La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, nous avons appris, en fin de matinée, qu’un attentat venait d’endeuiller Tunis ; il a été perpétré dans les locaux du musée du Bardo, qui jouxte le Parlement. Il semblerait que l’on déplore, hélas !, plusieurs victimes, dont certainement l’un de nos compatriotes.
Je reçois cet après-midi le ministre tunisien des affaires étrangères, auquel j’exprimerai bien entendu la solidarité de la représentation nationale. D’ores et déjà, je tiens, en votre nom, à faire part de notre très vive émotion, à nous associer à la douleur des familles et à assurer les autorités tunisiennes et le peuple tunisien de notre solidarité.
Je suis heureux de souhaiter en votre nom – la transition est toute trouvée compte tenu du prix payé au terrorisme par le Mali – la bienvenue à M. Issaka Sidibe, président de l’Assemblée nationale de la République du Mali.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement sur des sujets européens.
La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d’État aux affaires européennes, la France déficitaire est aujourd’hui sous surveillance. Votre gestion catastrophique a fait de notre pays l’un des mauvais élèves de l’Europe. Nos partenaires viennent de vous accorder, en renâclant, deux ans supplémentaires pour ramener le déficit public à 3 % du produit intérieur brut.
Le candidat Hollande avait promis aux Français ce résultat pour 2013. Mensonge ! L’échéance est reportée de quatre ans !
Ces délais successifs ne sont pas des victoires. Ils traduisent votre échec et affaiblissent gravement l’image de la France en Europe.
Tout le monde vous invitait à réagir, à commencer par Didier Migaud et la Cour des comptes. Tous les pays européens ont fait des économies, des réformes structurelles, ont modernisé le droit du travail, avec des résultats positifs pour l’emploi. La France, elle, esquive encore, et le chômage continue d’augmenter. Il atteint aujourd’hui le taux record – le plus élevé depuis 17 ans ! – de 10,4 %. En Autriche et en Allemagne, il est de moins de 5 %, et même l’Espagne et l’Irlande ont vu leur courbe du chômage s’inverser en 2014.
Écoutez donc votre ancien ministre des finances, Pierre Moscovici, aujourd’hui commissaire européen,…
…lorsqu’il affirme : « La France ne peut avoir un tel niveau de déficit. (…) Elle doit réformer le marché du travail. »
Alors, pouvez-vous nous dire où vous allez trouver les 4 milliards d’économies que vous vous êtes engagés à faire ? Attendrez-vous l’après-cantonales pour les mauvaises surprises ? Nous espérons que ce ne sera pas l’impôt ou la baisse des prestations sociales ! Et si vous engagez des économies budgétaires, lesquelles ?
Moins de discours fébriles pour tenter de sauver le PS,…
…plus d’actes concrets pour le redressement des comptes publics et l’emploi : voilà ce que les Français attendent de vous !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, la fébrilité, tout le monde doit l’éviter, en particulier en période électorale. Alors, quand j’entends un ancien Président de la République, un soir de campagne électorale, annoncer qu’il existerait je ne sais quel paquet caché d’augmentations d’impôts : ce n’est pas parce que cela a été fait par le passé que nous allons le refaire aujourd’hui !
Les 4 milliards dont vous parlez, de quoi s’agit-il ? D’économies que nous devons faire. Pourquoi ? Parce que la France l’a décidé : votre assemblée a voté un programme de 21 milliards d’économies pour 2015. Nous devons atteindre cet objectif, et nous l’atteindrons.
Je n’entrerai pas dans les détails ; je dirai simplement que compte tenu de l’inflation extrêmement faible, il y a un certain nombre d’économies que nous ne ferons pas, mais que nous allons compenser par d’autres économies pour 4 milliards.
Il n’est en tout cas absolument pas question d’augmenter le montant des impôts pour faire face à cette demande convergente de la Commission et de nous-mêmes.
Car, et c’est là mon deuxième commentaire, la recommandation de la Commission, adoptée par le Conseil – c’est-à-dire par l’ensemble des ministres des finances, dont je suis –, avec exigence, mais parce que c’était nécessaire, nous demande d’atteindre un niveau de déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2017. Or qu’avez-vous adopté ici même, dans cet hémicycle, au moins de décembre, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques ? Une trajectoire qui ramènera le déficit public en dessous de 3 % du PIB en 2017 !
Ce que je veux souligner, devant vous et devant l’ensemble des Français, c’est qu’il n’y a pas d’un côté une Commission qui imposerait et de l’autre une France qui se verrait imposer. Non, il y a la France qui décide et la Commission qui recommande – et les deux vont dans le même sens !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Olivier Véran, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen, que je salue particulièrement à l’occasion de cette question.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, à l’occasion de cette séance consacrée aux questions européennes, notre groupe souhaite faire le point sur les dernières mesures portées par notre pays. La réorientation européenne était pour nous une nécessité, et nous avons su nous faire entendre de nos partenaires – certes, pas sur tout, mais nous ne sommes pas seuls au monde, et les accords ne se font pas sans discussions ni compromis entre États souverains.
Nous voulions que la BCE se montre moins dogmatique dans ses positionnements. Elle a su évoluer, et l’influence de la France dans le lancement du programme de rachat de 1 100 milliards d’euros de dette publique est sans équivoque. Et, grâce à la décision de la BCE de baisser ses taux d’intérêt, les coûts des crédits accordés aux particuliers et aux entreprises diminuent. C’est un important facteur de relance pour notre industrie.
La fin de l’euro cher, lequel pénalisait l’emploi, l’industrie et la compétitivité, a été également défendue par la France et nombre de pays européens, en phase avec la démarche engagée par le Président de la République. Avec une baisse de près de 25 % en un an, l’euro est maintenant à sa juste valeur, ce qui permet d’alimenter la reprise économique.
Enfin, le plan de relance européen montre que les membres de l’Union ne se satisfont pas d’une Europe dont l’orthodoxie financière serait le seul horizon. Ils veulent, au contraire, réaffirmer son rôle moteur avec la réalisation d’infrastructures et le lancement de grands projets – on pense bien sûr à la transition écologique ou au numérique. Grâce à l’engagement de la France, ce sont 315 milliards d’euros qui seront investis pour l’avenir.
La préservation d’un équilibre entre réduction des déficits et protection de la croissance était une exigence partagée par nombre de pays, au premier rang desquels la France. Nous sommes sur la bonne voie.
Mes chers collègues, depuis bientôt trois ans, la méthode française porte ses fruits, et nous devons tous, ici, nous en réjouir. Les premiers résultats sont indéniables.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelles seront les prochaines étapes de la réorientation de la politique européenne ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.
Je vous remercie, monsieur le député Olivier Véran, pour cette question qui montre votre engagement en matière européenne.
La priorité, c’est de poursuivre notre action en soutien à la croissance, à l’emploi et à l’investissement en France et en Europe, et donc de nous assurer de la mise en oeuvre effective du plan Juncker.
La semaine dernière, le vice-président de la Commission européenne en charge de ce plan de soutien aux investissements, M. Jyrki Katainen, était en France. Je l’ai accompagné moi-même à Marseille, et j’ai pu constater, en rencontrant les élus des Bouches-du-Rhône, à quel point on attend de ce plan, dans ce département comme dans tous les autres, qu’il permette de financer des projets d’aménagement urbain, des projets relatifs à l’énergie et des actions de soutien aux petites et moyennes entreprises innovantes.
C’est pourquoi le Conseil des ministres, à Bruxelles, a validé le 10 mars le règlement qui en est la base législative et permettra la mise en place du Fonds européen pour les investissements stratégiques. Nous attendons maintenant que le Parlement européen, dont j’ai rencontré hier les rapporteurs à Bruxelles, adopte à son tour ce texte.
La Banque européenne d’investissement devrait, quant à elle, élaborer dès le mois d’avril les préfinancements pour de premiers projets. Le Président de la République a décidé que la France fournirait, via la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance, un financement complémentaire de 8 milliards d’euros pour soutenir les projets présentés en France par des entreprises et des régions. Il pourra s’agir d’infrastructures – comme la liaison entre Paris et l’aéroport Charles de Gaulle –, de programmes d’isolation thermique ou de projets dans le domaine du numérique.
Nous voulons par ailleurs que tout le soutien nécessaire soit apporté à la Banque centrale européenne, dont l’action, vous l’avez dit, a conduit à faire baisser l’euro, mais aussi, grâce à l’injection de liquidités, à rendre plus nombreux les prêts bancaires accordés aux entreprises.
Enfin, nous voulons que soit lancée l’Union de l’énergie.
Tels sont les sujets à l’ordre du jour du Conseil européen, demain : assurer la sécurité énergétique de l’Europe, investir dans les interconnexions, faire en sorte que l’Europe assume ses responsabilités en matière de changement climatique. Voilà nos priorités pour le soutien à la croissance et à l’emploi.
La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, le 20 février dernier, l’Eurogroupe a approuvé le prolongement, jusqu’au 30 juin 2015, de l’accord-cadre d’assistance à la Grèce avec, comme double objectif, que la mission de suivi de la Troïka – Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Commission européenne – parvienne à une conclusion positive et que soient évaluées les modalités d’un éventuel arrangement de suivi, c’est-à-dire la possibilité de nouvelles facilités de prêts. Le 9 mars dernier, l’Eurogroupe, qui avait reçu du gouvernement grec un programme de réformes, a indiqué ouvrir des discussions à ce propos.
Depuis lors, le Premier ministre grec a conclu, avec le secrétaire général de l’OCDE, un partenariat sur la mise en place de réformes importantes, tant dans le domaine de la fiscalité que dans celui de la concurrence. Par ailleurs, les représentants du trio institutionnel, de l’action duquel le Parlement européen vient de dresser, dans un rapport, un bilan édifiant mais aussi accablant, vient de reprendre des contacts avec le gouvernement d’Athènes, qui est en butte, depuis son élection, à de graves fuites de capitaux. Nous apprenons aussi, à travers les médias, que les dirigeants grecs et allemands s’opposent sur de nombreux sujets. Le dernier rebondissement serait une demande formulée par le Grèce d’un remboursement par l’Allemagne des dommages de guerre qui lui seraient dus.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que vous puissiez nous préciser les discussions en cours avec la Grèce, ainsi que les prochaines étapes, la Grèce devant bientôt faire face à plusieurs importantes échéances de remboursement. Monsieur le secrétaire d’État, une restructuration de la dette grecque est-elle envisageable ? Sinon, quelles propositions la France peut-elle formuler pour éviter une nouvelle crise dans la zone euro ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Monsieur le député Jérôme Lambert, le nouveau gouvernement grec a demandé, à son arrivée au pouvoir, que le cadre des relations entre la Grèce, ses partenaires européens et le FMI, qui avait été agréé par le gouvernement précédent, soit modifié sur un certain nombre de points. Dans le même temps, il était tout aussi légitime de prendre en compte les accords passés et les demandes des autres gouvernements de la zone euro – eux aussi, doivent des comptes à leurs propres électeurs et à leurs contribuables. L’Eurogroupe du 20 février a défini un cadre pour les discussions qui auront lieu au cours des prochains mois entre le gouvernement grec et ses partenaires, avec un calendrier précis et une méthode de travail. Celle-ci repose sur un travail conjoint des institutions européennes – Commission européenne et Banque centrale européenne –, du FMI et des autorités grecques, au sein du groupe de Bruxelles, avec l’appui d’équipes à Athènes qui examinent les questions techniques. L’OCDE pourrait y contribuer.
Le calendrier doit permettre de procéder par étapes. D’ici à la fin du mois d’avril, dans le cadre de l’arrangement financier existant entre la Grèce et ses partenaires, il faut définir et mettre en oeuvre les réformes qui rendront possible, vous y avez fait allusion, le déblocage des sommes encore disponibles dans le programme actuel. Cela permettra un travail conjoint d’ici à la fin du mois de juin en vue de parvenir à un nouveau contrat entre la Grèce et ses partenaires et d’accompagner le redressement économique du pays.
C’est alors, et seulement dans ce cadre, que les questions liées à la dette grecque seront abordées. Je n’ai pas besoin de vous rappeler la position française : on peut discuter un allégement du poids de la dette grecque, mais il ne peut y avoir d’annulation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, depuis le 1er janvier 2015, les entreprises d’outre-mer sont inquiètes. Elles sont en effet plongées dans une grande insécurité juridique, du fait de l’application nouvelle d’un texte de la Commission européenne intitulé « règlement général d’exemption par catégories », ou RGEC.
Le RGEC permet aux États membres de ne plus notifier les aides d’État à la Commission européenne au préalable, dès lors que leur intensité reste inférieure à un certain montant. Or la rédaction de ce texte comporte désormais d’importantes ambiguïtés, qui placent les aides d’État des DOM dans une situation d’illégalité au regard du droit communautaire.
La question est importante, monsieur le ministre, car tous les dispositifs de soutien à l’activité économique outre-mer sont affectés : octroi de mer, défiscalisation, crédit d’impôt compétitivité emploi renforcé, aide au fret, TVA, zones franches, exonérations de cotisations sociales, etc. L’outre-mer risque d’essuyer un tsunami économique, qui touchera aussi bien les secteurs des transports, de l’énergie, de l’agriculture ou de la pêche.
Je sais que la France a obtenu des assurances de Bruxelles, et même une « lettre de confort » – laquelle ne dit rien, par ailleurs, des plafonds retenus par le RGEC pour les aides de fonctionnement. Mais, monsieur le ministre, vous comprendrez que les entreprises d’outre-mer ne peuvent se satisfaire de voir la Commission européenne fermer les yeux sur le sujet ; elles ne peuvent non plus se contenter d’une entente ponctuelle avec la France.
Ce qui est nécessaire, c’est d’obtenir de la commission une modification du RGEC pour prendre en compte, dans son texte même, un critère supplémentaire dans la liste des plafonds. Les entreprises d’outre-mer ne peuvent en effet se développer sur la base d’un compromis de circonstance, temporaire ; elles ont besoin d’engagements et de textes clairs de la Commission européenne.
Monsieur le député, vous avez évoqué la situation des entreprises d’outre-mer vis-à-vis des aides d’État qui leur permettent de compenser les handicaps liés notamment à l’insularité et à l’étroitesse des marchés. Vous avez également évoqué le fait que ces régimes doivent être compatibles avec le règlement général d’exemption par catégorie, ou RGEC. Comme vous l’avez signalé, un certain nombre de dispositions de ce règlement semblent difficilement applicables aux outre-mer. Nous en sommes conscients, et nous sommes d’accord avec vous sur le fait qu’il faudra réviser ce RGEC pour mieux prendre en compte la situation des outre-mer.
Mais, vous le savez, ce processus sera long. En attendant, nous poursuivons le dialogue avec la Commission européenne, afin de prendre en compte les spécificités des outre-mer. C’est la démarche que nous privilégions aujourd’hui. Nous avons d’ailleurs obtenu un certain nombre de décisions très positives : par exemple, l’aide à l’investissement dans le logement social est validée, de même que le dispositif d’aide à l’investissement productif ; les dispositifs d’aide au fonctionnement auxquels sont éligibles les entreprises d’outre-mer sont adossés au RGEC. Nous avons donc le sentiment de progresser.
La situation est très différente de celle de 2007, quand les aides ont été interrompues faute d’approbation communautaire, et ont dû être remboursées pendant une certaine période. Nous avançons, tout en étant conscients qu’il reste des progrès à accomplir. C’est pourquoi nous nous sommes mis au travail, pour lever toutes les inquiétudes que peuvent encore nourrir les entreprises d’outre-mer à ce sujet. Je crois que le dialogue que nous menons est de bonne qualité ; nous espérons que vos inquiétudes s’avéreront infondées !
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mesdames et messieurs les ministres, nous avons souvent dit notre satisfaction de voir des entreprises s’installer ou se développer dans nos territoires, et créer des emplois non délocalisables. Vous savez que nous avons besoin, en France, de ces entreprises dont le carnet de commandes ne peut se remplir que par la proximité. Les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics sont de celles-là.
Mais une triste réalité se cache derrière cette branche professionnelle en grande difficulté. C’est d’abord la triste réalité des travailleurs détachés. Certes, l’activité de ces entreprises, en tant que telle, n’est pas délocalisable, mais des travailleurs étrangers, européens, viennent de plus en plus nombreux sur les chantiers. Ils n’ont pas les mêmes droits, pas les mêmes formations, pas les mêmes devoirs que les travailleurs nationaux et, pour eux, les cotisations sociales sont parfois très inférieures, car ce sont celles du pays d’origine qui s’appliquent.
À cela s’ajoutent deux phénomènes qui précarisent encore plus les entreprises, notamment celles des travaux publics, qui dépendent à 70 % de la commande publique. D’abord, la baisse drastique des dotations des collectivités territoriales, qui hésitent de ce fait à engager des investissements. Ensuite, la réforme des collectivités territoriales, qui suspendent leurs projets en attendant de savoir clairement quelles seront leurs compétences.
Le secteur des travaux publics enregistre, en Champagne-Ardenne, dix fois moins de commandes à moyen terme qu’à l’ordinaire. Mesdames et messieurs les ministres, ces entreprises expriment actuellement une grande angoisse. Leurs salariés ont manifesté et vous ont alerté. Un secteur entier s’effondre sous nos yeux, avec des milliers d’emplois et d’apprentis. Les mesurettes que vous avez prises jusqu’à présent n’ont eu aucun effet.
Quelles sont vos orientations au niveau national pour soutenir concrètement ce secteur en danger ? Que comptez-vous faire auprès de nos partenaires européens, notamment sur la question des travailleurs détachés, pour sauver ces emplois en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la députée, vous avez évoqué, au début de votre question, un sujet majeur, qui touche au respect des lois en matière de détachement des travailleurs. Vous savez très bien qu’il y a en France, depuis le début des années 2000, une explosion du nombre de travailleurs détachés. Le détachement légal de travailleurs ne constitue pas, en soi, un problème.
Le problème auquel nous sommes confrontés, en réalité, c’est le travail détaché illégal, non déclaré. Je pense, madame la députée, que c’est bien cela que vous évoquiez. En soi, le détachement de travailleurs n’est pas répréhensible. Il y a actuellement un peu plus de 300 000 travailleurs détachés en France,…
…et environ 300 000 travailleurs français détachés à l’étranger.
Le Gouvernement a déjà pris des mesures pour lutter contre le travail détaché illégal : j’aurai l’occasion de le dire tout à l’heure en répondant à l’une de vos collègues.
Vous avez également lié, madame la députée, ce phénomène avec les difficultés que rencontrent les entreprises du secteur des travaux publics, difficultés que le Gouvernement ne nie pas.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Le Premier ministre est actuellement en déplacement : il parcourt la France pour signer des contrats de plan qui répondent, précisément, à vos attentes. Il est nécessaire de poursuivre les investissements, qui sont indispensables à notre pays. J’ai confiance dans la renaissance de ce secteur, grâce notamment à ces contrats de plan.
Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.
Zéro applaudissements pour M. Rebsamen !
Je tiens d’abord à mon tour à témoigner ma solidarité au peuple tunisien et aux familles des victimes de l’épouvantable attentat qui vient d’avoir lieu au musée du Bardo.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
Ma question s’adresse à Mme Annick Girardin. Madame la secrétaire d’État, vous revenez de la conférence de l’ONU sur les risques climatiques qui s’est tenue à Sendai au Japon, pays fortement touché par le tsunami de 2011 et par Fukushima. Les experts de l’ONU l’assurent : à cause du changement climatique, les catastrophes naturelles surviennent plus fréquemment et font plus de dégâts, notamment dans les zones insulaires ou d’urbanisation rapide.
Les habitants de l’archipel des Vanuatu, pays parmi les plus pauvres du monde, viennent d’en faire la douloureuse expérience, avec un cyclone particulièrement dévastateur. Menacées par la montée des eaux et la salinisation des terres, ces îles, comme les Sundarbans dans le golfe du Bengale, subissent de plein fouet le dérèglement climatique, qui nous affecte directement aussi. Mais la capacité d’intervention n’est pas la même que l’on soit un pays riche ou un pays pauvre. Si rien n’est fait, les impacts du réchauffement dans les pays pauvres seront démultipliés et les populations fragilisées viendront grossir les rangs des réfugiés climatiques.
Ces enjeux fondamentaux seront à l’ordre du jour de la conférence d’Addis-Abeba en juillet prochain, qui doit réussir pour que celle de Paris soit conclusive. Terrible paradoxe : ce sont les populations qui n’ont pas bénéficié des retombées de la croissance effrénée qui en paient aujourd’hui le prix fort. La justice en matière de changement climatique, comme en matière fiscale, a encore beaucoup à faire.
Alors que 2015 est à la fois l’année européenne du développement et l’année où la France accueillera la conférence mondiale sur le climat, quelles réponses pouvons-nous apporter à l’échelle nationale et à celle de l’Union européenne afin d’établir une véritable équité ? Des fonds pourront-ils être dégagés pour prévenir les risques et les anticiper, plutôt que d’attendre que le pire soit advenu ? Comment comptez-vous mettre en place concrètement la solidarité climatique indispensable au succès de la COP21 ?
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie.
Madame la députée, je tiens à témoigner à nouveau de notre solidarité avec le Vanuatu. Conformément aux annonces du Président de la République, nous nous sommes mobilisés en envoyant des forces, des hommes et du matériel dans l’archipel.
Le cyclone Pam est le plus terrible que l’on ait connu dans le Pacifique. Or il pourrait n’offrir qu’un aperçu d’un monde dans lequel la température moyenne aurait augmenté de quatre degré. C’est en effet ce qui nous attend si nous ne nous mobilisons pas tous et si nous n’agissons pas suffisamment vite.
Agir, c’est quoi ? C’est trouver un accord à Paris en décembre 2015 pour remettre l’humanité sur la trajectoire des deux degrés. Nous éviterons ainsi au maximum les dérèglements climatiques, notamment la recrudescence des catastrophes climatiques. Agir, c’est adopter les objectifs du développement durable lors du sommet spécial qui se tiendra à New York, car le lien entre climat et développement n’est plus à faire. Vous l’avez dit vous-même, madame la députée : malheureusement, ce sont toujours les mêmes qui sont les plus touchés. Agir, c’est alimenter le Fonds vert pour le climat, mais aussi trouver des financements pour Addis-Abeba.
Lors de ces grands rendez-vous internationaux, l’Union européenne doit parler d’une seule voix, celle de la solidarité internationale. Mais nous ne pouvons nous contenter d’aller de réunion en réunion ; il faut également répondre par des actions et des projets concrets. Ainsi, avec Laurent Fabius, à Sendai au Japon, nous avons proposé il y a quelques jours de mobiliser nos technologies en faveur d’un système simple d’alerte climatique d’urgence, destiné à avertir du danger les habitants des territoires les plus fragiles. Je tiens à dire que la solidarité climatique passe par l’écoute de tous et surtout par l’effort des plus forts en faveur des plus faibles.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Les modalités des aides de l’Union européenne à la politique agricole commune – la PAC – connaissent de très nombreux changements cette année. La date pour le dépôt des déclarations, fixée au 15 mai, vient d’être repoussée au 9 juin. Afin d’assurer la cohérence des déclarations, vous avez, certes, annoncé la mise en place de comités de suivi dans chaque département, sous l’égide des préfets. Cependant, c’est encore plus de complexité pour nos exploitants. Par exemple, les modalités de déclaration des haies posent de vraies difficultés, notamment en Normandie. Pour les exploitations comportant plusieurs kilomètres, voire plusieurs dizaines de kilomètres de haies, le relevé devient impossible, et ce d’autant plus que l’ensemble des linéaires doit être cartographie avant le 9 juin.
Par ailleurs, les exploitants n’ont pas le choix. Ils doivent mentionner et référencer l’ensemble des haies de leur exploitation, y compris celles dont ils ne sont que locataires.
Ce sont également, encore et toujours, des interrogations sans réponse pour nos agriculteurs. Par exemple, des problèmes techniques d’application des textes perdurent. Les droits à paiement unique détenus par un fermier cédant ne peuvent être transmis à un jeune agriculteur qui reprend ces mêmes parcelles en fermage, ce qui pose la question de la viabilité des projets d’installation. De plus, pour les groupements agricoles d’exploitation en commun – les GAEC –, l’absence de circulaire permettant de ne pas être pénalisé par la notion de distorsion de concurrence est vivement regrettée par la profession agricole.
Monsieur le ministre, ce grand brouillard réglementaire provoque une réelle angoisse dans les territoires ruraux. J’ai donc deux questions à vous poser. Premièrement, un cadre clair, précis et applicable à toutes les déclarations PAC peut-il être établi et rendu public avant la date de dépôt des premières déclarations, le 27 avril prochain ? Deuxièmement, pouvez-vous rendre la réglementation plus simple et plus souple, de façon à la rendre intelligente et acceptable ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, vous avez évoqué les déclarations de la politique agricole commune et les changements qui ont eu lieu. Pour y faire face, vous avez rappelé, à juste titre, que nous avons instauré un dispositif qui rassemble, département par département, l’administration, les chambres d’agriculture, les centres de gestion, ainsi que les organisations professionnelles agricoles. L’objectif est d’assurer la cohérence de l’application de ce dispositif et de faire en sorte que les interlocuteurs des agriculteurs disposent du même niveau d’information. Dès la fin du mois, nous apporterons les réponses à toutes les questions techniques pour que les déclarations puissent être faites, compte tenu du retard que vous évoquez.
Pourquoi ce retard ? Je rappelle qu’en 2014, nous avons eu à subir pendant six mois l’apurement européen pour des aides versées entre 2006 et 2008, puis entre 2008 et 2012.
Ensuite, nous avons été obligés de négocier la nouvelle cartographie, qui nous impose de modifier un certains nombre de choses. Les agriculteurs seront aidés et soutenus par les comités d’appui pour réussir leur déclaration. J’ai parfaitement mesuré les difficultés.
Je rappelle que nous avions le choix d’intégrer ou non les haies dans les surfaces donnant lieu à des primes.
En outre, je rappelle qu’il fallait répondre à la question de l’intégration ou non des haies dans le calcul des surfaces donnant lieu au versement de primes. Dès lors qu’il m’a été demandé de les intégrer – et ce choix est juste –, nous sommes obligés de les définir préalablement. C’est ce que nous allons faire, avec cohérence, sérénité et détermination.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
La parole est à Mme Maud Olivier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je voudrais d’abord exprimer toute la solidarité du groupe SRC à l’égard de nos amis tunisiens à l’occasion du drame qu’ils viennent de vivre.
Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social,…
…l’Union européenne peut être un espace de développement économique et d’intensification des échanges favorable au développement de la croissance et de l’emploi. Mais notre combat pour l’emploi doit aussi passer par la lutte contre la fraude et les détachements illégaux.
Aussi le Gouvernement français s’est-il battu pour obtenir que l’Union européenne consacre des moyens à la lutte contre le détachement illégal de travailleurs, notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports. Grâce à la proposition de loi portée par notre collègue Gilles Savary, nous avons renforcé les contrôles ainsi que les sanctions. De plus, pour mettre fin à la concurrence déloyale, le projet de loi pour la croissance et l’activité impose aux transporteurs routiers étrangers qui effectuent des opérations de cabotage, le respect des mêmes règles sociales que les transporteurs français, ainsi que celui du SMIC.
Les transporteurs étrangers qui font travailler en France des chauffeurs sans fournir l’attestation requise pourront donc être poursuivis pour travail illégal. Les contrôles seront renforcés. La fédération CGT des Transports, ainsi que les organisations professionnelles, ont salué cette avancée révolutionnaire.
L’Europe est une chance et doit le rester. C’est pourquoi nous devons encadrer certaines pratiques pour que le travail reste, en France, protégé par des règles claires. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles actions le Gouvernement, en coordination avec l’Union européenne, continue de mener en vue de mettre fin à la concurrence déloyale et pour protéger les emplois en France ?
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la députée, vous connaissez la détermination du Gouvernement à lutter contre les pratiques abusives en matière de détachement de salariés et contre le travail illégal. Le Premier ministre a d’ailleurs présidé la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, afin de prendre un certain nombre d’engagements. Ces engagements se sont traduits dans les faits puisque le Gouvernement a déposé un amendement au projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, afin de lutter contre le cabotage dans le secteur des transports dans le cadre de l’extension de la directive européenne. Cet amendement a été adopté par l’Assemblée nationale.
Votre groupe, madame la députée, s’est fortement engagé derrière le député Gilles Savary qui a fait adopter – je l’avais moi-même défendue – une proposition de loi en la matière. Actuellement en cours d’examen par le Conseil d’État, le décret d’application sera signé au début du mois d’avril.
Par ailleurs, plusieurs mesures ont été prises : l’augmentation sensible du montant de l’amende administrative, porté à 500 000 euros, la responsabilité du donneur d’ordres que nous voulons établir vis-à-vis des sous-traitants, et la possibilité, que j’ai évoquée ce matin avec les préfets, de suspendre – vous m’entendez bien, suspendre – une prestation de service international dès lors que la fraude est avérée.
Et j’ai pris une décision,…
Sourires.
…qui a été validée et qui figure dans ce même texte : l’extension de la carte d’identité professionnelle, réclamée depuis plus de dix ans par le secteur du bâtiment. Vous auriez dû prendre cette décision mais vous ne l’avez pas fait. J’ajoute que les contrôles sont désormais sérieusement renforcés.
Sourires.
Sur le territoire national, 30 000 contrôles seront en effet effectués sur 500 grands chantiers qui sont aujourd’hui identifiés.
Vous le voyez, nous luttons contre le travail illégal, tout à la fois pour assurer des conditions dignes aux salariés et pour aider les entreprises qui, elles, respectent la loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Au nom du groupe UDI, je veux adresser une pensée particulière et exprimer notre solidarité au peuple tunisien face au drame auquel il se trouve aujourd’hui confronté.
Monsieur le ministre de l’agriculture, je voudrais revenir sur les questions de la politique agricole commune, car je ne suis pas satisfait de la réponse qui vient d’être donnée à l’instant à notre collègue Véronique Louwagie. Monsieur le ministre, depuis sa création, la politique agricole commune est devenue, pour les agriculteurs, de plus en plus complexe. Nombreux sont ceux qui dénoncent aujourd’hui un système opaque, dans lequel les versements des aides aux agriculteurs est conditionné au respect de critères toujours plus compliqués.
Le verdissement de la PAC est louable et l’on comprend très bien l’objectif de concilier les enjeux économiques comme environnementaux de l’agriculture. Encore faut-il simplifier la vie de nos agriculteurs quant aux déclarations.
Je voudrais prendre quelques exemples, puisque ces déclarations devront être remplies à partir du 27 avril prochain. En premier lieu, s’agissant des prairies, les nouvelles mesures vont figer et fragiliser des exploitations, tant dans leurs pratiques agricoles que dans leurs modèles économiques.
Autre exemple : les déclarations des haies et des surfaces bocagères risquent, monsieur le ministre, d’entraîner, un cortège d’interrogations et d’inquiétudes, au vu de la pesanteur du système comme de l’absence de définition réglementaire claire.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est double et complémentaire de celle qui vient d’être posée. Quelles solutions comptez-vous privilégier afin de simplifier les dispositions devant entrer en vigueur cette année ? Pourquoi ne pas profiter de cette réforme de la PAC pour honorer la promesse d’une simplification normative tant attendue par les agriculteurs ? Soyons des acteurs de la simplification de la vie nos agriculteurs et de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, je réponds aux questions que vous m’avez posées. S’agissant des haies, il faut que nous nous mettions d’accord : si nous ne les avions pas intégrées dans les surface éligibles aux aides, les agriculteurs auraient eu intérêt à les arracher. Est-ce ce que vous souhaitiez ? Si c’est le cas, dites-le afin de simplifier les choses : il suffit d’arracher les haies. Les agriculteurs eux-mêmes ont demandé à garder les haies. Dans la mesure où ils ont obtenu satisfaction, elles sont intégrées dans les surfaces éligibles. La logique veut, dans ces conditions, que nous puissions dire à l’Europe que les haies qui ont été intégrées sont cartographiées. Monsieur le député, c’est aussi simple que cela : ne cherchez donc pas à compliquer ce qui l’est déjà assez.
S’agissant des prairies permanentes, que vous avez évoquées, il faut, là aussi, être précis s’agissant des déclarations faites par les agriculteurs. La souplesse qui est qu’aujourd’hui donnée aux exploitations résulte de la négociation qui a été conduite à l’échelle de la PAC pour la préservation des prairies permanentes. En effet, la surface qui doit être maintenue est désormais calculée à l’échelle régionale, ce qui donne aux exploitations la souplesse nécessaire pour retourner des prairies permanentes parce que leurs sols ont besoin d’être régénérés. Voilà des éléments de souplesse : il n’y a pas de surtransposition.
Je sais que la nouvelle PAC qui s’impose aujourd’hui change par rapport à la précédente. Nous ferons tout pour aller dans le sens de la simplification et de l’appui aux agriculteurs mais ne cherchez pas, non plus, à compliquer les choses. À force de vouloir de simplifier à outrance, vous allez louper l’objectif : réussir les déclarations et aider les agriculteurs pour qu’ils touchent leurs aides en 2015. Voilà l’objectif qui doit tous nous réunir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
En juillet 2012, votre gouvernement a étendu l’application de la CSG et la CRDS à certains revenus des non-résidents. Depuis, vous n’êtes pas sans le savoir, la Commission européenne a ouvert deux procédures d’infraction contre la France pour violation du droit communautaire.
Le 26 février dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les revenus du patrimoine des résidents français travaillant dans un autre État membre ne pouvaient pas être soumis aux contributions sociales françaises. Avec mes collègues Alain Marsaud et Thierry Mariani, je me réjouis de cet arrêt qui vient conforter le combat mené depuis juillet 2012 de ce côté-ci de l’hémicycle contre l’imposition des revenus immobiliers des non-résidents.
Ce combat s’est traduit par des amendements en lois de finances, une demande de conformité auprès de la Commission européenne, des questions orales, des interpellations lors des réunions à Bercy.
En réponse à une question écrite, il m’a été indiqué que, pour 2012, les prélèvements en question s’étaient élevés à 344 millions. À ce jour, le montant susceptible d’être remboursé serait donc déjà d’un milliard.
Ma question est celle de l’ensemble de nos compatriotes établis hors de France, qui veulent savoir si vous allez persévérer dans le maintien de cette disposition ou bien l’abroger sans attendre la contrainte européenne et procéder au remboursement.
Ne me dites pas que vous attendez la décision du Conseil d’État puisque vous savez très bien qu’elle ne peut être prise que sur la forme et non sur le fond.
Sachez que, si votre réponse n’était pas satisfaisante, je me ferais la porte-parole de nos concitoyens expatriés auprès de la Commission
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Madame la députée, vous évoquez l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne sur une question préjudicielle que lui a soumise le Conseil d’État au sujet de la conformité des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au règlement européen portant coordination des systèmes de Sécurité sociale.
Tout d’abord, je le dis très calmement,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
sur les positions de la Cour de justice de l’Union européenne, ce gouvernement n’a pas de leçons à recevoir puisque, avec l’affaire des précomptes mobiliers, celle des OPCVM…
…et celle des apurements agricoles, qui a opportunément été évoquée par Stéphane Le Foll à l’instant,…
…ce sont plus de 10 milliards d’euros de remboursements qui ont dû être inscrits dans nos budgets à cause de décisions des majorités précédentes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Cela dit, vous aurez noté que je vous ai conviée comme tous les députés et les sénateurs représentant les Français de l’étranger à participer à un groupe de travail sur l’ensemble de ces questions, qui ne concernent pas seulement la CSG.
L’origine du différend qui pourrait surgir ne se trouve pas dans la loi de finances rectificative de 2012. Depuis sa création, la CSG porte sur l’ensemble des revenus, y compris ceux du patrimoine, et cela date de 1991.
Le travail continuera. Nous avons déjà réglé la question des plus-values des valeurs immobilières, à la satisfaction générale, je crois. Nous tiendrons compte évidemment des jugements, mais sans crainte et sans leçons à recevoir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Je souhaiterais revenir sur la crise ukrainienne, qui sera l’un des sujets majeurs abordés lors du prochain Conseil européen.
Nous avons tous en tête les conditions dans lesquelles se sont conclus entre dirigeants allemand, français, ukrainien et russe les accords dits de Minsk 2, signés le 12 février dernier. Ces accords ont permis qu’il y ait un nouveau cessez-le-feu, dès le 15 février, et prévoient un retrait des armes lourdes le long de la ligne de front.
Depuis plusieurs semaines, une certaine accalmie semblait être observée dans l’Est du pays, marquant une certaine désescalade dans ce conflit, qui a fait, rappelons-le, plus de 6 000 morts en seulement onze mois.
Il n’en demeure pas moins que des accrochages sporadiques ont lieu quotidiennement. Un combattant ukrainien a encore été tué ce dimanche et, chaque jour, il y a des échanges de tirs, signe que les tensions persistent. Bref, le cessez-le-feu n’est manifestement pas respecté. De plus, l’armée ukrainienne ne cesse de dénoncer une concentration de troupes russes le long de la ligne de front.
Il y a trois jours, le président ukrainien, M. Porochenko, n’a pas hésité à déclarer que les accords de Minsk ne fonctionnaient pas. Même s’ils restent pour la partie ukrainienne un espoir, ils sont encore loin d’être une réalité.
Aussi, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser la position de la France et bien évidemment de l’Europe au regard de cette situation ? Faut-il envisager de durcir les sanctions, qui, à ce jour, n’ont donné que peu de résultats, si ce n’est pénaliser nos exportations, notamment les filières agricoles et agroalimentaires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, l’accord signé à Minsk il y a un peu plus d’un mois, à l’initiative du Président de la République et de la Chancelière allemande, a ouvert une perspective de paix pour l’Ukraine.
Avant cet accord, vous l’avez souligné, il y avait une escalade de violences sur le terrain, 6 000 morts, et un enlisement des négociations.
L’accord de Minsk, qui a été signé le 12 février sous l’égide de la France et de l’Allemagne, a permis qu’il y ait des avancées. Il a d’abord été accepté par Kiev, Moscou et les séparatistes. Il traite de l’ensemble des questions, y compris les plus difficiles, pour établir la paix. L’enjeu, c’est donc maintenant sa mise en oeuvre.
Aujourd’hui, les avancées sont incontestables. Le cessez-le-feu est globalement respecté, même s’il y a encore trop d’incidents, je le reconnais. Le retrait des armes lourdes a commencé. De nombreux prisonniers ont été libérés. Une commission ukrainienne est chargée d’organiser les élections locales. Le Parlement ukrainien, la Rada, a adopté hier deux projets de loi donnant davantage d’autonomie aux régions du Donbass.
Tout n’est pas réglé, nous devons rester très vigilants, mais nous sommes en train de passer de l’escalade à la désescalade.
Nous devons poursuivre nos efforts, et c’est ce que nous faisons. Nous gardons notre ligne, dialogue et fermeté. Dialogue : nous organiserons aussi souvent que nécessaire des réunions de suivi comme celle de Berlin le 6 mars dernier en « format Normandie ». Fermeté : nous devons pouvoir alourdir ou alléger les sanctions en fonction de la situation. C’est l’enjeu du Conseil européen de demain.
Sur l’Ukraine, nous restons donc mobilisés et déterminés car nous savons que la paix ne se décrète pas, elle se construit.
C’est au regard de la mise en oeuvre des accords de Minsk que la question de la reconduction ou non des sanctions se posera. Ce qui compte, c’est le respect des accords de paix, le rétablissement d’une situation de paix. Les sanctions ne sont pas une fin en soi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Edouard Philippe, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Le Gouvernement a annoncé qu’il faisait du projet de canal Seine-Nord le « grand projet structurant » prioritaire pour la réalisation d’un réseau transeuropéen de transport. Comme une immense majorité d’entre nous, je suis attaché au développement du transport fluvial et au report modal qu’il peut entraîner. Je sais, par ailleurs, que, en poursuivant ce projet de canal Seine-Nord, le Gouvernement s’inscrit dans la continuité d’une action engagée au cours du mandat du précédent président de la République.
Pourtant, cette décision inquiète. Elle inquiète d’abord ceux qui considèrent, à juste titre, que son impact environnemental sera considérable, sans que rien ne garantisse la réalité du report modal de la route vers le canal. En vérité, les reculades répétées de votre gouvernement sur l’écotaxe laissent quelques doutes quant à votre volonté d’y parvenir. Je ne peux pas ne pas rappeler que, en 1997, le gouvernement Jospin, à la demande de Mme Voynet, mettait un terme au projet du canal Rhin-Rhône, en raison de ses impacts environnementaux.
Cette décision inquiète surtout ceux, dont je suis, qui croient à l’avenir des ports français ; ceux qui considèrent que capter les flux sur notre territoire permet la relocalisation industrielle et la création d’emplois ; ceux qui soutiennent d’autres projets, d’ailleurs portés par l’Union européenne elle-même dans le cadre du projet Interreg, Weastflows, destinés à privilégier les ports du Havre, de Rouen ou de Dunkerque, pour mieux desservir l’Europe centrale et désengorger les axes nord-sud qui bénéficient tant aux ports du Nord. Elle inquiète enfin ceux qui refusent ce coup de pouce aux ports d’Anvers et de Rotterdam, qui, croyez-moi, n’en ont pas besoin et qui se réjouissent ouvertement des investissements français destinés à améliorer leur compétitivité.
Ma question est simple : où en sont les études du projet alternatif d’une rocade ferroviaire reliant Le Havre, Rouen, Amiens et Châlons-en-Champagne, laquelle permettrait tout à la fois, en profitant des infrastructures déjà existantes, de respecter l’environnement, d’assurer l’équilibre entre les territoires du Bassin parisien, de préserver les intérêts des ports français de la Manche et de servir une véritable ambition européenne pour la France ?
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, je vous confirme que le Gouvernement a déposé, il y a quelques jours, ce dossier extrêmement important auprès de la Commission européenne et qu’il l’a fait, jusqu’à maintenant, avec le soutien des trois régions concernées, de l’ensemble des conseils régionaux concernés et de la plupart des élus qui ont fait preuve d’une mobilisation non partisane et qui ont montré à l’Europe qu’il y avait là un très grand projet. C’est pour cela que le Premier ministre lui-même était venu faire cette annonce.
Je suis un peu désolé de votre intervention dans ce débat, au moment où l’Europe doit faire un choix. Si la France apparaît divisée, affaiblie ou hésitante, alors qu’il y a en Europe d’autres grands projets concurrents, il faudra assumer, le cas échéant, la responsabilité d’un échec.
Je voudrais vous convaincre que vous faites fausse route. Si ce projet a souvent été annoncé, il n’a pas été réalisé. En 2003, le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire avait évoqué ce projet qui s’appelait déjà Canal Seine-Nord, pour le lien avec Le Havre. Pourquoi opposer ces deux objectifs ? Pourquoi le port d’Anvers aurait-il intérêt à avoir un cheminement fluvial, alors que le port du Havre n’en serait pas capable ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.
Il faut être plus confiant dans nos possibilités ! C’est exactement l’inverse. La France a besoin de disposer d’atouts dans le domaine fluvial. Le lien avec les ports du Havre et de Dunkerque doit se faire de la même façon qu’ont fait ceux qui ont réussi. Ne soyez pas frileux !
Nous avons un projet, et ce projet ne vient pas s’opposer frontalement à un autre. Au contraire, il s’est traduit dans les faits, notamment avec l’aménagement de la ligne ferroviaire Serqueux-Gisors. Je vous demande vraiment, monsieur le député, de ne pas continuer à avoir ce discours qui affaiblit la France, tous ses départements et des territoires qui attendent ce grand projet pour leur développement économique.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, la marée du siècle est attendue samedi prochain. Au-delà de cet épisode, qui réclame d’ailleurs toute notre vigilance, c’est bien la question du réchauffement climatique et de ses nombreuses conséquences qui est posée, notamment celle de l’accélération de l’érosion et de la submersion marines. Plusieurs États européens, dont la France, sont confrontés à ce grave problème. Notre pays est en train d’élaborer une stratégie nationale pour y faire face. Elle pourrait être portée en exemple lors de la prochaine COP 21. En effet, la conférence mondiale sur le climat ne peut pas faire l’impasse sur cette question, car les risques et les dégâts s’amplifient dans tous les pays européens concernés.
Élue d’un territoire confronté à ces bouleversements, je sais que la prise de conscience est en marche. Il s’agit aujourd’hui d’inscrire les initiatives territoriales dans une cohérence nationale. Le travail est complexe, je le reconnais. Il nous pousse à imaginer aussi rapidement que possible une autre manière de protéger et d’aménager notre espace, comme d’autres pays en Europe commencent à le faire. Sur cette question du réchauffement climatique et de ses conséquences, quelle est votre position en vue de la préparation de la COP21 ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Madame la députée, la France est une grande puissance maritime, puisque nous avons 7 000 kilomètres de côtes, en métropole et dans les outre-mer. Nous ne le disons pas assez souvent. Par définition, nous sommes directement confrontés aux conséquences du réchauffement climatique : les phénomènes de submersion marine et de dégradation du littoral – du trait de côte, pour employer le terme technique. La question des relations entre les océans et les surfaces terrestres sera au coeur de la conférence de Paris sur le climat et elle est au coeur des préoccupations écologiques du ministère dont j’ai la charge. C’est la raison pour laquelle une stratégie nationale du trait de côte a été mise en place. Vous connaissez très bien le sujet, et je vous en remercie, puisque vous co-présidez le comité national chargé de suivre la mise en oeuvre de cette stratégie. Cinq territoires expérimentaux ont été désignés. La France est très attendue sur ses propositions, et il y a des solutions.
Il ne s’agit plus de subir, mais de connaître, de prévenir et d’agir, en particulier dans le domaine du génie écologique. Je pense aux zones humides et aux zones d’expansion des crues ; aux replantations d’un certain nombre d’espèces végétales, comme les mangroves autour des outre-mer – j’ai d’ailleurs lancé un plan de reconquête des mangroves – ; à la construction de barrières de corail artificielles. Il y a des solutions, non seulement dans le génie écologique, mais aussi dans la façon d’urbaniser et de construire. Un concours international d’architecture a été lancé pour savoir comment construire aujourd’hui dans les zones inondables. Je forme le voeu que les propositions que vous ferez soient intégrées dans ce que l’on appelle l’agenda des solutions de la conférence de Paris sur le climat et qu’elles soient discutées au niveau européen, pour que la feuille de route européenne intègre cette préoccupation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Claude Mignon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Il y a des conflits dont on parle, comme celui en Ukraine, et d’autres qu’on a tendance à oublier, considérant qu’il s’agit de conflits gelés – je pense à l’Abkhazie, à l’Ossétie du Sud ou à la Transnistrie –, et puis il y en a un dont on ne parle plus du tout alors que nous devrions l’évoquer : celui du Haut-Karabakh,…
…théâtre de 1992 à 1994 d’une guerre qui a malheureusement endeuillé tout le continent européen. La France a réussi, dans le cadre du fameux groupe de Minsk – qui dépend de l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – à faire accepter six principes tels que définis à Madrid entre 2007 et 2009, et notre diplomatie a tout fait pour faire avancer le dossier. Malheureusement, l’Union européenne est, une fois de plus, totalement absente dans ce domaine, ce qui ne doit pas nous surprendre.
Mais la France, elle, a des responsabilités importantes parce qu’elle copréside le groupe de Minsk…
…aux côtés de la Russie et des États-Unis d’Amérique, et j’aimerais savoir où en sont les discussions qui devraient enfin permettre de faire adopter par les deux parties, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, les six principes de Madrid qui pourraient permettre de revenir à une stabilité dans cette région du Caucase du Sud.
Si nous ne sommes pas capables de réagir, de parvenir à ce que les uns et les autres prennent leurs responsabilités, il y a fort à parier que malheureusement, dans quelque temps – et peut-être que cela en arrangerait certains –, cette région du Caucase sera à nouveau endeuillée comme entre 1992 et 1994.
Que fait la France ? Je sais que nos ambassadeurs travaillent énormément, mais j’aimerais que le ministre des affaires étrangères puisse exprimer devant la représentation nationale, avec force et avec vigueur, que la volonté de la France est de faire aboutir ces négociations en faisant accepter par les deux parties les six principes de Madrid.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur quelques bancs des groupes UDI et SRC.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, la France, vous le savez, est pleinement engagée au sein du groupe de Minsk, qu’elle copréside avec les États-Unis et la Russie, pour trouver une solution durable à la situation du Haut-Karabakh, dont les populations, majoritairement arméniennes, ont trop souffert de la guerre. Le statu quo n’est dans l’intérêt de personne : ni de l’Arménie, ni de l’Azerbaïdjan.
C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité reprendre l’initiative diplomatique en organisant à Paris, le 27 octobre dernier, un sommet en présence des présidents arméniens et azerbaïdjanais. Cette rencontre a permis de trouver un accord sur une première mesure de confiance à caractère humanitaire, sous la forme d’un échange de données sur les disparus au cours du conflit. La mesure a commencé à être mise en oeuvre.
Cette rencontre a également permis de relancer la dynamique des négociations dans le cadre du groupe de Minsk, sur la base des principes dits de Madrid que vous avez évoqués, à savoir le non-recours à la force, le respect de l’intégrité territoriale des États et le droit à l’autodétermination des peuples. La montée des tensions à laquelle nous avons assisté au cours des derniers mois confirme l’absolue nécessité de les faire respecter.
La France poursuit donc ses efforts dans le cadre de la dynamique engagée en octobre. Le Président de la république s’entretiendra à nouveau avec ses homologues lors de ses déplacements à Erevan et à Bakou les 24 et 25 avril prochains.
Nous sommes donc pleinement mobilisés pour régler le conflit du Haut-Karabakh et pour défendre le droit à l’autodétermination dans cette région.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Luc Bleunven, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et de la forêt, la politique que mène l’Union européenne en matière de développement rural s’adapte de façon constante pour faire face aux nouveaux défis auxquels sont confrontées les zones rurales. Elle est menée dans le cadre de la stratégie Europe 2020 et de la PAC, et poursuit trois objectifs : la compétitivité de l’agriculture, la gestion durable des ressources naturelles et la mise en oeuvre des mesures visant à préserver le climat. Il s’agit également d’assurer un développement territorial équilibré des économies et des communautés rurales.
Ces objectifs sont issus de la réforme engagée en 2013, et mis en oeuvre au moyen de programmes pluriannuels de développement ruraux, au niveau national ou régional, définis par les États membres. Ceux-ci sont ainsi amenés à décliner ces programmes en fonction d’axes prioritaires fixés par l’Union européenne. Leur financement provient du Fonds européen agricole pour le développement rural. Parmi ces axes figure celui de la compétitivité de l’agriculture.
Le Gouvernement s’est saisi de cette politique pour dégager, en partenariat avec les régions, une enveloppe de 200 millions d’euros pour financer un plan de modernisation et de compétitivité des exploitations, plan destiné à des travaux d’investissement pour la mise aux normes. Il a été élargi aux exploitations produisant de la viande blanche, ce qui dans certaines régions comme la mienne, la Bretagne, représente évidemment un enjeu très important.
Par ailleurs, conscient de la crise d’adaptation que subit le secteur agroalimentaire et de ses impacts sur l’emploi dans nos territoires ruraux, il est important de rappeler que le Gouvernement a permis aux entreprises agricoles et agro-alimentaires d’obtenir 1,8 milliards d’euros d’allégements de charges sociales et fiscales supplémentaires en 2015 par rapport à 2012.
La politique européenne, conjuguée aux engagements du Gouvernement, permet donc à nos territoires ruraux de bénéficier de dispositifs pertinents pour faire face à leurs difficultés, qui sont réelles. C’est dans cet esprit que s’est tenu la semaine dernière, à Laon, un comité interministériel sur la ruralité, preuve de votre mobilisation sur ce sujet, monsieur le ministre. Les plans de développement ruraux adoptés en juillet dernier entrent dans ce cadre général. Mais aujourd’hui, il y a du retard dans la validation de ces plans, ce qui pourrait s’avérer préjudiciable en termes de financement des actions déjà engagées. Pouvez-vous par conséquent nous indiquer, monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend répondre à ces inquiétudes ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, vous avez évoqué la question des plans de développement ruraux, aujourd’hui en négociation avec la Commission européenne. Dans le cadre de la nouvelle PAC et des choix effectués, on a souhaité que les régions assument ce que l’on appelle le deuxième pilier de la politique agricole commune, c’est-à-dire le développement rural. À cet effet, vingt-deux plans ont été déposés devant la Commission, et il est vrai qu’ils ne sont pas encore signés. L’enjeu est la réalisation des objectifs du deuxième pilier.
Je rappelle que pour atteindre ces objectifs, 200 millions d’euros sont destinés, vous l’avez évoqué, à la rénovation et à la modernisation des bâtiments ; on a aussi prévu, au travers de FranceAgriMer, 120 millions de prêts pour les abattoirs – 20 millions sont déjà débloqués –, ainsi que 14 millions pour les serres, enjeu pour la production légumière, en particulier en Bretagne.
Tout cela doit concourir à aider les exploitations et à favoriser leur développement afin d’assurer une meilleure productivité et une meilleure compétitivité globales de notre agriculture.
Je dis clairement devant vous que si les plans de développement ruraux n’étaient pas signés par la Commission européenne, l’État s’y substituerait pendant le temps nécessaire pour le versement des aides prévues par lesdits plans. Par conséquent, rien ne doit limiter la réalisation de tous les investissements ainsi prévus, y compris dans l’action engagée en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs. Je le répète, et cela a été adopté au niveau du Gouvernement : l’État se substituera le cas échéant, et sera remboursé ensuite, lorsque les plans de développement ruraux auront été validés par la Commission européenne.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. David Habib.
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n° 208 portant article additionnel après l’article 10.
Les ORGFH – orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage – traitent de la « conservation et la gestion durable de la faune chassable ou non chassable et de ses habitats ». Plutôt que de les supprimer, il serait plus logique de faire des SRCE – schémas régionaux de cohérence écologique – un de leurs éléments constitutifs, en prévoyant une compatibilité entre les deux.
En conséquence, l’amendement tend à compléter le deuxième alinéa de l’article L. 371-3 du code de l’environnement par une phrase ainsi rédigée : « Les schémas régionaux de cohérence écologique sont compatibles avec les orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage. »
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, pour donner l’avis du Gouvernement.
Défavorable.
L’amendement no 208 n’est pas adopté.
Sans problème.
Les orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage sont supprimées par le texte. Désormais, ce sont les schémas régionaux de cohérence écologique qui seront les documents de planification. Par définition, ces schémas ont pour objectif de prendre en compte la conservation et la gestion durable de la faune chassable et non chassable et de ses habitats pour la réalisation des continuités écologiques. Ils répondent donc à votre préoccupation de cohérence et vous auriez pu retirer votre amendement, monsieur Salen.
L’Assemblée a déjà voté, mais je crois que ces précisions sont de nature à vous rassurer, mon cher collègue.
La parole est à Mme Viviane Le Dissez, premier orateur inscrit sur l’article.
Dans la discussion que nous menons actuellement sur le périmètre d’intervention de l’Agence française pour la biodiversité – AFB –, nous savons que certaines positions ont été arrêtées. C’est avec amertume que j’aborde l’examen de cet article, qui aurait pu nous donner l’occasion d’évoquer de façon concrète et sans détour la question de l’intégration de tout ou partie de l’office national de la chasse et de la faune sauvage – ONCFS – au sein de la nouvelle agence. L’application de l’article 40 de la Constitution ne me permet pas de proposer cette éventualité par amendement. Sans remettre en cause cette jurisprudence, je me permets de regretter que nous ne puissions traiter concrètement du sujet, même si celui-ci est présent dans les débats menés jusqu’à présent.
J’ai évoqué la nécessité de dépasser nos divergences face aux enjeux emportés par ce texte pour les générations futures. Je regrette profondément que des intérêts spécifiques et le calendrier électoral soient, peut-être, à l’origine d’alliances malvenues dans cet hémicycle. Comme certains de mes collègues, j’en retire une impression de travail mal ficelé.
Je fais néanmoins confiance à l’avenir : rien n’est gravé dans le marbre. Il ne faut pas oublier que l’intégration du volet relatif à la faune sauvage au sein de l’office national de la chasse ne date que de quinze ans. Si les chasseurs ne souhaitent pas intégrer l’Agence française pour la biodiversité, rien ne permet de dire que celle-ci ne sera pas amenée un jour à gérer l’intégralité de la biodiversité. Entre-temps, comme Mme la ministre l’a annoncé et comme nous l’espérons, des conventions pragmatiques seront passées sur le terrain.
La création de l’AFB est déjà votée. Vous qui connaissez bien nos régions, monsieur le président, madame la ministre, vous savez que les organismes de ce type ne sont pas toujours bien compris à l’échelle des territoires. Profondément attachés à la présence de l’État, les territoires ont souvent du mal à comprendre que certaines de ses fonctions régaliennes disparaissent et voient d’un mauvais oeil la concentration à Paris de structures telles que celle-ci.
Certes, je comprends l’utilité de cette instance, mais je regrette une fois de plus que l’on n’associe pas davantage les acteurs locaux en mettant à profit leur capacité, leur expertise, leur savoir, leur connaissance du terrain, leur amour du territoire. Au lieu de cela, on va créer une structure de plus, forcément coûteuse et qui sera coupée du terrain.
Vous le savez, c’est une des nombreuses raisons qui, dans les campagnes, éloignent nos compatriotes des urnes. Nous avons connu des périodes où la participation était de 80 % – surtout quand vous et moi étions candidats, monsieur le président, ou encore vous, madame la ministre
Sourires.
Si nos concitoyens votent de moins en moins, c’est qu’ils n’apprécient pas ces orientations qui les coupent de toute décision.
Je conviens qu’il faut penser aux générations futures, madame Le Dissez. Mais, en attendant, ce sont les générations présentes que nous laissons s’effacer !
Vous l’aurez compris, je suis relativement réservé quant à la naissance de ce nouvel organisme.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 35 .
Il est proposé par cet amendement de supprimer les références à l’Agence des aires marines protégées ainsi que les occurrences relatives au milieu maritime au sein du titre III.
En effet, l’intégration de l’Agence des aires marines protégées au sein de l’Agence française pour la biodiversité présente un véritable risque de dilution des problématiques maritimes dans les problématiques terrestres.
Malgré l’importance de la mer en termes de biodiversité, notamment outre-mer, l’Agence des aires marines protégées est la seule instance chargée de problématiques maritimes à être intégrée dans l’Agence française pour la biodiversité, alors que les agences en charge de problématiques terrestres sont en nombre important. Or, l’expérience a montré que le terrestre, par essence surreprésenté, prend toujours le dessus sur le maritime car les acteurs maritimes sont moins nombreux pour faire entendre leur voix. Les acteurs terrestres ont trop souvent la tentation de transférer leurs connaissances et leurs acquis, de manière automatique, au maritime – l’application du réseau Natura 2000 en mer est un exemple. La mer est un milieu totalement différent, mouvant, sur lequel il n’existe aucun droit de propriété.
Le milieu marin est par ailleurs très complexe en termes d’acquisition de connaissances – il serait donc préférable de rester spécialisé –, et surtout de gestion avec l’intervention d’usagers des autres États membres de l’Union européenne.
Je ne reprendrai pas le débat car nous avons déjà discuté hier d’amendements identiques à celui-ci. La commission y est opposée.
Même opposition.
La question des aires marines est centrale en matière de biodiversité. L’amendement viderait le dispositif d’une partie essentielle de son contenu. Je tiens néanmoins à vous rassurer, madame Louwagie : comme vous le savez sans doute, le responsable de la mission de préfiguration de l’Agence française pour la biodiversité n’est autre que l’actuel directeur de l’Agence des aires marines protégées, M. Olivier Laroussinie. Vous avez donc toutes les garanties de ce point de vue.
L’amendement no 35 n’est pas adopté.
L’article 11 est adopté.
Article 11
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 365 .
Favorable.
L’amendement no 365 est adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 976 .
Cet amendement soulève une nouvelle fois la question, largement discutée depuis le début de l’examen du texte, de l’intégration de l’ONCFS dans l’Agence. Le rapport prévu à l’article 11 bis donne l’occasion d’envisager que ce processus se fasse à un moment donné. C’est pourquoi je propose de compléter l’article par les mots : « afin de permettre une meilleure prise en compte de la biodiversité terrestre », car celle-ci, on ne le dira jamais assez, est le parent pauvre de ce projet de loi.
Sagesse.
L’amendement no 976 est adopté.
L’article 11 bis, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1039 .
Cet amendement est conforme à l’alinéa 34 de l’article 9 du projet adopté en commission, aux termes duquel l’AFB est chargée de l’accompagnement et du suivi du dispositif d’accès aux ressources génétiques et partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, ou dispositif APA.
Lors des débats en commission, nous avions souligné que ce suivi pourrait faire l’objet d’un rapport ou d’un bilan annuel recensant les observations, analyses et recommandations de l’Agence. Afin de s’assurer au mieux du contrôle de ce dispositif complexe, il semble en effet judicieux qu’un bilan annuel rende compte en toute transparence du travail mené par celle-ci dans sa lutte contre la biopiraterie et recueille la liste des accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles qui leur sont associées. Ce bilan pourra être présenté devant le conseil d’administration de l’Agence, faire l’objet d’un débat et, le cas échéant, d’une publication. On assurerait ainsi un contrôle a posteriori du dispositif prévu par la loi et l’on permettrait à l’AFB de remplir pleinement cette nouvelle mission.
L’alinéa 34 de l’article 9 prévoit d’ores et déjà que l’une des missions de l’AFB sera d’accompagner et de suivre le dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. Un tel bilan n’est pas forcément nécessaire, dès lors que l’une des activités de l’AFP sera de réaliser des bilans ponctuels. Avis défavorable.
Même avis. L’amendement est satisfait.
Il n’est pas vraiment satisfait, puisqu’il s’agit de bilans ponctuels. Toutefois, je retire l’amendement.
L’amendement no 1039 est retiré.
Si vous le permettez, monsieur le président, je m’exprimerai aussi sur l’article 13, ce qui permettra d’allonger mon temps de parole. J’aurais souhaité que l’on profite de la révision de tous ces textes pour rénover notre approche et la vision qu’ont nos compatriotes de l’environnement. Il se trouve que, depuis des années, nous avons laissé se créer une administration à l’intérieur de l’administration, où règne la consanguinité. Les fonctionnaires sont mal compris des populations auxquelles ils s’adressent et entrent souvent en conflit avec elles. Cela est beaucoup plus dommageable à la protection de la nature qu’on ne le croit.
Il faudrait tenir davantage compte de l’expertise locale. Aussi serait-il souhaitable que les agents de l’AFB effectuent une sorte de service civique, en passant quelques années dans une collectivité de moins de 500 habitants. Mieux encore, pour les générations futures – et si les communes existent encore ! – il leur faudrait, pour devenir fonctionnaire d’une agence, avoir été maire d’une commune de moins de 500 habitants durant au moins un mandat. La nature, et les hommes, y gagneraient beaucoup !
L’article 12 est adopté.
L’article 13 est adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 1205 , portant article additionnel après l’article 13. La parole est à Mme Viviane Le Dissez pour le soutenir.
Cet amendement vise à faciliter le maintien de certains agents, contractuels ou non, au service du Conservatoire du littoral. Il est proposé de mettre fin aux limitations de durée et de laisser les collectivités et le Conservatoire –dont il convient d’encourager le partenariat – régler les situations, peu nombreuses mais parfois douloureuses, d’agents mis à disposition. Il arrive en effet qu’il soit demandé à un agent en fin de carrière, très expérimenté au titre du Conservatoire, de réintégrer sa collectivité pour une ou deux années, sans qu’il y trouve sa place.
Dans un souci de dialogue social, il conviendrait, avant d’adopter un tel amendement, de prendre contact avec les organisations syndicales. Par ailleurs, le terme d’ « agent » désigne aussi bien les titulaires que les contractuels, et la précision est redondante.
Concernant la mise à disposition, le droit commun est de trois ans, renouvelable par périodes de trois ans pour les titulaires, et renouvelable une fois dans la limite de six ans pour les contractuels en CDI. Une mise à disposition sans limite de durée est une dérogation au droit commun, qui se justifie dans des cas très particuliers.
Cela doit faire l’objet d’un accord avec le ministère de la fonction publique, auquel j’ai demandé d’analyser les impacts possibles sur d’autres secteurs de la fonction publique. Sous réserve de la réponse de Mme Lebranchu avant la deuxième lecture et au bénéfice de ces observations, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
J’entends vos arguments et retire cet amendement. J’espère que nous pourrons permettre de régler ces situations – fort peu nombreuses ! – en deuxième lecture.
L’amendement no 1205 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements de cohérence rédactionnelle, nos 367 et 366 de Mme Geneviève Gaillard, rapporteure.
L’article 14, amendé, est adopté.
Cet amendement vise à permettre aux personnels de l’actuel groupement d’intérêt public « Atelier technique des espaces naturels » d’être représentés au comité technique et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la future agence.
L’amendement no 1474 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 15, amendé, est adopté.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1476 , deuxième rectification, portant article additionnel après l’article 16.
Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, cet amendement a pour objet d’impliquer les agences de l’eau dans la protection et la préservation de la biodiversité et du milieu marin.
Avis bien entendu favorable, cette évolution étant plus que souhaitable pour l’AFB et pour la biodiversité en général.
Ce n’est pas un amendement anodin, mais lourd de sens ! Nous sommes réunis cet après-midi pour évoquer la mise en place de l’AFB et la politique nationale en faveur de la biodiversité, deux objectifs légitimes et partagés sur tous ces bancs. Toutefois, que l’AFB soit créée en intégrant l’ONEMA et d’autres organismes n’est pas neutre et a un impact très lourd sur le financement.
Delphine Batho, que je salue, m’a nommé à la présidence du comité national de l’eau – désignation qui n’a pas été remise en cause, madame la ministre –, et c’est à ce titre que j’interviens.
Lorsque l’office national de l’eau et des milieux aquatiques a été créé, les conseils d’administration des agences et les comités de bassin ont vécu de façon plus ou moins calme l’obligation d’utiliser une partie des redevances des agences de l’eau pour financer l’ONEMA. Nous franchissons aujourd’hui une nouvelle étape, madame la ministre. Comme il est précisé dans votre amendement et comme vous l’écrivez dans vos lettres aux présidents des comités de bassin, la participation des agences au financement de l’AFB suppose que leur périmètre d’intervention soit étendu.
Je suis favorable à ce que les agences voient leurs missions élargies et à ce qu’elles utilisent les financements, qu’elles déterminent en fixant leur redevance, pour le fonctionnement de l’AFB.
Néanmoins, je veux appeler votre attention sur le fait que les agences de l’eau ont subi, sur l’exercice budgétaire 2014, une ponction financière sur leur fonds de roulement de l’ordre de 225 millions d’euros. Cette ponction a été renouvelée pour les trois ans à venir – 2015, 2016 et 2017 – à hauteur de 175 millions d’euros par an.
Dès lors que dans votre administration, madame la ministre, la direction de l’eau devient « direction de l’eau et de la biodiversité », il est cohérent d’élargir l’utilisation des financements de la politique de l’eau. Mais ce ne peut être la double peine pour les agences, qui voient leur budget prélevé – je suppose que les commissaires du Gouvernement présents dans les conseils d’administration font remonter au ministère la grogne, pour ne pas dire autre chose –, tandis qu’on étend leur périmètre d’intervention, sur la base de redevances dont vous ne voulez pas qu’elles augmentent sur le dos des consommateurs – on peut comprendre ce point de vue ! C’est la quadrature du cercle !
Je suis dans mon rôle de président du comité national de l’eau lorsque je souligne cet état de fait. Je ne conteste pas la mise en oeuvre d’une politique active en faveur de la biodiversité, ni son financement par les agences de l’eau, mais il faudra se garder d’en limiter trop les moyens, au risque de déstabiliser une gouvernance stable, qui, depuis cinquante ans, montre que le modèle français de l’eau fonctionne. Le principe selon lequel « l’eau paie l ’eau » doit être respecté. La biodiversité peut être aquatique, le champ d’intervention sera élargi. Mais il nous faudra considérer ensemble le financement et l’avenir du modèle que nous voulons mettre en place.
À travers cet amendement et l’intervention de notre collègue, président du comité national de l’eau, nous amorçons une réflexion importante sur la gouvernance de l’eau. Nous ferons, à l’article 17, un certain nombre de propositions sur ce sujet. La politique de l’eau en France repose, notamment au plan financier, sur les agences de l’eau, puisqu’elles prélèvent chaque année plus de 2 milliards d’euros. Un rapport récent de la Cour des comptes vient redire ce que le Conseil d’État avait déjà souligné : cet outil financier est au service des politiques publiques de l’eau, dont il convient de rappeler qu’elles sont menées par la puissance publique, l’État, mais aussi les collectivités locales.
J’en veux pour preuve l’amendement gouvernemental au projet de loi pour une nouvelle organisation territoriale de la République, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, et qui vise à rendre obligatoire le transfert de la compétence « eau et assainissement » aux EPCI. Cela fait suite à l’attribution de la compétence GEMAPI aux communes et aux EPCI. Les agences de l’eau sont l’outil financier des politiques. Je suggère que nous menions une réflexion approfondie sur l’articulation entre financement et politiques publiques de l’eau sur les territoires.
Je rejoins sans réserve les préoccupations de nos collègues. La ponction de 30 % dans les réserves des agences de l’eau est – disons-le ! – catastrophique, et se traduit par des décalages dans les financements d’opérations en direction des collectivités. À cela s’ajoute, de façon de plus en plus fréquente, le retrait du cofinancement des politiques de l’eau par d’autres collectivités, notamment des conseils généraux, qui ont de moins en moins de moyens et abandonnent cette compétence.
Résultat : les tarifs de l’eau explosent. Il y a encore trois ou quatre ans, je déconseillais aux communes de ma circonscription d’investir si le prix de l’eau dépassait 3 euros le mètre cube. Aujourd’hui, ce montant apparaît dérisoire.
Et pour couronner le tout, d’autres missions s’ajoutent ! J’aimerais bien que vous nous rassuriez, madame la ministre, car nous n’allons plus y arriver.
Un autre sujet me préoccupe : les agences de l’eau mènent des actions exceptionnelles dans le domaine de la coopération décentralisée. Grâce à la loi Oudin-Santini, 1 % des budgets des agences de l’eau sont investis dans des opérations de coopération décentralisée, ce qui permet de mener des travaux remarquables, notamment en Afrique. J’en ai moi-même engagé quelques-uns par le biais de ma collectivité. Or, j’apprends que les agences de l’eau pourraient, peut-être pas se désengager, mais du moins ne plus investir autant dans ces opérations tant les difficultés auxquelles elles se heurtent s’intensifient.
Pouvez-vous nous rassurer quant aux intentions du Gouvernement, madame la ministre ?
C’est un progrès considérable que les agences de l’eau puissent s’engager dans le domaine de la biodiversité. Elles le font déjà, d’ailleurs, comme le révèle un examen attentif de leur budget. Leur investissement est important, ce qui présente le mérite de répondre à différentes interrogations qui sont apparues à l’occasion des amendements. Certains proposaient de retirer les agences des aires marines protégées du périmètre de l’AFB, d’autres s’inquiétaient que l’on n’accorde pas la même importance à la biodiversité terrestre qu’à la biodiversité marine. Le partenariat avec les agences de l’eau est très fructueux et j’ai d’ailleurs reçu l’ensemble des présidents de bassin qui se sont montrés enthousiastes.
Il n’empêche, je comprends et je partage votre préoccupation des ressources des agences de l’eau mais je pense qu’en confortant leurs missions dans le cadre d’une priorité nationale voire internationale, à l’approche de la conférence de Paris sur le climat où la question de la biodiversité sera centrale, nous pourrons consolider leurs ressources, voire reconquérir un certain nombre de moyens.
J’ai écrit en ce sens au secrétaire d’État au budget. Il connaît d’ailleurs bien le sujet pour avoir siégé au conseil d’administration de l’agence de l’eau Rhin-Meuse quand il était parlementaire et je le sais sensible à ces questions. L’élargissement et l’approfondissement de l’engagement des agences de l’eau sur cette mission permettent aussi de ne pas augmenter excessivement le budget de l’agence de la biodiversité. Nous avons le souci de faire preuve de cohérence et de réaliser des économies de fonctionnement en rassemblant un certain nombre de structures, en mettant en réseau, au sein de l’agence française, des structures existantes afin de ne pas en créer de nouvelles. Tous ces éléments me permettront, avec votre soutien, de plaider en faveur de nouveaux moyens en loi de finances.
De toute façon, nous devons agir et prendre ces sujets à bras-le-corps car il ressort du rapport de la Cour des comptes que nous devons remettre à plat un certain nombre de choses, y compris au niveau de la gouvernance des politiques de l’eau.
L’amendement no 1476 deuxième rectification est adopté.
La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit à l’article, pour deux minutes.
J’ai beaucoup apprécié que vous ayez remarqué que j’avais tenu les deux minutes mais je sais que vous êtes un président intègre.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que j’essaie de faire entendre une voix différente mais elle a beaucoup de mal à émerger. C’est au personnel que je pense surtout, car il n’est pas heureux. Les Français ne comprennent pas bien que l’on créé de telles structures étatiques aux contours difficiles à cerner alors que l’on laisse disparaître, dans le même temps, la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale – DATAR. Que voulez-vous, lorsqu’ils entendent le terme « biodiversité », un certain nombre de compatriotes n’écoutent même pas la suite car ils se disent que cela va mal se terminer pour eux. Ils n’ont pas confiance, ils ne se sentent pas associés, pas concernés. Du coup, le personnel de ces structures souffre d’une espèce de stress, d’un manque de reconnaissance, de lui-même et du travail qu’il accomplit, et il n’est pas heureux. Ces structures, d’une certaine manière, créent des gens malheureux. Ceux qui y travaillent n’y sont pas heureux car leurs budgets sont toujours plus contraints et ceux qui sont soumis à leur administration ne le sont pas davantage car ils ont le sentiment qu’elles ne leur apportent pas grand-chose, si ce n’est toujours plus de contraintes. C’est tout ce que je voulais vous dire.
Merci monsieur le président d’avoir compris que je ne serais pas long.
Sourires.
Je retire cet amendement de cohérence, relatif à l’intégration de l’ONCFS dans l’agence française pour la biodiversité.
L’amendement no 242 est retiré.
Je suis saisi d’un amendement rédactionnel no 368 de Mme Geneviève Gaillard, rapporteure.
L’amendement no 368 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 36 .
Cet amendement tend à supprimer la référence aux agences des aires marines protégées.
L’amendement no 36 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1549 rectifié .
Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle.
L’amendement no 1549 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 37 .
L’amendement no 37 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 369 .
Cet amendement revient à supprimer les compétences des agents de l’agence française de biodiversité exercées actuellement par les agents de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, en matière de recherche et de constat des infractions dans les eaux situées en aval de la limite de salure pour les espèces vivant alternativement dans les eaux douces et dans les eaux salées. J’invite Mme la rapporteure à retirer cet amendement, qui est loin d’être un simple amendement de cohérence.
L’amendement no 369 est retiré.
L’article 16, amendé, est adopté.
Article 16
Je voudrais profiter de cet article, qui traite de la mise à disposition du public des informations relatives au prix de l’eau, pour évoquer la situation des services publics d’eau et d’assainissement, les SISPEA. L’ONEMA a été chargé de mettre en place un observatoire pour évaluer leurs performances. Pour que l’information du public soit complète, encore faut-il que les données aient été correctement transmises par ceux qui les détiennent, à savoir les communes, et ce quel que soit leur mode de gestion, qu’elles fonctionnent en régie ou qu’elles fassent appel à un délégataire.
Cet article concerne les communes de plus de 3 500 habitants. Si l’on veut que nos concitoyens soient régulièrement et complètement informés du prix de l’eau et comprennent le détail de leur facture, il est impératif que les informations aient été transmises et vérifiées. Or, je me demande dans quelle mesure l’État a véritablement les moyens de contrôler la mise en oeuvre effective de la transmission de ces données. Nous avons des marges de progression en ce domaine. Il est possible que les services de l’ONEMA aient considéré cette mission comme marginale. Je ne veux pas les incriminer mais nous devons faire un effort de transparence envers nos concitoyens et nous devons obliger avec plus de fermeté les fournisseurs d’eau à transmettre des données exactes.
Je m’étonne de la généralisation de l’ouverture de données, l’open data. Le Gouvernement, à juste titre, s’est engagé à déposer un projet de loi cette année, qui fait actuellement l’objet d’une très vaste concertation avec l’ensemble des acteurs. Le sujet est techniquement très complexe et beaucoup de questions se posent, qu’il s’agisse de faire payer ou non les informations, du financement par les organisations, de la part entre les deux, du type d’informations que nous souhaitons – consolidées ou brutes –, des supports. Cela étant, le Gouvernement a beau s’être engagé dans une vaste réflexion en ce domaine, il n’y a pas un projet de loi dans lequel on n’ait pas inscrit une disposition relative à l’open data – je pense à la loi Macron, au texte qui nous occupe aujourd’hui, et à bien d’autres encore. On ne peut pas en permanence en rajouter alors qu’une vaste réflexion est menée dans notre pays en ce moment. Je tiens d’ailleurs à saluer les actions du Gouvernement en ce domaine.
Le rapport annuel des données de 2011 issues de l’observatoire national montrent qu’après cinq années de mise en oeuvre, près de 90 % des usagers de l’eau potable et près de 80 % des usagers de l’assainissement collectif ont pu trouver auprès de l’observatoire national les principaux résultats de leurs services en matière de prix et de performances sur l’une au moins des trois années, 2009, 2010, 2011.
En revanche, la moitié des services ne se sont pas impliqués dans le dispositif de l’observatoire. Ces services, qui représentent environ 15 % de la population, sont en très grande majorité gérés par des communes, donc en régie, et elles sont de petite taille. Par conséquent, l’article 16 bis permettra de conforter cet observatoire national puisque les communes de plus de 3 500 habitants sont déjà familiarisées avec le site.
Derrière cette dimension technique se cachent des enjeux très forts, de démocratie, de transparence, de prix de l’eau, de proximité, de connaissance pour nos concitoyens, mais ce sont aussi des enjeux de rapportage européen puisque l’on doit régulièrement rapporter les données au plan européen. L’enjeu est local et européen car des contentieux peuvent naître à ce niveau.
Nous devons améliorer la transmission de l’information, malgré l’existence de 30 000 autorités organisatrices de l’eau. Grâce à l’intercommunalité, nous pourrons opérer des rapprochements, mais nous devons y travailler davantage.
L’article 16 bis est adopté.
Cet amendement vise à fixer la date de création de l’Agence française pour la biodiversité au 1er janvier 2016 au plus tard, et non au 1er janvier 2015.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 2 .
L’article 17, amendé, est adopté.
Article 17
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 1402 .
Sagesse.
L’amendement no 1402 est adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 1401 .
Sagesse.
L’amendement no 1401 est adopté.
L’article 17 bis, amendé, est adopté.
Cet amendement prolonge les échanges que nous avons eus sur l’importance de la gouvernance de l’eau. Au risque de verser dans les banalités, je rappelle que l’eau est un bien commun qui est l’affaire de tous. Elle est liée à des enjeux multiples : enjeux qualitatifs et quantitatifs mais aussi conflits d’usages, enjeux financiers ou encore accès à l’eau pour tous – question sur laquelle une proposition de loi sera bientôt présentée ici même.
L’évaluation de la politique de l’eau conduite en 2013, madame la ministre, a permis de révéler une donnée que l’on ignorait jusqu’alors : les flux financiers liés à l’eau représentent 23 milliards d’euros. L’enjeu est considérable.
C’est dire si la question de la gouvernance de l’eau est fondamentale, tant en matière de démocratie qu’en termes de proximité. J’évoquais tout à l’heure les textes de loi qui conduisent les collectivités locales, notamment les EPCI, à s’impliquer davantage, y compris par l’intermédiaire des bassins-versants : ils montrent combien la question de la gouvernance est au coeur de la réussite de toutes les politiques publiques de l’eau et des bons résultats qu’elles doivent produire.
En effet, la réforme de la gouvernance des comités de bassin et, plus généralement, de la politique de l’eau est un chantier très important. Le rapport assez sévère que la Cour des comptes vient de nous transmettre comporte plusieurs recommandations qui sont actuellement à l’étude dans les structures concernées, auxquelles j’ai demandé de formuler des propositions en la matière. D’autre part, un travail interministériel est en cours, et je souhaite qu’il aboutisse au plus vite.
Je suggère donc le retrait de cet amendement pour attendre le retour du texte en deuxième lecture, car le Gouvernement entend saisir la commission du développement durable des suites qu’il donnera au rapport de la Cour des comptes concernant la cohérence de la gouvernance et les problèmes de conflits d’intérêts que la Cour a relevés. Ce sont des sujets graves qu’il convient de traiter rapidement, tant en termes de représentativité et d’efficacité que de transparence des règles.
C’est pourquoi je souhaite le retrait de cet amendement afin que nous puissions poursuivre notre travail commun sur ce sujet, notamment avec votre commission, mais aussi avec diverses autres structures qui ont leur mot à dire comme le comité national de l’eau. Ainsi, lorsque l’Assemblée s’en saisira de nouveau, le texte aura pu être enrichi à partir des consultations indispensables que nous devons conduire.
Je comprends d’autant plus l’intervention de M. Lesage qu’il a rendu un rapport d’évaluation de la politique de l’eau dans lequel il a déjà soulevé ce sujet. En outre, Mme Anne-Marie Levraut a également produit un rapport d’évaluation dans le cadre des travaux du conseil général de l’environnement et du développement durable, rapport qui préconise de « conforter les comités de bassin pour accroître leur légitimité, leur représentativité et donc leur autorité, garder une composition où aucun collège n’a la majorité, la faire évoluer pour permettre une meilleure représentation de la société civile qui représente les bénéficiaires finaux de l’action publique » en dissociant les usagers économiques et non économiques.
Il va de soi que le comité national de l’eau, que je préside, s’est emparé de ce sujet, d’autant plus qu’il avait été soulevé à la table ronde consacrée à l’eau lors de la conférence environnementale de 2013, à l’issue de laquelle il avait été intégré à la feuille de route gouvernementale. J’ai donc créé un groupe de travail qui s’est installé le 10 octobre 2013 et a tenu trois réunions avant la fin de cette même année sous la présidence de M. Pierre-Alain Roche, ingénieur de l’environnement et président de l’Association scientifique et technique pour l’eau et l’environnement, et de M. Christian Bernad, élu du bassin Adour-Garonne.
Les préconisations qui en ont résulté sont déjà connues et ont été transmises à la direction de l’eau, madame la ministre. Le groupe de travail s’est ensuite réuni à deux reprises au cours de la première partie de l’année 2014, avant de suspendre ses travaux en raison du débat sur la réforme territoriale, sur les transferts de compétence et sur la loi NOTRe en particulier. Cela étant, nous nous sommes saisis du sujet et je partage l’avis de Mme la ministre selon lequel il est préférable de consolider les travaux en cours plutôt que d’adopter l’amendement qui nous est proposé.
Madame la ministre, madame la rapporteure, nous maintenons cet amendement car de nombreuses consultations ont déjà été conduites en matière de politique de l’eau. À vrai dire, la Cour des comptes avait d’ores et déjà fait paraître un rapport en 2010, puis est paru celui de Mme Anne-Marie Levraut, effectué par cinq corps d’inspection dans le cadre du comité interministériel de la modernisation de l’action publique. Ensuite, M. Lesage a rédigé un rapport d’évaluation de la politique de l’eau, dont je le félicite. Puis la table ronde de la conférence environnementale a eu lieu en septembre 2013, soit il y a plus d’un an et demi.
Tous ces travaux convergeaient sur un point : la nécessité de réformer la gouvernance de la politique de l’eau. Nous savons que cela suppose l’adoption de mesures législatives, car ces problèmes ne sauraient être résolus par la voie réglementaire. Chacun connaît l’encombrement du calendrier parlementaire, mais je rappelle que le présent projet de loi a été présenté en conseil des ministres en mars 2014, puis en commission aux mois de juin et juillet de la même année, et qu’il arrive en séance publique au début 2015. Autrement dit, nous n’avons aucune assurance concernant un calendrier qui permettrait de prendre les mesures législatives nécessaires pour réformer la gouvernance de la politique de l’eau. C’est pourquoi nous estimons qu’il est souhaitable d’agir dès aujourd’hui.
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.
La séance est reprise.
Nous examinons l’amendement no 1213 présenté par Mme Batho.
Madame la rapporteure, après la demande de retrait du Gouvernement, quel est l’avis de la commission ?
Je ne peux qu’exprimer la position de la commission, qui avait accepté cet amendement.
Je vais m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée car sur le fond, le fait que les choses changent ne me dérange pas. Cela dit, les organisations professionnelles agricoles et industrielles risquent d’être quelque peu surprises de se voir ainsi marginalisées. Dans le contexte actuel, elles vont certainement réagir. Vous ne serez pas étonnés, dans vos circonscriptions, d’avoir à leur expliquer ce vote inattendu qui a eu lieu à l’Assemblée.
D’une façon générale, il faut respecter les procédures de consultation prévues. Légiférer de façon précipitée pose toujours un problème. Je vous alerte donc sur la réaction des organisations lorsqu’elles vont s’apercevoir qu’en l’absence de toute concertation, leur place a été considérablement réduite.
Cela dit, le Gouvernement est déterminé à modifier la gouvernance de l’eau, comme en témoignent les nombreux rapports qui ont été demandés sur cette question. Je me suis saisie du rapport de la Cour des comptes et j’ai convoqué l’ensemble des responsables de la gouvernance de l’eau pour leur demander de faire des propositions en réponse au constat établi par la Cour des comptes.
Il s’agit de sujets très sensibles, souvent conflictuels. Certes, nous ne devons pas avoir peur des conflits car ils permettent de poser des vérités sur la table, de définir les responsabilités et les attentes des uns et des autres, et d’identifier les flux financiers en distinguant ceux qui paient, ceux qui reçoivent et ceux qui subissent les pollutions : consommateurs, industriels, agriculteurs.
S’agissant de l’eau, c’est la société tout entière qui doit organiser sa solidarité. Il s’agit d’une question très importante qui mérite d’être approfondie, après un processus de concertation et un travail interministériel.
Je le répète, vous allez devoir expliquer dans vos circonscriptions pourquoi la phase de consultation a été « édulcorée ». Je voudrais dire à ceux qui suivent nos débats ou qui en prendrons connaissance, que le Gouvernement est soucieux de poursuivre les consultations comme elles doivent l’être, c’est-à-dire sérieusement, en toute transparence et dans le respect des divergences. Lors de l’examen du texte au Sénat, le Gouvernement présentera une réforme stabilisée, basée sur les travaux de l’Assemblée, en particulier de ses commissions que je saisirai lorsque nous aurons rédigé un texte définitif.
Je partage l’analyse qui a été faite sur la nécessité de faire évoluer la représentation au profit des usagers, qui sont les principaux contributeurs s’agissant de l’eau qui coule du robinet puisqu’ils paient 80 % des redevances mais ne sont pas représentés comme ils le méritent.
Au sein du Comité national de l’eau, que je préside, j’ai chargé un groupe de travail de réfléchir à cette question. Je précise que le groupe est indemne des critiques portant sur la composition du CNE puisqu’il s’est volontairement écarté, pour préserver l’objectivité de ses travaux, de la représentation actuelle.
Je partage le souci de Mme la ministre de ne pas ajouter à l’inquiétude due aux aménagements financiers dont nous avons débattu tout à l’heure une autre inquiétude quant au fonctionnement des comités de bassin et des conseils d’administration des agences de l’eau.
Il faut donner du temps au temps : la période qui nous sépare de la deuxième lecture nous permettra de terminer nos travaux.
Je remercie Mme la ministre d’en appeler à la sagesse de l’Assemblée sur cet amendement, et certainement sur les suivants.
On ne peut pas parler d’un manque de concertation : nous avons rappelé, les uns et les autres, les nombreuses discussions qui ont eu lieu à propos de la gouvernance de la politique de l’eau. Mais il existe des résistances et des blocages, c’est pourquoi il est important qu’un vote clair précisant les intentions du Parlement vienne confirmer la volonté du Gouvernement.
L’amendement no 1213 est adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 1206 .
Cet amendement ne modifie pas l’équilibre général de la représentation entre les collectivités territoriales, les usagers et l’État au sein des comités de bassin, mais il propose de distinguer les usagers non économiques et les usagers économiques. Certes, les représentants des industriels et des agriculteurs ont toute leur place dans la gouvernance de la politique de l’eau, mais les usagers, les associations de protection de la nature, les associations de défense des consommateurs sont très minoritaires et doivent être mieux représentés. Tel est le sens de cet amendement qui modifie en conséquence l’article L. 213-8 du code de l’environnement.
Sagesse.
L’amendement no 1206 est adopté.
En effet, les usagers domestiques paient 85 % des redevances mais ils sont peu représentés – moins de 15 % – dans les conseils d’administration des comités de bassin. Il était donc important que nous votions cet amendement.
L’amendement no 1207 est un amendement de cohérence qui vise à ce que la représentation des usagers non économiques dans les comités de bassin soit également améliorée dans les conseils d’administration des agences de l’eau.
Sagesse.
L’amendement no 1207 est adopté.
La Cour des comptes souligne dans son rapport que le code de l’environnement n’encadre pas et n’oblige pas à créer une commission des aides au sein des agences de l’eau, qui en outre ne rendent pas compte de l’utilisation qu’elles font de l’argent public. Il convient donc d’inscrire ces principes élémentaires dans le code de l’environnement.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 1212 .
Cet amendement supprime un alinéa concernant la présidence de la commission des aides. C’est un point qui mériterait d’être approfondi et j’avais de bonnes raisons pour présenter cet amendement, toutefois je le retire au profit de l’amendement no 1528 .
Vous avez raison, monsieur Launay, mais ce n’est pas le cas dans toutes les agences de l’eau !
L’amendement no 1212 est retiré.
Avis favorable.
L’amendement no 1528 est adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 1208 rectifié .
Cet amendement a trois objectifs : mettre en place un régime d’incompatibilité entre les fonctions de membre du conseil d’administration d’une agence de l’eau et des fonctions définies par décret ; faire en sorte que les membres du conseil d’administration des agences de l’eau souscrivent une déclaration publique d’intérêts ; enfin, qu’un membre du conseil d’administration directement intéressé par une délibération en cours ne participe ni au débat ni au vote.
Avis favorable.
L’amendement no 1208 rectifié est adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1069 rectifié portant article additionnel avant l’article 18.
La multiplication, au cours des dernières années, de nouveaux brevets portant sur des « séquences génétiques », des « unités fonctionnelles d’hérédité » ou des « traits » naturellement présents dans des plantes cultivées, des animaux d’élevage ou des espèces sauvages apparentées constitue une menace de confiscation de la biodiversité agricole et le blocage de l’innovation indispensable à son renouvellement.
Dès qu’un brevet est déposé, les sélectionneurs ou les agriculteurs qui conservent et renouvellent cette biodiversité en la valorisant sont obligés de cesser leur activité ou de négocier des droits de licence élevés pour pouvoir la poursuivre. Il convient donc d’actualiser le code de la propriété intellectuelle afin de prendre en compte l’évolution récente des techniques génétiques.
Afin d’obtenir la protection par brevet de séquences génétiques ou de traits existant déjà naturellement dans des plantes ou des animaux, ou pouvant être obtenus à l’aide de procédés essentiellement biologiques de croisement ou de multiplication, l’industrie revendique parfois l’obtention par des procédés microbiologiques de séquences génétiques ou de traits identiques. Il convient également d’interdire ces méthodes de contournement de l’exclusion de la brevetabilité des traits « natifs » des végétaux et des animaux et des procédés essentiellement biologiques d’obtention de ces animaux et végétaux.
Tel est l’objet de cet amendement.
Avis défavorable. Hier, j’ai présenté un amendement portant sur les traits « natifs », amendement soutenu par Mme Le Dain, rapporteure de la commission des lois. Je considère que c’est une question d’une extrême importance qu’il est indispensable d’étudier de près car, si nous n’y prenons garde, nous serons bientôt dépassés par les événements.
Nous avons obtenu du Gouvernement l’assurance qu’il allait se pencher sur la question, qui est très complexe car il faut prendre en compte le droit européen. Le Gouvernement s’est déclaré sensible au problème et en prend la mesure. Progresser davantage suppose de travailler dans le cadre européen. J’ai donc retiré mon amendement en raison de la confiance que j’accorde au Gouvernement pour progresser. Il s’agit d’un point très important car des agriculteurs, des éleveurs et de nombreux professionnels ne pourront plus travailler demain en raison de ce genre de problème.
Même avis défavorable.
L’amendement no 1069 rectifié est retiré.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à Mme Chantal Berthelot.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous entamons l’examen de l’article 18 qui prévoit la mise en oeuvre du protocole de Nagoya. Je salue à cet instant fortement et sincèrement le courage du Gouvernement car la signature du protocole ne l’obligeait en rien à légiférer en droit interne. Il en résulte un travail technique, comme nous allons nous en rendre compte, mais concilier les points de vue n’est pas simple. Je tiens donc à saluer le travail qui a été réalisé et les amendements proposés qui vont vraiment dans le sens de ce que souhaitent nos populations.
Il s’agit certes d’un dispositif très technique mais j’aimerais vous sensibiliser, chers collègues, aux populations autochtones qu’il concerne. Je sais bien que notre droit ignore la notion de peuple autochtone, mais les Amérindiens sont en Guyane les premiers habitants du territoire. Les Kali’na, les Lokonos, les Palikur, les Tekos, les Wayampi et les Wayana sont autant de peuples qui ont préservé la biodiversité pendant des siècles, surtout dans le sud de la Guyane où a été créé le parc amazonien de Guyane qui est avec près de quatre millions d’hectares le plus grand parc « d’Europe ». À leurs côtés, les communautés d’habitants des Alukus, des Saramacas, des Paramacas et des Djuka ont aussi contribué à conserver la biodiversité en l’état.
Compte tenu du contexte socio-économique guyanais, caractérisé par une population très jeune et un chômage élevé, la reconnaissance de nos savoirs et savoir-faire locaux très spécifiques et des modes de vie intimement liés au milieu naturel sont importants à nos yeux car elle dessine des perspectives de développement en plaçant l’homme au centre du dispositif. La volonté que nous avons en Guyane de concilier la conservation des patrimoines, l’interaction entre l’homme et les ressources naturelles et la valorisation locale prend tout son sens dans le dispositif d’accès aux ressources et de partage des avantages (APA). L’identité et la culture de cette population et de ces hommes et ces femmes s’en trouvera reconnue, la diversité culturelle et la transmission des valeurs et savoir-faire valorisées.
Les retombées du dispositif APA amélioreront la qualité de vie des habitants et assureront le développement durable du territoire. Certains savoirs et savoir-faire locaux sont revendiqués à juste titre par les habitants et ont été identifiés comme vecteur de développement local endogène à condition d’être accompagnés spécifiquement. C’est ce que nous allons tous faire grâce au dispositif APA. Je vous demande donc de ne pas oublier lors de la discussion des amendements, mes chers collègues, que la technicité est surtout un moyen de donner un cadre de vie et de valorisation à des concitoyens de notre République et de France.
L’article 18 procède à l’intégration du protocole de Nagoya dans la législation française. Le protocole de Nagoya est issu de la COP10, il s’agit donc d’un moment important en cette année qui nous verra recevoir la COP21. Il résulte de la volonté de partager plus justement les ressources d’un territoire, génétiques en particulier, et les avantages qui en découlent. Deux écueils doivent être évités. Il faut éviter de déposséder les populations et veiller à la nécessité d’associer toutes les communautés d’habitants d’un territoire donné, ce que d’ailleurs ne prévoit pas vraiment l’article 18. Nous présenterons donc des amendements au nom du groupe UMP afin de le préciser. Nous en présenterons d’autres visant à clarifier le consentement des populations car on sait très bien qu’il n’est pas toujours facile de connaître leur sentiment lorsque la technique est si compliquée.
Le second écueil serait d’entraver la recherche génétique. Il est important que nos grandes entreprises, dont certaines sont pionnières en la matière, continuent à mettre au point à partir de la nature un certain nombre de processus, y compris des processus génétiques. Nous avons longuement parlé cette nuit de biomimétisme car la nature fait sans doute beaucoup mieux que tout ce que nous faisons. Il faut donc aller chercher ce qui se fait dans la nature et en tirer un processus de commercialisation et un équilibre économique. Ces deux écueils ne sont pas faciles à éviter, mais tel est tout l’enjeu de l’article 18.
Le présent projet de loi vise à protéger et valoriser la biodiversité. Je suis évidemment très attaché à la protection de la biodiversité promue par les textes « Grenelle I » et « Grenelle II » et suis parfaitement conscient que notre pays doit s’améliorer en la matière. Il existe d’ailleurs un réel consensus à ce sujet. Cependant, je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’esprit du texte qui ne fait pas des acteurs socio-économiques dans nos territoires des partenaires du maintien de la biodiversité et du développement durable de notre société et de notre économie. En effet, le texte que nous examinons ne fait que les contraindre un peu plus alors qu’il existe un réel besoin de simplifier les procédures administratives et réglementaires et d’alléger le poids de la fiscalité. Comme d’habitude, un flou demeure en raison d’un recours excessif aux ordonnances. Il est donc à mon sens nécessaire d’améliorer le texte.
L’article 18 du présent texte évoque « les ressources génétiques », « les connaissances traditionnelles associées » et « le partage juste et équitable des avantages découlant de [leur] utilisation ». Il vise donc à transposer en droit français le protocole de Nagoya. Cependant, il ne prévoit pas d’associer les communautés d’habitants à la négociation et la signature du contrat de partage des avantages découlant de l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques. Or les représentants doivent être parties au contrat. En conclusion, il semble nécessaire de mieux inclure les communautés d’habitants dans le processus d’accès aux ressources génétiques lorsqu’il a lieu sur le territoire d’une collectivité où se trouvent des communautés d’habitants. L’autorisation ne doit être accordée qu’après leur consultation.
Nous abordons l’examen du titre IV relatif à l’accès aux ressources génétiques et au partage juste et équitable des avantages introduisant dans le code de l’environnement la procédure d’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et le partage des avantages découlant de leur utilisation. Il s’inscrit dans le contexte de l’entrée en vigueur le 12 octobre 2014 du protocole de Nagoya signé par la France en 2011 et du règlement européen no 511-2014 d’objet identique. Il permet donc à la France d’honorer ses engagements internationaux. Il constitue aussi un outil de prévention et de lutte contre la biopiraterie dont a été victime, par exemple, la Polynésie française productrice du monoï de Tahiti dans les années quatre-vingt. La Polynésie française a réussi à reprendre le contrôle de ce savoir-faire ancestral qui constitue une formidable filière de développement économique et touristique.
La France a choisi de réglementer l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées sur son territoire afin de mieux préserver et mieux valoriser la richesse que constitue sa biodiversité, notamment dans les outre-mer mais aussi en métropole et dans le milieu marin. S’il y a un pays en Europe qui doit mettre en place un tel système, c’est bien la France en raison de sa grande richesse en matière de biodiversité, dont nous parlons depuis le début du débat, de ses collections comme celle du Muséum d’histoire naturelle qui compte près de soixante-dix millions d’échantillons et de sa recherche. J’aurai d’ailleurs tout à l’heure le plaisir de distribuer un ouvrage du Muséum d’histoire naturelle afin de rendre nos débats plus concrets.
Je rappelle également que trois territoires d’outre-mer français sont déjà couverts par un dispositif identique, le parc amazonien de Guyane, la Polynésie française et la province sud de la Nouvelle-Calédonie. D’autres pays réglementent déjà l’accès à leurs ressources génétiques comme le Costa Rica, l’Afrique du Sud et l’Australie. Cette liste n’est pas exhaustive et je suis convaincue qu’à l’approche de la Conférence de Paris sur le climat, les débats du Parlement français et les règles que nous allons adopter en intégreront la feuille de route et que d’autres pays s’aligneront sur la législation française. Ces dispositifs fournissent un cadre juridique clair qui facilite les recherches actuelles sur les ressources génétiques et a pour ambition d’offrir des garanties et une sécurité juridique en vue de la valorisation des résultats. En effet, la recherche est souvent dépendante de la biodiversité, véritable source d’inspiration. Le partage des avantages fait de cette dépendance un cercle vertueux en réinvestissant une partie des avantages économiques tirés de l’utilisation des ressources génétiques dans la préservation de la biodiversité, ce qui est aussi en quelque sorte l’un des aspects de l’économie circulaire.
Le partage des avantages ne doit freiner ni la recherche ni la compétitivité française, comme l’ont d’ailleurs demandé bien des chercheurs que nous avons consultés dans le cadre de la préparation du projet de loi. En France, le partage des avantages s’appliquera de manière identique aux acteurs français et étrangers de la recherche-développement faisant usage des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées sous souveraineté française. Ainsi, il ne créera nulle distorsion de concurrence. Le titre IV prévoit des démarches administratives simples élaborées dans le cadre d’une large concertation avec les parties prenantes, la recherche et les territoires d’outre-mer. Une déclaration globale, en ligne, annuelle voire pluriannuelle et donnant lieu à la délivrance d’un récépissé suffira dans la grande majorité des cas. Une demande d’autorisation sera nécessaire uniquement dans les cas plus rares où une application commerciale est prévue, ce qui est par définition indispensable afin que le retour sur investissement, qui sera négocié avec les acteurs, fasse l’objet d’un partage juste et équitable conformément à la convention relative à la diversité biologique.
Le versement de contributions financières n’est toutefois pas exclu mais dans des limites acceptables par tous. Il bénéficiera à l’Agence française de la biodiversité qui pourra ainsi lancer des appels à projet en vue de financer des actions favorables à la biodiversité. Enfin, j’ai été particulièrement attentive aux observations formulées dans le milieu de la recherche et notamment celles des chercheurs du Muséum d’histoire naturelle initialement assez inquiets des conséquences d’une telle démarche sur la recherche. Je proposerai donc au nom du Gouvernement des amendements visant à faciliter les activités de recherche, relatifs en particulier au concept de collection, et des amendements visant à assurer la continuité avec les dispositifs existants outre-mer.
En qualité de présidente de la commission des affaires européennes, j’ai rédigé un rapport sur la ratification et la mise en oeuvre du protocole de Nagoya. L’Union européenne l’a signé le 23 juin 2011, la France le 20 septembre 2011. Quant à sa ratification, huit pays l’ont ratifié à ce jour, dont le Brésil par exemple. Il s’agit donc d’un processus plus complexe encore.
Trois points me paraissent importants. Le protocole de Nagoya subordonne l’utilisation des ressources génétiques à trois conditions : l’obtention du consentement du pays fournisseur préalablement à toute démarche de prospection et de collecte ; le versement de contreparties monétaires ou non monétaires, pouvant prendre la forme de redevances financières ou de coopérations en recherche et développement ; un réinvestissement d’une partie des bénéfices dans la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité.
La situation de la France est particulière, puisqu’elle est à la fois un pays fournisseur, en raison de la richesse de sa biodiversité, mais aussi de connaissances traditionnelles nombreuses et très souvent réutilisées, par exemple en pharmacopée ou en cosmétique, et un grand utilisateur. L’article 18 va nous permettre de clarifier et de renforcer cette cohérence au bénéfice de ceux qui fournissent le plus d’éléments, à savoir les zones ultramarines. Je prendrai ici l’exemple de la pervenche de Madagascar, qui constitua il y a quelques années une formidable découverte pour la lutte contre le cancer, entrant dans la composition de médicaments extrêmement forts. Cet exemple est loin d’être le seul. C’est cette culture que nous allons porter ensemble qui permettra à la France de se montrer exemplaire dans la lutte contre la biopiraterie.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 101 .
Le texte emploie à plusieurs reprises le terme de « communautés d’habitants ». Je préférerais lui substituer celui de « groupes d’habitants ». En effet, le mot « communauté » renvoie à un comportement communautaire ; il tend à globaliser l’ensemble d’un groupe humain – hommes, femmes et enfants – dans un environnement culturel et géographique. Cela ne correspond pas à notre culture française.
Nous avons laissé passer ce terme de communauté à l’échelle européenne sans y prendre garde. Je le regrette : la notion de communauté renvoie en France à celle de communautarisme, dangereuse pour notre République. La France n’est pas un pays anglo-saxon, c’est-à-dire une zone de partage, mais un pays ancré dans des pratiques, des usages et des principes.
Je propose donc de remplacer systématiquement dans cet article le terme de « communauté d’habitants » par celui de « groupe d’habitants ». Des personnes que leur histoire personnelle et familiale rattache à un territoire et à une culture ne se sentent pas toujours pour autant assujetties à un groupe lui-même défini par un vocabulaire. Le mot « groupe » est plus ouvert, tout en disant la même chose. Il faudra d’ailleurs revoir la traduction naturelle du terme « communities » que nous avons laissé passer, qui heurte notre tradition républicaine et la devise « Liberté, égalité, fraternité ».
Le mot « communauté » vient de la traduction de l’anglais « community », madame Le Dain, de même que le droit européen n’utilise pas le terme de services publics – chacun sait que la public school est une école privée – mais celui de services d’intérêt général. Mais dès lors que nous sommes en droit français, substituer le mot « groupe » au mot « communauté » aurait sa cohérence.
Avant de m’exprimer sur cet amendement, je voudrais redire, après Mme la ministre, que l’intégration du protocole de Nagoya dans notre législation est très importante. La France a la caractéristique d’être à la fois fournisseur et utilisateur de ressources génétiques. L’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées est donc organisé selon un régime dual très complexe, qu’il nous appartient de traduire de la meilleure façon possible.
M. Mariani est parti, mais j’aurais pu le rassurer : nous avons pris langue avec tous les acteurs qui peuvent être impliqués dans le protocole. Mme la ministre l’a dit, elle a veillé à ce que ni les collections ni la recherche ne soient pénalisées. Cela n’est pas simple, car c’est très technique. J’espère que nos débats permettront d’améliorer le texte.
En ce qui concerne l’amendement de Mme Le Dain, je rappelle que nous avons longuement débattu en commission sur les termes à employer. Nous avons finalement retenu celui de « communauté d’habitants », qui est déjà employé dans le code de l’environnement et dans la charte du Parc amazonien et que nous souhaitons par conséquent maintenir dans le texte. Avis défavorable.
Même avis.
Permettez-moi de profiter de cet amendement pour rappeler le sens et l’esprit du protocole de Nagoya – cela permettra d’éclairer notre choix sur l’amendement. L’objectif du protocole est bien de rééquilibrer les avantages et les gains obtenus via une certaine forme de piraterie des ressources naturelles traditionnelles de peuples autochtones. C’est finalement la traduction un peu hybride du terme « communautés autochtones », employé dans le protocole de Nagoya, en « communautés d’habitants » qui pose problème. Je vous rejoins sur un point, madame Le Dain : avec cette traduction, nous perdons ce qui était recherché à l’origine par le protocole de Nagoya, à savoir la restitution aux peuples autochtones d’une certaine part des avantages acquis grâce à leurs actions de préservation de leurs connaissances et de leur patrimoine ; et c’est précisément la raison pour laquelle je ne peux m’associer à votre amendement. Pour sa part, le code polynésien a conservé le terme de « communauté autochtone », afin de permettre – même au sein de notre territoire – la restitution de ces avantages à la communauté dont ils sont tirés.
Personnellement, je ne partage pas le point de vue de Mme Le Dain – qu’il s’agisse de l’amendement lui-même ou des arguments avancés par son auteur. Mme Sage vient de nous rappeler l’esprit du protocole de Nagoya : il ne s’agit pas seulement d’organiser l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées dans le monde, mais aussi de respecter les richesses biologiques, de déterminer les conditions d’accès à ces ressources, à la fois pour les États et pour les peuples eux-mêmes, et enfin de les partager et de les exploiter.
Lorsque nos ressources intéressent la République une et indivisible, sans communautarisme potentiel, on le dit haut et fort, et on parle de la diversité géologique, géophysique, géostratégique et esthétique de la France, de l’étendue de son domaine maritime ; mais on refuse de reconnaître que la diversité s’exprime par une culture, un peuple et une réalité géographique. Or qu’on le veuille ou non, et sans tomber dans le communautarisme, il y a ici des différences, un multiculturalisme et une diversité des peuples. C’est cela la France ! On ne peut pas comparer la culture polynésienne et le peuple polynésien avec la culture et le peuple de l’Hexagone ou de la Martinique : nous avons des différences, et il faut savoir les apprécier. Je ne partage donc pas le point de vue de Mme Le Dain.
J’y reviendrai tout à l’heure avec un amendement. J’espère que la navette permettra de clarifier les choses. Nous sommes partis des « communautés autochtones » du protocole de Nagoya pour arriver aux « communautés d’habitants », en essayant de protéger les conditions de l’accès aux ressources et du partage. Mais ainsi que je vais le démontrer tout à l’heure, la mécanique exclura la plupart des départements et des régions d’outre-mer des avantages qui pourront en être tirés, notamment sur la dimension de la connaissance traditionnelle associée à une ressource génétique. J’en reparlerai.
J’ai bien entendu mes collègues. Je suis certaine que nous partageons les mêmes valeurs. Je retire donc l’amendement, mais j’aurais préféré le mot « peuple » à celui de « communauté ». Après tout, la Constitution évoque bien le peuple corse.
L’amendement no 101 est retiré.
Les débats en commission ont permis d’introduire dans le texte la possibilité de faire bénéficier l’accès aux ressources et du partage des avantages les pratiques et savoirs traditionnels respectueux de la biodiversité de certains retours. Nous consacrons ainsi, et c’est très important, une possibilité de valorisation de ces ressources, dans des conditions acceptables, avec des possibilités de retour. Nous parlons ici de l’utilisation des ressources génétiques.
Néanmoins, il subsiste un problème en ce qui concerne la connaissance traditionnelle associée à une ressource génétique. Si nous n’introduisons pas à nouveau dans le texte les autres pratiques et savoirs traditionnels respectueux de la biodiversité, nous arrivons à une définition très restrictive de la communauté d’habitants, fort éloignée de l’esprit du protocole de Nagoya, et encore plus de celui de la convention de Rio. Cette définition ne permettra pas à la Martinique et à la Guadeloupe – peut-être pas non plus à la Polynésie et à la Guyane – de tirer profit de ces usages et de ces savoir-faire. Aux termes de l’article, la définition de la communauté d’habitants est en effet la suivante : « toute communauté d’habitants qui tire traditionnellement ses moyens de subsistance du milieu naturel et dont le mode de vie présente un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité ».
Je propose donc d’insérer un alinéa 5° bis définissant les pratiques et savoirs traditionnels respectueux de la biodiversité comme « toute pratique, savoir-faire traditionnel ou connaissance présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité et dont l’application est souhaitée sur une plus grande échelle ». Cela permettrait à la Martinique et à la Guadeloupe, mais aussi à la Guyane et à la Polynésie, de pouvoir être actives au moment des transactions. Car si les communautés d’habitants ne sont pas rassemblées dans un même lieu, ces usages et ces savoirs tirent leur essence même des traditions de ces pays – je pense à la pharmacopée, aux médicaments traditionnels ou à la valorisation de nos produits en produits de beauté. C’est toute une filière économique dont vous entraverez l’épanouissement si vous ne soutenez pas cet amendement.
Nous en arrivons à des explications techniques délicates et complexes. La commission a décidé de permettre aux pratiques et savoirs traditionnels respectueux de la biodiversité d’être eux-mêmes bénéficiaires des retombées potentielles, et donc du partage des avantages. Pour autant, cela n’entre pas dans le protocole de Nagoya.
Rappelez-vous nos débats : on a déjà dit que l’on souhaitait que vous puissiez bénéficier de retombées. Si l’on incluait ces pratiques et ces savoirs dans le protocole de Nagoya, ce dernier n’offrirait plus la même lisibilité. On fait bénéficier ces pratiques et ces savoirs traditionnels respectueux de la biodiversité des retombées potentielles et du partage des avantages, mais, je le répète, on ne peut pas les inclure dans le protocole de Nagoya. Telle est la raison de notre opposition. Cela étant, on a été très attentifs à ce que vous nous disiez. Il s’agit là d’une question essentiellement technique par rapport au protocole.
Même avis. Je dirais même que l’amendement peut être retiré dans la mesure où il est satisfait. Le fait de définir de façon assez précise l’objectif visé peut avoir un effet contraire à celui recherché puisque cela peut, paradoxalement, provoquer la restriction du champ d’application du partage des avantages, ce qui, je pense, n’est absolument pas ce que vous recherchez. Toute énumération étant, par définition, limitative, le partage des avantages se limitera, en cas de contentieux, à cette dernière. Je demande donc le retrait de cet amendement.
Madame la ministre, j’espère que vous aurez raison mais, en analysant le texte plus en détail, je constate, à la lecture des alinéas 33 et suivants, que la section 3 n’est pas applicable à tous ce qui ne peut être attribué à des communautés d’habitants. Or, la définition que vous donnez des communautés d’habitants exclut la Martinique et la Guadeloupe. C’est extrêmement important. J’ai d’ailleurs déposé un deuxième amendement sur ce sujet. En vertu de l’alinéa 39, la section 3 n’est pas applicable aux connaissances traditionnelles associées à des ressources ne pouvant être attribuées à une ou plusieurs communautés d’habitants. Comme la Martinique n’entre pas dans la définition de la communauté d’habitants, pas plus que la Guadeloupe, Saint-Martin, et, certainement, la Polynésie – seule la Guyane pourra sans doute y entrer –, nous n’aurons pas accès aux retombées commerciales de l’utilisation des savoir-faire et des usages. Je n’ai jamais demandé que l’on inclut quoi que ce soit dans le protocole de Nagoya, car je considère que tel n’est pas notre rôle. Nous avons abandonné la définition donnée par le protocole de Nagoya, qui évoque des populations autochtones et locales et inventé, pour la France, le concept de « communauté d’habitants ». Mais nos territoires n’y entrent pas ; on peut dès lors considérer que nous en sommes exclus.
Madame la ministre, je vous fais confiance. Je suis prêt, au bénéfice de vos explications, à retirer mes deux amendements, à la seule condition que, conformément aux engagements que vous avez pris en faveur de l’outre-mer, vous demandiez aux experts, en vue de la prochaine lecture au Sénat, d’analyser mes propositions et, dans le cas où j’ai raison, de réintroduire les deux amendements que j’ai déposés.
Monsieur Letchimy, j’en déduis que vous retirez votre amendement no 751 ?
Monsieur Letchimy, je vous donne mon accord pour que nous puissions réintroduire les amendements si l’objectif n’était pas atteint.
L’amendement no 751 est retiré.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1456 deuxième rectification.
C’est l’amendement que j’évoquais tout à l’heure en parlant de ce titre. Cet amendement a pour objet de définir la collection en cohérence avec la version française officielle du règlement européen relatif à la conformité au protocole de Nagoya, entré en vigueur le 12 octobre 2014. La définition donnée est d’ailleurs suffisamment large pour permettre à l’ensemble des collections françaises de s’y retrouver. Je rappelle que le règlement européen dispose que l’État français peut labelliser des collections françaises qui en feraient la demande. Cette labellisation sera valorisée au niveau européen. Je voudrais rappeler que la France dispose de collections nationales majeures. À titre d’exemple, le Muséum national d’histoire naturelle fait partie des trois plus grandes collections au monde avec celles de Londres et de Washington ; on recense plus de 150 collections de micro-organismes et 550 jardins botaniques. Il s’agit de faire en sorte que le texte soit cohérent et pragmatique au regard de l’ampleur de ces collections.
Cet amendement a pour objet de ne pas limiter la notion d’ « espèce modèle » aux espèces domestiques et cultivées, et d’en établir la liste par arrêté. En effet, les espèces modèles sont utilisées comme supports d’expérimentations ; c’est le cas des souris de laboratoires. Les dispositions du titre IV ne s’appliquant pas à ces espèces, je propose, par cet amendement, que l’on ne limite pas la notion d’ « espèce modèle » aux seules espèces domestiques, pour tenir compte du fait que certaines espèces sauvages, comme le poisson-globe, sont aussi utilisées comme modèles par la recherche.
Cela étant, afin de s’assurer que la loi ait un champ d’application clair et lisible pour les utilisateurs, je propose qu’un arrêté conjoint des ministères chargés de l’environnement, de l’agriculture, de la recherche et de la santé énumère, après consultation des associations concernées, une liste fermée de ces espèces modèles.
La commission a donné un avis favorable, mais je redis ici qu’il faut fermer très strictement la liste, et tenter, autant que faire se peut, de ne pas utiliser les animaux vivants pour faire des expérimentations. En effet, si je comprends bien cet amendement, on pourrait encore les utiliser à l’avenir, à l’image des souris. Or, vous savez que des textes imposent que, chaque fois que l’on peut remplacer un animal vivant, il faut employer des techniques alternatives. Je serai donc très vigilante sur ce sujet.
L’amendement no 1477 est adopté.
La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement no 1179 rectifié .
Cet amendement a pour objet d’insérer, après l’alinéa 38, un alinéa rédigé en ces termes : « d) bis Les ressources génétiques dont l’aire de distribution ne peut être délimitée et exclusivement réduite au territoire couvert par la présente section ». Ce qui est important est de pouvoir introduire une exemption sur les ressources génétiques communes présentes dans plusieurs pays, afin de ne pas créer de distorsions entre nos industries de recherche.
La commission a repoussé cet amendement, car il nous est apparu que l’adopter réduirait à l’excès le champ d’application du dispositif, puisque ce dernier serait réduit aux seules espèces endémiques spécifiques à notre territoire. La bonne réponse au problème de la concurrence que vous évoquez, madame la députée, est celle de la sécurité juridique garantie que procurera à l’utilisateur le système d’accès et de partage des avantages que nous allons mettre en place.
Même avis que la commission, pour les mêmes raisons.
La réponse de la rapporteure est importante, notamment pour nos laboratoires de recherche en France. Aussi, au bénéfice de cette explication, je le retire.
L’amendement no 1179 rectifié est retiré.
Le texte exonère déjà de son application les ressources génétiques des espèces cultivées et domestiquées aux fins d’utilisation comme modèles. Mieux vaut garder le bénéfice du dispositif d’accès et de partage des avantages – l’APA –, même en l’absence de communauté d’habitants : c’est alors l’État qui se rétribuerait – ce qui, par les temps qui courent, ne serait pas une mauvaise chose – dans l’objectif, conforme au protocole de Nagoya, de redistribuer ces avantages aux populations concernées. On peut ainsi, ce faisant, améliorer ce protocole.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement identique no 1148 .
Je partage le point de vue de notre collègue Chantal Berthelot. Je veux rappeler qu’il existe en la matière une forte attente de la part des communautés de Guyane, qui a été exprimée de manière extrêmement claire à l’occasion des ateliers organisés récemment au ministère de l’écologie. L’amendement en discussion pourrait rendre service, à la fois à l’État et à la Guyane.
La commission a émis un avis défavorable. Pourquoi ? On comprend bien l’intention des auteurs de l’amendement, mais le projet de loi vise à appliquer le protocole de Nagoya, et celui-ci – ce qui est peut-être, parfois, difficile à comprendre – exclut, en vertu de ses articles 10 et 11, le cas des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées présentes sur le territoire de plusieurs parties au protocole. Pour ces ressources et connaissances, il est prévu la mise en place ultérieure d’un mécanisme multilatéral mondial. C’est la raison pour laquelle – comme je le disais tout à l’heure au sujet de l’amendement présenté par M. Letchimy –, ces articles 10 et 11 limitent notre marge d’action, et l’on ne peut aller au-delà aujourd’hui. Voilà pourquoi la commission a repoussé cet amendement, tout en espérant que les choses avancent.
Même avis.
Je ne partage ni l’avis ni l’argumentaire de Mme la rapporteure. On sait qu’il existe des connaissances traditionnelles. Une difficulté, au regard du protocole de Nagoya, se pose dans le cas où l’on ne peut les attribuer à une ou à plusieurs communautés d’habitants. Dans cette hypothèse, il conviendrait de faire bénéficier ces savoirs traditionnels du dispositif de l’APA, contrairement à ce qui est prévu à l’alinéa 39. Les retombées de ces connaissances traditionnelles iraient au bénéfice de l’État ou des territoires, qui les redistribueraient différemment. L’amendement se borne à énoncer cela. Les dispositions proposées ne sont pas liées à l’existence de ces connaissances dans des pays limitrophes, mais visent uniquement une connaissance particulière sur notre territoire national qui ne serait pas affectée à une ou plusieurs communautés d’habitants. L’amendement a pour objet de la garder dans le giron du patrimoine national, en permettant que les retombées de ce savoir-faire aillent à l’État, qui déciderait de les redistribuer comme il le souhaite. Je voulais ainsi réaffirmer l’objectif poursuivi par cet amendement.
Je suis foncièrement surpris par la réponse qui nous est faite, dans la mesure où la France a mis beaucoup de temps avant de valider ce protocole de Nagoya. De mon point de vue, ce dernier forme un cadre réglementaire qui doit nous permettre d’avancer, mais je ne vois pas pourquoi on se laisserait contraindre par ces articles 10 et 11. La France est un État souverain, et je considère que la représentation nationale peut très bien se donner les moyens de répondre à une demande qui est exprimée par la population française, et, en particulier, guyanaise. À mes yeux, ces deux articles ne devraient pas constituer une contrainte. Si tel était le cas, il nous appartiendrait de trouver, en droit interne, les voies et moyens qui nous permettraient de les contourner. En tout état de cause, j’ai du mal à comprendre pourquoi ces deux articles pourraient être un frein à l’adoption de l’amendement que nous avons présenté.
L’amendement no 752 est retiré.
Cet amendement vise à inclure dans le champ d’application du projet de loi les connaissances traditionnelles qui auraient fait ou feraient l’objet d’un recours ou d’une contestation, qui sont actuellement exclues du dispositif d’accès et de partage des avantages, ou APA.
Un parallèle peut être dressé avec le droit de la propriété intellectuelle ou industrielle, domaine dans lequel les contestations sont légion. Nous défendons pourtant fermement ce droit aux niveaux français et européen. Les connaissances traditionnelles font et feront toujours l’objet de telles contestations, le demandeur ayant intérêt à prétendre qu’elles sont « tombées dans le domaine public », pour reprendre le vocabulaire du droit des brevets.
Les connaissances traditionnelles ne doivent pas être exclues du régime de l’APA quand leur appropriation fait l’objet d’une contestation et tant que l’affaire n’a pas fait l’objet d’un jugement définitif. Cela reviendrait sinon à considérer que les connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques qui ont été utilisées de longue date et de façon répétée n’appartiennent pas à une communauté d’habitants particulière et sont la propriété de tous.
Or les notions « de longue date » et « de façon répétée » sont pour le moins contestables du point de vue juridique. Il est donc proposé d’ajouter un autre critère avant d’exclure ces connaissances du périmètre de l’APA : la vérification que, a minima, l’utilisation de ces connaissances ne fait pas l’objet d’une contestation du fait d’une appropriation abusive ou de l’absence de partage des bénéfices.
La notion d’utilisation répétée de longue date pourrait ainsi valoir pour la littérature scientifique. Dans ce cas, une communauté dont une connaissance traditionnelle serait retranscrite de longue date dans cette littérature perdrait tout droit à tirer avantage de sa valorisation commerciale. S’il n’existe pas d’exemple de contestation pour le dispositif de l’APA puisqu’il n’est pas encore en vigueur, on en observe dans le droit des brevets : des communautés contestent l’utilisation commerciale faites de leurs connaissances au prétexte qu’elles seraient tombées dans le domaine public.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1149 .
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 1217 .
Ces amendements visent à prendre en compte le cas où l’utilisation de longue date et de façon répétée dont se prévaudraient les entreprises ou les organismes pour ne pas appliquer le dispositif d’accès et de partage des avantages serait contestée. Une telle contestation se traduit souvent par des recours contre des brevets sollicités ou obtenus par l’entreprise ou l’organisme.
Cependant, le respect des dispositions d’accès et de partage n’est pas une condition de recevabilité des brevets. Ces dernières sont définies par le droit européen dans la directive 9844CE du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Le dispositif que vous proposez, en dépit de la sympathie qu’il m’inspire, serait donc, malheureusement, totalement inopérant. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
Même avis que la commission.
Oui, monsieur le président. L’avis de la commission est fondée sur une interprétation de la directive européenne et du protocole de Nagoya. On pourrait à l’inverse l’interpréter comme une reconnaissance de ce qui nous a été transmis par la culture des peuples autochtones et leur respect de la biodiversité. Il est aujourd’hui reconnu que ces richesses ont été pillées par un certain nombre de grandes entreprises. Il est regrettable que nous n’en tenions pas compte.
Monsieur Serville, souhaitez-vous également maintenir votre amendement ?
Oui, monsieur le président, toujours pour les mêmes raisons : beaucoup de directives européennes ne sont pas appliquées sur le territoire hexagonal, et je ne comprends pas pourquoi on s’en tient en l’espèce à une interprétation qui nous interdit d’avancer sur ces questions.
Cet amendement rédactionnel vise à préciser que les connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques seront également couvertes par des régimes spécifiques. Il s’agit donc d’un amendement de cohérence.
L’amendement no 1457 est adopté.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1059 .
Les ressources génétiques ne sont pas toutes protégées par des dispositions spécifiques. Cet amendement vise donc à combler ce vide juridique pour les espèces domestiques ainsi que pour les espèces cultivées ne relevant pas de l’annexe I du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture – le TIRPAA –, telles que le soja ou la tomate.
La commission a repoussé cet amendement puisque, comme vous le savez, les ressources génétiques relevant de l’annexe I du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture sont exclues du protocole de Nagoya. Le cas que vous soulevez me paraît donc relever de l’alinéa 37 de l’article 18.
Même avis pour les mêmes raisons.
L’amendement no 1059 est retiré.
La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement no 1181 .
Cet amendement vise à exonérer les levures et bactéries utilisées dans le cadre des productions alimentaires des procédures de déclaration et d’autorisation prévues par l’article. Un décret pourrait en préciser la définition.
La commission a émis un avis défavorable à votre proposition d’exclure du dispositif de l’APA les levures et bactéries utilisées dans le cadre des productions alimentaires et de les basculer vers le dispositif prévu en matière de diversité biologique agricole. Le principe général est que les levures, comme les micro-organismes et les bactéries, relèvent du titre IV du projet de loi. L’adoption de cet amendement reviendrait à créer un double système, ce qui ne ferait qu’obscurcir la réglementation.
Même avis que la commission.
Il est vrai que ces levures sont principalement utilisées dans la fabrication de produits alimentaires comme les fromages, les bières ou le vin, entre autres. Il n’est donc pas certains qu’elles soient prises en compte.
Je vous confirme que les levures et les bactéries sont soumises à la procédure d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages prévue par la présente loi. Elles n’ont donc pas besoin d’être couvertes par l’ordonnance prévue à l’article 26. Compte tenu de ces garanties, je vous propose de retirer votre amendement, madame la députée.
L’amendement no 1181 est retiré.
Il s’agit d’un amendement très important. En effet, dans le cas des collections de ressources génétiques ou de connaissances traditionnelles associées constituées avant la date d’entrée en vigueur de la loi, les procédures d’accès et de partage des avantages s’appliquent à toute nouvelle utilisation de ces ressources génétiques ou connaissances traditionnelles associées, définie comme toute activité de recherche et de développement dont les objectifs et le contenu se distinguent de celles qui ont été précédemment menées par le même utilisateur.
Les règles de partage des avantages qui découlent de cette utilisation nouvelle sont appliquées différemment selon que les ressources génétiques sont entrées dans les collections avant ou après l’entrée en vigueur de la convention sur la diversité biologique.
La conjonction de ces deux dispositions entraîne la rétroactivité des règles relatives à l’accès et au partage des avantages des ressources génétiques déjà présentes en collection avant l’entrée en vigueur de la présente loi.
En outre, ces dispositions mettent en péril la compétitivité des organismes de recherche français, qui se voient imposer une réglementation plus contraignante que leurs compétiteurs européens.
Par cohérence, la suppression de l’alinéa 49 devrait entraîner celle de l’alinéa 100.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 1198 .
Monsieur le président, je défendrai également l’amendement no 100 , qui est un amendement de repli au cas où l’amendement no 1198 ne serait pas adopté.
L’amendement no 1198 tend à supprimer l’alinéa 49, qui définit les conditions dans lesquelles les ressources génétiques actuellement en collection pourraient ou non être exploitées.
Je crains que cette disposition ne fasse l’objet d’interprétations qui lui donnent un caractère rétroactif. En effet, les chercheurs peuvent souhaiter exploiter ultérieurement les collections de ressources génétiques dont ils disposent et qui ne sont pas actuellement utilisées. Or, nous ne sommes pas certains que l’utilisation de ces ressources antérieurement organisées, stockées et classées soit véritablement garantie et sécurisée pour les utilisations actuelles. Le but même de la recherche étant l’invention de l’avenir, les nouveaux usages ne peuvent pas, par définition, être prévus ; s’ils l’étaient, il ne s’agirait plus de recherche.
C’est pourquoi, même si certaines ressources sont exclues du champ de cet alinéa, il ne laisse pas de m’inquiéter, d’autant que sa rédaction me paraît trop compliquée.
Mon inquiétude est d’autant plus grande que les ressources génétiques font l’objet d’une compétition mondiale, tant sur le plan scientifique stricto sensu, c’est-à-dire celui de la recherche fondamentale, que sur le plan des applications, à travers notamment les certificats d’obtention végétale.
Ainsi les États-Unis ont construit à Fort Collins un immense bunker dans lequel ils stockent des ressources génétiques de toute nature, de la graine aux plants, en passant par les banques de chromosomes bactériens artificiels, ou banques BAC. Le Japon a fait de même à Tsukuba. L’État norvégien, quant à lui, a donné la plus grande publicité à son projet de stockage sous la banquise de collections considérables de ressources génétiques, avec le soutien de la fondation Bill Gates.
Je pense également à ce que fait l’Imperial College de Londres, dans une association à bénéfice mutuel avec l’université de Wageningen, aux Pays-Bas…
C’est important, monsieur le président ! L’Europe a déjà pris un retard considérable dans ce domaine faute d’avoir prévu, dans les cinquième et sixième programmes-cadres de recherche et développement technologique – PCRDT –, un financement pour ces recherches. Je crains que nous ne nous apprêtions à nouveau à porter de nouveau un coup considérable aux performances de nos scientifiques et à la force de notre économie semencière, alors que celle-ci est exportatrice nette à hauteur de 7 à 8 milliards d’euros.
Afin que tous les amendements puissent être défendus, je demanderai aux orateurs de bien vouloir respecter le temps de parole qui leur est imparti et qu’ils connaissent parfaitement, en particulier lorsqu’il s’agit d’amendements identiques dont le premier a déjà été présenté, comme c’est le cas ici.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
La convention sur la diversité biologique, son protocole d’application et le règlement européen qui met en oeuvre celui-ci soumettent les collections aux règles de traçabilité et de conformité. Supprimer tout cela placerait les détenteurs dans une situation extrêmement délicate.
La commission et le Gouvernement ont cependant entendu l’inquiétude des chercheurs, et ce dernier va vous proposer un amendement visant à permettre d’anticiper ces problèmes et de régler au mieux les difficultés qu’ils pourraient rencontrer. Je vous propose par conséquent de retirer ces amendements au bénéfice de celui du Gouvernement, qui me paraît plus réaliste et bien meilleur.
Défavorable.
L’amendement no 1198 est retiré.
L’amendement no 895 n’est pas adopté.
Il s’agit, non pas de supprimer l’alinéa 49, comme cela vient d’être proposé, mais de le modifier, afin de définir plus précisément la notion de nouvelle utilisation de ressources génétiques détenues en collection ou de connaissances traditionnelles associées.
S’ils avaient été adoptés, les amendements précédents auraient eu pour conséquence de supprimer tout contrôle de l’utilisation des ressources déjà stockées, même lorsqu’elles donnent lieu à une valorisation commerciale. Or il est impératif de maintenir un contrôle sur toute exploitation débouchant sur une valorisation commerciale. C’est pourquoi j’ai émis un avis défavorable à la suppression de l’alinéa 49.
Toutefois, pour ne pas entraver la recherche, je vous propose d’adopter un amendement tendant à modifier l’alinéa 49 en vue de simplifier significativement le dispositif, mais uniquement pour les activités de recherche à finalités non commerciales. Serait ainsi supprimée la procédure d’accès prévue pour des recherches nouvelles dans un cadre non commercial sur des ressources génétiques que les chercheurs détiennent déjà ; en revanche, une autorisation demeurerait nécessaire pour une nouvelle utilisation dans un objectif direct de développement commercial.
Il vous est donc proposé un juste équilibre entre, d’une part, la nécessité de protéger les travaux de recherche en cours à des fins non commerciales sur des ressources génétiques dont les chercheurs auraient déjà fait l’acquisition et, d’autre part, l’impératif d’un partage juste et équitable des avantages lorsque ces nouvelles utilisations s’inscrivent dans un cadre commercial.
Ces dispositions s’appliqueraient aux seules ressources génétiques prélevées et conservées en collections en France, quelles que soient la date de leur prélèvement dans le milieu naturel et de leur mise en collection.
Madame Le Dain, puis-je considérer que l’amendement no 100 a été défendu ?
Tout à fait, monsieur le président – c’est d’ailleurs pourquoi j’ai été si longue à présenter le précédent !
Quoi qu’il en soit, votre intervention avait dépassé les quatre minutes…
Quel est l’avis de la commission ?
Le dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages repose sur un système dual de déclaration et d’autorisation. Le fait générateur de l’application du régime d’autorisation est l’accès aux ressources génétiques en vue de leur utilisation, à des fins de connaissance sur la biodiversité, de conservation en collection ou de valorisation dans un objectif direct de développement commercial.
Cette notion d’objectif direct de développement commercial nécessite d’être définie par un décret en Conseil d’État afin de garantir une sécurité juridique aux utilisateurs. Tel est l’objet de mon amendement.
Défavorable.
L’amendement no 896 n’est pas adopté.
Lorsque les ressources génétiques se situent sur le territoire d’une ou plusieurs communautés d’habitants, elles peuvent être rattachées à cette ou à ces communautés. Or dans ce cas les communautés d’habitants ne sont pas associées aux procédures déclaratives qui seront soumises aux autorités compétentes ; elles n’en sont même pas informées. Il en est de même pour d’autres dispositions du texte. Cela est contraire à l’article 6.2 du protocole de Nagoya, qui prévoit que l’État partie prend « les mesures nécessaires pour s’assurer que le consentement préalable donné en connaissance de cause ou l’accord et la participation des communautés autochtones et locales sont obtenus pour l’accès aux ressources génétiques, dès lors que leur droit d’accorder l’accès à ces ressources est établi ». Les communautés d’habitants devraient donc être associées aux processus d’autorisation et de déclaration concernant l’accès aux ressources génétiques qui se situent sur leur territoire, même lorsque celles-ci ne sont pas liées à une connaissance traditionnelle.
Il serait souhaitable que le législateur trouve une solution juridique qui permette de transcrire en droit français le protocole de Nagoya tout en respectant les principes fondamentaux de la République. À ce titre, le cas du Parc amazonien de Guyane, le PAG, constitue un précédent intéressant. Ses textes fondateurs permettent en effet d’associer un certain nombre de communautés de vie à la gestion du parc et prévoient l’intervention du conseil général, du conseil régional et de l’établissement public du parc national dans la procédure d’autorisation. On pourrait s’inspirer de ce précédent et élargir ce dispositif à l’ensemble du territoire.
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 1218 .
Je voudrais saluer à ce propos l’esprit de prospective du gouvernement français, puisque la gestion du Parc amazonien de Guyane fait déjà l’objet d’un dispositif d’APA, avec succès. C’est pourquoi nous proposons que l’expérience acquise dans ce cadre serve au législateur pour concevoir un dispositif qui fonctionne. Il importe notamment de veiller à la consultation et au consentement des populations.
La question de l’information des communautés d’habitants avait fait l’objet de nombreux amendements en commission, dont certains ont été repris en séance, dans des rédactions extrêmement variées.
En l’occurrence, l’information sur la déclaration et son contenu sera bien disponible. En effet, les mécanismes de contrôle mis en place par le règlement européen no 5112014 prévoient que les récépissés de déclaration et les autorisations sont envoyés au Centre d’échange mis en place dans le cadre de l’observatoire international de la biodiversité, forum où toutes les informations pertinentes seront mises d’office à la disposition des autres utilisateurs et parties prenantes, notamment des communautés d’habitants. C’est pourquoi la commission a repoussé ces amendements.
Toutefois, un autre problème se pose : celui de la consultation. Pour éviter de perdre les acquis obtenus en la matière, notamment en Guyane, le Gouvernement défendra un amendement no 1554 , qui répond à vos demandes en matière, non seulement d’information, mais aussi de consultation – ce qui n’est pas la même chose.
Je vous suggère de retirer ces amendements, au bénéfice de l’amendement à venir du Gouvernement, no 1554, qui tend à impliquer dans le processus d’autorisation les conseils d’administration des parcs nationaux, au sein desquels les communautés d’habitants sont représentés. Il s’agit d’un moyen juridiquement beaucoup plus sûr pour atteindre l’objectif recherché et répondre à vos préoccupations, qui sont tout à fait justifiées.
Je le retire, mais sachez, madame la ministre, que je resterai vigilant quant à la suite des événements !
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1153 .
Dans un souci d’équité et d’efficacité, et afin de répondre à l’attente d’une décentralisation pleine et entière du dispositif d’APA en outre-mer, il est nécessaire de permettre aux collectivités ultramarines, lorsqu’elles sont compétentes en application de l’alinéa 93 de l’article 18 du présent texte, de fixer elles-mêmes les modalités de partage des avantages sur leurs territoires – après consultation, bien entendu, de l’Agence française pour la biodiversité. Tel est l’objet de cet amendement.
La commission a émis un avis défavorable à cet amendement. Compte tenu de l’importance des outre-mer dans la biodiversité française, il serait certes pertinent que les régions concernées et le département de Mayotte puissent exercer, s’ils le souhaitent, les fonctions d’autorité administrative pour leur territoire. Néanmoins, il importe que cette décentralisation de l’autorité s’accompagne d’une procédure uniforme sur tout le territoire, dans un souci de lisibilité et de simplicité du dispositif pour les chercheurs et les scientifiques. C’est une question de bon sens, et c’est pourquoi le projet de loi prévoit que les modalités de partage des avantages applicables aux activités soumises à déclaration seront fixées par décret en Conseil d’État : tout le monde sera ainsi logé à la même enseigne.
Je demande là encore le retrait de l’amendement, au bénéfice cette fois de l’amendement no 1480 , que je présenterai au nom du Gouvernement et qui devrait répondre à votre préoccupation.
En effet la disparité des modalités de partage des avantages selon les collectivités risquerait de poser de gros problèmes aux laboratoires de recherche et aux entreprises. L’amendement no 1480 , au contraire, vise à encadrer les négociations entre les utilisateurs et les autorités administratives compétentes, ce qui permettra de donner à chacun des départements et des territoires d’outre-mer un droit de regard sur ces règles, tout en préservant un cadre juridique commun à l’ensemble des outre-mer.
Je vous demande donc, monsieur Serville, de bien vouloir retirer votre amendement – étant entendu qu’il ne s’agit nullement d’échapper à l’oeil aiguisé de votre vigilance !
Sourires.
Je reconnais la pertinence de vos arguments, madame la ministre. Il est bon en effet de disposer d’un cadre uniforme, même s’il ne doit pas être trop rigide.
L’amendement no 1153 est retiré.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1070 .
Même avis.
L’amendement no 1070 n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement très important, puisque, conformément au souhait des parlementaires qui viennent de s’exprimer, il vise à fixer les modalités d’information et de consultation des communautés d’habitants en ce qui concerne l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées sur le territoire d’un parc national. Il concerne plus particulièrement le Parc amazonien de Guyane, qui met d’ores et déjà en oeuvre cette information et cette consultation dans le cadre du dispositif applicable aux territoires du parc.
Le présent amendement tend à assurer une continuité avec le dispositif en question. En prévoyant la consultation du conseil d’administration des parcs nationaux sur les demandes d’autorisation d’accès à des ressources génétiques, il permet une forme de consultation des communautés d’habitants, celles-ci étant, je le rappelle, représentées au sein des conseils d’administration des parcs. Je précise que cette consultation n’aurait lieu que lorsque le prélèvement devrait être fait in situ, dans le périmètre géographique du parc.
Je voudrais saluer la volonté de Mme la ministre de trouver une solution. Il n’était pas facile, vu la législation française, d’élaborer un mécanisme assurant la mise en oeuvre du dispositif d’APA sur notre territoire. Avec les parcs nationaux, vous avez trouvé le bon outil. En Guyane, cela concerne plus particulièrement la partie sud du territoire, où se trouvent la plupart des communautés autochtones et des communautés d’habitants.
Il y a cependant encore un point sur lequel je voudrais que vous me rassuriez, madame la ministre. L’article 25 du projet de loi prévoit en effet l’abrogation de la loi de 2006, qui permettait à titre dérogatoire au Parc amazonien de Guyane de mettre en oeuvre ce dispositif. Toutefois, il me semble que la consultation des habitants était prévue, non pas dans la loi, mais dans le décret d’application. J’aimerais par conséquent que l’on sécurise l’obligation de consultation et d’information des populations. Pourriez-vous, madame la ministre, me rassurer sur ce point – maintenant ou plus tard ?
Je tiens à vous apporter cette garantie, notamment en ce qui concerne le régime d’autorisation. Nous allons faire en sorte que cela soit précisé avant la fin de nos débats, notamment en ce qui concerne les circulaires d’application.
L’amendement no 1554 est adopté.
La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.
Cet amendement tend à ce que la procédure d’autorisation prévue pour l’accès aux ressources génétiques prévoie la consultation des communautés d’habitants qui vivent sur le territoire concerné, même s’ils ne sont pas détenteurs de ces ressources, par respect envers ceux qui gèrent ce territoire de manière durable depuis des millénaires.
Si le paragraphe 4, relatif aux procédures d’autorisation pour l’utilisation des connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques, prévoit bien une procédure de consultation des communautés d’habitants, une telle procédure n’est absolument pas prévue pour l’accès aux ressources génétiques. Nous proposons, par cet amendement, de compléter en ce sens le texte de l’article 18.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1151 .
La commission a repoussé ces amendements : l’État est seul souverain sur les ressources génétiques visées par le titre IV. C’est également lui qui est le garant de l’intérêt général.
Le Gouvernement y est défavorable. C’est une proposition intéressante, mais il ne paraît pas judicieux de rendre obligatoire la consultation d’institutions ou d’organes qui n’existent pas partout. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
En considération de ce que Mme la ministre vient de dire, je retire mon amendement.
L’amendement no 1220 est retiré.
L’amendement no 1151 est retiré.
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 1243 .
Cet amendement vise, comme le précédent, à reconnaître que, même si ces ressources appartiennent au patrimoine national, elles n’en ont pas moins été entretenues depuis des siècles par des populations autochtones. Il me semble qu’une consultation de ces populations s’impose, par respect pour elles et pour le service qu’elles rendent à l’ensemble de l’humanité.
Défavorable.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1040 .
L’amendement no 1040 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Compte tenu des explications données par Mme la ministre, et pour accélérer le cours de nos débats, je retire cet amendement.
L’amendement no 1155 est retiré.
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 1245 .
Cet amendement vise à assurer l’information des communautés d’habitants sur l’utilisation des ressources génétiques prélevées.Ces ressources sont entretenues par ces populations : lorsqu’un prélèvement est autorisé par l’autorité compétente, il faut, à défaut de les consulter, au moins les informer de l’usage de ce prélèvement. On ne peut pas accepter que ceux qui ont contribué à maintenir une ressource ne soient pas informés de son usage.
J’accepte de retirer mon amendement, mais je veux redire ici mon souci que soient respectés ceux qui vivent dans ces biotopes et qui les préservent.
L’amendement no 1245 est retiré.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1068 .
Cet amendement fait écho aux discussions que nous venons d’avoir. Conformément aux conclusions du rapport d’information que j’ai rendu au nom de la commission des affaires européennes, il s’agit de préciser, au paragraphe consacré aux procédures d’autorisation pour l’accès aux ressources, qu’une consultation préalable des communautés d’habitants doit être organisée. Si la loi ne la prévoit pas explicitement, une telle consultation risque de ne pas être systématique.
La commission est défavorable à cet amendement. Je vous rappelle, madame la députée, que le paragraphe 1 de l’article 6 du protocole de Nagoya stipule que « l’accès aux ressources génétiques en vue de leur utilisation est soumis au consentement préalable donné en connaissance de cause de la partie qui fournit lesdites ressources, qui est le pays d’origine desdites ressources, ou une partie qui les a acquises conformément à la convention, sauf décision contraire de cette partie. » La partie, ici comme dans tout traité international, c’est l’État.
Même avis.
Ces explications me laissent un peu perplexe. Je suis désolée, mais j’ai l’impression que vous dévoyez l’esprit du protocole de Nagoya ! L’objectif fondamental de ce dispositif, c’est précisément de permettre aux communautés autochtones d’être rétribuées pour l’utilisation de leurs connaissances traditionnelles.
Conditionner cette utilisation à un consentement préalable de ces populations ne me paraît pas contrevenir à cet objectif, qu’elles aient été à l’origine de ces connaissances ou qu’elles en aient été les gardiennes.
Le principe de l’accord de la communauté d’habitants est au fondement même de ce dispositif. C’est pourquoi je soutiens cet amendement, qui vise à conditionner les demandes d’autorisation d’accès à ces ressources au consentement préalable de ces populations. Pourriez-vous, madame la rapporteure, madame la ministre, préciser les raisons pour lesquelles vous vous opposez à ce principe de consultation ?
Je comprends bien vos arguments, mais on ne peut pas faire n’importe quoi avec le protocole de Nagoya. Jee vous rappelle que ce protocole comporte deux volets, l’un relatif à l’accès aux ressources génétiques et l’autre au partage des avantages liés aux connaissances traditionnelles.
L’accès aux ressources génétiques relève de l’État. C’est l’État qui, directement ou indirectement, c’est-à-dire de manière décentralisée, accorde l’accès aux ressources génétiques ; c’est pour l’accès aux connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques que le consentement préalable des communautés d’habitants est requis. Il s’agit de deux articles différents du protocole, d’où les difficultés de compréhension.
Pour le reste, le débat que nous venons d’avoir a permis de répondre à votre demande concernant le consentement des communautés d’habitants.
Vos questions sont judicieuses, madame Sage. S’agissant de la consultation des communauté d’habitants, le problème a été réglé par l’amendement gouvernemental visant à assurer cette consultation via la consultation des conseils d’administration des parcs nationaux. Je voudrais vraiment vous rassurer sur ce point : l’autorisation d’accéder aux connaissances traditionnelles sera toujours précédée par la recherche du consentement des communautés.
C’est un point très important puisqu’il s’agit d’assurer le respect des savoir-faire et des traditions. J’ai évoqué tout à l’heure le pillage du monoï. Avec ce projet de loi, un tel pillage ne sera plus possible.
Je serai très vigilante sur ce sujet et nous aurons l’occasion d’en reparler au moment de l’élaboration des textes d’application de cette loi, notamment des circulaires. Il faudra par ailleurs permettre par tous les moyens aux chercheurs et aux communautés d’habitants de s’approprier le nouveau dispositif législatif. On pourrait ainsi organiser des colloques pour que les chercheurs et les représentants des communautés puissent définir ensemble des modalités concrètes d’application. En tout état de cause, il faudra assurer l’information sur ces droits fondamentaux, qui constituent le socle de cette réforme.
Prenant acte de ce que vous venez de dire, madame la ministre, je retire mon amendement.
Cependant je ne vois toujours pas pourquoi nous ne pouvons pas inscrire dans la loi un principe sur lequel nous sommes tous d’accord. Certes c’est l’État qui négocie, mais il peut associer les populations concernées à ces négociations.
Puisque vous évoquez le monoï, j’ajoute qu’il faudrait que l’État se préoccupe aussi de la façon dont l’ylang-ylang est exploité à Mayotte.
L’amendement no 1068 est retiré.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1097 .
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1154 .
Il s’agit d’un amendement de précision. Par souci d’équité et d’efficacité, et afin de répondre à l’attente d’une décentralisation pleine et entière du dispositif d’accès et de partage des avantages en outre-mer, il nous a paru nécessaire de permettre aux collectivités ultramarines, lorsqu’elles sont compétentes en application de l’alinéa 93 de l’article 18 de ce projet de loi, de fixer elles-mêmes les modalités de délivrance de l’autorisation pour l’utilisation des connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques. Cet amendement propose ainsi de confier aux autorités administratives le soin de définir par arrêté les modalités de délivrance de l’autorisation.
Je vous suggère de retirer cet amendement, qui a été repoussé par la commission.
S’il nous est apparu nécessaire, compte tenu de l’importance des outre-mer dans la biodiversité de notre pays, de décentraliser l’autorité administrative compétente, il faut aussi tenir compte du besoin des utilisateurs, chercheurs et entreprises, de disposer de procédures simples, uniformes et lisibles. Il faut donc conserver des modalités de délivrance uniformes sur tout le territoire national – à l’exception, bien sûr, des collectivités d’outre-mer qui sont compétentes en matière d’environnement. Voilà pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
Je vous suggère à mon tour de retirer cet amendement, qui me paraît un peu dangereux. Si on veut protéger l’autorisation d’accès aux ressources génétiques, il est nécessaire de conserver un cadre cohérent au niveau national. Si les modalités différaient d’un territoire d’outre-mer à l’autre, cela rendrait le dispositif très vulnérable à la compétition : les entreprises et organismes de recherche privés les mettraient en concurrence pour retenir le moins-disant, provoquant ainsi un nivellement par le bas. Les règles de la concurrence libérale sont contraires à l’objectif qui nous est commun.
Dans ce débat très technique, je voudrais être rassuré sur un point. Il me semble que la commission avait adopté une disposition qui permet aux collectivités mentionnées à l’article 73 de la Constitution, à leur demande, d’être l’autorité administrative compétente.
Il faut saluer cette avancée très importante. Si, par exemple, la Guyane veut être autorité administrative, c’est elle qui instruira les demandes liées aux trois niveaux d’accès, qu’il s’agisse des connaissances, de la valorisation commerciale ou de la recherche.
S’agissant de l’avantage financier affecté à la future agence française pour la biodiversité, qu’elle pourra reverser aux institutions concernées, cela ne pose pas de problème lorsque la communauté d’habitants est reconnue en tant que telle, et c’est un progrès. En revanche, cette définition peut poser problème s’agissant des retombées pour les populations elles-mêmes, pour lesquelles l’usage de ces ressources et les connaissances associées constituent une richesse patrimoniale.
Ceci étant dit, la possibilité pour une collectivité d’exercer les fonctions de l’autorité administrative me semble de nature à renforcer significativement le pouvoir local. C’était d’ailleurs l’objet d’un amendement que j’avais déposé en commission
L’amendement no 1154 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1051 .
Cet amendement vise à rendre automatique le refus d’autorisation au cas où l’une des conditions énumérées n’est pas remplie. Cela constituerait une garantie juridique et permettrait de ne pas laisser trop de place à la subjectivité de l’autorité chargée de délivrer l’autorisation d’accès aux ressources génétiques. Cet amendement vise à écarter tout risque d’interprétation personnelle qui pourrait interférer dans la prise de décision.
Cet amendement, qui vise à obliger l’autorité compétente à refuser une demande d’autorisation d’accès aux ressources génétiques, est contraire au principe général de motivation par l’administration d’une décision ce refus. Les alinéas 60 à 63 énumèrent trois motifs de refus possible. Toutefois, il convient de laisser la possibilité à l’administration de tenir compte des particularités de chaque demande. Je suis défavorable à cet amendement car on ne peut pas tout anticiper ni tout prévoir. Au demeurant, le projet de loi encadre rigoureusement le refus d’autorisation.
L’amendement no 1051 est retiré.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1521 .
L’amendement no 1521 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Il vise à régler le problème des contributions financières susceptibles d’être versées par les entreprises au titre du partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques françaises.
La commission avait insisté sur le besoin de prévisibilité, tant pour le détenteur que pour l’utilisateur, mais aussi sur la nécessité d’une juste répartition des avantages financiers entre ceux-ci. C’est pourquoi elle est favorable à cette nouvelle rédaction, qui introduit dans la loi les modalités de calcul sous la forme d’un pourcentage.
Je tiens à saluer l’avancée proposée par Mme la ministre. J’avais d’ailleurs déposé un amendement de même nature, avant de le retirer parce qu’il apparaissait trop compliqué. En tant que parlementaires, nous ne pouvons que remercier le Gouvernement de proposer des modalités précises de reversement. Le taux de 5 % a en outre l’avantage de ne pas pénaliser les TPE ni les PME.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 1416 rectifié .
L’amendement no 1416 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Dans le même objectif de partage équitable des ressources et des bénéfices, cet amendement vise à étendre la possibilité de versement d’une quote-part des contributions financières à d’autres collections que celles mettant gratuitement les échantillons à disposition.
En effet, les collections nationales, comme celles du Muséum national d’histoire naturelle, ou les laboratoires nationaux de référence, comme ceux de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – l’ANSES –, remplissent une mission de service public. Il est donc juste et équitable qu’ils puissent eux aussi bénéficier du partage des avantages dans les cas d’utilisation commerciale des ressources génétiques françaises.
L’avis de la commission ne peut qu’être favorable à un dispositif que nous avions nous-même proposé. Le Gouvernement a même étendu son champ d’application. Nous sommes donc totalement satisfaits.
L’amendement no 1551 est adopté.
Le projet de loi ne prévoit pas d’associer les communautés d’habitants à la négociation et à la signature du contrat de partage des avantages découlant de l’utilisation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques. Leurs représentants doivent être partie au contrat.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 407 .
Je souscris aux propos de M. Cinieri. J’insiste sur l’importance d’associer les représentants de l’ensemble des parties au contrat.
La commission a repoussé ces amendements. Il est nécessaire qu’un seul signataire puisse être garant de la consultation. En effet de nombreuses communautés d’habitants ne disposent pas de la personnalité juridique, ni même d’un représentant habilité à signer un contrat en leur nom. Dans d’autres cas au contraire, la qualité de représentant est revendiquée par plusieurs acteurs. Pour sécuriser le dispositif, il faut qu’une personne morale de droit public soit l’interlocuteur de tous les utilisateurs.
Même avis.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1158 .
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 1247 .
Votre amendement est satisfait en ce que l’amendement no 1247 le reprend en partie. En revanche, je suis défavorable à l’insertion des mots « coutumières ou traditionnelles » car je crains que la définition proposée ne soit trop restrictive. Par définition, les communautés d’habitants comprennent les structures coutumières et traditionnelles, mais les représentations pertinentes des communautés d’habitants ne se limitent pas à celles-ci. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à la deuxième partie de votre amendement et non à la première, même s’il a le mérite de contribuer à la définition des communautés d’habitants.
L’amendement no 1157 est retiré.
L’amendement no 1247 est adopté.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1052 .
Cet amendement rédactionnel vise à supprimer la locution « en tant que de besoin », qui laisse à penser que la consultation revêt un caractère facultatif et non obligatoire. La personne morale de droit public chargée de mener à bien la consultation doit s’assurer, comme le préconise le rapport de la commission du développement durable, d’un niveau d’information aussi équilibré que possible entre les différentes parties prenantes – communauté d’habitants, autorités administratives et utilisateurs – et consigner sur procès-verbal le résultat de la consultation, tant sur le consentement préalable que sur le partage des avantages. L’étape de la consultation est donc essentielle pour mener à bien cette mission. Elle ne doit pas être organisée « le cas échéant » ou « si besoin », comme le laisse penser l’emploi de cette locution : elle doit être obligatoire. C’est pour lever cette ambiguïté qu’il convient de supprimer ladite locution.
Avis défavorable. La consultation est obligatoire lorsqu’il existe une personne morale qu’il est possible de consulter. Lorsqu’il n’y en a pas, cela est impossible. Mieux vaut donc garder cette locution.
Même avis. Cet amendement est intéressant mais il n’est pas opportun de rendre obligatoire la consultation d’institutions ou d’organes qui n’existent pas partout. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L’amendement no 1052 est retiré.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1053 .
L’amendement no 1053 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1159 .
L’amendement no 1159 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1041 .
Si l’alinéa 77 de l’article 18 du projet de loi précise que la personne morale détermine les modalités d’information adaptées aux communautés d’habitants concernées, il n’est pas expressément indiqué que les modalités de consultation doivent elles aussi être adaptées aux communautés d’habitants – informer n’est pas consulter. Se pose donc la question des modalités de participation et de déroulement de la consultation des communautés d’habitants. En tout état de cause, la procédure doit être adaptée à chaque territoire en tenant compte des spécificités locales. Il faut donc s’assurer de la participation effective des communautés d’habitants dans les démarches consultatives, ce qui peut présenter de nombreuses difficultés, notamment pour recueillir des avis représentatifs eu égard au particularité du territoire. L’expérience montre que certaines communautés sont moins structurées que d’autres – je pense notamment à la Guyane.
Madame Auroi, votre préoccupation est satisfaite par l’alinéa 76, qui prévoit que la personne morale de droit public détermine des modalités d’information adaptées aux communautés d’habitants concernées. Pour le Parc amazonien de Guyane, pour citer un exemple différent de celui que vous avez choisi, des procédures adaptées ont été mises en place sans passer par la loi. Il faut faire confiance aux acteurs du terrain pour mettre en place des procédures adaptées. C’est pourquoi la commission a repoussé votre amendement.
Même avis.
L’amendement no 1041 n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1248 et 1160 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 1248 .
Le procès-verbal où seront indiqués les résultats de l’information et de la consultation des populations autochtones doit aussi préciser les raisons d’un éventuel résultat négatif. N’est en effet évoqué que le consentement, mais il est intéressant que l’autorité administrative qui délivre l’autorisation puisse connaître les raisons pour lesquelles les communautés autochtones refusent l’accès à l’utilisation d’un savoir-faire.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1160 rectifié .
La commission est favorable à l’amendement no 1160 rectifié qui lui semble plus explicite que l’amendement no 1248 , auquel elle est par conséquent défavorable.
Le Gouvernement est également favorable à l’amendement de M. Serville, qui est plus précis en ce qui concerne le procès-verbal de la consultation des communautés d’habitants. Je vous invite donc, madame Berthelot, à vous y rallier.
L’amendement no 1248 est retiré.
L’amendement no 1160 rectifié est adopté.
Cet amendement conforte celui que nous venons d’adopter. En effet, la rédaction de l’alinéa 81 prévoit que l’autorité administrative prend sa décision « au vu du procès-verbal ». Il ne me semble pas qu’il s’agisse d’une notion juridique formellement établie : je propose donc, par cet amendement, que l’autorité prenne une décision « conformément au consentement préalable et aux conditions consignés dans le procès-verbal ». Celui-ci doit vraiment être le document très officiel sur la base duquel l’autorité administrative s’appuie, en cas de consentement comme en cas de refus.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1161 .
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1054 .
La commission a repoussé ces amendements parce qu’ils sont satisfaits par la combinaison des alinéas 80 et 81 de l’article 18. En effet l’alinéa 80 prévoit que le procès-verbal consigne le déroulement de la consultation et son résultat, et l’alinéa 81 dispose qu’au vu du procès-verbal, l’autorité administrative autorise ou refuse, en partie ou en totalité, l’utilisation des connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques. L’autorité administrative sera donc obligée de vérifier tous ces éléments : c’est une condition sine qua non pour que des connaissances traditionnelles soient utilisées. La précision que vous proposez est donc quelque peu redondante, et c’est pourquoi la commission a repoussé ces amendements.
Il s’agit de renforcer l’obligation du consentement préalable des communautés d’habitants à l’utilisation de leurs connaissances traditionnelles. La rédaction actuelle du projet de loi n’affirme pas expressément cette obligation.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 408 .
Le projet de loi laisse à l’autorité administrative le pouvoir de décider seule d’accorder ou de refuser l’utilisation des connaissances traditionnelles au vu du seul procès-verbal dressé par la personne morale de droit public chargée de recueillir le consentement des communautés. Il faut donc renforcer l’obligation de consentement préalable de ces communautés.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1098 .
Il est également défavorable.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1162 .
Cet amendement vise à rendre obligatoire la divulgation de l’origine de la ressource génétique ou du savoir traditionnel associé et à soumettre la recevabilité de la demande de brevet au respect cette obligation. Cette obligation est un des objectifs poursuivi par le Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’OMPI.
L’amendement no 1162 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 836 .
Il est important de préciser que le consentement doit également porter sur les conditions d’utilisation.
Même avis.
L’amendement no 836 est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1444 .
Le projet de loi prévoit que le procès-verbal prévu à l’alinéa 80 consigne le déroulement de la consultation et son résultat, tant en ce qui concerne le consentement préalable, donné en connaissance de cause, qu’en ce qui concerne le partage des avantages, lorsqu’un accord est intervenu entre les parties. La consultation porte donc à la fois sur le consentement préalable et sur le partage des avantages, lorsqu’il existe. La décision prise sur chacun de ces points est consignée dans le procès verbal. L’autorité administrative accorde ou refuse, totalement ou partiellement, au vu de ce procès verbal, l’utilisation des connaissances traditionnelles associées.
Il est donc proposé par cet amendement de préciser, par parallélisme, que la personne morale de droit public se réfère également à ce procès-verbal pour négocier et signer avec l’utilisateur le contrat de partage des avantages traduisant l’accord auquel les parties sont parvenues. Un tel visa est d’ailleurs prévu à l’article L. 412-8 du code de l’environnement qui concerne le mandat de la personne morale.
Il est favorable.
L’amendement no 1444 est adopté.
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement no 852 .
Cet amendement, qui tend à préciser le fonctionnement des assemblées délibérantes, n’a pas sa place dans la loi, ce type de dispositions relevant de l’organisation interne de ces assemblées.
L’amendement no 852 est retiré.
Il s’agit de préciser l’étendue de la responsabilité des détenteurs de collections françaises de ressources génétiques, notamment au regard du règlement européen no 5112014 du 16 avril 2014. Cet amendement vise à déterminer où s’arrête cette responsabilité lorsqu’ils mettent des échantillons à la disposition de chercheurs ou d’entreprise. Ce règlement est en vigueur depuis le 12 octobre 2014, date d’entrée en vigueur du protocole de Nagoya. Il sera pleinement applicable, ainsi que ses actes d’exécution, le 12 octobre 2015.
Les collections françaises mettent chaque année des milliers d’échantillons à la disposition de chercheurs et d’entreprises françaises et étrangères. Le Muséum national d’histoire naturelle, par exemple, détient plus de soixante-dix millions d’échantillons. Le règlement européen précité impose aux chercheurs ainsi qu’aux entreprises menant des recherches sur des ressources génétiques de faire preuve de la « diligence nécessaire » pour connaître l’origine de ces ressources et se conformer au protocole de Nagoya. Ce règlement pose clairement que cette obligation pèse sur les utilisateurs de ressources génétiques et non sur les détenteurs de collections. Le Muséum national d’histoire naturelle tient à être rassuré sur ce point, ce qui est tout à fait légitime.
Enfin, le même règlement européen prévoit la possibilité de labelliser des collections à la demande de leurs détenteurs. Après examen de leurs capacités, et notamment des procédures de suivi des échantillons versés en collection et mis à disposition, la France pourra ainsi labelliser ces collections. Cela permettra de renforcer leur attractivité, notamment auprès du monde de la recherche et des entreprises européennes qui sont soumises à ce même règlement.
L’amendement no 1478 est adopté.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 100, relatif à la gestion des ressources génétiques d’origine étrangère. En effet cet alinéa s’avère désormais inutile, s’agissant de ressources génétiques provenant de pays étrangers présentes dans les collections françaises. La suppression de cet alinéa ne dispensera pas les détenteurs de collections françaises de s’assurer qu’ils sont en conformité avec le protocole de Nagoya ainsi qu’avec les législations étrangères prises à ce titre.
Dans le cas de collections de ressources génétiques ou de connaissances traditionnelles associées constituées avant la date d’entrée en vigueur de la loi, les procédures d’accès et de partage des avantages s’appliquent à toute nouvelle utilisation de ces ressources génétiques ou connaissances traditionnelles associées, définie comme toute activité de recherche et de développement dont les objectifs et le contenu se distinguent de celles précédemment menées par le même utilisateur. C’est un amendement de cohérence avec mon amendement no 895 .
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 926 .
L’amendement no 926 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement vise à préciser que les opérations de conservation des races animales ne sont pas concernées par les dispositions du titre IV.
L’amendement no 1458 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1056 rectifié et 1164 .
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1056 rectifié .
Cet amendement vise à étendre le régime français d’APA aux entreprises françaises opérant à l’étranger. Il faut veiller à ce que celles-ci ne se livrent pas à des actes de biopiraterie sur les ressources génétiques in situ dans d’autres pays fournisseurs de ressources génétiques et de savoirs traditionnels associés.
En tant que pays fournisseur de ressources génétiques et de savoirs traditionnels associés comme en tant que pays utilisateur de ces ressources et de ces savoirs, la France se doit d’adopter un régime particulièrement protecteur et exemplaire, propre à prévenir la biopiraterie à laquelle ses entreprises nationales pourraient se livrer hors de son territoire. On ne peut pas observer une règle pour son territoire et y contrevenir dès qu’on est à l’étranger.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1164 .
On comprend bien où vous voulez en venir mais une telle disposition pose des problèmes d’applicabilité, de contrôle et de sanction.
Le premier paragraphe de l’article 15 de la convention sur la diversité biologique reconnaît le droit souverain de chaque pays à légiférer sur les ressources génétiques. Le paragraphe 3 du même article précise que seules les ressources génétiques fournies par les parties qui sont les pays d’origine ou qui les ont acquises conformément à la convention peuvent se voir appliquer les dispositions sur l’accès et le partage des avantages. Si un État choisit de ne pas légiférer ou de ne pas être partie au protocole de Nagoya, c’est en connaissance de cause, pour des ressources génétiques sur lesquelles il dispose d’un droit souverain. La France se doit de respecter ce choix. Le dispositif d’APA ne concerne d’ailleurs pas les ressources génétiques prélevées en dehors du territoire national.
Une telle disposition créerait une insécurité juridique et une distorsion de concurrence au détriment des entreprises françaises situées dans des pays qui n’adhèrent pas à ce protocole. C’est la raison pour laquelle la commission a repoussé ces amendements.
Défavorable. La France doit respecter le principe d’extraterritorialité et la souveraineté des pays étrangers, et ce dispositif serait totalement inapplicable.
Cela dit, vous avez raison de tirer la sonnette d’alarme. Il faudra peut-être un jour mettre en place un dispositif de traçabilité. Nous pourrions d’ores et déjà promouvoir les bonnes pratiques et établir un cahier des charges pour assurer la traçabilité des ressources génétiques. La France serait ainsi à l’avant-garde dans la définition de nouvelles méthodes de traçabilité, de transparence et d’application des règles de juste répartition des ressources que nous sommes en train d’élaborer.
Les amendements identiques nos 1056 rectifié et 1164 sont retirés.
Le Gouvernement lève suppression du gage proposé par Mme la rapporteure, en vertu de l’article 40 de la Constitution, pour compenser la baisse de recettes pour l’État du versement aux collections françaises d’une quote-part sur les contributions reçues par l’agence française pour la biodiversité.
L’amendement no 1553 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 18, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement no 927 .
L’amendement no 927 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous sommes au coeur du dispositif car celui-ci ne pourrait pas être opérationnel si nous ne nous montrions pas suffisamment rigoureux sur la question du contrôle.
L’article 19 définit les agents habilités à effectuer des contrôles et à relever les infractions pénales au régime de l’accès aux ressources génétiques et au partage des avantages. Ces agents mèneront des contrôles sur site, à la demande des autorités compétentes, françaises ou de pays tiers, de manière inopinée ou en cas de soupçon de non-respect des règles d’accès aux ressources génétiques.
Outre les officiers et les agents de police judiciaire, les agents habilités pour rechercher et pour constater ces infractions appartiennent à des polices hautement spécialisées, en particulier les inspecteurs de l’environnement et les agents habilités à relever les infractions relatives à la protection des espèces menacées et spécialisés dans la connaissance de la biodiversité, les agents des douanes et les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui seront spécialisés dans les questions de mise sur le marché de produits. Nous devrons d’ailleurs mettre en place un programme de formation de ces agents pour qu’il puissent assurer les nouvelles missions qui leur seront confiées par la loi.
Cet amendement vise à permettre aux agents assermentés du ministère de l’agriculture d’effectuer ces contrôles. Ces contrôles sont en effet très spécifiques à chaque domaine concerné et, pour qu’ils soient efficaces, ils doivent pouvoir être réalisés ou supervisés par des spécialistes. Or les agents du ministère chargé de l’agriculture désignés à cet effet disposeront des compétences techniques nécessaires, complémentaires à celles des inspecteurs de l’environnement et des autres agents habilités pour les réaliser.
Si 4 000 inspecteurs de l’environnement disposent de compétences en matière de biodiversité, les contrôles des dispositions relatives à l’accès aux ressources génétiques et au partage des avantages seront assurés par un nombre très limité d’entre eux, et des compétences techniques dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation seront nécessaires pour constituer un dispositif cohérent et efficace.
Vous voyez que le Gouvernement a le souci de mettre en place dès le vote de la loi les moyens humains nécessaires pour appliquer concrètement les dispositions que la représentation nationale s’apprête à adopter.
L’amendement no 1459 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 19, amendé, est adopté.
Les produits naturels criblés par les entreprises ne génèrent qu’un faible retour sur investissement puisqu’une infime proportion de ces produits atteint le stade de la mise sur le marché. La valorisation des ressources naturelles est donc un processus très aléatoire, extrêmement complexe et coûteux pour les entreprises.
L’amende de 150 000 euros est disproportionnée au regard des dommages causés à la protection du patrimoine naturel tels qu’ils sont sanctionnés à l’article L. 415-3 du code de l’environnement. C’est pourquoi il est proposé de réécrire le dispositif de sanction afin de le rendre plus réaliste et applicable.
L’amendement no 897 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’alinéa 5 prévoit que l’amende de 150 000 euros est portée à un million d’euros dans le cas où l’utilisateur de ressources génétiques ou de connaissances traditionnelles ne dispose pas des documents mentionnés au 3 de l’article 4 du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation lorsqu’ils sont obligatoires, dans le cas où cette utilisation a donné lieu à une valorisation commerciale.
Cette majoration est disproportionnée au regard des bénéfices engendrés par l’utilisation commerciale de ressources génétiques. Elle est également disproportionnée au regard des dommages causés à la protection du patrimoine naturel. Enfin, le critère d’utilisation commerciale n’est pas défini, ce qui est source d’insécurité juridique pour l’utilisateur.
Cet amendement, comme le précédent, vise à rendre le système de sanction plus réaliste et applicable.
La commission a repoussé cet amendement. Le chiffre d’un million d’euros n’ est qu’un plafond. Je vous rappelle par ailleurs que ce qui est sanctionné, c’est l’absence de document de conformité. L’utilisation commerciale des ressources génétiques par certaines grandes entreprises générant des profits pouvant être extrêmement élevés, il faut que la sanction de l’illégalité soit proportionnée à ces montants.
Défavorable.
Certes le juge ne prononcera pas nécessairement le maximum de la peine mais plus son plafond sera élevé, plus l’amende sera lourde. Il me semble que l’on pourrait prévoir des montants plus raisonnables s’agissant d’une législation toute nouvelle, à laquelle il faudrait laisser aux entreprises, qui sont pour la plupart de bonne foi, le temps de s’adapter.
L’amendement no 898 n’est pas adopté.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l’amendement no 1165 .
Le projet de loi prévoit une amende d’un million d’euros lorsque l’utilisation des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels sans autorisation donne lieu à une utilisation commerciale.
Un tel montant n’est pas dissuasif pour les grandes entreprises. En revanche, il paraît disproportionné pour les petites et moyennes entreprises…
…dont beaucoup ont été impliquées dans des cas de biopiraterie. Une amende assise sur le chiffre d’affaires de l’entreprise paraît plus adaptée aux différents cas de biopiraterie.
Je rappelle que la Commission européenne peut infliger aux entreprises ne respectant pas certaines règles du droit de la concurrence une amende administrative d’un montant maximal de 10 % du chiffre d’affaires qu’elles ont réalisé sur le plan mondial.
La commission a repoussé cet amendement. Une infraction doit être sanctionnée d’une amende et celle-ci doit être assortie d’un plafond, sinon on ne peut pas avancer.
Asseoir la sanction financière sur le chiffre d’affaires en cas d’utilisation commerciale présente un intérêt pour dissuader les grandes entreprises d’utiliser illégalement des ressources génétiques mais, sur le plan pénal, la modulation de la sanction selon le type d’utilisation de la ressource génétique constitue une atteinte au principe d’égalité, sans compter qu’une telle différence serait très difficile à caractériser. Par ailleurs, la gravité du pillage n’est pas forcément fonction du chiffre d’affaires.
C’est au juge qu’il revient, selon le droit pénal, de prononcer une sanction proportionnée à la fraude. En outre, des critères plus précis risqueraient de se révéler contre-productifs en privant le juge de sa liberté d’apprécier la gravité du pillage.
Enfin les entreprises qui comptent des filiales pourront dissimuler le montant de leur chiffre d’affaires dû au pillage de ressources génétiques.
L’amendement no 1165 est retiré.
Cet article prévoit, à titre de peine complémentaire, l’interdiction, pendant une durée ne pouvant pas excéder cinq ans, de solliciter une autorisation d’accès aux ressources génétiques ou à certaines catégories d’entre elles et aux connaissances traditionnelles associées en vue de leur utilisation commerciale.
Cette durée de cinq ans est disproportionnée au regard des dommages causés par le non-respect de la procédure d’autorisation. Par ailleurs, une interdiction d’une telle durée aurait pour conséquence de mettre en péril des activités majeures de recherche et développement, voire d’y mettre fin.
Nous sommes là au coeur du dispositif : si nous voulons que les principes que nous sommes en train de mettre en place soient opérationnels, il faut que les peines soient dissuasives. Cette peine complémentaire permet de renforcer le caractère dissuasif de la sanction, dans la mesure où elle hypothèque effectivement les programmes de recherche futurs sur des ressources génétiques. Cette sanction n’a pas de caractère systématique, puisque le juge aura toute latitude pour fixer la durée de l’interdiction de solliciter une autorisation d’accès aux ressources génétiques.
C’est une sanction très dissuasive des abus, mais également de la récidive. Il faut se donner les moyens de sanctionner, faute de quoi ces principes seront contournés. Il est très important que la loi soit très sévère si on veut de l’ordre juste, et efficace, dans ce domaine comme partout. Je suggère donc le retrait de cet amendement laxiste.
Sourires.
Nous ne sommes pas des laxistes, pas plus que vous n’êtes des ultra-sécuritaires !
Sourires.
Rendez-vous compte : alors que nous sommes en train de définir des droits et des obligations nouveaux pour les entreprises, nous nous empressons de les menacer d’une amende d’un million d’euros et d’une interdiction de travailler pendant cinq ans, soit ni plus ni moins de la peine de mort ! S’agissant d’une législation nouvelle, il faut faire preuve de modération. Il me semble qu’il vaut mieux réduire la peine complémentaire à sa plus simple expression puisque l’ amende elle-même peut déjà atteindre un million d’euros.
L’amendement no 899 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 1057 .
Cet amendement va à l’opposé de l’amendement qui vient d’être défendu. Le projet de loi prévoit une peine complémentaire pour les personnes physiques ou morales coupables des infractions en cause : elles pourront se voir interdire, pendant une durée ne pouvant pas excéder cinq ans, l’autorisation d’accès aux ressources génétiques. Cela signifie que, si elles ne respectent pas les conditions prévues par l’article 4 du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux mesures concernant le respect par les utilisateurs dans l’Union du protocole de Nagoya, notamment en matière de partage et de transmission des informations, elles peuvent être provisoirement privées de la possibilité de solliciter une demande, en vue d’une utilisation commerciale, d’autorisation d’accès aux ressources génétiques, ou à certaines catégories d’entre elles, et aux connaissances traditionnelles qui y sont associées.
Si cet objectif est louable – je salue à cet égard ce que vous venez de dire, madame la ministre –, la peine encourue paraît insuffisante au regard des préjudices possibles. Si certains ne sont pas graves, d’autres peuvent porter atteinte à la biodiversité. Il faut donc que la sanction soit dissuasive. C’est pourquoi cinq ans devrait être la durée minimale de l’interdiction.
Le législateur ne peut pas fixer de sanction indéfinie : il méconnaîtrait sa propre compétence en fixant un plancher de peine et en déléguant au juge le soin d’établir l’échelle des peines. Une telle disposition serait donc entachée d’inconstitutionnalité. Comme pour la peine principale, la loi doit déterminer un plafond pour la peine complémentaire. Il appartient au juge de déterminer la sanction proportionnée, en prononçant ou non la peine complémentaire, dans la limite fixée par la loi. Pour ces deux raisons, nous n’avons pas accepté cet amendement.
À voir les deux derniers amendements, il semble que le texte dont nous débattons soit un juste équilibre ! Je propose donc que nous préservions cet équilibre et je vous suggère de retirer votre amendement, Mme Auroi.
Sourires.
L’amendement no 1057 est retiré.
Il ne s’agit pas d’un amendement laxiste, ce mot ne faisant pas partie de mon vocabulaire.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
Pour moi, la durée de cinq ans est disproportionnée au regard des dommages causés par le non-respect de la procédure. Je vous propose donc de la porter à deux ans.
Je rappelle que la durée de cinq ans est un maximum : qui peut le plus peut le moins. Votre amendement est donc satisfait, monsieur Cinieri, et je vous suggère de le retirer.
L’amendement no 900 n’est pas adopté.
Vous gardez la parole, monsieur Cinieri, pour soutenir l’amendement no 901 .
L’extension du champ d’application de la peine complémentaire à l’ensemble des ressources génétiques est disproportionnée et aurait pour conséquence de mettre en péril des activités majeures de recherche et développement. Je propose donc de restreindre ce champ aux ressources génétiques concernées.
L’amendement no 901 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 20 est adopté.
L’article 21 est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité et de la proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly