer pour breton ! Je ne veux pas m'immiscer dans les débats régionaux…
Je voudrais revenir sur ce qu'a dit tout à l'heure notre collègue Mme Genevard sur le « best of réac » qui a été publié soit par le Parti socialiste, soit par le groupe socialiste à l'Assemblée nationale, ce qui, nous le savons bien, revient au même.
Cela me semble tout de même très inquiétant. En effet, nous assistons à un « flicage » des mots et des pensées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous assumons tout à fait, mais, voyez-vous, il y a deux pratiques. L'une consiste à échanger, à dire ce que l'on pense, à exprimer ses convictions et à argumenter ; l'autre consiste à créer des tribunaux et à dire ce qui est bien et ce qui ne l'est pas.
Dans son principe même, ce « best of réac » est scandaleux. Jamais nous ne le ferions ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Voilà la différence entre vous et nous. Le problème est que cela ne vous surprend même pas. Vous vous érigez tellement en tribunal de la bien-pensance que cela ne vous étonne ni ne vous indigne.
Inclurez-vous dans ce « best of » la phrase de Michel Rocard, qui juge dangereuse l'adoption par des couples de personnes de même sexe ?
Non, vous ne le ferez pas, parce que vous n'allez pas au bout, parce que vous êtes des lâches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
L'article 375-8 du code civil rappelle que les frais d'entretien et d'éducation de l'enfant qui fait l'objet d'une mesure d'assistance incombent à ses père et mère.
Au passage, je rappelle que l'expression grammaticale « à ses père et mère » – sans « s » ! – est assez originale et renvoie à l'article 371, qui reprend dans le code le premier commandement.
Oui, regardez comment le code civil est rédigé. Il est manifestement inspiré du premier commandement ! Personne ne peut raisonnablement dire le contraire.
Par ailleurs, comme Xavier Breton l'a rappelé, l'article traite aussi de l'obligation alimentaire des ascendants. La difficulté, je le rappelle, vient de la définition des ascendants, à la fois dans le texte, dans les conséquences du texte, et dans la vision de la société que vous portez, en particulier Mme Bertinotti lorsqu'elle évoque les familles.
Il y a un an à peu près, le laboratoire des idées du Parti socialiste, qui annonçait les choses plus clairement que ne le faisaient les discrètes professions de foi, avait validé l'idée d'homoparenté et celle de multiparenté.
Dans une configuration où il y a beaucoup de parents, la question se pose de savoir qui est concerné par l'obligation alimentaire. Le laboratoire des idées du PS avait répondu de façon très concrète et pratique : les deux premiers dans l'ordre chronologique. Lorsque j'explique cela dans les réunions, tout le monde s'esclaffe… Je regrette que l'Assemblée n'en fasse pas autant.
Je vous donnerai un peu plus de temps pour la défense de votre prochain amendement.
La parole est à M. Patrick Hetzel.
Ce texte a été présenté par le Gouvernement. Mais force est de constater que, depuis le début de la discussion, ses membres ne nous disent pas la même chose. À cet égard, la journée de dimanche a été particulièrement révélatrice. Même le Premier ministre a dû intervenir depuis Phnom Penh pour siffler la fin de la récréation !
À force de turpitudes, le Gouvernement est parvenu à faire de ce texte une succession de couacs. Ce qui était annoncé comme une grande avancée, un très grand texte, n'est finalement rien d'autre qu'un débat qui divise et laisse nos concitoyens songeurs et stupéfaits. Quand cesserez-vous de jouer aux apprentis sorciers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en venons maintenant à une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 1872 .
Notre collègue Mariton a fait référence à un laboratoire d'idées proche du groupe majoritaire de la majorité. La multiplication des ascendants, due au fait que l'on modifie sensiblement les structures familiales, a un impact sur l'aide alimentaire et sur la définition des personnes à qui elle incombe. Je laisserai notre collègue Mariton terminer la citation, ce qui nous permettra d'obtenir une réponse du Gouvernement sur ce sujet. L'amendement est défendu.
Un certain nombre de maires, mais aussi d'adjoints, officiers d'état civil, se sont regroupés dans le collectif « Les Maires pour l'enfance ». Voici ce qu'ils disent : « les officiers d'état civil ont été dans leur grande majorité heurtés par le mépris de leur fonction et de leur avis sur les questions touchant au mariage et à la famille. »
S'il y a des personnes concernées – et beaucoup d'entre vous sont maires ou adjoints –, ce sont bien ces officiers d'état civil qui, régulièrement, le vendredi et le samedi, effectuent des actes d'état civil. Ce qui m'a frappé lors de nos discussions, c'est à quel point ces actes les engagent, ces journées ont pour eux de l'importance. Ils ne font pas cela par automatisme, mais avec la conviction que la cérémonie qu'ils président est importante pour les jeunes mariés.
Vous avez raison, monsieur Le Bouillonnec. Cela sera décompté bien évidemment de mon temps de parole. Je partage votre sentiment et j'ai bien entendu votre propos à la tribune tout à l'heure.
Ils se demandent également quel doit être le rôle du Parlement, et si la conduite de l'État se résume à la simple application de promesses électorales numérotées. Promesses électorales toutes relatives, puisque le président Ollier nous a démontré que les engagements que l'on nous annonçait comme tels n'en étaient pas précisément. Les gens n'ont pas voté pour des promesses, mais pour un individu, dans lequel ils ont confiance. (« Avaient ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Je crains qu'ils aient de moins en moins confiance en lui. Écoutez les officiers d'état civil, maires et adjoints : la France profonde ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais revenir sur un petit incident qui a émaillé l'après-midi. J'ai mis à profit la soirée pour rechercher dans le règlement intérieur la catégorie des « amendements poubelle ». Je n'ai rien trouvé, mais je me suis interrogé : je voudrais savoir, cher collègue Glavany, monsieur le questeur Roman, si ces amendements relèvent de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères – la TOM – ou de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères – la ROM ? Si tel est le cas, je voudrais savoir si l'Assemblée est assujettie au versement de ladite somme. J'aimerais alors que M. Roman nous explique quelles seraient les incidences financières de la tenue de séances de nuit. Pour le reste, mon amendement est défendu. (Sourires.)
Faire payer le dépôt d'amendements serait une bonne solution ! Nous n'aurions plus de problème quant au déroulement de nos séances… (Sourires.) Mais Christian Jacob nous fait un malaise. Je ne le proposerai donc pas en conférence des présidents…
La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l'amendement n° 3596 .
Il est vrai que la libéralisation du marché du gaz aurait coûté très cher…
Je voudrais revenir sur le « best of réac » car je ne serais pas très à l'aise si j'appartenais à un groupe qui, sur un site, désignait des députés en sortant leurs propos de leur contexte.
Tout cela est révélateur d'une certaine lâcheté, à l'image de l'article 4 sur lequel porte cet amendement. Encore une fois, vous n'osez pas appeler les personnes par leur état. Oui, deux hommes qui se marieront deviendront des « maris », deux femmes des « épouses », mais vous n'osez pas l'écrire.
Vous préférez surfer sur les réseaux sociaux, en oubliant de dire que le débat a lieu ici. Débattez avec nous, cessez de fréquenter ces réseaux, nantis d'un sentiment de toute-puissance ! Vous êtes aveuglés par votre idéologie. Votre façon même de faire de la politique est révélatrice. Nous, nous acceptons le doute, car derrière ce que nous disons il y a des personnes et leur parcours. Il faut prendre le temps d'entendre le témoignage dont Annie Genevard faisait état tout à l'heure. Mais vous, vous êtes aveuglés par une idéologie, vous agissez au nom du progrès et de l'égalité mais le respect des personnes vous importe peu. Revenez à la société, revenez à la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je termine rapidement ma démonstration. Le laboratoire des idées du Parti socialiste propose donc que l'on prenne les deux premiers parents dans l'ordre chronologique. Fragiliser de la sorte l'obligation alimentaire, qui est à la fois légitime et assez contestée dans notre pays, est quelque chose d'extrêmement périlleux. Ce serait reculer au moment où l'on réfléchit au financement de la dépendance. Par ailleurs, ce schéma de multiparenté fragilise la parenté en elle-même.
S'agissant du « best of réac », quelles sont les citations qui m'honorent ? J'ai posé la question : « Que répondrez-vous demain lorsque deux hommes réclameront un enfant sur leur propre patrimoine génétique ? » Vous savez très bien que des expériences avec des mammifères, certes très différents de l'homme, ont été menées dans ce domaine. Cela signifie que la science a mis en oeuvre un certain nombre de pratiques qui permettent, à partir du patrimoine génétique de deux personnes de même sexe, d'engendrer un individu dans des conditions fertiles.
Vous-mêmes qui rappelez que ce sont l'évolution des temps, le sens de l'histoire et le constat de la réalité qui guident votre action, souvenez-vous de la réalité scientifique : E pur si muove !
Défavorable.
Alors qu'un débat politique sur un sujet d'une telle importance aurait dû être loyal et porter sur des idées de fond, le Gouvernement a tout fait pour qu'il soit tronqué et faussé, et ce à trois reprises.
D'abord, mesdames les ministres, vous n'avez pas dit la vérité sur la GPA et la PMA.
Vous avez d'ailleurs été recadrées vertement par le Président de la République, qui a été obligé d'écrire pour dire la vérité – tue par le Gouvernement. Vous avez aussi été recadrée par le Premier ministre, parce que vous mentiez et manquiez de sincérité.
Tout à l'heure, nous avons entendu un éminent représentant du Parti socialiste, président de la commission des lois, jurer la main sur le coeur que ses engagements électoraux avaient porté sur ce texte. Il aura fallu que Patrick Ollier produise un document incontestable qui démontre que M. Urvoas ne nous avait pas dit la vérité.
En troisième lieu, il y a eu cette affaire du Conseil d'État. J'ai écouté avec attention le ministre des relations avec le parlement, dont on connaît les talents juridiques puisqu'il est avocat – ce qui est une qualité. Il nous a expliqué que le Gouvernement pouvait ne pas produire l'avis. Mais notre problème, ce n'est pas que le Gouvernement n'a produit l'avis, c'est qu'il ne l'a produit qu'à la majorité !
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n° 1873 .
Nous attendons encore la réponse de Mme la ministre sur la fragilisation – ou non – de l'obligation alimentaire, mais je ne doute pas que nous l'aurons au cours de la soirée, nous avons le temps.
Je continue pour ma part la lecture de la déclaration faite par M. Bernard Poignant, ancien député, conseiller du Président de la République François Hollande…
Moi qui l'ai connu aussi, cher collègue, je le confirme.
Le 11 novembre 2012, M. Poignant se demandait donc si ce projet consistait à ouvrir un nouveau contrat entre deux personnes – la réponse était non ; s'il s'agissait d'une reconnaissance sociale de l'amour – la réponse était non. Je poursuis ma citation : « S'agit-il d'une question de filiation, donc des enfants ? La réponse est oui. Car le mariage entre deux personnes de sexe différent présuppose une filiation biologique, au moins quand elles sont en âge de procréer. Elles ignorent aussi si l'un des deux ou les deux sont stériles. Quand un enfant naît, le mari est présumé père et seulement présumé car l'enfant a pu être conçu avec un autre homme dans l'ignorance du mari. Quand le couple n'est pas marié, l'enfant est reconnu ou pas par le compagnon ou tout autre homme. Dans tous les cas de figure, il y a un père et une mère.
« Aujourd'hui l'adoption est possible dans un projet parental. L'enfant est alors accueilli par un père et une mère adoptifs. Ceux-ci peuvent lui cacher l'adoption, et il croira que ses deux parents d'accueil sont les parents biologiques. Ou il lui sera dit d'où il vient et il saura qu'il a ailleurs un père et une mère. L'adoption est également possible par une personne seule, homme ou femme. Dans ce cas, il manque l'un des deux. Mais l'enfant doit savoir qu'il a quelque part soit une mère, soit un père. »
Sur l'amendement n° 1873 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
J'ai rappelé hier soir, avec un peu d'humour, que ce texte avait pour effet de supprimer les belles-mères, en les remplaçant par des beaux-parents 1 et 2. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'évoquais le préjudice que cela représentait pour tout le théâtre de boulevard : que serait-il sans belles-mères ? Depuis, je ne cesse de recevoir des avis de soutien, en particulier des intermittents du spectacle, dont fait certainement partie M. Le Roux puisqu'on ne le voit que très occasionnellement ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Au théâtre, il y a ceux qui ne disent rien : on les appelle les hallebardiers, car, dans le théâtre classique, ils portaient les hallebardes. Mme Erhel est là mais ne dit rien, Mme Guittet est là mais ne dit rien non plus ; c'est Mme Chapdelaine qui parle au nom de tout le monde. Je vais donc lui répondre, car j'ai sous les yeux sa profession de foi ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Curieusement, il n'y est pas fait une seule allusion à notre sujet. Il y est question, en revanche, de refuser le traité d'austérité en Europe… que vous avez accepté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mais vous ne disiez pas alors ce que vous alliez faire, de même qu'aujourd'hui encore certains de vos collègues ne le disent pas non plus. Moi, je dis la vérité. L'honneur de la démocratie, c'est d'assumer ses positions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l'amendement n° 2378 .
Faute d'avoir une réponse sur la qualification des amendements-poubelles, je voudrais revenir sur la nouvelle catégorie d'articles apparus hier après-midi dans votre novlangue juridique : les articles sexués. J'aimerais que le rapporteur nous précise sa pensée sur ces articles sexués et qu'il nous indique avec quelle balayette il entend les traiter. Mon amendement est ainsi défendu.
Nous constatons une certaine fébrilité chez nos collègues socialistes, qui sont tous en train de réfléchir à ce qu'ils avaient écrit dans leurs professions de foi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais revenir sur le « best of réac », car cela n'a rien d'anodin. Il témoigne d'une conception de la politique qui n'est pas la nôtre, les Françaises et les Français qui suivent nos débats doivent en avoir conscience. Ce procédé, mes chers collègues, illustre votre manque de courage, comme votre article 4 qui, au-delà de ses aspects juridiques, exprime le même manque de courage, puisque vous ne nommez pas les personnes par leur vrai nom. Ce procédé révèle aussi votre prétention, votre arrogance, qui consiste à dire : « Nous avons la vérité, mais eux, regardez-les ! » Nous connaissons bien ces techniques.
Mais, mes chers collègues, dans quelle catégorie placerez-vous les propos de notre rapporteur, qui indiquait que le Préambule de la Constitution de 1946 se référait à la mère qui avait porté l'enfant, et non à celle ayant un lien de filiation avec lui ? Cela s'appelle une mère porteuse, et le rapporteur a donc dit que la Constitution de 1946 prévoyait les mères porteuses, ce qui n'a choqué personne ! Cela nous choque, nous, profondément, car nous considérons la gestation pour autrui comme une atteinte à la dignité des personnes, une instrumentalisation du corps, qui conduit inéluctablement à sa marchandisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs les députés, au lieu de lancer des procès sur les réseaux sociaux, venez débattre avec nous !
Défavorable.
En tant que nouveau député, j'ai été un peu surpris par les propos dédaigneux du président de la commission des lois à l'égard des députés qui, comme nous, essaient de travailler dans cette assemblée, comme si seule sa parole avait une valeur ici. Laisser croire aux Français que notre cause est perdue est dommage ; cela laisse présager que nous allons vivre pendant cinq ans sous le règne de la pensée unique du Gouvernement…
Mais la vérité d'aujourd'hui n'est pas celle d'hier, ou expliquez-moi pourquoi, lorsque vous avez voté le PACS en 1999, vous avez accepté de voter un sous-mariage que vous dénoncez aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La vérité évolue.
Le débat que nous avons-nous a permis de mettre en lumière vos contradictions, vos hésitations, la confusion et enfin le silence du Gouvernement.
Confusion car, lorsque nous vous parlons de filiation, vous nous répondez parentalité ; lorsque nous vous parlons de PMA, progrès thérapeutique énorme pour les couples stériles, vous nous répondez PMA de convenance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Confusion également à propos du nom patronymique et de la famille, qui vont connaître par votre faute des évolutions dramatiques.
La parole est à M. Hervé Mariton pour répondre au Gouvernement et à la commission, puisqu'il n'a pas pu défendre son amendement.
Vous m'avez en effet oublié, alors que j'essaie d'être présent dans ce débat…
L'article 377 concerne la délégation de l'autorité parentale. N'était l'architecture globale du projet du Gouvernement, cela ne poserait pas énormément de problème, car il s'agit exactement du type d'article qui s'intègre à notre projet et qui pourrait être amélioré pour les couples dont nous parlons et les enfants dont ils ont la charge. Mais vous procédez par mimétisme et analogie, vous interdisant d'améliorer les choses.
Je me permets par ailleurs une observation à Mme la garde des sceaux à propos du théâtre. Puisque Labiche a été cité, je vous renvoie à une conférence remarquable donnée par le président Burgelin sur Labiche, dont l'un des illustres personnages n'est autre que Nina Mariton… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Chers collègues de l'opposition, vous avez déposé trop d'amendements, et vous ne savez plus comment les défendre.
Nous tombons maintenant dans le mauvais théâtre de boulevard, monsieur Le Fur. Vous nous avez parlé des belles-mères ; sans doute votre prochaine intervention portera-t-elle sur l'adultère et les amants dans le placard !
Vous nous parlez de l'histoire de la famille. Oui, nous sommes contre les mères porteuses (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) – voilà dix fois qu'on le dit –, et j'aimerais parler, moi, de l'histoire des mères. Car l'état de nature, c'étaient aussi des femmes qui ne pouvaient concevoir l'amour sans craindre la grossesse, qui ne pouvaient aimer sans avoir peur d'avoir un enfant supplémentaire.
Et puis les femmes ont enfin acquis le droit de choisir leur maternité, le droit à la maîtrise de leur corps. Ce n'est pas le droit à l'enfant, c'est le droit pour une femme et un homme, pour deux femmes ou pour deux hommes de décider qu'ils vont construire un projet commun avec un enfant qu'ils vont éduquer, protéger et à qui ils transmettront de l'amour.
Vous ne vous souciez pas de l'intérêt des enfants, vous voulez simplement protéger votre idée du mariage, qui se résume à l'alliance d'un homme et d'une femme dans le but de procréer ! Mais le mariage, ce n'est pas ça. Aimer un enfant, défendre ses intérêts, c'est avant tout faire en sorte que cet enfant ait été choisi, qu'on ait choisi de l'aimer et que l'on se donne les moyens de le protéger.
Pour cela, il n'y a pas de différence entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)
Nous en venons à une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l'amendement n° 1901 .
Je voudrais évoquer ici la forte personnalité d'une femme qui fut ministre de François Mitterrand et dut subir, dans certaines circonstances, des attaques sans doute très injustes. Aujourd'hui, courageusement, alors qu'elle est issue de la gauche, elle prend des positions on ne peut plus claires. Je veux parler de Georgina Dufoix, qui déclare : « Les statuts de mère et de père ont un impact dans l'intime de notre être. Il ne s'agit pas seulement d'un statut juridique. Ce sont des notions profondes et délicates qui nous structurent individuellement, dans le rapport aux autres, à la fois entre le père et la mère eux-mêmes, et dans la relation aux enfants et à la société dans son ensemble. »
« Si François Hollande avait posé la question suivante : Êtes-vous d'accord pour supprimer les mots de père et mère dans le droit civil français et les codes qui régissent la famille ? Les Français s'y seraient opposés », estime l'ancienne ministre. « Nos concitoyens n'ont pas compris que derrière le mariage des homosexuels, c'est la théorie du genre qui est insufflée dans la société française ».
« Cette théorie qui vient des États-Unis estime qu'hommes et femmes sont interchangeables. »
Voilà : tout est dit, avec courage et détermination. Elle était le 13 janvier à la manifestation et sera présente le 24 mars dans ce grand rassemblement qui unira les Français dans leur diversité pour dire leur attachement à la famille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n°2379 .
Puisque nous en sommes aux citations, je me permets de vous soumettre les propos, – sans donner son nom, car je ne voudrais pas la mettre dans l'embarras, mais peut-être certains la reconnaîtront-ils – d'une excellente député-maire qui siège sur les bancs du groupe socialiste et qui déclarait il y a quelque temps : « Au nom de l'égalité des droits entre adultes, faut-il créer par la loi des inégalités entre enfants ? »
Cette phrase résume particulièrement notre débat de ce soir ainsi que la teneur de cet amendement. Loin d'être un combat d'arrière-garde, l' archaïsme contre le modernisme , le refus majoritaire de ce droit à l'adoption bafouant celui des adoptés pourrait préfigurer les nouveaux types de conflits provoqués par un individualisme croissant qui réduit la société au jeu de revendication des droits.
Tel est l'enjeu de ce que nous votons en ce moment, un individualisme forcené qui, et je m'en étonne, chers collègues de gauche, nuira à terme non seulement au pacte républicain, mais à la République dans son ensemble. J'aurais l'occasion d'y revenir.
Sur l'amendement n° 1901 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je souhaite rebondir sur les propos de notre collègue Gosselin pour savoir si la phrase prononcée par cette députée socialiste figurera dans le « best of réac » ? (Sourires.) Peut-être que sa carte lui permettra-t-il d'échapper à ce tribunal de la « bienpensance » !
Madame Buffet, vous dites que l'enfant est un projet. Non, madame, l'enfant n'est pas un projet, en tout cas, ce n'est pas qu'un projet. Vouloir réduire un enfant à un projet conduit à l'assistance médicale à la procréation pour convenance personnelle (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) et aboutira obligatoirement à la gestation pour autrui.
Un enfant, c'est une intention. On choisit d'avoir un enfant. Il ne naît pas dans les salades ! Rien à voir avec la Vierge Marie !
Lorsqu'un enfant ne dépend que du bon-vouloir des adultes, tout est permis, toutes les techniques sont permises. Peut-être avez-vous une conception de la personne différente de la nôtre ? Sans doute, mais au moins nous, nous assumons. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En réduisant un enfant à un projet, c'est la logique techniciste qui est à l'oeuvre, laquelle conduit à faire primer le désir des adultes. C'est une manière de se servir de la science et de l'utiliser ; c'est ce qui nous sépare de vous comme de nos collègues britanniques. Car nous, nous sommes fiers de ne pas être utilitaristes. Pour nous, la fin ne justifie pas les moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
C'est notre exception philosophique française et nous en sommes fiers. Vous, vous êtes en train de vendre votre âme aux Anglo-Saxons, aux Américains et leur théorie du genre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si, chers collègues, vous vous inscrivez complètement dans cette idéologie. Au moins, assumez-le. Nous, nous sommes fiers de l'exception française. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'article 377-1 du code civil porte sur la délégation de l'autorité parentale. Lorsque le Gouvernement dit qu'un article-balai est un article d'interprétation, ce n'est pas le cas. Nous sommes vraiment dans un pur décalque, dans une analogie.
Avec notre approche, notre projet, nous aurions permis d'améliorer ce dispositif. Loin d'être parfait, le dispositif de délégation de l'autorité parentale mérite d'être amélioré. Par votre vision totalement conservatrice, statique, mimétique, telle que Damas l'aurait récusée, vous vous empêchez d'améliorer la délégation de l'autorité parentale.
Madame Buffet, un enfant ce n'est pas simplement une liberté. C'est surtout une responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
Je souhaite revenir sur ce grand débat de société, ce texte qui bouleverse notre civilisation et qui entraîne un changement important.
Depuis plusieurs mois, nous avons demandé la mise en place d'une commission spéciale, cela nous a été refusé. Nous avons demandé un grand débat national. Nous avons soutenu l'idée d'un référendum. À chaque fois, il a été répondu que le débat aurait lieu dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, vous qualifiez nos amendements d'amendements « poubelle », qu'ils sont trop nombreux. Pourtant, le débat devait avoir lieu dans l'hémicycle ! Le groupe socialiste ne contribue guère à animer le débat. Reconnaissez au moins que c'est grâce au groupe UMP que le débat s'organise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires sur les bancs du groupe SRC.) Nous informons nos concitoyens, nous communiquons. Vous pourriez au moins rendre hommage à notre contribution à la discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 1881 .
Je poursuis la lecture de la déclaration de notre excellent ancien collègue Bernard Poignant, aujourd'hui conseiller du Président de la République François Hollande.
Le 11 novembre 2011, Bernard Poignant déclarait : « Quelle que soit la façon dont on prend la question, il faut se rendre à l'évidence. Tout enfant a un père et une mère. Il ne peut pas être élevé par eux s'ils sont séparés, décédés ou si la société les a arrachés à leurs parents au nom de leurs droits ou encore s'ils se trouvent dans un foyer de deux hommes ou de deux femmes. Mais de toute façon, ils existent. Voilà pourquoi le projet de loi va entraîner beaucoup de discussions, beaucoup d'interrogations et mérite autant de consultations et de débats que nécessaire afin d'entraîner une acceptation de la société. Certains partent du seul droit des adultes au nom de leur liberté et de l'égalité. D'autres partent des enfants au nom d'une idée de leur construction et aussi de l'égalité (Mme Louwagie quitte l'hémicycle sous les exclamations des députés du groupe SRC) …
Plusieurs députés du groupe SRC. Au revoir, madame Louwagie !
Plusieurs députés du groupe SRC. Non !
« Certains partent du seul droit des adultes au nom de leur liberté et de l'égalité. D'autres partent des enfants au nom d'une idée de leur construction et aussi de l'égalité car tous doivent savoir qu'ils sont issus d'un père et d'une mère. »
« Ce principe d'égalité va d'ailleurs trouver ses limites. Deux femmes peuvent chacune avoir un enfant par rapport naturel ou procréation médicalement assistée. Deux hommes ne le peuvent pas. Voilà au moins un constat difficile à contester. » Je poursuivrai la citation au cours d'un prochain amendement.
L'amendement n° 1881 est ainsi défendu.
Écoutons le monde associatif. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) Nous le flattons souvent dans nos propos, mais nous ne l'écoutons pas suffisamment.
J'en veux pour preuve les déclarations de l'association Familles de France. « Les associations savent d'expérience que le fait de multiplier les filiations ne sécurise plus l'enfant. Ce qui le sécurise, c'est avant tout la stabilité. Il ne faut pas négliger l'aspect identitaire de la filiation qui ouvre des possibilités de prendre le nom – que vous voulez casser –, la nationalité du parent. »
« Il n'est pas rare que les associations constatent des situations de détresse qui existent chez les enfants originaires de situations d'adoption, mais ce phénomène est connu également pour les enfants issus de PMA. Le droit de principe est différent de l'accès de droit en fait. »
J'ai un peu de mal à déchiffrer la suite… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je reprends. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
« Accorder à tous les couples la possibilité d'adoption conjointe est une chose, mais pour autant, il faut privilégier dans l'adoption les couples qui assurent les conditions de stabilité à ces enfants. Il faut, en particulier, tenir compte de situations de famille qui, depuis des années bien souvent, ont constitué un projet d'adoption pour accueillir de jeunes enfants. » Je suis convaincu que notre but, c'est de faire leur bonheur et de permettre à ces enfants de s'épanouir dans ces familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Su l'amendement n° 1881 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2380 .
Veuillez excuser notre collègue Le Fur : car son papier était écrit en langue vernaculaire. Dans l'attente de la validation, de la constitutionnalisation ou de la ratification, que sais-je encore, des langues régionales, il assurait une traduction simultanée. (Sourires.)
Mais j'en viens à mon amendement. Le pacte républicain est en danger, ai-je dit tout à l'heure. L'individualisme nous guette, mes chers collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il fut un temps où sur ces bancs et peut-être davantage encore sur les bancs de la gauche triomphante, sous la IIIe République, on se battait pour des droits, pour des devoirs collectifs. Je pense aux grandes lois de 1901, de 1905, les grandes lois sur le syndicalisme (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), des moments où vous luttiez…
S'il vous plaît, mes chers collègues. Monsieur Perez, on n'est pas au stade de France !
Rassurez-vous, la droite est là pour vous rappeler cette oeuvre collective ! Vous tombez, mes chers collègues, dans l'individualisme et sans vous en rendre compte, vous êtes en train d'abattre ce qui fondait le pacte républicain, ces grandes lois de la IIIe République, celles qui ont été érigées au rang de principes fondamentaux, reconnues par les lois de la République par le Conseil constitutionnel de 1971, qui fondent notre Ve République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, mes chers collègues, je voulais vous le dire avec solennité. Par cette loi, par ses développements, par le jeu de dominos que vous avez mis en place, c'est l'ensemble de l'oeuvre collective que vous mettez à mal. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais heureusement, certains parmi vous sont restés des esprits libres. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Soit vos silences sur l'article 4 traduisent votre trouble et vos incertitudes (« Non ! »sur les bancs du groupe SRC), soit vos réponses nous amènent à aller au-delà du texte et à avoir un vrai débat de fond, ce que nous souhaitons.
Je souhaite poser une question à Mme la garde des sceaux, au rapporteur et au président de la commission des lois. On peut se demander si le recours à cet article-balai ne constitue pas une violation de l'étude d'impact du projet de loi.
Page 26 de l'étude d'impact, sous les titres : « Incidences de la réforme sur les autres branches du droit civil » et « Nécessité d'adaptation des termes », on peut lire :
« S'agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations légistiques strictement nécessaires afin d'adapter les textes qui visent actuellement « le père » ou « la mère » et de permettre qu'ils puissent aussi régir la situation des couples de deux pères ou de deux mères. »
Un peu plus loin, on lit : « Ces modifications concernent uniquement les articles dont il convient de garantir l'application à tous les couples ».
Nous voyons là toutes les contradictions entre la technique légistique qui comme l'indiquait Mme la garde des sceaux s'applique aux cas strictement nécessaires et la technique de l'article-balai qui va au-delà du strictement nécessaire dans la mesure où il concerne tous les articles.
Je comprends mieux l'embarras de Mme la garde des sceaux. Notre collègue l'a fait remarquer dès le départ, cet article va trop loin ou pas assez loin. La notion du « strictement nécessaire » telle qu'elle est définie dans l'étude d'impact est-elle contredite par l'article-balai ? Je vous pose la question madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois,– si vous avez l'obligeance de vous exprimer sur le fond du projet de loi –, et monsieur le rapporteur. Nous attendons votre réponse.
Le problème de l'article-balai est qu'il ne fait l'objet d'aucune évaluation de sa bonne adaptation : il vient après la présentation du texte du Gouvernement et la discussion en commission.
S'agissant de l'article L. 377-2, qui concerne les conditions de délégation de l'autorité parentale, un travail d'évaluation et d'impact aurait permis de distinguer les possibilités d'amélioration de sa rédaction. Sur ce point, l'Assemblée peut être unanime : il y a matière à améliorer les dispositions relatives aux délégations d'autorité parentale. Cela vaut pour tous les enfants, qu'ils vivent avec un couple de même sexe ou avec un couple hétérosexuel. Par la méthode même que vous avez suivie, l'Assemblée s'interdit de toute réflexion sérieuse. Je trouve cela très dommage.
J'ajoute, monsieur le président, qu'un membre de la majorité a jugé utile de ponctuer la fin de l'intervention de notre collègue Marc Le Fur d'un très sonore « Amen ! ».
Vous pouvez dire ce que vous voulez dans l'hémicycle, moi, je ne trouve pas ça très heureux.
Défavorable.
À ce stade de nos débats, je voudrais venir au secours de la vieille Angleterre. Nos collègues britanniques vont seulement commencer dans quelques jours leur travail d'amendement en commission puisque le projet de loi lui-même est loin d'être définitivement voté. Rappelons en outre que la loi de 2008 sur l'embryologie et la fertilité humaine votée par le Parlement britannique a conservé les termes de « père » et de « mère », de même que le projet de loi actuellement étudié conserve les termes de « mari » et de « femme ». Il ne vaudra du reste que pour l'Angleterre et le pays de Galles et non pour l'Écosse et l'Irlande du Nord.
Dans tout être humain, il y a un désir d'immortalité, de perpétuation. Je crois que vous êtes en train de donner la primauté à ce désir d'immortalité, de fécondité à tout prix, de perpétuation à tout prix au détriment de celui qui est ainsi engendré. Ce faisant, vous confondez l'engendrement, l'enfantement avec la création ex abrupto d'individus, qui seront hors sol. (Exclamations sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.) J'ai parlé de mariage quantique : c'est exactement ce que vous êtes en train de faire. Nous parlerons du chat de Schrödinger la prochaine fois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 1882 .
Nous avons évoqué les associations familiales, je citerai d'autres sources. Je pense en particulier au pédopsychiatre Pierre Levy-Soussan qui a souligné qu'il fallait se méfier de l'axe juridique et privilégier l'axe psychique. « On a besoin d'un père et d'une mère. Un enfant élevé par deux hommes, certains disent que cela peut marcher, nous, nous ne le pensons pas. Ce qui ne marche pas, c'est d'affirmer à un enfant qu'il a deux pères, parce que ce n'est pas possible, ou deux mères, parce que ce n'est pas possible non plus. On ne peut pas être issu de deux hommes ou de deux femmes ». C'est pourtant ce que vous allez tenter de nous imposer par cette loi absurde. C'est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement.
Sur l'amendement n° 1882 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Monsieur Lassalle, voudrez-vous intervenir après que le Gouvernement a donné son avis sur les amendements en discussion ?
Oui, monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Alors que Georgina Dufoix et Michel Rocard ont été cités, permettez-moi d'en appeler à Lionel Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Voici ce qu'il dit à propos du projet de loi du Gouvernement : « C'est la position de mon parti et donc je la respecte. Ce n'était pas la mienne au départ, ajoute le Premier ministre venu évoquer à Canal Plus les rapports de la commission sur la rénovation de la vie politique. L'idée fondamentale est que l'humanité est structurée entre hommes et femmes et pas en fonction des préférences sexuelles. » Il ne reprend pas non plus à son compte la formule de « mariage pour tous » utilisée par le Gouvernement : « Je ne sais pas ce qu'est le mariage pour tous au moment où, non seulement beaucoup de gens se pacsent ou vivent ensemble sans se marier mais où beaucoup de mariages se défont ». « Il faudrait employer une expression plus précise : “mariage offert aux couples homosexuels”. »
Il est exactement sur la ligne défendue par bon nombre de nos collègues, à savoir qu'il faudrait trouver une solution parce que certaines réalités existent, sans pour autant remettre en cause l'essentiel, c'est-à-dire le mariage et la famille. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2381 .
J'évoquais le pacte républicain qui était mis à mal. Des forces religieuses et philosophiques se sont engagées dans ce pays pour essayer de défendre ce qui peut l'être encore.
Je ferai une nouvelle citation : « L'engagement des religieux dans ce conflit si moderne ne s'explique pas d'abord par le biblisme ou par naturalisme » – je sais que cela nous a été reproché ici – « mais parce qu'ils font partie, avec d'autres, des derniers défenseurs des faibles et des sans voix, pénalisés par ce social-individualisme en vogue. Ils ne sont pas sur l'homoparenté en contradiction avec leurs propos sur les Roms, les sans-logis, les vieux ou les malades mais dans la même logique qui fut longtemps celle de la gauche ». Voici, je crois, une belle reconnaissance de ce que vous avez fait, chers amis de la majorité, pendant des décennies. Et je peux vous dire que ces propos sont signés par des gens qui s'y connaissent puisqu'il s'agit d'Eric Conan et Jean-Dominique Merchet, respectivement directeur délégué et directeur de la rédaction de Marianne – eh oui, après avoir cité Têtu, je cite Marianne, parce qu'il faut bien nous rapprocher des revues que vous lisez.
Je considère que mon amendement est défendu, monsieur le président.
« C'est un mariage offert aux couples homosexuels » : si un député de l'UMP avait prononcé une phrase pareille, il aurait été propulsé en tête du « best of réac ». Le problème, c'est qu'elle est de Lionel Jospin. Qu'allez-vous en faire ?
J'aimerais revenir sur l'article 4 et l'article 4 bis et la nécessité d'adaptation des termes. Vous ne me répondez pas, madame la garde des sceaux, ce que je comprends car vous connaissez depuis le départ les problèmes juridiques que pose cet article-balai. Le Conseil d'État vous a éclairée dans son avis en vous conseillant de ne pas rentrer dans cette logique.
Je voudrais interroger à la fois M. le président de la commission des lois, s'il veut bien nous donner son avis sur le fond du texte, et M. le rapporteur. L'étude d'impact indiquait – je le répèterai jusqu'à ce que vous nous fournissiez la réponse qui est sans doute en train d'être préparée : « S'agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations légistiques strictement nécessaires afin d'adapter les textes qui visent actuellement le « père » ou la « mère » et de permettre qu'ils puissent ainsi aussi régir la situation des couples de deux pères ou de deux mères. » L'étude d'impact précise bien : « les seules adaptations strictement nécessaires ». L'amendement-balai a balayé beaucoup trop large : il induit un risque d'incertitude juridique. C'est ce qui explique le mutisme de Mme la garde des sceaux.
Mais vous, monsieur le rapporteur, qui avez proposé cet amendement dans le cadre des travaux de la commission, expliquez-nous comment vous l'articulez avec cette étude d'impact. Selon vous, existe-t-il ou non un risque juridique ?
Sur l'autorité parentale, je renouvelle mon observation que l'on aurait pu faire preuve de davantage d'inventivité. Mme la garde des sceaux, vous nous invitiez hier à un peu de folie.
Mais, malheureusement, le Gouvernement a manqué totalement de folie créatrice dans la préparation de ce texte. Il apporte une réponse minimaliste à la demande des couples de même sexe. Le Gouvernement et la majorité auraient pu essayer d'inventer quelque chose d'ambitieux, d'adapté, qui aurait rencontré le soutien de l'ensemble de la communauté nationale. Las, il a fait le choix de dupliquer plutôt que d'inventer. Il a fait le choix d'imiter plutôt que d'être ambitieux. Il a fait le choix de diviser plutôt que d'unir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.
Quel contraste avec la façon dont ont été élaborées la loi Leonetti ou les lois sur la bioéthique.
Rappelons les quatre piliers sur lesquels elles ont été construites.
Premièrement, la consultation : il s'est agi de recueillir l'avis du Comité consultatif national d'éthique et d'organiser des états généraux dans toute la France.
Deuxièmement, une discussion ouverte : on a considéré que personne ne détenait toute la vérité et que c'est à travers le débat que celle-ci pouvait émerger.
Troisièmement, la transparence contrairement à ce qui s'est passé avec le présent projet de loi dans lequel la PMA a été intégrée initialement pour être ensuite retirée et réintégrée enfin dans un autre texte à l'automne. De plus, on ne nous pas a caché l'avis du Conseil d'État, dont l'absence de prise en compte vous a conduit à des fautes juridiques, comme l'amendement-balai.
Quatrièmement : le vote en conscience.
Voici ce qui a permis la réussite de ces lois.
Sur un texte qui concerne la vie, le don de la vie, l'enfant, sa mère, l'adoption, la PMA, la GPA, par idéologie, vous avez cherché, non pas à agir dans l'intérêt de la France, mais à défendre une théorie fausse, surréaliste, dangereuse, la théorie du genre, qui privilégie l'orientation sexuelle par rapport à la différence des sexes, comme le disait Lionel Jospin à l'instant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il ne siège pas dans cet hémicycle !
La différence entre l'homme et la femme, leur complémentarité, vous la voulez en politique, notamment lors des élections cantonales, vous la voulez dans les entreprises, vous la voulez dans la société, mais vous n'en voulez pas pour ce qui est le plus sacré, le mariage, la vie et le don de la vie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des moments dans la vie où l'on ferait certainement mieux de se taire. (Sourires.)
C'est ce que j'aurais peut-être dû faire tout à l'heure mais je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de parler. Non-inscrit, je vivais ces jours derniers en m'interrogeant sur le point de savoir s'il ne fallait pas que j'essaie quand même de parler. Au fond, je me demandais si le choix que j'avais fait en pleine connaissance de cause de ne pas avoir droit au débat était juste ou pas. Il n'est pas simple d'être non-inscrit et d'avoir en même temps le sentiment de représenter une petite part d'une sensibilité politique de son pays. Une petite part qui a d'ailleurs bien évolué : je crois que si j'étais intervenu il y a dix ou quinze ans, cela aurait été beaucoup plus facile pour moi si le mouvement auquel j'appartiens était resté à la place qu'il occupait. (Rires sur tous les bancs.)
Monsieur le président, je sais que vous m'accordez deux minutes, mais vous savez bien que ce sont les préliminaires qui prennent le plus de temps. (Mêmes mouvements.)
Je vous remercie donc de me donner la parole et de permettre à un député qui est élu comme tous les autres, représentant de la nation, de donner son sentiment.
Je n'accouche pas tout de suite, il faut que je fasse ma grossesse avant ! (Rires sur plusieurs bancs.)
Je suis à la fois déchiré par le choix que je vais devoir faire, comme mes collègues, dans quelques jours, et empreint d'enthousiasme.
Je suis déchiré parce que, forcément, c'est un changement très profond, comme nous en avons connu trois ou quatre, considérables, au cours de ces trente dernières années. Il se trouve que je ne les ai pas tous vécus comme député ; mais ils étaient pour moi plus faciles – et je ne dis pas cela parce qu'ils appartiennent au passé.
Ce débat – c'est ce qui pour l'instant me rend enthousiaste – nous rappelle que nous sommes dans un pays révolutionnaire – il faut me laisser parler un peu ; sinon, il ne fallait pas me laisser commencer ! (Sourires.)
La France est un pays révolutionnaire. Nous aurions pu faire les choses tranquillement et, peut-être, mettre sur pied l'union qui aurait permis de ne pas toucher au mariage – nous aurions par conséquent évité ce débat, lequel est extraordinairement suivi, comme je le constate depuis deux heures sur les sites sociaux : tout le monde s'y retrouve ! – et, en même temps, de reconnaître la totalité des droits à ceux qui en sont dépourvus, par le biais d'un nouveau dispositif que l'on aurait par exemple appelé l'union.
Je ne pense pas que nous prenions cette orientation. Il faut donc tenir compte des réalités.
Oui, je vais conclure. Tout d'abord, ce dont nous parlons constitue un engagement du Président de la République, pris lors de sa campagne électorale.
Ensuite, nous aurions eu la possibilité – parce que nous avons bien senti croître l'émotion dans le pays – de nous en sortir par le référendum. Mais je ne pense pas que nous prenions cette voie.
Plusieurs députés du groupe UMP. Hélas !
Maintenant que le changement est en train de se faire, je pose personnellement deux questions : d'abord, celle du rôle futur de la femme. J'espère qu'au pays des droits de l'homme, nous saurons trouver une solution car, pour l'instant, cette question n'est ni posée, ni inscrite…
Vous avez bénéficié de deux fois plus de temps qu'un intervenant normal, donc il faut conclure !
Plusieurs députés du groupe UMP. Il est tout seul !
Je suis tout seul ! Le rôle de la femme me paraît donc être une très grande question.
Quant à l'adoption, dont je me suis occupé plus de dix ans dans mon département, j'ai constaté qu'elle suscitait beaucoup plus d'engouement il y a quelques années, parce qu'aujourd'hui chacun veut savoir à tout prix d'où il vient.
Je finis ! Je veux par conséquent vous dire que je vais continuer à vivre ce débat de toutes mes forces, après vous avoir remercié de m'avoir donné la parole.
Je prendrai ma décision comme tous mes concitoyens le moment venu, parce que je veux vivre ce débat jusqu'au bout comme un député citoyen, qui jusqu'au dernier moment aura réfléchi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je crains qu'après les propos extrêmement poétiques de notre collègue Lassalle, les miens ne vous semblent plus rudes ; ils ont moins de poésie.
Je reviens sur la situation juridique des enfants élevés par des personnes de même sexe, car c'est un vrai sujet de préoccupation.
J'ai notamment lu une étude d'une maître de conférences en droit privé de l'université d'Évry, Aude Mirkovic, qui dit que le bouleversement du droit de la famille qu'entraînerait la redéfinition du mariage et de la filiation pour inclure les époux et les parents de même sexe, est souvent invoqué comme le prix à payer pour sécuriser la situation des enfants élevés par des personnes de même sexe, comme si cette situation exigeait que le partenaire du même sexe du père ou de la mère soit reconnu comme un parent. Or, ce n'est pas le cas, il s'agit d'une mauvaise idée, voire d'une idée fausse.
Nous ne souhaitons pas retenir ce qui nous semble être une fausse idée, d'où cet amendement proposé par M. Poisson et moi-même. Je pense que nous avons au contraire besoin d'une sécurité juridique renforcée par le fait qu'il existe un papa et une maman.
Sylviane Agacinski a été à plusieurs reprises citée dans cette enceinte, avec raison ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Voilà ce qu'elle écrit, lorsqu'on lui dit : « attention la France ne sera pas moderne si elle ne suit pas la mode ! ».
Non, répond-elle, « la France n'est pas en retard ! Elle est en avance sur la protection par la loi de la dignité des personnes et de leur corps. »
En posant la question des mères porteuses, son livre, dont je ne vais pas donner la lecture intégrale – à moins que vous ne le souhaitiez, monsieur le président ?
Je connais la lecture rapide ; mais elle est muette.
Voilà ce qu'écrit également Sylviane Agacinski : « La barbarie a toujours été moderne, toujours nouvelle, toujours actuelle. Nous progressons parfois vers elle sans le vouloir, aveuglés par les progrès de la puissance technologique, et les ruses du marché. Voilà les éléments qui vous guident : les pseudo progrès, les ruses du marché. Tout est possible, tout doit être possible pour satisfaire la demande de l'individu, jusqu'à la production d'enfants en laboratoire ; mais à quel prix ? »
Mes chers collègues, méditez sur ces éléments majeurs : à quel prix, tout cela ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2382 .
Je voudrais continuer la citation des excellents auteurs dont je parlais tout à l'heure, Éric Conan et Jean-Dominique Merchet, parce que je la trouve très éclairante et parfaitement adaptée à notre situation et à l'amendement que je souhaite défendre.
« Une liberté des moeurs, qui met autrui à sa disposition… » – il me semble qu'ils visent expressément la gestation pour autrui et l'adoption ; mais nous y reviendrons au cours de la soirée, car il y a sans doute des lecteurs éclairés de Marianne dans cette enceinte – « …sans se soucier de son avis, se révèle en effet comme la face sociétale de ce néolibéralisme considérant que tout doit se régler selon le droit et le marché. Tout ce qui se fait s'obtient, s'achète, se vend. Position ultra-libérale bien exprimée par l'homme d'affaires Pierre Bergé :… » – nous y revoilà – « …“Louer son ventre pour faire un enfant, ou louer ses bras pour travailler à l'usine, quelle différence ?” »
Mes chers collègues, je me demande si vous n'êtes pas en train de trahir votre idéal d'une oeuvre collective, et je me demande, en allant à l'extrême, – cela ne vise pas tant le mariage que la révolution de l'adoption et de la filiation que vous souhaitez adopter – je me demande si vous n'êtes pas en train de vendre votre âme…
…à l'oncle Jack, au néolibéralisme, et pour tout dire à une pensée anglo-saxonne dont je ne me sens pas particulièrement fier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je voudrais remercier notre collègue Lassalle, car il a bien montré qu'il avait des interrogations, que nous partageons, sur la place de l'homme et de la femme : existe-t-il ou non une altérité ou une complémentarité ? Ce sont de vrais débats.
Le problème porte aussi sur l'adoption. La question se pose bien sûr concernant un droit que l'on peut accorder à certains ; mais sous quelles conditions ? L'on sait que les conseils généraux doivent beaucoup réfléchir sur ce sujet.
Notre collègue Lassalle a également rappelé, et nous en sommes tout à fait d'accord, que les débats sont très suivis sur les réseaux sociaux. Cela est très important, car chacun peut ainsi constater qu'il existe une volonté d'échange – du moins de notre côté, car nous attendons beaucoup de réponses, tant juridiques que sur le fond.
Par ailleurs, M. Lassalle a indiqué qu'il n'avait pas encore choisi, et c'est normal, car il dispose d'une vraie liberté de vote – je le laisse bien entendu entièrement libre. Peut-être dans notre groupe y a-t-il également des collègues indécis. C'est l'honneur de ces débats que de pouvoir apporter des contributions ; c'est ce que nous faisons, parce que l'histoire n'est pas finie et que les votes ne sont pas encore acquis.
Nous traitons de sujets qui appellent un échange ; mais pour cela, encore faut-il que nous soyons deux. Nous vous attendons, mes chers collègues !
Il s'agit du retrait de l'autorité parentale, et en particulier de l'intervention du juge.
Quand le Gouvernement, dans son projet, pratique une analogie, une copie, manifestement inadaptée aux circonstances, non seulement il n'améliore pas les modalités d'intervention du juge dans les cas que nous connaissons aujourd'hui, en particulier pour des couples hétérosexuels, mais il ne permet pas non plus au juge de jouer pleinement son rôle dans des cas où il le pourrait.
Vous ne faites pas confiance au juge, ce qui est assez dramatique, car vous nous dites par exemple que la délégation de l'autorité parentale ne suffit pas. Mais en même temps, dans les cas où le juge intervient et où manifestement il faut améliorer les modalités de son intervention, vous n'osez pas l'inscrire dans le projet de loi.
Il faut bouger, je vous le dis, il faut inventer ; or vous ne le faites ni pour vous adapter à la situation des couples de même sexe, ni pour améliorer le dispositif concernant les couples de sexes différents.
Défavorable.
Je rappelle que ce projet de loi est un double écran de fumée. Il est fait pour éluder les vrais problèmes du moment : l'économie et l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, chers collègues, c'est la priorité de nos concitoyens ! Or, l'actualité nous parle uniquement du mariage pour tous.
Par ailleurs, sous prétexte de mariage pour tous, ce projet de loi contient sans le dire la PMA et la GPA. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Eh oui !
Avec la PMA pour tous, on sacrifie le droit de l'enfant pour créer un droit à l'enfant. On déracine l'enfant attendu.
Avec la GPA pour tous, c'est pire, car il y aura une perte totale de repères : une perte de filiation biologique, une perte sociale et une perte culturelle. Ce projet de loi rend la filiation purement administrative. Quid de la famille ? Quid des origines ? Quid du droit de l'enfant à s'épanouir sereinement ?
Ce texte est donc bien un écran de fumée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Un député du groupe UMP. De Staline ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous êtes complètement dans le passé, mon pauvre ami !
Je voudrais notamment citer M. Jean-Paul Cluzel, proche d'Alain Juppé et catholique. Voilà ce qu'il dit : « Quand la droite perd cette idée du respect de l'individu et de la primauté des libertés, et qu'elle veut, comme c'est le cas présent, imposer des règles collectives à l'individu, je crois qu'elle sort profondément de sa route. […] Je suis catholique. L'essence de notre société est basée sur la laïcité. Appliquer la Bible à la lettre pour en déduire une loi civile, j'appelle cela la charia. Si, dans des sociétés laïques, on applique une doctrine religieuse pour l'imposer à tous, c'est la négation même de nos sociétés occidentales. »
Au journaliste qui lui dit que cette position est minoritaire à droite, M. Jean-Paul Cluzel répond : « Nous sommes en effet peu nombreux à le dire. (…) Je sens un reniement des fondamentaux de la droite libérale. S'opposer à une loi qui étend les libertés est absolument contre l'essence de cette famille de pensée libérale. »
Je vous demande de réfléchir à ces citations, messieurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 1897 .
Je veux revenir sur les propos de Mme Buffet qui nous donne des leçons de libéralisme. Sans doute est-elle inspirée par la Chine communiste, bon exemple de l'évolution récente du parti communiste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Buffet devrait plutôt réserver ses conseils au régime castriste qui tarde un peu à évoluer dans le sens qu'il faudrait. (« Hou ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Les propos de Mme Buffet étaient tellement hallucinants qu'il fallait les relever immédiatement.
Je veux saisir l'occasion qui m'est donnée de défendre cet amendement pour vous informer que l'Allemagne vient de battre la France 2 à 1. La vie continue. Les Français continuent à vivre et Mme Buffet continue à se livrer à son anticléricalisme habituel, à l'anticatholocisme que l'on connaît (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
Plusieurs députés du groupe SRC. Amen !
…et on entend des « Amen » qui ponctuent nos propos.
Mes chers collègues, vous commettez une erreur de fond. L'église catholique défend une position, celle de la famille, mais elle ne défend pas une théorie catholique. Les Juifs disent la même chose, les Musulmans disent la même chose, les Chinois dont on ne sait plus trop s'ils sont marxistes ou confucéens disent la même chose, le monde protestant dit la même chose. Chacune de ces grandes traditions est porteuse d'un élément constant, d'un élément anthropologique qui est la défense de l'altérité homme-femme, qui est la défense de la famille, cellule première de la société, qui est la défense de l'enfance. Le propre de la société, c'est de défendre les plus fragiles. Ce qui est malheureux, c'est que certains d'entre vous ne le disent plus. Qu'il faille en appeler à l'ensemble de ces grandes traditions quelles qu'elles soient et pas uniquement aux traditions chrétiennes, cela me semble triste tant se posent des questions. Quand on est hésitant, il faut revenir à un certain nombre de fondamentaux. Madame Buffet, je vous y engage !
Monsieur Le Fur, quelle drôle de parabole ! Passer directement du football aux religions, il faut le faire !
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2383 .
J'aimerais vous raconter une petite histoire, toujours dans la logique du pacte républicain.
Il était une fois une femme de talent, douée au point de se faire élire maire adjointe dans la ville de Nantes, cette ville dont le maire a mal tourné puisqu'il a laissé ses concitoyens pour devenir Premier ministre. Et que nous dit cette femme socialiste de qualité qui n'est autre que Christine Meyer ?
Tout à l'heure, j'évoquais la liberté des moeurs. Pour sa part Mme Meyer nous dit : « Où le social individualisme rejoint le social libéralisme. En tant que femme de gauche, je fais un lien entre le libéralisme économique qui vise à supprimer toute norme ou règle faisant obstacle à la circulation généralisée des marchandises et la libération infinie des désirs qui elle aussi refuse toute norme ou obstacle ». Voilà ce qui se joue, d'une certaine façon, aujourd'hui.
Encore une fois, c'est cet effet infernal de dominos, cette course effrénée vers la marchandisation, vers un individualisme croissant qui au final, au-delà de notre conception de la famille qui est largement partagée contrairement à ce que vous dites, mine en réalité notre société et notre pacte républicain.
Je souhaite revenir sur les propos que vous avez tenus, madame Buffet.
C'est toujours intéressant de vous entendre car il y a un échange qui s'instaure et qui nous permet d'aller au fond des choses.
Vous avez cité un élu, maire adjoint de Bordeaux, pour qui c'est une loi de liberté, une loi libérale. Quand nous avons auditionné des collègues parlementaires ou anciens parlementaires des autres pays européens qui ont voté ces lois, ils ont tous parlé de cette loi non comme une loi d'égalité mais de liberté. C'est effectivement une loi de liberté, mais au sens de l'ultralibéralisme, c'est-à-dire une loi de l'individualisme où c'est le désir de l'individu qui prime. Ce n'est pas notre conception.
Il y a vingt ans, ce n'était pas non plus la conception des communistes. À l'époque, il existait encore chez eux une notion du collectif. Aujourd'hui, vous avez abandonné toute prétention. Si vous avez perdu certains de vos mauvais côtés, vous avez également perdu certains bons côtés.
Aujourd'hui, ce que vous voulez, c'est être dans le vent. Mais être dans le vent, c'est l'ambition d'une feuille morte et aujourd'hui le communisme c'est une feuille morte.
S'agissant du retrait de l'autorité parentale, je ne referai pas la démonstration à laquelle je me suis déjà livré vingt fois.
Puisque vous avez été attentifs aux moyens de l'Assemblée, je veux juste vous raconter une anecdote assez ancillaire mais qui dit les choses.
Je suis membre de la commission des finances. Il se trouve que, pour mener à bien nos travaux, nous pouvons demander et obtenir – et cela ne me paraît pas être un luxe – un code général des impôts.
Grâce à l'obligeance de mon groupe, je suis allé siéger à la commission des lois, pour préparer nos travaux actuels dans l'hémicycle. J'ai demandé, ce qui ne me paraissait pas être un luxe là non plus, un code civil. Or la commission des lois me l'a refusé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je me permets d'indiquer cela même si je comprends que ce n'est pas l'usage ici. Concrètement, le code civil sur lequel je travaille provient de la bibliothèque de l'Assemblée nationale. Comme il se trouve que je l'ai annoté en certaines parties, je le rembourserai ou en achèterai un autre pour la bibliothèque. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je reconnais que je n'aurai siégé à la commission des lois que pendant la stricte durée nécessaire à la préparation de cette loi, sauf que j'avais participé aux auditions du rapporteur en amont. Mais pouvoir disposer de moyens de travail élémentaires plutôt que de devoir recourir à ceux de la bibliothèque ne me paraît pas extraordinaire.
Je pense donc, monsieur le président, que, dans la juste affectation des moyens de notre Assemblée, il faudra y veiller.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Si quelqu'un, à la commission, vous a refusé un code, il faudra me dire qui.
Cela fait soixante-dix heures que nous débattons et c'est la première fois que j'entends cette demande. Ce n'est pas la tradition de la commission. Les administrateurs et l'ensemble de la maison mettent à la disposition des parlementaires tous les moyens pour travailler. Nous en parlerons ensemble. Si cet événement était avéré, il ne serait pas normal.
Défavorable.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle transition, n'est-ce pas ? (Sourires.)
Effectivement, on parlait de code ! Ça tombe bien !
J'ai entendu hier un député socialiste, terminer une explication de vote en disant : « Le progrès et l'humanisme semblent vous faire défaut ». Certes, il a utilisé cette précaution oratoire en employant le mot « semblent », mais il porte tout de même un jugement.
On désigne par humanisme toute pensée qui met au premier plan de ses préoccupations le développement des qualités essentielles de l'être humain. Une vaste catégorie de philosophies portant sur l'éthique affirment la dignité et la valeur de tous les individus fondées sur les capacités de déterminer le bien et le mal par le recours à des qualités universelles humaines. Parfait : c'était la bonne définition.
Si nous ne faisons pas preuve d'humanisme, vous ne faites pas preuve d'indiscipline. Vous ne manquez pas de discipline. Quand on vous menace de ne pas vous donner d'investiture pour les prochaines élections législatives si vous ne votez pas le texte, ce n'est pas de l'humanisme. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Quand vous refusez aux maires de France la clause de conscience, ce n'est pas de l'humanisme. Quand Mme la ministre déléguée chargée de la famille nous annonce, dimanche, que le prochain texte sur la famille traitera de la PMA sans concertation du comité consultatif national d'éthique, ce n'est pas de l'humanisme. C'est M. Ayrault, le Premier ministre, qui l'a recadrée après.
Enfin, quand on parle de l'enfant mais qu'on ne se soucie ni de son équilibre, ni de sa place dans la société de demain, pour moi ce n'est pas de l'humanisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 1920 .
Le président de la commission des lois ne répond jamais aux questions qu'on lui pose sur le fond du texte, mais il veille à ce qu'un code civil soit mis à la disposition de notre collègue. C'est quand même impressionnant !
Je suis surpris qu'aucun député socialiste – ce doit être une forme d'amnésie chez eux – n'ait éprouvé le besoin de citer Léon Blum qui a écrit un superbe ouvrage Du mariage. Comme on a un peu de temps, je me suis replongé dans la lecture de ce livre que je vous recommande tous car il est plein de poésie.
Ce qu'écrit Léon Blum sur l'altérité est magnifique : « Une femme regarde toujours un homme comme un homme et réciproquement. Avoir connaissance de la contrariété des sexes, c'est nécessairement en être troublé ». « La contrariété », c'est ce que nous appelons de manière moderne l'altérité. Tout est dit. Revenez à vos fondamentaux, relisez Du mariage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Que pas un seul socialiste n'ait eu le réflexe le plus élémentaire d'aller rechercher un ouvrage de Léon Blum où tout est dit, cela veut dire que vous avez tout oublié. Et quand on est dans une société où l'individu a tout oublié, c'est le début de la décadence ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 1934 .
Monsieur Mariton, on a refusé de vous donner un code civil, mais au moins la commission des lois s'est réunie, tandis que celle des affaires sociales ne s'est pas réunie plus de deux heures alors qu'il s'agissait de bouleverser le code de la famille, voire le code de la sécurité sociale.
Ce matin, la réunion de la commission des affaires sociales a été annulée par la présidente, faute de sujet. C'est une situation totalement absurde. Comme si les sujets manquaient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2384 .
Merci, monsieur le président. Je continue mon interrogation sur le pacte républicain, parce que ce texte, une fois encore, nous donne une occasion profonde, sincère, véritable, de nous interroger sur ce devenir collectif commencé depuis le Moyen Âge et se poursuivant à travers les siècles, parce qu'il y a une continuité de la construction de l'État, de l'État de droit, pour arriver à la République telle que nous la connaissons : cette res publica à laquelle nous sommes tous attachés.
Quand le pacte républicain est entaché, quand le pacte du social-individualisme rejoint celui du social-libéralisme, je m'inquiète, aux côtés de Christine Meyer : où est le « vivre ensemble » que vous évoquiez précédemment dans vos combats ? Quand la ligne d'horizon de chacun est son désir individuel, à quoi bon, madame la ministre de la famille, nous inviter, nous obliger, nous contraindre au « faire famille », au « faire couple », quand tout simplement on oublie le « faire République » et le « vivre ensemble » ?
Monsieur le président, je considère que mon amendement est défendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Merci, monsieur le président. Avec cet amendement, je voudrais profiter des bonnes dispositions du président de la commission des lois qui nous répond sur la fourniture de codes au sein de la commission. Je ne doute pas qu'il va nous répondre sur la compatibilité de l'article-balai avec l'étude d'impact produite en complément du projet.
Je rappelle – restons sur le fond du texte et essayons d'avoir des réponses –, ce que dit l'étude d'impact. Elle dit que s'agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations légistiques strictement nécessaires. Est-ce que l'amendement-balai, qui va au-delà du strictement nécessaire puisqu'il balaie comme son nom l'indique tout notre droit, respecte cette exigence ? Il y a là un doute juridique qui plane et nous souhaiterions donc, monsieur le président de la commission des lois, avec votre expertise, votre compétence, que vous nous indiquiez ce qu'il en est – car on ne peut pas être président de commission pour simplement commencer les débats, couper les micros aux députés de l'opposition et clore les débats. On attend un peu plus d'un président de la commission des lois, surtout quand on sait que sa réélection a lieu tous les ans. Je crois qu'il est important, dans le cadre de la campagne que vous allez être mené à faire, que vous nous indiquiez quel est votre avis pour sortir la majorité de ce mauvais pas juridique.
Sur la question générale de l'amendement-balai, on pourrait demander au Gouvernement ou à la commission s'ils ont d'autres exemples de grands textes juridiques pour lesquels on a utilisé cette méthode. Je ne parle pas de la mention tout à fait marginale de la vidéosurveillance dans la Loppsi, je ne parle pas de la mention très modeste des télécommunications dans la loi de confiance en l'économie numérique et je ne parle pas de la suppression de la profession d'avoué, enjeu certes important, mais enfin…
Est-ce qu'il y a d'autres exemples, aussi considérables que ce projet, qui ont été réalisés par la méthode de l'amendement-balai ? Ces exemples ne nous ont pas été donnés.
Pour l'article 382 du code, « les père et mère ont, sur les distinctions qui suivent, l'administration et la jouissance des biens de leur enfant », l'amendement-balai n'est pas très compliqué à appliquer, je vous l'accorde : c'est d'ailleurs toute la distinction entre des dispositions de ce type – cela se gère chez le notaire – et l'application beaucoup plus difficile de l'article 371-1, que lit le maire quand il célèbre un mariage. L'amendement-balai est inapplicable.
L'amendement de suppression que j'ai présenté avec mes collègues signifie le refus global de l'amendement-balai.
Défavorable.
Monsieur le président, l'amendement-balai balaie pas mal des principes républicains.
La loi sur l'abolition de la peine de mort, la loi sur l'avortement, c'étaient des grandes lois humanistes, c'étaient aussi des grandes lois républicaines. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)
Celle-ci, elle ne l'est pas et il y a une véritable confusion. Elle est même le contraire, puisqu'elle donne le droit à l'État d'empêcher un enfant d'avoir un père ou une mère.
N'est pas Robert Badinter ou Simone Veil qui veut. N'est pas non plus Élisabeth Guigou qui veut. Je ne résiste pas à vous relire ce que disait Élisabeth Guigou : elle disait très clairement que le PACS n'allait pas se continuer par une autre vision des choses et qu'il n'irait pas jusqu'au mariage, à l'adoption et à la PMA. Élisabeth Guigou a été très claire dans les débats en 1998 et lorsqu'elle l'a dit, je pense d'ailleurs qu'elle était probablement la porte-parole du président Mitterrand, ne l'oubliez pas. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.
Article 4
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)
Article 4
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 2163 .
Je souhaite terminer la lecture de la déclaration de Bernard Poignant entamée tout à l'heure : « Quel que soit le sort définitif de la loi, il faut donc que chaque enfant puisse savoir qu'il est issu de père et mère. Si le mariage se conclut entre personnes de même sexe, le livret de famille ne peut pas ignorer ce fait de base. Un enfant adopté est souvent un enfant abandonné par son père et sa mère. Il se trouve généralement dans un orphelinat. Il vient souvent d'un pays lointain. Il ne peut pas être privé de connaître son origine. De plus, mais les avis divergent sur ce point, on peut considérer qu'un enfant doit se forger dans l'altérité des deux genres masculin et féminin. Le législateur finira par conclure la loi et le Président par la ratifier. » C'est ce que le président de la commission des lois nous rappelait tout à l'heure, mais il y a encore un peu de temps pour cela. Je termine la citation : « Mais tout progressiste dans ce dossier doit d'abord penser à l'enfant. »
L'amendement est défendu.
Je saisis l'occasion qui m'est offerte pour poser de nouveau les questions que nous avons déjà posées. Nous le ferons inlassablement, tant que nous n'obtiendrons pas de réponse.
Quand nous communiquerez-vous l'avis du Conseil d'État ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En l'état de nos informations, il révèle de multiples difficultés. Nous souhaitons par conséquent en disposer, c'est un élément de démocratie, un élément de transparence. Vous vous prévalez de la démocratie et de la transparence, mais nous ne disposons toujours pas de cet avis.
Ensuite, quand les députés dont nous ne savons pas très bien encore ce qu'ils veulent faire prendront-ils position ? Je vois Mme Le Loch, députée du Finistère, dont on ne sait toujours pas quelles sont les intentions. Elle a l'occasion ici de s'exprimer pourtant, tout comme M. Le Bris. Nous devons avoir un échange ; la démocratie, c'est l'échange.
Vous pouvez également poser des questions, mes chers collègues de la majorité, et le Gouvernement comme la commission peuvent répondre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Puisque nous n'avons pas de réponse, c'est soit qu'il n'y en a pas, soit qu'on ne veut pas nous en donner. Ce dernier cas s'apparente à de l'obstruction ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) L'obstruction, c'est accepter le formalisme de base mais ne pas répondre à la réalité des choses.
Je vois Mme Chapdelaine qui n'a, vis-à-vis de ses électeurs, toujours pas pris de position officielle puisque dans sa profession de foi, j'y ai fait allusion tout à l'heure, rien n'était précisé quant à ses engagements sur le mariage pour tous.
Nous allons donc continuer de poser des questions et je suis convaincu qu'à un moment ou à un autre nous obtiendrons des réponses. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
J'entends que nous n'aurions rien à dire et que nous ferions de l'obstruction. L'obstruction, elle est dans l'absence de réponses !
Une fois encore, je vais rappeler cette question juridique et notre collègue qui prétendait à l'instant que nous n'avions rien à dire va pouvoir en juger.
Une étude d'impact, réalisée par le Gouvernement, indique : « S'agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations légistiques strictement nécessaires afin d'adapter les textes qui visent actuellement le père ou la mère et de permettre qu'ils puissent aussi régir la situation des couples de deux pères ou de deux mères. » Autrement dit, selon cette étude, il convient de procéder à des adaptations millimétrées, limitées au strict nécessaire. C'est ce qu'avait fait le Gouvernement – dont acte.
Étant donné les réticences de la société à supprimer de très nombreuses fois les mots « père » et « mère » dans notre droit, un amendement non plus juridique, mais politique a été présenté, qui a débouché sur l'article-balai. Ce dernier a un effet politique plus ou moins important, mais surtout des effets juridiques dévastateurs. Nous ne sommes plus, en effet, dans le strictement nécessaire.
J'ai posé la question au rapporteur, au président de la commission des lois que j'ai cru un moment disposé à échanger avec nous au-delà de la fourniture de codes par les services de la commission. N'ayant toujours pas de réponse, c'est à vous, madame la garde des sceaux, que je m'adresse.
Nous avons bien constaté votre réticence sur cet amendement.
Vous avez déclaré devant la commission que vous étiez prêts à supprimer les mots « père » et « mère ». Je rends acte à votre courage politique, qui s'appuie sur l'efficacité juridique pointée par l'étude d'impact. Mais votre malaise à soutenir cet amendement ne vient-il pas de la contradiction entre l'article-balai et l'étude d'impact ?
Je ne rêve pas. Si j'avais des illusions en début de semaine, vous vous êtes attachés à me les faire perdre. Le fait qu'apporter des réponses aux questions posées permette de passer à l'étape suivante, si j'avais cette illusion-là, je l'ai perdue depuis très longtemps : malgré nos réponses précises, vous reposez toujours les mêmes questions.
Par conséquent, de temps en temps, nous vous ferons des réponses…
…dans le souci de manifester notre respect à l'égard du Parlement ; mais nous prenons acte d'une pratique assez étonnante.
M. Tian, par exemple, cite depuis trois jours le même texte de Mme Agacinski, en précisant la plupart du temps qu'il est tiré du « journal d'aujourd'hui ». (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il y a eu des grèves ! Ce matin, par exemple, il n'y avait pas de journaux dans les kiosques.
M. Gosselin, quant à lui, continue de revenir sur l'article 310 du code civil à propos de l'adoption plénière. Pourquoi l'article 310 échappe-t-il à la disposition interprétative ? Parce qu'il relève du titre VII, lequel échappe à la disposition interprétative. Nous l'avons dit un nombre incalculable de fois et vous continuez à poser la question.
Ce qui est intéressant, c'est que vous prenez la parole pour défendre des amendements dont vous ne dites pas un quart de mot, mais que vous revenez sur l'article 310 qui, j'insiste, figure dans le titre VII alors que nous en sommes déjà à l'examen du titre IX, concernant l'autorité parentale. Et vous nous parlez toujours du titre VII et de son article 310 !
Nous pouvons continuer à vous répondre, bien entendu, mais il est évident que vous allez continuer à reposer vos questions.
Monsieur Breton, pendant plusieurs jours, vous nous avez expliqué qu'il y avait trois piliers : un pilier corporel – et deux autres, j'ai dû les oublier. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Puis vous êtes passé ensuite à une autre démonstration triangulaire – il y avait trois objets, on ne sait plus trop lesquels. Enfin, depuis plusieurs heures, nous avons droit à des citations de Michel Rocard.
Cela illustre surtout que vous êtes absolument dans l'incapacité de dire un quart de mot sur vos amendements (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC), des amendements qui organisent la discrimination parce qu'ils ne visent qu'à une chose : empêcher l'application des dispositions du code civil déduites du mariage.
Évidemment, vous êtes totalement libres de votre façon de faire.
Mais tout de même, vous avez assisté à l'adoption de l'article 1er ! Et vous passez plusieurs jours à chercher à éliminer les dispositions qu'il induit. Comme le soulignait le rapporteur avec beaucoup de perspicacité, s'il y a un article qui aurait pu faire consensus – puisque vous ne cessez de parler de consensus, c'était bien celui que nous sommes en train d'examiner !
Autrement dit, en tant que législateur, vous devriez prendre acte du fait que l'article 1er a été voté et vous montrer soucieux de faire en sorte que la loi soit applicable.
Vous passez des jours à essayer de faire exactement le contraire : rendre la loi inapplicable.
M. Meunier, à l'occasion de plusieurs interventions, a repris exactement les mêmes phrases !
Mais il n'y avait pas de question, c'était des affirmations récurrentes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) M. Meunier revient sans cesse sur la PMA et la GPA. Pour des raisons inexpliquées, le clonage de M. Fenech ne prospère pas (Sourires sur les bancs du groupe SRC) car, logiquement, vous devriez en être au clonage depuis quatre jours ! Peut-être y a-t-il des problèmes de droits d'auteur… (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Reste que je constate que le clonage ne prospère pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
En ce qui concerne l'avis du Conseil d'État (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), il s'agit, reconnaissons-le, de la dernière trouvaille.
Monsieur le ministre Ollier, vous avez eu l'obligeance de nous donner lecture intégrale de l'avis du Conseil d'État du Luxembourg.
Vous avez voulu me faire peur ? Eh bien ! Vous avez tout de même des ambitions étonnantes ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)
J'en reviens à l'avis du Conseil d'État.
Consentez à ce que je considère que, dans cet hémicycle, je m'adresse à des législateurs – des personnes qui, à longueur de temps, fabriquent le droit, élaborent les règles et sont donc mieux placées que quiconque pour juger de l'importance du respect de ces règles.
Le ministre des relations avec le Parlement vous a rappelé…
Et vous, vous êtes le garde des sceaux !
Taisez-vous, Wauquiez ! (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
M. le ministre des relations avec le parlement vous a rappelé les différentes étapes de la législation ; il vous a parlé de l'amendement Fur… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pardon, il n'y a pas de grossièreté à dire l'amendement Fur : c'est le langage de la maison, convenez-en !
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est M. Le Fur !
Le Fur, pardon.
Mais si, c'est possible ! En réalité, ce comportement est devenu ordinaire : depuis des jours, c'est ce comportement-là auquel nous sommes confrontés. Vous êtes vexés quand certains, à l'extérieur, portent des jugements de valeur sur le travail du Parlement. Pour ma part, je ne valide pas ces jugements de valeur, mais je me refuserai à contribuer à les alimenter.
En tout état de cause, le ministre des relations avec le Parlement vous a donc rappelé les différentes étapes de la législation et vous a donné les références des lois qui régissent l'avis du Conseil d'État, en vous précisant, d'ailleurs, que le législateur a choisi délibérément de ne pas faire de l'avis du Conseil d'État un document administratif. Vous êtes d'accord ?
Les législateurs avisés que vous êtes savent pourquoi :…
…en effet, ne pas en faire un document administratif l'exclut de toute possibilité de recours. Nous sommes d'accord ?
Merci, monsieur le ministre Ollier, de dire cela. Si vous considérez que c'est heureux, vous devez donc convenir aussi que le Conseil d'État, notre institution judiciaire administrative, formule un avis dans le but d'éclairer le Gouvernement. Vous devez reconnaître également que les règles qui veulent que ces avis ne soient pas rendus publics, sauf décision contraire du Premier ministre, s'imposent à vous aussi. Nous sommes d'accord ? Alors, s'il en est ainsi, que l'on explique…
Non, pardon ! La seule personne qui a annoncé disposer de l'avis, c'est le président de votre groupe…
…M. Christian Jacob, qui a brandi cet avis…
…et s'est félicité que, alors que nous refusions de lui transmettre cet avis, des membres de nos services, eux, aient agi autrement. Ce faisant, il a jeté l'opprobre sur l'ensemble des fonctionnaires, car si l'un ou l'une d'entre eux a transmis cet avis – je ne suis même pas sûre que ce soit le cas – il ou elle a transgressé la loi, vous le savez.
En se félicitant que nos services lui aient permis de se procurer l'avis du Conseil d'État, M. Jacob jette l'opprobre sur l'ensemble des fonctionnaires. Notre gouvernement, quant à lui, a choisi, vis-à-vis des fonctionnaires, de faire le pari de la loyauté. Non pas la loyauté vis-à-vis des ministres, mais la loyauté vis-à-vis de l'État…
..la loyauté vis-à-vis du service public. Et c'est pour ça que, vis-à-vis de ces fonctionnaires, nous avons choisi une attitude de respect et de confiance.
Et nous ne jetons pas l'opprobre sur l'ensemble de la fonction publique, sur l'ensemble des fonctionnaires, en nous réjouissant que des services transmettent des documents confidentiels.
Cet avis du Conseil d'État que vous réclamez…
…quelle légitimité avez-vous pour le réclamer ainsi ? Quelle légitimité avez-vous pour brandir l'avis du Conseil d'État…
…vous qui, en 2010, avez fait voter une loi sur les sources des journalistes, pour permettre au pouvoir politique d'y faire des incursions, des intrusions ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
Quelle légitimité avez-vous pour sanctionner des adolescents et des lycéens qui se procurent les sujets du baccalauréat au mépris de la loi, puisque vous-mêmes, les législateurs, vous qui fabriquez les lois, vous venez brandir ce document du Conseil d'État ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Par ailleurs, je vous rappelle que le Conseil d'État dans cet avis, indépendamment de la lecture que nous en a faite M. le président Jacob,…
…émet, dès le premier alinéa, un avis favorable. Au deuxième alinéa, il dit très clairement que ni les conventions internationales, ni le droit constitutionnel ne s'opposent à ce texte. Il fait des observations, et c'est bien normal, c'est son travail. Mais si ces observations étaient rédhibitoires, le Conseil d'État lui-même en aurait tiré les conséquences et aurait émis un avis défavorable.
Je me permets de vous rappeler qu'il fut une époque où vous sembliez moins soucieux de la valeur de l'avis du Conseil d'État.
En effet, pour une loi importante de 2004, le Conseil d'État avait émis un avis défavorable et vous êtes passés outre ! Vous êtes passés outre ! Aujourd'hui, il émet un avis favorable…
…et vous passez quarante-huit heures à nous réclamer de le lire !
Pour le reste, vous ne défendez pas vos amendements. Certains d'entre vous ont deux titres de retard…
…sur les commentaires des articles du code civil. Vous passez votre temps à faire des citations… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
…que vous vous allez d'ailleurs chercher dans le Panthéon de gauche, reconnaissez-le.
Votre exercice, c'est cela : répéter exactement les mêmes choses, quel que soit l'amendement et l'article en cause. C'est revenir sur la PMA et la GPA – …
… et je vous rappelle que vous oubliez le clonage. C'est poser constamment les mêmes questions. C'est, monsieur Le Fur, régler des problèmes manifestement régionaux alors que chaque député sait qu'il est député de la nation, au service de la République et que son territoire d'origine importe peu.
Le dernier volet de l'exercice, ce sont des citations cléricales : vous citez le Grand Rabbin Bernheim et d'autres grands esprits cléricaux…
Vous citez le premier commandement, dont on me signale d'ailleurs que c'est plutôt le quatrième…
Je vous rappellerai les propos d'un immense parlementaire qui nous a tous précédés à cette tribune,…
…Victor Hugo, qui disait : « L'Église chez elle, et l'État chez lui. » (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)
Chers collègues de l'opposition, je vois beaucoup de mains se lever. Je vais donc donner la parole, monsieur Nicolin vous m'en excuserez, au président du groupe, qui me l'a demandée. Ce sera la réponse au Gouvernement.
Monsieur Jacob, vous avez la parole.
Merci, mais c'est un rappel au règlement que je voudrais faire, madame la présidente. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) C'est un autre de mes collègues qui fera la réponse au Gouvernement.
Ce rappel au règlement concerne les propos de la garde des sceaux, qui nous interpelle quant à notre légitimité. Mais madame, notre légitimité, c'est celle que nous a donnée le peuple ! Je vois qu'elle vous dérange. Je vois que vous en avez peur, du peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Sinon, vous auriez soumis votre projet à un référendum ! Mais vous avez peur du peuple, et vous arguments le montrent bien.
Vous êtes incapable de vous exprimer sur le fond. Vous n'avez répondu sur le fond à aucun des amendements qui ont été présentés. Beaucoup portaient sur des articles du code civil et, alors que vous êtes garde des sceaux, jamais vous n'avez répondu sur le fond de ces articles. C'est pourtant ce que nous attendons de vous.
Et qui a commencé à déclamer, ici ? Qui a déclamé des poèmes ? C'est bien vous ! Acceptez que d'autres fassent de même !
Et je n'ai pas fini !
Nous aussi !
Nous ne sommes pas pressés. Mais nous aimerions tellement que vous soyez capable de répondre de temps en temps sur le fond !
À propos du Conseil d'État, quel procès d'intention nous faites-vous ! C'est vous, madame, qui êtes dans une situation délicate…
Ce n'est pas un rappel au règlement !
…incapable que vous êtes de nous produire l'avis du Conseil d'État (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) avec les critiques qu'il porte sur votre texte ! C'est vous qui avez tenu la plume, c'est vous qui encaissez les critiques du Conseil d'État !
Ce que nous demandons, aujourd'hui, c'est la transparence. La rumeur selon laquelle votre texte serait mal rédigé est en train d'enfler : tout le monde en parle, et c'est pourquoi nous voulons aujourd'hui passer à l'épreuve de vérité.
Ne vous cachez pas, madame la garde des sceaux ! Assumez vos responsabilités ! Rendez public l'avis du Conseil d'État, pour que l'on voie quelles sont ses critiques…
Merci, monsieur le président Jacob (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), votre temps est écoulé. (« Non ! non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Chers collègues, vous savez tous que vous avez deux minutes de temps de parole, et je vous précise… (Tumulte prolongée.)
Non, monsieur le président, cela n'avait rien à voir avec un rappel au règlement. C'était donc bien une réponse au Gouvernement et vous disposiez de deux minutes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP).
À présent, je donne la parole, pour un rappel au règlement et un seul, à M. Wauquiez qui l'avait demandé depuis longtemps. (M. Jacob se lève et descend au pied de la tribune.)
Moi aussi ! Ça fait un quart d'heure que je le demande ! (Plusieurs autres députés du groupe UMP réclament la parole.)
Monsieur Wauquiez, vous avez la parole pour un rappel au règlement. (Protestations prolongées sur les bancs du groupe UMP.) Vous ne la prenez pas ? (M. Wauquiez décline.)
Dans ce cas, je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2163 , 2731 et 3742 . (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Tous les députés UMP se lèvent et réclament une suspension de séance.) C'est trop tard : le scrutin est lancé. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 154
Nombre de suffrages exprimés 154
Majorité absolue 78
Pour l'adoption 27
Contre 127
(Les amendements nos 2163 , 2731 et 3742 ne sont pas adoptés)
(Tumulte et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP, tandis que les députés des groupes SRC et écologiste applaudissent le résultat du scrutin.)
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est un coup de force !
La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement. (Les députés du groupe UMP se rassemblent autour de l'orateur.)
Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1.
Madame la présidente, la façon dont vous venez de procéder, le comportement que vous venez d'avoir sont indignes. (Vifs applaudissements des députés du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Le président de notre groupe avait le droit d'obtenir une suspension de séance. Vous venez de piétiner ce droit.
Madame la garde des sceaux, chargée du respect des institutions, venait d'insulter le travail de l'opposition. (Mêmes mouvements.) Visiblement, quand nous lui posons des questions, nous l'importunons. Visiblement, quand nous osons exprimer notre désaccord, nous la gênons. (Le tumulte se poursuit.) Visiblement, quand nous osons, sur un sujet aussi grave, demander un débat qui dure plus de dix jours, on considère que nous faisons de l'obstruction ! (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Comble du comble, madame la garde des sceaux traite avec ironie et mépris les interventions de nos députés. Et vous, madame la présidente, qui êtes théoriquement chargée du bon déroulement de ces débats, vous ajoutez aux attaques de la garde des sceaux à l'égard des institutions une absence complète de respect à l'égard du travail des députés de l'opposition ! (Vifs applaudissements des députés du groupe UMP, toujours debout.)
C'est indigne ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La garde des sceaux a énoncé une contrevérité concernant le déroulement de la séance. L'avis du Conseil d'État, et elle le sait très bien, peut être rendu public par le Gouvernement ! (Mêmes mouvements.)
Vous n'étiez pas là cet après-midi ! C'est exactement ce qui a été dit !
Elle vient de nous faire un grand numéro… (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) consistant à dire qu'elle n'en avait pas la possibilité, qu'elle n'était pas là pour éclairer les travaux de l'opposition ! (Les apostrophes fusent.) Que l'avis du Conseil d'État ne pouvait pas être rendu public !
Madame la garde des sceaux, vous vous adressez bien à des législateurs !
Et, comme vous le savez très bien, le Gouvernement, en la personne du Premier ministre, a parfaitement la possibilité de rendre public l'avis du Conseil d'État ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La réalité, c'est que vous ne voulez pas éclairer le travail de la représentation nationale !
Si le débat est dans cet état, c'est parce que depuis le début, vous pratiquez un jeu de théâtre d'ombres. Depuis le début, vous refusez d'apporter la moindre réponse. (Mêmes mouvements.)
Vous avez posé sur la table au début de nos débats une circulaire qui a créé le trouble sur votre position concernant la gestation pour autrui. La propre position de votre gouvernement…
… a été incohérente sur la procréation médicalement assistée. Parce que vous avez été incapable de répondre avec précision sur le code civil, et…
Merci monsieur Wauquiez, vous avez largement dépassé votre temps de parole pour le rappel au règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Les députés UMP apostrophent la présidente.)
Permettez-moi de vous répondre. S'agissant du déroulement du vote précédent… (Les députés du groupe UMP scandent : « Bartolone ! Bartolone ! Bartolone ! » – Huées sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Messieurs et mesdames les députés de la minorité, nous ne sommes pas dans une salle de classe ! (Les députés du groupe UMP pointent du doigt la présidente aux cris de « Bartolone ! Bartolone ! Bartolone ! »)
Vous aurez la parole, monsieur Jacob.
Sur le déroulement du vote précédent, j'avais été saisie d'une demande de scrutin public. Le scrutin était annoncé, j'ai donc préféré vous donner la parole ensuite. (Le tumulte se poursuit.) M. Jacob m'ayant demandé la parole pour un rappel au règlement, je la lui ai donnée, mais son intervention n'avait strictement rien à voir avec un rappel au règlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est pour cela qu'avant même de lui donner la parole, je lui avais dit que son intervention remplaçait celle de M. Nicolin. Ensuite, le scrutin s'est déroulé.
La parole est maintenant à M. Christian Jacob pour un rappel au règlement, et peut-être pour ramener un peu de calme dans cet hémicycle. (Les députés du groupe UMP restent debout. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Vous, couchez-vous ! Couchez-vous !
Plusieurs députés du groupe SRC. Assis ! Assis !
Nous sommes ici par la volonté du peuple ! Et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes !
Madame la présidente, j'entends intervenir dans des conditions normales, c'est-à-dire avec un minimum de silence ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pour que les conditions soient normales, il ne serait pas une mauvaise idée que tout le monde s'asseye tranquillement pour vous écouter. (Les députés du groupe UMP restent debout.)
Madame la présidente, j'ai fait un rappel au règlement et j'ai demandé une suspension de séance !
Madame ! Vous êtes au perchoir ! Cela vous oblige à un certain nombre de choses ! ((Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Cela vous oblige à une présidence impartiale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous ai demandé une suspension de séance ! Je suis président de groupe ! (Les clameurs se poursuivent.)
Monsieur le président… (« Bartolone ! Bartolone ! Bartolone ! » sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous m'avez refusé la possibilité d'aller vous voir ! Vous me refusez une suspension de séance ! (Le tumulte enfle encore.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Machos ! Misogynes !
Monsieur le président Jacob, vous m'avez demandé une suspension de séance alors que le scrutin était ouvert. Nous la faisons maintenant.
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure dix.)
Rappels au règlement
Il se fonde sur l'article 58. Madame la garde des sceaux m'a nommément accusé, dans le cadre du déroulement de nos travaux, d'avoir porté l'opprobre sur les fonctionnaires.
Madame la garde des sceaux, j'ai été ministre de la fonction publique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'ai été celui qui, après quinze ans, a conclu le premier accord avec les fonctionnaires. J'ai toujours eu le plus grand respect pour la fonction publique.
Vous comparez notre demande de publier l'avis du Conseil d'État à des élèves volant les sujets du bac ! Mais à quel niveau vous abaissez-vous, madame la garde des sceaux !
Qu'êtes-vous en train de dire ? Nous demandons l'avis du Conseil d'État car c'est vous qui pouvez le rendre public, plus précisément le Premier ministre.
Nous ne sommes pas en train de voler quelque chose !
Vous parlez des sources qui nous ont permis d'avoir quelques extraits de cet avis. Mais, madame la garde des sceaux, j'avais fait référence à vos services. Ce faisant, je parle aussi de votre cabinet. Je n'ai pas à en dire davantage sur les sources qui nous ont permis d'avoir cet avis du Conseil d'État, mais l'opprobre n'est pas jeté sur la fonction publique, madame la garde des sceaux : peut-être avez-vous simplement des collaborateurs qui ont une vision moins sectaire et plus ouverte que vous.
Vous fuyez, en affectant de sourire. Madame la garde des sceaux, quand je m'adresse à vous, vous pourriez me regarder ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Votre manque de courage, votre manque d'honnêteté, le refus de rendre public l'avis du Conseil d'État qui porte des critiques très dures sur l'écriture de votre texte…
Encore une fois, cet avis permettrait d'éclairer nos travaux. Nous ne pouvons pas laisser passer une telle accusation à l'encontre de l'ensemble des parlementaires de l'UMP, ni créer la suspicion sur les fonctionnaires.
Et quand je parle de vos services, madame la ministre, regardez bien autour de vous !
Permettez que je dise quelques mots sur la base de l'article 58, alinéa 1 de notre règlement quant au déroulement de la séance.
Je ne suis pas un parlementaire aussi expérimenté que M. Jacob, et je ne suis pas président de groupe. Je parle donc avec tout le respect que je dois à sa fonction, et à son ancienneté dans cette assemblée.
Monsieur Jacob, j'ai été surpris, comme nous tous, par la manière dont vous avez apostrophé la présidence et mis en cause sa façon de diriger nos débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.) Je crois que cela ne se fait pas dans notre maison, et que vous ne devriez pas tomber dans ce travers.
Deuxième point : encore à l'instant, vous reprochez à la garde des sceaux un manque d'honnêteté.
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est honteux !
Je vous remercie de le confirmer, monsieur Wauquiez, et j'en profite pour vous souhaiter la bienvenue dans cet hémicycle (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Depuis le début de ce débat, ce ne sont qu'attaques ad hominem et mises en cause systématiques du rapporteur, de la ministre de la famille et de la garde des sceaux.
Chers collègues de l'opposition, vos positions ne sortent pas grandies de ces attaques personnelles. Ni les fausses indignations, ni les colères feintes, ni la défense artificielle d'amendements qui n'existent pas ou sont contradictoires avec l'objectif même que vous voulez poursuivre en vous opposant à ce texte ne sont servies par les manoeuvres que vous menez aujourd'hui. Vous menez une guérilla, une entreprise d'obstruction.
En réalité, vous vous retranchez derrière des attaques et des propos parfois extrêmement violents à l'encontre de la présidence et des ministres…
…pour cacher votre incapacité à concevoir les familles homoparentales et la présence des enfants en leur sein, et votre incapacité à accepter même que la société évolue en ce sens.
Je conclus en répétant à notre rapporteur, au président de la commission, à Mme la ministre de la famille et à Mme la garde des sceaux que nous sommes extrêmement fiers de leur travail. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58. Je vous remercie de me l'accorder, après l'avoir demandé pendant une demi-heure.
Il s'agit en effet du bon déroulement de cette séance. Je suis un peu surpris de la manière dont Mme la garde des sceaux nous a répondu. Il est de tradition, dans cet hémicycle, que les parlementaires de la majorité comme de l'opposition fassent leur travail, qu'ils puissent déposer des amendements et argumenter comme ils le souhaitent pour les défendre.
En lieu et place de réponse, Mme la garde des sceaux s'est engagée dans un plaidoyer critique à l'égard de l'opposition,…
Un véritable réquisitoire, c'est vrai, en nous montrant du doigt et en disant que ce n'est pas comme cela que nous devrions procéder. Il y a là une inversion des rôles. Ce n'est pas comme cela que les choses devraient se dérouler dans cet hémicycle. Le rôle d'un membre du Gouvernement n'est pas de formuler un jugement sur la manière dont les parlementaires conduisent leur travail. Les membres du Gouvernement sont là pour répondre – d'autant qu'il s'agit bel et bien ici d'un projet du Gouvernement lui-même.
En lieu et place de réponses, nous entendons donc des critiques vis-à-vis de l'opposition, ce qui n'est pas de nature à apaiser les débats. Le Gouvernement devrait réfléchir à la manière dont il traite son opposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Dans cette assemblée, nous pouvons échanger des propos rudes, mais mieux vaut évidemment qu'ils soient courtois. Ce qui m'a beaucoup choqué dans les propos du garde des sceaux,…
Plusieurs députés des groupes SRC et écologiste. « La » garde des sceaux !
…c'est la mise en cause de la légitimité des députés. Je vous ai entendue, madame, demander : « Quelle légitimité avez-vous ? » Et hier déjà, et à plusieurs reprises au cours de nos travaux – je crois d'ailleurs que vous avez ensuite convenu que ce n'était pas des plus judicieux – vous avez mis en cause…
Vous m'agressez en permanence !
Ne m'interrompez pas ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Vous avez donc mis en cause les travaux de notre assemblée et la manière dont, en tant que parlementaires…
Moi, j'ai fait cela ?
Vous l'avez fait, madame.
Les propos des parlementaires ne sont, par construction, pas parfaits.
Je le confirme !
Les propos du Gouvernement ne le sont pas non plus, mais celui-ci n'a pas à apprécier les propos des parlementaires. Le président Jacob vous l'a rappelé à plusieurs reprises : le Gouvernement est à la disposition du Parlement. (Mme la garde des sceaux rit et fait des signes « Au pied ! »)
C'est un fait, madame. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je dis simplement, en termes mesurés, qu'il est particulièrement inapproprié qu'un ministre quel qu'il soit, et particulièrement le garde des sceaux, mette en cause la légitimité des représentants de la nation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Tout est donc parti, il y a quelques minutes, d'une réponse de Mme la garde des sceaux à l'un de ces faux amendements dont vous avez le secret depuis maintenant près de dix jours. Cette réponse a été assez longue, argumentée : sans doute cela ne vous plaît-il pas, car nous avons l'impression que vous aimeriez n'être qu'entre vous.
Vous répétez vos discours en boucle depuis maintenant plusieurs jours. Je vous le dis très franchement : je crois qu'ils n'intéressent que vous. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Dès que nous sortons de cet hémicycle et interrogeons nos concitoyens, il devient clair que vos discours ne les intéressent pas du tout.
Pendant la suspension de séance qu'il avait demandée, M. Jacob est manifestement allé prendre conseil auprès de M. Woerth qui, lorsqu'il était ministre, était expert en matière de courtoisie à l'égard des parlementaires puisqu'il ne daignait même pas répondre à l'opposition lorsque nous défendions, par exemple, une motion de procédure. Une demi-heure d'arguments, et il déclarait qu'il n'avait rien à dire !
Vous avez donc pris conseil auprès de lui, sans doute de très bons conseils en matière de courtoisie parlementaire et de rapports entre l'exécutif et le législatif.
Monsieur Jacob, vous avez fait bien pire : vous avez mis en cause la présidence de séance. Ce n'est malheureusement pas la première fois. J'ai d'ailleurs envie de dire plutôt « la présidente »,…
…car j'ai l'impression que le fait qu'il s'agisse d'une femme n'est pas totalement étranger au mépris avec lequel vous l'avez traitée. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez pointé un doigt accusateur et menaçant, en tout cas c'est comme cela que nous l'avons ressenti, vers la présidente de séance, ce qui empêche le bon déroulement de nos travaux.
En vérité, je crois que vous vous rendez compte que vous n'arrivez plus à sortir de cette affaire. Les Français en ont assez du spectacle que vous donnez. J'ai même envie de dire qu'ils ont, tout comme nous, ras-le-bol de cette litanie d'interventions qui se suivent et se ressemblent toutes. Sortez-en ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Réfléchissez, au cours des suspensions de séance,…
…pour que l'on puisse enfin avancer normalement dans l'examen du texte, sans toutes ces diversions. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)
Un député du groupe UMP. Il n'est pas en état !
…même si je sais le faire ! (Sourires.)
Votre stratégie est très simple. Dans le cadre de l'article 4, vous voulez démontrer qu'il y a un problème avec les mots « père » et « mère »,…
Le code civil compte 160 occurrences des mots « père » et « mère ». À raison de six orateurs à chaque fois, cela donne lieu à 960 interventions absolument identiques.
Si l'on ajoute la possibilité de s'exprimer en réponse à l'avis du Gouvernement, on en arrive à 1 120 interventions identiques.
Dès lors, comment voulez-vous ne pas obtenir les mêmes réponses ? Par définition, c'est à chaque fois la même chose !
Mais non ! L'âge du mariage et l'interdiction de la polygamie, ce n'est pas la même chose !
Suite à un changement apporté par la commission au texte d'origine du Gouvernement par ce fameux article-balai, vous intervenez 1 120 fois.
Je vous le dis très franchement : comment voulez-vous éviter une certaine lassitude ? Nous avons décidé, bien évidemment, de ne pas vous répondre car sinon, il n'y aura pas 1 120, mais 5 000 interventions de deux minutes chacune ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Admettez simplement que nous acceptons votre stratégie, et que nous avons la nôtre qui consiste à ne pas, ou peu, vous répondre. Cependant, comme vous ne savez plus vous contenter d'écouter notre silence, vous invectivez les ministres, le président de la commission des lois et le rapporteur, pour nourrir un nouvel élan. On ne se laissera pas avoir comme cela ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Je demande tout simplement à ce que nous n'ayons plus à répondre à toutes ces interventions, qui ne sont qu'une surmultiplication. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)
Il se fonde sur l'article 58, alinéa 1.
Depuis le début, quand nous osons poser des questions et effectuer notre travail d'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), on nous répond systématiquement qu'il s'agit d'obstruction parlementaire. Pour détendre l'atmosphère, je voudrais puiser aux meilleures sources des députés de l'opposition.
M. Urvoas, président de la commission des lois, a rédigé un excellent Manuel de survie à l'Assemblée nationale – L'art de la guérilla parlementaire. Il résume très bien les propos que vous avez tenus, ce qui devrait vous inciter à un peu plus de retenue.
Je pense que tout le monde appréciera le sel de son analyse : « À l'Assemblée, le Gouvernement décide de tout. La force du Gouvernement se mesure à ses pouvoirs législatifs qui cannibalisent littéralement l'initiative des parlementaires, et surtout ceux de la majorité. Le lien étroit par lequel le Gouvernement tient sa majorité a considérablement réduit son autonomie. »
M. Urvoas poursuit en expliquant quelle est la seule possibilité pour l'opposition de s'exprimer. Au fond, il caractérise très bien votre état, puisque vous n'avez plus que les tweets pour vous exprimer. « La seule chance de l'opposition, et elle est donc légitime, est de faire vaciller la majorité par le biais d'une guérilla qui est sa seule possibilité de s'exprimer. »
M. Urvoas poursuit : « Il faut donc que les députés de l'opposition soient mobilisés, parce que la majorité » – votre silence le reflète – « se fatigue plus vite que l'opposition. » M. Urvoas termine en expliquant ce qui est simplement, au fond, l'exercice légitime du travail de l'opposition dans toute démocratie, que vous devriez respecter un peu plus.
Il dit : « Ces moments de combativité montrent une chose : c'est que l'alternance est possible. »
Oui, monsieur Urvoas, vous avez parfaitement raison. Face à une majorité condamnée au silence et à un Gouvernement qui ne répond pas à nos questions, nous voulons montrer que l'opposition pose des questions simples. Que voulez vous faire s'agissant de la procréation médicalement assistée ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Jusqu'où voulez-vous aller sur la gestation pour autrui ? Quelle est l'ampleur de vos modifications du code civil ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 1925 .
Rappelez-vous les propos tenus par le Gouvernement et votre majorité il y a quelques mois. Nous avions souhaité un grand débat dans l'opinion, des échanges, la création d'une commission spéciale.
Vous nous aviez dit de ne pas nous inquiéter, que vous nous donneriez le temps de travailler dans l'hémicycle. C'était votre réponse.
Travailler dans l'hémicycle, cela signifie permettre à l'opposition de s'exprimer, lui offrir des réponses, permettre au rapporteur d'être entendu – on ne l'entend plus depuis plusieurs heures ! – et au président de la commission de s'exprimer.
J'ai posé un certain nombre de questions. Je n'entends jamais les membres de la majorité s'exprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez empêché le débat dans le pays, bâillonné tout le monde. Vous voulez faire de même à l'Assemblée.
C'est votre logique, parce que vous n'êtes pas sûrs de vous-mêmes. Vous êtes partis avec des slogans et des engagements de campagne,…
…et vous vous rendez compte que vous vous trouvez dans une impasse, que votre logique aboutit nécessairement à la PMA et à la GPA. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Cela viendra, hélas, trop vite.
C'est cela le sujet qui nous réunit aujourd'hui. Je n'ai toujours pas reçu de réponses aux questions que j'ai posées ! J'ai interrogé la garde des sceaux sur les noms, sur leur évolution. Pas de réponse. Comprenez l'irritation de l'opposition !
Nous, nous souhaitons un vrai débat démocratique. Nous voulons, à l'occasion de cette journée, grandir l'Assemblée nationale. Ne nous refusez pas cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 1936 .
Oui, bien sûr, ma chère collègue. Ai-je jamais fait autre chose ? (Sourires.)
Certains de nos collègues me surprennent, surtout ceux qui ont tout de même déjà un peu d'expérience au sein de cette maison, comme Olivier Dussopt et François de Rugy, que j'ai croisés au cours de la législature précédente. Je me souviens qu'eux-mêmes nous ont fait subir l'exercice que nous leur faisons supporter à leur tour.
Vous avez la mémoire courte, monsieur de Rugy, mais pas moi, et je conserve quelques souvenirs.
Au fond, je remercie le président de la commission des lois d'avoir bien voulu consigner la remarquable synthèse qui vient d'être lue, car elle résume parfaitement la situation. Il l'a d'ailleurs lui-même reconnu tout à l'heure.
Je peux comprendre, chers collègues de la majorité, que vous soyez surpris de nous voir encore là.
J'assume parfaitement notre démarche. J'assume parfaitement, monsieur Tourret, de ne recevoir aucune réponse. Mais nous ne sommes pas d'accord, ni avec le principe de ce texte, ni avec sa déclinaison, pour des tas de raisons que nous avons déjà dites et que nous répèterons. Notre démarche dans cet hémicycle n'a pas d'autre sens. Ne vous en étonnez pas. Cela vous fatigue peut-être, mais notre détermination n'est pas entamée.
L'amendement est défendu.
Je voudrais revenir sur les propos de Mme la ministre qui, en gros, nous demande d'être beaux joueurs et d'accepter notre défaite sous prétexte que le projet politique aurait été voté samedi dernier.
En effet, l'article 1er est le coeur du projet politique, j'en conviens sans aucune difficulté. Pour autant l'article 4 et les suivants sont essentiels. Nous faisons là oeuvre de législateur et il importe, si vous voulez que votre projet politique soit applicable, que la loi soit la plus parfaite possible pour qu'elle ne soit pas sujette à contentieux et qu'au final, elle assure l'état de droit et la sécurité juridique.
Or, si nous insistons sur l'article 4, comme nous le ferons sur d'autres, c'est qu'il existe de vrais éléments de doute, des failles qu'il nous appartient, en tant que législateur, de mettre en avant. Nous ne pouvons pas nous contenter d'habiller de vagues considérations en novlangue juridique votre projet politique. Nous n'avons pas l'intention de parfaire ce que nous ne soutenons pas mais, en tant que législateur, nous nous devons d'être justes et surtout respectueux de ceux à qui ce droit s'appliquera.
Par conséquent, je reviendrai tout à l'heure, puisque vous m'y avez invité, sur l'article 310 du code civil car sur un point précis, madame la ministre, vous ne m'avez pas répondu.
L'amendement est défendu.
Je voudrais profiter de cet amendement pour rebondir sur les propos de Mme la garde des sceaux. Je reviendrai tout à l'heure sur l'aspect juridique, mais j'ai été choqué, madame, du mépris avec lequel vous avez traité ma conception de la filiation, fondée sur trois piliers. Vous avez dit vous souvenir du pilier corporel, mais avoir oublié les deux autres.
Tout d'abord, cette conception n'est pas la mienne mais celle qu'un pédopsychiatre, Pierre Lévy-Soussan, a développée devant notre commission des lois.
Ensuite, je fais rarement cas d'événements personnels mais je voudrais vous lire ce SMS que j'ai reçu d'une amie qui a adopté deux enfants : « Pour les enfants adoptés, la sortie de Mme Taubira sur les trois piliers est scandaleuse ».
Madame la garde des sceaux, le cinéma que vous faites toutes les deux heures (Protestations sur les bancs du groupe SRC) ne vous exonère pas d'entendre les réalités humaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cet article traite de la jouissance des biens de l'enfant, qui ne pose pas de difficulté extraordinaire en dehors du remplacement automatique des mots de père et mère en application de l'article balai.
Je lisais une interview récente de Mme Narassiguin dans le magazine Têtu. Évoquant les difficultés qu'un maire pourrait rencontrer à la lecture solennelle des articles faisant référence aux père et mère devant un couple de personnes de même sexe, elle expliquait que le maire saurait adapter son propos. Je suis désolé, mais un officier d'état civil n'adapte pas les mentions fixées par la loi et la duplication proposée par la technique de l'amendement balai ne convient pas.
Madame la garde des sceaux, vous avez tout à l'heure raillé l'évocation que j'ai faite du commandement « père et mère tu honoreras ». Je me suis en effet trompé – mais le rapporteur aussi me semble-t-il : ce ne serait pas le premier commandement mais le cinquième, même si les réponses trouvées sur internet varient beaucoup.
L'article 371 du code civil, en disposant que l'enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère, reflète une transcription dont la source est religieuse. Vous ne pouvez pas le contester. La République s'approprie ensuite cette source, en tire sa force, la fait sienne, mais n'en récusez pas l'origine, qui est assez évidente à la seule lecture du texte, sinon vous casserez cette synthèse heureuse que la République arrive à établir entre ses différentes sources. Ne sombrez pas dans le laïcisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Respectons la laïcité, respectons aussi les sources diverses de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
« Moi, Président de la République, j'engagerai de grands débats ! » Quel dommage que nous ne puissions justement avoir un grand débat national, qui se termine par un référendum. C'était le treizième « Moi, Président de la République » prononcé au cours du fameux débat télévisé de l'entre deux tours.
Madame la ministre, nous en sommes à un article qui traite des droits de l'enfant. Vous n'avez pas mesuré toutes les conséquences de votre texte sur les droits de l'enfant à venir. Votre étude d'impact est incomplète. Pour votre information, la France se place au quatrième rang mondial pour le nombre d'enfants adoptés en Russie. En 2012, 235 enfants russes ont été adoptés par des Français sur un total de moins de 2 000. C'est dire l'importance du nombre d'enfants russes accueillis sur notre sol.
Hier, nous apprenions que la Russie ne confierait aucun enfant à des couples homosexuels français. Aujourd'hui, nous apprenons que votre projet, outre qu'il pénalisera les couples homosexuels, portera préjudice à tous les candidats à l'adoption puisque les autorités russes viennent de déclarer qu'elles demanderont un amendement à l'accord bilatéral franco-russe sur l'adoption. Cela signifie qu'après l'arrêt des adoptions d'enfants russes par des Américains, décidé il y a quelques semaines, la France risque de perdre à son tour la possibilité d'adopter en Russie à cause de votre texte.
Madame, vous prétendez donner plus d'égalité mais vous créez aussi plus d'injustice et pour cette raison voterons-nous cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Il est fondé sur l'article 58, qui concerne le déroulement de nos travaux.
Mme la garde des sceaux nous a reproché de jeter l'opprobre sur les fonctionnaires. Or, le 14 septembre dernier, un incident extrêmement grave s'est produit. Mme la garde des sceaux, après s'être fait taper sur les doigts par le Président François Hollande en raison d'une fuite sur son projet de circulaire de politique pénale, a ordonné une descente dans les bureaux et a fait visiter dix-huit ordinateurs.
La vérification s'est déroulée d'une manière extrêmement humiliante pour les magistrats et les fonctionnaires. Ce faisant, vous avez jeté l'opprobre sur ces fonctionnaires qui, debout devant leurs bureaux, ont dû assister à une fouille de leurs ordinateurs pour vérifier s'ils n'avaient pas dans leurs machines la circulaire en question.
Le syndicat de la magistrature, syndicat de gauche, a dénoncé cette descente à la hussarde dans les bureaux de la direction des affaires criminelles et des grâces. La directrice elle-même a dû subir cette humiliation. Cette procédure, a dénoncé le syndicat de la magistrature, outre qu'elle était vouée à l'échec, s'apparente à une forme d'intimidation générale dont on aurait pensé le temps révolu. Il s'agit là d'un réflexe de pouvoir assez déplorable.
En matière d'opprobre à l'encontre des fonctionnaires, madame la garde des sceaux, vous n'avez pas de leçon à nous donner.
Je vous demande de nous communiquer l'avis du Conseil d'État, et de nous assurer qu'aucun fonctionnaire ne subira demain les mêmes humiliations parce que nous avons eu connaissance d'une partie de cet avis. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Nous en arrivons à une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 1931 .
Pour qu'une République fonctionne, les institutions doivent se respecter mutuellement. Nous devons respecter la fonction publique, respecter la compétence et, dans certains cas, la neutralité de ces fonctionnaires.
Ce cas particulier est celui du Conseil d'État.
Vous, garde des sceaux, madame la ministre, vous avez une responsabilité particulière. Vous avez traité hier soir le Conseil d'État de factice, et je n'ai pas entendu d'infirmation de ce propos dans votre bouche.
Quelle imagination !
C'est un peu surprenant pour une institution qui se trouve au sommet de l'ordre administratif. Rappelons que le vice-président du Conseil d'État est le plus haut fonctionnaire de la République, que le Conseil d'État peut annuler les décrets et les circulaires ! Et je suis convaincu, après tout ce que nous avons entendu sur votre fameuse circulaire, qu'elle sera un jour annulée !
M. Fasquelle vient de nous confirmer que nous avions bien entendu le mot « factice », et qu'en outre il se passait un certain nombre de choses pas convenables dans votre ministère, madame la garde des sceaux.
C'est le moins qu'on puisse dire. Nous souhaitons des explications.
Pour ce qui est de l'article 4, je n'ai toujours pas reçu ma réponse. Nous sommes passés d'une rédaction gouvernementale à une rédaction de la commission, sur laquelle vous vous êtes toujours montrée réservée. Vous l'avez dit avec insistance.
« Ce n'est pas mon texte » avez-vous dit, en ajoutant, parce que vous êtes polie et bien élevée, que vous étiez respectueuse de ceci et de cela.
Nous voulons savoir pourquoi ! Et la réponse se trouve très clairement dans l'avis du Conseil d'État. J'y reviendrai.
Dites-nous pourquoi vous exprimez de manière constante ces réserves sur l'article 4.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 1938 .
Cet amendement est défendu et j'en profite pour réagir aux propos tout à l'heure de notre collègue, Mme la ministre Buffet.
J'ai été un peu surpris par votre remarque, madame. Je peux comprendre, parce que c'est de bonne guerre, que vous alliez chercher vous aussi des références et des interventions dans l'autre camp pour défendre vos propres thèses. Cela fait partie de l'exercice dialectique et tout le monde peut le comprendre.
En revanche, je m'étonne que l'auteur que vous avez cité, sur lequel vous appuyez votre propre argumentation, se demande s'il est sage, de la part de la droite, de renier les fondements du libéralisme. N'étant pas, moi-même, libéral, je suis très à l'aise avec l'attitude qui consiste à renier les fondements du libéralisme ! Ils n'ont jamais été les miens, en particulier pas ceux que l'on trouve dans La richesse des Nations, quand l'auteur explique qu'il suffit de poursuivre son intérêt personnel, « individuel » dit-il, pour que mécaniquement l'intérêt général se réalise.
La semaine dernière, j'ai terminé ma motion de renvoi en commission en disant que nous étions dans une situation presque inversée. En réalité, le projet que nombre d'entre vous défendez aujourd'hui est inspiré par la volonté de conférer à l'individu les droits les plus grands, même si cela vient à mettre en cause les édifices collectifs. Cette attitude est libérale, ma chère collègue, pas la nôtre ! C'est ce qui m'a surpris dans votre propos et je souhaitais vous le dire.
L'amendement n° 1938 est défendu.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2386 .
J'allais revenir sur l'article 310 pour poser à nouveau une question précise à laquelle je n'ai toujours pas eu de réponse mais entre-temps, je voudrais rebondir sur la remarque de M. Mariton à propos des maires.
Une fois de plus, je vais citer le magazine Têtu – il n'aura jamais été aussi présent dans l'hémicycle qu'à l'occasion de l'examen de ce texte ! – et Mme Narassiguin, disant : « Le maire saura adapter ses propos ». C'est en parfaite contradiction avec un argument que vous nous avez opposé précédemment. Nous avons demandé, revendiqué la liberté de conscience pour les maires, mais vous nous avez opposé une fin de non-recevoir au nom de la légalité en nous disant : « Quelle qu'elle soit, le maire doit appliquer la loi. Peu importe l'homme…
… il s'efface devant l'écharpe ! » Voilà ce que vous avez dit. Et vous voudriez que le maire, dans les 36 000 communes de France, adapte ses propos au gré de sa sensibilité et de la géographie ! En réalité, il y aurait rupture d'égalité puisque la loi ne serait pas prononcée, les mots du mariage ne seraient pas prononcés de façon identique. Vous voulez un maire désincarné, vous voulez le réduire à son écharpe, mais il doit tout de même penser puisqu'il doit adapter ses propos ! L'élu de la République salue l'écharpe pensante, mais il reste à m'expliquer de quoi il s'agit.
Avec cet amendement, nous sommes au coeur de l'article 4, dit article-balai.
Je voudrais, madame la garde des sceaux, vous poser à nouveau une question. Las, je ne parlerai pas de réalités humaines, parce que vous aurez peut-être du mal à aller sur ce terrain. Parlons simplement de juridisme : j'aimerais avoir votre avis sur ce qu'a écrit le Conseil d'État et sur ce que dit l'étude d'impact d'un point de vue juridique.
Je cite l'avis du Conseil d'État : « La disparition des termes « père, mère, mari ou femme » dans les diverses législations telles qu'elles résultent du projet du Gouvernement » – c'était avant l'article-balai – « a une valeur symbolique importante, que le Conseil d'État ne sous-estime pas.
« Il n'a consenti à un tel parti rédactionnel qu'en raison de la diversité des situations appréhendées par la loi lorsqu'elle emploie ces termes, cette diversité lui ayant paru faire obstacle à l'application d'une simple grille de lecture transversale » – c'est-à-dire faire obstacle à un article-balai.
L'étude d'impact produite par le Gouvernement en complément du projet de loi dit : « S'agissant des autres branches du droit civil, il conviendra de procéder aux seules adaptations logistiques strictement nécessaires afin d'adapter les textes qui visent actuellement « le père » ou « la mère » et de permettre qu'ils puissent aussi régir la situation des couples de deux pères ou de deux mères. »
Il est ajouté : « Ces modifications concernent uniquement les articles dont il convient de garantir l'application à tous les couples ». On voit bien que l'étude d'impact exclut également l'article-balai.
Je prends à témoin M. Tourret : il y a une question juridique, et ce n'est pas là faire de l'obstruction. L'obstruction, c'est vous qui en faites en refusant de nous répondre. L'étude d'impact et l'avis du Conseil d'État sont-ils contraires à votre article-balai ?
La réponse a été donnée tout à l'heure avec la lecture d'un passage de l'avis du Conseil d'État qui est extrêmement critique à l'égard de la technique de l'article-balai.
L'article 389-7 évoque les règles de la tutelle et l'articulation en particulier avec les droits des père et mère. J'insiste à nouveau sur la formulation « les père et mère ». En langue française, ce n'est pas une formulation classique. En général, quand il y a deux substantifs, on utilise deux fois l'article de façon qu'il précède l'un et l'autre.
Comme nous l'avons vu tout à l'heure avec l'article 371, à la source de la fonction et de l'honneur d'être père et mère, on a bien un couple. Ce couple, manifestement, est fondateur de l'ensemble des dispositions du code civil. La méthode de similitude qui est celle de l'amendement-balai ne fonctionne donc pas de façon satisfaisante.
D'une certaine manière, votre raisonnement part de l'idée que l'on peut dissocier le père et la mère. Le principe exprimé dans le code civil, par l'expression systématiquement utilisée « les père et mère », ne laisse pas sous-entendre, contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur, qu'il y a un « s ». Les père et mère s'écrivent au singulier. C'est une forme très particulière de la langue française, manifestement inspirée de la source religieuse que chacun connaît et destinée à exprimer le lien, qui est dissociable à certains moments de la vie mais qui n'est pas dissocié dans le code civil, entre l'enfant et ses parents.
Je pense que vous avez mal pris en compte cette non-dissociation dans votre texte.
Sur l'amendement n° 1931 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable.
Si ce débat se passe mal et n'est pas digne de l'enjeu et du sujet que nous traitons, c'est que nos collègues de la majorité ne répondent pas à nos questions. La commission des lois, son rapporteur et son président – qui n'est plus là d'ailleurs – ne répondent pas non plus à nos interrogations. Quant à Mme la ministre, quand elle le fait, elle met en doute notre légitimité. Il est bien naturel que nous soyons mécontents.
Le fond du problème, c'est que le Gouvernement dissimule la vérité, à deux niveaux.
La première dissimulation, c'est de ne pas nous dire clairement où il veut aller dans la modification des lois sur la famille, s'agissant notamment de la GPA et de la PMA.
La deuxième dissimulation, qui est de taille, porte sur l'avis du Conseil d'État. Hier, on nous a dit dans un premier temps, pendant deux ou trois heures, qu'il était impossible de nous le communiquer. Trois heures plus tard, on nous a dit que c'était possible si le Premier ministre le souhaitait. Puis le ministre chargé des relations avec le Parlement, en fin de journée, nous a clairement dit : « Circulez, il n'y a rien à voir, on ne vous le communiquera pas ! »
Il est tout de même extraordinaire que des députés socialistes en aient communication, mais pas l'opposition !
La difficulté vient du fait que vous rêvez complètement. Vous voyez dans ces projets des progrès démocratiques et sociétaux extraordinaires. Mais tout cela va mal se passer. Ne croyez pas que vous allez remettre en cause, de façon éhontée, la différence sexuelle en voyant en elle une simple pratique parmi d'autres sans que cela ait des conséquences. N'imaginez pas que des enfants à qui vous aurez volé une origine resteront sans réaction. Ne pensez pas que la disparition des notions de père et de mère permettra l'existence d'une humanité plus équilibrée et que ces enfants seront mieux dans leur peau.
Vous prétendez résoudre des problèmes. De fait, vous allez en créer. Vous allez tout simplement décréter des mesures dont les Français ne veulent pas. Tout ne s'invente pas !
Il existe des données fondamentales de la famille. Vous y touchez sans vergogne, vous jouez avec le feu, vous vous conduisez comme des apprentis sorciers. C'est pourquoi nous soutenons cet amendement et nous refusons ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je vous ai laissé dépasser votre temps de parole, puisque les cinq minutes réglementaires ne sont pas atteintes. Mais peut-être pourrions-nous voter tout de suite, si la minorité ne s'y oppose pas ?
Plusieurs députés du groupe UMP. L'opposition !
Je suis saisie d'une nouvelle série d'amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 2171 .
Je vous félicite, madame la présidente, de savoir organiser les scrutins, ce qui permet de pacifier l'ambiance. Nous avons enfin pu voter normalement.
Jean-Frédéric Poisson s'est interrogé sur la situation juridique des enfants élevés par des personnes de même sexe. Cela nous a permis, notamment, de nous poser la question de savoir si éduquer l'enfant suffit pour être désigné comme parent.
Or, dans le texte de loi que vous nous présentez, accompagner les situations existantes n'exige certainement pas de les désigner juridiquement comme si elles étaient ce qu'elles ne sont pas.
Quand il n'y a pas un papa et une maman, le lien affectif peut-il, ou non, être l'amitié ? Car après tout, c'est un sentiment très fort. On dit même parfois que l'on considère quelqu'un comme un frère, ou plus qu'un frère. Pourtant, la loi ne peut accepter de reconnaître un ami juridiquement comme un frère, non pas parce que la réalité de l'amitié est niée, mais parce que cela priverait simplement de sens la notion de fratrie.
De même, appeler parents des personnes de même sexe priverait de signification le terme même de « parents ».
Nous voulions rappeler que l'amitié ne fait pas de vous un parent. Quand vous avez deux papas ou deux mamans, cela ne constitue pas pour autant un couple avec un enfant.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2427 .
Je reviens sur la globalité de l'article 4, et plus particulièrement sur l'amendement puisque j'ai déjà démontré que l'ensemble de l'article 4 était discriminant.
Vous avez opéré un tour de passe-passe. Très bien. Je reviens rapidement sur le titre VII, qui n'est pas englobé dans l'amendement-balai.
À ma question sur l'article 310, madame la ministre, vous avez répondu par la filiation. Je ne ferai pas de commentaire, mais je ne posais pas une question sur la filiation, mais sur l'acte. Quel acte d'état civil allez-vous établir ? Cela ne relève pas de la compétence législative, mais pour la bonne information de tous et le bon déroulement de nos travaux, il serait important que la représentation nationale sache quel type d'acte vous allez utiliser. Allez-vous, oui ou non, maintenir un seul type d'acte d'état civil ? Cela semble totalement impossible. Mais si vous en faites un deuxième, quelle en sera la rédaction ? Car cela conduira à identifier dans un acte certaines orientations sexuelles, ce qui est discriminatoire.
J'attends une réponse sur ce point, car jusqu'à présent, je ne l'ai pas obtenue. Je poserai cette question à plusieurs reprises s'il le faut, madame la garde des sceaux, sans vouloir vous harceler, mais pour le bon éclairage de l'Assemblée.
Sur l'amendement n° 2171 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je reviens aux fondamentaux de la gauche, pour essayer de vous convaincre.
Nous nous sommes battus ensemble pour que la TVA reste à un taux modeste pour le cinéma – c'est un point qui nous rassemble. C'est pourquoi, monsieur Bloche, je suis convaincu que vous vous battrez avec moi pour sauver le théâtre de boulevard, qui est menacé par la loi que nous préparons. (Sourires.)
Du mariage, de Léon Blum, est un hymne à l'altérité. Écoutez comme c'est beau : « Le goût que les femmes ressentiront pour l'ignorance des garçons, les hommes ne sont pas sans l'éprouver pour l'innocence des filles. » C'est magnifique !
« Les jeunes filles quitteront l'abri de la famille le jour où elles se sentiront de force à voler seules. Elles n'auront rien d'altéré dans leurs façons ni dans leur visage ; il n'y aura rien de flétri dans la pureté de leur regard. » N'est-ce pas beau ? Et Blum de poursuivre : « La liberté de l'instinct ne gâtera donc pas la fraîcheur de leur jeunesse. Elles reviendront de chez leur amant avec autant de naturel qu'elles reviennent à présent du cours ou de prendre le thé chez une amie. »
Il devrait, me semble-t-il, rappeler à la gauche un certain nombre de ses fondamentaux. Il est quand même extraordinaire que pas un seul des avocats de la gauche n'ait cité Léon Blum ! Il a fallu qu'un affreux réactionnaire, puisque tels sont les termes que sans doute vous employez à mon égard, exhume Léon Blum de la bibliothèque !
Cet amendement nous maintient au coeur de l'article 4, dit article balai. Mme la garde des sceaux a dit tout à l'heure qu'il aurait pu faire consensus. Cela me semble important, car sur un sujet comme celui-là, qui est en train de diviser notre pays, toute possibilité de consensus doit être étudiée de près. Il y a eu la proposition d'union civile, vous l'avez refusée. Pourquoi pas, dès lors, trouver un terrain d'entente entre des conceptions divergentes grâce à cet article balai ? Il vaut la peine de voir si c'est possible.
Pourquoi le consensus n'est-il pas possible sur cet article ? Tout d'abord pour une raison politique. Nous considérons que cet article est une fiction. Il fait comme si. Il est en outre empreint de lâcheté, car il ne nomme pas les choses. Il est très lâche, en particulier, de ne pas oser nommer par leur nom les couples de personnes de même sexe dans notre droit. Enfin, nommer de la même façon des choses différentes est un appauvrissement du vocabulaire. Juridiquement, par ailleurs, cet article-balai est fragile. Comme nous l'avons vu, l'avis du Conseil d'État dit qu'il n'est pas souhaitable de s'engager dans cette voie. L'étude d'impact quant à elle a très clairement montré qu'il faut s'en tenir au strict nécessaire en matière de changement. Or, l'article balai va au-delà du strict nécessaire puisqu'il balaie l'ensemble de notre droit.
C'est pour ces raisons de fond et de forme, politiques et juridiques, que nous sommes en désaccord avec cet article et qu'aucun consensus n'a pu émerger. Nous l'expliquons très calmement et nous souhaitons avoir un éclaircissement. Quelqu'un peut-il prendre la parole et démontrer la validité juridique de cet article-balai ?
Le code civil dispose que « la tutelle s'ouvre lorsque le père et la mère sont tous deux décédés ». On voit donc bien que le code retient deux acceptions assez différentes. L'expression « le père et la mère » relève de la description d'un fait. L'évocation de valeurs comme l'honneur, le respect et l'autorité, par exemple à l'article 371 qui dispose que « l'enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère », requiert une formulation distincte.
Il y a là, me semble-t-il, une difficulté. Père et mère sont appréciés de manière indissociés lorsqu'il est question d'autorité et d'honneur, en référence au cinquième commandement. La tutelle en revanche, qui suppose d'apprécier davantage des circonstances matérielles, « s'ouvre lorsque le père et la mère sont tous deux décédés ». Je donne peut-être l'impression de couper les cheveux en quatre, mais pas du tout ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
On voit bien qu'il y a deux types de rédaction totalement différentes et qui n'ont pas le même sens, sinon on ne les emploierait pas les deux avec une telle constance.
Défavorable.
À la deuxième citation de Léon Blum par Marc Le Fur, je dois l'avouer à notre Assemblée, je craque. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Non seulement parce que j'ai l'honneur de représenter au sein de cette assemblée les habitants de la place Léon Blum, dans le 11e arrondissement de Paris,…
…sur laquelle donne d'ailleurs la salle des mariages de la mairie, mais surtout parce que je voudrais rectifier un contresens total effectué par M. Le Fur au moyen de citations sans doute soigneusement choisies.
Du mariage, ce magnifique livre de Léon Blum, a été publié une première fois en 1907. Il a provoqué un scandale insensé. J'imagine vos commentaires sur cet ouvrage si vous aviez siégé sur les bancs de cette assemblée en 1907 – je crois que vous n'étiez pas encore élu. (Rires.)
C'est un magnifique livre parce qu'il préconise avant tout l'égalité des sexes dans les expériences prémaritales et prône l'initiation précoce des jeunes filles à l'amour. Jugez-en : « que redoute-t-on quand un homme fixe sa vie avant d'avoir mené sa vie de garçon ? On craint que la solidité du mariage ne résiste pas au déchaînement subit de l'instinct viril. Juste crainte, mais qui n'est pas moins fondée pour la femme. »
Et Blum poursuit – accrochez-vous, monsieur Le Fur : « l'homme et la femme sont d'abord polygames », c'est écrit dans le texte. « Dans l'immense majorité des cas, parvenus à un certain degré de leur développement et de leur âge, on les voit tendre et s'achever vers la monogamie. Les unions précaires et changeantes correspondent au premier état, le mariage est la forme naturelle du second. »
Ainsi, Du mariage, publié à nouveau en 1937, est un superbe essai contre l'inégalité entre l'homme et la femme, tout comme le présent texte est un superbe projet de loi contre l'inégalité entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. En un mot, c'est un projet de loi à l'échelle humaine ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La majorité est manifestement en train de craquer face à nos arguments concordants. Mais il me semble qu'on n'écoute pas assez les 36 000 maires de France, notamment ceux du collectif des maires pour l'enfance. Que nous disent-ils ? Que la liberté et l'égalité doivent se définir. En l'espèce, ce qui frappe les maires, c'est que chaque mot est utilisé comme un étendard par les partisans comme par les détracteurs du mariage pour tous. L'impréparation, dans un contexte économique et social compliqué, l'indigence de l'étude d'impact, votre volonté de passer en force et l'absence de concertation convenablement organisée sont déraisonnables.
L'inquiétude des populations de nos communes doit être relayée pour être mieux entendue et mieux comprise. Les maires sont là pour cela.
Les maires sont des élus de la République, même si vous n'êtes pas d'accord, et donc des relais indispensables et incontournables de la vie démocratique de notre pays. La question qui revient le plus souvent dans la bouche de nos concitoyens est la suivante : où va-t-on ? Les Français ont le droit de s'interroger : le débat est nié ! Les maires de gauche comme de droite du collectif n'estiment en aucun cas que le débat autour du projet de mariage pour tous a eu lieu ni qu'il a été tranché au moment de l'élection présidentielle !
Ce collectif demande l'abandon du projet de loi sur le mariage pour tous et l'organisation d'états généraux de la famille, du mariage et de la filiation avant tout projet de modification de ces derniers. Nous voterons donc ces amendements.
Merci, madame la présidente. Sur la base de l'article 58 et en faisant référence à l'article 50, alinéa 4 sur la clôture des travaux, je vous demande à quelle heure… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Une députée du groupe SRC. Il n'y a pas d'heure !
Si, madame, car il y a dans cette assemblée un règlement qui impose que les travaux se terminent à une heure du matin.
Si la présidence souhaite qu'il en soit autrement, elle a deux possibilités : se référer à l'article 50, alinéa 5 et soumettre au vote une proposition ou bien réunir la conférence des présidents.
J'interroge donc Mme la présidente sur ce qu'elle entend faire et à quelle heure elle souhaite clôturer ces travaux.
Merci, monsieur le président Jacob. Vous me posez la question à juste titre. Je consulte la commission.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
Merci, madame la présidente. Nous sommes au milieu d'une série d'amendements possédant sa cohérence propre. (Rires.) Nous avons d'ailleurs entendu les parlementaires de l'opposition construire une argumentation qui se tient, en tout cas dans la durée.
Plusieurs députés du groupe UMP. Quelqu'un prend des photos avec un téléphone portable depuis la tribune du public !
Nous allons nous occuper des tribunes. Laissez M. le président Urvoas s'exprimer.
Par respect des parlementaires de l'opposition qui ont construit un raisonnement cohérent, je suggère à Mme la présidente, sur la base de l'article 50 alinéa 5 du règlement…
Un député du groupe UMP. Coupez ce portable, monsieur, là-haut ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ce n'est pas un monsieur ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs les députés, du calme. Nous nous occupons des tribunes. La parole est à M. le président de la commission des lois.
Je disais qu'au vu de la cohérence des arguments défendus par l'opposition et de façon à éviter d'interrompre leur logique qui saute aux yeux de tous, je suggère à la présidence d'aller jusqu'au bout de la série d'amendements portant sur l'article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La commission des lois souhaite que l'Assemblée poursuive le débat.
En application de l'article 50, alinéa 5 du règlement, je consulte l'Assemblée.
(Consultée, l'Assemblée décide de poursuivre le débat.)
Et voilà que le président de la commission des lois s'en va ! C'est ce qui s'appelle respecter le vote de l'Assemblée ! Au revoir, monsieur le président !
Nous en venons à nouvelle une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 2178 .
Puisque nous parlons de cohérence, et dès lors que la nuit s'annonce longue, reprenons les choses par le commencement. Quelques réflexions sur ce projet de loi qui ouvre dès son intitulé le mariage aux personnes de même sexe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
On invoque, comme principale raison d'adopter ce projet de loi, un progrès social en matière d'égalité. Il s'agirait en somme de la conquête du dernier bastion des discriminations légales.
Le mariage reste pour nous le cadre privilégié de la famille. Nous le définissons comme une institution par laquelle un homme et une femme s'unissent et s'engagent à vivre en commun pour fonder une famille. Il s'agit donc de créer un cadre protecteur, non pas en vertu de l'amour réciproque des parties, qui est une affaire privée, mais pour préparer l'accueil des enfants qui peuvent en résulter.
Nous en concluons que le mariage ne crée pas la famille mais l'institue pour le bien de la société. À cette fin, il faut un homme et une femme pour préparer l'arrivée des enfants.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2428 .
J'en reviens à des éléments de fond.
L'égalité des droits est un thème important, qui est évoqué par Éric Conan et Jean-Dominique Merchet dans l'un des derniers numéros de Marianne – vous voyez que nous varions les plaisirs. Voilà ce qu'écrivent ces deux excellents journalistes : « L'égalité des droits invoquée pour revendiquer un droit à l'enfant est contradictoire avec les droits de l'enfant à avoir une figure paternelle et une figure maternelle. »
Je poursuivrai la citation ultérieurement, mais je tenais à faire remarquer que ces excellents auteurs défendent la vision maternelle des choses. Mme Mazetier pourrait s'en inspirer pour continuer à laisser vivre les écoles maternelles au lieu de demander qu'elles soient débaptisées. Je rappelle à ceux qui n'auraient pas suivi nos débats que je fais ici référence à sa question écrite publiée au Journal officiel du 18 décembre 2012. On a parlé de pulvérisation de la société ; je crois que cette proposition en est l'illustration.
Je reviendrai sur l'égalité des droits un peu plus tard.
Je considère que l'amendement est défendu, madame la présidente.
Cet amendement porte, je le rappelle, sur l'article 4 du projet de loi, dit « article-balai ».
Si nos sources sont bonnes, dans son avis, le Conseil d'État appelle l'attention du Gouvernement sur le fait que son choix rédactionnel – lequel consistait, au départ, je le rappelle, à supprimer les mots : « père » et « mère » dans nombre d'articles du code civil – n'implique aucunement la disparition générale des mots « père », « mère », « mari » ou « femme » dans les documents de la vie quotidienne.
La question que nous posons est de savoir comment les choses vont se passer dans la pratique administrative. Je pense bien entendu au livret de famille, qui a été évoqué, mais également à tous les formulaires administratifs : inscriptions scolaires, admissions hospitalières, inscriptions dans des établissements tels que les conservatoires de musique, déclarations d'impôt, inscriptions sur les listes électorales, formulaires de la CAF…
Y aura-t-il uniformisation ou maintien d'une différenciation ? Comment ces formulaires administratifs seront-ils concrètement rédigés ? Telles sont les questions que se posent nos concitoyens et nos concitoyennes.
Sur le vote de l'amendement n° 2178 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je souhaiterais revenir sur une question que j'ai évoquée cet après-midi, celle du mariage de personnes mineures. Historiquement, un tel mariage avait été autorisé dans le cas où une jeune femme attendrait un enfant. Or, du fait de l'article-balai, vous étendez cette possibilité aux couples de personnes de même sexe, bien qu'un couple de deux femmes ou de deux hommes ne puisse se trouver dans les mêmes circonstances. Dans ce cas, le critère de la maternité, qui a justifié historiquement la possibilité de se marier avant dix-huit ans, tombe.
Dès lors, je vous demande, madame la garde des sceaux, si vous envisagez d'ouvrir le PACS aux partenaires de moins de dix-huit ans ! En effet, si l'on ouvre le mariage, sur demande spécifique, aux couples composés de deux hommes ou de deux femmes dont l'un a moins de dix-huit ans, on peut, en proximité de raisonnement, se demander si vous allez étendre cette possibilité aux partenaires pacsés de même sexe, et donc, pour des raisons de non-discrimination, aux partenaires pacsés de sexe différent.
Bref, votre projet introduit-il nécessairement, sans que vous l'ayez forcément voulu, la possibilité de se pacser avant dix-huit ans ?
Défavorable !
D'abord, je regrette que le président de la commission des lois soit parti, mais il m'a informé que, depuis la semaine dernière, le code civil que j'avais réclamé mi-janvier dans le cadre des travaux de la commission m'attendait. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) L'incident est clos, même si l'on peut déplorer de tels délais de transmission.
Ensuite, – il est assez désagréable d'avoir à réitérer cette demande, que j'ai déjà faite hier, mais je crois que les usages doivent être respectés – il conviendrait que, de la même manière que les députés s'expriment debout, le rapporteur et les ministres aient l'obligeance de se lever lorsqu'ils leur répondent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Le délai de cinq minutes n'étant pas écoulé, nous allons patienter quelques instants avant de procéder au scrutin, afin de respecter scrupuleusement notre règlement.
La parole est à M. Philippe Cochet.
Je vous remercie de respecter les institutions, madame la présidente.
Je pose la question : dans quelle république sommes-nous ? (« La cinquième ! » sur les bancs du groupe SRC.) Madame la garde des sceaux, vous avez dressé un tel réquisitoire que j'avais le sentiment d'être devant un commissaire politique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Il est inacceptable – je dis bien inacceptable – que vous preniez à partie l'opposition qui, alors qu'elle est là pour faire avancer le texte, ne cesse d'être la cible de quolibets et, surtout, voit sa légitimité remise en cause. N'oubliez pas que vous devez nous rendre des comptes, à nous, les représentants du peuple français !
J'en viens au texte. Celui-ci est, selon nous, tout simplement massacré. Mais si massacrer un texte n'est pas très grave, en revanche, massacrer des enfants, ça l'est ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Depuis quelques jours, nous assistons à l'abandon de l'intérêt suprême, celui de l'enfant.
Permettez-moi de vous lire la déclaration d'une députée socialiste, Mme Laclais : « Je ne remets pas en cause la logique de groupe, le travail collectif et le soutien à une majorité pour mettre en oeuvre son programme. Mais, et je l'ai toujours exprimé, y compris au président de mon groupe, certains sujets revêtent une dimension anthropologique qui dépasse les rapports de force politiques. Le projet de loi sur le mariage pour tous, quand il traite de filiation, en fait partie, comme celui à venir sur la fin de vie. Sur ces sujets, je revendique la liberté pour chaque député de s'exprimer librement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et de se prononcer en conscience au nom de son intime conviction »…
…« et non à cause de consignes politiques. Le parti socialiste s'honorerait à laisser la liberté de vote à l'ensemble de ses membres. » (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.) C'est la raison pour laquelle nous soutenons ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je souhaiterais, non pas commenter les déclarations passe-partout que lisent nos collègues chaque fois qu'ils doivent prendre la parole – même si elle est de Mme Laclais, cette déclaration est en effet un peu passe-partout (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –…
…mais faire deux observations afin qu'elles figurent au compte rendu de la séance.
Tout à l'heure, M. Woerth a déclaré que lorsque Mme Guigou s'était exprimée contre le mariage des personnes de même sexe lors du débat sur le PACS, elle était la porte-parole de François Mitterrand. Je veux rappeler qu'à cette époque, celui-ci était décédé depuis plus de deux ans et qu'elle pouvait donc difficilement parler en son nom. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Par ailleurs, je souhaiterais qu'au moins l'un des six orateurs qui interviennent sur chaque série d'amendements identiques puisse nous indiquer le contenu de ces amendements…
…car nous votons sur des propositions dont nous ne savons rien. S'ils pouvaient nous éclairer, ce serait bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en venons à une nouvelle série d'amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 2186 .
Simplement quelques annonces paroissiales. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Puisque, enfin, un code civil a été livré à M. Mariton, membre de la commission des lois, je voulais saluer l'arrivée tardive et ô combien espérée de Mme Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, qui, jusqu'à maintenant, ne nous avait pas fait l'honneur d'assister à nos débats et qui n'a d'ailleurs pas réuni la commission des affaires sociales ce matin, sans doute faute de sujets intéressants à aborder.
Je voulais donc, au titre de ces annonces paroissiales, remercier Mme Lemorton de l'intérêt qu'elle manifeste pour nos travaux en rejoignant l'hémicycle à cette heure tardive.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2429 . (Mme Catherine Lemorton gagne les travées du groupe UMP et échange quelques propos avec M. Dominique Tian. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Un bisou ! Un bisou !
Peu importe, madame la présidente, nous assistons à une scène curieuse ! Mme Lemorton semble vouloir intimider M. Tian… (Brouhaha prolongé.)
Monsieur Gosselin, vous avez la parole sur l'amendement n° 2429 et vous n'avez plus qu'une minute et demie pour le défendre.
Ce n'est pas grave, madame la présidente. Je souhaiterais savoir ce qui se passe : Mme la présidente de la commission des affaires sociales a-t-elle perdu son sang-froid…
Monsieur Gosselin, je vous remercie de vous en tenir à la défense de votre amendement !
Vous semblez douter de ma sincérité, madame la présidente. Il me paraît important pour le bon déroulement de nos travaux, que nous sachions si cette enceinte est sereine ou non. Je pourrais du reste faire un rappel au règlement à ce sujet.
J'en reviens au fameux article 310-3 du code civil, qui a trait à l'acte d'état civil. Je ne lâcherai pas prise, car c'est un point vraiment important. Tant que je n'aurai pas obtenu de réponse de Mme la garde des sceaux, je reviendrai à la charge, car cette question sous-tend l'ensemble de l'article 4.
Je considère que l'amendement est défendu.
Sur le vote de l'amendement n° 2186 et des amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Voilà certains de nos collègues socialistes qui rejoignent l'hémicycle !
Plusieurs députés du groupe UMP. Bonjour la relève !
Nous écoutons d'abord M. Le Fur, et je vous donnerai ensuite la parole, monsieur Jacob.
Pour le moment, c'est vous qui avez la parole, monsieur Le Fur.
Je salue Mme Lemorton, qui vient de nous rejoindre et qui, je l'imagine, va s'exprimer. Je salue également M. Thévenoud, qui a gagné, grâce au président Le Roux, une notoriété inespérée. (Rires sur les bancs du groupe UMP. –Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Tel Diogène, qui cherchait un homme dans les rues d'Athènes, je cherche un interlocuteur. J'ai finalement trouvé quelqu'un avec qui débattre, à savoir M. Bloche, et je lui en sais gré. Nous avons commencé à échanger sur Léon Blum et, si je suis d'accord avec certaines des choses que vous avez dites à son sujet, cher collègue, il n'empêche que son ouvrage Du Mariage est un hymne à l'altérité, à la différence des sexes – celui de l'homme et celui de la femme –, qui s'attirent mutuellement.
Je voudrais également évoquer un autre fondement intellectuel, peut-être plus souvent invoqué à gauche qu'à droite, à savoir le structuralisme. Comme la psychanalyse, dont nous avons déjà parlé, le structuralisme repose sur le principe d'altérité. À ce sujet, je veux citer Claude Levi-Strauss, qui écrivait, dans Le Regard éloigné : « La famille, fondée sur l'union plus ou moins durable, mais socialement approuvée de deux individus de sexes différents qui fondent un ménage, procréent et élèvent des enfants, apparaît comme un phénomène pratiquement universel, présent dans tous les types de sociétés. » (« Merci, c'est terminé ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je pensais que vos courants de pensée avaient, toutes générations confondues, été marqués par le structuralisme, comme ils l'avaient été par la psychanalyse, mais je constate que ces fondamentaux ont été oubliés au profit de l'ultralibéralisme qui vous a gagné. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58 de celui-ci.
Je regrette que le brouhaha infernal dans lequel nous sommes plongés nuise à ce point à la sérénité de nos débats. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Vous n'avez qu'à dire aux membres de votre groupe de baisser d'un ton !
Si nous pouvons être en désaccord, et même nous dire des choses dures à certains moments, nous devons aussi savoir nous écouter. Plusieurs de nos collègues de la majorité sont debout, parlant chacun de leur côté, ce qui crée un brouhaha nous empêchant d'entendre les intervenants.
En réponse à ce que vient de dire M. Jacob, il n'y a pas de brouhaha ni d'allées et venues. Il est une heure trente, et les députés qui ont rejoint ces bancs sortent à l'instant de la commission des finances, où nous avons examiné les amendements relatifs au futur projet de loi portant régulation et séparation des activités bancaires.
Alors que nos collègues de l'opposition nous disent, depuis plus de soixante-dix heures, que la priorité, c'est l'emploi, le soutien aux entreprises, le soutien à la croissance (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP), je voulais simplement informer la représentation nationale et ceux de nos concitoyens qui, à cette heure tardive, suivent encore nos débats, qu'il n'y avait en commission des finances aucun député de l'opposition pour aborder ces questions importantes. (« Zéro ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Malheureusement, ce n'est pas seulement un manque de respect à l'égard de ce projet de loi et de la commission des finances, mais également à l'égard du travail que nous essayons tous, ici, de faire le plus correctement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Fondé sur l'article 58, madame la présidente, et portant sur l'organisation de nos travaux.
Comme l'a, à juste titre, indiqué M. Bachelay, la réunion de la commission des finances vient tout juste de prendre fin, alors qu'une séance publique est en cours. Or, l'opposition n'a pas le don d'ubiquité ! (« Et alors ? Nous non plus ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Mais vous, la majorité, vous êtes beaucoup plus nombreux, chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Au demeurant, vous me permettrez de faire remarquer à celles et ceux qui nous écoutent que l'organisation actuelle de nos débats laisse franchement à désirer. À quelle extrémité la majorité en est-elle arrivée, pour obliger l'opposition à choisir entre la séance publique portant sur un sujet de société primordial – un enjeu de civilisation, pour reprendre l'expression de Mme la garde des sceaux – et une réunion de la commission des finances ?
C'est cela, votre choix ? C'est cela, que vous appelez la démocratie ? En réalité, c'est du sabotage pour nous tourner en ridicule ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Si je peux me permettre une remarque, monsieur Gosselin, il n'y a pas 577 députés présents actuellement dans l'hémicycle. J'en déduis qu'un certain nombre de députés absents auraient pu se trouver en commission…
Je veux simplement rappeler que le sujet avait été évoqué à plusieurs reprises en conférence des présidents, et qu'il avait été convenu de ne pas organiser de réunion des commissions en même temps que la séance publique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…
…ce qui relève de la bonne organisation de nos travaux. Par ailleurs, je voudrais que l'on puisse s'exprimer et échanger des arguments tranquillement, sans avoir en permanence ce bruit de fond et ces piaillements insupportables.
Nous devrons, à l'occasion d'une prochaine conférence des présidents, évoquer à nouveau ce sujet, qui l'avait déjà été sous la précédente législature, et qui pose le vrai problème de l'organisation de nos travaux. Avoir une réunion à une heure trente du matin, en même temps que se tient une séance publique, ne peut que nuire au bon déroulement de nos travaux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Merci, monsieur le président Jacob. Je transmettrai vos remarques à la Conférence des présidents.
Je remercie notre collègue d'avoir soulevé cette question relative à l'organisation de nos travaux. Ceux de nos concitoyens qui s'étonnent de constater que l'hémicycle n'est pas rempli doivent savoir que nous avons parfois à choisir entre la séance publique et une réunion de commission, ce qui n'est jamais évident.
Par ailleurs, je voudrais réagir aux déclarations de M. Roman sur ce qu'il appelle les déclarations « passe-partout ». Si ce n'est pas très aimable pour sa collègue Jaqueline Maquet, ça ne l'est pas non plus pour ces grandes consciences de la gauche que sont Lionel Jospin, Sylviane Agacinski ou Michel Rocard.
Je veux également répondre à M. Roman au sujet des amendements que nos déposons. Le caractère répétitif de nos amendements n'est que la conséquence de l'article-balai, qui produit des effets sur un large spectre du droit. Notre objectif est de souligner les difficultés juridiques posées par cet article, exprimées par le Conseil d'État dans son avis et figurant dans l'étude d'impact du Gouvernement – mais nous n'avons toujours pas obtenu de réponse à nos questions. L'obstruction ne vient pas de nous, elle n'est que le résultat de l'absence de réponse du Gouvernement et du rapporteur, qui nous oblige à poser sans cesse les mêmes questions.
Nous entendons également montrer les limites politiques de l'article balai, qui conduit à une fiction et à une lâcheté pour les couples de personnes de même sexe, mais aussi pour l'ensemble de la société : on n'ose pas donner son vrai nom à l'état des personnes. Enfin, cet article est un appauvrissement, dans la mesure où on nomme de la même manière des états différents.
Quand nous rappelons ces différents points, au lieu de nous répondre, vous préférez vociférer et créer des incidents de séance. Ce que nous vous demandons, c'est de répondre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Effectivement, comme je le fais pratiquement pour chaque amendement que je présente, je précise que l'amendement n° 4482 est relatif à l'impossibilité d'exercice de charge de tutelle, en particulier par des mineurs, sauf s'ils sont le père ou la mère du mineur en tutelle.
À ce sujet, je souhaite réinterroger Mme la ministre de la famille et M. le rapporteur sur un point resté sans réponse jusqu'à présent. L'amendement-balai s'appliquant à la possibilité de mariage de mineurs dans les conditions historiques traditionnelles, dont on sait qu'elles peuvent justifier ce mariage, en particulier si la jeune femme attend un bébé, vous étendez cette possibilité aux couples de même sexe. La question se pose alors de savoir si vous envisagez d'étendre le PACS aux partenaires de moins de dix-huit ans.
Il me paraît assez évident qu'une fois que la question se sera posée pour le mariage, elle se posera aussi pour le PACS, qu'il s'agisse de personnes de sexes différents ou de personnes de même sexe. L'amendement balai vous amène probablement à viser trop large. Il est évident que la question n'aurait pas dû se poser pour les personnes de même sexe, qui ne sont pas dans la même configuration de maternité qu'un couple de personnes de sexes différents. En visant trop loin, l'amendement balai vous oblige à transposer en conséquence à l'égard du PACS. En clair, votre loi « famille » comprendra-t-elle une ouverture du PACS aux personnes homosexuelles ou hétérosexuelles de moins de dix-huit ans ?
Défavorable. (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 4, article-balai sur lequel nous planchons depuis des heures, devait être un élément simplifiant la logique initiale du Gouvernement, à savoir une longue liste d'articles du code civil à modifier. Aujourd'hui, nous passons des heures à amender l'article 4 en reprenant cette longue liste.
La simplification a été imaginée à la hâte – on peut le dire maintenant, puisque c'est devenu évident au fil de ce débat. Je veux d'ailleurs remercier nos collègues du groupe UMP, qui nous permettent, à nous parlementaires, mais aussi à celles et ceux qui suivent nos débats dans les médias, de découvrir l'ampleur des changements apportés à notre code civil et à la famille,…
…une ampleur qui avait d'ailleurs fait dire à Mme la garde des sceaux que nous allions droit vers un changement de civilisation.
Nos collègues, qui rejettent systématiquement, et dans un silence assourdissant, les amendements que nous avons déposés, sont assurément dans un embarras croissant, ce que l'on peut comprendre. En effet, nous avons bénéficié tout à l'heure d'un rappel fort utile, par mes collègues, des prises de position des différents responsables socialistes, et non des moindres – M. Michel Rocard, Mme Georgina Dufoix, M. Lionel Jospin. Ce rappel montre qu'il existe des opinions variées au sein de votre parti, parfois bien différentes de la pensée unique portée ici par le groupe SRC.
Je me demande pourquoi on ne retrouve pas une telle diversité dans vos rangs. Pourquoi un tel silence ? Est-ce un désintérêt de la part de nos collègues ? Est-ce la peur d'un dérapage verbal ? Est-ce le malaise devant l'absence de liberté de vote ? Est-ce un sentiment de supériorité, certes réel sur le plan arithmétique, qui vous fait refuser le débat avec les élus minoritaires ?
En tout cas, notre groupe peut, lui, justifier d'une diversité d'opinions en son sein, et il est fier de la liberté d'analyse et de vote qui est la sienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, je reconnais que les questions que je pose relèvent peut-être d'un débat de commission, mais, du fait de la nature même de l'amendement-balai, le débat qui aurait dû avoir lieu en commission se trouve assez largement déporté en séance publique.
Nos collègues de l'opposition nous font le reproche d'encombrer le débat par des réflexions trop générales. Nous essayons les uns et les autres, quand les choses se présentent ainsi, de poser des questions précises. La question que je pose, en conséquence du texte – que cette conséquence soit voulue ou non –, est celle de l'ouverture du PACS aux partenaires de moins de dix-huit ans, une question précise à laquelle j'aimerais que le Gouvernement daigne répondre – je lui en serais reconnaissant.
Peut-être estimez-vous que le parlementaire que je suis n'est pas dans son rôle en posant une question de ce type, pourtant une vraie question de conséquence du texte, résultant du fait que l'amendement-balai vise trop large ? Le Gouvernement a, certes, le droit de refuser de répondre, mais sur cette question importante, à laquelle nos concitoyens sont certainement très attentifs, chacun pourra constater que le Gouvernement refuse d'indiquer si le PACS sera, ou non, étendu dans des circonstances exceptionnelles aux partenaires de même sexe de moins de dix-huit ans.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n° 2191.
Je vous prie de m'excuser de ce léger contretemps, madame la présidente.
Je ne vois plus notre collègue Bachelet… Le voilà ! Excusez-moi, cher collègue, je vous avais perdu. Je voulais vous dire que nous avons des choix à faire dans cette maison et que, pour le membre de la commission des lois que je suis, il était difficile de siéger ce soir à la commission des finances, vous le reconnaîtrez. Par ailleurs, M. le président Jacob, M. Le Bouillonnec et moi-même étions en commission toute la matinée entre neuf heures et treize heures. Il y a aussi au sein de l'opposition des parlementaires qui honorent leurs fonctions – c'est d'ailleurs notre cas à tous – et je regrette, cher collègue, que l'on puisse remettre en cause la détermination et le travail fourni par les parlementaires de cette assemblée. Ce n'est pas une habitude dans cette maison et je ne souhaiterais pas que ça le devienne de votre fait.
Madame la présidente, je souhaite porter au débat le travail du philosophe Thibaud Collin, que j'ai déjà cité hier. Je rapporte ses propos en accord avec mes collègues MM. Goujon et Tetart par solidarité. M. Collin s'étonne en effet du maintien dans le projet de loi d'une certaine forme de mimétisme avec la différenciation sexuelle, qui continuerait d'irriguer notre modèle matrimonial. Selon lui, « le mariage serait devenu pour notre société la reconnaissance sociale et juridique d'un lien amoureux. La neutralisation de la différence des sexes dans le mariage entraîne ipso facto sa neutralisation dans la filiation. Jusqu'à aujourd'hui, la représentation de la filiation avait pour ancrage l'union féconde de l'homme et de la femme dont est issu l'enfant. Soulignons que cette référence demeure opératoire pour organiser l'adoption et la procréation médicalement assistée ».
L'amendement est défendu, madame la présidente.
Sur l'amendement n° 2191 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l'amendement n° 2430.
Je reviens – l'union fera peut-être la force – sur l'ouverture du PACS aux mineurs de moins de 18 ans – permettez-moi de me reprendre, madame la présidente, puisqu'un mineur a forcément moins de dix-huit ans – sur l'ouverture du PACS aux mineurs. J'adresse ma question à l'une et l'autre de nos ministres présentes ce soir en y associant mes collègues Poisson, Mariton, Breton et tous les autres. Peut-être aurons-nous une réponse précise après la présentation de cette nouvelle série d'amendements.
Permettez-moi avant de défendre mon amendement de réitérer ma demande concernant l'article 310 du code civil et – je suis tenace – les actes d'état civil qui seront élaborés, car certains d'entre eux risquent d'être discriminatoires. Il serait bon que la représentation nationale puisse en être informée. teta
À ce stade, je considère que mon amendement est défendu.
Mes chers collègues, quelles sont les grandes écoles fondatrices de la pensée moderne ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) J'ai évoqué le structuralisme en rapportant une citation on ne peut plus précise de Claude Lévi-Strauss, ce qui n'a suscité aucune réponse. C'est indiscutable.
L'autre école fondatrice, peut-être davantage pour la gauche que pour la droite d'ailleurs, c'est la psychanalyse. Tous les psychanalystes le disent : l'altérité du père et de la mère, c'est l'élément fondateur.
Vous le niez, monsieur Gille ? Dans ce cas, expliquez-nous, nous sommes preneurs ! Je cherche quelqu'un pour débattre. Notez, madame la présidente, que M. Gille souhaite s'exprimer. (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
J'en viens aux propos d'une psychanalyste de terrain, Mme Chan, qui a travaillé au service d'aide sociale à l'enfance et qui est de formation psychanalytique.
Pour le petit garçon qui, autour de trois ans, tombe éperdument amoureux de sa mère, le rival naturel, c'est le père. Pour mieux concurrencer ce dernier, il va petit à petit se comparer à lui et se former par mimétisme à son égard. Cet élément sera déterminant dans sa formation à la fois intellectuelle, physique et morale. Nous avons là les éléments fondateurs ; toutes les grandes pensées, toutes les grandes philosophies le disent, la psychanalyse, le structuralisme le disent. Et nous sommes aujourd'hui victimes d'une mode, ce n'est pas autre chose qu'une mode. Nous devons revenir à nos fondamentaux, madame la présidente, et je suis sûre que vous-même, si vous aviez la possibilité de vous exprimer, vous partageriez mon sentiment.
Merci, monsieur le député, mais je ne l'ai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Breton pour soutenir l'amendement n° 3843.
Je voudrais revenir sur la question des formulaires administratifs. Celle-ci n'est, bien sûr, pas traitée dans le projet de loi, mais elle n'en demeure pas moins importante, car on a bien vu que la société résistait à la suppression des termes « père et mère » dans de nombreux d'articles ; je n'ai pas dit dans tous, je n'ai jamais menti sur ce point.
L'inquiétude ne porte pas seulement sur le contenu du projet de loi, elle concerne également la vie quotidienne, notamment les formulaires administratifs. Je répète la question et chacun pourra constater qu'il n'y a pas de réponse : comment seront rédigés ces formulaires administratifs pour les époux et pour les parents ? Y aura-t-il des formules asexuées ou sexuées ? Y aura-t-il plusieurs types de formulaires ? Soit on opte pour un formulaire unique, ce qui suppose d'uniformiser, mais on sait que la société le refuse, soit on prévoit plusieurs formulaires, mais alors on entre dans une logique de « discrimination » – je reprends vos termes – qui, au demeurant, serait coûteuse. Un tel choix compliquerait les choses, à l'heure où pourtant le Gouvernement lance la modernisation de l'action publique, qui consiste en un nouveau plan de simplification.
Cette question concrète me paraît donc importante. Je n'imagine pas que le Gouvernement ait pu rédiger ce projet de loi sans en avoir étudié tous les aspects. S'il n'a pas eu le temps de le faire entre l'annonce de ce texte par Mme la garde des sceaux dans le quotidien La Croix daté du 11 septembre 2012 et l'adoption du projet de loi en Conseil des ministres le 7 novembre dernier, il en a eu la possibilité depuis lors.
Une fois encore, nous attendons des réponses pour savoir comment les formulaires administratifs seront rédigés. Nous sommes au coeur de cet article-balai, car c'est la suppression des mots « père et mère » qui a fait réagir beaucoup de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Nous attendons des éléments de réponse.
Parce que je m'exprime pour ma part sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, je voudrais porter à votre connaissance, mesdames, messieurs les députés, la pétition des psychanalystes face à l'égalité des droits et au « mariage pour tous ».
Je vous en livre l'essentiel : « Nous, psychanalystes […], souhaitons par ce communiqué exprimer que “La psychanalyse” ne peut être invoquée pour s'opposer à un projet de loi visant l'égalité des droits. Au contraire, notre rapport à la psychanalyse nous empêche de nous en servir comme une morale ou une religion. En conséquence, nous tenons à inviter le législateur à la plus extrême prudence concernant toute référence à la psychanalyse afin de justifier l'idéalisation d'un seul modèle familial. Nous soutenons qu'il ne revient pas à la psychanalyse de se montrer moralisatrice et prédictive. Au contraire, rien dans le corpus théorique qui est le nôtre ne nous autorise à prédire le devenir des enfants quel que soit le couple qui les élève. La pratique psychanalytique nous enseigne depuis longtemps que l'on ne saurait tisser des relations de cause à effet entre un type d'organisation sociale ou familiale et une destinée psychique singulière. De plus, la clinique de nombre d'entre nous avec des enfants de couples “homosexuels” atteste que ce milieu parental n'est ni plus ni moins pathogène qu'un autre environnement. Il n'est pas inutile non plus de faire un retour aux prises de position de Freud concernant l'homosexualité. Pour s'en tenir, par exemple, aux toutes premières années de la naissance de la psychanalyse, Freud signa une pétition initiée par le médecin et sexologue allemand Magnus Hirschfeld demandant l'abrogation du paragraphe 175 du code pénal allemand réprimant l'homosexualité masculine […]. Aussi nous tenons à rendre publique notre position et ces éléments de réflexion dans le cadre du débat national qui est engagé. » Je tiens à votre disposition la liste des signataires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Après cette lecture, je souhaite pour ma part revenir sur la valeur du contrat social.
Quelle que soit la valeur que les philosophes et théoriciens du droit ont donnée au contrat social, tous concourent à déceler un droit objectif, universel et immuable auquel toute législation humaine doit se conformer si elle veut être juste. Max Weber définit ainsi le droit naturel comme « l'ensemble des normes indépendantes de tout droit positif et supérieures à ce dernier. Elles ne tirent pas leur dignité de règlements arbitraires, mais à l'inverse elles légitiment la force obligatoire du droit positif ». Le mariage, « la plus vieille coutume de l'humanité », comme se plaisait à le nommer le doyen Carbonnier, est une union personnelle dont la dimension sociale justifie depuis toujours l'appréhension par le droit. Il est historiquement l'acte qui permet de perpétuer la famille et d'en assurer la continuité. Il est, par nature, sexué.
Au nom de l'égalité, le Gouvernement entend redéfinir la procréation comme si l'ordre naturel ressortissait à l'article 24 de la Constitution. Or l'égalité se définit comme la relation entre deux choses ne présentant aucune différence. Ce projet de loi ne fait preuve que d'un égalitarisme forcené alors qu'il eût été tellement plus clair et consensuel d'accorder une légitime protection aux couples homosexuels qui la désirent.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ces amendements.
Je mets aux voix les amendements nos 2191, 2430, 2750 et 3843.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 170
Nombre de suffrages exprimés 170
Majorité absolue 86
Pour l'adoption 50
Contre 120
(Les amendements nos 2191, 2430, 2750 et 3843 ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
Madame la présidente, puisqu'il est deux heures du matin, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 7 février 2013 à deux heures, est reprise à deux heures dix.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l'amendement n° 1932 .
Je voudrais remercier Mme Bertinotti pour la réponse qu'elle m'a faite. Je sais bien qu'il y a un débat, même entre psychanalystes. Il n'en demeure pas moins que la plupart d'entre eux, tout au moins ceux qui sont les plus reconnus,…
…considèrent que l'altérité – le complexe d'Œdipe, si l'on veut, qui est la forme sous laquelle elle a été popularisée – est la preuve de la nécessité d'un père et d'une mère. Il faut que nous répondions à cette question.
Je remercie donc Mme Bertinotti, qui a su répondre à mon appel, comme l'avait fait M. Bloche. Je vois, en revanche, que mes collègues bretons n'ont toujours pas répondu à la question que se pose l'opinion et je le regrette.
Ils sont gênés, en effet ; on le sait bien.
Je poursuis sur la psychanalyse. Jean-Pierre Winter déclare : « Ce qui m'intéresse, c'est la filiation. Pas la filiation au sens strictement juridique ou sociologique, mais au sens psychologique du mot. Et c'est finalement très simple. Chacun sait qu'il a un père et une mère, quelle que soit la configuration de la famille : nucléaire comme au XIXe siècle, homoparentale, pluriparentale… Tout enfant sait donc qu'il est le produit de la rencontre entre un homme et une femme. […] C'est déjà tellement compliqué d'avoir un père et une mère que je ne souhaite à personne d'en avoir plus. Et surtout, il importe à chaque enfant de savoir exactement de quelle rencontre il est issu. »
Voilà ce que disent les autorités de la psychanalyse. Vous devriez revenir à un certain nombre de fondamentaux – mais nous poursuivrons ce débat, car la psychanalyse, chacun en conviendra, exige un peu plus de temps que deux minutes.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 1939 .
Je remercie Mme la ministre déléguée chargée de la famille d'avoir apporté au débat cette pétition qui montre à l'évidence que la question est controversée, y compris chez les psychanalystes, puisque l'on en trouve qui sont d'un avis différent. À ce titre, la chose était donc intéressante. Cela confirme qu'il y a une grande incertitude sur ces sujets, ce qui correspond exactement à ce que nous disons depuis le début. La confrontation des points de vue montre à l'évidence que rien ne peut être aussi simple qu'il y paraît.
Afin de répondre à l'impatience exprimée parfois par certains de nos collègues, mais aussi par Mme la garde des sceaux ou encore par M. le président de la commission des lois, je me propose de recenser les quatre questions précises…
…auxquelles nous n'avons pas obtenu pour l'instant de réponse qui le soit tout autant.
Premièrement, avez-vous, oui ou non, l'intention, à terme, d'ouvrir le PACS aux mineurs à titre de conséquence de ce projet de loi ?
Deuxièmement, comment comptez-vous libeller le livret de famille ?
Troisièmement, comment comptez-vous rédiger les autres actes d'état civil ?
Quatrièmement, comment comptez-vous traiter les exequatur en référence à l'article 310 du code civil ?
Voilà quatre questions auxquelles, à notre connaissance, nous n'avons pas pour l'instant reçu de réponse. Nous continuons donc, madame la garde des sceaux, à vous les poser. L'amendement est défendu.
À l'occasion de la défense de cet amendement, je voudrais revenir sur la réponse que Mme Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, vient de faire au sujet des psychanalystes.
D'abord, je la remercie, car il est important qu'un échange ait lieu. Nous allons donc profiter de ses propos – ils sont rares – pour échanger. Il faut que l'on puisse exprimer la diversité des opinions –en l'espèce les divergences entre psychanalystes.
M. Le Fur n'a pas dit que tous les psychanalystes étaient contre le projet de loi ; il a cité certains d'entre eux qui ne sont pas d'accord. C'est, je crois, le rôle de l'opposition que de porter dans cette enceinte la voix de celles et ceux qui ont des interrogations et des inquiétudes sur un projet de loi. Le rôle de la majorité devrait être de porter la voix de celles et ceux qui militent en faveur du texte, mais nous ne l'entendons guère.
Le Gouvernement, lui devrait être là pour entendre toutes ces voix et faire une synthèse. Pourtant, madame la garde des sceaux, vous vous comportez en militante plutôt qu'en ministre, vous contentant de reprendre les arguments des défenseurs du projet de loi.
Cela illustre votre méthode depuis le début. Ce projet divise les Français. Il y a d'autres urgences aujourd'hui – je ne parle pas de priorités, car défendre une conception de la famille à laquelle vous voulez toucher constitue bien notre priorité – et pourtant, vous vous contentez de diviser. Vous savez qu'une moitié des Français est plutôt pour, l'autre plutôt contre, qu'une moitié est pour l'adoption, l'autre plutôt contre. Au lieu d'écouter les arguments de part et d'autre, vous choisissez un camp et vous y restez. Il est de votre responsabilité de sortir de ce clivage.
L'article 401 du code civil, comme les trois articles précédents d'ailleurs, traite du conseil de famille. Il est assez intéressant car nous sommes là dans une situation intermédiaire, entre les cas où l'amendement balai ne pose pas trop de problèmes d'ordre physique et relationnel – même si on peut le critiquer d'un point de vue légistique –, comme le colloque singulier du couple avec le notaire où celui-ci pourra s'en sortir à peu près convenablement et expliquer ce dont il ressort, et les cas où l'amendement balai crée une situation impossible, comme en mairie où le maire devra lire aux futurs mariés les articles prévus à l'article 75 du code civil.
Expliquer à un ensemble de personnes le mode de fonctionnement du conseil de famille, avec ce raisonnement dupliqué et non pas interprété qui voudra que l'on fasse « comme si » en utilisant les termes de « père » et « mère » pour un couple de personnes de même sexe, sera nettement moins pénible à vivre que la cérémonie de mariage telle que vous la concevez, mais moins simple que le colloque singulier chez le notaire. Ce sera passablement inconfortable à vivre.
Par ailleurs, je n'ai toujours pas de réponse sur l'ouverture du PACS aux moins de 18 ans.
Je voudrais revenir sur le problème de votre circulaire pour la filiation, madame la ministre, qui me paraît extrêmement grave. Lorsque j'étais secrétaire d'État aux Français de l'étranger, j'ai été confronté à ce problème de reconnaissance de paternité et à la demande de certificats de nationalité française.
Un enfant est né en Inde d'un père français, qui a eu recours à la GPA. Le Gouvernement indien avait prouvé l'existence de cette GPA et ne voulait donc pas reconnaître l'enfant, puisque la mère officielle avait eu cette année-là quatorze enfants…
…Il s'agissait d'un prête-nom. Nous sommes confrontés à des réseaux mafieux qui agissent en Inde et en Ukraine. C'est un vrai problème car nous sommes pris entre les droits de l'enfant et l'esclavage des femmes. Voilà la vérité.
La circulaire dans laquelle vous demandez aux procureurs de donner systématiquement le certificat de nationalité lorsque la filiation est prouvée ouvre la boîte de Pandore et contribue à stimuler les réseaux mafieux.
À l'instar de Marie-France Touraine…
Plusieurs députés SRC. Marisol !
… oui, la ministre de la santé – je vous prie de m'excuser –, qui a demandé aux procureurs de poursuivre les gynécologues faisant la promotion de la GPA, demanderez-vous aux procureurs de poursuivre les ressortissants français qui ont recours à la GPA ?
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 2196 .
Nous avons posé quatre questions au Gouvernement ; nous espérons obtenir les réponses dans des délais brefs.
Je veux porter à la connaissance de notre assemblée la déclaration de l'Appel des professionnels de l'enfance, une organisation que la ministre de la santé connaît forcément très bien puisqu'elle est située à Tours : « Laisser entendre qu'un enfant descend de deux hommes ou de deux femmes, c'est brouiller sa généalogie et complexifier la lecture qu'il fait de ses origines. Pour se construire et trouver sa place dans la société, l'enfant doit avoir une claire lisibilité de ses origines, s'inscrire dans une filiation, c'est-à-dire une succession de générations. »
Nous prétendons, depuis le début de ce débat sur le projet de loi et plus particulièrement sur l'article 4, que la manière dont vous avez traité cet article ne permettra pas de se retrouver clairement dans cette construction. C'est la raison pour laquelle nous combattons cet article. L'amendement est ainsi défendu.
Sur l'amendement n° 2196 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2431 .
Je voudrais revenir sur les conséquences qu'emporte la notion de filiation, directement touchée, contrairement à ce que vous dites, bien que le titre VII ne soit pas concerné.
Dans une conférence donnée à Lyon le 15 novembre 2012, Aude Mirkovic, maître de conférence en droit privé, spécialiste en droit de la famille, évoquait un certain nombre de difficultés soulevées par le texte. La première tient à la présomption de paternité : le code civil présume que l'enfant né ou conçu pendant le mariage a pour père le mari. En effet, les époux s'engagent à une obligation de fidélité, ce que le code civil affirme à plusieurs reprises. On présume que les enfants mis au monde par l'épouse sont ceux du mari. Il est possible que cela ne soit pas le cas.
Oui, cela peut arriver. Je ne ferai pas de commentaires sur les chiffres qui circulent – on parle de 8 à 10 % des enfants – certains disent même qu'ils sont en dessous de la réalité.
Cette présomption peut être renversée si la preuve est fournie que le mari n'est pas le père. La question se pose de savoir comment l'on pourrait présumer que le conjoint de même sexe est le parent de l'enfant. La présomption de paternité ne s'applique qu'aux hommes ; la présomption de maternité et a fortiori celle de maternité secondaire n'existe pas. Cela crée une discrimination entre les couples d'hommes et les couples de femmes car les premiers seront reconnus comme seconds parents par la loi, alors que les autres devront passer par l'adoption. C'est un sujet important, sur lequel il faudra revenir. Je considère que mon amendement est défendu.
Je me permets de répéter que nos collègues Gwenegan Bui, Gwendal Rouillard et Richard Ferrand jouent les taiseux sur ce sujet. Je les sens gênés et je pense qu'il serait bon que les autorités du groupe leur accordent la possibilité de s'exprimer, afin que les choses soient claires. Ils en éprouvent le besoin ! (Sourires.)
Madame la ministre, merci pour votre réponse sur la psychanalyse. Je sais bien que le débat existe dans le monde de la psychanalyse, un courant de pensée qui a nourri la gauche. Beaucoup d'entre vous ont été nourris au lait de la psychanalyse, mais maintenant, c'est oublié. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mais vous allez pouvoir me répondre, chère collègue ! Je ne prétends pas à la vérité, mais au débat. Offrez-nous la possibilité de débattre avec vous. M. Roman vous permettra j'imagine, de vous exprimer.
Voici ce que dit Jean-Pierre Winter : « Tout le monde sait qu'il n'y a pas de famille idéale : nous avons tous autour de nous, ou en nous, un père ou une mère manquant(e). Mais tout le monde sait aussi qu'il s'agit d'accidents : si vous êtes privés d'un père ou d'une mère, c'est pour une raison historique, économique, sociologique, psychologique… Pour autant, ça ne change pas la norme que vous avez dans la tête, c'est-à-dire le fait que vous êtes issu(e) d'un homme et d'une femme. »
Nous sommes toujours au coeur de l'article balai, qui découle de la volonté de supprimer, dans beaucoup d'articles de notre droit, les mots « père » et « mère ».
La question des documents de la vie quotidienne est un point important pour nos concitoyens. Or que dit l'avis du Conseil d'État ? Il appelle l'attention du Gouvernement sur le fait que le choix rédactionnel qui a été opéré n'implique aucunement la disparition générale des mots « père », « mère », « mari » ou « femme » dans les documents de la vie quotidienne. Voyez que je vous aide, puisque nous attendons toujours votre réponse.
Conserverez-vous ces termes dans les documents de la vie quotidienne ? Cela impliquera qu'il y ait plusieurs types de documents administratifs, ce qui entraînera un coût qui n'a pas été évalué dans l'étude d'impact. Ou comptez-vous aller à l'encontre de l'avis du Conseil d'État et uniformiser les documents de la vie quotidienne ? C'est une question importante car c'est sur ce point que l'on rencontre l'une des plus grandes résistances à la loi. Si nous passons beaucoup de temps sur cet article, c'est qu'il est d'ordre symbolique et qu'il imprègne la vie quotidienne de nos concitoyens. Nous attendons votre réponse sur ce point.
Défavorable.
Cela fait maintenant un certain temps que nos collègues posent des questions sur l'avis du Conseil d'État. Certains semblent en disposer ; d'autres non. Cela montre, de toute évidence, une certaine asymétrie entre les parlementaires. Or je me souviens des propos prononcés par le candidat Hollande : « Moi Président, je ferai ceci, je ferai cela… » Il mettait l'accent sur l'État exemplaire, mais aujourd'hui nous avons un gouvernement socialiste qui, de toute évidence, nous cache certaines informations dont il dispose, alors qu'il aurait la possibilité de les transmettre à la représentation nationale.
Force est donc de constater qu'il y a d'un côté les discours, de l'autre les actes, et que les actes ne sont pas en adéquation avec les discours. Plus que jamais donc, nous souhaitons que le Gouvernement nous transmette l'avis du Conseil d'État, ce qui témoignerait de son respect envers la représentation nationale.
Afin que l'ensemble des députés puissent avoir l'information dont certains disposent déjà, je vous demande, madame la garde des sceaux, au nom des parlementaires de l'opposition, de nous communiquer cet avis du Conseil d'État.
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 2202 .
Cet amendement concerne l'article 409 du code civil, dont je voudrais vous donner lecture : « La tutelle comporte un subrogé tuteur nommé par le conseil de famille parmi ses membres. Si le tuteur est parent ou allié du mineur dans une branche, le subrogé tuteur est choisi, dans la mesure du possible, dans l'autre branche. La charge du subrogé tuteur cesse à la même date que celle du tuteur. » Excellent exemple d'un article sur lequel l'article-balai du projet de loi est sans effet, ce qui prouve qu'il traite parfois par excès, parfois par défaut, les articles du code civil auquel il s'applique. L'amendement est ainsi défendu.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2432 .
Je voudrais revenir sur un coup de théâtre extraordinaire qui vient de se dérouler sous nos yeux, à deux heures vingt-cinq : Nos collègues socialistes parlent, et en plus ils pensent ! En effet l'une d'entre eux s'est exclamée : « Arrêtez de penser à notre place ! » Cela me rassure, puisque depuis un moment nous n'entendions plus grand monde, ce qui pouvait laisser imaginer qu'on ne pensait pas nécessairement sur les bancs de la majorité, où la liberté de conscience est proscrite.
Si la pensée se libère, je vous invite, mes chers collègues, à vous lâcher et à écouter avec intérêt les réponses que les ministres ne manqueront pas de faire, dans les heures où les jours qui viennent, aux questions que nous avons déjà posées mais que nous nous ferons un plaisir et un devoir de poser de nouveau.
Quant aux tuteurs, compte tenu de l'excellente démonstration de Jean-Frédéric Poisson, la mienne ne pourrait qu'être moins bonne, et je considère donc l'amendement défendu.
Je m'arrêterai sur certains éléments de l'avis du Conseil d'État qui nous sont parvenus par différentes sources mais pour lesquels on attend toujours une source officielle qui permettrait de confirmer l'exactitude de nos informations.
En matière de terminologie, le Conseil d'État appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de poursuivre l'examen de l'ensemble des législations pour tirer les conséquences de l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Ce travail a-t-il était fait ? Si non, pourquoi ? Si oui, qu'a-t-il donné ? A-t-on constaté des anomalies ? le cas échéant lesquelles et ont-elles été corrigées ? Il y a là une vraie question de sécurité juridique.
Rappelons que l'article-balai résulte de votre volonté de faire disparaître de nombre d'articles du code civil les mots « père et mère », ce qui pose des problèmes de terminologie. Il serait donc intéressant de savoir comment le Gouvernement a travaillé sur ces dispositions.
Défavorable.
Je ne parlerai pas de l'article 409, des tuteurs et des subrogés tuteurs.
Vous avez dit à plusieurs reprises, madame la garde des sceaux, que ce texte impliquait un changement de civilisation ; j'ai donc essayé de savoir pourquoi. Mon début d'explication est qu'avec ce texte l'on assiste à la déconstruction de la parenté fondée sur l'engendrement des enfants, ce qui me choque profondément.
Mesdames les ministres, l'altérité sexuelle des parents n'est pas un parti pris en faveur de l'hétérosexualité ni une habitude héritée du passé, mais la conséquence de la référence à l'engendrement de l'enfant dans la définition des père et mère.
Une fois privé de sa référence à l'engendrement de l'enfant, la filiation, pour la majorité socialiste, découle seulement de la volonté, de l'intention ou du projet parental. C'est la parenté sociale. La parenté n'est plus fondée sur un rapport de filiation mais seulement d'éducation. C'est donc la théorie du genre qui se dessine ainsi progressivement et que nous démasquons peu à peu. L'égalité par l'effacement des sexes, c'est précisément ce dont nous ne voulons pas. Nous dénonçons donc vos intentions, et c'est la raison pour laquelle je défends ces amendements.
Nous en venons à une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 1933 .
Permettez-moi auparavant, madame la présidente, de déplorer la rapidité avec laquelle vous venez d'organiser ce scrutin, qui nous à peine laissé le temps de regagner nos places. Lorsqu'on ne respecte plus rien, essayons malgré tout de respecter un minimum de formalisme…
Vous avez été sensibles à ce courant de pensée, mes chers collègues ! Il a été formateur pour vous, et je suis convaincu qu'un certain nombre d'entre vous, s'ils le souhaitent, pourront m'apporter la contradiction. C'est normal, et c'est ainsi que je conçois le débat !
Que dit le professeur Jean-Pierre Winter ? « Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut changer la loi. En plus, cette dernière va devoir s'appliquer à tout le monde. Elle va impliquer des changements pour ceux qui n'ont rien demandé. Par exemple, on va être obligés de modifier le code civil et de faire disparaître les mentions de “père” et de “mère”, au profit de la mention de “parent” – nous sommes en plein dans l'article 4. D'un point de vue psychanalytique, j'avance que faire disparaître des signifiants pareils, c'est l'équivalent du meurtre du père et de la mère. Ni plus ni moins. » Voilà ce qu'écrit un des plus grands professeurs de psychanalyse.
Je m'étonne, malgré l'heure tardive, que notre amendement précédent n'ait pas suscité de commentaire particulier. Je réitère donc les quatre questions que je posais tout à l'heure et auxquelles le Gouvernement n'a pas répondu, en y ajoutant une cinquième : Avez-vous l'intention d'ouvrir le PACS au mineurs ? Comment allez-vous rédiger les livrets de famille ? Comment allez-vous rédiger les autres actes d'état civil ? Comment allez-vous traiter les exequatur dans le cadre de l'article 310 du code civil ? Puisque enfin l'article-balai est sans effet sur l'article 409 du code civil, et donc exagéré dans sa portée, ne tenons-nous pas ici la preuve que votre méthode n'était pas la bonne ? D'où il découle que nous sommes fondés à nous poser la même question sur d'autres points de votre texte.
Je voulais par ailleurs dire à Mme Le Dain que, si elle souhaite s'exprimer, je lui cède volontiers mon temps de parole sur le prochain amendement.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2388 .
Je voudrais revenir sur les questions liées à l'adoption et à la présomption de paternité. Aude Mirkovic, maître de conférences, revenait en novembre à Lyon sur cette discrimination qui pourrait exister entre les couples d'hommes et les couples de femmes et demandait : « Dans un couple marié homosexuel, comment l'époux pourrait se désengager de sa paternité ou de sa maternité secondaire, que la loi présume, dès lors qu'il ne s'est pas investi ou n'a pas été partie prenante au projet parental ? » C'est une question, me semble-t-il, fort importante. Il reste évidemment à définir ce qu'est une maternité secondaire, ce qui nécessiterait un certain nombre de développements puisque nous sommes dans le cadre de l'adoption.
« La nouvelle loi ou le projet, poursuit-elle, fonde la parenté sur l'engagement auprès de l'enfant, sur le désir d'enfant, mais que deviennent tout ceux qui n'ont pas été désirés et auprès desquels personne ne s'est engagé ? Se retrouvent-ils sans parents ? » On pourrait envisager de désigner, et non plus de présumer, le conjoint comme second parent. Mais cela ne marche pas non plus parce que l'on va se retrouver avec des situations compliquées : le mari qui n'est pas du tout le père de l'enfant de sa femme et qui se voit imposer une paternité par la loi dont il ne peut se dégager, y compris s'il était en prison à l'époque où l'enfant a été conçu. Voilà donc les situations auxquelles on pourra être confrontés. Dès lors, que fait-on du parent biologique ?
« Si l'enfant est né d'un père identifié, comment régler le conflit de parenté entre la conjointe de la mère et le père biologique ? À qui donne-t-on la priorité ? » La question me paraît importante sur laquelle nous reviendrons.
Je considère avoir défendu mon amendement.
Nombre de nos questions n'ont obtenu aucune réponse, d'où ce débat qui sera amené à durer tant qu'il n'y sera pas répondu.
Je poursuis sur l'avis du Conseil d'État. Nous ne l'avons pas vu, contrairement à notre collègue Tourret, ce qui prouve bien une inégalité de traitement entre les députés. (Sourires.)
Il n'est plus là de toute façon. Il n'y a plus aucun élu RRDP dans l'hémicycle.
Il doit sûrement être en train de lire l'avis…
Concernant la portée de ce projet, je vous lis un paragraphe : « Eu égard à la portée majeure d'un texte qui remet en cause un élément fondateur de l'institution du mariage, l'altérité des sexes entre époux, et compte tenu des conséquences insuffisamment appréhendées par l'étude d'impact qu'un tel changement apportera à un grand nombre de législations…»
C'est la parole du Conseil d'État !
J'imagine qu'un travail a été engagé depuis la publication de cet avis pour remédier aux insuffisances de l'étude d'impact et je souhaite que vous nous en teniez informés. Nos remarques ne relèvent nullement de l'obstruction, car il y va de la qualité du travail parlementaire. Nous souhaitons y contribuer. Nous avons besoin d'éléments d'information. Votre silence ne peut plus durer. Nous avons besoin de savoir quels sont les problèmes soulevés au niveau du Conseil d'État et de l'étude d'impact.
Mesdames les ministres, nous vous invitons à répondre à nos questions.
Défavorable.
Mes chers collègues, vous avez, avec beaucoup de délectation, cité l'exemple britannique nous renvoyant à ce qui s'est passé à la Chambre des communes hier.
Vous n'applaudirez peut-être plus lorsque j'aurai appelé votre attention sur la jurisprudence britannique, ou alors nous ne sommes vraiment pas d'accord.
Permettez-moi de vous faire part d'une décision rendue jeudi dernier par la chambre des affaires familiales de la Haute cour. Deux couples de femmes ont établi une double filiation. Les deux pères biologiques, un couple d'homosexuels qui avaient accepté de féconder les deux femmes, ont réclamé que la filiation soit reconnue. La justice leur a accordé un droit de garde et de visite. D'un point de vue légal, ces enfants ont trois parents.
Comment appliquerez-vous votre article-balai à ce genre de situation ? Quelle réponse apporterez-vous, si le cas se produit en France – et cela sera possible – à ces enfants, à ces pères ou ces mères biologiques ? Vous êtes en train de faire voler en éclats tous les repères. Vous déstructurez la famille. Avec cet exemple britannique, on voit bien ce vers quoi votre projet nous conduit. Nous le condamnons et nous ne cesserons de le condamner jusqu'à la fin des débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vais faire plaisir à M. Le Fur en lui répondant.
Comme l'a brillamment démontré notre collègue Patrick Bloche, Marc Le Fur a fait un contresens sur le livre de Léon Blum consacré au mariage.
Là, il poursuit dans l'instrumentalisation du mouvement psychanalytique en tentant de le rallier à sa cause. Mme la ministre a bien montré en citant une pétition de psychanalystes qu'il s'agissait d'une tentative de récupération et qu'ils avaient anticipé l'incompréhension autour du complexe d'Œdipe.
Je me contenterai de citer Freud, qui a évolué sur le sujet. Dans Trois essais sur la théorie sexuelle, Freud écrit que la recherche psychanalytique s'oppose avec la plus grande détermination à la tentative de séparer les homosexuels des autres humains en tant que groupe particulier. Pour ma part, je m'appuie plus volontiers sur la pensée émancipatrice de Sigmund Freud que sur celle de certains psychanalystes certes médiatiques, comme Jean-Pierre Winter et Aldo Naouri.
Si je cite Aldo Naouri, c'est parce qu'il est à l'origine de la pétition prétendument d'appel des professionnels de l'enfance., citée par notre collègue Jean-Frédéric Poisson.
Enfin, j'ai été surpris que notre collègue Dalloz – qui porte le nom d'un éditeur de droit – cite Max Weber comme théoricien du droit naturel alors qu'il a essayé, au contraire, de montrer comment le droit ne pouvait reposer que sur des valeurs. Je tenais à faire ces mises au point à l'intention de nos collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 2230 .
Avec Jean-Frédéric Poisson, nous avons passé beaucoup de temps à rédiger cet amendement. (Sourires.)
Je rappelle que le mariage est le cadre privilégié de la famille. En principe, la tradition, l'expérience et le bon sens voulaient que l'on unisse un homme et une femme pour avoir des enfants. Vous allez à l'encontre de cette logique et déstructurez l'ensemble du code civil, l'organisation de la famille. Il aurait peut-être été bienvenu, je le dis au passage, que Mme Lemorton assiste à cette séance pour nous donner quelques précisions utiles… (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2433 .
Nous en étions restés à des interrogations concernant les parents biologiques, la présomption de paternité, la filiation.
Au mois de novembre dernier à Lyon, Aude Mirkovic s'interrogeait sur ce que deviendrait la présomption de paternité. « …Une autre solution pour simplifier serait de supprimer la présomption de paternité pour tout le monde », homosexuels comme hétérosexuels. Cela pourrait rejoindre un certain nombre de propositions émanant du groupe écologiste…
« Le second parent devrait reconnaître ou adopter l'enfant de son conjoint. » Mais sur quelle base peut-on se fonder pour établir une filiation sans preuve ? Surtout, sans preuve biologique. Sur quels éléments pourra-t-on départager le conjoint du parent biologique ? Si l'on veut faire exploser la filiation, et je reprends des propos tenus lors des auditions du mois de décembre, on ne s'y prendrait pas autrement. Prenons l'exemple le plus typique, celui où un couple de femmes s'est arrangé avec un couple d'hommes pour avoir des enfants croisés. Ces quatre personnes se considèrent comme les parents à égalité de leurs enfants croisés. Le plus souvent, il y a deux enfants qui sont chacun l'enfant biologique de l'un des hommes et de l'une des femmes. Cela devient compliqué à suivre ! Je comprends votre embarras.
Peut-être pas au sein du groupe écologiste. Je sais que cela correspond à des raisonnements que vous assumez et que j'ai toujours respectés car ils ont le mérite d'être clairs, même si je ne les partage pas.
Vous avez raison monsieur Coronado, il ne faut jamais être avare de qualificatifs permettant de s'auto glorifier.
Si vous avez toujours été clairs, cela n'est pas le cas sur d'autres bancs où l'on avance sans objectifs clairement déterminés. (« Ah ! » sur les bancs du groupe écologiste.)
Il n'y a là rien d'ambigu. Nous avions proposé une solution qui pourrait nous réunir. Honni soit qui mal y pense.
Je reviendrai sur ces enfants croisés, la difficulté des uns et des autres et sur les critères objectifs que les juges pourraient appliquer par la suite.
Mon amendement a été défendu.
Sur l'amendement n° 2230 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je remercie notre collègue Gille de s'être prêté au débat. Je n'ai jamais nié qu'au sein du vaste monde de la psychanalyse, il y avait plusieurs chapelles, écoles, tendances et que ce débat les agite comme il agite la société française, comme il agite l'hémicycle. Je le remercie donc d'avoir répondu.
J'ai également remercié notre collègue Bloche qui, sur le livre de Léon Blum Du mariage publié en 1907, avait souhaité apporter sa contribution laquelle n'était du reste pas contradictoire avec la mienne. Il est vrai que ce livre prône une certaine liberté sexuelle, mais dans l'altérité. Je vous renvoie à la lecture du livre, c'est extrêmement clair. Pour ceux qui ne l'auraient pas lu, je me propose de le rendre à la bibliothèque. Chacun pourra ainsi s'instruire.
Je souhaite revenir à des éléments de droit. Pour ma part, je suis convaincu que le mariage dans l'altérité fait partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Ces principes émanent d'une jurisprudence du Conseil constitutionnel de juillet 1971, le moment où le Conseil constitutionnel, tel le papillon sortant de sa chrysalide, admet qu'il doit jouer un rôle quant au fond de la loi, faire respecter un certain nombre de principes, et qu'il est le gardien vigilant de ces principes. Nous sommes convaincus que dans la grande tradition du contrôle de la constitutionnalité, le fait que l'altérité – que l'homme et la femme sont des éléments constitutifs du couple et qu'ils sont là pour concourir à élever les enfants – est un principe essentiel.
Je poursuivrai en deuxième semaine, si vous m'y autorisez, madame la présidente. (Sourires.)
À mon tour, je souhaite remercier notre collègue Gille d'avoir participé au débat rendant ainsi nos échanges plus intéressants. Je n'ai peut-être pas entièrement compris la phrase de Freud car je ne suis pas un spécialiste, mais j'ai cru comprendre qu'il parlait davantage des sexualités que de l'altérité sexuelle.
Il me semble que nous confondons pratiques sexuelles et réalité sexuée de nos corps.
C'est bien le mariage pour les couples de personnes de même sexe. Ce n'est pas le mariage pour les personnes homosexuelles. Il y a là une confusion, dont je ne sais si elle est délibérément entretenue. En tout état de cause, elle ne permet pas une grande clarté de nos débats.
Je vais à nouveau m'appuyer sur l'avis du Conseil d'État pour essayer d'éclairer cette question fondamentale en citant la première phrase sur la portée du projet de loi.
« Eu égard à la portée majeure d'un texte qui remet en cause un élément fondateur de l'institution du mariage, l'altérité des sexes entre époux. » Outre le fait que l'on peut s'interroger comme vient de le faire Marc Le Fur sur la question de savoir si l'altérité des sexes est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, le Conseil constitutionnel n'y a jamais répondu puisqu'il n'a pas encore été interrogé.
Il a simplement été interrogé dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité pour savoir si le législateur avait une liberté pour définir le mariage. Il a répondu que cela relevait bien de sa compétence. Cela dit, une fois que nous aurons établi une définition du mariage, le Conseil constitutionnel vérifiera sa constitutionnalité. Si nous autorisions une forme de mariage qui soit incompatible avec la dignité humaine, il pourrait s'y opposer car il dispose d'une grande latitude.
Défavorable.
À ce point de nos débats, il y a effectivement deux visions qui s'affrontent.
D'un côté, il y a celles et ceux qui se fondent sur la tradition chère à Hervé Mariton. Ils comprennent qu'il y a des textes multimillénaires auxquels nous sommes profondément attachés ; ils comprennent que l'histoire humaine se constitue par strates successives auxquelles nous sommes indéfectiblement liés à travers la suite des générations. À cet égard, nous pouvons nous interroger à terme sur la manière dont on traduira L'Iliade et L'Odyssée, Beowulf et toutes les grandes sagas humaines, si l'on poursuit dans la voie de vos raisonnements qui conduisent à nier l'altérité et la différence sexuée.
D'un autre côté, il y a ceux qui imaginent que l'homme est né de nulle part, qu'il se trouve à chaque génération sans lien réel avec qui que ce soit et qu'il peut se construire individuellement et seul. Ceux-là sont vraiment dans Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Vous poursuivez sur ce chemin de l'égoïsme individuel, lié uniquement au consumérisme débridé et absolu. Nous, nous sommes davantage dans la construction de l'homme comme être lié à une histoire et à une généalogie.
Enfin, s'agissant de la querelle des analystes, il y a effectivement plusieurs écoles. Vous pourrez toujours les uns et les autres faire des citations tronquées. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a ceux qui travaillent dans les services hospitaliers et ceux qui sont sur les plateaux de télévision. Il y a ceux qui participent à des équipes et il y a ceux qui font payer leurs consultations à des prix extrêmement élevés et qui publient leurs actes de séminaires un par un pour arrondir leurs fins de mois. Il y a des pétitions qui sont sérieuses et d'autres qui le sont moins. Les gens de gauche devraient savoir mieux sélectionner leurs auteurs.
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 2235 .
Madame la présidente, à l'UMP, nous nous inquiétons un peu de l'état de santé de certains de nos collègues qui commencent à défaillir. Est-il raisonnable de continuer à travailler ?
Plusieurs députés du groupe SRC et du groupe écologiste. Oui !
Je me préoccupais simplement de la santé de nos collègues car il est tout de même très tard.
Peut-être, mais vous ne serez pas payés plus ! (Sourires.)
Nombre de pédopsychiatres s'inquiètent des conséquences sur l'enfant de situations pour le moins compliquées, voire destructrices. Il n'est évidemment pas question pour nous de sous-estimer la souffrance d'homosexuels qui n'auraient pas la possibilité d'avoir des enfants à moins de recourir à l'adoption ou à la GPA. Simplement, nous nous interrogeons : doit-on remplacer la souffrance d'un père qui ne peut pas avoir d'enfant par une autre ? Peut-on, pour apaiser la souffrance des adultes, s'accommoder de celles des enfants ? Ce sont des sujets extrêmement graves sur lesquels nous devons réfléchir et sur lesquels les professionnels de la santé, les pédopsychiatres se penchent tant il est vrai que l'on doit faire passer la santé de l'enfant avant tout.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 2434 .
Madame la présidente, je vais faire une pause dans mes petites citations. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'aimerais revenir sur l'une des interventions de notre collègue Le Fur qui, pour être breton, n'en est pas moins poète. (Exclamations sur certains bancs du groupe SRC.)
C'est bien ce à quoi je m'attendais : vous réagissez au quart de tour, vous êtes d'un prévisible, mes chers collègues ! Pourquoi ne pas faire un rappel au règlement indiquant que chacun des députés bretons ici présents se sent personnellement offensé ou exposer un fait personnel à la fin de la séance si vous le souhaitez.
Notre éminent collègue évoquait donc les chapelles chez les psychanalystes. Je note – et Mme la présidente pourra considérer que pendant ce temps mon amendement est défendu – avec quelque étonnement qu'il règne une certaine atonie dans les rangs de la majorité après les excellents propos de notre garde des sceaux qui nous a rappelé la magnifique citation de Victor Hugo.
Il me semblait que le terme « chapelle » serait considéré comme un peu étranger à ces lieux. Du reste, je m'interroge sur la nécessité de revisiter certaines de nos expressions : après « père » et « mère » donc, « chapelle », « séminaire ». Et puis j'invite ceux qui seraient prêts à y travailler cette nuit à nous faire part de leurs propositions de remplacement pour « école maternelle » pour demain matin. Il y a là un sujet de réflexion.
Je reviens à ce principe fondamental du mariage reconnu par les lois de la République : l'altérité des sexes.
Le Conseil constitutionnel, sur le mariage, a dit une chose très concrète – qui n'a d'ailleurs pas été contestée –, c'est que l'interdiction actuelle du mariage aux couples homosexuels ne constituait en aucun cas une discrimination. Il l'a dit, redit, il n'y pas d'ambiguïté. Nous ne pouvons pas encore savoir, j'en conviens, s'il établira demain que l'altérité figure au rang des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Ces principes fondamentaux reconnus par les lois de la République sont apparus spontanément dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel en 1971 et se sont développés depuis. J'en évoquerai quelques-uns tout à fait intéressants, qui sont autant de garanties pour les citoyens de ce pays : la liberté d'association, en 1971 ; la liberté de l'enseignement, principe auquel nous sommes, j'imagine, très attachés sur tous nos bancs ; la liberté individuelle ; le respect du droit de la défense ; l'indépendance et la compétence de la juridiction administrative au sommet de laquelle se trouve le Conseil d'État, faut-il de le rappeler, madame la garde des sceaux, vous qui avez traité de factice son avis ; l'indépendance des enseignants chercheurs ; la compétence de l'autorité judiciaire en matière de protection du droit de la propriété.
Je rappelle que nous en sommes à l'article 4 qui est l'article-balai. Pourquoi en discutons-nous particulièrement ? Parce que le rapporteur et la commission ont jugé bon de le créer, tenant compte des réactions de la société à la volonté de supprimer les mots « père » et « mère » de beaucoup d'articles de nos codes.
S'il y a eu une réaction de la société, c'est qu'il y avait dans le texte une négation de l'altérité sexuelle. Le Conseil d'État a d'ailleurs souligné cet aspect : « Eu égard à la portée majeure d'un texte qui remet en cause un élément fondateur de l'institution du mariage, l'altérité des sexes entre époux ».
Il me semble important de nous arrêter sur les termes qui ont été choisis. Ce que dit le Conseil d'État, c'est que ce projet de loi remet en cause un élément fondateur. Il s'agit non pas, comme vous tendez à nous le faire croire depuis le début, d'une ouverture de droits qui ne changerait rien par rapport à la situation existante, mais d'une remise en cause complète. S'il s'était agi d'une simple ouverture, il y aurait eu maintien de l'altérité sexuelle et création de nouveaux droits. Or il s'agit ici d'une révolution complète.
Attachons-nous donc au sens des termes choisis par le Conseil d'État. C'est un choix de faire cette révolution. Simplement, vous ne pouvez pas mentir aux Françaises et aux Français. Ils sentent bien qu'il ne s'agit pas d'une simple ouverture de droits supplémentaires. Quand les sondages posent la question aux Françaises et aux Français : « Les personnes de même sexe doivent-elles avoir le droit de ? », il leur est difficile de dire non. Il faut vraiment avoir des convictions ancrées pour refuser. Si la question portait sur les droit des enfants, nul doute que les réponses seraient différentes.
Cette remise en cause d'un élément fondateur du mariage nous montre bien que nous avons affaire non pas à une simple ouverture de droits mais à une remise en cause totale. C'est le Conseil d'État qui nous le dit. Encore une fois, nous aimerions que Mme la garde des sceaux nous dise quelle est la position du Gouvernement sur cet avis du Conseil d'État.
Défavorable.
Bien sûr, le groupe UMP votera en faveur de ces amendements.
J'aimerais revenir sur les propos du garde des sceaux qui a mis en cause notre collègue Philippe Meunier, qui est désormais absent. J'imagine qu'il est rentré à Lyon pour donner l'avis du Conseil d'État à M. Muet.
Madame la ministre, en vous écoutant, je pensais au dernier violon du Titanic qui jouait tout seul alors que le bateau sombrait. Cette petite musique sera peut-être accompagnée d'un ressac qui vous emmènera dans les abîmes comme vous avez emmené dans les abîmes Lionel Jospin en 2002. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, j'interviens au titre de l'article 58, alinéa 1.
Pour assurer le bon déroulement de nos débats, nous avons à plusieurs reprises interrogé Mme la ministre au sujet de l'avis du Conseil d'État. Cela fait plus d'une heure que certains d'entre nous attendent une réponse mais aucune ne nous est donnée.
Nous voulons maintenant savoir quelle est la position du Gouvernement sur cette question. En l'absence de réponse, j'estime que la sérénité des débats est affectée.
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n°2243 .
Je vais maintenant aborder un sujet qui n'a pas encore été soulevé depuis le début de nos débats (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et écologiste) : madame la ministre, pourrions-nous avoir l'avis du Conseil d'État ? (Rires.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n°2435 .
Je pourrais vous refaire le coup de Lapérouse : « A-t-on des nouvelles du Conseil d'État ? » (Rires sur plusieurs bancs.) Manifestement, non.
Je reviens donc à cette excellente universitaire, maître de conférences en droit privé, spécialiste du droit de la famille, et à sa magnifique conférence du 15 novembre 2012 grâce à laquelle je sais avoir réussi à capter l'attention de quelques membres de cette assemblée, notamment du côté des Verts.
Revenons au cas que j'évoquais tout à l'heure : « Si l'on prend l'exemple le plus typique, celui où un couple de femmes s'est arrangé avec un couple d'hommes pour avoir des enfants croisés, ces quatre personnes se considèrent les unes les autres comme parents à égalité de leurs enfants croisés. Le plus souvent, il y a deux enfants qui sont chacun l'enfant biologique de l'un des hommes et de l'une des femmes. Et ces quatre personnes qui se sont investies dans le projet parental se considèrent chacune comme parent à part entière ».
Sur quels critères objectifs les juges vont-ils départager les revendications de ces quatre personnes sur un même enfant ?
Oui, mais vous allez voir la suite : ça déstructure totalement !
Dès lors que la référence à la biologie est abandonnée – et je fais évidemment mienne cette interprétation – pour intégrer le concept de parents de même sexe, la parenté sociale, alors se repose la question : comment un juge pourra-t-il départager objectivement les candidats à la parenté sociale ? Nous sommes dans la parenté sociale !
Si deux personnes de même sexe sont reconnues ensemble comme parents d'un même enfant, elles ne sont plus l'homme et la femme à l'origine de l'enfant ; C.Q.F.D. Cela veut donc dire, et j'en termine, madame la présidente, que la filiation n'est plus définie en relation avec l'enfantement, qu'il soit réel ou symbolique par le biais de l'adoption,…
Plusieurs députés du groupe SRC. Cela fait deux minutes !
Je terminerai plus tard : c'est vrai qu'on n'est pas pressé… Mon amendement est défendu, madame la présidente !
Je l'avais bien compris, monsieur Gosselin.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 3854 .
Avec cet amendement sur l'article 4, nous revenons encore une fois sur votre décision de nier l'altérité sexuelle et de la remettre en cause comme élément fondateur de l'institution du mariage – je cite le Conseil d'État.
Le Conseil d'État indique qu'un tel changement apportera de grandes modifications dans des législations, qui ont été insuffisamment appréhendées dans l'étude d'impact, j'ai déjà eu l'occasion de le dire.
Maintenant, je voudrais m'attacher à la phrase qui dit « dans l'ordre pratique comme dans l'ordre symbolique ». Ces modifications sont en effet importantes dans l'ordre pratique comme dans l'ordre symbolique.
Nous sommes tous attachés et à l'ordre pratique, parce que c'est notre vie concrète, notre vie quotidienne, et à l'ordre symbolique, parce que notre société vit autour de symboles. Le Conseil d'État estime que cela a été insuffisamment appréhendé par l'étude d'impact, mais j'imagine que, tant le Gouvernement, qui a rédigé ce projet de loi, que le législateur de la commission des lois, ont dû évaluer ces changements dans l'ordre pratique comme dans l'ordre symbolique.
Avec l'altérité sexuelle, nous sommes au coeur du débat sur le mariage. Il y a la question de la filiation, nous aurons l'occasion d'en reparler plus tard ; mais concernant le mariage, il s'agit bien d'altérité sexuelle.
Quels sont les changements dans l'ordre pratique et dans l'ordre symbolique causés par cette remise en cause de l'altérité sexuelle ? Nous attendons vos réponses. De plus, quels seront les bienfaits pour la société ? Cela créera-t-il au contraire des risques ? Ce sont autant de questions que se posent nos compatriotes, qui sentent bien qu'il y a là une réforme de civilisation, pour reprendre les termes de Mme la garde des sceaux. Je n'imagine pas que vous faites une telle réforme sans en avoir évalué les impacts.
Sur l'amendement n° 2243 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Avis défavorable.
À trois heures et quart du matin, les députés de l'opposition sont amenés à citer certains députés de la majorité pour que vive le débat.
Je voudrais par conséquent citer notre collègue Jérôme Lambert, qui dans un entretien accordé au journal La Croix à la fin du mois de janvier, disait ceci : « Ce qui me pose problème, c'est la filiation. Comme l'avait bien expliqué Élisabeth Guigou au moment du débat sur le PACS, créer de toutes pièces une double filiation avec deux parents de même sexe est une mauvaise solution. Pour une raison simple : cela heurte un principe de réalité. Un être humain ne peut pas naître de la rencontre de deux femmes ou de deux hommes.
Cela ne veut pas dire que des couples homosexuels ne peuvent pas élever des enfants, mais il faut distinguer la filiation et la parentalité. (…) J'estime que notre société doit préserver la filiation fondée sur l'altérité sexuelle : c'est un symbole, une référence. »
Cela pourrait être l'exposé des motifs des amendements que l'UMP défend inlassablement devant vous. Je regrette que Jérôme Lambert n'ait pas eu la faculté de s'exprimer, puisque la pratique la plus courante sur les bancs de la majorité semble être plutôt le choix d'un silence réprobateur.
Plusieurs députés du groupe SRC. Et voilà !
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 2248 .
Il y a certainement beaucoup de députés UMP en commission, madame la présidente ; nous allons les rappeler immédiatement pour qu'ils viennent grossir nos rangs dans cet hémicycle.
Cet amendement vise l'article 448 du code civil concernant les fonctions de curateur et de tuteur. Bien entendu, il est défendu, étant dans le même esprit que les amendements précédents.
Je voudrais apporter à notre assemblée une information intéressante, que je dois au tweeto Onésim, qui nous entend peut-être. Il n'a rien d'un psychanalyste, mais il vient de signer en ligne la pétition lue tout à l'heure par Mme la ministre de la famille à l'Assemblée. Il est devenu le 1826ème signataire – il y a d'ailleurs un 1827ème signataire, dont le nom n'est pas tout à fait habituel ou usuel.
Il faut donc se méfier, madame la ministre, quand on appelle à son secours le nombre impressionnant de signataires d'une pétition, quand par ailleurs celle-là ne semble pas tout à fait sécurisée concernant les compétences des signataires qui peuvent s'y associer.
Je répète donc que la pétition que vous avez lue tout à l'heure a son poids ; elle est sans doute initiée par des gens qui sont compétents, cela ne fait pas de doute. Mais elle n'emporte pas la totalité du débat, elle ne supprime pas les contradicteurs et en plus, elle semblerait souffrir d'une sécurité informatique douteuse.
L'amendement est défendu, madame la présidente.
Pour en revenir à la suite de nos débats sur la filiation, et pour ceux qui suivent encore à cette heure tardive, nous en arrivons bientôt au meilleur. Si deux personnes de même sexe sont reconnues ensemble comme parents d'un même enfant, elles ne sont plus l'homme et la femme à l'origine de l'enfant – évidemment.
La filiation n'est plus définie en relation avec l'enfantement, qu'il soit réel ou symbolique, comme dans le cas de l'adoption. La filiation se retrouve dès lors réduite à une relation d'affection, d'amour, d'éducation, de culture, c'est-à-dire à autre chose que de la filiation biologique, bien évidemment.
Tout adulte investi dans le projet éducatif au sens large, qui intègre notamment les éléments affectifs, pourra alors réclamer la reconnaissance de sa qualité de parent. Puisqu'il ne sera pas possible de départager les différents candidats à la parenté, on allongera donc le nombre de parents.
On en revient ainsi à un commentaire fait par M. le rapporteur lors d'une précédente séance, qui semblait trouver acceptable de compter jusqu'à quatre parents. Pourquoi pas cinq ou six, puisque plusieurs personnes peuvent très bien se sentir investies d'une reconnaissance d'une qualité de parent, au sens éducatif du terme ?
Plusieurs députés du groupe SRC. Deux minutes !
Déjà ? C'est très court ! J'y reviendrai, madame la présidente, soyez sans crainte !
J'en reviens aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, car je n'avais pas achevé la lecture de la liste de ces grands principes.
L'ultime principe est cher à l'un de nos amis, notre collègue Hetzel, car il porte sur la reconnaissance des spécificités du droit alsacien mosellan.
Dans cette liste, il y a donc des choses très importantes, et d'autres qui le sont moins. Le mariage, évidemment, s'il figurait dans cette liste, ferait partie des choses les plus importantes.
Quelles sont les conditions, me direz-vous, posées par le Conseil constitutionnel pour être reconnu comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? Le principe doit tout d'abord présenter un caractère fondamental : cela est tout à fait majeur et, sans qu'il soit nécessaire de le démontrer, le mariage, l'union, le couple font partie de ces éléments à caractère fondamental.
Ce principe doit de plus être réaffirmé de façon constante par les lois républicaines avant l'adoption de la Constitution de 1946. On ne reconnaît plus de principe fondamental à partir de textes postérieurs à cette Constitution – vous notez, monsieur Le Borgn'? Je vous sens fatigué ! Il note, c'est bien.
Autre caractéristique : ce principe doit avoir été élaboré par une loi républicaine, on peut le comprendre. C'est le cas du code civil, élaboré au temps du Consulat ; s'il avait été adopté au temps de l'Empire, le problème se serait certainement posé différemment.
Telles sont les trois conditions qui sont à l'origine de la reconnaissance de ces principes.
Un député du groupe SRC. Aucun rapport avec le sujet !
Si, nous sommes dans le sujet ! Le sujet est de savoir si l'altérité homme-femme est la condition pour être reconnu comme principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Merci, monsieur Le Fur ; vous y reviendrez.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement n° 3859 .
Je rappelle que cet amendement porte toujours sur l'article 4, cet article balai créé par amendement, qui pose la question de l'altérité sexuelle puisqu'il entraîne la suppression des mots « père » et « mère » dans de nombreux articles.
Que dit le Conseil d'État dans son avis ? Je le relis : « Eu égard à la portée majeure d'un texte qui remet en cause un élément fondateur de l'institution du mariage, l'altérité des sexes, etc. »
Cela a vraiment une portée majeure. Pour quelle raison ? Je vais reposer la question, qui encore une fois peut paraître absurde, du mariage à plus de deux personnes. Le premier à l'avoir posée est notre collègue Hervé Mariton, lors de l'examen des lois de bioéthique.
J'ai posé cette question lors des auditions à différents militants favorables à cette loi, je l'ai posée en commission des lois, je l'ai posée aux ministres, et maintenant je la pose à vous tous, mes chers collègues, et si l'un d'entre vous a la réponse, cela nous intéresserait. Cette question est simple : à partir du moment où l'on ne fonde pas le mariage sur l'altérité sexuelle, c'est-à-dire une femme et un homme ou un homme et une femme, qu'est-ce qui empêchera trois personnes de se marier ? Rien.
En effet, si cela n'a pour but que de répondre à des désirs d'adultes, à la capacité à s'aimer mutuellement et à élever un enfant, rien ne l'empêchera.
Je n'aborderai pas le sujet de la polygamie, parce que cela serait un dérapage, et je ne souhaite surtout pas aller sur ce terrain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Non, parce que ce n'est pas la question !
Un député du groupe SRC. On s'égare !
Je me limite à trois personnes – trois hommes ou trois femmes, ou encore des bisexuels qui aiment à la fois un homme et une femme.
Encore une fois, cette question se pose, et la seule réponse que j'ai obtenue, d'ailleurs passionnante, vient de notre collègue Roman, qui dit qu'un mariage se fait avec deux personnes puisqu'on a écrit le mot « deux ». D'accord, c'est une bonne réponse ; mais pourquoi écrivez-vous « deux », et pourquoi pas plus ?
Non, je n'ai pas posé la question de l'inceste, même si elle a été posée par des psychanalystes. Moi, je ne l'ai pas posée.
Et je ne parle pas non plus de polygamie, mais de trois personnes. Si vous le permettez, madame la présidente…
Défavorable.
Je suis atterré d'entendre les ricanements de la majorité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) C'est vraiment déplorable !
Nous sommes actuellement en train de discuter d'un sujet majeur, et vous ricanez : c'est dramatique ! Vous rendez-vous compte de la situation ?
Aujourd'hui, l'honneur des orateurs du groupe UMP, c'est qu'ils posent de vraies questions. Vous, en revanche, que faites-vous ? Une chape de plomb pèse sur vous, et vous devez respecter le contrat, car vous avez un pistolet braqué sur votre tempe, qui vous rend incapables de prendre votre liberté de vote.
Je veux rendre hommage à Mme Laclais qui a le courage de s'affranchir de cela, ainsi qu'à M. Jérôme Lambert. On peut les applaudir car ils ont vraiment des convictions, ils vont jusqu'au bout et je pense qu'ils font honneur à notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames, messieurs de la majorité, continuez à ricaner, le peuple de France va continuer à se lever. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Je félicite l'ensemble de l'équipe qui organise la Manif pour tous. Nous aurons bien évidemment rendez-vous le 24 mars, à Paris. Je pense que vous ricanerez un peu moins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes, pour réunir mon groupe.
Article 4
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à trois heures trente, est reprise à trois heures quarante.)
Article 4
Je suis saisie d'une série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n° 2252 .
Il s'agit toujours des curateurs et des tuteurs. Mon argumentation sera la même que pour l'article 409 du code civil. En effet, s'agissant de l'article 449, l'amendement-balai est sans objet.
Je voudrais poursuivre mon intervention de tout à l'heure sur la remise en cause de l'altérité sexuelle comme élément fondateur de l'institution du mariage, pour reprendre les propres termes de l'avis du Conseil d'État.
Nos compatriotes peuvent se demander ce que nous faisons, à trois heures quarante du matin (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste),…
…sur un texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe alors qu'il y a d'autres urgences économiques et sociales. (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Mais s'ils nous regardent, je suis sûr qu'ils seront intéressés de voir qu'un député qui demande aux ministres pourquoi on limite le mariage à deux personnes n'obtient aucune réponse. Pour ma part, j'estime que c'est l'altérité sexuelle, et je crois que la réponse que je donne est partagée par nombre de mes collègues.
L'altérité sexuelle, cela veut dire un homme et une femme.
Je comprends tout à fait que vous ne soyez pas d'accord avec cette réponse, mais, dans ce cas, expliquez-nous quelle est votre conception du mariage. Il ne s'agit pas d'un point anecdotique, et nous pouvons passer toute la nuit à en parler, car nous sommes vraiment au coeur du sujet.
Pour vous, il s'agit seulement de répondre à la demande sociétale d'un lobby ultraminoritaire.
Je crois que ce sujet renvoie à nos conceptions intimes, dont chacune est respectable. Il n'y a pas les bons d'un côté, et les méchants de l'autre. Je ne voudrais pas que ma vision soit taxée de réactionnaire ou de manichéenne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'ai seulement l'impression qu'il y a, d'un côté, ceux qui ont des conceptions, et de l'autre, ceux qui n'en ont pas.
Défavorable.
À cette heure tardive, ce qui apparaît cruellement, c'est le silence du groupe SRC, le silence du Gouvernement, le silence du rapporteur.
Sur un sujet majeur comme celui-ci, le débat aurait pu être d'un très bon niveau, comme vient de le dire M. Breton. Mais vous préférez l'esquive, le silence, sous l'autorité et la tutelle des commissaires politiques (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et écologiste) qui interdisent aux socialistes et aux écologistes de s'exprimer. Mais c'est habituel, on l'a déjà vécu.
Vous avez aussi beaucoup usé du mensonge pendant tout ce débat. Vous n'avez pas dit la vérité, ni sur la GPA ni sur la procréation médicalement assistée. Vous avez tellement menti que même le Président de la République et le Premier ministre ont dû jouer les arbitres. Vous mentiez tellement qu'il a fallu qu'une autorité dise la vérité.
S'agissant de la fameuse affaire du Conseil d'État, madame la garde des sceaux, dans un débat politique aussi lourd, c'est un peu comme dans un débat judiciaire, il faut appliquer quelques règles et quelques principes dont vous êtes totalement démunis. Et il en est un, c'est l'égalité des armes. Je suis persuadé que la décision du Conseil d'État contient toute une série d'éléments qui appellent l'attention sur les conséquences dommageables, incalculables et insoupçonnées des modifications que vous apportez au code civil. Je suis convaincu que la décision du Conseil d'État comprend des arguments forts et massue qui montrent que vous vous trompez juridiquement. Vous l'avez communiqué à votre famille politique, mais vous avez refusé de le donner à l'opposition. En cela, vous avez profondément tronqué le débat qui aurait pu être d'une très grande et très belle qualité.
Vous détruisez le code civil avec des manoeuvres et des artifices qui ne sont pas dignes de notre République et de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 112
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 29
Contre 83
Madame la présidente, je crois qu'au cours des derniers jours, déjà, le président Bartolone est intervenu en indiquant qu'il y avait une éthique dans cet hémicycle, et que cette éthique voulait que chacun d'entre nous se contente d'appuyer sur son propre bouton. Je viens à l'instant même de constater qu'un collègue n'avait pas respecté cette règle. Je trouve cela parfaitement regrettable, et je souhaiterais que, dorénavant, les choses soient claires et que chacun d'entre nous respecte scrupuleusement cette règle. Sinon, cela crée de la suspicion. Le président Bartolone a indiqué lui-même que, bien entendu, il y a une majorité et une minorité, mais nous nous devons d'être exemplaires : nous sommes la représentation nationale. Je vous demande d'indiquer à l'ensemble de nos collègues de respecter scrupuleusement cette règle, sans quoi il y a un problème d'exemplarité.
Je vous confirme qu'à quatre heures moins le quart, l'exemplarité doit être la même que le reste du temps.
Le Vert est tricheur par nature ! (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l'amendement n° 2258 .
Mon amendement porte sur l'article 454, madame la présidente, relatif aux curateurs et tuteurs. Je vois que M. de Rugy suit attentivement, je l'en remercie !
Je ne vais pas développer beaucoup, car c'est la même argumentation que le précédent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vois que M. Alauzet est impatient, et je vais combler son impatience. De nouveau, monsieur le rapporteur, l'amendement-balai est sans objet sur cet article : aucune des dispositions ne s'applique à lui. Viser l'article 454 ne sert donc à rien, ce qui crée un soupçon sur l'efficacité de cette méthode. L'amendement est ainsi défendu, madame la présidente.
Merci, madame la présidente. Je voudrais poursuivre mon propos sur la suppression des mots « père » et « mère » dans beaucoup d'articles de notre droit, ce qui constituait une négation de l'altérité sexuelle, une « remise en cause » comme le dit le Conseil d'État, avec cette question : pourquoi limiter le mariage à deux personnes ?
Vous savez qu'il y a maintenant un mot pour désigner le couple à trois : le mot « trouple ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Il y a d'ailleurs des sites à ce sujet, je vous invite à les visiter, comme trouple.fr qui dit ceci : « L'objet de ce site est de présenter l'amour à trois. Il s'agit de parler de sentiments. Le fait d'aimer deux personnes qui s'aiment aussi est une alternative à la norme des couples… ». Cela doit vous plaire…
Nous sommes dans un pays où c'est permis, nous sommes un pays de liberté. Cela fait rire Mme la ministre de la famille, Mme la ministre qui « fait famille »…
Vous êtes ridicule.
C'est votre rire qui est ridicule, madame la ministre. Quand vous dites « faire famille », comment direz-vous non à ces trouples qui demanderont à se marier – puisque eux aussi « font famille » ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est cela, la vraie question. Répondez, allez au fond des choses, nous attendons votre réponse.
Je comprends vos conceptions, je ne les partage pas et même je les combats, mais il faut que vous les exposiez et que vous répondiez. Nous avons une raison de dire qu'un mariage, c'est deux personnes, et même un homme et une femme, parce que nous le fondons sur l'altérité sexuelle.
Trois personnes qui s'aiment, nous le concevons parfaitement. Quand elles vont venir devant vous en disant : « Vous aurez nos voix si vous faites passer le mariage à trois », qu'allez-vous leur répondre ? Est-ce que vous allez reconnaître le mariage à trois ou est-ce que vous allez refuser ? Vous allez peut-être refuser en vous disant : « C'est une archi-minorité, ce n'est pas intéressant ! » Belle conception de la politique !
Nous, nous avons une autre conception. Votre silence est assourdissant. On voit bien que vous n'avez aucune conception du mariage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Votre temps de parole est largement dépassé, monsieur le député.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable.
Monsieur Binet, quand vous dites que les homosexuels font des enfants, vous justifiez la GPA, la PMA et toutes les dérives que mes collègues et moi combattons. Non, les couples homosexuels ne font pas d'enfants : ils peuvent accueillir ou élever des enfants, ils ne les font pas. Vous ne pouvez pas dire une chose pareille.
C'est extrêmement grave, et cela permet de pointer les divergences qu'il y a dans votre camp et qui ne cessent d'apparaître de façon éclatante depuis quelques jours. On le voit sur la gestation pour autrui : il y a des ministres qui sont pour, il y a des ministres qui sont contre, il y a des députés qui sont pour, il y a des députés qui sont contre. C'est vrai aussi pour la PMA.
Et il y a aussi un certain nombre de députés qui commencent à comprendre qu'aujourd'hui il est très facile d'aller à l'étranger : on va faire une PMA en Belgique, on revient en France, et avec votre projet de loi il y aura une double filiation définitive, verrouillée, si bien qu'on ne pourra plus jamais établir la filiation avec son père ou sa mère naturelle.
Idem pour la gestation pour autrui : votre circulaire, madame le ministre, que vous le vouliez ou non, encourage la GPA à l'étranger. C'est une reconnaissance de la gestation pour autrui en France quand elle est réalisée à l'étranger. Là aussi, il sera très facile d'aller sur Internet, de commander une mère porteuse aux États-Unis, puis de revenir en France : par le mariage, on pourra verrouiller la filiation des deux côtés.
Tout cela est extrêmement grave et vous avez tort de le prendre avec le sourire ou avec désinvolture, comme vous le faites depuis le début.
Vous n'avez pas voulu de référendum, vous n'avez pas voulu de débat dans le pays, parce que s'il y a un consensus sur la nécessité de mieux reconnaître les couples homosexuels, s'il y a un consensus pour mieux garantir les droits des enfants qui sont élevés dans des familles homosexuelles, il n'y a pas de consensus pour mettre en place ce que vous mettez en place, c'est-à-dire la coupure définitive avec le père ou la mère naturels.
Eh oui, madame Bertinotti, comment osez-vous vous présenter devant nous alors que vous préparez un avant-projet de loi sur la famille ? Il aurait fallu avoir un débat global.
Cela vous fait sourire, mais c'est du mauvais travail. Nous ne légiférons pas dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 134
Majorité absolue 68
Pour l'adoption 39
Contre 95
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 7 février 2013, à trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron